1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2 stoire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
3 e, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément 
4 pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément ; et, p
5 ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
6 sation toute-puissante n’est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
7 Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
8 e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
9 puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
10 aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
11 prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’ autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
12 érale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
13 ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
14 ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
15 r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
16 Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’ en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
17 onne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
18 l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
19 tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
20 Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
21 : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
22 ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fil
23 ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
24 ci la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer av
25 la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
26 à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
27 dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
28 événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
29 omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’ « humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
30 r » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
31 ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
32 ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
33 ur présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
34 nstruire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
35 Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
36 sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
37 eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’ une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
38 « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’ automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
39 tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
40 c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
41 e chiffres indiquant le progrès de sa production, d’ année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
42 mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
43 qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
44 résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalis
45 de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
46 it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’ hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
47 il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
48 faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’ augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
49 monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’ égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
50 int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’ États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
51 aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
52 taques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
53 ation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
54 sines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
55 st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
56 re. Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
57 açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
58 aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
59 nisation complète du monde, seule méthode capable d’ empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
60 Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
61 l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
62 ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
63 la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
64 tte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si
65 la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
66 de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
67 mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
68 à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
69 me un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
70 a sans peine la popularité mondiale des « idées » d’ Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
71 leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
72 ment, pendant qu’il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
73 crivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
74 striel, offre au monde moderne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
75 son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
76 ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
77 e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
78 ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
79 Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
80 us avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa
81 vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
82 érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
83 d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
84 ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’ en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
85 ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
86 vagant du bonheur de l’humanité par la possession d’ automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
87 Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
88 t de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
89 ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’ action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
90 ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
91 voici en mesure de produire des quantités énormes d’ autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
92 ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
93 a réclame s’en charge. Par le procédé très simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
94 eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
95 nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
96 t plus maintenant que de lui donner une apparence d’ utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
97 r une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
98 ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
99 mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
100 client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
101 hons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
102 t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
103 er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
104 . Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
105 , une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
106 uicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
107 umain, par perte de son instinct de préservation, d’ autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
108 son instinct de préservation, d’autorégulation et d’ alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
109 est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
110 grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
111 fondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
112 cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre de la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
113 e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
114 relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
115 ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
116 ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’ augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
117 la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
118 puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
119 us la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
120 on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
121 jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
122 point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
123 effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
124 eut très bien envahir un cerveau moderne au point d’ en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
125 moderne au point d’en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
126 lement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
127 lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
128 te américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
129 nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
130 quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
131 en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
132 nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
133 rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
134 uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’ huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
135 n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
136 e prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
137 la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
138 me des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
139 alisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
140 réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
141 s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
142 , comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
143 rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
144 ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
145 eure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
146 t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
147 ns que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
148 t notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
149 rence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
150 ord passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
151 problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
152 dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
153 perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
154 ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’ homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
155 optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
156 rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’ humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
157 l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
158 n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
159 es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
160 ’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
161 ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
162 otre temps ait prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
163 prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
164 fordisme contre l’Esprit La formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
165 formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
166 ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
167 elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
168 e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
169 i. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vie , il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit,
170 prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
171 Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
172 it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
173 yons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
174 de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
175 , la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’ expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
176 ’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
177 ns le cas le plus favorable, « il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
178 ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
179 tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
180 es est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
181 appantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
182 omme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
183 américain. On en fait quelque chose de jovial et d’ alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
184 uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
185 s’en doute, cela en prend la place. Les facultés de l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
186 affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
187 nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
188 rne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
189 homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
190 donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’ horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
191 ’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’ aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
192 une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
193 plus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
194 nt encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
195 l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
196 ls et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
197 enu sourd à cette harmonie universelle, incapable d’ en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
198 onomiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
199 te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
200 u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
201 il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
202 vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
203 a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
204 a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’ avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
205 ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
206 dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
207 travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
208 , il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
209 l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
210 mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
211 t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
212 ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
213 ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
214 nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
215 est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
216 en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
217 la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
218 lus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
219 plus rare, qui savent encore quelque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui gardent, par
220 uelle grâce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
221  on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
222 des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
223 e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
224 our où, comme on dit, sans doute par ironie, « la vie les prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’on ne sait qu
225 prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’ on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
226 ’elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
227 les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’u
228 s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
229 mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
230 réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
231 devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
232 e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’ individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
233 raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
234 qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
235 de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
236 détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
237 ison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
238 ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
239 éresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
240 bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
241 ilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
242 l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
243 enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels d’ aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
244 une tâche pressante : chercher s’il est possible d’ échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
245 e. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
246 e les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel.
247 lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
248 t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
249 chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
250 e allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
251 s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
252 ique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 19
253 poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis de , « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
254 a. Rougemont Denis de, « Le péril Ford », Foi et Vie , Paris, février 1928, p. 189-202.
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
255 es assiègent notre condition humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fa
256 tion humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funeste
257 qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art de composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissance
258 nse de l’homme et son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d
259 Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d’ équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singuliè
260 s définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la
261 gane d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmon
262 n. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et
263 uité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’ une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations
264 os créations et notre connaissance ; le sentiment d’ une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans
265 sein de nos connaissances même, et dans l’allure de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux
266 t devoir transmettre aux générations cette notion d’ un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ain
267 issa installer ses machines : elles avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admir
268 vaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’ apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Muci
269 ux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’ admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au pr
270 a : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe quelle forme. B
271 ment, nous voici « gagnés » par l’un des éléments de notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est
272 matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain,
273 me, affolé, soudain, doute s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des h
274 re maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’ humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virt
275 tonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplin
276 uilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demand
277 e notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête
278 . Car la science à peine libérée, demande la tête de la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des
279 que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’ affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîme
280 l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien ass
281 C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouve
282 méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois de l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans
283 sophes des sciences fait-elle songer à l’activité de cet espion anglais qui parvint durant la guerre à diriger le service
284 qui parvint durant la guerre à diriger le service de contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous av
285 r le service de contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeu
286 rgé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’ être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste impré
287 re6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’ une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science
288 mme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque de
289 ence se moque des nuages qui animaient la matière d’ intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser
290 occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’ un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyon
291 prit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans t
292 voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines de notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
293 clinant nos utopies mêmes, desséchant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous av
294 échant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’ un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos
295 « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs loi
296 s et déjà nous sentons leurs lois peser sur notre vie  : s’agit-il d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a cré
297 entons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’ enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse
298 en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, sp
299 ’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — o
300 te — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins é
301 re surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’ une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pen
302 ins égale d’une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la
303 nsion que l’humanité. On n’en saurait dire autant de notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut o
304 siques élaborés par la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est
305 la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde ma
306 ériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’ une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indé
307 s l’aspect d’une culture des facultés mystiques ; d’ une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse partic
308 iques ; d’une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse particulière, antérieure à n’importe quel dogme.
309 crois pas qu’il existe d’autres facultés capables d’ équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une f
310 s facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de
311 it de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’ appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait
312 J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie , de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence
313 gine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la
314 iérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette
315 ement — ce que la « rationalisation » aura laissé de Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue.
316 ssé de Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des
317 s tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’ autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
318 d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’ un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une te
319 contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout
320 nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme para
321 t à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-l
322 umanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l
323 tre a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé
324 l est possible que ce mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs
325 guère au-delà des limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours préva
326 rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux de confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’
327 mptez que l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu’est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un s
328 eut celui des dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières
329 Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christiani
330 une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’ être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît u
331 ais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis toujours
332 Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci d’ insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la sta
333 ent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’est l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne s
334 qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’ un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un d
335 aitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’ un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction :
336 e qui manque à l’homme moderne, c’est un principe d’ harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarch
337 cipe d’harmonie qui lui garantisse le caractère «  d’ humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d
338 ie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhuma
339 émarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’ êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore l
340 s inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès
341 ement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le chri
342 e, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d’ humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
343 parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritab
344 i demander de plus, s’il laisse en blanc la place de Dieu. Mais où trouver les lévites assez purs pour garder vierge parmi
345 oici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat de ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leu
346 ste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité de ce néo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de dou
347 t nets. (Cités par M. Brunschvicg dans Le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, p. 695.) 8. Les human
348 mologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Ca
349 s plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de , « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930,
350 Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la
351 « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivan
352 Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de
353  : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revu
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
354 pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’ expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un je
355 n peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’ en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Co
356 maine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’ un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la ré
357 lution communiste en Chine, et la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livr
358 la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directemen
359 ssez directement autobiographique. La philosophie de ce Garine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malrau
360 lièrement à celle que M. Malraux venait justement d’ exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l
361 petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événem
362 es événements qui précédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains
363 s sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par
364 . Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman d’ aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeu
365 ns l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’ aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il c
366 s a décidé d’aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
367 fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’ Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
368 ix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’ œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmat
369 ken, personnage énigmatique qui possède une sorte de puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel
370 , goût des actions des hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie soc
371 anité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet dem
372 , refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet demeure as
373 s des « conditions » de la vie sociale, au profit d’ une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce myst
374 ions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère qui entour
375 des deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la forêt tropicale, puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
376 ue à créer des obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversatio
377 tre dans les affaires — qui se donnent une espèce d’ autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il i
378 ide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans q
379 tre qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout pren
380 ort partout présente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur
381 sente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes d
382 « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la vie  ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerr
383 preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des
384 lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où
385 le et atroce où éclate douloureusement la révolte d’ un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ».
386 te monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin d
387 posent en définitive une méditation sur le destin de l’homme. Chez Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’idéa
388 Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’ idéal, même ardeur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lu
389 eur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « frat
390 , même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « fraternité désespérée » devant la mort.
391 que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’ esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par u
392 rits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le
393 traire le cas Malraux pour hautement significatif de notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, — 
394 , — le cas Perken si vous voulez. Les personnages de M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempéram
395 s extérieures, et c’est sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs pei
396 à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air de famille qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui perm
397 s personnages peints par Rembrandt, et qui permet de les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ex
398 au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui for
399 d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoportrai
400 paraissent au travers des actions et des discours d’ un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’es
401 travers des actions et des discours d’un Garine, d’ un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute
402 des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’ une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
403 e que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donn
404 que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intim
405 fonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce
406 -Garine est la personnification la plus frappante d’ un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien q
407 rne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absur
408 l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que de cette vie , mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absurde, parce
409 n’attend rien que de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse de lui tro
410 fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse de lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : «
411 ur lui n’existe aucune transcendance où s’abîmer, d’ où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui
412 pose avec une pareille acuité le problème central de notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
413 sque agressif qu’elle apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
414 igure de l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contr
415 roie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à u
416 e de la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie . Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certain
417 refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « faus
418 re la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’ où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’
419 s amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de
420 raissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
421 usses » que l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduct
422 Voie royale n’est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit
423 ins règlements concernant la propriété officielle de bas-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est
424 istoire comme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violation
425 t-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’e
426 reil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte
427 que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, La Voie royale  », Foi et Vie, Paris
428 e rendu] André Malraux, La Voie royale  », Foi et Vie , Paris, février 1931, p. 78-81.
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
429 Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’e
430 s pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel
431 ’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’ une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce
432 la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce qu’au contraire de M. Léon Brunschv
433 M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la
434 n Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la vie . De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critiqu
435 nschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique li
436 reilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros pr
437 ue littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’aujourd’hui
438  ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’ avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au foru
439 te ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme e
440 On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a
441 dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelque
442 ous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type d
443 ’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’ un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le
444 laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie.
445 rai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie … — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici
446 … — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
447 ait placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie . Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme d
448 aît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vie intérieure, quand il fallait penser dividendes, impérialisme, plus-va
449 alisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéress
450 nc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à B
451 nes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et le
452 liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’aut
453 eur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de no
454 ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « déca
455 oncentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « décantée jusqu’à l’essence, tout ce qui allon
456 résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l
457 la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occiden
458 iennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représen
459  » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d
460 ire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusemen
461 teur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement provincial
462 e ordre de toutes les races compose quelque chose d’ assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refus
463 la philosophie, la politique étant absents, faute d’ emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne ve
464 ar, pour lui, « être poétique, c’est avoir besoin d’ illusions ». Je soutiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan es
465 ndrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est de ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le p
466 iècle qui consiste dans une large mesure à éviter d’ appeler les choses par leur nom, à préférer toujours le « distingué »
467 conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâch
468 n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle comba
469 aison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « all
470 je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution »,
471 opos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
472 « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer :
473 e ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’ Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horr
474 descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pu
475 légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On
476 el « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse ma
477 ransformation radicale des conditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spir
478 rmation radicale des conditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituelle
479 rituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’ être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour se
480 tre possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité reli
481 éjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légè
482 teur qui cherche l’effet pittoresque. « Les curés de tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces féti
483 tir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de che
484 tres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N
485 ichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pa
486 la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions
487 si vraisemblable !) mais un normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre
488 té, dès le début, à combattre les funestes effets de la civilisation athée qu’apportaient les Européens. Autre trait plus
489 fiant encore : l’auteur rentrant à Marseille voit de loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie
490 teur rentrant à Marseille voit de loin le château d’ If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premie
491 ent justement les deux objets les plus révoltants de la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui
492 terre : une église, une prison. » Triste carence d’ un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soi
493 soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’ hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui vien
494 é. Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris d’ une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attit
495 fréquente chez les jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
496 nte chez les jeunes intellectuels : orgueil de la Vie , haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « v
497 s jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nou
498 intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette vie -ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » e
499 orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vag
500 vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « 
501 nt imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute
502 sans doute reviendra souvent dans les chroniques de Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la
503 reviendra souvent dans les chroniques de Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilisatio
504 Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’ émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité di
505 « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le
506 e toute autorité divine qui est le trait dominant de notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même
507 ès dans le même sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en
508 ême sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Di
509 érimée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… br
510 1 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément
511 sécularistes : la philosophie des lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de r
512 lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l
513 res, celle de la technique, celle du primat de la Vie . Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéali
514 elle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Bruns
515 à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises,
516 M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se demande M. G. Ma
517 ont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l
518 d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie don
519 isme n’est après tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévi
520 e à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura d’ autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronom
521 ller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amp
522 mme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique
523 eu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se rec
524 trange sectionnement, il aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il
525 ment, il aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit n
526 uiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologi
527 nsidérations psychologiques ou même sociologiques de ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de p
528 chez l’astronome, il nous interdira formellement de procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des rédu
529 même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependa
530 un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’ un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir l
531 les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’ une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se
532 s exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieu
533 oncrète d’une part, et le matérialisme historique de l’autre. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphle
534 je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel,
535 an, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous
536 e l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’ un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la
537 aractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’en cette commune an
538 M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté d’ autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, ce
539 e qu’ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en
540 t des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’impe
541 entiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde.
542 ui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que
543 elui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des pro
544 e pense que tout chrétien conscient des problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle ci
545 it à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mai
546 nt les critiques marxistes — et c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montr
547 cal soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour
548 raux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’ idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité
549 e une réalité transcendante — ou alors le suicide d’ un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivi
550 ructiviste » répondra qu’il croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. M
551 ’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’une telle mystique, —
552 objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’ orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vou
553 e-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
554 réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, s
555 littéraires du 20 février, inaugurant une série d’ études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu
556 s renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15.
557 e de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15. « Remarques sur l’irréligion contemporaine ». e.
558 ’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184
559 Denis de, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie , Paris, mars 1931, p. 184-189.
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
560 Une exposition d’ artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’il y en a
561 itoire pour toute carrière artistique, un facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
562 istique, un facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la d
563 sur une même affiche et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raou
564 che et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Z
565 étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le sculpteur Gi
566 mystère ; demandons-en l’explication à la Préface d’ un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et pa
567 s nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et
568 rcle. Héritiers du plus grand affranchissement et de la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’av
569 e la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles
570 s voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’ essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derri
571 t, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maiso
572 lles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étr
573 housiasmes en désordre s’agitaient entre les murs d’ où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La conf
574 rrondissaient autour des livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une
575 ds morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeuness
576 e et le fou, semait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout red
577 it en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : le
578 nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie . Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : les mots
579 ait une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur
580 n ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’ objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux
581 choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifeste
582 er l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard particulièreme
583 testants, il s’agit de manifester les préférences d’ une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite.
584 e réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains critiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du prem
585 thie sincère et souvent fort admirative. Le titre de l’exposition, si l’on y prend bien garde, éludait dans une certaine m
586 ait dans une certaine mesure la question délicate de l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
587 rtaine mesure la question délicate de l’existence d’ un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes pr
588 art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’ « artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que
589 « artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doi
590 s de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et
591 s ne constituent pas, en définitive, les éléments d’ un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ar
592 t. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ artistes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. C
593 pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’av
594 e représentait une telle exposition, le caractère d’ avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à di
595 er accès à un ensemble aussi complet que possible d’ artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors 
596 e. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidités,
597 ines rigidités, pensez-vous, certaines austérités de style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vau
598 le ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trac
599 ugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des
600 ous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. A
601 des artistes contemporains, avec une « Peinture » d’ un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de
602 rains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
603 de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de ca
604 grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé d
605 coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
606 , et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » d
607 ès plaisant « Essai pour une Italie protestante » de P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
608 . Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz
609 spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de
610 ur « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment rep
611 ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’ art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « To
612 lpture est brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôler
613 brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Peter
614 e de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’ innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovate
615 Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art ph
616 nd, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique
617 de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine.
618 l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans dout
619 appant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C
620 de l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à
621 -Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à sujet religieux qu’annonce cette grande composition : t
622 bole mystique sur le ciel vert du plus grand jour de l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importante ménagée aux œuv
623 up remarqué la part importante ménagée aux œuvres de décorateurs : paravents, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a
624 ent est bien huguenote : elle remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle ma
625 aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, s
626 e, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de
627 mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissoci
628 c’est le trait le plus évidemment « protestant » de l’art français.   Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un
629 tant » de l’art français.   Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contr
630 aisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que
631 que cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestan
632 u’est le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définit
633 qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’ un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous
634 t protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un
635 nsons même que la renaissance et l’épanouissement d’ un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’e
636 paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de princ
637 intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèm
638 ue quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans
639 finis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif
640 — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’ appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant d
641 ns ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qu
642 tions, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à
643 dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d
644 tmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d’ une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine s
645 elle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’es
646 trine se relâche et s’estompe, moins l’art montre d’ accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiq
647 âche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette
648 piration. Une remarque encore. Certains critiques de cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinis
649 tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon d’ art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme par thomism
650 , il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets chrét
651 ulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’ un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’es
652 seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art a
653 e pour transcender la confession qui lui a permis de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art ch
654 onfession qui lui a permis de naître. La grandeur d’ un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont
655 de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
656 n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de , « Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Pari
657 étien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’ artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274
658 osition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie , Paris, avril 1931, p. 274-277.
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
659 e Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanal
660 ng (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’ un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’A
661 L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’ Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèb
662 al de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondat
663 d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’Écol
664 d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
665 se de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois
666 rique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférence
667 bre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférences sur les prob
668 trois conférences sur les problèmes fondamentaux de la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis a
669 transmis aux Américains — reste un trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à l
670 e un trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en t
671 . Accueilli avec quelque perplexité par le public de la première conférence, sifflé à la seconde, ovationné à la dernière,
672 haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregist
673 lèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’ être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique,
674 une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’o
675 ette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’ observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misè
676 ouvent profondes sur les grandeurs et les misères d’ une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière
677 du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux de comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défens
678 e comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le
679 e condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’ une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe de
680 serling apparaît comme un type très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis
681 Keyserling voit la cause du développement exagéré de la technique dans le fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
682 Il faut organiser la conquête et la distribution de ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime
683 ser la conquête et la distribution de ces biens : d’ où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a e
684 , légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement de presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, c
685 entraîné le renversement de presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilis
686 istianisme primitif) — la pauvreté est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’id
687 honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique
688 res, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’ adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie
689 s traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux va
690 ptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’ une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur prim
691 git de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à
692 la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à cette
693 té : car c’est à cette condition seulement que la vie humaine gardera sa signification. En somme, on pourrait résumer la pe
694 fication. En somme, on pourrait résumer la pensée de Keyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tou
695 eyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’ assurances à tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « for
696 canique et « formidablement ennuyeux » — un idéal de risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mais tout ce
697 sons connaissance mystique. g. Rougemont Denis de , « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931,
698 s de, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie , Paris, avril 1931, p. 287-288.
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
699 Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
700 )h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphn
701 rice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On
702 té de milliers de lecteurs français avec un livre d’ un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman d
703 teur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beauc
704 r le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600
705 es à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, i
706 mpte plus de 600 pages dans l’édition française — d’ un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt
707 pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’ émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
708 d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque di
709 tion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue,
710 n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’ une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « 
711 pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » q
712 C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux
713 st l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’ une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux da
714 les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond de presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et
715 e Baring exprime ce troisième sujet par deux vers de son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui
716 Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l
717 raduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’ en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez sav
718 ux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez savoir comment cela s’applique à mon hist
719 ! non, c’est au contraire décharger ces critiques d’ une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside
720 iques d’une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans l
721 tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’el
722 t intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire adm
723 petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent devi
724 res d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’ eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenu
725 cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne s
726 e pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui at
727 ette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’ un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autre
728 dans la libéralité avec laquelle il nous invite à de multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le
729 personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’ar
730 mple. La Société dans laquelle évoluent les héros de Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. C
731 Cela permet à l’auteur autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cel
732 ions matérielles fastidieuses ; cela permet aussi de résoudre certains conflits apparemment sans issues : les acteurs du d
733 ontinue, pour notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre inté
734 ur notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée d’ aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se
735 nt. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniq
736 e difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constit
737 rivilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que ce
738 r l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’ affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vi
739 e rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que l
740 âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring n
741 u contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manqu
742 ourante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mér
743 , et c’est là l’important. Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le
744 Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
745 ire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa m
746 t « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’ une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’
747 aliser » au lecteur le tragique de la durée d’une vie . M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existen
748 de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
749 uivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince R
750 sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un
751 ort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un je
752 umba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence d’ une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souff
753 ne femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’ aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévit
754 i ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tr
755 sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve d
756 lement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’ un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée mê
757 Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’ une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le
758 ire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’ une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincan
759 dans sa durée même l’élément le plus convaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’his
760 , et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique pa
761 onique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’ une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence d
762 17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence du senti
763 s sommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension
764 cension continue, mais une fois atteint le moment de sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, v
765 r, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant d’ essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée —
766 ’essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée — sont nécessairement douloureuses. Certains, peut-êt
767 e du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que
768 e de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
769 face. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’ une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde
770 rofonde ressemblance avec les Affinités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton
771 inités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incident
772 un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le
773 rsonnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaî
774 uvoir de séparer le bien du mal parmi les actions d’ autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
775 e connaître. Simplement, il enregistre les effets d’ une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il
776 justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent.
777 rovoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoï
778 qui se dégage lentement de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas
779 t de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’ égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une con
780 confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’ égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais ce
781 çus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’ une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentem
782 bien plus amer et noble, du consentement aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
783 lus amer et noble, du consentement aux lois de la vie . Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fat
784 nt aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte
785 ités humaines, ce qui compte chez les personnages de Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer
786 chez les personnages de Baring, c’est la manière d’ accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela
787 Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme le sujet impli
788 re d’accepter une destinée, de la transfigurer ou d’ y succomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit
789 a qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexpri
790 romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’ inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque
791 e les faits, agit comme un « moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est
792 aliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
793 u’il consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage a
794 rincesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est
795 la phrase par quoi se termine un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le
796 un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique…
797 e de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement
798 dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. »
799 e sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanch
800 l acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a don
801 e n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane «  de naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholiqu
802 ne tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond : « Je n
803 u’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement
804 ent : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que
805 mais en question les exigences les plus terribles de la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle appliqu
806 acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté de soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’ape
807 que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure d’ esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque im
808 ement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces
809 des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui
810 . Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas d’ autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souha
811 ouhait (ni plus ni moins que la majorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrin
812 e cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusants ou cruels qui
813 Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’ég
814 à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile d’ en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harr
815 tait bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prê
816 ant catholique…, puis Edmund Lely, cousin germain de votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étrang
817 catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon natur
818 par une humanité charmante, « une façon naturelle de traiter les questions religieuses, sans fausse honte ». (Seuls, parmi
819 le pas attirée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle a
820 rée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrè
821 qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’es
822 e la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’
823 de cette œuvre où l’on parle le plus directement de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page inc
824 s en discussion. Je sais bien que tout changement de confession ramène les mêmes arguments qui retiennent l’esprit à la pé
825 nétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est d’ autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse q
826 jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, gros
827 t plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la th
828 enser d’ailleurs, car en définitive la conversion de son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible q
829 ièrement suffisants et rendent superflue l’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par c
830 sserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les d
831 tte erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’ une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres page
832 ent les discussions, et qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur
833 t qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’ une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de
834 ndication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’ un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
835 tion tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de B
836 e sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est un
837 qu’elle trouve, à force de souffrance, le courage de sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à
838 bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que B
839 rité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fond
840 pressible argument du bonheur, fondement pratique de la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contr
841 e la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastroph
842 e, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante de nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre
843 nfondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer d’ immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité
844 ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit d’ attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux
845 décisif, viennent apporter ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
846 ter ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’ être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui com
847 triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sa
848 chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sans aucun doute l’accord le plus prof
849 0 donne sans aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle a
850 s aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle au père Mich
851 mprenez tout à présent. Je vous demande seulement de prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
852 e ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’est presque, mais pas tout à
853 is des erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous laisser mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus
854 ésespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme di
855 « Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi
856 l état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surp
857 n lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’ un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous auro
858 exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme, d’ Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasio
859 , éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de
860 est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse
861 de, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se
862 yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’ un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas
863 trement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche pa
864 h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie
865 La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie , Paris, mai 1931, p. 344-350.
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
866 Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux frança
867 Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un
868 t religieux français, est un événement qui mérite d’ être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestanti
869 me en particulier. Depuis quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce,
870 s quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue franç
871 ommerce, la Nouvelle Revue française , la Revue de Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans
872 ont été consacrées, en particulier dans la Revue d’ histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierke
873 crées, en particulier dans la Revue d’histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dan
874 la Revue d’histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
875 asbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côt
876 Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publicatio
877 aphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de
878 , la publication prochaine des œuvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-êt
879 , — du plus actuel, je dirais même du plus urgent de tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1
880 existence (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au D
881 nce (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark
882 ° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkeg
883 rkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un
884 ami de son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’a
885 é de Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la véri
886 ant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’ avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue ch
887 le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard
888 rkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans l
889 tôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’ avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les At
890 at et avides d’avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme offici
891 es contre le christianisme officiel furent l’acte de Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici com
892 estant pouvait trouver pareille formule. Le héros de la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, n
893 Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le
894 u plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé de « l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel hom
895 ’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychol
896 ie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut t
897 plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïe
898 ogie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’ analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être pla
899 lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplore
900 le ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fr
901 les espèces du fragment le moins caractéristique de Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-mê
902 ormel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins
903 n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danoi
904 s, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant
905 s moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’ humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d
906 en de cynisme et d’humanité un document peut-être d’ autant plus intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit m
907 t peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’ un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros d
908 émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienn
909 . Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et v
910 de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle
911 action en France au moment où l’intérêt passionné de beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple f
912 né de beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attache
913 contre du message de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkega
914 Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’ un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus,
915 valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’ esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aîn
916 Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’ absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sû
917 agnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fou
918 ent. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je ser
919 et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis de , « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte
920 i. Rougemont Denis de, « Kierkegaard », Foi et Vie , Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte non signé.
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
921 maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vé
922 vre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’ intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures
923 intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des
924 cette « traversée » de deux littératures. Combien d’ heures de marche monotone à travers des moraines et des névés intermin
925 raversée » de deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, po
926 vés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à n
927 lques instants de plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqu
928 rsonne même n’avait signalé cette curieuse lacune de notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient p
929 ire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas d’ histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera s
930 eux — il trouvera sa place dans votre valise — et d’ une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce
931 ux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins d’ analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un rep
932 vrages documentaires, pleins d’analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en mêm
933 taires, pleins d’analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une
934 itations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination. On goûte
935 ssent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La mont
936 illeux réactif, au contact duquel certains traits de caractères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significati
937 ertains traits de caractères nationaux s’accusent d’ une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’a
938 ortant et radicalement différent. Nous essaierons de l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
939 n. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté de la littérature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écr
940 ature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspirat
941 ucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œu
942 inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’ œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron,
943 aubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus
944 s vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre d’ imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, apr
945 inaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, après lui, feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
946 n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions
947 autes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie
948 ne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silen
949 parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie  : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silencieuses
950 euses qui s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot adm
951 ’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable, « l
952 de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’ un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dan
953 é dans ces solitudes que les autres contemplaient d’ en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surpre
954 e anglaise, au contraire, a donné toute une suite de chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’in
955 yriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’ individualisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur
956 mmets, qu’écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
957 excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment d’ extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependan
958 u encore (Wordsworth) « les types et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c
959 es et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’ un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration sp
960 rnité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’ un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poé
961 lley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’ adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables «
962 tion spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de
963 ations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamai
964 e lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symb
965 gne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, n
966 résonances vraiment altières, celle-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons
967 -là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait re
968 ttérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est
969 our la première fois, le ton des hauteurs, le ton de celui qui les a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietz
970 es a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises,
971 ment aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l
972 inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opp
973 littérature qui transforme les sommets en images d’ un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni b
974 mets en images d’un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle p
975 sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’ une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces
976 e du tableau franco-anglais, fournit un contraste de haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivement à des inter
977 nt une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui
978 t le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classic
979 ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspiren
980 pestre. Il contient en puissance toute une morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère
981 leur inégalable : il y trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais
982 négalable : il y trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t-
983 as informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idée
984 ons de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer vé
985 lation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certai
986 se tournent vers ces derniers symboles physiques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carenc
987 ces derniers symboles physiques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l
988 tude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’ une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que n
989 s Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contem
990 inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe,
991 où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le re
992 plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déce
993 Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie d’ une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se cont
994 tre le goût du sport trahit-il la nostalgie d’une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se contenter à
995 bon marché, et personne ne croit plus à la vertu de simulacres à ce point galvaudés. (Un Montherlant lui-même, récemment,
996 .) Deux chances sont encore offertes aux amateurs de risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous
997 isme. On commence à nous donner quelques « romans de l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier
998 r des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre,
999 s et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
1000 , « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie , Paris, juillet 1931, p. 548-551.
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
1001 nt l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire
1002 nt simple qui nous introduit dans la connaissance de la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesqui
1003 est-il réellement impossible à une âme chrétienne d’ atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par
1004 lle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons.
1005 un terrible péché du christianisme européen, que d’ avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux q
1006 que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement ét
1007 quement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y av
1008 us proche de sa grandeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent qu
1009 isme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle acc
1010 Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande maj
1011 il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majori
1012 it surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
1013 e Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’ Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemag
1014 Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en
1015 liée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous
1016 ngleterre, en Allemagne, et en France, sous celui d’ Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. No
1017 l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les condition
1018 ificatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
1019 nous manquions de témoignages sur les conditions d’ existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre sièc
1020 est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple,
1021 peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode
1022 e secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d
1023 son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’ action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une descri
1024 d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’ une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobi
1025 ’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’ une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voi
1026 affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’acti
1027 ine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité part
1028 igieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre d’ un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège ad
1029 e. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’e
1030 ue tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cau
1031 uit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sent
1032 chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’ une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre
1033 us, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelqu
1034 uvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’ agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles p
1035 nt appris à connaître les résultats considérables de l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous sa
1036 suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’ une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’ini
1037 rienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la vil
1038 le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé e
1039 e grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne
1040 ergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapideme
1041 moderne si rapidement envahi par la civilisation d’ une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce le
1042 , cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’ un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier a
1043 ître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’ un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le r
1044 iichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend
1045 t l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kag
1046 même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche da
1047 it prend fin au moment où Kagawa débouche dans la vie publique et politique. Espérons qu’une biographie complète suivra cet
1048 nnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’ une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès
1049 , et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’une vie , aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les pr
1050 trer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l
1051 s auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent d’ ordinaire aux faits pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
1052 pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur vie  ; ils négligent volontiers ce qui les rend semblables au commun des m
1053 nous assistons à l’existence la plus quotidienne d’ Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces
1054 ifficultés précises et humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre a
1055 précises et humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et
1056 humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différe
1057 désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte
1058 activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pr
1059 ivité et qui différencient radicalement notre vie d’ un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
1060 i différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalis
1061 n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’hypocrisi
1062 is de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’ une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains ca
1063 me » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’ hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra pr
1064 e à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais de la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa s
1065 gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’ allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
1066 e. Telle est la certitude qui se dégage lentement d’ une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descri
1067 i se dégage lentement d’une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vive
1068 ment d’une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire qu
1069 on peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l
1070 ls vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’ attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraien
1071 plusieurs chapitres du premier tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au
1072 tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’on avance, l
1073 ure qu’on avance, l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
1074 l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’ une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétis
1075 la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pa
1076 sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’ estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène
1077 ’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculabl
1078 nnoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares te
1079 ble de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’ affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le
1080 . Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka,
1081 que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’ Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues
1082 lampes carrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la
1083 arrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, av
1084 s stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étran
1085 a tempête. Tandis que le train longeait les bords de la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit cél
1086 un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne
1087 Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université de Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philo
1088 Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philosophiques fort curieuse, où les doctrines bouddhiste
1089 is sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit d’ embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouve
1090 liées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’ argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on
1091 me partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de
1092 barras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une disc
1093 imentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrét
1094 nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’ une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leur
1095 ussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’ un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université
1096 n vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université. Ce
1097 s, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. S
1098 Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du
1099 l quitterait l’Université pour se plonger dans la vie active et mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir
1100 d idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès
1101 noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il d
1102 près de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque
1103 il ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terr
1104 s avec son père, riche commerçant que l’on accuse de malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec
1105 défend avec violence contre les idées subversives de son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l
1106 fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiich
1107 dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui r
1108 ttre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d
1109 ur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d’ évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans s
1110 ment concilier son bonheur personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de s
1111 ale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, dont la réalisation pratique lui répugne encor
1112 iichi était partagé entre deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les princi
1113 deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tou
1114 se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bi
1115 les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plo
1116 ents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il ent
1117 en vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix inté
1118 de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si t
1119 voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vul
1120 re voix intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vi
1121 x intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie . L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vivants. 
1122 nsifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de dése
1123 er en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le f
1124 ko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’e
1125 itter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre da
1126 t s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orienta
1127 e l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvr
1128 ortir, mais en même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pen
1129 mais en même temps décide de l’orientation de sa vie  : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pa
1130 ogement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut
1131 nte. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funéraill
1132 r une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son
1133 a société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, qu
1134 tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite ent
1135 cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne p
1136 panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa Eiichi, il y av
1137 entiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’ Ophélie, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
1138 i, il y avait la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discord
1139 la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbal
1140 tout lien avec le passé, comme on franchit le pas de la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions
1141 ant lui était le monde : le monde, l’énorme asile de fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourment
1142 prise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c’était le
1143 nde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que, de ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il
1144 our-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels
1145 t ordre de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir
1146 familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se conv
1147 enfin, brusquement, au moment où il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui d
1148 la boue, sous la pluie. Il renaîtra bientôt à la vie , mais cette fois pour se donner tout entier à la misère des bas-fonds
1149 r se donner tout entier à la misère des bas-fonds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des
1150 onds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’ un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
1151 qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lu
1152 squ’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la no
1153 la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure de saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire d
1154 ple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
1155 bit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et direct
1156 e deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu li
1157 euxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire d
1158 partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus
1159 ces milieux. Finalement, la police accuse Eiichi d’ avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scèn
1160 scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’ être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur,
1161 e étude psychologique, en observant sur le visage de celui-ci les expressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lu
1162 Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin
1163 étude pratique de désordre mental dans une classe d’ école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les ch
1164 s une classe d’école, tant il était calme et loin d’ être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profe
1165 e et loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment
1166 les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
1167 e vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de jug
1168 le, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire q
1169 e exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle
1170 livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous l
1171 bles. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie d’ Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passen
1172 es aussi inutiles que les procureurs passent leur vie , pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sym
1173 ssent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire
1174 iichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-v
1175 si ce n’est par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une mi
1176 s s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient de branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants.
1177 Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minu
1178 . Le Procureur regardait distraitement son carnet de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible d
1179 t jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoire
1180 impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds
1181 conclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité d’ une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulièr
1182 ous quelques instants devant la beauté singulière de l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse
1183 lligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de
1184 est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volon
1185 vés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
1186 ans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent d’ une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune
1187 a critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre in
1188 es actions. Il les note, simplement, sans oublier d’ indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les prov
1189 ouvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace d’ ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours
1190 artialité. C’est toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. P
1191 rité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’ un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pa
1192 u’il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’ hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouvea
1193 eu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante
1194 éclate particulièrement dans l’analyse des motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands R
1195 ï surtout. Et par tous les revirements intérieurs de ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa v
1196 ges également. Quant à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois,
1197 alement. Quant à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désesp
1198 à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’ égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heure
1199 ante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne reg
1200  !”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et d
1201 dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se d
1202 n tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à
1203 r que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui,
1204 mour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepter
1205 ida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’
1206 manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vi
1207 espoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la m
1208 ent dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pie
1209 ut était étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir
1210 Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il ac
1211 décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’ex
1212 ment à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suic
1213 e, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presqu
1214 i eussent préféré l’habituelle effusion en patois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitr
1215 tois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatemen
1216 tes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les exp
1217 a difficulté. Les rares allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les col
1218 s derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté d’ un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile sel
1219 ier, priant continuellement pour obtenir la grâce de devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur
1220 ellement pour obtenir la grâce de devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une mo
1221 s. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’ une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et l
1222 d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfant
1223 Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne d’ une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du rega
1224 tel est le signe et la mesure certaine. Au cours d’ un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jam
1225 aineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion
1226 des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’obje
1227 ets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet détermi
1228 capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette e
1229 es réformes socialistes — mais cela dispense-t-il de chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier à
1230 r d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’ étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère at
1231 s le devraient.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant qu
1232 ctible. Car la question sociale n’admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan
1233 re de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résou
1234 , sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraig
1235 te et par un acte intérieur contraignant, un acte d’ incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus t
1236 ose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’ un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif
1237 rétien primitif n’est-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fai
1238 agawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui
1239 imiler christianisme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte
1240 sme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Toyohiko K
1241 s perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube  », Foi et Vie, Paris
1242 e rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube  », Foi et Vie , Paris, septembre 1931, p. 623-632. m. Une note précise : « Éditions
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
1243 bre 1931)n o La manière est toujours l’indice d’ une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.)
1244 « manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y vo
1245 ’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’ un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du
1246 is d’un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité don
1247 élèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récit
1248 tanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
1249 pourvu dans une mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances
1250 elle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent
1251 tement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme
1252 — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui
1253 se définit et se limite par l’épithète valéryenne d’ exquis. On sait quels « jugements » Gide s’attira naguère, dont la « s
1254 ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’ un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fa
1255 d’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’ une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement d
1256 crie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que
1257 sait qu’il y a dans le monde moderne trois sortes de gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce
1258 ral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr d’ avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit
1259 à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’
1260 sons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’ aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer
1261 dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gi
1262 ivers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sai
1263 dré Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si adm
1264 ves. Non seulement Gide a presque toujours raison de ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte
1265 ourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pare
1266 de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : l
1267 ssiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dan
1268 avent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cru
1269 i tenta de soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout
1270 ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honor
1271 à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’ un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le j
1272 icipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
1273 sprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’ être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne
1274 tojustification obsédante que les derniers écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à s
1275 donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainemen
1276 icale. Ce qu’il faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyau
1277 liser des dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces sc
1278 des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fait tourner soudain, les fait cailler en coquetter
1279 iller en coquetteries. Et voici que l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consci
1280 en indiscrétion, et cette retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sau
1281 ne impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui veut la perdre la rendra vraiment vivante »
1282 e inlassablement M. Gide25. Seulement, celui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pou
1283 nt, celui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie , et non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-
1284 e du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’ y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels s
1285 ige en dialectique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes »
1286 s que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangi
1287 ons en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout pr
1288 ue inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique
1289 eu. Et tout précepte évangélique une fois détaché de la grâce se décompose avec virulence en sophismes, ou bien engendre d
1290 on est d’abord séduit par la finesse et la mesure de leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis,
1291 on-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente d’ être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus o
1292 mpatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe
1293 ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas
1294 doxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce
1295 t-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le d
1296 as à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fon
1297 ’est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’ acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si déta
1298 héâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-mê
1299 e fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pa
1300 , de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la si
1301 rement un faux témoin ? Étendons la signification de ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamai
1302 sereinement contradictoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autre
1303 ctoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se
1304 s autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écr
1305 e entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de
1306 l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéress
1307 pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’un jeu d’ équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions trans
1308 uilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppres
1309 me qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses con
1310 l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans dout
1311 ations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montr
1312 imple qu’il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division interne, une fois reconnue, doit être accept
1313 our moi je tiens que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et
1314 commande. Non point à cause de la logique ni même d’ une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’an
1315 e. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle str
1316 cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement q
1317 usement intelligent. On n’y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une per
1318 parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphy
1319 xprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque d’ enthousiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne dé
1320 Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme, d’ « endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en
1321 housiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir,
1322 détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’ agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesur
1323 ien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’ aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscien
1324 ous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscient, exquis, mais,
1325 omplaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d’ une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette
1326 jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde de demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certa
1327 supposer qu’il écrivit en préface au livre récent d’ un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
1328 is par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshuman
1329 », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine.
1330 e ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je croi
1331 sse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours
1332 , les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les déno
1333 , nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
1334 trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout
1335 ’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement d’ éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologi
1336 ment d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’ une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme
1337 tance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoi
1338 ’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’ un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines
1339 r. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateu
1340 ines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
1341 ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas d’ être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulon
1342 eurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des e
1343 est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, m
1344 pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommensurable tragiqu
1345 homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impression pénible de se m
1346 is là où d’autres produisent l’impression pénible de se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : sou
1347 ui me regarde et qui me perce, — et me fait honte d’ oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il adopte : « mais ce
1348 celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris,
1349 te rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie , Paris, octobre 1931, p. 725-729. o. Une note précise : « Divers (« 
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
1350 ment, dans un article des Nouvelles littéraires d’ un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la
1351 article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M.
1352 divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un
1353 son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la ci
1354 rivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais d’ éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce prop
1355 nt26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a fa
1356 nt. Et précisément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la
1357 isément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l
1358 e de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésist
1359 partient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait po
1360 , avait ce qu’il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros,
1361 lait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la ré
1362 lantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son m
1363 ce protestante contre le Cardinal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible
1364 métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer devient aux trois quarts protestante — et
1365 uf-mille marins). Loti est un protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevoi
1366 contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique,
1367 oute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un
1368 Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’ un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime,
1369 la littérature intime sont un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes re
1370 un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouve l
1371 intéressantes remarques, où l’on retrouve le goût de l’analogie historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Alb
1372 historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un
1373 t fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai t
1374 bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’ un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston
1375 non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’ un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études li
1376 complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes c
1377 udes littéraires et morales. Nous sommes certains d’ intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages
1378 s. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. N
1379 rs de cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle
1380 revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
1381 sistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’ une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tand
1382 s, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis que
1383 ti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscien
1384 nge d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’ affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige
1385 re dans la jouissance présente. La structure même de ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différ
1386 ans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dé
1387 ur, car quoi qu’on dise de la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière
1388 fférence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant qu
1389 roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée co
1390 osition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où
1391 de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se formai
1392 nt une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et
1393 ient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’ événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se
1394 t les livres sont fragmentaires, ils se composent d’ une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées
1395 sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des
1396 an moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet, d’ appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-mo
1397 s à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces rem
1398 comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’ Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de
1399 mbien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que
1400 , je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle é
1401 temps où le domaine intérieur du recueillement et de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étai
1402 de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu e
1403 adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’un
1404 it plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont no
1405 ion, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable,
1406 nces sont encore là, mais non plus les espérances de la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la ter
1407 t autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie, déso
1408 ort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie , désormais sans au-delà, sans relation avec l’infini, se trouble et s
1409 et, dans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous l
1410 uffrance s’est écrite dans les pages innombrables de notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’
1411 bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin d’ épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : el
1412 protestants du xixe siècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme,
1413 surpris de constater à ce sujet que les jugements d’ un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il
1414 les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’ un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à
1415 souvent sans les connaître. Et « le point de vue de Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui
1416 x qui le professèrent (en dépit de certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Di
1417 de certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’ une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain
1418 ujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que bea
1419 de qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Pa
1420 : Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont Denis de , « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-
1421 mont Denis de, « Le protestantisme jugé », Foi et Vie , Paris, octobre 1931, p. 751-754.
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
1422 Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’ intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « s
1423 n’a relevé, que les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pi
1424 aires de l’année 1931 soient allés à trois romans d’ écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumb
1425 anime a salué dans Le Scandale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse
1426 candale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Clai
1427 ost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous l
1428 de somme romanesque des errements de la jeunesse d’ après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages fé
1429 rrements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son aute
1430 ges féminins, et classe son auteur dans la lignée de ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d
1431 istes français » auxquels nous pardonnons souvent d’ être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils
1432 donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
1433 nce plus avide, au fond, de formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’u
1434 Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’ un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un é
1435 nfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’ une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central t
1436 d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’ un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on di
1437 en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —, d’ une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
1438 e gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’ une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerr
1439 pparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre, Jean Schl
1440 ais voici qu’on proclame au contraire l’avènement d’ une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispi
1441 observer que les romanciers protestants montrent de préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que
1442 s montrent de préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attarde au spe
1443 là la famille qui se défait30. Mais gardons-nous de voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacri
1444 e la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son exp
1445 oderne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’ une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraimen
1446 es d’une éducation protestante ou catholique, que d’ une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-
1447 est à juste titre, croyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute
1448 stants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marqu
1449 eligieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À l
1450 rois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’ une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’
1451 , n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’ un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bie
1452 s » nous y pousseraient, à force de reniements et d’ ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices
1453 ousseraient, à force de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La questio
1454 ce de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit ê
1455 ’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un pla
1456 ique : s’agit-il jamais en effet pour les témoins d’ une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils p
1457 amais en effet pour les témoins d’une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire co
1458 les témoins d’une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci
1459 e question qu’elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit
1460 ous les méritons encore. Comme le disait un homme d’ esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de c
1461 ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, ca
1462 on se réclame est éloigné, moins on a de chances d’ en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et
1463 ns pour notre protestantisme un jugement indirect d’ une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
1464 ’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous r
1465 e moralisme nous trahit Partons du cas concret de nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’e
1466 vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa po
1467 passe, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros d
1468 t pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinc
1469 Les héros du Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter d
1470 Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor
1471 bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
1472 transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’ une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timid
1473 porter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à s’e
1474 souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’ indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il se
1475 e, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et d’ inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vérita
1476 t d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’
1477 endroits où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’es
1478 le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus
1479 ent chez Jean Schlumberger une volonté consciente de réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catég
1480 e virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais
1481 es de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’a point
1482 n certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’ explicitement religieux : cela n’a point empêché ces trois romans de f
1483 ligieux : cela n’a point empêché ces trois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». J
1484 ois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un
1485 livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’év
1486 n peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’ évidentes préoccupations morales, composent précisément ce que beaucou
1487 re protestant »32. Et c’est cela qui est grave, —  d’ autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de comp
1488 a qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette
1489 rave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malen
1490 e compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode.
1491 gent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « p
1492 radition », pourtant cache assez mal la faiblesse d’ un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approxim
1493 approximative. Nous ne saurions assez nous garder d’ accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il e
1494 cepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. C
1495 e, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la
1496 le plus durement jugés. Était-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
1497 ait-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
1498 i dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission se
1499 originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom de libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et
1500 as, décorait du beau nom de libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos pré
1501 s des mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par e
1502 relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les aff
1503 s qu’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Fran
1504 du Français moyen, « protestant » devint synonyme de « moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-l
1505 moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel é
1506 e ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer un
1507 incre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande part
1508 responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans les
1509 ontrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crur
1510 oucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appu
1511 us désolidariser de certaines formes de pensée ou d’ action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont
1512 rent trouver des appuis, mais dont nous souffrons d’ autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandon
1513 vivement que le monde actuel nous met en demeure d’ abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme
1514 donner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’ un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En partic
1515 , s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez cons
1516 mes-nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui ren
1517 t ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon
1518 nutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en dro
1519 alisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a d’ injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être point frappés d
1520 ons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’ incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son
1521 re d’incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la co
1522 is comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessè
1523 t frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué de n
1524 aît bien la confirmer : le dessèchement distingué de notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui m
1525 t. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’ art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le
1526 ifiques. On peut donc poser que le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent,
1527 ui par ailleurs flattait un penchant traditionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse ten
1528 it français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’ analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit
1529 yse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du te
1530 affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’ édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
1531 du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne pa
1532 . Tout ceci ne participant que très indirectement d’ une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirmen
1533 de vue purement littéraire, si l’on tient compte de la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement d
1534 sme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux m
1535 sitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître
1536 fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
1537 te théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains
1538 ce. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent bana
1539 force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression d’ une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités
1540 e prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle d’ une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de
1541 onne et qui flattait curieusement certaine notion de « correction » bourgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’el
1542 se. Elle « craint » la vérité ; non point au sens de ce verbe qui signifie la révérence, mais comme on craint le risque, q
1543 craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire tou
1544 ogie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vi
1545 int de dire toute la vérité n’exprime par là rien d’ autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis
1546 hodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément
1547 développer précisément à l’époque où la théologie de Calvin, pessimiste quant à l’homme, mais confiante dans la grâce, cèd
1548 confiante dans la grâce, cède le champ aux idées de Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici do
1549 e, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à
1550 ne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud
1551 ieur où Freud naguère porta l’impitoyable lumière de l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affa
1552 comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressi
1553 he. Ainsi l’atmosphère moraliste a tué les germes de l’imagination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que
1554 étouffer, elle a souvent faussé le développement de ces germes ; les produits d’une terre ingrate grandissent comme une d
1555 ssé le développement de ces germes ; les produits d’ une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté matern
1556 ’une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laque
1557 n de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en m
1558 elle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance van
1559 ée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’ Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irré
1560 ance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqu
1561 t conduit le protestantisme à la négation absolue de son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux q
1562 tion bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes de l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous auron
1563 s aurons compris que la santé est dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire
1564 lité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux m
1565 par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous v
1566 ’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si lo
1567 s par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est
1568 Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que
1569 rande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’ un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, n
1570 l dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temp
1571 uit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
1572 n Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibil
1573 rsen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si
1574 et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’ Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si aut
1575 lité si authentiquement évangélique — comme celle d’ une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Je
1576 vangélique — comme celle d’une Lagerlöf — se lier d’ amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) L
1577 us grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski o
1578 grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou d’Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspe
1579 C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou d’ Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspectives bouleversan
1580 u moralisme. La grande poésie naît du tragique et de la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir une
1581 elque jour en France surgir une poésie chrétienne d’ inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonct
1582 qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’ où naquirent les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’aut
1583 jonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’ un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si
1584 ures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un d’ Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si la f
1585 d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’ espérer. Car si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’anal
1586 artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse d’ états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence mêm
1587 que adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états d’ âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une
1588 nalyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’ attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
1589 ats d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscit
1590 ute, il est permis d’attendre de la violence même d’ une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaume
1591 e théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Ét
1592 Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat
1593 rit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des
1594 ent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs d’ une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adopt
1595 nt souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand,
1596 erait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’ édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le
1597 isme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe d’ humilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
1598 umilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’arti
1599 e Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de
1600 . dans le dernier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la mu
1601 ticle de E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la musique religieuse d’Honegger. q. Rougemont
1602 tion de F. Münch relative à la musique religieuse d’ Honegger. q. Rougemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
1603 sique religieuse d’Honegger. q. Rougemont Denis de , « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-6
1604 mont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et Vie , Paris, janvier 1932, p. 56-63.
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
1605 rétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie fran
1606 ’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des
1607 marge des expériences accumulées dans l’exercice de ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames
1608 exercice de ces activités, composerait des poèmes d’ amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son épo
1609 romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais u
1610 rs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Ma
1611 pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut
1612 ant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’
1613 de toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dan
1614 mment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’ individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’es
1615 pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vive
1616 chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire ou h
1617 Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problèm
1618 rétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questi
1619 questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
1620 e ces questions qui nous sont posées comme autant d’ accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bo
1621 t posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un exa
1622 utant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’ envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscienc
1623 r avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’une faço
1624 e. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’ une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un
1625 ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe av
1626 Goethe et la part active qu’il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’é
1627 us parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eû
1628 er. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant c
1629 témoignages écrits de cette époque qui permettent d’ imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai s
1630 nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’ une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âm
1631 où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quan
1632 s bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement d
1633 C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’ expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
1634 ence : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » de
1635 e commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » devint-elle chez Goethe quelque chose
1636 e si étrangement à une indifférence non dépourvue d’ orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la respon
1637 es, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein d’ une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit
1638 stique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tou
1639 ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’ esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur premi
1640 Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieuse, et cro
1641 ui causent les effusions piétistes trop verbeuses d’ un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mysti
1642 ffusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’ un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tarde
1643 y atteint qu’en outrepassant les limites normales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à
1644 tes normales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pou
1645 e. Dès lors, pourquoi faire intervenir dans notre vie une recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie ? Bornons-n
1646 r dans notre vie une recherche qui risque surtout d’ être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réal
1647 recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie  ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser » dans nos action
1648 réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de lan
1649 dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de langage qui trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nou
1650 étiens, affirmons que nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce qu
1651 ns presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle
1652 que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années de la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la
1653 nn nous a livré les confidences, et où la volonté de sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de
1654 elle paraît avoir produit chez le poète une sorte de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la
1655 ligieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extéri
1656 humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce mon
1657 n devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’e
1658 stère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas, ou encore :
1659 stait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien d’ autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la
1660 Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pra
1661 semble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affi
1662 es, ou comme on disait alors, panthéistes. Source de malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la
1663 rpétuellement renaissants, et que les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sait. Mais, comme l’ét
1664 ue les adversaires de la religion eurent beau jeu d’ exploiter, on le sait. Mais, comme l’établit fort justement Curtius « 
1665 et rien que païen est une légende, et une légende d’ origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen d
1666 Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe q
1667 , au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile,
1668 ’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’ un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a p
1669 aïen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifi
1670 s que la venue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il
1671 ntons incapables pour admettre dans la communauté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’il s’inclinait devant le C
1672 vant la « révélation divine du plus haut principe de la morale », tout en vénérant également le soleil, comme une « révéla
1673 e qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareill
1674 ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception
1675 exemple. Mais c’est précisément dans la facilité d’ interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et o
1676 ’interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît
1677 candale chrétien, que gît la faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le
1678 ’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui
1679 anscendant qui interdit à la pensée la plus probe de se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est p
1680 i interdit à la pensée la plus probe de se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de di
1681 se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou pe
1682 e juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un m
1683 ieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être
1684 de autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue
1685 e chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’ être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause
1686 la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité
1687 éalité visible du péché entraîne la considération de la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mê
1688 transcendance divine, sans cesse, se mêle à notre vie pratique et vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans Faus
1689 bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour d’ En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrét
1690 raît comme non chrétien, comme antichrétien, mais d’ une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à de
1691 t à des boutades anticatholiques ou à des moments d’ humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
1692 dages piétistes. Ici, nous confesserons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se pré
1693 serons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’ appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
1694 homme qui se prétendit tel en maintes occasions, de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes
1695 de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que no
1696 tains biographes ? Mais comment juger les actions d’ un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Die
1697 Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom de chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive, apparaît comme fo
1698 raît comme fondée sur deux des réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce p
1699 théories et les systèmes dont nous jugeons urgent d’ accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugeme
1700 ? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde de 1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une huma
1701 présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’ une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres f
1702 nt justement les valeurs que le « christianisme » de Goethe paraît avoir négligées ou niées : le scandale divin, le péché
1703 e scandale divin, le péché radical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti,
1704 n, le péché radical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pou
1705 parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir d’ objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a da
1706 i qui nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une l
1707 i nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leço
1708 ust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon d’ activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
1709 ’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grande
1710 symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’ actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’i
1711 leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous to
1712 Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’ aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que n
1713 chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’ avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
1714 lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin d’ avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —, 
1715 esoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’ avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’i
1716 i même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’ être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Go
1717 efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’ hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932). r. Roug
1718 Revue française (mars 1932). r. Rougemont Denis de , « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 3
1719 ont Denis de, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie , Paris, avril–mai 1932, p. 304-309.
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
1720 C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune
1721 les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique,
1722 l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous
1723 ait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une ca
1724 bat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ce
1725 engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût d
1726 et que l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessai
1727 e — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonisme
1728 sée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risq
1729 our elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur de
1730 uer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les clercs, selon M. Be
1731 nifierait pour les clercs, selon M. Benda, la fin de l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice sa
1732 le sacrifice salutaire et l’unique justification de la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée ch
1733 lier, s’est toujours montrée soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Be
1734 soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’ action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne »
1735 se montre préoccupé des conséquences nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) « est protestant ». Mais, d’autre pa
1736  est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif d’ action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à mi
1737 ais, d’autre part, cette soif d’action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur du m
1738 te, dans l’action qu’elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la néc
1739 aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité d’ une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — t
1740 out ce que cela implique. Ils voient bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liber
1741 ensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’ une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affran
1742 ’ils le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organi
1743 s-nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques de ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril
1744 ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. T
1745 menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Maulnier vie
1746 erry Maulnier vient de réunir en volume une suite d’ études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, ma
1747 te d’études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comporten
1748 comportent nulle allusion à la position politique de ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblé
1749 ique un monde qui selon lui tend à la suppression de la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle se
1750 entait inspirée par un principe spirituel capable de rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des suj
1751 livre montre un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la cultu
1752 . Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et
1753 uple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il c
1754 l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l
1755 populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Stalin
1756 line ; il adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le
1757 adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la
1758 re ». Certes, on ne saurait demander à un recueil d’ essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiéta
1759 demander à un recueil d’essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier,
1760 p de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’ entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indique
1761 Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’ indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement
1762 se déclarer satisfait d’indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’appara
1763 quer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pens
1764 ment ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry
1765 me m’apparaît caractéristique de la pensée dite «  de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses
1766 ligieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec
1767 t pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres
1768 ssion. Il faut encore leur donner d’autres objets de passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que
1769 assion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’ un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vain
1770 nes les passions égarées, rende visible l’origine de l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui
1771 garement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’e
1772 je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis
1773 erait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
1774 e ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’ exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas
1775 oche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l
1776 is-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins b
1777 défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d’ idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions
1778 taque. Nous avons moins besoin d’idées justes que d’ idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que
1779 es que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
1780 ustes ; moins besoin de notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de
1781 es. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que ce
1782 eur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philo
1783 lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups d’ épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, l
1784 philosophie avec grand P, la doctrine officielle de la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourg
1785 inée à défendre et illustrer la notion bourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État
1786 défendre et illustrer la notion bourgeoise de la vie , et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeo
1787 n bourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, te
1788 grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
1789 urgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On
1790 e titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On peut recommander la lecture de ce livre,
1791 isième République. On peut recommander la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, u
1792 r la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pe
1793 a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naï
1794 grandes questions que la pensée moderne a convenu d’ appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est ma
1795 et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois de suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein général. M
1796 i, par bonheur, est très simple : Il n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont re
1797 nte qui dit et croit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croy
1798 ilosophie régnante est caractérisée par son refus d’ aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusi
1799 hilosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse d
1800 urs sur la technique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Ni
1801 chnique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’ immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « commen
1802 ssage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produit
1803 t M. Nizan, « comment ces produits tératologiques de la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires … la tubercul
1804 t expliquer aux hommes vulgaires … la tuberculose de leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et
1805 res … la tuberculose de leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travai
1806 acances, les guerres, les grèves, les pourritures de leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi
1807 sans rime ni raison » … « Il n’y a aucune raison d’ écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur d
1808 n » … « Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses »
1809 ter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos ph
1810 ons. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de
1811 s ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’ exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout
1812 nd, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
1813 ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
1814 osophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup de leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dé
1815 te que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’ une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement con
1816 stique, pensée purement conceptuelle et dépourvue d’ intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le
1817 ne action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M.
1818 que le sien à l’endroit des résultats « humains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
1819 moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’ une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg.
1820 u’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’ homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substit
1821 émesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est,
1822 eois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considé
1823 iscutables que la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en
1824 s connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime
1825 l et concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un parti
1826 partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause.
1827 n, qui est marxiste, si la lecture et la pratique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obl
1828 itude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au se
1829 vatrice, une joie au sein de la douleur, la force de supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager
1830 er des souffrances physiques, la force et la joie d’ envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la j
1831 une transfiguration tragique, la force et la joie d’ envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque i
1832 tion tragique, la force et la joie d’envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque instant total, ét
1833 ées concernent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse p
1834 ncernent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible
1835 nent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et
1836 cherché auprès de philosophes secrètement avides de prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituell
1837 canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militan
1838 témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-
1839 être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a
1840 a révolution menaçante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser danger
1841 ante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais l
1842 eux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas. Ca
1843 rxistes n’y échapperont pas. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
1844 . Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’ envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ê
1845 morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appareil d’ assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicale
1846 lement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions de la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932. 39. Chez Rieder,
1847 Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de, « Pens
1848 i prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de , « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
1849 emont Denis de, « Penser dangereusement », Foi et Vie , Paris, juin 1932, p. 478-484.
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
1850 répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporain
1851 s plus tonifiants et plus actuels, je veux parler de la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auque
1852 ive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par e
1853 effet, de constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages pure
1854 nt romanesques va en diminuant, et cela au profit d’ une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de
1855 a au profit d’une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livr
1856 ne littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essa
1857 i tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
1858 s de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius
1859 religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français
1860 l fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Al
1861 succès en Allemagne remonte aux premières années de l’après-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le
1862 rès-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut re
1863 par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état gé
1864 vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’
1865 , à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine d’ ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelqu
1866 and. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’ une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions rom
1867 . Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures de bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre exis
1868 contemporain voit bien que la question n’est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de re
1869 voit bien que la question n’est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien
1870 e distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
1871 as quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en es
1872 acé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des di
1873 ver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir d’ arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi ex
1874 ibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider le
1875 ussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’ écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou
1876 te multitude d’écrits, dont le propos général est d’ élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précéden
1877 st d’élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précédent où s’engage l’humanité tout entière. ⁂ En Fra
1878 urs, le « grand public » considéra que la lecture d’ un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le
1879 éra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout
1880 des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’ atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la
1881 tteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode . Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue franç
1882 a mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’un snobisme i
1883 ouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’ un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pu
1884 imposer, par l’effet d’un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs purement intellectuelles la plup
1885 mans qui posent des problèmes ». On appelait cela de la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne épr
1886 difficultés à suivre les développements lumineux d’ un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisa
1887 isaient penser. J’exagère à peine. La littérature de l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient p
1888 rtie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décev
1889 foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile d’ obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on ha
1890 té le voile d’obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimenta
1891 voile d’obscurité purement formelle dont la mode d’ alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimentale.
1892 emble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées d’ une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seul
1893 is, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une reva
1894 que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’ aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessair
1895 nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C
1896 l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y
1897 t de plus subversif dans les salons. « Se nourrir de romans », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c
1898 », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est-ce le cinéma qui a c
1899 une époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan quinquennal s’édif
1900 ir ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines d’ un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenn
1901 es d’un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêve
1902 révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette é
1903 umanité risque de mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le
1904 mme une fièvre, le romanesque éclate, remplit nos vies , ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçant
1905 vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’ une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre
1906 e atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvi
1907 s qui nous parviennent du monde sont comme autant d’ épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’u
1908 parviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’ un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt p
1909 autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. E
1910 me qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’ un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans
1911 . L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document
1912 ase mille fois entendue. Les journaux se couvrent de photos. La couverture photographique triomphe chez tous les éditeurs.
1913 s, des reportages à grande distance, les mémoires d’ Alain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid, cinquante volumes s
1914 nce, les mémoires d’Alain Gerbault, les aventures d’ Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq
1915 reid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des al
1916 an de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous
1917 cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-
1918 formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre
1919 uel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vra
1920 sprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience de la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en rev
1921 tre qui veut penser le monde. Incapable désormais de s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passi
1922 l y a quelque dix ans, les premières Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourra
1923 Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Pa
1924 d succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Paul Valéry : Regards sur le monde actuel. Les grandes controverses m
1925 our de la Trahison des clercs, autour du problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi e
1926 u problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrage
1927 e (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de
1928 on à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Ro
1929 de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour
1930 l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus ai
1931 uvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la cultu
1932 Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pe
1933 bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de gr
1934 eurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes t
1935 Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’ E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l
1936 ort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tou
1937 e bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le
1938 s, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier de revendications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a deux ans, Berna
1939 ns un article retentissant, annonça son intention de « casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvai
1940 es reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la s
1941 aire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance de l’éditeur, habile à saisir dès leur naissance les désirs à peine cons
1942 nts du grand public. On n’a pas cessé pour autant de publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succè
1943 l grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire »,
1944 e Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire », mauvais roman… Autre signe : les jeunes maisons, fo
1945 spécialisent de plus en plus dans la publication de collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psy
1946 e plus en plus dans la publication de collections d’ essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et su
1947 rrêa publie presque exclusivement des « écrivains d’ idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne s
1948 l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte ge
1949 nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte gefälligst », H
1950 ⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvro
1951 ar le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, ma
1952 ère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académi
1953 le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou
1954 aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’ acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinad
1955 — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’ag
1956 e jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du
1957 ies de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il es
1958 de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. So
1959 agnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univers
1960 nacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de t
1961 visiblement, plus universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, es
1962 s universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le r
1963 leur volume, à ce jour, est sans doute le recueil d’ Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
1964 qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influenc
1965 ublique espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la ma
1966 livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis de , « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvie
1967 « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie , Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
1968 ns toutes les conférences, dans tous les journaux d’ opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expressi
1969 les journaux d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hanti
1970 d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le
1971 une véritable hantise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « 
1972 rle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’ expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et
1973 s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas d’ expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre
1974 ent pour une dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruin
1975 tature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des expl
1976 dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures de panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce
1977 eurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la
1978 pendant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se v
1979 continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ont plus goû
1980 misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens de tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
1981 e avec grandiloquence par des journaux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle
1982 ue, jusqu’à ces dernières années, la civilisation de l’Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux a
1983 es, la civilisation de l’Occident ait permis plus d’ espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les
1984 Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre le
1985  » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité pu
1986 La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis la
1987 ériodes dites « prospères » ne sont que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradat
1988 a culture des illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un pro
1989 ens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’ être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une s
1990 L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’ un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringo
1991 comme une solennelle dégringolade, une contagion de déséquilibres dévorant successivement toutes les possibilités d’aména
1992 s dévorant successivement toutes les possibilités d’ aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la gran
1993 cessivement toutes les possibilités d’aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne fu
1994 a grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement r
1995 èche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le
1996 chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des a
1997 soudain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un lang
1998 Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fu
1999 nt un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que j
2000 s presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan de la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe
2001 u contraire, dès que nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin d
2002 nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se si
2003 uestion de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et
2004 , faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix néces
2005 avec une netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous ap
2006 décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insiste sur le mo
2007 es simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaiss
2008 st difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’ oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop sou
2009 souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes d’ évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde con
2010 in esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cess
2011 iste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et d’ engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réf
2012 t concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui
2013 ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là,
2014 tuation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une posit
2015 és ont été trop souvent pour nous des professeurs d’ abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un bea
2016 seurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusq
2017 hoisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons
2018 ensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le ri
2019 Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne 
2020 on curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, des
2021 e près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout
2022 s, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
2023 s souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître, de poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un dest
2024 le peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme se
2025 n, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raiso
2026 un de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude pa
2027 ns la mesure où chacun de nous possède une raison d’ être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui
2028 ien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitu
2029 e ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’ attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je
2030 que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous
2031 ’humanité, et dont les éléments sont presque tous de nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des colle
2032 ont presque tous de nature collective. L’histoire d’ un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des pe
2033 que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nou
2034 un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lo
2035 ns pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre d
2036 notre domination et poursuivant, en dehors de nos vies personnelles, leur évolution fatale, leur destinée. Autant dire que n
2037 e, leur destinée. Autant dire que nous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinité
2038 s menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse de scruter les caractères, les habitudes, les intentions secrètes, les d
2039 uperstitieux au dernier degré. La grande majorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas.
2040 t pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’ obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. To
2041 cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, n
2042 des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et c
2043 ins d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l
2044 nt prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation,
2045 … Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience de les servir. Vous me direz peut-être que, pour votre compte, la classe
2046 . Vous jouez, vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’ incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres
2047 vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cet
2048 ités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même d’ adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroya
2049 . Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’ incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse,
2050 a race : voilà peut-être les divinités maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’e
2051 première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui so
2052 ciologie. Nous trouverons les meilleurs exemples de cette théologie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus
2053 fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîn
2054 e dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’ une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaqua
2055 oltes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’ une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée.
2056 que entièrement par le fait qu’il était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de
2057 al dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L
2058 de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’ une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que
2059 e [ou] notre race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se
2060 irent une conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous con
2061 ous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme de l’histoire, abandonnez votre cher petit moi, fondez votre destin dans
2062 fondez votre destin dans celui du prolétariat ou de la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
2063 seront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord de confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions d
2064 fice et le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
2065 ans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’ une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun.
2066 devant le destin particulier et la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignen
2067 er et la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous
2068 s de choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas
2069 ec raison, que leur action n’a pas les apparences d’ une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
2070 leur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’ une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé
2071 nt pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies . Enfin, qu’ils sont animés par une foi constructive que bien des jeun
2072 fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réal
2073 es ou hitlériens, ce sont des réalités générales, d’ ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développem
2074 les passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, ach
2075 nd du terme, la seule chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’
2076 erme, la seule chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de
2077 ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générale
2078 ours justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure ex
2079 ans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’ hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre
2080 se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théori
2081 e s’applique pas seulement aux partisans attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est
2082 attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxi
2083 Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du r
2084 classe ou la race, et c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mèn
2085 lettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent d’ évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de pl
2086 beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de dis
2087 es, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
2088 u ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dom
2089 s croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies , je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne
2090 roit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
2091 it, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de
2092 t dire, sans exagérer, que les journaux disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute gu
2093 sans exagérer, que les journaux disposent de nos vies . Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute guerre mode
2094 du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’ attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux d
2095 un peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispos
2096 plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies . Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des jou
2097 lèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau d
2098 e nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies , l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaî
2099 dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en fi
2100 journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas.
2101 cette description a pu faire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pens
2102 ilieux bien-pensants, veut qu’on dénonce le règne de la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir
2103 es miliciens en chemise brune. On nous dit que la vie , en Amérique, est impossible, parce que tous les appartements sont pa
2104 ents sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée
2105 mme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’ un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs.
2106 e droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On prétend qu
2107 nonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme is
2108 l’homme isolé qui cultivait jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne méri
2109 it jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure.
2110 mme sans destin, un homme sans vocation ni raison d’ être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
2111 rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître l
2112 -là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal
2113 radant qui soit. On vit alors, chez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pa
2114 eurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de rev
2115 ne prit pas toujours la forme romantique du coup de revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un enrôlemen
2116 ver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’ un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une e
2117 vent la forme d’un enrôlement dans quelque troupe d’ assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salu
2118 t. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu
2119 serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la
2120 destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure p
2121 pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
2122 tion de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’abo
2123 ythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement de ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’une communauté no
2124 ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’ une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a
2125 ualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, m
2126 it dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi j
2127 n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’ac
2128 eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’ associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, ja
2129 ais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus de haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, d
2130 osé dans la collectivité, devient automatiquement de la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormai
2131 ue désormais le globe entier apparaisse solidaire d’ une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premi
2132 dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’ une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur
2133 ntiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la soli
2134 le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’ autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglom
2135 hautement organisé, une monstrueuse agglomération d’ individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
2136 la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siè
2137 es casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste
2138 à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dé
2139 nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irresponsable ou respons
2140 et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La
2141 Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’ être. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’inst
2142 ignorés. Les voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croi
2143 voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont
2144 rminisme historique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec
2145 , et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni
2146 e qui les poussait, je vois bien ce qu’il y avait d’ émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils
2147 uté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’il fal
2148 t très simple : que la société doit être composée d’ hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalc
2149 é, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui
2150 mme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme :
2151 ci notre dilemme : voulons-nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant le
2152 e des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connais
2153 ts de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant aussi l
2154 mais connaissant aussi leur dignité, leur raison d’ être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâch
2155 s années dans les jeunes groupes révolutionnaires de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cerc
2156 les jeunes groupes révolutionnaires de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordr
2157 dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renvers
2158 ouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collect
2159 ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièremen
2160 essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, a
2161 ont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’indi
2162 ’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour
2163 stin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien d’ autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se jou
2164 tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à l
2165 pporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, ef
2166 oix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle d’ étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute s
2167 tivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire d’ intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous d
2168 paraît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous de rechercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands fait
2169 echercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler,
2170 nds faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictature
2171 ctatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
2172 u sens de votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’a
2173 onnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfug
2174 tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qu
2175 e l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qui pense par périodes sécula
2176 ul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant,
2177 dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie,
2178 s maintenant vous donner une contrepartie, tenter de vous décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attache
2179 les tâches immédiates. La personne, au contraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâc
2180 ntraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’ instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte
2181 perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’ une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisibl
2182 it d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’ un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
2183 el. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude niet
2184 réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez
2185 seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu c
2186 voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, n
2187 s deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’ obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je di
2188 s que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il fa
2189 rance à l’égard du voisin, une façon plus commode de vivre en société. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
2190 onne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’ être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver
2191 rdonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit 
2192 parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lu
2193 ce, en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’i
2194 Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire,
2195 ire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, e
2196 société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte de la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui ait jamais p
2197 mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peu
2198 ques et révolutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au se
2199 olutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de no
2200 uvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’ arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matér
2201 de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pé
2202 ’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimi
2203 e. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas s
2204 intimité de notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré,
2205 ’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
2206 aissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une
2207 ant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant d’ avoir rencontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est
2208 us exactement : l’Évolution. u. Rougemont Denis de , « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, f
2209 tin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie , Paris, février–mars 1934, p. 143-157.
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
2210 Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de
2211 iens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas
2212 e faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’ un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrai
2213 un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela norma
2214 doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? M
2215 n ? Mais ce n’est point partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
2216 l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jasp
2217 bord, et, en particulier, à cette espèce nouvelle de critiques qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un
2218 t pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’ une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit
2219 l semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réput
2220 ors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ».
2221 ontraire qu’on peut voir. Le critique qui dispose d’ un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en
2222 , pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqu
2223 n commentateur des goûts de son public. Bien loin d’ avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être
2224 des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être incomprises ou
2225 e signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’ être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ê
2226 ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un
2227 l se contente, la plupart du temps, d’être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « succès » de
2228 a vague rumeur entretenue par la publicité autour d’ un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprè
2229 ntretenue par la publicité autour d’un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand publi
2230 vere se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’ un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se s
2231 hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait
2232 vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en Fran
2233 On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il ava
2234 ui se montre. Sous prétexte de science, la pensée de nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on
2235 e nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la
2236 aîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la tient. Un
2237 es qui se posent en fait. Mais que faut-il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et
2238 n fait. Mais que faut-il penser de ces techniques d’ abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si
2239 Public et philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à sup
2240 pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne sig
2241 seurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’ une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action tro
2242 pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’ une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-
2243 incohérence d’une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’un t
2244 spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’ un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque
2245 ère analyse, la méfiance réciproque dont je viens d’ indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant
2246 n sait l’influence qu’il exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalcula
2247 ux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera
2248 subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera-t-on ? Quelques cyniques, o
2249 ller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
2250 s impérieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si l
2251 rieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la p
2252 et action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas o
2253 le veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’ oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entre
2254 es autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’ entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit
2255 monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette vie . C’est à elle, en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme,
2256 nt. Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les
2257 . Faut-il rappeler ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut-il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent su
2258 ffrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat de faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’h
2259 Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui, d’ introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du resse
2260 t, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Po
2261 philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique
2262 et approches concrètes du mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
2263 n et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que t
2264 sserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur d
2265 er. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience
2266 leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’ expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’u
2267 grand service rendu par la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivan
2268 r la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’ une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstrai
2269 ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vé
2270 ments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Sche
2271 ns et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’ expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livr
2272 tion de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’ actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phén
2273 s aristocratiques. La haine jalouse et rancunière de l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détourné
2274 enversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuiss
2275 ent il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas de représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bas
2276 soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’ inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est r
2277 porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’ un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu »
2278 us seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est
2279 ns ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de di
2280 et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle p
2281 le de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre
2282 r la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment
2283 ue Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’É
2284 humanitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profonde
2285 l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morale
2286 nais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’ aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse cent
2287 ale : nous en sommes venus à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est
2288 andé par le Christ : et c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nie
2289 crites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte d’ amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tou
2290 ons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’ autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On él
2291 nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la
2292 re sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avan
2293 du prochain, l’amour du genre humain avant celui de la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions
2294 trie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’a
2295 un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le cont
2296 n altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du c
2297 onique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la
2298 e ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte de « se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Chr
2299 ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus d’ elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocatio
2300 ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que p
2301 a réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin d’ épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de
2302 L’extrême gravité que présentent ces perversions de l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’
2303 ns s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès de la morale laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux don
2304 ’il propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la not
2305 e, autrefois participation de l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, p
2306 angélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pa
2307 la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) reco
2308 est désormais une vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche
2309 u avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot
2310 lignes décrivent assez bien le mouvement général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
2311 nt assez bien le mouvement général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas l
2312 nt général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il
2313 e, il y a tout au contraire une sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chréti
2314 sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l
2315 entiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des
2316 ntre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; b
2317 a morale usurpe l’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, p
2318 ’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que ce
2319 gile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe
2320 besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe également le socialisme humanitaire et le
2321 isme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant d’ égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bour
2322 itaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂
2323 ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simpli
2324 élargissement en même temps qu’une simplification de sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de c
2325 rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la ph
2326 ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philos
2327 asser de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n
2328 our lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté tr
2329 avoir. Son essai manifeste une volonté très nette de passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos
2330 s nette de passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonn
2331 Nos après-venants seront sans doute fort étonnés d’ apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser e
2332 ce, la présence ou la fidélité. Certes, l’exemple de la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensé
2333 ménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en France. Sachons gré
2334 uivie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraime
2335 gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’ une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosop
2336 el de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’ une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à
2337 é permanente du suicide est en ce sens48 le point d’ amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276).
2338 ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèm
2339 que » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’ une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfi
2340 thèmes d’une méditation qui se propose pour objet d’ approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait,
2341 pour objet d’approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y
2342 y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
2343 t de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’ apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentie
2344 mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est u
2345 ontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moder
2346 genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » inc
2347 tégorie du « tout naturel » incapable, par suite, de s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de
2348 pable, par suite, de s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de
2349 les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent dev
2350 losophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à c
2351 u ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser de me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être
2352 ’en approcher figure déjà par elle-même une sorte de participation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, posi
2353 l’être. Démarche négative du désespoir, positive de l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel,
2354 ui m’apparaît ici très « dialectique » — démarche de la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’el
2355 arche de la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’aute
2356 l usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient
2357 rçu si schématique fait tort au caractère concret de cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir reva
2358 éditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’ avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la te
2359 t à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la technique idéaliste, d’autre part, il f
2360 te, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur de conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La descri
2361 références à l’actuel. La description qu’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au
2362 u’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il i
2363 chnique et une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre son
2364 ent que les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser grat
2365 s ce livre sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix c
2366 démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
2367 eu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes
2368 empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’ une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelque
2369 ’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une
2370 là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique d
2371 s éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l
2372 ivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’ une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la
2373 plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des
2374 é. 43. On trouvera dans les excellents articles d’ Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de
2375 iés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44
2376 thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’al
2377 Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
2378 onyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’ un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en
2379 ui n’est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même
2380 mais qui est né dans le même temps, et participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de l
2381 , et participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47.
2382 atique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47. Converti au catholicisme après av
2383 it percer par endroits, dans ce livre, une espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez
2384 espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’ où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur ente
2385 entiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’ erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : relativeme
2386 me paraît dangereusement lié à certain idéalisme de la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par
2387 ît dangereusement lié à certain idéalisme de la «  vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par M. Marcel
2388 a place, entre la prière et l’acte, seuls moments d’ unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
2389 a prière et l’acte, seuls moments d’unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais de philosophes ch
2390 ité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de , « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 193
2391 chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
2392 « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie , Paris, mai 1934, p. 415-422.
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
2393 t en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers post
2394 mes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père
2395 es de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder
2396 udit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de fa
2397 t mourir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie  ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaar
2398 hème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de so
2399 Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant e
2400 tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mouru
2401 ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’ une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons
2402 il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il ai
2403 ait très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrir
2404 idi, on le voyait parcourir la rue la plus animée de la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes fil
2405 ilhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’ « original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son
2406 On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
2407 rta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les év
2408 nt tous les hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son
2409 s les hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, a
2410 seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put
2411 ais son acte, après lequel il put mourir, certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
2412 Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de p
2413 il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’é
2414 sermons, réunis sous le titre général de Discours d’ édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
2415 Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques, de la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladi
2416 passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept d’ angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait sig
2417 ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière re
2418 Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie
2419 et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte
2420 te à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pur
2421 eux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de
2422 , Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principal
2423 e l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie ent
2424 entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et hum
2425 . Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le
2426 rs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut
2427 le… L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
2428 la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski
2429 Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’ analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être p
2430 lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite
2431 épasse. 50. Traduite en français sous le titre de Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w.
2432 sner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis de , « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septe
2433 de, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie , Paris, août–septembre 1934, p. 602-604.
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
2434 Nécessité de Kierkegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plai
2435 kegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plaint l’intelligence ? Si l’on en croit les écrits les plus
2436 nce ? Si l’on en croit les écrits les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contr
2437 ignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’ amères protestations contre le règne de la masse et les outrages diver
2438 ont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissanc
2439 issances anonymes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette cris
2440 xistence vient-il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’ano
2441 défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé.
2442 udrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion
2443 l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous v
2444 ssion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’ un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et cert
2445 ent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise cons
2446 nd nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie,
2447 ombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
2448 est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie , la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la ju
2449 ible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice es
2450 e vie, la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu d
2451 de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selo
2452 évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul cont
2453 ues-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’ un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’ab
2454 enfin, d’un seul contre la foule serait la marque d’ un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
2455 un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’ un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois
2456 i d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases,
2457 par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme ou cette « mesure 
2458 »… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher de la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les pl
2459 ertes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà de rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé
2460 taire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vi
2461 e est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
2462 on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
2463 que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son hu
2464 rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’ un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est
2465 si chacun n’est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de l
2466 upposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement
2467 qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fa
2468 re de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biograph
2469 rs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On comme
2470 l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute so
2471 octeur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspe
2472 », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans
2473 du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idée
2474 e ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu
2475 de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliquent le martyre des braves chrétiens,
2476 rtyre des braves chrétiens, comme si la religion, de toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de sup
2477 é, n’était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la v
2478 raire la façon la plus sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, te
2479 e bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en pu
2480 t ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’ac
2481 prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol o
2482 xtravague ; on proposera en public de l’interdire d’ accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
2483 ol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vérita
2484 qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé
2485 Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard
2486 dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir d’ un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas
2487 puissance que le savoir d’un homme exerce sur sa vie .52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puis
2488 s la puissance du savoir en exercice. Il y a bien de la différence. Le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celu
2489 tre même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. E
2490 ez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut
2491 il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien
2492 l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée… de Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en
2493 multitudes, il revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable d
2494 e de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans
2495 l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous pr
2496 Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en
2497 chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté de la foi sur les vérités qui font vivre, cette solitude première devant
2498 en cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
2499 rober, mais c’est une triste réponse à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vra
2500 ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’
2501 vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien d’ aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre
2502 prit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner de son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’e
2503 n à témoigner de son incarnation ; on ferait bien d’ aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais u
2504 ler à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ;
2505 t, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourrait en citer
2506 ourrait en citer quelques autres. Qu’ont-ils donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
2507 leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de mesu
2508 elle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême e
2509 n extrême et décisif dont la mort, comme un sceau d’ éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel :
2510 d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terre
2511 é de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont
2512 and mal de l’époque, et la terreur que commencent d’ y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne l
2513 e, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous, de cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se s
2514 her le médecin sévère que la santé moins déprimée d’ un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sa
2515 avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’épo
2516 s le déploiement des faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissan
2517 ur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous metton
2518 où il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin,
2519 ren Kierkegaard est sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plu
2520 presque insupportable à la présence dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser
2521 dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’ applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si no
2522 es sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinio
2523 r le scandale de cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n
2524 inion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependa
2525 cours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir
2526 sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’ avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Di
2527 , reparaître les traits ironiques du grand visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aur
2528 que n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souven
2529 rienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’ Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, d
2530 mage du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la R
2531 chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’ exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui
2532 pose autour de cette angoissante mimique. Le rire de Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne
2533 evant le dictateur, ni dans les rangs des troupes d’ assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus b
2534 s troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun por
2535 blé par tous les malheurs du temps, dont il feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Hi
2536 t il feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie
2537 voir un film pour s’oublier dans un drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’en
2538 drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a
2539 ini ». Il faut risquer cette expression : le rire de la charité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont
2540 rire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie d’ un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette
2541 us les autres inexistants ». Mais cette « crainte d’ un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrét
2542 ore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon
2543 rétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui
2544 ontre le « monde chrétien », celui qui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament
2545 ui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme.
2546 er. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour
2547 ine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souffert pour ta doctr
2548 endant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce de Dieu, dans l’abîme infini où tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce
2549 ù tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute
2550 ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse d’ épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te re
2551 ar la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te reposes aussi sur ta vertu. Ou bien tu v
2552 . Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de
2553 u es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de ce
2554 upères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
2555 e Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « cro
2556 ais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremb
2557 é ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et
2558 infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, e
2559 craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil de la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mai
2560 ent l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne de l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront… « Deux quest
2561 x questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le f
2562 ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen
2563 le faire ? Deux questions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait
2564 sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et
2565 société ; il paraît devant une assemblée choisie d’ élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “D
2566 nne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la
2567 raît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’ un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Ma
2568 un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sér
2569 de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute
2570 gant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance.
2571 la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on ve
2572 de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
2573 il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d
2574 on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’ un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir,
2575 i dise le contraire d’un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous
2576 tion : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’ une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Ri
2577 e, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique d’ un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’o
2578 énigmatique d’un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la
2579 que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-il par
2580 oule. L’originalité Qu’entend-il par ce mot d’ originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée
2581 ité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la c
2582 ens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien d
2583 ut : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
2584 Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordr
2585 . Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépa
2586 ui qui répond à la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de r
2587 la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme, d’ anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
2588 appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie, d’ individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte,
2589 narchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordr
2590 dualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’ une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est
2591 évolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui ser
2592 monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfo
2593 hrétien est position, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchu
2594 devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie
2595 . Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ét
2596 i-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie . Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas
2597 ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre «
2598 et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’ autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatr
2599 as d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’ autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne so
2600 ciétés), à la révolution, au capital, au jugement de l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
2601 istence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper
2602 ce n’est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison
2603 e de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressi
2604 du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans
2605 rmation effective du monde. Elle participe encore de la dégradation. « Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours
2606 i qui recourt à son moi révolté contre les forces d’ anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le
2607 u’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne sau
2608 ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’ y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’es
2609 n reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul
2610 elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
2611 ux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
2612 ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait f
2613 ! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule es
2614 la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains,
2615 « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
2616 x mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seu
2617 ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homm
2618 son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer e
2619 oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il
2620 rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste
2621 de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence
2622 egaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos die
2623 istence individuelle. Chaque fois que nous disons d’ un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission
2624 ce individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La
2625 de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre po
2626 s témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’ autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant
2627 ission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’ autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouv
2628 re existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’ exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est qu
2629 re pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’ exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et tout
2630 oriques ou sociologiques sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de K
2631 une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici
2632 ont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profo
2633 de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évid
2634 annir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comiqu
2635 dence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’ un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujour
2636 suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : q
2637 Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qu
2638 as la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché
2639 té, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifi
2640 réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même 
2641 udrait se tenir, dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétiens. (Est-ce facile ? ou bien même pos
2642 facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément
2643 le ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides
2644 ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie  ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrevoien
2645 tends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégéliani
2646 éché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’
2647 hes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent ce
2648 cial. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’ en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent
2649 , mais pour gagner ce dernier gage, les habitudes de l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se fig
2650 is sans franchise, ni précision) comme une espèce de vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans
2651 r (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte de providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané d
2652 out à fait inintelligible est le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cett
2653 se vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses cond
2654 Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait
2655 hes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’ en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans l
2656 Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seu
2657 ans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’insta
2658 te « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’instant éternel. Le s
2659 ce hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne au
2660 e attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkeg
2661 de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité
2662 jectivité est la vérité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-i
2663 ignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
2664 de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie . Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens des ro
2665 le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’ entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il
2666 omantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’ où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du m
2667 d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’ un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’e
2668 du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner de la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi :
2669 gner de la puissance que ton savoir exerce sur ta vie . Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et
2670 tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit de savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur 
2671 u agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis
2672 évoltante que rien au monde ne pourrait permettre d’ accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… L
2673 er, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son act
2674 Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assuj
2675 qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est
2676 . Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’ho
2677 lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans
2678 ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donn
2679 se de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la ver
2680 tarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations co
2681 de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterai
2682 » Renversant ce rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement p
2683 rie du solitaire » est le seul fondement pratique d’ une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
2684 iment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder d’ insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui,
2685 ans autre, comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’u
2686 comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’ une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’un
2687 sser d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une communauté chrétienne, par l’artifice indis
2688 collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’ une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-êtr
2689 indispensable, mais peut-être aussi tout formel, de l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
2690 , d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, e
2691 les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent,
2692 kegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kier
2693 objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kierkegaard portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’app
2694 se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien,
2695 si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comme au seul responsab
2696 i nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siè
2697 ous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamai
2698 mme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseign
2699 saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’e
2700 aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature e
2701 t nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrèt
2702 udes sur la nature et sur les exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides po
2703 l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ?
2704 de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de n
2705 es ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tom
2706 st. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc m
2707 e est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait de protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI
2708 ître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p.
2709 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie . 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156.
2710 e reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique de cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un arti
2711 ean Wahl a remarquablement exposé dans un article de la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chem
2712 ire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’au
2713 ux nécessités quotidiennes est encore un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne sign
2714 fameuse « vie quotidienne » n’est peut-être rien d’ autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale
2715 n’est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un
2716 rouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis de , « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934
2717 la réalité. x. Rougemont Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
2718 nt Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie , Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
2719 tin allemand (octobre 1934)y Le meilleur livre de l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer. Le roman le plus fort, le
2720 le plus impressionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le di
2721 sionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté, d’ humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a p
2722 lui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé s
2723 plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’ autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand
2724 d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma
2725 ui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’ une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un rom
2726 ant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’ un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelqu
2727 lemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’ un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas
2728 rmée bolivienne, mais sans contrat, car le traité de Versailles interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemand
2729 car le traité de Versailles interdit à la Bolivie d’ utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d
2730 es des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d’ État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieusement. Il
2731 hercher fortune en Argentine, dans une plantation de thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les quatre autr
2732 s quatre autres atteignent enfin La Paz, capitale de la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un dé
2733 e la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’ altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. L
2734 ètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par d’ énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez susp
2735 dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à
2736 ne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser d’ eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur
2737 un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté d’ accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une
2738 raguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
2739 on infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre d’ Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semain
2740 d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouv
2741 lau, réussit à les tirer de là après des semaines d’ efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
2742 rant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan in
2743 blesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan international. Les quatre hommes s’en vont à
2744 os Aires, et, là, à bout de ressources, acceptent de collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouv
2745 n qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, e
2746 ire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’ un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le c
2747 ulières, dont le chef n’est autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’aventur
2748 thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’ un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman
2749 xième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’ aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventure
2750 Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’ aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qu
2751 bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’ une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à
2752 obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien a
2753 ésumé laisse à peine entrevoir le véritable sujet de l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
2754 ésigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une c
2755 nd. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
2756 ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constate
2757 , ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allema
2758 et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus
2759 ur laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’ utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est arch
2760 er leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’ eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne
2761 humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait d’ entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y
2762 is on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore,
2763 mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les v
2764 de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’ eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ava
2765 voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes l
2766 u d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’ aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leur
2767 res qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ils aient peur, mais tout
2768 oce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
2769 supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie , l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur
2770 vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence
2771 du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus auc
2772 terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’ une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne
2773 d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et
2774 cilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnation de leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu
2775 ncarnation de leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation o
2776 s affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail
2777 cquitte avec son argent ou avec son travail, mais de sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le
2778 joue sa propre existence intérieure. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragi
2779 . » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
2780 désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme
2781 l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifi
2782 nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur
2783 ier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et
2784 ent. Mais leur drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la pre
2785 eur drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’ une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
2786 ouvrit, pour la première fois, une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
2787 uleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière, d’ être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de partici
2788 , souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui
2789 and, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui
2790 ’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état de guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pau
2791 ue Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond d’ une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vis
2792 ise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant
2793 urs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’ une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisé
2794 udain la vision d’une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute sta
2795 t galvanisée par ses sacrifices. La haute stature de Pillau se dresse devant lui. Une fois encore, Pillau lui montre le se
2796 is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
2797 ssédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
2798 tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là
2799 de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
2800 r faire sentir à quelle hauteur se situe le drame de ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et
2801 hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
2802 s-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser d’ autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est enga
2803 opéens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est
2804 , il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin
2805 la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s
2806  La condition humaine ». Et plusieurs des paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliquer au desti
2807 lles peut-être — pourraient s’appliquer au destin de n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait na
2808 s’appliquer au destin de n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières p
2809 é. Le « fait nation », dans les dernières phrases de Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-c
2810 es hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
2811 ue son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, l
2812 plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose ce livre
2813 ait sur le point de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
2814 Amérique ; il s’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une c
2815 enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impr
2816 essionnante : partout où il se crée quelque chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont
2817 que chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’ un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeu
2818 des empires solides, des valeurs morales stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
2819 re anglais se dissocie lentement. La France doute de sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique
2820 sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une r
2821 ssion. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une race qui
2822 ique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’ une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’he
2823 se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure de l’Allemagne ? On sent partout cette interrogation, cette anxieuse esp
2824 rogation, cette anxieuse espérance, dans le livre d’ Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière
2825 allemand, comme on lirait dans la conscience même d’ un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle
2826 e. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’ une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange
2827 si l’on veut juger sainement la politique étrange de cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout
2828 ecteurs français en soient choqués — le sentiment d’ une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisé
2829 e sentiment d’une fraternité humaine que le roman d’ André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer av
2830 lraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’ évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici m
2831 r avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
2832 de dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que
2833 admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis d’ autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid es
2834 plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’ Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c
2835 affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’ une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel élo
2836 J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages fr
2837 ue c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puiss
2838 lus sain ; moins complaisant surtout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subiss
2839 tout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une rév
2840 t, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’ être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas touj
2841 ts d’être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comp
2842 ros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationali
2843 uniste. Je ne partage pas plus les idées racistes d’ Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autr
2844 idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans
2845 alraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’ hérétiques dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art rom
2846 es dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis
2847 ur le plan généralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin
2848 hentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une gr
2849 ndeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péc
2850 uissamment au sens de la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui r
2851 la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à
2852 eser des objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je
2853 vé à ce livre, qui parut au moment de l’avènement d’ Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour av
2854 chmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre.
2855 e blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bande
2856 ère-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros
2857 ères de décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques.
2858 situations extrêmes, où se dénude le fond secret d’ un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-
2859 même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand  », Foi et Vie, P
2860 ndu] Kasimir Edschmid, Destin allemand  », Foi et Vie , Paris, octobre–novembre 1934, p. 812-817.
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
2861 paraître au Mercure de France un volumineux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsc
2862 , aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeur
2863 Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, q
2864 ous affirme qu’ils constituent le texte véritable d’ une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient gu
2865 e le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’ une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai l
2866 à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’
2867 nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ad
2868 raître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certit
2869 ture de ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirit
2870 aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère
2871 de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la
2872 é spirituelle que confère la connaissance vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne
2873 ce vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un c
2874 usement éprouvées ? La foi vraie suppose la ruine de toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abrite
2875 sophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même
2876 e, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, d
2877 vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet en
2878 meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que
2879 s de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
2880 e une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première
2881 ez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Rel
2882 ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis t
2883 e que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’une théologie masquée : “nou
2884 gnifiques”. Un but final plane devant les regards de l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques
2885 en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à
2886 s maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout
2887 ietzsche, partait en guerre contre la philosophie de l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succéd
2888 énonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la fo
2889 n elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, sel
2890 e l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opération paradoxal
2891 Christ incarné, et qui nie par là même la valeur de tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement étern
2892 de tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il
2893 r le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès ma
2894 reproche terrible au christianisme en le traitant d’ agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel é
2895 n historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scienti
2896 t adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui es
2897 cidité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie de notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai
2898 Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mi
2899 nt mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. L
2900 s. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique h
2901 té sa vraie théologie : la dialectique historique de Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vra
2902 que historique de Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’hum
2903 Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenn
2904 lus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenno67, vous y trouverez cette confession ahurissante : « Un g
2905 moi que nous avions derrière nous deux milliards d’ années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfa
2906 lliards d’années, devant nous dix mille milliards d’ années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mi
2907 mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphys
2908 entifique et beaucoup plus conforme aux exigences de l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
2909 eligieuse du monde sans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit.
2910 ans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
2911 e la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arr
2912 oi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je
2913 lectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. »
2914 nde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdr
2915 bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peu
2916 s édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire so
2917 les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christ
2918 u spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’ un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement 
2919  ? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse de ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
2920 rendre le repas sacré plus au sérieux que le menu de sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres !
2921 l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque
2922 s. Les religions se consolident dans des périodes de grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à
2923 nsolident dans des périodes de grands troubles et d’ insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-de
2924 . Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-delà. Parfaitement valable pour les religions, cette sentence e
2925 sière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler de la foi. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée
2926 ’elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’ une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise
2927 omme. Le « retour étemel » est alors le type même de la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
2928 rs le type même de la superstition née du cerveau d’ un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime
2929 e cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’a
2930 mes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écri
2931 e que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopen
2932 ime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopenhauer, parce que gr
2933 ue grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique d’ un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne s
2934 serait, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrét
2935 christianisme veut leur mort, pour leur donner la vie . Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou ma
2936 eut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi
2937 la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvais
2938 e qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourq
2939 e pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
2940 même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « i
2941 eur injustice, car il y a une manière « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours p
2942 en. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris d’ ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de dé
2943 entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique niet
2944 ndements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci :
2945 à une autorité centrale qui donnerait la synthèse de ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, e
2946 i donnerait la synthèse de ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a
2947 ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans u
2948 même du christianisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que
2949 hais. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les cr
2950 rquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzs
2951 il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la
2952 es critiques de Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-
2953 nt toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est i
2954 jours l’effet de criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insuppor
2955 es. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyo
2956 contemporain entièrement dominé par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mysti
2957 mporain entièrement dominé par une religion de la vie , de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de
2958 in entièrement dominé par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’
2959 né par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise com
2960 une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie  ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but 
2961 é » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vi
2962 té prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduir
2963 se comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusqu
2964 t-à-dire cette mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons,
2965 re cette mystique de la vie prise comme but de la vie , et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y
2966 ique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer
2967 ue dans les sermons, et s’y substituer au respect de la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’être parfois « anti
2968 e la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’ être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ?
2969 80. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise c
2970 u christianisme sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spir
2971 ique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un
2972 la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de
2973 sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi
2974 tuelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confus
2975 st toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvret
2976 rs étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvreté en espr
2977 it de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’ aussi grossières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté
2978 ssières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté, confondu ici avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnête
2979 qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre de Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce même livre, quat
2980 que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas
2981 chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion «  de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inv
2982 it pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique ».   Parmi toutes les c
2983  ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique ».   Parmi toutes les criailleries de Nietzsche,
2984 eux historique ».   Parmi toutes les criailleries de Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de
2985 nes prennent un accent prophétique : « Des hommes de commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyant le servi
2986 » Formule qui n’est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne s
2987 nts fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi, d’ un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous
2988 as » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’ esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce ré
2989 aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d’ Einstein parce qu’elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant serv
2990 urs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité de la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la polic
2991 ion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la police ! » Dès que vous croyez qu’il y a, à côté de la causalité
2992 é absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
2993 orale, devoir kantien, conscience, notion humaine de la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’id
2994 , notion humaine de la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la
2995 on humaine de la justice, science, mystique de la vie , droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la libert
2996 ystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’
2997 au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui
2998 c., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui empêche, en p
2999 , en particulier, une certaine théologie libérale de reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — e
3000 e — ancien et nouveau Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonhe
3001 Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul
3002 est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie , de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de c
3003 seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contr
3004 ience, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes
3005 e nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusie
3006 où on le prêchait envers et contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu mor
3007 contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est
3008 futé. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphorisme d’une ébloui
3009 he sur la religion se terminent par cet aphorisme d’ une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67
3010 Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’ un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marg
3011 s des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzs
3012 n homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de , « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 25
3013 Denis de, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie , Paris, mars 1935, p. 250-256.
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
3014 ance serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de
3015 aire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
3016 ne. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
3017 fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
3018 rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’ y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
3019 ique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
3020 plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
3021 utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
3022 émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
3023 oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose d’ assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
3024 andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
3025 se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
3026 e information théologique… Ceci dit, il est juste d’ insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
3027 juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
3028 e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur de leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
3029 Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —  de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
3030 is cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facul
3031 vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’ histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie p
3032 ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante.
3033 re de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
3034 illies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
3035 tain, Grisar), mettent le public français en état d’ infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
3036 nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignore
3037 méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
3038 ois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
3039 ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
3040 u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
3041 le plan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
3042 eux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
3043 à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
3044 qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
3045 de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
3046 par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « 
3047 e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce
3048 e plus aisément à saisir l’importance centrale du De servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître, a
3049 aduction française va paraître, après un peu plus de 400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, — 
3050 cidental par excellence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord
3051 lence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, enc
3052 , aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume maté
3053 onnifiée) n’est, en fait, que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
3054 apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
3055 e il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
3056 dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
3057 ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
3058 c puissance toutes les affirmations fondamentales de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
3059 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
3060 st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
3061 œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
3062 cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
3063 ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
3064 osition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
3065 nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
3066 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
3067 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
3068 nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoi
3069 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié
3070 la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
3071 a véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
3072 étuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
3073 e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
3074 st plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
3075 « Folie pour les sages » Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
3076 presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
3077 r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
3078 orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
3079 t de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
3080 uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humanistes, — des marxistes aux vie
3081 pole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les pr
3082 Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination po
3083 ux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
3084 s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre re
3085 fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-di
3086 igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
3087 uveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
3088 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
3089 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
3090 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
3091 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
3092 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
3093 ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa
3094 ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bi
3095 chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’ aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de fron
3096 tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
3097 eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
3098 proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’ utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
3099 refus total, ou mieux cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
3100 mieux cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
3101 ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
3102 conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
3103 se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
3104 , et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
3105 isse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisse
3106 ans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’ esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
3107 erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
3108 , le dialogue d’une « conscience moderne », douée d’ exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
3109 alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
3110 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous
3111 ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne
3112 Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
3113 us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
3114 ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’ avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
3115 té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
3116 vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou enco
3117 Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
3118 nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
3119 Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
3120 omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
3121 nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
3122 uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
3123 Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps
3124 r ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les
3125 Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
3126 es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’ agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est
3127 rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à s
3128 a peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’ avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans
3129 eu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
3130 ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
3131 mer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a u
3132 ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
3133 Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
3134 ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
3135 st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
3136 que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie , et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l
3137 a Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quel
3138 Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’ immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire,
3139 ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de
3140 us dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
3141 ’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
3142 elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre
3143 otre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
3144 t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
3145 ctuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie , et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystè
3146 otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
3147 et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie . C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la
3148 ère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
3149 nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
3150 sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
3151 ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
3152 ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au con
3153 traire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
3154 range illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
3155 cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
3156 pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
3157 nel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
3158 est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
3159 araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
3160 bles, suffit à établir pour le chrétien la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
3161 Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
3162 araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
3163 i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
3164 qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évan
3165 la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les so
3166 p portés à corriger et à « humaniser », au risque d’ « évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
3167 Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
3168 à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
3169 de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
3170 a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
3171 t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
3172 aire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout
3173 e Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est
3174 e. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair
3175 mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
3176 ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
3177 poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
3178 la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
3179 u’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
3180 e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle p
3181 oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
3182 , dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie . Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche o
3183 rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
3184 e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamental
3185 a difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
3186 ntale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
3187 . La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’ adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
3188 68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537, d’ éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
3189 le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio e
3190 mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois 
3191 des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf ar
3192 té (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et Vie , Paris, mars–avril 1937, p. 221-231.
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
3193 es peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre tem
3194 e avec force et autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de cons
3195 Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « e
3196 ’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisée
3197 uvent ses « encycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’ac
3198 veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’ une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces
3199 u’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Ell
3200 es mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’ un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles
3201 larations. Elles souffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’
3202 ant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de
3203 de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’ un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté pré
3204 ure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. E
3205 certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’ une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat,
3206 nt un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme
3207 auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque d’ efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient
3208 ais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’ essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins jus
3209 plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une p
3210 moins juste d’une part, plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce m
3211 le de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la situation mondi
3212 n a examiné la situation mondiale et l’on a tenté de l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chréti
3213 méliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu
3214 cer le cours des événements. L’histoire est faite d’ initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’un
3215 énements. L’histoire est faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative abouti
3216 stoire est faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut q
3217 faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’ amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle repr
3218 portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui av
3219 toire sont ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans u
3220 ain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse d’ eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non p
3221 s dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des donnée
3222 partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspira
3223 ons plus ou moins exactement connues ou supposées de leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle
3224 la mesure exacte où elle fut l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il fa
3225 qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte
3226 es termes, il faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
3227 faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à
3228 ction politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici e
3229 e de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer u
3230 à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit expr
3231 au contraire sa position politique doit exprimer d’ une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire
3232 e les principes qui sont impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aus
3233 ble conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’ adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne »
3234 t ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit d’ actualiser la politique impliquée dès le début dans la volonté et l’es
3235 é et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a d’ autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement,
3236 énique. Le présent essai n’a d’autre ambition que d’ esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les
3237 autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse
3238 uisser les grandes lignes de ce développement, et d’ en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des page
3239 e schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’ un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’
3240 sme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire o
3241 s qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’ un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de n
3242 ail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précéd
3243 rtains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les comp
3244 de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les complexités infinies de nos di
3245 ans précédent. À travers les complexités infinies de nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils
3246 , politiques et religieuses, ils se dégagent avec d’ autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel.
3247 t religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit polit
3248 ivers conflits ne sont en réalité que les aspects d’ une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux dif
3249 niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun de ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dir
3250 let. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinais
3251 tion possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, m
3252 sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une
3253 xie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme d’ hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement l
3254 oudre l’opposition unité-division, il serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin de
3255 chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
3256 hie. Notre thèse étant la suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’applicati
3257 héologie de l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1.
3258 est une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer
3259 it suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’ une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existan
3260 s existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous
3261 reprise. Le principal est celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens
3262 ist, cette foi pouvant être connotée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouve
3263 rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
3264 mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’ une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car
3265 ppositions que le mouvement œcuménique se propose de surmonter. C’est dans la mesure exacte où les Églises ont voulu trans
3266 na Sancta en une assurance visible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte
3267 une assurance visible et restrictive de l’unité ( d’ organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont
3268 ible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union
3269 ), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’ une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion
3270 u leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloir
3271 union réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unit
3272 s ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisi
3273 volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convi
3274 re de l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de défin
3275 duisit à la division de leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’
3276 e. Il convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être
3277 éologiens le soin de définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Do
3278 doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctri
3279 ns accordés par le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctri
3280 res dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le n
3281 l, ou encore doctrine de la diversité des membres d’ un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun
3282 om qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas d
3283 es indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas de meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appe
3284 union, précisément, que Paul établit avec le plus de force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente
3285 ce la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’ une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
3286 e paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis d’ en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacu
3287 d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’ Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le
3288 re et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là a
3289 personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la
3290 ous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est p
3291 des vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleu
3292 es n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit être au moin
3293 rs, doit être au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dan
3294 ses, mais au contraire, elle a pour premier effet de les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authen
3295 de les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’e
3296 écisément, qu’elle espère atteindre une communion d’ esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adres
3297 l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels de chaque Église, mais à leurs membres les plus fidèles. Toutefois, cett
3298 it à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de
3299 me et à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la t
3300 chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits,
3301 se ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église
3302 sation ou leur doctrine particulière. Au principe d’ union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, c
3303 ipe d’union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en
3304 outé, et peu à peu substitué en fait, un principe d’ unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’est la formule
3305 re humainement contrôlable. C’est la formule même de la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquem
3306 mule même de la tyrannie. Car, contre un principe d’ unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’
3307 ement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumett
3308 oriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’ appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir.
3309 tre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’ obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et
3310 re réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’ organisation romaine, considérée comme nécessaire au salut. Mais je ra
3311 testante du xviiie siècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exem
3312 ècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à dispose
3313 ement des Écritures. Car aussitôt que le principe d’ unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « f
3314 ité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même. D’où les schismes nombreux, dès
3315 rthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même. D’ où les schismes nombreux, dès cette époque, dans les Églises calvinist
3316 e qui prétend se suffire et posséder son principe d’ unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer
3317 humaine, devient à la fois isolée et génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
3318 de est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’ unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Al
3319 ps souffre dans son chef et dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et l
3320 dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de
3321 s ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie a
3322 normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les au
3323 nd de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée p
3324 e la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’ un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par
3325 acun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un
3326 rons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème de l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons
3327 ce thème de l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de
3328 ique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique. Car l’har
3329 ment un éloge de la « tolérance » libérale à base d’ indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolé
3330 lement la division ou la duplication accidentelle d’ un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt
3331 ication accidentelle d’un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
3332 fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie de la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser
3333 onne Les positions œcuméniques que nous venons d’ esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l
3334 nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de
3335 it qui oppose l’unité et la division dans le plan de l’Église, correspond terme à terme le conflit qui oppose la collectiv
3336 oppose la collectivité et l’individu dans le plan de la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spiritue
3337 personnalisme. Cherchons à illustrer les notions d’ individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques
3338 me. Cherchons à illustrer les notions d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptible
3339 strer les notions d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’
3340 ersonne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance si
3341 recque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour
3342 la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fa
3343 i se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord doute
3344 ulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés de divers groupes qui fondent les premières thiases grecques, communauté
3345 ’intérêt commun et les contrats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite p
3346 trats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute di
3347 ent prescrite par les usages, et toute dissidence de conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité, au contrai
3348 ncurrence, originalité, droits privés, conscience de soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sa
3349 mouvement centrifuge par rapport à la communauté d’ origine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne
3350 vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
3351 crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’ angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
3352 e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’ où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
3353 st Rome alors qui nous donnera le symbole éternel de la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la premi
3354 le éternel de la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l
3355 Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l’individualisme devenu anarchique. Entre individualis
3356 aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’ une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la man
3357 même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes ex
3358 es les initiatives individuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créa
3359 individuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’es
3360 as de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fonction socia
3361 ction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individu
3362 te de liberté. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
3363 rd elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collect
3364 de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quel
3365 le sera la nouvelle société ? En ce point crucial de l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte pré
3366 tisme totalitaire — se produit l’événement unique de l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse étern
3367 orte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective socio
3368 s plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée de communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur
3369 ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la
3370 pendant, elles constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
3371 s. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à s
3372 sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, pu
3373 squ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
3374 ’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, pui
3375 la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’ un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davanta
3376 as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage,
3377 grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonc
3378 omain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
3379 les docteurs grecs avaient adopté le terme latin de persona (rôle social). C’est ce même terme qui servira aux premiers p
3380 miers philosophes chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à l
3381 ns chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se résout l’étern
3382 ation qu’il envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblable
3383 liberté est assurée par la possibilité constante de recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la c
3384 te de recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel.
3385 t le même fondement que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
3386 me est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’ autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige
3387 chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement de la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à
3388 ocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine de l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église univer
3389 ’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église universelle esquissée plus haut ; la même position centrale
3390 les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prévient d’une part l’orthodoxie fermée, d’autre part la
3391 autre part la dissidence obstinée, la philosophie de la personne prévient d’une part le collectivisme oppressif, d’autre p
3392 adies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’ équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l
3393 mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant d’ union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vra
3394 développer maintenant les implications politiques de cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralis
3395 les implications politiques de cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons as
3396 avons assez dit pour qu’il soit désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que
3397 fédéraliste en politique. Quant à la philosophie de la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédérat
3398 sonne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’ une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un
3399 ’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice de schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’
3400 ralisme exclut de même l’impérialisme, générateur de guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
3401 urs que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’ un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De m
3402 d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’ un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il
3403 alisme d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’ être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
3404 dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’ être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralism
3405 liser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc
3406 on avec le groupe, on a la possibilité matérielle d’ y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de gr
3407 e sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé d
3408 l ou politique, ou professionnel. Cette pluralité d’ appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclés
3409 taire, qui prétend faire coïncider les frontières de l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou
3410 re coïncider les frontières de l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est l
3411 uelles ou privées — ce qui est la définition même de l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les d
3412 , reconnaît que les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions
3413 ît que les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions, il mén
3414 , il ménage un recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres e
3415 voirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’
3416 organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les fr
3417 édération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées
3418 iste (centralisateur et individualiste à la fois) d’ un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui d
3419 entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivan
3420 e cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’ établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le
3421 nalisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’ une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
3422 mes ambitions. Ils opposent également à la notion d’ unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’or
3423 posent également à la notion d’unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géomé
3424 collaboration pluraliste et organique ; au couple de frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitair
3425 ividu déraciné et la masse totalitaire, le couple de frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloi
3426 énisme, ce serait priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir ég
3427 st pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
3428 tonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de
3429 ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre
3430 . Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux inc
3431 éralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, sépa
3432 droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens
3433 le fédéralisme est la seule possibilité pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser
3434 la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communaut
3435 d avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquem
3436 ement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194
3437 ménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble
3438 e définitivement des démocraties, ce sera la mort d’ une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la sup
3439 des démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’ une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute
3440 , sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles
3441 valeurs universelles créées par l’évangélisation de la conscience occidentale. D’autre part, si les démocraties capitalis
3442 alistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux terme
3443 e sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes de cette alternative sont également improbables, et que les destructions
3444 nir supprimeront pratiquement toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des fo
3445 atiquement toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne
3446 toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’e
3447 ’examen objectif des forces en présence ne permet d’ envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos
3448 e ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révo
3449 our l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une
3450 une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une
3451 dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
3452 confuses des peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
3453 peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’ Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’u
3454 hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui
3455 ruire. Il détruit les contradictions intolérables d’ une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant
3456 ntolérables d’une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui re
3457 une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se f
3458 tant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force
3459 it. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
3460 able rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner rée
3461 e de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne p
3462 agner réellement s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Stali
3463 r il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour cons
3464 e temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Ce
3465 nt au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence
3466 velle. Si les Églises n’y répondent pas, personne d’ autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Égl
3467 ne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles compren
3468 x termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles save
3469 ègne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voi
3470 ossibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état d’ impuissance apparente où se voient aujourd’hui les Églises, si cette f
3471 le sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont
3472 précédé et prédéterminé les structures politiques d’ une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence
3473 litiques d’une nation. J’indiquerai trois groupes d’ exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier.
3474 une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on rem
3475 e premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, corre
3476 s calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas de la France sous la Troisième République ? Comment expliquer ce fait ?
3477 République ? Comment expliquer ce fait ? À défaut d’ une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dira
3478 tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentime
3479 ni, se virent contraints par le sentiment général de reprendre à leur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils tr
3480 les pays calvinistes, au contraire, la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’étai
3481 istes, au contraire, la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas stricteme
3482 rictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs en
3483 te carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’ une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de disp
3484 gion totalitaire, mais par un phénomène contraire de dispersion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays s
3485 ous voyons ce processus ecclésiastique se répéter de nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique e
3486 duit un contenu socialiste. (Là encore avec moins de secousses en Scandinavie qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvi
3487 in s’est toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réfor
3488 ment pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres ter
3489 ières ». Elle doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésia
3490 it donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait t
3491 e paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans
3492 lth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme de « l’individualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéter
3493 e dernier pays, étant prédéterminée par le fait — d’ ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
3494 par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du
3495 n « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan d’ une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de
3496 ier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les i
3497 Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que
3498 rée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
3499 t aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la con
3500 nt tout effort fédératif sérieux. 2. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont
3501 . La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement conc
3502 es pour un ordre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les
3503 ns les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se
3504 ns transcendance, que précisément l’on se propose de combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philoso
3505 ropose de combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases a
3506 t, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur les
3507 puisse construire dès maintenant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !)
3508 st encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’ éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience
3509 traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’ expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un
3510 s, condensant tout ce que nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable
3511 organisation du Conseil œcuménique se trouve être de fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les Inte
3512 pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu
3513 ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu les socialistes angla
3514 subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette de mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simp
3515 une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va de pair, dans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train
3516 n train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répo
3517 répond exactement aux besoins les plus légitimes de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivant
3518 de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas
3519 e et grossièrement encadrée, les individus privés de leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance
3520 e par le mouvement œcuménique, marque l’avènement d’ une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-mass
3521 l’avènement d’une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œc
3522 individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéra
3523 . 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, auj
3524 u fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsis
3525 ements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique e
3526 . Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pa
3527 les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité
3528 amps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’ autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tab
3529 thétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’ esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’ac
3530 l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer
3531 des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ;
3532 s auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes d’ intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le
3533 t entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peupl
3534 ités morales et politiques (personnalisme). Point d’ action constructive sans idéologie. Mais point d’idéologie valable san
3535 d’action constructive sans idéologie. Mais point d’ idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans
3536 oint d’idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’une co
3537 e. Et point de théologie efficace sans le soutien d’ une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la commun
3538 fficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’ une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette comm
3539 lle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rou
3540 ger au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis de , « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
3541 t Denis de, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie , Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’une trad
3542 eptembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’ une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christen
3543 -639. ac. Il s’agit d’une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christendom, New York, n° 2, printemp
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
3544 hes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. I
3545 fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais
3546 e quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès —
3547 t du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
3548 notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’ avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-mon
3549 ent étranger à toutes leurs traditions, le modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou
3550 uniste ne fait aucune différence. Ils se trompent d’ Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. I
3551 libérées, leur identité retrouvée. Le seul moyen de les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exe
3552 de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’ un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continenta
3553 r, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépasse
3554 to-nationalismes par la fédération continentale ; d’ un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre h
3555 par la fédération continentale ; d’un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennen
3556 ssement de la croissance à tout prix des formules d’ équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou simplement l’ai
3557 que le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien
3558 ion, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est resp
3559 s. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son e
3560 des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos
3561 monde, et d’abord de son explosion démographique, d’ où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vr
3562 de son explosion démographique, d’où famine, mais d’ où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe se
3563 démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produir
3564 à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre p
3565 sions que nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-m
3566 u sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perd
3567 sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chanc
3568 ouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Co
3569 l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’ autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alo
3570 it ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous
3571 nières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chanc
3572 paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre proje
3573 énie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
3574 va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et s
3575 épondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me par
3576 paraît lisiblement inscrite dans la problématique de notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
3577 ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouv
3578 au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussit
3579 ls perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l
3580 ais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dire, il y a
3581 iser mon plan. À vrai dire, il y a toutes raisons de redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une n
3582 personne ne s’en charge en tant que représentant d’ une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Je
3583 ’en charge en tant que représentant d’une nation, d’ un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les ho
3584 n tant que représentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État
3585 sentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien,
3586 d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je
3587 les régions n’existent pas, ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouverneme
3588 onc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est d’ accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans
3589 éens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant, d’ occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses
3590 céder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
3591 per ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, enco
3592 fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir
3593 non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauch
3594 re leur dicte ses lois. Quant au « grand public » de la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujou
3595 u « grand public » de la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemb
3596 droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectat
3597 a su voir venir les guerres mondiales, la théorie de la relativité, le stalinisme, la décevante marche sur la Lune, ni mêm
3598 la décevante marche sur la Lune, ni même la crise de l’énergie. Tout ou presque semble indiquer à l’observateur objectif q
3599 erme (trouver un job) et souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’oc
3600 aite en même temps que le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refu
3601 le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce re
3602 e l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutio
3603 ur « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais tr
3604 aire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, pres
3605 ’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de
3606 ore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’ un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution »,
3607 pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution », notez cela !   — Si je comprends bien, vous n’avez ave
3608 rolétariat, ni les masses ni même les élites à la mode … Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience d
3609 s élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’ un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout
3610  ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le ref
3611 r où tout est faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le ca
3612 nt, ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’ un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce
3613 nt, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évide
3614 e évidence granitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civili
3615 de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtr
3616 la ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’ une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le
3617 ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel d’ une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette
3618 ette civilisation ne peut produire nulle garantie de sécurité égale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entre
3619 la société stato-nationaliste a pour seule vertu d’ être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pou
3620 isait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout d’ un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes
3621 père en toutes classes sociales et toutes classes d’ âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et
3622 s d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’ activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes
3623 rtir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déducti
3624 ’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade le
3625 ovations sociales et politiques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du con
3626 autés à la fédération du continent, première base d’ un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les ca
3627 ent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors d’ élections locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
3628 locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retou
3629 mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute
3630 de retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient d
3631 dinave vient de se voir renversé après trente ans de pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centra
3632 nements, même s’ils sont au service des marchands d’ armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des concl
3633 rchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme.   — Il y a
3634 ls ne tirent de pareils résultats des conclusions d’ un sain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, des signes favor
3635 ouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On
3636 , puis aux fédéralistes européens ou mondialistes de l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le
3637 e l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’oppos
3638 iale : dans les deux cas on échappe aux contrôles de l’État-nation, dont les monopoles classiques se trouvent débordés et
3639 ibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson ( de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que s
3640 kinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque
3641 sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des a
3642 « L’expérience nous apprend que seules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants
3643 ndées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urb
3644 es par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urbaine
3645 re de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée
3646  petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme He
3647 voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons d’ être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europ
3648 quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous rad
3649 et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous radicalement pessimiste ?
3650 ons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste
3651 essimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
3652 iste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chos
3653 urs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique d
3654 le que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne.
3655 et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la r
3656 e vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d’ autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisée
3657 en d’autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients.
3658 raser, je les dirai pédagogiques, seules capables de surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à
3659 l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger m
3660 propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’ Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien av
3661 r de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’ un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais
3662 se d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais cela dans mon
3663 rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux d
3664 a dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donna
3665 e, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
3666 oi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’ un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Q
3667 role », m’obligeant à jeter au panier, pour cause de confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre,
3668 ur cause de confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutô
3669 la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organisent dans l’ombre : « excursions » nuc
3670 tion des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant le
3671 chantages à la bombe bricolée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, M
3672 colée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’ un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans
3673 ttan, Moscou, Paris rasés dans l’heure… Quelqu’un d’ autre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
3674 tre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que
3675 and pour que l’opinion générale éprouve le besoin de mesures propres à faire le bien. Saint-Just ajoutait : Ce qui produ
3676 e vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles e
3677 nt (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins d’ un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans po
3678 it, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’ où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plu
3679 vers le pire. D’où non seulement l’urgence accrue d’ un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution,
3680 où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut facilit
3681 hangement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’app
3682 pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais
3683 e, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et procha
3684 . Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’imp
3685 e le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la g
3686 os efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, c
3687 évoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour
3688 je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’ or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le
3689 a vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maît
3690 formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pyt
3691 aclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni p
3692 olonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politiqu
3693 er désormais à prendre des mesures conservatoires de l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça du
3694 ce. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujo
3695 ’hui certaines causes du péril où l’humain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’en
3696 nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’ entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’en
3697 evoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis
3698 is. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanch
3699 sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le
3700 ’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie , bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le paysage
3701 Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous so
3702 s encore là mais aliénés, devenus incapables même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pa
3703 s même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne pass
3704 fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car i
3705 notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’ avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… c
3706 eur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’ autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de t
3707 mmes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’ où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que
3708 river ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
3709 eut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux de la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu
3710 « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques,
3711 ance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’ appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’es
3712 ue ces désirs créent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la
3713 réent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie , les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la force du désir,
3714 re avenir, mieux : c’est le faire.   La décadence d’ une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver 
3715 x à notre vocation dans la cité. Hors de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur,
3716 la cité. Hors de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai
3717 de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’ Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’av
3718 e communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit
3719 , ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous, — n
3720 probable ou précisément calculé, et d’abord celui d’ être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire
3721 , c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vai
3722 Remplacez ce système qui multiplie les occasions de haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce c
3723 angez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle de Juda, le grand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’ango
3724 rand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’angoisse humaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit êt
3725 ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ét
3726 méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse q
3727 itude religieuse que suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de poll
3728 ion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les région
3729 Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions,
3730 ion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’
3731 voir avec tel mode de pollution ou de production d’ énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléa
3732 nucléaire ont valeur symbolique en tant que nœuds de problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décis
3733 isions métaphysiques et religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou
3734 le de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
3735 ire des régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vo
3736 ibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre
3737 unauté où la personne ait liberté de découvrir et d’ exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les
3738 me coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités de base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de
3739 n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que
3740 t rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’e
3741 ue se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement
3742 nvertir. Tous les prophètes condamnent la volonté de puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les
3743 Bible exalte en revanche « la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’hu
3744  la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses pro
3745 ’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup l
3746 t la mesure est la puissance militaire, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulem
3747 de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que
3748 plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphèr
3749 e de soi-même mais seulement de la désintégration d’ un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La
3750 La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut de notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de l
3751 rréductible spirituel, comment fonder l’objection de la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, q
3752 de la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Pui
3753 e, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’ État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Lib
3754 er le verdict de la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tranchera ? E
3755 sance ou Liberté, qui tranchera ? Entre le besoin de sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix d
3756 ntre le besoin de sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chos
3757 ix et la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui
3758 tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une soci
3759 la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’ une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que
3760 uver en tant que nation, vend ou achète les armes de la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grand
3761 gistes à penser que se manifeste, dans l’humanité d’ aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — ch
3762 suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ce
3763 issante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la
3764 us — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce n
3765 éons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. M
3766 sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. Mais quelque chose comme le m
3767 ait seul, sans écho, devant l’indicible injustice de l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveau
3768 ice de l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trou
3769 ent imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de save
3770 la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens.
3771 e de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’ y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette générat
3772 rs, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pa
3773 uits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle q
3774 s. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’ autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tire
3775 énération ne recevra pas d’autre oracle que celui d’ Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolu
3776 as d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas
3777 oir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’ une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme
3778 résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle
3779 ’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’ une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dan
3780 sse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   É
3781 de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’ être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   Écoutons mainte
3782 re cœur.   Écoutons maintenant le cri sublime.   De Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit
3783 voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu
3784 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit auss
3785 », Preuves , Paris, n° 8, 1971. 76. Politique de la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des
3786 la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de , « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 14
3787 Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie , Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces quelque