1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 e par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental est s
2 devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se t
3 ndustriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti e
4 du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son in
5 iverselle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricatur
6 ie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il jou
7 us mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle do
8 ruire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteu
9 té des automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une
10 est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celu
11 is ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve »
12 un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a ré
13 é. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’homme
14 al avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du poin
15 ues, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il off
16 s conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive aux problèmes
17 iel, offre au monde moderne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisati
18 u’on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons d
19 tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — p
20 ande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée jusque dans
21 abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses
22 et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multi
23 multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité pa
24 ne apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscients pa
25 ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’in
26 uperflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus profond, cette tromperie-là
27 ne sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est
28 nce de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par
29 esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la produc
30 int Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut tr
31 convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent
32 restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles, com
33 moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au plus n
34 naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici des
35 iste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais
36 es idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où so
37 , il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien parfait qui combat les techn
38 elle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira
39 osopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’homme qu’on pou
40 e qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière lequel
41 se dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, déto
42 n anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans cette mécanique bien huilée, au mouvement si régulie
43 isirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec ses d
44 is d’une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale
45 spondances divines et humaines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiq
46 miques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là mê
47 détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé oub
48 laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou co
49 et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. F
50 ns le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné un
51 mique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur. I
52 on effort individuel dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel
53 buer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans
54 rel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de
55 nous la firent désirer. 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité
56 d’un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont une tâche pressante : che
57 lément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pa
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
58 esurées, l’homme ne peut subsister qu’en tant que son génie parvient à composer les deux périls en une résultante qui est l
59 e l’art de composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons défini
60 es ; ainsi passa le xixe . On le laissa installer ses machines : elles avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d
61 is virtuellement dès lors que la science proclame son autonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre de notre esprit n
62 nde la tête de la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi, dont les philo
63 ut intimidés. Et nous vîmes le matérialisme mener son morne triomphe. Certes, la plupart de nos philosophies, officiellemen
64 ouver que des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois de l’ordre matériel 
65 ’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans ses servitudes5. Aussi la critique du matérialisme entreprise par certain
66 e service de contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur d
67 ce parti pris, spiritualiste — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, sinon
68 me de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’étendit guère au
69 t certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde
70 s limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours prévalu parmi les peup
71 oujours prévalu parmi les peuples germaniques, où son prestige ne le cède aujourd’hui qu’à l’idéal anglo-saxon du gentleman
72 qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhumains 
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
73 me d’en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la révolution communiste en
74 alraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversations, fait parfois penser à ces gens — on en rencontre dans
75 un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans qu’on
76 secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans qu’on ait pu distinguer nettement à quels mobiles extérieu
77 er nettement à quels mobiles extérieurs obéissait son action. C’est peut-être qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est
78 une figure originale certes, mais à tel point que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et at
79 raux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intime adhésion.
80 té de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi com
81 rné à M. Malraux s’il n’avait naguère au cours de ses aventures asiatiques passé outre à certains règlements concernant la
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
82 pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type du livre qui vaut surtou
83 tout par l’attitude qu’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien marxiste. Citons quelques phra
84 réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’est pas son étonn
85 éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement co
86 ec ». Ici la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont
87 dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — «  son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la
88 dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : elle subordonne
89 , et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février15. M. Marcel analyse trois attitudes typiquement
90 t de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Brunschvicg, philos
91 ettons-le en présence du scandale que constitue à ses yeux cette anomalie : un astronome chrétien. Comment un astronome peu
92 homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et qu’il va à la M
93 xiste, par exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économique
94 t d’un philosophe caractérisé, nous dit-on, par «  sa terreur sincère de la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’
95 de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que tou
96 e — ou alors le suicide d’un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructiviste » répondra qu’il croit
97 e telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le si
98 ant d’orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vous n’avez pas su conjurer la malédiction du mond
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
99 . Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de l’artisanat qui se refuse aux truquages
100 e la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux tromp
101 is pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte,
102 rvent de thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphè
103 et aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquement catholiques, concerna
104 . L’idéal d’un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser un art « protestant »
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
105 te condition seulement que la vie humaine gardera sa signification. En somme, on pourrait résumer la pensée de Keyserling
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
106 ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’
107 s dont la présence constante donne au livre toute sa gravité. Maurice Baring exprime ce troisième sujet par deux vers de s
108 aring exprime ce troisième sujet par deux vers de son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui mèn
109 cela s’applique à mon histoire, dit l’auteur dans sa préface, lisez-la, et si vous la lisez, ne dites pas à vos amis ce qu
110 toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y pas
111 r de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus
112 ide dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société
113 la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de
114 vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, so
115 à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis ave
116 tence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un jeune lord ; toute
117 ute l’existence d’une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amour. C’était là choi
118 u’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tragique. Car si l’
119 ère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincant de sa grandeur, et le plus t
120 ns sa durée même l’élément le plus convaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’histoi
121 sion continue, mais une fois atteint le moment de sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, viei
122 rir, vieillir. L’amour étant d’essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée — sont nécessairement d
123 parler de morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’une loi divine
124 ivine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde ressemblance avec les Affinités électives de Goethe. Aucune
125 auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le bie
126 stice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent. Et
127 ui forme le sujet implicite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé q
128 lique qui n’exerce, dit-elle, aucune pression sur ses convictions religieuses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici
129 à une tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond : « 
130 spoir que sa vie à l’étranger n’ait point ébranlé sa foi, la princesse répond : « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien
131 me, manifeste cette tournure d’esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque imperceptible, est nette
132 t bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prêche
133 turellement, nous nous sommes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche malheureuse, isolée, cherchant une
134 nse aux premiers troubles que la grâce jette dans son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’elle rencontre et qui lui
135 ns fausse honte ». (Seuls, parmi les catholiques, son mari et sa tyrannique belle-mère sont nettement antipathiques, mais i
136 nte ». (Seuls, parmi les catholiques, son mari et sa tyrannique belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne disen
137 par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrèteme
138 a Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’endr
139 er d’ailleurs, car en définitive la conversion de son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible qu’el
140 n tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de Blanc
141 une adhésion à ce qui lui semble être la vérité. Sa vraie conversion a lieu beaucoup plus tard, lorsqu’elle trouve, à for
142 e, à force de souffrance, le courage de sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à cette grâce.
143 a morale courante. Presque tous les événements de son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastrophe —
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
144 stence (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Dane
145 gaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un disc
146 e et la satire qui sévirent, dans le premier, dès ses origines, ne se donnèrent cours par contre qu’à la fin du second. Le
147 profonde et la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie q
148 uvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n
149 a moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un document peut-être d’au
150 adoxale et virulente. Qu’une telle œuvre commence son action en France au moment où l’intérêt passionné de beaucoup se port
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
151 ici ce livre, point trop volumineux — il trouvera sa place dans votre valise — et d’une érudition très aérée. Comment ne p
152 skin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituen
153 -Blanc, clame son horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus violent réquisitoire qu’
154 fuite des heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silencieuses qui s’égrènent une à
155 e. Les atomes que nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. 
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
156 r morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du monde où
157 tait ce qu’il y avait au monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’il les raconte
158 trer un monde revendiqué par le communisme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de
159 uple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode rar
160 fectifs, voire religieux, qui sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action d
161 ivilège admirable de Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en plein accord av
162 issance de cause et de buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sentimentale), et avec sa foi chrét
163 nce intime (je dirais même sentimentale), et avec sa foi chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’une telle act
164 ction ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un h
165 ier avait atteint des tirages sans précédent dans son pays. Il nous restait à entrer en contact personnel avec cette œuvre 
166 r dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l’ext
167 hologique et matérielle, et c’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que dans ces
168 au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuya son front chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux et somnola. L
169 nola. Le train faisait un bruit épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agréable si le wagon entier eût
170 Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi
171 ntales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrétien
172 le montre déjà tout entier : subit et absolu dans ses déterminations, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe de ses
173 farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. Ses l
174 ts lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté de sentiments des chréti
175 si que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupi
176 e, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur,
177 son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même, et il éclata en sanglots. Soudain, i
178 plonger dans la vie active et mettre à l’épreuve son grand idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la
179 enne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit
180 face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terribles avec
181 du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terribles avec son père, riche co
182 etour au foyer provoque des scènes terribles avec son père, riche commerçant que l’on accuse de malhonnêteté, caractère imp
183 end avec violence contre les idées subversives de son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abr
184 la description serait tout entière à citer, dans son inénarrable et cruelle vérité, pourtant fort émouvante par moments. C
185 e Tsuruko, la belle jeune fille qu’il aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais en même temps le
186 lle dans l’âme du jeune homme : comment concilier son bonheur personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’il a conçu ?
187 lui répugne encore ? Il s’en rend compte lors de sa première visite aux bas-fonds : Eiichi était partagé entre deux dési
188 ques à tous les vents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de ph
189 son garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disai
190 n accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre dans les docks. La mo
191 ’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orientation
192 ir, mais en même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensai
193 ment ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut avoi
194 our des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres
195 suite entourèrent le cercueil, il ne put retenir ses larmes. Tandis qu’il marchait en silence à la suite de la procession
196 lence à la suite de la procession funèbre, toutes ses relations avec son père se déroulèrent comme un panorama devant ses y
197 la procession funèbre, toutes ses relations avec son père se déroulèrent comme un panorama devant ses yeux. Au-delà des se
198 son père se déroulèrent comme un panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la procession funèbre
199 l’énorme asile de fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourmenté par l’emprise du militarisme et d
200 de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir grandisse
201 ment de tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que
202 ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolte co
203 oir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se convertit enfin, brusquement, au momen
204 misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il
205 ’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui fo
206 qui le respecte, l’exploite et subit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie
207 Finalement, la police accuse Eiichi d’avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scène entre le proc
208 de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous les hommes
209 insolemment ? Le Procureur continuait à enrager ; sa figure se contractait et ses lèvres étaient pâles. — Comment voulez-v
210 ontinuait à enrager ; sa figure se contractait et ses lèvres étaient pâles. — Comment voulez-vous renverser l’état social a
211 ’écoulèrent. Le Procureur regardait distraitement son carnet de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été im
212 t libéré. Les enfants des bas-fonds l’attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches et l’escortent avec amour. ⁂ Avant
213 bas-fonds l’attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches et l’escortent avec amour. ⁂ Avant de tirer les conclusions q
214 e. Homme terriblement vivant, tenté, et décrivant ses tentations comme toutes naturelles, il surmonte les obstacles avec un
215 ne peine à se juger impartialement, sans exagérer sa critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords,
216 oir le tableau, ou au contraire en s’excitant sur ses belles actions. Il les note, simplement, sans oublier d’indiquer ses
217 Il les note, simplement, sans oublier d’indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les provoquent. Et p
218 i les provoquent. Et pas trace d’ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours à l’effarante sincé
219 pas trace d’ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’i
220 c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante. C
221 ate particulièrement dans l’analyse des motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands Russe
222 urtout. Et par tous les revirements intérieurs de ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa vie m
223 également. Quant à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, dé
224 e de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne regarda
225 dait, il se jeta par terre sur la route, criant à son corps : “Meurs !”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état de dé
226 r de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait
227 epter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du déses
228 e merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la mort. Tout était merveill
229 ussi la religion avec le courage du suicide. Dans sa résolution, il se sentait graduellement attiré par le Christ. Il se d
230 qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les expres
231 ourraient dépasser une action immédiate ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en
232 r sa difficulté. Les rares allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les
233 nds. La nature, le sommeil et les enfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi mesurer la valeur chrétien
234 se. Mais la qualité du regard qu’un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine. Au cours d’un liv
235 es formes du mal, jamais vous ne surprendrez dans ses yeux rien du moralisme glacial des « honnêtes gens », ni rien du dogm
236 eux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion ca
237 itale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette expre
238 pour les autres, mais de la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation.
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
239 éité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui est
240 rvu dans une mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarc
241 errain purement moral ou immoral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté
242 le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’apho
243 . Non seulement Gide a presque toujours raison de ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte les
244 xcusant. Il apporte les plus délicats scrupules à sa justification, « prêt à tous les effacements » (p. 59). Là où d’autre
245 ent et fignolent avec un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il
246 indiscrétion, et cette retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver
247 u’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui veut la perdre la rendra vraiment vivan
248 ement, celui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pour la rendre vraiment vivante, ce
249 en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue
250 enterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale lor
251 le. Les Lettres au cours desquelles Gide répond à ses critiques sont tout à fait significatives à cet égard. L’on est d’abo
252 satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le dit : son « paysage intérieur ». « Je pui
253 y découvrir son originalité, ou comme il le dit : son « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’est pas à moi-même que
254 reinement contradictoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autremen
255 ire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se pr
256 engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéresse, n
257 qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contrad
258 nité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans doute, l
259 ons et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montré qu
260 ù le monde tourne lentement et formidablement sur ses bases sociales et religieuses. Ah ! comme tout cela est juste et net,
261 re, complaisant et sans vénération. Complaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d’une étrange indiscrétion. Gide sa
262 l rester un maître pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde de demain va contraindre, contraint déjà à
263 me plaît surtout dans ce récit frémissant, c’est sa noblesse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l’homme, no
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
264 amour et la divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui,
265 son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il nous f
266 protestante contre le Cardinal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Arma
267 orcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, comme Gide — que le
268 i très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes certains d’intéresser les
269 dans la jouissance présente. La structure même de ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence
270 outes ensemble. Dès l’année 1886, où il publiait son essai, Frommel donnait ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne sera
271 ne serait-il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs de G
272 anchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucune paix dans une intimité purement hum
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
273 e a rallié tous les suffrages féminins, et classe son auteur dans la lignée de ces fameux « moralistes français » auxquels
274 s et gris profonds). Un critique fort écouté29, à son propos, fit observer que les romanciers protestants montrent de préfé
275 rotestants montrent de préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attar
276 e le catholique Mauriac s’attarde au spectacle de sa décomposition. Ici la famille qui résiste, là la famille qui se défai
277 acinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son expression moderne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’une é
278 de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinciaux énervés par la vie des bar
279 erger une volonté consciente de réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories de la grâce et
280 d’incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confi
281 comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchem
282 use donne lieu à des formes d’art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le protestantisme de la fi
283 ement spirituel notre fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la p
284 que certains, déjà, disent banale, pour lui ôter sa force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression d’une doctrine héro
285 int. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire toute
286 toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis de la natur
287 d’autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis de la nature humaine, qui, selon cette vue, serai
288 oxe ne saurait l’être sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément à l
289 et pratiquement athées. Voici donc l’homme, dans sa condition menacée, réduit aux seules défenses qu’invente son calcul.
290 on menacée, réduit aux seules défenses qu’invente son calcul. Voici l’homme livré à lui-même, c’est-à-dire à son pire ennem
291 l. Voici l’homme livré à lui-même, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de
292 onduit le protestantisme à la négation absolue de son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’el
293 oit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou sereine, il faudrait pour en douter que l’on ait
294 l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat, d
295  » ne saurait être qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des trac
296 ères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des traces qui « malgré tout » révèlent ses origines. Triste je
297 son œuvre des traces qui « malgré tout » révèlent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs d’une atmosphère moraliste,
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
298 mans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une i
299 mme de toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif
300 tes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l’his
301 prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec u
302 rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’e
303 dale chrétien, que gît la faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le sen
304 e « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu
305 ervenir, à la fin, « l’amour d’En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrétien, comme antichréti
306 érable d’une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à d
307 anité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attes
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
308 eux qui divisèrent les précédentes — elle éprouve son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’est plus
309 veur du marxisme, philosophie antichrétienne dans son essence, et par suite, dans l’action qu’elle commande à des millions
310 lui tend à la suppression de la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle serait plus efficace si on
311 ersonne humaine. Le choix des sujets abordés dans son livre montre un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfu
312 l et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré
313 rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populisme d
314 is il est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indiquer « des positions de résistan
315 est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses origines politiques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des
316 évèle ses origines politiques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’une vérité toute statique,
317 sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il
318 c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de n
319 d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous
320 ourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, tel es
321 eois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On peu
322 les sont trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se pressent en paragraphes hachés, sur un ton uniform
323 zan, la philosophie régnante est caractérisée par son refus d’aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des
324 ilosophie et ce qui arrive aux hommes en dépit de sa promesse. » M. Brunschvicg fait un cours sur la technique du passage
325 olères de leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travail, leur chômage, leurs vacances, les guerres
326 tuation concrète, M. Nizan a tellement raison que son entreprise est suffisamment justifiée. Pour le reste, c’est la politi
327 otal, éternel et urgent. Je demande à M. Nizan si son appel à une philosophie vraiment humaine, dont les pensées concernent
328 concernent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse poss
329 re l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a pas
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
330 mme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’il a
331 Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Allemagne remonte aux premières années de l’après-guerre, i
332 société qui jouit d’une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions romanesques. Le roman est un genre b
333 is l’homme qui toute la journée a senti peser sur son œuvre la menace des forces terribles déchaînées dans le monde contemp
334 , puis s’affoler, entrer en décadence, et rêver à son tour une révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir
335 nité risque de mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le mon
336 rd Grasset, dans un article retentissant, annonça son intention de « casser les reins au roman », on put croire à un mouvem
337 mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de to
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
338 es entiers s’exaltent pour une dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces e
339 ttue en brèche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune
340 fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés
341 se défendrait-il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou racistes ont bien vu le danger. Ma
342 dominés par la classe ou la race, et c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins c
343 r siècle, l’homme isolé qui cultivait jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’hom
344 de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste de
345 ttitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien d’autre que l’att
346 fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en
347 dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous de rechercher dans vos pensées les origines co
348 rt véritablement humain, celui qui unit l’homme à son prochain. Or, ce prochain, l’Évangile seul nous le désigne, bien plus
349 rochain ? Ce docteur se disait sans doute : aimer son prochain, c’est bien vague, cela me paraît assez sentimental… Jésus l
350 octeur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lui faire comprendre : le prochain, c’est cel
351 les destins du siècle, lui seul atteint le mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les gran
352 réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’est pas un
353 mais c’est une consolation. Je prends ce mot dans son sens le plus fort, tel que le donne l’étymologie. Consoler, c’est lit
354 t pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il
355 sance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une ren
356 se ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà l
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
357 n d’un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrait s’aligner, dans cet ordre, avec un honnête roma
358 public », celui-là même qui, chez nous, consacre ses loisirs à dévorer des prix Goncourt, justifiant les plus grosses manœ
359 as un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risquerai
360 ne activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquement
361 e proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il avait fait en exil : « J’ai vécu, Monsieur,
362 nsée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’acte et nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’
363 vent un homme que l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des problèmes qui se posent en fait. Mais que faut
364 use ni plus nette vocation. Le lieu, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la pensé
365 action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser.
366 morales que toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa
367 Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les gra
368 rétien, mais le risque plus immédiat de faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui, d’introdu
369 de l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détournée dans l’affirmation paradoxale que les premiers s
370 u). Ce qu’il y a d’inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui, fait antic
371 ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire q
372 passage de ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment — ce que je fais pour ma part sans réserv
373 anitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profondeur e
374 ’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse centrale : nous en sommes venus à substituer « l’amour de l’hum
375 parence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que cette
376 mme du ressentiment 47, M. Marcel est catholique. Sa méditation sur le Mystère ontologique est la première œuvre philosoph
377 ière œuvre philosophique qu’il ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle marque un élargisseme
378 rgissement en même temps qu’une simplification de sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de ceux
379 l’activité de ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté très nette de passer outre aux prudences
380 le, par suite, de s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’ê
381 sage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient pa
382 tort au caractère concret de cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre
383 homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il indique entre l’o
384 . 47. Converti au catholicisme après avoir écrit ses premières œuvres, et devenu l’un des chefs du parti catholique parmi
385 le recueillement décrit par M. Marcel trouverait sa place, entre la prière et l’acte, seuls moments d’unité dans la vie d
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
386 hague en 1813, et y mourut en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit
387 douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder les moutons dans la plaine du Jutland. Un jour, acca
388 sait mourir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierke
389 c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant et un
390 t une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas
391 aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affa
392 ra son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à
393 it-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. I
394 es intellectuels, le petit peuple. On connaissait sa silhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’« original ». On
395 s, le petit peuple. On connaissait sa silhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’« original ». On savait aussi qu
396 issait sa silhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écriv
397 savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’il s
398 ssi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’il se fit mie
399 tianisme officiel et les évêques qui avaient loué ses premières œuvres, il se vit abandonné dans la plus complète solitude
400 tous les hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son act
401 l événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put mou
402 upture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put mourir, certain d’avoir accompli sa mission
403 ès lequel il put mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme officiel, au nom
404 urir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme officiel, au nom du Christ de l’Évang
405 is pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’édification, remp
406 mes. Ce furent les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques, de la Répétitio
407 les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques, de la Répétition à l’Exercice
408 ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière respon
409 eu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, l
410 it le mener à la mort parce qu’elle accomplissait sa vocation chrétienne. ⁂ On a comparé Kierkegaard à Nietzsche, à Dostoï
411 prétations les plus diverses. Elle assure aussi à sa pensée une influence multiforme, et qui va croissant avec le temps. L
412 mps. La philosophie allemande contemporaine, avec ses deux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie
413 grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa
414 ’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie entre
415 eu et l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et humble, ironi
416 ns réel et profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et humble, ironique et pourtant fonci
417 critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut le
418 profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
419 n en croit les écrits les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contre le règne de
420 nt-il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’anonyme. Mais en
421 y a pensé. Les plus hardis parlent déjà de rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé perdre ?
422 ément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, — que les discours des r
423 vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme exi
424 us l’apprendre. On commencera par mettre en doute son sérieux : « Qui est le docteur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépo
425 lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop
426 temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idées so
427 ns trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliqu
428 as monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en public
429 e d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obs
430 table ? Épuisé par ce long effort démesuré contre son temps, accablé par la réprobation générale, il s’en ira mourir à l’hô
431 rale, il s’en ira mourir à l’hôpital, en disant à son seul ami : « Salue tous les hommes ! Je les aimais bien tous… » Cela
432 la puissance que le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la
433 istoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous prépar
434 t n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner de son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’est p
435 la mort, comme un sceau d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal
436 de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous sommes sourd
437 regard qui nous perce, et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui définit le desti
438 e don d’exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui coupe la tête ! » Alors, le chat s’élève dan
439 , le chat s’élève dans les airs et peu à peu rend son corps invisible, seule subsiste sa face hilare au-dessus des bourreau
440 eu à peu rend son corps invisible, seule subsiste sa face hilare au-dessus des bourreaux pantois, qui se refusent dignemen
441 s moments, il s’amuse à renaître. On voit d’abord son rire, rien que son rire qui plane, immatériel. Ensuite, seulement, la
442 se à renaître. On voit d’abord son rire, rien que son rire qui plane, immatériel. Ensuite, seulement, la tête se recompose
443 ame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a mont
444 ure de son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a montré « le comique infini ». Il faut risquer c
445 ps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui qui se réclame de l’esp
446 suppose, sans autre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétien
447 e pour le sort de l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, exactement comme si l’Esprit n’exista
448 t suppose sans autre que le chrétien souffre pour sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont
449 e que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’a
450 t. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « O
451 foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut,
452 ontradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous contraint à l’originalité. « Mais quoi, professeurs et di
453 age de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la
454  ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la caté
455 au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien des m
456 ’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard appelle, c’e
457 ue Kierkegaard appelle, c’est l’homme seul devant son Dieu. Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il
458 isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde tel que Dieu l’a créé, s’oppose à la
459 ant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. C
460 à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce mond
461 elui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant
462 être soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans la transformation effec
463 tre ce qui la suscite.58 » Et celui qui recourt à son moi révolté contre les forces d’anéantissement, s’appuie sur le néant
464 néantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’est un aristoc
465 s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la
466 mesure où il agit, et pénitence dans la mesure où sa vocation le dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’est poin
467 raigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien de lui. La foule nous
468 leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour
469 fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais
470 orsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas
471 ains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en
472 radation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « lois » historiques ou sociologiques sont comme une inversion de la
473 pposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évidemment actuel. Hegel a
474 e, la dialectique, finalement, l’homme lui-même à ses propres yeux. Il a voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale
475 ds, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégélianisme
476 cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras proclame après Auguste Comte : « Les mor
477 ce ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses conditions : « l’intelligible providence surnaturelle ! ». Toute-puis
478 ttitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkegaard
479 ité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens de
480 a perfection idéale, je peux rêver ma vocation et ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce moment
481 om de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette
482 r », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis se justifie… Mais si
483 rait permettre d’accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peu
484 croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assujetti
485 port il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une colle
486 e, et mon discours est vain. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce q
487 in. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’est la solitude dont Kie
488 sa réalité brutale, dans son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il
489 sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comm
490 pour l’enseigner. C’est au sel qu’il faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’être insipide. Rie
491 t de protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie. 56.
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
492 utant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma connaissance, tout au moins, pres
493 t lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan intern
494 à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de
495 git pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail, mais de sacrifices pour lesquels on joue
496 ifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail, mais de sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence
497 travail, mais de sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le destin de ces déracinés, ce sera dé
498 in la vision d’une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute stature
499 ssant de son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute stature de Pillau se dresse devant lui. Une fois
500 là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspe
501 anglais se dissocie lentement. La France doute de sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en
502 ion humaine ». C’est qu’elle éveille, en dépit de ses intentions nationalistes — au plus haut sens du mot, je le répète, ma
503 loge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puisse comparer, tant p
504 venture, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’êtr
505 lanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bandes de
506 deux bandes de mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goû
507 extrêmes, où se dénude le fond secret d’un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-il jamais
508 dénude le fond secret d’un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-il jamais lui-même que dan
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
509 ions où nous pensions pouvoir nous abriter contre son risque salutaire. M. Bolle a réparti les fragments traduits en trois
510 acun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout à fait historique, elle témoigne par ce fait que l’human
511 dversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui est ad
512 lâtrie de notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, d
513 lus conscients de ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique historique de Karl Marx. En vertu de
514 que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je
515 en Dieu, en la liberté et en l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’est qu’ensuite que vous pousse la véritable de
516 ne fois aux « croyances » héritées sans examen de son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur de
517 ans examen de son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’est pas né à
518 ux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâc
519 r de former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tou
520 dre le repas sacré plus au sérieux que le menu de sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jug
521 que chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profond. Et touj
522 epentir ! Le remords ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit
523 es me laissent presque toujours plus perplexe sur son compte qu’inquiet sur le mien. Mauvais signe pour un penseur qui a en
524 dance à confondre l’autorité et la violence. Mais ses violences sont contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont il fa
525 ailleurs l’apologie, mais sans jamais « déclarer ses valeurs », sans jamais renvoyer à une autorité centrale qui donnerait
526 oi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzsche
527 ien cultivé et spirituel a donné au christianisme sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christian
528 irituel a donné au christianisme sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de
529 sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la
530 régime s’est établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d’Ein
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
531 ension spirituelle dans laquelle l’Europe a puisé son dynamisme créateur. Tension dont le débat du libre arbitre, opposant
532 er68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit,
533 it, sans tarder, que la discussion avec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’est, en fait, que le support appare
534 ignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue habituelle, excité (bien plutôt que « désarmé », comme il le d
535 ifficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plu
536 er, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’il n
537 nté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre a
538 dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès l
539 r qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès lors dans ce Tr
540 omme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verd
541 t les objections, donne à la thèse adverse toutes ses chances, non sans ironie toutefois, et sait enfin conférer à son choi
542 n sans ironie toutefois, et sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une constatation évidente. D’un poi
543 trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses reflets dans la conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de
544 té, Dieu a tout prévu, et rien n’arrive que selon sa prévision. Luther ne pose pas seulement l’omnipotence, mais l’omnisci
545 ience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre
546 objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a une d
547 est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de
548 ut prévu éternellement, adresse à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe e
549 : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant au
550 le se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y
551 e Dans l’Église, une fois acceptés le Credo et son fondement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par
552 envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l’homme possède au moins « un f
553 reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le
554 ans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle prévi
555 divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamentale que posent les ra
556 proposition qu’on lui faisait, en 1537, d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun d
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
557 nxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il soit enco
558 rtée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui avaie
559 tale de l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, e
560 e lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer une
561 mosaïque de mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit exprimer d’une façon nécessaire sa nature mêm
562 on politique doit exprimer d’une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire en termes d’organisati
563 t exprimer d’une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire en termes d’organisation pratique les p
564 e la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appels à l’union, précisément, que Paul établit avec le plus de force
565 vines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit être au
566 Esprit. Aucune église ou secte n’a jamais nié que son chef réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était sur la
567 es. Une Église qui prétend se suffire et posséder son principe d’unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mi
568 i tend à se fermer par le haut pour mieux assurer sa cohésion humaine, devient à la fois isolée et génératrice de schismes
569 ient à la fois isolée et génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’unité s’opp
570 Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en d
571 candale, et c’est alors que le corps souffre dans son chef et dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vital
572 alors que le corps souffre dans son chef et dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de
573 rmale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres
574 n de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un mêm
575 e image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme de
576 l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner
577 ontraintes qui le rassurent, et où l’État reprend sa puissance. C’est Rome alors qui nous donnera le symbole éternel de la
578 iquide les groupes existants pour mieux accomplir son unification, sa « mise au pas ». C’est avec la poussière des individu
579 s existants pour mieux accomplir son unification, sa « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fai
580 t avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Mais cet État centralisé, cette unité rigide et trop contrôlé
581 ividuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’est pl
582 l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quelle s
583 ve d’une part une activité sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une di
584 ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré, et
585 in, puisqu’il possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt,
586 onome et en relation. Ainsi, le mot personne avec son sens nouveau, et la réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien d
587 es autres et le remet en relations concrètes avec ses semblables. La liberté est assurée par la possibilité constante de re
588 s de la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du particulier
589 présent se réclame du slogan utopique : à chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement de la personne chrétienne se
590 éfinissent du même coup par la formule : à chacun sa vocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine de l’homme, les mê
591 sse d’être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part des groupes locaux (région, commune, en
592 on a la possibilité matérielle d’y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’est do
593 Cette pluralité d’appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclésiastique — est exclue par le régim
594 rs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’unif
595 sme, ce serait priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir égalem
596 pter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses conséquences. Car la foi sans les œuvres n’est pas la foi.   Note. —
597 s et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nullement prêts à se souleve
598 tatons que le conflit en cours est insoluble dans son plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement des démocraties, ce
599 Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force, et sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’une ta
600 les barrières, le passé. C’est toute sa force, et sa victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’une table rase couv
601 t pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres termes
602 éforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres termes, dans la diversité « des Églises et des personnes part
603 type de relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans un fédéralisme plus ou moins accentué selon
604 oyaume, cependant que Sully, leur chef, concevait son « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan d’une Europe confédér
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
605 s TNT ». Condamner l’Europe et ne rien faire pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens de s’en tire
606 maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos ind
607 savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre part
608 se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité,
609 res chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances d
610 ix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre projet ?
611 but est d’accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes,
612 xistant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radi
613 ux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, encore moins de cr
614 lles ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent : sa structure leur dicte ses lois. Quant au « grand public » de la droite
615 eulement l’ambitionnent : sa structure leur dicte ses lois. Quant au « grand public » de la droite et aux « masses » de la
616 un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité entre deux attitudes : — opportunisme à très court terme (tr
617 t motivés luttant contre la pollution sous toutes ses formes, des emballages plastiques aux déchets plutoniens. À partir de
618 ent propres… Mais comme tout le monde déjà oublie sa peur et la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines, de nouvelles
619 hie ne veut ni prédire ni cacher, mais il indique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il
620 issez-vous ! Le mot doit être ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « dev
621 reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était
622 quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et re
623 la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités de
624 du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup la Nature ; si l’on remplace
625 e, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de m
626 d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’H
627 r, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais