1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 ique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’ a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaisse
2 l’avènement de cette organisation toute-puissante n’ est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il tem
3 audrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cet
4 monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capit
5 ti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour facilite
6 ards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’ est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa v
7 ltat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’ a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé c
8 rmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’ a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les sociali
9 e les socialistes font aux capitalistes européens ne sauraient l’atteindre. Au contraire, il a résolu la question sociale
10 , il a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
11 ’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels
12 . Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’ en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la
13 de la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La pass
14 ncée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publ
15 du consommateur. Prenons cette petite phrase qui n’ a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisammen
16 cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix, on ne trouve t
17 ra que, si l’on abaisse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il sem
18 elles de cet abaissement de prix — la concurrence n’ étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché
19 . Dire que l’état du marché est tel que le client n’ achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanémen
20 it ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ ait plus qu’à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de
21 nt disparu, la production devant se maintenir, il n’ y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les pri
22 par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 francs en ach
23 s moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’ eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’
24 perie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’ est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à fai
25 », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâc
26 t créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la nature humaine a des limite
27 ion de finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’ empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus di
28 idéale réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’ est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable sim
29 besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est
30 philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérial
31 ns affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’ y changeront rien. D’ailleurs, voici des déclarations plus nettes enco
32 voici des déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines Ford simplement comme des machines. J’y vo
33 montrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrement les autos et les tracteurs, mais comp
34 s nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre
35 elle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors
36 t se remet à discuter des points de technique. Il n’ a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ail
37 parfait qui combat les techniciens imparfaits. Il ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérite l
38 la philosophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’ est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce
39 la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien
40 res chances. J’accorderai que le progrès matériel n’ est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre
41 rces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’ est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix
42 l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’ en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en quel mé
43 de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’ est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autre
44 de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’ en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en pren
45 une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l
46 monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir sp
47 sé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’il n’ éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu
48 er la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le se
49 sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribuer s
50 i-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne compre
51 r que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occidenta
52 hnique a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’est pourtant l
53 la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’a
54 s un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’ est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments d
55 des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’ est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des
56  ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elles les
57 romis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu
58 ez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en
59 happatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’ est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient
60 st encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
61 également funestes, également démesurées, l’homme ne peut subsister qu’en tant que son génie parvient à composer les deux
62 ge de Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’ importe quelle forme. Brusquement, nous voici « gagnés » par l’un des
63 il est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’ y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est com
64 s de la métaphysique. L’équilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la scien
65 libérée, demande la tête de la métaphysique. Elle n’ entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi,
66 nsée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes
67 s de l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans ses servitudes5. Aussi la critique du matériali
68 me moderne sera ce parti pris, spiritualiste — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être
69 itera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’une pen
70 e mystique a la même extension que l’humanité. On n’ en saurait dire autant de notre raison. Les faits mystiques — qu’on le
71 e toute fin religieuse particulière, antérieure à n’ importe quel dogme. Je ne crois pas qu’il existe d’autres facultés cap
72 rticulière, antérieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nou
73 nder la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se c
74 ns doute… Mais tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouv
75 n ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman. Le type de cheval
76 lu parmi les peuples germaniques, où son prestige ne le cède aujourd’hui qu’à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais
77 l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne se comprend lui-même qu’en tant qu’il « passe l’homme » et participe,
78 Un seul fut parfaitement Homme : c’était un dieu. N’ attendons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
79 1931)d M. André Malraux écrit des livres qu’on n’ oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’expérience
80 y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’ a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier r
81 inégal aussi à certains égards et qui cette fois ne montre pas l’homme aux prises avec l’humanité civilisée, mais avec la
82 obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’ est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversations, fait parfo
83 ffaires — qui se donnent une espèce d’autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il intimide un peu
84 mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. Au reste, le livre s’ac
85 ieurs obéissait son action. C’est peut-être qu’il n’ y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par dé
86 oureusement la révolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathéti
87 vivre contre la mort, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « fraternité désespéré
88 originale certes, mais à tel point que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et atteints jus
89 est sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’ a pas remarqué que les portraits des meilleurs peintres ressemblent à
90 ur » d’expression et de masques si dissemblables, n’ est-ce point cela qui forme l’autoportrait le plus profondément ressem
91 Perken, les traits d’une individualité morale qui n’ est sans doute que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-
92 rtain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’ attend rien que de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de co
93 la mort. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’ est pas, donc je suis » ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plu
94  ; voué à un orgueil sans issue, puisque pour lui n’ existe aucune transcendance où s’abîmer, d’où renaître. Je ne sais pas
95 cune transcendance où s’abîmer, d’où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui pose avec une pare
96 l de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’ est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement
97 e désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’ est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances
98 ncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s’il n’ avait naguère au cours de ses aventures asiatiques passé outre à certa
99 en outre violations des lois divines et humaines, n’ eussent vraisemblablement pas fait encourir à notre auteur pareil ostr
100 notre auteur pareil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Den
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
101 ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’ est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon
102 ragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique littéraire ; il arrive qu’elles m
103 ive à des œuvres qui « signifient » plus qu’elles ne « sont ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’avant-guerr
104 nôtre ayant voix au forum discute autant qu’elle n’ invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ai
105 forum discute autant qu’elle n’invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie,
106 et les thèmes principaux : J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où éta
107 notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît
108 positions éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’ est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image f
109 n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’ est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un l
110 notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement p
111 e, la politique étant absents, faute d’emploi, il n’ y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poétis
112 avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, « être poétique, c’est a
113 C’est sans doute qu’on les a par trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en est à l’idéologie bourgeoise du xixe sièc
114 le « distingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’ est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins
115 lleurs, si je vois bien que le propos de M. Nizan n’ est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la s
116 ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden est assez faite p
117 térielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolution-là a l’
118 es, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’ insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions (c’est si vraisemb
119 qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’ est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela.
120 demande M. G. Marcel. L’orgueil tout d’abord, je n’ hésite pas à le déclarer. On m’arrêtera en me faisant observer que cet
121 m’arrêtera en me faisant observer que cet orgueil n’ a pas un caractère personnel, puisque l’Esprit dont M. Brunschvicg nou
122 sque l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entretient n’ est l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que c
123 is Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’ est après tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas
124 tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’ est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévitablement à l’Esp
125 l croire à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’ aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’a
126 prit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psycholo
127 un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’un
128 ation, souffrant comme lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors, se dit-on souv
129 ent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’ y pourra rien, si radical soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celu
130 ssi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour nourrir une révolution. Par
131 servitudes provisoires de la technique. Mais rien n’ est plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’est plus incertain
132 ’est plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’ est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le
133 entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vous n’ avez pas su conjurer la malédiction du monde moderne, clame-t-on de to
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
134 e résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’ avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous c
135 ennuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n’ étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la
136 yeuse lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’ est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objec
137 eux de beaucoup, le choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants, il
138 l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas d
139 ait ici que d’« artistes protestants ». Mais cela n’ empêche pas de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun,
140 rigine ou à leur foi réformée, — et si ces traits ne constituent pas, en définitive, les éléments d’un art protestant. Il
141 at qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissocie jamais la recherche du beau et le goût intransigeant du vrai
142 enouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’ étonnera pas ceux que le problème de la création intéresse, l’artiste
143 soin plus que quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’
144 deux mots, il y a des « sujets catholiques », il n’ y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les su
145 est bien là que nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal
146 stant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’ est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mai
147 naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’ être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
148 omme un type très représentatif de l’Occident. Il n’ a rien du prophète oriental contre lequel des Massis mal informés nous
149 voisin inévitable. Mais ces anomalies très graves ne sont peut-être que transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons u
150 leur vivante réalité. Mais tout ceci, à quoi nous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction
151 s tout ceci, à quoi nous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle, u
152 paration nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’ est pas la peur du monde-termitière qui sauvera la condition humaine m
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
153 ion française — d’un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n
154 eur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’ est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la v
155 r dans sa préface, lisez-la, et si vous la lisez, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ils n’aient lu eux-mêmes
156 e dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ils n’ aient lu eux-mêmes le livre. J’espère que les critiques ne le diront p
157 lu eux-mêmes le livre. J’espère que les critiques ne le diront pas non plus ; mais je sais que c’est beaucoup leur demande
158 ns son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglaise. Tout le d
159 nglaise. Tout le drame est intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes qui, échappant soudain à
160 e que l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui attirera certains lecteurs, qui ag
161 la permet à l’auteur autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cela p
162 ts apparemment sans issues : les acteurs du drame n’ hésitent pas à louer une villa à Heidelberg ou à Séville quand la situ
163 illa à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’ est plus tenable à Londres, et l’histoire continue, pour notre agrémen
164 n peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mérite le plu
165 un jeune lord ; toute l’existence d’une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amou
166 rfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension continue, mais une fois atteint le moment d
167 mais une fois atteint le moment de sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour é
168 humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure comporte à proprement par
169 e Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’est pas un
170 ans le ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’ est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses person
171 ondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’ est pas le tragique d’une condamnation, mais celui, combien plus amer
172 uel on sent que Baring attache une importance qui n’ est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du récit se ralentit,
173 cte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’ avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a donc é
174 é un Italien et vit dans un milieu catholique qui n’ exerce, dit-elle, aucune pression sur ses convictions religieuses. Mai
175 s convictions religieuses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante
176 qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ ait point ébranlé sa foi, la princesse répond : « Je ne crois pas, j’e
177 point ébranlé sa foi, la princesse répond : « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’il soit difficile, quelquefois,
178 ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’apercevait que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure d’espr
179 ises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas d’autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et convention
180 reuse, isolée, cherchant une sécurité intérieure, ne trouve pas dans ces indignations sentimentales la réponse aux premier
181 belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne disent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-elle pas attirée
182 , mais ils ne disent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-elle pas attirée par la Rome papale, qui la console de l
183 re à tel point la seule solution possible qu’elle n’ est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le m
184 possible qu’elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le milieu protestant étant nul), ni l
185 ité, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’ est pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être
186 nce, le courage de sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à cette grâce. Aussi notre bonheur
187 uprême, à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’ est-il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’
188 esure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’ a répété avec autant de force que Baring le fameux, l’irrépressible ar
189 arfois la sensation que ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’est pr
190 se, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’ est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « p
191 n protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas à quelque chose. On se convertit simplement. (Simple
192 abulaire religieux. 19. Soulignons qu’un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis de,
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
193 le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’a
194 et les Attaques contre le christianisme officiel ne peuvent être comparés qu’aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal
195 qui sévirent, dans le premier, dès ses origines, ne se donnèrent cours par contre qu’à la fin du second. Le Moment et les
196 Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fondateurs du christianisme, à Luther,
197 le. Le héros de la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’ a plus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le r
198 d est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs
199 ogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair
200 marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre de cette envergure ait pé
201 lui-même avait exprimé le souhait formel que l’on n’ ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce
202 urnal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’ en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité
203 le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’ est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
204 mets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqué jusqu’ici dans pareille aventure. Personne même n’avai
205 é jusqu’ici dans pareille aventure. Personne même n’ avait signalé cette curieuse lacune de notre histoire littéraire : pou
206 stoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’ avaient pas d’histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux —
207 e valise — et d’une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce goût qu’avait le vieux Goethe pour l
208 France. À part Sénancour, aucun de nos écrivains n’ a su puiser dans le thème de la montagne une inspiration lyrique ou ph
209 nt intervenir la montagne dans leurs œuvres, elle n’ est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sub
210 n pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle est unique dans la littérature
211 un sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’ est pas étrangère. » — « Cependant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Pu
212 issance aux mille aspects, aux mille bruits. » Ce n’ est plus l’homme que ces poètes viennent interroger sur les hauteurs,
213 e véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’ est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, n
214 grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aus
215 rtueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’ est ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit une grandiose exist
216 epuis Nietzsche un style alpestre dans la pensée. Ne pourrait-il pas informer d’autres pensées que les malédictions de Zar
217 s la « virtu ». L’héroïsme, au vieux sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur de cert
218 x sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’ est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de ce
219 s c’est là se contenter à bon marché, et personne ne croit plus à la vertu de simulacres à ce point galvaudés. (Un Monther
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
220 awa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livre e
221 chrétienne d’atteindre la grandeur morale si elle n’ a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère ph
222 teindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matér
223 par le communisme, comme son bien propre. Mais il n’ y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évang
224 nte et sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’ est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partag
225 ent radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’ y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalisme » littéra
226 tra presque scandaleuse à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais de la réalité psychologique et matérielle, et c’es
227 ire que dans ces deux gros volumes si nourris, il n’ y a pas deux lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne tradu
228 lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue et particulière. Telle est la certitude q
229 tuel qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’ est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au tra
230 tsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir des rappor
231 mpagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’ aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être
232 lui disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vulgaire. » Mais au mêm
233 avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante.
234 t Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne put retenir ses larmes. Tandis qu’il marchait en silence à la suite d
235 ables, et vont jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car il professe ave
236 à intimider Eiichi. Eiichi garda le silence ; il ne voulait pas se laisser aller à la colère comme le Procureur. Au contr
237 nt leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ?
238 voulez-vous renverser l’état social actuel, si ce n’ est par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre p
239 ’y soustrait quand il le faut pour mieux vivre et n’ en fait jamais une affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et décri
240 ure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagérer sa critique
241 agérer sa critique et sans nulle complaisance. Il n’ a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se r
242 ’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en poussant au noir le
243 ant à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’ a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « h
244 . Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne regardait, il se jeta par terre sur la route, criant à son corps : “M
245 llement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’ était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merveilles
246 s rares allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’ en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière
247 prises avec toutes les formes du mal, jamais vous ne surprendrez dans ses yeux rien du moralisme glacial des « honnêtes ge
248 un « ennui » qui sert à beaucoup de prétexte pour n’ y point réfléchir. Mais à tout prendre, cet ennui traduit ou marque no
249 qui acceptent d’étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère attirants — (le devraient-ils ?) — ni
250 nt, vain et irréductible. Car la question sociale n’ admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la p
251 n’admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, m
252 ar conséquent plus troublante que celle qu’impose n’ importe quelle attitude politique. Aux yeux d’un incroyant, ceci peut
253 eut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif n’ est-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous for
254 rétiennement le fait de la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui veulent assimiler christiani
255 ler christianisme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte ren
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
256 desse » m’a toujours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop su
257 vaniteux verdicts d’une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoralis
258 ’une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte des
259 uvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce que je ne veux pas me laisser entraîner sur le terrain purement moral ou immora
260 distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’
261 c un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en d
262 n, et cette retenue trop consciente de ses effets n’ est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la
263 t, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-là ne fait qu’usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenter
264 ctique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’ apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes » c’est que c
265 ogique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’ a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangél
266 ntendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on
267 son « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’ est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines id
268 mais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’ est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spect
269 » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’ est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la signification d
270 estant veut dire témoin (protestari), jamais Gide n’ est plus loin du protestantisme que dans cette attitude sereinement co
271 éforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse de faire entendr
272  pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses antagonismes.
273 de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’ est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourt
274 lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéresse, n’ est plus qu’un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Pl
275 tré que l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division intern
276 de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’ y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que
277 ue de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphysique. À cette heur
278 ’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer,
279 étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même de douter fortemen
280 nnaissons de reste et la littérature de nos jours n’ est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’ob
281 ologique considérable : que le bonheur de l’homme n’ est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide au
282 d’un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’ est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de
283 able : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’il n’ aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les vices
284 les vices ayant épuisé leurs saveurs. La question n’ est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que n
285 ire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabili
286 l’a prononcé en France. Kierkegaard, un homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais là où d’autres
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
287 hibaudet exprime son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Gen
288 Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’ avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait pour devenir une manièr
289 contre le Cardinal, était corsaire de son métier. N’ oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer d
290 s de la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’ en fait pas un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute
291 la n’en fait pas un Genevois, au contraire ! Mais n’ oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de
292 ns élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige plus et qu’elle flotte au hasard, sans but et sans attaches
293 ne unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’ est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et le
294 t d’une série de tableaux parallèles. Les parties n’ en sont plus dérivées les unes des autres, mais elles s’étalent à la f
295 el donnait ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à
296 rofondes et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui les aurai
297 ées à ce point et les aurait ainsi fouillées ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé
298 ; l’âme humaine, je pense, depuis qu’elle existe, n’ a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple,
299 ui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’ étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’une sainte p
300 xistence apparente était plus calme parce qu’elle n’ était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les
301 les désespérances dont notre époque est prodigue, ne s’étalaient point au grand jour, il y avait pour elles une autre issu
302 s oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’ en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on lui
303 rsée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucune paix dans une intimité purement humaine : Et l’homme s
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
304 t digne d’intérêt, et que personne, croyons-nous, n’ a relevé, que les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient
305 limiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’ était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’un nationalisme religi
306 confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusati
307 les, dont nos apologètes se réclament volontiers, n’ en constituent pas moins pour notre protestantisme un jugement indirec
308 s. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’ est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous s
309 l semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’ eût voulu voir qu’une pudeur — lui fait éviter toute allusion chrétien
310 mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’ a point empêché ces trois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup
311 t celui qui refuse la louange approximative. Nous ne saurions assez nous garder d’accepter des adhésions qui vont aux prod
312 nent de tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’il e
313 d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’ être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait
314 le, tel que nos contemporains se le représentent, ne pouvait s’exprimer que dans la forme du roman moraliste (forme qui pa
315 cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne participant que très indirectement d’une atmosphère proprement chréti
316 se et fulgurante du véritable calvinisme. Or nous n’ hésitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et du
317 érence, mais comme on craint le risque, que Jésus n’ a jamais craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théol
318 s cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’ exprime par là rien d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et s
319 eut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voy
320 , de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’ est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le développem
321 négation absolue de son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’elle peut imaginer en dehors d
322 atoires « hygiènes de l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous aurons compris que la santé est dans
323 oici loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais d
324 guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destr
325 e qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous
326 . Or les temps vont nous y contraindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté, héroïqu
327 enne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’ y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques
328 z les protestants, qu’un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consist
329 t vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’ est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout
330 ut ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 1
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
331 philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importa
332 tés et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’ y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l’Oc
333 s le plus grand Occidental fut-il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette question sous l’an
334 me que la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christia
335 onscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » com
336 ns avec Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ ont pas été choisis pour dissiper trop facilement une équivoque réelle
337 bsiste et paraisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ?
338  ? La question serait tranchée, en effet, si nous ne savions rien des circonstances dans lesquelles Goethe évoluait. Un gr
339 littéraire la plus parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’i
340 père voir le jour où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce suj
341 dépourvue d’orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la responsabilité qui incombe aux « chrétiens »
342 pports avec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tourné passionnémen
343 né passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mette
344 nt ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n’ y saurait tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de
345 t tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieus
346 r première sensation religieuse, et croient qu’on ne peut aller plus loin parce qu’ils ignorent tout du reste. » C’est ce
347 ais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint qu’en outrepassant les limi
348 nce mystique, il ne tardera pas à découvrir qu’on n’ y atteint qu’en outrepassant les limites normales de l’esprit humain.
349 ent caractérise les chrétiens, affirmons que nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à e
350 rte de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’ était qu’humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu dev
351 ueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’ existait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien d’autre que l’ens
352 si Dieu n’existait pas, ou encore : comme si Dieu n’ était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conc
353 si nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’ est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, a
354 n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’ y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Chri
355 nfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception pourrait choquer certains prot
356 Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’ est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envi
357 ux yeux de la foi, constitue sa raison d’être. Il n’ y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. L
358 mme antichrétien, mais d’une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des boutades anticatholiques
359 Mais comment juger les actions d’un être que nous n’ avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge. Si nou
360 e : le renoncement et la réalisation personnelle, n’ est-ce point tout simplement que les idées, les théories et les systèm
361 dées, les théories et les systèmes prônés par lui ne coïncident pas avec les idées, les théories et les systèmes dont nous
362 eons urgent d’accentuer actuellement, la vérité ? N’ est-ce point là porter un jugement avant tout partial, et qui révèle n
363 cal. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes rais
364 he, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir d’objet à notre jugement. Bie
365 Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’ est qu’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation
366 nous tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il su
367 ble, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’ avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nou
368 exemplaire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’ avons pas besoin d’avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous
369 oir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’ avons pas besoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir q
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
370 le connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’ est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indif
371 de réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’ a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’il se mo
372 firmer la nécessité d’une pensée active, mais qui n’ ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils
373 d’une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils voient bien le vice
374 s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affranchissement devient possible ; ils ne
375 prix cet affranchissement devient possible ; ils ne voient pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’
376 nt pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : christianisme ou marxisme. Ce qui revi
377 n française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comportent nulle allusion à la position politique de ce journal. Le t
378 le font « la révolution nécessaire ». Certes, on ne saurait demander à un recueil d’essais réunis après coup de fournir u
379 atique, au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’ étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire
380 n’étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci
381 que de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’ est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas
382 e férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’ est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il sera
383 reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis de
384 à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins beso
385 Mais celui-ci, par bonheur, est très simple : Il n’ y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici,
386 de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produits tératologiques de la m
387 leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie sans matière, la philosophie sans
388 ière, la philosophie sans rime ni raison » … « Il n’ y a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune rai
389 aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’ y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Niz
390 ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philo
391 et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup de leurs techniques. On dira sans doute que l’
392 rvue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’ est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu
393 lui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’ est plus mené par les philosophes, qu’il accorde à leur activité une i
394 il accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. Certes40
395 le, où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’in
396 me prétend travailler pour l’homme en général, il n’ est pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une critiqu
397 i on l’appelle avec Marx, l’homme concret (ce qui n’ est encore qu’une formule), l’homme au singulier des philosophes, on s
398 es philosophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’ est qu’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui int
399 Mais, en vérité, la lecture du livre de M. Nizan n’ inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime aucun homme
400 olence plus que dans le sacrifice à une cause. Je n’ insisterais pas, si ces traits ne me paraissaient communs à beaucoup d
401 à une cause. Je n’insisterais pas, si ces traits ne me paraissaient communs à beaucoup de jeunes intellectuels marxistes,
402 stes, en France particulièrement. Les philosophes ne s’adressent jamais à tel homme dans telle situation quotidienne, répè
403 situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’ a pas trouvé la seule réponse possible et réelle dans le message évang
404 ux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes secrètement avides
405 eté. Car en présence de l’athéisme militant, nous n’ avons plus à prouver vainement que Dieu est ; mais à prouver pratiquem
406 s à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’ avons plus à argumenter à la manière des philosophes, mais à témoigner
407 le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’ a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi, du
408 de « penser dangereusement ». Mais les marxistes n’ y échapperont pas. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’e
409 inhérents à l’être concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas les religions, ni leurs morales, ni leurs prêtres, ni tout le
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
410 aît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrables
411 uante ? Des romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes
412 urs activités, à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine d’ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent ê
413 au jeu des puissances modernes, que les Français ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là que gît l’expl
414 s le monde contemporain voit bien que la question n’ est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serai
415 parfois précisément, sur la civilisation actuelle n’ est pas quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyen
416 des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour
417 rand public » considéra que la lecture d’un livre n’ était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des id
418 guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’ avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facil
419 ne fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt qu
420 xplication tente les journalistes. Mais le cinéma n’ est qu’un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre
421 , le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’il n’ y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont il de
422 tmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvienn
423 t est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’ a été recherché avec une telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma,
424 , un monde plus absurdement divers que nul esprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience de la Renaissance, étendue à
425 les désirs à peine conscients du grand public. On n’ a pas cessé pour autant de publier des romans nouveaux, mais le fait e
426 — et j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’ est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosi
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
427 ommun de la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression
428 ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’ est pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre
429 toires qui s’affrontent au milieu du désordre. Il n’ est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui ve
430 chesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ ont plus goût à y vivre. Les villes se congestionnent et la jeunesse y
431 que le « désarroi » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières et
432 millénaire dont les périodes dites « prospères » ne sont que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des il
433 tant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corr
434 x-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui,
435 ur le plan de la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe qui unifie. Mais, au contraire, dès qu
436 qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’ est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons
437 e problème est plus complexe ! Non, les problèmes ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ils le sont, osons les simpli
438 t, osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’ est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nou
439 re des complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser
440 textes à refuser de prendre position, comme si ce n’ était pas là, déjà, prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! N
441 choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Desti
442 n siècle peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’ y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un ho
443 s races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’ est que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques géni
444 er degré. La grande majorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mais elle garde chev
445 ontemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’ y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à des
446 est le Nombre, c’est peut-être Légion… Sans doute n’ avons-nous pas toujours conscience de les servir. Vous me direz peut-ê
447 ublique et la presse, auxquelles nul d’entre nous n’ échappe, ni ne songe à échapper. La classe et la race : voilà peut-êtr
448 presse, auxquelles nul d’entre nous n’échappe, ni ne songe à échapper. La classe et la race : voilà peut-être les divinité
449 re, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’ a rien de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée v
450 ement par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’ est-ce pas, deux points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur
451 t l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’ est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le mon
452 Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’ a pas les apparences d’une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas
453 pparences d’une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils
454 loppement économique des siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réali
455 s, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générales, économi
456 s ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seulement aux partisans attardés de Darwin, mais aussi
457 t ils s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité de tous ces mythes, j’ai be
458 ompte, à la réalité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bie
459 igé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, qu
460 draient beaucoup de leur violence. Sans eux, nous ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions-no
461 notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’ en finirions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout
462 tous les appartements sont pareils et qu’un homme n’ a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille ava
463 à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu des libéraux, c’était, par exc
464 vocation ni raison d’être, un homme dont le monde n’ exigeait rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer de soi-même
465 e ». La jeunesse découvrait avec angoisse qu’elle n’ avait plus rien ni personne à servir. C’est l’état le plus dégradant q
466 s gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de revolver, qui prit m
467 il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’ avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La
468 nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’ y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associa
469 e. Oui, le destin du siècle, le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’un monde chaotique hautement orga
470 ion du siècle. Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’ est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tablea
471 ut-puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’ est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou dési
472 re de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’ est pas les diviser, ni abdiquer sous leur implacable destin. Ceux qui
473 -on, en face de tous ces monstres menaçants, vous n’ avez rien à proposer que votre chétive personne ? Vous serez emportés
474 . Il faut aller plus loin : les mythes collectifs n’ expriment rien de plus qu’une certaine attitude, l’attitude démissionn
475 vant son destin. Eh bien ! la personne à son tour n’ est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définit
476 omme et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’ a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut a
477 us décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attacher qu’aux seules tâches immédiates. La personne, au cont
478 une question grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’on pose souvent aux groupeme
479 rité supérieure se fonde votre personnalisme ? Je ne vois qu’une réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Éva
480 monde par la contrainte ou dans la liberté, vous ne ferez pas une société si vous n’avez pas, avant tout, retrouvé le rap
481 la liberté, vous ne ferez pas une société si vous n’ avez pas, avant tout, retrouvé le rapport primitif, le rapport véritab
482 s, une vocation personnelle. Personne et vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet
483 vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Die
484 loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’ avait pas pu lui faire comprendre : le prochain, c’est celui qui exerc
485 sonnel, et fonde aussi la seule société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte de la miséricorde, c’est l’acte le plus
486 au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le déses
487 re être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut,
488 Après tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’ est pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une co
489 sonnelle, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’ est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa
490 ère devant lequel je vous laisse maintenant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant d’avoir rencontré Dieu. 42. L
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
491 nce de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’un ouvrage « diffic
492 l. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce n’ est point partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réf
493 losophes y connaissent des succès dont rien, ici, ne peut donner l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth
494 qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’ est un secret pour personne qu’ils contribuent pour beaucoup à détermi
495 ton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’ est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de so
496 ut attribuer autant aux philosophes qu’à ceux qui ne les lisent plus. Le public se figure que la philosophie est une activ
497 se figure que la philosophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, i
498 ophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la nie p
499 que chose : pourra-t-on l’ajouter après coup ? On ne complète pas un acte avec des considérations sur cet acte ; ou c’est
500 ations sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’ est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui a
501 i leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations morales du philosoph
502 p longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’ est-ce point l’obscur pressentiment d’un tel péril qui explique, en de
503 enant, que la collusion se produise. (L’hypothèse n’ est pas absurde : elle s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengl
504 Qui donc voudra les encourir ? Ceux-là seuls qui n’ ont pas à subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’oppor
505 ales va réveiller quelques chrétiens. Leur office n’ est-il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs,
506 mpromis ? Il est certain que la pensée chrétienne n’ a jamais eu plus impérieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes
507 modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce seul niv
508 nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entreprendre la confrontation
509 utefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’ a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les graves avertissements de
510 e le service que la pensée chrétienne doit rendre n’ est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne
511 du au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer le chrétien, mais le
512 r Nietzsche, on s’en souvient46, l’amour chrétien n’ est que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles voue
513 ’est ce renversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : …
514 Voici comment il le décrit : … l’impuissance qui n’ use pas de représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la cra
515  patience », parfois même « vertu » sans plus ; «  ne pas pouvoir se venger » devient « ne pas vouloir se venger », et parf
516 ans plus ; « ne pas pouvoir se venger » devient «  ne pas vouloir se venger », et parfois même le pardon des offenses (« ca
517 et parfois même le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle
518 onfusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne connais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’aujourd’hui qu
519 les fausses valeurs décrites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte d’amour personnel — qui est une valeur héroïque —
520 non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’ est qu’une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien pl
521 e laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargn
522 À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’ y a pas la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire une sournoise
523 révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’ est pas le chrétien, c’est le bourgeois dont la morale usurpe l’appare
524 française ; un de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai
525 philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n’ en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté très nette de
526 olontiers dire que philosopher, c’est apprendre à ne pas se suicider. « On pourrait même dire que la possibilité permanent
527 ntiel de toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’une méditation qui se propose pour obje
528 l, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsistantes —
529 eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’ étaient pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dis
530 t pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser de me demander du même coup : qui suis-je, moi qui
531 ilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’ est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle
532 iberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’elle peu
533 sinueuse, le titre un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’une critique
534 le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. L
535 première partie est un drame en quatre actes qui n’ est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est
536 à certain idéalisme de la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par M. Marcel trouverait sa place
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
537 de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut
538  ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à 42 ans, il
539 faire aux banques. Lorsqu’il mourut, à 42 ans, il n’ en subsistait rien. L’argent provenait d’une malédiction, pensait-il,
540 Il avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons
541 ues. Il voulait signifier par là que ces ouvrages n’ exprimaient pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il n
542 ore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et devant
543 sponsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte cont
544 rd à Nietzsche, à Dostoïevski, à Pascal. Lui-même ne s’est jamais comparé qu’aux grands modèles apostoliques : à saint Pau
545 uther, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’ était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de
546 si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Cette position paradoxale a permis les
547 Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fondateurs du christianisme, à Luther,
548 rkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs
549 ie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair,
550 marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite en français sous le titre de Traité du d
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
551 Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’ est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient ave
552 s le nient avec plus de passion que les bourgeois n’ apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, un
553 us précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corp
554 s lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’ y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule sera
555 t la marque d’un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors
556 rand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les loi
557 enoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est
558 e populaire ; que la justice, enfin, et la vertu, n’ ont aucune réalité si chacun n’est pas à sa place là où la vocation de
559 nfin, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’ est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un t
560 me existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’ est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession
561 rétiens, comme si la religion, de toute éternité, n’ était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de
562 e ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’ a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à l
563 de laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce
564 ue le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’ est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du sa
565 xerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’ est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Il y a
566 conduire à la ruine ou peut-être même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce
567 essés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’ est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calc
568 Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’ est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend l
569 étrissent le matérialisme au nom des biens qu’ils n’ ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tardive
570 er. Ils affirment trop tardivement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens que nulle viole
571 et qu’il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’est une triste réponse à la révolte de ces pauvr
572 a révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on ferait
573 ’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’ a pas à se défendre, mais bien à témoigner de son incarnation ; on fer
574 ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’ est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un j
575 Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’il n’ est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient li
576 espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin, ni à Moscou, mais à nous-mêmes devant Dieu.
577 à la présence dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous p
578 s ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n’ a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitab
579 l me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’ aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne de notre philosophe. C’est
580 masse, règne aussi le sérieux le plus pesant. On ne rit pas devant le dictateur, ni dans les rangs des troupes d’assaut.
581 pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’ est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaine
582 e monde sans esprit, exactement comme si l’Esprit n’ existait pas ! Serons-nous des témoins ou des espions craintifs ? Atte
583 Nous posons toujours la dernière question. Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croy
584 n. Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croyons réellement à l’opinion publique. Nous
585 (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte o
586 sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’ avons pas voulu souffrir ». « Dans l’église somptueuse paraît le Très
587 le monde les petits et les méprisés”, et personne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’est p
588 C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’ est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de
589 oujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’ agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est précisément le
590 riginalité. « Mais quoi, professeurs et disciples ne se trouvent bien que dans l’imitation : c’est pourquoi ils se sentent
591 erkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’ est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule.
592 aussent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’ est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que
593 l le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’ est rien qu’un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu,
594 e de romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, im
595 ormation que veut l’Esprit, s’oppose à l’Ordre. «  Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit
596 à seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle »
597 ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’ est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolut
598 n créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection
599 à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le s
600 au passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’ est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est qu
601 fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’ est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prê
602 eur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’ en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chimères p
603 ire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’ est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telle
604 e l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’ est pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle partici
605 pre ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’ est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde s
606 ndamne « la masse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne pe
607 e. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le disting
608 le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouv
609 se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’ est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence da
610 le dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’ est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi
611 chologues, son reproche à la foule, c’est qu’elle n’ exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables,
612 hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’ est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est
613 , et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Ma
614 lusion d’être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait commencé, celles-là l’aura
615 auraient eu, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’ est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son
616 on acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’ a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains,
617 elles de son voisin et non celles de la foule qui n’ a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’a
618 », — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’ est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de c
619 ant, nous témoignons de notre démission. La foule n’ a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister
620 nt Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’ est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « 
621 omique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujourd’hui s’en prévaloir pour rendre un culte sanguinaire au
622 hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux, Heg
623 ens, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’ est-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme
624 de la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’ est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre
625 i pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’ est-il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Espri
626 ntelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepti
627 orts gouvernent les vivants, c’est que nul vivant n’ ose vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ?
628 est l’objectivité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythique
629 le cas, je reste bien tranquille. Ce « moi pur » ne met pas en cause mon désespoir, ou si l’on veut, je peux rêver dans l
630 ur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’ es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule at
631 prisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours pas grand risque. Si tu dis non, si tu agis, elle te tuera peut
632 rémité, le compromis se justifie… Mais si ton moi n’ est pas à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as r
633 çue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n’ as plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’est plus ton affai
634 as plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’ est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n
635 t derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’ est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité rév
636 e, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’ est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait perm
637 plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permettre d’accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec un
638 pirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire »
639 t Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’ est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien
640 u’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’ apparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social ».
641 chacun croit qu’il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’e
642 ait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme t
643 lle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres,
644 eul que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul.
645 en ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’ est réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il
646 et sur les exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montre
647  », ajoute M. Benda, qui, en fait de protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI, 4. 55. Stade
648 urnal. 58. Traité du désespoir, p. 156. 59. Je ne reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique de cette opposition,
649 un cas aussi exceptionnel que le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous devenir martyrs ! » Certes, répond Kierkegaard, mais
650 kegaard, mais il vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il e
651 l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes est
652 Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières ne s’y posent jamais, mais s
653 cela ne signifie pas que les questions dernières ne s’y posent jamais, mais simplement qu’on les y noie. Les hommes préfè
654 -train journalier. La fameuse « vie quotidienne » n’ est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans n
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
655 andeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’ a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance, tou
656 naissance, tout au moins, presque personne encore n’ en a parlé. Ce qui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’un
657 ins, presque personne encore n’en a parlé. Ce qui n’ est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’
658 n qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas au public habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec
659 la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser d’eux, il l
660 agne, et des tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour aller se faire tuer ensemble devant Rio de Jan
661 une section des troupes régulières, dont le chef n’ est autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne
662 rendre le livre passionnant et presque obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur brutale et grave à la
663 63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’ est pas seulement économique, par une crise qui atteint à la fois leur
664 u sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’ est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain,
665 e n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allemagne
666 ue l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’ a plus la force d’utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L
667 , et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaien
668 niales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’ y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un aut
669 ncore, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’ a pas voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventure
670 les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’
671 , qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’ est point qu’ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien
672 nt peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’ est plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vi
673 uple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’ a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce s
674 n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et qui s’expriment di
675 , Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de
676 uvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou av
677 tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens, qui ne possédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et
678 atériel incomparable. Car, voyez-vous, Bell… rien ne rend aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi bra
679 nd aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passionné, aussi modeste, aussi patient et
680 patient et aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui viv
681 auté des gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur
682 s peut-être — pourraient s’appliquer au destin de n’ importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait natio
683 ppliquer au destin de n’importe quelle nation, de n’ importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières phra
684 t nation », dans les dernières phrases de Pillau, n’ apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là
685 paraît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’ est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son dest
686 e l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’ envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nati
687 e du Sud fait mesurer la déchéance d’une race qui n’ a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure de l’Allema
688 ple fiévreux dans les épreuves qu’il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire De
689 ilencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comprend bien q
690 faire de la littérature. On comprend bien que je n’ oppose pas ici le nationaliste au communiste. Je ne partage pas plus l
691 ’oppose pas ici le nationaliste au communiste. Je ne partage pas plus les idées racistes d’Edschmid que les idées marxiste
692 . Il est curieux de noter que pas une seule femme n’ apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais quel sort le Troisième Re
693 eule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais quel sort le Troisième Reich a réservé à ce livre, qui parut au
694 , sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-il jamais lui-même que dans les tortures ? y. Rougemont
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
695 otes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeurés longtemps inéd
696 vre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’
697 ietzsche ne seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’une allégation qui paraît à première vue
698 qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ ai lu que de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est
699 Nietzsche dans les écrits qu’il fit paraître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recueil aux esprits suffisa
700 nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui il croi
701 s : le philosophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une
702 e partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis tout citer : je me bornerai donc aux passages qui me paraissent
703 dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’ est qu’une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magn
704 aires à venir puissent produire quelque chose qui ne soit pas, dès maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chac
705 torique, elle témoigne par ce fait que l’humanité n’ est plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme ell
706 e ans. On croirait presque lire du Kierkegaard ! N’ est-ce pas Kierkegaard, en effet, qui, cinquante ans avant Nietzsche,
707 us séparent apparemment de cet événement éternel. N’ est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour n
708 our nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’ est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est ven
709 ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’ importe. Ce qui est admirable ici, c’est la lucidité avec laquelle Nie
710 plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir
711 it métaphysique me souffle : “Et après ?” Mais je ne l’écoute pas et trouve malgré tout ces chiffres consolants. » Au salu
712 e l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’ est-ce point là ce que toute la Bible nous désigne comme l’enfer même 
713 toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : ne plus pouvoir échapper au temps, ne plus pouvoir mourir, ne plus pouvo
714 l’enfer même : ne plus pouvoir échapper au temps, ne plus pouvoir mourir, ne plus pouvoir renaître ? La contemplation rel
715 ouvoir échapper au temps, ne plus pouvoir mourir, ne plus pouvoir renaître ? La contemplation religieuse du monde sans l’
716 en l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’ est qu’ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est tou
717 est toujours une seconde dentition. Et celui qui n’ est pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de
718 sentiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’ est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien
719 de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’ a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien que Nietzsche voulait dir
720 t plus important que la Sainte-Cène. Kierkegaard n’ eût pas mieux dit. « Pensées qui blessent — pour édifier » — c’est ain
721 st ainsi qu’il nommait les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans sa
722 Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse de ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux qu
723 te du péché, crée la crise bien davantage qu’elle n’ en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la foi ne ré
724 qui résulte inévitablement d’une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise plus radicale et salut
725 ’a connu et aimé ? Phrase typique d’un homme qui n’ a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne saurait rencontr
726 jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne saurait rencontrer la justice ; pas plus que la jeune fille n’avait r
727 ncontrer la justice ; pas plus que la jeune fille n’ avait rencontré Schopenhauer. La nature est mauvaise, dit le christia
728 . La nature est mauvaise, dit le christianisme : ne serait-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon s
729 e est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’ y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient
730 surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient, ou s’imaginent croire. Le repe
731 t croire. Le repentir ! Le remords ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même !
732 anisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que je hais. » C’est
733 ilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contraire le monde contemporain entièrement dominé
734 eligion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but », c’
735 plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise celle-là ! Le christian
736 tion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblan
737 ur Dieu, tout en croyant le servir. » Formule qui n’ est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles.
738 s seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi, d’un « spirituel » préalablement « m
739 n « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, dans
740 la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’ a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle contredis
741 commandent à la science…, etc. Mais, afin que nul ne se croie justifié, voici pour les conservateurs : « Vous dites que vo
742 maines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’ est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusieurs générations des ég
743 de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’ est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
744 est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’ hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de
745 e d’un critique littéraire connu, dont les revues n’ hésitèrent pas lorsqu’il parut (en 1936) à louer la mesure et la série
746 ’ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de do
747 Facultés françaises de théologie protestante. Il n’ en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’
748 ublic français en état d’infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconn
749 avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’ est, en fait, que le support apparent d’une réflexion de plus vaste en
750 ls sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’ y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un systèm
751 S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils
752 mpliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question q
753 Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoie
754 la ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’ est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans
755 tion joyeuse du libre arbitre. Ses coups violents n’ ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’il nous faut dépouille
756 dmis, parfois même prêchés. Le laïcisme moraliste n’ en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logiq
757 ugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; ad
758 urter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolas
759 des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’ est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser po
760 reflets dans la conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’in
761  dont il pouvait, en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop fortement ce trait : c’est encore en théologie
762 . Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n’ avons aucune liberté, car en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’arr
763 berté, car en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’ arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipote
764 , et rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais l’omniscience et la prescience
765 niscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Qu
766 faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. N
767 ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si,
768 lors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’ en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a é
769 ce, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu s
770 st-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’ es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques
771 es, historiques et économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-elle pas, justement, à les découvrir ? Au besoin, à les in
772 l ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que si
773 voit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’ est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance,
774 ire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’ y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans. C’est peut-
775 er. Si ton effort aussi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’est pas !
776 ournir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’ est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’ét
777  ? Qui t’assurerait qu’en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant ver
778 etant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’ existe plus pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’est pas l
779 us pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’ est pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de
780 une au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éte
781 nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la V
782 ble nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’ est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque
783 se d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’ est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, un
784 mystère plus profond que notre vie, et la raison n’ est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant
785 m de sa promesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est viv
786 il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une successio
787 a ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’ est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos diver
788 ilosophiques », et notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur des plus grossières ?
789 rmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’ as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l
790 temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, e
791 le refuse, en vertu d’une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pa
792 s conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’ aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’alternative du
793 c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi. Il n’ y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance
794 l n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’ y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes to
795 lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’ est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration puremen
796 ur le chrétien la vérité d’un paradoxe que Luther n’ a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul
797 Pères et tous les siècles dont se réclame Érasme n’ y changeront rien : « Travaillez à votre salut avec crainte et tremble
798 ons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’ apparaît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissanc
799 cet « extrêmisme » évangélique, que les sophistes n’ étaient que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« é
800 r », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’ a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux de
801 te extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’ avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et, à l’invers
802 fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’ y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’
803 tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle
804 e est psychologie, littérature et scolastique. Il n’ en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle comme le rép
805 aiment à la difficulté ; ou si, au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme
806 du paradoxe luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien mo
807 œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le
808 reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’ est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther ave
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
809 me (octobre 1946)ab ac Le mouvement œcuménique ne deviendra réel aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il sera ca
810 , plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’ était-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a ex
811 e chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’ a jamais pu influencer le cours des événements. L’histoire est faite d
812 a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’ a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures dési
813 ec une inflexible conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indirectement
814 lonté et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’ a d’autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développem
815 Remarquons tout de suite que ces divers conflits ne sont en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondam
816 et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’ y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la
817 parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une erreur aggravée. De
818 ulement une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit pol
819 trouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’
820 ations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’ y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il faut revenir à la san
821 malentendu que pourrait suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’une « théologie œcuménique », synthèse utopique
822 xistantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’ être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous int
823 ée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’ est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la
824 ue soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’e
825 ements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’ en vois pas de meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est
826 considère que la diversité des vocations divines n’ est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième tra
827 moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dans les diverses É
828 profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels de chaque Église, mais à leurs
829 embres les plus fidèles. Toutefois, cette méthode n’ est compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle
830 c des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une orthodoxie qui céderait consciemment à la tentatio
831 -dire qui tendrait à se fermer sur elle-même et à n’ admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au cie
832 el prophète local. Certes, aucune église ou secte n’ a jamais été capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspir
833 pirations du Saint-Esprit. Aucune église ou secte n’ a jamais nié que son chef réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi com
834 is pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’ y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit
835 a déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’ épiloguerai pas ici sur l’unité d’organisation romaine, considérée com
836 sé au thème de l’unité systématique. Notons qu’il n’ entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’ind
837 différence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’ est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à
838 e tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’ a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cet
839 tre un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spirituellement une fonction distincte, mais seuleme
840 ou la duplication accidentelle d’un même organe, n’ ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. P
841 confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social. Il s’oriente vers l’anarchie. À
842 . Entre individualisme et dictature, l’opposition n’ est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une success
843 it plutôt d’une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manière dont le vide s’oppose au plein : pl
844 est puissant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution commencé par l’individual
845 ase bientôt toutes les initiatives individuelles. N’ admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute
846 se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’ est plus qu’une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on d
847 de communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur le passé ou sur des origines communes : « Il n’y a
848 sur le passé ou sur des origines communes : « Il n’ y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe ou l
849 mmunes : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe ou la race, ni sur quelque autre réalité
850 i sur quelque autre réalité collective. Leur lien n’ est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la
851 ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’ est pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, el
852 a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’ est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que d
853 ucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’ est pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’é
854 que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le
855 ici encore, insistons sur ce point : la personne n’ est pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat pol
856 . Elle est l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’é
857 ue des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’ y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’ind
858 le de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que l’organisation fédéraliste en politique. Quant
859 goïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’ est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérial
860 té matérielle d’y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’est donc pas isolé, com
861 la ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’ est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande v
862 u dans un vaste État centralisé. D’autre part, on n’ est pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dan
863  » par « églises » et par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins ce
864 sans vouloir également le fédéralisme, ce serait ne pas accepter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses conséqu
865 utes ses conséquences. Car la foi sans les œuvres n’ est pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figu
866 pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu
867 de trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’ a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nu
868 s reprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nullement prêts à se soulever pour rétablir ce qu’on nommait che
869 tes et individualistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que
870 e parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période
871 de de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenc
872 amps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’un vide éco
873 de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’un vide économique, idéologique et social san
874 te sa force, et sa victoire même l’épuiserait. Il n’ y aurait plus qu’une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôl
875 rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne propose rien aux peuples de l
876 . Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le t
877 ose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’ en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profite
878 un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’ y répondent pas, personne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant mê
879 ’y répondent pas, personne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Églises peuvent répondre,
880 rennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Égl
881 t à l’Espagne catholiques romaines, — alors qu’il n’ en existe aucune qui se soit développée en pays calvinistes, ou seulem
882 ce fait ? À défaut d’une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dirai ceci : en Russie, en Allemagn
883 Espagne, la distinction entre l’Église et l’État n’ avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Il en résultait,
884 e l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’ était pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vo
885 foi s’est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’une anti-religion totalitaire,
886 de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la connaissance intime des
887 ne contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que p
888 cialistes subsistant dans les pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le
889 es syndicalistes russes, ni même américains, pour ne donner qu’un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est stric
890 ouge, dont la tâche est strictement limitée, rien ne subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette de mettre en relatio
891 précédent, une lourde responsabilité humaine, et, n’ hésitons pas à le dire, une vocation. 4. La renaissance liturgique qui
892 rer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur un
893 ré-axe les vérités égarées dans les deux camps. ( N’ oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir ma
894 re, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’ est jamais partie de la prudente considération des forces dont il croy
895 st toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’ est qu’une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’éta
896 nse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’ étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’
897 onses partielles. Le sentiment obscur des peuples n’ attend que des réponses plus claires et convaincantes pour devenir une
898 ée dans la communion des saints. Cette communauté ne se révélera pas dans des congrès, mais se manifestera dans une action
899 r à l’avant-garde du mouvement vers l’union, nous ne verrons l’œcuménisme se réaliser avec puissance que dans l’épreuve mi
900 it affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
901 agogie des catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous
902 notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’ étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand no
903 que ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune différence. Ils se trompent d’Europe, quand ils veulent l
904 lés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien faire pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde des seuls
905 je suis sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur et sans scrupules, non pas pe
906 ra contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche
907 conversation ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se main
908 sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’ en vois pas un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve q
909 as un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une
910 risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’ eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je n
911 rien ne prouve qu’elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous
912 s je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dir
913 e, il y a toutes raisons de redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une nation, d’un parti, de la
914 droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je viens de dire, et les politiciens
915 iens moins encore, pour la raison que les régions n’ existent pas, ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vot
916 ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouvernements, avertis par le club de
917 es dans l’ensemble passif des téléspectateurs, on n’ y voit pas mieux les régions qu’on n’y a su voir venir les guerres mon
918 ctateurs, on n’y voit pas mieux les régions qu’on n’ y a su voir venir les guerres mondiales, la théorie de la relativité,
919 semble indiquer à l’observateur objectif que rien ne se fera, ni ne convaincra, ni ne s’imposera au xxe siècle, en temps
920 à l’observateur objectif que rien ne se fera, ni ne convaincra, ni ne s’imposera au xxe siècle, en temps utile.   — Mais
921 bjectif que rien ne se fera, ni ne convaincra, ni ne s’imposera au xxe siècle, en temps utile.   — Mais la Jeunesse ? — P
922 ile.   — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’ est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité
923 assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de rév
924  », ce refus passant pour « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’u
925 on », notez cela !   — Si je comprends bien, vous n’ avez avec vous ni les gouvernements ni les partis, ni la grande indust
926 que vous venez de le caractériser très justement, ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’un avenir vivant, qui pe
927 initivement installé dans une évidence granitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune des condi
928 anitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civilisation quelco
929 onditions de survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le consensus des meilleurs, ni ce
930 le se doit. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire nulle garantie de sécurité égale ou supérieure aux risq
931 même s’ils sont au service des marchands d’armes, n’ est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’
932 ice des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme.  
933 la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régio
934 mille ans qu’il y a des hommes à Histoire, et qui n’ ont pas trouvé mieux que la guerre pour résoudre leurs différends, on
935 que la guerre pour résoudre leurs différends, on ne voit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou qu’ils deviennent rai
936 es dans les dix ou quinze ans prochains — et nous n’ avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.  
937 lement pessimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’ a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que j
938 miste, optimiste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire
939 el qu’en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’ est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le t
940 rait au moins le pire, mais je sais bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à
941 réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’ aura pu faire, et c’est la réalité elle-même qui va recourir à la péda
942 i va recourir à la pédagogie des catastrophes. Je ne vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d’autre comme certain
943 atastrophes. Je ne vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d’autre comme certain. Je sens venir une série de catas
944 bizarre lorsque l’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop t
945 ui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’ apprendront rien à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller, et donc n’e
946 t. Les catastrophes n’apprendront rien à ceux qui n’ ont pas vu où il faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et n
947 à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller, et donc n’ en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent
948 ut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas
949 enteront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout e
950 de toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’ écris ceci que pour mieux disposer quelques esprits à désirer, vouloir
951 ir, préparer d’autres fins. Cette dialectique qui ne prévoit ni A ni B, mais incite à trouver des chemins vers V, je la vo
952 sance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni prédire ni cacher, mais il indique sa volonté et la vraie Voi
953 dure ? » Question morbide, mais lucide, et qu’on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de l’espéra
954 oir éternel… Mais sauver le paysage et les décors n’ aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même
955 paysage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore là m
956 our ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’ est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meill
957 s il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et
958 choses espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut voir
959 as ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fa
960 faire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’ est qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arriv
961 crit en nous, — non certes dans nos chromosomes : n’ allons pas nous cacher une fois de plus derrière les arbres, aux forêt
962 , à faire votre révolution, c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce sera
963 des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vais pas vous dire : — Aimez-vous ! (même remarque). Mais seulement :
964 se et qui appelle la solidarité. Or ce changement n’ adviendra pas dans le réseau des relations humaines, dans la cité, s’i
965 réseau des relations humaines, dans la cité, s’il ne s’est opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, changez
966 e sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’ est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.)
967 n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ était pas chrétien.) Dira-t-on que l’on peut partager telles idées sur
968 tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’ a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ?
969 r symbolique en tant que nœuds de problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décisions métaphysiques
970 a guerre nucléaire (les unités de base simplement n’ atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de moins que se tourne
971 simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’ est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien d
972 puissance militaire, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintég
973 s moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas
974 et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’
975 le devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’ est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l