1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 es les forces du temps y concourent obscurément ; et , pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuel
2 s années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une époque déjà presque
3 lainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et ma
4 étisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le
5 imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une
6 admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nou
7 nt. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Fo
8 nds Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du typ
9 proché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité unive
10 a vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
11 . Il passe son enfance à jouer avec des outils, «  et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus
12 achine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. »
13 onde tôt après la Société des automobiles Ford, «  et commence à réaliser son rêve, le type unique d’automobile utilitaire 
14 eu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus
15 s usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une soluti
16 ne solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement d
17 des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’o
18 éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour
19 la popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t
20 ore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économis
21 re quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, métho
22 l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
23 l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et , comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditi
24 rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’action
25 s c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir
26 industriel comptait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psycho
27 de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
28 asie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparen
29 at et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dan
30 ction s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais
31 rogressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusq
32 er jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
33 consiste à travailler pendant le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant
34 ail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles, composent, au total, la grande Liberté idéale
35 es, composent, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Lib
36 e d’huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur qu
37 es rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la soc
38 n : « Sur quoi repose la société ? Sur les hommes et les moyens grâce auxquels on cultive, on fabrique, on transporte. » «
39 lus naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
40 nous ne concernent pas particulièrement les autos et les tracteurs, mais composent en quelque manière, un code universel !
41 issent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la f
42 nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout not
43 dirigés uniquement vers la production matérielle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais
44 irer des conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il t
45 s forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros pu
46 it prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable err
47 ligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de
48 : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière
49  » derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de
50 nce de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en
51 tinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leur culture », dit Ford
52 ur admirer mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tr
53 ens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout.
54 al et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans q
55 Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « e
56 en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber pre
57 tir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1° Accepter la
58 s un anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans cette mécanique bien huilée, au mouvement si rég
59 mouvement si régulier qu’il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géo
60 hiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures
61 t l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifé
62 ement encore que son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit do
63 d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui,
64 rs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue, sommeil sans prière. Cela s’ap
65 de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêt
66 us les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette harmonie universelle, incapabl
67 pable d’en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragiq
68 ême à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires
69 la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le cont
70 Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et inter
71 , avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fa
72 a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou compris par soi-même, la li
73 avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscie
74 oi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses b
75 use dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a d
76 ce de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné une auto pour admirer la na
77 a donné une auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauva
78 que, l’Occidental a prétendu maîtriser la matière et parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exig
79 ui nous la firent désirer. 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibil
80 oments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement
81 active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engren
82 anc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur 
83 ôté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réaction
84 me. Second pas : en poser les termes avec netteté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1.
85 s livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Da
86 du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue
87 ngue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambo
88 . 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926.
89 5. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici et là, la révolte perce : « Jugendbewegung » en Allemagne ; surréalisme
90 . a. Rougemont Denis de, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
91 notre condition humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité égale
92 t les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funestes, également démesurées, l’homme ne peu
93 isme l’art de composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons dé
94 de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire en
95 timent d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une
96 re entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une harmonie à sauvegarder au sei
97 à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans l’allure de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir
98 achines : elles avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et l
99 ’apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe q
100 i, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîmes le matérialisme mener son morne triomphe. Certes, la plupa
101 , officiellement, l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’
102 té pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’enraye
103 e l’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste
104 ar la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde
105 es, sans doute… Mais tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’u
106 un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme p
107 prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de
108 des limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours prévalu parmi les
109 Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours prévalu parmi les peuples germaniques, où son p
110 Européen, voici l’Américain à rendement maximum. Et comptez que l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu
111 prend lui-même qu’en tant qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’un ordre transcendental. Un seul fut parfaite
112 nventé trop d’êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme,
113 . Tout humanisme véritable conduit « au seuil » : et qu’irions-nous lui demander de plus, s’il laisse en blanc la place de
114 ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’est l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablemen
115 scours prononcé à l’Académie des sciences morales et politiques, en 1914, a posé le problème en termes fort nets. (Cités p
116 de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note su
117 ursuivi des études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revues suisses et françaises. Il pr
118 Genève. Il a collaboré à diverses revues suisses et françaises. Il prépare trois volumes (Essais, Romans, Voyages). »
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
119 nts, décrivait la révolution communiste en Chine, et la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, co
120 it justement d’exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9, est, cr
121 us dépouillé, plus inégal aussi à certains égards et qui cette fois ne montre pas l’homme aux prises avec l’humanité civil
122 st une sorte de roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit
123 militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel l’auteur prête des caractéristiques qui le rapprochent du Gari
124 d’autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas compl
125 » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la révolte d’un être pour qui la mor
126 ait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par un intellectualisme an
127 t significatif de notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, — le cas Perken si vous voulez. Les p
128 ment marqué que leurs particularités extérieures, et c’est sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué
129 qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui permet de les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénom
130 up d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoport
131 aître ? Ainsi apparaissent au travers des actions et des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité
132 moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblabl
133 mêmes parce que plus cohérent, plus représentatif et plus accompli. Perken-Garine est la personnification la plus frappant
134 otre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne que Malraux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mie
135 pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’eussent vraisemblablement pas fait encourir à notre auteu
136 mpte rendu] André Malraux, La Voie royale  », Foi et Vie, Paris, février 1931, p. 78-81.
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
137 que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une m
138 e qui vaut surtout par l’attitude qu’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien marxiste. Citon
139 ste. Citons quelques phrases qui donneront le ton et les thèmes principaux : J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne
140 r à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et les massacres en Chine, les emprisonnements au Tonkin. Et non Bouddha
141 assacres en Chine, les emprisonnements au Tonkin. Et non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle
142 t non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses pos
143 é. Il demeure un résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté
144 ar leur nom, à préférer toujours le « distingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser un
145 contempler « ce résidu impitoyable, descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’ess
146 omme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’être possible dès maintenant. Mais
147 olâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. 
148 rentrant à Marseille voit de loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premiers em
149 d’hommes dans les églises que dans les prisons, —  et des hommes qui viendront y trouver leur liberté. Mais pourquoi dira-
150 Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs
151 ute reviendra souvent dans les chroniques de Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilis
152 nce prononcée au Foyer des étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février
153 ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’e
154 déaliste se substitue inévitablement à l’Esprit — et cette fois nous avons affaire à quelqu’un. Mettons-le en présence du
155 ontemporain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et qu’il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en
156 e. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né
157 réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir les avatars. Tout cela, disons-le nettemen
158 s-le nettement, est d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un ma
159 e une philosophie religieuse concrète d’une part, et le matérialisme historique de l’autre. La preuve, je m’amuse à la vo
160 lleurs, qu’en cette commune antipathie, M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté d’autant plus significative qu’i
161 it-on souvent en lisant les critiques marxistes — et c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si
162 es — et c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucu
163 ous — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical
164 uête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15. « Remarques sur l’irréligion contemporaine ».
165 ont Denis de, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184-189.
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
166 teur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette
167 sse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de pe
168 ffiche et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron
169 rtész… L’avant-garde parisienne la plus fringante et bariolée. Il y a là quelque mystère ; demandons-en l’explication à la
170 catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir
171 cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et de la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n
172 être enfermés dans un moralisme étriqué, ennuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n’étions pas raisonnables, nous
173 ait, la nuit, dans les chambres où les curiosités et les enthousiasmes en désordre s’agitaient entre les murs d’où nous ar
174 entre les murs d’où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La confiance, la sincérité, l’amitié, s’a
175 en qui nous aimions tout : le pasteur, le peintre et le fou, semait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la v
176 emait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf :
177 es mots « forme », « couleur », « architecture ». Et Dieu avait une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre cie
178 dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beauco
179 e ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui expliqu
180 up d’objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux de beaucoup, le choix des œuvres exposées. Il n
181 ir du premier vernissage en une sympathie sincère et souvent fort admirative. Le titre de l’exposition, si l’on y prend bi
182 doivent à leur origine ou à leur foi réformée, —  et si ces traits ne constituent pas, en définitive, les éléments d’un ar
183 e possible d’artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il de spécifiquement protest
184 c un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le
185 etits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très
186 us. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des
187 et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’art protes
188 de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art
189 pe-l’œil, ne dissocie jamais la recherche du beau et le goût intransigeant du vrai, c’est le trait le plus évidemment « pr
190 e de la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un tel art seront conditionnés par un renouveau do
191 ont conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la créat
192 ’une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’estompe, moins l’art montre d’accent
193 eux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une
194 relâche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de ce
195 catholique bénéficie certainement, pour lui-même et aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’apparei
196 spécifiquement catholiques, concernant la Vierge et les saints. En deux mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a
197 exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274-277.
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
198 hique, mais un bel ensemble d’observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misères d’une ère mécanici
199 ons justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misères d’une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du mo
200 les masses veulent conquérir des biens spirituels et matériels réservés autrefois à ceux-là seuls qui, par leur naissance
201 uir convenablement. Il faut organiser la conquête et la distribution de ces biens : d’où la technique. Cette prétention de
202 é est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du procha
203 yserling. Nous traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui
204 tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « formidablement ennuyeux » — un idéal de risque qui redonne à toutes
205 eulement adaptation, nous ajoutons régénération ; et lorsqu’il dit spiritualité, nous pensons connaissance mystique. g.
206 enis de, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 287-288.
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
207 ient de traduire un autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. An
208 il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie
209 ins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve 
210 es grandes œuvres romanesques : une individualité et un milieu social bien défini. À ces deux éléments s’en ajoute un troi
211 histoire, dit l’auteur dans sa préface, lisez-la, et si vous la lisez, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ils
212 Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’adme
213 in à des êtres d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longte
214 les week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le roman mondain — entendons mondain par le cadre et les perso
215 le roman mondain — entendons mondain par le cadre et les personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle
216 quand la situation n’est plus tenable à Londres, et l’histoire continue, pour notre agrément. Mais surtout, cette vie dén
217 t de se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur hum
218 ndains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mérite le plus rare de ce livre est sans dou
219 s rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une vie. M. Baring
220 qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement
221 ême l’élément le plus convaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une vie
222 erront-là une condamnation des passions humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de ce
223 , elle est l’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance ave
224 ’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance avec les Affini
225 es jugements contradictoires qu’elles provoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette longue confusion de plai
226 d’une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentement aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette
227 icite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé qu’elle atteint en cer
228 ne thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’il consacre à la « conversion »
229 lentit, au contraire, fâcheusement en ces pages — et qui s’explique si l’on a lu la phrase par quoi se termine un précéden
230 licane « de naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucune pression
231 iment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que cette femme, qui a subi sans les mettre jam
232 pas d’autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souhait (ni plus ni moins que la majorité des gens
233 usin germain de votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étranger lui aussi ; puis il y a eu votre p
234 utre part, tous les catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une humanité charmante
235 honte ». (Seuls, parmi les catholiques, son mari et sa tyrannique belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne di
236 ome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Lo
237 on possible qu’elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le milieu protestant étant nul), n
238 s mobiles humains sont ici entièrement suffisants et rendent superflue l’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-
239 cret d’une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indicati
240 e belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il
241 portés à confondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer d’immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mai
242 érente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, da
243 d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de la littérature r
244 emords au bord du désespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certa
245 t c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme dit Charles Du Bos « cette tristes
246 mouvement lent, du Quintette, Schumann a enclose et embaumée ». « Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âm
247  : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 344-350.
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
248 l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un événement qui mérite d’être signalé et qui
249 nçais, est un événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestantisme en particul
250 nsacrées, en particulier dans la Revue d’histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et
251 de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici
252 eligieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce
253 et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publica
254 ), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine
255 s. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1855. Voici comment le profond essayiste allemand Rudolf
256 que Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père.
257 u Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Martensen, le successeur présumé de My
258 ls pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment
259 ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme officiel ne peuvent être comparé
260 les. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde
261 aractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui séviren
262 e et du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui sévirent, dans le premier, dès ses origines, ne se donn
263 cours par contre qu’à la fin du second. Le Moment et les Attaques contre le christianisme officiel furent l’acte de Kierke
264 aard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici comment il faut situer Kierkegaard dans notre Panthéon spiritue
265 antisme fut la jeunesse, le passé de « l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel homme, qui a dépass
266 la nouvelle psychologie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à
267 à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’une
268 pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il éman
269 ître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle œuvre commence son action en France au moment
270 religions » y gagnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue franç
271 s de la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », F
272  ». i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte non signé.
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
273 i a conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien ut
274 ’heures de marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude
275 mineux — il trouvera sa place dans votre valise — et d’une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant,
276 citations nombreuses que l’auteur a su introduire et commenter avec la discrétion et souvent l’ironie légère qui convienne
277 r a su introduire et commenter avec la discrétion et souvent l’ironie légère qui conviennent. Plus encore que par leur val
278 encore que par leur valeur proprement littéraire et descriptive, elles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’elles
279 e qu’elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réacti
280 tères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’auteur ait dû se borner
281 dû se borner à confronter les réactions anglaises et françaises. La réaction allemande eût apporté un élément important et
282 action allemande eût apporté un élément important et radicalement différent. Nous essaierons de l’esquisser plus loin. ⁂ C
283 ont-Blanc, clame son horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus violent réquisitoire
284 , — où il fait vivre d’imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, après lui, feront intervenir la
285 s choses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme est seul. S
286 morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures si
287 i s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable,
288 luit là-haut ; la Puissance est là, la tranquille et solennelle Puissance aux mille aspects, aux mille bruits. » Ce n’est
289 nent interroger sur les hauteurs, mais une sombre et surhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force des choses » (Shel
290 s » (Shelley), ou encore (Wordsworth) « les types et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticism
291 res alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Cel
292 Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opposent à la médiocre littérature qui transforme les s
293 s bel essai que Robert de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs 23, et qui, posé en face du tableau franco-anglais, four
294 rt de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs 23, et qui, posé en face du tableau franco-anglais, fournit un contraste de
295 sme héroïque qu’elles inspirent. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le plus fécond et le plus adéquat à la
296 et philosophique paraît bien être le plus fécond et le plus adéquat à la nature alpestre. Il contient en puissance toute
297 puissance toute une morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère, mais stimulant, et qu
298 un constructivisme assez austère, mais stimulant, et qui mène à la joie… C’est un thème très « protestant ». Nietzsche l’a
299 rs ces derniers symboles physiques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante d
300 onde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe, et non plus la « virtu ». L’héroïsme, au vieux sens du mot, ne trouve pl
301 u vieux sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret
302 n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le regard spirituel saur
303 érieurs. Mais c’est là se contenter à bon marché, et personne ne croit plus à la vertu de simulacres à ce point galvaudés.
304 aux amateurs de risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous donner quelques « romans de l’air »,
305 mence à nous donner quelques « romans de l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier pour animer
306 alaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre, aux xviiie et xixe siècles. (Librairie Dardel, Chamb
307 alpestre en France et en Angleterre, aux xviiie et xixe siècles. (Librairie Dardel, Chambéry.) 23. Dans Essais et Anal
308 s. (Librairie Dardel, Chambéry.) 23. Dans Essais et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lit
309 de, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet 1931, p. 548-551.
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
310 nous introduit dans la connaissance de la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesquins, sans exige
311 n nous sommes mesquins, sans exigences véritables et sans grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant, est-il réellement
312 par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christ
313 monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, t
314 a mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un des livres les plus sign
315 ire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homm
316 n s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs,
317 tuer leur effort dans une vision du monde globale et cohérente, à le juger religieusement par exemple. Que l’on songe à l’
318 ursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même s
319 expérience intime (je dirais même sentimentale), et avec sa foi chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’une t
320 ainte le secret d’une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen d
321 n œuvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques article
322 de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles parus dans des revues françaises ou s
323 ltats considérables de l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’une pet
324 commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapidement envah
325 avions aussi que ce leader social, cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’un écrivain extrêmement fécond, dont
326 ment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où
327 au moment où Kagawa débouche dans la vie publique et politique. Espérons qu’une biographie complète suivra cette « genèse 
328 suivra cette « genèse » à vrai dire passionnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes d
329 ent à créer leur légende. Ici, bien au contraire, et surtout dans le premier volume, nous assistons à l’existence la plus
330 ’Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constitu
331 qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a
332 d’une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra presque scandaleuse à maints lecteurs
333 ne « décolle » jamais de la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à êtr
334 jamais de la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant.
335 e, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue et particulière. Telle est la certitude qui se dégage lentement d’une pr
336 usion peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérit
337 l nous emmène Kagawa : Il appuya son front chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux et somnola. Le train faisait
338 chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux et somnola. Le train faisait un bruit épouvantable dans sa course. Il pe
339 que c’était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Ak
340 u théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait
341 de de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui sembl
342 ux mots lui semblaient avoir des rapports intimes et atroces. Quel horrible endroit, cet Osaka ! Les endroits surpeuplés s
343 doctrines bouddhistes, chrétiennes, matérialistes et socialistes s’opposent dans des termes inusités pour l’Occident, mais
344 e passage nous le montre déjà tout entier : subit et absolu dans ses déterminations, farouchement idéaliste et pourtant ja
345 u dans ses déterminations, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des m
346 même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite s
347 Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même, et il éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l
348 t l’Université pour se plonger dans la vie active et mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus no
349 it. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque anxiété comment il ferait face aux
350 malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec violence contre les idées subversives de son fils un
351 serait tout entière à citer, dans son inénarrable et cruelle vérité, pourtant fort émouvante par moments. C’est là qu’il r
352 le jeune fille qu’il aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais en même temps le drame s’éveille
353 vec l’idéal de rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, dont la réalisat
354 de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer
355 bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix i
356 tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son père l’oblige
357 : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement import
358 ple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne put retenir ses la
359 , pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le
360 it la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cym
361 t contre les conventions établies, les traditions et les sophismes. Devant lui était le monde : le monde, l’énorme asile d
362 ntenant —, tourmenté par l’emprise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. San
363 re progressivement de tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en
364 us ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolt
365 des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des
366 des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les repre
367 saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est
368 ème partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de p
369 est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus vécu sur ces milieux
370 ccuse Eiichi d’avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scène entre le procureur et le prévenu, q
371 récit se termine par une scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’être citée : — Pourquoi me regardez-vous ains
372 ntal dans une classe d’école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que
373 s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tou
374 r continuait à enrager ; sa figure se contractait et ses lèvres étaient pâles. — Comment voulez-vous renverser l’état soci
375 che en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants. Eiichi se demanda s’il y avait des procureurs dans le mo
376 attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches et l’escortent avec amour. ⁂ Avant de tirer les conclusions qu’impose ce
377 qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve tous les penchants humains, s’y soustrait quand
378 , s’y soustrait quand il le faut pour mieux vivre et n’en fait jamais une affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et dé
379 is une affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et décrivant ses tentations comme toutes naturelles, il surmonte les obs
380 rmonte les obstacles avec un contentement modeste et intelligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de
381 sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès
382 aire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui sont possibles, en action, surtout dans l
383 e juger impartialement, sans exagérer sa critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des re
384 s traverses souvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace d’ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C
385 vent penser aux grands Russes, à Tolstoï surtout. Et par tous les revirements intérieurs de ses personnages également. Qua
386 oudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. I
387 à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abî
388 emps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sp
389 t était surprenant, même le sang caillé, le péché et le cœur souillé, tout était étonnement. Il acceptait tout. Il décida
390 Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l
391 rendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la
392 lait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple
393 de disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presque nietzschéen choquera peut-être des gens qui eus
394 bres, à côté d’un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile selon saint Matthieu, du premier chapitr
395 sur le sommet d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil
396 face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfants étaient ses meill
397 nner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi me
398 nfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne d’une âme ? L’action même est s
399 un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine. Au cours d’un livre où il se peint, aux prises av
400 », ni rien du dogmatisme haineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer
401 rendre, cet ennui traduit ou marque notre paresse et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur résultante. Q
402 marque notre paresse et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur résultante. Quelques-uns s’en tirent en ré
403 : Tant que l’on considère la « question » sociale et que l’on en « discute », c’est irritant, vain et irréductible. Car la
404 et que l’on en « discute », c’est irritant, vain et irréductible. Car la question sociale n’admet peut-être de solution q
405 tres, mais de la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là
406 e d’incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus troublante que celle qu’impose n’importe quelle a
407 s. 24. Ceux qui veulent assimiler christianisme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. R
408 mpte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube  », Foi et Vie, Paris, septembre 1931, p. 623-632. m. Une note précise : « Édit
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
409 manière est toujours l’indice d’une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ces quelques notes
410 e provoquée par la dernière « manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je suis décidé à
411 rt, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art
412 harme à froid) — art qui tout ensemble se définit et se limite par l’épithète valéryenne d’exquis. On sait quels « jugemen
413 s d’une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte
414 ne trois sortes de gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce que je ne veux pas me laisser entr
415 Divers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il
416 sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on
417 la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’aill
418 roduites dans ce recueil en savent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit une leçon d
419 ontroverse prit une leçon de distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul b
420 que les derniers écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soi
421 c’est de le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l
422 ourner soudain, les fait cailler en coquetteries. Et voici que l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, e
423 ation de soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’une impudeu
424 elui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-là n
425 lui-là ne fait qu’usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme e
426 l tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale
427 e n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique une fois détaché de la grâce se décompose a
428 cet égard. L’on est d’abord séduit par la finesse et la mesure de leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu
429 entation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente d’être ramené sans cesse dans un cer
430 tre ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait p
431 rtaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p
432 adictoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui,
433 t plus qu’un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions transcendantes et irrévocables dans un
434 et réversibles. Plus de sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppression du tragique. Car le tra
435 rs l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans d
436 e unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et laïque nous le recommande. Non point à cause de la logique ni même d’
437 à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictemen
438 gent. On n’y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétiq
439 sique. À cette heure où le monde tourne lentement et formidablement sur ses bases sociales et religieuses. Ah ! comme tout
440 entement et formidablement sur ses bases sociales et religieuses. Ah ! comme tout cela est juste et net, parfaitement expr
441 es et religieuses. Ah ! comme tout cela est juste et net, parfaitement exprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque
442 tout cela est juste et net, parfaitement exprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme, d’« endieusem
443 scient, exquis, mais, pour tout dire, complaisant et sans vénération. Complaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d
444 ans vénération. Complaisant à sa propre modestie. Et , par là même, d’une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un m
445 héances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; ma
446 ’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des t
447 te, pendant que j’écris ces mots : Kierkegaard, —  et c’est Gide qui, l’un des premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaar
448 extraordinaire : soudain c’est lui qui me regarde et qui me perce, — et me fait honte d’oublier la grandeur. 25. Remarqu
449 udain c’est lui qui me regarde et qui me perce, —  et me fait honte d’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il a
450 ompte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 725-729. o. Une note précise : « Divers
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
451 M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’un tel t
452 stant26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a
453 vain protestant qui répond à ce même signalement. Et précisément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti
454 ada la mer devient aux trois quarts protestante — et l’est restée (la révocation fit quitter, selon Vauban, les vaisseaux
455 e toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est
456 ont un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouv
457 Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet
458 ’un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. No
459 nd de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revu
460 trange d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dir
461 que déjà la conscience éteinte ne la dirige plus et qu’elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant unique
462 dirige plus et qu’elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant uniquement à se satisfaire dans la jouissanc
463 car quoi qu’on dise de la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de
464 d’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tablea
465 de la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves. Il s
466 ue les âmes du xixe siècle soient plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais. Serait-ce
467 toute seule qui les aurait travaillées à ce point et les aurait ainsi fouillées ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, de
468 depuis qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et , si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle était peut-ê
469 Au temps où le domaine intérieur du recueillement et de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’é
470 aient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’une sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était
471 arce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont notre époque est
472 là, mais non plus les espérances de la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de
473 qui montait autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. L
474 au-delà, sans relation avec l’infini, se trouble et se complique ; le sentiment contredit à la pensée, la pensée contredi
475 it à la pensée, la pensée contredit au sentiment, et , dans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’être ont déchiré
476 tes à tous les regards, les cœurs se sont révélés et leur souffrance s’est écrite dans les pages innombrables de notre lit
477 aucune paix dans une intimité purement humaine : Et l’homme seul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque une étude
478 r temps. La critique la plus moderne les confirme et les répète bien souvent sans les connaître. Et « le point de vue de G
479 me et les répète bien souvent sans les connaître. Et « le point de vue de Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît
480 ugemont Denis de, « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-754.
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
481 res nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « succès » lit
482 ains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumberger. — Écrivains protestants, vraiment ?… Ou bien, prot
483 . Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son auteur dans la lignée de ces fameux « moralistes français 
484 ue de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’une famille dont la mystique se
485 n enfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode centra
486 — roman-plongée pourrait-on dire —, d’une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte
487 uvre serait comme le frontispice (aux beaux noirs et gris profonds). Un critique fort écouté29, à son propos, fit observer
488 que la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son
489 passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son expression moderne dans des œuvres bien plus caractéristiq
490 nin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute la misère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’a
491 ’on y a renoncé, pour des raisons d’ordre général et comme indépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti p
492 ’ordre général et comme indépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’éta
493 ants » nous y pousseraient, à force de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires compli
494 t d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un
495 ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et prophètes, nous condamnent dans la mesure où elles furent authentique
496 tés » politiques ou intellectuelles plus récentes et discutables, dont nos apologètes se réclament volontiers, n’en consti
497 estantisme un jugement indirect d’une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît uti
498 rect d’une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’h
499 . Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous
500 dans Claire poursuit un bonheur purement égoïste, et par là si précaire qu’il côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encor
501 isse, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vér
502 c : refus ou ignorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’expli
503 plaisent à nommer « un caractère protestant »32. Et c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protest
504 r de compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commo
505 c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans leur épanouissement qu’ils manifestent au jour leurs faussetés e
506 sement qu’ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ils se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Éta
507 pratiquement acceptable ? Nous avons trop souvent et bien trop volontiers souffert que l’on nous attribue un moralisme tou
508 sence de toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos prédicateurs affirmaient le salut gratuit par l
509 étiennes de la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteu
510 oint frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué d
511 e si l’on prend au sérieux la grandeur impérieuse et fulgurante du véritable calvinisme. Or nous n’hésitons plus à rendre
512 rendre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître à ses origin
513 l notre fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préci
514 icace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent b
515 t bientôt réduit au rôle d’une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de « correction » bourgeois
516 cusait à la fois la charité, le risque, l’abandon et la divine légèreté, c’est-à-dire, qu’elle récusait la grâce autant qu
517 on craint le risque, que Jésus n’a jamais craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est ce
518 ien d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis de la nature humaine, qui, selon cette vue, s
519 rvait » du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit et peut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’être
520 aux idées de Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici donc l’homme, dans sa condition menacée, r
521 man bientôt s’affaiblit à force de se compliquer, et tend à se réduire à une casuistique. Comment imaginer et comment anim
522 à se réduire à une casuistique. Comment imaginer et comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment de la création inter
523 on intervient une autocritique à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui,
524 Il y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui, par la force des choses, tournerait bientôt en révolte, en insol
525 ’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé
526 heresse désolée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les r
527 de Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqua le moralisme perverti. Il eût conduit le protes
528 -dire la police des mœurs, l’éducation bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes de l’esprit » dont les ravages ne pren
529  ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créa
530 , Bach, Rembrandt, les sœurs Brontë, Henrik Ibsen et ces deux Danois prodigieux, Hans-Christian Andersen et Søren Kierkega
531 s deux Danois prodigieux, Hans-Christian Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voi
532 kens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) Les romans russes et les romans anglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce que pou
533 plus grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevsk
534 l du moralisme. La grande poésie naît du tragique et de la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir
535 umes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme
536 8. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revue française et Marsyas. 29. Albert Thibaudet, dans Candide. 30. À Mauriac, joignon
537 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe d’humilité. Également : Jean de Saus
538 rnier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la musique religi
539 ugemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-63.
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
540 ui serait aussi directeur de la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des expériences accumulées
541 la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des expériences accumulées dans l’exercice de ces activ
542 fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’indi
543 toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l
544 il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire
545 a conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme »
546 qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que néc
547 le simple fait qu’une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamme
548 lque bruit37 les débuts piétistes du jeune Goethe et la part active qu’il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées p
549 inzendorf. C’était le temps du réveil sentimental et mystique dans une Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung et l
550 ne Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung et le rationalisme. C’était le temps aussi du « Sturm und Drang » auquel
551 ression littéraire la plus parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permet
552 e pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me voilà libre à nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’
553 sujet, parfois, quand je suis calme, très calme, et que je sens tout le bien que les sources éternelles ont déversé dans
554 s sources éternelles ont déversé dans mon cœur. » Et deux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près
555 que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de rai
556 é. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sages
557 nable qu’avec leur première sensation religieuse, et croient qu’on ne peut aller plus loin parce qu’ils ignorent tout du r
558 e Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de langage qui trop souvent caractérise
559 sse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la volonté de sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le po
560 ource de malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le
561 ’établit fort justement Curtius « le Goethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car e
562 e Goethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un my
563 the, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’uti
564 nue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait u
565 t le soleil, comme une « révélation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfant
566 onné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception pourrait choquer
567 u’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît la faiblesse rel
568 e du péché entraîne la considération de la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mêle à notre vi
569 divine, sans cesse, se mêle à notre vie pratique et vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans Faust le salut p
570 ’effort humain au sein d’une nature harmonieuse — et quand bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour d’En-Haut » v
571 réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce point tout simplement que les id
572 point tout simplement que les idées, les théories et les systèmes prônés par lui ne coïncident pas avec les idées, les thé
573 ui ne coïncident pas avec les idées, les théories et les systèmes dont nous jugeons urgent d’accentuer actuellement, la vé
574 e point là porter un jugement avant tout partial, et qui révèle notre insuffisance autant que la sienne ? Certes, hic et n
575 de 1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par
576 ces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales les plus gênantes pour ce monde sans
577 ôt c’est lui qui nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbo
578 tion, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous tous. Goethe inutilisable, cer
579 isable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions
580 que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goeth
581 e ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Re
582 gemont Denis de, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 304-309.
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
583 est mort. » C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans to
584 place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique, c’est en vain que l’on chercherait un « esprit libre »
585  » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces cause
586 s causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est su
587 au lendemain de la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nou
588 r les clercs, selon M. Benda, la fin de l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice salutaire et l’
589 a signifie : le renouveau, le sacrifice salutaire et l’unique justification de la pensée. Une telle évolution peut paraîtr
590 . Mais, d’autre part, cette soif d’action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur d
591 sme, philosophie antichrétienne dans son essence, et par suite, dans l’action qu’elle commande à des millions de nos conte
592 ient bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient
593 bourgeois, s’ils le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées v
594 raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organisation et l’utilisatio
595 action tout entières dirigées vers l’organisation et l’utilisation des biens matériels. ⁂ Arrêtons-nous aujourd’hui à deux
596 péril qui menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Mau
597 que le lecteur cherchera la réalité constructive et absolue sur quoi se fonderait cette rénovation. M. Maulnier critique
598 es vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses rapports avec le peu
599 es rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populis
600 de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin une position assez voisine de
601 n une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la révolution
602 caractéristique de la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses origines poli
603 Thierry Maulnier révèle ses origines politiques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’une vér
604 visible l’origine de l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n
605 ourgeois, pour des bourgeois, destinée à défendre et illustrer la notion bourgeoise de la vie, et payée — en la personne d
606 ndre et illustrer la notion bourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeois.
607 és, sur un ton uniformément péremptoire, ironique et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois de suite la même chose,
608 t retournées ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réell
609 u profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en faveur des hommes concrets ? À
610 -elle dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en faveur des hommes concrets ? À quoi sert cette philosop
611 aleuse distance entre ce qu’énonce la philosophie et ce qui arrive aux hommes en dépit de sa promesse. » M. Brunschvicg fa
612 , parle de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produits tératologiques
613 s colères de leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travail, leur chômage, leurs vacances, les gue
614 , les grèves, les pourritures de leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie
615 urs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tom
616 ut ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le co
617 appeler scolastique, pensée purement conceptuelle et dépourvue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si g
618 activité une importance qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. Certes40. Mais dans la me
619 ent justifiée. Pour le reste, c’est la politique, et dans un sens plus vaste, la religion, que cela regarde. M. Nizan dema
620 assablement ce que les philosophes bourgeois font et comptent faire pour les hommes. Très bien. Nous le demandons aussi. (
621 « humains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan
622 t l’aune : ce n’est qu’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et
623 d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est, pour M. Brunschv
624 e, fondée sur des considérations aussi abstraites et discutables que la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concr
625 s-value, recouvre la réalité de tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en vérité, la lecture d
626 u’il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui
627 ans telle situation quotidienne, répète M. Nizan. Et il propose Marx. Je demande en quoi Marx peut nous aider à vivre, à m
628 mande à M. Nizan, qui est marxiste, si la lecture et la pratique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité d
629 de supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager la mort comme une transfiguration tragique, la fo
630 mort comme une transfiguration tragique, la force et la joie d’envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est
631 dont l’enjeu est à chaque instant total, éternel et urgent. Je demande à M. Nizan si son appel à une philosophie vraiment
632 et appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et réelle dans le message évangélique. Et je demande maintenant aux chré
633 e possible et réelle dans le message évangélique. Et je demande maintenant aux chrétiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils
634 philosophes, mais à témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’é
635 oit être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que
636 ’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi, du point de vue chrétien, le marxisme radical constitu
637 e de penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’être concret. Seul l’É
638 , ni tout leur appareil d’assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicalement dangereux, — salutair
639 32. 39. Chez Rieder, collection « Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le contrai
640 ougemont Denis de, « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
641 , sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporains, sans se la
642 , un repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus actuels, je veux parler de la vogue récente des essais, genre as
643 es ouvrages purement romanesques va en diminuant, et cela au profit d’une littérature qui tient à la fois de l’histoire, d
644 fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curt
645 monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays e
646 t. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien
647 ais ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là que gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste
648 ns romanesques. Le roman est un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’il plaît tant au peuple. Le bourgeois qui r
649 ace le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement, et parfois précisément, sur la civilisation actuelle n’est pas quelque c
650 its moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, d
651 à un parti, ou pour se fournir d’arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent
652 une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout dans des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atte
653 urs purement intellectuelles la plupart du temps, et le goût des « romans qui posent des problèmes ». On appelait cela de
654 tiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile d’obscurité purement formelle d
655 ens que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécess
656 royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y avait de plus
657 du monde. Dans une époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan qui
658 européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêver à son tour une révolution ; dans une époque où l’humanité risqu
659 rend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a été reche
660 e photographique triomphe chez tous les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient-ils ? Des collections documentaires, des r
661 d’Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie
662 r l’équivalent de cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vrac, un monde plus absurdement divers
663 ce de la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les
664 x ans, les premières Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient reprendre l
665 rsion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu l
666 blème, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale
667 des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de
668 e jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier de revendications » publié dans la NRF ).
669 s la publication de collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et sur les penseurs rel
670 et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et sur les penseurs religieux, Corrêa publie presque exclusivement des «
671 ropéenne sous ce titre significatif : « Les Mœurs et l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de pho
672 catif : « Les Mœurs et l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagn
673  ? Oui, mais non pas à l’intellectualisme. Car, —  et j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’e
674 sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, cer
675 , l’un des fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut
676 l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la marche des événements. N
677 s reviendrons prochainement sur ce livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis de, « Histoires du monde, s’il vous p
678 e, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
679 uste, pour qui se borne à considérer notre époque et les doctrines infiniment contradictoires qui s’affrontent au milieu d
680 désordre. Il n’est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre position et pénétrer dans
681 e plus dangereuse, pour qui veut prendre position et pénétrer dans la bagarre universelle. Je vois bien le désordre et la
682 la bagarre universelle. Je vois bien le désordre et la contradiction. L’argent règne sur notre monde, comme une puissance
683 ègne sur notre monde, comme une puissance occulte et pourtant méticuleusement tyrannique, comme une divinité qui, depuis p
684 dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des e
685 ieu de libérer des travailleurs, crée du chômage. Et , cependant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Pro
686 de toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes ge
687 plus goût à y vivre. Les villes se congestionnent et la jeunesse y traîne une misère fiévreuse. Et, cependant, les politic
688 ent et la jeunesse y traîne une misère fiévreuse. Et , cependant, les politiciens de tous bords consacrent leur astuce à éq
689 risé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre les hommes ? Croit-on vraiment que le « dé
690 ent que le « désarroi » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières
691 e « désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité publique sont menacées ? La vérité, c’est que la situ
692 , souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin
693 ion permanente fut ouvertement reconnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de gran
694 reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines sont contradicto
695 du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et si, faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin p
696 bien. On répète que les événements nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’e
697 ts nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement q
698 ieux raisonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous connaissons aussi la signification réelle. C’est l’argument
699 voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fo
700 mpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous
701 éons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si
702 a pensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le
703 ient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la
704 pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le s
705 que le simple assemblage de ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout le mal dont nous souffro
706 ite, très générale, qui englobe toute l’humanité, et dont les éléments sont presque tous de nature collective. L’histoire
707 , qui sont — en fin de compte — des abstractions. Et je le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il fau
708 leurs lois propres, échappant à notre domination et poursuivant, en dehors de nos vies personnelles, leur évolution fatal
709 elles, des divinités presque toujours menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse de scruter les caractères, les habit
710 en tant que siècle, est athée, totalement athée, et consciemment athée. Mais, en même temps, il est polythéiste et supers
711 nt athée. Mais, en même temps, il est polythéiste et superstitieux au dernier degré. La grande majorité de nos contemporai
712 ajorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoi
713 au cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous
714 ous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et certains d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur vie même. Les
715 t l’État, la nation, la classe, la race, l’argent et l’opinion publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun
716 ’opinion publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-être Légion… Sa
717 d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse, auxquelles nul
718 ants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse, auxquelles nul d’entre nous n’échappe, ni ne songe à échap
719 nous n’échappe, ni ne songe à échapper. La classe et la race : voilà peut-être les divinités maîtresses de cette première
720 ndamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle et les sacrifices humains. Ces dieux ont même leur théologie, scientifiq
721 même leur théologie, scientifique, bien entendu, et dont les deux disciplines principales sont l’Histoire et la Sociologi
722 les deux disciplines principales sont l’Histoire et la Sociologie. Nous trouverons les meilleurs exemples de cette théol
723 ogie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus logiques surtout que ceux des fascistes et racistes. Prenez le d
724 s et plus logiques surtout que ceux des fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d
725 , n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur le plan politique tout au moins, ils paraissent
726 rapport à l’homme, ils sont absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et l’autre tendent à nous f
727 bles et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’est rien, mais moin
728 oire que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois générales et
729 se passe dans le monde obéit à des lois générales et historiques qui échappent à notre volonté et sur lesquelles nos révol
730 ales et historiques qui échappent à notre volonté et sur lesquelles nos révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes son
731 se, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévues et déterminées par notre classe [ou] notre race. Destin du siècle contre
732 ’en cette année 1934, l’homme se défend très mal. Et comment se défendrait-il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? N
733 dans celui du prolétariat ou de la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais il faut prendre gard
734 t prendre garde d’abord de confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans l
735 e l’élan d’une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens
736 responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous réponde
737 ’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi c
738 le en définitive à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités s
739 ques, achevées, mortes comme toutes les moyennes, et dans ce sens, abstraites. Sur quoi peut bien se fonder une loi histor
740 oira ! Or, la seule chose intéressante au monde —  et je dis intéressante au sens le plus profond du terme, la seule chose
741 démissionnons de notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre dégénérescence. Le ph
742 t de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théorie est la suivante : ceux qui pensent que l’homme
743 me descend du singe, descendent en effet du singe et constituent une race à part, à côté de la race des hommes créés par D
744 art, à côté de la race des hommes créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont été créés par Dieu. » Cette pe
745 e des hommes créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’ap
746 de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et d
747 est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la classe ou la race, et c’es
748 ont entièrement dominés par la classe ou la race, et c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là
749 ce. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mène et poussent le monde dans la direction où il doit tomber fatalement, si
750 cela, ils sont peut-être supérieurs aux libéraux et aux dilettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent d’évoquer la
751 , eux aussi, mais continuent d’évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai
752 ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’attention pour les vrais problèm
753 osent de nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car,
754 argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants et
755 ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants et inhumains. Je voudrais, avant de poursuivre, dissiper un malentendu q
756 ble, parce que tous les appartements sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapea
757 tre-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « m
758 lement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal du siècle
759 is eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel,
760 ue à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, t
761 e agglomération d’individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans des casernes ou des camps de trava
762 ion d’individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mou
763 qués dans des casernes ou des camps de travail, —  et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle
764 n’est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont
765 leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, jouent d
766 e. La culture du xixe siècle a voulu les ignorer et nous assistons à leur vengeance. Le spiritualisme les a déclarés vulg
767 eance. Le spiritualisme les a déclarés vulgaires, et l’individualisme les a rationnellement ignorés. Les voilà qui revienn
768 istorique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mai
769 sous leur implacable destin. Ceux qui l’ont fait et qui le font encore, je vois bien ce qui les poussait, je vois bien ce
770 ments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant auss
771 s. Votre réaction est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depu
772 ans les jeunes groupes révolutionnaires de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’O
773 s de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personn
774 e renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des c
775 ous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche,
776 mme, et particulièrement de ce personnage égoïste et , en somme, assez lâche, qu’on appelle l’individu. Il faut aller plus
777 ’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance q
778 l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alor
779 ous de déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de
780 re42, qui pense par périodes séculaires, qui rêve et qui pour comble, se croit seul éveillé et conscient des réalités. ]’a
781 ui rêve et qui pour comble, se croit seul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant his
782 e, dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepart
783 le, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente,
784 l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. Je pourrais encore vous montrer quelles conséquences p
785 nséquences politiques commande une telle attitude et quelles révolutions, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là u
786 e désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordre :
787 Tous donc, nous avons reçu, chacun à notre place et dans nos circonstances particulières, une vocation personnelle. Perso
788 particulières, une vocation personnelle. Personne et vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles q
789 e. Personne et vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à
790 ’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Chri
791 ssus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On nous a présenté cet amour du pro
792 ire cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces trois mots
793 résence et un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces trois mots définissent la personne, mais aussi ce que
794 oulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit : Mais qui est mon prochain ? Ce docteur se disait sans doute
795 pondit par une parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’a
796 le rapport humain, fonde notre destin personnel, et fonde aussi la seule société possible. Ne nous y trompons pas : l’act
797 de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et
798 peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère ma
799 on personnelle, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou
800 il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel je vous laisse maintenant. Nous ne ren
801 Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, février–mars 1934, p. 143-157.
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
802 es succès dont rien, ici, ne peut donner l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. U
803 tifiant les plus grosses manœuvres publicitaires, et la méfiance des éditeurs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui fau
804 qui faut-il s’en prendre ? Aux critiques d’abord, et , en particulier, à cette espèce nouvelle de critiques qu’on nomme les
805 Ou bien le primum vivere se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils
806 e ; ou c’est que la philosophie n’est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouv
807 sée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’acte et nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même
808 audrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui se montre. Sous prétexte
809 ’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en dr
810 révolution. Les évaluations morales du philosophe et les coutumes du citoyen moderne ont perdu toute commune mesure. Que s
811 Quelques cyniques, ou quelques révoltés ? Certes, et c’est cela que nous voyons depuis la guerre. On pourrait aussi suppos
812 rétienne existe, c’est à ce seul niveau où pensée et action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à ell
813 on générale des valeurs dont le monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette vie. C’est à elle, en particulier, et no
814 i jugent cette vie. C’est à elle, en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme, à conduire la critique des hérési
815 ue des hérésies morales que toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois elle res
816 Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’u
817 u mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaq
818 emande des phénoménologues, illustrée par Husserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fo
819 ociait les unités vivantes en éléments abstraits, et prétendait examiner ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et
820 er ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions
821 tention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le p
822 ent aux valeurs aristocratiques. La haine jalouse et rancunière de l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expre
823 ible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, inévitablement
824 il est riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’un nom
825 cette lâcheté se pare ici d’un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu » sans plus ; « ne pas p
826 se venger » devient « ne pas vouloir se venger », et parfois même le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ils fo
827  »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche
828 ietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’Évangile. Le « christianisme » qu’attaquait Nietzsche,
829 se sent pris de vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne
830 hrétien d’aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse centrale : nous en sommes venus à substituer «
831  » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fau
832 place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ;
833 ule et platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune
834 r le Christ à ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus d’elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne
835 lontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et , par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) recommandée aux pa
836 de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique ( et non pas vertu) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls, est dés
837 tique (et non pas vertu) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls, est désormais une vertu sans lien avec la notion d
838 a notion de sacrifice ou avec l’idéal évangélique et , pour comble, vertu de riche, mais qui retient encore le pathos chrét
839 e l’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que
840 geois englobe également le socialisme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux des tendance
841 arcel de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendr
842 t apprendre à mourir », disait le triste Cicéron, et Montaigne l’en loue. Pour M. Marcel, on lui ferait plus volontiers di
843 se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentiel — ou, pour reprendre la
844 t de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en
845 ors tout autre chose qu’un problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure déjà par elle-même une sort
846 init comme « une présence activement perpétuée ». Et tout cela tend à créer dans l’âme une disponibilité paradoxale : « pa
847 rce que l’âme sait qu’elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa lib
848 il indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent qu
849 les d’Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu
850 n de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Gé
851 holicisme après avoir écrit ses premières œuvres, et devenu l’un des chefs du parti catholique parmi les intellectuels all
852 llemands, Scheler rompit finalement avec l’Église et revint à un nietzschéisme violent. On voit percer par endroits, dans
853 ar M. Marcel trouverait sa place, entre la prière et l’acte, seuls moments d’unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont
854 de, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
855 Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes,
856 par la misère, il était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim.
857 te sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une
858 e sévère éducation piétiste, un secret terrifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortun
859 r la rue la plus animée de la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des in
860 c une extrême violence, le christianisme officiel et les évêques qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonn
861 amais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’édification,
862 ublia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques, de la Répétition à l’Exercice du christianisme, en pa
863 istianisme, en passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept d’angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques.
864 t pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu
865 s en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit san
866 ’il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christ
867 u’il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se di
868 ssure aussi à sa pensée une influence multiforme, et qui va croissant avec le temps. La philosophie allemande contemporain
869 mporaine, avec ses deux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barth
870 y a une différence qualitative infinie entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa
871 ive infinie entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois viol
872 re réside dans sa protestation à la fois violente et humble, ironique et pourtant foncièrement charitable en faveur de l’a
873 otestation à la fois violente et humble, ironique et pourtant foncièrement charitable en faveur de l’absolu évangélique. V
874 rouver pareille formule… L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auque
875 côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite en franç
876 is de, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 602-604.
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
877 s écrits les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et
878 ’amères protestations contre le règne de la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissances anonymes
879 encourus par l’individu, les Puissances anonymes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de
880 mes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise que l’on dit
881 précédent, que fait l’individu pour se défendre ? Et quels titres à l’existence vient-il produire ? Car il est excellent d
882 voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise conscience. Que disent les collectivi
883 tence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selon des loi
884 ue. Que l’histoire évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enf
885 témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases, à peu près, mais
886 ndre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un
887 »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’il r
888 on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est
889 a foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, — que les discours des réalistes et
890 ar c’est la foi, — que les discours des réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la vertu, n’ont
891 l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est pas à sa place là où l
892 al du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses i
893 its » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la dépense ? Il faudrai
894 nse ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi
895 tend la pensée… de Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en faveur de ce qui est « original » 
896 primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux qui flétrissent le
897 l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux qui flétrissent le matérialis
898 divement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais
899 une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski.
900 ns donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême et décisif dont la mort, comme un sceau d’éternité, attesta dans sa plén
901 pirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont réveillé quel
902 ossible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkega
903 ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cett
904 in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la Reine. Elle tempête e
905 rire a le don d’exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui coupe la tête ! » Alors, le chat s
906 la tête ! » Alors, le chat s’élève dans les airs et peu à peu rend son corps invisible, seule subsiste sa face hilare au-
907 ns ! Il semble que chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du siècle. On a dépeint ce clerc moderne, accablé pa
908 et homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie dans les soucis publics comme on va voir un film pour
909 e dont l’homme ignore, comme homme, l’existence ; et c’est la maladie mortelle (le péché)54. L’homme naturel a beau dénomb
910 L’homme naturel a beau dénombrer tout l’horrible, et tout épuiser, le chrétien se rit du bilan ! » Pourquoi ce rire scanda
911 e satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il
912 utre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétienté. Pauvre chré
913 e ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le
914 i tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, exactement comme si l’Esprit
915 implement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons,
916 ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu s
917 Dans l’église somptueuse paraît le Très Vénérable et Très Noble Premier Prédicateur Général de la Cour, le favori élu par
918  ; il paraît devant une assemblée choisie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “Dieu a él
919 i lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits et les méprisés”, et personne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le r
920 a élu dans le monde les petits et les méprisés”, et personne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard
921 it tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire fa
922 de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on
923 t toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est précisément
924 ntraint à l’originalité. « Mais quoi, professeurs et disciples ne se trouvent bien que dans l’imitation : c’est pourquoi i
925 sentent unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemb
926 . Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Espri
927 ême de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus
928 foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un exemplaire dans
929 ’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le néant. Seule la révolte d
930 igine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s
931 de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » c
932 « le siècle », pas d’autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne s
933 défection ou orgueil fantastique. Le solitaire et les faux dieux Nous croyons à la foule, aux races, à l’histoire (o
934 nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout
935 ’est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence q
936 qui veut être soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans la transformat
937 s’arcboute toujours contre ce qui la suscite.58 » Et celui qui recourt à son moi révolté contre les forces d’anéantissemen
938 es forces d’anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’e
939 pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui l
940 lus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans la mesure où sa vocation le dépasse ? Si Kierkegaard c
941 irresponsables, par cela seul, nous la flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des h
942 lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans
943 uient, eux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un s
944 u quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait
945 chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non cel
946 rius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du C
947 en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce
948 e des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de
949 tre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer
950 autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et t
951 uvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « lois » historiques ou soci
952 ie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus é
953 l59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évidemment actuel. Hegel a tout objectivé : l’esprit, l’histo
954 res yeux. Il a voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’e
955 es libres de la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comique insondable si seulement l’homme des ma
956 dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes, et la théologie des sociologues, des historiens, des c
957 rnaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes, et la théologie des sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. C
958 onde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notr
959 ’Esprit de transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’
960 e l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même ? Les uns fuient en avant, et les autres dans le pa
961 , et s’adore elle-même ? Les uns fuient en avant, et les autres dans le passé, mais qui voudrait se tenir, dans l’instant,
962 le péril que ces doctrines font courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même de son péché. A
963 tébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans les choses afin d’y exaucer (comment et pourquoi ?) nos
964 aporisé dans les choses afin d’y exaucer (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte de providence brute tout à fait i
965 ui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras proclame après Auguste C
966 nt les vivants, c’est que nul vivant n’ose vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se
967 t vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses conditions : « l’intell
968 à ma perfection idéale, je peux rêver ma vocation et ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce mo
969 n moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle
970 as à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort est derri
971 t plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité révoltante que rien au monde
972 avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’a
973 t. Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accep
974 et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiqu
975 de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. Un seul utile à tous
976 re aussi tout formel, de l’isolement devant Dieu. Et , d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ay
977 ns à développer les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain.
978 t, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans
979 ans sa réalité brutale, dans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné,
980 fameuse : « Au solitaire que j’appelle avec joie et reconnaissance : mon lecteur. » Kierkegaard savait bien que lorsqu’on
981 ontre tous, chacun croit qu’il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son a
982 xtes, de nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’i
983 vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucou
984 urir imperceptiblement », comme disait Nietzsche, et c’est là ce qu’ils appellent leur petit train-train journalier. La fa
985 emont Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
986 qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance, tout au moins, presque personne encore n’en a p
987 laira pas au public habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂ Six chômeurs allemands
988 tère. ⁂ Six chômeurs allemands, anciens officiers et sous-officiers pendant la guerre, s’embarquent pour l’Amérique du Sud
989 onal. Les quatre hommes s’en vont à Buenos Aires, et , là, à bout de ressources, acceptent de collaborer à une révolution q
990 u début, celui qui était parti pour le Venezuela, et qui a subi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et des tortures
991 a subi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour al
992 and est bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ai
993 i suffit d’ailleurs à rendre le livre passionnant et presque obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur
994 pas à expliquer l’impression de grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien après qu’on l’a lu. E
995 ui atteint à la fois leur attachement à la patrie et leur humanité, au sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’e
996 ent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’All
997 rs vocations humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-ba
998 s coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ;
999 dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue
1000 ’ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’est plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité
1001 ité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus
1002 e servent à rien. Ce sont des hommes très simples et qui s’expriment difficilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnatio
1003 de ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer
1004 eur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de le
1005 r patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui l
1006 e image grandit en eux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui les soutient da
1007 seule qui les soutient dans les plus effroyables et dégradantes épreuves. Eux, les simples, ils souffrent physiquement. M
1008 ieuse, profonde, bouleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allem
1009 lemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin q
1010 n état de guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuissant… » Mais t
1011 et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuissant… » Mais tandis que Bell, le chef du petit groupe, agonise
1012 magne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute stature de Pillau se dresse d
1013 qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes Allemands qui doiv
1014 le. Car, voyez-vous, Bell… rien ne rend aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passio
1015 i ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passionné, aussi modeste, aussi patient et aussi endurant que l
1016 et aussi passionné, aussi modeste, aussi patient et aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme
1017 , aussi patient et aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens
1018 ommes bien loin de la « propagande » nationaliste et des rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de
1019 e ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser d’autant moins indifférents que
1020 re la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait auss
1021 ourrait aussi s’appeler « La condition humaine ». Et plusieurs des paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourra
1022 ’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son d
1023 je crois, le problème central qu’impose ce livre, et l’on admettra bien, quelque opinion qu’on ait sur le point de vue str
1024 tour du monde ; il a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; e
1025 ’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; et , de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez
1026 France doute de sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la d
1027 tte anxieuse espérance, dans le livre d’Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière-pensée mond
1028 er, tant pour leur sujet que pour leur atmosphère et leur tension65, à ce Destin allemand, qui, toutefois, les domine. Eds
1029 r physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’être silencieux, des tortures dont les h
1030 e les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans leurs camps respectifs). Mai
1031 un timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamm
1032 ion humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à soupeser de
1033 l’avènement d’Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour avoir l’agrément officiel. 65. Le paral
1034 les Européens mêlés à des révolutions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race
1035 sur son sort, sont presque identiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goût des situations extrêmes, où se dénude le f
1036 rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand  », Foi et Vie, Paris, octobre–novembre 1934, p. 812-817.
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
1037 ance un volumineux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait suresti
1038 ortance de ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, qui a traduit et fort bien introduit ce vol
1039 édits, et dont M. Henri-Jean Bolle, qui a traduit et fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’ils constituent le tex
1040 més de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de «
1041 gereux pour un chrétien qui sait en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture des « cert
1042 de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble,
1043 s pages de la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis tout citer : je me bornerai donc aux passag
1044 ntaire marginal, crayonné rapidement, à la volée, et sans autre ordre que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M
1045 l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble no
1046 it l’humanité et en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble non historique, parce qu’il nie que le
1047 ire quelque chose qui ne soit pas, dès maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. Si malgré cela, l’époque
1048 contre la philosophie de l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Provi
1049 le qui nous rend contemporains du Christ incarné, et qui nie par là même la valeur de tous les siècles qui nous séparent a
1050 cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut,
1051 notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du mo
1052 ans à vivre. L’esprit métaphysique me souffle : “ Et après ?” Mais je ne l’écoute pas et trouve malgré tout ces chiffres c
1053 me souffle : “Et après ?” Mais je ne l’écoute pas et trouve malgré tout ces chiffres consolants. » Au salut par l’éternité
1054 onc opposée une notion beaucoup plus scientifique et beaucoup plus conforme aux exigences de l’Histoire : le salut par la
1055 a contemplation religieuse du monde sans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus rép
1056 qui soit. Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants dans leur bêt
1057 tistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je puis donner à cette sentence une adhésion assez méfiante
1058 ntemplation intellectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répug
1059 Il faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté et en l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’est qu’ensuite que
1060 tion. La foi est toujours une seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sa
1061 ’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mé
1062 gez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce une vé
1063 consolident dans des périodes de grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au
1064 (en lui substituant une autre crise plus radicale et salutaire) c’est, par exemple, le culte du Surhomme. Le « retour étem
1065 aime Schopenhauer, parce que grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique d’un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Ch
1066 propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens » que terroris
1067 ent, quelque chose de mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens » que terrorise l’idée mêm
1068 rai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourquoi tant de bonnes âmes s’indignent lorsque Ki
1069 que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « injuste » de dir
1070 ns autorité. Il a tendance à confondre l’autorité et la violence. Mais ses violences sont contradictoires : il attaque ici
1071 ent même du christianisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal q
1072 tte mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y sub
1073 a religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer au respect de la vérité, soupçonnée, non sans quelque
1074 eté spirituelle. Mais le premier chrétien cultivé et spirituel a donné au christianisme sa rhétorique et sa dialectique ;
1075 spirituel a donné au christianisme sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir
1076 tivisme primaire qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre de Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce
1077 Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique »
1078 ’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique ».   Parmi toutes les criailleries de Ni
1079 e qui n’est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne se réclam
1080 d’un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, d
1081 it au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral »
1082 e de reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule
1083 seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et tro
1084 le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral 
1085 générations des églises où on le prêchait envers et contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme,
1086 nt Denis de, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 250-256.
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
1087 Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)aa L
1088 qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savo
1089 nnent d’y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradic
1090 ie jusqu’à cet excès grandiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur
1091 t pas lorsqu’il parut (en 1936) à louer la mesure et la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insiste
1092 ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre, et aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gi
1093 ar MM. Henri Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre, et aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien
1094 re, et aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité de
1095 alomnies recueillies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), me
1096 éfinir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagée », ou encore attitude du « spectateur » et attitude
1097 « engagée », ou encore attitude du « spectateur » et attitude du « témoin ». Opposition qui, sur le plan théologique, ou m
1098 s de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », par
1099 cellence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet,
1100 rçoit, sans tarder, que la discussion avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’est, en fait, que le support app
1101 premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche
1102 Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les affirmations fondamentales de la Ré
1103 e : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice
1104 de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les terme
1105 odifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moi
1106 a décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entr
1107 re les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidè
1108 t du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constitua
1109 ge et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les
1110 ignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Die
1111 s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle questio
1112 et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Il
1113 Ils renvoient tous à la question du Christ : « … Et toi, maintenant, crois-tu cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la
1114 aire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait
1115 tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus ancien ! — t
1116 olonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le lib
1117 l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une
1118 ante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisage honnêtement les object
1119 se toutes ses chances, non sans ironie toutefois, et sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une const
1120 fois, et sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue purement
1121 rement esthétique, ces qualités sont assez rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essenti
1122 r qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que t
1123 me ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise, qu’on attendait d
1124 oyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas propremen
1125 que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatribe voulait l’embarrasser69.
1126 que théologien que Luther s’applique à répondre, et c’est même la plus dure ironie — quoique involontaire, je le suppose
1127 ther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire, et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objectio
1128 Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu’on puisse écarter c
1129 ucune liberté, car en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’
1130 e pas seulement l’omnipotence, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse
1131 le de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il
1132 ire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore entre l’individu et le Sort, cette
1133 e monde, par exemple ; ou encore entre l’individu et le Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour
1134 gi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-elle pas, justement, à l
1135 ’Éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli
1136 — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les rend vaines en fin de compte : car je sens, malgré tout, que je l
1137 je sens, malgré tout, que je les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu étern
1138 ment, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! I
1139 ’il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait
1140 est « chair », et cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tu
1141 i Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé
1142 ssi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurera
1143 ait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais m
1144 er du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’imag
1145 — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’
1146 morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éte
1147 e n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité
1148 t acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule chose qui change quel
1149 le ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère q
1150 tre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », d
1151 nt et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui nous prédestina ! Quand le
1152 à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Ét
1153 re précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volon
1154 succession. Mais, au contraire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de
1155 ivers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en
1156 t ! Est-ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur
1157 ières ? … C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouv
1158 peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’altern
1159 a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’invoque no
1160 l homme », et les prétextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’invoque notre révolte… Réalité radicale du pro
1161 lème Dans l’Église, une fois acceptés le Credo et son fondement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée
1162 ement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est Christ lui-même, — il
1163 ther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en trouvera dans le Traité d
1164 formulé avant toute « tradition ecclésiastique », et tous les Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changer
1165 e « tradition ecclésiastique », et tous les Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changeront rien : « Trava
1166 nt rien : « Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le
1167 puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire. » (Phil. 2 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nou
1168 arce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui ose alle
1169 jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » é
1170 es sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas
1171 aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et , à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance
1172 entation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Érasme. Le problème
1173 ort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout n
1174 u mal. Tout le reste est psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette
1175 que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui refusen
1176 t correspondre, terme à terme, à celui que Luther et Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé, comm
1177 ndre, terme à terme, à celui que Luther et Paul —  et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé, comme Luther,
1178 qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se m
1179 met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire et joyeuse à la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconn
1180 otre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est v
1181 e.) La similitude étonnante du paradoxe luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence i
1182 amentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que N
1183 équat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois : « nécessité cond
1184 vertit à chaque fois : « nécessité conditionnelle et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophis
1185 onnelle et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 70.
1186 70. Comme l’anarchiste Bakounine. 71. Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 72. Voir Karl Löwith : Nietzsches Philosophi
1187 aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et Vie, Paris,
1188 berté (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et Vie, Paris, mars–avril 1937, p. 221-231.
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
1189 Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)ab ac Le mouvement œcuménique ne deviendr
1190 du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’il le pressente,
1191 es volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point
1192 romis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcément trop généraux. Mais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici
1193 ment. En fait, on a examiné la situation mondiale et l’on a tenté de l’améliorer, conformément à des principes indiscutés
1194 t à des principes indiscutés de morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu influencer le cours d
1195 st faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle r
1196 ives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risqu
1197 isse, il faut qu’elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui
1198 eux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans un certain se
1199 e leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connu
1200 mbition, la plus profonde, et non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connues ou supposées de leur
1201 leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale
1202 arte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour compose
1203 e sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures désirables, mais au contrair
1204 politique impliquée dès le début dans la volonté et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a d’autre ambition que d’e
1205 esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des p
1206 nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils
1207 teint un climat presque mortel. Conflit politique et économique entre l’État totalitaire et les droits de l’homme. Conflit
1208 politique et économique entre l’État totalitaire et les droits de l’homme. Conflit moral entre le collectivisme oppressif
1209 e. Conflit moral entre le collectivisme oppressif et l’individualisme anarchisant. Conflit idéologique et religieux entre
1210 l’individualisme anarchisant. Conflit idéologique et religieux entre l’unité imposée et la division irréfléchie, entre la
1211 it idéologique et religieux entre l’unité imposée et la division irréfléchie, entre la centralisation rigide et l’éparpill
1212 ision irréfléchie, entre la centralisation rigide et l’éparpillement poussiéreux. Remarquons tout de suite que ces divers
1213 ts ne sont en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux différents. Rem
1214 ment faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution p
1215 aisant une somme d’hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement la guerre et la révolution. Du con
1216 e et économique, résultent pratiquement la guerre et la révolution. Du conflit moral résultent la tyrannie et l’anarchie.
1217 évolution. Du conflit moral résultent la tyrannie et l’anarchie. Du conflit idéologique et religieux résultent des mises a
1218 la tyrannie et l’anarchie. Du conflit idéologique et religieux résultent des mises au pas de plus en plus indiscrètes et d
1219 tent des mises au pas de plus en plus indiscrètes et des schismes multipliés. Pour résoudre l’opposition unité-division, i
1220 s deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des d
1221 sont que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il fau
1222 ni synthèse possible. Il faut revenir à la santé. Et tout d’abord, il faut se la représenter. La santé politique et économ
1223 rd, il faut se la représenter. La santé politique et économique s’appelle fédéralisme. La santé morale et civique s’appell
1224 économique s’appelle fédéralisme. La santé morale et civique s’appelle personnalisme. La santé religieuse s’appelle œcumén
1225 termes en insistant sur leur liaison fondamentale et sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse étant la suivante : La th
1226 çons : « Je crois la sainte Église universelle. » Et nous nous bornerons ici à en souligner quelques traits qui importent
1227 celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens en Christ, cette foi pou
1228 menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et
1229 e unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car c’est précisément cette utopie qui a produit les schi
1230 écisément cette utopie qui a produit les schismes et les oppositions que le mouvement œcuménique se propose de surmonter.
1231 er la foi à l’Una Sancta en une assurance visible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la
1232 de la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et m
1233 octrine de la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’un seul e
1234 re doctrine de la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle
1235 ur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’union dans la distin
1236 t plus conscientes de leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’elle espère atteindre une commun
1237 est-à-dire qui tendrait à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est a
1238 l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits, ou dans
1239 ce de l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en fait, un principe d’unité immanent, c’est-à-di
1240 plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d
1241 es calvinistes. Une Église qui prétend se suffire et posséder son principe d’unité, une Église qui tend à se fermer par le
1242 rer sa cohésion humaine, devient à la fois isolée et génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuméni
1243 la diversité en division. Alors il y a scandale, et c’est alors que le corps souffre dans son chef et dans ses membres !
1244 et c’est alors que le corps souffre dans son chef et dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de c
1245 s dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, as
1246 ance à un même chef. Nous retrouverons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème de l’harmonie organique opposé au thèm
1247  tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Notons
1248 octrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de l’Église, correspond terme à terme le con
1249 rme à terme le conflit qui oppose la collectivité et l’individu dans le plan de la société. Et de même que l’œcuménisme re
1250 ctivité et l’individu dans le plan de la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spirituelle centrale qu
1251 llustrer les notions d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptibles de faire image.
1252 aire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme
1253 tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abo
1254 n compte », et qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord douter, et c’est bientôt se révolte
1255 ngue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord douter, et c’est bientôt se révolter contre les tabous et les conventions sacrée
1256 r, et c’est bientôt se révolter contre les tabous et les conventions sacrées du groupe. Alors le groupe expulse le « non-c
1257 cques, communautés comparables à la cité moderne, et basées non plus sur le sacré, le sang et les morts, mais sur l’intérê
1258 moderne, et basées non plus sur le sacré, le sang et les morts, mais sur l’intérêt commun et les contrats. Tous les membre
1259 , le sang et les morts, mais sur l’intérêt commun et les contrats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même m
1260 manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute dissidence de conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans
1261 onscience de soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sacré collectif. Mais ce mouvement centrif
1262 gine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social. Il s’oriente vers
1263 ffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rass
1264 isolé retrouve des contraintes qui le rassurent, et où l’État reprend sa puissance. C’est Rome alors qui nous donnera le
1265 idualisme devenu anarchique. Entre individualisme et dictature, l’opposition n’est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il
1266 ent. Mais cet État centralisé, cette unité rigide et trop contrôlée écrase bientôt toutes les initiatives individuelles. N
1267 un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individualiste a triom
1268 ré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collectiviste. De nou
1269 la lutte présente entre démocratie individualiste et étatisme totalitaire — se produit l’événement unique de l’Incarnation
1270 — se produit l’événement unique de l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église.
1271 pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une société vér
1272 in des temps. Et cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une société véritable. Elles ont leur organisation
1273 chies, leurs assemblées. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part une activité so
1274 ne activité sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine
1275 ignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc
1276 ection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’il a
1277 viduelle. Il est donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l
1278 fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un ty
1279 Car cet homme est, lui aussi, à la fois autonome et en relation. Ainsi, le mot personne avec son sens nouveau, et la réal
1280 on. Ainsi, le mot personne avec son sens nouveau, et la réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien des créations chré
1281 au, et la réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de
1282 t l’éternel conflit entre la liberté individuelle et les devoirs vis-à-vis de la collectivité. C’est le même Dieu qui, par
1283 à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblables. La liberté est a
1284 ectement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits
1285 iée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du particulier ont le même fondement que les droits et le
1286 particulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui l
1287 an utopique : à chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement de la personne chrétienne se définissent du même coup pa
1288 e position centrale définissant à la fois l’union et la diversité, l’engagement et la liberté, les droits du tout et les d
1289 t à la fois l’union et la diversité, l’engagement et la liberté, les droits du tout et les droits des parties. De même que
1290 é, l’engagement et la liberté, les droits du tout et les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prév
1291 pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politique trop esclave. Elle est l’homme intégral, dont les
1292 l n’y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l’État. Mais dès qu’intervient la trans
1293 le entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l’État. Mais dès qu’intervient la transcendance, il y a mieux qu’un é
1294 nt les implications politiques de cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons
1295 xclut l’orthodoxie fermée, créatrice de schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’impérialisme,
1296 ut de même l’impérialisme, générateur de guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impéri
1297 , générateur de guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’est que l’indivi
1298 rialisme n’est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De même que l’État
1299 oupes locaux (région, commune, entreprises, etc.) et l’œcuménisme reconnaît pareillement leur valeur (églises diverses, pa
1300 tâches civiques y sont à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc possible. Dans
1301 ngrégation, on se connaît, on sait à quels hommes et à quels problèmes publics on a affaire. Si l’on se trouve en oppositi
1302 n n’est pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans une fédération l’on peut toujours adhérer à di
1303 l cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au
1304 a fédération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affront
1305 urs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées, il substitue l’émulation vivante
1306 Nous pourrions pareillement définir l’œcuménisme et le fédéralisme en remplaçant « âmes » par « églises » et par « région
1307 édéralisme en remplaçant « âmes » par « églises » et par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre t
1308 dre économique la vitalité des syndicats ouvriers et patronaux, et la substitution au régime capitaliste (centralisateur e
1309 la vitalité des syndicats ouvriers et patronaux, et la substitution au régime capitaliste (centralisateur et individualis
1310 ubstitution au régime capitaliste (centralisateur et individualiste à la fois) d’un régime coopératif. Mais ceci nous entr
1311 ations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’une seule et même attitude s
1312 e fédéralisme sont les aspects divers d’une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et s’appuien
1313 titude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et s’appuient mutuellement. Ils ont les mêmes structures et les mêmes am
1314 puient mutuellement. Ils ont les mêmes structures et les mêmes ambitions. Ils opposent également à la notion d’unité rigid
1315 à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géométrique la collaboration pluraliste et organique ; au couple de f
1316 itaire et géométrique la collaboration pluraliste et organique ; au couple de frères ennemis que forment l’individu déraci
1317 de frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitaire, le couple de frères amis que forment la personn
1318 le couple de frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloir le fédéralisme sans accepter l’œcumén
1319 recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuple
1320 L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nullement prêts à se soulever pour réta
1321 à la communauté. Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de
1322 fédéralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, s
1323 la plénitude de leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens, le fédéralisme est la seule possibi
1324 ire que le totalitarisme a diaboliquement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nou
1325 vié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constaton
1326 nt des démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de to
1327 le. D’autre part, si les démocraties capitalistes et individualistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait.
1328 de cette alternative sont également improbables, et que les destructions en cours et à venir supprimeront pratiquement to
1329 ent improbables, et que les destructions en cours et à venir supprimeront pratiquement toutes possibilités de victoire rée
1330 s en présence ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même p
1331 on se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prépare ? Le cap
1332 où sont-elles ? Qui les prépare ? Le capitalisme et l’individualisme ont reçu en Europe des coups mortels, dans les deux
1333 donc à prévoir qu’un vide économique, idéologique et social sans précédent dans notre histoire. La seule espérance et auss
1334 précédent dans notre histoire. La seule espérance et aussi la seule possibilité qui demeure, c’est l’organisation fédérali
1335 nd à la fois aux aspirations confuses des peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à la fois au
1336 s’oppose à la fois au capitalisme individualiste et au totalitarisme qui en est né. Mais qui peut aujourd’hui proposer ce
1337 d’une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de s
1338 ler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrière
1339 de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’es
1340 at les barrières, le passé. C’est toute sa force, et sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’une table rase c
1341 … Cette carence générale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y r
1342 ont fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il demande.
1343 es structures ecclésiastiques ont souvent précédé et prédéterminé les structures politiques d’une nation. J’indiquerai tro
1344 respondant à l’Allemagne en majorité luthérienne, et une troisième correspondant à l’Italie et à l’Espagne catholiques rom
1345 rienne, et une troisième correspondant à l’Italie et à l’Espagne catholiques romaines, — alors qu’il n’en existe aucune qu
1346 e dirai ceci : en Russie, en Allemagne, en Italie et en Espagne, la distinction entre l’Église et l’État n’avait jamais ét
1347 alie et en Espagne, la distinction entre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Il en
1348 ultait, dans le peuple, le sentiment que l’Église et l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le Pouvoir. Ren
1349 ntiment que l’Église et l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était donc fat
1350 un, c’était donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et comme une révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’elle r
1351 u pouvoir qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et , dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraints par le s
1352 t : ils réclamèrent à la fois le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle, et devinrent donc totalitaires. Dans les pays
1353 is le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle, et devinrent donc totalitaires. Dans les pays calvinistes, au contraire,
1354 vinistes, au contraire, la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas strict
1355 sion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays scandinaves, au xvie siècle, ont accompli leur Réforme au s
1356 ste ou luthérien, s’est introduit dans les cadres et les rites anciens, jugés utilisables. Or, nous voyons ce processus ec
1357 mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique et social. Les cadres traditionnels subsistent — royauté, hiérarchies so
1358 s propres termes, dans la diversité « des Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédérati
1359 doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devai
1360 clésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent
1361 édérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montre
1362 2° que l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces processus religieux, préparera le terrain pour u
1363 c’est-à-dire tenant compte des données empiriques et des diversités spirituelles sur la connaissance desquelles se fonde n
1364 dératif sérieux. 2. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont les seules bases
1365 tre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases actuellement exis
1366 ne sont les seules bases actuellement existantes, et sur lesquelles on puisse construire dès maintenant. (La « religion de
1367 de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’éléments traditionnels, condensant tout
1368 us avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable dynamisme révolutionnaire.
1369 n sait assez que les Internationales idéologiques et politiques se sont désintégrées au cours des deux dernières décades.
1370 oviets ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu les socialiste
1371 ans précédent, une lourde responsabilité humaine, et , n’hésitons pas à le dire, une vocation. 4. La renaissance liturgique
1372 nauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas celle qui fond, en une masse informe et grossièrement encadré
1373 , et non pas celle qui fond, en une masse informe et grossièrement encadrée, les individus privés de leur conscience norma
1374 ie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de sy
1375 ujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsistent dans les démocraties et dans les
1376 s en erreurs, qui subsistent dans les démocraties et dans les mouvements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce
1377 x camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le
1378 es peuples n’attend que des réponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté. Ce qui manque à ces tentative
1379 st un arrière-plan spirituel commun (œcuménisme), et une vision précise des liens nécessaires unissant cet arrière-plan au
1380 es unissant cet arrière-plan aux réalités morales et politiques (personnalisme). Point d’action constructive sans idéologi
1381 e. Mais point d’idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle,
1382 qui suit. ab. Rougemont Denis de, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639.
1383 mont Denis de, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’une
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
1384 ditions, le modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune diffé
1385 , au lieu de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération
1386 vivre, plutôt que le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Eur
1387 lculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien faire pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde des seu
1388 la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif a
1389 re les anticorps des toxines qu’elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentant pour le tiers-mond
1390 de. Quant à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, po
1391 -monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr,
1392 ent dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de faire les r
1393 st sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières ch
1394 drait ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-v
1395 t-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à c
1396 questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me paraît lisiblemen
1397 nt inscrite dans la problématique de notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont quatre ou cinq
1398 e l’Ouest, se voient amenés aux mêmes conclusions et le confessent… dans une conversation ou un colloque privé. Pourtant,
1399 montraient l’intention, ils perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pa
1400 feront rien, pour la raison que je viens de dire, et les politiciens moins encore, pour la raison que les régions n’existe
1401 pas, ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouvernements, avertis par le cl
1402 nos gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et qu’ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » ava
1403 r dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout au
1404 tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauche, selon qu’elles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent 
1405 ses lois. Quant au « grand public » de la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confon
1406 opportunisme à très court terme (trouver un job) et souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite en même t
1407 ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce refus passant
1408 Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible
1409 re un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que
1410 très justement, ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces
1411 ale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entretenus. Absurde, impossible et réelle, la société stato-nationali
1412 lle-même créés et entretenus. Absurde, impossible et réelle, la société stato-nationaliste a pour seule vertu d’être là. É
1413 coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’acti
1414 n de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes ses formes, des embal
1415 s’enchaîne. L’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à
1416 delà des déductions critiques, à l’escalade lente et sûre des innovations attendues et des rénovations sociales et politiq
1417 ’escalade lente et sûre des innovations attendues et des rénovations sociales et politiques proposées au long de ces pages
1418 innovations attendues et des rénovations sociales et politiques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites co
1419 les et politiques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du continent, premiè
1420 arce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centrales nucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ils sont au
1421 On leur dispute ce nom, ils assurent la fonction. Et bien plus, par leurs luttes contre la pollution et les centrales nucl
1422 t bien plus, par leurs luttes contre la pollution et les centrales nucléaires, ils ont fourni à la révolution régionaliste
1423 rées s’opposant aux États-nations par l’intérieur et par l’extérieur. La formule des circuits fermés favorise les communau
1424 ont les monopoles classiques se trouvent débordés et vidés tant par en bas (quartiers) que par en haut (continents). Je vo
1425 par en haut (continents). Je vois des sociologues et des économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir est aux « p
1426 tes peuvent être appréhendées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus d
1427 itants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urbaines à l’échelle h
1428 is dix-mille ans qu’il y a des hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour résoudre leurs différen
1429 isonnables dans les dix ou quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre e
1430 s bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que
1431 mposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la réalité elle-même qui va recourir à la pédagogie des catastr
1432 iques, seules capables de surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apoc
1433 aise, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donnais pour exemple la crise énergétique, industrielle et monétaire
1434 s pour exemple la crise énergétique, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dic
1435 où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autre, si cela le
1436 urée, une centaine de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutôt ridicule après coup. Tout le
1437 ’hui sait ou pourrait savoir ce que je découvrais et croyais révéler : les ressources limitées, les besoins infinis, les c
1438 , les centrales nucléaires qui vont arranger cela et qu’on dit au surplus tellement propres… Mais comme tout le monde déjà
1439 res… Mais comme tout le monde déjà oublie sa peur et la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastr
1440 inction des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant
1441 iècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’il sévit,
1442 nt rien à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas
1443 faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait p
1444 ire. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’
1445 et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont
1446 re : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter —
1447 Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut n
1448 ni prédire ni cacher, mais il indique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il y a quelque
1449 nc que ça dure ? » Question morbide, mais lucide, et qu’on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de
1450 causes du péril où l’humain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guér
1451 moyens de sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans
1452 C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage et les décors n’
1453 nche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui r
1454 me meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les trembleme
1455 ue nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc v
1456 aut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’a
1457 présent, l’anticiper. On peut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux de la foi, « substance des choses espérées, f
1458 és, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur e
1459 e vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la force du désir, le devenir, c’est anticiper notre avenir, mieu
1460 ieusement, il n’est qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au p
1461 s : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si nous devenons meilleurs, obéissant mieux à notre voca
1462 nir tel désastre probable ou précisément calculé, et d’abord celui d’être tous des seuls en masse, il vous reste à vous co
1463 les occasions de haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce changement n’adviendra pas dans le r
1464 vous voulez changer l’avenir, changez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle de Juda, le grand prophète, interrogé su
1465 s ! Le mot doit être ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chré
1466 es idées sur les méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régions, sans adopter l’atti
1467 ancher sans impliquer des décisions métaphysiques et religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses opti
1468 religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou la liberté. Faire des r
1469 e : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personne ait liber
1470 ommunauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (l
1471 de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement se convertir. Tous les prophètes condamnent la vo
1472 ame de l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup la Nature ; si l’on remplace l’amour par l’effi
1473 anchera ? Entre le besoin de sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction
1474 t que nation, vend ou achète les armes de la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grande et très p
1475 te vers l’holocauste général avec une très grande et très profonde stupidité, qui amène des éthologistes à penser que se m
1476 core de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette géné
1477 velles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre
1478 Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire ma
1479 qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovatio
1480 uit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit aussi. Si vous voulez interroger, interrogez ! Convertissez-v
1481 voulez interroger, interrogez ! Convertissez-vous et revenez ! 74. Interview à la TV française, avril 1973. 75. Consta
1482 ont Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces que