1
oire n’a pas connu de période où les directions d’
une
civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore,
2
s d’une civilisation apparaissent plus nettement.
Un
certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation généra
3
Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire,
une
organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps
4
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’
une
question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
5
i et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
une
époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux
6
is près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’
un
étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être d
7
ar éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts
une
absurdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-il fait fausse r
8
ntraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts
des
villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte hu
9
ésert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas
des
machines couvre déjà la plainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le
10
passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent
une
imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherche
11
ent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans
une
belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous
12
péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a
une
lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer l
13
aine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’
une
époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suff
14
’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme
un
symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est
15
fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
des
outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit
16
enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
des
outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événe
17
» il met dans l’expression), c’est la rencontre d’
une
locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperç
18
grande et constante ambition a été de construire
une
bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la constru
19
es étapes de sa jeunesse sont : la construction d’
un
moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première a
20
nt : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’
un
moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temp
21
nicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société
des
automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d
22
nique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est
une
suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en a
23
n année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui
des
milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
24
, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’
un
résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
25
t de vue technique. L’organisation de ses usines,
des
salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouv
26
ique. L’organisation de ses usines, des salaires,
des
conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent
27
qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
une
solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’es
28
ux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est
un
résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les grie
29
. Au contraire, il a résolu la question sociale d’
une
façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquel
30
squels ont coutume de promettre à leurs électeurs
une
organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les
31
monde, seule méthode capable d’empêcher les abus
des
capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’
32
Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre
une
impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cel
33
ours au récit de succès mirobolants, et le charme
un
peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’
34
l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
des
« idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourr
35
popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et
des
livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il,
36
il. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment
un
économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne
37
que — soit conditionnée jusque dans le détail par
une
idée fixe primitive. Considérons-la sous cet angle. Il y a d’abord la
38
e d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
un
exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisation
39
propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde
une
usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambi
40
oduction, avec cette netteté et cette décision qu’
une
passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en m
41
e d’action. Enfin, le voici en mesure de produire
des
quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut
42
s. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner
une
apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrai
43
isse suffisamment les prix, on ne trouve toujours
des
clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit to
44
soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons
un
peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’
45
de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’
une
cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’a
46
u, la production devant se maintenir, il n’y a qu’
une
solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le clie
47
gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers
un
objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement
48
l ait forcé (psychologiquement) le client à faire
une
dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses vérita
49
omperie-là. Elle peut amener, en se généralisant,
une
sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préser
50
ir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans
un
article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y
51
uris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne
une
apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage
52
ister qu’en progressant. Mais la nature humaine a
des
limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se d
53
se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
des
buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’id
54
ue l’idée fixe de produire peut très bien envahir
un
cerveau moderne au point d’en exclure toute considération de finalité
55
alité capitaliste américaine. Voici, par exemple,
une
définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant
56
ie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte
un
nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que
57
éalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
des
déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines
58
considère pas les machines Ford simplement comme
des
machines. J’y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à f
59
des machines. J’y vois la réalisation concrète d’
une
théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les homm
60
ncrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde
un
séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salut par l’a
61
les tracteurs, mais composent en quelque manière,
un
code universel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
62
! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que
des
centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », ap
63
r que des centaines de milliers de lecteurs, dans
une
Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet o
64
et orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ?
Un
seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de l
65
ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer
des
conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des p
66
alors que Ford passe outre et se remet à discuter
des
points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital
67
ssianisme de la machine, méconnaissance glorieuse
des
forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un sim
68
uelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec
un
simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle es
69
que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste
un
peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’hom
70
r ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’
une
catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir oblig
71
able, par crainte de se voir obligé à la révision
des
valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut fai
72
us le soleil » derrière lequel on se réfugie avec
une
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
73
derrière lequel on se réfugie avec une paresse et
une
légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de cho
74
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’
une
complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit
75
eté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
un
état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’e
76
donne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui
une
aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur d
77
ire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel
une
grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n
78
Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part
des
forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. No
79
éritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà
un
fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ?
80
un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
un
exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affai
81
rs, on tranche les grandes questions humaines est
une
des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette per
82
on tranche les grandes questions humaines est une
des
manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte d
83
thique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas
une
philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place. Les
84
.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec
une
maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fo
85
tre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans
un
anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans
86
fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à
des
lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois p
87
tre, l’homme s’abandonne à des lois géométriques.
Un
jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il se
88
au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse
des
dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine l
89
e des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à
une
nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une
90
sine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à
une
liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, sou
91
lus subtilement encore que son travail aux lois d’
une
offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il
92
encore que son travail aux lois d’une offre et d’
une
demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docileme
93
la s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était
un
membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus
94
chéance, abandonné à la lutte tragique et absurde
des
lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps
95
lutte tragique et absurde des lois économiques et
des
exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact
96
ar là même, avec les surnaturelles. Il en ressent
une
vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
97
ir inventé ou compris par soi-même, la liberté et
une
certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
98
ains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné
une
auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne l
99
e la nature, il est condamné à ne plus saisir que
des
rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien
100
tal a prétendu maîtriser la matière et parvenir à
une
liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles qu
101
une liberté plus haute. Or, la technique a révélé
des
exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne don
102
ir de notre liberté. La victoire mécanicienne est
une
victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne somme
103
ne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne
une
liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant
104
iennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans
un
monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est
105
l fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé,
des
anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté de
106
fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas
un
luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
107
histes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas
une
faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences e
108
lté destinée à amuser nos moments de loisir, il a
des
exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec ce
109
a technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’
une
espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vi
110
elque chose de la vie profonde, qui voient encore
des
vérités invisibles, qui gardent, par quelle grâce ? un peu de cette c
111
s savants nomment mysticisme et considèrent comme
un
« cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risquerai
112
nt comme un « cas » très spécial, — on les écarte
des
engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugi
113
he de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’
une
sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette
114
t Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’
une
attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la pér
115
à la période préindustrielle soit autre chose qu’
une
échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
116
l n’est plus temps de se désintéresser simplement
des
buts — si bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquel
117
esser simplement des buts — si bas soient-ils — d’
une
civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se
118
quelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà
des
révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré, devenu presque
119
se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’
un
mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellect
120
ns sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont
une
tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dile
121
eté et courage. Pour le reste, je pense que c’est
une
question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les li
122
te, je pense que c’est une question de foi. 1.
Une
enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand
123
« Pour
un
humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)b c Deux menaces
124
« Pour un humanisme nouveau » [Réponse à
une
enquête] (1930)b c Deux menaces mortelles assiègent notre conditio
125
de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre
une
anarchie et une fatalité également funestes, également démesurées, l’
126
es lois de la matière. Pris entre une anarchie et
une
fatalité également funestes, également démesurées, l’homme ne peut su
127
son génie parvient à composer les deux périls en
une
résultante qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art de compo
128
er pour la défense de l’homme et son illustration
des
puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanism
129
sances de nature inhumaine. Nous pourrons définir
un
tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions
130
té, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’
une
harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et
131
créations et notre connaissance ; le sentiment d’
une
harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans l’a
132
devoir transmettre aux générations cette notion d’
un
équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ainsi
133
orme. Brusquement, nous voici « gagnés » par l’un
des
éléments de notre destin. La composante matérielle vient de l’emporte
134
C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste
des
humanités. L’humanisme est compromis virtuellement dès lors que la sc
135
Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère
des
insolences d’affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés
136
lé les tours de la pensée scientifique. Cherchant
des
lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’e
137
herchant des lois, la science ne peut trouver que
des
déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’est en réalité le
138
matérialisme entreprise par certains philosophes
des
sciences fait-elle songer à l’activité de cet espion anglais qui parv
139
6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’
une
odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se
140
notre pensée reste imprégnée. La science se moque
des
nuages qui animaient la matière d’intentions morales. Elle-même cepen
141
ccupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’
un
nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons
142
rgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager
des
fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines
143
hant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’
un
« humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos i
144
is que l’esprit qui l’a créée, la surpasse7. Seul
un
parti pris constant en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre
145
surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’
une
pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pensée
146
iel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’
une
culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indépen
147
s l’humanisme nouveau sous l’aspect d’une culture
des
facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indépendante de tou
148
l’aspect d’une culture des facultés mystiques ; d’
une
technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse particuli
149
uilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine
une
méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entrepri
150
ous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode,
une
façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne b
151
indoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par
des
rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du c
152
autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’
un
nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tent
153
nisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire
une
tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme paraît enclin :
154
lle tout humanisme paraît enclin : celle de créer
un
modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un
155
éer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé
un
modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est
156
e. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin,
un
canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe
157
pouvoir, s’il en eut, ne s’étendit guère au-delà
des
limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés milita
158
tleman. Le rabais est notable. On solde. Au rayon
des
idéaux de confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen
159
est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente
un
syncrétisme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui des races d
160
décadence invente un syncrétisme. Rome eut celui
des
dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi com
161
sme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui
des
races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos
162
nous aurons celui des races de la Terre. Non plus
une
foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de co
163
races de la Terre. Non plus une foi commune, mais
une
moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le
164
commune, mais une moyenne de nos manières d’être.
Une
sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis
165
commun dénominateur… (Le christianisme en connaît
un
, depuis toujours : il le nomme péché.) Tous les modèles que l’homme s
166
u’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’
un
ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un die
167
participe, en esprit, d’un ordre transcendental.
Un
seul fut parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un n
168
ndental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était
un
dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but
169
tement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’
un
nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction : i
170
dons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne
un
but, ni même une direction : il y réussirait trop aisément. Ce qui ma
171
uvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même
une
direction : il y réussirait trop aisément. Ce qui manque à l’homme mo
172
aisément. Ce qui manque à l’homme moderne, c’est
un
principe d’harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de
173
tilicon défendant l’Empire. 7. Or, Bergson, dans
un
discours prononcé à l’Académie des sciences morales et politiques, en
174
, Bergson, dans un discours prononcé à l’Académie
des
sciences morales et politiques, en 1914, a posé le problème en termes
175
y trouveraient bien leur place : la connaissance
des
étymologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b
176
place : la connaissance des étymologies est l’une
des
garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de, « P
177
ves de la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour
un
humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245.
178
te suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi
des
études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à div
179
royale (février 1931)d M. André Malraux écrit
des
livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu pl
180
on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte
un
peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd
181
ine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’
un
jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la révo
182
r goût de l’expérience, conférait à tout le livre
un
caractère assez directement autobiographique. La philosophie de ce Ga
183
le que M. Malraux venait justement d’exposer dans
un
petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l’Occident. La
184
t. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit
des
événements qui précédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est un
185
récédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est
un
roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains égards et qui cett
186
ure la plus sauvage. Comme Les Conquérants, c’est
une
sorte de roman d’aventures significatives, et dont le tragique est dé
187
t décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit
des
héros. Un jeune Français a décidé d’aller fouiller les temples en rui
188
ar la valeur qu’il prend dans l’esprit des héros.
Un
jeune Français a décidé d’aller fouiller les temples en ruines de la
189
e la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir
des
bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix considérable. Sur le batea
190
découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
un
prix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’œuvre, il s’ass
191
bateau qui l’amène à pied d’œuvre, il s’associe à
un
aventurier danois, Perken, personnage énigmatique qui possède une sor
192
anois, Perken, personnage énigmatique qui possède
une
sorte de puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, e
193
régulière, dans le Siam, et auquel l’auteur prête
des
caractéristiques qui le rapprochent du Garine des Conquérants : « hos
194
des caractéristiques qui le rapprochent du Garine
des
Conquérants : « hostilité à l’égard des valeurs établies…, goût des a
195
« hostilité à l’égard des valeurs établies…, goût
des
actions des hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout
196
à l’égard des valeurs établies…, goût des actions
des
hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus de
197
onscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus
des
« conditions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissanc
198
des « conditions » de la vie sociale, au profit d’
une
volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère
199
i entoure Perken durant tout le récit, au travers
des
aventures des deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la for
200
en durant tout le récit, au travers des aventures
des
deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la forêt tropicale,
201
puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
un
relief étonnant, mais contribue à créer des obscurités que le style t
202
onnage un relief étonnant, mais contribue à créer
des
obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour
203
n en rencontre dans les affaires — qui se donnent
une
espèce d’autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couv
204
s que par allusions et mots couverts. Il intimide
un
peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. A
205
ésespoir, parce que l’action, à tout prendre, est
une
défense contre la mort — la mort partout présente « comme l’irréfutab
206
tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées
des
Moïs, est un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la
207
« pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est
un
morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la révolte d’un
208
et atroce où éclate douloureusement la révolte d’
un
être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ai
209
évolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’
une
« défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette ave
210
étiques de cette aventure composent en définitive
une
méditation sur le destin de l’homme. Chez Perken comme chez Garine, m
211
qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’
une
« fraternité désespérée » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, compo
212
e » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, compose
une
figure originale certes, mais à tel point que sa portée ne saurait dé
213
ais à tel point que sa portée ne saurait déborder
un
petit cercle d’esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût d
214
et atteints jusque dans leur goût de l’action par
un
intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le cas Malraux pou
215
ur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits
des
meilleurs peintres ressemblent à ces peintres sous les traits du modè
216
emblant du maître ? Ainsi apparaissent au travers
des
actions et des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une in
217
re ? Ainsi apparaissent au travers des actions et
des
discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité mor
218
raissent au travers des actions et des discours d’
un
Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est
219
ravers des actions et des discours d’un Garine, d’
un
Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute qu
220
s discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’
une
individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte qu
221
dhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer
un
semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce que plus cohéren
222
arine est la personnification la plus frappante d’
un
certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que
223
paraît absurde, parce qu’il refuse de lui trouver
un
sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’est pas
224
conquérant ; plutôt érotique qu’amoureux ; voué à
un
orgueil sans issue, puisque pour lui n’existe aucune transcendance où
225
jourd’hui le livre « bien pensant » qui pose avec
une
pareille acuité le problème central de notre civilisation. À ce titre
226
e, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’
un
refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les
227
est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à
un
point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aus
228
. 10. La Voie royale n’est que l’introduction à
une
série de romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Gonc
229
as-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme
une
fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de
230
lasphèmes, de la pornographie en outre violations
des
lois divines et humaines, n’eussent vraisemblablement pas fait encour
231
ns les moins faits pour s’entendre : ce n’est pas
un
mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la dialect
232
st pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’
une
époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce qu
233
stion sociale. Ainsi, sommes-nous amenés à donner
une
« importance » relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’elles
234
ous amenés à donner une « importance » relative à
des
œuvres qui « signifient » plus qu’elles ne « sont ». L’on mesure ici
235
littérature d’avant-guerre, qui était avant tout
un
art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’elle n’invente ou
236
et dans la société. Elle a l’absence de scrupules
des
gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelques remarques no
237
é. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont
une
mission urgente à remplir. Ces quelques remarques nous placent sous l
238
l manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’
un
jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le to
239
que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
un
homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise
240
e vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être
un
homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vie i
241
nts au Tonkin. Et non Bouddha13. — La liberté est
un
pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi
242
on Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et
une
volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positio
243
son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’
une
« image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la
244
ge fortement concentrée de notre mère l’Europe »,
un
lieu où la vie occidentale se trouve « décantée jusqu’à l’essence, to
245
ut ce qui allongeait la sauce évaporé. Il demeure
un
résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des hommes se t
246
du impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie
des
hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’éta
247
nts, eux, viennent de tout l’Orient. « On pense à
une
Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange d
248
u vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser
une
réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme q
249
et sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans
un
tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême,
250
qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire
un
grief plus grave : elle subordonne toute réforme à une préalable révo
251
rief plus grave : elle subordonne toute réforme à
une
préalable révolution économique qui paraît de plus en plus impossible
252
plus en plus impossible, car elle équivaudrait à
une
transformation radicale des conditions matérielles de la vie humaine.
253
r elle équivaudrait à une transformation radicale
des
conditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peu
254
perpétuellement de la vérité religieuse. Il parle
des
religions avec une incroyable légèreté, — en littérateur qui cherche
255
la vérité religieuse. Il parle des religions avec
une
incroyable légèreté, — en littérateur qui cherche l’effet pittoresque
256
par nos missions (c’est si vraisemblable !) mais
un
normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, d
257
les deux objets les plus révoltants de la terre :
une
église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui se prétend hum
258
ets les plus révoltants de la terre : une église,
une
prison. » Triste carence d’un jugement qui se prétend humain ! Pensez
259
erre : une église, une prison. » Triste carence d’
un
jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soit
260
ommes dans les églises que dans les prisons, — et
des
hommes qui viendront y trouver leur liberté. Mais pourquoi dira-t-on
261
Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris d’
une
révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attitude
262
égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent
une
attitude de plus en plus fréquente chez les jeunes intellectuels : or
263
tte vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
des
« valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’ils peu
264
ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est
une
forme aiguë de ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme
265
lariser, pour se constituer en dehors de Dieu sur
des
bases purement humaines ». Aux yeux du « séculariste », bien entendu,
266
t comme périmée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’
un
homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos
267
ce sécularisme que répond M. Gabriel Marcel dans
une
belle conférence prononcée au Foyer des étudiants protestants, et que
268
rcel dans une belle conférence prononcée au Foyer
des
étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dan
269
s étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue
des
jeunes publie dans son numéro du 15 février15. M. Marcel analyse troi
270
titudes typiquement sécularistes : la philosophie
des
lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui es
271
technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est
une
occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique
272
ientifique de M. Brunschvicg, philosophe officiel
des
lumières. De quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se dem
273
ra en me faisant observer que cet orgueil n’a pas
un
caractère personnel, puisque l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entret
274
démocratie dont cet idéalisme n’est après tout qu’
une
transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéa
275
candale que constitue à ses yeux cette anomalie :
un
astronome chrétien. Comment un astronome peut-il croire à l’Incarnati
276
x cette anomalie : un astronome chrétien. Comment
un
astronome peut-il croire à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’a
277
? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer
un
distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amphibie plus exact
278
me, ce monstre, cet amphibie plus exactement, est
un
homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain ; e
279
s’il ne s’interdit nullement de rendre compte par
des
considérations psychologiques ou même sociologiques de ces survivance
280
ent de procéder en ce qui le concerne lui-même, à
des
analyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tê
281
ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à
des
réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 193
282
alyses ou à des réductions du même ordre. Lui est
des
pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’u
283
ctions du même ordre. Lui est des pieds à la tête
un
homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qu
284
homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’
un
Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir les
285
es avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’
une
singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se tro
286
que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’
un
marxiste, par exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit est u
287
ple, qui lui déclare nettement que son Esprit est
un
produit purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui faudr
288
nomique, il lui faudra se réfugier dans la sphère
des
abstractions les plus exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme
289
tions les plus exsangues. Je pense quant à moi qu’
un
idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philoso
290
e de cette espèce est inévitablement coincé entre
une
philosophie religieuse concrète d’une part, et le matérialisme histor
291
l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’
un
philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la v
292
antipathie, M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec
une
netteté d’autant plus significative qu’ils touchent des problèmes ide
293
tteté d’autant plus significative qu’ils touchent
des
problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la v
294
on du monde. Je pense que tout chrétien conscient
des
problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à
295
me lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme
un
homme devrait vivre ». Mais alors, se dit-on souvent en lisant les cr
296
ent matériel n’y pourra rien, si radical soit-il.
Un
pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne lai
297
laisse plus subsister assez d’idéal pour nourrir
une
révolution. Par là même, il postule une réalité transcendante — ou al
298
r nourrir une révolution. Par là même, il postule
une
réalité transcendante — ou alors le suicide d’un monde empoisonné par
299
une réalité transcendante — ou alors le suicide d’
un
monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivist
300
croit en la puissance de l’homme pour se dégager
des
servitudes provisoires de la technique. Mais rien n’est plus hasardeu
301
e la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’
une
telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme il e
302
rts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce sont
des
réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais
303
e règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait
un
peu ce qu’est ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aur
304
sie. Les grèves, c’est encore l’Europe. 14. Dans
un
article des Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une sér
305
èves, c’est encore l’Europe. 14. Dans un article
des
Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une série d’études
306
Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant
une
série d’études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tou
307
du 20 février, inaugurant une série d’études sur
un
nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu’aura passion
308
Une
exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est don
309
s le temps qu’on cherchait à nous faire croire qu’
une
origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière ar
310
ous faire croire qu’une origine protestante était
un
vice rédhibitoire pour toute carrière artistique, un facteur de stéri
311
vice rédhibitoire pour toute carrière artistique,
un
facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’a
312
moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
une
même affiche et sous la double étiquette de protestants et de moderne
313
la double étiquette de protestants et de modernes
des
noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le scul
314
stère ; demandons-en l’explication à la Préface d’
un
si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parc
315
d’un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent
un
peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces
316
re maison on nous croyait peut-être enfermés dans
un
moralisme étriqué, ennuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n
317
Or nous n’étions pas raisonnables, nous faisions
des
projets dont on parlait, la nuit, dans les chambres où les curiosités
318
, la sincérité, l’amitié, s’arrondissaient autour
des
livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remua
319
ns de grands morceaux avec notre cœur. On remuait
un
climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec not
320
avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes,
une
spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeunesse le tragiqu
321
On remuait un climat de poèmes, une spiritualité
un
peu grave, on touchait avec notre jeunesse le tragique ou le merveill
322
hoses. Nous écrivions aux auteurs, nous recevions
des
livres, des lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout : le pasteur,
323
écrivions aux auteurs, nous recevions des livres,
des
lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout : le pasteur, le peintre
324
e », « couleur », « architecture ». Et Dieu avait
une
place plus grande dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. E
325
de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas,
un
ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui
326
iel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et
une
ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui expliqueron
327
d, et légitimeront aux yeux de beaucoup, le choix
des
œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des a
328
s. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble
des
artistes protestants, il s’agit de manifester les préférences d’une j
329
stants, il s’agit de manifester les préférences d’
une
jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite. La
330
nesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut
une
réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains critiques
331
, ce salon fut une réussite. La curiosité d’abord
un
peu sceptique de certains critiques, artistes ou écrivains, s’est mué
332
ains, s’est muée le soir du premier vernissage en
une
sympathie sincère et souvent fort admirative. Le titre de l’expositio
333
aine mesure la question délicate de l’existence d’
un
« art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes prot
334
ne constituent pas, en définitive, les éléments d’
un
art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’arti
335
ts d’un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’
un
plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’une réponse valable
336
plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’
une
réponse valable pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de
337
le, du fait même de la nouveauté que représentait
une
telle exposition, le caractère d’avant-garde des toiles frappait le v
338
une telle exposition, le caractère d’avant-garde
des
toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à distinguer les ca
339
inguer les caractères confessionnels. Espérons qu’
un
prochain salon, organisé s’il le faut dans de plus vastes locaux, pou
340
dans de plus vastes locaux, pourra donner accès à
un
ensemble aussi complet que possible d’artistes nés dans le protestant
341
es austérités de style ? — On s’y serait attendu.
Une
visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces c
342
ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez
des
artistes si différents les uns des autres. Au contraire, une vitalité
343
tanisme » chez des artistes si différents les uns
des
autres. Au contraire, une vitalité, une joie dans l’invention, une ha
344
s si différents les uns des autres. Au contraire,
une
vitalité, une joie dans l’invention, une hardiesse partout manifeste.
345
s les uns des autres. Au contraire, une vitalité,
une
joie dans l’invention, une hardiesse partout manifeste. Voici Dufy, l
346
ntraire, une vitalité, une joie dans l’invention,
une
hardiesse partout manifeste. Voici Dufy, le plus inventif des artiste
347
e partout manifeste. Voici Dufy, le plus inventif
des
artistes contemporains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme de
348
le plus inventif des artistes contemporains, avec
une
« Peinture » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterr
349
s artistes contemporains, avec une « Peinture » d’
un
intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de M
350
re » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec
un
« Enterrement au Pays de Montbéliard » grave et serein. Deux petits L
351
liard » grave et serein. Deux petits Lotiron font
un
coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout
352
imé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
une
Italie protestante » de P. Romane-Musculus. Des lithographies spiritu
353
r une Italie protestante » de P. Romane-Musculus.
Des
lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-
354
Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
des
illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des pers
355
ns de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent
des
perspectives pour de futures éditions d’art protestantes. La sculptur
356
tes. La sculpture est brillamment représentée par
un
« Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence e
357
entée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond,
des
animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész,
358
e et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un
des
rénovateurs de l’art photographique, expose un portrait frappant de r
359
n des rénovateurs de l’art photographique, expose
un
portrait frappant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exp
360
ute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est
un
véritable renouvellement de la peinture à sujet religieux qu’annonce
361
tte grande composition : trois longues croix dans
une
lumière dramatique, le corps du Christ déjà presque transfiguré en sy
362
s, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a là
une
tradition qui certainement est bien huguenote : elle remonte aux meub
363
Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent,
un
art protestant de fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ?
364
ent ? Il nous semble que cela supposerait d’abord
une
définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce
365
sme avant de pouvoir trancher de ce que doit être
un
art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art protest
366
ui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’
un
art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous p
367
mes, la définition d’un art protestant est liée à
une
conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance
368
ons même que la renaissance et l’épanouissement d’
un
tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est
369
anouissement d’un tel art seront conditionnés par
un
renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceu
370
tionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est
un
paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intér
371
osphère spirituelle qui préside à l’élaboration d’
une
œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se r
372
l’art montre d’accent et de vivante inspiration.
Une
remarque encore. Certains critiques de cette exposition se sont deman
373
isme dans tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’
un
salon d’art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme pa
374
ertainement, pour lui-même et aux yeux du public,
des
facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquem
375
es facilités que donne à sa production l’appareil
des
dogmes spécifiquement catholiques, concernant la Vierge et les saints
376
ant la Vierge et les saints. En deux mots, il y a
des
« sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais,
377
nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’
un
stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste pr
378
en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (
une
difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste protestant, le se
379
oit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas
un
poncif. L’idéal d’un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse
380
ant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’
un
artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est
381
sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser
un
art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art assez puremen
382
pas de réaliser un art « protestant » conforme à
une
doctrine, mais un art assez purement évangélique pour transcender la
383
art « protestant » conforme à une doctrine, mais
un
art assez purement évangélique pour transcender la confession qui lui
384
fession qui lui a permis de naître. La grandeur d’
un
art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont D
385
grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’
un
art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’artistes p
386
e qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, «
Une
exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avri
387
(avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’
un
philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amé
388
oût du colossal — transmis aux Américains — reste
un
trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets
389
connaître, a su, par trois fois, tenir en haleine
une
salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est
390
lant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est
une
performance qui vaut d’être enregistrée. Rien de très neuf dans cette
391
très neuf dans cette trilogie philosophique, mais
un
bel ensemble d’observations justes et souvent profondes sur les grand
392
vent profondes sur les grandeurs et les misères d’
une
ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière typ
393
condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’
une
spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe des m
394
ont il annonce le réveil au sein même du triomphe
des
machines, Keyserling apparaît comme un type très représentatif de l’O
395
triomphe des machines, Keyserling apparaît comme
un
type très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète orient
396
t. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel
des
Massis mal informés nous mettaient naguère en garde. Keyserling voit
397
fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
des
biens spirituels et matériels réservés autrefois à ceux-là seuls qui,
398
e ces biens : d’où la technique. Cette prétention
des
masses, légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement de presque to
399
) — la pauvreté est considérée de nos jours comme
un
mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’a
400
transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons
une
crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une ph
401
ation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’
une
philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primaut
402
ituel, mécanique et « formidablement ennuyeux » —
un
idéal de risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mai
403
ouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’
une
« introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessaire mais
404
nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle,
une
préparation nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’est pas la peu
405
ition humaine menacée par le matérialisme : c’est
un
idéal positif, immédiat parce qu’éternel. Là où Keyserling dit seulem
406
Au sujet d’
un
grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
407
l’intimité de milliers de lecteurs français avec
un
livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autr
408
de milliers de lecteurs français avec un livre d’
un
rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman du
409
are prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire
un
autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le char
410
te plus de 600 pages dans l’édition française — d’
un
rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt h
411
’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’
une
femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « rom
412
l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’
une
société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux dates
413
e presque toutes les grandes œuvres romanesques :
une
individualité et un milieu social bien défini. À ces deux éléments s’
414
grandes œuvres romanesques : une individualité et
un
milieu social bien défini. À ces deux éléments s’en ajoute un troisiè
415
non, c’est au contraire décharger ces critiques d’
une
tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dan
416
ar de très petits gestes qui, échappant soudain à
des
êtres d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, lais
417
corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent deviner
une
souffrance profonde, longtemps contenue. L’intensité des scènes gagne
418
ffrance profonde, longtemps contenue. L’intensité
des
scènes gagne à cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque de l
419
te haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’
un
charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autres.
420
harme qui attirera certains lecteurs, qui agacera
un
peu les autres. M. Charles Du Bos, dans la très belle préface qu’il a
421
ontestable que l’art a tout à gagner à se choisir
un
cadre étroit, voire même conventionnel. Racine en est le plus haut ex
422
autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à
des
considérations matérielles fastidieuses ; cela permet aussi de résoud
423
ues : les acteurs du drame n’hésitent pas à louer
une
villa à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’est plus tenable
424
nt sur les sentiments, et dès lors elle constitue
un
milieu privilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art es
425
« réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’
une
vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’exi
426
on mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec
un
jeune lord ; toute l’existence d’une femme qui ne cesse, jusqu’à sa d
427
ba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence d’
une
femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir
428
et de souffrir par son amour. C’était là choisir
un
sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’un
429
ment tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’
un
caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même
430
ar si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’
une
volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plu
431
e de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’
une
âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincant d
432
ique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’
une
vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence du s
433
s cesse, alors que nous sommes attachés surtout à
des
instants parfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souff
434
ffections ; parce que le sentiment ne souffre pas
une
ascension continue, mais une fois atteint le moment de sa perfection,
435
ent douloureuses. Certains, peut-être, verront-là
une
condamnation des passions humaines, et comme la morale du roman. Mais
436
Certains, peut-être, verront-là une condamnation
des
passions humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons
437
e la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’
une
œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malg
438
ce. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’
une
loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde re
439
t moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement
des
incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dern
440
ni dans l’agencement des incidents. Ce n’est pas
un
auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, com
441
es incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge
un
petit jugement dernier de ses personnages, comme le moraliste s’arrog
442
connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
une
justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il not
443
s, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’
une
condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentement
444
ve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
des
fatalités humaines, ce qui compte chez les personnages de Baring, c’e
445
ersonnages de Baring, c’est la manière d’accepter
une
destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme l
446
’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à
une
intensité presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman
447
intensité presque bouleversante. Il est pourtant
un
endroit du roman où l’auteur intervient visiblement, force les faits,
448
tervient visiblement, force les faits, agit comme
un
« moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire compr
449
agit comme un « moraliste » désireux de justifier
une
thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des
450
de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours
des
quarante pages qu’il consacre à la « conversion » au catholicisme de
451
tholicisme de la princesse Blanche. Arrêtons-nous
un
peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une im
452
n de ce passage auquel on sent que Baring attache
une
importance qui n’est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du
453
plique si l’on a lu la phrase par quoi se termine
un
précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909,
454
lanche, anglicane « de naissance », a donc épousé
un
Italien et vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucu
455
naissance », a donc épousé un Italien et vit dans
un
milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucune pression sur ses con
456
pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à
une
tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ait
457
voue franchement : « … dans nos églises j’éprouve
un
sentiment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvr
458
s plus terribles de la société insulaire, possède
un
sens critique assuré qu’elle applique non sans acuité aux pratiques a
459
erceptible, est nettement appuyé dès qu’il s’agit
des
vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux égl
460
elles à souhait (ni plus ni moins que la majorité
des
gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la
461
Oui, tante Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut
un
soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on all
462
Elle appelle ceux qui passent à l’Église romaine
des
« pervertis » : « Nous en avons eu trop dans la famille, votre pauvre
463
uis il y a eu votre pauvre tante Cornélia… Ce fut
un
terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés
464
onçoit que Blanche malheureuse, isolée, cherchant
une
sécurité intérieure, ne trouve pas dans ces indignations sentimentale
465
et qui lui parlent de leur foi se distinguent par
une
humanité charmante, « une façon naturelle de traiter les questions re
466
foi se distinguent par une humanité charmante, «
une
façon naturelle de traiter les questions religieuses, sans fausse hon
467
arguments qui retiennent l’esprit à la périphérie
des
vérités religieuses, là où elles paraissent s’opposer, au lieu de nou
468
e erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’
une
communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres pages d
469
qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’
une
simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses
470
ication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’
un
de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée d
471
rée de Blanche dans l’Église catholique n’est pas
une
conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la vérité.
472
lise catholique n’est pas une conversion18, c’est
une
adhésion à ce qui lui semble être la vérité. Sa vraie conversion a li
473
non parce que c’est mal ou bien, mais en vertu d’
une
loi organique, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante de nos
474
, et à taxer d’immoralisme tout acte qui entraîne
des
ruines humaines. Mais la vérité, elle, est indifférente à ce que nous
475
. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin
des
Oliviers. Blanche se souvint que Lady Mount-Stratton lui avait dit pr
476
Florence. — Je sens, il est vrai, que j’ai commis
des
erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous laisser mener par
477
embaumée ». « Tristesse, par-delà la tristesse »…
Un
tel état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui
478
lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’
un
homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons
479
ux de la foi scandaleux de parler de conversion d’
un
protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas à
480
ance du vocabulaire religieux. 19. Soulignons qu’
un
pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougemon
481
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’
un
grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie,
482
le monde intellectuel et religieux français, est
un
événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retentisse
483
n événement qui mérite d’être signalé et qui aura
un
profond retentissement dans le protestantisme en particulier. Depuis
484
nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans
des
revues comme Commerce, la Nouvelle Revue française , la Revue de Ge
485
ce de plusieurs côtés21, la publication prochaine
des
œuvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, d
486
lication prochaine des œuvres principales de l’un
des
plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-être, en Fr
487
sen, le successeur présumé de Mynster, prononçant
un
discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « gra
488
ur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un
des
« grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part des apôt
489
tenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part
des
apôtres ». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment
490
e soucieux : Mynster est-il vraiment de la lignée
des
Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans le vrai sens du
491
es successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt
des
fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement ? Les écrits p
492
ard était : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul
un
protestant pouvait trouver pareille formule. Le héros de la foi, Kier
493
it du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’
une
œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espè
494
ns son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité
un
document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’un grand t
495
peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’
un
grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de
496
chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’
une
telle œuvre commence son action en France au moment où l’intérêt pass
497
ierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’
un
signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus, l
498
conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc, et
un
grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile
499
grade de docteur ès lettres, vient de nous donner
un
livre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’intrépidité pou
500
nner un livre bien utile22. En vérité, il fallait
une
sorte d’intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux lit
501
es. Combien d’heures de marche monotone à travers
des
moraines et des névés interminables, pour mériter quelques instants d
502
ures de marche monotone à travers des moraines et
des
névés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude dans
503
x — il trouvera sa place dans votre valise — et d’
une
érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce goû
504
ses, de citations, de planches hors-texte ? C’est
un
repos de l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination.
505
xte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’
une
nourriture pour l’imagination. On goûtera les citations nombreuses qu
506
tes par tout ce qu’elles révèlent de la mentalité
des
écrivains et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merve
507
u’elles révèlent de la mentalité des écrivains et
des
peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réactif, a
508
t des peuples dont elles émanent. La montagne est
un
merveilleux réactif, au contact duquel certains traits de caractères
509
tains traits de caractères nationaux s’accusent d’
une
manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’aute
510
et françaises. La réaction allemande eût apporté
un
élément important et radicalement différent. Nous essaierons de l’esq
511
ivains n’a su puiser dans le thème de la montagne
une
inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œuvres marquantes.
512
d’œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à
un
Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blan
513
uantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à
un
Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blanc, clame son h
514
urions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à
un
Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur de ta
515
horreur de tant de démesure, et ses descriptions
des
Alpes constituent « le plus violent réquisitoire qu’on ait jamais écr
516
Pour Rousseau, la montagne, c’est surtout le fond
des
vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre d’imaginaires bons sa
517
a montagne dans leurs œuvres, elle n’est guère qu’
un
décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait,
518
vres, elle n’est guère qu’un décor conventionnel,
un
élément de pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des d
519
n décor conventionnel, un élément de pittoresque,
un
sublime tout fait, dont on agrémente des digressions sur l’ordre soci
520
toresque, un sublime tout fait, dont on agrémente
des
digressions sur l’ordre social. Mlle Engel constate que « les plus gr
521
xixe siècle ont échoué dans leur interprétation
des
montagnes. Ils ont tous étudié presque exclusivement l’âme humaine. L
522
a semblé incompréhensible ». C’est que le mystère
des
choses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts socia
523
le mystère des choses les attire moins que le jeu
des
passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme
524
hoses les attire moins que le jeu des passions et
des
intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme est seul. Sénan
525
. Sénancour, c’est tout autre chose. Lui, cherche
un
refuge. « Dans l’isolement des cimes ou des hautes vallées, seul avec
526
chose. Lui, cherche un refuge. « Dans l’isolement
des
cimes ou des hautes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ivr
527
herche un refuge. « Dans l’isolement des cimes ou
des
hautes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ivresse morne, i
528
s ou des hautes vallées, seul avec la nature dans
une
sorte d’ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et
529
d’ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite
des
heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues
530
t de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours
des
longues heures silencieuses qui s’égrènent une à une dans les solitud
531
rs des longues heures silencieuses qui s’égrènent
une
à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait c
532
longues heures silencieuses qui s’égrènent une à
une
dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’i
533
e glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’
un
mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dans
534
ce qu’il appela, d’un mot admirable, « la lenteur
des
choses ». C’est qu’il a pénétré dans ces solitudes que les autres con
535
en mystique. Pareille attitude ne surprendra pas
un
moderne ; mais elle est unique dans la littérature française du xixe
536
littérature anglaise, au contraire, a donné toute
une
suite de chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradi
537
hefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute
une
tradition d’individualisme lui frayait la voie », note fort justement
538
mmets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue,
un
sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. »
539
poètes viennent interroger sur les hauteurs, mais
une
sombre et surhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force des chos
540
urhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force
des
choses » (Shelley), ou encore (Wordsworth) « les types et les symbole
541
et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’
un
Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spir
542
ité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’
un
Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poési
543
sme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est
un
cantique d’adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de
544
use fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’
un
écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devr
545
que chose qui devrait être surmonté, nous souffle
une
voix émouvante, aux résonances vraiment altières, celle-là : la voix
546
respirer l’atmosphère de mon œuvre sait que c’est
une
atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour
547
sphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère
des
hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphèr
548
u ce ton souverain. Pour la première fois, le ton
des
hauteurs, le ton de celui qui les a conquises, physiquement aussi. To
549
iguës, et qu’inspire l’escarpement, nous changent
des
rêveries de Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme
550
ittérature qui transforme les sommets en images d’
un
Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni bie
551
st ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit
une
grandiose existence géologique sans rapport avec la nôtre. Les atomes
552
ommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’
une
lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces li
553
, posé en face du tableau franco-anglais, fournit
un
contraste de haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivemen
554
Là, les montagnes se prêtaient successivement à
des
interprétations sociologiques (Rousseau), scientifiques (Saussure), r
555
fer), lyriques (les Anglais). Ici, elles imposent
une
éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l
556
e qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est
un
classicisme héroïque qu’elles inspirent. Ce thème éthique et philosop
557
a nature alpestre. Il contient en puissance toute
une
morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme ass
558
ne morale de l’effort individuel et désintéressé,
un
constructivisme assez austère, mais stimulant, et qui mène à la joie…
559
ère, mais stimulant, et qui mène à la joie… C’est
un
thème très « protestant ». Nietzsche l’a développé avec une ampleur i
560
très « protestant ». Nietzsche l’a développé avec
une
ampleur inégalable : il y trouvait tous les symboles de la vie danger
561
é. Mais l’a-t-il épuisé ? Il y a depuis Nietzsche
un
style alpestre dans la pensée. Ne pourrait-il pas informer d’autres p
562
a ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation
des
idées citadines, éprouveront le besoin de créer véritablement quelque
563
de et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’
une
carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous
564
ut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie d’
une
vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se content
565
trahit-il la nostalgie d’une vie qui comporterait
des
risques extérieurs. Mais c’est là se contenter à bon marché, et perso
566
s à la vertu de simulacres à ce point galvaudés. (
Un
Montherlant lui-même, récemment, le confessait.) Deux chances sont en
567
, et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il
un
romancier pour animer dans le décor des « hauts lieux » autre chose q
568
uvera-t-il un romancier pour animer dans le décor
des
« hauts lieux » autre chose qu’une intrigue de palaces ? 22. La Li
569
dans le décor des « hauts lieux » autre chose qu’
une
intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en
570
Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait
une
louange trop littéraire. C’est un livre entièrement simple qui nous i
571
à rien serait une louange trop littéraire. C’est
un
livre entièrement simple qui nous introduit dans la connaissance de l
572
-on en le fermant, est-il réellement impossible à
une
âme chrétienne d’atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu,
573
ique et matérielle du monde où nous vivons. C’est
un
terrible péché du christianisme européen, que d’avoir pratiquement ab
574
me européen, que d’avoir pratiquement abandonné à
une
doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur
575
l’amour chrétien peut encore aujourd’hui pénétrer
un
monde revendiqué par le communisme, comme son bien propre. Mais il n’
576
gile, elle accuse formellement la grande majorité
des
chrétiens. Tant mieux si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout
577
gne, et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est
un
des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manqu
578
, et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un
des
livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions
579
ni que nous ignorions que notre siècle est celui
des
meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pou
580
cle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’
un
de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peup
581
. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive
un
livre pour nous dire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et
582
esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’
une
réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobiles
583
ccommode rarement d’une réflexion impartiale et d’
une
description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voire
584
n impartiale et d’une description, plume en main,
des
mobiles personnels, affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine
585
ui sont à l’origine de son entreprise. C’est même
un
des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose
586
sont à l’origine de son entreprise. C’est même un
des
malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une
587
e temps, que l’action devenue trop rapide suppose
une
cécité partielle chez ceux qui s’y livrent, une incapacité organique
588
e une cécité partielle chez ceux qui s’y livrent,
une
incapacité organique à situer leur effort dans une vision du monde gl
589
ne incapacité organique à situer leur effort dans
une
vision du monde globale et cohérente, à le juger religieusement par e
590
ieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre d’
un
Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège admi
591
rétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’
une
telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre éc
592
té non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’
un
moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans faille
593
est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est
un
homme sans partage et sans failles. Quelques articles parus dans des
594
age et sans failles. Quelques articles parus dans
des
revues françaises ou suisses nous avaient appris à connaître les résu
595
uscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’
une
petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’initia
596
oderne si rapidement envahi par la civilisation d’
une
Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leade
597
cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’
un
écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier ava
598
ont l’autobiographie en particulier avait atteint
des
tirages sans précédent dans son pays. Il nous restait à entrer en con
599
be comble cette attente, mais elle en fait naître
une
nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’un roman dont le héros, Ei
600
re une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’
un
roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le réc
601
he dans la vie publique et politique. Espérons qu’
une
biographie complète suivra cette « genèse » à vrai dire passionnante,
602
ante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’
une
vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès le
603
t volontiers ce qui les rend semblables au commun
des
mortels ; bref, plus ou moins inconsciemment, ils contribuent à créer
604
ité et qui différencient radicalement notre vie d’
un
conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de
605
de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’
une
absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas,
606
re conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent
une
vérité vécue et particulière. Telle est la certitude qui se dégage le
607
Telle est la certitude qui se dégage lentement d’
une
profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descripti
608
e petits faits, de personnages et de descriptions
des
lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’attenti
609
itres du premier tome risqueraient de lasser, par
une
multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure
610
’on comprend mieux les raisons de la popularité d’
une
telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétise s
611
le concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas
une
japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel
612
tes, ce n’est pas une japonerie d’estampe ! Voici
un
échantillon du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuy
613
être, ferma les yeux et somnola. Le train faisait
un
bruit épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agré
614
e verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à
un
nombre incalculable de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’a
615
ri, tout à fait dans le genre d’Osaka, écrits sur
des
lampes carrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles,
616
crits sur des lampes carrées. Entre les stations,
des
étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappai
617
e noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait
un
air étrange, quelque chose comme un océan battu par la tempête. Tandi
618
a nuit, avait un air étrange, quelque chose comme
un
océan battu par la tempête. Tandis que le train longeait les bords de
619
vière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était
un
endroit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jour, au théâ
620
roit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu
un
jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu,
621
t pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir
des
rapports intimes et atroces. Quel horrible endroit, cet Osaka ! Les e
622
l’Université de Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans
une
atmosphère de discussions philosophiques fort curieuse, où les doctri
623
nes, matérialistes et socialistes s’opposent dans
des
termes inusités pour l’Occident, mais sont oubliées, comme partout, d
624
ouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’
une
discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs c
625
sa famille. À la suite d’une discussion vive avec
des
étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs camarades, Eiichi se décid
626
sion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’
un
de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université.
627
s dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle
des
motifs tout matériels. Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvr
628
gmentèrent en pensant à la pauvreté de sentiments
des
chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait
629
-même, et il éclata en sanglots. Soudain, il prit
une
décision. Il quitterait l’Université pour se plonger dans la vie acti
630
de plus noble que de partager la vie quotidienne
des
gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aima
631
re ses livres. Mais son retour au foyer provoque
des
scènes terribles avec son père, riche commerçant que l’on accuse de m
632
violence contre les idées subversives de son fils
un
ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la
633
la ressource de se faire instituteur. Il assiste
un
soir, par hasard, à une réunion d’évangélisation dont la description
634
re instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à
une
réunion d’évangélisation dont la description serait tout entière à ci
635
nger dans ses livres de philosophie. Il entendait
une
voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu
636
s bien éloigné du vulgaire. » Mais au même moment
une
autre voix intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie. L’org
637
est le sel de la vie. L’organisme social demande
des
sacrifices pour l’amour des vivants. » Le conflit intérieur s’intens
638
anisme social demande des sacrifices pour l’amour
des
vivants. » Le conflit intérieur s’intensifie bientôt jusqu’à provoqu
639
eur s’intensifie bientôt jusqu’à provoquer en lui
une
sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accè
640
ie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans
un
accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfui
641
ment importante. Il avait appris qu’il faut avoir
une
volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour de
642
orsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour
des
funérailles, Eiichi essaya de garder tout son sang-froid, mais au cim
643
ses relations avec son père se déroulèrent comme
un
panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la
644
lèrent comme un panorama devant ses yeux. Au-delà
des
sentiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa E
645
. Tout inspirait le respect : le bruit discordant
des
cymbales, les psalmodies des écritures. En écoutant la mystérieuse mu
646
le bruit discordant des cymbales, les psalmodies
des
écritures. En écoutant la mystérieuse musique funèbre, Eiichi prit un
647
utant la mystérieuse musique funèbre, Eiichi prit
une
résolution. Désormais, rompant tout lien avec le passé, comme on fran
648
par l’emprise du militarisme et du capitalisme ;
un
asile de fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c
649
au moment où il avait décidé de se suicider. Mais
un
soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enf
650
cette fois pour se donner tout entier à la misère
des
bas-fonds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple mi
651
ds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’
un
peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, e
652
iennes toutes les épreuves d’un peuple misérable,
des
pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses
653
a chambre, et qu’il couvre de ses propres habits,
des
prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroy
654
ses propres habits, des prostituées qu’il soigne,
des
ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jusqu’à lui tir
655
ostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui font
des
scènes effroyables, et vont jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’e
656
la police accuse Eiichi d’avoir prêté son appui à
une
grève, et le récit se termine par une scène entre le procureur et le
657
son appui à une grève, et le récit se termine par
une
scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’être citée : — Po
658
Procureur. Au contraire, il en profita pour faire
une
étude psychologique, en observant sur le visage de celui-ci les expre
659
primait la passion. Il lui semblait qu’il faisait
une
étude pratique de désordre mental dans une classe d’école, tant il ét
660
aisait une étude pratique de désordre mental dans
une
classe d’école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regard
661
Procureur toute la sympathie d’Eiichi… Si c’est à
des
tâches aussi inutiles que les procureurs passent leur vie, pensait Ei
662
s renverser l’état social actuel, si ce n’est par
une
révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pensée à ce
663
ement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait.
Une
minute, deux minutes s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient
664
ux et insouciants. Eiichi se demanda s’il y avait
des
procureurs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car il savait q
665
demanda s’il y avait des procureurs dans le monde
des
moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire qu
666
des doigts. Il eut été impossible de dire lequel
des
deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les
667
e. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants
des
bas-fonds l’attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches et l’es
668
nclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité d’
une
action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulière d
669
ant la beauté singulière de l’âme qu’elle révèle.
Une
âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve tous les penchan
670
d il le faut pour mieux vivre et n’en fait jamais
une
affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et décrivant ses tentation
671
toutes naturelles, il surmonte les obstacles avec
un
contentement modeste et intelligent qui est plus émouvant que bien de
672
ste et intelligent qui est plus émouvant que bien
des
chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, cl
673
nt que bien des chants de victoire de « sauvés ».
Une
âme parfaitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la
674
faitement consciente, claire et de bonne volonté.
Une
âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui sont possibles, en
675
s la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent d’
une
mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune pei
676
mplaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a
des
remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en pous
677
té de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’
un
mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pass
678
de sa part qui donne aux choses les plus banales
une
nouveauté frappante. Cela éclate particulièrement dans l’analyse des
679
ante. Cela éclate particulièrement dans l’analyse
des
motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser au
680
rps : “Meurs !”, mais sans résultat ». C’est dans
un
tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer
681
soleil, les dessins, les roses, les lèvres rouges
des
filles, tout était surprenant, même le sang caillé, le péché et le cœ
682
t l’accent presque nietzschéen choquera peut-être
des
gens qui eussent préféré l’habituelle effusion en patois de Chanaan.
683
st de voir le reste du chapitre consacré au récit
des
actes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion.
684
timentales ou rassurantes qui pourraient dépasser
une
action immédiate ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’il f
685
vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes :
Un
dimanche, sur les collines derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à
686
derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté d’
un
ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile selon
687
Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’
une
montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les
688
omment et par quoi mesurer la valeur chrétienne d’
une
âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard
689
t souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’
un
être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine.
690
el est le signe et la mesure certaine. Au cours d’
un
livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jamai
691
rprendrez dans ses yeux rien du moralisme glacial
des
« honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineux des communistes. Et
692
« honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineux
des
communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est
693
dogmatisme haineux des communistes. Et c’est l’un
des
secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une
694
issance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre
une
conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son a
695
question sociale. Il s’attache à cette expression
un
« ennui » qui sert à beaucoup de prétexte pour n’y point réfléchir. M
696
s-uns s’en tirent en réfutant le marxisme — c’est
un
jeu intellectuel — ou bien en critiquant les réformes socialistes — m
697
ent.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa,
une
certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant que l’on consi
698
ais de la résoudre d’abord pour son compte et par
un
acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là une exi
699
son compte et par un acte intérieur contraignant,
un
acte d’incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquen
700
ur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là
une
exigence immédiate et par conséquent plus troublante que celle qu’imp
701
e n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’
un
incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif n’
702
t-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’
un
Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère humai
703
oi et Vie, Paris, septembre 1931, p. 623-632. m.
Une
note précise : « Éditions “Je sers”, 1931. »
704
e 1931)n o La manière est toujours l’indice d’
une
complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ce
705
s, p. 75.) Ces quelques notes voudraient marquer
une
réaction toute personnelle provoquée par la dernière « manière » gidi
706
lle je suis décidé à les formuler. Si l’on y voit
une
regrettable désinvolture vis-à-vis d’un des écrivains les plus justem
707
n y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’
un
des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du m
708
voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’un
des
écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins
709
écits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans
une
mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de
710
pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’
un
moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fait
711
’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’
une
moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement dési
712
désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte
des
« honnêtes gens ». D’abord parce que je me refuse à reconnaître aucun
713
que l’intelligence sera de son côté. — « Causons
un
peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes, de « caractèr
714
es, de « caractères » et de lettres, est en somme
un
plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre de
715
laidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans
un
grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autre
716
’on vote l’acquittement à main levée, sans examen
des
preuves. Non seulement Gide a presque toujours raison de ses juges, m
717
» (p. 59). Là où d’autres triompheraient, il met
une
sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classi
718
jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit
une
leçon de distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pa
719
imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’
un
jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu
720
e citer à la barre d’un jugement dernier anticipé
un
esprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’être « non-préve
721
prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
une
gêne grandissante au spectacle de l’autojustification obsédante que l
722
écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec
un
talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais
723
certainement déplorer, c’est de le voir utiliser
des
dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien mo
724
est de le voir utiliser des dons incomparables et
une
sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’exc
725
s incomparables et une sorte subtile de loyauté à
des
fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fa
726
tenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’
une
impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais ce
727
fin, elle s’érige en dialectique indépendante. Si
des
sophismes de ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres «
728
ose avec virulence en sophismes, ou bien engendre
des
chimères. Tout, ainsi, devient inextricable. Les Lettres au cours des
729
, l’on s’impatiente d’être ramené sans cesse dans
un
cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de ce
730
le de paradoxes et de malentendus où il semble qu’
un
esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais
731
eur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais
un
témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux té
732
détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement
un
faux témoin ? Étendons la signification de ce terme. On sait que prot
733
e qui, pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’
un
jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanction
734
de sanctions transcendantes et irrévocables dans
un
tel univers. Suppression du tragique. Car le tragique naît dans une â
735
uppression du tragique. Car le tragique naît dans
une
âme qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification de ses aspirations
736
ication de ses aspirations et de ses actes ; dans
une
âme responsable de ses contradictions. Sans doute, la psychologie mod
737
st de se réaliser comme unité. Non point parce qu’
une
morale stoïcienne et laïque nous le recommande. Non point à cause de
738
mmande. Non point à cause de la logique ni même d’
une
norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange
739
t. On n’y parle strictement que de psychologie et
des
ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique o
740
et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais
une
perspective poétique ou métaphysique. À cette heure où le monde tourn
741
plaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d’
une
étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette jeu
742
’une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester
un
maître pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde d
743
monde de demain va contraindre, contraint déjà à
des
choix dramatiques ? Certaines phrases pourraient le laisser supposer
744
pposer qu’il écrivit en préface au livre récent d’
un
jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-il
745
(Mais par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer »,
un
de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshu
746
de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à
une
vertu surhumaine. Je crois que ce qui me plaît surtout dans ce récit
747
nt d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’
une
importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’e
748
st pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’
un
devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines c
749
té de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas
des
exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités acceptées
750
ulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais
des
témoignages de responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommen
751
vec l’incommensurable tragique que cela comporte.
Un
nom me hante, pendant que j’écris ces mots : Kierkegaard, — et c’est
752
ces mots : Kierkegaard, — et c’est Gide qui, l’un
des
premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaard, un homme qui ne vous l
753
es premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaard,
un
homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais l
754
pénible de se montrer, il arrive chez Kierkegaard
une
chose extraordinaire : soudain c’est lui qui me regarde et qui me per
755
Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 725-729. o.
Une
note précise : « Divers (« Caractères. — Un esprit non prévenu. — Dic
756
o. Une note précise : « Divers (« Caractères. —
Un
esprit non prévenu. — Dictées. — Lettres »). Collection « Les Essais
757
e jugé (octobre 1931)p Parlant récemment, dans
un
article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martin
758
obre 1931)p Parlant récemment, dans un article
des
Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé
759
nt, dans un article des Nouvelles littéraires d’
un
ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la di
760
, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’
un
tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André G
761
re ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est
un
« André Gide vu de Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris p
762
ins suffirait à la critique pour maintenir à Gide
une
place instructive, qu’il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul not
763
tement, à l’époque, que j’oubliais Loti. Loti est
un
notable écrivain protestant qui répond à ce même signalement. Et préc
764
me signalement. Et précisément il y aurait lieu à
une
manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge,
765
irrésistible, avait ce qu’il fallait pour devenir
une
manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton,
766
s vaisseaux du roi à neuf-mille marins). Loti est
un
protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cela n
767
e souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas
un
Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Lot
768
ti est faite du morcellement et de l’adaptation d’
un
livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, co
769
n livre unique, son journal intime — que Loti est
un
journal intime, comme Gide — que le journal intime, la littérature in
770
que le journal intime, la littérature intime sont
un
produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant.
771
et, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien
un
Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d
772
ien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’
un
ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston Fr
773
on pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’
un
essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études litt
774
stons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
une
vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis
775
nce présente. La structure même de ses romans est
un
indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la vie
776
ractère, les livres étaient conduits, ils avaient
une
unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui
777
s livres étaient conduits, ils avaient une unité,
un
terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une su
778
ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’
une
suite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires
779
les livres sont fragmentaires, ils se composent d’
une
série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les
780
les. Les parties n’en sont plus dérivées les unes
des
autres, mais elles s’étalent à la fois toutes ensemble. Dès l’année
781
ant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à
des
œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’A
782
s sur le déclin de la personnalité, la profondeur
des
sentiments et leur tristesse, que Frommel exprime au sujet de Mon Frè
783
pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’
une
sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était plus c
784
parente était plus calme parce qu’elle n’était qu’
une
partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespéranc
785
laient point au grand jour, il y avait pour elles
une
autre issue : la prière en portait l’expression, loin des oreilles de
786
e issue : la prière en portait l’expression, loin
des
oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi m
787
prière en portait l’expression, loin des oreilles
des
hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l
788
aite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente
un
suprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi
789
i son confident : elle ne trouve aucune paix dans
une
intimité purement humaine : Et l’homme seul répond à l’homme épouvan
790
ul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque
une
étude sur les critiques protestants du xixe siècle. L’on serait surp
791
rpris de constater à ce sujet que les jugements d’
un
Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il ap
792
es jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’
un
Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à pe
793
certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’
une
perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain pr
794
icacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est
un
écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront
795
Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est
une
façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier
796
vier 1932)q Nos gloires nous jugent C’est
un
fait digne d’intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que
797
é dans Le Scandale la meilleure œuvre de M. Bost,
une
espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerr
798
œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque
des
errements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a
799
rançais » auxquels nous pardonnons souvent d’être
des
romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils donnent
800
int-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’
un
domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épi
801
in, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’
une
famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central trai
802
une famille dont la mystique se révèle au cours d’
un
épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire
803
profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —, d’
une
sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’
804
gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’
une
sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre,
805
s voici qu’on proclame au contraire l’avènement d’
une
littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispice
806
e frontispice (aux beaux noirs et gris profonds).
Un
critique fort écouté29, à son propos, fit observer que les romanciers
807
se prolonge et trouve son expression moderne dans
des
œuvres bien plus caractéristiques d’une éducation protestante ou cath
808
erne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’
une
éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraiment c
809
d’une éducation protestante ou catholique, que d’
une
inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-nou
810
oyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’
un
tel roman exprime « toute la grandeur — et toute la misère — des prot
811
xprime « toute la grandeur — et toute la misère —
des
protestants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée r
812
i qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse
des
trois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’une pierre blanc
813
is œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’
une
pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’on
814
testant ». À la réflexion, l’on y a renoncé, pour
des
raisons d’ordre général et comme indépendantes des auteurs et des œuv
815
es raisons d’ordre général et comme indépendantes
des
auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Let
816
dre général et comme indépendantes des auteurs et
des
œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’était-c
817
ndépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter
un
« parti protestant » dans nos Lettres, n’était-ce point, d’abord, céd
818
n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’
un
nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bien
819
lices. La question toutefois doit être portée sur
un
plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamais en effet pour les
820
ue : s’agit-il jamais en effet pour les témoins d’
une
confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas
821
voir si nous les méritons encore. Comme le disait
un
homme d’esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins
822
n constituent pas moins pour notre protestantisme
un
jugement indirect d’une impitoyable et significative sévérité. Et dès
823
pour notre protestantisme un jugement indirect d’
une
impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il
824
héros du Scandale, provinciaux énervés par la vie
des
bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans
825
ransporter dans ce décor les dilemmes religieux d’
une
vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à
826
que Jacques Chardonne étudie dans Claire poursuit
un
bonheur purement égoïste, et par là si précaire qu’il côtoie bien sou
827
l côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore :
un
sentiment d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Sa
828
Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’
une
véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’une pudeur — lu
829
table préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’
une
pudeur — lui fait éviter toute allusion chrétienne, au point qu’en te
830
» que l’on s’en remet, ni plus ni moins que dans
un
drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que dans ce
831
blié ». Il y a visiblement chez Jean Schlumberger
une
volonté consciente de réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus
832
homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance
des
catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme
833
gnorance des catégories de la grâce et du péché ;
un
certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’explicitement relig
834
testants ». Je serais même tenté de dire, forçant
un
peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’évidentes préoccupa
835
récisément ce que beaucoup se plaisent à nommer «
un
caractère protestant »32. Et c’est cela qui est grave, — d’autant plu
836
e la Réforme avec cette attitude, et de prolonger
un
malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce
837
dition », pourtant cache assez mal la faiblesse d’
un
compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approximat
838
ve. Nous ne saurions assez nous garder d’accepter
des
adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que
839
que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car
un
système politique, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de
840
ent les plus éclatants. Car un système politique,
une
doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelq
841
clatants. Car un système politique, une doctrine,
une
éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur inte
842
enir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
des
alliés à bon compte sur un terrain où la compromission semblait prati
843
inoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
un
terrain où la compromission semblait pratiquement acceptable ? Nous a
844
n trop volontiers souffert que l’on nous attribue
un
moralisme tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’il eût fall
845
nous attribue un moralisme tout semblable à celui
des
athées, — au lieu qu’il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme
846
tuit par la foi ; mais d’autre part nous prêtions
des
mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptions nettement
847
d’autre part nous prêtions des mains complices à
des
œuvres qui relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la «
848
s affirmations souvent indignées de nos docteurs,
un
fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Français moyen, « pro
849
ui les empêchait de convaincre ? Tel étant l’état
des
choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publique dont no
850
étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer
une
incompréhension publique dont nous sommes en grande partie responsabl
851
’action dans lesquelles nos pères crurent trouver
des
appuis, mais dont nous souffrons d’autant plus vivement que le monde
852
nner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’
un
conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En particul
853
articulier, sommes-nous toujours assez conscients
des
fondements de notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », t
854
iècle se réduit, aux yeux de nos contemporains, à
un
moralisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est
855
orains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’
une
telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être
856
de notre art. Toute forme religieuse donne lieu à
des
formes d’art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc pos
857
roman moraliste (forme qui par ailleurs flattait
un
penchant traditionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner soit
858
l de l’esprit français). Cela pouvait donner soit
des
œuvres d’analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la
859
soudre les affirmations massives de la foi ; soit
des
œuvres d’édification morale, au sens littéral du terme : tendance sto
860
ns littéral du terme : tendance stoïcienne ; soit
des
œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout
861
Tout ceci ne participant que très indirectement d’
une
atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirment c
862
e, si l’on tient compte de la faiblesse numérique
des
protestants français. Bilan terriblement déficitaire si l’on prend au
863
eine de préciser ici et de pousser dans le détail
une
accusation que certains, déjà, disent banale, pour lui ôter sa force,
864
rce, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression d’
une
doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités me
865
octrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes
des
complexités merveilleuses, un pathétique aux résonances profondes : M
866
quer dans les âmes des complexités merveilleuses,
un
pathétique aux résonances profondes : Milton. Mais le moralisme déten
867
prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle d’
une
censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de «
868
nnemi. Morne triomphe de l’analyse psychologique.
Un
siècle de ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur
869
à force de se compliquer, et tend à se réduire à
une
casuistique. Comment imaginer et comment animer des êtres, lorsqu’à c
870
e casuistique. Comment imaginer et comment animer
des
êtres, lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocriti
871
lorsqu’à chaque moment de la création intervient
une
autocritique à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait une puis
872
e à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait
une
puissance décuplée, excessive, et qui, par la force des choses, tourn
873
issance décuplée, excessive, et qui, par la force
des
choses, tournerait bientôt en révolte, en insolence, en démence : Nie
874
é le développement de ces germes ; les produits d’
une
terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté maternell
875
es produits d’une terre ingrate grandissent comme
une
dérision de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécher
876
mme une dérision de la pauvreté maternelle, comme
une
caricature de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils ma
877
osent, mais qu’ils manifestent en même temps avec
une
ironie plus cruelle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée de B
878
ner en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police
des
mœurs, l’éducation bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes de l’
879
mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu.
Un
cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en som
880
t jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer
un
principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que l’on attaqu
881
dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’
une
foi positive que l’on attaque ici le moralisme survivant, c’est au no
882
ttaque ici le moralisme survivant, c’est au nom d’
une
grande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmat
883
nde espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’
un
réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne
884
d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte
un
réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. O
885
e un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer
des
forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre. Que rien ne
886
nte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète
des
poètes » à la sensibilité si authentiquement évangélique — comme cell
887
té si authentiquement évangélique — comme celle d’
une
Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny
888
le nous laissent entrevoir ce que pourraient être
des
œuvres modernes inspirées, comme le furent les plus grandes, par le s
889
ante : verrons-nous quelque jour en France surgir
une
poésie chrétienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y fa
890
nctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’
un
d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si l
891
e, il est permis d’attendre de la violence même d’
une
théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36
892
e suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme
des
chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité
893
32. Il est entendu, même chez les protestants, qu’
un
« protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi
894
eu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre
des
traces qui « malgré tout » révèlent ses origines. Triste jeu. 33. Re
895
t ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs d’
une
atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adoptère
896
dont ils ont souffert. 34. Tout ceci appellerait
une
foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. B
897
Goethe, chrétien, païen (avril 1932)r Imaginez
un
membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Co
898
(avril 1932)r Imaginez un membre de l’Académie
des
sciences qui serait aussi directeur de la Comédie française et minist
899
ées dans l’exercice de ces activités, composerait
des
poèmes d’amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs
900
de ces activités, composerait des poèmes d’amour,
des
romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela
901
ités, composerait des poèmes d’amour, des romans,
des
drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera p
902
les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas
un
portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomèn
903
e donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais
une
idée de l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’h
904
l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire
des
peuples qui vivent sous le règne du christianisme. Mais le plus grand
905
ité littéraire ou historique. Elle pose cependant
un
problème que la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne
906
dant un problème que la conscience intellectuelle
des
chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « question
907
s chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est
une
de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces que
908
s « questions au christianisme » comme dit Barth,
une
de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et
909
d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite
un
examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais
910
⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’
une
façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un siè
911
iculière que les ennemis du christianisme, depuis
un
siècle, le revendiquent comme leur plus grand païen. Les fragments de
912
iquent comme leur plus grand païen. Les fragments
des
Conversations avec Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pa
913
ont pas été choisis pour dissiper trop facilement
une
équivoque réelle, mais plutôt pour en faire sentir l’acuité. Mais, di
914
uité. Mais, dira-t-on d’emblée, le simple fait qu’
une
équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goethe
915
nauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’
un
chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La questio
916
’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec
une
pareille aisance ? La question serait tranchée, en effet, si nous ne
917
erait tranchée, en effet, si nous ne savions rien
des
circonstances dans lesquelles Goethe évoluait. Un grand critique alle
918
es circonstances dans lesquelles Goethe évoluait.
Un
grand critique allemand, Ernst Robert Curtius, rappelait récemment da
919
d, Ernst Robert Curtius, rappelait récemment dans
un
article qui fit quelque bruit37 les débuts piétistes du jeune Goethe
920
t le temps du réveil sentimental et mystique dans
une
Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung et le rationalisme. C’
921
ffert et me voilà libre à nouveau, écrit Goethe à
un
ami en 1768, au sortir d’une grave maladie — ; cette calcination a ét
922
uveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’
une
grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âme…
923
qui, en fin de compte, ressemble si étrangement à
une
indifférence non dépourvue d’orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne
924
, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein d’
une
exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il
925
ttent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que
des
gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec le
926
précisément que Goethe dès lors recherchera dans
une
solitude aggravée par l’agacement que lui causent les effusions piéti
927
causent les effusions piétistes trop verbeuses d’
un
Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystiqu
928
usions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’
un
Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tardera
929
ès lors, pourquoi faire intervenir dans notre vie
une
recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie ? Bornons-nous
930
té spirituelle paraît avoir produit chez le poète
une
sorte de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humili
931
comme si Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble
des
lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine abo
932
dance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à
des
affirmations nettement immanentistes, ou comme on disait alors, panth
933
t Curtius « le Goethe païen et rien que païen est
une
légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. El
934
oethe païen et rien que païen est une légende, et
une
légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe,
935
origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est
un
mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagan
936
nutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’
un
parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plu
937
a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble
des
données religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait un libéralisme d
938
nées religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait
un
libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admettre dans la c
939
le », tout en vénérant également le soleil, comme
une
« révélation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’il nous ait j
940
onde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’
un
monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autono
941
e séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme
un
monde autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose
942
dans Faust le salut par l’effort humain au sein d’
une
nature harmonieuse — et quand bien même il fait intervenir, à la fin,
943
ît comme non chrétien, comme antichrétien, mais d’
une
tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des b
944
te que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à
des
boutades anticatholiques ou à des moments d’humeur provoqués par les
945
s’arrêtaient à des boutades anticatholiques ou à
des
moments d’humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous co
946
les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
un
doute. De quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme
947
quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien,
un
homme qui se prétendit tel en maintes occasions, de la façon la plus
948
ins biographes ? Mais comment juger les actions d’
un
être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu
949
ue, en définitive, apparaît comme fondée sur deux
des
réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisation p
950
ctuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter
un
jugement avant tout partial, et qui révèle notre insuffisance autant
951
ésence du déchaînement orgueilleux et misérable d’
une
humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres forc
952
niées : le scandale divin, le péché radical. Mais
un
homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nu
953
homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être
un
argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir d
954
dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’
une
figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’actual
955
dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique,
une
leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont
956
ons nous sentir à la fois accusés et exhortés par
un
tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soi
957
philosophique, c’est en vain que l’on chercherait
un
« esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du
958
isme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé
une
cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des id
959
célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause,
une
de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de
960
ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion
des
idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et
961
qui engagent bien plus que l’adhésion des idées,
une
de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eû
962
récédentes — elle éprouve son unité, elle connaît
une
fraternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle une justifica
963
nité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle
une
justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obli
964
on idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais
une
obligation urgente à se risquer en faveur des hommes, un acte, un com
965
gation urgente à se risquer en faveur des hommes,
un
acte, un combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour
966
gente à se risquer en faveur des hommes, un acte,
un
combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les cler
967
salutaire et l’unique justification de la pensée.
Une
telle évolution peut paraître favorable à la pensée chrétienne. La pe
968
lerc moderne » (en tant qu’il se montre préoccupé
des
conséquences nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) « est pr
969
e, et par suite, dans l’action qu’elle commande à
des
millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à aff
970
ssi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité d’
une
pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout
971
sée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’
une
« liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affranchi
972
u’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’
un
choix profond : christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire que
973
non pas en tant que bourgeois, s’ils le sont, ont
des
raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout
974
t, ont des raisons réelles et valables de récuser
une
pensée et une action tout entières dirigées vers l’organisation et l’
975
sons réelles et valables de récuser une pensée et
une
action tout entières dirigées vers l’organisation et l’utilisation de
976
res dirigées vers l’organisation et l’utilisation
des
biens matériels. ⁂ Arrêtons-nous aujourd’hui à deux livres caractéris
977
es caractéristiques de ce double péril qui menace
une
génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, af
978
er. M. Thierry Maulnier vient de réunir en volume
une
suite d’études parues pour la plupart dans les pages de l’Action fran
979
est dans l’homme 38, s’oppose d’emblée aux thèses
des
économistes bourgeois ou marxistes, pour lesquels la crise est dans l
980
ise est dans les institutions. Il paraît supposer
une
rénovation intérieure, celle précisément que postule le christianisme
981
fonderait cette rénovation. M. Maulnier critique
un
monde qui selon lui tend à la suppression de la personne humaine. Sa
982
erait plus efficace si on la sentait inspirée par
un
principe spirituel capable de rendre une force offensive à cette pers
983
pirée par un principe spirituel capable de rendre
une
force offensive à cette personne humaine. Le choix des sujets abordés
984
orce offensive à cette personne humaine. Le choix
des
sujets abordés dans son livre montre un esprit averti des vraies vale
985
Le choix des sujets abordés dans son livre montre
un
esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et G
986
ts abordés dans son livre montre un esprit averti
des
vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la qu
987
de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin
une
position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller ju
988
on nécessaire ». Certes, on ne saurait demander à
un
recueil d’essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il e
989
un recueil d’essais réunis après coup de fournir
une
doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préf
990
ns sa préface, se déclarer satisfait d’indiquer «
des
positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativ
991
sfait d’indiquer « des positions de résistance »,
une
« ligne de retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique
992
ques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique
des
erreurs au nom d’une vérité toute statique, au nom de valeurs tout in
993
ssi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’
une
vérité toute statique, au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’ét
994
objets de passion. Ou bien il faut leur rappeler
des
vérités d’un ordre tel que leur seule existence — si elles existent —
995
sion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’
un
ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vaines
996
atrice la critique de tout cela qui agite le cœur
des
hommes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut.
997
t cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas
une
férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimi
998
cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’est
un
bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproch
999
» que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
une
« philosophie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constr
1000
cielle de la Sorbonne, cette pensée fabriquée par
des
bourgeois, pour des bourgeois, destinée à défendre et illustrer la no
1001
e, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour
des
bourgeois, destinée à défendre et illustrer la notion bourgeoise de l
1002
’il a le mérite de poser simplement, brutalement,
une
de ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler «
1003
es courtes se pressent en paragraphes hachés, sur
un
ton uniformément péremptoire, ironique et hargneux. Elles redisent tr
1004
les questions dites vulgaires, qui conduiraient à
des
conclusions dangereuses pour l’ordre établi. « Nous vivons dans un te
1005
ngereuses pour l’ordre établi. « Nous vivons dans
un
temps où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de sc
1006
où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans
un
état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scand
1007
nt dans un état de scandaleuse absence. Il existe
un
scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’énonce la phil
1008
andaleuse absence. Il existe un scandaleux écart,
une
scandaleuse distance entre ce qu’énonce la philosophie et ce qui arri
1009
es en dépit de sa promesse. » M. Brunschvicg fait
un
cours sur la technique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’im
1010
es pourritures de leurs parlements et l’insolence
des
pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie sans matière, la
1011
que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’
une
pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement concep
1012
ar les philosophes, qu’il accorde à leur activité
une
importance qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproch
1013
ce qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite
des
reproches démesurés. Certes40. Mais dans la mesure, si faible soit-el
1014
ible soit-elle, où la philosophie actuelle exerce
une
action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au l
1015
ifiée. Pour le reste, c’est la politique, et dans
un
sens plus vaste, la religion, que cela regarde. M. Nizan demande inla
1016
s bien. Nous le demandons aussi. (Nous avons même
un
scepticisme plus profond que le sien à l’endroit des résultats « huma
1017
scepticisme plus profond que le sien à l’endroit
des
résultats « humains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre
1018
oins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’
une
critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg. L’h
1019
vec Marx, l’homme concret (ce qui n’est encore qu’
une
formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’en vaut
1020
’est encore qu’une formule), l’homme au singulier
des
philosophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est qu’une extension
1021
ophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est qu’
une
extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse tel
1022
que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur
des
considérations aussi abstraites et discutables que la plus-value, rec
1023
homme réel et concret. Au contraire, il en émane
une
sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu
1024
en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle
un
intellectuel déchaîné plus qu’un partisan convaincu. On sent bien que
1025
sfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’
un
partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est dans
1026
est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à
une
cause. Je n’insisterais pas, si ces traits ne me paraissaient communs
1027
i la lecture et la pratique de Marx peut apporter
une
certitude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à ch
1028
tique de Marx peut apporter une certitude intime,
une
réalité directe, une obligation de choisir à chaque instant, une humi
1029
porter une certitude intime, une réalité directe,
une
obligation de choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice,
1030
ecte, une obligation de choisir à chaque instant,
une
humiliation rénovatrice, une joie au sein de la douleur, la force de
1031
ir à chaque instant, une humiliation rénovatrice,
une
joie au sein de la douleur, la force de supporter des souffrances phy
1032
joie au sein de la douleur, la force de supporter
des
souffrances physiques, la force et la joie d’envisager la mort comme
1033
es, la force et la joie d’envisager la mort comme
une
transfiguration tragique, la force et la joie d’envisager la vie comm
1034
que, la force et la joie d’envisager la vie comme
un
combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque instant total, éternel et
1035
l et urgent. Je demande à M. Nizan si son appel à
une
philosophie vraiment humaine, dont les pensées concernent chaque homm
1036
de prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés,
une
sécurité spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté.
1037
é spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme
une
lâcheté. Car en présence de l’athéisme militant, nous n’avons plus à
1038
nt de vue chrétien, le marxisme radical constitue
un
progrès sur la libre-pensée : il force au choix, à la prise de consci
1039
fuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
des
dangers inhérents à l’être concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas l
1040
vier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît-il,
un
homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (ser
1041
furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause
des
innombrables moyens qu’il a inventés pour « gagner du temps » ? Il se
1042
nité se retourne contre elle-même). Que doit lire
un
homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que peut lui
1043
ir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande
une
nourriture rapidement assimilable, mais tout de même reconstituante ?
1044
t assimilable, mais tout de même reconstituante ?
Des
romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis
1045
littérature peut apporter, sous d’autres formes,
un
agrément, un repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus act
1046
peut apporter, sous d’autres formes, un agrément,
un
repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus actuels, je veux
1047
ter, sous d’autres formes, un agrément, un repos,
un
exercice à la fois plus tonifiants et plus actuels, je veux parler de
1048
plus actuels, je veux parler de la vogue récente
des
essais, genre assurément fort ancien, mais auquel notre époque vient
1049
ncien, mais auquel notre époque vient de redonner
une
très vive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater,
1050
brairie allemande, par exemple, que la proportion
des
ouvrages purement romanesques va en diminuant, et cela au profit d’un
1051
romanesques va en diminuant, et cela au profit d’
une
littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la
1052
de la politique, de la morale et de la religion.
Des
livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut par
1053
le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront
une
idée assez juste du genre. Son succès en Allemagne remonte aux premiè
1054
osphère de crise baigne toutes leurs activités, à
un
degré bien plus profond qu’on ne l’imagine d’ordinaire en France. En
1055
e plus « actuels », plus directement mêlés au jeu
des
puissances modernes, que les Français ne le furent jusqu’à ces tout d
1056
le grand public allemand. Il est bien naturel qu’
une
société qui jouit d’une relative sécurité cherche son divertissement
1057
d. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’
une
relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions romane
1058
relative sécurité cherche son divertissement dans
des
fictions romanesques. Le roman est un genre bourgeois — et c’est peut
1059
ement dans des fictions romanesques. Le roman est
un
genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’il plaît tant au peupl
1060
z lui après 8 heures de bureau demande aux livres
une
évasion facile hors de la médiocre existence quotidienne. Mais l’homm
1061
la journée a senti peser sur son œuvre la menace
des
forces terribles déchaînées dans le monde contemporain voit bien que
1062
est plus de s’évader, de se distraire en oubliant
un
monde qu’on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’ang
1063
bord en essayant de comprendre la menace. Il veut
des
documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que
1064
t de comprendre la menace. Il veut des documents,
des
explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’
1065
menace. Il veut des documents, des explications,
des
directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un
1066
ût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à
un
parti, ou pour se fournir d’arguments précis et « sérieux » qu’on exh
1067
guments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans
un
cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’écrits, d
1068
s, le « grand public » considéra que la lecture d’
un
livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le go
1069
» considéra que la lecture d’un livre n’était qu’
un
moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même e
1070
ecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer
une
heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout dans des cer
1071
yen de « passer une heure agréablement ». Le goût
des
idées, même et surtout dans des cercles littéraires raffinés, était u
1072
lement ». Le goût des idées, même et surtout dans
des
cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atteinte au « goût »
1073
tout dans des cercles littéraires raffinés, était
une
sorte d’atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il f
1074
’est-à-dire à la mode. Il fallut la petite équipe
des
fondateurs de la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d
1075
velle Revue française pour imposer, par l’effet d’
un
snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pure
1076
ser, par l’effet d’un snobisme inattendu, la mode
des
discussions éthiques, d’ailleurs purement intellectuelles la plupart
1077
t intellectuelles la plupart du temps, et le goût
des
« romans qui posent des problèmes ». On appelait cela de la « littéra
1078
part du temps, et le goût des « romans qui posent
des
problèmes ». On appelait cela de la « littérature difficile », non pa
1079
cela de la « littérature difficile », non pas qu’
une
intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les développem
1080
e », non pas qu’une intelligence moyenne éprouvât
des
difficultés à suivre les développements lumineux d’un André Gide, par
1081
ifficultés à suivre les développements lumineux d’
un
André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisaie
1082
ure de l’après-guerre, faite en grande partie par
des
hommes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée
1083
eu le temps de se cultiver, est caractérisée par
une
facilité foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile d’obscurit
1084
ble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées d’
une
fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seuleme
1085
me les fusées d’une fête intempestive. On demande
des
lumières qui ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait être d
1086
t être dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman était
un
genre bourgeois, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de ris
1087
e risques et d’aventures réelles, il représentait
une
évasion, une revanche nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoi
1088
d’aventures réelles, il représentait une évasion,
une
revanche nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire de la fant
1089
yaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et
des
grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y avait de plus sub
1090
n tente les journalistes. Mais le cinéma n’est qu’
un
des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conceptio
1091
ente les journalistes. Mais le cinéma n’est qu’un
des
effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conception du
1092
’opère dans toute notre conception du monde. Dans
une
époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Europe bouleversés
1093
; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines d’
un
continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenne,
1094
affoler, entrer en décadence, et rêver à son tour
une
révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir pour la r
1095
adence, et rêver à son tour une révolution ; dans
une
époque où l’humanité risque de mourir pour la réalisation même de ses
1096
énorme aventure qui « règne » sur le monde comme
une
fièvre, le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’il n’y pénètre p
1097
ies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’
une
atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre con
1098
rviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’
un
drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt pas
1099
qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’
un
intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l
1100
stoire. Jamais le document n’a été recherché avec
une
telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce sont les actualités.
1101
les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient-ils ?
Des
collections documentaires, des reportages à grande distance, les mémo
1102
que publient-ils ? Des collections documentaires,
des
reportages à grande distance, les mémoires d’Alain Gerbault, les aven
1103
ant sur les formes américaines de la vie sociale,
des
albums de photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent
1104
exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vrac,
un
monde plus absurdement divers que nul esprit ne pouvait le concevoir.
1105
aire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec
une
passion nouvelle. Nous avons vu paraître, il y a quelque dix ans, les
1106
odernes sont nées en France autour de la Trahison
des
clercs, autour du problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de
1107
me, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et
des
valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bou
1108
). Lorsqu’il y a deux ans, Bernard Grasset, dans
un
article retentissant, annonça son intention de « casser les reins au
1109
de « casser les reins au roman », on put croire à
un
mouvement de mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En
1110
croire à un mouvement de mauvaise humeur, voire à
une
tentative publicitaire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance d
1111
d public. On n’a pas cessé pour autant de publier
des
romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succès, dans cet
1112
e collections d’essais : Denoël et Steele lancent
des
séries sur la psychanalyse et sur les penseurs religieux, Corrêa publ
1113
rs religieux, Corrêa publie presque exclusivement
des
« écrivains d’idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquê
1114
s d’idées », les Éditions du Cavalier poursuivent
une
enquête européenne sous ce titre significatif : « Les Mœurs et l’Espr
1115
s ce titre significatif : « Les Mœurs et l’Esprit
des
nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru réce
1116
grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
des
fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples
1117
es fondateurs de la République espagnole, et l’un
des
meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer
1118
de l’influence réelle et directe que peut exercer
un
essayiste sur la marche des événements. Nous reviendrons prochainemen
1119
recte que peut exercer un essayiste sur la marche
des
événements. Nous reviendrons prochainement sur ce livre brillant et s
1120
vocation personnelle ? (février 1934)u Depuis
des
années, dans toutes les conférences, dans tous les journaux d’opinion
1121
dans tous les manifestes de partis ou de ligues,
une
expression revient comme une véritable hantise, comme le grand lieu c
1122
partis ou de ligues, une expression revient comme
une
véritable hantise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’est em
1123
le grand lieu commun de la peur qui s’est emparée
des
hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pa
1124
tradiction. L’argent règne sur notre monde, comme
une
puissance occulte et pourtant méticuleusement tyrannique, comme une d
1125
lte et pourtant méticuleusement tyrannique, comme
une
divinité qui, depuis peu, serait devenue folle. Des peuples entiers s
1126
e divinité qui, depuis peu, serait devenue folle.
Des
peuples entiers s’exaltent pour une dictature qui tire son seul prest
1127
evenue folle. Des peuples entiers s’exaltent pour
une
dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté pu
1128
prestige de la misère et de la lâcheté publique.
Des
provinces entières sont ruinées par des exploitations dont les bénéfi
1129
publique. Des provinces entières sont ruinées par
des
exploitations dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures de pa
1130
nique boursière. Les inventeurs se voient refuser
des
brevets parce que chaque machine nouvelle, au lieu de libérer des tra
1131
e que chaque machine nouvelle, au lieu de libérer
des
travailleurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples de toute la
1132
villes se congestionnent et la jeunesse y traîne
une
misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens de tous bords consac
1133
de tous bords consacrent leur astuce à équilibrer
des
budgets, dont ils seront les seuls bénéficiaires. La corruption s’éta
1134
rruption s’étale, flétrie avec grandiloquence par
des
journaux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pens
1135
r homme, depuis le déluge, le monde se débat dans
une
crise millénaire dont les périodes dites « prospères » ne sont que le
1136
temps de répit, souvent déshonorés par la culture
des
illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du mond
1137
’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’
un
progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringola
1138
d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme
une
solennelle dégringolade, une contagion de déséquilibres dévorant succ
1139
pparaît plutôt comme une solennelle dégringolade,
une
contagion de déséquilibres dévorant successivement toutes les possibi
1140
une autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous
des
apparences paisibles, est soudain devenu flagrant. Il promène par les
1141
uropéennes de grands panneaux-réclame qui parlent
un
langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix
1142
ècle, tout se simplifie aussitôt ; et si, faisant
un
pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en fac
1143
ins collectifs, le choix nécessaire apparaît avec
une
netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais
1144
ît caractériser notre siècle. On dit le contraire
un
peu partout, je le sais bien. On répète que les événements nous domin
1145
et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore
un
vieux raisonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous conna
1146
s aussi la signification réelle. C’est l’argument
des
gens en place qui, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’il
1147
s bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni
des
méthodes d’évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis
1148
té. Trop souvent ils nous ont mis en garde contre
un
« certain esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision
1149
le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière
des
complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situat
1150
sition, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre
une
position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormi
1151
les plus respectés ont été trop souvent pour nous
des
professeurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insolubl
1152
our nous des professeurs d’abstention distinguée,
des
grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nou
1153
tinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais,
un
beau jour, les événements nous réveillent brusquement. Maintenant, il
1154
enant, il va falloir choisir. La pensée redevient
un
danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal
1155
a falloir choisir. La pensée redevient un danger,
un
facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous e
1156
er, un facteur de choix et de risque, et non plus
un
refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la
1157
araître, de poser cette simple question : comment
un
siècle peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que p
1158
simple question : comment un siècle peut-il avoir
un
destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme
1159
n réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul
un
homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différen
1160
de destin que personnel. Seul un homme peut avoir
un
destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes.
1161
ue personnel. Seul un homme peut avoir un destin,
un
homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. Napoléon,
1162
estin, un homme seul, en tant qu’il est différent
des
autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chac
1163
nt des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont
un
destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où cha
1164
Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a
un
destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être,
1165
destin ; dans la mesure où chacun de nous possède
une
raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une p
1166
s possède une raison d’être, quelle qu’elle soit,
une
servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une vocation.
1167
quelle qu’elle soit, une servitude particulière,
une
passion qui est bien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de
1168
ude particulière, une passion qui est bien à lui,
une
vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un
1169
cation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’
un
siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer un
1170
n admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait
un
destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de val
1171
tin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer
une
sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Q
1172
de d’attribuer une sorte de valeur indépendante à
des
êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous disons : le siècle, le xx
1173
le xxe siècle par exemple, nous entendons par là
une
réalité historique très composite, très générale, qui englobe toute l
1174
t presque tous de nature collective. L’histoire d’
un
siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des peup
1175
lective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire
des
collectivités, c’est l’histoire des peuples, des nations, des classes
1176
st l’histoire des collectivités, c’est l’histoire
des
peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiqu
1177
des collectivités, c’est l’histoire des peuples,
des
nations, des classes, des races, des entreprises publiques ou privées
1178
vités, c’est l’histoire des peuples, des nations,
des
classes, des races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est qu
1179
l’histoire des peuples, des nations, des classes,
des
races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est que très access
1180
des peuples, des nations, des classes, des races,
des
entreprises publiques ou privées. Ce n’est que très accessoirement l’
1181
vées. Ce n’est que très accessoirement l’histoire
des
personnes, de quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin
1182
nous disons destin du siècle, nous disons destin
des
nations, destin du prolétariat, destin du capitalisme, destin du mach
1183
machinisme. Le destin du siècle, c’est le destin
des
ismes, qui sont — en fin de compte — des abstractions. Et je le répèt
1184
e destin des ismes, qui sont — en fin de compte —
des
abstractions. Et je le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux,
1185
le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux,
un
destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comm
1186
ous avons fait de toutes les réalités collectives
des
divinités nouvelles, des divinités presque toujours menaçantes, et do
1187
les réalités collectives des divinités nouvelles,
des
divinités presque toujours menaçantes, et dont nous essayons avec ang
1188
s elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à
des
forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous se
1189
d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre
un
culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéiss
1190
l’argent et l’opinion publique. Elles ont encore
un
autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-ê
1191
us intelligents et plus logiques surtout que ceux
des
fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hi
1192
dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’
une
logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaquable
1193
’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en
une
démonstration inattaquable, une fois les prémisses admises. Quelles s
1194
tes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’
une
manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée. Hi
1195
d’une manière suffisante par notre appartenance à
une
classe déterminée. Hitler, selon Trotski, s’explique entièrement par
1196
déologie n’a rien de personnel, c’est l’idéologie
des
petits gradés d’une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraise
1197
personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’
une
armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que ré
1198
s’explique simplement par le fait que Trotski est
un
Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables et contr
1199
ique tout au moins, ils paraissent s’opposer avec
une
certaine violence, mais par rapport à l’homme, ils sont absolument se
1200
et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à
des
lois générales et historiques qui échappent à notre volonté et sur le
1201
acistes ont bien vu le danger. Mais ils en tirent
une
conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, il
1202
ndre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette
des
millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-
1203
s les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’
une
fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun. Le
1204
raison, que leur action n’a pas les apparences d’
une
évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils
1205
ur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’
une
démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leu
1206
exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par
une
foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleurs devraient le
1207
ils sont animés par une foi constructive que bien
des
jeunes bourgeois railleurs devraient leur envier. C’est juste. Aussi
1208
ion revient-elle en définitive à savoir si la foi
des
marxistes et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quell
1209
en définitive à savoir si la foi des marxistes et
des
racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités sont
1210
Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même
des
sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réalités générales,
1211
des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont
des
réalités générales, d’ordre statistique ; des considérations, par exe
1212
ont des réalités générales, d’ordre statistique ;
des
considérations, par exemple, sur le développement économique des sièc
1213
ons, par exemple, sur le développement économique
des
siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues
1214
onomique des siècles passés, quand ce ne sont pas
des
statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées,
1215
es statistiques de phrénologues. Ce sont toujours
des
réalités passées, historiques, achevées, mortes comme toutes les moye
1216
ce sens, abstraites. Sur quoi peut bien se fonder
une
loi historique ? Sur ce qui a été fait. Toute loi qu’on découvre dans
1217
s vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple,
un
ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le pro
1218
dégénérescence. Le philosophe Léon Chestov disait
un
jour à quelques amis : « Il paraît qu’il existe deux théories tout à
1219
inge, descendent en effet du singe et constituent
une
race à part, à côté de la race des hommes créés par Dieu, et qui, eux
1220
et constituent une race à part, à côté de la race
des
hommes créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont été
1221
x disposent de nos vies. Sans eux, la préparation
des
esprits qui prélude à toute guerre moderne bien comprise serait impos
1222
lence. Sans eux, nous ne saurions pas grand-chose
des
dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’attention po
1223
se des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous
un
peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si le
1224
journaux disposent de nos vies, l’argent dispose
des
journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Ab
1225
t et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin
des
ismes, dévorants et inhumains. Je voudrais, avant de poursuivre, diss
1226
mains. Je voudrais, avant de poursuivre, dissiper
un
malentendu que cette description a pu faire naître dans l’esprit de q
1227
t aboutir le communisme. On raille le caporalisme
des
jeunes miliciens en chemise brune. On nous dit que la vie, en Amériqu
1228
arce que tous les appartements sont pareils et qu’
un
homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de p
1229
e n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’
un
chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On
1230
petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration
des
droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu des libé
1231
’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu
des
libéraux, c’était, par excellence, un homme sans destin, un homme san
1232
L’individu des libéraux, c’était, par excellence,
un
homme sans destin, un homme sans vocation ni raison d’être, un homme
1233
x, c’était, par excellence, un homme sans destin,
un
homme sans vocation ni raison d’être, un homme dont le monde n’exigea
1234
destin, un homme sans vocation ni raison d’être,
un
homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement, devait
1235
hez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer
une
épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du
1236
r, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’
un
enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une err
1237
ans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait
une
erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour
1238
ondable que de voir le salut de notre époque dans
un
retour à l’individu. L’individu est l’origine la plus certaine du tri
1239
dividu est l’origine la plus certaine du triomphe
des
masses. C’est parce que l’individu des libéraux était sans destin, qu
1240
u triomphe des masses. C’est parce que l’individu
des
libéraux était sans destin, qu’il a cru au destin des autres ; c’est
1241
libéraux était sans destin, qu’il a cru au destin
des
autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu ser
1242
e preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
des
mythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement de ces mythes. On
1243
s mythes. On a cru trouver en eux les principes d’
une
communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a jam
1244
cord réel, jamais plus de haine déclarée. L’amour
des
hommes, transposé dans la collectivité, devient automatiquement de la
1245
que la solidarité entre les peuples est désormais
un
fait acquis, une réalité économique. Nous devons au progrès mécanique
1246
é entre les peuples est désormais un fait acquis,
une
réalité économique. Nous devons au progrès mécanique que désormais le
1247
désormais le globe entier apparaisse solidaire d’
une
même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premier
1248
ns le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’
une
banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur la
1249
ivant : le krach d’une banque à Paris peut ruiner
des
petits rentiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ouvriers
1250
des petits rentiers belges et jeter sur la paille
des
milliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais.
1251
rtes, tout se tient désormais. Mais la solidarité
des
masses est toujours une solidarité catastrophique. Oui, le destin du
1252
rmais. Mais la solidarité des masses est toujours
une
solidarité catastrophique. Oui, le destin du siècle, le destin des is
1253
tastrophique. Oui, le destin du siècle, le destin
des
ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’un monde chaotique haut
1254
des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’
un
monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglomération d’i
1255
d’autre qu’un monde chaotique hautement organisé,
une
monstrueuse agglomération d’individus assemblés par la peur et la fai
1256
par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
des
casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai term
1257
a faim, et la haine, parqués dans des casernes ou
des
camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma descripti
1258
n ce qu’il y avait d’émouvant dans leur élan vers
une
nouvelle communauté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de
1259
ssentiel. Voici notre dilemme : voulons-nous être
des
éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reco
1260
ns-nous être des éléments de statistique, ou bien
des
hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, ma
1261
eur raison d’être personnelle ? Voulons-nous être
des
personnes ? Voilà le mot lâché. Je connais la réaction qui l’accueill
1262
lectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont
des
créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et
1263
les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’
une
certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite deva
1264
r, par exemple, l’origine permanente et virtuelle
des
dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée
1265
gine permanente et virtuelle des dictatures, dans
un
fléchissement, en vous, du sens de votre destinée personnelle. À l’or
1266
destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a
une
attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui
1267
i pour comble, se croit seul éveillé et conscient
des
réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant historiquement, i
1268
irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner
une
contrepartie, tenter de vous décrire la pensée personnaliste, la pens
1269
erdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’
une
tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible,
1270
Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâche à
une
autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours ave
1271
d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’
un
acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. El
1272
en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à
un
autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dan
1273
e risque et dans la décision, au lieu que l’homme
des
masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. Je pourrais e
1274
montrer quelles conséquences politiques commande
une
telle attitude et quelles révolutions, enfin réelles, elle prépare. M
1275
s, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là
une
autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question dernièr
1276
ais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste
une
question grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’
1277
autre conférence. ⁂ Il reste une question grave,
une
question dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’
1278
stion dernière que je ne veux pas esquiver. C’est
une
question qu’on pose souvent aux groupements révolutionnaires que je v
1279
dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce
une
vue philosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un cho
1280
personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce
une
attitude nietzschéenne ? Est-ce un choix subjectif ? Vous préférez l’
1281
ique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce
un
choix subjectif ? Vous préférez l’homme créateur à l’homme qui s’aban
1282
eure se fonde votre personnalisme ? Je ne vois qu’
une
réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Faite
1283
contrainte ou dans la liberté, vous ne ferez pas
une
société si vous n’avez pas, avant tout, retrouvé le rapport primitif,
1284
re place et dans nos circonstances particulières,
une
vocation personnelle. Personne et vocation ne sont point séparables.
1285
il faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé
des
paroles du Christ et il les a complètement perverties. On nous a prés
1286
s. On nous a présenté cet amour du prochain comme
un
sentiment bienveillant, une tolérance à l’égard du voisin, une façon
1287
mour du prochain comme un sentiment bienveillant,
une
tolérance à l’égard du voisin, une façon plus commode de vivre en soc
1288
bienveillant, une tolérance à l’égard du voisin,
une
façon plus commode de vivre en société. On a transporté dans l’histoi
1289
ransporté dans l’histoire cet amour qui doit être
un
acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engag
1290
dans l’histoire cet amour qui doit être un acte,
une
présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces
1291
cet amour qui doit être un acte, une présence et
un
engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces trois mots déf
1292
paraît assez sentimental… Jésus lui répondit par
une
parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit
1293
t, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’est pas
une
explication du désespoir qui le possède, mais c’est une consolation.
1294
plication du désespoir qui le possède, mais c’est
une
consolation. Je prends ce mot dans son sens le plus fort, tel que le
1295
sespéré, l’homme sans vocation personnelle, c’est
un
homme incomplet, désuni. Et ce n’est pas la connaissance intellectuel
1296
suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut
une
rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel j
1297
arracher à sa misère ; il lui faut une rencontre,
un
événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel je vous laisse
1298
misère ; il lui faut une rencontre, un événement,
un
acte. Et voilà le mystère devant lequel je vous laisse maintenant. No
1299
faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’
un
ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrait
1300
Sources pourrait s’aligner, dans cet ordre, avec
un
honnête romancier. On s’étonnera, sans doute, de m’en voir étonné. Je
1301
us faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
des
succès dont rien, ici, ne peut donner l’idée ; et même les théologien
1302
ns. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille.
Un
Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis
1303
ef, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling,
un
Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis le « grand pub
1304
en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger,
un
Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis le « grand public », celui-l
1305
me qui, chez nous, consacre ses loisirs à dévorer
des
prix Goncourt, justifiant les plus grosses manœuvres publicitaires, e
1306
s grosses manœuvres publicitaires, et la méfiance
des
éditeurs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui faut-il s’en prendr
1307
citaires, et la méfiance des éditeurs à l’endroit
des
meilleurs esprits. À qui faut-il s’en prendre ? Aux critiques d’abord
1308
nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est
un
secret pour personne qu’ils contribuent pour beaucoup à déterminer le
1309
pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’
une
œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, d
1310
oit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice
des
auteurs réputés « difficiles ». Car les autres s’en passent fort bien
1311
traire qu’on peut voir. Le critique qui dispose d’
un
feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en ré
1312
ritique qui dispose d’un feuilleton régulier dans
un
hebdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais
1313
d’un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou
un
quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur de
1314
bdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas
un
critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’a
1315
uotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais
un
commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de sig
1316
en réalité, pas un critique, mais un commentateur
des
goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres
1317
vague rumeur entretenue par la publicité autour d’
un
« succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès
1318
’un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire
des
philosophes auprès du grand public a des causes plus graves, qu’il fa
1319
notoire des philosophes auprès du grand public a
des
causes plus graves, qu’il faut attribuer autant aux philosophes qu’à
1320
plus. Le public se figure que la philosophie est
une
activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque.
1321
re se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’
un
deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se sou
1322
ra-t-on l’ajouter après coup ? On ne complète pas
un
acte avec des considérations sur cet acte ; ou c’est que la philosoph
1323
uter après coup ? On ne complète pas un acte avec
des
considérations sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’est qu’il
1324
a philosophie n’est qu’illusion et mystification.
Une
pensée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’a
1325
qu’illusion et mystification. Une pensée vivante,
une
pensée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’acte et nulle part ai
1326
. Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même
un
acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui se montre. Sou
1327
t elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience
des
philosophes qui se montre. Sous prétexte de science, la pensée de nos
1328
sans peine l’indifférence où le public la tient.
Un
philosophe « sérieux » pour l’Université c’est trop souvent un homme
1329
« sérieux » pour l’Université c’est trop souvent
un
homme que l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des p
1330
niversité c’est trop souvent un homme que l’étude
des
problèmes posés par sa technique détourne des problèmes qui se posent
1331
ude des problèmes posés par sa technique détourne
des
problèmes qui se posent en fait. Mais que faut-il penser de ces techn
1332
de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état
des
choses. Public et philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignore
1333
supposer qu’elle se produise, ne signifierait pas
une
révolution. Les évaluations morales du philosophe et les coutumes du
1334
erdu toute commune mesure. Que se passerait-il si
un
beau jour le public se mettait à l’école des penseurs ? On verrait éc
1335
il si un beau jour le public se mettait à l’école
des
penseurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’une pensée inh
1336
urs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’
une
pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action trop l
1337
nsée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’
une
action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-ce
1338
pirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’
un
tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque d
1339
méfiance réciproque dont je viens d’indiquer l’un
des
symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant, que la collusio
1340
a guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon
des
catastrophes dictatoriales va réveiller quelques chrétiens. Leur offi
1341
le seule d’entreprendre la confrontation générale
des
valeurs dont le monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette vie
1342
générale des valeurs dont le monde croit vivre et
des
valeurs qui jugent cette vie. C’est à elle, en particulier, et non pa
1343
u marxisme ni au fascisme, à conduire la critique
des
hérésies morales que toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, r
1344
ervice que la pensée chrétienne doit rendre n’est
un
service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont
1345
formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation
des
valeurs » que tout le monde sent nécessaire, mais que la foi seule re
1346
. ⁂ Max Scheler se rattachait à l’école allemande
des
phénoménologues, illustrée par Husserl et Martin Heidegger. On sait q
1347
ces philosophes est de fonder leurs analyses sur
des
totalités, sur des unités d’expérience sensible, saisies telles qu’el
1348
t de fonder leurs analyses sur des totalités, sur
des
unités d’expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent a
1349
, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’
un
ensemble vécu. Le grand service rendu par la phénoménologie, c’est de
1350
la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’
une
psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstraits,
1351
esse réside dans la misère. C’est ce renversement
des
valeurs « nobles » qu’il ne cesse de reprocher au christianisme. Voic
1352
issance qui n’use pas de représailles devient par
un
mensonge, la « bonté » ; la craintive bassesse, « humilité » ; la sou
1353
orte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’
un
nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu » s
1354
as vouloir se venger », et parfois même le pardon
des
offenses (« car ils ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce q
1355
de contester la cruelle pénétration dont témoigne
un
passage de ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du re
1356
ourgeoise. Scheler le démontre avec maîtrise dans
un
chapitre consacré aux valeurs humanitaires, qui me paraît renfermer l
1357
e vertige à découvrir la profondeur et la gravité
des
confusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne connais pas de
1358
s. Je ne connais pas de plus salutaire leçon pour
un
chrétien d’aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici s
1359
e voulons plus l’acte d’amour personnel — qui est
une
valeur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment que
1360
eur héroïque —, mais nous prônons tout simplement
un
sentiment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nou
1361
geons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous
un
moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la patrie p
1362
i de la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute
une
série de perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la pla
1363
tarisme entraîne toute une série de perversions :
un
certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricord
1364
rd, qui prend la place de l’acte de miséricorde ;
une
pitié veule et platonique qui est le contraire du courage et non pas
1365
e contraire du courage et non pas de la cruauté ;
un
internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la patrie ; un paci
1366
de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’
une
rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus la crai
1367
lisme qui n’est qu’une rancune contre la patrie ;
un
pacifisme qui traduit bien plus la crainte de « se faire des ennemis
1368
me qui traduit bien plus la crainte de « se faire
des
ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Christ à ceux qui
1369
uttent (dans leurs luttes et au-dessus d’elles) ;
un
égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je suis
1370
enne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’
un
exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois parti
1371
orce ici Scheler. Je ne veux donner qu’un exemple
des
dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois participation de
1372
aux pauvres, et aux pauvres seuls, est désormais
une
vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’idéal évangéliq
1373
s la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire
une
sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment con
1374
ntraire une sournoise révolte de l’homme naturel,
une
poussée de ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l
1375
r de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu,
une
haine des hommes ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du re
1376
anité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine
des
hommes ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment
1377
te l’avait vu, une haine des hommes ; bien plus :
une
révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’est pas le chrétie
1378
isme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux
des
tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂ Comme Max Scheler
1379
rsion. On est heureux de constater qu’elle marque
un
élargissement en même temps qu’une simplification de sa pensée, par r
1380
qu’elle marque un élargissement en même temps qu’
une
simplification de sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M.
1381
ar rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est
un
de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la
1382
e passer de l’air dans la philosophie française ;
un
de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qu
1383
qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste
une
volonté très nette de passer outre aux prudences intéressées de la sc
1384
fort étonnés d’apprendre qu’il fallait, en 1934,
un
courage véritable pour utiliser en philosophie des motifs tels que le
1385
un courage véritable pour utiliser en philosophie
des
motifs tels que le désespoir, l’espérance, la présence ou la fidélité
1386
l’exemple de la phénoménologie a ouvert la voie à
une
nouvelle liberté de la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en
1387
ré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’
une
« présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher
1388
de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’
une
« fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à mo
1389
e » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’
une
méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfinis
1390
il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à
un
jeu d’apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est e
1391
— ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à
une
histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce g
1392
hrase de Shakespeare, à une histoire racontée par
un
idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce genre qui caractérise malh
1393
histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est
une
histoire de ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l
1394
ui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être
un
problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer,
1395
). Le problème devient alors tout autre chose qu’
un
problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure d
1396
e devient alors tout autre chose qu’un problème :
un
mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure déjà par elle-m
1397
che pour s’en approcher figure déjà par elle-même
une
sorte de participation concrète à l’être. Démarche négative du désesp
1398
de l’être, à condition qu’elle soit soutenue par
une
fidélité que l’auteur définit comme « une présence activement perpétu
1399
nue par une fidélité que l’auteur définit comme «
une
présence activement perpétuée ». Et tout cela tend à créer dans l’âme
1400
perpétuée ». Et tout cela tend à créer dans l’âme
une
disponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’est pas à
1401
r, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’
un
aperçu si schématique fait tort au caractère concret de cette méditat
1402
érite principal est à mes yeux d’avoir revalorisé
un
certain nombre de motifs vitaux négligés par la technique idéaliste,
1403
ouer l’auteur de conserver à chaque page le souci
des
références à l’actuel. La description qu’il fait de l’homme moderne r
1404
escription qu’il fait de l’homme moderne réduit à
un
complexe de fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corréla
1405
indique entre l’optimisme du progrès technique et
une
philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que le
1406
ix concrets. La démarche assez sinueuse, le titre
un
peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a
1407
pêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’
une
critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-u
1408
nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns
des
fondements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens
1409
re, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’
une
éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la «
1410
t urgent que les chrétiens opposent à la « morale
des
commerçants » — comme disait Nietzsche — qui domine notre société.
1411
de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’
une
forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Tradui
1412
d, collect. Les Essais. Traduit de l’allemand par
un
anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’un volume intit
1413
yme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’
un
volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en qu
1414
e intitulé le Monde cassé. La première partie est
un
drame en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illustrat
1415
en quatre actes qui n’est pas à proprement parler
une
illustration de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et parti
1416
avoir écrit ses premières œuvres, et devenu l’un
des
chefs du parti catholique parmi les intellectuels allemands, Scheler
1417
heler rompit finalement avec l’Église et revint à
un
nietzschéisme violent. On voit percer par endroits, dans ce livre, un
1418
lent. On voit percer par endroits, dans ce livre,
une
espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’err
1419
ce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où
une
série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : r
1420
vement à la possibilité universelle du désespoir.
Un
rapprochement avec Kierkegaard me paraît s’imposer ici. 49. M. Marce
1421
13, et y mourut en 1855. Presque toute son œuvre,
une
vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de
1422
e à garder les moutons dans la plaine du Jutland.
Un
jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit tertre et il
1423
n jour, accablé par la misère, il était monté sur
un
petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait
1424
Kierkegaard reçut en héritage de son père, après
une
sévère éducation piétiste, un secret terrifiant et une belle aisance
1425
de son père, après une sévère éducation piétiste,
un
secret terrifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira
1426
évère éducation piétiste, un secret terrifiant et
une
belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, i
1427
ns, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’
une
malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. S
1428
en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait
une
grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se
1429
animée de la ville, parler, rire et discuter avec
des
bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le pe
1430
lle, parler, rire et discuter avec des bourgeois,
des
jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le petit peuple. On
1431
t discuter avec des bourgeois, des jeunes filles,
des
balayeurs, des intellectuels, le petit peuple. On connaissait sa silh
1432
des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs,
des
intellectuels, le petit peuple. On connaissait sa silhouette, ses pla
1433
lleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut
un
immense succès ; mais à mesure qu’il se fit mieux comprendre, le publ
1434
orsqu’en 1854 il se mit à attaquer de front, avec
une
extrême violence, le christianisme officiel et les évêques qui avaien
1435
ns la plus complète solitude qu’ait jamais connue
un
grand esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutte, il tomba dans la
1436
te solitude qu’ait jamais connue un grand esprit.
Un
an plus tard, épuisé par la lutte, il tomba dans la rue. On le transp
1437
pour se condamner. Il affirmait qu’il n’était qu’
un
« poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité »
1438
qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas
un
« témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une
1439
érité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme
une
idée si pure et si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne p
1440
les plus diverses. Elle assure aussi à sa pensée
une
influence multiforme, et qui va croissant avec le temps. La philosoph
1441
enne se réclame de sa thèse principale : « Il y a
une
différence qualitative infinie entre Dieu et l’homme. » Le sens réel
1442
eur de l’absolu évangélique. Voici le jugement qu’
un
des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses é
1443
de l’absolu évangélique. Voici le jugement qu’un
des
meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrit
1444
rd était : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul,
un
protestant pouvait trouver pareille formule… L’œuvre la plus profonde
1445
ion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’
un
côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certai
1446
n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons
une
foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauva
1447
rmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre,
une
mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise conscience. Que d
1448
autre, une mauvaise humeur, et certains pensent :
une
mauvaise conscience. Que disent les collectivistes ? Que le grand nom
1449
que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie
des
corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice est da
1450
s l’opinion publique. Que l’histoire évolue selon
des
lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Qu
1451
s-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’
un
seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’abor
1452
fin, d’un seul contre la foule serait la marque d’
un
affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut d
1453
affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’
un
ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ?
1454
ce scepticisme ou cette « mesure »… Sinon la foi
des
uns, fatalement, va triompher de la mauvaise humeur défensive des aut
1455
ent, va triompher de la mauvaise humeur défensive
des
autres. Certes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà de rendre
1456
rdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’
un
homme paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient qu
1457
en si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’
un
seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la
1458
vant Dieu, — car c’est la foi, — que les discours
des
réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la
1459
ce là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’
un
tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas
1460
va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas,
des
valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ?
1461
C’est l’homme dépourvu de sérieux », lit-on dans
un
journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pant
1462
ie impossible, puisqu’elles impliquent le martyre
des
braves chrétiens, comme si la religion, de toute éternité, n’était pa
1463
t Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir d’
un
homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la
1464
éfendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas
une
distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la dépe
1465
de ce qui est « original » ; contre l’emportement
des
multitudes, il revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre
1466
ient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom
des
biens qu’ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirm
1467
ns que nulle violence ne peut dérober, mais c’est
une
triste réponse à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’on n
1468
plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vraiment
un
champion de l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là
1469
t bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas
une
espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de
1470
ui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais
une
aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Niet
1471
ce de confort, mais une aventure absolue et comme
un
jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourra
1472
sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il est
un
acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesu
1473
ce témoin extrême et décisif dont la mort, comme
un
sceau d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spi
1474
r le médecin sévère que la santé moins déprimée d’
un
autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sais
1475
st devenu possible de saisir, dans le déploiement
des
faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes don
1476
ible de saisir, dans le déploiement des faits, et
des
plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard
1477
its, et des plus marquants de l’époque, la vérité
des
anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissance. Nous nous tournons v
1478
ient, nous mettons en lui notre espoir de trouver
un
autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin, ni à Moscou
1479
en lui notre espoir de trouver un autre chemin :
un
chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin, ni à Moscou, mais à nous-même
1480
absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite,
une
figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la pr
1481
lui soit faite, une figure littéralement gênante,
un
rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l’éternel
1482
tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par
une
compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu’aucun autre le mes
1483
e toutes parts, en Europe, à travers la confusion
des
doctrines, reparaître les traits ironiques du grand visage de Kierkeg
1484
and visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit
une
image dont le burlesque n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne
1485
nvisible, seule subsiste sa face hilare au-dessus
des
bourreaux pantois, qui se refusent dignement à couper une tête pareil
1486
reaux pantois, qui se refusent dignement à couper
une
tête pareille. Enfin, le chat disparaît complètement. Mais à certains
1487
ue. Le rire de Kierkegaard sur notre temps ! Dans
un
monde où règne la masse, règne aussi le sérieux le plus pesant. On ne
1488
ne rit pas devant le dictateur, ni dans les rangs
des
troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voic
1489
réfugie dans les soucis publics comme on va voir
un
film pour s’oublier dans un drame fictif, de cet homme affolé par la
1490
lics comme on va voir un film pour s’oublier dans
un
drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — ma
1491
harité chrétienne. « Le christianisme a découvert
une
misère dont l’homme ignore, comme homme, l’existence ; et c’est la ma
1492
ire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie d’
un
seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette «
1493
les autres inexistants ». Mais cette « crainte d’
un
seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrétie
1494
de l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à
une
satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consola
1495
nt ressemble à une satire de l’homme. Il contient
des
consolations et encore des consolations pour ceux qui souffrent à cau
1496
e l’homme. Il contient des consolations et encore
des
consolations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il suppose, s
1497
en de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui
des
autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremble pour le
1498
nt comme si l’Esprit n’existait pas ! Serons-nous
des
témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réve
1499
sprit n’existait pas ! Serons-nous des témoins ou
des
espions craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil de la masse
1500
la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont
des
faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous v
1501
ous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils
des
faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non, no
1502
orte sa consolation, et sur ce texte on nous fait
des
sermons, à nous qui n’avons pas voulu souffrir ». « Dans l’église som
1503
avori élu par la bonne société ; il paraît devant
une
assemblée choisie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a
1504
ît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’
un
Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Mais
1505
ire ce qu’on veut, que ce soit le bien ou le mal,
une
seule condition leur importe : qu’ils soient toujours comme tous les
1506
y trouve quelque passage qui dise le contraire d’
un
autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir, f
1507
on : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’
une
manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Rire
1508
qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique d’
un
Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on
1509
centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien
des
malentendus seraient ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas,
1510
lité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
Une
créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire
1511
par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’
un
exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qu
1512
alisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
une
révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lu
1513
eçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier
une
négation, c’est s’enfoncer dans le néant. Seule la révolte du chrétie
1514
béissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde
un
homme, c’est que le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde te
1515
aux races, à l’histoire (ou plutôt à l’évolution
des
sociétés), à la révolution, au capital, au jugement de l’opinion publ
1516
liques que de les dénoncer pour telles en vertu d’
une
idée de l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme
1517
monde. Elle participe encore de la dégradation. «
Une
objection vraiment méchante s’arcboute toujours contre ce qui la susc
1518
ine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’est
un
aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa
1519
Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez
un
être à ce point simplifié qu’il n’est plus rien qu’obéissance dans la
1520
raigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi
des
psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien de
1521
nnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous
des
hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne, et t
1522
assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé
un
seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Marius, telle est la v
1523
is trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être
une
foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou q
1524
homme devant la responsabilité de son acte. « Car
une
foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme is
1525
a responsabilité de son acte. « Car une foule est
une
abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la
1526
n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ,
un
homme oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mai
1527
as dans la rue seulement. Elle est dans la pensée
des
hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaar
1528
tence individuelle. Chaque fois que nous disons d’
un
de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission.
1529
« lois » historiques ou sociologiques sont comme
une
inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’op
1530
es sont comme une inversion de la théologie, sont
une
théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel5
1531
e qu’il a voulu bannir la possibilité scandaleuse
des
actes libres de la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui se
1532
nce. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’
un
comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujourd’
1533
rait d’un comique insondable si seulement l’homme
des
masses ne venait aujourd’hui s’en prévaloir pour rendre un culte sang
1534
ne venait aujourd’hui s’en prévaloir pour rendre
un
culte sanguinaire aux faux dieux qu’elle a suscités. « Le philosophe
1535
mble-t-il pas que le temps court plus vite depuis
un
siècle ? C’est que la fuite des hommes devant l’instant présent se pr
1536
t plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite
des
hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont pas lu Hegel,
1537
ine le marxisme et les fascismes, et la théologie
des
sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. Comment lui échapp
1538
t les fascismes, et la théologie des sociologues,
des
historiens, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-il pas
1539
et la théologie des sociologues, des historiens,
des
clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même de
1540
tion ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par
un
artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’ador
1541
. (Est-ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce
un
effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien
1542
ême possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou
un
moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plu
1543
tre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains
des
plus lucides entrevoient le péril que ces doctrines font courir à l’h
1544
bitudes de l’esprit religieux leur font concevoir
une
Âme du Monde qu’ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) c
1545
igurent (mais sans franchise, ni précision) comme
une
espèce de vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vap
1546
ible providence surnaturelle ! ». Toute-puissance
des
mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’or
1547
faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
des
romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je,
1548
où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’
un
impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’est
1549
e que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais
un
moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des l
1550
que tu n’es pas foule, imitation et simple objet
des
lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle te méprisera san
1551
maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis.
Un
« moi pur », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être ag
1552
e d’accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec
une
sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet d
1553
l, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il existe
un
« ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et ju
1554
é et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir.
Un
seul utile à tous La phrase de Carlyle est connue, résumant l’util
1555
ésumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné
un
monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs
1556
e du solitaire » est le seul fondement pratique d’
une
collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder d’i
1557
Cependant, il vaut mieux se garder d’insister sur
un
tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui, d’abord, parmi
1558
omme donnée ? La tentation est forte, de passer d’
une
critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une c
1559
La tentation est forte, de passer d’une critique
des
collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une communauté chr
1560
ollectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’
une
communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-être a
1561
à tous ou contre tous, chacun croit qu’il s’agit
des
autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle au solitai
1562
s réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour
un
seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le sol
1563
e le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (
Un
homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivr
1564
tion, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans
un
article de la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 6
1565
ligne. 62. Pourquoi poser la question à propos d’
un
cas aussi exceptionnel que le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous de
1566
ble rappel aux nécessités quotidiennes est encore
un
prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique,
1567
vie quotidienne » n’est peut-être rien d’autre qu’
un
dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une quest
1568
fait de « la foule » dans notre existence morale.
Une
question mal posée. Un regard trouble porté sur la réalité. x. Roug
1569
s notre existence morale. Une question mal posée.
Un
regard trouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis de, « Néces
1570
n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’
une
œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman
1571
t, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’
un
auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelque
1572
mande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’
un
roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas a
1573
uelque chose qui ne plaira pas au public habituel
des
prix Goncourt —, et qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂ Si
1574
habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec
une
puissance assez austère. ⁂ Six chômeurs allemands, anciens officiers
1575
les interdit à la Bolivie d’utiliser les services
des
Allemands. Pendant leur traversée, un coup d’État renverse le gouvern
1576
s services des Allemands. Pendant leur traversée,
un
coup d’État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieuse
1577
rsuivre. L’un d’entre eux se laisse entraîner par
des
révolutionnaires qui préparent un coup de main contre le dictateur du
1578
entraîner par des révolutionnaires qui préparent
un
coup de main contre le dictateur du Venezuela ; un autre ira chercher
1579
n coup de main contre le dictateur du Venezuela ;
un
autre ira chercher fortune en Argentine, dans une plantation de thé o
1580
un autre ira chercher fortune en Argentine, dans
une
plantation de thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. L
1581
lle étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans
un
désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre de la
1582
normes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre,
un
métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à faire ; final
1583
our se débarrasser d’eux, il les fait tomber dans
un
piège grossier : un agent provocateur leur offre un engagement au Par
1584
’eux, il les fait tomber dans un piège grossier :
un
agent provocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’ils ont la
1585
piège grossier : un agent provocateur leur offre
un
engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de
1586
s de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans
une
prison infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre d’Allemagne à L
1587
sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
des
Indiens lépreux. Le ministre d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à
1588
à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après
des
semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement l
1589
, à bout de ressources, acceptent de collaborer à
une
révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs c
1590
tion qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent
un
de leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela
1591
arti pour le Venezuela, et qui a subi, lui aussi,
des
emprisonnements, le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais il
1592
ubi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et
des
tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour aller
1593
e tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’
un
combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le che
1594
o de Janeiro, au cours d’un combat acharné contre
une
section des troupes régulières, dont le chef n’est autre que le plant
1595
, au cours d’un combat acharné contre une section
des
troupes régulières, dont le chef n’est autre que le planteur de thé,
1596
hé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’
un
roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d
1597
ventures. Destin allemand est bien, entre autres,
un
roman d’aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspe
1598
en, entre autres, un roman d’aventures, et même d’
une
intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à re
1599
Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par
une
crise qui n’est pas seulement économique, par une crise qui atteint à
1600
une crise qui n’est pas seulement économique, par
une
crise qui atteint à la fois leur attachement à la patrie et leur huma
1601
lonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ;
un
autre encore, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voul
1602
pas voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans
une
vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de tout
1603
erre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’
une
existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne ser
1604
ant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont
des
hommes très simples et qui s’expriment difficilement. Seul Pillau, le
1605
r drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’
une
manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois, un
1606
tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
une
forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, boule
1607
première fois, une forme nouvelle de patriotisme,
une
façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, souffrante, et pour
1608
t de participer au destin qui lui était échu pour
un
temps. Ce destin qui obligeait l’Allemagne, après la guerre, à vivre
1609
igeait l’Allemagne, après la guerre, à vivre dans
un
état de guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un
1610
ncore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait
un
pays pauvre, abattu, désuni et impuissant… » Mais tandis que Bell, le
1611
Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond d’
une
tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision
1612
s du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’
une
Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée p
1613
u fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement
un
matériel incomparable. Car, voyez-vous, Bell… rien ne rend aussi dur
1614
t aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde
une
communauté comme le malheur. La communauté des gens qui vivent dans l
1615
de une communauté comme le malheur. La communauté
des
gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la
1616
s qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas
un
clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’est l
1617
celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté
des
gens cimentés par le malheur, ça c’est la seule vraie communauté qui
1618
la seule vraie communauté qui puisse exister pour
un
peuple ». ⁂ J’ai tenu à citer ces passages pour faire sentir à quelle
1619
es bien loin de la « propagande » nationaliste et
des
rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce p
1620
s’appeler « La condition humaine ». Et plusieurs
des
paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliqu
1621
de Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur
des
hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuell
1622
, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte
une
certitude assez impressionnante : partout où il se crée quelque chose
1623
e chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’
un
blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeurs
1624
l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont su créer
des
empires solides, des valeurs morales stables, de la fidélité. Les bla
1625
es blancs seuls ont su créer des empires solides,
des
valeurs morales stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent teni
1626
es, de la fidélité. Les blancs seuls savent tenir
une
parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgré le
1627
ncs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
une
cause désespérée, tenir le coup, malgré les trahisons du sort. Mais l
1628
ue en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’
une
race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure
1629
lemand, comme on lirait dans la conscience même d’
un
peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle es
1630
Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’
une
telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange de
1631
teurs français en soient choqués — le sentiment d’
une
fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisémen
1632
e précisément ce titre, était loin d’évoquer avec
une
pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici même, mon admirat
1633
ffirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’
une
classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel éloge
1634
nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est
un
bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres son
1635
de la douleur physique. Ses héros subissent, avec
un
héroïsme et une révolte plus émouvants d’être silencieux, des torture
1636
hysique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et
une
révolte plus émouvants d’être silencieux, des tortures dont les héros
1637
et une révolte plus émouvants d’être silencieux,
des
tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire
1638
e plus authentique. Il y a, dans Destin allemand,
un
timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souff
1639
ns Destin allemand, un timbre de voix métallique,
une
sobriété amère et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous
1640
oix métallique, une sobriété amère et courageuse,
un
souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de
1641
ue, une sobriété amère et courageuse, un souffle,
une
grandeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de la réalité hu
1642
ncret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement
une
rigueur qui se perdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il es
1643
re jugement une rigueur qui se perdait à soupeser
des
objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule f
1644
rop petits. 63. Il est curieux de noter que pas
une
seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais quel sort
1645
frappant : Malraux, comme Edschmid, a voyagé dans
des
pays où il a pu voir les Européens mêlés à des révolutions indigènes,
1646
ns des pays où il a pu voir les Européens mêlés à
des
révolutions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré des conclusion
1647
utions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré
des
conclusions sur le destin de la race blanche, qui forment l’arrière-p
1648
éologique de son œuvre. Leurs manières de décrire
des
combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros médite sur s
1649
entiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goût
des
situations extrêmes, où se dénude le fond secret d’un être, sa sauvag
1650
ituations extrêmes, où se dénude le fond secret d’
un
être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-
1651
35)z Il vient de paraître au Mercure de France
un
volumineux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers
1652
eux choix de sentences, aphorismes et notes tirés
des
papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance
1653
s affirme qu’ils constituent le texte véritable d’
une
œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère
1654
le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’
une
allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu q
1655
exorbitante : je n’ai lu que de courts fragments
des
posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel q
1656
uma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’
un
choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la tota
1657
n vient de nous donner, nous restitue la totalité
des
thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que c
1658
restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous
une
forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’adopta Nietzsche dan
1659
rdre humain, ne peut être vraiment dangereux pour
un
chrétien qui sait en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’
1660
autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture
des
« certitudes » mal centrées, purement traditionnelles, jamais sérieus
1661
leur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie
une
idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de li
1662
erai donc aux passages qui me paraissent prêter à
un
commentaire marginal, crayonné rapidement, à la volée, et sans autre
1663
à la volée, et sans autre ordre que celui-là même
des
aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu
1664
ition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’
une
théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques”.
1665
’est qu’une théologie masquée : “nous atteindrons
un
jour des buts magnifiques”. Un but final plane devant les regards de
1666
une théologie masquée : “nous atteindrons un jour
des
buts magnifiques”. Un but final plane devant les regards de l’homme.
1667
“nous atteindrons un jour des buts magnifiques”.
Un
but final plane devant les regards de l’homme. Le christianisme, qui
1668
n selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement
un
succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de
1669
édané païen de l’idée de Providence, mais surtout
une
négation de la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opérati
1670
st-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille
un
incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’est pa
1671
» du moindre d’entre nous. Nietzsche croit faire
un
reproche terrible au christianisme en le traitant d’agent « non histo
1672
vous y trouverez cette confession ahurissante : «
Un
grand savant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi que nous avion
1673
ssante : « Un grand savant, M. Langevin, expliqua
un
jour devant moi que nous avions derrière nous deux milliards d’années
1674
nt nous dix mille milliards d’années. Nous sommes
des
enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’espr
1675
ts. » Au salut par l’éternité, voici donc opposée
une
notion beaucoup plus scientifique et beaucoup plus conforme aux exige
1676
end. Et pourtant, je puis donner à cette sentence
une
adhésion assez méfiante. Il est trop clair qu’on peut inverser la max
1677
usse la véritable dentition. La foi est toujours
une
seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne fois aux « c
1678
spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’
un
christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement ?
1679
sion ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez
des
autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroy
1680
ue l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce
une
vérité. En quoi l’on pourra dire qu’il ressemble fort au croyant, — t
1681
t très excités. Les religions se consolident dans
des
périodes de grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se
1682
lle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’
une
crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise pl
1683
rise que la foi ne résout pas (en lui substituant
une
autre crise plus radicale et salutaire) c’est, par exemple, le culte
1684
le type même de la superstition née du cerveau d’
un
homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime l
1685
grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique d’
un
homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne sau
1686
occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse
des
critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a un
1687
zsche — et jusque dans leur injustice, car il y a
une
manière « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me lais
1688
stice, car il y a une manière « injuste » de dire
des
choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours plus perpl
1689
compte qu’inquiet sur le mien. Mauvais signe pour
un
penseur qui a entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’e
1690
« déclarer ses valeurs », sans jamais renvoyer à
une
autorité centrale qui donnerait la synthèse de ces contradictions. La
1691
le aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans
une
formule unique qui renvoie au fondement même du christianisme : l’opp
1692
s. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la vie
des
chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiq
1693
la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà
une
pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contr
1694
aire le monde contemporain entièrement dominé par
une
religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas
1695
celle-là ! Le christianisme a promis le royaume
des
cieux à la pauvreté spirituelle. Mais le premier chrétien cultivé et
1696
reté spirituelle. On est toujours étonné de voir
un
esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossiè
1697
ce même livre, quatre pages plus bas, j’en trouve
un
autre exemple : Nietzsche croit découvrir que la notion chrétienne du
1698
les criailleries de Nietzsche, certaines prennent
un
accent prophétique : « Des hommes de commandement commanderont aussi
1699
che, certaines prennent un accent prophétique : «
Des
hommes de commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyan
1700
s fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi, d’
un
« spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous pa
1701
retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur
un
autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce régime s’est ét
1702
qu’il y a, à côté de la causalité absolue, encore
un
Dieu ou une finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable.
1703
à côté de la causalité absolue, encore un Dieu ou
une
finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable. Traduisons :
1704
que vous croyez qu’il y a, à côté de Dieu, encore
un
dieu : morale, devoir kantien, conscience, notion humaine de la justi
1705
st le « Dieu moral » qui empêche, en particulier,
une
certaine théologie libérale de reconnaître que le Dieu de la Bible —
1706
« Dieu moral » qui détourna plusieurs générations
des
églises où on le prêchait envers et contre tout « honneur de Dieu » ?
1707
sur la religion se terminent par cet aphorisme d’
une
éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67.
1708
sme d’une éblouissante vérité. 66. Onze volumes
des
œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 ans (Grasset). z.
1709
ze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’
un
homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge
1710
opos de table, présentés au public français comme
un
ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théo
1711
igeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut
un
démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alleman
1712
itent pas à soutenir que Luther fut un démagogue,
un
exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la c
1713
Luther, je crois que la phrase suivante en donne
une
juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu
1714
e juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ?
Un
moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d
1715
marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’
un
critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il
1716
dit, il est juste d’insister sur la grande valeur
des
travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute
1717
e rien dire — mais cela va de soi — de l’activité
des
professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans
1718
r, jointes aux diverses calomnies recueillies par
des
biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifl
1719
méconnaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître
un
des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’
1720
connaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un
des
deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occi
1721
x : dans la totalité de l’être, revient à celle d’
un
christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’
1722
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’
un
christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce qu
1723
première traduction française va paraître, après
un
peu plus de 400 ans : je le vois au centre du débat occidental par ex
1724
ffort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à
un
pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le g
1725
nifiée) n’est, en fait, que le support apparent d’
une
réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende tou
1726
parent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’
un
témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue habit
1727
opposition de cette justice de Dieu à la justice
des
hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon
1728
ition codifiée ; sens de la décision totale entre
un
oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus
1729
fiée ; sens de la décision totale entre un oui et
un
non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins
1730
traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas
un
système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent très
1731
outes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à
une
réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par n
1732
de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’
un
Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tou
1733
e sophismes. Non seulement tous les humanistes, —
des
marxistes aux vieux libéraux, — y applaudissent ouvertement, mais enc
1734
que, de les faire siens puisqu’il croit au mérite
des
œuvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luth
1735
! — tous ceux qui tiennent la prédestination pour
un
dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduisent : « Paix sur la terre a
1736
les. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ?
Une
verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque
1737
pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’
une
certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
1738
le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’
une
dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisage h
1739
conférer à son choix la force et la simplicité d’
une
constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
1740
e et la simplicité d’une constatation évidente. D’
un
point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
1741
z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’
un
lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué p
1742
te maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’
un
grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bien
1743
nt, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et
des
apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas proprement lu
1744
de toute espèce de considération psychologique. (
Un
tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop en
1745
nisme laïque, autonome, est simplement nié, comme
une
absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme en tant
1746
utonome, est simplement nié, comme une absurdité,
une
contradiction dans les termes. C’est à Érasme en tant que théologien
1747
et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’
un
moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inév
1748
ir, pour qu’on puisse écarter cette objection par
un
simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tentera
1749
ai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’
une
« conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisa
1750
nce moderne », douée d’exigence spirituelle, avec
un
partisan du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’un tel d
1751
« serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’
un
tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme qu
1752
ogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’
un
homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout inst
1753
nt. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard.
Une
conscience moderne. — Selon Luther, nous n’avons aucune liberté, car
1754
ouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par
un
arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Ma
1755
rbitre qui ne tient pas compte de nos exploits !
Un
luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies règles du jeu ? Qui
1756
les du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était
une
partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore entre l
1757
i reconnues ; à m’affirmer dans mon autonomie par
un
acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L.
1758
on autonomie par un acte qui crée ma liberté, par
un
acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel po
1759
volte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir
un
tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit
1760
e suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est
une
hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la
1761
ns me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par
un
Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc c
1762
ent, n’existe plus pour toi ? Fermer les yeux sur
une
réalité, ce n’est pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-êtr
1763
river de son secours, ou encore la transformer en
une
menace obscure. Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’
1764
core la transformer en une menace obscure. Il y a
une
double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être
1765
dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’
une
mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’i
1766
ire, la source de tout acte et de toute création,
une
invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule c
1767
te création, une invention totale et perpétuelle,
une
actualité permanente, la seule chose qui change quelque chose au déro
1768
temps, quand elle le touche dans l’instant (dans
un
« atome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assu
1769
capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’
une
éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie
1770
ce scandale d’une éternité seule actuelle ? C’est
un
mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible é
1771
plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’
un
faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
1772
on n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est
un
mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. «
1773
nellement, adresse à Dieu, au nom de sa promesse,
une
prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère :
1774
é — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en
un
instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a déc
1775
t pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à
une
succession. Mais, au contraire, nos divers temps et successions procè
1776
ur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’
une
décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est el
1777
us ferait croire qu’une décision de l’Éternel est
une
décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre pré
1778
e reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur
des
plus grossières ? … C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirm
1779
entiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’
une
décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette dé
1780
es, suffit à établir pour le chrétien la vérité d’
un
paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’É
1781
, on peut soutenir que l’homme possède au moins «
un
faible libre arbitre »71, dans les choses du salut. Mais que le Chris
1782
ait se complaire Érasme. Le problème du salut est
un
problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologi
1783
comme le répète Luther —, ce que nous nommons ici
un
paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se
1784
er —, ce que nous nommons ici un paradoxe demeure
une
pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui
1785
au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans
un
plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son hu
1786
oir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand
des
adversaires du christianisme dans les temps modernes, Nietzsche, abou
1787
sme dans les temps modernes, Nietzsche, aboutit à
un
dilemme qui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther
1788
elque influence inconsciente, encore bien moins à
une
coïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’agit. Le
1789
il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à
une
épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est pro
1790
à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois »
des
chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
1791
érence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer
un
Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vi
1792
d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons
une
Providence dont la Parole vivante s’est incarnée : « Emmanuel ! » — D
1793
h : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft
des
Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lut
1794
e mouvement œcuménique ne deviendra réel aux yeux
des
peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force
1795
tre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins
une
sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouven
1796
eille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’
une
vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêm
1797
mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’
un
manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles ex
1798
uffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle
un
manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain
1799
nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’
un
certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté préci
1800
rtain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’
une
volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mai
1801
an d’une volonté précise et combative. Elles sont
un
respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute gar
1802
Elles sont un respectable résultat, mais non pas
un
point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Ma
1803
as un point de départ. Sans doute garderont-elles
une
valeur historique. Mais comme beaucoup de documents qui prennent par
1804
e beaucoup de documents qui prennent par la suite
une
valeur historique, elles auront passé inaperçues en leur temps. Ce ma
1805
inaperçues en leur temps. Ce manque d’efficacité
des
messages œcuméniques, dans le plan politique, provient sans doute du
1806
olitique, provient sans doute du fait qu’ils sont
des
compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcément tr
1807
ent sans doute du fait qu’ils sont des compromis,
des
accords minima, obtenus non sans peine et forcément trop généraux. Ma
1808
e jusqu’ici a été d’essayer de choisir prudemment
une
attitude politique plus ou moins juste d’une part, plus ou moins acce
1809
le et l’on a tenté de l’améliorer, conformément à
des
principes indiscutés de morale chrétienne et naturelle. Or le réformi
1810
éformisme moral n’a jamais pu influencer le cours
des
événements. L’histoire est faite d’initiatives, non de retouches, de
1811
e retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’
une
initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risque autant et
1812
initiative aboutisse, il faut qu’elle représente
un
risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée pa
1813
ut qu’elle représente un risque autant et plus qu’
une
prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse d
1814
qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par
une
passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui
1815
mes qui ont fait l’histoire sont ceux qui avaient
une
vision passionnée de leur but et qui ont su plier les circonstances à
1816
t su plier les circonstances à leur dessein. Dans
un
certain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de
1817
ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas
des
données et des aspirations plus ou moins exactement connues ou suppos
1818
tion, la plus profonde, et non pas des données et
des
aspirations plus ou moins exactement connues ou supposées de leur épo
1819
e. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer
une
mosaïque de mesures désirables, mais au contraire sa position politiq
1820
u contraire sa position politique doit exprimer d’
une
façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire en
1821
, mais tout cela, avec confiance, mais aussi avec
une
inflexible conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter un
1822
uence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter
une
politique accidentellement ou indirectement « chrétienne », mais il s
1823
les articulations. Que l’on excuse le schématisme
des
pages qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’un sommaire.
1824
schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’
un
plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’hi
1825
qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’
un
sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos
1826
ts permanents de l’histoire ont pris de nos jours
un
caractère de violence sans précédent. À travers les complexités infin
1827
ec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint
un
climat presque mortel. Conflit politique et économique entre l’État t
1828
ers conflits ne sont en réalité que les aspects d’
une
seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux différ
1829
eule et même opposition fondamentale, réfractée à
des
niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun de ces termes oppos
1830
binaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir
une
vérité, mais seulement une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne s
1831
n ne peut faire sortir une vérité, mais seulement
une
erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en fai
1832
l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en faisant
une
somme d’hérésies. Du conflit politique et économique, résultent prati
1833
ie. Du conflit idéologique et religieux résultent
des
mises au pas de plus en plus indiscrètes et des schismes multipliés.
1834
t des mises au pas de plus en plus indiscrètes et
des
schismes multipliés. Pour résoudre l’opposition unité-division, il se
1835
tion unité-division, il serait vain de rechercher
une
solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin des deux erreurs
1836
lution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin
des
deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitu
1837
titude centrale dont ces deux erreurs ne sont que
des
déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni « just
1838
suivante : La théologie de l’œcuménisme implique
une
philosophie de la personne dont l’application est une politique du fé
1839
philosophie de la personne dont l’application est
une
politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écartons
1840
suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’
une
« théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existantes
1841
d’une « théologie œcuménique », synthèse utopique
des
théologies existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’être
1842
e qui risquerait de n’être compatible avec aucune
des
théologies existantes. Ce qui nous intéresse ici, c’est la doctrine c
1843
erselle, implicitée par le fait même qu’il existe
un
effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lors que nous p
1844
énisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union
des
chrétiens en Christ, cette foi pouvant être connotée par le rejet de
1845
uvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’
une
unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car c’
1846
es ont voulu transformer la foi à l’Una Sancta en
une
assurance visible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doc
1847
c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’
une
union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion ré
1848
istoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir
un
monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisit à la di
1849
bâtir un monument visible à la gloire de l’unité
des
hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convient de laiss
1850
e l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité
des
dons accordés par le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité d
1851
le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité
des
demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversit
1852
re, ou doctrine de la pluralité des demeures dans
un
seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’u
1853
et même ciel, ou encore doctrine de la diversité
des
membres d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donn
1854
ou encore doctrine de la diversité des membres d’
un
seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun c
1855
Paul établit avec le plus de force la légitimité
des
diversités. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis
1856
la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’
une
excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent de
1857
e.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
des
sept églises d’Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « S
1858
sédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez
un
comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’uni
1859
la parole « Soyez un comme le Père et moi sommes
un
», qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des pers
1860
lit le modèle même de l’union dans la distinction
des
personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs de l’Église. Mais vo
1861
ologie de l’œcuménisme considère que la diversité
des
vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie
1862
que la diversité des vocations divines n’est pas
une
imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complém
1863
ce détour, précisément, qu’elle espère atteindre
une
communion d’esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’uni
1864
Toutefois, cette méthode n’est compatible qu’avec
des
orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une ort
1865
que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser
une
orthodoxie qui céderait consciemment à la tentation unitaire, c’est-à
1866
aines ont ajouté, et peu à peu substitué en fait,
un
principe d’unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’es
1867
C’est la formule même de la tyrannie. Car, contre
un
principe d’unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absol
1868
it à l’orthodoxie protestante du xviiie siècle :
une
certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des
1869
de proclamer le dogme de l’inspiration littérale
des
Écritures, par exemple, revient à disposer humainement des Écritures.
1870
ures, par exemple, revient à disposer humainement
des
Écritures. Car aussitôt que le principe d’unité apparaît humainement
1871
, dès cette époque, dans les Églises calvinistes.
Une
Église qui prétend se suffire et posséder son principe d’unité, une É
1872
tend se suffire et posséder son principe d’unité,
une
Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer sa cohésio
1873
la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’
un
membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par l’
1874
les autres membres, assurée par l’appartenance à
un
même chef. Nous retrouverons plus loin, et à plusieurs reprises, ce t
1875
systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement
un
éloge de la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique.
1876
à base d’indifférence dogmatique. Car l’harmonie
des
membres n’est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon
1877
dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas
une
tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer »
1878
armonie des membres n’est pas une tolérance, mais
une
nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit ê
1879
umon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être
un
vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un b
1880
dans cette mesure même, il aidera le cœur à être
un
bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spirit
1881
s Églises qui ne représentent pas spirituellement
une
fonction distincte, mais seulement la division ou la duplication acci
1882
ment la division ou la duplication accidentelle d’
un
même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt p
1883
uméniques que nous venons d’esquisser enveloppent
une
doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dan
1884
s d’individu, de collectivité, et de personne par
des
exemples historiques susceptibles de faire image. L’individu est une
1885
iques susceptibles de faire image. L’individu est
une
invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hel
1886
s privés, conscience de soi, succèdent au respect
des
tabous et à la stricte observance du sacré collectif. Mais ce mouveme
1887
Il s’oriente vers l’anarchie. À ce moment se crée
un
sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naî
1888
moment se crée un sentiment de vide social. C’est
une
sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
1889
une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à
une
communauté nouvelle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des
1890
elle et plus solide, où l’individu isolé retrouve
des
contraintes qui le rassurent, et où l’État reprend sa puissance. C’es
1891
ussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’
une
succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manièr
1892
ide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien
des
égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolutio
1893
tion, sa « mise au pas ». C’est avec la poussière
des
individus que l’État fait son ciment. Mais cet État centralisé, cette
1894
oute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’
une
fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et
1895
rice. L’homme n’est plus qu’une fonction sociale,
un
« soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite,
1896
ociété ? En ce point crucial de l’histoire — dans
une
situation qui rappelle étrangement la lutte présente entre démocratie
1897
que de l’Incarnation. Et il apporte à la question
des
temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce que l’Église primit
1898
rspective sociologique où nous nous plaçons ici ?
Une
communauté spirituelle formée de communautés locales ou « cellules ».
1899
. Celles-ci ne se fondent pas sur le passé ou sur
des
origines communes : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fo
1900
plus n’est pas terrestre : elles attendent la fin
des
temps. Et cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une s
1901
ndant, elles constituent bel et bien les germes d’
une
société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs l
1902
corpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part
une
activité sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la soli
1903
le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt
une
dignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il a reçu la
1904
nc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’
un
seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme
1905
vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’
un
type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
1906
tat qu’était le citoyen romain, puisqu’il possède
une
dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il fau
1907
de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut
un
mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre un mot déjà connu, mais auquel
1908
Il faut un mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre
un
mot déjà connu, mais auquel on donnera un sens nouveau. Pour désigner
1909
prendre un mot déjà connu, mais auquel on donnera
un
sens nouveau. Pour désigner les relations constituant la Trinité, les
1910
s chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans
un
monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à la fois autonome
1911
a réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien
des
créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de l’Église
1912
en des créations chrétiennes, ou pour mieux dire,
des
créations de l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se r
1913
. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère
un
homme est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’autrui. En ret
1914
t et la liberté, les droits du tout et les droits
des
parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prévient d’une part
1915
e, insistons sur ce point : la personne n’est pas
un
moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politique tro
1916
’homme intégral, dont les deux autres ne sont que
des
maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre poss
1917
s qu’intervient la transcendance, il y a mieux qu’
un
équilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là
1918
anscendance, il y a mieux qu’un équilibre, il y a
un
principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais
1919
nne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’
une
fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un pou
1920
a devise paradoxale du fédéralisme helvétique : «
Un
pour tous, tous pour un », est également valable sur ces trois plans.
1921
édéralisme helvétique : « Un pour tous, tous pour
un
», est également valable sur ces trois plans. L’œcuménisme exclut l’o
1922
s que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’
un
groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De mêm
1923
un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’
un
homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il s
1924
d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’être
un
vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être un
1925
il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être
un
homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part
1926
qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part
des
groupes locaux (région, commune, entreprises, etc.) et l’œcuménisme r
1927
pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans
une
grande ville moderne ou dans un vaste État centralisé. D’autre part,
1928
rouve isolé dans une grande ville moderne ou dans
un
vaste État centralisé. D’autre part, on n’est pas non plus tyrannisé
1929
D’autre part, on n’est pas non plus tyrannisé par
une
loi rigide et uniforme, puisque dans une fédération l’on peut toujour
1930
nisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans
une
fédération l’on peut toujours adhérer à divers groupes, l’un religieu
1931
ane central qui lie toutes les régions, il ménage
un
recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il cherche la
1932
. Au lieu de pétrifier les frontières extérieures
des
groupes qui forment la fédération, il cherche à vivifier leurs foyers
1933
Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique
des
puissances affrontées, il substitue l’émulation vivante des valeurs o
1934
nces affrontées, il substitue l’émulation vivante
des
valeurs originales. Spinoza définit la paix comme « l’harmonie des âm
1935
nales. Spinoza définit la paix comme « l’harmonie
des
âmes fortes ». Nous pourrions pareillement définir l’œcuménisme et le
1936
isme implique dans l’ordre économique la vitalité
des
syndicats ouvriers et patronaux, et la substitution au régime capital
1937
te (centralisateur et individualiste à la fois) d’
un
régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui déb
1938
gime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans
un
exposé qui déborde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était
1939
lisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’
une
seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et
1940
nommait chez eux la « démocratie ». Ils attendent
un
régime qui puisse allier la liberté à la communauté. Dans le fédérali
1941
plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement
des
démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’une économie, sans do
1942
définitivement des démocraties, ce sera la mort d’
une
culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppre
1943
s démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’
une
économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute po
1944
on de toute possibilité œcuménique, la subversion
des
valeurs universelles créées par l’évangélisation de la conscience occ
1945
le de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif
des
forces en présence ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de
1946
’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’
une
période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car
1947
je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’
une
révolution se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tact
1948
Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut
une
vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ?
1949
’une révolution se déclenche, il faut une vision,
une
doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prép
1950
se déclenche, il faut une vision, une doctrine et
une
tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prépare ? Le capital
1951
apitalisme et l’individualisme ont reçu en Europe
des
coups mortels, dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de g
1952
ortels, dans les deux camps. Le totalitarisme est
un
état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à
1953
sister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’
un
vide économique, idéologique et social sans précédent dans notre hist
1954
e seule répond à la fois aux aspirations confuses
des
peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à
1955
ire. Il détruit les contradictions intolérables d’
une
Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant cap
1956
victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’
une
table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est d
1957
Staline, il paraît être de profiter de la guerre
des
autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence générale des c
1958
nsolider l’autarcie russe… Cette carence générale
des
chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvel
1959
autarcie russe… Cette carence générale des chefs,
des
doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les
1960
ette carence générale des chefs, des doctrines et
des
partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répon
1961
nérale des chefs, des doctrines et des partis est
un
appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, pers
1962
chefs, des doctrines et des partis est un appel à
une
autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, personne d’autre
1963
énumérer, sont-elles moins destinées à combattre
des
doutes qu’à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’
1964
s destinées à combattre des doutes qu’à fortifier
des
espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du monde christia
1965
doutes qu’à fortifier des espérances ou à nourrir
des
volontés. 1. L’histoire du monde christianisé nous montre que les str
1966
écédé et prédéterminé les structures politiques d’
une
nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence des
1967
erai trois groupes d’exemples de cette précédence
des
facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’il existe un
1968
x. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’il existe
une
forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une secon
1969
otalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe,
une
seconde, correspondant à l’Allemagne en majorité luthérienne, et une
1970
en pays calvinistes, ou seulement influencés par
des
éléments calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas de la France
1971
publique ? Comment expliquer ce fait ? À défaut d’
une
étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dirai c
1972
e l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’
une
manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment
1973
le, le sentiment que l’Église et l’État formaient
un
tout, et constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était
1974
it donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et comme
une
révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’elle renverse, u
1975
oujours la structure du pouvoir qu’elle renverse,
un
Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se vire
1976
tructure du pouvoir qu’elle renverse, un Staline,
un
Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraint
1977
qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans
une
mesure moindre, un Mussolini, se virent contraints par le sentiment g
1978
n Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre,
un
Mussolini, se virent contraints par le sentiment général de reprendre
1979
cation personnelle ont toujours été mis au-dessus
des
devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’est affai
1980
carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’
une
anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de dispers
1981
closion d’une anti-religion totalitaire, mais par
un
phénomène contraire de dispersion individualiste. Autre exemple : l’A
1982
nnelle, sans rupture violente (surtout en Suède).
Un
contenu nouveau, calviniste ou luthérien, s’est introduit dans les ca
1983
uté, hiérarchies sociales — mais il s’y introduit
un
contenu socialiste. (Là encore avec moins de secousses en Scandinavie
1984
exemple : Calvin s’est toujours refusé à établir
une
uniformité de gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaie
1985
as, selon ses propres termes, dans la diversité «
des
Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser
1986
ropres termes, dans la diversité « des Églises et
des
personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédération d
1987
iques devait trouver sa traduction politique dans
un
fédéralisme plus ou moins accentué selon les nations : Confédération
1988
tions : Confédération helvétique, Provinces-Unies
des
Pays-Bas, Commonwealth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme
1989
it — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par
des
seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle,
1990
éformés de France, au xvie siècle, préconisèrent
une
organisation fédérative du royaume, cependant que Sully, leur chef, c
1991
« Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan d’
une
Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de mu
1992
que pour montrer : 1° que la connaissance intime
des
processus religieux dans un pays donné fournit une clé des processus
1993
connaissance intime des processus religieux dans
un
pays donné fournit une clé des processus politiques qui s’y manifeste
1994
es processus religieux dans un pays donné fournit
une
clé des processus politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° q
1995
ssus religieux dans un pays donné fournit une clé
des
processus politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° que l’act
1996
es processus religieux, préparera le terrain pour
une
action politique réaliste, c’est-à-dire tenant compte des données emp
1997
on politique réaliste, c’est-à-dire tenant compte
des
données empiriques et des diversités spirituelles sur la connaissance
1998
st-à-dire tenant compte des données empiriques et
des
diversités spirituelles sur la connaissance desquelles se fonde néces
1999
nt les seules bases actuellement concevables pour
un
ordre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous
2000
gion de l’homme » que certains nous proposent est
une
contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de
2001
aix, elles convoient et contiennent en même temps
un
indiscutable dynamisme révolutionnaire. 3. L’organisation du Conseil
2002
iques et politiques se sont désintégrées au cours
des
deux dernières décades. (Les partis socialistes subsistant dans les p
2003
tes russes, ni même américains, pour ne donner qu’
un
exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est strictement limité
2004
l’œcuménisme, qui permette de mettre en relations
des
groupes nationaux non étatiques. Ce fait simple institue pour le mouv
2005
fait simple institue pour le mouvement œcuménique
une
possibilité historique sans précédent, une lourde responsabilité huma
2006
énique une possibilité historique sans précédent,
une
lourde responsabilité humaine, et, n’hésitons pas à le dire, une voca
2007
onsabilité humaine, et, n’hésitons pas à le dire,
une
vocation. 4. La renaissance liturgique qui va de pair, dans toutes le
2008
avec l’effort œcuménique, est en train de recréer
un
langage commun, un ensemble de communes mesures spirituelles. Ce lang
2009
nique, est en train de recréer un langage commun,
un
ensemble de communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des l
2010
mmunes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus
des
langages répond exactement aux besoins les plus légitimes de notre te
2011
mble les personnes, et non pas celle qui fond, en
une
masse informe et grossièrement encadrée, les individus privés de leur
2012
par le mouvement œcuménique, marque l’avènement d’
une
attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-masse m
2013
donc seul en mesure de préparer la réconciliation
des
adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des er
2014
n des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur
un
compromis entre des erreurs opposées, mais sur une attitude centrale
2015
ctuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre
des
erreurs opposées, mais sur une attitude centrale qui dépasse ces erre
2016
un compromis entre des erreurs opposées, mais sur
une
attitude centrale qui dépasse ces erreurs en même temps qu’elle ré-ax
2017
, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec
une
pathétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser est a
2018
n’est jamais partie de la prudente considération
des
forces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait
2019
de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours
une
utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’une réponse. Une fois part
2020
rs une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’
une
réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faible
2021
rte les forces dont je manquais. De toutes parts,
un
appel est ressenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des aut
2022
ssenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste.
Des
auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes d’intellectuels ont t
2023
éraliste. Des auteurs isolés l’ont fait entendre.
Des
groupes d’intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses part
2024
ertaines réponses partielles. Le sentiment obscur
des
peuples n’attend que des réponses plus claires et convaincantes pour
2025
les. Le sentiment obscur des peuples n’attend que
des
réponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté. Ce q
2026
ponses plus claires et convaincantes pour devenir
une
volonté. Ce qui manque à ces tentatives dispersées, c’est un arrière-
2027
Ce qui manque à ces tentatives dispersées, c’est
un
arrière-plan spirituel commun (œcuménisme), et une vision précise des
2028
un arrière-plan spirituel commun (œcuménisme), et
une
vision précise des liens nécessaires unissant cet arrière-plan aux ré
2029
rituel commun (œcuménisme), et une vision précise
des
liens nécessaires unissant cet arrière-plan aux réalités morales et p
2030
Et point de théologie efficace sans le soutien d’
une
catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la communion
2031
icace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’
une
communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette communa
2032
d’une communauté humaine fondée dans la communion
des
saints. Cette communauté ne se révélera pas dans des congrès, mais se
2033
saints. Cette communauté ne se révélera pas dans
des
congrès, mais se manifestera dans une action risquée. De même que nou
2034
ra pas dans des congrès, mais se manifestera dans
une
action risquée. De même que nous avons vu les Églises nées des missio
2035
squée. De même que nous avons vu les Églises nées
des
missions en terre païenne se placer à l’avant-garde du mouvement vers
2036
ter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas
un
mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis de, « Féd
2037
tembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’
une
traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christendom
2038
Pédagogie
des
catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre f
2039
e de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est
un
résultat du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger tr
2040
imposé aux élites occidentalisées du tiers-monde
un
modèle totalement étranger à toutes leurs traditions, le modèle de l’
2041
celle qui les a perdus ! Je leur propose l’Europe
des
régions, comme offrant la formule la moins incompatible avec leurs di
2042
les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’
un
dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continentale
2043
-nationalismes par la fédération continentale ; d’
un
dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre hum
2044
e ; d’un dépassement de la croissance à tout prix
des
formules d’équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou sim
2045
e pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde
des
seuls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l
2046
ai que l’Europe seule peut produire les anticorps
des
toxines qu’elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui
2047
des toxines qu’elle a répandues, et peut élaborer
un
modèle politique qui soit tentant pour le tiers-monde. Quant à savoi
2048
Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’
un
Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sage
2049
é pour tâche de faire voir et sentir la nécessité
des
régions, en tant qu’elle me paraît lisiblement inscrite dans la probl
2050
enés aux mêmes conclusions et le confessent… dans
une
conversation ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visi
2051
usions et le confessent… dans une conversation ou
un
colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, t
2052
, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être
un
jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien
2053
r de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas
un
seul qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’eût p
2054
’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à
une
question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser m
2055
ersonne ne s’en charge en tant que représentant d’
une
nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeune
2056
n charge en tant que représentant d’une nation, d’
un
parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les homm
2057
e le modifier radicalement, encore moins de créer
un
tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauche, selon
2058
ère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif
des
téléspectateurs, on n’y voit pas mieux les régions qu’on n’y a su voi
2059
ais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’est pas
un
mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité entre deux
2060
udes : — opportunisme à très court terme (trouver
un
job) et souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite e
2061
e de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’
un
pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution », n
2062
élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’
un
péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout es
2063
ens d’un péril imminent et la conscience de vivre
un
long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le refus de cro
2064
mpossible et réel ; le refus de croire que l’état
des
forces cataloguées, tel que vous venez de le caractériser très justem
2065
, ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’
un
avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce qu
2066
s semble aujourd’hui définitivement installé dans
une
évidence granitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut
2067
parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune
des
conditions de survie d’une civilisation quelconque ne se trouve rempl
2068
ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’
une
civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le con
2069
se trouve remplie par la nôtre : ni le consensus
des
meilleurs, ni celui du grand nombre ; ni l’amour pieux ou gouailleur
2070
u gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel d’
une
aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette ci
2071
ait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout d’
un
coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes d
2072
ttant contre la pollution sous toutes ses formes,
des
emballages plastiques aux déchets plutoniens. À partir de là, tout s’
2073
niens. À partir de là, tout s’enchaîne. L’analyse
des
causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà d
2074
tion et du système de ces causes conduit, au-delà
des
déductions critiques, à l’escalade lente et sûre des innovations atte
2075
déductions critiques, à l’escalade lente et sûre
des
innovations attendues et des rénovations sociales et politiques propo
2076
calade lente et sûre des innovations attendues et
des
rénovations sociales et politiques proposées au long de ces pages, et
2077
iques proposées au long de ces pages, et qui vont
des
petites communautés à la fédération du continent, première base d’un
2078
tés à la fédération du continent, première base d’
un
ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les cand
2079
nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
des
mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retour des partis
2080
s « écologiques » ont battu les chevaux de retour
des
partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute la différe
2081
aines de voix qui font toute la différence. Déjà,
un
régime scandinave vient de se voir renversé après trente ans de pouvo
2082
progrès social et centrales nucléaires. La vertu
des
gouvernements, même s’ils sont au service des marchands d’armes, n’es
2083
rtu des gouvernements, même s’ils sont au service
des
marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résult
2084
t pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats
des
conclusions d’un sain opportunisme. — Il y a donc des mouvements, d
2085
ne tirent de pareils résultats des conclusions d’
un
sain opportunisme. — Il y a donc des mouvements, des signes favorab
2086
nclusions d’un sain opportunisme. — Il y a donc
des
mouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont
2087
ain opportunisme. — Il y a donc des mouvements,
des
signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au p
2088
a donc des mouvements, des signes favorables ? —
Des
milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écol
2089
mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux
des
écologistes. On leur dispute ce nom, ils assurent la fonction. Et bie
2090
i avait fait défaut aux mouvements personnalistes
des
années 1930, puis aux fédéralistes européens ou mondialistes de l’apr
2091
opéens ou mondialistes de l’après-guerre. Je vois
des
signes. L’évolution de la TV reproduit le phénomène dialectique des r
2092
ution de la TV reproduit le phénomène dialectique
des
régions fédérées s’opposant aux États-nations par l’intérieur et par
2093
ns par l’intérieur et par l’extérieur. La formule
des
circuits fermés favorise les communautés locales, tandis que les rela
2094
, tandis que les relais par satellites permettent
une
communication mondiale : dans les deux cas on échappe aux contrôles d
2095
(quartiers) que par en haut (continents). Je vois
des
sociologues et des économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’ave
2096
en haut (continents). Je vois des sociologues et
des
économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir est aux « petit
2097
avenir est aux « petites unités intelligibles » ;
des
politologues comme C. N. Parkinson (de la loi du même nom), pour qui
2098
gions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois
des
architectes comme Doxiadis, qui écrit : « L’expérience nous apprend q
2099
ui écrit : « L’expérience nous apprend que seules
des
unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs
2100
e appréhendées par leurs habitants et leur offrir
un
cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cel
2101
», d’ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin
des
futurologues comme Hermann Kahn, qui voit nos États-nations, ayant pe
2102
perdu leurs raisons d’être, bientôt remplacés par
une
« communauté plus effective », l’Europe des régions. — L’avenir ser
2103
s par une « communauté plus effective », l’Europe
des
régions. — L’avenir serait donc à l’Europe des régions ? — Sans auc
2104
des régions. — L’avenir serait donc à l’Europe
des
régions ? — Sans aucun doute, si les vues justes nous conduisaient. M
2105
conduisaient. Mais depuis dix-mille ans qu’il y a
des
hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour r
2106
réalité elle-même qui va recourir à la pédagogie
des
catastrophes. Je ne vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d
2107
rédirai rien d’autre comme certain. Je sens venir
une
série de catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inco
2108
urmonter notre inertie et l’invincible propension
des
chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation
2109
de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’
un
facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais ce
2110
et monétaire où cinq ou six émirs de droit divin,
un
roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autr
2111
cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et
un
dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autre, si cela leur
2112
madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
un
jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Que
2113
aines plus tard, la guerre du Kippour fournissait
un
prétexte à la « crise du pétrole », m’obligeant à jeter au panier, po
2114
au panier, pour cause de confirmation prématurée,
une
centaine de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eû
2115
correspondantes, pétroliers éventrés, extinction
des
baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrur
2116
es, pétroliers éventrés, extinction des baleines,
des
éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à
2117
éventrés, extinction des baleines, des éléphants,
des
phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe brico
2118
lée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’
un
chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans l’
2119
ust, au cœur de la Révolution : Il faut attendre
un
mal général assez grand pour que l’opinion générale éprouve le besoin
2120
(1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins d’
un
siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans pour
2121
rs le pire. D’où non seulement l’urgence accrue d’
un
changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qu
2122
ent l’urgence accrue d’un changement de cap, mais
une
plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut faciliter ce changeme
2123
is pour celui qui sait, tout est possible tant qu’
un
vent souffle, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’His
2124
le tant qu’un vent souffle, même contraire. Tirer
des
bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos e
2125
e qui ne prévoit ni A ni B, mais incite à trouver
des
chemins vers V, je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or
2126
d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance
des
cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni prédire ni cacher,
2127
r excellence allait consister désormais à prendre
des
mesures conservatoires de l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi
2128
omme dure à cause de l’espérance. À quoi s’ajoute
un
raisonnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure, serait au moin
2129
enus incapables même de nostalgie pour ce qui fut
un
jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meill
2130
s de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par
un
homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre
2131
et le prévoir par les yeux de la foi, « substance
des
choses espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas ». Mais
2132
eils scientifiques, on ne peut voir que du passé,
des
faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice e
2133
st du « wishful thinking », prend nos désirs pour
des
réalités, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalités et leur donne
2134
avenir, mieux : c’est le faire. La décadence d’
une
société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver ? »
2135
À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’
une
seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que
2136
précisément calculé, et d’abord celui d’être tous
des
seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire votre révolut
2137
mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous
des
saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vais pas vous dire :
2138
système qui multiplie les occasions de haine par
un
autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce changement n’a
2139
. Or ce changement n’adviendra pas dans le réseau
des
relations humaines, dans la cité, s’il ne s’est opéré d’abord en vous
2140
e l’on peut partager telles idées sur les méfaits
des
centrales nucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régi
2141
ucléaires et les bienfaits de la communauté, donc
des
régions, sans adopter l’attitude religieuse que suggère malgré tout l
2142
qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer
des
décisions métaphysiques et religieuses quant au rôle de l’homme sur l
2143
tions de base : la puissance ou la liberté. Faire
des
régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personn
2144
ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
des
possibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et
2145
tique) ce n’est rien de moins que se tourner vers
des
finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur a
2146
té de puissance, qu’ils assimilent à l’invocation
des
faux dieux. Pour les évangiles, la puissance est la plus grande des t
2147
ur les évangiles, la puissance est la plus grande
des
tentations que le diable dresse au désert devant Jésus. Toute la Bibl
2148
s. Toute la Bible exalte en revanche « la liberté
des
enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le dr
2149
moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’
une
société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que cho
2150
mes : que choisissons-nous réellement ? Au niveau
des
États-nations tout est joué, tout est perdu. On le sait dans les haut
2151
n, et se précipite vers l’holocauste général avec
une
très grande et très profonde stupidité, qui amène des éthologistes à
2152
très grande et très profonde stupidité, qui amène
des
éthologistes à penser que se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui
2153
que se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui,
une
tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — c
2154
unauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine
des
hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. Mais quelque c
2155
r et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’
une
fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, s
2156
st pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’
une
rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans n
2157
Écoutons maintenant le cri sublime. De Séir,
une
voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentine
2158
aris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie
des
catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une n
2159
, Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae.
Une
note précise : « Ces quelques pages forment la conclusion du livre à