1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 Le péril Ford (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoi
2 poque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisat
3 du temps y concourent obscurément ; et, pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à
4 rément ; et, pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à jouer l’autruche aux yeux cl
5 de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’ une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. I
6 onnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental es
7 d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’ il y avait peut-être dans ces buts une absurdité fondamentale. L’infai
8 peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence d
9 ochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’ une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il s
10 illeur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immens
11 es livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’
12 a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’ on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour fac
13 ciliter l’accusation : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il l
14 ffre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’ il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il pas
15 jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’ il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces
16 urrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’ il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résulta
17 fres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’ il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activ
18 ède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’ un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais ét
19 ant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’ il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait a
20 s salaires, des conditions de travail et de repos qu’ il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive
21 du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’ on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les so
22 le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes européens ne sauraient l’attein
23 té, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’ on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un pe
24 d et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’ y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels européens
25 pourra qu’y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours plus. Ford leur mon
26 spirent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’i
27 obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelq
28 éussi. Mais à quoi ? C’est la plus grave question qu’ on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philo
29 d, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée ju
30 production, avec cette netteté et cette décision qu’ une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici e
31 simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. L
32 e donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses
33 hrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que , si l’on abaisse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des cli
34 les prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du
35 ents, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les caus
36 ent de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’ une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client
37 ’étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie p
38 use accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est
39 ue le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le bes
40 ndise est momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble
41 ntanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’ on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’in
42 paru. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’ à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, e
43 riel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la producti
44 ’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou
45 paru, la production devant se maintenir, il n’y a qu’ une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le c
46 ison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’ il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il v
47 ressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 franc
48 que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’ il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, s
49 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que , sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il es
50 préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépe
51 t à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’ il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus prof
52 itulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’ il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oi
53 l est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’ il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation
54 et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’ en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps appr
55 l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au
56 rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société
57 te notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se mo
58 d se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au pl
59 ue : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changer
60 r, le salut par l’auto. Philosophie réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en p
61 que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrem
62 sel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne »
63 ent résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que  nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le
64  nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre
65 iscuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’ il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idée
66 même la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’ elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, opt
67 n du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les
68 plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insist
69 us les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées 
70 c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’homme qu’ on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent
71 erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’id
72 refuse à l’idée d’une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la
73 leurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’ on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « 
74 cile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’ au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous
75 pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratu
76 que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur dans le dévelo
77 ppement matériel, avec l’arrière-pensée sournoise que , si cela ratait, on gardait toutes les autres chances. J’accorderai q
78 n gardait toutes les autres chances. J’accorderai que le progrès matériel n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance q
79 l n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’ il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véri
80 l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu de morale nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On
81 nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieus
82 e mécanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’ il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme
83 vement si régulier qu’il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométr
84 fres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’ il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du s
85 ait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’ il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus sub
86 plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec s
87 en ressent une vague et intermittente détresse, —  qu’ il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquê
88 a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’ il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découv
89 cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’ il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielle
90 9 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de
91 ttribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque
92 re de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus
93 e. Or, la technique a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’es
94 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent
95 t ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
96 âce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très s
97 de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’ on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oi
98 u et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’ une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la
99 nir à la période préindustrielle soit autre chose qu’ une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus tem
100 avec netteté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé
101 de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
102 , également démesurées, l’homme ne peut subsister qu’ en tant que son génie parvient à composer les deux périls en une résul
103 n passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain, doute s’il est encore maître de la redresse
104 ute s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’ il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme es
105 demande la tête de la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi, dont les p
106 plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Ch
107 e. Cherchant des lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’est en réalit
108 ériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans ses servitudes5. Aussi la critique du matérialisme entreprise pa
109 vie : s’agit-il d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse7. Seul un parti pris constant en
110 stique. L’expérience mystique a la même extension que l’humanité. On n’en saurait dire autant de notre raison. Les faits my
111 ire autant de notre raison. Les faits mystiques — qu’ on les prenne en l’état brut où notre pensée le plus souvent les a lai
112 les a laissés — sont au moins aussi « objectifs » que les faits physiques élaborés par la science. Mais, participant de not
113 ntérieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’ il existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de
114 r en cette méthode — peut-être séculairement — ce que la « rationalisation » aura laissé de Raison à l’Occident, avec certa
115 nimé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’ il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’ét
116 rmaniques, où son prestige ne le cède aujourd’hui qu’ à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais est notable. On solde. A
117 voici l’Américain à rendement maximum. Et comptez que l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu’est l’Homme
118 poussera plus avant la dégradation de cette idole qu’ est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un syncrétisme. Rome
119 s toujours : il le nomme péché.) Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’ils peuvent être attei
120 s que l’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’ ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme,
121 r — indéfiniment. L’homme ne se comprend lui-même qu’ en tant qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’un ordre tr
122 it un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’ il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop a
123 véritablement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme,
124 out humanisme véritable conduit « au seuil » : et qu’ irions-nous lui demander de plus, s’il laisse en blanc la place de Die
125 à la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’ est l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablement, car la sincér
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
126 vrier 1931)d M. André Malraux écrit des livres qu’ on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’expéri
127 t des livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’ il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en a
128 qu’il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’ on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son prem
129 ine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malraux venait justement d’exposer dans un petit ouvrage aigu et d
130 es, et dont le tragique est décuplé par la valeur qu’ il prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller f
131 f étonnant, mais contribue à créer des obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perke
132 onnent une espèce d’autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne
133 extérieurs obéissait son action. C’est peut-être qu’ il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent p
134 a révolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’ une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette
135 té qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’ une « fraternité désespérée » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, co
136 ose une figure originale certes, mais à tel point que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et
137 teur : leur tempérament est plus fortement marqué que leurs particularités extérieures, et c’est sans doute le tempérament
138 tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs peintres ressemblent à ces peintres sous
139 res sous les traits du modèle. Cet air de famille qu’ ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui permet de les id
140 s d’une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tent
141 ale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal
142 quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce que plus cohérent, plus représentatif et plus accomp
143 moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît ab
144 eul ; areligieux, relié à rien. Plutôt aventurier que conquérant ; plutôt érotique qu’amoureux ; voué à un orgueil sans iss
145 lutôt aventurier que conquérant ; plutôt érotique qu’ amoureux ; voué à un orgueil sans issue, puisque pour lui n’existe auc
146 À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne que Malraux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mieux que notre curios
147 raux inaugure10 avec La Voie royale, mérite mieux que notre curiosité humaine, ou que notre admiration littéraire11. Le co
148 ale, mérite mieux que notre curiosité humaine, ou que notre admiration littéraire11. Le courage presque agressif qu’elle a
149 ration littéraire11. Le courage presque agressif qu’ elle apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul o
150 ivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’ un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où l
151 és de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset.
152 rt. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du dése
153 omme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violations des lois
154 acisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] An
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
155 t nullement de la critique littéraire ; il arrive qu’ elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces
156 problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’ aujourd’hui le moindre chien écrasé pose toute la question sociale. Ai
157 e » relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’ elles ne « sont ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’ava
158 art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’ elle n’invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louan
159 voix au forum discute autant qu’elle n’invente ou qu’ elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’i
160 se. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle
161 re, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’ elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence d
162 Ces quelques remarques nous placent sous l’angle qu’ il faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspecti
163 le type du livre qui vaut surtout par l’attitude qu’ il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien
164 J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans qu
165 e mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre…
166 Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Eur
167 pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’ une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où
168 ève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose q
169 i nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le pire est toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que l
170 i croient que le pire est toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le
171 ujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le haut fait, la mesquinerie p
172 plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le haut fait, la mesquinerie plus vraie que la grandeur. C’est sans d
173 vrai que le haut fait, la mesquinerie plus vraie que la grandeur. C’est sans doute qu’on les a par trop dupés ; ils ne mar
174 erie plus vraie que la grandeur. C’est sans doute qu’ on les a par trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en est à l’id
175 une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle combat avec raison ? D’ailleurs, si je voi
176 ité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’ elle combat avec raison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de
177 it la solution », je ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer : si grande e
178 r y contribuer : si grande est en effet l’horreur que M. Nizan éprouve à contempler « ce résidu impitoyable, descriptible e
179 On reconnaît ici la thèse marxiste, dont le moins qu’ on puisse dire est qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un
180 èse marxiste, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : el
181 onditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolut
182 ine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’être possible
183 mblable !) mais un normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre les funest
184 ttre les funestes effets de la civilisation athée qu’ apportaient les Européens. Autre trait plus édifiant encore : l’auteur
185 ui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’hommes dans les ég
186 il y aura toujours plus d’hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui viendront y trouver leur libert
187 es cris d’une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ ils caractérisent une attitude de plus en plus fréquente chez les jeun
188 valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de c
189 nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’ ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que l
190 giner de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute revien
191 de notre époque » — pour reprendre la définition qu’ en donnait ici même M. Pierre Maury. C’est à peu près dans le même sen
192 Pierre Maury. C’est à peu près dans le même sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se sécular
193 raît comme périmée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’ un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de no
194 pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’ il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout
195 de », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément à ce sécularisme que
196 ngé tout cela. C’est précisément à ce sécularisme que répond M. Gabriel Marcel dans une belle conférence prononcée au Foyer
197 prononcée au Foyer des étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février15.
198 le déclarer. On m’arrêtera en me faisant observer que cet orgueil n’a pas un caractère personnel, puisque l’Esprit dont M.
199 t l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savon
200 personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Plat
201 e tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’est après tout qu’une transpositio
202 la démocratie dont cet idéalisme n’est après tout qu’ une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’i
203 e à quelqu’un. Mettons-le en présence du scandale que constitue à ses yeux cette anomalie : un astronome chrétien. Comment
204 ou aller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet
205 ibie plus exactement, est un homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain ; en tant qu’il croit à l’In
206 emporain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et qu’ il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enf
207 t d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxiste, par exemple
208 marxiste, par exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économ
209 ractions les plus exsangues. Je pense quant à moi qu’ un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philo
210 re. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’articl
211 hlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe carac
212 de la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’ en cette commune antipathie, M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une
213 sent avec une netteté d’autant plus significative qu’ ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homm
214 i, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des problèmes de ce temps, souscrirait aux cr
215 problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce qu
216 ’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors
217 rgence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pour
218 n, si radical soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’i
219 aine. Le séculariste « constructiviste » répondra qu’ il croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes pro
220 s de la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’ une telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme i
221 u’une telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que l
222 me il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vous n’avez pa
223 ens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’ il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien,
224 l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’ est ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aura dix juste
225 el humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu’ aura passionné l’enquête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
226 protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’ il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’on cherchait à nous fair
227 onc qu’il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’ on cherchait à nous faire croire qu’une origine protestante était un v
228 puis le temps qu’on cherchait à nous faire croire qu’ une origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière
229 térilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette de protes
230 n « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce
231 tants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doivent à leur origin
232 r ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits
233 ments d’un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’ un plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’une réponse valabl
234 ée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’avant-garde des toi
235 istinguer les caractères confessionnels. Espérons qu’ un prochain salon, organisé s’il le faut dans de plus vastes locaux, p
236 , pourra donner accès à un ensemble aussi complet que possible d’artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se dem
237 rotestantisme. Et l’on pourra se demander alors : qu’ y a-t-il de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines
238 e renouvellement de la peinture à sujet religieux qu’ annonce cette grande composition : trois longues croix dans une lumièr
239 ar contre, le définir idéalement ? Il nous semble que cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut
240 abord une définition nette de notre foi : il faut qu’ on sache sans équivoque ce qu’est le protestantisme avant de pouvoir t
241 notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’ est le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un
242 le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’u
243 onception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un tel art seront conditionnés p
244 Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intéresse, l’artiste a besoin plus que qui
245 de la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui se
246 our lui-même et aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquement catholique
247 il y a tous les sujets chrétiens ! C’est bien là que nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une d
248 ue nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’ un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste
249 La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’ un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’artistes
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
250 éveloppement exagéré de la technique dans le fait qu’ aujourd’hui les masses veulent conquérir des biens spirituels et matér
251 resque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilisations spiritualistes comme le
252 omme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du prochain a tourné pratiquement à la mé
253 Mais ces anomalies très graves ne sont peut-être que transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’adaptati
254 primauté : car c’est à cette condition seulement que la vie humaine gardera sa signification. En somme, on pourrait résume
255 ourrait résumer la pensée de Keyserling en disant qu’ il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tous les degrés — idéal anti
256 e réalité. Mais tout ceci, à quoi nous ne pouvons qu’ applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction » à l’ère s
257 e pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’ une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessaire m
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
258 té aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux dates limitent : 1851-1914. Ainsi met-il en jeu les deux élément
259 nt qu’ils n’aient lu eux-mêmes le livre. J’espère que les critiques ne le diront pas non plus ; mais je sais que c’est beau
260 ritiques ne le diront pas non plus ; mais je sais que c’est beaucoup leur demander. » Eh bien ! non, c’est au contraire déc
261 dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’ elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société ang
262 le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglaise. Tout le drame est intérieur ; la pas
263 qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’ admet la société anglaise. Tout le drame est intérieur ; la passion ne
264 drame est intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordina
265 sité des scènes gagne à cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haut
266 ne ce que perd le pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’u
267 es. M. Charles Du Bos, dans la très belle préface qu’ il a donnée à la traduction française note avec raison que M. Baring s
268 donnée à la traduction française note avec raison que M. Baring se montre « quelque peu inexorable dans la libéralité avec
269 e serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étroit, voire même conven
270 ais internationale. Cela permet à l’auteur autant qu’ aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles
271 ffiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » d
272 pures que celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c
273 atteint le moment de sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant d’essence
274 omme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’ une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, m
275 comporte à proprement parler de morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle est l’expression conc
276 oncrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance avec les Affinités électives
277 séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’ il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’une justic
278 ses héros, il note les jugements contradictoires qu’ elles provoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette long
279 it, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’ elle contient d’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une i
280 Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé qu’ elle atteint en certains passages à une intensité presque bouleversant
281  moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages
282 la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’ il consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanch
283 us un peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est pas uniquement « romanesque »
284 in de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, a
285 ses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici qu’ au sens le plus conventionnel. Car à une tante anglaise qui lui exprim
286 Car à une tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond :
287 la princesse répond : « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savo
288 ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que cette femme, qui a subi sans les mettre jamais en question les exigen
289 ociété insulaire, possède un sens critique assuré qu’ elle applique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On serait tent
290 aisemblance psychologique si l’on ne s’apercevait que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure d’esprit au cours de se
291 s et conventionnelles à souhait (ni plus ni moins que la majorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on deman
292 jorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusant
293 soulagement. La question était réglée : du moment qu’ on allait à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile d’en deman
294 mes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche malheureuse, isolée, cherchant une sécurité intérieure, ne tr
295 ns sentimentales la réponse aux premiers troubles que la grâce jette dans son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’el
296 dans son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’ elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une h
297 e œuvre où l’on parle le plus directement de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à ju
298 en tentation, induits en discussion. Je sais bien que tout changement de confession ramène les mêmes arguments qui retienne
299 able de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’ il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse. Il eût pu
300 araît être à tel point la seule solution possible qu’ elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicism
301 la foi chrétienne en général (du fait précisément que les mobiles humains sont ici entièrement suffisants et rendent superf
302 ring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres pages de cette belle
303 t d’une communion que rompent les discussions, et qu’ en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indication t
304 sonne, peut-être, n’a répété avec autant de force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fondement prat
305 ines. Mais la vérité, elle, est indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’ag
306 lons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’ il s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, c
307 de prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît
308 j’ai parfois la sensation que ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’
309 agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se souvint que Lady Mount-Stratton lui avait dit presque la même chose dans le Poder
310 ans le Podere à Florence. — Je sens, il est vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous la
311 du désespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme
312 es Du Bos « cette tristesse par-delà la tristesse que Baring excelle à suggérer, qu’au deuxième mouvement, au mouvement len
313 -delà la tristesse que Baring excelle à suggérer, qu’ au deuxième mouvement, au mouvement lent, du Quintette, Schumann a enc
314 16. La Princesse Blanche, Stock, éditeur. 17. Qu’ on lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme, d’Émile
315 fisance du vocabulaire religieux. 19. Soulignons qu’ un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougem
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
316 s la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvre
317 Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Mar
318 e christianisme officiel ne peuvent être comparés qu’ aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il e
319 de du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui sévirent, dans le premier, dès ses orig
320 ès ses origines, ne se donnèrent cours par contre qu’ à la fin du second. Le Moment et les Attaques contre le christianisme
321 dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’ aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les a
322 ngoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’à côté
323 ïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’ à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre espri
324 sprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’ une œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les e
325 rkegaard lui-même avait exprimé le souhait formel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres.
326 é un document peut-être d’autant plus intéressant qu’ il émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler c
327 sée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’ une telle œuvre commence son action en France au moment où l’intérêt p
328 beaucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions 
329 fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneu
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
330 Comment ne point partager, en le lisant, ce goût qu’ avait le vieux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins d’analys
331 ’imagination. On goûtera les citations nombreuses que l’auteur a su introduire et commenter avec la discrétion et souvent l
332 vent l’ironie légère qui conviennent. Plus encore que par leur valeur proprement littéraire et descriptive, elles nous para
333 , elles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’ elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles
334 mprévue et significative. On regrettera seulement que l’auteur ait dû se borner à confronter les réactions anglaises et fra
335 ou philosophique génératrice d’œuvres marquantes. Qu’ aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateau
336 Alpes constituent « le plus violent réquisitoire qu’ on ait jamais écrit contre elles ». Pour Rousseau, la montagne, c’est
337 r la montagne dans leurs œuvres, elle n’est guère qu’ un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fai
338 gressions sur l’ordre social. Mlle Engel constate que « les plus grands poètes français du xixe siècle ont échoué dans leu
339 frayante, leur a semblé incompréhensible ». C’est que le mystère des choses les attire moins que le jeu des passions et des
340 C’est que le mystère des choses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montag
341 des de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’ il appela, d’un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il
342 n mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’ il a pénétré dans ces solitudes que les autres contemplaient d’en bas 
343 hoses ». C’est qu’il a pénétré dans ces solitudes que les autres contemplaient d’en bas ; non pas en curieux : en mystique.
344 t notre auteur. L’homme seul en face des sommets, qu’ écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite,
345 spects, aux mille bruits. » Ce n’est plus l’homme que ces poètes viennent interroger sur les hauteurs, mais une sombre et s
346 Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables « élévations ». Mais tout
347 pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’ un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui de
348 qui sait respirer l’atmosphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être
349 œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on
350 alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’ inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-c
351 géologique sans rapport avec la nôtre. Les atomes que nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… el
352 s. » Nous empruntons ces lignes au très bel essai que Robert de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs 23, et qui, posé en
353 e de leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’ elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque q
354 i veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’ elles inspirent. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le
355 sée. Ne pourrait-il pas informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la
356 itablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certains se tournent vers ces derniers symboles physiques de la solit
357 uiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe, et
358 t, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’est guère qu’ au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renonc
359 œurs, et dans le secret de certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déceler l’équivalent. Peut-être
360 mer dans le décor des « hauts lieux » autre chose qu’ une intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
361 ar Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’ il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un li
362 grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du mo
363 ’est un terrible péché du christianisme européen, que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceu
364 abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y avait au mo
365 le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’ il y avait au monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence et l’a
366 andeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’ il les raconte dans ces deux volumes, témoignent que l’amour chrétien
367 ’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent que l’amour chrétien peut encore aujourd’hui pénétrer un monde revendiqué
368 x si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’ il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Jap
369 ivres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du prolé
370 conditions d’existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare,
371 nce du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces
372 siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’ un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le pe
373 prise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité partielle chez ceux q
374 cohérente, à le juger religieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes
375 s d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’ il poursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en
376 anité non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’ un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans fail
377 e et religieuse suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeun
378 dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leader social, cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’u
379 ouche dans la vie publique et politique. Espérons qu’ une biographie complète suivra cette « genèse » à vrai dire passionnan
380 lité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que
381 ité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que dans ces deux gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’all
382 descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue que plusieurs chapitres
383 que l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraient de lasser, par une m
384 tions touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’ on avance, l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’une tell
385 telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’ elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’es
386 un bruit épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir
387 r la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka, écrits sur des
388 rds de la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jo
389 c’était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’ il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaney
390 ficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’ on reçoit de sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étu
391 té de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage 
392 vie active et mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la vie quotidienne d
393 grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait aup
394 gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et a
395 scènes terribles avec son père, riche commerçant que l’on accuse de malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et q
396 té, pourtant fort émouvante par moments. C’est là qu’ il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’il aimait dans son adoles
397 t là qu’il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’ il aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais
398 heur personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’ il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, d
399 Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris
400 fût particulièrement importante. Il avait appris qu’ il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la so
401 le monde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que , de ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses.
402 t où il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’ il prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enfiévrait,
403 épreuves d’un peuple misérable, des pires brutes qu’ il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, d
404 pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’ il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivr
405 ’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’ il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont j
406 re de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus vécu sur ces milieux. Finalement, la
407 de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’ on a pu lire de plus vécu sur ces milieux. Finalement, la police accus
408 le visage de celui-ci les expressions changeantes qu’ y imprimait la passion. Il lui semblait qu’il faisait une étude pratiq
409 eantes qu’y imprimait la passion. Il lui semblait qu’ il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’éco
410 ublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, pui
411 oser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci
412 semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci acquit au Procureur toute la sym
413 ie d’Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de
414 sible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’ est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemmen
415 e pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemment ? Le Pro
416 monde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’ il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois
417 tent avec amour. ⁂ Avant de tirer les conclusions qu’ impose cette œuvre avec l’autorité d’une action, arrêtons-nous quelque
418 ues instants devant la beauté singulière de l’âme qu’ elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve
419 ment modeste et intelligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consc
420 ne mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’ il n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagérer sa crit
421 ’est toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’ il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. Parmi les inno
422 ombrables sentiments : doutes, passions, conflits qu’ il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa par
423 a complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement,
424 s résultat ». C’est dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa co
425 s, les filles, les bateaux à vapeur, même le vide qu’ il avait cherché, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du sol
426 graduellement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merv
427 rist. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’ il fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que,
428 eter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que , le 14 février, il se décida à faire profession de disciple du Christ
429 le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’ immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion. En mystiq
430 iate ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’ il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un diman
431 lusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière Nunobiki, a
432 est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’ un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certain
433 tude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant que l’on considère la « question » sociale et que l’on en « discute », c’
434 ant que l’on considère la « question » sociale et que l’on en « discute », c’est irritant, vain et irréductible. Car la que
435 la question sociale n’admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel,
436 gence immédiate et par conséquent plus troublante que celle qu’impose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’un in
437 diate et par conséquent plus troublante que celle qu’ impose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’un incroyant, c
438 ’est-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’ un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère hum
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
439 la « saine rudesse » m’a toujours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’un mora
440 oujours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’ il faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop subtil les vanit
441 é chrétienne à cette dernière catégorie. (On sait qu’ il y a dans le monde moderne trois sortes de gens, les pécheurs, les s
442 de provoque ses lecteurs à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent
443 st en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’ il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la pl
444 it dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que , dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on vot
445 lupart des autres, il est si admirablement habile qu’ on vote l’acquittement à main levée, sans examen des preuves. Non seul
446 triompheraient, il met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le der
447 modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’ il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs
448 u de mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’ il y a : l’on éprouve une gêne grandissante au spectacle de l’autojust
449 nte au spectacle de l’autojustification obsédante que les derniers écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un tal
450 olent avec un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voul
451 à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’ on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à
452 de ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’ il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà
453 l’air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’ il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainement déplo
454 de ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’ il faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons inco
455 ne sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fait tourner soudain,
456 udain, les fait cailler en coquetteries. Et voici que l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette re
457 retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’ une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais
458 pour la rendre vraiment vivante, celui-là ne fait qu’ usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’y l
459 ’usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’ il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie p
460 est en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous
461 e et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle s’érige en dia
462 s plus souvent chez d’autres « moralistes » c’est que ceux-ci sont moins intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu
463 eux-ci sont moins intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace de conclusions en toute l
464 s intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’ ils reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitabl
465 tables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique une fois
466 ercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’ un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mai
467 n esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’ on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfa
468 sse ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’ est-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire,
469 ’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on comprend que , non satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité
470 e dit : son « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certai
471 eur ». « Je puis dire que ce n’est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’es
472 au conflit de certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur,
473 le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi
474  ? Étendons la signification de ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamais Gide n’est plus loin
475 i), jamais Gide n’est plus loin du protestantisme que dans cette attitude sereinement contradictoire, où il voit l’essence
476 e, lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre qu’ il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout
477 e de faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spect
478 ndre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’ il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses an
479 e rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’ il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui,
480 qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, se
481 rale qui, pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’ un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sancti
482 ans doute, la psychologie moderne a-t-elle montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. Mais la ques
483 le montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’ il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division i
484 oit être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non point pa
485 illeusement intelligent. On n’y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une
486 e pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde de demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramati
487 Certaines phrases pourraient le laisser supposer qu’ il écrivit en préface au livre récent d’un jeune aviateur, Antoine de
488 certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je crois que ce qui me plaît surtout dans ce récit frémissant, c’est sa noblesse.
489 ons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtient l
490 bile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’ obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin q
491 de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’on nous montre… Je lui sais gré particul
492 tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’ on nous montre… Je lui sais gré particulièrement d’éclairer cette véri
493 moi d’une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptat
494 cceptation d’un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’
495 lus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez m
496 e la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’ il n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les
497 ez mes ailes. » Qu’il n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les vices ayant épuisé leurs saveurs.
498 vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoigna
499 tées devant Dieu, avec l’incommensurable tragique que cela comporte. Un nom me hante, pendant que j’écris ces mots : Kierke
500 e d’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’ il adopte : « mais celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
501 ité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’ un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André
502 . Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’ il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la citation suivan
503 ique pour maintenir à Gide une place instructive, qu’ il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestan
504 On m’a fait observer très justement, à l’époque, que j’oubliais Loti. Loti est un notable écrivain protestant qui répond à
505 nité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’ il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande at
506 nal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer devient aux trois
507 s un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’
508 daptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la li
509 me — que Loti est un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la littérature intime sont un produit autochtone d
510 ique de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’ il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un
511 e déjà la conscience éteinte ne la dirige plus et qu’ elle flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant uniquement
512 oujours de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se
513 el ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’ une suite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentai
514 , la profondeur des sentiments et leur tristesse, que Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves. Il semble, en effet, que
515 au sujet de Mon Frère Yves. Il semble, en effet, que les âmes du xixe siècle soient plus profondes et plus voilées, plus
516 nt plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’ elles ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui l
517 es ? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, depuis qu’ elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefoi
518 , si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’ elle était peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du
519 nt pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’ une sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était plu
520 apparente était plus calme parce qu’elle n’était qu’ une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespér
521 e qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’ on cachait la meilleure ; les désespérances dont notre époque est prod
522 retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’ elle portait sur les choses invisibles. La vie, désormais sans au-delà
523 erture s’est faite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais elle
524 ècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les
525 e romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’ il appelle « positivistes » restent à peu près les seuls valables, à n
526 ’une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’ il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup con
527 st un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Paul Bourget,
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
528 nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « succès » littéra
529 térêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient allés à troi
530 être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de
531 ligence plus avide, au fond, de formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau
532 eul tenant du classicisme romanesque ; mais voici qu’ on proclame au contraire l’avènement d’une littérature nouvelle28, don
533 ritique fort écouté29, à son propos, fit observer que les romanciers protestants montrent de préférence la famille dans sa
534 ardons-nous de voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinie
535 tiques d’une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyo
536 hrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-nous, qu’ on put écrire de Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la gra
537 croyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’ un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute la misère — des pr
538 on d’un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bien que certains « protestants » nous y pousseraie
539 eux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bien que certains « protestants » nous y pousseraient, à force de reniements e
540 ur accusation perpétuelle ? Car la vraie question qu’ elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons enc
541 é, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et prophètes, nous condamnent
542 t significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’ il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi b
543 décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à s’exprimer. Le cou
544 jacente, mais trop timide à s’exprimer. Le couple que Jacques Chardonne étudie dans Claire poursuit un bonheur purement égo
545 n bonheur purement égoïste, et par là si précaire qu’ il côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’indi
546 té. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’ une véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’une pudeur —
547 éritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’ une pudeur — lui fait éviter toute allusion chrétienne, au point qu’en
548 i fait éviter toute allusion chrétienne, au point qu’ en tels endroits où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût i
549 qu’en tels endroits où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exem
550 tament de la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus ni moins que dans un drame antique. M. Saura
551 au « sort » que l’on s’en remet, ni plus ni moins que dans un drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que
552 ntique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que dans ce conflit moral, Dieu est « tranquillement oublié ». Il y a vis
553 rais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’évidentes préoccupations morales, com
554 préoccupations morales, composent précisément ce que beaucoup se plaisent à nommer « un caractère protestant »32. Et c’est
555 t c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme a
556 vec cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ ils jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme m
557 ont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système politique, un
558 cément à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’ il est. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans
559 aire, par leur succès et dans leur épanouissement qu’ ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ils se trouvent, aux yeu
560 ent qu’ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’ ils se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Était-c
561 ons trop souvent et bien trop volontiers souffert que l’on nous attribue un moralisme tout semblable à celui des athées, — 
562 isme tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’ il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme radicalement contraire
563 la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’ aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait
564 tant » devint synonyme de « moraliste ». Était-ce qu’ il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui les empê
565 , mais dont nous souffrons d’autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandonner tout ce qui, dans no
566 ique, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez c
567 ce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en droit, l’héritage
568 emporains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’ une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’êt
569 estent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporain
570 le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent, ne pouvait s’exprimer que dans
571 porains se le représentent, ne pouvait s’exprimer que dans la forme du roman moraliste (forme qui par ailleurs flattait un
572 tendance nietzschéenne. Tout ceci ne participant que très indirectement d’une atmosphère proprement chrétienne. Or voici q
573 d’une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirment cette vue théorique : Loti, Schlumberger, Gide,
574 r ici et de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent banale, pour lui ôter sa force, je le crains.
575 ces profondes : Milton. Mais le moralisme détendu que la théologie libérale prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle
576 e, l’abandon et la divine légèreté, c’est-à-dire, qu’ elle récusait la grâce autant que le péché. La censure moraliste est a
577 é, c’est-à-dire, qu’elle récusait la grâce autant que le péché. La censure moraliste est avant tout peureuse. Elle « craint
578 fie la révérence, mais comme on craint le risque, que Jésus n’a jamais craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de
579 ire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis de la na
580 sa condition menacée, réduit aux seules défenses qu’ invente son calcul. Voici l’homme livré à lui-même, c’est-à-dire à son
581 éatrice chez les protestants, qui lui furent plus que d’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’es
582 de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ ils manifestent en même temps avec une ironie plus cruelle souvent que
583 n même temps avec une ironie plus cruelle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée de Benjamin Constant, impuissance et
584 elles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqua le moralisme perverti. Il eût conduit le protestantisme à la
585 ce35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’elle peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la pol
586 l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’ elle peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police des m
587 s de l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’ au jour où nous aurons compris que la santé est dans l’humilité de la
588 e prendront fin qu’au jour où nous aurons compris que la santé est dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance épe
589 ouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin qu’ en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but
590 cipe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que l’on attaque ici le moralisme survivant, c’est au nom d’une grande es
591 e survivant, c’est au nom d’une grande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit
592 réatrices. Or les temps vont nous y contraindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté,
593 raindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou sereine, il faudrait pour e
594 , héroïque ou sereine, il faudrait pour en douter que l’on ait oublié les plus grands noms : Milton, Bach, Rembrandt, les s
595 nglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce que pourraient être des œuvres modernes inspirées, comme le furent les pl
596 chrétienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’ il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragi
597 olence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’ elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophé
598 t-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’ elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « 
599 . 32. Il est entendu, même chez les protestants, qu’ un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la fo
600 s, qu’un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’ en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement à re
601 eprésentatifs d’une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on m
602 sphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est p
603 pinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’ on me comprenne : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils o
604 oralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout ceci appellerait
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
605 portance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina co
606 re ou historique. Elle pose cependant un problème que la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter.
607 i nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’ il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessi
608 notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé ch
609 ffirmé chrétien, mais d’une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un siècle, le revendiquent comme
610 n. Les fragments des Conversations avec Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pas été choisis pour dissiper trop
611 ’acuité. Mais, dira-t-on d’emblée, le simple fait qu’ une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goe
612 fisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’ est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance 
613 l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’ un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La quest
614 é de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La question serait tran
615 ébuts piétistes du jeune Goethe et la part active qu’ il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du c
616 rits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’ eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me v
617 jet, parfois, quand je suis calme, très calme, et que je sens tout le bien que les sources éternelles ont déversé dans mon
618 mon cœur. » Et deux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec l
619 : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-a
620 neur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur e
621 ité qui incombe aux « chrétiens » eux-mêmes, tels qu’ ils apparurent à ce jeune homme plein d’une exigeante ferveur mystique
622 is tourné passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y
623 nt si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, q
624 y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’ave
625 prit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’ avec leur première sensation religieuse, et croient qu’on ne peut alle
626 ec leur première sensation religieuse, et croient qu’ on ne peut aller plus loin parce qu’ils ignorent tout du reste. » C’es
627 t tout du reste. » C’est ce « reste » précisément que Goethe dès lors recherchera dans une solitude aggravée par l’agacemen
628 rchera dans une solitude aggravée par l’agacement que lui causent les effusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’
629 naissance mystique, il ne tardera pas à découvrir qu’ on n’y atteint qu’en outrepassant les limites normales de l’esprit hum
630 , il ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint qu’ en outrepassant les limites normales de l’esprit humain. La transcenda
631 . Bornons-nous à « réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’i
632 trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de cher
633 ue nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’ il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible
634 lutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle. Cette attitude s’accuse de p
635 u’il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle. Cette attitude s’accuse de plus en
636 Cette attitude s’accuse de plus en plus à mesure que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années de la vieillesse, dont
637 écheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’ humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu
638 s, ou encore : comme si Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcend
639 ce de malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sai
640 fort justement Curtius « le Goethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remon
641 i. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’ il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du
642 y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble
643 unauté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’ il s’inclinait devant le Christ comme devant la « révélation divine du
644 évélation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’ il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir
645 est précisément dans la facilité d’interprétation qu’ offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et optimiste si contra
646 e et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît la faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fa
647 faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le sens tragique du péché. Car c’
648 ue du péché. Car c’est bien dans le sens du péché que gît l’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de notre condi
649 gique essentiel de notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui interdit à la pensée la plus probe
650 e monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’ un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde auto
651 , comme antichrétien, mais d’une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des boutades anticatholiqu
652 raphes ? Mais comment juger les actions d’un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge
653 ation personnelle, n’est-ce point tout simplement que les idées, les théories et les systèmes prônés par lui ne coïncident
654 partial, et qui révèle notre insuffisance autant que la sienne ? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde de 1932,
655 onde sans Dieu. Or, ce sont justement les valeurs que le « christianisme » de Goethe paraît avoir négligées ou niées : le s
656 et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’ une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’act
657 n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel e
658 à la fois accusés et exhortés par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou
659 s par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pa
660 e soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’ il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
661 ration littéraire et philosophique, c’est en vain que l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’a
662 e cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Cho
663 auses qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est sur la
664 a notion — et la pratique — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par a
665 fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonismes qui la divisent — bien plus extr
666 antagonismes qui la divisent — bien plus extrêmes que ceux qui divisèrent les précédentes — elle éprouve son unité, elle co
667 son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme
668 , d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’il se montre préoccupé des conséquen
669 nne dans son essence, et par suite, dans l’action qu’ elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux q
670 n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique. Ils voient bien le vice de la « pensée désintéressée »
671 t bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’ il faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas
672 ement devient possible ; ils ne voient pas encore qu’ il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : chr
673 e qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’ un choix profond : christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire qu
674 christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire que seuls les chrétiens, en tant que chrétiens, non pas en tant que bourg
675 oser une rénovation intérieure, celle précisément que postule le christianisme. Mais c’est en vain que le lecteur cherchera
676 que postule le christianisme. Mais c’est en vain que le lecteur cherchera la réalité constructive et absolue sur quoi se f
677 ensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses origines politiques, et peut-être auss
678 tes. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur
679 il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vaines les passions
680 mes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’ il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry
681 util qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partag
682 omme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d’idées ju
683 l’attaque. Nous avons moins besoin d’idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » q
684 nt justes ; moins besoin de notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups
685 aul Nizan, lui, critique moins à coups de marteau qu’ à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec
686 moins à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’ il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, la doctrine offi
687 lement, brutalement, une de ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’elles sont
688 le : Il n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie p
689 ées ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’ elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et
690 hommes concrets ? À quoi sert cette philosophie ? Que fait-elle pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Selon M. Niza
691 tte philosophie ? Que fait-elle pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante est c
692 andaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’ énonce la philosophie et ce qui arrive aux hommes en dépit de sa prome
693 s le coup de leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’une pensée que l’on peut
694 ur exagère quand il dénonce le péril d’une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement conceptuelle et d
695 t dépourvue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosoph
696 n concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’il accorde à leur ac
697 que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’ il accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et
698 hes, qu’il accorde à leur activité une importance qu’ elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. C
699 philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intéresser à
700 e situation concrète, M. Nizan a tellement raison que son entreprise est suffisamment justifiée. Pour le reste, c’est la po
701 litique, et dans un sens plus vaste, la religion, que cela regarde. M. Nizan demande inlassablement ce que les philosophes
702 cela regarde. M. Nizan demande inlassablement ce que les philosophes bourgeois font et comptent faire pour les hommes. Trè
703 ssi. (Nous avons même un scepticisme plus profond que le sien à l’endroit des résultats « humains » de toute philosophie.)
704 Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? — Il compte leur ap
705 te, et à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? — Il compte leur apporter le
706 pte leur apporter le marxisme. Or, s’il est clair que le marxisme prétend travailler pour l’homme en général, il n’est pas
707 pour l’homme en général, il n’est pas moins clair qu’ il tombe par là même sous le coup d’une critique semblable à celle que
708 ême sous le coup d’une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg. L’homme en général, même si on l’a
709 e avec Marx, l’homme concret (ce qui n’est encore qu’ une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’en v
710 l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’ en vaut l’aune : ce n’est qu’une extension orgueilleuse et démesurée d
711 losophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est qu’ une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse
712 le prolétaire pour Marx. Il s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considérations aussi
713 es considérations aussi abstraites et discutables que la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concret et réel que v
714 recouvre la réalité de tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre d
715 e du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’ il aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et concret. Au contrai
716 n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’ il aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sor
717 atisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’ un partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est da
718 le triomphe de M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause. Je n’insisterais pas, si ces traits ne
719 étiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosop
720 tres, ou même canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’ath
721 e militant, nous n’avons plus à prouver vainement que Dieu est ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avo
722 nement que Dieu est ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avons plus à argumenter à la manière des philo
723 ’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi,
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
724 paraît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrabl
725 rait-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’ il a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fai
726 l a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit l
727 pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit lire un homme
728 ue fait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit lire un homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce
729 homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que peut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande
730 ressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que peut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande une no
731 cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporains, sans se lasser du romanesque, découvrent que la li
732 porains, sans se lasser du romanesque, découvrent que la littérature peut apporter, sous d’autres formes, un agrément, un r
733 s catalogues de librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages purement romanesques va en diminuant, et c
734 dent) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays explique que ces ouvrages aient rencontré d’em
735 t reconnaître que l’état général du pays explique que ces ouvrages aient rencontré d’emblée le grand succès qu’ils méritaie
736 ouvrages aient rencontré d’emblée le grand succès qu’ ils méritaient. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919, et l’at
737 tes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’ on ne l’imagine d’ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouv
738 directement mêlés au jeu des puissances modernes, que les Français ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est l
739 rent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là que gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste le grand pub
740 là que gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste le grand public allemand. Il est bien naturel qu’une sociét
741 ste le grand public allemand. Il est bien naturel qu’ une société qui jouit d’une relative sécurité cherche son divertisseme
742 st un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’ il plaît tant au peuple. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heur
743 de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’ on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui
744 la civilisation actuelle n’est pas quelque chose qu’ on esquive comme l’ennui, par de petits moyens. L’homme menacé cherche
745 explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir d’argument
746 pour se fournir d’arguments précis et « sérieux » qu’ on exhibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette mu
747 ieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi excité qu’ incompétent. De là cette multitude d’écrits, dont le propos général es
748 umanité tout entière. ⁂ En France, plus longtemps qu’ ailleurs, le « grand public » considéra que la lecture d’un livre n’ét
749 gtemps qu’ailleurs, le « grand public » considéra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréa
750 lic » considéra que la lecture d’un livre n’était qu’ un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même
751 ait cela de la « littérature difficile », non pas qu’ une intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les dévelop
752 rement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’ on habillât la moindre historiette sentimentale. Mais tout cela, sembl
753 ment aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt qu’ ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens que dans le mo
754 . ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il
755 t des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’ il y avait de plus subversif dans les salons. « Se nourrir de romans »
756 tion tente les journalistes. Mais le cinéma n’est qu’ un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre concept
757 nt n’a été recherché avec une telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce sont les actualités. » Phrase mille fois ent
758 triomphe chez tous les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient-ils ? Des collections documentaires, des reportages à grande
759 semble-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’ il est. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vi
760 e monde en vrac, un monde plus absurdement divers que nul esprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience de la Renaissa
761 issance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les bouleversemen
762 ici que j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les bouleversements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet
763 ères Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de
764 E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier de reve
765 de publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline, Vo
766 ttre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, mais non pas à l’inte
767 non pas à l’intellectualisme. Car, — et j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acro
768 ues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’ il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effar
769 s qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’ il est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme
770 le recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’ est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagno
771 illeurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la marche des événements. Nous reviendr
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
772 i s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus juste, pour qu
773 ux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle du « désarroi actuel ». Croit-on vrai
774 s parle du « désarroi actuel ». Croit-on vraiment que tout cela soit si nouveau ? Croit-on vraiment que, jusqu’à ces derniè
775 que tout cela soit si nouveau ? Croit-on vraiment que , jusqu’à ces dernières années, la civilisation de l’Occident ait perm
776 orts normaux entre les hommes ? Croit-on vraiment que le « désarroi » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « d
777 t « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité publique sont menac
778 uillité publique sont menacées ? La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, main
779 ire dont les périodes dites « prospères » ne sont que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusions e
780 ssi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’ elle a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couv
781 grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’ aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des apparences pa
782 s choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines sont contradictoires ? Les éval
783 e époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’ elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples
784 traire un peu partout, je le sais bien. On répète que les événements nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impe
785 en. On répète que les événements nous dominent et qu’ ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est e
786 est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous connaissons aussi la signifi
787 qui, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’ il faut faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus compl
788 n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’ il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres
789 ir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni
790 Cessons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont
791 e ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, destin et siècle, contient peu
792 avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant
793 chacun de nous possède une raison d’être, quelle qu’ elle soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui,
794 vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’ un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer
795 t de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de valeur indépendante à
796 s, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies, par
797 e ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités
798 leur évolution fatale, leur destinée. Autant dire que nous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouv
799 de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’ elle n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir
800 conscience de les servir. Vous me direz peut-être que , pour votre compte, la classe ou la race vous importent assez peu. Vo
801 és maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’ il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment l
802 siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle et
803 istes, plus intelligents et plus logiques surtout que ceux des fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski
804 Quelles sont ces prémisses ? La principale, c’est que toute notre idéologie, toutes nos révoltes, toute notre attitude prat
805 selon Trotski, s’explique entièrement par le fait qu’ il était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son i
806 . L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique
807 semblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique simplement par le fait que Trotsk
808 me. Que répondra Hitler ? Il répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique simplement par le fait que Trotski est un Jui
809 ue dit Trotski, s’explique simplement par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconcil
810 dos. L’un et l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe
811 s faire croire que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois géné
812 e que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois générales et hist
813 ontre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître qu’ en cette année 1934, l’homme se défend très mal. Et comment se défendr
814 ot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme de l’
815 de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’une démission ; q
816 s les apparences d’une évasion, d’une démission ; qu’ ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin,
817 e démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi const
818 s risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois
819 nfin, qu’ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleurs devraient leur envier. C’est just
820 loi historique ? Sur ce qui a été fait. Toute loi qu’ on découvre dans la société humaine repose sur le principe démissionna
821 chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’ il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fû
822 mple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générales, économiques ou soc
823 stov disait un jour à quelques amis : « Il paraît qu’ il existe deux théories tout à fait opposées concernant l’origine du g
824 ant l’origine du genre humain. Les uns prétendent que l’homme descend du singe, les autres croient qu’il a été créé par Die
825 que l’homme descend du singe, les autres croient qu’ il a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils o
826 é par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ ils ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les au
827 es. Ma théorie est la suivante : ceux qui pensent que l’homme descend du singe, descendent en effet du singe et constituent
828 es créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas
829 s de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la
830 r la classe ou la race, et c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les
831 alité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de rec
832 r de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’ en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. O
833 onnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journ
834 moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des espr
835 rais, avant de poursuivre, dissiper un malentendu que cette description a pu faire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je
836 ire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pensants, veut qu’on dénonce l
837 on ton, dans certains milieux bien-pensants, veut qu’ on dénonce le règne de la masse. On s’indigne du nivellement universel
838 es jeunes miliciens en chemise brune. On nous dit que la vie, en Amérique, est impossible, parce que tous les appartements
839 , parce que tous les appartements sont pareils et qu’ un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de
840 ate fixée par les grands fournisseurs. On prétend que l’individu se perd de plus en plus dans la masse anonyme. Je crois qu
841 d de plus en plus dans la masse anonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel que le conceva
842 s dans la masse anonyme. Je crois que c’est là ce qu’ il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier si
843 là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme isolé qui cultivait jalouseme
844 Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’ on le pleure. L’individu des libéraux, c’était, par excellence, un hom
845 du siècle ». La jeunesse découvrait avec angoisse qu’ elle n’avait plus rien ni personne à servir. C’est l’état le plus dégr
846 ssaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’indiv
847 ce que l’individu des libéraux était sans destin, qu’ il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocat
848 tres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’ il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’aille
849 er en eux les principes d’une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues,
850 gues, de groupements, de partis et d’associations qu’ aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus de hai
851 , devient automatiquement de la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormais un fait acquis, une réa
852 lité économique. Nous devons au progrès mécanique que désormais le globe entier apparaisse solidaire d’une même civilisatio
853 e d’une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premier exemple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on v
854 ple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on vous dit que désormais « tout se tient » dans le monde, c’est l’exemple suivant :
855 in des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’ un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglomération d
856 Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’ il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je
857 te de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dégager le choix, la décision que chacun d’entre n
858 je veux maintenant dégager le choix, la décision que chacun d’entre nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’
859 est, je crois, en définitive, la question simple que nous pose l’époque. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse. Il m
860 nous pose l’époque. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse. Il me reste à le définir en termes positifs, cette fois.
861 lasse, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’instinct dans l’homme. La culture du xixe siècle a voulu les ignor
862 se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore d
863 orique. Il faut croire qu’ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mais co
864 je vois bien ce qui les poussait, je vois bien ce qu’ il y avait d’émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté huma
865 ’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’ il fallait refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la soc
866 refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé
867 s monstres menaçants, vous n’avez rien à proposer que votre chétive personne ? Vous serez emportés comme les autres. Votre
868 ion est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’ est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques ann
869 sproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques années dans l
870 , et surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’ est-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’e
871 ut dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce que
872 rsonne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’ est-ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous mo
873 ermettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’i
874 s mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnag
875 ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’ on appelle l’individu. Il faut aller plus loin : les mythes collectifs
876  : les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’ une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite d
877 bien ! la personne à son tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’
878 Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. E
879 nscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’ en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant, en lui, la dictat
880 e personnaliste, la pensée qui ne veut s’attacher qu’ aux seules tâches immédiates. La personne, au contraire, de l’individu
881 e vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. J
882 l reste une question grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’on pose souvent aux gr
883 e que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’ on pose souvent aux groupements révolutionnaires que je vous ai cités.
884 ’on pose souvent aux groupements révolutionnaires que je vous ai cités. Je voudrais y répondre ici en mon nom personnel. Qu
885 érieure se fonde votre personnalisme ? Je ne vois qu’ une réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Fa
886 réponse de l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez les institutions, organisez le monde par la
887 oint séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’
888 trois mots définissent la personne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs
889 n. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lui faire comprendre : le prochain,
890 pas son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’ il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mai
891 Je prends ce mot dans son sens le plus fort, tel que le donne l’étymologie. Consoler, c’est littéralement : rendre complet
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
892 de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’ on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce
893 particulier, à cette espèce nouvelle de critiques qu’ on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un secret pour pe
894 s littéraires ». Ce n’est un secret pour personne qu’ ils contribuent pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’une
895 ou l’échec d’une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au b
896 sent fort bien. Or, c’est exactement le contraire qu’ on peut voir. Le critique qui dispose d’un feuilleton régulier dans un
897 auprès du grand public a des causes plus graves, qu’ il faut attribuer autant aux philosophes qu’à ceux qui ne les lisent p
898 aves, qu’il faut attribuer autant aux philosophes qu’ à ceux qui ne les lisent plus. Le public se figure que la philosophie
899 ceux qui ne les lisent plus. Le public se figure que la philosophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas
900 as sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’ il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage bourgeois av
901 osophari. Cynisme ou naïveté ? Car il est évident que cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou bien le primum
902 e être réalisé, et quel besoin alors d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient de la
903 alors d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ ils vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de
904 ion auquel on demandait à son retour en France ce qu’ il avait fait en exil : « J’ai vécu, Monsieur, c’est bien assez ! ». O
905 e avec des considérations sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante
906 sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’est qu’ illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à v
907 et nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’ elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosop
908 s s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la tient. Un phi
909 x » pour l’Université c’est trop souvent un homme que l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des problèmes q
910 étourne des problèmes qui se posent en fait. Mais que faut-il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des
911 osophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’ on est en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle s
912 roit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’ elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations
913 u citoyen moderne ont perdu toute commune mesure. Que se passerait-il si un beau jour le public se mettait à l’école des pe
914 tômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant, que la collusion se produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’est
915 de Spengler par exemple, dont on sait l’influence qu’ il exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entr
916 a sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’ elle entraîne sont proprement incalculables. Qui donc voudra les encou
917 ues, ou quelques révoltés ? Certes, et c’est cela que nous voyons depuis la guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon
918 yons depuis la guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon des catastrophes dictatoriales va réveiller quelques chrétie
919 où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre que d’autres aient tout faussé, tout compromis ? Il est certain que la pe
920 ient tout faussé, tout compromis ? Il est certain que la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni plus nette voca
921 u, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce se
922 re digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entreprendre la
923 isme, à conduire la critique des hérésies morales que toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seu
924 es qui pèsent sur la civilisation ? Ou verra-t-on que le service que la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rend
925 ur la civilisation ? Ou verra-t-on que le service que la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rendu au monde que
926 ienne doit rendre n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui de
927 iel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des v
928 s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que tout le monde sent nécessaire, mais que la foi seule rend possible. ⁂
929 valeurs » que tout le monde sent nécessaire, mais que la foi seule rend possible. ⁂ Max Scheler se rattachait à l’école all
930 llustrée par Husserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des to
931 des unités d’expérience sensible, saisies telles qu’ elles se présentent au sein d’un ensemble vécu. Le grand service rendu
932 La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phénomène que Nietzsche
933 er étudie dans ce petit livre, c’est le phénomène que Nietzsche a baptisé ressentiment. Pour Nietzsche, on s’en souvient46,
934 zsche, on s’en souvient46, l’amour chrétien n’est que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent aux
935 étien n’est que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent aux valeurs aristocratiques. La haine jalo
936 xpression détournée dans l’affirmation paradoxale que les premiers seront les derniers, ou que la vraie noblesse réside dan
937 radoxale que les premiers seront les derniers, ou que la vraie noblesse réside dans la misère. C’est ce renversement des va
938 ère. C’est ce renversement des valeurs « nobles » qu’ il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit 
939 ive bassesse, « humilité » ; la soumission à ceux qu’ on hait, « obéissance » (c’est-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont il
940 t-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent qu’ il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’in
941 onne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’ il y a d’inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont
942 me le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« 
943 s ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « su
944 « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle pénétratio
945 onne raison à sa description du ressentiment — ce que je fais pour ma part sans réserve —, il reste à voir si les causes en
946 il reste à voir si les causes en sont bien celles que Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nietzsche s’adresse
947 , et nullement à l’Évangile. Le « christianisme » qu’ attaquait Nietzsche, c’est, en réalité, la morale bourgeoise. Scheler
948 us salutaire leçon pour un chrétien d’aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse centrale : nous en
949 rist : et c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nietzsche. Nous ne
950 —, mais nous prônons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre s
951 entiment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’ il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’a
952 as de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’ une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus la c
953 bien plus la crainte de « se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Christ à ceux qui luttent (dans
954 e suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de l’Évangile vient de ce que les chrétien
955 sentent ces perversions de l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès de la mo
956 tout le procès de la morale laïque, ou kantienne, qu’ amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations
957 ntienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’ un exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois par
958 Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations qu’ il propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangéliqu
959 riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot. Ces quelques lignes décrivent assez bien le mouveme
960 concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe également le socialisme
961 e ontologique est la première œuvre philosophique qu’ il ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’el
962 depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’ elle marque un élargissement en même temps qu’une simplification de sa
963 . Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’ il fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux po
964 enants seront sans doute fort étonnés d’apprendre qu’ il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser en philosophie
965 able pour utiliser en philosophie des motifs tels que le désespoir, l’espérance, la présence ou la fidélité. Certes, l’exem
966 our M. Marcel, on lui ferait plus volontiers dire que philosopher, c’est apprendre à ne pas se suicider. « On pourrait même
967 dre à ne pas se suicider. « On pourrait même dire que la possibilité permanente du suicide est en ce sens48 le point d’amor
968 ensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’une méditation qui se propose pour objet d’approcher le
969 er le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’ il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tou
970 l faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’ il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences
971 M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsis
972 eu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n
973 e l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu
974 264). Le problème devient alors tout autre chose qu’ un problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure
975 i va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’ elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une p
976 condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une présence activement perpétuée ». Et tout
977 disponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’ elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime
978 que l’âme sait qu’elle n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa liberté
979 e-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’ elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’
980 de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’ elle ne s’appartient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’e
981 ient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’ elle peut agir, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aper
982 partir de cette reconnaissance qu’elle peut agir, qu’ elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu si schématique f
983 e souci des références à l’actuel. La description qu’ il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses all
984 ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’ il indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie d
985 u désespoir, — autant de traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se posent ; non
986 re sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix concrets.
987 ant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’ il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre
988 elques-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’ il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants
989 ndements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants » — comme disait
990 nc (n° 1 et 2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallim
991 ent de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’ une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Tra
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
992 ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation
993 avait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’ il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un im
994 mière œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’ il se fit mieux comprendre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 185
995 l se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutt
996 ent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits qu’ il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophique
997 udonymes symboliques. Il voulait signifier par là que ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chré
998 as encore la totalité de son message chrétien, et qu’ il ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et d
999 ilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’ à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Égl
1000 evant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’ il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte qui
1001 evski, à Pascal. Lui-même ne s’est jamais comparé qu’ aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à Luther, mais pour se
1002 l, à Luther, mais pour se condamner. Il affirmait qu’ il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoi
1003 ais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’était qu’ un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité
1004 e » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’ il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il vo
1005 t du christianisme une idée si pure et si absolue qu’ il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Ce
1006 dée si pure et si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Cette position paradoxale
1007 faveur de l’absolu évangélique. Voici le jugement qu’ un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses
1008 dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’ aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les a
1009 l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à cô
1010 vski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’ à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre espr
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
1011 it aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise que l’on dit sans précédent, que fait l’individu pour se défendre ? Et qu
1012 sein de cette crise que l’on dit sans précédent, que fait l’individu pour se défendre ? Et quels titres à l’existence vien
1013 on moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pa
1014 e réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : le
1015 ire : les marxistes le nient avec plus de passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une fo
1016 r, et certains pensent : une mauvaise conscience. Que disent les collectivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que
1017 vaise conscience. Que disent les collectivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’espr
1018 ctivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abor
1019 le grand nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autr
1020 le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps, les condition
1021 s corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion pub
1022 ité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelqu
1023 Que l’histoire évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin,
1024 que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule serait la marque d’un af
1025 oignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases, à peu près, mais sans
1026 ns y croire, ou du moins sans prouver par le fait qu’ ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légiti
1027 Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’il relèv
1028 perdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’ un homme paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient
1029 lui sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’ il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus
1030 t qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esp
1031 iste. Il soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a
1032 le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’a
1033 le anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire
1034 ble que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ;
1035 re ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — 
1036 on humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, —  que les discours des réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justi
1037 cours des réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est
1038 place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’ un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce p
1039 de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esp
1040 e ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkeg
1041 talons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles imp
1042 us sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’ il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’i
1043 e, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’ il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au templ
1044 me accablera son fol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du chr
1045 vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’ elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos
1046 endre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent.
1047 s que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parl
1048 e aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’ est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’es
1049 si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l
1050 prit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’ est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance
1051 Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance que le sav
1052 ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ;
1053 une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’ il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle,
1054 e quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée… de Kierkegaard ?
1055 stin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’ on nous prépare ? Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de
1056 ’engage, « en vertu de l’absurde », sur le chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté de la foi sur les vérités qui f
1057 e solitude première devant Dieu, est-ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est dram
1058 est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ ils y croient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom des biens q
1059 qui flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’ ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop t
1060 vantage sacrifier. Ils affirment trop tardivement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens q
1061 ement que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’ il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’es
1062 pas le bonheur », et qu’il existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’est une triste réponse à la ré
1063 st une triste réponse à la révolte de ces pauvres qu’ on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champio
1064 se à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’ on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on f
1065 ostoïevski. On pourrait en citer quelques autres. Qu’ ont-ils donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seu
1066 rkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, d
1067 ît malade pour aller rechercher le médecin sévère que la santé moins déprimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’i
1068 déprimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’ il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et de
1069 e compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu’ aucun autre le message du « solitaire devant Dieu ». L’ironie Lo
1070 a Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : «  Qu’ on lui coupe la tête ! » Alors, le chat s’élève dans les airs et peu à
1071 ’amuse à renaître. On voit d’abord son rire, rien que son rire qui plane, immatériel. Ensuite, seulement, la tête se recomp
1072 me, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du siècle. On a dé
1073 ictime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie dans les soucis publics co
1074 tériser le chrétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chréti
1075 ffrent à cause du Christ. Il suppose, sans autre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c’est la tragi-comédie du
1076 tianisme de la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’ as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’est
1077 ai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaines ? Il faudrait cependant choisir. Ou bien
1078 tu te reposes aussi sur ta vertu. Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, ou bien
1079 toujours le « réveil de la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pou
1080 core Kierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’ on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions
1081 monde. « Le Nouveau Testament suppose sans autre que le chrétien souffre pour sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simple
1082 ctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce
1083 oisie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’ il a choisi lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits et les mép
1084 toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’ on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur impor
1085 agance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils
1086 ien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ ils soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agisse
1087 e : qu’ils soient toujours comme tous les autres, qu’ ils imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’e
1088 ls imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est précisément le contraire : il veut l’originalité. «
1089 ité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’ on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’un autre. » Car l’
1090 s en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemble peut-être
1091 visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de
1092 e recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L’original
1093 Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’ entend-il par ce mot d’originalité ? Il faut en rapporter le sens au c
1094  ». Bien des malentendus seraient ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas, trois mots qui faussent tout : anarchie,
1095 t tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homm
1096 de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’ est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du
1097 surer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur.
1098 de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’ est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaar
1099 . Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard appelle,
1100 que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard appelle, c’est l’homme seul devant son Dieu. Mais comment
1101 se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme
1102 r l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’ il le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un ex
1103 et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’ un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
1104 d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’o
1105 nc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde tel que Dieu l’a cr
1106 onde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde tel que Dieu l’a créé, s’oppose à la transformation que veut l’Esprit, s’oppo
1107 l que Dieu l’a créé, s’oppose à la transformation que veut l’Esprit, s’oppose à l’Ordre. « Ne vous conformez pas à ce siècl
1108 rit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le solitaire
1109 au collectif, à l’avenir, et tout cela n’est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que mythologie
1110 devant notre éternel présent, et tout cela n’est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête : hé
1111 e mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’ on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Ma
1112 qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chim
1113 ois, ce n’est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la rai
1114 noncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressif, ou désesp
1115 re qui condamne « la masse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’
1116 un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’ il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le
1117 l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’ il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le di
1118 e sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprême humilité du
1119 humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer qu’ à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se log
1120 aire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’ il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à
1121 core à se loger chez un être à ce point simplifié qu’ il n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et péniten
1122 n être à ce point simplifié qu’il n’est plus rien qu’ obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans la mesure où s
1123 Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’est point qu’ il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des psycholog
1124 mne la foule, ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’ il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à l
1125 des psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’ elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irrespons
1126 uatre femmes, dans l’illusion d’être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou qui avait comm
1127 , ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car
1128 ancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’ il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus
1129 le. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’ il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas
1130 n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis.
1131 fus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qu
1132 u et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « lois »
1133 e paradoxe et le scandale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-di
1134 dale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’il a voulu bann
1135 s grand que tous. Il a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’il a voulu bannir la possibilité sca
1136 out s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’ il a voulu bannir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Pr
1137 r pour rendre un culte sanguinaire aux faux dieux qu’ elle a suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être
1138 ’elle a suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposit
1139 en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’ elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court
1140 lle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite des ho
1141 le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite des hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont
1142 e qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre réalité san
1143 …) Certains des plus lucides entrevoient le péril que ces doctrines font courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’i
1144 ont courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’ il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénon
1145 it religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) comme une espèce d
1146 ble providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lo
1147  ! Car si les morts gouvernent les vivants, c’est que nul vivant n’ose vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la
1148 érité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’ il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’enten
1149 agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’est le cas, je reste bien tranquille
1150 tal. Maintenant, tu vas témoigner de la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu
1151 xerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La fo
1152 rtout, elle n’est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permettre d’accepter, quand le martyr reçoi
1153 seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’ il est, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit
1154  » à la Parole qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule act
1155 e le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’ il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réel
1156 Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter
1157 « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversa
1158 rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une co
1159 crois. Qui, d’abord, parmi nous, oserait affirmer que cette « catégorie » lui soit si familière qu’il puisse la considérer,
1160 mer que cette « catégorie » lui soit si familière qu’ il puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? La tentation est f
1161 ans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’ est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécess
1162 d portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’appelle avec joie et reconnaissance : mon lecteur. » Kierkegaard sa
1163 aissance : mon lecteur. » Kierkegaard savait bien que lorsqu’on parle à tous ou contre tous, chacun croit qu’il s’agit des
1164 rsqu’on parle à tous ou contre tous, chacun croit qu’ il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on par
1165 omme au seul responsable parmi nous. Il sait bien qu’ en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle es
1166 mps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’ elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrét
1167 l, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’ elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’e
1168 -dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au sel qu’ il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ê
1169 sel qu’il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne sera jamais réel pour to
1170 es concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’ il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de tout
1171 da, qui, en fait de protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de
1172 , sur l’aspect philosophique de cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un article de la Revue philos
1173 la question à propos d’un cas aussi exceptionnel que le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous devenir martyrs ! » Certes, r
1174 oi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veui
1175 s doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’ aucun ne veuille l’être. » L’inévitable rappel aux nécessités quotidie
1176 ienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières ne s’y posent jamais, mais simplement qu’on l
1177 s dernières ne s’y posent jamais, mais simplement qu’ on les y noie. Les hommes préfèrent « mourir imperceptiblement », comm
1178 blement », comme disait Nietzsche, et c’est là ce qu’ ils appellent leur petit train-train journalier. La fameuse « vie quot
1179 « vie quotidienne » n’est peut-être rien d’autre qu’ un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une que
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
1180 de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’ on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance
1181 on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’ à ma connaissance, tout au moins, presque personne encore n’en a parlé
1182 provocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’ ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jet
1183 ures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour aller se faire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’u
1184 des troupes régulières, dont le chef n’est autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un
1185 ne entrevoir le véritable sujet de l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par u
1186 gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’ut
1187 bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances.
1188 tourne de toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’est plus at
1189 ît absurde. Et rien n’est plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on
1190 là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’ on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-d
1191 ù nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquit
1192 e de leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifier à cette fidéli
1193 , et de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ ils s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend form
1194 n eux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’ ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus effroy
1195 à vivre dans un état de guerre encore plus cruel qu’ auparavant, et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuis
1196 ous, Bell… rien ne rend aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passionné, aussi modest
1197 é, aussi modeste, aussi patient et aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La comm
1198 ent doit nous laisser d’autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malai
1199 oint là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’
1200 in la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, le problème c
1201 a nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’ impose ce livre, et l’on admettra bien, quelque opinion qu’on ait sur
1202 ce livre, et l’on admettra bien, quelque opinion qu’ on ait sur le point de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il
1203 oint de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’ il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais c
1204 qui soutient ce peuple fiévreux dans les épreuves qu’ il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cel
1205 politique étrange de cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout aussi bien « La condition humai
1206 r tout aussi bien « La condition humaine ». C’est qu’ elle éveille, en dépit de ses intentions nationalistes — au plus haut
1207 u mot, je le répète, mais il se peut tout de même que certains lecteurs français en soient choqués — le sentiment d’une fra
1208 t choqués — le sentiment d’une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin
1209 uis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajoutera
1210 une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses l
1211 me que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on pu
1212 el éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puisse comparer, ta
1213 r que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’ on puisse comparer, tant pour leur sujet que pour leur atmosphère et l
1214 nçais qu’on puisse comparer, tant pour leur sujet que pour leur atmosphère et leur tension65, à ce Destin allemand, qui, to
1215 ne partage pas plus les idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent fi
1216 schmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans leurs camps respecti
1217 fs). Mais sur le plan de l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’
1218 ralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’ Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin allemand, un tim
1219 objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais qu
1220 entale. L’homme ne s’avouera-t-il jamais lui-même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Kasimir
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
1221 it et fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’ ils constituent le texte véritable d’une œuvre dont les volumes parus
1222 es parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’une allégation qui
1223 seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’ il faut penser d’une allégation qui paraît à première vue aussi exorbi
1224 aît à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain,
1225 sthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’ un choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la to
1226 ens 66. Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thème
1227 qui est certain, c’est qu’un choix tel que celui qu’ on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuv
1228 vre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits qu’il fit paraître. On ne s
1229 une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ adopta Nietzsche dans les écrits qu’il fit paraître. On ne saurait tro
1230 cte que celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits qu’ il fit paraître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recue
1231 des théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la seule chose nécessaire ». Rie
1232 ien qui sait en qui il croit. Et pour les autres, qu’ importe qu’ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées
1233 t en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’ ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées, purement
1234 assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées
1235 yonné rapidement, à la volée, et sans autre ordre que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens h
1236 ’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’ une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques
1237 de fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à venir puissent produire quelque chose qui ne soit p
1238 tout à fait historique, elle témoigne par ce fait que l’humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue paï
1239 t que l’humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’ elle est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans
1240 éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’ il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chréti
1241 ant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de not
1242 dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’ il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc !
1243 re histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’ il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindr
1244 aitant d’agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstiti
1245 ’il y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut
1246 ntemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le
1247 it déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils so
1248 en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent
1249 re, sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’ elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur
1250 dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chi
1251 savant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi que nous avions derrière nous deux milliards d’années, devant nous dix mi
1252 ut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce que toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : ne plus pouvoir écha
1253 ce une adhésion assez méfiante. Il est trop clair qu’ on peut inverser la maxime : « La contemplation intellectuelle du mond
1254 immortalité, comme ses premières dents ; ce n’est qu’ ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujours u
1255 , comme ses premières dents ; ce n’est qu’ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujours une seconde
1256 s pieux, le déjeuner quotidien est plus important que la Sainte-Cène. Kierkegaard n’eût pas mieux dit. « Pensées qui bless
1257 nsées qui blessent — pour édifier » — c’est ainsi qu’ il nommait les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former
1258 — c’est ainsi qu’il nommait les remarques amères qu’ il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et da
1259 lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux que le menu de sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez de
1260 ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce une vérité. En quoi l’
1261 ’il prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’ il ressemble fort au croyant, — toutefois, sans le savoir, c’est là le
1262 n réaliste du péché, crée la crise bien davantage qu’ elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la fo
1263 ésulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise plus radical
1264 née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’ est-ce que cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? E
1265 veau d’un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autr
1266 hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’é
1267 . Et toujours bon à rappeler, à ces « chrétiens » que terrorise l’idée même que le christianisme veut leur mort, pour leur
1268 er, à ces « chrétiens » que terrorise l’idée même que le christianisme veut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit d
1269 l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’ elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianism
1270 . Mais si Nietzsche croit autre chose, s’il croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est que
1271 e la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas q
1272 que chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croient, ou s’imag
1273 s que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ ils croient, ou s’imaginent croire. Le repentir ! Le remords ! Le chr
1274 il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur inj
1275 ent presque toujours plus perplexe sur son compte qu’ inquiet sur le mien. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris d’é
1276 j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci : Nietzsche parl
1277 fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que je hais. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens
1278 uante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise celle-là !
1279 ouve un autre exemple : Nietzsche croit découvrir que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion « de la fam
1280 un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce régime s’est établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sai
1281 om de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’ il n’a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle cont
1282 ifié, voici pour les conservateurs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité de la religion ? Soyez sincères ! Vous cro
1283 nécessité de la police ! » Dès que vous croyez qu’ il y a, à côté de la causalité absolue, encore un Dieu ou une finalité
1284 insupportable. Traduisons : dès que vous croyez qu’ il y a, à côté de Dieu, encore un dieu : morale, devoir kantien, consc
1285 r, une certaine théologie libérale de reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — est seul Maître d
1286 le Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’ il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop in
1287 u » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fra
1288 moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphor
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
1289 bitre) (avril 1937)aa Luther inconnu Dire qu’ on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contrair
1290 it exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’ on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconn
1291 ontraire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir
1292 magine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
1293 e platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à
1294 utres, moins exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de l
1295 oute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce qu
1296 se suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’ est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette
1297 e en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaratio
1298 Strohl, J. Vignaud et Lucien Febvre, et aux cours qu’ ont professés MM. Jean Baruzi et E. Gilson, pour ne rien dire — mais c
1299 de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à l’égard de Luther, joint
1300 çais en état d’infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luthe
1301 ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’ on déclare volontiers « inhumain », parce qu’il attribue tout à Dieu.
1302 bitre C’est sans doute dans cette perspective que le lecteur peu familiarisé avec la pensée luthérienne parviendra le p
1303 Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperç
1304 t pour le genre. Mais on s’aperçoit, sans tarder, que la discussion avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’est
1305 a Diatribe (souvent personnifiée) n’est, en fait, que le support apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’un tém
1306 îné par sa fougue habituelle, excité (bien plutôt que « désarmé », comme il le dit aux premières pages) par les procédés de
1307 ) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à res
1308 mme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’ illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’il
1309 vrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais
1310 as un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent êt
1311 s uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les page
1312 saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une ré
1313 Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à
1314 ibre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’il nous faut dépouiller. « Folie pour
1315 ts n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’ il nous faut dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en f
1316 les sages » Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou si
1317 tiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes
1318 uvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus an
1319 ncore que Calvin et Luther ont fait leur temps, —  que dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestin
1320 x qui traduisent : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là
1321 libre arbitre religieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’ aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres
1322 son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui
1323 e style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l’une
1324 ce versa.) Mais une fois reconnue cette maîtrise, qu’ on attendait d’ailleurs du chef d’un grand mouvement (comme dirait le
1325 astique, qui n’est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux p
1326 les termes. C’est à Érasme en tant que théologien que Luther s’applique à répondre, et c’est même la plus dure ironie — quo
1327 able, non plus en philosophe ou en métaphysicien, que Luther nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire, et doit suffire e
1328 erne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inévitable, qui consiste à affirmer que Luther est « détermin
1329 s que je sais inévitable, qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose tr
1330 du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’ un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme
1331 r en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais
1332 sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en feron
1333 nt les vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ;
1334 — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’ est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-mêm
1335 soin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’ agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
1336 ’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passé
1337 is encore nier ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complèt
1338 ines en fin de compte : car je sens, malgré tout, que je les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et
1339 t, que je les fais librement, et tu viens me dire qu’ elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
1340 i. Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé qu’ il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est li
1341 a chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit t
1342 le l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’ elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors d
1343 e l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est pl
1344 ieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’av
1345 ffort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’ à se laisser aller à la manière des musulmans. C’est peut-être mal rai
1346 suis, donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerai
1347 chappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’ en prononçant ces mots, tu ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt ét
1348 té immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l
1349 es philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’
1350 vent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’ elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui no
1351 te. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternit
1352 us dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’ une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
1353 vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit q
1354 lque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’ elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute créat
1355 mme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’es
1356 té seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’es
1357 re plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’ un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant presse
1358 ’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et
1359 qui nous prédestina ! Quand le croyant, qui sait que Dieu a tout prévu éternellement, adresse à Dieu, au nom de sa promess
1360 ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — 
1361 ère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant
1362 yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’ a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éter
1363 ue rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’ il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « 
1364 ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’ il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas
1365 cœur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’ une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est
1366 est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme »
1367 . M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On n
1368 une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’ au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si
1369 pu dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’ elle se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité :
1370 a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes toujours
1371 étextes toujours très moraux, et même très pieux, qu’ invoque notre révolte… Réalité radicale du problème Dans l’Églis
1372 cette Parole est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et l
1373 objections. Et la démonstration purement biblique qu’ on en trouvera dans le Traité du serf arbitre, malgré quelques détails
1374 établir pour le chrétien la vérité d’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’ap
1375 (Phil. 2 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu
1376 ce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’ il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons
1377 s l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît q
1378 et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’ à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-mêm
1379 uther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser »
1380 êmisme » évangélique, que les sophistes n’étaient que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer la C
1381 maniser », au risque d’« évacuer la Croix ». Tant qu’ on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son série
1382 jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l’homme possède au moins « un faible libre arbitre »71, dans les chos
1383 libre arbitre »71, dans les choses du salut. Mais que le Christ ait dû mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait v
1384 — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et, à
1385 squ’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’ il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Tou
1386 u péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vis
1387 qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la
1388 ologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulemen
1389 tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’ elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise a
1390 ttérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’ aux yeux de la raison — cette folle comme le répète Luther —, ce que n
1391 raison — cette folle comme le répète Luther —, ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Ma
1392 ui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther et Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a po
1393 Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’ il a poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusq
1394 limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensée. Pour échapper au nihilisme qui l’étreint
1395 qui l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’ il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour étern
1396 nté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’ il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu.
1397 ïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’ il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
1398 opre existence72. Mais la difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, dem
1399 souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adoro
1400 el ! » — Dieu avec nous ! 68. À la proposition qu’ on lui faisait, en 1537, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
1401 œcuménique ne deviendra réel aux yeux des peuples qu’ à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité
1402 autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’ il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse d
1403 ns politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’ il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c
1404 conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu
1405 cycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’ il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate,
1406 vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’un manq
1407 ns le plan politique, provient sans doute du fait qu’ ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et
1408 nts. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’ elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’e
1409 faut qu’elle représente un risque autant et plus qu’ une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jailliss
1410 un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’ elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi c
1411 à leur dessein. Dans un certain sens, nous dirons qu’ ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition,
1412 ment œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’ il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres
1413 amentale de l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il es
1414 que son action politique parte de lui-même, de ce qu’ il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunt
1415 politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’ il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là po
1416 nt impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aussi avec une inflexible
1417 œcuménique. Le présent essai n’a d’autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer
1418 éveloppement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’un p
1419 ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit politique et économi
1420 arpillement poussiéreux. Remarquons tout de suite que ces divers conflits ne sont en réalité que les aspects d’une seule et
1421 suite que ces divers conflits ne sont en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondamentale, réfractée à
1422 ctée à des niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun de ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c
1423 dire à la fois excessif et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconcili
1424 l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni « 
1425 de l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’une « théol
1426 l’Église universelle, implicitée par le fait même qu’ il existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lor
1427 t pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’une unité formelle, humainement vérifiable
1428 pie qui a produit les schismes et les oppositions que le mouvement œcuménique se propose de surmonter. C’est dans la mesure
1429 ont douté d’une union par essence incontrôlable, qu’ elles ont perdu leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la
1430 ersité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondeme
1431 es d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’ on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques in
1432 bles. (Pour ma part, je n’en vois pas de meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appels à l’union,
1433 s : c’est dans ses appels à l’union, précisément, que Paul établit avec le plus de force la légitimité des diversités. Ce q
1434 stions-là aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme co
1435 intenant : la théologie de l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est pas une imperfection de l’un
1436 uthentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’ elle espère atteindre une communion d’esprit en profondeur. En d’autre
1437 idèles. Toutefois, cette méthode n’est compatible qu’ avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser
1438 méthode n’est compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une orthodoxie qui céde
1439 int-Esprit. Aucune église ou secte n’a jamais nié que son chef réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était su
1440 met, il court le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’ à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’il fondera peut
1441 Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’ il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’être seuleme
1442 saire au salut. Mais je rappellerai les critiques que Karl Barth adressait à l’orthodoxie protestante du xviiie siècle : u
1443 disposer humainement des Écritures. Car aussitôt que le principe d’unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de
1444 e opposé au thème de l’unité systématique. Notons qu’ il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base
1445 l aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spirituellement une fonction dist
1446 lle d’un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’ à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie de la personne
1447 ophie de la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au confl
1448 dictature, l’opposition n’est pas aussi profonde qu’ on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession inévitable. L’individu
1449 ssion inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’ à la manière dont le vide s’oppose au plein : plus le vide est absolu,
1450 ssant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’ achever le processus de dissolution commencé par l’individualisme : il
1451 e au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Mais cet État centralisé, cette unité rigide
1452 e toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’ une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours.
1453 stion des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’ est-ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nou
1454 temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nous nous pla
1455 ité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’ il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à l
1456 eci en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’ il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’indiv
1457 idu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple f
1458 le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’ était le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de
1459 onne avec son sens nouveau, et la réalité sociale qu’ il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux
1460 ectivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation qu’ il envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le reme
1461 les devoirs du particulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradicto
1462 s cette doctrine de l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église universelle esquissée plus haut ; la mêm
1463 st l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre
1464 dès qu’intervient la transcendance, il y a mieux qu’ un équilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, l
1465 ssez dit pour qu’il soit désormais facile de voir qu’ à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que l’organis
1466 itude œcuménique en religion ne peut correspondre que l’organisation fédéraliste en politique. Quant à la philosophie de la
1467 onalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individu
1468 . (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’
1469 rdres, etc.). C’est en effet dans le groupe local que la personne peut se réaliser. Car les tâches civiques y sont à l’éche
1470 on. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’org
1471 de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’ est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les frontières ext
1472 pléter notre tableau en indiquant au moins ceci : que le fédéralisme implique dans l’ordre économique la vitalité des syndi
1473 aliste et organique ; au couple de frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitaire, le couple de frè
1474 et la masse totalitaire, le couple de frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloir le fédéralisme
1475 le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’ il recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuméni
1476 nt nullement prêts à se soulever pour rétablir ce qu’ on nommait chez eux la « démocratie ». Ils attendent un régime qui pui
1477 a le grand avantage de réaliser en même temps ce qu’ il y a de valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a di
1478 e qu’il y a de valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquement utilisé et dévié. 4. Mission féd
1479 dans le drame de l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble dans son plan. Si le totalitarisme
1480 e fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes de cette alternative sont également improbables, et q
1481 cette alternative sont également improbables, et que les destructions en cours et à venir supprimeront pratiquement toutes
1482 t d’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’ une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». C
1483 subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’ un vide économique, idéologique et social sans précédent dans notre hi
1484 sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’ une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill es
1485 e propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’ il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de pr
1486 demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’ elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes ne se conf
1487 es peuvent répondre, il faut qu’elles comprennent qu’ elles le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans l
1488 es Églises sont fidèles à leur chef, elles savent qu’ il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’i
1489 pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’ il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voient aujourd’h
1490 ffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont-elles moin
1491 raisons de croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont-elles moins destinées à combattre des dout
1492 sont-elles moins destinées à combattre des doutes qu’ à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du
1493 . 1. L’histoire du monde christianisé nous montre que les structures ecclésiastiques ont souvent précédé et prédéterminé le
1494 eurs religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’ il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodo
1495 d’une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dirai ceci : en Russie, en Allemagne, en Italie et en E
1496 te. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment que l’Église et l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le
1497 révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’ elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un M
1498 es devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas tr
1499 (Là encore avec moins de secousses en Scandinavie qu’ en Angleterre.) Troisième exemple : Calvin s’est toujours refusé à éta
1500 déterminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’ il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de Franc
1501 — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent une organisati
1502 ultiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la connaissance intime des processus religieux
1503 ples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la connaissance intime des processus religieux dans un pays donné fou
1504 politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° que l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces pr
1505 s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° que l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces processus religi
1506 de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’ elle implique, sont les seules bases actuellement concevables pour un
1507 dre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les termes, à moin
1508 nt est une contradiction dans les termes, à moins qu’ elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance
1509 e de la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se propose de combattre !) D’autre part, la théologi
1510 gées d’éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en
1511 seule Internationale en formation. On sait assez que les Internationales idéologiques et politiques se sont désintégrées a
1512 listes russes, ni même américains, pour ne donner qu’ un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est strictement limi
1513 totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique est donc
1514 ités égarées dans les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une path
1515 mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il do
1516 rces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réal
1517 ait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’ il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’
1518 jours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’ une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faib
1519 ne réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma pruden
1520 arti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’action risquée m
1521 tielles. Le sentiment obscur des peuples n’attend que des réponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté.
1522 e verrons l’œcuménisme se réaliser avec puissance que dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’il doit affronter mainten
1523 ance que dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’ il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
1524 ions, le modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune différenc
1525 bonheur, ou simplement l’aisance à vivre, plutôt que le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en «
1526 e s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablent le tier
1527 if aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produire les anticorps des toxines qu’elle a répa
1528 ope seule peut produire les anticorps des toxines qu’ elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentan
1529 tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, j
1530 ec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur et sans scr
1531 e. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’ un Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sa
1532 erdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement,
1533 e font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ ils sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le s
1534 qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’ elle n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question q
1535 si. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vr
1536 n. À vrai dire, il y a toutes raisons de redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une nation, d’un p
1537 Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je viens de dire, et les politiciens moins encore, pour la raison que
1538 , et les politiciens moins encore, pour la raison que les régions n’existent pas, ou seulement à l’état de nécessités vital
1539 à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ ont fait tous nos gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et qu’o
1540 s gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et qu’ ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » avant t
1541 « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’ européens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant, d’occuper ses b
1542 Même jeu donc pour la droite et la gauche, selon qu’ elles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent : sa structure leur d
1543 éléspectateurs, on n’y voit pas mieux les régions qu’ on n’y a su voir venir les guerres mondiales, la théorie de la relativ
1544 presque semble indiquer à l’observateur objectif que rien ne se fera, ni ne convaincra, ni ne s’imposera au xxe siècle, e
1545 riat, ni les masses ni même les élites à la mode… Qu’ avez-vous donc ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience de viv
1546 est faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le caractériser
1547 de croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le caractériser très justement, ne puisse changer à bre
1548 dévouement rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’ elle se doit. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire n
1549 ule raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’ il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui a
1550 r laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le co
1551 ncent le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’ est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les parti
1552 ontraire, particulièrement à celle-ci : qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les partis, tout pe
1553 au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportuni
1554 ent débordés et vidés tant par en bas (quartiers) que par en haut (continents). Je vois des sociologues et des économistes
1555 nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, do
1556 Doxiadis, qui écrit : « L’expérience nous apprend que seules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées
1557 stes nous conduisaient. Mais depuis dix-mille ans qu’ il y a des hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la gue
1558 hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour résoudre leurs différends, on ne voit pas ce qui pourr
1559 e voit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou qu’ ils deviennent raisonnables dans les dix ou quinze ans prochains — et
1560 n soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose, quel qu’en soit d’ailleurs
1561 esserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chose, quel qu’en soit d’ailleurs le succès ! A
1562 e je verrai que je puis faire quelque chose, quel qu’ en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de ce
1563 ccès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique du pessimis
1564 ou éviterait au moins le pire, mais je sais bien que vous ne me suivrez pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant. Il
1565 ffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la réalité elle-même qui
1566 t le monde aujourd’hui sait ou pourrait savoir ce que je découvrais et croyais révéler : les ressources limitées, les besoi
1567 es centrales nucléaires qui vont arranger cela et qu’ on dit au surplus tellement propres… Mais comme tout le monde déjà oub
1568 e tout le monde déjà oublie sa peur et la sagesse qu’ il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organis
1569 e l’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’ il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va t
1570 ans pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’ il sévit, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’où non seule
1571 Mais pour celui qui sait, tout est possible tant qu’ un vent souffle, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’H
1572 n, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour mieux disposer quelques esprits à désirer, vouloir, préparer d’a
1573 ndique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’actio
1574 e la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politique par excellence allait consister désormais à prendr
1575 quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça dure ? » Question morbide, mais lucide, et qu’on ne peut simplemen
1576 que ça dure ? » Question morbide, mais lucide, et qu’ on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de l’e
1577 ide, et qu’on ne peut simplement écarter. Je veux que l’homme dure à cause de l’espérance. À quoi s’ajoute un raisonnable e
1578 — la Nature et nos habitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la
1579 passe par un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À pa
1580 tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représen
1581 ce des choses espérées, ferme assurance de celles qu’ on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut
1582 l’aide d’appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pens
1583 », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie, le
1584 une société commence quand l’homme se demande : «  Que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? »
1585 ue va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «  Que puis-je faire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’un
1586 ? » À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’ une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce
1587 ssible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelqu
1588 tiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Dira-t-on que l’on peut partager telles idées sur les méfaits des centrales nucléai
1589 c des régions, sans adopter l’attitude religieuse que suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’a r
1590 e suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de producti
1591 llution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléaire ont valeur symbolique
1592 valeur symbolique en tant que nœuds de problèmes qu’ on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décisions métaphysi
1593 ant pas la masse critique) ce n’est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer
1594 rner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement se convert
1595 les prophètes condamnent la volonté de puissance, qu’ ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les évangiles, la p
1596 s, la puissance est la plus grande des tentations que le diable dresse au désert devant Jésus. Toute la Bible exalte en rev
1597 ulement de la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La casuistique ? Mais à
1598 s il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que choisissons-nous réellement ? Au niveau des États-nations tout est jo
1599 de stupidité, qui amène des éthologistes à penser que se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui, une tendance suicidaire
1600 oi cette génération ne recevra pas d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et
1601 tre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’ elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la prome
1602 e Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle
1603 — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la