1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 . Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaissent pl
2 arnation la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : j
3 age et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes
4 lu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettr
5 idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, s
6 on but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritable du client. Le besoin ayant disparu,
7 s chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industr
8 est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire une
9 alité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les a
10 éduite au rôle d’huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplificatio
11 clarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines Ford simplement comme des machines. J’y vois la réalisat
12 s idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrement les autos et les tracteurs, mais composent en quelqu
13 rbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de c
14 remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs
15 losophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre
16 ances. J’accorderai que le progrès matériel n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vie, i
17 tte littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvre
18 et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on
19 ympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place.
20 e maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esp
21 nde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirit
22 onde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisi
23 narchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigenc
24 nc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez se
25 Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à
26 st possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence du dilemme. Second pas : en poser les
27 vers la solution : l’existence du dilemme. Second pas  : en poser les termes avec netteté et courage. Pour le reste, je pens
28 plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
29 physique. L’équilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la science à peine li
30 era ce parti pris, spiritualiste — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, si
31 e, antérieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit
32 de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cet
33 parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une directio
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
34 M. André Malraux écrit des livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu
35 ssi à certains égards et qui cette fois ne montre pas l’homme aux prises avec l’humanité civilisée, mais avec la nature la
36 rités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversations, fait parfois pens
37 rts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa
38 issait son action. C’est peut-être qu’il n’y en a pas . Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par désespoir, p
39 sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs peintres ressemblent à ces p
40 t. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’est pas , donc je suis » ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plutôt ave
41 nscendance où s’abîmer, d’où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui pose avec une pareille acui
42 divines et humaines, n’eussent vraisemblablement pas fait encourir à notre auteur pareil ostracisme. Mais notre monde ne c
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
43 s gens les moins faits pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la dial
44 . Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule en
45 ons éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortemen
46 cune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, « être poétique, c’est avoir beso
47 ingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificie
48 , si je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution
49 évéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions (c’est si vraisemblable !) mais
50 . G. Marcel. L’orgueil tout d’abord, je n’hésite pas à le déclarer. On m’arrêtera en me faisant observer que cet orgueil n
51 rêtera en me faisant observer que cet orgueil n’a pas un caractère personnel, puisque l’Esprit dont M. Brunschvicg nous ent
52 u’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévitablement à l’Esprit — e
53 ffrant comme lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors, se dit-on souvent en lisa
54 pour annoncer son morne triomphe : « Vous n’avez pas su conjurer la malédiction du monde moderne, clame-t-on de toutes par
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
55 ance, nous voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît ma
56 et consciencieusement arriérés. Or nous n’étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la nuit, dan
57 ière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas , un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou
58 e d’« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils
59 r foi réformée, — et si ces traits ne constituent pas , en définitive, les éléments d’un art protestant. Il eût fallu peut-ê
60 e Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns d
61 ctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intéresse, l’artiste a besoin plu
62 us que quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui da
63 rituelle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s
64 mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets ch
65 ne doit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste protestant, le seul auquel sa foi pui
66 le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un ar
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
67 on nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’est pas la peur du monde-termitière qui sauvera la condition humaine menacée
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
68 se — d’un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas moi
69 r l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’un
70 préface, lisez-la, et si vous la lisez, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’ils n’aient lu eux-mêmes le livre.
71 le livre. J’espère que les critiques ne le diront pas non plus ; mais je sais que c’est beaucoup leur demander. » Eh bien !
72 évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un
73 permet à l’auteur autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cela perme
74 ent sans issues : les acteurs du drame n’hésitent pas à louer une villa à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’est
75 que les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mérite le plus rare de ce
76 os affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension continue, mais une fois atteint le moment de sa perfect
77 et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de moral
78 ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages,
79 s, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais celui, combien plus amer et nobl
80 sent que Baring attache une importance qui n’est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du récit se ralentit, au con
81 ranlé sa foi, la princesse répond : « Je ne crois pas , j’espère que non ; bien qu’il soit difficile, quelquefois, me semble
82 ises. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas d’autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à so
83 lée, cherchant une sécurité intérieure, ne trouve pas dans ces indignations sentimentales la réponse aux premiers troubles
84 rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-elle pas attirée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et
85 ’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la véri
86 me paraît intolérable. — Elle l’est presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin des Oliv
87 r mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et pre
88 au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas à quelque chose. On se convertit simplement. (Simplement…) — Il faut
89 gieux. 19. Soulignons qu’un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis de, « [Compte ren
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
90 s du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement ? L
91 avait exprimé le souhait formel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal,
92 il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un documen
93 ître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement. Et « 
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
94 téraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas d’histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouver
95 tudes que les autres contemplaient d’en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surprendra pas un mode
96 ux : en mystique. Pareille attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle est unique dans la littérature française du xi
97 timent d’extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Puissance
98 tables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serai
99 un style alpestre dans la pensée. Ne pourrait-il pas informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ? Quan
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
100 tienne d’atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physiqu
101 communisme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, el
102 es livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du p
103 e dans ces deux gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent u
104 u’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers du
105 imée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir des rapports intimes et a
106 de ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vulgaire. » Mais au même moment une autre voix intéri
107 urir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait app
108 ant tout lien avec le passé, comme on franchit le pas de la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditi
109 t jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la
110 r Eiichi. Eiichi garda le silence ; il ne voulait pas se laisser aller à la colère comme le Procureur. Au contraire, il en
111 leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pour
112 er sa critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre
113 erribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en poussant au noir le tableau, ou
114 raverses souvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace d’ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est
115 attiré par le Christ. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde
116 er vague. Mais le sens chrétien primitif n’est-il pas , avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à médit
117 christianisme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
118 ’a toujours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop subtil les v
119 dicts d’une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindic
120 les honnêtes gens.) Ensuite, parce que je ne veux pas me laisser entraîner sur le terrain purement moral ou immoral où Gide
121 o magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jugemen
122 ent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en donner l’a
123 i, de propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, celui-là ne fait q
124 ante. Si des sophismes de ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes » c’est que ceux-ci sont moin
125 il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on comprend qu
126  paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées, do
127 ) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la signification de ce terme
128 ue considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide aurait-il
129  Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’il n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les vices ayant ép
130 ces ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous vou
131 olonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités accep
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
132 prime son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il
133 ardinal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer devient aux t
134 eille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de
135 t pas un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptatio
136 u’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et p
137 nsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuvres réc
138 âme humaine, je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est
139 it ouvert, les secrets de la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’une sainte pudeur en dé
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
140 faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusation perpétuelle ?
141 logètes se réclament volontiers, n’en constituent pas moins pour notre protestantisme un jugement indirect d’une impitoyabl
142 problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons
143 tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’il est. Mais
144 iration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un d’Aubig
145 à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout ceci ap
146 pellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
147 ues, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phéno
148 nstamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c
149 c Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pas été choisis pour dissiper trop facilement une équivoque réelle, mais
150 sse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un
151 a plus parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu
152 vec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tourné passionnément vers eu
153 nnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma
154 ste », cette connaissance mystique, il ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint qu’en outrepassant les limites normales
155 raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas , ou encore : comme si Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lo
156 s le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, au sens
157 quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé co
158 x de la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réali
159 ment juger les actions d’un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge. Si nous refuson
160 ries et les systèmes prônés par lui ne coïncident pas avec les idées, les théories et les systèmes dont nous jugeons urgent
161 tes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nous sentir
162 ire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons
163 on (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que c
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
164 réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’il se montre
165 la nécessité d’une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils voient
166 pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils voient bien le vice de la
167 hir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affranchissement devient possible ; ils ne voient pas
168 affranchissement devient possible ; ils ne voient pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix pr
169 e seuls les chrétiens, en tant que chrétiens, non pas en tant que bourgeois, s’ils le sont, ont des raisons réelles et vala
170 au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses con
171 s religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela av
172 tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pes
173 le : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou
174 roche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’ho
175 is de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d
176 nes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas , dit M. Nizan, « comment ces produits tératologiques de la méditation
177 rlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie sans matière, la philosophie sans rime ni
178 genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosoph
179 clarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup de leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exa
180 ’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’il acc
181 tend travailler pour l’homme en général, il n’est pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une critique sembl
182 vérité, la lecture du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et co
183 e dans le sacrifice à une cause. Je n’insisterais pas , si ces traits ne me paraissaient communs à beaucoup de jeunes intell
184 uation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et réelle dans le message évangéliqu
185 es ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes secrètement avides de prêt
186 danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi, du point
187 gereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas . Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’envisager l’ultime
188 nts à l’être concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas les religions, ni leurs morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appar
189 ction « Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de,
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
190 Des romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes c
191 s précisément, sur la civilisation actuelle n’est pas quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyens. L’ho
192 ppelait cela de la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les dév
193 ite en grande partie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facilité foncièr
194 que éclate, remplit nos vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont il devient impossi
195 sphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parviennent
196 désirs à peine conscients du grand public. On n’a pas cessé pour autant de publier des romans nouveaux, mais le fait est qu
197 couvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, mais non pas à l’intellectualisme. Car, — et j’espère que le lecteur m’aura compri
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
198 s parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque
199 qui s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut pren
200 aines époques ont connu la grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corruption perm
201 e, tout se simplifie aussitôt ; et si, faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en face de
202 s sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons trop b
203 me est plus complexe ! Non, les problèmes ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ils le sont, osons les simplifier. Ce
204 ns les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous conna
205 omplexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendr
206 refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous
207 et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas  : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expressi
208 La grande majorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœ
209 ns ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas . Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à des forces invi
210 , c’est peut-être Légion… Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience de les servir. Vous me direz peut-être que, pour
211 le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas , deux points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur le plan p
212 nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui
213 ces d’une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont a
214 t économique des siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passé
215 s par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seulement aux partisans attardés de Darwin, mais aussi bien aux parti
216 ls s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité de tous ces mythes, j’ai beau n
217 te, à la réalité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien ob
218 coup de leur violence. Sans eux, nous ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plu
219 Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas . L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le serve
220 les appartements sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la
221 e la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu des libéraux, c’était, par excellence, un
222 se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de revolver, qui prit même beauc
223 au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleur
224 siècle. Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’es
225 ssants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer leu
226 compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni abdiquer sous leur implacable destin. Ceux qui l’ont
227 et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir
228 stion grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’on pose souvent aux groupements révol
229 r la contrainte ou dans la liberté, vous ne ferez pas une société si vous n’avez pas, avant tout, retrouvé le rapport primi
230 rté, vous ne ferez pas une société si vous n’avez pas , avant tout, retrouvé le rapport primitif, le rapport véritablement h
231 ouvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lui faire comprendre : le prochain, c’est celui qui exerce, en act
232 ssi la seule société possible. Ne nous y trompons pas  : l’acte de la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui
233 où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’est pa
234 tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une consolati
235 le, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race q
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
236 igentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, av
237 n hebdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin
238 a philosophie est une activité qui ne le concerne pas . Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il l
239 st une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquem
240 pourra-t-on l’ajouter après coup ? On ne complète pas un acte avec des considérations sur cet acte ; ou c’est que la philos
241 , à supposer qu’elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations morales du philosophe et les coutumes
242 que la collusion se produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler par
243 onc voudra les encourir ? Ceux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’opportunisme
244 éveiller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans atten
245 à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entreprendre la confrontation générale des
246 t cette vie. C’est à elle, en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme, à conduire la critique des hérésies moral
247 nde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer le chrétien, mais le risque p
248 comment il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas de représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive
249 tience », parfois même « vertu » sans plus ; « ne pas pouvoir se venger » devient « ne pas vouloir se venger », et parfois
250 plus ; « ne pas pouvoir se venger » devient « ne pas vouloir se venger », et parfois même le pardon des offenses (« car il
251 orales dans lesquelles nous vivons. Je ne connais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’aujourd’hui que ce chapitr
252 platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre
253 ifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls, est désormais u
254 rigine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire une sournoise révolte
255 te contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’est pas le chrétien, c’est le bourgeois dont la morale usurpe l’apparence éva
256  ; un de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste
257 ntiers dire que philosopher, c’est apprendre à ne pas se suicider. « On pourrait même dire que la possibilité permanente du
258 it qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot
259 ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser de m
260 paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle puisse
261 précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient pas  ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’elle peut agir, qu’elle p
262 un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos mo
263 ère partie est un drame en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né dans
264 in idéalisme de la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par M. Marcel trouverait sa place, entre l
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
265 lasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de
266 ne, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à 42 ans, il n’en subsis
267 t signifier par là que ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas e
268 lité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et devant les hommes.
269 tait qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
270 ncore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus
271 et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homm
272 . Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas , des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défend
273 comme si la religion, de toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce bas mo
274 nion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédicat
275 savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir en
276 sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Il y a bien de
277 ruine ou peut-être même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une
278 de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la
279 ent le matérialisme au nom des biens qu’ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tardivement qu
280 affirment trop tardivement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens que nulle violence ne pe
281 er le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner de son incarnation ; on ferait b
282 erait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement
283 être leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de m
284 ence dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si
285 Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables c
286 t à l’esprit une image dont le burlesque n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne de notre philosophe. C’est l’image d
287 règne aussi le sérieux le plus pesant. On ne rit pas devant le dictateur, ni dans les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si
288 s esprit, exactement comme si l’Esprit n’existait pas  ! Serons-nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous
289 ns toujours la dernière question. Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croyons réelleme
290 Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croyons réellement à l’opinion publique. Nous liso
291 n ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fai
292 exte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu souffrir ». « Dans l’église somptueuse paraît le Très Vénérable
293 alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extr
294 aient ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas , trois mots qui faussent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’
295 l’Esprit, s’oppose à l’Ordre. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit saint Paul. Le sol
296 eut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’a
297 de, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution cré
298 st pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne
299 ice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou orguei
300  : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas … Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chimères publiques q
301 ’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles en ve
302 istence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe enco
303  la masse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être l
304 de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Marius, tell
305 cte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lo
306 s de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avance
307 l l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps
308 nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister deva
309 démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le p
310 qu’elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite de
311 devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux, Hegel domi
312 clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se cro
313 t n’est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de trans
314 , je reste bien tranquille. Ce « moi pur » ne met pas en cause mon désespoir, ou si l’on veut, je peux rêver dans le sommei
315 vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule attend :
316 ans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours pas grand risque. Si tu dis non, si tu agis, elle te tuera peut-être, qui
317 , le compromis se justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en
318 . Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est
319 en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut ja
320 gences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de
321 raité du désespoir, p. 156. 59. Je ne reviendrai pas , ici, sur l’aspect philosophique de cette opposition, que Jean Wahl a
322 i exceptionnel que le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous devenir martyrs ! » Certes, répond Kierkegaard, mais il vaudrait
323 is il vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas .” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore be
324 otidienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières ne s’y posent jamais, mais simplement qu’
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
325 ur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance, tout au
326 resque personne encore n’en a parlé. Ce qui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’un aute
327 dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas au public habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec une puissa
328 livre passionnant et presque obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur brutale et grave à la fois qui d
329 été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une crise qui atteint à la fois leur attach
330 le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c
331 ’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allemagne, po
332 e, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’
333 lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’est point q
334 nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son trav
335 gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’es
336 ns les dernières phrases de Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragiqu
337 Sud fait mesurer la déchéance d’une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure de l’Allemagne ?
338 reux dans les épreuves qu’il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire Destin alle
339 eux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comprend bien que je n
340 la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationaliste au communiste. Je ne partage pas plus les idées r
341 ici le nationaliste au communiste. Je ne partage pas plus les idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes de Malraux
342 ts trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais quel s
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
343 hilosophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, mê
344 venir puissent produire quelque chose qui ne soit pas , dès maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. Si ma
345 n croirait presque lire du Kierkegaard ! N’est-ce pas Kierkegaard, en effet, qui, cinquante ans avant Nietzsche, partait en
346 nt apparemment de cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous rappel
347 us rappeler que le salut, pour le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu sur l
348 que me souffle : “Et après ?” Mais je ne l’écoute pas et trouve malgré tout ces chiffres consolants. » Au salut par l’étern
349 oujours une seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de son mil
350 ents ou par sa peur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien que Ni
351 a réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien que Nietzsche voulait dire aut
352 important que la Sainte-Cène. Kierkegaard n’eût pas mieux dit. « Pensées qui blessent — pour édifier » — c’est ainsi qu’i
353 e inévitablement d’une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise plus radicale et salutaire) c’est
354 est mauvaise, dit le christianisme : ne serait-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son propre juge
355 quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient, ou s’
356 rmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient, ou s’imaginent croire. Le repentir
357 Le repentir ! Le remords ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que
358 l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que je hais. » C’est pourquoi
359 qui est insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contraire le monde contemporain entièrement dominé par une religio
360 ie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette
361 a famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même d
362 u, tout en croyant le servir. » Formule qui n’est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les gra
363 s grands mouvements fascistes ne se réclament-ils pas , eux aussi, d’un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne r
364 aussi, d’un « spirituel » préalablement « mis au pas  » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre
365 alablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, dans le communisme russe
366 cience, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle contredisait l
367 trop intéressées, de toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusieurs générations des églises où o
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
368 a Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel re
369 ue littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il parut (en 1936) à louer la mesure et la sérieuse informatio
370 rançaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’égard de Lut
371 es thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens
372 pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent tr
373 arfois même prêchés. Le laïcisme moraliste n’en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logique, de l
374 ont le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n
375 ôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour débr
376 la conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du
377 n n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais l’omniscience et la prescience éternell
378 ’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économ
379 économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-elle pas , justement, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ? C. M. — Ce
380 Si ton effort aussi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’est pas !70 »
381  ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’est pas  !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle
382 ait qu’en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en so
383 r toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’est pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son sec
384 l’autre à la damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vien
385 mmobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas , au contraire, la source de tout acte et de toute création, une inven
386 omesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croi
387 u de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au
388 r l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers temps
389  », et notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas , le plus souvent, sur cette erreur des plus grossières ? … C. M. — O
390 e qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’alternative du libre arb
391 l’Éternel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharné
392 ême, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement bibli
393 e chrétien la vérité d’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a f
394 au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier
395 st clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse s
396 ologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle comme le répète Luther —
397 culté ; ou si, au contraire, ils ne la retrouvent pas , mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catho
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
398 ccord d’un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. Elles sont un respectable
399 ive. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique.
400 oins acceptable de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la sit
401 foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connues ou su
402 e ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures désirable
403 lexible conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienn
404 complet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combin
405 t idéologique et religieux résultent des mises au pas de plus en plus indiscrètes et des schismes multipliés. Pour résoudre
406 que pourrait suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologi
407 le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentat
408 liques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas de meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses a
409 dère que la diversité des vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, com
410 appelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dans les diverses Églises, m
411 n d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels de chaque Église, mais à leurs membres les pl
412 e, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits, ou dans tel prop
413 tiquement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soum
414 ebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’organisation romaine, considérée comme nécessaire a
415 ence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolér
416 lérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette me
417 Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spirituellement une fonction distincte, mais seulement la division ou
418 ’abord avec l’intelligence et la raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social. Il s’oriente vers l’anarchie. À ce moment
419 e individualisme et dictature, l’opposition n’est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession iné
420 our mieux accomplir son unification, sa « mise au pas  ». C’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment.
421 toutes les initiatives individuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration c
422 locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur le passé ou sur des origines communes : « Il n’y a plus ni Juif n
423 n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe ou la race, ni sur quelque autre réalité collective. Le
424 quelque autre réalité collective. Leur lien n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite
425 à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles con
426 e de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se di
427 avantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’était le
428 ncore, insistons sur ce point : la personne n’est pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politique
429 maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu e
430 lle d’y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas , on peut changer de groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’indivi
431 t pas, on peut changer de groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande ville moderne
432 un vaste État centralisé. D’autre part, on n’est pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans une f
433 glises » et par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins ceci : que le
434 ns vouloir également le fédéralisme, ce serait ne pas accepter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses conséquence
435 es conséquences. Car la foi sans les œuvres n’est pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer le
436 la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il
437 trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nulleme
438 qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut u
439 urchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or
440 n aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la
441 e autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas , personne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demand
442 oivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à le
443 a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocation pe
444 affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’une anti-religion totalitaire, mais par un
445 ubsistant dans les pays où les Soviets ne règnent pas , sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan intern
446 is collaborer avec les conservateurs anglais, non pas avec les syndicalistes russes, ni même américains, pour ne donner qu’
447 une lourde responsabilité humaine, et, n’hésitons pas à le dire, une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va de pair,
448 ivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas celle qui fond, en une masse informe et grossièrement encadrée, les i
449 ciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur une attitude ce
450 vérités égarées dans les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une
451 union des saints. Cette communauté ne se révélera pas dans des congrès, mais se manifestera dans une action risquée. De mêm
452 fronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis de, « 
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
453 des catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étion
454 te. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre — c’e
455 qu’un Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de
456 ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire v
457 uvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’eû
458 é l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse
459 prouve qu’elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez
460 encore, pour la raison que les régions n’existent pas , ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’on
461 ment à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas . Qu’ont fait tous nos gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et
462  ? Ils sont encore « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est d’accéder au pouvoir exista
463 ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouv
464 ’ensemble passif des téléspectateurs, on n’y voit pas mieux les régions qu’on n’y a su voir venir les guerres mondiales, la
465 — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité entre d
466 passant pour « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neu
467 ’ils sont au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain
468 ans qu’il y a des hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour résoudre leurs différends, on ne voit
469 guerre pour résoudre leurs différends, on ne voit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou qu’ils deviennent raisonnables
470 nt pessimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je ver
471 en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de
472 le pire, mais je sais bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de
473 e, mais je sais bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous i
474 ien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que le
475 elles sont assez grandes pour réveiller le monde, pas assez pour tout écraser, je les dirai pédagogiques, seules capables d
476 lorsque l’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : to
477 catastrophes n’apprendront rien à ceux qui n’ont pas vu où il faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les i
478 t pas vu où il faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour
479 ent pas les voies et ne les inventeront jamais. «  Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Ma
480 jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout est possib
481 qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Ca
482 espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas  ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut voir que du pa
483 ous, — non certes dans nos chromosomes : n’allons pas nous cacher une fois de plus derrière les arbres, aux forêts du passé
484 e votre révolution, c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la sol
485 ts. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vais pas vous dire : — Aimez-vous ! (même remarque). Mais seulement : — Rempla
486 pelle la solidarité. Or ce changement n’adviendra pas dans le réseau des relations humaines, dans la cité, s’il ne s’est op
487 orce et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Dira-t
488 s limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Dira-t-on que l’on peut partager telles idées sur les méfa
489 éaire (les unités de base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de moins que se tourner vers des fin
490 à ces buts — recréons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore l
491 la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. Mais quelque chose comme le miracle du réveil
492 sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra t
493 ra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventu