1
Le péril Ford (février 1928)a On a trop dit
que
notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoi
2
poque est chaotique. Je crois bien, au contraire,
que
l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisat
3
du temps y concourent obscurément ; et, pour peu
que
cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à
4
rément ; et, pour peu que cela continue, pour peu
que
la bourgeoisie intellectuelle persiste à jouer l’autruche aux yeux cl
5
de cette organisation toute-puissante n’est plus
qu’
une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. I
6
onnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts
que
sa civilisation poursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental es
7
d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs,
qu’
il y avait peut-être dans ces buts une absurdité fondamentale. L’infai
8
peur de certaines évidences, on préfère affirmer
que
tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence d
9
ochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre
qu’
une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il s
10
illeur, parce que personne ne s’est approché plus
que
lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immens
11
es livres1, sa popularité universelle sont signes
que
l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’
12
a senti en lui son incarnation la plus parfaite.
Qu’
on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour fac
13
ciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
que
l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il l
14
ffre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle
qu’
il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il pas
15
jouer avec des outils, « et c’est avec des outils
qu’
il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces
16
urrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
qu’
il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résulta
17
fres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt
qu’
il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activ
18
ède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
qu’
un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais ét
19
ant industriel du monde ; le plus riche, au point
qu’
il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait a
20
s salaires, des conditions de travail et de repos
qu’
il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive
21
du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat
qu’
on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les so
22
le droit humainement de sous-estimer. Les griefs
que
les socialistes font aux capitalistes européens ne sauraient l’attein
23
té, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir
qu’
on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un pe
24
d et des livres qui les répandent. L’on ne pourra
qu’
y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels européens
25
pourra qu’y applaudir, semble-t-il, en souhaitant
que
les industriels européens s’en inspirent toujours plus. Ford leur mon
26
spirent toujours plus. Ford leur montre le chemin
qu’
ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’i
27
obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable
qu’
ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelq
28
éussi. Mais à quoi ? C’est la plus grave question
qu’
on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philo
29
d, sa « grande et constante ambition ». Il semble
que
toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée ju
30
production, avec cette netteté et cette décision
qu’
une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici e
31
simple de la répétition, on fait croire aux gens
qu’
ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. L
32
e donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant
que
de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses
33
hrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera
que
, si l’on abaisse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des cli
34
les prix, on ne trouve toujours des clients, quel
que
soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du
35
ents, quel que soit l’état du marché. » Il semble
que
cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les caus
36
ent de prix — la concurrence n’étant bien entendu
qu’
une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client
37
’étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire
que
l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie p
38
use accessoire. Dire que l’état du marché est tel
que
le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est
39
ue le client n’achète plus, cela signifie parfois
que
la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le bes
40
ndise est momentanément trop chère ; mais surtout
que
le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble
41
ntanément trop chère ; mais surtout que le besoin
qu’
on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’in
42
paru. Il semble alors que l’industriel n’ait plus
qu’
à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, e
43
riel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’est ici
que
Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la producti
44
’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et
que
son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou
45
paru, la production devant se maintenir, il n’y a
qu’
une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le c
46
ison. Il est impressionné par la baisse, au point
qu’
il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il v
47
ressionné par la baisse, au point qu’il en oublie
que
cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 franc
48
que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit
qu’
il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, s
49
francs en achetant 5 francs moins chers un objet
que
, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il es
50
préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas
que
l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépe
51
t à faire une dépense superflue ; le scandale est
qu’
il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus prof
52
itulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce
qu’
il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oi
53
l est déterminé par la réclame, les produits Ford
qu’
il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation
54
et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister
qu’
en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps appr
55
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois
que
l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au
56
rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et
que
dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société
57
te notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix
que
nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se mo
58
d se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
que
son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au pl
59
ue : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste
que
nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changer
60
r, le salut par l’auto. Philosophie réclame. « Ce
que
j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en p
61
que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer
que
les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrem
62
sel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer
que
des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne »
63
ent résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce
que
nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le
64
nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons
que
nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre
65
iscuter des points de technique. Il n’a pas senti
qu’
il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idée
66
même la plus perfectionnée mérite les sacrifices
qu’
elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, opt
67
n du gros public : telle est l’idéologie de celui
que
M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les
68
plus grands esprits de tous les temps. On me dira
que
Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insist
69
us les temps. On me dira que Ford a mieux à faire
que
de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées
70
c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’homme
qu’
on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent
71
erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire
que
les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’id
72
refuse à l’idée d’une catastrophe, pourtant plus
que
probable, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la
73
leurs, la plus difficile et la plus grave : celle
qu’
on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le «
74
cile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire
qu’
au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous
75
pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’est
que
nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratu
76
que nous avons voulu tenter sans lui une aventure
que
nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur dans le dévelo
77
ppement matériel, avec l’arrière-pensée sournoise
que
, si cela ratait, on gardait toutes les autres chances. J’accorderai q
78
n gardait toutes les autres chances. J’accorderai
que
le progrès matériel n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance q
79
l n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance
qu’
il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véri
80
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on,
que
subsiste le peu de morale nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On
81
nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On pense
que
les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieus
82
e mécanique bien huilée, au mouvement si régulier
qu’
il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme
83
vement si régulier qu’il en devient insensible et
que
la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométr
84
fres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et
qu’
il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du s
85
ait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté
qu’
il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus sub
86
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
que
son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec s
87
en ressent une vague et intermittente détresse, —
qu’
il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquê
88
a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point
qu’
il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découv
89
cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre
qu’
il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielle
90
9 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien —
que
l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de
91
ttribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément
que
son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque
92
re de la nature, il est condamné à ne plus saisir
que
des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus
93
e. Or, la technique a révélé des exigences telles
que
l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’es
94
2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis
que
les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent
95
t ces exigences sont en contradiction avec celles
que
le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
96
âce ? un peu de cette connaissance active de Dieu
que
nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très s
97
de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce
qu’
on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oi
98
u et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas
qu’
une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la
99
nir à la période préindustrielle soit autre chose
qu’
une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus tem
100
avec netteté et courage. Pour le reste, je pense
que
c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé
101
de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé
que
les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de
102
, également démesurées, l’homme ne peut subsister
qu’
en tant que son génie parvient à composer les deux périls en une résul
103
n passe de gauchir notre civilisation à tel point
que
l’homme, affolé, soudain, doute s’il est encore maître de la redresse
104
ute s’il est encore maître de la redresser. C’est
qu’
il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme es
105
demande la tête de la métaphysique. Elle n’entend
que
ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi, dont les p
106
plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est
que
l’on s’est trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Ch
107
e. Cherchant des lois, la science ne peut trouver
que
des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’est en réalit
108
ériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir
que
dans ses servitudes5. Aussi la critique du matérialisme entreprise pa
109
vie : s’agit-il d’enrayer la science ? Non, mais
que
l’esprit qui l’a créée, la surpasse7. Seul un parti pris constant en
110
stique. L’expérience mystique a la même extension
que
l’humanité. On n’en saurait dire autant de notre raison. Les faits my
111
ire autant de notre raison. Les faits mystiques —
qu’
on les prenne en l’état brut où notre pensée le plus souvent les a lai
112
les a laissés — sont au moins aussi « objectifs »
que
les faits physiques élaborés par la science. Mais, participant de not
113
ntérieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas
qu’
il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de
114
r en cette méthode — peut-être séculairement — ce
que
la « rationalisation » aura laissé de Raison à l’Occident, avec certa
115
nimé l’humanisme de nos humanités. Il est certain
qu’
il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’ét
116
rmaniques, où son prestige ne le cède aujourd’hui
qu’
à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais est notable. On solde. A
117
voici l’Américain à rendement maximum. Et comptez
que
l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu’est l’Homme
118
poussera plus avant la dégradation de cette idole
qu’
est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un syncrétisme. Rome
119
s toujours : il le nomme péché.) Tous les modèles
que
l’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’ils peuvent être attei
120
s que l’homme se propose ont ceci d’insuffisant :
qu’
ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme,
121
r — indéfiniment. L’homme ne se comprend lui-même
qu’
en tant qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’un ordre tr
122
it un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme
qu’
il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop a
123
véritablement homme, c’est avoir accès au divin.
Que
sert de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme,
124
out humanisme véritable conduit « au seuil » : et
qu’
irions-nous lui demander de plus, s’il laisse en blanc la place de Die
125
à la « psychologie scientifique » et à ce leurre
qu’
est l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablement, car la sincér
126
vrier 1931)d M. André Malraux écrit des livres
qu’
on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’expéri
127
t des livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est
qu’
il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en a
128
qu’il y apporte un peu plus d’expérience humaine
qu’
on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son prem
129
ine, en effet, ressemblait singulièrement à celle
que
M. Malraux venait justement d’exposer dans un petit ouvrage aigu et d
130
es, et dont le tragique est décuplé par la valeur
qu’
il prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller f
131
f étonnant, mais contribue à créer des obscurités
que
le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perke
132
onnent une espèce d’autorité en ne parlant jamais
que
par allusions et mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne
133
extérieurs obéissait son action. C’est peut-être
qu’
il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent p
134
a révolte d’un être pour qui la mort ne peut être
qu’
une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette
135
té qui ne laisse subsister de tous les sentiments
qu’
une « fraternité désespérée » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, co
136
ose une figure originale certes, mais à tel point
que
sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et
137
teur : leur tempérament est plus fortement marqué
que
leurs particularités extérieures, et c’est sans doute le tempérament
138
tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué
que
les portraits des meilleurs peintres ressemblent à ces peintres sous
139
res sous les traits du modèle. Cet air de famille
qu’
ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui permet de les id
140
s d’une individualité morale qui n’est sans doute
que
l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tent
141
ale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
que
M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal
142
quoi composer un semblable personnage, plus vrai
que
nous-mêmes parce que plus cohérent, plus représentatif et plus accomp
143
moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien
que
de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît ab
144
eul ; areligieux, relié à rien. Plutôt aventurier
que
conquérant ; plutôt érotique qu’amoureux ; voué à un orgueil sans iss
145
lutôt aventurier que conquérant ; plutôt érotique
qu’
amoureux ; voué à un orgueil sans issue, puisque pour lui n’existe auc
146
À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
que
Malraux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mieux que notre curios
147
raux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mieux
que
notre curiosité humaine, ou que notre admiration littéraire11. Le co
148
ale, mérite mieux que notre curiosité humaine, ou
que
notre admiration littéraire11. Le courage presque agressif qu’elle a
149
ration littéraire11. Le courage presque agressif
qu’
elle apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul o
150
ivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est
qu’
un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où l
151
és de certaine foi apparaissent aussi « fausses »
que
l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset.
152
rt. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est
que
l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du dése
153
omme une fable. Il est peut-être curieux de noter
que
les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violations des lois
154
acisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré
que
la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] An
155
t nullement de la critique littéraire ; il arrive
qu’
elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces
156
problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est
qu’
aujourd’hui le moindre chien écrasé pose toute la question sociale. Ai
157
e » relative à des œuvres qui « signifient » plus
qu’
elles ne « sont ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’ava
158
art. La nôtre ayant voix au forum discute autant
qu’
elle n’invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louan
159
voix au forum discute autant qu’elle n’invente ou
qu’
elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’i
160
se. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs
que
d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle
161
re, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie,
qu’
elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence d
162
Ces quelques remarques nous placent sous l’angle
qu’
il faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspecti
163
le type du livre qui vaut surtout par l’attitude
qu’
il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien
164
J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire
que
c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans qu
165
e mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce
que
nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre…
166
Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir
que
ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Eur
167
pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est
qu’
une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où
168
ève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur,
que
ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose q
169
i nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient
que
le pire est toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que l
170
i croient que le pire est toujours le plus vrai ;
que
la prose est plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le
171
ujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie
que
la poésie, le petit fait plus vrai que le haut fait, la mesquinerie p
172
plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai
que
le haut fait, la mesquinerie plus vraie que la grandeur. C’est sans d
173
vrai que le haut fait, la mesquinerie plus vraie
que
la grandeur. C’est sans doute qu’on les a par trop dupés ; ils ne mar
174
erie plus vraie que la grandeur. C’est sans doute
qu’
on les a par trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en est à l’id
175
une réaction de vulgarité non moins artificielle
que
le lâche idéalisme qu’elle combat avec raison ? D’ailleurs, si je voi
176
ité non moins artificielle que le lâche idéalisme
qu’
elle combat avec raison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de
177
it la solution », je ne puis m’empêcher de penser
que
cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer : si grande e
178
r y contribuer : si grande est en effet l’horreur
que
M. Nizan éprouve à contempler « ce résidu impitoyable, descriptible e
179
On reconnaît ici la thèse marxiste, dont le moins
qu’
on puisse dire est qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un
180
èse marxiste, dont le moins qu’on puisse dire est
qu’
elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : el
181
onditions matérielles de la vie humaine. Je crois
que
l’homme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolut
182
ine. Je crois que l’homme ne peut être transformé
que
spirituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’être possible
183
mblable !) mais un normalien se devrait de savoir
que
l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre les funest
184
ttre les funestes effets de la civilisation athée
qu’
apportaient les Européens. Autre trait plus édifiant encore : l’auteur
185
ui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle
que
soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’hommes dans les ég
186
il y aura toujours plus d’hommes dans les églises
que
dans les prisons, — et des hommes qui viendront y trouver leur libert
187
es cris d’une révolte égarée par la haine ? C’est
qu’
ils caractérisent une attitude de plus en plus fréquente chez les jeun
188
valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs
que
ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de c
189
nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce
qu’
ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que l
190
giner de la religion. C’est une forme aiguë de ce
que
les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute revien
191
de notre époque » — pour reprendre la définition
qu’
en donnait ici même M. Pierre Maury. C’est à peu près dans le même sen
192
Pierre Maury. C’est à peu près dans le même sens
que
M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se sécular
193
raît comme périmée. Avec M. Brunschvicg, il pense
qu’
un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de no
194
pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade »,
qu’
il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout
195
de », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref,
que
la science a changé tout cela. C’est précisément à ce sécularisme que
196
ngé tout cela. C’est précisément à ce sécularisme
que
répond M. Gabriel Marcel dans une belle conférence prononcée au Foyer
197
prononcée au Foyer des étudiants protestants, et
que
la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février15.
198
le déclarer. On m’arrêtera en me faisant observer
que
cet orgueil n’a pas un caractère personnel, puisque l’Esprit dont M.
199
t l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord
que
c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savon
200
personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou
que
cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Plat
201
e tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce
que
la démocratie dont cet idéalisme n’est après tout qu’une transpositio
202
la démocratie dont cet idéalisme n’est après tout
qu’
une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’i
203
e à quelqu’un. Mettons-le en présence du scandale
que
constitue à ses yeux cette anomalie : un astronome chrétien. Comment
204
ou aller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource
que
de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet
205
ibie plus exactement, est un homme du xxe siècle
que
l’idéaliste salue comme son contemporain ; en tant qu’il croit à l’In
206
emporain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et
qu’
il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enf
207
t d’une singulière incohérence. Et il est évident
que
si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxiste, par exemple
208
marxiste, par exemple, qui lui déclare nettement
que
son Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économ
209
ractions les plus exsangues. Je pense quant à moi
qu’
un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philo
210
re. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait
que
le pamphlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’articl
211
hlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur
que
l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe carac
212
de la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs,
qu’
en cette commune antipathie, M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une
213
sent avec une netteté d’autant plus significative
qu’
ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homm
214
i, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense
que
tout chrétien conscient des problèmes de ce temps, souscrirait aux cr
215
problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques
que
M. Nizan fait à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce qu
216
’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce
que
« les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors
217
rgence entre eux et nous — si le mal est si grand
qu’
ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pour
218
n, si radical soit-il. Un pessimisme aussi féroce
que
celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’i
219
aine. Le séculariste « constructiviste » répondra
qu’
il croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes pro
220
s de la technique. Mais rien n’est plus hasardeux
qu’
une telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme i
221
u’une telle mystique, — rien n’est plus incertain
que
son objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que l
222
me il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil
que
le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vous n’avez pa
223
ens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites
qu’
il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien,
224
l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce
qu’
est ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aura dix juste
225
el humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux
qu’
aura passionné l’enquête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi
226
protestants modernes (avril 1931)f C’est donc
qu’
il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’on cherchait à nous fair
227
onc qu’il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps
qu’
on cherchait à nous faire croire qu’une origine protestante était un v
228
puis le temps qu’on cherchait à nous faire croire
qu’
une origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière
229
térilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici
que
s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette de protes
230
n « art protestant ». En effet, on ne parlait ici
que
d’« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce
231
tants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce
que
ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doivent à leur origin
232
r ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce
qu’
ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits
233
ments d’un art protestant. Il eût fallu peut-être
qu’
un plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’une réponse valabl
234
ée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté
que
représentait une telle exposition, le caractère d’avant-garde des toi
235
istinguer les caractères confessionnels. Espérons
qu’
un prochain salon, organisé s’il le faut dans de plus vastes locaux, p
236
, pourra donner accès à un ensemble aussi complet
que
possible d’artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se dem
237
rotestantisme. Et l’on pourra se demander alors :
qu’
y a-t-il de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines
238
e renouvellement de la peinture à sujet religieux
qu’
annonce cette grande composition : trois longues croix dans une lumièr
239
ar contre, le définir idéalement ? Il nous semble
que
cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut
240
abord une définition nette de notre foi : il faut
qu’
on sache sans équivoque ce qu’est le protestantisme avant de pouvoir t
241
notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce
qu’
est le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un
242
le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce
que
doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’u
243
onception dogmatique de la foi. Nous pensons même
que
la renaissance et l’épanouissement d’un tel art seront conditionnés p
244
Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux
que
le problème de la création intéresse, l’artiste a besoin plus que qui
245
de la création intéresse, l’artiste a besoin plus
que
quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui se
246
our lui-même et aux yeux du public, des facilités
que
donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquement catholique
247
il y a tous les sujets chrétiens ! C’est bien là
que
nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une d
248
ue nous voulions en venir : le dogme ne doit être
qu’
un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste
249
La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être
qu’
un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’artistes
250
éveloppement exagéré de la technique dans le fait
qu’
aujourd’hui les masses veulent conquérir des biens spirituels et matér
251
resque tous les buts de civilisation. C’est ainsi
que
la pauvreté, considérée par les civilisations spiritualistes comme le
252
omme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore
que
l’idéal chrétien de l’amour du prochain a tourné pratiquement à la mé
253
Mais ces anomalies très graves ne sont peut-être
que
transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’adaptati
254
primauté : car c’est à cette condition seulement
que
la vie humaine gardera sa signification. En somme, on pourrait résume
255
ourrait résumer la pensée de Keyserling en disant
qu’
il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tous les degrés — idéal anti
256
e réalité. Mais tout ceci, à quoi nous ne pouvons
qu’
applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction » à l’ère s
257
e pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous
qu’
une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessaire m
258
té aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve »
que
deux dates limitent : 1851-1914. Ainsi met-il en jeu les deux élément
259
nt qu’ils n’aient lu eux-mêmes le livre. J’espère
que
les critiques ne le diront pas non plus ; mais je sais que c’est beau
260
ritiques ne le diront pas non plus ; mais je sais
que
c’est beaucoup leur demander. » Eh bien ! non, c’est au contraire déc
261
dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son
qu’
elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société ang
262
le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus
que
ce qu’admet la société anglaise. Tout le drame est intérieur ; la pas
263
qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce
qu’
admet la société anglaise. Tout le drame est intérieur ; la passion ne
264
drame est intérieur ; la passion ne s’y manifeste
que
par de très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordina
265
sité des scènes gagne à cette retenue mondaine ce
que
perd le pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haut
266
ne ce que perd le pittoresque de l’action, encore
que
l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’u
267
es. M. Charles Du Bos, dans la très belle préface
qu’
il a donnée à la traduction française note avec raison que M. Baring s
268
donnée à la traduction française note avec raison
que
M. Baring se montre « quelque peu inexorable dans la libéralité avec
269
e serait plutôt religieuse.) Il est incontestable
que
l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étroit, voire même conven
270
ais internationale. Cela permet à l’auteur autant
qu’
aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles
271
ffiner nos âmes au contact de réalités plus pures
que
celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » d
272
pures que celles de la vie courante, on peut dire
que
les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c
273
atteint le moment de sa perfection, ne peut plus
que
se souvenir, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant d’essence
274
omme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas
qu’
une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, m
275
comporte à proprement parler de morale, malgré ce
que
dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle est l’expression conc
276
oncrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici
que
l’on peut voir sa profonde ressemblance avec les Affinités électives
277
séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui
qu’
il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’une justic
278
ses héros, il note les jugements contradictoires
qu’
elles provoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette long
279
it, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce
qu’
elle contient d’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une i
280
Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé
qu’
elle atteint en certains passages à une intensité presque bouleversant
281
moraliste » désireux de justifier une thèse plus
que
de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages
282
la réalité. Et c’est au cours des quarante pages
qu’
il consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanch
283
us un peu à l’examen de ce passage auquel on sent
que
Baring attache une importance qui n’est pas uniquement « romanesque »
284
in de l’Église catholique… le seul acte de ma vie
que
je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, a
285
ses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici
qu’
au sens le plus conventionnel. Car à une tante anglaise qui lui exprim
286
Car à une tante anglaise qui lui exprime l’espoir
que
sa vie à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond :
287
la princesse répond : « Je ne crois pas, j’espère
que
non ; bien qu’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savo
288
ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain
que
cette femme, qui a subi sans les mettre jamais en question les exigen
289
ociété insulaire, possède un sens critique assuré
qu’
elle applique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On serait tent
290
aisemblance psychologique si l’on ne s’apercevait
que
M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure d’esprit au cours de se
291
s et conventionnelles à souhait (ni plus ni moins
que
la majorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on deman
292
jorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux
que
l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusant
293
soulagement. La question était réglée : du moment
qu’
on allait à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile d’en deman
294
mes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit
que
Blanche malheureuse, isolée, cherchant une sécurité intérieure, ne tr
295
ns sentimentales la réponse aux premiers troubles
que
la grâce jette dans son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’el
296
dans son âme. D’autre part, tous les catholiques
qu’
elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une h
297
e œuvre où l’on parle le plus directement de Dieu
que
Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à ju
298
en tentation, induits en discussion. Je sais bien
que
tout changement de confession ramène les mêmes arguments qui retienne
299
able de voir Baring se départir ici de la sagesse
qu’
il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse. Il eût pu
300
araît être à tel point la seule solution possible
qu’
elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicism
301
la foi chrétienne en général (du fait précisément
que
les mobiles humains sont ici entièrement suffisants et rendent superf
302
ring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion
que
rompent les discussions, et qu’en tant d’autres pages de cette belle
303
t d’une communion que rompent les discussions, et
qu’
en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indication t
304
sonne, peut-être, n’a répété avec autant de force
que
Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fondement prat
305
ines. Mais la vérité, elle, est indifférente à ce
que
nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’ag
306
lons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule
qu’
il s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, c
307
de prier pour moi, car j’ai parfois la sensation
que
ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît
308
j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
que
je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’
309
agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se souvint
que
Lady Mount-Stratton lui avait dit presque la même chose dans le Poder
310
ans le Podere à Florence. — Je sens, il est vrai,
que
j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous la
311
du désespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi
que
de ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme
312
es Du Bos « cette tristesse par-delà la tristesse
que
Baring excelle à suggérer, qu’au deuxième mouvement, au mouvement len
313
-delà la tristesse que Baring excelle à suggérer,
qu’
au deuxième mouvement, au mouvement lent, du Quintette, Schumann a enc
314
16. La Princesse Blanche, Stock, éditeur. 17.
Qu’
on lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme, d’Émile
315
fisance du vocabulaire religieux. 19. Soulignons
qu’
un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougem
316
s la Revue de métaphysique et de morale. Et voici
que
l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvre
317
Mynster qui avait été très estimé au Danemark et
que
Kierkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Mar
318
e christianisme officiel ne peuvent être comparés
qu’
aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il e
319
de du catholicisme et du monde du protestantisme,
que
la polémique et la satire qui sévirent, dans le premier, dès ses orig
320
ès ses origines, ne se donnèrent cours par contre
qu’
à la fin du second. Le Moment et les Attaques contre le christianisme
321
dernier grand protestant. On ne peut le comparer
qu’
aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les a
322
ngoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie
que
chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’à côté
323
ïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé
qu’
à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre espri
324
sprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer
qu’
une œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les e
325
rkegaard lui-même avait exprimé le souhait formel
que
l’on n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres.
326
é un document peut-être d’autant plus intéressant
qu’
il émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler c
327
sée chrétienne tragique, paradoxale et virulente.
Qu’
une telle œuvre commence son action en France au moment où l’intérêt p
328
beaucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître
que
fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions
329
fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr
que
les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneu
330
Comment ne point partager, en le lisant, ce goût
qu’
avait le vieux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins d’analys
331
’imagination. On goûtera les citations nombreuses
que
l’auteur a su introduire et commenter avec la discrétion et souvent l
332
vent l’ironie légère qui conviennent. Plus encore
que
par leur valeur proprement littéraire et descriptive, elles nous para
333
, elles nous paraissent intéressantes par tout ce
qu’
elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles
334
mprévue et significative. On regrettera seulement
que
l’auteur ait dû se borner à confronter les réactions anglaises et fra
335
ou philosophique génératrice d’œuvres marquantes.
Qu’
aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateau
336
Alpes constituent « le plus violent réquisitoire
qu’
on ait jamais écrit contre elles ». Pour Rousseau, la montagne, c’est
337
r la montagne dans leurs œuvres, elle n’est guère
qu’
un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fai
338
gressions sur l’ordre social. Mlle Engel constate
que
« les plus grands poètes français du xixe siècle ont échoué dans leu
339
frayante, leur a semblé incompréhensible ». C’est
que
le mystère des choses les attire moins que le jeu des passions et des
340
C’est que le mystère des choses les attire moins
que
le jeu des passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montag
341
des de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce
qu’
il appela, d’un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il
342
n mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est
qu’
il a pénétré dans ces solitudes que les autres contemplaient d’en bas
343
hoses ». C’est qu’il a pénétré dans ces solitudes
que
les autres contemplaient d’en bas ; non pas en curieux : en mystique.
344
t notre auteur. L’homme seul en face des sommets,
qu’
écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite,
345
spects, aux mille bruits. » Ce n’est plus l’homme
que
ces poètes viennent interroger sur les hauteurs, mais une sombre et s
346
Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle
que
chante la poésie anglaise en de véritables « élévations ». Mais tout
347
pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais
qu’
un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui de
348
qui sait respirer l’atmosphère de mon œuvre sait
que
c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être
349
œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs,
que
l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on
350
alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et
qu’
inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-c
351
géologique sans rapport avec la nôtre. Les atomes
que
nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… el
352
s. » Nous empruntons ces lignes au très bel essai
que
Robert de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs 23, et qui, posé en
353
e de leur décor ; ici, par l’effort de discipline
qu’
elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque q
354
i veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque
qu’
elles inspirent. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le
355
sée. Ne pourrait-il pas informer d’autres pensées
que
les malédictions de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la
356
itablement quelques valeurs nouvelles, il se peut
que
certains se tournent vers ces derniers symboles physiques de la solit
357
uiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie
que
nous impose le monde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe, et
358
t, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’est guère
qu’
au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renonc
359
œurs, et dans le secret de certains renoncements,
que
le regard spirituel saurait encore en déceler l’équivalent. Peut-être
360
mer dans le décor des « hauts lieux » autre chose
qu’
une intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et
361
ar Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre
qu’
il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un li
362
grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce
que
par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du mo
363
’est un terrible péché du christianisme européen,
que
d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceu
364
abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux
que
le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y avait au mo
365
le Christ aima, parce que leur dénuement était ce
qu’
il y avait au monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence et l’a
366
andeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles
qu’
il les raconte dans ces deux volumes, témoignent que l’amour chrétien
367
’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent
que
l’amour chrétien peut encore aujourd’hui pénétrer un monde revendiqué
368
x si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout
qu’
il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Jap
369
ivres les plus significatifs de ce temps. Non pas
que
nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du prolé
370
conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
que
nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare,
371
nce du prolétariat mondial, ni que nous ignorions
que
notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces
372
siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est
qu’
un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le pe
373
prise. C’est même un des malheurs de notre temps,
que
l’action devenue trop rapide suppose une cécité partielle chez ceux q
374
cohérente, à le juger religieusement par exemple.
Que
l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes
375
s d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est
qu’
il poursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en
376
anité non plus, car son œuvre écrite n’est encore
qu’
un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans fail
377
e et religieuse suscitée par Kagawa. Nous savions
que
ce pasteur d’une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeun
378
dont il rejette la religion24. Nous savions aussi
que
ce leader social, cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’u
379
ouche dans la vie publique et politique. Espérons
qu’
une biographie complète suivra cette « genèse » à vrai dire passionnan
380
lité psychologique et matérielle, et c’est par là
que
dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que
381
ité, il parvient à être si émouvant. On peut dire
que
dans ces deux gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’all
382
descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire
que
l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue que plusieurs chapitres
383
que l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue
que
plusieurs chapitres du premier tome risqueraient de lasser, par une m
384
tions touchant à la monotonie. Au reste, à mesure
qu’
on avance, l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’une tell
385
telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
qu’
elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’es
386
un bruit épouvantable dans sa course. Il pensait
que
c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir
387
r la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares tels
que
Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka, écrits sur des
388
rds de la rivière Yodogawa, il se rappela soudain
que
c’était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jo
389
c’était un endroit célèbre pour les suicides, et
qu’
il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaney
390
ficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles
qu’
on reçoit de sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étu
391
té de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi
que
lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage
392
vie active et mettre à l’épreuve son grand idéal.
Que
pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la vie quotidienne d
393
grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble
que
de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait aup
394
gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur,
que
personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et a
395
scènes terribles avec son père, riche commerçant
que
l’on accuse de malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et q
396
té, pourtant fort émouvante par moments. C’est là
qu’
il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’il aimait dans son adoles
397
t là qu’il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille
qu’
il aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais
398
heur personnel avec l’idéal de rénovation sociale
qu’
il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, d
399
Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas
que
la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris
400
fût particulièrement importante. Il avait appris
qu’
il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la so
401
le monde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida
que
, de ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses.
402
t où il avait décidé de se suicider. Mais un soir
qu’
il prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enfiévrait,
403
épreuves d’un peuple misérable, des pires brutes
qu’
il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, d
404
pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et
qu’
il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivr
405
’il couvre de ses propres habits, des prostituées
qu’
il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont j
406
re de vie et de pathétique, sobre et directe plus
que
tout ce qu’on a pu lire de plus vécu sur ces milieux. Finalement, la
407
de pathétique, sobre et directe plus que tout ce
qu’
on a pu lire de plus vécu sur ces milieux. Finalement, la police accus
408
le visage de celui-ci les expressions changeantes
qu’
y imprimait la passion. Il lui semblait qu’il faisait une étude pratiq
409
eantes qu’y imprimait la passion. Il lui semblait
qu’
il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’éco
410
ublé. En regardant les choses de près, il conclut
que
la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, pui
411
oser comme juste et de juger ses semblables. Pire
que
cela, elle portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci
412
semblables. Pire que cela, elle portait à croire
que
tous les hommes sont coupables. Ceci acquit au Procureur toute la sym
413
ie d’Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles
que
les procureurs passent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de
414
sible de ne pas leur témoigner de la sympathie. —
Qu’
est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemmen
415
e pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce
que
cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemment ? Le Pro
416
monde des moineaux. Il se taisait, car il savait
qu’
il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois
417
tent avec amour. ⁂ Avant de tirer les conclusions
qu’
impose cette œuvre avec l’autorité d’une action, arrêtons-nous quelque
418
ues instants devant la beauté singulière de l’âme
qu’
elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve
419
ment modeste et intelligent qui est plus émouvant
que
bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consc
420
ne mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble
qu’
il n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagérer sa crit
421
’est toujours à l’effarante sincérité de ce récit
qu’
il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. Parmi les inno
422
ombrables sentiments : doutes, passions, conflits
qu’
il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa par
423
a complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale
que
la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement,
424
s résultat ». C’est dans un tel état de désespoir
que
soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa co
425
s, les filles, les bateaux à vapeur, même le vide
qu’
il avait cherché, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du sol
426
graduellement attiré par le Christ. Il se disait
que
ce n’était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merv
427
rist. Il se disait que ce n’était pas dans la mer
qu’
il fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que,
428
eter, mais dans les merveilles du monde. Et voici
que
, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple du Christ
429
le reste du chapitre consacré au récit des actes
qu’
immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion. En mystiq
430
iate ou voiler sa difficulté. Les rares allusions
qu’
il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un diman
431
lusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en sont
que
plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière Nunobiki, a
432
est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard
qu’
un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certain
433
tude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant
que
l’on considère la « question » sociale et que l’on en « discute », c’
434
ant que l’on considère la « question » sociale et
que
l’on en « discute », c’est irritant, vain et irréductible. Car la que
435
la question sociale n’admet peut-être de solution
que
personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel,
436
gence immédiate et par conséquent plus troublante
que
celle qu’impose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’un in
437
diate et par conséquent plus troublante que celle
qu’
impose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’un incroyant, c
438
’est-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ?
Qu’
un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère hum
439
la « saine rudesse » m’a toujours paru plus rude
que
saine. Je ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’un mora
440
oujours paru plus rude que saine. Je ne pense pas
qu’
il faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop subtil les vanit
441
é chrétienne à cette dernière catégorie. (On sait
qu’
il y a dans le monde moderne trois sortes de gens, les pécheurs, les s
442
de provoque ses lecteurs à le juger, sûr d’avance
que
l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent
443
st en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue
qu’
il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la pl
444
it dans un grand nombre de cas me convaincre ; et
que
, dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on vot
445
lupart des autres, il est si admirablement habile
qu’
on vote l’acquittement à main levée, sans examen des preuves. Non seul
446
triompheraient, il met une sourdine. Car il sait
que
la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le der
447
modestie est la vertu de choix du classicisme. Et
qu’
il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs
448
u de mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce
qu’
il y a : l’on éprouve une gêne grandissante au spectacle de l’autojust
449
nte au spectacle de l’autojustification obsédante
que
les derniers écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un tal
450
olent avec un talent disproportionné à son objet.
Que
Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voul
451
à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais »
qu’
on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à
452
de ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou
qu’
il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà
453
l’air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce
qu’
il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainement déplo
454
de ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce
qu’
il faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons inco
455
ne sorte subtile de loyauté à des fins rien moins
que
grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fait tourner soudain,
456
udain, les fait cailler en coquetteries. Et voici
que
l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette re
457
retenue trop consciente de ses effets n’est plus
qu’
une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais
458
pour la rendre vraiment vivante, celui-là ne fait
qu’
usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’y l
459
’usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain
qu’
il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie p
460
est en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose
que
son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous
461
e et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours
que
nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle s’érige en dia
462
s plus souvent chez d’autres « moralistes » c’est
que
ceux-ci sont moins intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu
463
eux-ci sont moins intelligents, moins conséquents
que
M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace de conclusions en toute l
464
s intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou
qu’
ils reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitabl
465
tables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens
que
par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique une fois
466
ercle de paradoxes et de malentendus où il semble
qu’
un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mai
467
n esprit de cette classe ne devrait pas supporter
qu’
on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfa
468
sse ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais
qu’
est-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire,
469
’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on comprend
que
, non satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité
470
e dit : son « paysage intérieur ». « Je puis dire
que
ce n’est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certai
471
eur ». « Je puis dire que ce n’est pas à moi-même
que
je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’es
472
au conflit de certaines idées, dont mon âme n’est
que
le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur,
473
le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur
que
de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi
474
? Étendons la signification de ce terme. On sait
que
protestant veut dire témoin (protestari), jamais Gide n’est plus loin
475
i), jamais Gide n’est plus loin du protestantisme
que
dans cette attitude sereinement contradictoire, où il voit l’essence
476
e, lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre
qu’
il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout
477
e de faire entendre qu’il « pourrait autrement ».
Que
rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spect
478
ndre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce
qu’
il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses an
479
e rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier.
Qu’
il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui,
480
qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est
que
spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, se
481
rale qui, pourtant, seule l’intéresse, n’est plus
qu’
un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sancti
482
ans doute, la psychologie moderne a-t-elle montré
que
l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. Mais la ques
483
le montré que l’homme était beaucoup moins simple
qu’
il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division i
484
oit être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens
que
le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non point pa
485
illeusement intelligent. On n’y parle strictement
que
de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une
486
e pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais
que
le monde de demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramati
487
Certaines phrases pourraient le laisser supposer
qu’
il écrivit en préface au livre récent d’un jeune aviateur, Antoine de
488
certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je crois
que
ce qui me plaît surtout dans ce récit frémissant, c’est sa noblesse.
489
ons de reste et la littérature de nos jours n’est
que
trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtient l
490
bile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi
qu’
obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin q
491
de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce
que
nous avons surtout besoin qu’on nous montre… Je lui sais gré particul
492
tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin
qu’
on nous montre… Je lui sais gré particulièrement d’éclairer cette véri
493
moi d’une importance psychologique considérable :
que
le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptat
494
cceptation d’un devoir. Gide aurait-il pressenti
que
l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’
495
lus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il
que
l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez m
496
e la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
Qu’
il n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les
497
ez mes ailes. » Qu’il n’aille pas croire pourtant
que
désormais la vertu fera prime, les vices ayant épuisé leurs saveurs.
498
vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce
que
nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoigna
499
tées devant Dieu, avec l’incommensurable tragique
que
cela comporte. Un nom me hante, pendant que j’écris ces mots : Kierke
500
e d’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour
qu’
il adopte : « mais celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de
501
ité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce
qu’
un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André
502
. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève »
qu’
il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la citation suivan
503
ique pour maintenir à Gide une place instructive,
qu’
il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestan
504
On m’a fait observer très justement, à l’époque,
que
j’oubliais Loti. Loti est un notable écrivain protestant qui répond à
505
nité française n’avait été irrésistible, avait ce
qu’
il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande at
506
nal, était corsaire de son métier. N’oublions pas
que
depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer devient aux trois
507
s un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas
que
toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’
508
daptation d’un livre unique, son journal intime —
que
Loti est un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la li
509
me — que Loti est un journal intime, comme Gide —
que
le journal intime, la littérature intime sont un produit autochtone d
510
ique de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser
qu’
il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un
511
e déjà la conscience éteinte ne la dirige plus et
qu’
elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant uniquement
512
oujours de la manière de concevoir celle-là. Tant
que
la vie était considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se
513
el ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui
qu’
une suite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentai
514
, la profondeur des sentiments et leur tristesse,
que
Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves. Il semble, en effet, que
515
au sujet de Mon Frère Yves. Il semble, en effet,
que
les âmes du xixe siècle soient plus profondes et plus voilées, plus
516
nt plus profondes et plus voilées, plus inquiètes
qu’
elles ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui l
517
es ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, depuis
qu’
elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefoi
518
, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est
qu’
elle était peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du
519
nt pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et
qu’
une sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était plu
520
apparente était plus calme parce qu’elle n’était
qu’
une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespér
521
e qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et
qu’
on cachait la meilleure ; les désespérances dont notre époque est prod
522
retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort
qu’
elle portait sur les choses invisibles. La vie, désormais sans au-delà
523
erture s’est faite, mais non du bon côté ; l’âme,
que
tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais elle
524
ècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet
que
les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les
525
e romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains
qu’
il appelle « positivistes » restent à peu près les seuls valables, à n
526
’une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide
qu’
il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup con
527
st un écrivain protestant est une façon de parler
que
beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Paul Bourget,
528
nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et
que
personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « succès » littéra
529
térêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé,
que
les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient allés à troi
530
être des romanciers assez ternes, pour le plaisir
que
par ailleurs ils donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de
531
ligence plus avide, au fond, de formules adroites
que
de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau
532
eul tenant du classicisme romanesque ; mais voici
qu’
on proclame au contraire l’avènement d’une littérature nouvelle28, don
533
ritique fort écouté29, à son propos, fit observer
que
les romanciers protestants montrent de préférence la famille dans sa
534
ardons-nous de voir dans ce contraste autre chose
que
la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinie
535
tiques d’une éducation protestante ou catholique,
que
d’une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyo
536
hrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-nous,
qu’
on put écrire de Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la gra
537
croyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin
qu’
un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute la misère — des pr
538
on d’un nationalisme religieux plus injustifiable
que
l’autre ? Je sais bien que certains « protestants » nous y pousseraie
539
eux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bien
que
certains « protestants » nous y pousseraient, à force de reniements e
540
ur accusation perpétuelle ? Car la vraie question
qu’
elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons enc
541
é, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi
que
nos gloires passées, martyrs, camisards et prophètes, nous condamnent
542
t significative sévérité. Et dès lors, c’est cela
qu’
il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi b
543
décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
que
l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à s’exprimer. Le cou
544
jacente, mais trop timide à s’exprimer. Le couple
que
Jacques Chardonne étudie dans Claire poursuit un bonheur purement égo
545
n bonheur purement égoïste, et par là si précaire
qu’
il côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’indi
546
té. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble
qu’
une véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’une pudeur —
547
éritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir
qu’
une pudeur — lui fait éviter toute allusion chrétienne, au point qu’en
548
i fait éviter toute allusion chrétienne, au point
qu’
en tels endroits où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût i
549
qu’en tels endroits où la vraisemblance voudrait
que
le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exem
550
tament de la mère par exemple), c’est au « sort »
que
l’on s’en remet, ni plus ni moins que dans un drame antique. M. Saura
551
au « sort » que l’on s’en remet, ni plus ni moins
que
dans un drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que
552
ntique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note
que
dans ce conflit moral, Dieu est « tranquillement oublié ». Il y a vis
553
rais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse,
que
ces traits négatifs, alliés à d’évidentes préoccupations morales, com
554
préoccupations morales, composent précisément ce
que
beaucoup se plaisent à nommer « un caractère protestant »32. Et c’est
555
t c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave
que
nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme a
556
vec cette attitude, et de prolonger un malentendu
qu’
ils jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme m
557
ont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai
que
ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système politique, un
558
cément à la ruine immédiate, dans notre monde tel
qu’
il est. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans
559
aire, par leur succès et dans leur épanouissement
qu’
ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ils se trouvent, aux yeu
560
ent qu’ils manifestent au jour leurs faussetés et
qu’
ils se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Était-c
561
ons trop souvent et bien trop volontiers souffert
que
l’on nous attribue un moralisme tout semblable à celui des athées, —
562
isme tout semblable à celui des athées, — au lieu
qu’
il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme radicalement contraire
563
la « moralité publique » par exemple. Et quelles
qu’
aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait
564
tant » devint synonyme de « moraliste ». Était-ce
qu’
il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui les empê
565
, mais dont nous souffrons d’autant plus vivement
que
le monde actuel nous met en demeure d’abandonner tout ce qui, dans no
566
ique, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt
que
de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez c
567
ce ? Il y va pourtant de notre force de conquête.
Que
nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en droit, l’héritage
568
emporains, à un moralisme libéral. Nous savons ce
qu’
une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’êt
569
estent ses traits spécifiques. On peut donc poser
que
le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporain
570
le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel
que
nos contemporains se le représentent, ne pouvait s’exprimer que dans
571
porains se le représentent, ne pouvait s’exprimer
que
dans la forme du roman moraliste (forme qui par ailleurs flattait un
572
tendance nietzschéenne. Tout ceci ne participant
que
très indirectement d’une atmosphère proprement chrétienne. Or voici q
573
d’une atmosphère proprement chrétienne. Or voici
que
les faits confirment cette vue théorique : Loti, Schlumberger, Gide,
574
r ici et de pousser dans le détail une accusation
que
certains, déjà, disent banale, pour lui ôter sa force, je le crains.
575
ces profondes : Milton. Mais le moralisme détendu
que
la théologie libérale prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle
576
e, l’abandon et la divine légèreté, c’est-à-dire,
qu’
elle récusait la grâce autant que le péché. La censure moraliste est a
577
é, c’est-à-dire, qu’elle récusait la grâce autant
que
le péché. La censure moraliste est avant tout peureuse. Elle « craint
578
fie la révérence, mais comme on craint le risque,
que
Jésus n’a jamais craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de
579
ire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre
que
sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis de la na
580
sa condition menacée, réduit aux seules défenses
qu’
invente son calcul. Voici l’homme livré à lui-même, c’est-à-dire à son
581
éatrice chez les protestants, qui lui furent plus
que
d’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’es
582
de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais
qu’
ils manifestent en même temps avec une ironie plus cruelle souvent que
583
n même temps avec une ironie plus cruelle souvent
que
la stérilité. Sécheresse désolée de Benjamin Constant, impuissance et
584
elles sont les réactions irrécusables et célèbres
que
provoqua le moralisme perverti. Il eût conduit le protestantisme à la
585
ce35, si l’humanité ne possédait d’autres recours
que
ceux qu’elle peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la pol
586
l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux
qu’
elle peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police des m
587
s de l’esprit » dont les ravages ne prendront fin
qu’
au jour où nous aurons compris que la santé est dans l’humilité de la
588
e prendront fin qu’au jour où nous aurons compris
que
la santé est dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance épe
589
ouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin
qu’
en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but
590
cipe destructeur. C’est au nom d’une foi positive
que
l’on attaque ici le moralisme survivant, c’est au nom d’une grande es
591
e survivant, c’est au nom d’une grande espérance.
Que
devons-nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit
592
réatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
Que
rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté,
593
raindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art
que
l’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou sereine, il faudrait pour e
594
, héroïque ou sereine, il faudrait pour en douter
que
l’on ait oublié les plus grands noms : Milton, Bach, Rembrandt, les s
595
nglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce
que
pourraient être des œuvres modernes inspirées, comme le furent les pl
596
chrétienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons
qu’
il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragi
597
olence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant
qu’
elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophé
598
t-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36,
qu’
elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué «
599
. 32. Il est entendu, même chez les protestants,
qu’
un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la fo
600
s, qu’un « protestant qui écrit » ne saurait être
qu’
en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement à re
601
eprésentatifs d’une atmosphère moraliste, quelles
que
soient les opinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on m
602
sphère moraliste, quelles que soient les opinions
qu’
ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est p
603
pinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme.
Qu’
on me comprenne : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils o
604
oralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas à eux
que
j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout ceci appellerait
605
portance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons
que
l’homme fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina co
606
re ou historique. Elle pose cependant un problème
que
la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter.
607
i nous sont posées comme autant d’accusations, et
qu’
il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessi
608
notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi
que
nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé ch
609
ffirmé chrétien, mais d’une façon si particulière
que
les ennemis du christianisme, depuis un siècle, le revendiquent comme
610
n. Les fragments des Conversations avec Eckermann
que
nous donnons dans ce numéro n’ont pas été choisis pour dissiper trop
611
’acuité. Mais, dira-t-on d’emblée, le simple fait
qu’
une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goe
612
fisamment l’inauthenticité de son christianisme ?
Qu’
est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance
613
l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce
qu’
un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La quest
614
é de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien
que
l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La question serait tran
615
ébuts piétistes du jeune Goethe et la part active
qu’
il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du c
616
rits de cette époque qui permettent d’imaginer ce
qu’
eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me v
617
jet, parfois, quand je suis calme, très calme, et
que
je sens tout le bien que les sources éternelles ont déversé dans mon
618
mon cœur. » Et deux ans plus tard : « Je suis ce
que
j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec l
619
: « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près
que
mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-a
620
neur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous dire
que
j’ai acquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur e
621
ité qui incombe aux « chrétiens » eux-mêmes, tels
qu’
ils apparurent à ce jeune homme plein d’une exigeante ferveur mystique
622
is tourné passionnément vers eux ; mais il semble
que
ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y
623
nt si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent
que
ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, q
624
y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien
que
des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’ave
625
prit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable
qu’
avec leur première sensation religieuse, et croient qu’on ne peut alle
626
ec leur première sensation religieuse, et croient
qu’
on ne peut aller plus loin parce qu’ils ignorent tout du reste. » C’es
627
t tout du reste. » C’est ce « reste » précisément
que
Goethe dès lors recherchera dans une solitude aggravée par l’agacemen
628
rchera dans une solitude aggravée par l’agacement
que
lui causent les effusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’
629
naissance mystique, il ne tardera pas à découvrir
qu’
on n’y atteint qu’en outrepassant les limites normales de l’esprit hum
630
, il ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint
qu’
en outrepassant les limites normales de l’esprit humain. La transcenda
631
. Bornons-nous à « réaliser » dans nos actions ce
que
Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’i
632
trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons
que
nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de cher
633
ue nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt
qu’
il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible
634
lutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus
que
ce que la nature visible nous en révèle. Cette attitude s’accuse de p
635
u’il est vain de chercher à en savoir plus que ce
que
la nature visible nous en révèle. Cette attitude s’accuse de plus en
636
Cette attitude s’accuse de plus en plus à mesure
que
Goethe avance en âge. Nous voici à ces années de la vieillesse, dont
637
écheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était
qu’
humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu
638
s, ou encore : comme si Dieu n’était rien d’autre
que
l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcend
639
ce de malentendus perpétuellement renaissants, et
que
les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sai
640
fort justement Curtius « le Goethe païen et rien
que
païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remon
641
i. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire
qu’
il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du
642
y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis
que
la venue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble
643
unauté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire
qu’
il s’inclinait devant le Christ comme devant la « révélation divine du
644
évélation du Très-Haut, et même la plus puissante
qu’
il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir
645
est précisément dans la facilité d’interprétation
qu’
offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et optimiste si contra
646
e et optimiste si contraire au scandale chrétien,
que
gît la faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fa
647
faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus
que
tout, fait défaut à ce génie, c’est le sens tragique du péché. Car c’
648
ue du péché. Car c’est bien dans le sens du péché
que
gît l’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de notre condi
649
gique essentiel de notre condition. C’est bien là
que
réside l’élément transcendant qui interdit à la pensée la plus probe
650
e monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire
qu’
un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde auto
651
, comme antichrétien, mais d’une tout autre sorte
que
ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des boutades anticatholiqu
652
raphes ? Mais comment juger les actions d’un être
que
nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge
653
ation personnelle, n’est-ce point tout simplement
que
les idées, les théories et les systèmes prônés par lui ne coïncident
654
partial, et qui révèle notre insuffisance autant
que
la sienne ? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde de 1932,
655
onde sans Dieu. Or, ce sont justement les valeurs
que
le « christianisme » de Goethe paraît avoir négligées ou niées : le s
656
et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est
qu’
une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’act
657
n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit
que
nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel e
658
à la fois accusés et exhortés par un tel exemple.
Que
nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou
659
s par un tel exemple. Que nous importe, dès lors,
que
ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pa
660
e soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et
qu’
il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue
661
ration littéraire et philosophique, c’est en vain
que
l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’a
662
e cause, une de ces causes qui engagent bien plus
que
l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Cho
663
auses qui doivent être gagnées. Chose étrange, et
que
l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est sur la
664
a notion — et la pratique — du service nécessaire
que
se fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par a
665
fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels
que
soient par ailleurs les antagonismes qui la divisent — bien plus extr
666
antagonismes qui la divisent — bien plus extrêmes
que
ceux qui divisèrent les précédentes — elle éprouve son unité, elle co
667
son unité, elle connaît une fraternité en ceci :
que
la pensée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme
668
, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda
que
« le clerc moderne » (en tant qu’il se montre préoccupé des conséquen
669
nne dans son essence, et par suite, dans l’action
qu’
elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux q
670
n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout ce
que
cela implique. Ils voient bien le vice de la « pensée désintéressée »
671
t bien le vice de la « pensée désintéressée », et
qu’
il faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas
672
ement devient possible ; ils ne voient pas encore
qu’
il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : chr
673
e qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte
qu’
un choix profond : christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire qu
674
christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire
que
seuls les chrétiens, en tant que chrétiens, non pas en tant que bourg
675
oser une rénovation intérieure, celle précisément
que
postule le christianisme. Mais c’est en vain que le lecteur cherchera
676
que postule le christianisme. Mais c’est en vain
que
le lecteur cherchera la réalité constructive et absolue sur quoi se f
677
ensée dite « de droite », et c’est par là surtout
que
M. Thierry Maulnier révèle ses origines politiques, et peut-être auss
678
tes. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains
qu’
ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur
679
il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel
que
leur seule existence — si elles existent — rende vaines les passions
680
mes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil
qu’
il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry
681
util qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme
que
je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partag
682
omme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir
que
la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d’idées ju
683
l’attaque. Nous avons moins besoin d’idées justes
que
d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » q
684
nt justes ; moins besoin de notions « correctes »
que
de notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups
685
aul Nizan, lui, critique moins à coups de marteau
qu’
à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec
686
moins à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce
qu’
il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, la doctrine offi
687
lement, brutalement, une de ces grandes questions
que
la pensée moderne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’elles sont
688
le : Il n’y a point de questions plus grossières
que
celles qui sont posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie p
689
ées ici. La philosophie présente qui dit et croit
qu’
elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et
690
hommes concrets ? À quoi sert cette philosophie ?
Que
fait-elle pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Selon M. Niza
691
tte philosophie ? Que fait-elle pour les hommes ?
Que
fait-elle contre eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante est c
692
andaleux écart, une scandaleuse distance entre ce
qu’
énonce la philosophie et ce qui arrive aux hommes en dépit de sa prome
693
s le coup de leurs techniques. On dira sans doute
que
l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’une pensée que l’on peut
694
ur exagère quand il dénonce le péril d’une pensée
que
l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement conceptuelle et d
695
t dépourvue d’intérêt humain concret. On lui dira
que
ce n’est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosoph
696
n concret. On lui dira que ce n’est pas si grave,
que
le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’il accorde à leur ac
697
que le monde n’est plus mené par les philosophes,
qu’
il accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et
698
hes, qu’il accorde à leur activité une importance
qu’
elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. C
699
philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce
que
sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intéresser à
700
e situation concrète, M. Nizan a tellement raison
que
son entreprise est suffisamment justifiée. Pour le reste, c’est la po
701
litique, et dans un sens plus vaste, la religion,
que
cela regarde. M. Nizan demande inlassablement ce que les philosophes
702
cela regarde. M. Nizan demande inlassablement ce
que
les philosophes bourgeois font et comptent faire pour les hommes. Trè
703
ssi. (Nous avons même un scepticisme plus profond
que
le sien à l’endroit des résultats « humains » de toute philosophie.)
704
Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
que
fait, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? — Il compte leur ap
705
te, et à notre tour, nous demanderons : que fait,
que
compte faire M. Nizan pour les hommes ? — Il compte leur apporter le
706
pte leur apporter le marxisme. Or, s’il est clair
que
le marxisme prétend travailler pour l’homme en général, il n’est pas
707
pour l’homme en général, il n’est pas moins clair
qu’
il tombe par là même sous le coup d’une critique semblable à celle que
708
ême sous le coup d’une critique semblable à celle
que
M. Nizan adresse à M. Brunschvicg. L’homme en général, même si on l’a
709
e avec Marx, l’homme concret (ce qui n’est encore
qu’
une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’en v
710
l’homme au singulier des philosophes, on sait ce
qu’
en vaut l’aune : ce n’est qu’une extension orgueilleuse et démesurée d
711
losophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est
qu’
une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse
712
le prolétaire pour Marx. Il s’en faut de beaucoup
que
la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considérations aussi
713
es considérations aussi abstraites et discutables
que
la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concret et réel que v
714
recouvre la réalité de tel homme concret et réel
que
vous ou moi pouvons connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre d
715
e du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude
qu’
il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et concret. Au contrai
716
n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes,
qu’
il aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sor
717
atisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus
qu’
un partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est da
718
le triomphe de M. Nizan est dans l’insolence plus
que
dans le sacrifice à une cause. Je n’insisterais pas, si ces traits ne
719
étiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent
qu’
ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosop
720
tres, ou même canonisés, une sécurité spirituelle
que
la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’ath
721
e militant, nous n’avons plus à prouver vainement
que
Dieu est ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avo
722
nement que Dieu est ; mais à prouver pratiquement
que
nous y croyons. Nous n’avons plus à argumenter à la manière des philo
723
’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante
que
n’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi,
724
paraît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé
que
ne le furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrabl
725
rait-ce peut-être à cause des innombrables moyens
qu’
il a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fai
726
l a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble
que
tout ce que fait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit l
727
pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce
que
fait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit lire un homme
728
ue fait l’humanité se retourne contre elle-même).
Que
doit lire un homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce
729
homme pressé, s’il demande aux livres autre chose
que
ce que peut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande
730
ressé, s’il demande aux livres autre chose que ce
que
peut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande une no
731
cet avis. Et je crois distinguer à divers signes
que
mes contemporains, sans se lasser du romanesque, découvrent que la li
732
porains, sans se lasser du romanesque, découvrent
que
la littérature peut apporter, sous d’autres formes, un agrément, un r
733
s catalogues de librairie allemande, par exemple,
que
la proportion des ouvrages purement romanesques va en diminuant, et c
734
dent) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître
que
l’état général du pays explique que ces ouvrages aient rencontré d’em
735
t reconnaître que l’état général du pays explique
que
ces ouvrages aient rencontré d’emblée le grand succès qu’ils méritaie
736
ouvrages aient rencontré d’emblée le grand succès
qu’
ils méritaient. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919, et l’at
737
tes leurs activités, à un degré bien plus profond
qu’
on ne l’imagine d’ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouv
738
directement mêlés au jeu des puissances modernes,
que
les Français ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est l
739
rent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là
que
gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste le grand pub
740
là que gît l’explication du goût pour l’idéologie
que
manifeste le grand public allemand. Il est bien naturel qu’une sociét
741
ste le grand public allemand. Il est bien naturel
qu’
une société qui jouit d’une relative sécurité cherche son divertisseme
742
st un genre bourgeois — et c’est peut-être par là
qu’
il plaît tant au peuple. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heur
743
de s’évader, de se distraire en oubliant un monde
qu’
on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui
744
la civilisation actuelle n’est pas quelque chose
qu’
on esquive comme l’ennui, par de petits moyens. L’homme menacé cherche
745
explications, des directives. Ne fût-ce, souvent,
que
pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir d’argument
746
pour se fournir d’arguments précis et « sérieux »
qu’
on exhibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette mu
747
ieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi excité
qu’
incompétent. De là cette multitude d’écrits, dont le propos général es
748
umanité tout entière. ⁂ En France, plus longtemps
qu’
ailleurs, le « grand public » considéra que la lecture d’un livre n’ét
749
gtemps qu’ailleurs, le « grand public » considéra
que
la lecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréa
750
lic » considéra que la lecture d’un livre n’était
qu’
un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même
751
ait cela de la « littérature difficile », non pas
qu’
une intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les dévelop
752
rement formelle dont la mode d’alors recommandait
qu’
on habillât la moindre historiette sentimentale. Mais tout cela, sembl
753
ment aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt
qu’
ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens que dans le mo
754
. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens
que
dans le monde bourgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il
755
t des grands sentiments bouleversants. C’était ce
qu’
il y avait de plus subversif dans les salons. « Se nourrir de romans »
756
tion tente les journalistes. Mais le cinéma n’est
qu’
un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre concept
757
nt n’a été recherché avec une telle avidité. « Ce
que
je préfère au cinéma, ce sont les actualités. » Phrase mille fois ent
758
triomphe chez tous les éditeurs. Et ces éditeurs,
que
publient-ils ? Des collections documentaires, des reportages à grande
759
semble-t-il, mettent sur notre table le monde tel
qu’
il est. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vi
760
e monde en vrac, un monde plus absurdement divers
que
nul esprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience de la Renaissa
761
issance, étendue à toute la planète. Et c’est ici
que
j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les bouleversemen
762
ici que j’en reviens à mon propos initial. Quels
que
soient les bouleversements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet
763
ères Explications de notre temps. Et depuis lors,
que
de volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de
764
E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels
que
Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier de reve
765
de publier des romans nouveaux, mais le fait est
que
le seul grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline, Vo
766
ttre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux
que
nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, mais non pas à l’inte
767
non pas à l’intellectualisme. Car, — et j’espère
que
le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acro
768
ues, de curiosités académiques ou de mandarinades
qu’
il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effar
769
s qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel
qu’
il est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme
770
le recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain
qu’
est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagno
771
illeurs exemples de l’influence réelle et directe
que
peut exercer un essayiste sur la marche des événements. Nous reviendr
772
i s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus
que
du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus juste, pour qu
773
ux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela
que
l’on pense lorsqu’on nous parle du « désarroi actuel ». Croit-on vrai
774
s parle du « désarroi actuel ». Croit-on vraiment
que
tout cela soit si nouveau ? Croit-on vraiment que, jusqu’à ces derniè
775
que tout cela soit si nouveau ? Croit-on vraiment
que
, jusqu’à ces dernières années, la civilisation de l’Occident ait perm
776
orts normaux entre les hommes ? Croit-on vraiment
que
le « désarroi » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « d
777
t « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi »
que
lorsque les valeurs boursières et la tranquillité publique sont menac
778
uillité publique sont menacées ? La vérité, c’est
que
la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, main
779
ire dont les périodes dites « prospères » ne sont
que
les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusions e
780
ssi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même
qu’
elle a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couv
781
grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances
qu’
aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des apparences pa
782
s choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand
que
jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines sont contradictoires ? Les éval
783
e époque. Je voudrais décrire cette époque, telle
qu’
elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples
784
traire un peu partout, je le sais bien. On répète
que
les événements nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impe
785
en. On répète que les événements nous dominent et
qu’
ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est e
786
est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement
que
nous connaissons trop bien, et dont nous connaissons aussi la signifi
787
qui, chaque fois que nous venons dire : voici ce
qu’
il faut faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus compl
788
n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes
qu’
il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres
789
ir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et
que
nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni
790
Cessons de nous réfugier derrière des complexités
que
nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont
791
e ! Si nous y regardons de près, nous allons voir
que
le simple assemblage de ces deux mots, destin et siècle, contient peu
792
avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin
que
personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant
793
chacun de nous possède une raison d’être, quelle
qu’
elle soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui,
794
vocation. Si l’on admet facilement de nos jours,
qu’
un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer
795
t de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est
que
l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de valeur indépendante à
796
s, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est
que
très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies, par
797
e ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut
que
nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités
798
leur évolution fatale, leur destinée. Autant dire
que
nous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouv
799
de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait
qu’
elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir
800
conscience de les servir. Vous me direz peut-être
que
, pour votre compte, la classe ou la race vous importent assez peu. Vo
801
és maîtresses de cette première moitié du siècle.
Qu’
il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment l
802
siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce
que
nous prouvent abondamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle et
803
istes, plus intelligents et plus logiques surtout
que
ceux des fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski
804
Quelles sont ces prémisses ? La principale, c’est
que
toute notre idéologie, toutes nos révoltes, toute notre attitude prat
805
selon Trotski, s’explique entièrement par le fait
qu’
il était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son i
806
. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même.
Que
répondra Hitler ? Il répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique
807
semblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra
que
tout ce que dit Trotski, s’explique simplement par le fait que Trotsk
808
me. Que répondra Hitler ? Il répondra que tout ce
que
dit Trotski, s’explique simplement par le fait que Trotski est un Jui
809
ue dit Trotski, s’explique simplement par le fait
que
Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconcil
810
dos. L’un et l’autre tendent à nous faire croire
que
l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe
811
s faire croire que l’homme n’est rien, mais moins
que
rien, et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois géné
812
e que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et
que
tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois générales et hist
813
ontre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître
qu’
en cette année 1934, l’homme se défend très mal. Et comment se défendr
814
ot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent
que
la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme de l’
815
de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison,
que
leur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’une démission ; q
816
s les apparences d’une évasion, d’une démission ;
qu’
ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin,
817
e démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et
qu’
ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi const
818
s risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin,
qu’
ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois
819
nfin, qu’ils sont animés par une foi constructive
que
bien des jeunes bourgeois railleurs devraient leur envier. C’est just
820
loi historique ? Sur ce qui a été fait. Toute loi
qu’
on découvre dans la société humaine repose sur le principe démissionna
821
chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est
qu’
il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fû
822
mple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce
que
pour faire mentir le proverbe. Les lois générales, économiques ou soc
823
stov disait un jour à quelques amis : « Il paraît
qu’
il existe deux théories tout à fait opposées concernant l’origine du g
824
ant l’origine du genre humain. Les uns prétendent
que
l’homme descend du singe, les autres croient qu’il a été créé par Die
825
que l’homme descend du singe, les autres croient
qu’
il a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils o
826
é par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois
qu’
ils ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les au
827
es. Ma théorie est la suivante : ceux qui pensent
que
l’homme descend du singe, descendent en effet du singe et constituent
828
es créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent
qu’
ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas
829
s de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai
que
les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la
830
r la classe ou la race, et c’est perdre son temps
que
de contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les
831
alité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire
qu’
ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de rec
832
r de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître
qu’
en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. O
833
onnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce
que
par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journ
834
moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer,
que
les journaux disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des espr
835
rais, avant de poursuivre, dissiper un malentendu
que
cette description a pu faire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je
836
ire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je sais
que
le bon ton, dans certains milieux bien-pensants, veut qu’on dénonce l
837
on ton, dans certains milieux bien-pensants, veut
qu’
on dénonce le règne de la masse. On s’indigne du nivellement universel
838
es jeunes miliciens en chemise brune. On nous dit
que
la vie, en Amérique, est impossible, parce que tous les appartements
839
, parce que tous les appartements sont pareils et
qu’
un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de
840
ate fixée par les grands fournisseurs. On prétend
que
l’individu se perd de plus en plus dans la masse anonyme. Je crois qu
841
d de plus en plus dans la masse anonyme. Je crois
que
c’est là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel que le conceva
842
s dans la masse anonyme. Je crois que c’est là ce
qu’
il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier si
843
là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel
que
le concevait le dernier siècle, l’homme isolé qui cultivait jalouseme
844
Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas
qu’
on le pleure. L’individu des libéraux, c’était, par excellence, un hom
845
du siècle ». La jeunesse découvrait avec angoisse
qu’
elle n’avait plus rien ni personne à servir. C’est l’état le plus dégr
846
ssaut. En vérité, ce serait une erreur insondable
que
de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’indiv
847
ce que l’individu des libéraux était sans destin,
qu’
il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocat
848
tres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation,
qu’
il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’aille
849
er en eux les principes d’une communauté nouvelle
que
l’individualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues,
850
gues, de groupements, de partis et d’associations
qu’
aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus de hai
851
, devient automatiquement de la haine. On me dira
que
la solidarité entre les peuples est désormais un fait acquis, une réa
852
lité économique. Nous devons au progrès mécanique
que
désormais le globe entier apparaisse solidaire d’une même civilisatio
853
e d’une même civilisation. Mais cette solidarité,
que
vaut-elle ? Le premier exemple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on v
854
ple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on vous dit
que
désormais « tout se tient » dans le monde, c’est l’exemple suivant :
855
in des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre
qu’
un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglomération d
856
Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela
qu’
il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je
857
te de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est
que
je veux maintenant dégager le choix, la décision que chacun d’entre n
858
je veux maintenant dégager le choix, la décision
que
chacun d’entre nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’
859
est, je crois, en définitive, la question simple
que
nous pose l’époque. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse. Il m
860
nous pose l’époque. Vous avez pressenti le parti
que
j’embrasse. Il me reste à le définir en termes positifs, cette fois.
861
lasse, la race, jouent dans le monde le même rôle
que
l’instinct dans l’homme. La culture du xixe siècle a voulu les ignor
862
se nomme déterminisme historique. Il faut croire
qu’
ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore d
863
orique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure, et
que
le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mais co
864
je vois bien ce qui les poussait, je vois bien ce
qu’
il y avait d’émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté huma
865
’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme
qu’
il fallait refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la soc
866
refaire. Nous avons oublié ce fait très simple :
que
la société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé
867
s monstres menaçants, vous n’avez rien à proposer
que
votre chétive personne ? Vous serez emportés comme les autres. Votre
868
ion est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs
qu’
est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques ann
869
sproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’est-ce
que
cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques années dans l
870
, et surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau.
Qu’
est-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’e
871
ut dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce
que
la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce que
872
rsonne ? Permettez-moi de renverser la question :
Qu’
est-ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous mo
873
ermettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce
que
ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’i
874
s mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer
qu’
ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnag
875
ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche,
qu’
on appelle l’individu. Il faut aller plus loin : les mythes collectifs
876
: les mythes collectifs n’expriment rien de plus
qu’
une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite d
877
bien ! la personne à son tour n’est rien d’autre
que
l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’
878
Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance
que
la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. E
879
nscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer
qu’
en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant, en lui, la dictat
880
e personnaliste, la pensée qui ne veut s’attacher
qu’
aux seules tâches immédiates. La personne, au contraire, de l’individu
881
e vit dans le risque et dans la décision, au lieu
que
l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. J
882
l reste une question grave, une question dernière
que
je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’on pose souvent aux gr
883
e que je ne veux pas esquiver. C’est une question
qu’
on pose souvent aux groupements révolutionnaires que je vous ai cités.
884
’on pose souvent aux groupements révolutionnaires
que
je vous ai cités. Je voudrais y répondre ici en mon nom personnel. Qu
885
érieure se fonde votre personnalisme ? Je ne vois
qu’
une réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Fa
886
réponse de l’Évangile. Faites toutes les sociétés
que
vous voudrez, bouleversez les institutions, organisez le monde par la
887
oint séparables. Et toutes deux ne sont possibles
que
dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’
888
trois mots définissent la personne, mais aussi ce
que
Jésus-Christ nous ordonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs
889
n. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité
que
toute sa religion n’avait pas pu lui faire comprendre : le prochain,
890
pas son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce
qu’
il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mai
891
Je prends ce mot dans son sens le plus fort, tel
que
le donne l’étymologie. Consoler, c’est littéralement : rendre complet
892
de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce
qu’
on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce
893
particulier, à cette espèce nouvelle de critiques
qu’
on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un secret pour pe
894
s littéraires ». Ce n’est un secret pour personne
qu’
ils contribuent pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’une
895
ou l’échec d’une œuvre. Il semblerait, dès lors,
que
leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au b
896
sent fort bien. Or, c’est exactement le contraire
qu’
on peut voir. Le critique qui dispose d’un feuilleton régulier dans un
897
auprès du grand public a des causes plus graves,
qu’
il faut attribuer autant aux philosophes qu’à ceux qui ne les lisent p
898
aves, qu’il faut attribuer autant aux philosophes
qu’
à ceux qui ne les lisent plus. Le public se figure que la philosophie
899
ceux qui ne les lisent plus. Le public se figure
que
la philosophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas
900
as sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore
qu’
il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage bourgeois av
901
osophari. Cynisme ou naïveté ? Car il est évident
que
cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou bien le primum
902
e être réalisé, et quel besoin alors d’un deinde.
Que
demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient de la
903
alors d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon
qu’
ils vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de
904
ion auquel on demandait à son retour en France ce
qu’
il avait fait en exil : « J’ai vécu, Monsieur, c’est bien assez ! ». O
905
e avec des considérations sur cet acte ; ou c’est
que
la philosophie n’est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante
906
sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’est
qu’
illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à v
907
et nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord
qu’
elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosop
908
s s’est tellement détachée du concret de nos vies
que
l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la tient. Un phi
909
x » pour l’Université c’est trop souvent un homme
que
l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des problèmes q
910
étourne des problèmes qui se posent en fait. Mais
que
faut-il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des
911
osophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer,
qu’
on est en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle s
912
roit de se demander si leur rencontre, à supposer
qu’
elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations
913
u citoyen moderne ont perdu toute commune mesure.
Que
se passerait-il si un beau jour le public se mettait à l’école des pe
914
tômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant,
que
la collusion se produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’est
915
de Spengler par exemple, dont on sait l’influence
qu’
il exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entr
916
a sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques
qu’
elle entraîne sont proprement incalculables. Qui donc voudra les encou
917
ues, ou quelques révoltés ? Certes, et c’est cela
que
nous voyons depuis la guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon
918
yons depuis la guerre. On pourrait aussi supposer
que
la leçon des catastrophes dictatoriales va réveiller quelques chrétie
919
où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
que
d’autres aient tout faussé, tout compromis ? Il est certain que la pe
920
ient tout faussé, tout compromis ? Il est certain
que
la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni plus nette voca
921
u, les modes de son obéissance sont plus visibles
qu’
ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce se
922
re digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce
que
les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entreprendre la
923
isme, à conduire la critique des hérésies morales
que
toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seu
924
es qui pèsent sur la civilisation ? Ou verra-t-on
que
le service que la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rend
925
ur la civilisation ? Ou verra-t-on que le service
que
la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rendu au monde que
926
ienne doit rendre n’est un service rendu au monde
que
si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui de
927
iel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu
que
j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des v
928
s’attaquent à cette « transmutation des valeurs »
que
tout le monde sent nécessaire, mais que la foi seule rend possible. ⁂
929
valeurs » que tout le monde sent nécessaire, mais
que
la foi seule rend possible. ⁂ Max Scheler se rattachait à l’école all
930
llustrée par Husserl et Martin Heidegger. On sait
que
la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des to
931
des unités d’expérience sensible, saisies telles
qu’
elles se présentent au sein d’un ensemble vécu. Le grand service rendu
932
La « totalité d’expérience et d’actions vécues »
que
Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phénomène que Nietzsche
933
er étudie dans ce petit livre, c’est le phénomène
que
Nietzsche a baptisé ressentiment. Pour Nietzsche, on s’en souvient46,
934
zsche, on s’en souvient46, l’amour chrétien n’est
que
« la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent aux
935
étien n’est que « la fine fleur du ressentiment »
que
les natures faibles vouent aux valeurs aristocratiques. La haine jalo
936
xpression détournée dans l’affirmation paradoxale
que
les premiers seront les derniers, ou que la vraie noblesse réside dan
937
radoxale que les premiers seront les derniers, ou
que
la vraie noblesse réside dans la misère. C’est ce renversement des va
938
ère. C’est ce renversement des valeurs « nobles »
qu’
il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit
939
ive bassesse, « humilité » ; la soumission à ceux
qu’
on hait, « obéissance » (c’est-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont il
940
t-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent
qu’
il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’in
941
onne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce
qu’
il y a d’inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont
942
me le pardon des offenses (« car ils ne savent ce
qu’
ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’«
943
s ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce
qu’
ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « su
944
« sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire
que
Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle pénétratio
945
onne raison à sa description du ressentiment — ce
que
je fais pour ma part sans réserve —, il reste à voir si les causes en
946
il reste à voir si les causes en sont bien celles
que
Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nietzsche s’adresse
947
, et nullement à l’Évangile. Le « christianisme »
qu’
attaquait Nietzsche, c’est, en réalité, la morale bourgeoise. Scheler
948
us salutaire leçon pour un chrétien d’aujourd’hui
que
ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse centrale : nous en
949
rist : et c’est au nom de cet amour de l’humanité
que
nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nietzsche. Nous ne
950
—, mais nous prônons tout simplement un sentiment
que
nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre s
951
entiment que nous jugeons d’autant plus « idéal »
qu’
il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’a
952
as de la cruauté ; un internationalisme qui n’est
qu’
une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus la c
953
bien plus la crainte de « se faire des ennemis »
que
la surnaturelle paix annoncée par le Christ à ceux qui luttent (dans
954
e suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité
que
présentent ces perversions de l’Évangile vient de ce que les chrétien
955
sentent ces perversions de l’Évangile vient de ce
que
les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès de la mo
956
tout le procès de la morale laïque, ou kantienne,
qu’
amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations
957
ntienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux donner
qu’
un exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois par
958
Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations
qu’
il propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangéliqu
959
riche, mais qui retient encore le pathos chrétien
que
renferme le mot. Ces quelques lignes décrivent assez bien le mouveme
960
concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir,
que
cette critique de l’esprit bourgeois englobe également le socialisme
961
e ontologique est la première œuvre philosophique
qu’
il ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’el
962
depuis sa conversion. On est heureux de constater
qu’
elle marque un élargissement en même temps qu’une simplification de sa
963
. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre
qu’
il fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux po
964
enants seront sans doute fort étonnés d’apprendre
qu’
il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser en philosophie
965
able pour utiliser en philosophie des motifs tels
que
le désespoir, l’espérance, la présence ou la fidélité. Certes, l’exem
966
our M. Marcel, on lui ferait plus volontiers dire
que
philosopher, c’est apprendre à ne pas se suicider. « On pourrait même
967
dre à ne pas se suicider. « On pourrait même dire
que
la possibilité permanente du suicide est en ce sens48 le point d’amor
968
ensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer
que
les thèmes d’une méditation qui se propose pour objet d’approcher le
969
er le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut
qu’
il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tou
970
l faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait
qu’
il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences
971
M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être,
que
tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsis
972
eu de recours. Ils ont fait de l’être un problème
qu’
ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n
973
e l’être un problème qu’ils placent devant eux et
qu’
ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu
974
264). Le problème devient alors tout autre chose
qu’
un problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure
975
i va toujours dans le sens de l’être, à condition
qu’
elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une p
976
condition qu’elle soit soutenue par une fidélité
que
l’auteur définit comme « une présence activement perpétuée ». Et tout
977
disponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait
qu’
elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime
978
que l’âme sait qu’elle n’est pas à elle-même, et
que
le seul usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa liberté
979
e-même, et que le seul usage entièrement légitime
qu’
elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’
980
de sa liberté consiste précisément à reconnaître
qu’
elle ne s’appartient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’e
981
ient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance
qu’
elle peut agir, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aper
982
partir de cette reconnaissance qu’elle peut agir,
qu’
elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu si schématique f
983
e souci des références à l’actuel. La description
qu’
il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses all
984
ses allusions au désordre social ; la corrélation
qu’
il indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie d
985
u désespoir, — autant de traits qui nous assurent
que
les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se posent ; non
986
re sont de ceux qui se posent ; non point de ceux
que
l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix concrets.
987
ant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir
qu’
il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre
988
elques-uns des fondements d’une éthique de l’être
qu’
il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants
989
ndements d’une éthique de l’être qu’il est urgent
que
les chrétiens opposent à la « morale des commerçants » — comme disait
990
nc (n° 1 et 2), le développement de cette thèse :
que
philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallim
991
ent de cette thèse : que philosopher ne peut être
qu’
une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Tra
992
ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi
que
Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation
993
avait sa légende d’« original ». On savait aussi
qu’
il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un im
994
mière œuvre eut un immense succès ; mais à mesure
qu’
il se fit mieux comprendre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 185
995
l se vit abandonné dans la plus complète solitude
qu’
ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutt
996
ent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
qu’
il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophique
997
udonymes symboliques. Il voulait signifier par là
que
ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chré
998
as encore la totalité de son message chrétien, et
qu’
il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et d
999
ilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut
qu’
à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Égl
1000
evant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie
qu’
il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte qui
1001
evski, à Pascal. Lui-même ne s’est jamais comparé
qu’
aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à Luther, mais pour se
1002
l, à Luther, mais pour se condamner. Il affirmait
qu’
il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoi
1003
ais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’était
qu’
un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité
1004
e » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est
qu’
il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il vo
1005
t du christianisme une idée si pure et si absolue
qu’
il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Ce
1006
dée si pure et si absolue qu’il voyait clairement
que
nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Cette position paradoxale
1007
faveur de l’absolu évangélique. Voici le jugement
qu’
un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses
1008
dernier grand protestant. On ne peut le comparer
qu’
aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les a
1009
l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie
que
chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à cô
1010
vski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé
qu’
à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre espr
1011
it aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise
que
l’on dit sans précédent, que fait l’individu pour se défendre ? Et qu
1012
sein de cette crise que l’on dit sans précédent,
que
fait l’individu pour se défendre ? Et quels titres à l’existence vien
1013
on moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité
que
l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pa
1014
e réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait
que
ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : le
1015
ire : les marxistes le nient avec plus de passion
que
les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une fo
1016
r, et certains pensent : une mauvaise conscience.
Que
disent les collectivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que
1017
vaise conscience. Que disent les collectivistes ?
Que
le grand nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’espr
1018
ctivistes ? Que le grand nombre est plus précieux
que
le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abor
1019
le grand nombre est plus précieux que le petit :
Que
la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autr
1020
le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible
que
si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps, les condition
1021
s corps, les conditions physiques de l’existence.
Que
la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion pub
1022
ité de tous, et la vertu dans l’opinion publique.
Que
l’histoire évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelqu
1023
Que l’histoire évolue selon des lois fatales, et
que
la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin,
1024
que la volonté de quelques-uns n’y changera rien.
Que
la révolte, enfin, d’un seul contre la foule serait la marque d’un af
1025
oignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et
que
disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases, à peu près, mais sans
1026
ns y croire, ou du moins sans prouver par le fait
qu’
ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légiti
1027
Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ? Et
que
va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’il relèv
1028
perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez
qu’
un homme paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient
1029
lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et
qu’
il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus
1030
t qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient
que
le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esp
1031
iste. Il soutient que le solitaire est plus grand
que
la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a
1032
le solitaire est plus grand que la foule anonyme,
que
la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’a
1033
le anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible
que
si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire
1034
ble que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
que
les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ;
1035
re ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ;
que
la foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, —
1036
on humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, —
que
les discours des réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justi
1037
cours des réalistes et l’enthousiasme populaire ;
que
la justice, enfin, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est
1038
place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez
qu’
un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce p
1039
de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe.
Que
va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esp
1040
e ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit
que
justement l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkeg
1041
talons trop longs. On montrera sans trop de peine
que
ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles imp
1042
us sage de supporter les maux de ce bas monde tel
qu’
il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’i
1043
e, par la voix de ses évêques, tentera de prouver
qu’
il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au templ
1044
me accablera son fol orgueil : n’a-t-il pas écrit
que
la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du chr
1045
vrai, les choses ont bien changé. On dirait même
qu’
elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos
1046
endre garde de laisser croire à nos contemporains
que
ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent.
1047
s que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est
qu’
ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parl
1048
e aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent.
Qu’
est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’es
1049
si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce
que
l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l
1050
prit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit.
Qu’
est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance
1051
Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce
que
l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance que le sav
1052
? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance
que
le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ;
1053
une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire
qu’
il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle,
1054
e quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible
que
si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée… de Kierkegaard ?
1055
stin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde
qu’
on nous prépare ? Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de
1056
’engage, « en vertu de l’absurde », sur le chemin
que
Dieu lui montre, seul. Cette primauté de la foi sur les vérités qui f
1057
e solitude première devant Dieu, est-ce bien cela
que
revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est dram
1058
est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
qu’
ils y croient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom des biens q
1059
qui flétrissent le matérialisme au nom des biens
qu’
ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop t
1060
vantage sacrifier. Ils affirment trop tardivement
que
« l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens q
1061
ement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et
qu’
il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’es
1062
pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens
que
nulle violence ne peut dérober, mais c’est une triste réponse à la ré
1063
st une triste réponse à la révolte de ces pauvres
qu’
on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champio
1064
se à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus
qu’
on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on f
1065
ostoïevski. On pourrait en citer quelques autres.
Qu’
ont-ils donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seu
1066
rkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terreur
que
commencent d’y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, d
1067
ît malade pour aller rechercher le médecin sévère
que
la santé moins déprimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’i
1068
déprimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi
qu’
il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et de
1069
e compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux
qu’
aucun autre le message du « solitaire devant Dieu ». L’ironie Lo
1070
a Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : «
Qu’
on lui coupe la tête ! » Alors, le chat s’élève dans les airs et peu à
1071
’amuse à renaître. On voit d’abord son rire, rien
que
son rire qui plane, immatériel. Ensuite, seulement, la tête se recomp
1072
me, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble
que
chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du siècle. On a dé
1073
ictime ou responsable53. De cet homme, justement,
que
l’Histoire fait trembler et qui se réfugie dans les soucis publics co
1074
tériser le chrétien moyen de ce temps ? C’est ici
que
l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chréti
1075
ffrent à cause du Christ. Il suppose, sans autre,
que
le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c’est la tragi-comédie du
1076
tianisme de la chrétienté. Pauvre chrétien moyen,
qu’
as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’est
1077
ai, mais n’est-ce point justement pour ces choses
que
ta doctrine te montre vaines ? Il faudrait cependant choisir. Ou bien
1078
tu te reposes aussi sur ta vertu. Ou bien tu vois
que
la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, ou bien
1079
toujours le « réveil de la masse » pour affirmer
que
tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pou
1080
core Kierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce
qu’
on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions
1081
monde. « Le Nouveau Testament suppose sans autre
que
le chrétien souffre pour sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simple
1082
ctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce
que
tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce
1083
oisie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte
qu’
il a choisi lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits et les mép
1084
toute extravagance. « On peut leur faire faire ce
qu’
on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur impor
1085
agance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut,
que
ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils
1086
ien ou le mal, une seule condition leur importe :
qu’
ils soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agisse
1087
e : qu’ils soient toujours comme tous les autres,
qu’
ils imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’e
1088
ls imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce
que
Dieu exige, c’est précisément le contraire : il veut l’originalité. «
1089
ité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle
qu’
on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’un autre. » Car l’
1090
s en elle d’une manière si touchante, et c’est ce
qu’
ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemble peut-être
1091
visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit
que
son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de
1092
e recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien
que
la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L’original
1093
Esprit au milieu de la foule. L’originalité
Qu’
entend-il par ce mot d’originalité ? Il faut en rapporter le sens au c
1094
». Bien des malentendus seraient ici possibles ;
que
l’on écarte, au premier pas, trois mots qui faussent tout : anarchie,
1095
t tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’est
que
de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homm
1096
de les mesurer à la réalité dernière de l’homme.
Qu’
est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du
1097
surer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce
que
l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur.
1098
de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature.
Qu’
est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaar
1099
. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce
que
son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard appelle,
1100
que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire
que
Kierkegaard appelle, c’est l’homme seul devant son Dieu. Mais comment
1101
se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il faut
que
Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme
1102
r l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle,
qu’
il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un ex
1103
et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien
qu’
un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
1104
d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais
que
de révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’o
1105
nc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est
que
le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde tel que Dieu l’a cr
1106
onde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde tel
que
Dieu l’a créé, s’oppose à la transformation que veut l’Esprit, s’oppo
1107
l que Dieu l’a créé, s’oppose à la transformation
que
veut l’Esprit, s’oppose à l’Ordre. « Ne vous conformez pas à ce siècl
1108
rit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont
que
poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le solitaire
1109
au collectif, à l’avenir, et tout cela n’est rien
que
fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que mythologie
1110
devant notre éternel présent, et tout cela n’est
que
mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête : hé
1111
e mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence
qu’
on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Ma
1112
qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire
qu’
ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chim
1113
ois, ce n’est pas échapper aux chimères publiques
que
de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la rai
1114
noncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme
que
la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressif, ou désesp
1115
re qui condamne « la masse » n’est un aristocrate
que
s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’
1116
un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est
qu’
il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le
1117
l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et
qu’
il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le di
1118
e sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même
que
par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprême humilité du
1119
humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer
qu’
à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se log
1120
aire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation
qu’
il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à
1121
core à se loger chez un être à ce point simplifié
qu’
il n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et péniten
1122
n être à ce point simplifié qu’il n’est plus rien
qu’
obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans la mesure où s
1123
Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’est point
qu’
il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des psycholog
1124
mne la foule, ce n’est point qu’il la craigne, ou
qu’
il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à l
1125
des psychologues, son reproche à la foule, c’est
qu’
elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irrespons
1126
uatre femmes, dans l’illusion d’être une foule et
que
personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait comm
1127
, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’est rien
que
la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car
1128
ancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais
qu’
il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus
1129
le. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux
qu’
il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas
1130
n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir
que
mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis.
1131
fus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir
que
je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qu
1132
u et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est
que
ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « lois »
1133
e paradoxe et le scandale du solitaire plus grand
que
tous. Il a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-di
1134
dale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu
que
tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’il a voulu bann
1135
s grand que tous. Il a voulu que tout s’explique,
que
tout s’implique, c’est-à-dire qu’il a voulu bannir la possibilité sca
1136
out s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire
qu’
il a voulu bannir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Pr
1137
r pour rendre un culte sanguinaire aux faux dieux
qu’
elle a suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être
1138
’elle a suscités. « Le philosophe dit à bon droit
que
la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposit
1139
en arrière, mais il oublie l’autre proposition :
qu’
elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court
1140
lle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas
que
le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite des ho
1141
le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est
que
la fuite des hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont
1142
e qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien
que
le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre réalité san
1143
…) Certains des plus lucides entrevoient le péril
que
ces doctrines font courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’i
1144
ont courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel
qu’
il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénon
1145
it religieux leur font concevoir une Âme du Monde
qu’
ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) comme une espèce d
1146
ble providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit
que
cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lo
1147
! Car si les morts gouvernent les vivants, c’est
que
nul vivant n’ose vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la
1148
érité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est
qu’
il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’enten
1149
agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi pur, tel
que
Fichte l’a follement rêvé ? Si c’est le cas, je reste bien tranquille
1150
tal. Maintenant, tu vas témoigner de la puissance
que
ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu
1151
xerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne
que
tu n’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La fo
1152
rtout, elle n’est plus cette absurdité révoltante
que
rien au monde ne pourrait permettre d’accepter, quand le martyr reçoi
1153
seul il peut être sujet de son action, mais c’est
qu’
il est, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit
1154
» à la Parole qui vit en lui. C’est dans ce sens
que
la formule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule act
1155
e le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait
qu’
il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réel
1156
Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs », et
que
l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter
1157
« Étant donné un monde plein de coquins, montrer
que
la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversa
1158
rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard
que
sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une co
1159
crois. Qui, d’abord, parmi nous, oserait affirmer
que
cette « catégorie » lui soit si familière qu’il puisse la considérer,
1160
mer que cette « catégorie » lui soit si familière
qu’
il puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? La tentation est f
1161
ans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce
qu’
est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécess
1162
d portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire
que
j’appelle avec joie et reconnaissance : mon lecteur. » Kierkegaard sa
1163
aissance : mon lecteur. » Kierkegaard savait bien
que
lorsqu’on parle à tous ou contre tous, chacun croit qu’il s’agit des
1164
rsqu’on parle à tous ou contre tous, chacun croit
qu’
il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on par
1165
omme au seul responsable parmi nous. Il sait bien
qu’
en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle es
1166
mps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce
qu’
elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrét
1167
l, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce
qu’
elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’e
1168
-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au sel
qu’
il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ê
1169
sel qu’il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul
que
l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne sera jamais réel pour to
1170
es concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas
qu’
il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de tout
1171
da, qui, en fait de protestants, ne connaît guère
que
Renouvier, son maître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de
1172
, sur l’aspect philosophique de cette opposition,
que
Jean Wahl a remarquablement exposé dans un article de la Revue philos
1173
la question à propos d’un cas aussi exceptionnel
que
le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous devenir martyrs ! » Certes, r
1174
oi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser
que
tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veui
1175
s doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou
qu’
aucun ne veuille l’être. » L’inévitable rappel aux nécessités quotidie
1176
ienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas
que
les questions dernières ne s’y posent jamais, mais simplement qu’on l
1177
s dernières ne s’y posent jamais, mais simplement
qu’
on les y noie. Les hommes préfèrent « mourir imperceptiblement », comm
1178
blement », comme disait Nietzsche, et c’est là ce
qu’
ils appellent leur petit train-train journalier. La fameuse « vie quot
1179
« vie quotidienne » n’est peut-être rien d’autre
qu’
un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une que
1180
de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire
qu’
on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance
1181
on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et
qu’
à ma connaissance, tout au moins, presque personne encore n’en a parlé
1182
provocateur leur offre un engagement au Paraguay,
qu’
ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jet
1183
ures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent
que
pour aller se faire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’u
1184
des troupes régulières, dont le chef n’est autre
que
le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un
1185
ne entrevoir le véritable sujet de l’œuvre, celui
que
désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par u
1186
gagner leur pain, mais c’est surtout de constater
que
l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’ut
1187
bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures
qu’
ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances.
1188
tourne de toutes leurs espérances. Ce n’est point
qu’
ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’est plus at
1189
ît absurde. Et rien n’est plus atroce à supporter
que
ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on
1190
là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin
qu’
on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-d
1191
ù nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer
que
par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquit
1192
e de leur patrie, l’idée profonde de leur nation,
que
Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifier à cette fidéli
1193
, et de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure
qu’
ils s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend form
1194
n eux, prend forme et puissance, et c’est en elle
qu’
ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus effroy
1195
à vivre dans un état de guerre encore plus cruel
qu’
auparavant, et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuis
1196
ous, Bell… rien ne rend aussi dur et aussi ardent
que
le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passionné, aussi modest
1197
é, aussi modeste, aussi patient et aussi endurant
que
le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La comm
1198
ent doit nous laisser d’autant moins indifférents
que
notre sort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malai
1199
oint là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle,
que
son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’
1200
in la force à n’envisager plus le sort de l’homme
que
sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, le problème c
1201
a nation ? Tel est, je crois, le problème central
qu’
impose ce livre, et l’on admettra bien, quelque opinion qu’on ait sur
1202
ce livre, et l’on admettra bien, quelque opinion
qu’
on ait sur le point de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il
1203
oint de vue strictement « allemand » de l’auteur,
qu’
il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais c
1204
qui soutient ce peuple fiévreux dans les épreuves
qu’
il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cel
1205
politique étrange de cette nation. Mais j’ai dit
que
cette œuvre pourrait s’intituler tout aussi bien « La condition humai
1206
r tout aussi bien « La condition humaine ». C’est
qu’
elle éveille, en dépit de ses intentions nationalistes — au plus haut
1207
u mot, je le répète, mais il se peut tout de même
que
certains lecteurs français en soient choqués — le sentiment d’une fra
1208
t choqués — le sentiment d’une fraternité humaine
que
le roman d’André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin
1209
uis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui
que
le roman d’Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajoutera
1210
une classe nettement supérieure. J’ajouterai même
que
c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses l
1211
me que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux
que
de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on pu
1212
el éloge du talent de M. Malraux que de constater
que
ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puisse comparer, ta
1213
r que ses livres sont les seuls ouvrages français
qu’
on puisse comparer, tant pour leur sujet que pour leur atmosphère et l
1214
nçais qu’on puisse comparer, tant pour leur sujet
que
pour leur atmosphère et leur tension65, à ce Destin allemand, qui, to
1215
ne partage pas plus les idées racistes d’Edschmid
que
les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent fi
1216
schmid que les idées marxistes de Malraux (encore
que
l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans leurs camps respecti
1217
fs). Mais sur le plan de l’art romanesque, autant
que
sur le plan généralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’
1218
ralement humain, je suis contraint de reconnaître
qu’
Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin allemand, un tim
1219
objets trop petits. 63. Il est curieux de noter
que
pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais qu
1220
entale. L’homme ne s’avouera-t-il jamais lui-même
que
dans les tortures ? y. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Kasimir
1221
it et fort bien introduit ce volume, nous affirme
qu’
ils constituent le texte véritable d’une œuvre dont les volumes parus
1222
es parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère
que
le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’une allégation qui
1223
seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce
qu’
il faut penser d’une allégation qui paraît à première vue aussi exorbi
1224
aît à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu
que
de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain,
1225
sthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est
qu’
un choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la to
1226
ens 66. Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel
que
celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thème
1227
qui est certain, c’est qu’un choix tel que celui
qu’
on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuv
1228
vre, sous une forme souvent beaucoup plus directe
que
celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits qu’il fit paraître. On ne s
1229
une forme souvent beaucoup plus directe que celle
qu’
adopta Nietzsche dans les écrits qu’il fit paraître. On ne saurait tro
1230
cte que celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits
qu’
il fit paraître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recue
1231
des théologiques, et de cette liberté spirituelle
que
confère la connaissance vivante de « la seule chose nécessaire ». Rie
1232
ien qui sait en qui il croit. Et pour les autres,
qu’
importe qu’ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées
1233
t en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe
qu’
ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées, purement
1234
assez grossière, de la richesse de cet ensemble,
que
de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées
1235
yonné rapidement, à la volée, et sans autre ordre
que
celui-là même des aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens h
1236
’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est
qu’
une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques
1237
de fond en comble non historique, parce qu’il nie
que
les millénaires à venir puissent produire quelque chose qui ne soit p
1238
tout à fait historique, elle témoigne par ce fait
que
l’humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue paï
1239
t que l’humanité n’est plus courbée sous le joug,
qu’
elle est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans
1240
éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant,
qu’
il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chréti
1241
ant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler
que
le salut, pour le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de not
1242
dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais
qu’
il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc !
1243
re histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et
qu’
il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindr
1244
aitant d’agent « non historique ». Il faut croire
que
cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstiti
1245
’il y participe pour son compte. Il est très vrai
que
nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut
1246
ntemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble,
que
le salut était déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le
1247
it déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau
que
le Messie naîtrait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils so
1248
en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent
que
l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent
1249
re, sera plus près de son « salut » dans cent ans
qu’
elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur
1250
dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais
que
dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chi
1251
savant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi
que
nous avions derrière nous deux milliards d’années, devant nous dix mi
1252
ut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
que
toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : ne plus pouvoir écha
1253
ce une adhésion assez méfiante. Il est trop clair
qu’
on peut inverser la maxime : « La contemplation intellectuelle du mond
1254
immortalité, comme ses premières dents ; ce n’est
qu’
ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujours u
1255
, comme ses premières dents ; ce n’est qu’ensuite
que
vous pousse la véritable dentition. La foi est toujours une seconde
1256
s pieux, le déjeuner quotidien est plus important
que
la Sainte-Cène. Kierkegaard n’eût pas mieux dit. « Pensées qui bless
1257
nsées qui blessent — pour édifier » — c’est ainsi
qu’
il nommait les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former
1258
— c’est ainsi qu’il nommait les remarques amères
qu’
il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et da
1259
lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
que
le menu de sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez de
1260
! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi
que
l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce une vérité. En quoi l’
1261
’il prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire
qu’
il ressemble fort au croyant, — toutefois, sans le savoir, c’est là le
1262
n réaliste du péché, crée la crise bien davantage
qu’
elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la fo
1263
ésulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise
que
la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise plus radical
1264
née du cerveau d’un homme très excité. En somme,
qu’
est-ce que cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? E
1265
veau d’un homme très excité. En somme, qu’est-ce
que
cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autr
1266
hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose
que
de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’é
1267
. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens »
que
terrorise l’idée même que le christianisme veut leur mort, pour leur
1268
er, à ces « chrétiens » que terrorise l’idée même
que
le christianisme veut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit d
1269
l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre
qu’
elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianism
1270
. Mais si Nietzsche croit autre chose, s’il croit
que
la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est que
1271
e la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort
que
« l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas q
1272
que chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas
que
les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient, ou s’imag
1273
s que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce
qu’
ils croient, ou s’imaginent croire. Le repentir ! Le remords ! Le chr
1274
il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle
que
soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur inj
1275
ent presque toujours plus perplexe sur son compte
qu’
inquiet sur le mien. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris d’é
1276
j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception
que
me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci : Nietzsche parl
1277
fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal
que
je hais. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens
1278
uante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire
que
les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise celle-là !
1279
ouve un autre exemple : Nietzsche croit découvrir
que
la notion chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion « de la fam
1280
un autre plan, dans le communisme russe ? On sait
que
ce régime s’est établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sai
1281
om de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi
qu’
il n’a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle cont
1282
ifié, voici pour les conservateurs : « Vous dites
que
vous croyez à la nécessité de la religion ? Soyez sincères ! Vous cro
1283
nécessité de la police ! » Dès que vous croyez
qu’
il y a, à côté de la causalité absolue, encore un Dieu ou une finalité
1284
insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
qu’
il y a, à côté de Dieu, encore un dieu : morale, devoir kantien, consc
1285
r, une certaine théologie libérale de reconnaître
que
le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — est seul Maître d
1286
le Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et
qu’
il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop in
1287
u » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est
que
le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fra
1288
moral” qui est réfuté. Il est bien significatif
que
les fragments de Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphor
1289
bitre) (avril 1937)aa Luther inconnu Dire
qu’
on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contrair
1290
it exagérer, mais dans le sens contraire de celui
qu’
on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconn
1291
ontraire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis
que
de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir
1292
magine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même
que
de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
1293
e platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela
que
s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à
1294
utres, moins exigeants, n’hésitent pas à soutenir
que
Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de l
1295
oute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois
que
la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce qu
1296
se suivante en donne une juste idée : « En somme,
qu’
est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette
1297
e en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce
que
Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaratio
1298
Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre, et aux cours
qu’
ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien dire — mais c
1299
de théologie protestante. Il n’en reste pas moins
que
l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’égard de Luther, joint
1300
çais en état d’infériorité assez grave, ne fût-ce
que
sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luthe
1301
ceux de la raison), et d’un christianisme absolu,
qu’
on déclare volontiers « inhumain », parce qu’il attribue tout à Dieu.
1302
bitre C’est sans doute dans cette perspective
que
le lecteur peu familiarisé avec la pensée luthérienne parviendra le p
1303
Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore
que
son volume matériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperç
1304
t pour le genre. Mais on s’aperçoit, sans tarder,
que
la discussion avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’est
1305
a Diatribe (souvent personnifiée) n’est, en fait,
que
le support apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’un tém
1306
îné par sa fougue habituelle, excité (bien plutôt
que
« désarmé », comme il le dit aux premières pages) par les procédés de
1307
) par les procédés de l’humaniste et du sceptique
que
se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à res
1308
mme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes
qu’
illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’il
1309
vrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est
qu’
ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais
1310
as un système, au sens philosophique du mot, mais
qu’
ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent êt
1311
s uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis
que
dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les page
1312
saisis que dans l’unique et perpétuelle question
que
nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une ré
1313
Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont
que
les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à
1314
ibre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plus
que
le « vieil homme », celui qu’il nous faut dépouiller. « Folie pour
1315
ts n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui
qu’
il nous faut dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en f
1316
les sages » Mais il s’en faut de presque tout
que
les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou si
1317
tiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout,
que
les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes
1318
uvres ; et tous les protestants qui jugent encore
que
Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus an
1319
ncore que Calvin et Luther ont fait leur temps, —
que
dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestin
1320
x qui traduisent : « Paix sur la terre aux hommes
que
Dieu agrée », par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là
1321
libre arbitre religieux, c’est-à-dire le pouvoir
qu’
aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres
1322
son salut par ses efforts et ses œuvres morales.
Que
trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui
1323
e style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons
que
trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l’une
1324
ce versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise,
qu’
on attendait d’ailleurs du chef d’un grand mouvement (comme dirait le
1325
astique, qui n’est pas proprement luthérien, mais
que
Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux p
1326
les termes. C’est à Érasme en tant que théologien
que
Luther s’applique à répondre, et c’est même la plus dure ironie — quo
1327
able, non plus en philosophe ou en métaphysicien,
que
Luther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire, et doit suffire e
1328
erne, l’objection parfaitement anachronique, mais
que
je sais inévitable, qui consiste à affirmer que Luther est « détermin
1329
s que je sais inévitable, qui consiste à affirmer
que
Luther est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose tr
1330
du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre
qu’
un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme
1331
r en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’arrive
que
selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais
1332
sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose.
Que
devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en feron
1333
nt les vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire
que
ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ;
1334
— J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais
qu’
est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-mêm
1335
soin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce
qu’
agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
1336
’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois
que
Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passé
1337
is encore nier ce Dieu qui prétend voir plus loin
que
le terme de mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complèt
1338
ines en fin de compte : car je sens, malgré tout,
que
je les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et
1339
t, que je les fais librement, et tu viens me dire
qu’
elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
1340
i. Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé
qu’
il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est li
1341
a chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer
que
l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit t
1342
le l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse
qu’
elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors d
1343
e l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes
que
si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est pl
1344
ieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et
que
ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’av
1345
ffort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus
qu’
à se laisser aller à la manière des musulmans. C’est peut-être mal rai
1346
suis, donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurerait
que
cet acte de révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerai
1347
chappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait
qu’
en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt ét
1348
té immobile, c’est l’image même de la mort. L. —
Que
savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l
1349
es philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer
que
morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’
1350
vent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit
qu’
elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui no
1351
te. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et
que
notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternit
1352
us dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est
qu’
une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
1353
vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve
que
l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit q
1354
lque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit
qu’
elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute créat
1355
mme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure
que
notre raison, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’es
1356
té seule actuelle ? C’est un mystère plus profond
que
notre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’es
1357
re plus profond que notre vie, et la raison n’est
qu’
un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant presse
1358
’un faible élément de notre vie. C’est un mystère
que
le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et
1359
qui nous prédestina ! Quand le croyant, qui sait
que
Dieu a tout prévu éternellement, adresse à Dieu, au nom de sa promess
1360
ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire
que
« l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu —
1361
ère : croire que « l’Éternel est vivant », croire
que
sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant
1362
yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce
qu’
a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éter
1363
ue rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce
qu’
il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de «
1364
ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce
qu’
il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas
1365
cœur. Quelle étrange illusion nous ferait croire
qu’
une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est
1366
est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce
que
nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme »
1367
. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer
que
seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On n
1368
une décision pure. Discuter ne peut nous conduire
qu’
au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si
1369
pu dégager l’alternative du libre arbitre, telle
qu’
elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité :
1370
a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a
que
la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes toujours
1371
étextes toujours très moraux, et même très pieux,
qu’
invoque notre révolte… Réalité radicale du problème Dans l’Églis
1372
cette Parole est Christ lui-même, — il me paraît
que
l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et l
1373
objections. Et la démonstration purement biblique
qu’
on en trouvera dans le Traité du serf arbitre, malgré quelques détails
1374
établir pour le chrétien la vérité d’un paradoxe
que
Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’ap
1375
(Phil. 2 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout
que
nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu
1376
ce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon
qu’
il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons
1377
s l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu
que
nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît q
1378
et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît
qu’
à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-mêm
1379
uther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique,
que
les sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser »
1380
êmisme » évangélique, que les sophistes n’étaient
que
trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer la C
1381
maniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant
qu’
on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son série
1382
jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir
que
l’homme possède au moins « un faible libre arbitre »71, dans les chos
1383
libre arbitre »71, dans les choses du salut. Mais
que
le Christ ait dû mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait v
1384
— cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir
que
nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et, à
1385
squ’au fond de la connaissance du péché pour voir
qu’
il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Tou
1386
u péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible
que
dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vis
1387
qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce
que
Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la
1388
ologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris
que
Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulemen
1389
tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement
qu’
elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise a
1390
ttérature et scolastique. Il n’en reste pas moins
qu’
aux yeux de la raison — cette folle comme le répète Luther —, ce que n
1391
raison — cette folle comme le répète Luther —, ce
que
nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Ma
1392
ui me paraît correspondre, terme à terme, à celui
que
Luther et Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a po
1393
Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est
qu’
il a poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusq
1394
limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières
que
peut envisager notre pensée. Pour échapper au nihilisme qui l’étreint
1395
qui l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou
qu’
il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour étern
1396
nté de reconnaître notre totale irresponsabilité,
qu’
il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu.
1397
ïncidence. En vérité, c’est bien du même problème
qu’
il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
1398
opre existence72. Mais la difficulté fondamentale
que
posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, dem
1399
souveraine, demeure entière. La différence, c’est
que
Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adoro
1400
el ! » — Dieu avec nous ! 68. À la proposition
qu’
on lui faisait, en 1537, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur
1401
œcuménique ne deviendra réel aux yeux des peuples
qu’
à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité
1402
autorité aux questions politiques de notre temps.
Qu’
il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse d
1403
ns politiques de notre temps. Qu’il le pressente,
qu’
il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c
1404
conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce
que
prouvent ses « encycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu
1405
cycliques » improvisées à la veille de la guerre.
Qu’
il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate,
1406
vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce
que
prouvent ces mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’un manq
1407
ns le plan politique, provient sans doute du fait
qu’
ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et
1408
nts. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut
qu’
elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’e
1409
faut qu’elle représente un risque autant et plus
qu’
une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jailliss
1410
un risque autant et plus qu’une prudence, il faut
qu’
elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi c
1411
à leur dessein. Dans un certain sens, nous dirons
qu’
ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition,
1412
ment œcuménique veut agir, et il le doit, il faut
qu’
il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres
1413
amentale de l’action. En d’autres termes, il faut
que
son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il es
1414
que son action politique parte de lui-même, de ce
qu’
il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunt
1415
politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce
qu’
il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là po
1416
nt impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien
que
cela, mais tout cela, avec confiance, mais aussi avec une inflexible
1417
œcuménique. Le présent essai n’a d’autre ambition
que
d’esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer
1418
éveloppement, et d’en indiquer les articulations.
Que
l’on excuse le schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’un p
1419
ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité
qu’
ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit politique et économi
1420
arpillement poussiéreux. Remarquons tout de suite
que
ces divers conflits ne sont en réalité que les aspects d’une seule et
1421
suite que ces divers conflits ne sont en réalité
que
les aspects d’une seule et même opposition fondamentale, réfractée à
1422
ctée à des niveaux différents. Remarquons ensuite
que
chacun de ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c
1423
dire à la fois excessif et incomplet. Il s’ensuit
que
dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconcili
1424
l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
que
des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni «
1425
de l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu
que
pourrait suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’une « théol
1426
l’Église universelle, implicitée par le fait même
qu’
il existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lor
1427
t pas de pire menace pour le mouvement œcuménique
que
l’utopie et la tentation d’une unité formelle, humainement vérifiable
1428
pie qui a produit les schismes et les oppositions
que
le mouvement œcuménique se propose de surmonter. C’est dans la mesure
1429
ont douté d’une union par essence incontrôlable,
qu’
elles ont perdu leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la
1430
ersité des membres d’un seul et même corps : quel
que
soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondeme
1431
es d’un seul et même corps : quel que soit le nom
qu’
on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques in
1432
bles. (Pour ma part, je n’en vois pas de meilleur
que
la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appels à l’union,
1433
s : c’est dans ses appels à l’union, précisément,
que
Paul établit avec le plus de force la légitimité des diversités. Ce q
1434
stions-là aux docteurs de l’Église. Mais voici ce
que
nous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme co
1435
intenant : la théologie de l’œcuménisme considère
que
la diversité des vocations divines n’est pas une imperfection de l’un
1436
uthentiques, et c’est par ce détour, précisément,
qu’
elle espère atteindre une communion d’esprit en profondeur. En d’autre
1437
idèles. Toutefois, cette méthode n’est compatible
qu’
avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser
1438
méthode n’est compatible qu’avec des orthodoxies
que
j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une orthodoxie qui céde
1439
int-Esprit. Aucune église ou secte n’a jamais nié
que
son chef réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était su
1440
met, il court le risque d’obéir aux hommes plutôt
qu’
à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’il fondera peut
1441
Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église
qu’
il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’être seuleme
1442
saire au salut. Mais je rappellerai les critiques
que
Karl Barth adressait à l’orthodoxie protestante du xviiie siècle : u
1443
disposer humainement des Écritures. Car aussitôt
que
le principe d’unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de
1444
e opposé au thème de l’unité systématique. Notons
qu’
il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base
1445
l aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi
que
les Églises qui ne représentent pas spirituellement une fonction dist
1446
lle d’un même organe, n’ont rien de mieux à faire
qu’
à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie de la personne
1447
ophie de la personne Les positions œcuméniques
que
nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au confl
1448
dictature, l’opposition n’est pas aussi profonde
qu’
on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession inévitable. L’individu
1449
ssion inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État
qu’
à la manière dont le vide s’oppose au plein : plus le vide est absolu,
1450
ssant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait
qu’
achever le processus de dissolution commencé par l’individualisme : il
1451
e au pas ». C’est avec la poussière des individus
que
l’État fait son ciment. Mais cet État centralisé, cette unité rigide
1452
e toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus
qu’
une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours.
1453
stion des temps la réponse éternelle de l’Église.
Qu’
est-ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nou
1454
temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce
que
l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nous nous pla
1455
ité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et
qu’
il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à l
1456
eci en vertu d’un seul et même fait : la vocation
qu’
il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’indiv
1457
idu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir
que
de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple f
1458
le simple rouage, la simple fonction dans l’État
qu’
était le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de
1459
onne avec son sens nouveau, et la réalité sociale
qu’
il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux
1460
ectivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation
qu’
il envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le reme
1461
les devoirs du particulier ont le même fondement
que
les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradicto
1462
s cette doctrine de l’homme, les mêmes structures
que
dans la doctrine de l’Église universelle esquissée plus haut ; la mêm
1463
st l’homme intégral, dont les deux autres ne sont
que
des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre
1464
dès qu’intervient la transcendance, il y a mieux
qu’
un équilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, l
1465
ssez dit pour qu’il soit désormais facile de voir
qu’
à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que l’organis
1466
itude œcuménique en religion ne peut correspondre
que
l’organisation fédéraliste en politique. Quant à la philosophie de la
1467
onalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
que
l’impérialisme n’est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individu
1468
. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’est
que
l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’
1469
rdres, etc.). C’est en effet dans le groupe local
que
la personne peut se réaliser. Car les tâches civiques y sont à l’éche
1470
on. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît
que
les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’org
1471
de ses membres et non cette caricature de l’ordre
qu’
est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les frontières ext
1472
pléter notre tableau en indiquant au moins ceci :
que
le fédéralisme implique dans l’ordre économique la vitalité des syndi
1473
aliste et organique ; au couple de frères ennemis
que
forment l’individu déraciné et la masse totalitaire, le couple de frè
1474
et la masse totalitaire, le couple de frères amis
que
forment la personne et la communauté fédérale. Vouloir le fédéralisme
1475
le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
qu’
il recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuméni
1476
nt nullement prêts à se soulever pour rétablir ce
qu’
on nommait chez eux la « démocratie ». Ils attendent un régime qui pui
1477
a le grand avantage de réaliser en même temps ce
qu’
il y a de valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a di
1478
e qu’il y a de valable dans l’appel communautaire
que
le totalitarisme a diaboliquement utilisé et dévié. 4. Mission féd
1479
dans le drame de l’année 194173. Nous constatons
que
le conflit en cours est insoluble dans son plan. Si le totalitarisme
1480
e fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs
que
les deux termes de cette alternative sont également improbables, et q
1481
cette alternative sont également improbables, et
que
les destructions en cours et à venir supprimeront pratiquement toutes
1482
t d’envisager pour l’Europe et le monde de demain
qu’
une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». C
1483
subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
qu’
un vide économique, idéologique et social sans précédent dans notre hi
1484
sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus
qu’
une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill es
1485
e propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit
qu’
il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de pr
1486
demander si les Églises peuvent répondre, il faut
qu’
elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes ne se conf
1487
es peuvent répondre, il faut qu’elles comprennent
qu’
elles le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans l
1488
es Églises sont fidèles à leur chef, elles savent
qu’
il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’i
1489
pour ceux qui croient la possibilité de faire ce
qu’
il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voient aujourd’h
1490
ffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire
que
l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont-elles moin
1491
raisons de croire que l’Église peut agir, raisons
que
nous allons énumérer, sont-elles moins destinées à combattre des dout
1492
sont-elles moins destinées à combattre des doutes
qu’
à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du
1493
. 1. L’histoire du monde christianisé nous montre
que
les structures ecclésiastiques ont souvent précédé et prédéterminé le
1494
eurs religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué
qu’
il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodo
1495
d’une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici
que
le thème — je dirai ceci : en Russie, en Allemagne, en Italie et en E
1496
te. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment
que
l’Église et l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le
1497
révolution copie toujours la structure du pouvoir
qu’
elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un M
1498
es devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc
que
la foi s’est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas tr
1499
(Là encore avec moins de secousses en Scandinavie
qu’
en Angleterre.) Troisième exemple : Calvin s’est toujours refusé à éta
1500
déterminée par le fait — d’ordre ecclésiastique —
qu’
il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de Franc
1501
— qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
que
les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent une organisati
1502
ultiplier de tels exemples. Je ne les indique ici
que
pour montrer : 1° que la connaissance intime des processus religieux
1503
ples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1°
que
la connaissance intime des processus religieux dans un pays donné fou
1504
politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2°
que
l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces pr
1505
s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° que l’action,
que
le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces processus religi
1506
de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne
qu’
elle implique, sont les seules bases actuellement concevables pour un
1507
dre nouveau du monde. (La « religion de l’homme »
que
certains nous proposent est une contradiction dans les termes, à moin
1508
nt est une contradiction dans les termes, à moins
qu’
elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance
1509
e de la religion totalitaire, sans transcendance,
que
précisément l’on se propose de combattre !) D’autre part, la théologi
1510
gées d’éléments traditionnels, condensant tout ce
que
nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en
1511
seule Internationale en formation. On sait assez
que
les Internationales idéologiques et politiques se sont désintégrées a
1512
listes russes, ni même américains, pour ne donner
qu’
un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est strictement limi
1513
totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce
que
nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique est donc
1514
ités égarées dans les deux camps. (N’oublions pas
que
l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une path
1515
mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tableau
que
nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il do
1516
rces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce
que
Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réal
1517
ait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait
qu’
il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’
1518
jours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est
qu’
une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faib
1519
ne réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt
que
je n’étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma pruden
1520
arti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faible
que
parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’action risquée m
1521
tielles. Le sentiment obscur des peuples n’attend
que
des réponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté.
1522
e verrons l’œcuménisme se réaliser avec puissance
que
dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’il doit affronter mainten
1523
ance que dans l’épreuve missionnaire universelle,
qu’
il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot
1524
ions, le modèle de l’État-nation napoléonien — et
que
ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune différenc
1525
bonheur, ou simplement l’aisance à vivre, plutôt
que
le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en «
1526
e s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai
que
l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablent le tier
1527
if aussi de nos industries, il est non moins vrai
que
l’Europe seule peut produire les anticorps des toxines qu’elle a répa
1528
ope seule peut produire les anticorps des toxines
qu’
elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentan
1529
tenté, et tirera de sa libération les conclusions
que
nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, j
1530
ec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut
que
le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur et sans scr
1531
e. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter
qu’
un Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sa
1532
erdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est
qu’
en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement,
1533
e font rien de visible dans ce sens, tout occupés
qu’
ils sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le s
1534
qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve
qu’
elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question q
1535
si. Mais je ne vais pas me dérober à une question
que
je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vr
1536
n. À vrai dire, il y a toutes raisons de redouter
que
personne ne s’en charge en tant que représentant d’une nation, d’un p
1537
Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison
que
je viens de dire, et les politiciens moins encore, pour la raison que
1538
, et les politiciens moins encore, pour la raison
que
les régions n’existent pas, ou seulement à l’état de nécessités vital
1539
à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas.
Qu’
ont fait tous nos gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et qu’o
1540
s gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et
qu’
ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » avant t
1541
« nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux
qu’
européens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant, d’occuper ses b
1542
Même jeu donc pour la droite et la gauche, selon
qu’
elles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent : sa structure leur d
1543
éléspectateurs, on n’y voit pas mieux les régions
qu’
on n’y a su voir venir les guerres mondiales, la théorie de la relativ
1544
presque semble indiquer à l’observateur objectif
que
rien ne se fera, ni ne convaincra, ni ne s’imposera au xxe siècle, e
1545
riat, ni les masses ni même les élites à la mode…
Qu’
avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience de viv
1546
est faux, impossible et réel ; le refus de croire
que
l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le caractériser
1547
de croire que l’état des forces cataloguées, tel
que
vous venez de le caractériser très justement, ne puisse changer à bre
1548
dévouement rituel d’une aristocratie qui sait ce
qu’
elle se doit. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire n
1549
ule raison pour laquelle il pourrait durer, c’est
qu’
il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui a
1550
r laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe.
Que
cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le co
1551
ncent le contraire, particulièrement à celle-ci :
qu’
est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les parti
1552
ontraire, particulièrement à celle-ci : qu’est-ce
que
le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les partis, tout pe
1553
au service des marchands d’armes, n’est pas telle
qu’
ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportuni
1554
ent débordés et vidés tant par en bas (quartiers)
que
par en haut (continents). Je vois des sociologues et des économistes
1555
nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable
que
si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, do
1556
Doxiadis, qui écrit : « L’expérience nous apprend
que
seules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées
1557
stes nous conduisaient. Mais depuis dix-mille ans
qu’
il y a des hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la gue
1558
hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux
que
la guerre pour résoudre leurs différends, on ne voit pas ce qui pourr
1559
e voit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou
qu’
ils deviennent raisonnables dans les dix ou quinze ans prochains — et
1560
n soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant
que
je verrai que je puis faire quelque chose, quel qu’en soit d’ailleurs
1561
esserai de me sentir optimiste tant que je verrai
que
je puis faire quelque chose, quel qu’en soit d’ailleurs le succès ! A
1562
e je verrai que je puis faire quelque chose, quel
qu’
en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de ce
1563
ccès ! Attitude qui n’est pas différente de celle
que
j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique du pessimis
1564
ou éviterait au moins le pire, mais je sais bien
que
vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il
1565
ffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce
que
le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la réalité elle-même qui
1566
t le monde aujourd’hui sait ou pourrait savoir ce
que
je découvrais et croyais révéler : les ressources limitées, les besoi
1567
es centrales nucléaires qui vont arranger cela et
qu’
on dit au surplus tellement propres… Mais comme tout le monde déjà oub
1568
e tout le monde déjà oublie sa peur et la sagesse
qu’
il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organis
1569
e l’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce
qu’
il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va t
1570
ans pour le propager au monde entier. Mais depuis
qu’
il sévit, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’où non seule
1571
Mais pour celui qui sait, tout est possible tant
qu’
un vent souffle, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’H
1572
n, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci
que
pour mieux disposer quelques esprits à désirer, vouloir, préparer d’a
1573
ndique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle,
que
dis-tu de la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’actio
1574
e la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit
que
l’action politique par excellence allait consister désormais à prendr
1575
quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc
que
ça dure ? » Question morbide, mais lucide, et qu’on ne peut simplemen
1576
que ça dure ? » Question morbide, mais lucide, et
qu’
on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de l’e
1577
ide, et qu’on ne peut simplement écarter. Je veux
que
l’homme dure à cause de l’espérance. À quoi s’ajoute un raisonnable e
1578
— la Nature et nos habitants — in extremis. Mais
que
serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la
1579
passe par un homme meilleur. Car il arrivera… ce
que
nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À pa
1580
tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir
que
le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représen
1581
ce des choses espérées, ferme assurance de celles
qu’
on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut
1582
l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut voir
que
du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pens
1583
», prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à ce
que
ces désirs créent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie, le
1584
une société commence quand l’homme se demande : «
Que
va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? »
1585
ue va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «
Que
puis-je faire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’un
1586
? » À ces deux questions, curieusement, il n’est
qu’
une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce
1587
ssible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce
que
nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelqu
1588
tiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Dira-t-on
que
l’on peut partager telles idées sur les méfaits des centrales nucléai
1589
c des régions, sans adopter l’attitude religieuse
que
suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’a r
1590
e suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou
que
la religion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de producti
1591
llution ou de production d’énergie ? Je répondrai
que
les régions, la pollution, l’énergie nucléaire ont valeur symbolique
1592
valeur symbolique en tant que nœuds de problèmes
qu’
on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décisions métaphysi
1593
ant pas la masse critique) ce n’est rien de moins
que
se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer
1594
rner vers des finalités de liberté, rien de moins
que
renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement se convert
1595
les prophètes condamnent la volonté de puissance,
qu’
ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les évangiles, la p
1596
s, la puissance est la plus grande des tentations
que
le diable dresse au désert devant Jésus. Toute la Bible exalte en rev
1597
ulement de la désintégration d’un peu de matière,
que
reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La casuistique ? Mais à
1598
s il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes :
que
choisissons-nous réellement ? Au niveau des États-nations tout est jo
1599
de stupidité, qui amène des éthologistes à penser
que
se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui, une tendance suicidaire
1600
oi cette génération ne recevra pas d’autre oracle
que
celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et
1601
tre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui
qu’
elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la prome
1602
e Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle,
que
dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle
1603
— Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle,
que
dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la