1
es les forces du temps y concourent obscurément ;
et
, pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuel
2
s années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
et
là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une époque déjà presque
3
lainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le passé
et
ceux qui prophétisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et ma
4
étisent, ceux qui jettent une imprécation stérile
et
magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le
5
imprécation stérile et magnifique contre l’époque
et
ceux qui cherchent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une
6
admettre qu’une époque entière ait pu se tromper,
et
se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nou
7
nt. Il suffit pourtant de regarder autour de nous
et
d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Fo
8
nds Henry Ford comme un symbole du monde moderne,
et
le meilleur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du typ
9
proché plus que lui du type idéal de l’industriel
et
du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité unive
10
a vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie
et
mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
11
. Il passe son enfance à jouer avec des outils, «
et
c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus
12
achine de route, jusqu’au jour présent, ma grande
et
constante ambition a été de construire une bonne machine routière. »
13
onde tôt après la Société des automobiles Ford, «
et
commence à réaliser son rêve, le type unique d’automobile utilitaire
14
eu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour,
et
la possibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus
15
s usines, des salaires, des conditions de travail
et
de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une soluti
16
ne solution définitive aux problèmes du surmenage
et
du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement d
17
des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie
et
mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’o
18
éprouve toujours au récit de succès mirobolants,
et
le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour
19
la popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford
et
des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t
20
ore de régler pacifiquement le conflit du capital
et
du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économis
21
re quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande
et
constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, métho
22
l’auto routière : naissance de sa passion froide
et
tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
23
l’humanité par la possession d’automobiles Ford.
Et
, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditi
24
rationnelles de la production, avec cette netteté
et
cette décision qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’action
25
s c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille,
et
que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir
26
industriel comptait. La tromperie est préméditée.
Et
le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psycho
27
de son instinct de préservation, d’autorégulation
et
d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
28
asie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat
et
de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparen
29
at et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers
et
leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dan
30
ction s’intensifie, plus il faut créer de besoins
et
de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais
31
rogressant. Mais la nature humaine a des limites.
Et
le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusq
32
er jusqu’à quel point Ford est conscient des buts
et
de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
33
consiste à travailler pendant le temps convenable
et
à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant
34
ail de sa vie privée. Cette liberté particulière,
et
cent autres pareilles, composent, au total, la grande Liberté idéale
35
es, composent, au total, la grande Liberté idéale
et
mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Lib
36
e d’huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant
et
prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur qu
37
es rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ?
Et
que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la soc
38
n : « Sur quoi repose la société ? Sur les hommes
et
les moyens grâce auxquels on cultive, on fabrique, on transporte. » «
39
lus naïf matérialiste que nous avons affaire ici.
Et
ses prétentions « idéalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
40
nous ne concernent pas particulièrement les autos
et
les tracteurs, mais composent en quelque manière, un code universel !
41
issent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux
et
naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la f
42
nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons
et
ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout not
43
dirigés uniquement vers la production matérielle
et
vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais
44
irer des conséquences, alors que Ford passe outre
et
se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il t
45
s forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour
et
exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros pu
46
it prononcé définitivement le divorce de l’esprit
et
de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable err
47
ligé à la révision des valeurs, la plus difficile
et
la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de
48
: celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit
et
de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière
49
» derrière lequel on se réfugie avec une paresse
et
une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de
50
nce de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience.
Et
qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en
51
tinées à charmer les loisirs de personnes oisives
et
raffinées, réunies pour admirer mutuellement leur culture », dit Ford
52
ur admirer mutuellement leur culture », dit Ford.
Et
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tr
53
ens américain. On en fait quelque chose de jovial
et
d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout.
54
al et d’alerte, quelque chose de très sympathique
et
pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans q
55
Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme
et
l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « e
56
en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique
et
s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber pre
57
tir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit,
et
tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1° Accepter la
58
s un anarchisme stérile. 1° Accepter la technique
et
ses conditions. Dans cette mécanique bien huilée, au mouvement si rég
59
mouvement si régulier qu’il en devient insensible
et
que la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géo
60
hiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes
et
qu’il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures
61
t l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence,
et
à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifé
62
ement encore que son travail aux lois d’une offre
et
d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit do
63
d’une demande sans rapport avec ses désirs réels,
et
dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui,
64
rs réels, et dont il subit docilement l’abstraite
et
commerciale nécessité. Ennui, fatigue, sommeil sans prière. Cela s’ap
65
de la Nature, lié par les liens les plus subtils
et
les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêt
66
us les autres membres de la Nature, choses, bêtes
et
anges, — le voici devenu sourd à cette harmonie universelle, incapabl
67
pable d’en comprendre les correspondances divines
et
humaines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragiq
68
ême à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique
et
absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires
69
la lutte tragique et absurde des lois économiques
et
des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le cont
70
Il a perdu le contact avec les choses naturelles,
et
par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et inter
71
, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague
et
intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fa
72
a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre
et
généreux, le sentiment d’avoir inventé ou compris par soi-même, la li
73
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté
et
une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscie
74
oi-même, la liberté et une certaine durée normale
et
capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses b
75
use dans le plaisir, la conscience de ses besoins
et
de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a d
76
ce de ses besoins et de ses buts propres, humains
et
divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné une auto pour admirer la na
77
a donné une auto pour admirer la nature entre 17
et
19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauva
78
que, l’Occidental a prétendu maîtriser la matière
et
parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exig
79
ui nous la firent désirer. 2° Accepter l’esprit,
et
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibil
80
oments de loisir, il a des exigences effectives ;
et
ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement
81
active de Dieu que nos savants nomment mysticisme
et
considèrent comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engren
82
anc-maçonnerie de quelques centaines d’individus.
Et
cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur
83
ôté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu
et
Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réaction
84
me. Second pas : en poser les termes avec netteté
et
courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1.
85
s livres les plus lus du grand public sont Ma vie
et
mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Da
86
du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford
et
Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue
87
ngue allemande, son succès est encore plus grand,
et
de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambo
88
. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie
et
mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926.
89
5. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici
et
là, la révolte perce : « Jugendbewegung » en Allemagne ; surréalisme
90
. a. Rougemont Denis de, « Le péril Ford », Foi
et
Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
91
notre condition humaine : la liberté de l’esprit
et
les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité égale
92
t les lois de la matière. Pris entre une anarchie
et
une fatalité également funestes, également démesurées, l’homme ne peu
93
isme l’art de composer pour la défense de l’homme
et
son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons dé
94
de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité,
et
singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire en
95
timent d’une harmonie nécessaire entre nos gestes
et
nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une
96
re entre nos gestes et nos pensées, nos créations
et
notre connaissance ; le sentiment d’une harmonie à sauvegarder au sei
97
à sauvegarder au sein de nos connaissances même,
et
dans l’allure de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir
98
achines : elles avaient l’air de grands joujoux ;
et
l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et l
99
’apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon
et
le courage de Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe q
100
i, dont les philosophes demeurent tout intimidés.
Et
nous vîmes le matérialisme mener son morne triomphe. Certes, la plupa
101
, officiellement, l’ont renié. Mais pourquoi tant
et
toujours plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’
102
té pris de vitesse par nos inventions matérielles
et
déjà nous sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’enraye
103
e l’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit
et
de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste
104
ar la science. Mais, participant de notre volonté
et
de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde
105
es, sans doute… Mais tout commence par des rêves.
Et
je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’u
106
un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir
et
de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme p
107
prévoir et de décrire une tentation qui le guette
et
à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de
108
des limites du monde roman. Le type de chevalier
et
ses succédanés militaires et wagnériens a toujours prévalu parmi les
109
Le type de chevalier et ses succédanés militaires
et
wagnériens a toujours prévalu parmi les peuples germaniques, où son p
110
Européen, voici l’Américain à rendement maximum.
Et
comptez que l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu
111
prend lui-même qu’en tant qu’il « passe l’homme »
et
participe, en esprit, d’un ordre transcendental. Un seul fut parfaite
112
nventé trop d’êtres inhumains : ils nous menacent
et
nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme,
113
. Tout humanisme véritable conduit « au seuil » :
et
qu’irions-nous lui demander de plus, s’il laisse en blanc la place de
114
? 5. Je songe à la « psychologie scientifique »
et
à ce leurre qu’est l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablemen
115
scours prononcé à l’Académie des sciences morales
et
politiques, en 1914, a posé le problème en termes fort nets. (Cités p
116
de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi
et
Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note su
117
ursuivi des études de lettres à Neuchâtel, Vienne
et
Genève. Il a collaboré à diverses revues suisses et françaises. Il pr
118
Genève. Il a collaboré à diverses revues suisses
et
françaises. Il prépare trois volumes (Essais, Romans, Voyages). »
119
nts, décrivait la révolution communiste en Chine,
et
la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, co
120
it justement d’exposer dans un petit ouvrage aigu
et
dense intitulé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9, est, cr
121
us dépouillé, plus inégal aussi à certains égards
et
qui cette fois ne montre pas l’homme aux prises avec l’humanité civil
122
st une sorte de roman d’aventures significatives,
et
dont le tragique est décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit
123
militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam,
et
auquel l’auteur prête des caractéristiques qui le rapprochent du Gari
124
d’autorité en ne parlant jamais que par allusions
et
mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas compl
125
» empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable
et
atroce où éclate douloureusement la révolte d’un être pour qui la mor
126
ait déborder un petit cercle d’esprits aventureux
et
atteints jusque dans leur goût de l’action par un intellectualisme an
127
t significatif de notre époque post-nietzschéenne
et
pré-communiste. Le cas Malraux, — le cas Perken si vous voulez. Les p
128
ment marqué que leurs particularités extérieures,
et
c’est sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué
129
qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt,
et
qui permet de les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénom
130
up d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression
et
de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoport
131
aître ? Ainsi apparaissent au travers des actions
et
des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité
132
moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde
et
intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblabl
133
mêmes parce que plus cohérent, plus représentatif
et
plus accompli. Perken-Garine est la personnification la plus frappant
134
otre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste
et
antichrétienne que Malraux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mie
135
pornographie en outre violations des lois divines
et
humaines, n’eussent vraisemblablement pas fait encourir à notre auteu
136
mpte rendu] André Malraux, La Voie royale », Foi
et
Vie, Paris, février 1931, p. 78-81.
137
que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme
et
dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une m
138
e qui vaut surtout par l’attitude qu’il manifeste
et
commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien marxiste. Citon
139
ste. Citons quelques phrases qui donneront le ton
et
les thèmes principaux : J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne
140
r à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions
et
les massacres en Chine, les emprisonnements au Tonkin. Et non Bouddha
141
assacres en Chine, les emprisonnements au Tonkin.
Et
non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle
142
t non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel
et
une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses pos
143
é. Il demeure un résidu impitoyable, descriptible
et
sec ». Ici la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté
144
ar leur nom, à préférer toujours le « distingué »
et
le « conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser un
145
contempler « ce résidu impitoyable, descriptible
et
sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’ess
146
omme ne peut être transformé que spirituellement.
Et
cette révolution-là a l’avantage d’être possible dès maintenant. Mais
147
olâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luther
et
de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders.
148
rentrant à Marseille voit de loin le château d’If
et
N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premiers em
149
d’hommes dans les églises que dans les prisons, —
et
des hommes qui viendront y trouver leur liberté. Mais pourquoi dira-
150
Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion
et
ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs
151
ute reviendra souvent dans les chroniques de Foi
et
Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilis
152
nce prononcée au Foyer des étudiants protestants,
et
que la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février
153
ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ;
et
nous savons depuis Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’e
154
déaliste se substitue inévitablement à l’Esprit —
et
cette fois nous avons affaire à quelqu’un. Mettons-le en présence du
155
ontemporain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation
et
qu’il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en
156
e. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ;
et
en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né
157
réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né
et
dont on ne saurait prévoir les avatars. Tout cela, disons-le nettemen
158
s-le nettement, est d’une singulière incohérence.
Et
il est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un ma
159
e une philosophie religieuse concrète d’une part,
et
le matérialisme historique de l’autre. La preuve, je m’amuse à la vo
160
lleurs, qu’en cette commune antipathie, M. Marcel
et
M. Nizan s’opposent avec une netteté d’autant plus significative qu’i
161
it-on souvent en lisant les critiques marxistes —
et
c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si
162
es — et c’est ici le nœud de divergence entre eux
et
nous — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucu
163
ous — si le mal est si grand qu’ils le montrent —
et
il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical
164
uête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi
et
Vie l’an dernier. 15. « Remarques sur l’irréligion contemporaine ».
165
ont Denis de, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi
et
Vie, Paris, mars 1931, p. 184-189.
166
teur de stérilité ou tout au moins de sécheresse.
Et
voici que s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette
167
sse. Et voici que s’alignent sur une même affiche
et
sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de pe
168
ffiche et sous la double étiquette de protestants
et
de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron
169
rtész… L’avant-garde parisienne la plus fringante
et
bariolée. Il y a là quelque mystère ; demandons-en l’explication à la
170
catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous
et
parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir
171
cercle. Héritiers du plus grand affranchissement
et
de la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n
172
être enfermés dans un moralisme étriqué, ennuyeux
et
consciencieusement arriérés. Or nous n’étions pas raisonnables, nous
173
ait, la nuit, dans les chambres où les curiosités
et
les enthousiasmes en désordre s’agitaient entre les murs d’où nous ar
174
entre les murs d’où nous arrachions les moulures
et
les vieux papiers à fleurs. La confiance, la sincérité, l’amitié, s’a
175
en qui nous aimions tout : le pasteur, le peintre
et
le fou, semait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la v
176
emait en nous toutes les curiosités de la couleur
et
de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf :
177
es mots « forme », « couleur », « architecture ».
Et
Dieu avait une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre cie
178
dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié.
Et
voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beauco
179
e ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton
et
une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui expliqu
180
up d’objections, ou qui expliqueront dès l’abord,
et
légitimeront aux yeux de beaucoup, le choix des œuvres exposées. Il n
181
ir du premier vernissage en une sympathie sincère
et
souvent fort admirative. Le titre de l’exposition, si l’on y prend bi
182
doivent à leur origine ou à leur foi réformée, —
et
si ces traits ne constituent pas, en définitive, les éléments d’un ar
183
e possible d’artistes nés dans le protestantisme.
Et
l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il de spécifiquement protest
184
c un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
et
serein. Deux petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le
185
etits Lotiron font un coin de campagne lumineuse,
et
le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très
186
us. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément
et
des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des
187
et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth
et
Booz » ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’art protes
188
de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence
et
de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art
189
pe-l’œil, ne dissocie jamais la recherche du beau
et
le goût intransigeant du vrai, c’est le trait le plus évidemment « pr
190
e de la foi. Nous pensons même que la renaissance
et
l’épanouissement d’un tel art seront conditionnés par un renouveau do
191
ont conditionnés par un renouveau doctrinal. Car,
et
c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la créat
192
’une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine.
Et
plus la doctrine se relâche et s’estompe, moins l’art montre d’accent
193
eux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche
et
s’estompe, moins l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une
194
relâche et s’estompe, moins l’art montre d’accent
et
de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de ce
195
catholique bénéficie certainement, pour lui-même
et
aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’apparei
196
spécifiquement catholiques, concernant la Vierge
et
les saints. En deux mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a
197
exposition d’artistes protestants modernes », Foi
et
Vie, Paris, avril 1931, p. 274-277.
198
hique, mais un bel ensemble d’observations justes
et
souvent profondes sur les grandeurs et les misères d’une ère mécanici
199
ons justes et souvent profondes sur les grandeurs
et
les misères d’une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du mo
200
les masses veulent conquérir des biens spirituels
et
matériels réservés autrefois à ceux-là seuls qui, par leur naissance
201
uir convenablement. Il faut organiser la conquête
et
la distribution de ces biens : d’où la technique. Cette prétention de
202
é est considérée de nos jours comme un mal absolu
et
honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du procha
203
yserling. Nous traversons une crise d’adaptation,
et
il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui
204
tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique
et
« formidablement ennuyeux » — un idéal de risque qui redonne à toutes
205
eulement adaptation, nous ajoutons régénération ;
et
lorsqu’il dit spiritualité, nous pensons connaissance mystique. g.
206
enis de, « Conférences du comte Keyserling », Foi
et
Vie, Paris, avril 1931, p. 287-288.
207
ient de traduire un autre roman du même auteur16,
et
il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. An
208
il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain,
et
sa qualité d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie
209
ins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
et
de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve
210
es grandes œuvres romanesques : une individualité
et
un milieu social bien défini. À ces deux éléments s’en ajoute un troi
211
histoire, dit l’auteur dans sa préface, lisez-la,
et
si vous la lisez, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ils
212
Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère
et
dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’adme
213
in à des êtres d’ordinaire admirablement corrects
et
maîtres d’eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longte
214
les week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour
et
contre le roman mondain — entendons mondain par le cadre et les perso
215
le roman mondain — entendons mondain par le cadre
et
les personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle
216
quand la situation n’est plus tenable à Londres,
et
l’histoire continue, pour notre agrément. Mais surtout, cette vie dén
217
t de se concentrer uniquement sur les sentiments,
et
dès lors elle constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur hum
218
ndains » de Baring ne manquent pas à cette tâche,
et
c’est là l’important. Le mérite le plus rare de ce livre est sans dou
219
s rare de ce livre est sans doute de faire sentir
et
« réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une vie. M. Baring
220
qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer
et
de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement
221
ême l’élément le plus convaincant de sa grandeur,
et
le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une vie
222
erront-là une condamnation des passions humaines,
et
comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de ce
223
, elle est l’expression concrète d’une loi divine
et
humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance ave
224
’expression concrète d’une loi divine et humaine,
et
c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance avec les Affini
225
es jugements contradictoires qu’elles provoquent.
Et
le tragique qui se dégage lentement de cette longue confusion de plai
226
d’une condamnation, mais celui, combien plus amer
et
noble, du consentement aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette
227
icite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque.
Et
c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé qu’elle atteint en cer
228
ne thèse plus que de faire comprendre la réalité.
Et
c’est au cours des quarante pages qu’il consacre à la « conversion »
229
lentit, au contraire, fâcheusement en ces pages —
et
qui s’explique si l’on a lu la phrase par quoi se termine un précéden
230
licane « de naissance », a donc épousé un Italien
et
vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucune pression
231
iment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. »
Et
l’on découvre soudain que cette femme, qui a subi sans les mettre jam
232
pas d’autre rôle dans l’histoire, sont ridicules
et
conventionnelles à souhait (ni plus ni moins que la majorité des gens
233
usin germain de votre père, qui est devenu moine,
et
qui marche pieds nus, à l’étranger lui aussi ; puis il y a eu votre p
234
utre part, tous les catholiques qu’elle rencontre
et
qui lui parlent de leur foi se distinguent par une humanité charmante
235
honte ». (Seuls, parmi les catholiques, son mari
et
sa tyrannique belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne di
236
ome papale, qui la console de la Rome de son mari
et
la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Lo
237
on possible qu’elle n’est plus du tout exemplaire
et
ne peut servir ni le catholicisme (le milieu protestant étant nul), n
238
s mobiles humains sont ici entièrement suffisants
et
rendent superflue l’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-
239
cret d’une communion que rompent les discussions,
et
qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indicati
240
e belle œuvre, d’une simple indication tranquille
et
profonde sur l’état d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il
241
portés à confondre notre bonheur avec notre bien,
et
à taxer d’immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mai
242
érente à ce que nous appelons bonheur ou malheur.
Et
c’est la vérité seule qu’il s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, da
243
d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
et
triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de la littérature r
244
emords au bord du désespoir, mais pas plus loin.
Et
c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certa
245
t c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant
et
presque trop certain, sourd, comme dit Charles Du Bos « cette tristes
246
mouvement lent, du Quintette, Schumann a enclose
et
embaumée ». « Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âm
247
: La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi
et
Vie, Paris, mai 1931, p. 344-350.
248
l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel
et
religieux français, est un événement qui mérite d’être signalé et qui
249
nçais, est un événement qui mérite d’être signalé
et
qui aura un profond retentissement dans le protestantisme en particul
250
nsacrées, en particulier dans la Revue d’histoire
et
de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et
251
de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal
et
Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici
252
eligieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard),
et
dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce
253
et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
et
de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publica
254
), et dans la Revue de métaphysique et de morale.
Et
voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine
255
s. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813,
et
y mourut en 1855. Voici comment le profond essayiste allemand Rudolf
256
que Mynster qui avait été très estimé au Danemark
et
que Kierkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père.
257
u Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé
et
honoré, comme ami de son père. Martensen, le successeur présumé de My
258
ls pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État
et
avides d’avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment
259
? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment
et
les Attaques contre le christianisme officiel ne peuvent être comparé
260
les. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme,
et
il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde
261
aractéristique à la fois du monde du catholicisme
et
du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui séviren
262
e et du monde du protestantisme, que la polémique
et
la satire qui sévirent, dans le premier, dès ses origines, ne se donn
263
cours par contre qu’à la fin du second. Le Moment
et
les Attaques contre le christianisme officiel furent l’acte de Kierke
264
aard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. »
Et
voici comment il faut situer Kierkegaard dans notre Panthéon spiritue
265
antisme fut la jeunesse, le passé de « l’Isolé ».
Et
l’expression la plus caractéristique de ce nouvel homme, qui a dépass
266
la nouvelle psychologie. L’œuvre la plus profonde
et
la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à
267
à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair
et
aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’une
268
pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme
et
d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il éman
269
ître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale
et
virulente. Qu’une telle œuvre commence son action en France au moment
270
religions » y gagnent, mais la foi, certainement.
Et
« l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue franç
271
s de la Nouvelle Revue française , chez Fourcade
et
aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », F
272
». i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », Foi
et
Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte non signé.
273
i a conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc,
et
un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien ut
274
’heures de marche monotone à travers des moraines
et
des névés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude
275
mineux — il trouvera sa place dans votre valise —
et
d’une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant,
276
citations nombreuses que l’auteur a su introduire
et
commenter avec la discrétion et souvent l’ironie légère qui convienne
277
r a su introduire et commenter avec la discrétion
et
souvent l’ironie légère qui conviennent. Plus encore que par leur val
278
encore que par leur valeur proprement littéraire
et
descriptive, elles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’elles
279
e qu’elles révèlent de la mentalité des écrivains
et
des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réacti
280
tères nationaux s’accusent d’une manière imprévue
et
significative. On regrettera seulement que l’auteur ait dû se borner
281
dû se borner à confronter les réactions anglaises
et
françaises. La réaction allemande eût apporté un élément important et
282
action allemande eût apporté un élément important
et
radicalement différent. Nous essaierons de l’esquisser plus loin. ⁂ C
283
ont-Blanc, clame son horreur de tant de démesure,
et
ses descriptions des Alpes constituent « le plus violent réquisitoire
284
, — où il fait vivre d’imaginaires bons sauvages.
Et
pour la grande majorité de ceux qui, après lui, feront intervenir la
285
s choses les attire moins que le jeu des passions
et
des intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme est seul. S
286
morne, il parvenait à oublier la fuite des heures
et
de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures si
287
i s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs
et
de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable,
288
luit là-haut ; la Puissance est là, la tranquille
et
solennelle Puissance aux mille aspects, aux mille bruits. » Ce n’est
289
nent interroger sur les hauteurs, mais une sombre
et
surhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force des choses » (Shel
290
s » (Shelley), ou encore (Wordsworth) « les types
et
les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticism
291
res alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës,
et
qu’inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Cel
292
Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade.
Et
comme elles s’opposent à la médiocre littérature qui transforme les s
293
s bel essai que Robert de Traz intitula Nietzsche
et
les hauteurs 23, et qui, posé en face du tableau franco-anglais, four
294
rt de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs 23,
et
qui, posé en face du tableau franco-anglais, fournit un contraste de
295
sme héroïque qu’elles inspirent. Ce thème éthique
et
philosophique paraît bien être le plus fécond et le plus adéquat à la
296
et philosophique paraît bien être le plus fécond
et
le plus adéquat à la nature alpestre. Il contient en puissance toute
297
puissance toute une morale de l’effort individuel
et
désintéressé, un constructivisme assez austère, mais stimulant, et qu
298
un constructivisme assez austère, mais stimulant,
et
qui mène à la joie… C’est un thème très « protestant ». Nietzsche l’a
299
rs ces derniers symboles physiques de la solitude
et
de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante d
300
onde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe,
et
non plus la « virtu ». L’héroïsme, au vieux sens du mot, ne trouve pl
301
u vieux sens du mot, ne trouve plus où s’exercer.
Et
ce n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret
302
n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs,
et
dans le secret de certains renoncements, que le regard spirituel saur
303
érieurs. Mais c’est là se contenter à bon marché,
et
personne ne croit plus à la vertu de simulacres à ce point galvaudés.
304
aux amateurs de risques authentiques : l’aviation
et
l’alpinisme. On commence à nous donner quelques « romans de l’air »,
305
mence à nous donner quelques « romans de l’air »,
et
certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier pour animer
306
alaces ? 22. La Littérature alpestre en France
et
en Angleterre, aux xviiie et xixe siècles. (Librairie Dardel, Chamb
307
alpestre en France et en Angleterre, aux xviiie
et
xixe siècles. (Librairie Dardel, Chambéry.) 23. Dans Essais et Anal
308
s. (Librairie Dardel, Chambéry.) 23. Dans Essais
et
Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lit
309
de, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi
et
Vie, Paris, juillet 1931, p. 548-551.
310
nous introduit dans la connaissance de la misère,
et
par là même nous fait sentir combien nous sommes mesquins, sans exige
311
n nous sommes mesquins, sans exigences véritables
et
sans grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant, est-il réellement
312
par sa puissance de sympathie, la misère physique
et
matérielle du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christ
313
monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence
et
l’action de Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, t
314
a mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne,
et
en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un des livres les plus sign
315
ire comment il voit le peuple, comment il l’aime,
et
quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homm
316
n s’accommode rarement d’une réflexion impartiale
et
d’une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs,
317
tuer leur effort dans une vision du monde globale
et
cohérente, à le juger religieusement par exemple. Que l’on songe à l’
318
ursuit son action en pleine connaissance de cause
et
de buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même s
319
expérience intime (je dirais même sentimentale),
et
avec sa foi chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’une t
320
ainte le secret d’une telle action ; sans crainte
et
sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen d
321
n œuvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir
et
d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques article
322
de servir et d’agir. C’est un homme sans partage
et
sans failles. Quelques articles parus dans des revues françaises ou s
323
ltats considérables de l’œuvre sociale, politique
et
religieuse suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’une pet
324
commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé
et
peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapidement envah
325
avions aussi que ce leader social, cet économiste
et
cet évangéliste se doublaient d’un écrivain extrêmement fécond, dont
326
ment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence
et
de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où
327
au moment où Kagawa débouche dans la vie publique
et
politique. Espérons qu’une biographie complète suivra cette « genèse
328
suivra cette « genèse » à vrai dire passionnante,
et
qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes d
329
ent à créer leur légende. Ici, bien au contraire,
et
surtout dans le premier volume, nous assistons à l’existence la plus
330
’Eiichi, à ces mille petites difficultés précises
et
humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constitu
331
qui constituent la trame réelle de notre activité
et
qui différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a
332
d’une absence d’hypocrisie tout à fait insolite,
et
qui dans certains cas, paraîtra presque scandaleuse à maints lecteurs
333
ne « décolle » jamais de la réalité psychologique
et
matérielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à êtr
334
jamais de la réalité psychologique et matérielle,
et
c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant.
335
e, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
et
particulière. Telle est la certitude qui se dégage lentement d’une pr
336
usion peu commune de petits faits, de personnages
et
de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérit
337
l nous emmène Kagawa : Il appuya son front chaud
et
malade contre la fenêtre, ferma les yeux et somnola. Le train faisait
338
chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux
et
somnola. Le train faisait un bruit épouvantable dans sa course. Il pe
339
que c’était un endroit célèbre pour les suicides,
et
qu’il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Ak
340
u théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya
et
Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait
341
de de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide
et
Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui sembl
342
ux mots lui semblaient avoir des rapports intimes
et
atroces. Quel horrible endroit, cet Osaka ! Les endroits surpeuplés s
343
doctrines bouddhistes, chrétiennes, matérialistes
et
socialistes s’opposent dans des termes inusités pour l’Occident, mais
344
e passage nous le montre déjà tout entier : subit
et
absolu dans ses déterminations, farouchement idéaliste et pourtant ja
345
u dans ses déterminations, farouchement idéaliste
et
pourtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des m
346
même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension
et
son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite s
347
Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même,
et
il éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l
348
t l’Université pour se plonger dans la vie active
et
mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus no
349
it. Il décida de retourner chez lui la nuit même,
et
après s’être demandé avec quelque anxiété comment il ferait face aux
350
malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit,
et
qui défend avec violence contre les idées subversives de son fils un
351
serait tout entière à citer, dans son inénarrable
et
cruelle vérité, pourtant fort émouvante par moments. C’est là qu’il r
352
le jeune fille qu’il aimait dans son adolescence.
Et
l’idylle passionnée se renoue, mais en même temps le drame s’éveille
353
vec l’idéal de rénovation sociale qu’il a conçu ?
Et
comment trouver le courage de se donner à cet idéal, dont la réalisat
354
de se sauver au plus vite de cet horrible endroit
et
de jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer
355
bien vite dans sa maison garnie de belles nattes
et
de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix i
356
tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit,
et
s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son père l’oblige
357
: Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier,
et
il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement import
358
ple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples
et
Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne put retenir ses la
359
, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité,
et
il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le
360
it la redoutable réalité, et il pleura de crainte
et
de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cym
361
t contre les conventions établies, les traditions
et
les sophismes. Devant lui était le monde : le monde, l’énorme asile d
362
ntenant —, tourmenté par l’emprise du militarisme
et
du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. San
363
re progressivement de tous ses intérêts matériels
et
familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en
364
us ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère
et
son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolt
365
des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
et
qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des
366
des ivrognes qui lui font des scènes effroyables,
et
vont jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les repre
367
saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite
et
subit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est
368
ème partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie
et
de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de p
369
est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre
et
directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus vécu sur ces milieux
370
ccuse Eiichi d’avoir prêté son appui à une grève,
et
le récit se termine par une scène entre le procureur et le prévenu, q
371
récit se termine par une scène entre le procureur
et
le prévenu, qui vaut d’être citée : — Pourquoi me regardez-vous ains
372
ntal dans une classe d’école, tant il était calme
et
loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que
373
s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste
et
de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tou
374
r continuait à enrager ; sa figure se contractait
et
ses lèvres étaient pâles. — Comment voulez-vous renverser l’état soci
375
che en branche sur le camphrier du jardin, joyeux
et
insouciants. Eiichi se demanda s’il y avait des procureurs dans le mo
376
attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches
et
l’escortent avec amour. ⁂ Avant de tirer les conclusions qu’impose ce
377
qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force
et
délicatesse, éprouve tous les penchants humains, s’y soustrait quand
378
, s’y soustrait quand il le faut pour mieux vivre
et
n’en fait jamais une affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et dé
379
is une affaire. Homme terriblement vivant, tenté,
et
décrivant ses tentations comme toutes naturelles, il surmonte les obs
380
rmonte les obstacles avec un contentement modeste
et
intelligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de
381
sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire
et
de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès
382
aire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre
et
extrême. Tous les excès lui sont possibles, en action, surtout dans l
383
e juger impartialement, sans exagérer sa critique
et
sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des re
384
s traverses souvent fortuites qui les provoquent.
Et
pas trace d’ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C
385
vent penser aux grands Russes, à Tolstoï surtout.
Et
par tous les revirements intérieurs de ses personnages également. Qua
386
oudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui
et
décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. I
387
à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie
et
toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abî
388
emps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir
et
revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sp
389
t était surprenant, même le sang caillé, le péché
et
le cœur souillé, tout était étonnement. Il acceptait tout. Il décida
390
Il décida de vivre fermement, de prendre courage
et
de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l
391
rendre courage et de lutter bravement à l’avenir,
et
pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la
392
lait se jeter, mais dans les merveilles du monde.
Et
voici que, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple
393
de disciple du Christ. Page étrange, en vérité,
et
dont l’accent presque nietzschéen choquera peut-être des gens qui eus
394
bres, à côté d’un ruisseau, il passa trois heures
et
demie à lire tout l’Évangile selon saint Matthieu, du premier chapitr
395
sur le sommet d’une montagne en face du mont Maya
et
pria Dieu de lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil
396
face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé
et
les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfants étaient ses meill
397
nner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil
et
les enfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi me
398
nfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment
et
par quoi mesurer la valeur chrétienne d’une âme ? L’action même est s
399
un être pose sur ses semblables, tel est le signe
et
la mesure certaine. Au cours d’un livre où il se peint, aux prises av
400
», ni rien du dogmatisme haineux des communistes.
Et
c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer
401
rendre, cet ennui traduit ou marque notre paresse
et
notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur résultante. Q
402
marque notre paresse et notre lâcheté naturelles,
et
l’incertitude qui est leur résultante. Quelques-uns s’en tirent en ré
403
: Tant que l’on considère la « question » sociale
et
que l’on en « discute », c’est irritant, vain et irréductible. Car la
404
et que l’on en « discute », c’est irritant, vain
et
irréductible. Car la question sociale n’admet peut-être de solution q
405
tres, mais de la résoudre d’abord pour son compte
et
par un acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là
406
e d’incarnation. Il y a là une exigence immédiate
et
par conséquent plus troublante que celle qu’impose n’importe quelle a
407
s. 24. Ceux qui veulent assimiler christianisme
et
capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. R
408
mpte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube », Foi
et
Vie, Paris, septembre 1931, p. 623-632. m. Une note précise : « Édit
409
manière est toujours l’indice d’une complaisance,
et
vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ces quelques notes
410
e provoquée par la dernière « manière » gidienne,
et
je m’excuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je suis décidé à
411
rt, — considérable. Art de ruses, de pondérations
et
de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art
412
harme à froid) — art qui tout ensemble se définit
et
se limite par l’épithète valéryenne d’exquis. On sait quels « jugemen
413
s d’une moralité toute faite. Je ne me récrie pas
et
ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte
414
ne trois sortes de gens, les pécheurs, les sauvés
et
les honnêtes gens.) Ensuite, parce que je ne veux pas me laisser entr
415
Divers, recueil d’aphorismes, de « caractères »
et
de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il
416
sait dans un grand nombre de cas me convaincre ;
et
que, dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on
417
la modestie est la vertu de choix du classicisme.
Et
qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’aill
418
roduites dans ce recueil en savent quelque chose,
et
le Père jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit une leçon d
419
ontroverse prit une leçon de distinguo magistrale
et
cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul b
420
que les derniers écrits de cet auteur reprennent
et
fignolent avec un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soi
421
c’est de le voir utiliser des dons incomparables
et
une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l
422
ourner soudain, les fait cailler en coquetteries.
Et
voici que l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, e
423
ation de soi pareillement tourne en indiscrétion,
et
cette retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’une impudeu
424
elui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie,
et
non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-là n
425
lui-là ne fait qu’usurper la forme du sacrifice ;
et
c’est en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme e
426
l tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme
et
sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale
427
e n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu.
Et
tout précepte évangélique une fois détaché de la grâce se décompose a
428
cet égard. L’on est d’abord séduit par la finesse
et
la mesure de leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu
429
entation, par leur côté vraiment « non-prévenu »,
et
puis, soudain, l’on s’impatiente d’être ramené sans cesse dans un cer
430
tre ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes
et
de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait p
431
rtaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre,
et
où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p
432
adictoire, où il voit l’essence de sa « réforme »
et
de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui,
433
t plus qu’un jeu d’équilibres relatifs, variables
et
réversibles. Plus de sanctions transcendantes et irrévocables dans un
434
et réversibles. Plus de sanctions transcendantes
et
irrévocables dans un tel univers. Suppression du tragique. Car le tra
435
rs l’unité, vers l’unification de ses aspirations
et
de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans d
436
e unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne
et
laïque nous le recommande. Non point à cause de la logique ni même d’
437
à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange
et
de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictemen
438
gent. On n’y parle strictement que de psychologie
et
des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétiq
439
sique. À cette heure où le monde tourne lentement
et
formidablement sur ses bases sociales et religieuses. Ah ! comme tout
440
entement et formidablement sur ses bases sociales
et
religieuses. Ah ! comme tout cela est juste et net, parfaitement expr
441
es et religieuses. Ah ! comme tout cela est juste
et
net, parfaitement exprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque
442
tout cela est juste et net, parfaitement exprimé
et
mûri. Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme, d’« endieusem
443
scient, exquis, mais, pour tout dire, complaisant
et
sans vénération. Complaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d
444
ans vénération. Complaisant à sa propre modestie.
Et
, par là même, d’une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un m
445
héances de l’homme, nous les connaissons de reste
et
la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; ma
446
’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu.
Et
ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des t
447
te, pendant que j’écris ces mots : Kierkegaard, —
et
c’est Gide qui, l’un des premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaar
448
extraordinaire : soudain c’est lui qui me regarde
et
qui me perce, — et me fait honte d’oublier la grandeur. 25. Remarqu
449
udain c’est lui qui me regarde et qui me perce, —
et
me fait honte d’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il a
450
ompte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi
et
Vie, Paris, octobre 1931, p. 725-729. o. Une note précise : « Divers
451
M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour
et
la divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’un tel t
452
stant26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation
et
de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a
453
vain protestant qui répond à ce même signalement.
Et
précisément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti
454
ada la mer devient aux trois quarts protestante —
et
l’est restée (la révocation fit quitter, selon Vauban, les vaisseaux
455
e toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement
et
de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est
456
ont un produit autochtone de la terre protestante
et
de l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouv
457
Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel
et
bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet
458
’un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé
et
profond de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. No
459
nd de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires
et
morales. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revu
460
trange d’une vie toute pleine de nobles penchants
et
d’affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dir
461
que déjà la conscience éteinte ne la dirige plus
et
qu’elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant unique
462
dirige plus et qu’elle flotte au hasard, sans but
et
sans attaches, cherchant uniquement à se satisfaire dans la jouissanc
463
car quoi qu’on dise de la différence entre la vie
et
le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de
464
d’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent,
et
les livres sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tablea
465
de la personnalité, la profondeur des sentiments
et
leur tristesse, que Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves. Il s
466
ue les âmes du xixe siècle soient plus profondes
et
plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais. Serait-ce
467
toute seule qui les aurait travaillées à ce point
et
les aurait ainsi fouillées ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, de
468
depuis qu’elle existe, n’a pas changé de nature,
et
, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle était peut-ê
469
Au temps où le domaine intérieur du recueillement
et
de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’é
470
aient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu
et
qu’une sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était
471
arce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence
et
qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont notre époque est
472
là, mais non plus les espérances de la religion,
et
l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de
473
qui montait autrefois, est retombée sur la terre
et
l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. L
474
au-delà, sans relation avec l’infini, se trouble
et
se complique ; le sentiment contredit à la pensée, la pensée contredi
475
it à la pensée, la pensée contredit au sentiment,
et
, dans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’être ont déchiré
476
tes à tous les regards, les cœurs se sont révélés
et
leur souffrance s’est écrite dans les pages innombrables de notre lit
477
aucune paix dans une intimité purement humaine :
Et
l’homme seul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque une étude
478
r temps. La critique la plus moderne les confirme
et
les répète bien souvent sans les connaître. Et « le point de vue de G
479
me et les répète bien souvent sans les connaître.
Et
« le point de vue de Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît
480
ugemont Denis de, « Le protestantisme jugé », Foi
et
Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-754.
481
res nous jugent C’est un fait digne d’intérêt,
et
que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « succès » lit
482
ains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne
et
Jean Schlumberger. — Écrivains protestants, vraiment ?… Ou bien, prot
483
. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins,
et
classe son auteur dans la lignée de ces fameux « moralistes français
484
ue de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
et
pathétique tableau d’un domaine et d’une famille dont la mystique se
485
n enfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine
et
d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode centra
486
— roman-plongée pourrait-on dire —, d’une sourde
et
hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte
487
uvre serait comme le frontispice (aux beaux noirs
et
gris profonds). Un critique fort écouté29, à son propos, fit observer
488
que la vieille opposition du sacrifice cornélien
et
de la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son
489
passion racinienne, — opposition qui se prolonge
et
trouve son expression moderne dans des œuvres bien plus caractéristiq
490
nin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur —
et
toute la misère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’a
491
’on y a renoncé, pour des raisons d’ordre général
et
comme indépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti p
492
’ordre général et comme indépendantes des auteurs
et
des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’éta
493
ants » nous y pousseraient, à force de reniements
et
d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires compli
494
t d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes
et
de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un
495
ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards
et
prophètes, nous condamnent dans la mesure où elles furent authentique
496
tés » politiques ou intellectuelles plus récentes
et
discutables, dont nos apologètes se réclament volontiers, n’en consti
497
estantisme un jugement indirect d’une impitoyable
et
significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît uti
498
rect d’une impitoyable et significative sévérité.
Et
dès lors, c’est cela qu’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’h
499
. Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît utile
et
nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous
500
dans Claire poursuit un bonheur purement égoïste,
et
par là si précaire qu’il côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encor
501
isse, ou pis encore : un sentiment d’indifférence
et
d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vér
502
c : refus ou ignorance des catégories de la grâce
et
du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’expli
503
plaisent à nommer « un caractère protestant »32.
Et
c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protest
504
r de compromettre la Réforme avec cette attitude,
et
de prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commo
505
c’est parfois, bien au contraire, par leur succès
et
dans leur épanouissement qu’ils manifestent au jour leurs faussetés e
506
sement qu’ils manifestent au jour leurs faussetés
et
qu’ils se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Éta
507
pratiquement acceptable ? Nous avons trop souvent
et
bien trop volontiers souffert que l’on nous attribue un moralisme tou
508
sence de toute exigence unifiante entre la pensée
et
l’action. Certes, nos prédicateurs affirmaient le salut gratuit par l
509
étiennes de la « moralité publique » par exemple.
Et
quelles qu’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteu
510
oint frappés de sa généralité, de son insistance…
Et
de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué d
511
e si l’on prend au sérieux la grandeur impérieuse
et
fulgurante du véritable calvinisme. Or nous n’hésitons plus à rendre
512
rendre responsable de cette carence de la poésie
et
du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître à ses origin
513
l notre fameux moralisme, traître à ses origines,
et
vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préci
514
icace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
et
de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent b
515
t bientôt réduit au rôle d’une censure tatillonne
et
qui flattait curieusement certaine notion de « correction » bourgeois
516
cusait à la fois la charité, le risque, l’abandon
et
la divine légèreté, c’est-à-dire, qu’elle récusait la grâce autant qu
517
on craint le risque, que Jésus n’a jamais craint.
Et
c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est ce
518
ien d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce
et
son optimisme vis-à-vis de la nature humaine, qui, selon cette vue, s
519
rvait » du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit
et
peut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’être
520
aux idées de Rousseau, optimistes quant à l’homme
et
pratiquement athées. Voici donc l’homme, dans sa condition menacée, r
521
man bientôt s’affaiblit à force de se compliquer,
et
tend à se réduire à une casuistique. Comment imaginer et comment anim
522
à se réduire à une casuistique. Comment imaginer
et
comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment de la création inter
523
on intervient une autocritique à la fois peureuse
et
agressive ? Il y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui,
524
Il y faudrait une puissance décuplée, excessive,
et
qui, par la force des choses, tournerait bientôt en révolte, en insol
525
’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel.
Et
quand elle n’est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé
526
heresse désolée de Benjamin Constant, impuissance
et
bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les r
527
de Loti : telles sont les réactions irrécusables
et
célèbres que provoqua le moralisme perverti. Il eût conduit le protes
528
-dire la police des mœurs, l’éducation bourgeoise
et
ces blasphématoires « hygiènes de l’esprit » dont les ravages ne pren
529
? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit
et
porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créa
530
, Bach, Rembrandt, les sœurs Brontë, Henrik Ibsen
et
ces deux Danois prodigieux, Hans-Christian Andersen et Søren Kierkega
531
s deux Danois prodigieux, Hans-Christian Andersen
et
Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voi
532
kens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) Les romans russes
et
les romans anglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce que pou
533
plus grandes, par le sentiment tragique du péché
et
de la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevsk
534
l du moralisme. La grande poésie naît du tragique
et
de la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir
535
umes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques.
Et
l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme
536
8. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revue française
et
Marsyas. 29. Albert Thibaudet, dans Candide. 30. À Mauriac, joignon
537
35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102,
et
tout le chapitre sur le Principe d’humilité. Également : Jean de Saus
538
rnier numéro de cette revue l’article de E. Hæin,
et
particulièrement la citation de F. Münch relative à la musique religi
539
ugemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi
et
Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-63.
540
ui serait aussi directeur de la Comédie française
et
ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des expériences accumulées
541
la Comédie française et ministre de l’Intérieur,
et
qui, en marge des expériences accumulées dans l’exercice de ces activ
542
fut supérieur à la somme de toutes ces activités
et
domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’indi
543
toutes ces activités et domina constamment sa vie
et
son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l
544
il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi
et
Vie , aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire
545
a conscience intellectuelle des chrétiens ne peut
et
ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme »
546
qui nous sont posées comme autant d’accusations,
et
qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que néc
547
le simple fait qu’une équivoque si grave subsiste
et
paraisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamme
548
lque bruit37 les débuts piétistes du jeune Goethe
et
la part active qu’il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées p
549
inzendorf. C’était le temps du réveil sentimental
et
mystique dans une Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung et l
550
ne Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung
et
le rationalisme. C’était le temps aussi du « Sturm und Drang » auquel
551
ression littéraire la plus parfaite avec Werther.
Et
nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permet
552
e pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert
et
me voilà libre à nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’
553
sujet, parfois, quand je suis calme, très calme,
et
que je sens tout le bien que les sources éternelles ont déversé dans
554
s sources éternelles ont déversé dans mon cœur. »
Et
deux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près
555
que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur
et
Jésus son fils bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de rai
556
é. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison
et
d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sages
557
nable qu’avec leur première sensation religieuse,
et
croient qu’on ne peut aller plus loin parce qu’ils ignorent tout du r
558
e Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile.
Et
en présence de l’intempérance de langage qui trop souvent caractérise
559
sse, dont Eckermann nous a livré les confidences,
et
où la volonté de sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le po
560
ource de malentendus perpétuellement renaissants,
et
que les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le
561
’établit fort justement Curtius « le Goethe païen
et
rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car e
562
e Goethe païen et rien que païen est une légende,
et
une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un my
563
the, au moyen duquel on peut faire de l’agitation
et
de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’uti
564
nue du Christ a modifié la nature même de l’homme
et
l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait u
565
t le soleil, comme une « révélation du Très-Haut,
et
même la plus puissante qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfant
566
onné, à nous enfants de la terre, de percevoir. »
Et
certes, on ne voit guère en quoi pareille conception pourrait choquer
567
u’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large
et
optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît la faiblesse rel
568
e du péché entraîne la considération de la grâce.
