1
bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
de
période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2
stoire n’a pas connu de période où les directions
d’
une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
3
e, ou, pour mieux dire, une organisation générale
de
la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément
4
pour mieux dire, une organisation générale de la
vie
mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément ; et, p
5
ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement
de
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
6
sation toute-puissante n’est plus qu’une question
de
quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
7
Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert
d’
une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
8
e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure
de
toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
9
puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi
d’
un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
10
aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore
de
le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
11
prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien
d’
autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
12
érale à proclamer le désordre du temps. On a peur
de
certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
13
ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence
de
la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
14
ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine
de
sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
15
r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant
de
regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
16
Il suffit pourtant de regarder autour de nous et
d’
en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
17
onne ne s’est approché plus que lui du type idéal
de
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
18
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense
de
ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
19
tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas
de
caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
20
Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet
de
ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
21
: je prends pour la juger ce que l’époque m’offre
de
mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
22
ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la
vie
de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fil
23
ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie
de
Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
24
ci la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma
vie
et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer av
25
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils
de
paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
26
à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement
de
ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
27
dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années
de
jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
28
événement de ces années de jeunesse, son « chemin
de
Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
29
omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose
d’
« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
30
r » il met dans l’expression), c’est la rencontre
d’
une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
31
ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant
de
12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
32
ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine
de
route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
33
ur présent, ma grande et constante ambition a été
de
construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
34
nstruire une bonne machine routière. » Les étapes
de
sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
35
Les étapes de sa jeunesse sont : la construction
d’
un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
36
sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis
d’
un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
37
eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin
d’
une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
38
« et commence à réaliser son rêve, le type unique
d’
automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
39
tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite
de
chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
40
c’est une suite de chiffres indiquant le progrès
de
sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
41
e chiffres indiquant le progrès de sa production,
d’
année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
42
mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire
de
son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
43
qu’un résultat secondaire de son activité. Le but
de
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
44
résultat secondaire de son activité. Le but de sa
vie
n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalis
45
de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
de
s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
46
it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu
d’
hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
47
il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes
de
le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
48
faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
d’
augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
49
monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler
d’
égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
50
int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup
d’
États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
51
aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri
de
toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
52
taques, du point de vue technique. L’organisation
de
ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
53
ation de ses usines, des salaires, des conditions
de
travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
54
sines, des salaires, des conditions de travail et
de
repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
55
st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement
de
sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
56
re. Au contraire, il a résolu la question sociale
d’
une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
57
açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires
de
gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
58
aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
de
promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
59
nisation complète du monde, seule méthode capable
d’
empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
60
Du même coup, en supprimant l’esclavage financier
de
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
61
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée
de
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
62
ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage
de
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
63
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture
de
Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
64
tte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma
vie
et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si
65
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression
de
netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
66
de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté,
de
solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
67
mon œuvre une impression de netteté, de solidité,
de
propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
68
à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit
de
succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
69
me un peu facile mais fort goûté du grand public,
de
l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
70
a sans peine la popularité mondiale des « idées »
d’
Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
71
leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés
de
prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
72
ment, pendant qu’il reste quelques chances encore
de
régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
73
crivait récemment un économiste. Ford, perfection
de
l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
74
striel, offre au monde moderne le premier exemple
de
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
75
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif
de
la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
76
ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure
de
la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
77
e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros
de
l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
78
ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie
de
ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
79
Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but
de
la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
80
us avons dit tout à l’heure quel fut le but de la
vie
de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa
81
vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie
de
Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
82
érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision
de
l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
83
d’abord la vision de l’auto routière : naissance
de
sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
84
ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce
d’
en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
85
ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur
de
l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
86
vagant du bonheur de l’humanité par la possession
d’
automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
87
Et, comme il est très intelligent, il a vite fait
de
démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
88
t de démêler les conditions les plus rationnelles
de
la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
89
ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme
d’
action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
90
ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure
de
produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
91
voici en mesure de produire des quantités énormes
d’
autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
92
ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt
de
la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
93
a réclame s’en charge. Par le procédé très simple
de
la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
94
eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion
de
Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
95
nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que
de
lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
96
t plus maintenant que de lui donner une apparence
d’
utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
97
r une apparence d’utilité publique. À chaque page
de
ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
98
ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice
de
la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
99
mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air
de
rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
100
client. Mais cherchons un peu les causes réelles
de
cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
101
hons un peu les causes réelles de cet abaissement
de
prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
102
t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a
de
tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
103
er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout
de
l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
104
. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte
de
suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
105
, une sorte de suicide du genre humain, par perte
de
son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
106
uicide du genre humain, par perte de son instinct
de
préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
107
umain, par perte de son instinct de préservation,
d’
autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
108
son instinct de préservation, d’autorégulation et
d’
alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
109
est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
de
la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
110
grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a
de
profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
111
fondément antihumain dans la conception fordienne
de
l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
112
cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre
de
la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
113
e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et
de
la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
114
relâche les ouvriers et leur donne une apparence
de
liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
115
ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi
de
leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
116
ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable
d’
augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
117
la consommation. Il rend plus complet l’esclavage
de
l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
118
puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle
de
la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
119
us la production s’intensifie, plus il faut créer
de
besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
120
on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et
de
loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
121
jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et
de
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
122
point Ford est conscient des buts et de l’avenir
de
son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
123
effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
de
produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
124
eut très bien envahir un cerveau moderne au point
d’
en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
125
moderne au point d’en exclure toute considération
de
finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
126
lement fondamental n’empêche pas notre industriel
de
philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
127
lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs
de
la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
128
te américaine. Voici, par exemple, une définition
de
la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
129
nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen,
de
quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
130
quoi vivre convenablement tout en restant maître
de
régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
131
en restant maître de régler à sa guise le détail
de
sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
132
nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent
de
l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
133
rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages
de
la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
134
uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle
d’
huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
135
n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire
de
cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
136
e prix que nous payons à la terre la satisfaction
de
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
137
la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque
de
la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
138
me des machines. J’y vois la réalisation concrète
d’
une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
139
alisation concrète d’une théorie qui tend à faire
de
ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
140
réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est
de
démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
141
s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines
de
milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
142
, comment expliquer que des centaines de milliers
de
lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
143
rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses
de
cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
144
ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin
de
son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
145
eure Ford vers la fin de son livre : Le problème
de
la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
146
t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons
de
le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
147
ns que nous avons de le faire. Tout notre système
de
concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
148
t notre système de concurrence, tout notre effort
de
création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
149
rence, tout notre effort de création, tout le jeu
de
nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
150
ord passe outre et se remet à discuter des points
de
technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
151
problème moderne. D’ailleurs, les idées générales
de
cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
152
dans son livre. En général, il se borne à parler
de
problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
153
perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige
de
l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
154
ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme
d’
homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
155
optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme
de
la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
156
rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté
d’
humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
157
l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie
de
celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
158
n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits
de
tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
159
es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que
de
philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
160
’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un
de
ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
161
ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore
de
nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
162
otre temps ait prononcé définitivement le divorce
de
l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
163
prononcé définitivement le divorce de l’esprit et
de
l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
164
fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
de
la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
165
formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est
de
croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
166
ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée
d’
une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
167
elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et
de
ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
168
e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe
d’
une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
169
i. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre
vie
, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit,
170
prise dans notre vie, il détourne la civilisation
de
son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
171
Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant
de
l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
172
it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion
de
posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
173
yons notre passion de posséder la matière du prix
de
la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
174
de la seule possession véritable, la connaissance
de
l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
175
, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait
d’
expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
176
’homme d’affaires à l’américaine tient les choses
de
l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
177
ns le cas le plus favorable, « il se passera bien
de
cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
178
ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs
de
personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
179
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel,
de
nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
180
es est une des manifestations les plus frappantes
de
notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
181
appantes de notre régression. Cette perte du sens
de
l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
182
omme bon sens américain. On en fait quelque chose
de
jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
183
américain. On en fait quelque chose de jovial et
d’
alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
184
uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose
de
très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
185
s’en doute, cela en prend la place. Les facultés
de
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
186
affaires, tout ira bien. (On pense que les formes
de
la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
187
nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses
de
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
188
rne manie les choses de l’âme avec une maladresse
de
barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
189
homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu
de
chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
190
donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres
d’
horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
191
’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse
d’
aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
192
une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit
de
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
193
plus subtilement encore que son travail aux lois
d’
une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
194
nt encore que son travail aux lois d’une offre et
d’
une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
195
l’homme qui était un membre vivant dans le corps
de
la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
196
ls et les plus profonds à tous les autres membres
de
la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
197
enu sourd à cette harmonie universelle, incapable
d’
en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
198
onomiques et des exigences les plus rudimentaires
de
son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
199
te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
de
sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
200
u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs
de
l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
201
il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué
de
trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
202
vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop
de
satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
203
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts
de
sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
204
a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment
d’
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
205
ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
de
ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
206
dans le plaisir, la conscience de ses besoins et
de
ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
207
travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique,
de
l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
208
, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même
de
l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
209
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre
de
la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
210
mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait
de
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
211
t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir
de
notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
212
ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort
de
l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
213
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués
de
quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
214
nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait
de
rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
215
est pas une faculté destinée à amuser nos moments
de
loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
216
en contradiction avec celles que le développement
de
la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
217
la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
d’
une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
218
lus en plus rare, qui savent encore quelque chose
de
la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
219
plus rare, qui savent encore quelque chose de la
vie
profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui gardent, par
220
uelle grâce ? un peu de cette connaissance active
de
Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
221
on les écarte des engrenages où ils risqueraient
de
faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
222
des engrenages où ils risqueraient de faire grain
de
sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
223
e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
de
l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
224
our où, comme on dit, sans doute par ironie, « la
vie
les prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’on ne sait qu
225
prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie
d’
on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
226
’elles les rendent inutilisables dans les rouages
de
la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
227
les rendent inutilisables dans les rouages de la
vie
moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’u
228
s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe
de
Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
229
mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage
d’
une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
230
réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte
de
franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
231
devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie
de
quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
232
e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines
d’
individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
233
raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur
de
la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
234
qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
de
l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
235
de l’Occident. La logique, parlant par la bouche
de
Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
236
détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas
de
compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
237
ison, une fois de plus. Pas de compromis possible
de
ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
238
ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
de
se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
239
éresser simplement des buts — si bas soient-ils —
d’
une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
240
bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids
de
laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
241
ilisation sous le poids de laquelle nous risquons
de
périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
242
l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
d’
un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
243
enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels
d’
aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
244
une tâche pressante : chercher s’il est possible
d’
échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
245
e. Pour le reste, je pense que c’est une question
de
foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
246
e les livres les plus lus du grand public sont Ma
vie
et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel.
247
lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre,
de
Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
248
t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches,
de
Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
249
chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays
de
langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
250
e allemande, son succès est encore plus grand, et
de
meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
251
s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas
de
l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
252
ique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma
vie
et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 19
253
poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis
de
, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
254
a. Rougemont Denis de, « Le péril Ford », Foi et
Vie
, Paris, février 1928, p. 189-202.
255
es assiègent notre condition humaine : la liberté
de
l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fa
256
tion humaine : la liberté de l’esprit et les lois
de
la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funeste
257
qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art
de
composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissance
258
nse de l’homme et son illustration des puissances
de
nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d
259
Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe
d’
équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singuliè
260
s définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre
de
la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la
261
gane d’équilibre de la civilisation. Nous tenions
de
l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmon
262
n. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement
de
la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et
263
uité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment
d’
une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations
264
os créations et notre connaissance ; le sentiment
d’
une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans
265
sein de nos connaissances même, et dans l’allure
de
leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux
266
t devoir transmettre aux générations cette notion
d’
un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ain
267
issa installer ses machines : elles avaient l’air
de
grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admir
268
vaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua
d’
apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Muci
269
ux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose,
d’
admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au pr
270
a : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage
de
Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe quelle forme. B
271
ment, nous voici « gagnés » par l’un des éléments
de
notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est
272
matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe
de
gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain,
273
me, affolé, soudain, doute s’il est encore maître
de
la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des h
274
re maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus
d’
humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virt
275
tonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre
de
notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplin
276
uilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité
de
droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demand
277
e notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit
de
ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête
278
. Car la science à peine libérée, demande la tête
de
la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des
279
que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences
d’
affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîme
280
l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus
de
mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien ass
281
C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours
de
la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouve
282
méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois
de
l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans
283
sophes des sciences fait-elle songer à l’activité
de
cet espion anglais qui parvint durant la guerre à diriger le service
284
qui parvint durant la guerre à diriger le service
de
contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous av
285
r le service de contre-espionnage allemand chargé
de
sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeu
286
rgé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin
d’
être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste impré
287
re6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés
d’
une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science
288
mme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur
de
laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque de
289
ence se moque des nuages qui animaient la matière
d’
intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser
290
occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente
d’
un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyon
291
prit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera
de
nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans t
292
voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines
de
notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
293
clinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
de
notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous av
294
échant les sources de notre foi. Qui parlait donc
d’
un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos
295
« humanisme scientifique » ? Nous avons été pris
de
vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs loi
296
s et déjà nous sentons leurs lois peser sur notre
vie
: s’agit-il d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a cré
297
entons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il
d’
enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse
298
en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre
de
l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, sp
299
’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et
de
la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — o
300
te — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur
de
la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins é
301
re surmontée, sinon par la rigueur au moins égale
d’
une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pen
302
ins égale d’une pensée qui par ailleurs participe
de
la liberté : j’entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la
303
nsion que l’humanité. On n’en saurait dire autant
de
notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut o
304
siques élaborés par la science. Mais, participant
de
notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est
305
la science. Mais, participant de notre volonté et
de
la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde ma
306
ériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect
d’
une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indé
307
s l’aspect d’une culture des facultés mystiques ;
d’
une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse partic
308
iques ; d’une technique spirituelle8 indépendante
de
toute fin religieuse particulière, antérieure à n’importe quel dogme.
309
crois pas qu’il existe d’autres facultés capables
d’
équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une f
310
s facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit
de
géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de
311
it de géométrie. J’imagine une méthode, une façon
d’
appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait
312
J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la
vie
, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence
313
gine une méthode, une façon d’appréhender la vie,
de
hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la
314
iérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas
de
l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette
315
ement — ce que la « rationalisation » aura laissé
de
Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue.
316
ssé de Raison à l’Occident, avec certains secrets
de
la méditation hindoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des
317
s tout commence par des rêves. Et je ne vois rien
d’
autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
318
d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu
d’
un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une te
319
contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé
de
prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout
320
nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et
de
décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme para
321
t à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle
de
créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-l
322
umanisme paraît enclin : celle de créer un modèle
de
l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l
323
tre a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon
de
l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé
324
l est possible que ce mythe ait animé l’humanisme
de
nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs
325
guère au-delà des limites du monde roman. Le type
de
chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours préva
326
rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux
de
confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’
327
mptez que l’on poussera plus avant la dégradation
de
cette idole qu’est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un s
328
eut celui des dieux ; nous aurons celui des races
de
la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières
329
Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne
de
nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christiani
330
une foi commune, mais une moyenne de nos manières
d’
être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît u
331
ais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte
de
commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis toujours
332
Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci
d’
insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la sta
333
ent être atteints. Mais ce qui parfait la stature
de
l’homme, c’est l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne s
334
qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit,
d’
un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un d
335
aitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas
d’
un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction :
336
e qui manque à l’homme moderne, c’est un principe
d’
harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarch
337
cipe d’harmonie qui lui garantisse le caractère «
d’
humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d
338
ie qui lui garantisse le caractère « d’humanité »
de
ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhuma
339
émarches intellectuelles. Nous avons inventé trop
d’
êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore l
340
s inhumains : ils nous menacent et nous empêchent
de
voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès
341
ement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert
de
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le chri
342
e, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler
d’
humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
343
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est
de
l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritab
344
i demander de plus, s’il laisse en blanc la place
de
Dieu. Mais où trouver les lévites assez purs pour garder vierge parmi
345
oici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat
de
ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leu
346
ste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité
de
ce néo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de dou
347
t nets. (Cités par M. Brunschvicg dans Le Progrès
de
la conscience dans la philosophie occidentale, p. 695.) 8. Les human
348
mologies est l’une des garanties les plus actives
de
la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Ca
349
s plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis
de
, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930,
350
Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers
de
Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la
351
« Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et
Vie
, Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivan
352
Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé
de
la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de
353
: « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études
de
lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revu
354
pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus
d’
expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un je
355
n peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume
d’
en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Co
356
maine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui
d’
un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la ré
357
lution communiste en Chine, et la figure centrale
de
Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livr
358
la figure centrale de Garine, anarchiste par goût
de
l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directemen
359
ssez directement autobiographique. La philosophie
de
ce Garine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malrau
360
lièrement à celle que M. Malraux venait justement
d’
exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l
361
petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation
de
l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événem
362
es événements qui précédèrent l’aventure chinoise
de
l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains
363
s sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte
de
roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par
364
. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman
d’
aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeu
365
ns l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé
d’
aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il c
366
s a décidé d’aller fouiller les temples en ruines
de
la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
367
fouiller les temples en ruines de la Voie royale
d’
Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
368
ix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied
d’
œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmat
369
ken, personnage énigmatique qui possède une sorte
de
puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel
370
, goût des actions des hommes lié à la conscience
de
leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie soc
371
anité…, refus surtout. » Refus des « conditions »
de
la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet dem
372
, refus surtout. » Refus des « conditions » de la
vie
sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet demeure as
373
s des « conditions » de la vie sociale, au profit
d’
une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce myst
374
ions » de la vie sociale, au profit d’une volonté
de
puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère qui entour
375
des deux explorateurs aux prises avec les fièvres
de
la forêt tropicale, puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
376
ue à créer des obscurités que le style très tendu
de
M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversatio
377
tre dans les affaires — qui se donnent une espèce
d’
autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il i
378
ide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice
de
ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans q
379
tre qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est
de
ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout pren
380
ort partout présente « comme l’irréfutable preuve
de
l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur
381
sente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité
de
la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes d
382
« comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la
vie
». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerr
383
preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente
de
Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des
384
lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes
de
guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où
385
le et atroce où éclate douloureusement la révolte
d’
un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ».
386
te monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques
de
cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin d
387
posent en définitive une méditation sur le destin
de
l’homme. Chez Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’idéa
388
Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu
d’
idéal, même ardeur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lu
389
eur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre
de
lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « frat
390
, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister
de
tous les sentiments qu’une « fraternité désespérée » devant la mort.
391
que sa portée ne saurait déborder un petit cercle
d’
esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par u
392
rits aventureux et atteints jusque dans leur goût
de
l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le
393
traire le cas Malraux pour hautement significatif
de
notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, —
394
, — le cas Perken si vous voulez. Les personnages
de
M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempéram
395
s extérieures, et c’est sans doute le tempérament
de
leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs pei
396
à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air
de
famille qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui perm
397
s personnages peints par Rembrandt, et qui permet
de
les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ex
398
au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur »
d’
expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui for
399
d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et
de
masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoportrai
400
paraissent au travers des actions et des discours
d’
un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’es
401
travers des actions et des discours d’un Garine,
d’
un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute
402
des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits
d’
une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
403
e que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait
de
lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donn
404
que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté
de
dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intim
405
fonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous
de
quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce
406
-Garine est la personnification la plus frappante
d’
un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien q
407
rne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que
de
cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absur
408
l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que de cette
vie
, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absurde, parce
409
n’attend rien que de cette vie, mais auquel cette
vie
même, en fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse de lui tro
410
fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse
de
lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : «
411
ur lui n’existe aucune transcendance où s’abîmer,
d’
où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui
412
pose avec une pareille acuité le problème central
de
notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
413
sque agressif qu’elle apporte à décrire la figure
de
l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
414
igure de l’homme moderne en proie au seul orgueil
de
vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contr
415
roie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
de
la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à u
416
e de la religion qui n’est qu’un refuge contre la
vie
. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certain
417
refuge contre la vie. Elle nous amène à un point
de
jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « faus
418
re la vie. Elle nous amène à un point de jugement
d’
où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’
419
s amène à un point de jugement d’où les facilités
de
certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de
420
raissent aussi « fausses » que l’effort désespéré
de
ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
421
usses » que l’effort désespéré de ces conquérants
de
désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduct
422
Voie royale n’est que l’introduction à une série
de
romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit
423
ins règlements concernant la propriété officielle
de
bas-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est
424
istoire comme une fable. Il est peut-être curieux
de
noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violation
425
t-être curieux de noter que les pires blasphèmes,
de
la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’e
426
reil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus
de
sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte
427
que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, La Voie royale », Foi et Vie, Paris
428
e rendu] André Malraux, La Voie royale », Foi et
Vie
, Paris, février 1931, p. 78-81.
429
Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît
de
faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’e
430
s pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen
de
dégager la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel
431
’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité
d’
une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce
432
la mentalité d’une époque — selon la dialectique
de
cet Hegel auquel on revient parce qu’au contraire de M. Léon Brunschv
433
M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique
de
la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la
434
n Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la
vie
. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critiqu
435
nschvicg, il avait le sens du tragique de la vie.
De
pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique li
436
reilles « conversations » ne ressortent nullement
de
la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros pr
437
ue littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu
de
gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’aujourd’hui
438
». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature
d’
avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au foru
439
te ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus
de
louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme e
440
On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que
d’
ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a
441
dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence
de
scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelque
442
ous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre
de
M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type d
443
’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage
d’
un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le
444
laisserai personne dire que c’est le plus bel âge
de
la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie.
445
rai personne dire que c’est le plus bel âge de la
vie
… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici
446
… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie
de
notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
447
ait placé notre mal ? dans quelle partie de notre
vie
. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme d
448
aît la seule entreprise légitime… — Nous pensions
vie
intérieure, quand il fallait penser dividendes, impérialisme, plus-va
449
alisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé
de
bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéress
450
nc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales,
de
bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à B
451
nes raisons brutales, de bonnes raisons humaines,
de
nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et le
452
liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle
de
vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’aut
453
eur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement
de
découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de no
454
ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée
de
notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « déca
455
oncentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la
vie
occidentale se trouve « décantée jusqu’à l’essence, tout ce qui allon
456
résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la
vie
des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l
457
la vie des hommes se trouve « réduite à son état
de
pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occiden
458
iennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève
de
l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représen
459
» Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange
de
représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d
460
ire notre auteur, que ce mélange de représentants
de
ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusemen
461
teur, que ce mélange de représentants de ne ordre
de
toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement provincial
462
e ordre de toutes les races compose quelque chose
d’
assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refus
463
la philosophie, la politique étant absents, faute
d’
emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne ve
464
ar, pour lui, « être poétique, c’est avoir besoin
d’
illusions ». Je soutiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan es
465
ndrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est
de
ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le p
466
iècle qui consiste dans une large mesure à éviter
d’
appeler les choses par leur nom, à préférer toujours le « distingué »
467
conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps
de
dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâch
468
n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction
de
vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle comba
469
aison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos
de
M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « all
470
je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas
de
nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution »,
471
opos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût
de
ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
472
« allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
de
penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer :
473
e ne puis m’empêcher de penser que cette peinture
d’
Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horr
474
descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime
de
voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pu
475
légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence
de
l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On
476
el « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état
de
pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse ma
477
ransformation radicale des conditions matérielles
de
la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spir
478
rmation radicale des conditions matérielles de la
vie
humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituelle
479
rituellement. Et cette révolution-là a l’avantage
d’
être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour se
480
tre possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop
de
préjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité reli
481
éjugés pour sentir la force neuve perpétuellement
de
la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légè
482
teur qui cherche l’effet pittoresque. « Les curés
de
tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces féti
483
tir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler
de
Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de che
484
tres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et
de
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N
485
ichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge
de
Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pa
486
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes
de
chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions
487
si vraisemblable !) mais un normalien se devrait
de
savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre
488
té, dès le début, à combattre les funestes effets
de
la civilisation athée qu’apportaient les Européens. Autre trait plus
489
fiant encore : l’auteur rentrant à Marseille voit
de
loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie
490
teur rentrant à Marseille voit de loin le château
d’
If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premie
491
ent justement les deux objets les plus révoltants
de
la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui
492
terre : une église, une prison. » Triste carence
d’
un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soi
493
soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus
d’
hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui vien
494
é. Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris
d’
une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attit
495
fréquente chez les jeunes intellectuels : orgueil
de
la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
496
nte chez les jeunes intellectuels : orgueil de la
Vie
, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « v
497
s jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine
de
cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nou
498
intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette
vie
-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » e
499
orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris
de
la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vag
500
vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer
de
la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent «
501
nt imaginer de la religion. C’est une forme aiguë
de
ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute
502
sans doute reviendra souvent dans les chroniques
de
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la
503
reviendra souvent dans les chroniques de Foi et
Vie
, « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilisatio
504
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté
d’
émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité di
505
« résume commodément cette volonté d’émancipation
de
la civilisation moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le
506
e toute autorité divine qui est le trait dominant
de
notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même
507
ès dans le même sens que M. René Gillouin parle14
de
l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en
508
ême sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort
de
notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Di
509
érimée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme
de
1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… br
510
1 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis
de
nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément
511
sécularistes : la philosophie des lumières, celle
de
la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de r
512
lumières, celle de la technique, celle du primat
de
la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l
513
res, celle de la technique, celle du primat de la
Vie
. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéali
514
elle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion
de
réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Bruns
515
à ses justes proportions l’idéalisme scientifique
de
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises,
516
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières.
De
quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se demande M. G. Ma
517
ont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit
de
personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l
518
d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit
de
tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie don
519
isme n’est après tout qu’une transposition recèle
de
flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévi
520
e à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura
d’
autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronom
521
ller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que
de
nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amp
522
mme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu
de
s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique
523
eu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe
de
quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se rec
524
trange sectionnement, il aura beau se recommander
de
la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il
525
ment, il aura beau se recommander de la Raison ou
de
l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit n
526
uiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement
de
rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologi
527
nsidérations psychologiques ou même sociologiques
de
ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de p
528
chez l’astronome, il nous interdira formellement
de
procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des rédu
529
même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme
de
1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependa
530
un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame
d’
un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir l
531
les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est
d’
une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se
532
s exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme
de
cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieu
533
oncrète d’une part, et le matérialisme historique
de
l’autre. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphle
534
je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet
de
M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel,
535
an, communiste, est encore plus dur que l’article
de
M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous
536
e l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit
d’
un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la
537
aractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère
de
la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’en cette commune an
538
M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté
d’
autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, ce
539
e qu’ils touchent des problèmes identiques, celui
de
la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en
540
t des problèmes identiques, celui de la puissance
de
l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’impe
541
entiques, celui de la puissance de l’homme, celui
de
la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde.
542
ui de la puissance de l’homme, celui de la valeur
de
son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que
543
elui de la valeur de son action, celui, en somme,
de
l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des pro
544
e pense que tout chrétien conscient des problèmes
de
ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle ci
545
it à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui
de
ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mai
546
nt les critiques marxistes — et c’est ici le nœud
de
divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montr
547
cal soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui
de
MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour
548
raux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez
d’
idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité
549
e une réalité transcendante — ou alors le suicide
d’
un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivi
550
ructiviste » répondra qu’il croit en la puissance
de
l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. M
551
’homme pour se dégager des servitudes provisoires
de
la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’une telle mystique, —
552
objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant
d’
orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vou
553
e-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé
de
Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
554
réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
de
l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, s
555
littéraires du 20 février, inaugurant une série
d’
études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu
556
s renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête
de
M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15.
557
e de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et
Vie
l’an dernier. 15. « Remarques sur l’irréligion contemporaine ». e.
558
’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184
559
Denis de, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et
Vie
, Paris, mars 1931, p. 184-189.
560
Une exposition
d’
artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’il y en a
561
itoire pour toute carrière artistique, un facteur
de
stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
562
istique, un facteur de stérilité ou tout au moins
de
sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la d
563
sur une même affiche et sous la double étiquette
de
protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raou
564
che et sous la double étiquette de protestants et
de
modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Z
565
étiquette de protestants et de modernes des noms
de
peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le sculpteur Gi
566
mystère ; demandons-en l’explication à la Préface
d’
un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et pa
567
s nous parlent, nous avons demandé à ces artistes
de
venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et
568
rcle. Héritiers du plus grand affranchissement et
de
la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’av
569
e la plus héroïque résistance, nous voulons aller
de
l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles
570
s voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur
d’
essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derri
571
t, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté
de
nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maiso
572
lles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur
de
notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étr
573
housiasmes en désordre s’agitaient entre les murs
d’
où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La conf
574
rrondissaient autour des livres dont nous savions
de
grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une
575
ds morceaux avec notre cœur. On remuait un climat
de
poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeuness
576
e et le fou, semait en nous toutes les curiosités
de
la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout red
577
it en nous toutes les curiosités de la couleur et
de
la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : le
578
nous toutes les curiosités de la couleur et de la
vie
. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : les mots
579
ait une place plus grande dans la joyeuse lumière
de
notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur
580
n ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup
d’
objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux
581
choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement
de
présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifeste
582
er l’ensemble des artistes protestants, il s’agit
de
manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard particulièreme
583
testants, il s’agit de manifester les préférences
d’
une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite.
584
e réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique
de
certains critiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du prem
585
thie sincère et souvent fort admirative. Le titre
de
l’exposition, si l’on y prend bien garde, éludait dans une certaine m
586
ait dans une certaine mesure la question délicate
de
l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
587
rtaine mesure la question délicate de l’existence
d’
un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes pr
588
art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
d’
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que
589
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas
de
rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doi
590
s de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir
de
commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et
591
s ne constituent pas, en définitive, les éléments
d’
un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ar
592
t. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre
d’
artistes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. C
593
pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même
de
la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’av
594
e représentait une telle exposition, le caractère
d’
avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à di
595
er accès à un ensemble aussi complet que possible
d’
artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors
596
e. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il
de
spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidités,
597
ines rigidités, pensez-vous, certaines austérités
de
style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vau
598
le ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon
de
la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trac
599
ugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas
de
trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des
600
ous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace
de
« puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. A
601
des artistes contemporains, avec une « Peinture »
d’
un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de
602
rains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme
de
couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
603
de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays
de
Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de ca
604
grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin
de
campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé d
605
coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez »
de
Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
606
, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé
de
blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » d
607
ès plaisant « Essai pour une Italie protestante »
de
P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
608
. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles
de
Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz
609
spirituelles de Ch. Clément et des illustrations
de
F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de
610
ur « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour
de
futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment rep
611
ouvrent des perspectives pour de futures éditions
d’
art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « To
612
lpture est brillamment représentée par un « Torse
de
femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôler
613
brillamment représentée par un « Torse de femme »
de
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Peter
614
e de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins
d’
innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovate
615
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et
de
drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art ph
616
nd, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie
de
Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique
617
de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs
de
l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine.
618
l’art photographique, expose un portrait frappant
de
réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans dout
619
appant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse
de
l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C
620
de l’exposition est sans doute la « Crucifixion »
de
R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à
621
-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement
de
la peinture à sujet religieux qu’annonce cette grande composition : t
622
bole mystique sur le ciel vert du plus grand jour
de
l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importante ménagée aux œuv
623
up remarqué la part importante ménagée aux œuvres
de
décorateurs : paravents, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a
624
ent est bien huguenote : elle remonte aux meubles
de
Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle ma
625
aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries
de
Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, s
626
e, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût
de
la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de
627
mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens
de
l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissoci
628
c’est le trait le plus évidemment « protestant »
de
l’art français. Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un
629
tant » de l’art français. Mais s’il est malaisé
de
décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contr
630
aisé de décrire, dès à présent, un art protestant
de
fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que
631
que cela supposerait d’abord une définition nette
de
notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestan
632
u’est le protestantisme avant de pouvoir trancher
de
ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définit
633
qui l’exprime. En d’autres termes, la définition
d’
un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous
634
t protestant est liée à une conception dogmatique
de
la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un
635
nsons même que la renaissance et l’épanouissement
d’
un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’e
636
paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème
de
la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de princ
637
intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque
de
principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèm
638
ue quiconque de principes définis — je ne dis pas
de
cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans
639
finis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent
de
thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif
640
— qui lui servent de thèmes dans ses variations,
d’
appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant d
641
ns ses variations, d’appui dans ses tâtonnements,
de
réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qu
642
tions, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif,
de
contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à
643
dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte,
de
stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d
644
tmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration
d’
une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine s
645
elle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas
de
style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’es
646
trine se relâche et s’estompe, moins l’art montre
d’
accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiq
647
âche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et
de
vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette
648
piration. Une remarque encore. Certains critiques
de
cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinis
649
tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon
d’
art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme par thomism
650
, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas
de
« sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets chrét
651
ulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal
d’
un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’es
652
seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas
de
réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art a
653
e pour transcender la confession qui lui a permis
de
naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art ch
654
onfession qui lui a permis de naître. La grandeur
d’
un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont
655
de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est
de
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
656
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis
de
, « Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Pari
657
étien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
d’
artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274
658
osition d’artistes protestants modernes », Foi et
Vie
, Paris, avril 1931, p. 274-277.
659
e Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal
de
voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanal
660
ng (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage
d’
un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’A
661
L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe,
d’
Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèb
662
al de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale
de
l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondat
663
d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe,
de
Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’Écol
664
d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse
de
l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
665
se de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur
de
l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois
666
rique, le célèbre philosophe fondateur de l’École
de
la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférence
667
bre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
de
Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférences sur les prob
668
trois conférences sur les problèmes fondamentaux
de
la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis a
669
transmis aux Américains — reste un trait marquant
de
l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à l
670
e un trait marquant de l’âme allemande : le choix
de
la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en t
671
. Accueilli avec quelque perplexité par le public
de
la première conférence, sifflé à la seconde, ovationné à la dernière,
672
haleine une salle énorme en parlant avec sérieux
de
problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregist
673
lèmes essentiels : c’est une performance qui vaut
d’
être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique,
674
une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien
de
très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’o
675
ette trilogie philosophique, mais un bel ensemble
d’
observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misè
676
ouvent profondes sur les grandeurs et les misères
d’
une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière
677
du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux
de
comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défens
678
e comprendre notre temps avant de le condamner ou
de
l’absoudre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le
679
e condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu
d’
une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe de
680
serling apparaît comme un type très représentatif
de
l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis
681
Keyserling voit la cause du développement exagéré
de
la technique dans le fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
682
Il faut organiser la conquête et la distribution
de
ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime
683
ser la conquête et la distribution de ces biens :
d’
où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a e
684
, légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement
de
presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, c
685
entraîné le renversement de presque tous les buts
de
civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilis
686
istianisme primitif) — la pauvreté est considérée
de
nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’id
687
honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien
de
l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique
688
res, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise
d’
adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie
689
s traversons une crise d’adaptation, et il s’agit
de
la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux va
690
ptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens
d’
une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur prim
691
git de la résoudre dans le sens d’une philosophie
de
la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à
692
la résoudre dans le sens d’une philosophie de la
vie
qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à cette
693
té : car c’est à cette condition seulement que la
vie
humaine gardera sa signification. En somme, on pourrait résumer la pe
694
fication. En somme, on pourrait résumer la pensée
de
Keyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tou
695
eyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel
d’
assurances à tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « for
696
canique et « formidablement ennuyeux » — un idéal
de
risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mais tout ce
697
sons connaissance mystique. g. Rougemont Denis
de
, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931,
698
s de, « Conférences du comte Keyserling », Foi et
Vie
, Paris, avril 1931, p. 287-288.
699
Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
700
)h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité
de
milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphn
701
rice Baring est entré dans l’intimité de milliers
de
lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On
702
té de milliers de lecteurs français avec un livre
d’
un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman d
703
teur16, et il nous aide à mieux définir le charme
de
cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beauc
704
r le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur
de
quelques années à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600
705
es à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus
de
600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, i
706
mpte plus de 600 pages dans l’édition française —
d’
un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt
707
pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité
d’
émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
708
d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire
de
la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque di
709
tion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la
vie
d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue,
710
n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie
d’
une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, «
711
pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et
de
la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » q
712
C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la
vie
d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux
713
st l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie
d’
une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux da
714
les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond
de
presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et
715
e Baring exprime ce troisième sujet par deux vers
de
son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui
716
Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour
de
Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l
717
raduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes
d’
en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez sav
718
ux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu
de
l’Amour. « Si vous désirez savoir comment cela s’applique à mon hist
719
! non, c’est au contraire décharger ces critiques
d’
une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside
720
iques d’une tâche impossible. Car toute la valeur
de
l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans l
721
tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre
de
Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’el
722
t intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par
de
très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire adm
723
petits gestes qui, échappant soudain à des êtres
d’
ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent devi
724
res d’ordinaire admirablement corrects et maîtres
d’
eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenu
725
cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque
de
l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne s
726
e pittoresque de l’action, encore que l’évocation
de
cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui at
727
ette haute société anglaise ne soit pas dépourvue
d’
un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autre
728
dans la libéralité avec laquelle il nous invite à
de
multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le
729
personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas
de
Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’ar
730
mple. La Société dans laquelle évoluent les héros
de
Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. C
731
Cela permet à l’auteur autant qu’aux personnages
de
ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cel
732
ions matérielles fastidieuses ; cela permet aussi
de
résoudre certains conflits apparemment sans issues : les acteurs du d
733
ontinue, pour notre agrément. Mais surtout, cette
vie
dénuée d’aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre inté
734
ur notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée
d’
aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se
735
nt. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou
de
difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniq
736
e difficultés extérieures, permet à notre intérêt
de
se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constit
737
rivilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle
de
l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que ce
738
r l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est
d’
affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vi
739
e rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact
de
réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que l
740
âmes au contact de réalités plus pures que celles
de
la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring n
741
u contact de réalités plus pures que celles de la
vie
courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manqu
742
ourante, on peut dire que les romans « mondains »
de
Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mér
743
, et c’est là l’important. Le mérite le plus rare
de
ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le
744
Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute
de
faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
745
ire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique
de
la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa m
746
t « réaliser » au lecteur le tragique de la durée
d’
une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’
747
aliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
vie
. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existen
748
de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre
de
sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
749
uivre de sa naissance à sa mort toute l’existence
de
Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince R
750
sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa
vie
de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un
751
ort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
de
jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un je
752
umba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence
d’
une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souff
753
ne femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure,
d’
aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévit
754
i ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et
de
souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tr
755
sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire
de
l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve d
756
lement tragique. Car si l’histoire de l’ascension
d’
un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée mê
757
Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère,
d’
une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le
758
ire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté,
d’
une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincan
759
dans sa durée même l’élément le plus convaincant
de
sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’his
760
, et le plus tonique17, — il en va tout autrement
de
l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique pa
761
onique17, — il en va tout autrement de l’histoire
d’
une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence d
762
17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une
vie
sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence du senti
763
s sommes attachés surtout à des instants parfaits
de
nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension
764
cension continue, mais une fois atteint le moment
de
sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, v
765
r, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant
d’
essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée —
766
’essence éternelle, ses manifestations dans notre
vie
— dans la durée — sont nécessairement douloureuses. Certains, peut-êt
767
e du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre
de
cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que
768
e de cette envergure comporte à proprement parler
de
morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
769
face. Bien plutôt, elle est l’expression concrète
d’
une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde
770
rofonde ressemblance avec les Affinités électives
de
Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton
771
inités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée
de
jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incident
772
un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier
de
ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le
773
rsonnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir
de
séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaî
774
uvoir de séparer le bien du mal parmi les actions
d’
autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
775
e connaître. Simplement, il enregistre les effets
d’
une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il
776
justice immanente. En même temps que les actions
de
ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent.
777
rovoquent. Et le tragique qui se dégage lentement
de
cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoï
778
qui se dégage lentement de cette longue confusion
de
plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas
779
t de cette longue confusion de plaisirs mondains,
d’
égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une con
780
confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus,
d’
égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais ce
781
çus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique
d’
une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentem
782
bien plus amer et noble, du consentement aux lois
de
la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
783
lus amer et noble, du consentement aux lois de la
vie
. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fat
784
nt aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette
de
nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte
785
ités humaines, ce qui compte chez les personnages
de
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer
786
chez les personnages de Baring, c’est la manière
d’
accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela
787
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée,
de
la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme le sujet impli
788
re d’accepter une destinée, de la transfigurer ou
d’
y succomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit
789
a qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit,
de
son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexpri
790
romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient
d’
inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque
791
e les faits, agit comme un « moraliste » désireux
de
justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est
792
aliste » désireux de justifier une thèse plus que
de
faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
793
u’il consacre à la « conversion » au catholicisme
de
la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage a
794
rincesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen
de
ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est
795
la phrase par quoi se termine un précédent livre
de
notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le
796
un précédent livre de notre auteur : « La veille
de
la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique…
797
e de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein
de
l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement
798
dans le sein de l’Église catholique… le seul acte
de
ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. »
799
e sein de l’Église catholique… le seul acte de ma
vie
que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanch
800
l acte de ma vie que je suis parfaitement certain
de
n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a don
801
e n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane «
de
naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholiqu
802
ne tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa
vie
à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond : « Je n
803
u’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il,
de
savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement
804
ent : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment
de
détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que
805
mais en question les exigences les plus terribles
de
la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle appliqu
806
acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté
de
soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’ape
807
que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure
d’
esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque im
808
ement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes
de
la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces
809
des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici
de
représenter deux églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui
810
. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas
d’
autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souha
811
ouhait (ni plus ni moins que la majorité des gens
de
cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrin
812
e cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande
de
définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusants ou cruels qui
813
Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir
de
soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’ég
814
à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile
d’
en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harr
815
tait bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant
de
son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prê
816
ant catholique…, puis Edmund Lely, cousin germain
de
votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étrang
817
catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent
de
leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon natur
818
par une humanité charmante, « une façon naturelle
de
traiter les questions religieuses, sans fausse honte ». (Seuls, parmi
819
le pas attirée par la Rome papale, qui la console
de
la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle a
820
rée par la Rome papale, qui la console de la Rome
de
son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrè
821
qui la console de la Rome de son mari et la venge
de
l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’es
822
e la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre
de
ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’
823
de cette œuvre où l’on parle le plus directement
de
Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page inc
824
s en discussion. Je sais bien que tout changement
de
confession ramène les mêmes arguments qui retiennent l’esprit à la pé
825
nétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est
d’
autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse q
826
jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable
de
voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, gros
827
t plus regrettable de voir Baring se départir ici
de
la sagesse qu’il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la th
828
enser d’ailleurs, car en définitive la conversion
de
son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible q
829
ièrement suffisants et rendent superflue l’action
de
la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par c
830
sserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur
de
Baring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les d
831
tte erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret
d’
une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres page
832
ent les discussions, et qu’en tant d’autres pages
de
cette belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur
833
t qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre,
d’
une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de
834
ndication tranquille et profonde sur l’état d’âme
d’
un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
835
tion tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un
de
ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de B
836
e sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
de
Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est un
837
qu’elle trouve, à force de souffrance, le courage
de
sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à
838
bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe
de
la vérité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que B
839
rité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant
de
force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fond
840
pressible argument du bonheur, fondement pratique
de
la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contr
841
e la morale courante. Presque tous les événements
de
son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastroph
842
e, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante
de
nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre
843
nfondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer
d’
immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité
844
ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit
d’
attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux
845
décisif, viennent apporter ce dur message à l’âme
de
celle qui demandait d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
846
ter ce dur message à l’âme de celle qui demandait
d’
être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui com
847
triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre
de
la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sa
848
chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui
de
La Princesse Blanche 20 donne sans aucun doute l’accord le plus prof
849
0 donne sans aucun doute l’accord le plus profond
de
l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle a
850
s aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre
de
Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle au père Mich
851
mprenez tout à présent. Je vous demande seulement
de
prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
852
e ma misère est plus que je ne peux supporter. La
vie
humaine me paraît intolérable. — Elle l’est presque, mais pas tout à
853
is des erreurs irréparables. — Vous avez le droit
de
vous laisser mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus
854
ésespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que
de
ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme di
855
« Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état
de
l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi
856
l état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être
de
cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surp
857
n lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire
d’
un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous auro
858
exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme,
d’
Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasio
859
, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion
de
revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de
860
est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux
de
parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse
861
de, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler
de
conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se
862
yeux de la foi scandaleux de parler de conversion
d’
un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas
863
trement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche pa
864
h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie
865
La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et
Vie
, Paris, mai 1931, p. 344-350.
866
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée
de
l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux frança
867
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre
de
Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un
868
t religieux français, est un événement qui mérite
d’
être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestanti
869
me en particulier. Depuis quelques années, le nom
de
Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce,
870
s quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît
de
loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue franç
871
ommerce, la Nouvelle Revue française , la Revue
de
Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans
872
ont été consacrées, en particulier dans la Revue
d’
histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierke
873
crées, en particulier dans la Revue d’histoire et
de
philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dan
874
la Revue d’histoire et de philosophie religieuses
de
Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
875
asbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue
de
métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côt
876
Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et
de
morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publicatio
877
aphysique et de morale. Et voici que l’on annonce
de
plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de
878
, la publication prochaine des œuvres principales
de
l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-êt
879
, — du plus actuel, je dirais même du plus urgent
de
tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1
880
existence (Commerce, n° XII). Le grand événement
de
sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au D
881
nce (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa
vie
fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark
882
° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort
de
l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkeg
883
rkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami
de
son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un
884
ami de son père. Martensen, le successeur présumé
de
Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’a
885
é de Mynster, prononçant un discours sur la tombe
de
l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la véri
886
ant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua
d’
avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue ch
887
le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs
de
la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard
888
rkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment
de
la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans l
889
tôt des fonctionnaires payés par l’État et avides
d’
avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les At
890
at et avides d’avancement ? Les écrits polémiques
de
Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme offici
891
es contre le christianisme officiel furent l’acte
de
Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici com
892
estant pouvait trouver pareille formule. Le héros
de
la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, n
893
Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni
de
Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le
894
u plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé
de
« l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel hom
895
’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique
de
ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychol
896
ie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut t
897
plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie
de
l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïe
898
ogie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être pla
899
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplore
900
le ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre
de
cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fr
901
les espèces du fragment le moins caractéristique
de
Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-mê
902
ormel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série
de
traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins
903
n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions
de
ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danoi
904
s, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien
de
cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant
905
s moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et
d’
humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d
906
en de cynisme et d’humanité un document peut-être
d’
autant plus intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit m
907
t peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane
d’
un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros d
908
émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant
de
nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienn
909
. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros
de
la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et v
910
de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître
de
la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle
911
action en France au moment où l’intérêt passionné
de
beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple f
912
né de beaucoup se porte à la rencontre du message
de
Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attache
913
contre du message de Karl Barth, disciple fervent
de
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkega
914
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur
d’
un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus,
915
valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup
d’
esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aîn
916
Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête
d’
absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sû
917
agnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur
de
Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fou
918
ent. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions
de
la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je ser
919
et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis
de
, « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte
920
i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », Foi et
Vie
, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte non signé.
921
maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade
de
docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vé
922
vre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte
d’
intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures
923
intrépidité pour entreprendre cette « traversée »
de
deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des
924
cette « traversée » de deux littératures. Combien
d’
heures de marche monotone à travers des moraines et des névés intermin
925
raversée » de deux littératures. Combien d’heures
de
marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, po
926
vés interminables, pour mériter quelques instants
de
plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à n
927
lques instants de plénitude dans la contemplation
de
sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqu
928
rsonne même n’avait signalé cette curieuse lacune
de
notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient p
929
ire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas
d’
histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera s
930
eux — il trouvera sa place dans votre valise — et
d’
une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce
931
ux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins
d’
analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un rep
932
vrages documentaires, pleins d’analyses précises,
de
citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en mêm
933
taires, pleins d’analyses précises, de citations,
de
planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une
934
itations, de planches hors-texte ? C’est un repos
de
l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination. On goûte
935
ssent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent
de
la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La mont
936
illeux réactif, au contact duquel certains traits
de
caractères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significati
937
ertains traits de caractères nationaux s’accusent
d’
une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’a
938
ortant et radicalement différent. Nous essaierons
de
l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
939
n. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
de
la littérature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écr
940
ature alpestre en France. À part Sénancour, aucun
de
nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspirat
941
ucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème
de
la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œu
942
inspiration lyrique ou philosophique génératrice
d’
œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron,
943
aubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur
de
tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus
944
s vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre
d’
imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, apr
945
inaires bons sauvages. Et pour la grande majorité
de
ceux qui, après lui, feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
946
n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément
de
pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions
947
autes vallées, seul avec la nature dans une sorte
d’
ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie
948
ne, il parvenait à oublier la fuite des heures et
de
la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silen
949
parvenait à oublier la fuite des heures et de la
vie
: l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silencieuses
950
euses qui s’égrènent une à une dans les solitudes
de
rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot adm
951
’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et
de
glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable, « l
952
de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela,
d’
un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dan
953
é dans ces solitudes que les autres contemplaient
d’
en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surpre
954
e anglaise, au contraire, a donné toute une suite
de
chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’in
955
yriques à sujets alpestres. « Toute une tradition
d’
individualisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur
956
mmets, qu’écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité
de
ces sommets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
957
excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
d’
extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependan
958
u encore (Wordsworth) « les types et les symboles
de
l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c
959
es et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme
d’
un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration sp
960
rnité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme
d’
un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poé
961
lley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique
d’
adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables «
962
tion spirituelle que chante la poésie anglaise en
de
véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de
963
ations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu
de
grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamai
964
e lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni
de
pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symb
965
gne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole
de
l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, n
966
résonances vraiment altières, celle-là : la voix
de
Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons
967
-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons
de
monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait re
968
ttérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère
de
mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est
969
our la première fois, le ton des hauteurs, le ton
de
celui qui les a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietz
970
es a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre
de
Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises,
971
ment aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine
de
repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l
972
inspire l’escarpement, nous changent des rêveries
de
Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opp
973
littérature qui transforme les sommets en images
d’
un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni b
974
mets en images d’un Dieu vertueux, ou en remparts
de
la liberté. La montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle p
975
sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion
d’
une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces
976
e du tableau franco-anglais, fournit un contraste
de
haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivement à des inter
977
nt une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme
de
leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui
978
t le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort
de
discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classic
979
ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent
de
qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspiren
980
pestre. Il contient en puissance toute une morale
de
l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère
981
leur inégalable : il y trouvait tous les symboles
de
la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais
982
négalable : il y trouvait tous les symboles de la
vie
dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t-
983
as informer d’autres pensées que les malédictions
de
Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idée
984
ons de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés
de
la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer vé
985
lation des idées citadines, éprouveront le besoin
de
créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certai
986
se tournent vers ces derniers symboles physiques
de
la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carenc
987
ces derniers symboles physiques de la solitude et
de
la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l
988
tude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons
d’
une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que n
989
s Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante
de
l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contem
990
inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la
vie
que nous impose le monde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe,
991
où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur
de
certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le re
992
plus obscur de certains cœurs, et dans le secret
de
certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déce
993
Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie
d’
une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se cont
994
tre le goût du sport trahit-il la nostalgie d’une
vie
qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se contenter à
995
bon marché, et personne ne croit plus à la vertu
de
simulacres à ce point galvaudés. (Un Montherlant lui-même, récemment,
996
.) Deux chances sont encore offertes aux amateurs
de
risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous
997
isme. On commence à nous donner quelques « romans
de
l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier
998
r des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue
de
palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre,
999
s et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
1000
, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et
Vie
, Paris, juillet 1931, p. 548-551.
1001
nt l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)l m Dire
de
ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire
1002
nt simple qui nous introduit dans la connaissance
de
la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesqui
1003
est-il réellement impossible à une âme chrétienne
d’
atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par
1004
lle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance
de
sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons.
1005
un terrible péché du christianisme européen, que
d’
avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux q
1006
que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine
de
haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement ét
1007
quement abandonné à une doctrine de haine le sort
de
ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y av
1008
us proche de sa grandeur. L’existence et l’action
de
Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent qu
1009
isme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là
de
quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle acc
1010
Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la
vie
de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande maj
1011
il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie
de
Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majori
1012
it surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie
de
Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
1013
e Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre
d’
Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemag
1014
Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà
de
la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en
1015
liée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
de
la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous
1016
ngleterre, en Allemagne, et en France, sous celui
d’
Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. No
1017
l’Aube, est un des livres les plus significatifs
de
ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les condition
1018
ificatifs de ce temps. Non pas que nous manquions
de
témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
1019
nous manquions de témoignages sur les conditions
d’
existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre sièc
1020
est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un
de
ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple,
1021
peuple, comment il l’aime, et quel est le secret
de
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode
1022
e secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit
de
l’homme d’action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d
1023
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme
d’
action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une descri
1024
d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement
d’
une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobi
1025
’accommode rarement d’une réflexion impartiale et
d’
une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voi
1026
affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine
de
son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’acti
1027
ine de son entreprise. C’est même un des malheurs
de
notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité part
1028
igieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre
d’
un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège ad
1029
e. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle
de
presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’e
1030
ue tous nos hommes d’État. Le privilège admirable
de
Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cau
1031
uit son action en pleine connaissance de cause et
de
buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sent
1032
chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret
d’
une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre
1033
us, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen
de
servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelqu
1034
uvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et
d’
agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles p
1035
nt appris à connaître les résultats considérables
de
l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous sa
1036
suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur
d’
une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’ini
1037
rienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur
de
réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la vil
1038
le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes
de
grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé e
1039
e grande envergure, commencées dans les bas-fonds
de
la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne
1040
ergure, commencées dans les bas-fonds de la ville
de
Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapideme
1041
moderne si rapidement envahi par la civilisation
d’
une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce le
1042
, cet économiste et cet évangéliste se doublaient
d’
un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier a
1043
ître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme
d’
un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le r
1044
iichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit
de
l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend
1045
t l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et
de
la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kag
1046
même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse
de
notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche da
1047
it prend fin au moment où Kagawa débouche dans la
vie
publique et politique. Espérons qu’une biographie complète suivra cet
1048
nnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité
d’
une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès
1049
, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’une
vie
, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les pr
1050
trer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes
de
ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l
1051
s auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent
d’
ordinaire aux faits pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
1052
pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
vie
; ils négligent volontiers ce qui les rend semblables au commun des m
1053
nous assistons à l’existence la plus quotidienne
d’
Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces
1054
ifficultés précises et humiliantes, à ces moments
de
doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre a
1055
précises et humiliantes, à ces moments de doute,
de
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et
1056
humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou
d’
ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différe
1057
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle
de
notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte
1058
activité et qui différencient radicalement notre
vie
d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pr
1059
ivité et qui différencient radicalement notre vie
d’
un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
1060
i différencient radicalement notre vie d’un conte
de
fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalis
1061
n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
de
« réalisme » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’hypocrisi
1062
is de « réalisme » littéraire, mais bien le signe
d’
une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains ca
1063
me » littéraire, mais bien le signe d’une absence
d’
hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra pr
1064
e à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais
de
la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa s
1065
gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes
d’
allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
1066
e. Telle est la certitude qui se dégage lentement
d’
une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descri
1067
i se dégage lentement d’une profusion peu commune
de
petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vive
1068
ment d’une profusion peu commune de petits faits,
de
personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire qu
1069
on peu commune de petits faits, de personnages et
de
descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l
1070
ls vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort
d’
attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraien
1071
plusieurs chapitres du premier tome risqueraient
de
lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au
1072
tome risqueraient de lasser, par une multiplicité
de
notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’on avance, l
1073
ure qu’on avance, l’on comprend mieux les raisons
de
la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
1074
l’on comprend mieux les raisons de la popularité
d’
une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétis
1075
la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la
vie
du Japon actuel qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pa
1076
sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie
d’
estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène
1077
’eût été bien agréable si le wagon entier eût été
de
verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculabl
1078
nnoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable
de
stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares te
1079
ble de stations. Regardant par la fenêtre, il vit
d’
affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le
1080
. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms
de
gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka,
1081
que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre
d’
Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues
1082
lampes carrées. Entre les stations, des étendues
de
toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la
1083
arrées. Entre les stations, des étendues de toits
de
tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, av
1084
s stations, des étendues de toits de tuiles, avec
de
la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étran
1085
a tempête. Tandis que le train longeait les bords
de
la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit cél
1086
un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide
de
Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne
1087
Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université
de
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philo
1088
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère
de
discussions philosophiques fort curieuse, où les doctrines bouddhiste
1089
is sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit
d’
embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouve
1090
liées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras
d’
argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on
1091
me partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent,
de
difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de
1092
barras d’argent, de difficultés sentimentales, ou
de
mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une disc
1093
imentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit
de
sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrét
1094
nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite
d’
une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leur
1095
ussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet
d’
un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université
1096
n vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un
de
leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université. Ce
1097
s, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe
de
ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. S
1098
Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté
de
sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du
1099
l quitterait l’Université pour se plonger dans la
vie
active et mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir
1100
d idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que
de
partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès
1101
noble que de partager la vie quotidienne des gens
de
la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il d
1102
près de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida
de
retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque
1103
il ferait face aux dépenses du voyage, il décida
de
vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terr
1104
s avec son père, riche commerçant que l’on accuse
de
malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec
1105
défend avec violence contre les idées subversives
de
son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l
1106
fils un ordre social dont l’avantage évident est
de
le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiich
1107
dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri
de
la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui r
1108
ttre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource
de
se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d
1109
ur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion
d’
évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans s
1110
ment concilier son bonheur personnel avec l’idéal
de
rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de s
1111
ale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage
de
se donner à cet idéal, dont la réalisation pratique lui répugne encor
1112
iichi était partagé entre deux désirs. L’un était
de
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les princi
1113
deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite
de
cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tou
1114
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et
de
jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bi
1115
les principes philanthropiques à tous les vents ;
de
rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plo
1116
ents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie
de
belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il ent
1117
en vite dans sa maison garnie de belles nattes et
de
se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix inté
1118
de belles nattes et de se plonger dans ses livres
de
philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si t
1119
voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles
de
ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vul
1120
re voix intérieure disait : « La bonté est le sel
de
la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vi
1121
x intérieure disait : « La bonté est le sel de la
vie
. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vivants.
1122
nsifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte
de
folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de dése
1123
er en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée
de
le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le f
1124
ko est obligée de le quitter. Alors dans un accès
de
désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’e
1125
itter. Alors dans un accès de désespoir, il tente
de
mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre da
1126
t s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort
de
son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orienta
1127
e l’oblige à en sortir, mais en même temps décide
de
l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvr
1128
ortir, mais en même temps décide de l’orientation
de
sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pen
1129
mais en même temps décide de l’orientation de sa
vie
: Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pa
1130
ogement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort
de
son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut
1131
nte. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté
de
fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funéraill
1132
r une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie
de
la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son
1133
a société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya
de
garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, qu
1134
tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple
de
Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite ent
1135
cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres
de
douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne p
1136
panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments
de
Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa Eiichi, il y av
1137
entiments de Hamlet, voyant la procession funèbre
d’
Ophélie, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
1138
i, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
de
crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discord
1139
la redoutable réalité, et il pleura de crainte et
de
tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbal
1140
tout lien avec le passé, comme on franchit le pas
de
la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions
1141
ant lui était le monde : le monde, l’énorme asile
de
fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourment
1142
prise du militarisme et du capitalisme ; un asile
de
fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c’était le
1143
nde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que,
de
ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il
1144
our-là, il entrerait en bataille contre cet ordre
de
choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels
1145
t ordre de choses. Il se délivre progressivement
de
tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir
1146
familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent
de
jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se conv
1147
enfin, brusquement, au moment où il avait décidé
de
se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui d
1148
la boue, sous la pluie. Il renaîtra bientôt à la
vie
, mais cette fois pour se donner tout entier à la misère des bas-fonds
1149
r se donner tout entier à la misère des bas-fonds
de
Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des
1150
onds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves
d’
un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
1151
qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre
de
ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lu
1152
squ’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas
de
les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la no
1153
la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure
de
saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire d
1154
ple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire
de
sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
1155
bit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie
de
l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et direct
1156
e deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire
de
vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu li
1157
euxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
vie
et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire d
1158
partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et
de
pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus
1159
ces milieux. Finalement, la police accuse Eiichi
d’
avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scèn
1160
scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut
d’
être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur,
1161
e étude psychologique, en observant sur le visage
de
celui-ci les expressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lu
1162
Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique
de
désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin
1163
étude pratique de désordre mental dans une classe
d’
école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les ch
1164
s une classe d’école, tant il était calme et loin
d’
être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profe
1165
e et loin d’être troublé. En regardant les choses
de
près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment
1166
les choses de près, il conclut que la profession
de
procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
1167
e vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
de
celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de jug
1168
le, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait
de
se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire q
1169
e exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher,
de
se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle
1170
livrait de se fâcher, de se poser comme juste et
de
juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous l
1171
bles. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie
d’
Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passen
1172
es aussi inutiles que les procureurs passent leur
vie
, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sym
1173
ssent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible
de
ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire
1174
iichi, il est impossible de ne pas leur témoigner
de
la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-v
1175
si ce n’est par une révolution ? Je vous demande
de
me dire clairement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une mi
1176
s s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient
de
branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants.
1177
Il se taisait, car il savait qu’il était inutile
de
dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minu
1178
. Le Procureur regardait distraitement son carnet
de
notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible d
1179
t jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible
de
dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoire
1180
impossible de dire lequel des deux était le juge
de
l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds
1181
conclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité
d’
une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulièr
1182
ous quelques instants devant la beauté singulière
de
l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse
1183
lligent qui est plus émouvant que bien des chants
de
victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de
1184
est plus émouvant que bien des chants de victoire
de
« sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volon
1185
vés ». Une âme parfaitement consciente, claire et
de
bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
1186
ans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent
d’
une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune
1187
a critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas
de
terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre in
1188
es actions. Il les note, simplement, sans oublier
d’
indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les prov
1189
ouvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace
d’
ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours
1190
artialité. C’est toujours à l’effarante sincérité
de
ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. P
1191
rité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut
d’
un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pa
1192
u’il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue
d’
hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouvea
1193
eu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie
de
sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante
1194
éclate particulièrement dans l’analyse des motifs
de
ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands R
1195
ï surtout. Et par tous les revirements intérieurs
de
ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa v
1196
ges également. Quant à lui, la complexité vivante
de
sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois,
1197
alement. Quant à lui, la complexité vivante de sa
vie
morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désesp
1198
à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a
d’
égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heure
1199
ante de sa vie morale n’a d’égale que la violence
de
ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne reg
1200
!”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état
de
désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et d
1201
dans un tel état de désespoir que soudain l’amour
de
la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se d
1202
n tel état de désespoir que soudain l’amour de la
vie
revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à
1203
r que soudain l’amour de la vie revient s’emparer
de
lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui,
1204
mour de la vie revient s’emparer de lui et décide
de
sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepter
1205
ida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la
vie
et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’
1206
manifestations dans le temps. Il était ressuscité
de
l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vi
1207
espoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut
de
vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la m
1208
ent dans sa sphère actuelle, enrichi par la force
de
la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pie
1209
ut était étonnement. Il acceptait tout. Il décida
de
vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir
1210
Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement,
de
prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il ac
1211
décida de vivre fermement, de prendre courage et
de
lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’ex
1212
ment à l’avenir, et pour cela il accepterait tout
de
l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suic
1213
e, le 14 février, il se décida à faire profession
de
disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presqu
1214
i eussent préféré l’habituelle effusion en patois
de
Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitr
1215
tois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est
de
voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatemen
1216
tes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage
de
sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les exp
1217
a difficulté. Les rares allusions qu’il fait à sa
vie
spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les col
1218
s derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté
d’
un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile sel
1219
ier, priant continuellement pour obtenir la grâce
de
devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur
1220
ellement pour obtenir la grâce de devenir capable
de
suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une mo
1221
s. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet
d’
une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et l
1222
d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu
de
lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfant
1223
Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne
d’
une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du rega
1224
tel est le signe et la mesure certaine. Au cours
d’
un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jam
1225
aineux des communistes. Et c’est l’un des secrets
de
sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion
1226
des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps
de
tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’obje
1227
ets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer
de
ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet détermi
1228
capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant
de
son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette e
1229
es réformes socialistes — mais cela dispense-t-il
de
chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier à
1230
r d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent
d’
étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère at
1231
s le devraient.). Pour celui qui referme le livre
de
Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant qu
1232
ctible. Car la question sociale n’admet peut-être
de
solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan
1233
re de solution que personnelle. Il ne s’agit plus
de
la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résou
1234
, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais
de
la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraig
1235
te et par un acte intérieur contraignant, un acte
d’
incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus t
1236
ose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux
d’
un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif
1237
rétien primitif n’est-il pas, avant tout, le sens
de
la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fai
1238
agawa nous force à méditer chrétiennement le fait
de
la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui
1239
imiler christianisme et capitalisme feraient bien
de
ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte
1240
sme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre
de
vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Toyohiko K
1241
s perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube », Foi et Vie, Paris
1242
e rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube », Foi et
Vie
, Paris, septembre 1931, p. 623-632. m. Une note précise : « Éditions
1243
bre 1931)n o La manière est toujours l’indice
d’
une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.)
1244
« manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord
de
la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y vo
1245
’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis
d’
un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du
1246
is d’un des écrivains les plus justement célèbres
de
ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité don
1247
élèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite
de
la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récit
1248
tanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros
de
ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
1249
pourvu dans une mesure qui est celle, exactement,
de
son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances
1250
elle, exactement, de son art, — considérable. Art
de
ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent
1251
tement, de son art, — considérable. Art de ruses,
de
pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme
1252
— considérable. Art de ruses, de pondérations et
de
nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui
1253
se définit et se limite par l’épithète valéryenne
d’
exquis. On sait quels « jugements » Gide s’attira naguère, dont la « s
1254
ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions
d’
un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fa
1255
d’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts
d’
une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement d
1256
crie pas et ne compte nullement désigner l’auteur
de
l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que
1257
sait qu’il y a dans le monde moderne trois sortes
de
gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce
1258
ral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr
d’
avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit
1259
à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera
de
son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’
1260
sons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil
d’
aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer
1261
dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes,
de
« caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gi
1262
ivers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et
de
lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sai
1263
dré Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre
de
cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si adm
1264
ves. Non seulement Gide a presque toujours raison
de
ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte
1265
ourdine. Car il sait que la modestie est la vertu
de
choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pare
1266
de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier
de
nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : l
1267
ssiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe
de
force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dan
1268
avent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta
de
soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cru
1269
i tenta de soutenir la controverse prit une leçon
de
distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout
1270
ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin
de
citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honor
1271
à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre
d’
un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le j
1272
icipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu
de
mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
1273
sprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots —
d’
être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne
1274
tojustification obsédante que les derniers écrits
de
cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à s
1275
donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà
de
ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainemen
1276
icale. Ce qu’il faut certainement déplorer, c’est
de
le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyau
1277
liser des dons incomparables et une sorte subtile
de
loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces sc
1278
des fins rien moins que grandes. Car l’excès même
de
ces scrupules les fait tourner soudain, les fait cailler en coquetter
1279
iller en coquetteries. Et voici que l’explication
de
soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consci
1280
en indiscrétion, et cette retenue trop consciente
de
ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sau
1281
ne impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa
vie
la perdra, mais celui qui veut la perdre la rendra vraiment vivante »
1282
e inlassablement M. Gide25. Seulement, celui qui,
de
propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pou
1283
nt, celui qui, de propos délibéré, veut perdre sa
vie
, et non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-
1284
e du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait
d’
y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels s
1285
ige en dialectique indépendante. Si des sophismes
de
ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes »
1286
s que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace
de
conclusions en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangi
1287
ons en toute logique inévitables. Car ce qui naît
de
l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout pr
1288
ue inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a
de
sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique
1289
eu. Et tout précepte évangélique une fois détaché
de
la grâce se décompose avec virulence en sophismes, ou bien engendre d
1290
on est d’abord séduit par la finesse et la mesure
de
leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis,
1291
on-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente
d’
être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus o
1292
mpatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle
de
paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe
1293
ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et
de
malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas
1294
doxes et de malentendus où il semble qu’un esprit
de
cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce
1295
t-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait
de
s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le d
1296
as à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit
de
certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fon
1297
’est que le théâtre, et où je fais fonction moins
d’
acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si déta
1298
héâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que
de
spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-mê
1299
e fais fonction moins d’acteur que de spectateur,
de
témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pa
1300
, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché
de
soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la si
1301
rement un faux témoin ? Étendons la signification
de
ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamai
1302
sereinement contradictoire, où il voit l’essence
de
sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autre
1303
ctoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et
de
sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se
1304
s autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse
de
faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écr
1305
e entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien
de
ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de
1306
l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur
de
ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéress
1307
pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’un jeu
d’
équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions trans
1308
uilibres relatifs, variables et réversibles. Plus
de
sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppres
1309
me qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification
de
ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses con
1310
l’unité, vers l’unification de ses aspirations et
de
ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans dout
1311
ations et de ses actes ; dans une âme responsable
de
ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montr
1312
imple qu’il ne le croyait. Mais la question reste
de
savoir si cette division interne, une fois reconnue, doit être accept
1313
our moi je tiens que le seul problème éthique est
de
se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et
1314
commande. Non point à cause de la logique ni même
d’
une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’an
1315
e. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque
d’
ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle str
1316
cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et
de
bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement q
1317
usement intelligent. On n’y parle strictement que
de
psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une per
1318
parle strictement que de psychologie et des ruses
de
l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphy
1319
xprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque
d’
enthousiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne dé
1320
Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme,
d’
« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en
1321
housiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie
de
Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir,
1322
détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni
d’
agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesur
1323
ien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni
d’
aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscien
1324
ous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même
de
douter fortement. C’est constamment mesuré, conscient, exquis, mais,
1325
omplaisant à sa propre modestie. Et, par là même,
d’
une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette
1326
jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde
de
demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certa
1327
supposer qu’il écrivit en préface au livre récent
d’
un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
1328
is par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un
de
ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshuman
1329
», un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros
de
Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine.
1330
e ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol
de
nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je croi
1331
sse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances
de
l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours
1332
, les déchéances de l’homme, nous les connaissons
de
reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les déno
1333
, nous les connaissons de reste et la littérature
de
nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
1334
trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
de
soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout
1335
’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement
d’
éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologi
1336
ment d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi
d’
une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme
1337
tance psychologique considérable : que le bonheur
de
l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoi
1338
’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation
d’
un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines
1339
r. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus
de
certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateu
1340
ines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image
de
cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
1341
ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas
d’
être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulon
1342
eurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais
de
faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des e
1343
est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté
de
Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, m
1344
pas des exemples édifiants, mais des témoignages
de
responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommensurable tragiqu
1345
homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé
de
lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impression pénible de se m
1346
is là où d’autres produisent l’impression pénible
de
se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : sou
1347
ui me regarde et qui me perce, — et me fait honte
d’
oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il adopte : « mais ce
1348
celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris,
1349
te rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et
Vie
, Paris, octobre 1931, p. 725-729. o. Une note précise : « Divers («
1350
ment, dans un article des Nouvelles littéraires
d’
un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la
1351
article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage
de
M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M.
1352
divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret
de
ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un
1353
son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu
de
Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la ci
1354
rivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais
d’
éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce prop
1355
nt26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et
de
nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a fa
1356
nt. Et précisément il y aurait lieu à une manière
de
Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la
1357
isément il y aurait lieu à une manière de Loti vu
de
Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l
1358
e de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays
de
Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésist
1359
partient à ce pays de Saintonge, qui, si la force
de
l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait po
1360
, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière
de
Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros,
1361
lait pour devenir une manière de Genève maritime,
de
Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la ré
1362
lantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan,
de
la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son m
1363
ce protestante contre le Cardinal, était corsaire
de
son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible
1364
métier. N’oublions pas que depuis la destruction
de
l’Invincible Armada la mer devient aux trois quarts protestante — et
1365
uf-mille marins). Loti est un protestant français
de
la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevoi
1366
contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre
de
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique,
1367
oute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et
de
l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un
1368
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation
d’
un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime,
1369
la littérature intime sont un produit autochtone
de
la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes re
1370
un produit autochtone de la terre protestante et
de
l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouve l
1371
intéressantes remarques, où l’on retrouve le goût
de
l’analogie historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Alb
1372
historico-littéraire qui caractérise la critique
de
M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un
1373
t fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu
de
Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai t
1374
bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme
d’
un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston
1375
non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais
d’
un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études li
1376
complet, mais d’un essai très fouillé et profond
de
Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes c
1377
udes littéraires et morales. Nous sommes certains
d’
intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages
1378
s. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs
de
cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. N
1379
rs de cette revue en citant ici quelques passages
de
l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle
1380
revue en citant ici quelques passages de l’étude
de
Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
1381
sistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange
d’
une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tand
1382
s, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’une
vie
toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis que
1383
ti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine
de
nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscien
1384
nge d’une vie toute pleine de nobles penchants et
d’
affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige
1385
re dans la jouissance présente. La structure même
de
ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différ
1386
ans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise
de
la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dé
1387
ur, car quoi qu’on dise de la différence entre la
vie
et le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière
1388
fférence entre la vie et le roman, la composition
de
celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant qu
1389
roman, la composition de celui-ci dépend toujours
de
la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée co
1390
osition de celui-ci dépend toujours de la manière
de
concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où
1391
de la manière de concevoir celle-là. Tant que la
vie
était considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se formai
1392
nt une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la
vie
n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et
1393
ient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite
d’
événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se
1394
t les livres sont fragmentaires, ils se composent
d’
une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées
1395
sont fragmentaires, ils se composent d’une série
de
tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des
1396
an moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet,
d’
appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-mo
1397
s à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs
de
Gide, ou Contrepoint d’Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces rem
1398
comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint
d’
Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de
1399
mbien actuelles aussi ces remarques sur le déclin
de
la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que
1400
, je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé
de
nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle é
1401
temps où le domaine intérieur du recueillement et
de
l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étai
1402
de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets
de
la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu e
1403
adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la
vie
intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’un
1404
it plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie
de
l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont no
1405
ion, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône
de
Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable,
1406
nces sont encore là, mais non plus les espérances
de
la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la ter
1407
t autrefois, est retombée sur la terre et l’anime
de
tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie, déso
1408
ort qu’elle portait sur les choses invisibles. La
vie
, désormais sans au-delà, sans relation avec l’infini, se trouble et s
1409
et, dans leur tumulte intérieur, les forces vives
de
l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous l
1410
uffrance s’est écrite dans les pages innombrables
de
notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’
1411
bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin
d’
épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : el
1412
protestants du xixe siècle. L’on serait surpris
de
constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme,
1413
surpris de constater à ce sujet que les jugements
d’
un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il
1414
les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux
d’
un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à
1415
souvent sans les connaître. Et « le point de vue
de
Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui
1416
x qui le professèrent (en dépit de certain défaut
de
sympathie avec leurs sujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Di
1417
de certain défaut de sympathie avec leurs sujets)
d’
une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain
1418
ujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Dire
de
Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que bea
1419
de qu’il est un écrivain protestant est une façon
de
parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Pa
1420
: Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont Denis
de
, « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-
1421
mont Denis de, « Le protestantisme jugé », Foi et
Vie
, Paris, octobre 1931, p. 751-754.
1422
Nos gloires nous jugent C’est un fait digne
d’
intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « s
1423
n’a relevé, que les grands « succès » littéraires
de
l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pi
1424
aires de l’année 1931 soient allés à trois romans
d’
écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumb
1425
anime a salué dans Le Scandale la meilleure œuvre
de
M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse
1426
candale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce
de
somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Clai
1427
ost, une espèce de somme romanesque des errements
de
la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous l
1428
de somme romanesque des errements de la jeunesse
d’
après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages fé
1429
rrements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire
de
M. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son aute
1430
ges féminins, et classe son auteur dans la lignée
de
ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d
1431
istes français » auxquels nous pardonnons souvent
d’
être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils
1432
donnent à notre intelligence plus avide, au fond,
de
formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
1433
nce plus avide, au fond, de formules adroites que
de
drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’u
1434
Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau
d’
un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un é
1435
nfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et
d’
une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central t
1436
d’une famille dont la mystique se révèle au cours
d’
un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on di
1437
en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —,
d’
une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
1438
e gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
d’
une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerr
1439
pparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte
de
renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre, Jean Schl
1440
ais voici qu’on proclame au contraire l’avènement
d’
une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispi
1441
observer que les romanciers protestants montrent
de
préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que
1442
s montrent de préférence la famille dans sa force
de
conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attarde au spe
1443
là la famille qui se défait30. Mais gardons-nous
de
voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacri
1444
e la vieille opposition du sacrifice cornélien et
de
la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son exp
1445
oderne dans des œuvres bien plus caractéristiques
d’
une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraimen
1446
es d’une éducation protestante ou catholique, que
d’
une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-
1447
est à juste titre, croyons-nous, qu’on put écrire
de
Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute
1448
stants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs
de
la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marqu
1449
eligieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté
de
marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À l
1450
rois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici
d’
une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’
1451
, n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation
d’
un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bie
1452
s » nous y pousseraient, à force de reniements et
d’
ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices
1453
ousseraient, à force de reniements et d’ignorance
de
nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La questio
1454
ce de reniements et d’ignorance de nos richesses,
de
fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit ê
1455
’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et
de
sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un pla
1456
ique : s’agit-il jamais en effet pour les témoins
d’
une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils p
1457
amais en effet pour les témoins d’une confession,
de
faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire co
1458
les témoins d’une confession, de faire le compte
de
leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci
1459
e question qu’elles posent, chrétiennement, c’est
de
savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit
1460
ous les méritons encore. Comme le disait un homme
d’
esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de c
1461
ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
de
chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, ca
1462
on se réclame est éloigné, moins on a de chances
d’
en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et
1463
ns pour notre protestantisme un jugement indirect
d’
une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
1464
’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui,
de
confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous r
1465
e moralisme nous trahit Partons du cas concret
de
nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’e
1466
vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais
de
l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa po
1467
passe, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser,
de
le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros d
1468
t pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si
de
la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinc
1469
Les héros du Scandale, provinciaux énervés par la
vie
des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter d
1470
Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars
de
la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor
1471
bars de la capitale nous apparaissent incapables
de
transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
1472
transporter dans ce décor les dilemmes religieux
d’
une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timid
1473
porter dans ce décor les dilemmes religieux d’une
vie
intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à s’e
1474
souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment
d’
indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il se
1475
e, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et
d’
inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vérita
1476
t d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur
de
Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’
1477
endroits où la vraisemblance voudrait que le nom
de
Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’es
1478
le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament
de
la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus
1479
ent chez Jean Schlumberger une volonté consciente
de
réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catég
1480
e virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories
de
la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais
1481
es de la grâce et du péché ; un certain ascétisme
de
la forme, mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’a point
1482
n certain ascétisme de la forme, mais jamais rien
d’
explicitement religieux : cela n’a point empêché ces trois romans de f
1483
ligieux : cela n’a point empêché ces trois romans
de
faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». J
1484
ois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup,
de
livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un
1485
livres « bien protestants ». Je serais même tenté
de
dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’év
1486
n peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à
d’
évidentes préoccupations morales, composent précisément ce que beaucou
1487
re protestant »32. Et c’est cela qui est grave, —
d’
autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de comp
1488
a qui est grave, — d’autant plus grave que nombre
de
protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette
1489
rave que nombre de protestants tiennent à honneur
de
compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malen
1490
e compromettre la Réforme avec cette attitude, et
de
prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode.
1491
gent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce
de
stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « p
1492
radition », pourtant cache assez mal la faiblesse
d’
un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approxim
1493
approximative. Nous ne saurions assez nous garder
d’
accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il e
1494
cepter des adhésions qui vont aux produits déviés
de
notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. C
1495
e, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent
de
tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la
1496
le plus durement jugés. Était-ce affaiblissement
de
notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
1497
ait-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir
de
la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
1498
i dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire
de
trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission se
1499
originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom
de
libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et
1500
as, décorait du beau nom de libéralisme l’absence
de
toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos pré
1501
s des mains complices à des œuvres qui relevaient
de
conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par e
1502
relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes
de
la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les aff
1503
s qu’aient été les affirmations souvent indignées
de
nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Fran
1504
du Français moyen, « protestant » devint synonyme
de
« moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-l
1505
moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent
de
ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel é
1506
e ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait
de
convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer un
1507
incre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il
de
déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande part
1508
responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux
de
nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans les
1509
ontrons-nous assez soucieux de nous désolidariser
de
certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crur
1510
oucieux de nous désolidariser de certaines formes
de
pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appu
1511
us désolidariser de certaines formes de pensée ou
d’
action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont
1512
rent trouver des appuis, mais dont nous souffrons
d’
autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandon
1513
vivement que le monde actuel nous met en demeure
d’
abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme
1514
donner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire
d’
un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En partic
1515
, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que
de
l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez cons
1516
mes-nous toujours assez conscients des fondements
de
notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui ren
1517
t ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant
de
notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon
1518
nutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force
de
conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en dro
1519
alisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a
d’
injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être point frappés d
1520
ons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire
d’
incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son
1521
re d’incomplet. Mais comment n’être point frappés
de
sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la co
1522
is comment n’être point frappés de sa généralité,
de
son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessè
1523
t frappés de sa généralité, de son insistance… Et
de
ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué de n
1524
aît bien la confirmer : le dessèchement distingué
de
notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui m
1525
t. Toute forme religieuse donne lieu à des formes
d’
art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le
1526
ifiques. On peut donc poser que le protestantisme
de
la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent,
1527
ui par ailleurs flattait un penchant traditionnel
de
l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse ten
1528
it français). Cela pouvait donner soit des œuvres
d’
analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit
1529
yse tendant à dissoudre les affirmations massives
de
la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du te
1530
affirmations massives de la foi ; soit des œuvres
d’
édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
1531
du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres
de
révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne pa
1532
. Tout ceci ne participant que très indirectement
d’
une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirmen
1533
de vue purement littéraire, si l’on tient compte
de
la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement d
1534
sme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable
de
cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux m
1535
sitons plus à rendre responsable de cette carence
de
la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître
1536
fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé
de
toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
1537
te théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine
de
préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains
1538
ce. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et
de
pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent bana
1539
force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression
d’
une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités
1540
e prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle
d’
une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de
1541
onne et qui flattait curieusement certaine notion
de
« correction » bourgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’el
1542
se. Elle « craint » la vérité ; non point au sens
de
ce verbe qui signifie la révérence, mais comme on craint le risque, q
1543
craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse
de
sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire tou
1544
ogie. Car il est certains cas où celui qui craint
de
dire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vi
1545
int de dire toute la vérité n’exprime par là rien
d’
autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis
1546
hodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement
de
sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément
1547
développer précisément à l’époque où la théologie
de
Calvin, pessimiste quant à l’homme, mais confiante dans la grâce, cèd
1548
confiante dans la grâce, cède le champ aux idées
de
Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici do
1549
e, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe
de
l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à
1550
ne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle
de
ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud
1551
ieur où Freud naguère porta l’impitoyable lumière
de
l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affa
1552
comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment
de
la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressi
1553
he. Ainsi l’atmosphère moraliste a tué les germes
de
l’imagination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que
1554
étouffer, elle a souvent faussé le développement
de
ces germes ; les produits d’une terre ingrate grandissent comme une d
1555
ssé le développement de ces germes ; les produits
d’
une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté matern
1556
’une terre ingrate grandissent comme une dérision
de
la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laque
1557
n de la pauvreté maternelle, comme une caricature
de
la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en m
1558
elle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée
de
Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance van
1559
ée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage
d’
Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irré
1560
ance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse
de
Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqu
1561
t conduit le protestantisme à la négation absolue
de
son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux q
1562
tion bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes
de
l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous auron
1563
s aurons compris que la santé est dans l’humilité
de
la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire
1564
lité de la prière, dans la reconnaissance éperdue
de
notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux m
1565
par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains
de
Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous v
1566
’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains
de
Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si lo
1567
s par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais
de
démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est
1568
Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt
de
dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que
1569
rande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout,
d’
un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, n
1570
l dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil
de
la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temp
1571
uit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer
de
libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
1572
n Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte
de
ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibil
1573
rsen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma
vie
d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si
1574
et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie
d’
Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si aut
1575
lité si authentiquement évangélique — comme celle
d’
une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Je
1576
vangélique — comme celle d’une Lagerlöf — se lier
d’
amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) L
1577
us grandes, par le sentiment tragique du péché et
de
la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski o
1578
grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans
de
Dostoïevski ou d’Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspe
1579
C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou
d’
Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspectives bouleversan
1580
u moralisme. La grande poésie naît du tragique et
de
la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir une
1581
elque jour en France surgir une poésie chrétienne
d’
inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonct
1582
qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes
d’
où naquirent les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’aut
1583
jonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques
d’
un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si
1584
ures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un
d’
Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si la f
1585
d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons
d’
espérer. Car si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’anal
1586
artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse
d’
états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence mêm
1587
que adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états
d’
âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une
1588
nalyse d’états d’âme dans le doute, il est permis
d’
attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
1589
ats d’âme dans le doute, il est permis d’attendre
de
la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscit
1590
ute, il est permis d’attendre de la violence même
d’
une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaume
1591
e théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite
de
nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Ét
1592
Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité
de
sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat
1593
rit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi
de
ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des
1594
ent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs
d’
une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adopt
1595
nt souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule
de
nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand,
1596
erait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas
d’
édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le
1597
isme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe
d’
humilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
1598
umilité. Également : Jean de Saussure : À l’École
de
Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’arti
1599
e Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro
de
cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de
1600
. dans le dernier numéro de cette revue l’article
de
E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la mu
1601
ticle de E. Hæin, et particulièrement la citation
de
F. Münch relative à la musique religieuse d’Honegger. q. Rougemont
1602
tion de F. Münch relative à la musique religieuse
d’
Honegger. q. Rougemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
1603
sique religieuse d’Honegger. q. Rougemont Denis
de
, « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-6
1604
mont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
Vie
, Paris, janvier 1932, p. 56-63.
1605
rétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre
de
l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie fran
1606
’Académie des sciences qui serait aussi directeur
de
la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des
1607
marge des expériences accumulées dans l’exercice
de
ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames
1608
exercice de ces activités, composerait des poèmes
d’
amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son épo
1609
romans, des drames philosophiques, les meilleurs
de
son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais u
1610
rs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait
de
Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Ma
1611
pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée
de
l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut
1612
ant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme
de
toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’
1613
de toutes ces activités et domina constamment sa
vie
et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dan
1614
mment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas
d’
individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’es
1615
pas d’individu plus significatif dans l’histoire
de
l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vive
1616
chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et
Vie
, aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire ou h
1617
Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle
de
la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problèm
1618
rétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une
de
ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questi
1619
questions au christianisme » comme dit Barth, une
de
ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
1620
e ces questions qui nous sont posées comme autant
d’
accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bo
1621
t posées comme autant d’accusations, et qu’il est
de
notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un exa
1622
utant d’accusations, et qu’il est de notre devoir
d’
envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscienc
1623
r avec toute la bonne foi que nécessite un examen
de
conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’une faço
1624
e. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais
d’
une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un
1625
ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité
de
son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe av
1626
Goethe et la part active qu’il prit aux réunions
de
« belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’é
1627
us parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas
de
témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eû
1628
er. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits
de
cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant c
1629
témoignages écrits de cette époque qui permettent
d’
imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai s
1630
nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir
d’
une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âm
1631
où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre
de
la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quan
1632
s bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus
de
raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement d
1633
C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et
d’
expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
1634
ence : la crainte du Seigneur est le commencement
de
la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » de
1635
e commencement de la sagesse. » Par quel concours
de
circonstances cette « sagesse » devint-elle chez Goethe quelque chose
1636
e si étrangement à une indifférence non dépourvue
d’
orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la respon
1637
es, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein
d’
une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit
1638
stique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il
de
Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tou
1639
ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens
d’
esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur premi
1640
Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu
de
pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieuse, et cro
1641
ui causent les effusions piétistes trop verbeuses
d’
un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mysti
1642
ffusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou
d’
un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tarde
1643
y atteint qu’en outrepassant les limites normales
de
l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à
1644
tes normales de l’esprit humain. La transcendance
de
Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pou
1645
e. Dès lors, pourquoi faire intervenir dans notre
vie
une recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie ? Bornons-n
1646
r dans notre vie une recherche qui risque surtout
d’
être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réal
1647
recherche qui risque surtout d’être nuisible à la
vie
? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser » dans nos action
1648
réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon
de
nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de lan
1649
dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance
de
langage qui trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nou
1650
étiens, affirmons que nous ne savons presque rien
de
Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce qu
1651
ns presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain
de
chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle
1652
que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années
de
la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la
1653
nn nous a livré les confidences, et où la volonté
de
sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de
1654
elle paraît avoir produit chez le poète une sorte
de
sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la
1655
ligieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité
de
la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extéri
1656
humilité de la raison devant l’insondable mystère
de
Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce mon
1657
n devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu
de
l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’e
1658
stère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil
de
la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas, ou encore :
1659
stait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien
d’
autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la
1660
Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois
de
la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pra
1661
semble des lois de la nature. Ainsi la conception
de
la transcendance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affi
1662
es, ou comme on disait alors, panthéistes. Source
de
malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la
1663
rpétuellement renaissants, et que les adversaires
de
la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sait. Mais, comme l’ét
1664
ue les adversaires de la religion eurent beau jeu
d’
exploiter, on le sait. Mais, comme l’établit fort justement Curtius «
1665
et rien que païen est une légende, et une légende
d’
origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen d
1666
Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire
de
l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe q
1667
, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et
de
la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile,
1668
’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue
d’
un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a p
1669
aïen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus
de
païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifi
1670
s que la venue du Christ a modifié la nature même
de
l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il
1671
ntons incapables pour admettre dans la communauté
de
la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’il s’inclinait devant le C
1672
vant la « révélation divine du plus haut principe
de
la morale », tout en vénérant également le soleil, comme une « révéla
1673
e qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants
de
la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareill
1674
ait jamais été donné, à nous enfants de la terre,
de
percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception
1675
exemple. Mais c’est précisément dans la facilité
d’
interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et o
1676
’interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce
de
sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît
1677
candale chrétien, que gît la faiblesse religieuse
de
sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le
1678
’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel
de
notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui
1679
anscendant qui interdit à la pensée la plus probe
de
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est p
1680
i interdit à la pensée la plus probe de se passer
de
Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de di
1681
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé
de
Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou pe
1682
e juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai
de
dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un m
1683
ieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé
de
Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être
1684
de autonome. Il doit être envisagé comme manquant
de
quelque chose. Or, ce « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue
1685
e chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison
d’
être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause
1686
la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas
de
neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité
1687
éalité visible du péché entraîne la considération
de
la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mê
1688
transcendance divine, sans cesse, se mêle à notre
vie
pratique et vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans Faus
1689
bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour
d’
En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrét
1690
raît comme non chrétien, comme antichrétien, mais
d’
une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à de
1691
t à des boutades anticatholiques ou à des moments
d’
humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
1692
dages piétistes. Ici, nous confesserons un doute.
De
quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se pré
1693
serons un doute. De quel droit refusons-nous donc
d’
appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
1694
homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
de
la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes
1695
de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi
de
certains biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que no
1696
tains biographes ? Mais comment juger les actions
d’
un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Die
1697
Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom
de
chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive, apparaît comme fo
1698
raît comme fondée sur deux des réalités centrales
de
l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce p
1699
théories et les systèmes dont nous jugeons urgent
d’
accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugeme
1700
? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde
de
1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une huma
1701
présence du déchaînement orgueilleux et misérable
d’
une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres f
1702
nt justement les valeurs que le « christianisme »
de
Goethe paraît avoir négligées ou niées : le scandale divin, le péché
1703
e scandale divin, le péché radical. Mais un homme
de
l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti,
1704
n, le péché radical. Mais un homme de l’envergure
de
Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pou
1705
parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir
d’
objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a da
1706
i qui nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la
vie
de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une l
1707
i nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie
de
cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leço
1708
ust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon
d’
activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
1709
’une figuration symbolique, une leçon d’activité,
de
réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grande
1710
symbolique, une leçon d’activité, de réalisation,
d’
actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’i
1711
leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation
de
la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous to
1712
Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes
d’
aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que n
1713
chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin
d’
avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
1714
lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
d’
avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —,
1715
esoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même
d’
avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’i
1716
i même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement
d’
être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Go
1717
efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro
d’
hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932). r. Roug
1718
Revue française (mars 1932). r. Rougemont Denis
de
, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 3
1719
ont Denis de, « Goethe, chrétien, païen », Foi et
Vie
, Paris, avril–mai 1932, p. 304-309.
1720
C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris
de
M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune
1721
les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur
de
la place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique,
1722
l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu
de
ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous
1723
ait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre
de
l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une ca
1724
bat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une
de
ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ce
1725
engagent bien plus que l’adhésion des idées, une
de
ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût d
1726
et que l’on eût difficilement prévue au lendemain
de
la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessai
1727
e — du service nécessaire que se fait l’unanimité
de
la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonisme
1728
sée n’est plus pour elle une justification idéale
de
l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risq
1729
our elle une justification idéale de l’égoïsme ou
de
l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur de
1730
uer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin
de
l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les clercs, selon M. Be
1731
nifierait pour les clercs, selon M. Benda, la fin
de
l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice sa
1732
le sacrifice salutaire et l’unique justification
de
la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée ch
1733
lier, s’est toujours montrée soucieuse avant tout
de
réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Be
1734
soucieuse avant tout de réalisation personnelle,
d’
action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne »
1735
se montre préoccupé des conséquences nécessaires
de
la pensée dans l’ordre pratique) « est protestant ». Mais, d’autre pa
1736
est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif
d’
action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à mi
1737
ais, d’autre part, cette soif d’action directe et
de
service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur du m
1738
te, dans l’action qu’elle commande à des millions
de
nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la néc
1739
aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité
d’
une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — t
1740
out ce que cela implique. Ils voient bien le vice
de
la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liber
1741
ensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir
d’
une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affran
1742
’ils le sont, ont des raisons réelles et valables
de
récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organi
1743
s-nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques
de
ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril
1744
ce double péril qui menace une génération : péril
de
gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. T
1745
menace une génération : péril de gauche et péril
de
droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Maulnier vie
1746
erry Maulnier vient de réunir en volume une suite
d’
études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, ma
1747
te d’études parues pour la plupart dans les pages
de
l’Action française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comporten
1748
comportent nulle allusion à la position politique
de
ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblé
1749
ique un monde qui selon lui tend à la suppression
de
la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle se
1750
entait inspirée par un principe spirituel capable
de
rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des suj
1751
livre montre un esprit averti des vraies valeurs
de
ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la cultu
1752
. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question
de
la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et
1753
uple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré
de
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il c
1754
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme
de
M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l
1755
populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme
de
M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Stalin
1756
line ; il adopte enfin une position assez voisine
de
celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le
1757
adopte enfin une position assez voisine de celle
de
MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la
1758
re ». Certes, on ne saurait demander à un recueil
d’
essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiéta
1759
demander à un recueil d’essais réunis après coup
de
fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier,
1760
p de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant
d’
entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indique
1761
Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait
d’
indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement
1762
se déclarer satisfait d’indiquer « des positions
de
résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’appara
1763
quer « des positions de résistance », une « ligne
de
retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pens
1764
ment ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique
de
la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry
1765
me m’apparaît caractéristique de la pensée dite «
de
droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses
1766
ligieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas
de
dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec
1767
t pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort
de
penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres
1768
ssion. Il faut encore leur donner d’autres objets
de
passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que
1769
assion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités
d’
un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vain
1770
nes les passions égarées, rende visible l’origine
de
l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui
1771
garement, rende efficace et créatrice la critique
de
tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’e
1772
je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou
de
ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis
1773
erait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche
de
manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
1774
e ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer
d’
exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas
1775
oche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ;
de
se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l
1776
is-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
de
ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins b
1777
défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin
d’
idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions
1778
taque. Nous avons moins besoin d’idées justes que
d’
idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que
1779
es que d’idées efficacement justes ; moins besoin
de
notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
1780
ustes ; moins besoin de notions « correctes » que
de
notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de
1781
es. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups
de
marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que ce
1782
eur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups
de
marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philo
1783
lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups
d’
épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, l
1784
philosophie avec grand P, la doctrine officielle
de
la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourg
1785
inée à défendre et illustrer la notion bourgeoise
de
la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État
1786
défendre et illustrer la notion bourgeoise de la
vie
, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeo
1787
n bourgeoise de la vie, et payée — en la personne
de
ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, te
1788
grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens
de
garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
1789
urgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre
de
son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On
1790
e titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
de
la Troisième République. On peut recommander la lecture de ce livre,
1791
isième République. On peut recommander la lecture
de
ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, u
1792
r la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite
de
poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pe
1793
a le mérite de poser simplement, brutalement, une
de
ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naï
1794
grandes questions que la pensée moderne a convenu
d’
appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est ma
1795
et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois
de
suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein général. M
1796
i, par bonheur, est très simple : Il n’y a point
de
questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont re
1797
nte qui dit et croit qu’elle se déroule au profit
de
l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croy
1798
ilosophie régnante est caractérisée par son refus
d’
aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusi
1799
hilosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état
de
scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse d
1800
urs sur la technique du passage à l’absolu, parle
de
noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Ni
1801
chnique du passage à l’absolu, parle de noumènes,
d’
immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « commen
1802
ssage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence,
de
contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produit
1803
t M. Nizan, « comment ces produits tératologiques
de
la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires … la tubercul
1804
t expliquer aux hommes vulgaires … la tuberculose
de
leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et
1805
res … la tuberculose de leurs filles, les colères
de
leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travai
1806
acances, les guerres, les grèves, les pourritures
de
leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi
1807
sans rime ni raison » … « Il n’y a aucune raison
d’
écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur d
1808
n » … « Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre
de
questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses »
1809
ter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison
de
ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos ph
1810
ons. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner
de
réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de
1811
s ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes
d’
exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout
1812
nd, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure
de
leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
1813
ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et
de
déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
1814
osophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
de
leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dé
1815
te que l’auteur exagère quand il dénonce le péril
d’
une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement con
1816
stique, pensée purement conceptuelle et dépourvue
d’
intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le
1817
ne action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés
de
s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M.
1818
que le sien à l’endroit des résultats « humains »
de
toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
1819
moins clair qu’il tombe par là même sous le coup
d’
une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg.
1820
u’une extension orgueilleuse et démesurée du type
d’
homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substit
1821
émesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe
de
philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est,
1822
eois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut
de
beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considé
1823
iscutables que la plus-value, recouvre la réalité
de
tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en
1824
s connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre
de
M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime
1825
l et concret. Au contraire, il en émane une sorte
de
mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un parti
1826
partisan convaincu. On sent bien que le triomphe
de
M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause.
1827
n, qui est marxiste, si la lecture et la pratique
de
Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obl
1828
itude intime, une réalité directe, une obligation
de
choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au se
1829
vatrice, une joie au sein de la douleur, la force
de
supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager
1830
er des souffrances physiques, la force et la joie
d’
envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la j
1831
une transfiguration tragique, la force et la joie
d’
envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque i
1832
tion tragique, la force et la joie d’envisager la
vie
comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque instant total, ét
1833
ées concernent chaque homme dans chaque situation
de
sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse p
1834
ncernent chaque homme dans chaque situation de sa
vie
de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible
1835
nent chaque homme dans chaque situation de sa vie
de
chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et
1836
cherché auprès de philosophes secrètement avides
de
prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituell
1837
canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole
de
Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militan
1838
témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe
de
cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-
1839
être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et
de
son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a
1840
a révolution menaçante viendra comme le châtiment
de
ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser danger
1841
ante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes,
de
ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais l
1842
eux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent
de
« penser dangereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas. Ca
1843
rxistes n’y échapperont pas. Car celui qui refuse
de
penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
1844
. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse
d’
envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ê
1845
morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appareil
d’
assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicale
1846
lement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions
de
la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932. 39. Chez Rieder,
1847
Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal
de
textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de, « Pens
1848
i prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis
de
, « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
1849
emont Denis de, « Penser dangereusement », Foi et
Vie
, Paris, juin 1932, p. 478-484.
1850
répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout
de
cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporain
1851
s plus tonifiants et plus actuels, je veux parler
de
la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auque
1852
ive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet,
de
constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par e
1853
effet, de constater, en parcourant les catalogues
de
librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages pure
1854
nt romanesques va en diminuant, et cela au profit
d’
une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de
1855
a au profit d’une littérature qui tient à la fois
de
l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livr
1856
ne littérature qui tient à la fois de l’histoire,
de
la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essa
1857
i tient à la fois de l’histoire, de la politique,
de
la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
1858
s de l’histoire, de la politique, de la morale et
de
la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius
1859
religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
de
E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français
1860
l fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français,
de
F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Al
1861
succès en Allemagne remonte aux premières années
de
l’après-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le
1862
rès-guerre, illustrées par les livres monumentaux
de
Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut re
1863
par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin
de
l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état gé
1864
vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère
de
crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’
1865
, à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine
d’
ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelqu
1866
and. Il est bien naturel qu’une société qui jouit
d’
une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions rom
1867
. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures
de
bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre exis
1868
contemporain voit bien que la question n’est plus
de
s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de re
1869
voit bien que la question n’est plus de s’évader,
de
se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien
1870
e distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr
de
retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
1871
as quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par
de
petits moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en es
1872
acé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant
de
comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des di
1873
ver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir
d’
arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi ex
1874
ibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent.
De
là cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider le
1875
ussi excité qu’incompétent. De là cette multitude
d’
écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou
1876
te multitude d’écrits, dont le propos général est
d’
élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précéden
1877
st d’élucider les causes lointaines ou prochaines
de
la crise sans précédent où s’engage l’humanité tout entière. ⁂ En Fra
1878
urs, le « grand public » considéra que la lecture
d’
un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le
1879
éra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen
de
« passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout
1880
des cercles littéraires raffinés, était une sorte
d’
atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la
1881
tteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la
mode
. Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue franç
1882
a mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs
de
la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’un snobisme i
1883
ouvelle Revue française pour imposer, par l’effet
d’
un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pu
1884
imposer, par l’effet d’un snobisme inattendu, la
mode
des discussions éthiques, d’ailleurs purement intellectuelles la plup
1885
mans qui posent des problèmes ». On appelait cela
de
la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne épr
1886
difficultés à suivre les développements lumineux
d’
un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisa
1887
isaient penser. J’exagère à peine. La littérature
de
l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient p
1888
rtie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps
de
se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décev
1889
foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile
d’
obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on ha
1890
té le voile d’obscurité purement formelle dont la
mode
d’alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimenta
1891
voile d’obscurité purement formelle dont la mode
d’
alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimentale.
1892
emble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées
d’
une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seul
1893
is, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé
de
risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une reva
1894
que dans le monde bourgeois, privé de risques et
d’
aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessair
1895
nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire
de
la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C
1896
l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie,
de
l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y
1897
t de plus subversif dans les salons. « Se nourrir
de
romans », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c
1898
», dans certains milieux, c’était le commencement
de
la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est-ce le cinéma qui a c
1899
une époque qui a vu les frontières et les peuples
de
l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan quinquennal s’édif
1900
ir ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines
d’
un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenn
1901
es d’un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà
de
toute raison européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêve
1902
révolution ; dans une époque où l’humanité risque
de
mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette é
1903
umanité risque de mourir pour la réalisation même
de
ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le
1904
mme une fièvre, le romanesque éclate, remplit nos
vies
, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçant
1905
vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne
d’
une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre
1906
e atmosphère menaçante dont il devient impossible
de
ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvi
1907
s qui nous parviennent du monde sont comme autant
d’
épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’u
1908
parviennent du monde sont comme autant d’épisodes
d’
un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt p
1909
autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun
de
nous. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. E
1910
me qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend
d’
un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans
1911
. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la
vie
du monde. Et ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document
1912
ase mille fois entendue. Les journaux se couvrent
de
photos. La couverture photographique triomphe chez tous les éditeurs.
1913
s, des reportages à grande distance, les mémoires
d’
Alain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid, cinquante volumes s
1914
nce, les mémoires d’Alain Gerbault, les aventures
d’
Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq
1915
reid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan
de
cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des al
1916
an de cinq ans, autant sur les formes américaines
de
la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous
1917
cinq ans, autant sur les formes américaines de la
vie
sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-
1918
formes américaines de la vie sociale, des albums
de
photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre
1919
uel romancier pourrait nous apporter l’équivalent
de
cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vra
1920
sprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience
de
la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en rev
1921
tre qui veut penser le monde. Incapable désormais
de
s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passi
1922
l y a quelque dix ans, les premières Explications
de
notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourra
1923
Explications de notre temps. Et depuis lors, que
de
volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Pa
1924
d succès qui pourraient reprendre le titre fameux
de
Paul Valéry : Regards sur le monde actuel. Les grandes controverses m
1925
our de la Trahison des clercs, autour du problème
de
l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi e
1926
u problème de l’humanisme (Conversion à l’humain,
de
J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrage
1927
e (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête
de
Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de
1928
on à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et
Vie
sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Ro
1929
de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages
de
Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour
1930
l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez,
de
Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus ai
1931
uvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle,
de
Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la cultu
1932
Crémieux), autour du problème, plus aigu encore,
de
la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pe
1933
bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort
de
la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de gr
1934
eurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort
de
la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes t
1935
Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise
d’
E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l
1936
ort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes
de
groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tou
1937
e bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements
de
jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le
1938
s, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier
de
revendications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a deux ans, Berna
1939
ns un article retentissant, annonça son intention
de
« casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvai
1940
es reins au roman », on put croire à un mouvement
de
mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la s
1941
aire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance
de
l’éditeur, habile à saisir dès leur naissance les désirs à peine cons
1942
nts du grand public. On n’a pas cessé pour autant
de
publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succè
1943
l grand succès, dans cet ordre, est allé au livre
de
Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire »,
1944
e Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre
de
« documentaire », mauvais roman… Autre signe : les jeunes maisons, fo
1945
spécialisent de plus en plus dans la publication
de
collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psy
1946
e plus en plus dans la publication de collections
d’
essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et su
1947
rrêa publie presque exclusivement des « écrivains
d’
idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne s
1948
l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre
de
cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte ge
1949
nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album
de
photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte gefälligst », H
1950
⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin
de
mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvro
1951
ar le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité
de
faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, ma
1952
ère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus
de
jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académi
1953
le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux
de
l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou
1954
aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit,
d’
acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinad
1955
— ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties
de
psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’ag
1956
e jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues,
de
curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du
1957
ies de psychologues, de curiosités académiques ou
de
mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il es
1958
de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort
de
l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. So
1959
agnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut
de
tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univers
1960
nacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais
de
nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de t
1961
visiblement, plus universellement. Quand il y va
de
tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, es
1962
s universellement. Quand il y va de tous, il y va
de
chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le r
1963
leur volume, à ce jour, est sans doute le recueil
d’
Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
1964
qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs
de
la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influenc
1965
ublique espagnole, et l’un des meilleurs exemples
de
l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la ma
1966
livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis
de
, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvie
1967
« Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et
Vie
, Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
1968
ns toutes les conférences, dans tous les journaux
d’
opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expressi
1969
les journaux d’opinion, dans tous les manifestes
de
partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hanti
1970
d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou
de
ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le
1971
une véritable hantise, comme le grand lieu commun
de
la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du «
1972
rle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas
d’
expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et
1973
s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas
d’
expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre
1974
ent pour une dictature qui tire son seul prestige
de
la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruin
1975
tature qui tire son seul prestige de la misère et
de
la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des expl
1976
dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures
de
panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce
1977
eurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples
de
toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la
1978
pendant, les peuples de toute la terre continuent
de
croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se v
1979
continuent de croire au Progrès et aux bienfaits
de
la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ont plus goû
1980
misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens
de
tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
1981
e avec grandiloquence par des journaux qui vivent
de
fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle
1982
ue, jusqu’à ces dernières années, la civilisation
de
l’Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux a
1983
es, la civilisation de l’Occident ait permis plus
d’
espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les
1984
Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus
de
vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre le
1985
» soit seulement « actuel » et ne veut-on parler
de
« désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité pu
1986
La vérité, c’est que la situation du monde a été
de
tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis la
1987
ériodes dites « prospères » ne sont que les temps
de
répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradat
1988
a culture des illusions et la dégradation du sens
de
la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un pro
1989
ens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin
d’
être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une s
1990
L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire
d’
un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringo
1991
comme une solennelle dégringolade, une contagion
de
déséquilibres dévorant successivement toutes les possibilités d’aména
1992
s dévorant successivement toutes les possibilités
d’
aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la gran
1993
cessivement toutes les possibilités d’aménagement
de
la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne fu
1994
a grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues
de
l’histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement r
1995
èche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance
de
grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le
1996
chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus
de
chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des a
1997
soudain devenu flagrant. Il promène par les rues
de
nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un lang
1998
Il promène par les rues de nos villes européennes
de
grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fu
1999
nt un langage clair. Jamais il ne fut plus facile
de
reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que j
2000
s presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan
de
la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe
2001
u contraire, dès que nous nous posons la question
de
l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin d
2002
nous nous posons la question de l’homme, du rôle
de
l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se si
2003
uestion de l’homme, du rôle de l’homme, du destin
de
l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et
2004
, faisant un pas de plus, nous posons la question
de
notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix néces
2005
avec une netteté qui, je le répète, est la chance
de
notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous ap
2006
décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît
de
ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insiste sur le mo
2007
es simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas
de
voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaiss
2008
st difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est
d’
oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop sou
2009
souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes
d’
évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde con
2010
in esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit
de
décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cess
2011
iste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et
d’
engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réf
2012
t concret dont nous avons le plus besoin. Cessons
de
nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui
2013
ne sont pas dans la situation et qui sont autant
de
prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là,
2014
tuation et qui sont autant de prétextes à refuser
de
prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une posit
2015
és ont été trop souvent pour nous des professeurs
d’
abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un bea
2016
seurs d’abstention distinguée, des grands prêtres
de
l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusq
2017
hoisir. La pensée redevient un danger, un facteur
de
choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons
2018
ensée redevient un danger, un facteur de choix et
de
risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le ri
2019
Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé
de
la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne
2020
on curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons
de
près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, des
2021
e près, nous allons voir que le simple assemblage
de
ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout
2022
s, destin et siècle, contient peut-être le secret
de
tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
2023
s souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
de
poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un dest
2024
le peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a
de
destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme se
2025
n, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun
de
nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raiso
2026
un de nous a un destin ; dans la mesure où chacun
de
nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude pa
2027
ns la mesure où chacun de nous possède une raison
d’
être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui
2028
ien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement
de
nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitu
2029
e ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude
d’
attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je
2030
que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte
de
valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous
2031
’humanité, et dont les éléments sont presque tous
de
nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des colle
2032
ont presque tous de nature collective. L’histoire
d’
un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des pe
2033
que très accessoirement l’histoire des personnes,
de
quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nou
2034
un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude
de
les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lo
2035
ns pris l’habitude de les considérer comme autant
de
réalités autonomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre d
2036
notre domination et poursuivant, en dehors de nos
vies
personnelles, leur évolution fatale, leur destinée. Autant dire que n
2037
e, leur destinée. Autant dire que nous avons fait
de
toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinité
2038
s menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse
de
scruter les caractères, les habitudes, les intentions secrètes, les d
2039
uperstitieux au dernier degré. La grande majorité
de
nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas.
2040
t pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin
d’
obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. To
2041
cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et
de
leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, n
2042
des forces invisibles et de leur rendre un culte
de
latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et c
2043
ins d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur
vie
même. Les noms de ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l
2044
nt prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms
de
ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation,
2045
… Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience
de
les servir. Vous me direz peut-être que, pour votre compte, la classe
2046
. Vous jouez, vis-à-vis de ces divinités, le rôle
d’
incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres
2047
vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’incroyants,
de
sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cet
2048
ités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même
d’
adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroya
2049
. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là
d’
incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse,
2050
a race : voilà peut-être les divinités maîtresses
de
cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’e
2051
première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là
de
dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui so
2052
ciologie. Nous trouverons les meilleurs exemples
de
cette théologie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus
2053
fascistes et racistes. Prenez le dernier article
de
Trotski contre Hitler. C’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîn
2054
e dernier article de Trotski contre Hitler. C’est
d’
une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaqua
2055
oltes, toute notre attitude pratique s’expliquent
d’
une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée.
2056
que entièrement par le fait qu’il était, à la fin
de
la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de
2057
al dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien
de
personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L
2058
de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés
d’
une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que
2059
e [ou] notre race. Destin du siècle contre destin
de
l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se
2060
irent une conclusion inattendue. Reprenant le mot
de
Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous con
2061
ous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme
de
l’histoire, abandonnez votre cher petit moi, fondez votre destin dans
2062
fondez votre destin dans celui du prolétariat ou
de
la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
2063
seront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord
de
confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions d
2064
fice et le suicide. L’élan qui jette des millions
de
nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
2065
ans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
d’
une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun.
2066
devant le destin particulier et la responsabilité
de
chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignen
2067
er et la responsabilité de chacun. Les brigadiers
de
choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous
2068
s de choc et les miliciens hitlériens s’indignent
de
ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas
2069
ec raison, que leur action n’a pas les apparences
d’
une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
2070
leur action n’a pas les apparences d’une évasion,
d’
une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé
2071
nt pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs
vies
. Enfin, qu’ils sont animés par une foi constructive que bien des jeun
2072
fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ?
De
l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réal
2073
es ou hitlériens, ce sont des réalités générales,
d’
ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développem
2074
les passés, quand ce ne sont pas des statistiques
de
phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, ach
2075
nd du terme, la seule chose qui intéresse chacune
de
nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’
2076
erme, la seule chose qui intéresse chacune de nos
vies
—, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de
2077
ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête
de
boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générale
2078
ours justes, dans la mesure où nous démissionnons
de
notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure ex
2079
ans la mesure où nous démissionnons de notre rôle
d’
hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre
2080
se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort
de
se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théori
2081
e s’applique pas seulement aux partisans attardés
de
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est
2082
attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans
de
Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxi
2083
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et
de
Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du r
2084
classe ou la race, et c’est perdre son temps que
de
contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mèn
2085
lettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent
d’
évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de pl
2086
beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité
de
tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de dis
2087
es, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit
de
disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
2088
u ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer
de
nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dom
2089
s croire qu’ils aient le droit de disposer de nos
vies
, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne
2090
roit de disposer de nos vies, je suis bien obligé
de
reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
2091
it, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
de
la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de
2092
t dire, sans exagérer, que les journaux disposent
de
nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute gu
2093
sans exagérer, que les journaux disposent de nos
vies
. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute guerre mode
2094
du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus
d’
attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux d
2095
un peu plus d’attention pour les vrais problèmes
de
nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispos
2096
plus d’attention pour les vrais problèmes de nos
vies
. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des jou
2097
lèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent
de
nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau d
2098
e nos vies. Mais si les journaux disposent de nos
vies
, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaî
2099
dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau
de
la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en fi
2100
journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne
de
notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas.
2101
cette description a pu faire naître dans l’esprit
de
quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pens
2102
ilieux bien-pensants, veut qu’on dénonce le règne
de
la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir
2103
es miliciens en chemise brune. On nous dit que la
vie
, en Amérique, est impossible, parce que tous les appartements sont pa
2104
ents sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit
de
sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée
2105
mme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé
d’
un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs.
2106
e droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau
de
paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On prétend qu
2107
nonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire
de
mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme is
2108
l’homme isolé qui cultivait jalousement sa petite
vie
intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne méri
2109
it jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri
de
la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure.
2110
mme sans destin, un homme sans vocation ni raison
d’
être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
2111
rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer
de
soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître l
2112
-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et
de
tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal
2113
radant qui soit. On vit alors, chez les meilleurs
de
ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pa
2114
eurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie
de
suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de rev
2115
ne prit pas toujours la forme romantique du coup
de
revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un enrôlemen
2116
ver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme
d’
un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une e
2117
vent la forme d’un enrôlement dans quelque troupe
d’
assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salu
2118
t. En vérité, ce serait une erreur insondable que
de
voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu
2119
serait une erreur insondable que de voir le salut
de
notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la
2120
destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas
de
vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure p
2121
pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation
de
sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
2122
tion de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs,
de
l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’abo
2123
ythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement
de
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’une communauté no
2124
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes
d’
une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a
2125
ualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant
de
ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, m
2126
it dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues,
de
groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi j
2127
n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements,
de
partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’ac
2128
eu autant de ligues, de groupements, de partis et
d’
associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, ja
2129
ais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus
de
haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, d
2130
osé dans la collectivité, devient automatiquement
de
la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormai
2131
ue désormais le globe entier apparaisse solidaire
d’
une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premi
2132
dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach
d’
une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur
2133
ntiers belges et jeter sur la paille des milliers
d’
ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la soli
2134
le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir
d’
autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglom
2135
hautement organisé, une monstrueuse agglomération
d’
individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
2136
la haine, parqués dans des casernes ou des camps
de
travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siè
2137
es casernes ou des camps de travail, — et mourant
de
solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste
2138
à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe
de
savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dé
2139
nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin
de
l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irresponsable ou respons
2140
et simplement, ou désirer leur destruction, c’est
de
l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La
2141
Ils sont là, et ils ont probablement leur raison
d’
être. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’inst
2142
ignorés. Les voilà qui reviennent sous le couvert
de
ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croi
2143
voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval
de
Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont
2144
rminisme historique. Il faut croire qu’ils ont la
vie
dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec
2145
, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore
de
compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni
2146
e qui les poussait, je vois bien ce qu’il y avait
d’
émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils
2147
uté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés
de
porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’il fal
2148
t très simple : que la société doit être composée
d’
hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalc
2149
é, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte
de
l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui
2150
mme. Mais le temps vient où les hommes se lassent
de
théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme :
2151
ci notre dilemme : voulons-nous être des éléments
de
statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant le
2152
e des éléments de statistique, ou bien des hommes
de
chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connais
2153
ts de statistique, ou bien des hommes de chair et
de
sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant aussi l
2154
mais connaissant aussi leur dignité, leur raison
d’
être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâch
2155
s années dans les jeunes groupes révolutionnaires
de
France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cerc
2156
les jeunes groupes révolutionnaires de France et
de
Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordr
2157
dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles
de
L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renvers
2158
ouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi
de
renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collect
2159
ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé
de
vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièremen
2160
essayé de vous montrer qu’ils sont des créations
de
l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, a
2161
ont des créations de l’homme, et particulièrement
de
ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’indi
2162
’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire
de
l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour
2163
stin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien
d’
autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se jou
2164
tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice
de
l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à l
2165
pporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus
de
puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, ef
2166
oix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle
d’
étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute s
2167
tivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire
d’
intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous d
2168
paraît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous
de
rechercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands fait
2169
echercher dans vos pensées les origines concrètes
de
ces grands faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler,
2170
nds faits qui bouleversent le monde. C’est à vous
de
déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictature
2171
ctatures, dans un fléchissement, en vous, du sens
de
votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
2172
u sens de votre destinée personnelle. À l’origine
de
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’a
2173
onnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
de
l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfug
2174
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé
de
vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qu
2175
e l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude
de
celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qui pense par périodes sécula
2176
ul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé
de
vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant,
2177
dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et
de
l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie,
2178
s maintenant vous donner une contrepartie, tenter
de
vous décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attache
2179
les tâches immédiates. La personne, au contraire,
de
l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâc
2180
ntraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit
d’
instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte
2181
perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant,
d’
une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisibl
2182
it d’instant en instant, d’une tâche à une autre,
d’
un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
2183
el. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel
de
la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude niet
2184
réponse à toutes ces questions, c’est la réponse
de
l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez
2185
seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne
de
l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu c
2186
voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu
de
Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, n
2187
s deux ne sont possibles que dans cet acte unique
d’
obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je di
2188
s que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre
de
Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il fa
2189
rance à l’égard du voisin, une façon plus commode
de
vivre en société. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
2190
onne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne
d’
être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver
2191
rdonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs
de
la loi voulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit
2192
parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur
de
la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lu
2193
ce, en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun
de
nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’i
2194
Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur
de
l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire,
2195
ire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné
de
le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, e
2196
société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte
de
la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui ait jamais p
2197
mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond
de
notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peu
2198
ques et révolutionnaires peuvent bien nous servir
de
refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au se
2199
olutionnaires peuvent bien nous servir de refuge,
de
prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de no
2200
uvent bien nous servir de refuge, de prétextes et
d’
arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matér
2201
de refuge, de prétextes et d’arguments au service
de
nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pé
2202
’arguments au service de nos passions, au secours
de
notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimi
2203
e. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité
de
notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas s
2204
intimité de notre être, là où réside le désespoir
de
l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré,
2205
’est pas la connaissance intellectuelle du destin
de
sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
2206
aissance intellectuelle du destin de sa classe ou
de
sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une
2207
ant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant
d’
avoir rencontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est
2208
us exactement : l’Évolution. u. Rougemont Denis
de
, « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, f
2209
tin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et
Vie
, Paris, février–mars 1934, p. 143-157.
2210
Deux essais
de
philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de
2211
iens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France
de
personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas
2212
e faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen
d’
un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrai
2213
un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute,
de
m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela norma
2214
doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage
de
ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? M
2215
n ? Mais ce n’est point partout le cas. L’exemple
de
l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
2216
l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief,
de
Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jasp
2217
bord, et, en particulier, à cette espèce nouvelle
de
critiques qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un
2218
t pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec
d’
une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit
2219
l semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon
de
droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réput
2220
ors, que leur autorité — sinon de droit, du moins
de
fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ».
2221
ontraire qu’on peut voir. Le critique qui dispose
d’
un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en
2222
, pas un critique, mais un commentateur des goûts
de
son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqu
2223
n commentateur des goûts de son public. Bien loin
d’
avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être
2224
des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur
de
signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être incomprises ou
2225
e signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui,
d’
être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ê
2226
ou ignorées, il se contente, la plupart du temps,
d’
être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un
2227
l se contente, la plupart du temps, d’être l’écho
de
la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « succès » de
2228
a vague rumeur entretenue par la publicité autour
d’
un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprè
2229
ntretenue par la publicité autour d’un « succès »
de
saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand publi
2230
vere se trouve être réalisé, et quel besoin alors
d’
un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se s
2231
hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient
de
la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait
2232
vivent bien ! On se souvient de la noble réponse
de
ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en Fran
2233
On se souvient de la noble réponse de ce proscrit
de
la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il ava
2234
ui se montre. Sous prétexte de science, la pensée
de
nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on
2235
e nos maîtres s’est tellement détachée du concret
de
nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la
2236
aîtres s’est tellement détachée du concret de nos
vies
que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la tient. Un
2237
es qui se posent en fait. Mais que faut-il penser
de
ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et
2238
n fait. Mais que faut-il penser de ces techniques
d’
abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si
2239
Public et philosophes ont si bien pris l’habitude
de
s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à sup
2240
pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit
de
se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne sig
2241
seurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité
d’
une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action tro
2242
pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence
d’
une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-
2243
incohérence d’une action trop longtemps dépourvue
de
tout contrôle spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’un t
2244
spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment
d’
un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque
2245
ère analyse, la méfiance réciproque dont je viens
d’
indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant
2246
n sait l’influence qu’il exerça sur les prodromes
de
l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalcula
2247
ux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité
de
leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera
2248
subordonner la vérité de leur message aux calculs
de
l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera-t-on ? Quelques cyniques, o
2249
ller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas
de
rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
2250
s impérieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les
modes
de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si l
2251
rieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes
de
son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la p
2252
et action se confondent. Si elle veut être digne
de
son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas o
2253
le veut être digne de son nom, c’est à elle seule
d’
oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entre
2254
es autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule
d’
entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit
2255
monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette
vie
. C’est à elle, en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme,
2256
nt. Car elle seule, si toutefois elle reste digne
de
sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les
2257
. Faut-il rappeler ici les graves avertissements
de
Berdiaev ? Faut-il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent su
2258
ffrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat
de
faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’h
2259
Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui,
d’
introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du resse
2260
t, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais
de
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Po
2261
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment,
de
Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique
2262
et approches concrètes du mystère ontologique 45,
de
Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
2263
n et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
de
formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que t
2264
sserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume
de
ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur d
2265
er. On sait que la coutume de ces philosophes est
de
fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience
2266
leurs analyses sur des totalités, sur des unités
d’
expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’u
2267
grand service rendu par la phénoménologie, c’est
de
nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivan
2268
r la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés
d’
une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstrai
2269
ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et
de
l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vé
2270
ments sans tenir compte du sens et de l’intention
de
l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Sche
2271
ns et de l’intention de l’ensemble. La « totalité
d’
expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livr
2272
tion de l’ensemble. La « totalité d’expérience et
d’
actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phén
2273
s aristocratiques. La haine jalouse et rancunière
de
l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détourné
2274
enversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse
de
reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuiss
2275
ent il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas
de
représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bas
2276
soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a
d’
inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est r
2277
porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici
d’
un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu »
2278
us seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi
de
l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est
2279
ns ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour
de
ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de di
2280
et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile
de
dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle p
2281
le de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile
de
contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre
2282
r la cruelle pénétration dont témoigne un passage
de
ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment
2283
ue Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches
de
Nietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’É
2284
humanitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel
de
son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profonde
2285
l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris
de
vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morale
2286
nais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien
d’
aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse cent
2287
ale : nous en sommes venus à substituer « l’amour
de
l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est
2288
andé par le Christ : et c’est au nom de cet amour
de
l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nie
2289
crites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte
d’
amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tou
2290
ons tout simplement un sentiment que nous jugeons
d’
autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On él
2291
nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige
de
nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la
2292
re sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour
de
la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avan
2293
du prochain, l’amour du genre humain avant celui
de
la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions
2294
trie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série
de
perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’a
2295
un certain altruisme d’abord, qui prend la place
de
l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le cont
2296
n altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte
de
miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du c
2297
onique qui est le contraire du courage et non pas
de
la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la
2298
e ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte
de
« se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Chr
2299
ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus
d’
elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocatio
2300
; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne
de
la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que p
2301
a réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin
d’
épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de
2302
L’extrême gravité que présentent ces perversions
de
l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’
2303
ns s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès
de
la morale laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux don
2304
’il propose. L’Épargne, autrefois participation
de
l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la not
2305
e, autrefois participation de l’idéal évangélique
de
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, p
2306
angélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire
de
la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pa
2307
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion
de
sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) reco
2308
est désormais une vertu sans lien avec la notion
de
sacrifice ou avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche
2309
u avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu
de
riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot
2310
lignes décrivent assez bien le mouvement général
de
la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
2311
nt assez bien le mouvement général de la critique
de
Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas l
2312
nt général de la critique de Scheler. À l’origine
de
toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il
2313
e, il y a tout au contraire une sournoise révolte
de
l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chréti
2314
sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée
de
ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l
2315
entiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine
de
l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des
2316
ntre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour
de
l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; b
2317
a morale usurpe l’apparence évangélique, en haine
de
l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, p
2318
’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et
de
ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que ce
2319
gile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin
de
marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe
2320
besoin de marquer, pour finir, que cette critique
de
l’esprit bourgeois englobe également le socialisme humanitaire et le
2321
isme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant
d’
égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bour
2322
itaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards,
de
simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂
2323
ait publiée depuis sa conversion. On est heureux
de
constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simpli
2324
élargissement en même temps qu’une simplification
de
sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de c
2325
rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un
de
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la ph
2326
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer
de
l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philos
2327
asser de l’air dans la philosophie française ; un
de
ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n
2328
our lesquels philosopher ne figure pas l’activité
de
ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté tr
2329
avoir. Son essai manifeste une volonté très nette
de
passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos
2330
s nette de passer outre aux prudences intéressées
de
la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonn
2331
Nos après-venants seront sans doute fort étonnés
d’
apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser e
2332
ce, la présence ou la fidélité. Certes, l’exemple
de
la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensé
2333
ménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté
de
la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en France. Sachons gré
2334
uivie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel
de
nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraime
2335
gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple
d’
une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosop
2336
el de nous donner l’exemple d’une « présence » et
d’
une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à
2337
é permanente du suicide est en ce sens48 le point
d’
amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276).
2338
ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel
de
toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèm
2339
que » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes
d’
une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfi
2340
thèmes d’une méditation qui se propose pour objet
d’
approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait,
2341
pour objet d’approcher le mystère indéfinissable
de
l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y
2342
y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût
de
l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
2343
t de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu
d’
apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentie
2344
mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase
de
Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est u
2345
ontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire
de
ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moder
2346
genre qui caractérise malheureusement l’existence
de
l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » inc
2347
tégorie du « tout naturel » incapable, par suite,
de
s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de
2348
pable, par suite, de s’interroger sur les sources
de
son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de
2349
les sources de son être. Les philosophes lui sont
de
peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent dev
2350
losophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait
de
l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à c
2351
u ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser
de
me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être
2352
’en approcher figure déjà par elle-même une sorte
de
participation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, posi
2353
l’être. Démarche négative du désespoir, positive
de
l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel,
2354
ui m’apparaît ici très « dialectique » — démarche
de
la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’el
2355
arche de la création qui va toujours dans le sens
de
l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’aute
2356
l usage entièrement légitime qu’elle puisse faire
de
sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient
2357
rçu si schématique fait tort au caractère concret
de
cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir reva
2358
éditation. Si son mérite principal est à mes yeux
d’
avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la te
2359
t à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre
de
motifs vitaux négligés par la technique idéaliste, d’autre part, il f
2360
te, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur
de
conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La descri
2361
références à l’actuel. La description qu’il fait
de
l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au
2362
u’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe
de
fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il i
2363
chnique et une philosophie du désespoir, — autant
de
traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre son
2364
ent que les problèmes débattus dans ce livre sont
de
ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser grat
2365
s ce livre sont de ceux qui se posent ; non point
de
ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix c
2366
démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant
de
cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
2367
eu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas
de
voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes
2368
empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
d’
une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelque
2369
’il y a là les éléments d’une critique pénétrante
de
nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une
2370
là les éléments d’une critique pénétrante de nos
modes
de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique d
2371
s éléments d’une critique pénétrante de nos modes
de
vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l
2372
ivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements
d’
une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la
2373
plus : quelques-uns des fondements d’une éthique
de
l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des
2374
é. 43. On trouvera dans les excellents articles
d’
Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de
2375
iés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement
de
cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44
2376
thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme
de
vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’al
2377
Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit
de
l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
2378
onyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
d’
un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en
2379
ui n’est pas à proprement parler une illustration
de
l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même
2380
mais qui est né dans le même temps, et participe
de
la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de l
2381
, et participe de la même problématique (Desclée,
De
Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47.
2382
atique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie
de
la Morale (Mercure de France). 47. Converti au catholicisme après av
2383
it percer par endroits, dans ce livre, une espèce
de
ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez
2384
espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme :
d’
où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur ente
2385
entiment à l’égard de la Réforme : d’où une série
d’
erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : relativeme
2386
me paraît dangereusement lié à certain idéalisme
de
la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par
2387
ît dangereusement lié à certain idéalisme de la «
vie
intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par M. Marcel
2388
a place, entre la prière et l’acte, seuls moments
d’
unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
2389
a prière et l’acte, seuls moments d’unité dans la
vie
du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais de philosophes ch
2390
ité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis
de
, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 193
2391
chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
de
philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
2392
« Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et
Vie
, Paris, mai 1934, p. 415-422.
2393
t en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine
de
volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers post
2394
mes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes
de
papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père
2395
es de papiers posthumes, fut composée en l’espace
de
douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder
2396
udit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir
de
faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de fa
2397
t mourir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa
vie
; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaar
2398
hème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas
de
faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de so
2399
Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage
de
son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant e
2400
tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un
de
ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mouru
2401
ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait
d’
une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons
2402
il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa
vie
était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il ai
2403
ait très simple. Il travaillait une grande partie
de
la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrir
2404
idi, on le voyait parcourir la rue la plus animée
de
la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes fil
2405
ilhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende
d’
« original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son
2406
On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain
de
son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
2407
rta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer
de
front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les év
2408
nt tous les hommes ». Le seul événement extérieur
de
sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son
2409
s les hommes ». Le seul événement extérieur de sa
vie
fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, a
2410
seul événement extérieur de sa vie fut la rupture
de
ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put
2411
ais son acte, après lequel il put mourir, certain
d’
avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
2412
Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études
de
théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de p
2413
il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant
de
prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’é
2414
sermons, réunis sous le titre général de Discours
d’
édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
2415
Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques,
de
la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladi
2416
passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept
d’
angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait sig
2417
ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité
de
son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière re
2418
Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin
de
sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie
2419
et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa
vie
qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte
2420
te à tendance religieuse » et non pas un « témoin
de
la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pur
2421
eux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède
de
sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de
2422
, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie
de
l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principal
2423
e l’existence. La théologie barthienne se réclame
de
sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie ent
2424
entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond
de
toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et hum
2425
. Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques
de
ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le
2426
rs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble
de
ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut
2427
le… L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
2428
la plus originale de Kierkegaard est son Concept
de
l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski
2429
Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être p
2430
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite
2431
épasse. 50. Traduite en français sous le titre
de
Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w.
2432
sner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis
de
, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septe
2433
de, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et
Vie
, Paris, août–septembre 1934, p. 602-604.
2434
Nécessité
de
Kierkegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plai
2435
kegaard (août 1934)x On appelle l’esprit…
De
quoi se plaint l’intelligence ? Si l’on en croit les écrits les plus
2436
nce ? Si l’on en croit les écrits les plus dignes
de
formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contr
2437
ignes de formuler son opinion, et qui sont pleins
d’
amères protestations contre le règne de la masse et les outrages diver
2438
ont pleins d’amères protestations contre le règne
de
la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissanc
2439
issances anonymes et le Standard seraient en voie
de
triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette cris
2440
xistence vient-il produire ? Car il est excellent
de
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’ano
2441
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus
de
réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé.
2442
udrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident
de
soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion
2443
l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus
de
passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous v
2444
ssion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer.
D’
un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et cert
2445
ent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi,
de
l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise cons
2446
nd nombre est plus précieux que le petit : Que la
vie
de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie,
2447
ombre est plus précieux que le petit : Que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
2448
est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre
vie
, la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la ju
2449
ible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
vie
des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice es
2450
e vie, la vie des corps, les conditions physiques
de
l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu d
2451
de l’existence. Que la justice est dans l’égalité
de
tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selo
2452
évolue selon des lois fatales, et que la volonté
de
quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul cont
2453
ues-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin,
d’
un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’ab
2454
enfin, d’un seul contre la foule serait la marque
d’
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
2455
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait
d’
un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois
2456
i d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
de
sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases,
2457
par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors
de
croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme ou cette « mesure
2458
»… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher
de
la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les pl
2459
ertes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà
de
rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé
2460
taire est plus grand que la foule anonyme, que la
vie
de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vi
2461
e est plus grand que la foule anonyme, que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
2462
on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois
de
l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
2463
que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte
de
l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son hu
2464
rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
d’
un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est
2465
si chacun n’est pas à sa place là où la vocation
de
Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de l
2466
upposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire
de
lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement
2467
qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui,
de
ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fa
2468
re de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs
de
l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biograph
2469
rs de l’esprit que justement l’on fait profession
de
défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On comme
2470
l’on fait profession de défendre ? La biographie
de
Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute so
2471
octeur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu
de
sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspe
2472
», lit-on dans un journal du temps. On se moquera
de
son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans
2473
du temps. On se moquera de son aspect physique et
de
ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idée
2474
e ses pantalons trop longs. On montrera sans trop
de
peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu
2475
de peine que ses idées sont faites pour rendre la
vie
impossible, puisqu’elles impliquent le martyre des braves chrétiens,
2476
rtyre des braves chrétiens, comme si la religion,
de
toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de sup
2477
é, n’était pas au contraire la façon la plus sage
de
supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la v
2478
raire la façon la plus sage de supporter les maux
de
ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, te
2479
e bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix
de
ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en pu
2480
t ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera
de
prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’ac
2481
prouver qu’il extravague ; on proposera en public
de
l’interdire d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol o
2482
xtravague ; on proposera en public de l’interdire
d’
accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
2483
ol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est
de
nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vérita
2484
qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde
de
laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé
2485
Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle
de
sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard
2486
dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir
d’
un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas
2487
puissance que le savoir d’un homme exerce sur sa
vie
.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puis
2488
s la puissance du savoir en exercice. Il y a bien
de
la différence. Le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celu
2489
tre même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés
de
défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. E
2490
ez donc pas si pressés de défendre les « droits »
de
l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut
2491
il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir
de
quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien
2492
l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée…
de
Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en
2493
multitudes, il revendique la charité mystérieuse
de
l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable d
2494
e de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte
de
l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans
2495
l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable
de
son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous pr
2496
Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence
de
Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en
2497
chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté
de
la foi sur les vérités qui font vivre, cette solitude première devant
2498
en cela que revendiquent les défenseurs du primat
de
l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
2499
rober, mais c’est une triste réponse à la révolte
de
ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vra
2500
ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion
de
l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’
2501
vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien
d’
aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre
2502
prit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner
de
son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’e
2503
n à témoigner de son incarnation ; on ferait bien
d’
aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais u
2504
ler à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce
de
confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ;
2505
t, mais une aventure absolue et comme un jugement
de
l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourrait en citer
2506
ourrait en citer quelques autres. Qu’ont-ils donc
de
commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
2507
leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas
de
hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de mesu
2508
elle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure
de
l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême e
2509
n extrême et décisif dont la mort, comme un sceau
d’
éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel :
2510
d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté
de
l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terre
2511
é de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal
de
l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont
2512
and mal de l’époque, et la terreur que commencent
d’
y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne l
2513
e, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous,
de
cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se s
2514
her le médecin sévère que la santé moins déprimée
d’
un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sa
2515
avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible
de
saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’épo
2516
s le déploiement des faits, et des plus marquants
de
l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissan
2517
ur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète
de
nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous metton
2518
où il se tient, nous mettons en lui notre espoir
de
trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin,
2519
ren Kierkegaard est sans doute le penseur capital
de
notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plu
2520
presque insupportable à la présence dans ce temps
de
l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser
2521
dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas
d’
applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si no
2522
es sourds à sa voix, comment étouffer le scandale
de
cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinio
2523
r le scandale de cette mort qui définit le destin
de
l’esprit parmi nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n
2524
inion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu
de
prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependa
2525
cours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur
de
notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir
2526
sera peut-être, par une compensation mystérieuse,
d’
avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Di
2527
, reparaître les traits ironiques du grand visage
de
Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aur
2528
que n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne
de
notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souven
2529
rienne de notre philosophe. C’est l’image du chat
d’
Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, d
2530
mage du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous
de
ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la R
2531
chat, immense et subversif, dont le rire a le don
d’
exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui
2532
pose autour de cette angoissante mimique. Le rire
de
Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne
2533
evant le dictateur, ni dans les rangs des troupes
d’
assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus b
2534
s troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre
de
l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun por
2535
blé par tous les malheurs du temps, dont il feint
de
se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Hi
2536
t il feint de se croire victime ou responsable53.
De
cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie
2537
voir un film pour s’oublier dans un drame fictif,
de
cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’en
2538
drame fictif, de cet homme affolé par la lecture
de
son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a
2539
ini ». Il faut risquer cette expression : le rire
de
la charité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont
2540
rire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie
d’
un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette
2541
us les autres inexistants ». Mais cette « crainte
d’
un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrét
2542
ore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen
de
ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon
2543
rétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie
de
Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui
2544
ontre le « monde chrétien », celui qui se réclame
de
l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament
2545
ui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession
de
l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme.
2546
er. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire
de
l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour
2547
ine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme
de
la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souffert pour ta doctr
2548
endant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce
de
Dieu, dans l’abîme infini où tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce
2549
ù tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce sérieux
de
l’existence symbolisé par la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute
2550
ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse
d’
épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te re
2551
ar la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute ta
vie
sur le pardon, ou bien tu te reposes aussi sur ta vertu. Ou bien tu v
2552
. Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est
de
savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de
2553
u es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu
de
Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de ce
2554
upères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien
de
quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
2555
e Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ?
De
ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « cro
2556
ais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou
de
celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremb
2557
é ou de celui des autres ? Comique amer et infini
de
ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et
2558
infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort
de
l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, e
2559
craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil
de
la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mai
2560
ent l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne
de
l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront… « Deux quest
2561
x questions — dit encore Kierkegaard — témoignent
de
l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le f
2562
? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent
de
l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen
2563
le faire ? Deux questions témoignent de l’absence
de
l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait
2564
sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement
de
ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et
2565
société ; il paraît devant une assemblée choisie
d’
élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “D
2566
nne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire
de
Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la
2567
raît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire
d’
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Ma
2568
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens
de
l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sér
2569
de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul
de
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute
2570
gant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule,
de
son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance.
2571
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et
de
sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on ve
2572
de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur
de
toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
2573
il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole
de
Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d
2574
on y trouve quelque passage qui dise le contraire
d’
un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir,
2575
i dise le contraire d’un autre. » Car l’apparence
de
la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous
2576
tion : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle
d’
une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Ri
2577
e, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique
d’
un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’o
2578
énigmatique d’un Dostoïevski. Ici tout le visage
de
Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la
2579
que son rire n’est rien que la douleur du témoin
de
l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-il par
2580
oule. L’originalité Qu’entend-il par ce mot
d’
originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée
2581
ité ? Il faut en rapporter le sens au centre même
de
sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la c
2582
ens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut,
de
son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien d
2583
ut : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que
de
les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
2584
Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière
de
l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordr
2585
. Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet
de
la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépa
2586
ui qui répond à la foi, cet appel. Quand on parle
de
romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de r
2587
la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme,
d’
anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
2588
appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie,
d’
individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte,
2589
narchie, d’individualisme, on ne parle jamais que
de
révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordr
2590
dualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais
d’
une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est
2591
évolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre
de
ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui ser
2592
monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu
de
Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfo
2593
hrétien est position, obéissance. Si donc l’appel
de
Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchu
2594
devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine
de
sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie
2595
. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel
de
sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ét
2596
i-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa
vie
. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas
2597
ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger
de
ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre «
2598
et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas
d’
autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatr
2599
as d’autre « réaction » contre « le siècle », pas
d’
autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne so
2600
ciétés), à la révolution, au capital, au jugement
de
l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
2601
istence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux
de
dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper
2602
ce n’est pas échapper aux chimères publiques que
de
les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison
2603
e de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée
de
l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressi
2604
du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine
de
l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans
2605
rmation effective du monde. Elle participe encore
de
la dégradation. « Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours
2606
i qui recourt à son moi révolté contre les forces
d’
anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le
2607
u’il ne peut être lui-même que par le droit divin
de
la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne sau
2608
ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne
d’
y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’es
2609
n reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien
de
lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul
2610
elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu
de
rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
2611
ux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire
de
là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
2612
ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion
d’
être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait f
2613
! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite
de
chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule es
2614
la fuite de chaque homme devant la responsabilité
de
son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains,
2615
« Car une foule est une abstraction, qui n’a pas
de
mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
2616
x mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles
de
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seu
2617
ses mains, non celles de son voisin et non celles
de
la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homm
2618
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas
de
mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer e
2619
oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils
de
Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il
2620
rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes
de
ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste
2621
de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste
de
Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence
2622
egaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime
de
l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos die
2623
istence individuelle. Chaque fois que nous disons
d’
un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission
2624
ce individuelle. Chaque fois que nous disons d’un
de
nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La
2625
de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons
de
notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre po
2626
s témoignons de notre démission. La foule n’a pas
d’
autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant
2627
ission. La foule n’a pas d’autre existence et pas
d’
autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouv
2628
re existence et pas d’autre pouvoir que mon refus
d’
exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est qu
2629
re pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et
d’
exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et tout
2630
oriques ou sociologiques sont comme une inversion
de
la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de K
2631
une inversion de la théologie, sont une théologie
de
la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici
2632
ont une théologie de la dégradation. L’opposition
de
Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profo
2633
de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et
de
Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évid
2634
annir la possibilité scandaleuse des actes libres
de
la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comiqu
2635
dence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait
d’
un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujour
2636
suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la
vie
doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : q
2637
Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même
de
cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qu
2638
as la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit
de
la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché
2639
té, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit
de
transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifi
2640
réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice
de
l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même
2641
udrait se tenir, dans l’instant, « sous le regard
de
Dieu », comme disent les chrétiens. (Est-ce facile ? ou bien même pos
2642
facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet
de
notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément
2643
le ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment
de
notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides
2644
ce un effet de notre choix, ou un moment de notre
vie
? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrevoien
2645
tends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même
de
son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégéliani
2646
éché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes
de
l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’
2647
hes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent ce
2648
cial. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent
2649
, mais pour gagner ce dernier gage, les habitudes
de
l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se fig
2650
is sans franchise, ni précision) comme une espèce
de
vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans
2651
r (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte
de
providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané d
2652
out à fait inintelligible est le simple succédané
de
l’intelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cett
2653
se vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel
de
la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses cond
2654
Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait
2655
hes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans l
2656
Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus
de
cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seu
2657
ans le refus de cette « catégorie du solitaire »,
de
l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’insta
2658
te « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit
de
la Parole seulement, entre les temps, dans l’instant éternel. Le s
2659
ce hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude
de
l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne au
2660
e attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet
de
son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkeg
2661
de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques
de
l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité
2662
jectivité est la vérité. » La liberté, la dignité
de
l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-i
2663
ignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet
de
sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
2664
de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa
vie
. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens des ro
2665
le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder
d’
entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il
2666
omantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir
d’
où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du m
2667
d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il
d’
un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’e
2668
du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner
de
la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi :
2669
gner de la puissance que ton savoir exerce sur ta
vie
. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et
2670
tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit
de
savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur
2671
u agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est
de
persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis
2672
évoltante que rien au monde ne pourrait permettre
d’
accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… L
2673
er, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte
de
sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son act
2674
Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet
de
son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assuj
2675
qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule
de
Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est
2676
. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps
de
la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’ho
2677
lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter
de
vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans
2678
ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase
de
Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donn
2679
se de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme
de
Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la ver
2680
tarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein
de
coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations co
2681
de coquins, montrer que la vertu est le résultat
de
leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterai
2682
» Renversant ce rapport il ne resterait à montrer
de
Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement p
2683
rie du solitaire » est le seul fondement pratique
d’
une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
2684
iment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
d’
insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui,
2685
ans autre, comme donnée ? La tentation est forte,
de
passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’u
2686
comme donnée ? La tentation est forte, de passer
d’
une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’un
2687
sser d’une critique des collectivités mensongères
de
ce temps à l’utopie d’une communauté chrétienne, par l’artifice indis
2688
collectivités mensongères de ce temps à l’utopie
d’
une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-êtr
2689
indispensable, mais peut-être aussi tout formel,
de
l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
2690
, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas
de
ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, e
2691
les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte
de
Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent,
2692
kegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire
de
réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kier
2693
objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages
de
Kierkegaard portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’app
2694
se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire
de
son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien,
2695
si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est
de
la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comme au seul responsab
2696
i nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur
de
l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siè
2697
ous temps, le malheur de l’époque ne provient pas
de
ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamai
2698
mme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt
de
ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseign
2699
saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher
d’
être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’e
2700
aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés
de
nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature e
2701
t nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes,
de
nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrèt
2702
udes sur la nature et sur les exigences concrètes
de
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides po
2703
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu
de
grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ?
2704
de grandes aides pour oser nous montrer la vanité
de
toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de n
2705
es ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total
de
notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tom
2706
st. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul
de
la consolation. 52. Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc m
2707
e est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait
de
protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI
2708
ître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin
de
la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p.
2709
54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la
vie
. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156.
2710
e reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique
de
cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un arti
2711
ean Wahl a remarquablement exposé dans un article
de
la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chem
2712
ire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou
de
penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’au
2713
ux nécessités quotidiennes est encore un prétexte
de
l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne sign
2714
fameuse « vie quotidienne » n’est peut-être rien
d’
autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale
2715
n’est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait
de
« la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un
2716
rouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis
de
, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934
2717
la réalité. x. Rougemont Denis de, « Nécessité
de
Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
2718
nt Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et
Vie
, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
2719
tin allemand (octobre 1934)y Le meilleur livre
de
l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer. Le roman le plus fort, le
2720
le plus impressionnant, celui qui apporte le plus
de
nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le di
2721
sionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté,
d’
humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a p
2722
lui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité,
de
grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé s
2723
plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai
d’
autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand
2724
d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie
de
le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma
2725
ui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit
d’
une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un rom
2726
ant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande,
d’
un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelqu
2727
lemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici,
d’
un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas
2728
rmée bolivienne, mais sans contrat, car le traité
de
Versailles interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemand
2729
car le traité de Versailles interdit à la Bolivie
d’
utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d
2730
es des Allemands. Pendant leur traversée, un coup
d’
État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieusement. Il
2731
hercher fortune en Argentine, dans une plantation
de
thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les quatre autr
2732
s quatre autres atteignent enfin La Paz, capitale
de
la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un dé
2733
e la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres
d’
altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. L
2734
ètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par
d’
énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez susp
2735
dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre
de
la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à
2736
ne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser
d’
eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur
2737
un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté
d’
accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une
2738
raguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés
de
haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
2739
on infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre
d’
Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semain
2740
d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer
de
là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouv
2741
lau, réussit à les tirer de là après des semaines
d’
efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
2742
rant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
de
son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan in
2743
blesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse
de
l’Allemagne sur le plan international. Les quatre hommes s’en vont à
2744
os Aires, et, là, à bout de ressources, acceptent
de
collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouv
2745
n qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un
de
leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, e
2746
ire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours
d’
un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le c
2747
ulières, dont le chef n’est autre que le planteur
de
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’aventur
2748
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée
d’
un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman
2749
xième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman
d’
aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventure
2750
Destin allemand est bien, entre autres, un roman
d’
aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qu
2751
bien, entre autres, un roman d’aventures, et même
d’
une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à
2752
obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression
de
grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien a
2753
ésumé laisse à peine entrevoir le véritable sujet
de
l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
2754
ésigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
de
leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une c
2755
nd. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement
de
manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
2756
ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer
de
travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constate
2757
, ce n’est pas seulement de manquer de travail et
de
ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allema
2758
et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
de
constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus
2759
ur laquelle ils se sont battus, n’a plus la force
d’
utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est arch
2760
er leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un
d’
eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne
2761
humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait
d’
entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y
2762
is on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus
de
colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore,
2763
mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé
de
bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les v
2764
de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu
d’
eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ava
2765
voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une
vie
d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes l
2766
u d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie
d’
aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leur
2767
res qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne
de
toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ils aient peur, mais tout
2768
oce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité
de
sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
2769
supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa
vie
, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur
2770
vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés
de
leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence
2771
du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
de
leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus auc
2772
terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant
d’
une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne
2773
d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant
de
souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et
2774
cilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnation
de
leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu
2775
ncarnation de leur nation, saura leur dire le mot
de
ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation o
2776
s affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas
de
ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail
2777
cquitte avec son argent ou avec son travail, mais
de
sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le
2778
joue sa propre existence intérieure. » Le destin
de
ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragi
2779
. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais
de
porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
2780
désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique
de
leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme
2781
l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
de
leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifi
2782
nation, que Pillau définit comme la fidélité, et
de
tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur
2783
ier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent
de
leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et
2784
ent. Mais leur drame s’exprime dans la méditation
de
Pillau, d’une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la pre
2785
eur drame s’exprime dans la méditation de Pillau,
d’
une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
2786
ouvrit, pour la première fois, une forme nouvelle
de
patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
2787
uleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière,
d’
être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de partici
2788
, souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand,
de
garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui
2789
and, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et
de
participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui
2790
’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état
de
guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pau
2791
ue Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond
d’
une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vis
2792
ise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort
de
Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant
2793
urs du fort de Capocabana, il a soudain la vision
d’
une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisé
2794
udain la vision d’une Allemagne future renaissant
de
son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute sta
2795
t galvanisée par ses sacrifices. La haute stature
de
Pillau se dresse devant lui. Une fois encore, Pillau lui montre le se
2796
is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice
de
« ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
2797
ssédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques
de
l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
2798
tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter,
de
nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là
2799
de nos jours, toutes les misères du monde au fond
de
leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
2800
r faire sentir à quelle hauteur se situe le drame
de
ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et
2801
hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique
de
ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
2802
s-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser
d’
autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est enga
2803
opéens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé
de
faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est
2804
, il est malaisé de faire la part, dans ce drame,
de
ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin
2805
la part, dans ce drame, de ce qui est national et
de
ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s
2806
La condition humaine ». Et plusieurs des paroles
de
Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliquer au desti
2807
lles peut-être — pourraient s’appliquer au destin
de
n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait na
2808
s’appliquer au destin de n’importe quelle nation,
de
n’importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières p
2809
é. Le « fait nation », dans les dernières phrases
de
Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-c
2810
es hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique
de
l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
2811
ue son destin la force à n’envisager plus le sort
de
l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, l
2812
plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort
de
la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose ce livre
2813
ait sur le point de vue strictement « allemand »
de
l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
2814
Amérique ; il s’est enfoncé profondément dans la
vie
africaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une c
2815
enfoncé profondément dans la vie africaine ; et,
de
toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impr
2816
essionnante : partout où il se crée quelque chose
de
durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont
2817
que chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre
d’
un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeu
2818
des empires solides, des valeurs morales stables,
de
la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
2819
re anglais se dissocie lentement. La France doute
de
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique
2820
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle
de
la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une r
2821
ssion. L’Espagne est morte, et le spectacle de la
vie
politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une race qui
2822
ique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance
d’
une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’he
2823
se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure
de
l’Allemagne ? On sent partout cette interrogation, cette anxieuse esp
2824
rogation, cette anxieuse espérance, dans le livre
d’
Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière
2825
allemand, comme on lirait dans la conscience même
d’
un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle
2826
e. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur
d’
une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange
2827
si l’on veut juger sainement la politique étrange
de
cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout
2828
ecteurs français en soient choqués — le sentiment
d’
une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisé
2829
e sentiment d’une fraternité humaine que le roman
d’
André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer av
2830
lraux, qui porte précisément ce titre, était loin
d’
évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici m
2831
r avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion
de
dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
2832
de dire, ici même, mon admiration pour les livres
de
M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que
2833
admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
d’
autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid es
2834
plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman
d’
Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c
2835
affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est
d’
une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel élo
2836
J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent
de
M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages fr
2837
ue c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que
de
constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puiss
2838
lus sain ; moins complaisant surtout aux voluptés
de
l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subiss
2839
tout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie
de
la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une rév
2840
t, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants
d’
être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas touj
2841
ts d’être silencieux, des tortures dont les héros
de
Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comp
2842
ros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire
de
la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationali
2843
uniste. Je ne partage pas plus les idées racistes
d’
Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autr
2844
idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes
de
Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans
2845
alraux (encore que l’un et l’autre fassent figure
d’
hérétiques dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art rom
2846
es dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan
de
l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis
2847
ur le plan généralement humain, je suis contraint
de
reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin
2848
hentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre
de
voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une gr
2849
ndeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens
de
la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péc
2850
uissamment au sens de la réalité humaine, au sens
de
la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui r
2851
la dégradation humaine, au sens du péché concret
de
l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à
2852
eser des objets trop petits. 63. Il est curieux
de
noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je
2853
vé à ce livre, qui parut au moment de l’avènement
d’
Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour av
2854
chmid, il en a tiré des conclusions sur le destin
de
la race blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre.
2855
e blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique
de
son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bande
2856
ère-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières
de
décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros
2857
ères de décrire des combats où, entre deux bandes
de
mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques.
2858
situations extrêmes, où se dénude le fond secret
d’
un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-
2859
même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand », Foi et Vie, P
2860
ndu] Kasimir Edschmid, Destin allemand », Foi et
Vie
, Paris, octobre–novembre 1934, p. 812-817.
2861
paraître au Mercure de France un volumineux choix
de
sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsc
2862
, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes
de
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeur
2863
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance
de
ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, q
2864
ous affirme qu’ils constituent le texte véritable
d’
une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient gu
2865
e le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser
d’
une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai l
2866
à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que
de
courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’
2867
nous donner, nous restitue la totalité des thèmes
de
l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ad
2868
raître. On ne saurait trop recommander la lecture
de
ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certit
2869
ture de ce recueil aux esprits suffisamment armés
de
sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirit
2870
aux esprits suffisamment armés de sens critique,
de
certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère
2871
de sens critique, de certitudes théologiques, et
de
cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la
2872
é spirituelle que confère la connaissance vivante
de
« la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne
2873
ce vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien
de
grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un c
2874
usement éprouvées ? La foi vraie suppose la ruine
de
toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abrite
2875
sophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas
de
meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même
2876
e, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen
de
donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, d
2877
vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs
de
Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet en
2878
meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et
Vie
une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que
2879
s de Foi et Vie une idée, même assez grossière,
de
la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
2880
e une idée, même assez grossière, de la richesse
de
cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première
2881
ez grossière, de la richesse de cet ensemble, que
de
lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Rel
2882
ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
de
la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis t
2883
e que celui-là même des aphorismes dans l’édition
de
M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’une théologie masquée : “nou
2884
gnifiques”. Un but final plane devant les regards
de
l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques
2885
en sort quelques spécimens rares et réussis, est
de
fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à
2886
s maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition
de
chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout
2887
ietzsche, partait en guerre contre la philosophie
de
l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succéd
2888
énonçait en elle non seulement un succédané païen
de
l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la fo
2889
n elle non seulement un succédané païen de l’idée
de
Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, sel
2890
e l’idée de Providence, mais surtout une négation
de
la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opération paradoxal
2891
Christ incarné, et qui nie par là même la valeur
de
tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement étern
2892
de tous les siècles qui nous séparent apparemment
de
cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il
2893
r le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini
de
notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès ma
2894
reproche terrible au christianisme en le traitant
d’
agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel é
2895
n historique ». Il faut croire que cet adversaire
de
Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scienti
2896
t adversaire de Hegel était encore bien mal purgé
de
ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui es
2897
cidité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie
de
notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai
2898
Il est très vrai que nos contemporains ont cessé
de
croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mi
2899
nt mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait
de
leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. L
2900
s. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients
de
ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique h
2901
té sa vraie théologie : la dialectique historique
de
Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vra
2902
que historique de Karl Marx. En vertu de cet acte
de
foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’hum
2903
Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir
de
bien plus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenn
2904
lus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre
de
M. Guéhenno67, vous y trouverez cette confession ahurissante : « Un g
2905
moi que nous avions derrière nous deux milliards
d’
années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfa
2906
lliards d’années, devant nous dix mille milliards
d’
années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mi
2907
mille milliards d’années. Nous sommes des enfants
de
deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphys
2908
entifique et beaucoup plus conforme aux exigences
de
l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
2909
eligieuse du monde sans l’acuité et la profondeur
de
l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit.
2910
ans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait
de
la religion la chose la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
2911
e la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
de
quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arr
2912
oi il souffre, et contre quelle espèce déprimante
de
piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je
2913
lectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur
de
la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. »
2914
nde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait
de
l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdr
2915
bonne fois aux « croyances » héritées sans examen
de
son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peu
2916
s édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur
de
la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire so
2917
les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher
de
former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christ
2918
u spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie
d’
un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement
2919
? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse
de
ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
2920
rendre le repas sacré plus au sérieux que le menu
de
sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres !
2921
l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez
de
moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque
2922
s. Les religions se consolident dans des périodes
de
grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à
2923
nsolident dans des périodes de grands troubles et
d’
insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-de
2924
. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion
de
l’au-delà. Parfaitement valable pour les religions, cette sentence e
2925
sière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler
de
la foi. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée
2926
’elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement
d’
une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise
2927
omme. Le « retour étemel » est alors le type même
de
la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
2928
rs le type même de la superstition née du cerveau
d’
un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime
2929
e cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour
de
Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’a
2930
mes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que
de
dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écri
2931
e que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour
de
la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopen
2932
ime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou
de
s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopenhauer, parce que gr
2933
ue grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique
d’
un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne s
2934
serait, selon son propre jugement, quelque chose
de
mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrét
2935
christianisme veut leur mort, pour leur donner la
vie
. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou ma
2936
eut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit
de
savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi
2937
la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle
de
l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvais
2938
e qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai
de
dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourq
2939
e pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé
de
soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
2940
même ! Quelle que soit la justesse des critiques
de
Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « i
2941
eur injustice, car il y a une manière « injuste »
de
dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours p
2942
en. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris
d’
ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de dé
2943
entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie
de
m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique niet
2944
ndements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce
de
déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci :
2945
à une autorité centrale qui donnerait la synthèse
de
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, e
2946
i donnerait la synthèse de ces contradictions. La
vie
chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a
2947
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine
de
contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans u
2948
même du christianisme : l’opposition du péché et
de
la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que
2949
hais. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la
vie
des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les cr
2950
rquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens
de
son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzs
2951
il parle avec autorité, tandis que les critiques
de
Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la
2952
es critiques de Nietzsche feront toujours l’effet
de
criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-
2953
nt toujours l’effet de criailleries. L’intensité
de
la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est i
2954
jours l’effet de criailleries. L’intensité de la
vie
prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insuppor
2955
es. L’intensité de la vie prise comme but unique
de
celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyo
2956
contemporain entièrement dominé par une religion
de
la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mysti
2957
mporain entièrement dominé par une religion de la
vie
, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de
2958
in entièrement dominé par une religion de la vie,
de
« l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’
2959
né par une religion de la vie, de « l’intensité »
de
la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise com
2960
une religion de la vie, de « l’intensité » de la
vie
? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but
2961
é » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique
de
« l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vi
2962
té prise comme but », c’est-à-dire cette mystique
de
la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduir
2963
se comme but », c’est-à-dire cette mystique de la
vie
prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusqu
2964
t-à-dire cette mystique de la vie prise comme but
de
la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons,
2965
re cette mystique de la vie prise comme but de la
vie
, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y
2966
ique de la vie prise comme but de la vie, et même
de
la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer
2967
ue dans les sermons, et s’y substituer au respect
de
la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’être parfois « anti
2968
e la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison,
d’
être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ?
2969
80. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté
de
dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise c
2970
u christianisme sa rhétorique et sa dialectique ;
de
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spir
2971
ique ; de la sorte, il a empêché le christianisme
de
mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un
2972
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir
de
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de
2973
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné
de
voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi
2974
tuelle. On est toujours étonné de voir un esprit
de
la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confus
2975
st toujours étonné de voir un esprit de la trempe
de
celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvret
2976
rs étonné de voir un esprit de la trempe de celui
de
Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvreté en espr
2977
it de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à
d’
aussi grossières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté
2978
ssières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit
de
pauvreté, confondu ici avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnête
2979
qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre
de
Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce même livre, quat
2980
que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive
de
la notion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas
2981
chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion «
de
la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inv
2982
it pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus
de
vraisemblance et même de « sérieux historique ». Parmi toutes les c
2983
! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même
de
« sérieux historique ». Parmi toutes les criailleries de Nietzsche,
2984
eux historique ». Parmi toutes les criailleries
de
Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de
2985
nes prennent un accent prophétique : « Des hommes
de
commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyant le servi
2986
» Formule qui n’est pas valable pour le seul pape
de
Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne s
2987
nts fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi,
d’
un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous
2988
as » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme
d’
esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce ré
2989
aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie
d’
Einstein parce qu’elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant serv
2990
urs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité
de
la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la polic
2991
ion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité
de
la police ! » Dès que vous croyez qu’il y a, à côté de la causalité
2992
é absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée
de
la nécessité devient insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
2993
orale, devoir kantien, conscience, notion humaine
de
la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’id
2994
, notion humaine de la justice, science, mystique
de
la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la
2995
on humaine de la justice, science, mystique de la
vie
, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la libert
2996
ystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée
de
la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’
2997
au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et
de
la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui
2998
c., l’idée de la toute-puissance et de la liberté
de
Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui empêche, en p
2999
, en particulier, une certaine théologie libérale
de
reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — e
3000
e — ancien et nouveau Testament — est seul Maître
de
la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonhe
3001
Testament — est seul Maître de la seule Justice,
de
la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul
3002
est seul Maître de la seule Justice, de la seule
Vie
, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de c
3003
seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie,
de
la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contr
3004
ience, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit
de
contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes
3005
e nos notions, trop humaines et trop intéressées,
de
toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusie
3006
où on le prêchait envers et contre tout « honneur
de
Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu mor
3007
contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation
de
Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est
3008
futé. Il est bien significatif que les fragments
de
Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphorisme d’une ébloui
3009
he sur la religion se terminent par cet aphorisme
d’
une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67
3010
Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal
d’
un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marg
3011
s des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme
de
40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzs
3012
n homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis
de
, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 25
3013
Denis de, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et
Vie
, Paris, mars 1935, p. 250-256.
3014
ance serait exagérer, mais dans le sens contraire
de
celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de
3015
aire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que
de
l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
3016
ne. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que
de
le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
3017
fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos
de
table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
3018
rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent
d’
y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
3019
ique et tant de plaisanteries parfois grossières,
de
platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
3020
plaisanteries parfois grossières, de platitudes,
de
contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
3021
utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur
de
l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
3022
émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment
de
la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
3023
oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose
d’
assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
3024
andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût
de
la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
3025
se marier. » J’extrais cette déclaration du livre
d’
un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
3026
e information théologique… Ceci dit, il est juste
d’
insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
3027
juste d’insister sur la grande valeur des travaux
de
quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
3028
e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur
de
leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
3029
Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —
de
l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
3030
is cela va de soi — de l’activité des professeurs
de
dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facul
3031
vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou
d’
histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie p
3032
ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire
de
l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante.
3033
re de l’Église dans les trois Facultés françaises
de
théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
3034
illies par des biographes amateurs, et à l’action
de
la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
3035
tain, Grisar), mettent le public français en état
d’
infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
3036
nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan
de
la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignore
3037
méconnaître un des deux ou trois moments décisifs
de
la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
3038
ois moments décisifs de la tradition fondamentale
de
l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
3039
ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire
de
rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
3040
u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet
de
définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
3041
le plan théologique, ou mieux : dans la totalité
de
l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
3042
eux : dans la totalité de l’être, revient à celle
d’
un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
3043
à celle d’un christianisme qui se met au service
de
l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
3044
qui se met au service de l’humain (j’entends bien
de
l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
3045
de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts
de
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
3046
par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux
de
la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers «
3047
e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et
d’
un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce
3048
e plus aisément à saisir l’importance centrale du
De
servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître, a
3049
aduction française va paraître, après un peu plus
de
400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, —
3050
cidental par excellence, — mais au centre, aussi,
de
la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord
3051
lence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et
de
l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, enc
3052
, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique
de
Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume maté
3053
onnifiée) n’est, en fait, que le support apparent
d’
une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
3054
apparent d’une réflexion de plus vaste envergure,
d’
un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
3055
e il le dit aux premières pages) par les procédés
de
l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
3056
dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait
d’
être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
3057
ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient,
de
proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
3058
c puissance toutes les affirmations fondamentales
de
la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
3059
fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre
de
Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
3060
st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition
de
cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
3061
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice
de
Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
3062
cette justice de Dieu à la justice des hommes et
de
leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
3063
ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition
de
la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
3064
osition de la grâce à la nature, selon les termes
de
l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
3065
nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition
de
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
3066
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens
de
la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
3067
n totale entre un oui et un non absolus, et refus
de
tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
3068
nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
de
la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoi
3069
en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince
de
ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié
3070
la Bible, et constituant la véritable « action »
de
l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
3071
a véritable « action » de l’homme entre les mains
de
Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
3072
étuelle question que nous posent toutes les pages
de
la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
3073
e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien
de
« difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
3074
st plus rien de « difficile » dans les assertions
de
Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
3075
« Folie pour les sages » Mais il s’en faut
de
presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
3076
presque tout que les grandes thèses pauliniennes
de
la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
3077
r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut
de
beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
3078
orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup,
de
presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
3079
t de beaucoup, de presque tout, que les arguments
d’
un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
3080
uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant
de
sophismes. Non seulement tous les humanistes, — des marxistes aux vie
3081
pole : tout catholique se doit, en bonne logique,
de
les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les pr
3082
Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire
de
Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination po
3083
ux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes
de
bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
3084
s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
de
grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre re
3085
fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs
de
tous les siècles pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-di
3086
igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme
de
contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
3087
uveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur
de
polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
3088
u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale
d’
une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
3089
yale d’une certitude pesante, vraiment « grave »,
d’
une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
3090
in conférer à son choix la force et la simplicité
d’
une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
3091
rce et la simplicité d’une constatation évidente.
D’
un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
3092
même attiré et subjugué par le style, par le ton
de
l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
3093
ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond
de
la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa
3094
ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef
d’
un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bi
3095
chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon
d’
aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de fron
3096
tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter
de
front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
3097
eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi
de
Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
3098
proprement luthérien, mais que Luther est obligé
d’
utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
3099
refus total, ou mieux cette négligence tranquille
de
toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
3100
mieux cette négligence tranquille de toute espèce
de
considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
3101
ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire
de
la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
3102
conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas
de
faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
3103
se passe ici « à l’intérieur » du christianisme,
de
l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
3104
, et doit suffire en droit, à réfuter l’objection
d’
un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
3105
isse écarter cette objection par un simple rappel
de
l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisse
3106
ans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc
d’
esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
3107
erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue
d’
une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
3108
, le dialogue d’une « conscience moderne », douée
d’
exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
3109
alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée
d’
un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
3110
Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé
de
la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous
3111
ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle
de
Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne
3112
Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus
de
rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
3113
us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons
de
jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
3114
ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si,
d’
avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
3115
té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte
de
nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
3116
vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta
vie
était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou enco
3117
Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin
de
le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
3118
nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
de
puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
3119
Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre
de
telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
3120
omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte
de
révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
3121
nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit
de
vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
3122
uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse
de
travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
3123
Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue
de
nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps
3124
r ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme
de
mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les
3125
Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
de
moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
3126
es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé
d’
agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est
3127
rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine
de
faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à s
3128
a peine de faire aucun effort. Si tout est décidé
d’
avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans
3129
eu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte
de
révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
3130
ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel
de
Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
3131
mer objectivement. Mais c’est peut-être se priver
de
son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a u
3132
ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein
de
nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
3133
Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté,
de
création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
3134
ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même
de
la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
3135
st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous
de
l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
3136
que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la
Vie
, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l
3137
a Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre
vie
n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quel
3138
Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
d’
immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire,
3139
ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile,
de
statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de
3140
us dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source
de
tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
3141
’est pas, au contraire, la source de tout acte et
de
toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
3142
elle le touche dans l’instant (dans un « atome »
de
temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre
3143
otre temps où elle s’est constituée, soit capable
de
concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
3144
t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale
d’
une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
3145
ctuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
vie
, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystè
3146
otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément
de
notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
3147
et la raison n’est qu’un faible élément de notre
vie
. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la
3148
ère que le croyant pressent et vit au seul moment
de
la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
3149
nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé
de
ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
3150
sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu,
de
ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
3151
ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou
de
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
3152
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas
de
« temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au con
3153
traire, nos divers temps et successions procèdent
de
l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
3154
range illusion nous ferait croire qu’une décision
de
l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
3155
cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien
de
ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
3156
pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil
de
cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
3157
nel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là
de
difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
3158
est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion
de
Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
3159
araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à
de
sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
3160
bles, suffit à établir pour le chrétien la vérité
d’
un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
3161
Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même
de
l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
3162
araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes
de
la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
3163
i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance
de
soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
3164
qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et
de
la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évan
3165
la connaissance de soi-même et de la connaissance
de
la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les so
3166
p portés à corriger et à « humaniser », au risque
d’
« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
3167
Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine
de
la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
3168
à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond
de
la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
3169
de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a
de
liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
3170
a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation
de
Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
3171
t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment
de
la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
3172
aire Érasme. Le problème du salut est un problème
de
vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout
3173
e Érasme. Le problème du salut est un problème de
vie
ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est
3174
e. Le problème du salut est un problème de vie ou
de
mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair
3175
mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté
de
vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
3176
ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche
de
voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
3177
poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites
de
l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
3178
la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté
de
reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
3179
u’il croit trouver et regagner la dignité suprême
de
l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
3180
e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité
de
son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle p
3181
oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
de
la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
3182
, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la
vie
. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche o
3183
rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
de
l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
3184
e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence
de
Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamental
3185
a difficulté fondamentale que posent les rapports
de
notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
3186
ntale que posent les rapports de notre volonté et
de
l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
3187
. La différence, c’est que Nietzsche nous propose
d’
adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
3188
68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537,
d’
éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
3189
le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun
de
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio e
3190
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le
De
servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois
3191
des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf ar
3192
té (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et
Vie
, Paris, mars–avril 1937, p. 221-231.
3193
es peuples qu’à partir du jour où il sera capable
de
répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre tem
3194
e avec force et autorité aux questions politiques
de
notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de cons
3195
Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte
de
conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « e
3196
’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse
de
l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisée
3197
uvent ses « encycliques » improvisées à la veille
de
la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’ac
3198
veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin
d’
une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces
3199
u’il soit encore très loin d’une vision dynamique
de
l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Ell
3200
es mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout
d’
un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles
3201
larations. Elles souffrent avant tout d’un manque
de
ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’
3202
ant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque
de
nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de
3203
de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord
d’
un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté pré
3204
ure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre
de
bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. E
3205
certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan
d’
une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat,
3206
nt un respectable résultat, mais non pas un point
de
départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme
3207
auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque
d’
efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient
3208
ais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été
d’
essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins jus
3209
plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer
de
choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une p
3210
moins juste d’une part, plus ou moins acceptable
de
l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce m
3211
le de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible
de
faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la situation mondi
3212
n a examiné la situation mondiale et l’on a tenté
de
l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chréti
3213
méliorer, conformément à des principes indiscutés
de
morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu
3214
cer le cours des événements. L’histoire est faite
d’
initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’un
3215
énements. L’histoire est faite d’initiatives, non
de
retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative abouti
3216
stoire est faite d’initiatives, non de retouches,
de
vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut q
3217
faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et
d’
amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle repr
3218
portée par une passion qui jaillisse du tréfonds
de
sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui av
3219
toire sont ceux qui avaient une vision passionnée
de
leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans u
3220
ain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse
d’
eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non p
3221
s dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes,
de
leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des donnée
3222
partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou
de
leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspira
3223
ons plus ou moins exactement connues ou supposées
de
leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle
3224
la mesure exacte où elle fut l’expression directe
de
leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il fa
3225
qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale
de
l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte
3226
es termes, il faut que son action politique parte
de
lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
3227
faut que son action politique parte de lui-même,
de
ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à
3228
ction politique parte de lui-même, de ce qu’il a,
de
ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici e
3229
e de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et
de
sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer u
3230
à emprunter ici et là pour composer une mosaïque
de
mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit expr
3231
au contraire sa position politique doit exprimer
d’
une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire
3232
e les principes qui sont impliqués dans la vision
de
l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aus
3233
ble conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas
d’
adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne »
3234
t ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit
d’
actualiser la politique impliquée dès le début dans la volonté et l’es
3235
é et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a
d’
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement,
3236
énique. Le présent essai n’a d’autre ambition que
d’
esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les
3237
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes
de
ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse
3238
uisser les grandes lignes de ce développement, et
d’
en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des page
3239
e schématisme des pages qui suivent : c’est celui
d’
un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’
3240
sme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan
de
travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire o
3241
s qui suivent : c’est celui d’un plan de travail,
d’
un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de n
3242
ail, d’un sommaire. Certains conflits permanents
de
l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précéd
3243
rtains conflits permanents de l’histoire ont pris
de
nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les comp
3244
de l’histoire ont pris de nos jours un caractère
de
violence sans précédent. À travers les complexités infinies de nos di
3245
ans précédent. À travers les complexités infinies
de
nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils
3246
, politiques et religieuses, ils se dégagent avec
d’
autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel.
3247
t religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus
de
simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit polit
3248
ivers conflits ne sont en réalité que les aspects
d’
une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux dif
3249
niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun
de
ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dir
3250
let. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas
de
solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinais
3251
tion possible. Ils sont inconciliables parce que,
de
la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, m
3252
sont inconciliables parce que, de la combinaison
de
deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une
3253
xie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme
d’
hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement l
3254
oudre l’opposition unité-division, il serait vain
de
rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin de
3255
chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer
de
plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
3256
hie. Notre thèse étant la suivante : La théologie
de
l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’applicati
3257
héologie de l’œcuménisme implique une philosophie
de
la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1.
3258
est une politique du fédéralisme. 1. Théologie
de
l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer
3259
it suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler
d’
une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existan
3260
s existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait
de
n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous
3261
reprise. Le principal est celui-ci : la théologie
de
l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens
3262
ist, cette foi pouvant être connotée par le rejet
de
l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouve
3263
rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas
de
pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
3264
mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
d’
une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car
3265
ppositions que le mouvement œcuménique se propose
de
surmonter. C’est dans la mesure exacte où les Églises ont voulu trans
3266
na Sancta en une assurance visible et restrictive
de
l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte
3267
une assurance visible et restrictive de l’unité (
d’
organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont
3268
ible et restrictive de l’unité (d’organisation ou
de
doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union
3269
), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté
d’
une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion
3270
u leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire
de
la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloir
3271
union réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour
de
Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unit
3272
s ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté
de
bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisi
3273
volonté de bâtir un monument visible à la gloire
de
l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convi
3274
re de l’unité des hommes, conduisit à la division
de
leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de défin
3275
duisit à la division de leur langage. Il convient
de
laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’
3276
e. Il convient de laisser aux théologiens le soin
de
définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être
3277
éologiens le soin de définir la doctrine positive
de
l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Do
3278
doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine
de
la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctri
3279
ns accordés par le seul et même Père, ou doctrine
de
la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctri
3280
res dans un seul et même ciel, ou encore doctrine
de
la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le n
3281
l, ou encore doctrine de la diversité des membres
d’
un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun
3282
om qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera
de
fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas d
3283
es indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas
de
meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appe
3284
union, précisément, que Paul établit avec le plus
de
force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente
3285
ce la légitimité des diversités. Ce qui me paraît
d’
une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
3286
e paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis
d’
en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacu
3287
d’en appeler aussi au précédent des sept églises
d’
Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le
3288
re et moi sommes un », qui établit le modèle même
de
l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là a
3289
personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs
de
l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la
3290
ous devons affirmer dès maintenant : la théologie
de
l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est p
3291
des vocations divines n’est pas une imperfection
de
l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleu
3292
es n’est pas une imperfection de l’union, mais sa
vie
même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit être au moin
3293
rs, doit être au moins rappelé ici : la théologie
de
l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dan
3294
ses, mais au contraire, elle a pour premier effet
de
les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authen
3295
de les renforcer en les rendant plus conscientes
de
leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’e
3296
écisément, qu’elle espère atteindre une communion
d’
esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adres
3297
l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels
de
chaque Église, mais à leurs membres les plus fidèles. Toutefois, cett
3298
it à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus
de
recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de
3299
me et à n’admettre plus de recours direct au chef
de
l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la t
3300
chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite
de
Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits,
3301
se ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu,
de
se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église
3302
sation ou leur doctrine particulière. Au principe
d’
union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, c
3303
ipe d’union transcendant qui assure la permanence
de
l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en
3304
outé, et peu à peu substitué en fait, un principe
d’
unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’est la formule
3305
re humainement contrôlable. C’est la formule même
de
la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquem
3306
mule même de la tyrannie. Car, contre un principe
d’
unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’
3307
ement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas
de
recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumett
3308
oriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou
d’
appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir.
3309
tre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque
d’
obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et
3310
re réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité
d’
organisation romaine, considérée comme nécessaire au salut. Mais je ra
3311
testante du xviiie siècle : une certaine manière
de
proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exem
3312
ècle : une certaine manière de proclamer le dogme
de
l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à dispose
3313
ement des Écritures. Car aussitôt que le principe
d’
unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « f
3314
ité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie
de
l’Église se « ferme » sur elle-même. D’où les schismes nombreux, dès
3315
rthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même.
D’
où les schismes nombreux, dès cette époque, dans les Églises calvinist
3316
e qui prétend se suffire et posséder son principe
d’
unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer
3317
humaine, devient à la fois isolée et génératrice
de
schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
3318
de est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
d’
unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Al
3319
ps souffre dans son chef et dans ses membres ! La
vie
normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et l
3320
dans ses membres ! La vie normale du corps dépend
de
la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de
3321
s ! La vie normale du corps dépend de la vitalité
de
chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie a
3322
normale du corps dépend de la vitalité de chacun
de
ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les au
3323
nd de la vitalité de chacun de ses membres, et la
vie
d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée p
3324
e la vitalité de chacun de ses membres, et la vie
d’
un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par
3325
acun de ses membres, et la vie d’un membre dépend
de
son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un
3326
rons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème
de
l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons
3327
ce thème de l’harmonie organique opposé au thème
de
l’unité systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de
3328
ique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge
de
la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique. Car l’har
3329
ment un éloge de la « tolérance » libérale à base
d’
indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolé
3330
lement la division ou la duplication accidentelle
d’
un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt
3331
ication accidentelle d’un même organe, n’ont rien
de
mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
3332
fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
de
la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser
3333
onne Les positions œcuméniques que nous venons
d’
esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l
3334
nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine
de
l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de
3335
it qui oppose l’unité et la division dans le plan
de
l’Église, correspond terme à terme le conflit qui oppose la collectiv
3336
oppose la collectivité et l’individu dans le plan
de
la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spiritue
3337
personnalisme. Cherchons à illustrer les notions
d’
individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques
3338
me. Cherchons à illustrer les notions d’individu,
de
collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptible
3339
strer les notions d’individu, de collectivité, et
de
personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’
3340
ersonne par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance si
3341
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour
3342
la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme
de
la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fa
3343
i se met à réfléchir « pour son compte », et qui,
de
ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord doute
3344
ulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés
de
divers groupes qui fondent les premières thiases grecques, communauté
3345
’intérêt commun et les contrats. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite p
3346
trats. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute di
3347
ent prescrite par les usages, et toute dissidence
de
conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité, au contrai
3348
ncurrence, originalité, droits privés, conscience
de
soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sa
3349
mouvement centrifuge par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne
3350
vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
3351
crée un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
3352
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
3353
st Rome alors qui nous donnera le symbole éternel
de
la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la premi
3354
le éternel de la réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l
3355
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale
de
l’étatisme sur l’individualisme devenu anarchique. Entre individualis
3356
aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt
d’
une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la man
3357
même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes ex
3358
es les initiatives individuelles. N’admettant pas
de
recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créa
3359
individuelles. N’admettant pas de recours au-delà
de
son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’es
3360
as de recours au-delà de son pouvoir, il se prive
de
toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fonction socia
3361
ction sociale, un « soldat politique », dirait-on
de
nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individu
3362
te de liberté. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
3363
rd elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé
de
l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collect
3364
de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids
de
son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quel
3365
le sera la nouvelle société ? En ce point crucial
de
l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte pré
3366
tisme totalitaire — se produit l’événement unique
de
l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse étern
3367
orte à la question des temps la réponse éternelle
de
l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective socio
3368
s plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée
de
communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur
3369
ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite
de
Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la
3370
pendant, elles constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
3371
s. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un
de
ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à s
3372
sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve
de
la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, pu
3373
squ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse
de
sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
3374
’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue
de
l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, pui
3375
la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme
d’
un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davanta
3376
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage,
3377
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonc
3378
omain, puisqu’il possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
3379
les docteurs grecs avaient adopté le terme latin
de
persona (rôle social). C’est ce même terme qui servira aux premiers p
3380
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à l
3381
ns chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se résout l’étern
3382
ation qu’il envoie à l’homme, distingue cet homme
de
tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblable
3383
liberté est assurée par la possibilité constante
de
recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la c
3384
te de recourir directement à l’Éternel, au-dessus
de
la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel.
3385
t le même fondement que les droits et les devoirs
de
l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
3386
me est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis
d’
autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige
3387
chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement
de
la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à
3388
ocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine
de
l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église univer
3389
’homme, les mêmes structures que dans la doctrine
de
l’Église universelle esquissée plus haut ; la même position centrale
3390
les droits des parties. De même que la théologie
de
l’œcuménisme prévient d’une part l’orthodoxie fermée, d’autre part la
3391
autre part la dissidence obstinée, la philosophie
de
la personne prévient d’une part le collectivisme oppressif, d’autre p
3392
adies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas
d’
équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l
3393
mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant
d’
union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vra
3394
développer maintenant les implications politiques
de
cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralis
3395
les implications politiques de cette théologie et
de
cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons as
3396
avons assez dit pour qu’il soit désormais facile
de
voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que
3397
fédéraliste en politique. Quant à la philosophie
de
la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédérat
3398
sonne, elle sera normalement celle du bon citoyen
d’
une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un
3399
’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice
de
schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’
3400
ralisme exclut de même l’impérialisme, générateur
de
guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
3401
urs que l’impérialisme n’est que l’individualisme
d’
un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De m
3402
d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme
d’
un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il
3403
alisme d’un homme isolé. De même que l’État cesse
d’
être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
3404
dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse
d’
être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralism
3405
liser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle
de
l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc
3406
on avec le groupe, on a la possibilité matérielle
d’
y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de gr
3407
e sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer
de
groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé d
3408
l ou politique, ou professionnel. Cette pluralité
d’
appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclés
3409
taire, qui prétend faire coïncider les frontières
de
l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou
3410
re coïncider les frontières de l’État avec celles
de
toutes les activités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est l
3411
uelles ou privées — ce qui est la définition même
de
l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les d
3412
, reconnaît que les diversités régionales sont la
vie
même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions
3413
ît que les diversités régionales sont la vie même
de
l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions, il mén
3414
, il ménage un recours au citoyen contre les abus
de
pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres e
3415
voirs locaux. Il cherche la coopération organique
de
ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’
3416
organique de ses membres et non cette caricature
de
l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les fr
3417
édération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et
de
la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées
3418
iste (centralisateur et individualiste à la fois)
d’
un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui d
3419
entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre
de
ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivan
3420
e cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était
d’
établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le
3421
nalisme et le fédéralisme sont les aspects divers
d’
une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
3422
mes ambitions. Ils opposent également à la notion
d’
unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’or
3423
posent également à la notion d’unité rigide celle
de
communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géomé
3424
collaboration pluraliste et organique ; au couple
de
frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitair
3425
ividu déraciné et la masse totalitaire, le couple
de
frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloi
3426
énisme, ce serait priver l’organisation politique
de
ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir ég
3427
st pas la foi. Note. — On s’étonnera peut-être
de
ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
3428
tonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme
de
démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de
3429
ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement
de
trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre
3430
. Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires
de
droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux inc
3431
éralisme, démocrates et totalitaires de droite et
de
gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, sépa
3432
droite et de gauche pourront trouver la plénitude
de
leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens
3433
le fédéralisme est la seule possibilité pratique
de
réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser
3434
la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage
de
réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communaut
3435
d avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a
de
valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquem
3436
ement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice
de
l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194
3437
ménisme Et maintenant nous voici dans le drame
de
l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble
3438
e définitivement des démocraties, ce sera la mort
d’
une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la sup
3439
des démocraties, ce sera la mort d’une culture et
d’
une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute
3440
, sans doute, mais ce sera surtout la suppression
de
toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles
3441
valeurs universelles créées par l’évangélisation
de
la conscience occidentale. D’autre part, si les démocraties capitalis
3442
alistes triomphent, aucun problème ne sera résolu
de
ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux terme
3443
e sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes
de
cette alternative sont également improbables, et que les destructions
3444
nir supprimeront pratiquement toutes possibilités
de
victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des fo
3445
atiquement toutes possibilités de victoire réelle
de
l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne
3446
toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou
de
l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’e
3447
’examen objectif des forces en présence ne permet
d’
envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos
3448
e ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde
de
demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révo
3449
our l’Europe et le monde de demain qu’une période
de
chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une
3450
une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas
de
« révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une
3451
dans les deux camps. Le totalitarisme est un état
de
guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
3452
confuses des peuples et aux nécessités pratiques
de
la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
3453
peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle
d’
Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’u
3454
hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est
de
détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui
3455
ruire. Il détruit les contradictions intolérables
d’
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant
3456
ntolérables d’une Europe qui s’obstinait à parler
de
justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui re
3457
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et
de
droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se f
3458
tant capitaliste et nationaliste, et qui refusait
de
se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force
3459
it. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte
de
ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
3460
able rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle
de
Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner rée
3461
e de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est
de
faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne p
3462
agner réellement s’il ne propose rien aux peuples
de
l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Stali
3463
r il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle
de
Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour cons
3464
e temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être
de
profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Ce
3465
nt au rôle de Staline, il paraît être de profiter
de
la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence
3466
velle. Si les Églises n’y répondent pas, personne
d’
autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Égl
3467
ne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même
de
se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles compren
3468
x termes ne se confondent-ils pas dans la réalité
de
la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles save
3469
ègne et crée pour ceux qui croient la possibilité
de
faire ce qu’il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voi
3470
ossibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état
d’
impuissance apparente où se voient aujourd’hui les Églises, si cette f
3471
le sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons
de
croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont
3472
précédé et prédéterminé les structures politiques
d’
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence
3473
litiques d’une nation. J’indiquerai trois groupes
d’
exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier.
3474
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples
de
cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on rem
3475
e premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme
de
totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, corre
3476
s calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas
de
la France sous la Troisième République ? Comment expliquer ce fait ?
3477
République ? Comment expliquer ce fait ? À défaut
d’
une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dira
3478
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentime
3479
ni, se virent contraints par le sentiment général
de
reprendre à leur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils tr
3480
les pays calvinistes, au contraire, la séparation
de
l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’étai
3481
istes, au contraire, la séparation de l’Église et
de
l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas stricteme
3482
rictement établie par la loi. De même les devoirs
de
la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs en
3483
te carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion
d’
une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de disp
3484
gion totalitaire, mais par un phénomène contraire
de
dispersion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays s
3485
ous voyons ce processus ecclésiastique se répéter
de
nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique e
3486
duit un contenu socialiste. (Là encore avec moins
de
secousses en Scandinavie qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvi
3487
in s’est toujours refusé à établir une uniformité
de
gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réfor
3488
ment pour les diverses Églises qui se réclamaient
de
sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres ter
3489
ières ». Elle doit donc s’organiser en fédération
de
paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésia
3490
it donc s’organiser en fédération de paroisses et
de
provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait t
3491
e paroisses et de provinces, par synodes. Ce type
de
relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans
3492
lth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme
de
« l’individualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéter
3493
e dernier pays, étant prédéterminée par le fait —
d’
ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
3494
par des seceders.) Et l’on sait que les réformés
de
France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du
3495
n « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan
d’
une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de
3496
ier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé
de
développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les i
3497
Europe confédérée. Il serait aisé de développer,
de
nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que
3498
rée. Il serait aisé de développer, de nuancer et
de
multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
3499
t aisé de développer, de nuancer et de multiplier
de
tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la con
3500
nt tout effort fédératif sérieux. 2. La théologie
de
l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont
3501
. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie
de
la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement conc
3502
es pour un ordre nouveau du monde. (La « religion
de
l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les
3503
ns les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
de
la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se
3504
ns transcendance, que précisément l’on se propose
de
combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philoso
3505
ropose de combattre !) D’autre part, la théologie
de
l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases a
3506
t, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie
de
la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur les
3507
puisse construire dès maintenant. (La « religion
de
l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !)
3508
st encore à créer, et le temps presse !) Chargées
d’
éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience
3509
traditionnels, condensant tout ce que nous avons
d’
expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un
3510
s, condensant tout ce que nous avons d’expérience
de
la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable
3511
organisation du Conseil œcuménique se trouve être
de
fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les Inte
3512
pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie
de
divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu
3513
ne règnent pas, sont en voie de divergence et non
de
convergence, sur le plan international. On a vu les socialistes angla
3514
subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette
de
mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simp
3515
une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va
de
pair, dans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train
3516
n train de recréer un langage commun, un ensemble
de
communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répo
3517
répond exactement aux besoins les plus légitimes
de
notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivant
3518
de notre temps. Il nous rend les vraies formules
de
la communauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas
3519
e et grossièrement encadrée, les individus privés
de
leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance
3520
e par le mouvement œcuménique, marque l’avènement
d’
une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-mass
3521
l’avènement d’une attitude personnaliste, au-delà
de
l’antinomie individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œc
3522
individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie
de
l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéra
3523
. 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie
de
la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, auj
3524
u fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui,
de
synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsis
3525
ements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement,
de
ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique e
3526
. Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure
de
préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pa
3527
les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat,
de
part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité
3528
amps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et
d’
autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tab
3529
thétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons
d’
esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’ac
3530
l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie
de
la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer
3531
des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais
de
ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ;
3532
s auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes
d’
intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le
3533
t entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté
de
formuler certaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peupl
3534
ités morales et politiques (personnalisme). Point
d’
action constructive sans idéologie. Mais point d’idéologie valable san
3535
d’action constructive sans idéologie. Mais point
d’
idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans
3536
oint d’idéologie valable sans théologie. Et point
de
théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’une co
3537
e. Et point de théologie efficace sans le soutien
d’
une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la commun
3538
fficace sans le soutien d’une catholicité réelle,
d’
une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette comm
3539
lle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note
de
1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rou
3540
ger au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis
de
, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
3541
t Denis de, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et
Vie
, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’une trad
3542
eptembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit
d’
une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christen
3543
-639. ac. Il s’agit d’une traduction en français
de
« Ecumenicity and federalism », Christendom, New York, n° 2, printemp
3544
hes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours
de
notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. I
3545
fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient
de
famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais
3546
e quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore
de
faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès —
3547
t du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous
de
manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
3548
notre faute est immense, mais ailleurs : elle est
d’
avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-mon
3549
ent étranger à toutes leurs traditions, le modèle
de
l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou
3550
uniste ne fait aucune différence. Ils se trompent
d’
Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. I
3551
libérées, leur identité retrouvée. Le seul moyen
de
les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exe
3552
de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi
d’
un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continenta
3553
r, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement
de
nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépasse
3554
to-nationalismes par la fédération continentale ;
d’
un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre h
3555
par la fédération continentale ; d’un dépassement
de
la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennen
3556
ssement de la croissance à tout prix des formules
d’
équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou simplement l’ai
3557
que le gonflement artificiel du PNB et les stocks
de
bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien
3558
ion, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens
de
s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est resp
3559
s. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable
de
la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son e
3560
des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord
de
son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos
3561
monde, et d’abord de son explosion démographique,
d’
où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vr
3562
de son explosion démographique, d’où famine, mais
d’
où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe se
3563
démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi
de
nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produir
3564
à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera
de
sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre p
3565
sions que nous aurions dû tirer, pour notre part,
de
l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-m
3566
u sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant
de
faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perd
3567
sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et
de
se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chanc
3568
ouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances
de
paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Co
3569
l’Europe perdrait ses dernières chances de paix,
d’
autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Comment alo
3570
it ses dernières chances de paix, d’autonomie, et
de
survie de son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous
3571
nières chances de paix, d’autonomie, et de survie
de
son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chanc
3572
paix, d’autonomie, et de survie de son identité,
de
son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre proje
3573
énie. — Comment alors, évaluez-vous les chances
de
votre projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
3574
va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu
de
répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et s
3575
épondre à ces questions, m’étant donné pour tâche
de
faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me par
3576
paraît lisiblement inscrite dans la problématique
de
notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
3577
ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien
de
visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouv
3578
au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens
de
mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussit
3579
ls perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir
de
le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l
3580
ais pas me dérober à une question que je ne cesse
de
me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dire, il y a
3581
iser mon plan. À vrai dire, il y a toutes raisons
de
redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une n
3582
personne ne s’en charge en tant que représentant
d’
une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Je
3583
’en charge en tant que représentant d’une nation,
d’
un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les ho
3584
n tant que représentant d’une nation, d’un parti,
de
la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État
3585
sentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou
de
la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien,
3586
d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même
de
la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je
3587
les régions n’existent pas, ou seulement à l’état
de
nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouverneme
3588
onc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est
d’
accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans
3589
éens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant,
d’
occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses
3590
céder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux,
de
s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
3591
per ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils,
de
manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, enco
3592
fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
de
le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir
3593
non pas de le modifier radicalement, encore moins
de
créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauch
3594
re leur dicte ses lois. Quant au « grand public »
de
la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujou
3595
u « grand public » de la droite et aux « masses »
de
la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemb
3596
droite et aux « masses » de la gauche, catégories
de
naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectat
3597
a su voir venir les guerres mondiales, la théorie
de
la relativité, le stalinisme, la décevante marche sur la Lune, ni mêm
3598
la décevante marche sur la Lune, ni même la crise
de
l’énergie. Tout ou presque semble indiquer à l’observateur objectif q
3599
erme (trouver un job) et souci fortement anticipé
de
sécurité (s’assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’oc
3600
aite en même temps que le job). On ne s’occupe ni
de
l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refu
3601
le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore
de
régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce re
3602
e l’Europe, ni encore de régions, et encore moins
de
révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutio
3603
ur « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore
de
l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais tr
3604
aire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni
de
régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, pres
3605
’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni
de
la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de
3606
ore de l’Europe, ni de régions, ni de la création
d’
un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution »,
3607
pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours
de
« pollution », notez cela ! — Si je comprends bien, vous n’avez ave
3608
rolétariat, ni les masses ni même les élites à la
mode
… Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience d
3609
s élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens
d’
un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout
3610
? — Le sens d’un péril imminent et la conscience
de
vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le ref
3611
r où tout est faux, impossible et réel ; le refus
de
croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le ca
3612
nt, ne puisse changer à bref délai ; et la vision
d’
un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce
3613
nt, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien
de
ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évide
3614
e évidence granitique ne va durer, parce que rien
de
tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civili
3615
de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions
de
survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtr
3616
la ne peut durer. Aucune des conditions de survie
d’
une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le
3617
ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel
d’
une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette
3618
ette civilisation ne peut produire nulle garantie
de
sécurité égale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entre
3619
la société stato-nationaliste a pour seule vertu
d’
être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pou
3620
isait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout
d’
un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes
3621
père en toutes classes sociales et toutes classes
d’
âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et
3622
s d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente
d’
activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes
3623
rtir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes
de
la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déducti
3624
’analyse des causes de la pollution et du système
de
ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade le
3625
ovations sociales et politiques proposées au long
de
ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du con
3626
autés à la fédération du continent, première base
d’
un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les ca
3627
ent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors
d’
élections locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
3628
locales ou nationales, les candidats bénéficiant
de
l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retou
3629
mouvements « écologiques » ont battu les chevaux
de
retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute
3630
de retour des partis grâce aux quelques centaines
de
voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient d
3631
dinave vient de se voir renversé après trente ans
de
pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centra
3632
nements, même s’ils sont au service des marchands
d’
armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des concl
3633
rchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent
de
pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme. — Il y a
3634
ls ne tirent de pareils résultats des conclusions
d’
un sain opportunisme. — Il y a donc des mouvements, des signes favor
3635
ouvements, des signes favorables ? — Des milliers
de
mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On
3636
, puis aux fédéralistes européens ou mondialistes
de
l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le
3637
e l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution
de
la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’oppos
3638
iale : dans les deux cas on échappe aux contrôles
de
l’État-nation, dont les monopoles classiques se trouvent débordés et
3639
ibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson (
de
la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que s
3640
kinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe
de
demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque
3641
sera viable que si elle se recompose sur la base
de
quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des a
3642
« L’expérience nous apprend que seules des unités
de
dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants
3643
ndées par leurs habitants et leur offrir un cadre
de
vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urb
3644
es par leurs habitants et leur offrir un cadre de
vie
plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urbaine
3645
re de vie plaisant », et qui préconise au surplus
de
« petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée
3646
petites cellules urbaines à l’échelle humaine »,
d’
ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme He
3647
voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons
d’
être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europ
3648
quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus
de
temps pour décider de la survie de notre espèce. — Seriez-vous rad
3649
et nous n’avons guère plus de temps pour décider
de
la survie de notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ?
3650
ons guère plus de temps pour décider de la survie
de
notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste
3651
essimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas
de
sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
3652
iste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai
de
me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chos
3653
urs le succès ! Attitude qui n’est pas différente
de
celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique d
3654
le que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre
de
« politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne.
3655
et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité
de
vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la r
3656
e vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien
d’
autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisée
3657
en d’autre comme certain. Je sens venir une série
de
catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients.
3658
raser, je les dirai pédagogiques, seules capables
de
surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à
3659
l’invincible propension des chroniqueurs à taxer
de
« psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger m
3660
propension des chroniqueurs à taxer de « psychose
d’
Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien av
3661
r de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation
d’
un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais
3662
se d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur
de
danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais cela dans mon
3663
rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays
de
Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux d
3664
a dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra
de
la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donna
3665
e, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs
de
droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
3666
oi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter
d’
un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Q
3667
role », m’obligeant à jeter au panier, pour cause
de
confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre,
3668
ur cause de confirmation prématurée, une centaine
de
pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutô
3669
la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines,
de
nouvelles catastrophes s’organisent dans l’ombre : « excursions » nuc
3670
tion des baleines, des éléphants, des phoques, et
de
tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant le
3671
chantages à la bombe bricolée exigeant les bijoux
de
la couronne, la tête d’un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, M
3672
colée exigeant les bijoux de la couronne, la tête
d’
un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans
3673
ttan, Moscou, Paris rasés dans l’heure… Quelqu’un
d’
autre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
3674
tre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur
de
la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que
3675
and pour que l’opinion générale éprouve le besoin
de
mesures propres à faire le bien. Saint-Just ajoutait : Ce qui produ
3676
e vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui,
de
« commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles e
3677
nt (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins
d’
un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans po
3678
it, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire.
D’
où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plu
3679
vers le pire. D’où non seulement l’urgence accrue
d’
un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution,
3680
où non seulement l’urgence accrue d’un changement
de
cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut facilit
3681
hangement de cap, mais une plus grande lisibilité
de
l’évolution, qui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’app
3682
pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas
de
vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais
3683
e, même contraire. Tirer des bords contre le vent
de
l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et procha
3684
. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et
de
la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’imp
3685
e le vent de l’Histoire et de la guerre : formule
de
nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la g
3686
os efforts actuels et prochains. Et peu m’importe
de
prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, c
3687
évoir si la gauche ou la droite vont l’emporter —
de
toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour
3688
je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle
d’
or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le
3689
a vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or
de
Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maît
3690
formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes,
de
la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pyt
3691
aclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et
de
la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni p
3692
olonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politiqu
3693
er désormais à prendre des mesures conservatoires
de
l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça du
3694
ce. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin
de
l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujo
3695
’hui certaines causes du péril où l’humain risque
de
s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’en
3696
nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons
d’
entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’en
3697
evoir la guérison possible. Nous avons les moyens
de
sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis
3698
is. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil
de
l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanch
3699
sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre
de
la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le
3700
’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la
Vie
, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage
3701
Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus
de
sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous so
3702
s encore là mais aliénés, devenus incapables même
de
nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pa
3703
s même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre
vie
menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne pass
3704
fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas
de
prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car i
3705
notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision
d’
avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… c
3706
eur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi
d’
autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de t
3707
mmes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant
d’
où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que
3708
river ? Et venant d’où ? (À part les tremblements
de
terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
3709
eut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux
de
la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu
3710
« substance des choses espérées, ferme assurance
de
celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques,
3711
ance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide
d’
appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’es
3712
ue ces désirs créent ces réalités et leur donnent
vie
dans notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la
3713
réent ces réalités et leur donnent vie dans notre
vie
, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la force du désir,
3714
re avenir, mieux : c’est le faire. La décadence
d’
une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver
3715
x à notre vocation dans la cité. Hors de là point
de
communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur,
3716
la cité. Hors de là point de communauté, ni donc
de
régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai
3717
de là point de communauté, ni donc de régions, ni
d’
Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’av
3718
e communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni
de
paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit
3719
, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni
de
futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous, — n
3720
probable ou précisément calculé, et d’abord celui
d’
être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire
3721
, c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander
de
devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vai
3722
Remplacez ce système qui multiplie les occasions
de
haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce c
3723
angez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle
de
Juda, le grand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’ango
3724
rand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix
de
l’angoisse humaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit êt
3725
ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude
de
son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ét
3726
méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits
de
la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse q
3727
itude religieuse que suggère malgré tout le terme
de
conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de poll
3728
ion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel
mode
de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les région
3729
Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode
de
pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions,
3730
ion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou
de
production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’
3731
voir avec tel mode de pollution ou de production
d’
énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléa
3732
nucléaire ont valeur symbolique en tant que nœuds
de
problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décis
3733
isions métaphysiques et religieuses quant au rôle
de
l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou
3734
le de l’homme sur la Terre et quant à ses options
de
base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
3735
ire des régions et recréer ainsi des possibilités
de
communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vo
3736
ibilités de communauté où la personne ait liberté
de
découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre
3737
unauté où la personne ait liberté de découvrir et
d’
exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les
3738
me coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités
de
base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de
3739
n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien
de
moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que
3740
t rien de moins que se tourner vers des finalités
de
liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’e
3741
ue se tourner vers des finalités de liberté, rien
de
moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement
3742
nvertir. Tous les prophètes condamnent la volonté
de
puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les
3743
Bible exalte en revanche « la liberté des enfants
de
Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’hu
3744
la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut
de
la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses pro
3745
’on exclut de la « sphère du religieux » le drame
de
l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup l
3746
t la mesure est la puissance militaire, puissance
de
tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulem
3747
de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie
de
soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que
3748
plus tirer son énergie de soi-même mais seulement
de
la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphèr
3749
e de soi-même mais seulement de la désintégration
d’
un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La
3750
La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut
de
notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de l
3751
rréductible spirituel, comment fonder l’objection
de
la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, q
3752
de la personne, au nom de quoi refuser le verdict
de
la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Pui
3753
e, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison
d’
État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Lib
3754
er le verdict de la Raison d’État, quand il tombe
de
l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tranchera ? E
3755
sance ou Liberté, qui tranchera ? Entre le besoin
de
sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix d
3756
ntre le besoin de sécurité à tout prix et la soif
de
liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chos
3757
ix et la soif de liberté à tous risques, le choix
de
l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui
3758
tous risques, le choix de l’espèce sera fonction
de
la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une soci
3759
la moins prévisible du monde, qui est la vitalité
d’
une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que
3760
uver en tant que nation, vend ou achète les armes
de
la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grand
3761
gistes à penser que se manifeste, dans l’humanité
d’
aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — ch
3762
suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun
de
nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ce
3763
issante. Alors, nous — chacun de nous — changeons
de
cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la
3764
us — chacun de nous — changeons de cap, changeons
de
buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce n
3765
éons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin
de
la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. M
3766
sera pas encore la fin de la peine des hommes, la
vie
sans poids. Pas encore le Jour éternel. Mais quelque chose comme le m
3767
ait seul, sans écho, devant l’indicible injustice
de
l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveau
3768
ice de l’écrasement imminent. Comme la permission
de
vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trou
3769
ent imminent. Comme la permission de vivre encore
de
nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de save
3770
la permission de vivre encore de nouveaux jours,
de
nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens.
3771
e de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et
d’
y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette générat
3772
rs, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus
de
saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pa
3773
uits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus
de
sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle q
3774
s. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas
d’
autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tire
3775
énération ne recevra pas d’autre oracle que celui
d’
Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolu
3776
as d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est
de
lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas
3777
oir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse
d’
une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme
3778
résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin
de
l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle
3779
’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais
d’
une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dan
3780
sse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation
de
l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. É
3781
de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure
d’
être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. Écoutons mainte
3782
re cœur. Écoutons maintenant le cri sublime.
De
Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit
3783
voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu
3784
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit auss
3785
», Preuves , Paris, n° 8, 1971. 76. Politique
de
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des
3786
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis
de
, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 14
3787
Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi et
Vie
, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces quelque