1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 e question de quelques années. Mais peut-être est- il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une
2 les, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une abs
3 urdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait- il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre s
4 illible progrès aurait-il fait fausse route ? Est- il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il ent
5 de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreu
6 le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’
7 e de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tro
8 re ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux.
9 e de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’ il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe
10 telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « 
11 dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils
12 er avec des outils, « et c’est avec des outils qu’ il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces a
13 vec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑ il . Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin
14 nnées de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’
15 ans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomotive routière.
16 ère automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’ il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des
17 u, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réal
18 ait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’ il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat
19 s celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’ il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activit
20 mais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voit
21 r. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la
22 industriel du monde ; le plus riche, au point qu’ il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aus
23 alaires, des conditions de travail et de repos qu’ il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive a
24 européens ne sauraient l’atteindre. Au contraire, il a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire
25 en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dé
26 principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de nett
27 épandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t- il , en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours
28 rent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils
29 u’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendan
30 igés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelques
31 y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’ il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du c
32 ne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici do
33 vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit cond
34 tière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplai
35 t par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissan
36 réalisations. Bientôt, élargissant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possessi
37 é par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les pl
38 omobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la pro
39 ormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la conso
40 il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge. Par le procédé tr
41 mple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La p
42 lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité p
43 s sophismes plus ou moins conscients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur.
44 rs des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un p
45 qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’es
46 ayant disparu, la production devant se maintenir, il n’y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les
47 abaisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne
48 n. Il est impressionné par la baisse, au point qu’ il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va
49 n oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un ob
50 cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’ il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, san
51 ancs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse.
52 isse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est pré
53 faire une dépense superflue ; le scandale est qu’ il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus profon
54 ar cela va bien plus profond, cette tromperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain
55 on », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford re
56 n engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc.
57 st déterminé par la réclame, les produits Ford qu’ il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation.
58 réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus comple
59 a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à
60 end plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’ il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vici
61 e vicieux : plus la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsiste
62 re humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est con
63 nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’e
64 en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se
65 e et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’
66 uter des points de technique. Il n’a pas senti qu’ il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées
67 ette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile.
68 en parfait qui combat les techniciens imparfaits. Il ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérit
69 me la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’ elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimis
70 Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtil
71 justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononcé définitivement le divorce de
72 ’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’ il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but vérita
73 is par l’importance qu’il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y c
74 l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre pass
75 ses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, «  il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’es
76 bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’ elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou au
77 ture ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées
78 écanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’ il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s
79 s d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’ il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soi
80 oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’ il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subti
81 mande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue
82 es exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec l
83 turelles, et par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleur
84 ressent une vague et intermittente détresse, — qu’ il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête
85 aissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’ il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre
86 e plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactio
87 te carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’ il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles,
88 t ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effor
89 factions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sent
90 mirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le
91 manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut p
92 le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribue
93 dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le
94 sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’escl
95 méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature,
96 ur s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les ch
97 isir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occide
98 gences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’est pourtant lui seul qui nous permet
99 toire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons,
100 faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction a
101 » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on
102 ages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
103 es forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’ elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le trio
104 igueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’ elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique,
105 échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soi
106 désintéresser simplement des buts — si bas soient- ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr
107 sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exasp
108 ’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’ il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la soluti
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
109 a le xixe . On le laissa installer ses machines : elles avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa :
110 in. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, a
111 à tel point que l’homme, affolé, soudain, doute s’ il est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme
112 s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’ il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est
113 redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’ il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virtuellement dès l
114 eine libérée, demande la tête de la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranch
115 la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi, dont les philosophes demeuren
116 eprise par certains philosophes des sciences fait- elle songer à l’activité de cet espion anglais qui parvint durant la guerr
117 s sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit- il d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpa
118 ais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde matériel. Je vo
119 rieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’ il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de gé
120 ar des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’ il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez ais
121 soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette e
122 elle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t- il existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du cor
123 ce mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il
124 é l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’ il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’éten
125 a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’ il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman. Le typ
126 Le christianisme en connaît un, depuis toujours : il le nomme péché.) Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci d’i
127 ue l’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’ ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’e
128 nt. L’homme ne se comprend lui-même qu’en tant qu’ il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’un ordre transcendental.
129 un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’ il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop ais
130 u’il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop aisément. Ce qui manque à l’homme moderne, c’est un
131 lles. Nous avons inventé trop d’êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être vér
132 uil » : et qu’irions-nous lui demander de plus, s’ il laisse en blanc la place de Dieu. Mais où trouver les lévites assez p
133 études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revues suisses et françaises. Il prépare trois
134 ollaboré à diverses revues suisses et françaises. Il prépare trois volumes (Essais, Romans, Voyages). »
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
135 es livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’ il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en att
136 et dont le tragique est décuplé par la valeur qu’ il prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller fou
137 es temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix con
138 gkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied
139 érable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmatique qui
140 arlant jamais que par allusions et mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets
141 térieurs obéissait son action. C’est peut-être qu’ il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par
142 suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de
143 même, en fin de compte, paraît absurde, parce qu’ il refuse de lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se d
144 ion littéraire11. Le courage presque agressif qu’ elle apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul orgue
145 la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi
146 Goncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s’ il n’avait naguère au cours de ses aventures asiatiques passé outre à ce
147 cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornog
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
148 Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits pour s’ent
149 ent parce qu’au contraire de M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » n
150 ressortent nullement de la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages
151 ullement de la critique littéraire ; il arrive qu’ elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’e
152 relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’ elles ne « sont ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’avant-gu
153 t. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’ elle n’invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d
154 x au forum discute autant qu’elle n’invente ou qu’ elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironi
155 avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’ elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de sc
156 le touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à rempl
157 s quelques remarques nous placent sous l’angle qu’ il faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspective
158 type du livre qui vaut surtout par l’attitude qu’ il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien ma
159 e légitime… — Nous pensions vie intérieure, quand il fallait penser dividendes, impérialisme, plus-value. — Qui donc nous
160 essence, tout ce qui allongeait la sauce évaporé. Il demeure un résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des
161 t l’Orient. « On pense à une Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne or
162 phie, la politique étant absents, faute d’emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poé
163 ’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, « être poétique, c’es
164 ur. C’est sans doute qu’on les a par trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en est à l’idéologie bourgeoise du xixe s
165 istingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’est- il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artif
166 non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’ elle combat avec raison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de M.
167 sidu impitoyable, descriptible et sec ». Mais est- il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, —
168 marxiste, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : elle s
169 siècle. On peut lui faire un grief plus grave : elle subordonne toute réforme à une préalable révolution économique qui pa
170 omique qui paraît de plus en plus impossible, car elle équivaudrait à une transformation radicale des conditions matérielles
171 ce neuve perpétuellement de la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légèreté, — en littérateur qu
172 t N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t- il . — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre étaient justement les d
173 cris d’une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ ils caractérisent une attitude de plus en plus fréquente chez les jeunes
174 uvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’ ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les
175 euse apparaît comme périmée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus pe
176 se qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’ il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout ce
177 un astronome chrétien. Comment un astronome peut- il croire à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura d’autre ressou
178 éaliste salue comme son contemporain ; en tant qu’ il croit à l’Incarnation et qu’il va à la Messe, il se comporte en homme
179 orain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et qu’ il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enfan
180 ’il croit à l’Incarnation et qu’il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu de
181 ter. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se recommander de la
182 quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons
183 ’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’ il ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psych
184 ociologiques de ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de procéder en ce qui le concerne lui-mêm
185 eds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne sau
186 e nettement, est d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxi
187 purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui faudra se réfugier dans la sphère des abstractions les plus exsan
188 t avec une netteté d’autant plus significative qu’ ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme,
189 nce entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra
190 — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical soi
191 rsement matériel n’y pourra rien, si radical soit- il . Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne
192 d’idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité transcendante — ou alors le suicide d’un monde em
193 e. Le séculariste « constructiviste » répondra qu’ il croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes provi
194 — rien n’est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le siècle entonne pou
195 . Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’ il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qu
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
196 otestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’ il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’on cherchait à nous faire
197 la Préface d’un si brillant catalogue. Parce qu’ ils parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons dem
198 Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’ ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre c
199 x yeux de beaucoup, le choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants,
200 de présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard part
201 e que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits ne
202 en définitive, les éléments d’un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’artistes exposassent po
203 nt-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’ il eût songé à distinguer les caractères confessionnels. Espérons qu’un
204 onnels. Espérons qu’un prochain salon, organisé s’ il le faut dans de plus vastes locaux, pourra donner accès à un ensemble
205 isme. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t- il de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidité
206 e tradition qui certainement est bien huguenote : elle remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy.
207 emment « protestant » de l’art français.   Mais s’ il est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peu
208 ait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que cela supposerait d’abord une définition nette de notr
209 erait d’abord une définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestantisme avant de
210 ie où était le calvinisme dans tout ceci. Eussent- ils posé, à propos d’un salon d’art catholique, la même question, en remp
211 En deux mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
212 la seconde, ovationné à la dernière, Keyserling, il faut le reconnaître, a su, par trois fois, tenir en haleine une salle
213 udre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe des machines, Keyserling a
214 t comme un type très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis mal informés n
215 trouvaient préparés pour en jouir convenablement. Il faut organiser la conquête et la distribution de ces biens : d’où la
216 rling. Nous traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui re
217 rait résumer la pensée de Keyserling en disant qu’ il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tous les degrés — idéal antisp
218 daptation, nous ajoutons régénération ; et lorsqu’ il dit spiritualité, nous pensons connaissance mystique. g. Rougemont
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
219 t de traduire un autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. Antér
220 e quelques années à Daphné, beaucoup plus long, —  il compte plus de 600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus
221 dition française — d’un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotio
222  » que deux dates limitent : 1851-1914. Ainsi met- il en jeu les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond de presque t
223 z, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ ils n’aient lu eux-mêmes le livre. J’espère que les critiques ne le diron
224 s sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’ elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglais
225 dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglaise. Tout l
226 M. Charles Du Bos, dans la très belle préface qu’ il a donnée à la traduction française note avec raison que M. Baring se
227 e peu inexorable dans la libéralité avec laquelle il nous invite à de multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire p
228 s, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à ga
229 le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étr
230 entrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôl
231 nvaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, —  il en va tout autrement de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée e
232 nt tragique par excellence du sentiment, parce qu’ elle le transforme sans cesse, alors que nous sommes attachés surtout à de
233 ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici q
234 arer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’ il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’une justice
235 ions d’autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’une justice immanente. En même temps que les
236 ente. En même temps que les actions de ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent. Et le tragiqu
237 s héros, il note les jugements contradictoires qu’ elles provoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette longue co
238 de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’ elle contient d’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une inten
239 c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé qu’ elle atteint en certains passages à une intensité presque bouleversante. I
240 s passages à une intensité presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement,
241 réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’ il consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanche.
242 t vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit- elle , aucune pression sur ses convictions religieuses. Mais le mot convict
243 d : « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’ il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement que
244 en qu’il soit difficile, quelquefois, me semble-t- il , de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franche
245 de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de dé
246 été insulaire, possède un sens critique assuré qu’ elle applique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté de
247 resque imperceptible, est nettement appuyé dès qu’ il s’agit des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représent
248 référé, la même tante Harriet a ce mot exquis : «  Il prêche merveilleusement sans jamais aucune excentricité. » Elle appel
249 rveilleusement sans jamais aucune excentricité. » Elle appelle ceux qui passent à l’Église romaine des « pervertis » : « Nou
250 ns son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’ elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une human
251 que belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne disent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-elle pas attir
252 sent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait- elle pas attirée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari
253 n mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’endroit de cette
254 it à la périphérie des vérités religieuses, là où elles paraissent s’opposer, au lieu de nous aider à les mieux pénétrer, à l
255 ieux pénétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sa
256 e de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’ il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse. Il eût pu s’
257 ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse. Il eût pu s’en dispenser d’ailleurs, car en définitive la conversion de
258 ît être à tel point la seule solution possible qu’ elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (l
259 at d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’es
260 raie conversion a lieu beaucoup plus tard, lorsqu’ elle trouve, à force de souffrance, le courage de sacrifier son amour. Mai
261 uffrance, le courage de sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à cette grâce. Aussi notre bonhe
262 , à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’est- il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a répé
263 qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité, elle , est indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est
264 s bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’ il s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce
265 upporter. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’est presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’a
266 able. — Elle l’est presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se
267 même chose dans le Podere à Florence. — Je sens, il est vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le dr
268 st plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surpasse toute connaissan
269 ur lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de convers
270 hose. On se convertit simplement. (Simplement…) — Il faut souligner cette insuffisance du vocabulaire religieux. 19. Soul
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
271  ». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster est- il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont
272 l vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t- il  ? Les prêtres sont-ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du
273 e des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont- ils , dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pa
274 sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont- ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement
275 . Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du
276 iel furent l’acte de Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici comment il faut situer Kierkegaard
277 cte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici comment il faut situer Kierkegaard dans notre Panthéon spirituel : Kierkegaard
278 lus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le
279 de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’ il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son do
280 n document peut-être d’autant plus intéressant qu’ il émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce
281 us intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître d
282 us, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainem
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
283 de nous donner un livre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’intrépidité pour entreprendre cette « traversée »
284 e. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera sa place dans votre valise — et d’une érudition très aérée.
285 leur valeur proprement littéraire et descriptive, elles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent de la men
286 lles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’ elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles éman
287 de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réactif, au contact duquel ce
288 iolent réquisitoire qu’on ait jamais écrit contre elles  ». Pour Rousseau, la montagne, c’est surtout le fond des vallées, — s
289 out le fond des vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre d’imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de
290 feront intervenir la montagne dans leurs œuvres, elle n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un
291 nt échoué dans leur interprétation des montagnes. Ils ont tous étudié presque exclusivement l’âme humaine. La montagne qui
292 ul avec la nature dans une sorte d’ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence pe
293 de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’ il appela, d’un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a
294 ot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’ il a pénétré dans ces solitudes que les autres contemplaient d’en bas ;
295 ille attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle est unique dans la littérature française du xixe . La littérature ang
296 ur. L’homme seul en face des sommets, qu’écrira-t- il  ? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’ils
297 L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’ ils frappent la vue, un sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’
298 uence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait- elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque c
299 une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beaucoup de p
300 . Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opposent à la médiocre littérature qui transforme les sommets en im
301 a montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit une grandiose existence géologique sans rapport avec la nôtr
302 nt trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces lignes au très
303 (Sterne, Toepffer), lyriques (les Anglais). Ici, elles imposent une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor
304 es Anglais). Ici, elles imposent une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipli
305 e leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’ elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’ell
306 eut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’ elles inspirent. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le plus
307 s fécond et le plus adéquat à la nature alpestre. Il contient en puissance toute une morale de l’effort individuel et dési
308 zsche l’a développé avec une ampleur inégalable : il y trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du trio
309 ue, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t- il épuisé ? Il y a depuis Nietzsche un style alpestre dans la pensée. Ne
310 che un style alpestre dans la pensée. Ne pourrait- il pas informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ?
311 e créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certains se tournent vers ces derniers symboles physiques
312 r l’équivalent. Peut-être le goût du sport trahit- il la nostalgie d’une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais
313 r », et certains sont remarquables. Se trouvera-t- il un romancier pour animer dans le décor des « hauts lieux » autre chos
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
314 Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’ il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livr
315 grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant, est- il réellement impossible à une âme chrétienne d’atteindre la grandeur mo
316 âme chrétienne d’atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère
317 eur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’ il les raconte dans ces deux volumes, témoignent que l’amour chrétien pe
318 ué par le communisme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Év
319 assurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majorité des chrétiens. Tant mieux si c
320 chrétiens. Tant mieux si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko K
321 i ce livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’ il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Japon
322 es meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autor
323 pour nous dire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’espri
324 ’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’ il poursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en pl
325 is même sentimentale), et avec sa foi chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’une telle action ; sans crainte
326 ment envahi par la civilisation d’une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leader social, cet é
327 atteint des tirages sans précédent dans son pays. Il nous restait à entrer en contact personnel avec cette œuvre : Avant l
328 e œuvre : Avant l’Aube comble cette attente, mais elle en fait naître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’un roma
329 esques ou exceptionnels qui marquèrent leur vie ; ils négligent volontiers ce qui les rend semblables au commun des mortels
330 des mortels ; bref, plus ou moins inconsciemment, ils contribuent à créer leur légende. Ici, bien au contraire, et surtout
331 ncient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalisme » litt
332 térielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que dans ces deux gros volu
333 t dire que dans ces deux gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne tr
334 s, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue q
335 lle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’ elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’estamp
336 du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuya son front chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux et
337 ain faisait un bruit épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de ver
338 calculable de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait
339 train longeait les bords de la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit célèbre pour les suicides,
340 était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’ il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya
341 nkatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir des rap
342 cident, mais sont oubliées, comme partout, dès qu’ il s’agit d’embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauva
343 urtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’ il s’y mêle des motifs tout matériels. Ses larmes augmentèrent en pensa
344 nsant à la pauvreté de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pensi
345 mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même,
346 kamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même, et il éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l’Un
347 r, à lui-même, et il éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l’Université pour se plonger dans la
348 clata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l’Université pour se plonger dans la vie active et mettre
349 tager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourn
350 serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé av
351 après s’être demandé avec quelque anxiété comment il ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres.
352 té comment il ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des s
353 st de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource de se f
354 e justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, p
355 l lui reste la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d’évangélisation dont la d
356 pourtant fort émouvante par moments. C’est là qu’ il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’il aimait dans son adolesce
357 à qu’il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’ il aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais e
358 r personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’ il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, don
359 dont la réalisation pratique lui répugne encore ? Il s’en rend compte lors de sa première visite aux bas-fonds : Eiichi é
360 et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ce
361 de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme ma
362 désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son p
363 n même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que
364 Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement important
365 mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dan
366 t particulièrement importante. Il avait appris qu’ il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la soci
367 s et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne put retenir ses larmes. Tandis qu’il marchait en silence à la suit
368 cercueil, il ne put retenir ses larmes. Tandis qu’ il marchait en silence à la suite de la procession funèbre, toutes ses r
369 ensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bru
370 ec le passé, comme on franchit le pas de la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions et les soph
371 qui était fou, Eiichi décida que, de ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il se délivre prog
372 ntrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels et familiau
373 our en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se convertit enfin, brusquement, au moment où il avait décidé de se s
374 Il se convertit enfin, brusquement, au moment où il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour,
375 ù il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’ il prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enfiévrait, le
376 évrait, le terrasse, dans la boue, sous la pluie. Il renaîtra bientôt à la vie, mais cette fois pour se donner tout entier
377 er tout entier à la misère des bas-fonds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des pires bru
378 reuves d’un peuple misérable, des pires brutes qu’ il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des
379 res brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’ il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrog
380 couvre de ses propres habits, des prostituées qu’ il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jus
381 pêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la non-résistance au mal. Bientôt il prend fi
382 avec fanatisme la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure de saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et
383 ait à intimider Eiichi. Eiichi garda le silence ; il ne voulait pas se laisser aller à la colère comme le Procureur. Au co
384 ler à la colère comme le Procureur. Au contraire, il en profita pour faire une étude psychologique, en observant sur le vi
385 xpressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique de désordre mental dans
386 tes qu’y imprimait la passion. Il lui semblait qu’ il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école
387 de désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les choses de près,
388 d’être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désa
389 eur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’ elle exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme jus
390 juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci acquit au P
391 les procureurs passent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce
392 avait des procureurs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soi
393 rs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en co
394 nde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’ il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois,
395 reur regardait distraitement son carnet de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire leq
396 de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre.
397 instants devant la beauté singulière de l’âme qu’ elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve tous
398 e tous les penchants humains, s’y soustrait quand il le faut pour mieux vivre et n’en fait jamais une affaire. Homme terri
399 décrivant ses tentations comme toutes naturelles, il surmonte les obstacles avec un contentement modeste et intelligent qu
400 out dans le bien, dans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent d’une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble q
401 agnent d’une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagé
402 mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’ il n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagérer sa critiq
403 exagérer sa critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à s
404 le complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même e
405 l n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en poussant au noir
406 u contraire en s’excitant sur ses belles actions. Il les note, simplement, sans oublier d’indiquer ses hésitations, les tr
407 t toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’ il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. Parmi les innomb
408 rables sentiments : doutes, passions, conflits qu’ il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa part
409 e des motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands Russes, à Tolstoï surtout. Et par tous
410 sespéré, — « heureusement, personne ne regardait, il se jeta par terre sur la route, criant à son corps : “Meurs !”, mais
411 nt s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes
412 rsion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il éta
413 a vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveille
414 bîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la fo
415 les filles, les bateaux à vapeur, même le vide qu’ il avait cherché, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du solei
416 péché et le cœur souillé, tout était étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et d
417 ouillé, tout était étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement
418 e et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la religion ave
419 et pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suicide. Dans sa rés
420 n avec le courage du suicide. Dans sa résolution, il se sentait graduellement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’
421 il se sentait graduellement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais
422 t. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’ il fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que, le
423 merveilles du monde. Et voici que, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple du Christ. Page étrange, en
424 moignage de sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les expressions sentimentales ou rassurantes qui
425 e ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’ il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanch
426 biki, au milieu des arbres, à côté d’un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile selon saint Matthi
427 capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu
428 gne et la mesure certaine. Au cours d’un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jamais vous ne su
429 Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans dout
430 ans doute, fut l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette expression un « en
431 de son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette expression un « ennui » qui sert à beaucoup de prét
432 t les réformes socialistes — mais cela dispense-t- il de chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier
433 eux qui acceptent d’étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère attirants — (le devraient-ils ?) —
434 dent, en général, guère attirants — (le devraient- ils  ?) — ni même vivants — (ils le devraient.). Pour celui qui referme le
435 rants — (le devraient-ils ?) — ni même vivants — ( ils le devraient.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certit
436 le n’admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres
437 mbler vague. Mais le sens chrétien primitif n’est- il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à m
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
438 est toujours l’indice d’une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ces quelques notes voudraient
439 crivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité dont Gide aime à d
440 ours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’ il faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop subtil les vaniteu
441 en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’ il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plup
442 convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on vote l’acquittement à main levée, s
443 Gide a presque toujours raison de ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte les plus délicats s
444 s, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte les plus délicats scrupules à sa justification, « prêt à tous
445 cements » (p. 59). Là où d’autres triompheraient, il met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix d
446 d’autres triompheraient, il met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il e
447 estie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’ il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs,
448 ailleurs, signe de force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dans ce recueil en savent quelque cho
449 ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’ il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà d
450 air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’ il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainement déplore
451 ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’ il faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons incomp
452 urper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’ il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie pro
453 nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle s’érige en dialectique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’a
454 ntelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’ ils reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitables.
455 dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’
456 ’on comprend que, non satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le dit : son « paysage
457 e, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le dit : son « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’est pas à
458 ans cette attitude sereinement contradictoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait :
459 lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre qu’ il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout e
460 e qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’ il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses anta
461 ien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’ il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, po
462 adictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t- elle montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. M
463 montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’ il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division int
464 la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement que de psy
465 là même, d’une étrange indiscrétion. Gide saura-t- il rester un maître pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que
466 rtaines phrases pourraient le laisser supposer qu’ il écrivit en préface au livre récent d’un jeune aviateur, Antoine de Sa
467 ntoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t- il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros
468 mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide aurait- il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi
469 t plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut- il que l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voy
470 a fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’ il n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les vi
471 ce. Kierkegaard, un homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impres
472 es produisent l’impression pénible de se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : soudain c’est lui
473 ’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’ il adopte : « mais celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de,
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
474 elon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’ il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la citation suivante
475 e pour maintenir à Gide une place instructive, qu’ il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestant2
476 é française n’avait été irrésistible, avait ce qu’ il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atla
477 e de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’ il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un o
478 éjà la conscience éteinte ne la dirige plus et qu’ elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant uniquement à s
479 ormait le caractère, les livres étaient conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus
480 conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements
481 i se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tableaux parallèles. Les parties n’en son
482 n’en sont plus dérivées les unes des autres, mais elles s’étalent à la fois toutes ensemble. Dès l’année 1886, où il publiai
483 à la fois toutes ensemble. Dès l’année 1886, où il publiait son essai, Frommel donnait ainsi le diagnostic du roman mode
484 ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait- il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuvres
485 que Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves. Il semble, en effet, que les âmes du xixe siècle soient plus profondes
486 plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’ elles ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui les au
487 ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, depuis qu’ elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois pl
488 qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle était peut-être plus
489 i elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’ elle était peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du recu
490 . L’existence apparente était plus calme parce qu’ elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ;
491 s’étalaient point au grand jour, il y avait pour elles une autre issue : la prière en portait l’expression, loin des oreille
492 des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on
493 ombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’ elle portait sur les choses invisibles. La vie, désormais sans au-delà, sa
494 uprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucune paix dans une inti
495 déversée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucune paix dans une intimité purement humaine : Et l’homm
496 Et l’homme seul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque une étude sur les critiques protestants du xixe siècle.
497 omantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’ il appelle « positivistes » restent à peu près les seuls valables, à nos
498 e perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’ il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup conte
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
499 rs assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de formules adroite
500 la misère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’ il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se s
501 sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit- il jamais en effet pour les témoins d’une confession, de faire le compte
502 de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent- ils pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusation perpétuel
503 accusation perpétuelle ? Car la vraie question qu’ elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons encore.
504 s et prophètes, nous condamnent dans la mesure où elles furent authentiques. Mais d’autre part certaines « célébrités » polit
505 ignificative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’ il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bie
506 r. Aussi bien, la force qui nous est promise doit- elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Partons
507 eurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nou
508 onheur purement égoïste, et par là si précaire qu’ il côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’indiff
509 d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’u
510 drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’ il note que dans ce conflit moral, Dieu est « tranquillement oublié ». I
511 cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ ils jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme mora
512 ésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système
513 n système politique, une doctrine, une éthique, s’ ils s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pa
514 ent à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’ il est. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans l
515 e, par leur succès et dans leur épanouissement qu’ ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ils se trouvent, aux yeux d
516 qu’ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ ils se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Était-ce a
517 e tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’ il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme radicalement contraire à
518 nvaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t- il de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande p
519 protestant », tout ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non
520 vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut- il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation
521 urgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’ elle récusait à la fois la charité, le risque, l’abandon et la divine légè
522 l’abandon et la divine légèreté, c’est-à-dire, qu’ elle récusait la grâce autant que le péché. La censure moraliste est avant
523 hé. La censure moraliste est avant tout peureuse. Elle « craint » la vérité ; non point au sens de ce verbe qui signifie la
524 ue, que Jésus n’a jamais craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui
525 uoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprim
526 ne autocritique à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui, par la force de
527 oumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le dévelop
528 t quand elle n’est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le développement de ces germes ; les produits d’une
529 comme une caricature de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en même temps avec une ironie plu
530 la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ ils manifestent en même temps avec une ironie plus cruelle souvent que la
531 s et célèbres que provoqua le moralisme perverti. Il eût conduit le protestantisme à la négation absolue de son essence35,
532 umanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’ elle peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police des mœurs
533 us voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamai
534 us attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’ il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des
535 ’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou sereine, il faudrait pour en douter que l’on ait oublié les plus grands noms : Mi
536 étienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’ il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiqu
537 alisme fut l’analyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tou
538 nce même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’ elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiqu
539 uissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’ elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selo
540 a loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revu
541 on. 31. Charles Westphal, dans Le Semeur . 32. Il est entendu, même chez les protestants, qu’un « protestant qui écrit 
542 ère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas
543  : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais i
544 Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
545 ivités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l
546 christianisme. Mais le plus grand Occidental fut- il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette
547 l’angle de la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problème que la conscience intellectuelle des chrét
548 ous sont posées comme autant d’accusations, et qu’ il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite
549 raisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t- il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu
550 ts piétistes du jeune Goethe et la part active qu’ il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du com
551 ’a enfin attrapé ; je courais trop vite pour lui, il m’a saisi par les cheveux. Il est sûrement à vos trousses aussi, j’es
552 trop vite pour lui, il m’a saisi par les cheveux. Il est sûrement à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où il vous r
553 nt à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis par
554 oncours de circonstances cette « sagesse » devint- elle chez Goethe quelque chose qui, en fin de compte, ressemble si étrange
555 qui incombe aux « chrétiens » eux-mêmes, tels qu’ ils apparurent à ce jeune homme plein d’une exigeante ferveur mystique. «
556 mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit- il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais
557 , je m’étais tourné passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux qu
558 rs eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n
559 pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’es
560 et croient qu’on ne peut aller plus loin parce qu’ ils ignorent tout du reste. » C’est ce « reste » précisément que Goethe d
561 . Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint qu’en outrepassant les l
562 nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’ il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible no
563 une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de
564 égende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la p
565 e, si nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen
566 Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’ il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du C
567 mble des données religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait un libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admett
568 uté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’ il s’inclinait devant le Christ comme devant la « révélation divine du p
569 lation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’ il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. 
570 a pensée la plus probe de se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde s
571 de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être e
572 it ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque
573 » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché
574 ein d’une nature harmonieuse — et quand bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour d’En-Haut » venant à sa rencontr
575 adical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’ il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes r
576 parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés p
577 oit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’ il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue fr
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
578 tre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus q
579 xtrêmes que ceux qui divisèrent les précédentes — elle éprouve son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensé
580 isèrent les précédentes — elle éprouve son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle u
581 raternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une
582 out de réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’il se
583 é à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’ il se montre préoccupé des conséquences nécessaires de la pensée dans l’
584 dans son essence, et par suite, dans l’action qu’ elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui s
585 n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils voient bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’a
586 ien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’ il faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à
587 faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affranchissement devient possible ; ils
588 quel prix cet affranchissement devient possible ; ils ne voient pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte
589 nt devient possible ; ils ne voient pas encore qu’ il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : chris
590 t que chrétiens, non pas en tant que bourgeois, s’ ils le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et
591 pour lesquels la crise est dans les institutions. Il paraît supposer une rénovation intérieure, celle précisément que post
592 humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle serait plus efficace si on la sentait inspirée par un principe spirit
593 un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses r
594 n de la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même.
595 et son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. T
596 lle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Fo
597 rive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin
598 amne l’Amérique de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandi
599 Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la révolution nécessaire ». Certes, on ne saurait demander
600 s réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer s
601 gines politiques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’une vérité toute statique, au nom de va
602 i, n’étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser c
603 . Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur don
604 ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres objets de passion. Ou bien il faut l
605 e leur donner d’autres objets de passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que leur seule existenc
606 ités d’un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vaines les passions égarées, rende visible l’origine
607 . Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’ il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry M
608 essimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. ( Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exige
609 ns à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’ il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, la doctrine offici
610 peut recommander la lecture de ce livre, parce qu’ il a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes ques
611 moderne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’ elles sont trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se
612 n uniformément péremptoire, ironique et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois de suite la même chose, sans ajouter au
613 l. Mais celui-ci, par bonheur, est très simple : Il n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées i
614 ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’ elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et non
615 roit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est- elle dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en faveur d
616 ncrets ? À quoi sert cette philosophie ? Que fait- elle pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Selon M. Nizan, la phil
617 sophie ? Que fait-elle pour les hommes ? Que fait- elle contre eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante est caractérisé
618 s dans un temps où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux é
619 . Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’énon
620 matière, la philosophie sans rime ni raison » … «  Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune
621 a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M.
622 es. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’une pensée que l’on peut bien appeler scolastique,
623 le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’ il accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et lu
624 , qu’il accorde à leur activité une importance qu’ elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. Certe
625 és. Certes40. Mais dans la mesure, si faible soit- elle , où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur les
626 it, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? —  Il compte leur apporter le marxisme. Or, s’il est clair que le marxisme
627 es ? — Il compte leur apporter le marxisme. Or, s’ il est clair que le marxisme prétend travailler pour l’homme en général,
628 xisme prétend travailler pour l’homme en général, il n’est pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une crit
629 r l’homme en général, il n’est pas moins clair qu’ il tombe par là même sous le coup d’une critique semblable à celle que M
630 icg, le bourgeois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée su
631 u livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’ il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et concret. Au contraire
632 nspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’ il aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sorte
633 l aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déc
634 telle situation quotidienne, répète M. Nizan. Et il propose Marx. Je demande en quoi Marx peut nous aider à vivre, à mour
635 gélique. Et je demande maintenant aux chrétiens s’ ils le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ont pa
636 enant aux chrétiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ ils prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprè
637 ens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes
638 nt eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’ ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes secrètement avid
639 adical constitue un progrès sur la libre-pensée : il force au choix, à la prise de conscience. La révolution menaçante vi
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
640 « Histoires du monde, s’ il vous plaît ! » (janvier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît-il,
641 (janvier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît- il , un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres
642 t-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’ il a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait
643 oyens qu’il a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait l’humanité se retourne contre elle-même).
644 ntre elle-même). Que doit lire un homme pressé, s’ il demande aux livres autre chose que ce que peut lui offrir le conte du
645 ut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’ il demande une nourriture rapidement assimilable, mais tout de même reco
646 époque vient de redonner une très vive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catal
647 mme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donner
648 rtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est- il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son
649 (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays explique que ces ouvrages
650 rages aient rencontré d’emblée le grand succès qu’ ils méritaient. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmos
651 idéologie que manifeste le grand public allemand. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’une relative sécurité che
652 un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’ il plaît tant au peuple. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures
653 , et d’abord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souv
654 e au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue française
655 istoriette sentimentale. Mais tout cela, semble-t- il , s’évanouit en fumée, comme les fusées d’une fête intempestive. On de
656 urgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessaire contre l’ennui, — l
657 vre, le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’ il n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont il
658 ncore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les no
659 tous les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient- ils  ? Des collections documentaires, des reportages à grande distance, le
660 e photos qui pour la première fois, nous semble-t- il , mettent sur notre table le monde tel qu’il est. Quel romancier pourr
661 ble-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’ il est. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette visi
662 capable désormais de s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passion nouvelle. Nous avons vu paraî
663 Weltgeschichte gefälligst », Histoire du monde, s’ il vous plaît ! ⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin de met
664 , de curiosités académiques ou de mandarinades qu’ il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effaran
665 u’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’ il est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme i
666 rante et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, pl
667 rs, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce
668 ent, plus universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans do
669 t. Rougemont Denis de, « Histoires du monde, s’ il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
670 On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer not
671 dictoires qui s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui
672 acrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils seront les seuls bénéficiaires. La corruption s’étale, flétrie avec g
673 nnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de
674 , possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’ elle a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait
675 pparences paisibles, est soudain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réc
676 eaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, ou
677 poque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’ elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’
678 On répète que les événements nous dominent et qu’ ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est enco
679 i, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’ il faut faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus complex
680 blèmes ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ ils le sont, osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de
681 st pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’ il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres no
682 thodes d’évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde contre un « certain esprit simpliste », qui est
683 énements nous réveillent brusquement. Maintenant, il va falloir choisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choi
684 tre le secret de tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître, de poser cette simple question : co
685 er cette simple question : comment un siècle peut- il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul
686 t un siècle peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un
687 e peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’ il est différent des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un desti
688 acun de nous possède une raison d’être, quelle qu’ elle soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une
689 pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de
690 thée, et consciemment athée. Mais, en même temps, il est polythéiste et superstitieux au dernier degré. La grande majorité
691 nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’ elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à d
692 t pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et d
693 classe, la race, l’argent et l’opinion publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre
694 maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’ il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leu
695 on Trotski, s’explique entièrement par le fait qu’ il était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idé
696 isante, vraisemblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique simplement par le fa
697 adictoires ! Sur le plan politique tout au moins, ils paraissent s’opposer avec une certaine violence, mais par rapport à l
698 ne certaine violence, mais par rapport à l’homme, ils sont absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’
699 race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se défend très
700 omme se défend très mal. Et comment se défendrait- il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou
701 éfend très mal. Et comment se défendrait-il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou racistes
702 marxistes ou racistes ont bien vu le danger. Mais ils en tirent une conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans
703 ndue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez a
704 toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord de confondre le sacrifice et le suicide. L
705 miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas les apparences d
706 es apparences d’une évasion, d’une démission ; qu’ ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’
707 émission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi construc
708 isques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois ra
709 vier. C’est juste. Aussi bien la question revient- elle en définitive à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vr
710 es et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t- elle  ? Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues ma
711 e Léon Chestov disait un jour à quelques amis : «  Il paraît qu’il existe deux théories tout à fait opposées concernant l’o
712 v disait un jour à quelques amis : « Il paraît qu’ il existe deux théories tout à fait opposées concernant l’origine du gen
713 e l’homme descend du singe, les autres croient qu’ il a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils ont
714 ge, les autres croient qu’il a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort de se disputer, par
715 ar Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ ils ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autre
716 Je crois qu’ils ont tort de se disputer, parce qu’ ils ont raison les uns et les autres. Ma théorie est la suivante : ceux q
717 créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seu
718 aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont e
719 es mène et poussent le monde dans la direction où il doit tomber fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peu
720 mber fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peut-être supérieurs aux libéraux et aux dilettantes qui tombent
721 ’évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai beau ne pas croire, pour mon c
722 té de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconn
723 s, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire,
724 nt nous n’en finirions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, d
725 ions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, d
726 ans la masse anonyme. Je crois que c’est là ce qu’ il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier sièc
727 siècle ». La jeunesse découvrait avec angoisse qu’ elle n’avait plus rien ni personne à servir. C’est l’état le plus dégradan
728 que l’individu des libéraux était sans destin, qu’ il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocatio
729 qu’il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’ il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race.
730 s ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’ il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’ailleur
731 uté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’asso
732 ême civilisation. Mais cette solidarité, que vaut- elle  ? Le premier exemple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on vous dit qu
733 itude. J’ai terminé ma description du siècle. Est- elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir
734 -elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’ il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je ve
735 que. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse. Il me reste à le définir en termes positifs, cette fois. Les dieux, les
736 , ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la ra
737 r destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, jouent dans
738 al de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous
739 nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de c
740 r élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collec
741 ressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’ il fallait refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la socié
742 ythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage é
743 en somme, assez lâche, qu’on appelle l’individu. Il faut aller plus loin : les mythes collectifs n’expriment rien de plus
744 ayé de vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irrespo
745 cte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masse
746 e attitude et quelles révolutions, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une quest
747 répare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question dernière que je ne veux pas es
748 ain, l’Évangile seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avon
749 pelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ
750 s. Le monde s’est emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On nous a présenté cet amour du procha
751 inqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’ il nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre d
752 ions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le dé
753 son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’ il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mais
754 race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère de
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
755 osophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t- il en France de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait s
756 France de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’un ouvrage « dif
757 urs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui faut- il s’en prendre ? Aux critiques d’abord, et, en particulier, à cette esp
758 ittéraires ». Ce n’est un secret pour personne qu’ ils contribuent pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’une œuv
759 up à déterminer le succès ou l’échec d’une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de
760 raient, sans lui, d’être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’être l’écho de la vague rumeur en
761 près du grand public a des causes plus graves, qu’ il faut attribuer autant aux philosophes qu’à ceux qui ne les lisent plu
762 losophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la ni
763 l ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage b
764 sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’ il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage bourgeois avan
765 u, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage bourgeois avant la lettre : primum viv
766 re, deinde philosophari. Cynisme ou naïveté ? Car il est évident que cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou
767 rs d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ ils vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la
768 auquel on demandait à son retour en France ce qu’ il avait fait en exil : « J’ai vécu, Monsieur, c’est bien assez ! ». Ou
769 ». Ou bien le primum vivere se révèle imparfait ; il lui manque quelque chose : pourra-t-on l’ajouter après coup ? On ne c
770 son lieu dans l’acte et nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la dé
771 nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’ elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes
772 es problèmes qui se posent en fait. Mais que faut- il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses.
773 t de se demander si leur rencontre, à supposer qu’ elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations mora
774 ont perdu toute commune mesure. Que se passerait- il si un beau jour le public se mettait à l’école des penseurs ? On verr
775 ion se produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler par exemple, dont o
776 Spengler par exemple, dont on sait l’influence qu’ il exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraî
777 ur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’ elle entraîne sont proprement incalculables. Qui donc voudra les encourir 
778 a réveiller quelques chrétiens. Leur office n’est- il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans a
779 que d’autres aient tout faussé, tout compromis ? Il est certain que la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni
780 les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce seul
781 seul niveau où pensée et action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autr
782 dent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seul
783 er ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le mo
784 ivre et des valeurs qui jugent cette vie. C’est à elle , en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme, à conduire la
785 urgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rie
786 sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il ra
787 eule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les graves avertisse
788 sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut- il rappeler ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut-il une fois
789 ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut- il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent sur la civilisation ?
790 re n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effray
791 tologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette
792 ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que tout le monde s
793 s unités d’expérience sensible, saisies telles qu’ elles se présentent au sein d’un ensemble vécu. Le grand service rendu par
794 . C’est ce renversement des valeurs « nobles » qu’ il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit :
795 esse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas de représailles devient pa
796 nce » (c’est-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent qu’il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’
797 -dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent qu’ il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inof
798 dont ils disent qu’il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inoffensif chez l’être faible, sa l
799 hez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, i
800  », et parfois même le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On pa
801 le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amo
802 e savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à
803 ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de conteste
804 ent — ce que je fais pour ma part sans réserve —, il reste à voir si les causes en sont bien celles que Nietzsche allègue.
805 iment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’ il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amo
806 eux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus d’ elles ) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je
807 ne veux donner qu’un exemple des dissociations qu’ il propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangélique
808 er. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire une sournoi
809 de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est- il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeo
810 ois ? ⁂ Comme Max Scheler — au moment du moins où il écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel est catholique. Sa méd
811 ntologique est la première œuvre philosophique qu’ il ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle
812 uis sa conversion. On est heureux de constater qu’ elle marque un élargissement en même temps qu’une simplification de sa pen
813 arcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’ il fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour
814 nts seront sans doute fort étonnés d’apprendre qu’ il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser en philosophie d
815 ’approcher le mystère indéfinissable de l’être. «  Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être
816 l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu
817 être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se
818 de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’ét
819 ’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu !
820 ant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me
821 négative du désespoir, positive de l’espérance, —  elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel, qui m’apparaît ici t
822 a toujours dans le sens de l’être, à condition qu’ elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une prése
823 ponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’ elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’e
824 ême, et que le seul usage entièrement légitime qu’ elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle
825 sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’ elle ne s’appartient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’elle
826 t pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’ elle peut agir, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu s
827 tir de cette reconnaissance qu’elle peut agir, qu’ elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu si schématique fait
828 égligés par la technique idéaliste, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur de conserver à chaque page le souci des
829 ouci des références à l’actuel. La description qu’ il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allus
830 allusions au désordre social ; la corrélation qu’ il indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie du
831 ues-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’ il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants »
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
832 laine du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puiss
833 la misère, il était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim. Ce
834 ir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reç
835 ifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne vo
836 rielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banq
837 ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’ il mourut, à 42 ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’une m
838 affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à 42 ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’une malédiction, pensait-i
839 en. L’argent provenait d’une malédiction, pensait- il , il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple.
840 L’argent provenait d’une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il
841 apidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’a
842 ple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrire. Vers midi
843 de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrire. Vers midi, on le voyait parcourir la rue la pl
844 On connaissait sa silhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’il était le meill
845 ait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’ il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un imme
846 re œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’ il se fit mieux comprendre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 1854
847 ndre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christianis
848 es évêques qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait jamais connue
849 and esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutte, il tomba dans la rue. On le transporta à l’hôpital, où il mourut paisibl
850 mba dans la rue. On le transporta à l’hôpital, où il mourut paisiblement, en « saluant tous les hommes ». Le seul événemen
851 es avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque c
852 ianisme officiel, au nom du Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur.
853 e. Il avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses serm
854 udes de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre
855 plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits qu’ il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques,
856 se, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait signifier par là que ces ouvrages n’exprimaient pas encore la
857 encore la totalité de son message chrétien, et qu’ il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et dev
858 nt les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’ il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte qui d
859 lie, lutte qui devait le mener à la mort parce qu’ elle accomplissait sa vocation chrétienne. ⁂ On a comparé Kierkegaard à Ni
860 : à saint Paul, à Luther, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non
861 à Luther, mais pour se condamner. Il affirmait qu’ il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin
862 et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’ il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il voya
863 u christianisme une idée si pure et si absolue qu’ il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Cett
864 e a permis les interprétations les plus diverses. Elle assure aussi à sa pensée une influence multiforme, et qui va croissan
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
865 se défendre ? Et quels titres à l’existence vient- il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’i
866 uels titres à l’existence vient-il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de
867 est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’ il détient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que c
868 tient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on p
869 serait la marque d’un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent al
870 y croire, ou du moins sans prouver par le fait qu’ ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime
871 moins sans prouver par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme
872 sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’ il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus g
873 paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la
874 sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’ elles impliquent le martyre des braves chrétiens, comme si la religion, de
875 sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’ il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il
876 par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’ il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au temple 
877 opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t- il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la préd
878 e son temps, accablé par la réprobation générale, il s’en ira mourir à l’hôpital, en disant à son seul ami : « Salue tous
879 ssait à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors, il est vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au
880 ai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’ elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos cont
881 hangé. On dirait même qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire
882 ue ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle d
883 distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’ il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et
884 entre nous peut dire qu’il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possib
885 kegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en faveur de ce qui est « original » ; contre l’emportement
886 original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire, il
887 rité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va a
888 va au martyre, dans le monde qu’on nous prépare ? Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de Kierkegaard se limit
889 drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ ils y croient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’i
890 i flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’ ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tard
891 ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tardivement que « l’argent ne fait pas le bonheur », e
892 nt que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’ il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’est
893 ski. On pourrait en citer quelques autres. Qu’ont- ils donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement.
894 t ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’ il n’est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient
895 es, le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’ il est un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvel
896 us, de cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se sentît malade pour aller rechercher le médecin
897 rimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’ il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des
898 e de nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin
899 ble à la présence dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nou
900 i nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus chari
901 , elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependant que les discours en l’honneur
902 traits ironiques du grand visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aurait pas déplu à
903 rsif, dont le rire a le don d’exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui coupe la tête ! » Alors
904 disparaît complètement. Mais à certains moments, il s’amuse à renaître. On voit d’abord son rire, rien que son rire qui p
905 e de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du sièc
906 rne, accablé par tous les malheurs du temps, dont il feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement,
907 e ! — Kierkegaard a montré « le comique infini ». Il faut risquer cette expression : le rire de la charité chrétienne. « L
908 s ». Mais cette « crainte d’un seul danger » peut- elle encore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen de ce temps ? C’
909 veau Testament ressemble à une satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour ceux qui so
910 ations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il suppose, sans autre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c
911 qu’as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctri
912 our ces choses que ta doctrine te montre vaines ? Il faudrait cependant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce de Dieu
913 ue tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont- ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non
914 ) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t- il fait ? l’a-t-il réellement fait ? »55 Nous posons toujours la derniè
915 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t- il réellement fait ? »55 Nous posons toujours la dernière question. Nou
916 chrétien souffre pour sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il appo
917 lement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à n
918 de la Cour, le favori élu par la bonne société ; il paraît devant une assemblée choisie d’élus, et prêche avec émotion su
919 ie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’ il a choisi lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits et les mépri
920 ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ ils soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agissent
921 qu’ils soient toujours comme tous les autres, qu’ ils imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est
922 que Dieu exige, c’est précisément le contraire : il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’o
923 ouvent bien que dans l’imitation : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’il
924 imitation : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 »
925 n elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemble peut-être à l
926 milieu de la foule. L’originalité Qu’entend- il par ce mot d’originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre mêm
927 nalité Qu’entend-il par ce mot d’originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée, ou si l’on veu
928 i faussent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce
929 e seul devant son Dieu. Mais comment cela se peut- il , sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le n
930 nt cela se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépare, autremen
931 ’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’ il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un exem
932 de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révo
933 ution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défecti
934 siècle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’e
935 on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chimère
936 fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe encore de la dégradation. « Une objection vraiment méchante
937 condamne « la masse » n’est un aristocrate que s’ il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne
938 aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’ il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le d
939 être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’ il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le dist
940 qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil tr
941 e ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’ il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à c
942 la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouverait- il encore à se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’est plus
943 e à se loger chez un être à ce point simplifié qu’ il n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence
944 l n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans la mesure où sa vocation le dépasse ? Si Kier
945 Kierkegaard condamne la foule, ce n’est point qu’ il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologue
946 la foule, ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’ il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la
947 s psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’ elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsable
948 responsables, par cela seul, nous la flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes
949 s la flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur voca
950 s des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’
951 nne, et tire de là son assurance dans le crime. «  Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus
952 mme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsqu’ il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son
953 . » Tout seul en face du Christ, un homme oserait- il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foul
954 er et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’ il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus l
955 u visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n
956 Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », —  il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’est pas dans la rue seule
957 soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
958 s loin. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et
959 Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’ il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’
960 devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses
961 finalement, l’homme lui-même à ses propres yeux. Il a voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale du solitaire plus
962 et le scandale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’il
963 s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’ il a voulu bannir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Prov
964 our rendre un culte sanguinaire aux faux dieux qu’ elle a suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comp
965 it que la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doit être vécue en avant.60 » Se
966 arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’ elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus
967  : qu’elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t- il pas que le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuit
968 des hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux,
969 es clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est- il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se
970 tant n’est rien que le péché, mais le péché n’est- il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de t
971 effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrevoient le p
972 courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’ il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce
973 l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’ il dénonce les mythes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s
974 revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent le futur, mais pour gagner ce dernier gage, les habitude
975 religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) comme une espèce de v
976 st que nul vivant n’ose vivre. Et comment vivrait- il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se rendre à l’appel,
977 mps, dans l’instant éternel. Le solitaire peut- il agir ? Le maléfice hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude
978 té. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’ il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendr
979 il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut- il se garder d’entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis su
980 sion au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un
981 mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a
982 ir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit- il d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si
983 et ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce moment précis où tous les systèmes s’évanouissent de
984 s lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours pas g
985 ours pas grand risque. Si tu dis non, si tu agis, elle te tuera peut-être, quitte à fleurir ensuite la tombe du « héros », d
986 nsuite la tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit de savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un
987 se justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi ? S’ il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n
988 tu n’as plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, ell
989 rt est derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité
990 ffaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait p
991 sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sen
992 l il peut être sujet de son action, mais c’est qu’ il est, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit en
993 d est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivon
994 i l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’ il sait qu’il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il
995 e plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’ il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réelle
996 e un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand
997 aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire
998 e d’une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder d’insister sur un tel rétablissement. Pour deux
999 que cette « catégorie » lui soit si familière qu’ il puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? La tentation est for
1000 nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours e
1001 e qu’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social
1002 u’on parle à tous ou contre tous, chacun croit qu’ il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle
1003 u chrétien, comme au seul responsable parmi nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de
1004 , le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’ elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien,
1005 ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’ elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est a
1006 re sans martyrs pour l’enseigner. C’est au sel qu’ il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’êtr
1007 rien d’abord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard p
1008 seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (Un homme po
1009 e » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut- il nous aider ? (Un homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement n
1010 erkegaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait- il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers
1011 rait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t- il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur
1012 exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait- il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité
1013 concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’ il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes
1014 enir martyrs ! » Certes, répond Kierkegaard, mais il vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de
1015 ait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’ il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plu
1016 t s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inévitab
1017 ment », comme disait Nietzsche, et c’est là ce qu’ ils appellent leur petit train-train journalier. La fameuse « vie quotidi
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
1018 arlé. Ce qui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici
1019 ouvernement qui les avait appelés officieusement. Ils hésitent à poursuivre. L’un d’entre eux se laisse entraîner par des r
1020 à faire ; finalement, pour se débarrasser d’eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur leur of
1021 vocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’ ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés
1022 la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux
1023 es semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse de son autorité, c’est-à-dire la faibl
1024 er à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pou
1025 le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour aller se faire tuer ensemble devant Rio de
1026 t leur humanité, au sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas
1027 rtout de constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, leurs vo
1028 vocations humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas,
1029 oloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un
1030 . Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce
1031 rne de toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’est plus atroc
1032 subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant
1033 pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou
1034 t de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ ils s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme e
1035 dit en eux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus ef
1036 ux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’ ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus effroyabl
1037 ssance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus effroyables et dégradantes épreu
1038 yables et dégradantes épreuves. Eux, les simples, ils souffrent physiquement. Mais leur drame s’exprime dans la méditation
1039 on de Pillau, d’une manière non moins tragique. «  Il découvrit, pour la première fois, une forme nouvelle de patriotisme,
1040 ne tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant de son calvaire
1041 ort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national e
1042 dans les dernières phrases de Pillau, n’apparaît- il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tra
1043 t de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’ il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais ce
1044 res questions. Edschmid a fait le tour du monde ; il a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’est enfoncé prof
1045 l a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces
1046 ricaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impressionnante : partout où il se crée
1047 une certitude assez impressionnante : partout où il se crée quelque chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un bl
1048 soutient ce peuple fiévreux dans les épreuves qu’ il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela.
1049 pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire Destin allemand, comme on lirait dans la conscience même d’
1050 me on lirait dans la conscience même d’un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle espérance, si
1051 out aussi bien « La condition humaine ». C’est qu’ elle éveille, en dépit de ses intentions nationalistes — au plus haut sens
1052 es — au plus haut sens du mot, je le répète, mais il se peut tout de même que certains lecteurs français en soient choqués
1053 perdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le
1054 alraux, comme Edschmid, a voyagé dans des pays où il a pu voir les Européens mêlés à des révolutions indigènes, et comme E
1055 s à des révolutions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race blanche, qui forme
1056 ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t- il jamais lui-même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis de, « [C
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
1057 Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)z Il vient de paraître au Mercure de France un volumineux choix de sentenc
1058 et fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’ ils constituent le texte véritable d’une œuvre dont les volumes parus du
1059 raient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’ il faut penser d’une allégation qui paraît à première vue aussi exorbita
1060 que celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits qu’ il fit paraître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recueil
1061 aiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture
1062 n qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’ ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées, purement tra
1063 s, est de fond en comble non historique, parce qu’ il nie que les millénaires à venir puissent produire quelque chose qui n
1064 lle est, dans son esprit, tout à fait historique, elle témoigne par ce fait que l’humanité n’est plus courbée sous le joug,
1065 ue l’humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’ elle est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans. O
1066 sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans. On croirait presque lire du Kierke
1067 ophie de l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtou
1068 arent apparemment de cet événement éternel. N’est- il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous ra
1069 ernel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’ il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien
1070 ns le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’ il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — 
1071 histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’ il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindre
1072 anisme en le traitant d’agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé d
1073 de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui est admirable ici, c’est la lucidité avec laquelle
1074 etzsche décèle l’idolâtrie de notre temps, même s’ il y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains o
1075 tre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensem
1076 e, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs effor
1077 trait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau on
1078 acte de foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « 
1079 sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’ elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espo
1080 ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chiffres. Ouvrez le derni
1081 s répugnante qui soit. Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants d
1082 rimante de piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je puis donner à cette sentence une adhésion
1083 ner à cette sentence une adhésion assez méfiante. Il est trop clair qu’on peut inverser la maxime : « La contemplation int
1084 lligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté et en l’immortalité, c
1085 ur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien que Nietzsche voulait
1086 es qui blessent — pour édifier » — c’est ainsi qu’ il nommait les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former au
1087 c’est ainsi qu’il nommait les remarques amères qu’ il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans
1088 eux… » jugez des autres ! Jugez de moi ! semble-t- il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’il pronon
1089 ’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’ il prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’il ressemble fort au
1090 prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’ il ressemble fort au croyant, — toutefois, sans le savoir, c’est là le p
1091 int. Les hommes sont le plus superstitieux quand ils sont très excités. Les religions se consolident dans des périodes de
1092 éaliste du péché, crée la crise bien davantage qu’ elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la foi ne
1093 re est mauvaise, dit le christianisme : ne serait- il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son propre
1094 erait-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste e
1095 tianisme veut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvai
1096 omme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’ elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme es
1097 i nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’expliq
1098 damentale. Mais si Nietzsche croit autre chose, s’ il croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’hom
1099 il croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t- il si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il
1100 omme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croi
1101 ue les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ ils croient, ou s’imaginent croire. Le repentir ! Le remords ! Le chréti
1102 emords ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse d
1103 e « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours plus perplexe sur son compte qu’inquiet
1104 , je trouve ceci : Nietzsche parle sans autorité. Il a tendance à confondre l’autorité et la violence. Mais ses violences
1105 olence. Mais ses violences sont contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont il fait par ailleurs l’apologie, mais san
1106 contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont il fait par ailleurs l’apologie, mais sans jamais « déclarer ses valeurs
1107 . La vie chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans une formule unique qui
1108 Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzsche feront tou
1109 me sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On
1110 . Les grands mouvements fascistes ne se réclament- ils pas, eux aussi, d’un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et
1111 de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’ il n’a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle contre
1112 hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’ elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant servir leur science, ils c
1113 ’hypothèse marxiste. Croyant servir leur science, ils commandent à la science…, etc. Mais, afin que nul ne se croie justifi
1114 Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’ il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop inté
1115 me, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
1116  : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés
1117 d, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public f
1118 tés au public français comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théologique et tant de pla
1119 re connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’ il parut (en 1936) à louer la mesure et la sérieuse information théologi
1120 et la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spé
1121 ois Facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à
1122 , qu’on déclare volontiers « inhumain », parce qu’ il attribue tout à Dieu. Le Traité du serf arbitre C’est sans dou
1123 uelle, excité (bien plutôt que « désarmé », comme il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sce
1124 . Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un sys
1125 ge. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’
1126 un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être
1127 ion que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, divers
1128 e la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renv
1129 les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à la question du Christ : « … Et toi, maintenant, croi
1130 cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni da
1131 n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’ il nous faut dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en fau
1132 t dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la R
1133 connues !) par nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme
1134 doit, en bonne logique, de les faire siens puisqu’ il croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encor
1135 ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront- ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter e
1136 nie — quoique involontaire, je le suppose —, dont il pouvait, en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop fo
1137 cle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer
1138 s et économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t- elle pas, justement, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ? C. M.
1139 te qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’ il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me
1140 — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de t
1141 e de nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui
1142 que je les fais librement, et tu viens me dire qu’ elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de m
1143 u éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : moi. Dussè-je tuer Dieu
1144 Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé qu’ il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée
1145 à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait- il l’Éternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tue
1146 s tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tuerait- elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait…
1147 ternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que
1148 l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’ elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispe
1149 faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans. C’est pe
1150 t l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’ elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous p
1151 e chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’ elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création,
1152 e chose au déroulement calculable du temps, quand elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit P
1153 on, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandal
1154 promesse, une prière précise et instante, ne vit- il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant »,
1155 rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’ il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « te
1156 qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’ il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas li
1157 dera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos di
1158 liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle ét
1159 rnel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philoso
1160 dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’ elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’e
1161 telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi
1162 é : c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistan
1163 . Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes
1164 riture, — or, cette Parole est Christ lui-même, —  il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses ob
1165 que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’ il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons e
1166 ar nous-mêmes, dans notre péché. Et, à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour vo
1167 ’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’ il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute
1168 e du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on
1169 t notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’ elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au ma
1170 este est psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle comme le
1171 t vraiment à la difficulté ; ou si, au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Éras
1172 e, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son humanisme mesur
1173 ul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’ il a poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’
1174 i l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’ il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel
1175 lors que « Dieu est mort » ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel paraît exclure
1176 our éternel paraît exclure toute liberté humaine, il se met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire et joyeuse à la f
1177 de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’ il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Êt
1178 idence. En vérité, c’est bien du même problème qu’ il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale d
1179 de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamentale que pos
1180 essité conditionnelle et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scola
1181 e et nécessité absolue, comme ils disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 70. Comme
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
1182 réel aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiq
1183 orité aux questions politiques de notre temps. Qu’ il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de
1184 politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’ il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’e
1185 liques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’ il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c
1186 te, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de néce
1187 on, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’
1188 on pas l’élan d’une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans d
1189 non pas un point de départ. Sans doute garderont- elles une valeur historique. Mais comme beaucoup de documents qui prennent
1190 qui prennent par la suite une valeur historique, elles auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque d’efficacité des mes
1191 le plan politique, provient sans doute du fait qu’ ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et for
1192 u moins acceptable de l’autre. Sans doute n’était- il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la
1193 amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il
1194 . Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’ elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle
1195 résente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de
1196 risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’ elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créat
1197 eur dessein. Dans un certain sens, nous dirons qu’ ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la
1198 eur action fut puissante dans la mesure exacte où elle fut l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veu
1199 ur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de
1200 le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En
1201 t œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’ il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres t
1202 loi fondamentale de l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce
1203 son action politique parte de lui-même, de ce qu’ il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter
1204 itique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’ il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour
1205 il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures d
1206 avec une inflexible conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indirecteme
1207 entellement ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit d’actualiser la politique impliquée dès le début dans la volon
1208 économiques, sociales, politiques et religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un cl
1209 s se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit politique et économique
1210 oi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils s
1211 sif et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de
1212 ans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on
1213 pliés. Pour résoudre l’opposition unité-division, il serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale »,
1214 ibérale », à mi-chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux
1215 éviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il faut revenir à la
1216 l n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il faut revenir à la santé. Et tout d’abord, il faut se la représenter.
1217 ble. Il faut revenir à la santé. Et tout d’abord, il faut se la représenter. La santé politique et économique s’appelle fé
1218 glise universelle, implicitée par le fait même qu’ il existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lors
1219 notée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et
1220 n ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu l
1221 t douté d’une union par essence incontrôlable, qu’ elles ont perdu leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour
1222 hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine po
1223 uel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je
1224 . Ce qui me paraît d’une excellente méthode.) Est- il permis d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possé
1225 es, dans les diverses Églises, mais au contraire, elle a pour premier effet de les renforcer en les rendant plus conscientes
1226 entiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’ elle espère atteindre une communion d’esprit en profondeur. En d’autres te
1227 u’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une orthodoxie qui céderait consciemment à la tenta
1228 réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’ il était sur la terre, c’est-à-dire à leur disposition. Plusieurs ont id
1229 mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il do
1230 ecours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’obé
1231 part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir. S’ il se soumet, il court le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’
1232 . Il doit se soumettre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est
1233 le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’ il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être sera o
1234 u. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’ il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’être seulement
1235 être seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle sera déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pa
1236 cuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Alors il y a scandale, et c’est
1237 pposé au thème de l’unité systématique. Notons qu’ il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’
1238 vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœu
1239 t être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui n
1240 ntrifuge par rapport à la communauté d’origine, s’ il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne tarde pas à a
1241 raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social. Il s’oriente vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment de vide s
1242 osition n’est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l
1243 us de dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes existants pour mieux accomplir son unification, s
1244 ’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fo
1245 de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie et sombre mai
1246 e produit l’événement unique de l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’
1247 pas sur le passé ou sur des origines communes : «  Il n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe o
1248 nes communes : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe ou la race, ni sur quelque autre réal
1249 lien n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est
1250 ieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles constituent bel et bi
1251 : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une société véritable. Elles ont
1252 t bel et bien les germes d’une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs locaux, leurs hiérarchies,
1253 ères » et le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il
1254 rt, il revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’ il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individ
1255 humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’ il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la
1256 reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et mê
1257 en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’ il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individ
1258 un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’ il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non
1259 soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État q
1260 on dans l’État qu’était le citoyen romain, puisqu’ il possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le bapti
1261 endante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre un mot déjà connu, mais
1262 e avec son sens nouveau, et la réalité sociale qu’ il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux di
1263 ivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation qu’ il envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le remet
1264 ment que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui
1265 rop flottant et le soldat politique trop esclave. Elle est l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies.
1266 t que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’
1267 la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à développer maintenant les implications politiques de cet
1268 du fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’ il soit désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion
1269 politique. Quant à la philosophie de la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise par
1270 même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’ il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être un homme intégral dès
1271 lu, l’homme cesse d’être un homme intégral dès qu’ il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part des groupes locaux (régio
1272 par l’organe central qui lie toutes les régions, il ménage un recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il c
1273 rs au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricatu
1274 xtérieures des groupes qui forment la fédération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfian
1275 re méfiant et statique des puissances affrontées, il substitue l’émulation vivante des valeurs originales. Spinoza définit
1276 divers d’une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et s’appuient mutuellement. Ils ont les mêm
1277 gendrent l’un l’autre et s’appuient mutuellement. Ils ont les mêmes structures et les mêmes ambitions. Ils opposent égaleme
1278 ont les mêmes structures et les mêmes ambitions. Ils opposent également à la notion d’unité rigide celle de communion ; à
1279 terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’ il recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuménism
1280 blir ce qu’on nommait chez eux la « démocratie ». Ils attendent un régime qui puisse allier la liberté à la communauté. Dan
1281 té pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable
1282 ution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont
1283 doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont- elles  ? Qui les prépare ? Le capitalisme et l’individualisme ont reçu en Eu
1284 tat de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’un vide économique, idéologique et social
1285 meure, c’est l’organisation fédéraliste du monde. Elle seule apporte du nouveau. Elle seule répond à la fois aux aspirations
1286 éraliste du monde. Elle seule apporte du nouveau. Elle seule répond à la fois aux aspirations confuses des peuples et aux né
1287 s peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste et au totalita
1288 cette réponse ? Le rôle d’Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui s’obstinait
1289 toute sa force, et sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le
1290 Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne propose rien aux peuples d
1291 rre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’ il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas l
1292 s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît êt
1293 ropose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’ il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de prof
1294 il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’aut
1295 e de se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes n
1296 ander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’ elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes ne se confonden
1297 peuvent répondre, il faut qu’elles comprennent qu’ elles le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réa
1298 le doivent. Mais les deux termes ne se confondent- ils pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles
1299 Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de fa
1300 Églises sont fidèles à leur chef, elles savent qu’ il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il
1301 ur ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’ il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voient aujourd’hui
1302 ourd’hui les Églises, si cette foi seule demeure, elle sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église
1303 peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont- elles moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espérances
1304 s religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’ il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe
1305 e et à l’Espagne catholiques romaines, — alors qu’ il n’en existe aucune qui se soit développée en pays calvinistes, ou seu
1306 t jamais été établie d’une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment que l’Église et l’État for
1307 olution copie toujours la structure du pouvoir qu’ elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Musso
1308 eur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils triomphaient : ils réclamèrent à la fois le pouvoir temporel et l’aut
1309 opapisme ou la théocratie dont ils triomphaient : ils réclamèrent à la fois le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle,
1310 et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’ elle n’était pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la
1311 subsistent — royauté, hiérarchies sociales — mais il s’y introduit un contenu socialiste. (Là encore avec moins de secouss
1312 é « des Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par
1313 erminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’ il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France,
1314 -à-dire le premier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exempl
1315 l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’ elle implique, sont les seules bases actuellement concevables pour un ordr
1316 est une contradiction dans les termes, à moins qu’ elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, qu
1317 t tout ce que nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable dynamisme révo
1318 nt aux besoins les plus légitimes de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivante, celle qui ras
1319 éparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur
1320 centrale qui dépasse ces erreurs en même temps qu’ elle ré-axe les vérités égarées dans les deux camps. (N’oublions pas que l
1321 ableau que nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jama
1322 esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’ il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente
1323 rtie de la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’es
1324 pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’ il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’un
1325 e que dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’ il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à
1326 , Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’une traduction en français de « Ecumenicity and federalism »
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
1327 ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore
1328 ouffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un rés
1329 fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du ti
1330 italiste ou communiste ne fait aucune différence. Ils se trompent d’Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux
1331 ucune différence. Ils se trompent d’Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. Ils choisissent ce
1332 eulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. Ils choisissent celle qui les a dominés, mais c’est choisir aussi celle q
1333 uls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’ il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui acca
1334 ù famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produire les anticorps des
1335 seule peut produire les anticorps des toxines qu’ elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentant po
1336 t, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur
1337 les chances de votre projet ? Quelles forces peut- il mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en
1338 ir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’ elle me paraît lisiblement inscrite dans la problématique de notre temps.
1339 une conversation ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se m
1340 ont rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ ils sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens
1341 ut occupés qu’ils sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’ils en montraie
1342 raient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’ ils en montraient l’intention, ils perdraient aussitôt, et à coup sûr, le
1343 e mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être
1344 i ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’ elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que j
1345 de Rome ? Et qu’ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’euro
1346 me jeu donc pour la droite et la gauche, selon qu’ elles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent : sa structure leur dicte
1347 ps utile.   — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’ elle n’est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majori
1348 vouement rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’ elle se doit. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire nulle
1349 Le monde va finir. La seule raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comp
1350 raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’ il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui ann
1351 ir renversé après trente ans de pouvoir, parce qu’ il s’obstinait à confondre progrès social et centrales nucléaires. La ve
1352 es nucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ ils sont au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tire
1353 service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme
1354 ng, ceux des écologistes. On leur dispute ce nom, ils assurent la fonction. Et bien plus, par leurs luttes contre la pollut
1355 contre la pollution et les centrales nucléaires, ils ont fourni à la révolution régionaliste le levier politique qui avait
1356 pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, dont il dr
1357 ur la base de quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des architectes comme Doxiadis, qui écrit :
1358 oit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou qu’ ils deviennent raisonnables dans les dix ou quinze ans prochains — et nou
1359 z pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura p
1360 par nos soins diligents quoique inconscients. Si elles sont assez grandes pour réveiller le monde, pas assez pour tout écras
1361 out le monde déjà oublie sa peur et la sagesse qu’ il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organisen
1362 , c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que l’opinion générale
1363 ’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’ il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va tro
1364 i, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles exactement (1300-1800) pour préparer l’État-nati
1365 pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’ il sévit, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’où non seuleme
1366 hes n’apprendront rien à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeron
1367 . « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout est possible tan
1368 e de la Pythie ne veut ni prédire ni cacher, mais il indique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la n
1369 e pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme me
1370 meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et ve
1371 rrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut- il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nou
1372 venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous fa
1373 donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’anti
1374 té commence quand l’homme se demande : « Que va-t- il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » À ces d
1375 je faire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il ar
1376 eule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi ma
1377 et d’abord celui d’être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire votre révolution, c’est le même
1378 le réseau des relations humaines, dans la cité, s’ il ne s’est opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, chan
1379 prophètes condamnent la volonté de puissance, qu’ ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les évangiles, la puis
1380 a désintégration d’un peu de matière, que reste-t- il dans la « sphère du religieux » ? La casuistique ? Mais à l’inverse,
1381 uoi refuser le verdict de la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tran
1382 du monde, qui est la vitalité d’une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que choisissons-nous rée
1383 oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’ elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse
1384 s d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   Écoutons maintenant le cri sublime