Et
c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mêle à notre vi
569
divine, sans cesse, se mêle à notre vie pratique
et
vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans Faust le salut p
570
’effort humain au sein d’une nature harmonieuse —
et
quand bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour d’En-Haut » v
571
réalités centrales de l’Évangile : le renoncement
et
la réalisation personnelle, n’est-ce point tout simplement que les id
572
point tout simplement que les idées, les théories
et
les systèmes prônés par lui ne coïncident pas avec les idées, les thé
573
ui ne coïncident pas avec les idées, les théories
et
les systèmes dont nous jugeons urgent d’accentuer actuellement, la vé
574
e point là porter un jugement avant tout partial,
et
qui révèle notre insuffisance autant que la sienne ? Certes, hic et n
575
de 1932, en présence du déchaînement orgueilleux
et
misérable d’une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par
576
ces, notre devoir est net : nous avons à défendre
et
attester les valeurs doctrinales les plus gênantes pour ce monde sans
577
ôt c’est lui qui nous juge. Il y a dans le Faust,
et
dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbo
578
tion, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
et
la grandeur devraient s’imposer à nous tous. Goethe inutilisable, cer
579
isable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti
et
n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions
580
que nous puissions nous sentir à la fois accusés
et
exhortés par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goeth
581
e ce soit —, mais seulement d’être, efficacement.
Et
qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Re
582
gemont Denis de, « Goethe, chrétien, païen », Foi
et
Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 304-309.
583
est mort. » C’en est fait, les clercs ont trahi,
et
les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans to
584
place. Dans toute la jeune génération littéraire
et
philosophique, c’est en vain que l’on chercherait un « esprit libre »
585
» selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme
et
du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces cause
586
s causes qui doivent être gagnées. Chose étrange,
et
que l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est su
587
au lendemain de la guerre, c’est sur la notion —
et
la pratique — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nou
588
r les clercs, selon M. Benda, la fin de l’esprit.
Et
pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice salutaire et l’
589
a signifie : le renouveau, le sacrifice salutaire
et
l’unique justification de la pensée. Une telle évolution peut paraîtr
590
. Mais, d’autre part, cette soif d’action directe
et
de service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur d
591
sme, philosophie antichrétienne dans son essence,
et
par suite, dans l’action qu’elle commande à des millions de nos conte
592
ient bien le vice de la « pensée désintéressée »,
et
qu’il faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient
593
bourgeois, s’ils le sont, ont des raisons réelles
et
valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées v
594
raisons réelles et valables de récuser une pensée
et
une action tout entières dirigées vers l’organisation et l’utilisatio
595
action tout entières dirigées vers l’organisation
et
l’utilisation des biens matériels. ⁂ Arrêtons-nous aujourd’hui à deux
596
péril qui menace une génération : péril de gauche
et
péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Mau
597
que le lecteur cherchera la réalité constructive
et
absolue sur quoi se fonderait cette rénovation. M. Maulnier critique
598
es vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl
et
Guéhenno, sur la question de la culture dans ses rapports avec le peu
599
es rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux
et
son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populis
600
de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford
et
la Russie de Staline ; il adopte enfin une position assez voisine de
601
n une position assez voisine de celle de MM. Aron
et
Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la révolution
602
caractéristique de la pensée dite « de droite »,
et
c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses origines poli
603
Thierry Maulnier révèle ses origines politiques,
et
peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’une vér
604
visible l’origine de l’égarement, rende efficace
et
créatrice la critique de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n
605
ourgeois, pour des bourgeois, destinée à défendre
et
illustrer la notion bourgeoise de la vie, et payée — en la personne d
606
ndre et illustrer la notion bourgeoise de la vie,
et
payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeois.
607
és, sur un ton uniformément péremptoire, ironique
et
hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois de suite la même chose,
608
t retournées ici. La philosophie présente qui dit
et
croit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réell
609
u profit de l’homme, est-elle dirigée réellement,
et
non plus en discours et croyances, en faveur des hommes concrets ? À
610
-elle dirigée réellement, et non plus en discours
et
croyances, en faveur des hommes concrets ? À quoi sert cette philosop
611
aleuse distance entre ce qu’énonce la philosophie
et
ce qui arrive aux hommes en dépit de sa promesse. » M. Brunschvicg fa
612
, parle de noumènes, d’immanence, de contingence,
et
l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produits tératologiques
613
s colères de leurs femmes, leur service militaire
et
ses humiliations, leur travail, leur chômage, leurs vacances, les gue
614
, les grèves, les pourritures de leurs parlements
et
l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie
615
urs recherches tout ce qui intéresse chaque homme
et
tout l’homme, et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tom
616
ut ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
et
de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le co
617
appeler scolastique, pensée purement conceptuelle
et
dépourvue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si g
618
activité une importance qu’elle ne saurait avoir
et
lui fait par suite des reproches démesurés. Certes40. Mais dans la me
619
ent justifiée. Pour le reste, c’est la politique,
et
dans un sens plus vaste, la religion, que cela regarde. M. Nizan dema
620
assablement ce que les philosophes bourgeois font
et
comptent faire pour les hommes. Très bien. Nous le demandons aussi. (
621
« humains » de toute philosophie.) Mais ensuite,
et
à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan
622
t l’aune : ce n’est qu’une extension orgueilleuse
et
démesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et
623
d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes,
et
qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est, pour M. Brunschv
624
e, fondée sur des considérations aussi abstraites
et
discutables que la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concr
625
s-value, recouvre la réalité de tel homme concret
et
réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en vérité, la lecture d
626
u’il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel
et
concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui
627
ans telle situation quotidienne, répète M. Nizan.
Et
il propose Marx. Je demande en quoi Marx peut nous aider à vivre, à m
628
mande à M. Nizan, qui est marxiste, si la lecture
et
la pratique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité d
629
de supporter des souffrances physiques, la force
et
la joie d’envisager la mort comme une transfiguration tragique, la fo
630
mort comme une transfiguration tragique, la force
et
la joie d’envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est
631
dont l’enjeu est à chaque instant total, éternel
et
urgent. Je demande à M. Nizan si son appel à une philosophie vraiment
632
et appel n’a pas trouvé la seule réponse possible
et
réelle dans le message évangélique. Et je demande maintenant aux chré
633
e possible et réelle dans le message évangélique.
Et
je demande maintenant aux chrétiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils
634
philosophes, mais à témoigner. Épreuve dangereuse
et
salutaire, germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’é
635
oit être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même
et
de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que
636
’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. »
Et
c’est en quoi, du point de vue chrétien, le marxisme radical constitu
637
e de penser le péché, refuse d’envisager l’ultime
et
le plus « grossier » des dangers inhérents à l’être concret. Seul l’É
638
, ni tout leur appareil d’assurance dans le monde
et
contre Dieu —, seul l’Évangile est radicalement dangereux, — salutair
639
32. 39. Chez Rieder, collection « Europe ». 40.
Et
pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le contrai
640
ougemont Denis de, « Penser dangereusement », Foi
et
Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
641
, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis.
Et
je crois distinguer à divers signes que mes contemporains, sans se la
642
, un repos, un exercice à la fois plus tonifiants
et
plus actuels, je veux parler de la vogue récente des essais, genre as
643
es ouvrages purement romanesques va en diminuant,
et
cela au profit d’une littérature qui tient à la fois de l’histoire, d
644
fois de l’histoire, de la politique, de la morale
et
de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curt
645
monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident)
et
du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays e
646
t. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919,
et
l’atmosphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien
647
ais ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps.
Et
c’est là que gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste
648
ns romanesques. Le roman est un genre bourgeois —
et
c’est peut-être par là qu’il plaît tant au peuple. Le bourgeois qui r
649
ace le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
et
parfois précisément, sur la civilisation actuelle n’est pas quelque c
650
its moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer,
et
d’abord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, d
651
à un parti, ou pour se fournir d’arguments précis
et
« sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent
652
une heure agréablement ». Le goût des idées, même
et
surtout dans des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atte
653
urs purement intellectuelles la plupart du temps,
et
le goût des « romans qui posent des problèmes ». On appelait cela de
654
tiver, est caractérisée par une facilité foncière
et
bien décevante, sitôt écarté le voile d’obscurité purement formelle d
655
ens que dans le monde bourgeois, privé de risques
et
d’aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécess
656
royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme
et
des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y avait de plus
657
du monde. Dans une époque qui a vu les frontières
et
les peuples de l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan qui
658
européenne, puis s’affoler, entrer en décadence,
et
rêver à son tour une révolution ; dans une époque où l’humanité risqu
659
rend d’un intérêt passionné pour la vie du monde.
Et
ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a été reche
660
e photographique triomphe chez tous les éditeurs.
Et
ces éditeurs, que publient-ils ? Des collections documentaires, des r
661
d’Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS
et
sur le Plan de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie
662
r l’équivalent de cette vision directe, exaltante
et
dépaysante ? Voici le monde en vrac, un monde plus absurdement divers
663
ce de la Renaissance, étendue à toute la planète.
Et
c’est ici que j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les
664
x ans, les premières Explications de notre temps.
Et
depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient reprendre l
665
rsion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi
et
Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu l
666
blème, plus aigu encore, de la culture bourgeoise
et
des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale
667
des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée
et
Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de
668
e jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau,
et
tout récemment le « Cahier de revendications » publié dans la NRF ).
669
s la publication de collections d’essais : Denoël
et
Steele lancent des séries sur la psychanalyse et sur les penseurs rel
670
et Steele lancent des séries sur la psychanalyse
et
sur les penseurs religieux, Corrêa publie presque exclusivement des «
671
ropéenne sous ce titre significatif : « Les Mœurs
et
l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de pho
672
catif : « Les Mœurs et l’Esprit des nations 41. »
Et
l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagn
673
? Oui, mais non pas à l’intellectualisme. Car, —
et
j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’e
674
sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante
et
magnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, cer
675
, l’un des fondateurs de la République espagnole,
et
l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut
676
l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle
et
directe que peut exercer un essayiste sur la marche des événements. N
677
s reviendrons prochainement sur ce livre brillant
et
séduisant. t. Rougemont Denis de, « Histoires du monde, s’il vous p
678
e, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi
et
Vie, Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
679
uste, pour qui se borne à considérer notre époque
et
les doctrines infiniment contradictoires qui s’affrontent au milieu d
680
désordre. Il n’est pas d’expression plus fausse,
et
même plus dangereuse, pour qui veut prendre position et pénétrer dans
681
e plus dangereuse, pour qui veut prendre position
et
pénétrer dans la bagarre universelle. Je vois bien le désordre et la
682
la bagarre universelle. Je vois bien le désordre
et
la contradiction. L’argent règne sur notre monde, comme une puissance
683
ègne sur notre monde, comme une puissance occulte
et
pourtant méticuleusement tyrannique, comme une divinité qui, depuis p
684
dictature qui tire son seul prestige de la misère
et
de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des e
685
ieu de libérer des travailleurs, crée du chômage.
Et
, cependant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Pro
686
de toute la terre continuent de croire au Progrès
et
aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes ge
687
plus goût à y vivre. Les villes se congestionnent
et
la jeunesse y traîne une misère fiévreuse. Et, cependant, les politic
688
ent et la jeunesse y traîne une misère fiévreuse.
Et
, cependant, les politiciens de tous bords consacrent leur astuce à éq
689
risé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde
et
les rapports normaux entre les hommes ? Croit-on vraiment que le « dé
690
ent que le « désarroi » soit seulement « actuel »
et
ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières
691
e « désarroi » que lorsque les valeurs boursières
et
la tranquillité publique sont menacées ? La vérité, c’est que la situ
692
, souvent déshonorés par la culture des illusions
et
la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin
693
ion permanente fut ouvertement reconnue, dénoncée
et
battue en brèche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de gran
694
reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui,
et
plus grand que jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines sont contradicto
695
du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ;
et
si, faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin p
696
bien. On répète que les événements nous dominent
et
qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’e
697
ts nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles
et
impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement q
698
ieux raisonnement que nous connaissons trop bien,
et
dont nous connaissons aussi la signification réelle. C’est l’argument
699
voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut,
et
que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fo
700
mpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision
et
d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous
701
éons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation
et
qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si
702
a pensée redevient un danger, un facteur de choix
et
de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le
703
ient un danger, un facteur de choix et de risque,
et
non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la
704
pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse
et
bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le s
705
que le simple assemblage de ces deux mots, destin
et
siècle, contient peut-être le secret de tout le mal dont nous souffro
706
ite, très générale, qui englobe toute l’humanité,
et
dont les éléments sont presque tous de nature collective. L’histoire
707
, qui sont — en fin de compte — des abstractions.
Et
je le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il fau
708
leurs lois propres, échappant à notre domination
et
poursuivant, en dehors de nos vies personnelles, leur évolution fatal
709
elles, des divinités presque toujours menaçantes,
et
dont nous essayons avec angoisse de scruter les caractères, les habit
710
en tant que siècle, est athée, totalement athée,
et
consciemment athée. Mais, en même temps, il est polythéiste et supers
711
nt athée. Mais, en même temps, il est polythéiste
et
superstitieux au dernier degré. La grande majorité de nos contemporai
712
ajorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu
et
sait qu’elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoi
713
au cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles
et
de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous
714
ous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons,
et
certains d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur vie même. Les
715
t l’État, la nation, la classe, la race, l’argent
et
l’opinion publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun
716
’opinion publique. Elles ont encore un autre nom,
et
qui est commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-être Légion… Sa
717
d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroyants,
et
ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse, auxquelles nul
718
ants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique
et
la presse, auxquelles nul d’entre nous n’échappe, ni ne songe à échap
719
nous n’échappe, ni ne songe à échapper. La classe
et
la race : voilà peut-être les divinités maîtresses de cette première
720
ndamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle
et
les sacrifices humains. Ces dieux ont même leur théologie, scientifiq
721
même leur théologie, scientifique, bien entendu,
et
dont les deux disciplines principales sont l’Histoire et la Sociologi
722
les deux disciplines principales sont l’Histoire
et
la Sociologie. Nous trouverons les meilleurs exemples de cette théol
723
ogie dans les écrits marxistes, plus intelligents
et
plus logiques surtout que ceux des fascistes et racistes. Prenez le d
724
s et plus logiques surtout que ceux des fascistes
et
racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d
725
, n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables
et
contradictoires ! Sur le plan politique tout au moins, ils paraissent
726
rapport à l’homme, ils sont absolument semblables
et
nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et l’autre tendent à nous f
727
bles et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un
et
l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’est rien, mais moin
728
oire que l’homme n’est rien, mais moins que rien,
et
que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois générales et
729
se passe dans le monde obéit à des lois générales
et
historiques qui échappent à notre volonté et sur lesquelles nos révol
730
ales et historiques qui échappent à notre volonté
et
sur lesquelles nos révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes son
731
se, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévues
et
déterminées par notre classe [ou] notre race. Destin du siècle contre
732
’en cette année 1934, l’homme se défend très mal.
Et
comment se défendrait-il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? N
733
dans celui du prolétariat ou de la race aryenne,
et
toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais il faut prendre gard
734
t prendre garde d’abord de confondre le sacrifice
et
le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans l
735
e l’élan d’une fuite devant le destin particulier
et
la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens
736
responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc
et
les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous réponde
737
’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques
et
qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi c
738
le en définitive à savoir si la foi des marxistes
et
des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités s
739
ques, achevées, mortes comme toutes les moyennes,
et
dans ce sens, abstraites. Sur quoi peut bien se fonder une loi histor
740
oira ! Or, la seule chose intéressante au monde —
et
je dis intéressante au sens le plus profond du terme, la seule chose
741
démissionnons de notre rôle d’hommes responsables
et
créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre dégénérescence. Le ph
742
t de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns
et
les autres. Ma théorie est la suivante : ceux qui pensent que l’homme
743
me descend du singe, descendent en effet du singe
et
constituent une race à part, à côté de la race des hommes créés par D
744
art, à côté de la race des hommes créés par Dieu,
et
qui, eux, croient et savent qu’ils ont été créés par Dieu. » Cette pe
745
e des hommes créés par Dieu, et qui, eux, croient
et
savent qu’ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’ap
746
de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx
et
de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et d
747
est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme
et
du racisme sont entièrement dominés par la classe ou la race, et c’es
748
ont entièrement dominés par la classe ou la race,
et
c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là
749
ce. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mène
et
poussent le monde dans la direction où il doit tomber fatalement, si
750
cela, ils sont peut-être supérieurs aux libéraux
et
aux dilettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent d’évoquer la
751
, eux aussi, mais continuent d’évoquer la liberté
et
les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai
752
ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle,
et
peut-être aurions-nous un peu plus d’attention pour les vrais problèm
753
osent de nos vies, l’argent dispose des journaux.
Et
voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car,
754
argent est partout, il est dans tout, il est tout
et
tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants et
755
⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants
et
inhumains. Je voudrais, avant de poursuivre, dissiper un malentendu q
756
ble, parce que tous les appartements sont pareils
et
qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapea
757
tre-là, fatalement, devait désespérer de soi-même
et
de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « m
758
lement, devait désespérer de soi-même et de tout.
Et
nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal du siècle
759
is eu autant de ligues, de groupements, de partis
et
d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel,
760
ue à Paris peut ruiner des petits rentiers belges
et
jeter sur la paille des milliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, t
761
e agglomération d’individus assemblés par la peur
et
la faim, et la haine, parqués dans des casernes ou des camps de trava
762
ion d’individus assemblés par la peur et la faim,
et
la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mou
763
qués dans des casernes ou des camps de travail, —
et
mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle
764
n’est pas encore leur échapper. Les nier purement
et
simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont
765
leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là,
et
ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, jouent d
766
e. La culture du xixe siècle a voulu les ignorer
et
nous assistons à leur vengeance. Le spiritualisme les a déclarés vulg
767
eance. Le spiritualisme les a déclarés vulgaires,
et
l’individualisme les a rationnellement ignorés. Les voilà qui revienn
768
istorique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure,
et
que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mai
769
sous leur implacable destin. Ceux qui l’ont fait
et
qui le font encore, je vois bien ce qui les poussait, je vois bien ce
770
ments de statistique, ou bien des hommes de chair
et
de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant auss
771
s. Votre réaction est disproportionnée au danger.
Et
d’ailleurs qu’est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depu
772
ans les jeunes groupes révolutionnaires de France
et
de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’O
773
s de France et de Belgique, dans la revue Esprit,
et
surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personn
774
e renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux
et
ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des c
775
ous montrer qu’ils sont des créations de l’homme,
et
particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche,
776
mme, et particulièrement de ce personnage égoïste
et
, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’individu. Il faut aller plus
777
’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme
et
se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance q
778
l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement.
Et
votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alor
779
ous de déceler, par exemple, l’origine permanente
et
virtuelle des dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de
780
re42, qui pense par périodes séculaires, qui rêve
et
qui pour comble, se croit seul éveillé et conscient des réalités. ]’a
781
ui rêve et qui pour comble, se croit seul éveillé
et
conscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant his
782
e, dès maintenant, en lui, la dictature du nombre
et
de l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepart
783
le, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque
et
dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente,
784
l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte
et
l’impuissance. Je pourrais encore vous montrer quelles conséquences p
785
nséquences politiques commande une telle attitude
et
quelles révolutions, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là u
786
e désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être.
Et
voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordre :
787
Tous donc, nous avons reçu, chacun à notre place
et
dans nos circonstances particulières, une vocation personnelle. Perso
788
particulières, une vocation personnelle. Personne
et
vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles q
789
e. Personne et vocation ne sont point séparables.
Et
toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à
790
’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte,
et
il faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Chri
791
ssus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ
et
il les a complètement perverties. On nous a présenté cet amour du pro
792
ire cet amour qui doit être un acte, une présence
et
un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces trois mots
793
résence et un engagement immédiat. Acte, présence
et
engagement, ces trois mots définissent la personne, mais aussi ce que
794
oulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva
et
lui dit : Mais qui est mon prochain ? Ce docteur se disait sans doute
795
pondit par une parabole, celle du Bon Samaritain.
Et
le docteur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’a
796
le rapport humain, fonde notre destin personnel,
et
fonde aussi la seule société possible. Ne nous y trompons pas : l’act
797
de notre désespoir. Les grandes lois historiques
et
révolutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et
798
peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes
et
d’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère ma
799
on personnelle, c’est un homme incomplet, désuni.
Et
ce n’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou
800
il lui faut une rencontre, un événement, un acte.
Et
voilà le mystère devant lequel je vous laisse maintenant. Nous ne ren
801
Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi
et
Vie, Paris, février–mars 1934, p. 143-157.
802
es succès dont rien, ici, ne peut donner l’idée ;
et
même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. U
803
tifiant les plus grosses manœuvres publicitaires,
et
la méfiance des éditeurs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui fau
804
qui faut-il s’en prendre ? Aux critiques d’abord,
et
, en particulier, à cette espèce nouvelle de critiques qu’on nomme les
805
Ou bien le primum vivere se trouve être réalisé,
et
quel besoin alors d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils
806
e ; ou c’est que la philosophie n’est qu’illusion
et
mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouv
807
sée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’acte
et
nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même
808
audrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43.
Et
c’est ici la déficience des philosophes qui se montre. Sous prétexte
809
’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public
et
philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en dr
810
révolution. Les évaluations morales du philosophe
et
les coutumes du citoyen moderne ont perdu toute commune mesure. Que s
811
Quelques cyniques, ou quelques révoltés ? Certes,
et
c’est cela que nous voyons depuis la guerre. On pourrait aussi suppos
812
rétienne existe, c’est à ce seul niveau où pensée
et
action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à ell
813
on générale des valeurs dont le monde croit vivre
et
des valeurs qui jugent cette vie. C’est à elle, en particulier, et no
814
i jugent cette vie. C’est à elle, en particulier,
et
non pas au marxisme ni au fascisme, à conduire la critique des hérési
815
ue des hérésies morales que toute la bourgeoisie,
et
le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois elle res
816
Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Position
et
approches concrètes du mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’u
817
u mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’un
et
l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaq
818
emande des phénoménologues, illustrée par Husserl
et
Martin Heidegger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fo
819
ociait les unités vivantes en éléments abstraits,
et
prétendait examiner ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et
820
er ensuite ces éléments sans tenir compte du sens
et
de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions
821
tention de l’ensemble. La « totalité d’expérience
et
d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le p
822
ent aux valeurs aristocratiques. La haine jalouse
et
rancunière de l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expre
823
ible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche
et
qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, inévitablement
824
il est riche et qui, chez lui, fait antichambre,
et
attend à la porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’un nom
825
cette lâcheté se pare ici d’un nom bien sonnant,
et
s’appelle « patience », parfois même « vertu » sans plus ; « ne pas p
826
se venger » devient « ne pas vouloir se venger »,
et
parfois même le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ils fo
827
»). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis »
et
l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche
828
ietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme,
et
nullement à l’Évangile. Le « christianisme » qu’attaquait Nietzsche,
829
se sent pris de vertige à découvrir la profondeur
et
la gravité des confusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne
830
hrétien d’aujourd’hui que ce chapitre impitoyable
et
précis. Voici sa thèse centrale : nous en sommes venus à substituer «
831
» à l’amour du prochain commandé par le Christ :
et
c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fau
832
place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule
et
platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ;
833
ule et platonique qui est le contraire du courage
et
non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune
834
r le Christ à ceux qui luttent (dans leurs luttes
et
au-dessus d’elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne
835
lontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice,
et
, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) recommandée aux pa
836
de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (
et
non pas vertu) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls, est dés
837
tique (et non pas vertu) recommandée aux pauvres,
et
aux pauvres seuls, est désormais une vertu sans lien avec la notion d
838
a notion de sacrifice ou avec l’idéal évangélique
et
, pour comble, vertu de riche, mais qui retient encore le pathos chrét
839
e l’apparence évangélique, en haine de l’Évangile
et
de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que
840
geois englobe également le socialisme humanitaire
et
le marxisme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux des tendance
841
arcel de nous donner l’exemple d’une « présence »
et
d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendr
842
t apprendre à mourir », disait le triste Cicéron,
et
Montaigne l’en loue. Pour M. Marcel, on lui ferait plus volontiers di
843
se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
et
inconsistantes — ce dernier mot est essentiel — ou, pour reprendre la
844
t de l’être un problème qu’ils placent devant eux
et
qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en
845
ors tout autre chose qu’un problème : un mystère.
Et
toute démarche pour s’en approcher figure déjà par elle-même une sort
846
init comme « une présence activement perpétuée ».
Et
tout cela tend à créer dans l’âme une disponibilité paradoxale : « pa
847
rce que l’âme sait qu’elle n’est pas à elle-même,
et
que le seul usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa lib
848
il indique entre l’optimisme du progrès technique
et
une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent qu
849
les d’Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1
et
2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu
850
n de l’essai, mais qui est né dans le même temps,
et
participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Gé
851
holicisme après avoir écrit ses premières œuvres,
et
devenu l’un des chefs du parti catholique parmi les intellectuels all
852
llemands, Scheler rompit finalement avec l’Église
et
revint à un nietzschéisme violent. On voit percer par endroits, dans
853
ar M. Marcel trouverait sa place, entre la prière
et
l’acte, seuls moments d’unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont
854
de, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi
et
Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
855
Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813,
et
y mourut en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes,
856
par la misère, il était monté sur un petit tertre
et
il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim.
857
te sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune.
Et
c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une
858
e sévère éducation piétiste, un secret terrifiant
et
une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortun
859
r la rue la plus animée de la ville, parler, rire
et
discuter avec des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des in
860
c une extrême violence, le christianisme officiel
et
les évêques qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonn
861
amais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher,
et
ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’édification,
862
ublia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques
et
philosophiques, de la Répétition à l’Exercice du christianisme, en pa
863
istianisme, en passant par la Maladie mortelle 50
et
le Concept d’angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques.
864
t pas encore la totalité de son message chrétien,
et
qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu
865
s en assumer l’entière responsabilité devant Dieu
et
devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit san
866
’il n’était qu’un « poète à tendance religieuse »
et
non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christ
867
u’il se faisait du christianisme une idée si pure
et
si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se di
868
ssure aussi à sa pensée une influence multiforme,
et
qui va croissant avec le temps. La philosophie allemande contemporain
869
mporaine, avec ses deux grands maîtres, Heidegger
et
Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barth
870
y a une différence qualitative infinie entre Dieu
et
l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa
871
ive infinie entre Dieu et l’homme. » Le sens réel
et
profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois viol
872
re réside dans sa protestation à la fois violente
et
humble, ironique et pourtant foncièrement charitable en faveur de l’a
873
otestation à la fois violente et humble, ironique
et
pourtant foncièrement charitable en faveur de l’absolu évangélique. V
874
rouver pareille formule… L’œuvre la plus profonde
et
la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auque
875
côté du poète russe. Tous deux marchent de pair,
et
aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite en franç
876
is de, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi
et
Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 602-604.
877
s écrits les plus dignes de formuler son opinion,
et
qui sont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et
878
’amères protestations contre le règne de la masse
et
les outrages divers encourus par l’individu, les Puissances anonymes
879
encourus par l’individu, les Puissances anonymes
et
le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de
880
mes et le Standard seraient en voie de triompher,
et
ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise que l’on dit
881
précédent, que fait l’individu pour se défendre ?
Et
quels titres à l’existence vient-il produire ? Car il est excellent d
882
voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur,
et
certains pensent : une mauvaise conscience. Que disent les collectivi
883
tence. Que la justice est dans l’égalité de tous,
et
la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selon des loi
884
ue. Que l’histoire évolue selon des lois fatales,
et
que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enf
885
témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique.
Et
que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases, à peu près, mais
886
ndre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ?
Et
qui l’a laissé perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un
887
»… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ?
Et
que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’il r
888
on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse,
et
qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est
889
a foi d’un seul est plus forte, dans son humilité
et
devant Dieu, — car c’est la foi, — que les discours des réalistes et
890
ar c’est la foi, — que les discours des réalistes
et
l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la vertu, n’ont
891
l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin,
et
la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est pas à sa place là où l
892
al du temps. On se moquera de son aspect physique
et
de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses i
893
its » de l’esprit : ce n’est pas une distinction.
Et
lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la dépense ? Il faudrai
894
nse ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle,
et
ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi
895
tend la pensée… de Kierkegaard ? Contre la presse
et
l’opinion publique, il proteste en faveur de ce qui est « original »
896
primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque
et
risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux qui flétrissent le
897
l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque.
Et
l’on peut douter qu’ils y croient, ceux qui flétrissent le matérialis
898
divement que « l’argent ne fait pas le bonheur »,
et
qu’il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais
899
une espèce de confort, mais une aventure absolue
et
comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski.
900
ns donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême
et
décisif dont la mort, comme un sceau d’éternité, attesta dans sa plén
901
pirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque,
et
la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont réveillé quel
902
ossible de saisir, dans le déploiement des faits,
et
des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkega
903
ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce,
et
si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cett
904
in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense
et
subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la Reine. Elle tempête e
905
rire a le don d’exaspérer la Reine. Elle tempête
et
hurle son cri favori : « Qu’on lui coupe la tête ! » Alors, le chat s
906
la tête ! » Alors, le chat s’élève dans les airs
et
peu à peu rend son corps invisible, seule subsiste sa face hilare au-
907
ns ! Il semble que chacun porte le poids du monde
et
le sombre avenir du siècle. On a dépeint ce clerc moderne, accablé pa
908
et homme, justement, que l’Histoire fait trembler
et
qui se réfugie dans les soucis publics comme on va voir un film pour
909
e dont l’homme ignore, comme homme, l’existence ;
et
c’est la maladie mortelle (le péché)54. L’homme naturel a beau dénomb
910
L’homme naturel a beau dénombrer tout l’horrible,
et
tout épuiser, le chrétien se rit du bilan ! » Pourquoi ce rire scanda
911
e satire de l’homme. Il contient des consolations
et
encore des consolations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il
912
utre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… »
Et
c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétienté. Pauvre chré
913
e ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
et
infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le
914
i tremble pour le sort de l’esprit dans le monde,
et
pour son sort dans le monde sans esprit, exactement comme si l’Esprit
915
implement de ce que tous ne l’ont pas admise) « …
et
il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons,
916
ont pas admise) « … et il apporte sa consolation,
et
sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu s
917
Dans l’église somptueuse paraît le Très Vénérable
et
Très Noble Premier Prédicateur Général de la Cour, le favori élu par
918
; il paraît devant une assemblée choisie d’élus,
et
prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “Dieu a él
919
i lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits
et
les méprisés”, et personne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le r
920
a élu dans le monde les petits et les méprisés”,
et
personne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard
921
it tout seul de la foule, de son sérieux théâtral
et
fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire fa
922
de la foule, de son sérieux théâtral et fervent,
et
de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on
923
t toujours comme tous les autres, qu’ils imitent,
et
n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est précisément
924
ntraint à l’originalité. « Mais quoi, professeurs
et
disciples ne se trouvent bien que dans l’imitation : c’est pourquoi i
925
sentent unis en elle d’une manière si touchante,
et
c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemb
926
. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose.
Et
l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Espri
927
ême de sa pensée, ou si l’on veut, de son action.
Et
ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus
928
foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme
et
par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un exemplaire dans
929
’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume.
Et
nier une négation, c’est s’enfoncer dans le néant. Seule la révolte d
930
igine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin
et
l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s
931
de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde,
et
s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » c
932
« le siècle », pas d’autre révolution créatrice.
Et
tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne s
933
défection ou orgueil fantastique. Le solitaire
et
les faux dieux Nous croyons à la foule, aux races, à l’histoire (o
934
nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
et
tout cela n’est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout
935
’est rien que fuite devant notre éternel présent,
et
tout cela n’est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence q
936
qui veut être soi-même, « en haine de l’existence
et
selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans la transformat
937
s’arcboute toujours contre ce qui la suscite.58 »
Et
celui qui recourt à son moi révolté contre les forces d’anéantissemen
938
es forces d’anéantissement, s’appuie sur le néant
et
précipite sa propre ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’e
939
pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation,
et
qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui l
940
lus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit,
et
pénitence dans la mesure où sa vocation le dépasse ? Si Kierkegaard c
941
irresponsables, par cela seul, nous la flattons,
et
elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des h
942
lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux
et
leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans
943
uient, eux et leur vocation. Elle n’est personne,
et
tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un s
944
u quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule
et
que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait
945
chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains,
et
lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non cel
946
rius, ce sont ses mains, non celles de son voisin
et
non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du C
947
en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer
et
cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce
948
e des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal
et
réaliste de Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de
949
tre démission. La foule n’a pas d’autre existence
et
pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer
950
autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu
et
d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et t
951
uvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation.
Et
toutes les « sciences » qui étudient ses « lois » historiques ou soci
952
ie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard
et
de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus é
953
l59 trouve ici son sens à la fois le plus profond
et
le plus évidemment actuel. Hegel a tout objectivé : l’esprit, l’histo
954
res yeux. Il a voulu chasser du monde le paradoxe
et
le scandale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’e
955
es libres de la Providence. Entreprise effroyable
et
vaine, qui serait d’un comique insondable si seulement l’homme des ma
956
dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme
et
les fascismes, et la théologie des sociologues, des historiens, des c
957
rnaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes,
et
la théologie des sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. C
958
onde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel
et
qui pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notr
959
’Esprit de transformation ? Notre réalité fuyarde
et
qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’
960
e l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise,
et
s’adore elle-même ? Les uns fuient en avant, et les autres dans le pa
961
, et s’adore elle-même ? Les uns fuient en avant,
et
les autres dans le passé, mais qui voudrait se tenir, dans l’instant,
962
le péril que ces doctrines font courir à l’homme,
et
j’entends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même de son péché. A
963
tébré monstre, invisible, mystérieusement répandu
et
vaporisé dans les choses afin d’y exaucer (comment et pourquoi ?) nos
964
aporisé dans les choses afin d’y exaucer (comment
et
pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte de providence brute tout à fait i
965
ui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi,
et
jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras proclame après Auguste C
966
nt les vivants, c’est que nul vivant n’ose vivre.
Et
comment vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se
967
t vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ?
Et
comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses conditions : « l’intell
968
à ma perfection idéale, je peux rêver ma vocation
et
ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce mo
969
n moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation
et
simple objet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle
970
as à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs,
et
si tu l’as reçue en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort est derri
971
t plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse.
Et
surtout, elle n’est plus cette absurdité révoltante que rien au monde
972
avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit,
et
seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’a
973
t. Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs »,
et
que l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accep
974
et que l’éternité vient à lui, il peut réellement
et
jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiqu
975
de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité
et
fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. Un seul utile à tous
976
re aussi tout formel, de l’isolement devant Dieu.
Et
, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ay
977
ns à développer les conséquences. Ou bien il est,
et
c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain.
978
t, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine,
et
mon discours est vain. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans
979
ans sa réalité brutale, dans son sérieux dernier,
et
son risque absolu, ce qu’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné,
980
fameuse : « Au solitaire que j’appelle avec joie
et
reconnaissance : mon lecteur. » Kierkegaard savait bien que lorsqu’on
981
ontre tous, chacun croit qu’il s’agit des autres,
et
personne ne se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son a
982
xtes, de nos dernières incertitudes sur la nature
et
sur les exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’i
983
vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.”
Et
s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucou
984
urir imperceptiblement », comme disait Nietzsche,
et
c’est là ce qu’ils appellent leur petit train-train journalier. La fa
985
emont Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi
et
Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
986
qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas,
et
qu’à ma connaissance, tout au moins, presque personne encore n’en a p
987
laira pas au public habituel des prix Goncourt —,
et
qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂ Six chômeurs allemands
988
tère. ⁂ Six chômeurs allemands, anciens officiers
et
sous-officiers pendant la guerre, s’embarquent pour l’Amérique du Sud
989
onal. Les quatre hommes s’en vont à Buenos Aires,
et
, là, à bout de ressources, acceptent de collaborer à une révolution q
990
u début, celui qui était parti pour le Venezuela,
et
qui a subi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et des tortures
991
a subi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne,
et
des tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour al
992
and est bien, entre autres, un roman d’aventures,
et
même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ai
993
i suffit d’ailleurs à rendre le livre passionnant
et
presque obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur
994
pas à expliquer l’impression de grandeur brutale
et
grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien après qu’on l’a lu. E
995
ui atteint à la fois leur attachement à la patrie
et
leur humanité, au sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’e
996
ent, ce n’est pas seulement de manquer de travail
et
de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’All
997
rs vocations humaines. L’un d’eux est architecte,
et
il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-ba
998
s coloniales : mais on ne construit plus, là-bas,
et
il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ;
999
dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas.
Et
les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue
1000
’ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde.
Et
rien n’est plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité
1001
ité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre
et
de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus
1002
e servent à rien. Ce sont des hommes très simples
et
qui s’expriment difficilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnatio
1003
de ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell,
et
dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer
1004
eur nation, que Pillau définit comme la fidélité,
et
de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de le
1005
r patrie, cette image grandit en eux, prend forme
et
puissance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui l
1006
e image grandit en eux, prend forme et puissance,
et
c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui les soutient da
1007
seule qui les soutient dans les plus effroyables
et
dégradantes épreuves. Eux, les simples, ils souffrent physiquement. M
1008
ieuse, profonde, bouleversée, broyée, souffrante,
et
pourtant fière, d’être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allem
1009
lemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne,
et
de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin q
1010
n état de guerre encore plus cruel qu’auparavant,
et
qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuissant… » Mais t
1011
et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni
et
impuissant… » Mais tandis que Bell, le chef du petit groupe, agonise
1012
magne future renaissant de son calvaire, purifiée
et
galvanisée par ses sacrifices. La haute stature de Pillau se dresse d
1013
qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire,
et
non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes Allemands qui doiv
1014
le. Car, voyez-vous, Bell… rien ne rend aussi dur
et
aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passio
1015
i ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave
et
aussi passionné, aussi modeste, aussi patient et aussi endurant que l
1016
et aussi passionné, aussi modeste, aussi patient
et
aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme
1017
, aussi patient et aussi endurant que le malheur.
Et
rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens
1018
ommes bien loin de la « propagande » nationaliste
et
des rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de
1019
e ce problème allemand qui domine l’après-guerre,
et
dont le dénouement doit nous laisser d’autant moins indifférents que
1020
re la part, dans ce drame, de ce qui est national
et
de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait auss
1021
ourrait aussi s’appeler « La condition humaine ».
Et
plusieurs des paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourra
1022
’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ?
Et
n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son d
1023
je crois, le problème central qu’impose ce livre,
et
l’on admettra bien, quelque opinion qu’on ait sur le point de vue str
1024
tour du monde ; il a séjourné longtemps en Orient
et
en Amérique ; il s’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; e
1025
’est enfoncé profondément dans la vie africaine ;
et
, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez
1026
France doute de sa mission. L’Espagne est morte,
et
le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la d
1027
tte anxieuse espérance, dans le livre d’Edschmid.
Et
l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière-pensée mond
1028
er, tant pour leur sujet que pour leur atmosphère
et
leur tension65, à ce Destin allemand, qui, toutefois, les domine. Eds
1029
r physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme
et
une révolte plus émouvants d’être silencieux, des tortures dont les h
1030
e les idées marxistes de Malraux (encore que l’un
et
l’autre fassent figure d’hérétiques dans leurs camps respectifs). Mai
1031
un timbre de voix métallique, une sobriété amère
et
courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamm
1032
ion humaine, au sens du péché concret de l’homme.
Et
qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à soupeser de
1033
l’avènement d’Hitler. Mais je le crois trop franc
et
trop complexe à la fois pour avoir l’agrément officiel. 65. Le paral
1034
les Européens mêlés à des révolutions indigènes,
et
comme Edschmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race
1035
sur son sort, sont presque identiques. Chez l’un
et
l’autre, on trouve ce goût des situations extrêmes, où se dénude le f
1036
rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand », Foi
et
Vie, Paris, octobre–novembre 1934, p. 812-817.
1037
ance un volumineux choix de sentences, aphorismes
et
notes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait suresti
1038
ortance de ces écrits demeurés longtemps inédits,
et
dont M. Henri-Jean Bolle, qui a traduit et fort bien introduit ce vol
1039
édits, et dont M. Henri-Jean Bolle, qui a traduit
et
fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’ils constituent le tex
1040
més de sens critique, de certitudes théologiques,
et
de cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de «
1041
gereux pour un chrétien qui sait en qui il croit.
Et
pour les autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture des « cert
1042
de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi
et
Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble,
1043
s pages de la première partie intitulées Religion
et
christianisme. Je ne puis tout citer : je me bornerai donc aux passag
1044
ntaire marginal, crayonné rapidement, à la volée,
et
sans autre ordre que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M
1045
l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité
et
en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble no
1046
it l’humanité et en sort quelques spécimens rares
et
réussis, est de fond en comble non historique, parce qu’il nie que le
1047
ire quelque chose qui ne soit pas, dès maintenant
et
depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. Si malgré cela, l’époque
1048
contre la philosophie de l’Évolution selon Hegel,
et
dénonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Provi
1049
le qui nous rend contemporains du Christ incarné,
et
qui nie par là même la valeur de tous les siècles qui nous séparent a
1050
cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange
et
humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut,
1051
notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre,
et
qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du mo
1052
ans à vivre. L’esprit métaphysique me souffle : “
Et
après ?” Mais je ne l’écoute pas et trouve malgré tout ces chiffres c
1053
me souffle : “Et après ?” Mais je ne l’écoute pas
et
trouve malgré tout ces chiffres consolants. » Au salut par l’éternité
1054
onc opposée une notion beaucoup plus scientifique
et
beaucoup plus conforme aux exigences de l’Histoire : le salut par la
1055
a contemplation religieuse du monde sans l’acuité
et
la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus rép
1056
qui soit. Oui, je sais bien de quoi il souffre,
et
contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants dans leur bêt
1057
tistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend.
Et
pourtant, je puis donner à cette sentence une adhésion assez méfiante
1058
ntemplation intellectuelle du monde sans l’acuité
et
la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répug
1059
Il faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté
et
en l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’est qu’ensuite que
1060
tion. La foi est toujours une seconde dentition.
Et
celui qui n’est pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sa
1061
’empêcher de former au spectacle de la chrétienté
et
dans sa nostalgie d’un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mé
1062
gez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire.
Et
c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce une vé
1063
consolident dans des périodes de grands troubles
et
d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au
1064
(en lui substituant une autre crise plus radicale
et
salutaire) c’est, par exemple, le culte du Surhomme. Le « retour étem
1065
aime Schopenhauer, parce que grand-père l’a connu
et
aimé ? Phrase typique d’un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Ch
1066
propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste
et
profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens » que terroris
1067
ent, quelque chose de mauvais. Juste et profond.
Et
toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens » que terrorise l’idée mêm
1068
rai de dire : le christianisme est contre nature.
Et
je m’explique mal pourquoi tant de bonnes âmes s’indignent lorsque Ki
1069
que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
et
jusque dans leur injustice, car il y a une manière « injuste » de dir
1070
ns autorité. Il a tendance à confondre l’autorité
et
la violence. Mais ses violences sont contradictoires : il attaque ici
1071
ent même du christianisme : l’opposition du péché
et
de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal q
1072
tte mystique de la vie prise comme but de la vie,
et
même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y sub
1073
a religion, s’introduire jusque dans les sermons,
et
s’y substituer au respect de la vérité, soupçonnée, non sans quelque
1074
eté spirituelle. Mais le premier chrétien cultivé
et
spirituel a donné au christianisme sa rhétorique et sa dialectique ;
1075
spirituel a donné au christianisme sa rhétorique
et
sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir
1076
tivisme primaire qui régna sur le siècle dernier,
et
dont l’œuvre de Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce
1077
Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inverse !
et
avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique »
1078
’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance
et
même de « sérieux historique ». Parmi toutes les criailleries de Ni
1079
e qui n’est pas valable pour le seul pape de Rome
et
pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne se réclam
1080
d’un « spirituel » préalablement « mis au pas » ?
Et
ne retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, d
1081
it au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance
et
de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral »
1082
e de reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien
et
nouveau Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule
1083
seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ;
et
qu’il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et tro
1084
le droit de contredire nos notions, trop humaines
et
trop intéressées, de toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral
1085
générations des églises où on le prêchait envers
et
contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme,
1086
nt Denis de, « Notes en marge de Nietzsche », Foi
et
Vie, Paris, mars 1935, p. 250-256.
1087
Luther
et
la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)aa L
1088
qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer
et
même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savo
1089
nnent d’y trouver si peu de substance théologique
et
tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradic
1090
ie jusqu’à cet excès grandiose d’assimiler Luther
et
M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur
1091
t pas lorsqu’il parut (en 1936) à louer la mesure
et
la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insiste
1092
ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vignaud
et
Lucien Febvre, et aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gi
1093
ar MM. Henri Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre,
et
aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien
1094
re, et aux cours qu’ont professés MM. Jean Baruzi
et
E. Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité de
1095
alomnies recueillies par des biographes amateurs,
et
à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), me
1096
éfinir symboliquement les pôles : pensée « pure »
et
pensée « engagée », ou encore attitude du « spectateur » et attitude
1097
« engagée », ou encore attitude du « spectateur »
et
attitude du « témoin ». Opposition qui, sur le plan théologique, ou m
1098
s de la religion s’ajoutant à ceux de la raison),
et
d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », par
1099
cellence, — mais au centre, aussi, de la Réforme,
et
de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet,
1100
rçoit, sans tarder, que la discussion avec Érasme
et
sa Diatribe (souvent personnifiée) n’est, en fait, que le support app
1101
premières pages) par les procédés de l’humaniste
et
du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche
1102
Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir
et
reposer avec puissance toutes les affirmations fondamentales de la Ré
1103
e : justification par la foi, qui est don gratuit
et
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice
1104
de cette justice de Dieu à la justice des hommes
et
de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les terme
1105
odifiée ; sens de la décision totale entre un oui
et
un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moi
1106
a décision totale entre un oui et un non absolus,
et
refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entr
1107
re les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi
et
du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidè
1108
t du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage
et
du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constitua
1109
ge et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit
et
la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les
1110
ignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible,
et
constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Die
1111
s’impliquent très étroitement les uns les autres,
et
ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle questio
1112
et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique
et
perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Il
1113
Ils renvoient tous à la question du Christ : « …
Et
toi, maintenant, crois-tu cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la
1114
aire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ;
et
tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait
1115
tous les protestants qui jugent encore que Calvin
et
Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus ancien ! — t
1116
olonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme
et
son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le lib
1117
l’homme de contribuer à son salut par ses efforts
et
ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une
1118
ante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre
et
têtue, qui va droit au point décisif, envisage honnêtement les object
1119
se toutes ses chances, non sans ironie toutefois,
et
sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une const
1120
fois, et sait enfin conférer à son choix la force
et
la simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue purement
1121
rement esthétique, ces qualités sont assez rares,
et
chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essenti
1122
r qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré
et
subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que t
1123
me ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre,
et
vice versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise, qu’on attendait d
1124
oyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul
et
des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas propremen
1125
que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller
et
supprimer les faux problèmes où la Diatribe voulait l’embarrasser69.
1126
que théologien que Luther s’applique à répondre,
et
c’est même la plus dure ironie — quoique involontaire, je le suppose
1127
ther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire,
et
doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objectio
1128
Mais le sérieux théologique est chose trop rare,
et
pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu’on puisse écarter c
1129
ucune liberté, car en réalité, Dieu a tout prévu,
et
rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’
1130
e pas seulement l’omnipotence, mais l’omniscience
et
la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse
1131
le de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse,
et
auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il
1132
ire que ta vie était une partie à jouer entre toi
et
le monde, par exemple ; ou encore entre l’individu et le Sort, cette
1133
e monde, par exemple ; ou encore entre l’individu
et
le Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour
1134
gi par de puissantes forces sociales, historiques
et
économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-elle pas, justement, à l
1135
’Éternité qui est avant le temps, qui est en lui,
et
qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli
1136
— ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement
et
les rend vaines en fin de compte : car je sens, malgré tout, que je l
1137
je sens, malgré tout, que je les fais librement,
et
tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu étern
1138
ment, et tu viens me dire qu’elles sont prévues !
Et
prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! I
1139
’il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair »,
et
cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait
1140
est « chair », et cette chair est liée à l’espace
et
au temps. Comment le temps tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tu
1141
i Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir,
et
que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé
1142
ssi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ?
Et
si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurera
1143
ait-ce pas justement être rivé au temps sans fin,
et
refuser l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais m
1144
er du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant,
et
plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’imag
1145
— Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes
et
la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’
1146
morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie,
et
que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éte
1147
e n’est pas, au contraire, la source de tout acte
et
de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité
1148
t acte et de toute création, une invention totale
et
perpétuelle, une actualité permanente, la seule chose qui change quel
1149
le ? C’est un mystère plus profond que notre vie,
et
la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère q
1150
tre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
et
vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », d
1151
nt et vit au seul moment de la prière. « Demandez
et
l’on vous donnera », dit le même Dieu qui nous prédestina ! Quand le
1152
à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise
et
instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Ét
1153
re précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe
et
ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volon
1154
succession. Mais, au contraire, nos divers temps
et
successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de
1155
ivers temps et successions procèdent de l’Éternel
et
lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en
1156
t ! Est-ce que nos objections « philosophiques »,
et
notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur
1157
ières ? … C. M. — On peut aussi nier l’éternité,
et
affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouv
1158
peut nous conduire qu’au seuil de cette décision.
Et
nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’altern
1159
a que la résistance acharnée du « vieil homme »,
et
les prétextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’invoque no
1160
l homme », et les prétextes toujours très moraux,
et
même très pieux, qu’invoque notre révolte… Réalité radicale du pro
1161
lème Dans l’Église, une fois acceptés le Credo
et
son fondement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée
1162
ement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit
et
attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est Christ lui-même, — il
1163
ther n’est pas sujette à de sérieuses objections.
Et
la démonstration purement biblique qu’on en trouvera dans le Traité d
1164
formulé avant toute « tradition ecclésiastique »,
et
tous les Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changer
1165
e « tradition ecclésiastique », et tous les Pères
et
tous les siècles dont se réclame Érasme n’y changeront rien : « Trava
1166
nt rien : « Travaillez à votre salut avec crainte
et
tremblement, puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le
1167
puisque c’est Dieu qui produit en vous le vouloir
et
le faire. » (Phil. 2 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nou
1168
arce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui,
et
en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui ose alle
1169
jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même
et
de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » é
1170
es sophistes n’étaient que trop portés à corriger
et
à « humaniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas
1171
aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché.
Et
, à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance
1172
entation de Luther vise le moment de la décision,
et
néglige les moyens termes où voulait se complaire Érasme. Le problème
1173
ort. Or, il est seul en cause pour le théologien.
Et
tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout n
1174
u mal. Tout le reste est psychologie, littérature
et
scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette
1175
que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure
et
simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui refusen
1176
t correspondre, terme à terme, à celui que Luther
et
Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé, comm
1177
ndre, terme à terme, à celui que Luther et Paul —
et
l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé, comme Luther,
1178
qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel.
Et
comme ce Retour éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se m
1179
met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire
et
joyeuse à la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconn
1180
otre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver
et
regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est v
1181
e.) La similitude étonnante du paradoxe luthérien
et
du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence i
1182
amentale que posent les rapports de notre volonté
et
de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que N
1183
équat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio
et
le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois : « nécessité cond
1184
vertit à chaque fois : « nécessité conditionnelle
et
nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophis
1185
onnelle et nécessité absolue, comme ils disent »,
et
ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 70.
1186
70. Comme l’anarchiste Bakounine. 71. Modiculum
et
minimum, écrit Érasme ! 72. Voir Karl Löwith : Nietzsches Philosophi
1187
aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Luther
et
la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et Vie, Paris,
1188
berté (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi
et
Vie, Paris, mars–avril 1937, p. 221-231.
1189
Fédéralisme
et
œcuménisme (octobre 1946)ab ac Le mouvement œcuménique ne deviendr
1190
du jour où il sera capable de répondre avec force
et
autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’il le pressente,
1191
es volontés, non pas l’élan d’une volonté précise
et
combative. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point
1192
romis, des accords minima, obtenus non sans peine
et
forcément trop généraux. Mais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici
1193
ment. En fait, on a examiné la situation mondiale
et
l’on a tenté de l’améliorer, conformément à des principes indiscutés
1194
t à des principes indiscutés de morale chrétienne
et
naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu influencer le cours d
1195
st faite d’initiatives, non de retouches, de vœux
et
d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle r
1196
ives, non de retouches, de vœux et d’amendements.
Et
pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risqu
1197
isse, il faut qu’elle représente un risque autant
et
plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui
1198
eux qui avaient une vision passionnée de leur but
et
qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans un certain se
1199
e leur foi ou de leur ambition, la plus profonde,
et
non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connu
1200
mbition, la plus profonde, et non pas des données
et
des aspirations plus ou moins exactement connues ou supposées de leur
1201
leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir,
et
il le doit, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale
1202
arte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est,
et
de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour compose
1203
e sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici
et
là pour composer une mosaïque de mesures désirables, mais au contrair
1204
politique impliquée dès le début dans la volonté
et
l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a d’autre ambition que d’e
1205
esquisser les grandes lignes de ce développement,
et
d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des p
1206
nos difficultés économiques, sociales, politiques
et
religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils
1207
teint un climat presque mortel. Conflit politique
et
économique entre l’État totalitaire et les droits de l’homme. Conflit
1208
politique et économique entre l’État totalitaire
et
les droits de l’homme. Conflit moral entre le collectivisme oppressif
1209
e. Conflit moral entre le collectivisme oppressif
et
l’individualisme anarchisant. Conflit idéologique et religieux entre
1210
l’individualisme anarchisant. Conflit idéologique
et
religieux entre l’unité imposée et la division irréfléchie, entre la
1211
it idéologique et religieux entre l’unité imposée
et
la division irréfléchie, entre la centralisation rigide et l’éparpill
1212
ision irréfléchie, entre la centralisation rigide
et
l’éparpillement poussiéreux. Remarquons tout de suite que ces divers
1213
ts ne sont en réalité que les aspects d’une seule
et
même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux différents. Rem
1214
ment faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif
et
incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution p
1215
aisant une somme d’hérésies. Du conflit politique
et
économique, résultent pratiquement la guerre et la révolution. Du con
1216
e et économique, résultent pratiquement la guerre
et
la révolution. Du conflit moral résultent la tyrannie et l’anarchie.
1217
évolution. Du conflit moral résultent la tyrannie
et
l’anarchie. Du conflit idéologique et religieux résultent des mises a
1218
la tyrannie et l’anarchie. Du conflit idéologique
et
religieux résultent des mises au pas de plus en plus indiscrètes et d
1219
tent des mises au pas de plus en plus indiscrètes
et
des schismes multipliés. Pour résoudre l’opposition unité-division, i
1220
s deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan,
et
retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des d
1221
sont que des déviations morbides. Entre la peste
et
le choléra, il n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il fau
1222
ni synthèse possible. Il faut revenir à la santé.
Et
tout d’abord, il faut se la représenter. La santé politique et économ
1223
rd, il faut se la représenter. La santé politique
et
économique s’appelle fédéralisme. La santé morale et civique s’appell
1224
économique s’appelle fédéralisme. La santé morale
et
civique s’appelle personnalisme. La santé religieuse s’appelle œcumén
1225
termes en insistant sur leur liaison fondamentale
et
sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse étant la suivante : La th
1226
çons : « Je crois la sainte Église universelle. »
Et
nous nous bornerons ici à en souligner quelques traits qui importent
1227
celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste
et
tombe avec la foi dans l’union des chrétiens en Christ, cette foi pou
1228
menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie
et
la tentation d’une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et
1229
e unité formelle, humainement vérifiable, assurée
et
définitive. Car c’est précisément cette utopie qui a produit les schi
1230
écisément cette utopie qui a produit les schismes
et
les oppositions que le mouvement œcuménique se propose de surmonter.
1231
er la foi à l’Una Sancta en une assurance visible
et
restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la
1232
de la multiplicité des dons accordés par le seul
et
même Père, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et m
1233
octrine de la pluralité des demeures dans un seul
et
même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’un seul e
1234
re doctrine de la diversité des membres d’un seul
et
même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle
1235
ur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le Père
et
moi sommes un », qui établit le modèle même de l’union dans la distin
1236
t plus conscientes de leurs valeurs authentiques,
et
c’est par ce détour, précisément, qu’elle espère atteindre une commun
1237
est-à-dire qui tendrait à se fermer sur elle-même
et
à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est a
1238
l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu,
et
non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits, ou dans
1239
ce de l’Église universelle, certaines ont ajouté,
et
peu à peu substitué en fait, un principe d’unité immanent, c’est-à-di
1240
plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume,
et
l’Église qu’il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d
1241
es calvinistes. Une Église qui prétend se suffire
et
posséder son principe d’unité, une Église qui tend à se fermer par le
1242
rer sa cohésion humaine, devient à la fois isolée
et
génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuméni
1243
la diversité en division. Alors il y a scandale,
et
c’est alors que le corps souffre dans son chef et dans ses membres !
1244
et c’est alors que le corps souffre dans son chef
et
dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de c
1245
s dépend de la vitalité de chacun de ses membres,
et
la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, as
1246
ance à un même chef. Nous retrouverons plus loin,
et
à plusieurs reprises, ce thème de l’harmonie organique opposé au thèm
1247
tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon,
et
dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Notons
1248
octrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité
et
la division dans le plan de l’Église, correspond terme à terme le con
1249
rme à terme le conflit qui oppose la collectivité
et
l’individu dans le plan de la société. Et de même que l’œcuménisme re
1250
ctivité et l’individu dans le plan de la société.
Et
de même que l’œcuménisme retrouve la position spirituelle centrale qu
1251
llustrer les notions d’individu, de collectivité,
et
de personne par des exemples historiques susceptibles de faire image.
1252
aire image. L’individu est une invention grecque,
et
sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme
1253
tribu qui se met à réfléchir « pour son compte »,
et
qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abo
1254
n compte », et qui, de ce fait même, se distingue
et
s’isole. Raisonner, c’est d’abord douter, et c’est bientôt se révolte
1255
ngue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord douter,
et
c’est bientôt se révolter contre les tabous et les conventions sacrée
1256
r, et c’est bientôt se révolter contre les tabous
et
les conventions sacrées du groupe. Alors le groupe expulse le « non-c
1257
cques, communautés comparables à la cité moderne,
et
basées non plus sur le sacré, le sang et les morts, mais sur l’intérê
1258
moderne, et basées non plus sur le sacré, le sang
et
les morts, mais sur l’intérêt commun et les contrats. Tous les membre
1259
, le sang et les morts, mais sur l’intérêt commun
et
les contrats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même m
1260
manière, minutieusement prescrite par les usages,
et
toute dissidence de conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans
1261
onscience de soi, succèdent au respect des tabous
et
à la stricte observance du sacré collectif. Mais ce mouvement centrif
1262
gine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence
et
la raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social. Il s’oriente vers
1263
ffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
et
plus solide, où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rass
1264
isolé retrouve des contraintes qui le rassurent,
et
où l’État reprend sa puissance. C’est Rome alors qui nous donnera le
1265
idualisme devenu anarchique. Entre individualisme
et
dictature, l’opposition n’est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il
1266
ent. Mais cet État centralisé, cette unité rigide
et
trop contrôlée écrase bientôt toutes les initiatives individuelles. N
1267
un « soldat politique », dirait-on de nos jours.
Et
l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individualiste a triom
1268
ré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie
et
sombre maintenant sous le poids de son appareil collectiviste. De nou
1269
la lutte présente entre démocratie individualiste
et
étatisme totalitaire — se produit l’événement unique de l’Incarnation
1270
— se produit l’événement unique de l’Incarnation.
Et
il apporte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église.
1271
pas terrestre : elles attendent la fin des temps.
Et
cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une société vér
1272
in des temps. Et cependant, elles constituent bel
et
bien les germes d’une société véritable. Elles ont leur organisation
1273
chies, leurs assemblées. L’homme qui se convertit
et
s’incorpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part une activité so
1274
ne activité sociale qui le relie à ses « frères »
et
le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine
1275
ignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté,
et
qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc
1276
ection individuelle. Il est donc à la fois engagé
et
libéré, et ceci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’il a
1277
viduelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
et
ceci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l
1278
fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul
et
même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un ty
1279
Car cet homme est, lui aussi, à la fois autonome
et
en relation. Ainsi, le mot personne avec son sens nouveau, et la réal
1280
on. Ainsi, le mot personne avec son sens nouveau,
et
la réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien des créations chré
1281
au, et la réalité sociale qu’il désigne, sont bel
et
bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de
1282
t l’éternel conflit entre la liberté individuelle
et
les devoirs vis-à-vis de la collectivité. C’est le même Dieu qui, par
1283
à l’homme, distingue cet homme de tous les autres
et
le remet en relations concrètes avec ses semblables. La liberté est a
1284
ectement à l’Éternel, au-dessus de la communauté.
Et
la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits
1285
iée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits
et
les devoirs du particulier ont le même fondement que les droits et le
1286
particulier ont le même fondement que les droits
et
les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui l
1287
an utopique : à chacun sa chance. Mais la liberté
et
l’engagement de la personne chrétienne se définissent du même coup pa
1288
e position centrale définissant à la fois l’union
et
la diversité, l’engagement et la liberté, les droits du tout et les d
1289
t à la fois l’union et la diversité, l’engagement
et
la liberté, les droits du tout et les droits des parties. De même que
1290
é, l’engagement et la liberté, les droits du tout
et
les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prév
1291
pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant
et
le soldat politique trop esclave. Elle est l’homme intégral, dont les
1292
l n’y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie
et
l’unité forcée, l’individu et l’État. Mais dès qu’intervient la trans
1293
le entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu
et
l’État. Mais dès qu’intervient la transcendance, il y a mieux qu’un é
1294
nt les implications politiques de cette théologie
et
de cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons
1295
xclut l’orthodoxie fermée, créatrice de schismes,
et
la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’impérialisme,
1296
ut de même l’impérialisme, générateur de guerres,
et
le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impéri
1297
, générateur de guerres, et le régionalisme borné
et
égoïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’est que l’indivi
1298
rialisme n’est que l’individualisme d’un groupe ;
et
l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De même que l’État
1299
oupes locaux (région, commune, entreprises, etc.)
et
l’œcuménisme reconnaît pareillement leur valeur (églises diverses, pa
1300
tâches civiques y sont à l’échelle de l’individu
et
l’engagement concret dans la communauté y devient donc possible. Dans
1301
ngrégation, on se connaît, on sait à quels hommes
et
à quels problèmes publics on a affaire. Si l’on se trouve en oppositi
1302
n n’est pas non plus tyrannisé par une loi rigide
et
uniforme, puisque dans une fédération l’on peut toujours adhérer à di
1303
l cherche la coopération organique de ses membres
et
non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au
1304
a fédération, il cherche à vivifier leurs foyers.
Et
de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affront
1305
urs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfiant
et
statique des puissances affrontées, il substitue l’émulation vivante
1306
Nous pourrions pareillement définir l’œcuménisme
et
le fédéralisme en remplaçant « âmes » par « églises » et par « région
1307
édéralisme en remplaçant « âmes » par « églises »
et
par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre t
1308
dre économique la vitalité des syndicats ouvriers
et
patronaux, et la substitution au régime capitaliste (centralisateur e
1309
la vitalité des syndicats ouvriers et patronaux,
et
la substitution au régime capitaliste (centralisateur et individualis
1310
ubstitution au régime capitaliste (centralisateur
et
individualiste à la fois) d’un régime coopératif. Mais ceci nous entr
1311
ations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme
et
le fédéralisme sont les aspects divers d’une seule et même attitude s
1312
e fédéralisme sont les aspects divers d’une seule
et
même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et s’appuien
1313
titude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
et
s’appuient mutuellement. Ils ont les mêmes structures et les mêmes am
1314
puient mutuellement. Ils ont les mêmes structures
et
les mêmes ambitions. Ils opposent également à la notion d’unité rigid
1315
à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire
et
géométrique la collaboration pluraliste et organique ; au couple de f
1316
itaire et géométrique la collaboration pluraliste
et
organique ; au couple de frères ennemis que forment l’individu déraci
1317
de frères ennemis que forment l’individu déraciné
et
la masse totalitaire, le couple de frères amis que forment la personn
1318
le couple de frères amis que forment la personne
et
la communauté fédérale. Vouloir le fédéralisme sans accepter l’œcumén
1319
recouvre actuellement de trop graves malentendus
et
abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuple
1320
L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge.
Et
les peuples européens ne sont nullement prêts à se soulever pour réta
1321
à la communauté. Dans le fédéralisme, démocrates
et
totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de
1322
fédéralisme, démocrates et totalitaires de droite
et
de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, s
1323
la plénitude de leurs idéaux incomplets, séparés,
et
par là même déformés. À mon sens, le fédéralisme est la seule possibi
1324
ire que le totalitarisme a diaboliquement utilisé
et
dévié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nou
1325
vié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme
Et
maintenant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constaton
1326
nt des démocraties, ce sera la mort d’une culture
et
d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de to
1327
le. D’autre part, si les démocraties capitalistes
et
individualistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait.
1328
de cette alternative sont également improbables,
et
que les destructions en cours et à venir supprimeront pratiquement to
1329
ent improbables, et que les destructions en cours
et
à venir supprimeront pratiquement toutes possibilités de victoire rée
1330
s en présence ne permet d’envisager pour l’Europe
et
le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même p
1331
on se déclenche, il faut une vision, une doctrine
et
une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prépare ? Le cap
1332
où sont-elles ? Qui les prépare ? Le capitalisme
et
l’individualisme ont reçu en Europe des coups mortels, dans les deux
1333
donc à prévoir qu’un vide économique, idéologique
et
social sans précédent dans notre histoire. La seule espérance et auss
1334
précédent dans notre histoire. La seule espérance
et
aussi la seule possibilité qui demeure, c’est l’organisation fédérali
1335
nd à la fois aux aspirations confuses des peuples
et
aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à la fois au
1336
s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
et
au totalitarisme qui en est né. Mais qui peut aujourd’hui proposer ce
1337
d’une Europe qui s’obstinait à parler de justice
et
de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de s
1338
ler de justice et de droit en restant capitaliste
et
nationaliste, et qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrière
1339
de droit en restant capitaliste et nationaliste,
et
qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’es
1340
at les barrières, le passé. C’est toute sa force,
et
sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’une table rase c
1341
… Cette carence générale des chefs, des doctrines
et
des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y r
1342
ont fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne
et
crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il demande.
1343
es structures ecclésiastiques ont souvent précédé
et
prédéterminé les structures politiques d’une nation. J’indiquerai tro
1344
respondant à l’Allemagne en majorité luthérienne,
et
une troisième correspondant à l’Italie et à l’Espagne catholiques rom
1345
rienne, et une troisième correspondant à l’Italie
et
à l’Espagne catholiques romaines, — alors qu’il n’en existe aucune qu
1346
e dirai ceci : en Russie, en Allemagne, en Italie
et
en Espagne, la distinction entre l’Église et l’État n’avait jamais ét
1347
alie et en Espagne, la distinction entre l’Église
et
l’État n’avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Il en
1348
ultait, dans le peuple, le sentiment que l’Église
et
l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le Pouvoir. Ren
1349
ntiment que l’Église et l’État formaient un tout,
et
constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était donc fat
1350
un, c’était donc fatalement s’attaquer à l’autre.
Et
comme une révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’elle r
1351
u pouvoir qu’elle renverse, un Staline, un Hitler
et
, dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraints par le s
1352
t : ils réclamèrent à la fois le pouvoir temporel
et
l’autorité spirituelle, et devinrent donc totalitaires. Dans les pays
1353
is le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle,
et
devinrent donc totalitaires. Dans les pays calvinistes, au contraire,
1354
vinistes, au contraire, la séparation de l’Église
et
de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas strict
1355
sion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre
et
les pays scandinaves, au xvie siècle, ont accompli leur Réforme au s
1356
ste ou luthérien, s’est introduit dans les cadres
et
les rites anciens, jugés utilisables. Or, nous voyons ce processus ec
1357
mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique
et
social. Les cadres traditionnels subsistent — royauté, hiérarchies so
1358
s propres termes, dans la diversité « des Églises
et
des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédérati
1359
doit donc s’organiser en fédération de paroisses
et
de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devai
1360
clésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.)
Et
l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent
1361
édérée. Il serait aisé de développer, de nuancer
et
de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montre
1362
2° que l’action, que le mouvement œcuménique peut
et
doit exercer sur ces processus religieux, préparera le terrain pour u
1363
c’est-à-dire tenant compte des données empiriques
et
des diversités spirituelles sur la connaissance desquelles se fonde n
1364
dératif sérieux. 2. La théologie de l’œcuménisme,
et
la philosophie de la personne qu’elle implique, sont les seules bases
1365
tre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme
et
la philosophie de la personne sont les seules bases actuellement exis
1366
ne sont les seules bases actuellement existantes,
et
sur lesquelles on puisse construire dès maintenant. (La « religion de
1367
de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer,
et
le temps presse !) Chargées d’éléments traditionnels, condensant tout
1368
us avons d’expérience de la paix, elles convoient
et
contiennent en même temps un indiscutable dynamisme révolutionnaire.
1369
n sait assez que les Internationales idéologiques
et
politiques se sont désintégrées au cours des deux dernières décades.
1370
oviets ne règnent pas, sont en voie de divergence
et
non de convergence, sur le plan international. On a vu les socialiste
1371
ans précédent, une lourde responsabilité humaine,
et
, n’hésitons pas à le dire, une vocation. 4. La renaissance liturgique
1372
nauté vivante, celle qui rassemble les personnes,
et
non pas celle qui fond, en une masse informe et grossièrement encadré
1373
, et non pas celle qui fond, en une masse informe
et
grossièrement encadrée, les individus privés de leur conscience norma
1374
ie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne
et
la politique du fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de sy
1375
ujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes
et
tournées en erreurs, qui subsistent dans les démocraties et dans les
1376
s en erreurs, qui subsistent dans les démocraties
et
dans les mouvements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce
1377
x camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part
et
d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le
1378
es peuples n’attend que des réponses plus claires
et
convaincantes pour devenir une volonté. Ce qui manque à ces tentative
1379
st un arrière-plan spirituel commun (œcuménisme),
et
une vision précise des liens nécessaires unissant cet arrière-plan au
1380
es unissant cet arrière-plan aux réalités morales
et
politiques (personnalisme). Point d’action constructive sans idéologi
1381
e. Mais point d’idéologie valable sans théologie.
Et
point de théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle,
1382
qui suit. ab. Rougemont Denis de, « Fédéralisme
et
œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639.
1383
mont Denis de, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi
et
Vie, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’une
1384
ditions, le modèle de l’État-nation napoléonien —
et
que ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune diffé
1385
, au lieu de les revendiquer, sera l’exemple vécu
et
réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération
1386
vivre, plutôt que le gonflement artificiel du PNB
et
les stocks de bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Eur
1387
lculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe
et
ne rien faire pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde des seu
1388
la plupart des maux qui accablent le tiers-monde,
et
d’abord de son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif a
1389
re les anticorps des toxines qu’elle a répandues,
et
peut élaborer un modèle politique qui soit tentant pour le tiers-mond
1390
de. Quant à savoir si le tiers-monde sera tenté,
et
tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, po
1391
-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur
et
sans scrupules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr,
1392
ent dominateur et sans scrupules, non pas perdant
et
devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de faire les r
1393
st sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions
et
de se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières ch
1394
drait ses dernières chances de paix, d’autonomie,
et
de survie de son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-v
1395
t-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ?
Et
qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à c
1396
questions, m’étant donné pour tâche de faire voir
et
sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me paraît lisiblemen
1397
nt inscrite dans la problématique de notre temps.
Et
voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont quatre ou cinq
1398
e l’Ouest, se voient amenés aux mêmes conclusions
et
le confessent… dans une conversation ou un colloque privé. Pourtant,
1399
montraient l’intention, ils perdraient aussitôt,
et
à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pa
1400
feront rien, pour la raison que je viens de dire,
et
les politiciens moins encore, pour la raison que les régions n’existe
1401
pas, ou seulement à l’état de nécessités vitales
et
ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouvernements, avertis par le cl
1402
nos gouvernements, avertis par le club de Rome ?
Et
qu’ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » ava
1403
r dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes,
et
non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout au
1404
tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite
et
la gauche, selon qu’elles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent
1405
ses lois. Quant au « grand public » de la droite
et
aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confon
1406
opportunisme à très court terme (trouver un job)
et
souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite en même t
1407
ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions,
et
encore moins de révolution. — Refus du « système », ce refus passant
1408
Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent
et
la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible
1409
re un long cauchemar où tout est faux, impossible
et
réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que
1410
très justement, ne puisse changer à bref délai ;
et
la vision d’un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces
1411
ale ou supérieure aux risques par elle-même créés
et
entretenus. Absurde, impossible et réelle, la société stato-nationali
1412
lle-même créés et entretenus. Absurde, impossible
et
réelle, la société stato-nationaliste a pour seule vertu d’être là. É
1413
coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales
et
toutes classes d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’acti
1414
n de plus en plus fréquente d’activistes nombreux
et
motivés luttant contre la pollution sous toutes ses formes, des embal
1415
s’enchaîne. L’analyse des causes de la pollution
et
du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à
1416
delà des déductions critiques, à l’escalade lente
et
sûre des innovations attendues et des rénovations sociales et politiq
1417
’escalade lente et sûre des innovations attendues
et
des rénovations sociales et politiques proposées au long de ces pages
1418
innovations attendues et des rénovations sociales
et
politiques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites co
1419
les et politiques proposées au long de ces pages,
et
qui vont des petites communautés à la fédération du continent, premiè
1420
arce qu’il s’obstinait à confondre progrès social
et
centrales nucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ils sont au
1421
On leur dispute ce nom, ils assurent la fonction.
Et
bien plus, par leurs luttes contre la pollution et les centrales nucl
1422
t bien plus, par leurs luttes contre la pollution
et
les centrales nucléaires, ils ont fourni à la révolution régionaliste
1423
rées s’opposant aux États-nations par l’intérieur
et
par l’extérieur. La formule des circuits fermés favorise les communau
1424
ont les monopoles classiques se trouvent débordés
et
vidés tant par en bas (quartiers) que par en haut (continents). Je vo
1425
par en haut (continents). Je vois des sociologues
et
des économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir est aux « p
1426
tes peuvent être appréhendées par leurs habitants
et
leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus d
1427
itants et leur offrir un cadre de vie plaisant »,
et
qui préconise au surplus de « petites cellules urbaines à l’échelle h
1428
is dix-mille ans qu’il y a des hommes à Histoire,
et
qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour résoudre leurs différen
1429
isonnables dans les dix ou quinze ans prochains —
et
nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre e
1430
s bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt
et
pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que
1431
mposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire,
et
c’est la réalité elle-même qui va recourir à la pédagogie des catastr
1432
iques, seules capables de surmonter notre inertie
et
l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apoc
1433
aise, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973,
et
donnais pour exemple la crise énergétique, industrielle et monétaire
1434
s pour exemple la crise énergétique, industrielle
et
monétaire où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dic
1435
où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré
et
un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autre, si cela le
1436
urée, une centaine de pages destinées à ce livre,
et
dont le ton prophétique eût paru plutôt ridicule après coup. Tout le
1437
’hui sait ou pourrait savoir ce que je découvrais
et
croyais révéler : les ressources limitées, les besoins infinis, les c
1438
, les centrales nucléaires qui vont arranger cela
et
qu’on dit au surplus tellement propres… Mais comme tout le monde déjà
1439
res… Mais comme tout le monde déjà oublie sa peur
et
la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastr
1440
inction des baleines, des éléphants, des phoques,
et
de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant
1441
iècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe,
et
trente ans pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’il sévit,
1442
nt rien à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller,
et
donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas
1443
faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies
et
ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait p
1444
ire. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire
et
de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’
1445
et de la guerre : formule de nos efforts actuels
et
prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont
1446
re : formule de nos efforts actuels et prochains.
Et
peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter —
1447
Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie
et
de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut n
1448
ni prédire ni cacher, mais il indique sa volonté
et
la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il y a quelque
1449
nc que ça dure ? » Question morbide, mais lucide,
et
qu’on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de
1450
causes du péril où l’humain risque de s’anéantir,
et
nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guér
1451
moyens de sauver « l’environnement » — la Nature
et
nos habitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans
1452
C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte
et
blanche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage et les décors n’
1453
nche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage
et
les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui r
1454
me meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes.
Et
quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les trembleme
1455
ue nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ?
Et
venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc v
1456
aut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous.
Et
il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’a
1457
présent, l’anticiper. On peut anticiper l’avenir
et
le prévoir par les yeux de la foi, « substance des choses espérées, f
1458
és, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalités
et
leur donnent vie dans notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur e
1459
e vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous
et
par la force du désir, le devenir, c’est anticiper notre avenir, mieu
1460
ieusement, il n’est qu’une seule réponse possible
et
c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au p
1461
s : du mal au pire si nous restons aussi mauvais,
et
quelque bien si nous devenons meilleurs, obéissant mieux à notre voca
1462
nir tel désastre probable ou précisément calculé,
et
d’abord celui d’être tous des seuls en masse, il vous reste à vous co
1463
les occasions de haine par un autre qui favorise
et
qui appelle la solidarité. Or ce changement n’adviendra pas dans le r
1464
vous voulez changer l’avenir, changez vous-mêmes.
Et
c’est pourquoi la Sentinelle de Juda, le grand prophète, interrogé su
1465
s ! Le mot doit être ici reçu dans toute sa force
et
dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chré
1466
es idées sur les méfaits des centrales nucléaires
et
les bienfaits de la communauté, donc des régions, sans adopter l’atti
1467
ancher sans impliquer des décisions métaphysiques
et
religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses opti
1468
religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre
et
quant à ses options de base : la puissance ou la liberté. Faire des r
1469
e : la puissance ou la liberté. Faire des régions
et
recréer ainsi des possibilités de communauté où la personne ait liber
1470
ommunauté où la personne ait liberté de découvrir
et
d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (l
1471
de moins que renoncer à la puissance sur autrui.
Et
c’est littéralement se convertir. Tous les prophètes condamnent la vo
1472
ame de l’humanité menacée par ses propres erreurs
et
menaçant du même coup la Nature ; si l’on remplace l’amour par l’effi
1473
anchera ? Entre le besoin de sécurité à tout prix
et
la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction
1474
t que nation, vend ou achète les armes de la fin,
et
se précipite vers l’holocauste général avec une très grande et très p
1475
te vers l’holocauste général avec une très grande
et
très profonde stupidité, qui amène des éthologistes à penser que se m
1476
core de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi,
et
d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette géné
1477
velles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur
et
plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre
1478
Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir
et
sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire ma
1479
qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution.
Et
ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovatio
1480
uit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient,
et
la nuit aussi. Si vous voulez interroger, interrogez ! Convertissez-v
1481
voulez interroger, interrogez ! Convertissez-vous
et
revenez ! 74. Interview à la TV française, avril 1973. 75. Consta
1482
ont Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi
et
Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces que