1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 oire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore,
2 s d’une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation généra
3 Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps
4 cette organisation toute-puissante n’est plus qu’ une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
5 i et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux
6 is près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être d
7 ar éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une absurdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-il fait fausse r
8 ntraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte hu
9 ésert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le
10 passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherche
11 ent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous
12 péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer l
13 aine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’ une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suff
14 ’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est
15 fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit
16 enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événe
17 » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperç
18 grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la constru
19 es étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première a
20 nt : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temp
21 nicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d
22 nique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en a
23 n année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
24 , ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’ un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
25 t de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouv
26 ique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent
27 qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’es
28 ux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les grie
29 . Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquel
30 squels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les
31 monde, seule méthode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’
32 Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cel
33 ours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’
34 l’on comprendra sans peine la popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourr
35 popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il,
36 il. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne
37 que — soit conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Considérons-la sous cet angle. Il y a d’abord la
38 e d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisation
39 propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambi
40 oduction, avec cette netteté et cette décision qu’ une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en m
41 e d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut
42 s. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrai
43 isse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit to
44 soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’
45 de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’ une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’a
46 u, la production devant se maintenir, il n’y a qu’ une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le clie
47 gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement
48 l ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses vérita
49 omperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préser
50 ir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans un article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y
51 uris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage
52 ister qu’en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se d
53 se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’id
54 ue l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en exclure toute considération de finalité
55 alité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant
56 ie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que
57 éalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici des déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines
58 considère pas les machines Ford simplement comme des machines. J’y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à f
59 des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les homm
60 ncrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salut par l’a
61 les tracteurs, mais composent en quelque manière, un code universel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
62 ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », ap
63 r que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet o
64 et orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de l
65 ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des p
66 alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital
67 ssianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un sim
68 uelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle es
69 que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’hom
70 r ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir oblig
71 able, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut fai
72 us le soleil » derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
73 derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de cho
74 paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit
75 eté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’e
76 donne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur d
77 ire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n
78 Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. No
79 éritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ?
80 un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affai
81 rs, on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette per
82 on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte d
83 thique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place. Les
84 .) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fo
85 tre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans
86 fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois p
87 tre, l’homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il se
88 au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine l
89 e des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une
90 sine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, sou
91 lus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il
92 encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docileme
93 la s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus
94 chéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps
95 lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact
96 ar là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
97 ir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
98 ains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné une auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne l
99 e la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien
100 tal a prétendu maîtriser la matière et parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles qu
101 une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne don
102 ir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne somme
103 ne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant
104 iennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est
105 l fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté de
106 fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
107 histes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences e
108 lté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec ce
109 a technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vi
110 elque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui gardent, par quelle grâce ? un peu de cette c
111 s savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risquerai
112 nt comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugi
113 he de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette
114 t Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’ une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la pér
115 à la période préindustrielle soit autre chose qu’ une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
116 l n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquel
117 esser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se
118 quelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré, devenu presque
119 se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellect
120 ns sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dile
121 eté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les li
122 te, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
123 « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)b c Deux menaces
124 « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)b c Deux menaces mortelles assiègent notre conditio
125 de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funestes, également démesurées, l’
126 es lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funestes, également démesurées, l’homme ne peut su
127 son génie parvient à composer les deux périls en une résultante qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art de compo
128 er pour la défense de l’homme et son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanism
129 sances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions
130 té, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’ une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et
131 créations et notre connaissance ; le sentiment d’ une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans l’a
132 devoir transmettre aux générations cette notion d’ un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ainsi
133 orme. Brusquement, nous voici « gagnés » par l’un des éléments de notre destin. La composante matérielle vient de l’emporte
134 C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virtuellement dès lors que la sc
135 Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés
136 lé les tours de la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’e
137 herchant des lois, la science ne peut trouver que des déterminismes. Soumettre l’esprit à ses méthodes, c’est en réalité le
138 matérialisme entreprise par certains philosophes des sciences fait-elle songer à l’activité de cet espion anglais qui parv
139 6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’ une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se
140 notre pensée reste imprégnée. La science se moque des nuages qui animaient la matière d’intentions morales. Elle-même cepen
141 ccupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’ un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons
142 rgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines
143 hant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’ un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos i
144 is que l’esprit qui l’a créée, la surpasse7. Seul un parti pris constant en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre
145 surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’ une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pensée
146 iel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’ une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indépen
147 s l’humanisme nouveau sous l’aspect d’une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indépendante de tou
148 l’aspect d’une culture des facultés mystiques ; d’ une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse particuli
149 uilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entrepri
150 ous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne b
151 indoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du c
152 autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’ un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tent
153 nisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme paraît enclin :
154 lle tout humanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un
155 éer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est
156 e. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe
157 pouvoir, s’il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés milita
158 tleman. Le rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux de confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen
159 est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un syncrétisme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui des races d
160 décadence invente un syncrétisme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi com
161 sme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos
162 nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de co
163 races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le
164 commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis
165 commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un , depuis toujours : il le nomme péché.) Tous les modèles que l’homme s
166 u’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’ un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un die
167 participe, en esprit, d’un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un n
168 ndental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but
169 tement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’ un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction : i
170 dons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop aisément. Ce qui ma
171 uvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop aisément. Ce qui manque à l’homme mo
172 aisément. Ce qui manque à l’homme moderne, c’est un principe d’harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de
173 tilicon défendant l’Empire. 7. Or, Bergson, dans un discours prononcé à l’Académie des sciences morales et politiques, en
174 , Bergson, dans un discours prononcé à l’Académie des sciences morales et politiques, en 1914, a posé le problème en termes
175 y trouveraient bien leur place : la connaissance des étymologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b
176 place : la connaissance des étymologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de, « P
177 ves de la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245.
178 te suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à div
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
179 royale (février 1931)d M. André Malraux écrit des livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu pl
180 on n’oublie pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd
181 ine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’ un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la révo
182 r goût de l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directement autobiographique. La philosophie de ce Ga
183 le que M. Malraux venait justement d’exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l’Occident. La
184 t. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événements qui précédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est un
185 récédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains égards et qui cett
186 ure la plus sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman d’aventures significatives, et dont le tragique est dé
187 t décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller fouiller les temples en rui
188 ar la valeur qu’il prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller fouiller les temples en ruines de la
189 e la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix considérable. Sur le batea
190 découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’œuvre, il s’ass
191 bateau qui l’amène à pied d’œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmatique qui possède une sor
192 anois, Perken, personnage énigmatique qui possède une sorte de puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, e
193 régulière, dans le Siam, et auquel l’auteur prête des caractéristiques qui le rapprochent du Garine des Conquérants : « hos
194 des caractéristiques qui le rapprochent du Garine des Conquérants : « hostilité à l’égard des valeurs établies…, goût des a
195 « hostilité à l’égard des valeurs établies…, goût des actions des hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout
196 à l’égard des valeurs établies…, goût des actions des hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus de
197 onscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissanc
198 des « conditions » de la vie sociale, au profit d’ une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère
199 i entoure Perken durant tout le récit, au travers des aventures des deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la for
200 en durant tout le récit, au travers des aventures des deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la forêt tropicale,
201 puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage un relief étonnant, mais contribue à créer des obscurités que le style t
202 onnage un relief étonnant, mais contribue à créer des obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour
203 n en rencontre dans les affaires — qui se donnent une espèce d’autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couv
204 s que par allusions et mots couverts. Il intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. A
205 ésespoir, parce que l’action, à tout prendre, est une défense contre la mort — la mort partout présente « comme l’irréfutab
206 tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la
207 « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la révolte d’un
208 et atroce où éclate douloureusement la révolte d’ un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ai
209 évolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’ une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette ave
210 étiques de cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin de l’homme. Chez Perken comme chez Garine, m
211 qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’ une « fraternité désespérée » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, compo
212 e » devant la mort. Tout cela, dira-t-on, compose une figure originale certes, mais à tel point que sa portée ne saurait dé
213 ais à tel point que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût d
214 et atteints jusque dans leur goût de l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le cas Malraux pou
215 ur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs peintres ressemblent à ces peintres sous les traits du modè
216 emblant du maître ? Ainsi apparaissent au travers des actions et des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une in
217 re ? Ainsi apparaissent au travers des actions et des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité mor
218 raissent au travers des actions et des discours d’ un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est
219 ravers des actions et des discours d’un Garine, d’ un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute qu
220 s discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’ une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte qu
221 dhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce que plus cohéren
222 arine est la personnification la plus frappante d’ un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que
223 paraît absurde, parce qu’il refuse de lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’est pas
224 conquérant ; plutôt érotique qu’amoureux ; voué à un orgueil sans issue, puisque pour lui n’existe aucune transcendance où
225 jourd’hui le livre « bien pensant » qui pose avec une pareille acuité le problème central de notre civilisation. À ce titre
226 e, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’ un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les
227 est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aus
228 . 10. La Voie royale n’est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Gonc
229 as-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de
230 lasphèmes, de la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’eussent vraisemblablement pas fait encour
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
231 ns les moins faits pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la dialect
232 st pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’ une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce qu
233 stion sociale. Ainsi, sommes-nous amenés à donner une « importance » relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’elles
234 ous amenés à donner une « importance » relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’elles ne « sont ». L’on mesure ici
235 littérature d’avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’elle n’invente ou
236 et dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelques remarques no
237 é. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelques remarques nous placent sous l
238 l manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’ un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le to
239 que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise
240 e vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vie i
241 nts au Tonkin. Et non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi
242 on Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positio
243 son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’ une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la
244 ge fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « décantée jusqu’à l’essence, to
245 ut ce qui allongeait la sauce évaporé. Il demeure un résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des hommes se t
246 du impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’éta
247 nts, eux, viennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange d
248 u vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme q
249 et sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême,
250 qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : elle subordonne toute réforme à une préalable révo
251 rief plus grave : elle subordonne toute réforme à une préalable révolution économique qui paraît de plus en plus impossible
252 plus en plus impossible, car elle équivaudrait à une transformation radicale des conditions matérielles de la vie humaine.
253 r elle équivaudrait à une transformation radicale des conditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peu
254 perpétuellement de la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légèreté, — en littérateur qui cherche
255 la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légèreté, — en littérateur qui cherche l’effet pittoresque
256 par nos missions (c’est si vraisemblable !) mais un normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, d
257 les deux objets les plus révoltants de la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui se prétend hum
258 ets les plus révoltants de la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui se prétend humain ! Pensez
259 erre : une église, une prison. » Triste carence d’ un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soit
260 ommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui viendront y trouver leur liberté. Mais pourquoi dira-t-on
261 Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris d’ une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attitude
262 égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attitude de plus en plus fréquente chez les jeunes intellectuels : or
263 tte vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’ils peu
264 ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme
265 lariser, pour se constituer en dehors de Dieu sur des bases purement humaines ». Aux yeux du « séculariste », bien entendu,
266 t comme périmée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’ un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos
267 ce sécularisme que répond M. Gabriel Marcel dans une belle conférence prononcée au Foyer des étudiants protestants, et que
268 rcel dans une belle conférence prononcée au Foyer des étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dan
269 s étudiants protestants, et que la Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février15. M. Marcel analyse troi
270 titudes typiquement sécularistes : la philosophie des lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui es
271 technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique
272 ientifique de M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se dem
273 ra en me faisant observer que cet orgueil n’a pas un caractère personnel, puisque l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entret
274 démocratie dont cet idéalisme n’est après tout qu’ une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéa
275 candale que constitue à ses yeux cette anomalie : un astronome chrétien. Comment un astronome peut-il croire à l’Incarnati
276 x cette anomalie : un astronome chrétien. Comment un astronome peut-il croire à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’a
277 ? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amphibie plus exact
278 me, ce monstre, cet amphibie plus exactement, est un homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain ; e
279 s’il ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologiques de ces survivance
280 ent de procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tê
281 ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 193
282 alyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’u
283 ctions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qu
284 homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’ un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir les
285 es avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’ une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se tro
286 que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’ un marxiste, par exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit est u
287 ple, qui lui déclare nettement que son Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui faudr
288 nomique, il lui faudra se réfugier dans la sphère des abstractions les plus exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme
289 tions les plus exsangues. Je pense quant à moi qu’ un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philoso
290 e de cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieuse concrète d’une part, et le matérialisme histor
291 l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’ un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la v
292 antipathie, M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté d’autant plus significative qu’ils touchent des problèmes ide
293 tteté d’autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la v
294 on du monde. Je pense que tout chrétien conscient des problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à
295 me lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors, se dit-on souvent en lisant les cr
296 ent matériel n’y pourra rien, si radical soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne lai
297 laisse plus subsister assez d’idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité transcendante — ou al
298 r nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité transcendante — ou alors le suicide d’un monde empoisonné par
299 une réalité transcendante — ou alors le suicide d’ un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivist
300 croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. Mais rien n’est plus hasardeu
301 e la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’ une telle mystique, — rien n’est plus incertain que son objet. Comme il e
302 rts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais
303 e règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aur
304 sie. Les grèves, c’est encore l’Europe. 14. Dans un article des Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une sér
305 èves, c’est encore l’Europe. 14. Dans un article des Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une série d’études
306 Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une série d’études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tou
307 du 20 février, inaugurant une série d’études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu’aura passion
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
308 Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est don
309 s le temps qu’on cherchait à nous faire croire qu’ une origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière ar
310 ous faire croire qu’une origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière artistique, un facteur de stéri
311 vice rédhibitoire pour toute carrière artistique, un facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’a
312 moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la double étiquette de protestants et de moderne
313 la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le scul
314 stère ; demandons-en l’explication à la Préface d’ un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parc
315 d’un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces
316 re maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étriqué, ennuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n
317 Or nous n’étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la nuit, dans les chambres où les curiosités
318 , la sincérité, l’amitié, s’arrondissaient autour des livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remua
319 ns de grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec not
320 avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeunesse le tragiqu
321 On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeunesse le tragique ou le merveill
322 hoses. Nous écrivions aux auteurs, nous recevions des livres, des lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout : le pasteur,
323 écrivions aux auteurs, nous recevions des livres, des lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout : le pasteur, le peintre
324 e », « couleur », « architecture ». Et Dieu avait une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. E
325 de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui
326 iel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objections, ou qui expliqueron
327 d, et légitimeront aux yeux de beaucoup, le choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des a
328 s. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifester les préférences d’une j
329 stants, il s’agit de manifester les préférences d’ une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite. La
330 nesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains critiques
331 , ce salon fut une réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains critiques, artistes ou écrivains, s’est mué
332 ains, s’est muée le soir du premier vernissage en une sympathie sincère et souvent fort admirative. Le titre de l’expositio
333 aine mesure la question délicate de l’existence d’ un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes prot
334 ne constituent pas, en définitive, les éléments d’ un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’arti
335 ts d’un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’ un plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’une réponse valable
336 plus grand nombre d’artistes exposassent pour qu’ une réponse valable pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de
337 le, du fait même de la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’avant-garde des toiles frappait le v
338 une telle exposition, le caractère d’avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à distinguer les ca
339 inguer les caractères confessionnels. Espérons qu’ un prochain salon, organisé s’il le faut dans de plus vastes locaux, pou
340 dans de plus vastes locaux, pourra donner accès à un ensemble aussi complet que possible d’artistes nés dans le protestant
341 es austérités de style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces c
342 ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. Au contraire, une vitalité
343 tanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. Au contraire, une vitalité, une joie dans l’invention, une ha
344 s si différents les uns des autres. Au contraire, une vitalité, une joie dans l’invention, une hardiesse partout manifeste.
345 s les uns des autres. Au contraire, une vitalité, une joie dans l’invention, une hardiesse partout manifeste. Voici Dufy, l
346 ntraire, une vitalité, une joie dans l’invention, une hardiesse partout manifeste. Voici Dufy, le plus inventif des artiste
347 e partout manifeste. Voici Dufy, le plus inventif des artistes contemporains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme de
348 le plus inventif des artistes contemporains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterr
349 s artistes contemporains, avec une « Peinture » d’ un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de M
350 re » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave et serein. Deux petits L
351 liard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout
352 imé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » de P. Romane-Musculus. Des lithographies spiritu
353 r une Italie protestante » de P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-
354 Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des pers
355 ns de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’art protestantes. La sculptur
356 tes. La sculpture est brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence e
357 entée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész,
358 e et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique, expose un portrait frappant de r
359 n des rénovateurs de l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exp
360 ute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à sujet religieux qu’annonce
361 tte grande composition : trois longues croix dans une lumière dramatique, le corps du Christ déjà presque transfiguré en sy
362 s, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a là une tradition qui certainement est bien huguenote : elle remonte aux meub
363 Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ?
364 ent ? Il nous semble que cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce
365 sme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art protest
366 ui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’ un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous p
367 mes, la définition d’un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance
368 ons même que la renaissance et l’épanouissement d’ un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est
369 anouissement d’un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceu
370 tionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intér
371 osphère spirituelle qui préside à l’élaboration d’ une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se r
372 l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette exposition se sont deman
373 isme dans tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’ un salon d’art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme pa
374 ertainement, pour lui-même et aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquem
375 es facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes spécifiquement catholiques, concernant la Vierge et les saints
376 ant la Vierge et les saints. En deux mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais,
377 nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’ un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste pr
378 en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant ( une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste protestant, le se
379 oit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse
380 ant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’ un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est
381 sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art assez puremen
382 pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art assez purement évangélique pour transcender la
383 art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art assez purement évangélique pour transcender la confession qui lui
384 fession qui lui a permis de naître. La grandeur d’ un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont D
385 grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’ un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’artistes p
386 e qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, «  Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avri
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
387  (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’ un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amé
388 oût du colossal — transmis aux Américains — reste un trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets
389 connaître, a su, par trois fois, tenir en haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est
390 lant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien de très neuf dans cette
391 très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’observations justes et souvent profondes sur les grand
392 vent profondes sur les grandeurs et les misères d’ une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière typ
393 condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’ une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe des m
394 ont il annonce le réveil au sein même du triomphe des machines, Keyserling apparaît comme un type très représentatif de l’O
395 triomphe des machines, Keyserling apparaît comme un type très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète orient
396 t. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis mal informés nous mettaient naguère en garde. Keyserling voit
397 fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir des biens spirituels et matériels réservés autrefois à ceux-là seuls qui,
398 e ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement de presque to
399 ) — la pauvreté est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’a
400 transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une ph
401 ation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’ une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primaut
402 ituel, mécanique et « formidablement ennuyeux » — un idéal de risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mai
403 ouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’ une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessaire mais
404 nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’est pas la peu
405 ition humaine menacée par le matérialisme : c’est un idéal positif, immédiat parce qu’éternel. Là où Keyserling dit seulem
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
406 Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
407 l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autr
408 de milliers de lecteurs français avec un livre d’ un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman du
409 are prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le char
410 te plus de 600 pages dans l’édition française — d’ un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt h
411 ’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’ une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « rom
412 l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’ une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux dates
413 e presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et un milieu social bien défini. À ces deux éléments s’
414 grandes œuvres romanesques : une individualité et un milieu social bien défini. À ces deux éléments s’en ajoute un troisiè
415 non, c’est au contraire décharger ces critiques d’ une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dan
416 ar de très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, lais
417 corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenue. L’intensité des scènes gagne
418 ffrance profonde, longtemps contenue. L’intensité des scènes gagne à cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque de l
419 te haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’ un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autres.
420 harme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autres. M. Charles Du Bos, dans la très belle préface qu’il a
421 ontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étroit, voire même conventionnel. Racine en est le plus haut ex
422 autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cela permet aussi de résoud
423 ues : les acteurs du drame n’hésitent pas à louer une villa à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’est plus tenable
424 nt sur les sentiments, et dès lors elle constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art es
425 « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’ une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’exi
426 on mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence d’une femme qui ne cesse, jusqu’à sa d
427 ba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence d’ une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir
428 et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’un
429 ment tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’ un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même
430 ar si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’ une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plu
431 e de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’ une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincant d
432 ique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’ une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence du s
433 s cesse, alors que nous sommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souff
434 ffections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension continue, mais une fois atteint le moment de sa perfection,
435 ent douloureuses. Certains, peut-être, verront-là une condamnation des passions humaines, et comme la morale du roman. Mais
436 Certains, peut-être, verront-là une condamnation des passions humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons
437 e la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’ une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malg
438 ce. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’ une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde re
439 t moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dern
440 ni dans l’agencement des incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, com
441 es incidents. Ce n’est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, comme le moraliste s’arrog
442 connaître. Simplement, il enregistre les effets d’ une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il not
443 s, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’ une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentement
444 ve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte chez les personnages de Baring, c’e
445 ersonnages de Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme l
446 ’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman
447 intensité presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement, force les faits,
448 tervient visiblement, force les faits, agit comme un « moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire compr
449 agit comme un « moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des
450 de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’il consacre à la « conversion » au catholicisme de
451 tholicisme de la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une im
452 n de ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du
453 plique si l’on a lu la phrase par quoi se termine un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909,
454 lanche, anglicane « de naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucu
455 naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-elle, aucune pression sur ses con
456 pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante anglaise qui lui exprime l’espoir que sa vie à l’étranger n’ait
457 voue franchement : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvr
458 s plus terribles de la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle applique non sans acuité aux pratiques a
459 erceptible, est nettement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux égl
460 elles à souhait (ni plus ni moins que la majorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la
461 Oui, tante Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on all
462 Elle appelle ceux qui passent à l’Église romaine des « pervertis » : « Nous en avons eu trop dans la famille, votre pauvre
463 uis il y a eu votre pauvre tante Cornélia… Ce fut un terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés
464 onçoit que Blanche malheureuse, isolée, cherchant une sécurité intérieure, ne trouve pas dans ces indignations sentimentale
465 et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon naturelle de traiter les questions re
466 foi se distinguent par une humanité charmante, «  une façon naturelle de traiter les questions religieuses, sans fausse hon
467 arguments qui retiennent l’esprit à la périphérie des vérités religieuses, là où elles paraissent s’opposer, au lieu de nou
468 e erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’ une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres pages d
469 qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’ une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses
470 ication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’ un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée d
471 rée de Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la vérité.
472 lise catholique n’est pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la vérité. Sa vraie conversion a li
473 non parce que c’est mal ou bien, mais en vertu d’ une loi organique, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante de nos
474 , et à taxer d’immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité, elle, est indifférente à ce que nous
475 . Il faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se souvint que Lady Mount-Stratton lui avait dit pr
476 Florence. — Je sens, il est vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous laisser mener par
477 embaumée ». « Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui
478 lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’ un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons
479 ux de la foi scandaleux de parler de conversion d’ un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas à
480 ance du vocabulaire religieux. 19. Soulignons qu’ un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-499. h. Rougemon
481 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie,
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
482 le monde intellectuel et religieux français, est un événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retentisse
483 n événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestantisme en particulier. Depuis
484 nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue française , la Revue de Ge
485 ce de plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, d
486 lication prochaine des œuvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-être, en Fr
487 sen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « gra
488 ur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part des apôt
489 tenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment
490 e soucieux : Mynster est-il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans le vrai sens du
491 es successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement ? Les écrits p
492 ard était : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul un protestant pouvait trouver pareille formule. Le héros de la foi, Kier
493 it du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’ une œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espè
494 ns son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’un grand t
495 peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’ un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de
496 chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’ une telle œuvre commence son action en France au moment où l’intérêt pass
497 ierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’ un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus, l
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
498 conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile
499 grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’intrépidité pou
500 nner un livre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux lit
501 es. Combien d’heures de marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, pour mériter quelques instants d
502 ures de marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude dans
503 x — il trouvera sa place dans votre valise — et d’ une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce goû
504 ses, de citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination.
505 xte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’ une nourriture pour l’imagination. On goûtera les citations nombreuses qu
506 tes par tout ce qu’elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merve
507 u’elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réactif, a
508 t des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réactif, au contact duquel certains traits de caractères
509 tains traits de caractères nationaux s’accusent d’ une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’aute
510 et françaises. La réaction allemande eût apporté un élément important et radicalement différent. Nous essaierons de l’esq
511 ivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œuvres marquantes.
512 d’œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blan
513 uantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blanc, clame son h
514 urions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur de ta
515 horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus violent réquisitoire qu’on ait jamais écr
516 Pour Rousseau, la montagne, c’est surtout le fond des vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre d’imaginaires bons sa
517 a montagne dans leurs œuvres, elle n’est guère qu’ un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait,
518 vres, elle n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des d
519 n décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions sur l’ordre soci
520 toresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions sur l’ordre social. Mlle Engel constate que « les plus gr
521 xixe siècle ont échoué dans leur interprétation des montagnes. Ils ont tous étudié presque exclusivement l’âme humaine. L
522 a semblé incompréhensible ». C’est que le mystère des choses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts socia
523 le mystère des choses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme
524 hoses les attire moins que le jeu des passions et des intérêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme est seul. Sénan
525 . Sénancour, c’est tout autre chose. Lui, cherche un refuge. « Dans l’isolement des cimes ou des hautes vallées, seul avec
526 chose. Lui, cherche un refuge. « Dans l’isolement des cimes ou des hautes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ivr
527 herche un refuge. « Dans l’isolement des cimes ou des hautes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ivresse morne, i
528 s ou des hautes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et
529 d’ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues
530 t de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silencieuses qui s’égrènent une à une dans les solitud
531 rs des longues heures silencieuses qui s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait c
532 longues heures silencieuses qui s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’i
533 e glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’ un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dans
534 ce qu’il appela, d’un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dans ces solitudes que les autres con
535 en mystique. Pareille attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle est unique dans la littérature française du xixe
536 littérature anglaise, au contraire, a donné toute une suite de chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradi
537 hefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’individualisme lui frayait la voie », note fort justement
538 mmets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. »
539 poètes viennent interroger sur les hauteurs, mais une sombre et surhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force des chos
540 urhumaine fatalité (Byron), ou « la secrète force des choses » (Shelley), ou encore (Wordsworth) « les types et les symbole
541 et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’ un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spir
542 ité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’ un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poési
543 sme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de
544 use fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’ un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devr
545 que chose qui devrait être surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraiment altières, celle-là : la voix
546 respirer l’atmosphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour
547 sphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphèr
548 u ce ton souverain. Pour la première fois, le ton des hauteurs, le ton de celui qui les a conquises, physiquement aussi. To
549 iguës, et qu’inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme
550 ittérature qui transforme les sommets en images d’ un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni bie
551 st ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit une grandiose existence géologique sans rapport avec la nôtre. Les atomes
552 ommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’ une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces li
553 , posé en face du tableau franco-anglais, fournit un contraste de haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivemen
554 Là, les montagnes se prêtaient successivement à des interprétations sociologiques (Rousseau), scientifiques (Saussure), r
555 fer), lyriques (les Anglais). Ici, elles imposent une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l
556 e qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspirent. Ce thème éthique et philosop
557 a nature alpestre. Il contient en puissance toute une morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme ass
558 ne morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère, mais stimulant, et qui mène à la joie…
559 ère, mais stimulant, et qui mène à la joie… C’est un thème très « protestant ». Nietzsche l’a développé avec une ampleur i
560 très « protestant ». Nietzsche l’a développé avec une ampleur inégalable : il y trouvait tous les symboles de la vie danger
561 é. Mais l’a-t-il épuisé ? Il y a depuis Nietzsche un style alpestre dans la pensée. Ne pourrait-il pas informer d’autres p
562 a ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer véritablement quelque
563 de et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’ une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous
564 ut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie d’ une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se content
565 trahit-il la nostalgie d’une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se contenter à bon marché, et perso
566 s à la vertu de simulacres à ce point galvaudés. ( Un Montherlant lui-même, récemment, le confessait.) Deux chances sont en
567 , et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier pour animer dans le décor des « hauts lieux » autre chose q
568 uvera-t-il un romancier pour animer dans le décor des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue de palaces ? 22. La Li
569 dans le décor des « hauts lieux » autre chose qu’ une intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
570 Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livre entièrement simple qui nous i
571 à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livre entièrement simple qui nous introduit dans la connaissance de l
572 -on en le fermant, est-il réellement impossible à une âme chrétienne d’atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu,
573 ique et matérielle du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christianisme européen, que d’avoir pratiquement ab
574 me européen, que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur
575 l’amour chrétien peut encore aujourd’hui pénétrer un monde revendiqué par le communisme, comme son bien propre. Mais il n’
576 gile, elle accuse formellement la grande majorité des chrétiens. Tant mieux si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout
577 gne, et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manqu
578 , et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions
579 ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pou
580 cle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’ un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peup
581 . Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et
582 esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’ une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobiles
583 ccommode rarement d’une réflexion impartiale et d’ une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voire
584 n impartiale et d’une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine
585 ui sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose
586 sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une
587 e temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité partielle chez ceux qui s’y livrent, une incapacité organique
588 e une cécité partielle chez ceux qui s’y livrent, une incapacité organique à situer leur effort dans une vision du monde gl
589 ne incapacité organique à situer leur effort dans une vision du monde globale et cohérente, à le juger religieusement par e
590 ieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre d’ un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège admi
591 rétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’ une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre éc
592 té non plus, car son œuvre écrite n’est encore qu’ un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans faille
593 est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles parus dans des
594 age et sans failles. Quelques articles parus dans des revues françaises ou suisses nous avaient appris à connaître les résu
595 uscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’ une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’initia
596 oderne si rapidement envahi par la civilisation d’ une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leade
597 cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’ un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier ava
598 ont l’autobiographie en particulier avait atteint des tirages sans précédent dans son pays. Il nous restait à entrer en con
599 be comble cette attente, mais elle en fait naître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’un roman dont le héros, Ei
600 re une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’ un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le réc
601 he dans la vie publique et politique. Espérons qu’ une biographie complète suivra cette « genèse » à vrai dire passionnante,
602 ante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’ une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès le
603 t volontiers ce qui les rend semblables au commun des mortels ; bref, plus ou moins inconsciemment, ils contribuent à créer
604 ité et qui différencient radicalement notre vie d’ un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de
605 de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’ une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas,
606 re conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue et particulière. Telle est la certitude qui se dégage le
607 Telle est la certitude qui se dégage lentement d’ une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descripti
608 e petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’attenti
609 itres du premier tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure
610 ’on comprend mieux les raisons de la popularité d’ une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétise s
611 le concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel
612 tes, ce n’est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuy
613 être, ferma les yeux et somnola. Le train faisait un bruit épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agré
614 e verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’a
615 ri, tout à fait dans le genre d’Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles,
616 crits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappai
617 e noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étrange, quelque chose comme un océan battu par la tempête. Tandi
618 a nuit, avait un air étrange, quelque chose comme un océan battu par la tempête. Tandis que le train longeait les bords de
619 vière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jour, au théâ
620 roit célèbre pour les suicides, et qu’il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu,
621 t pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir des rapports intimes et atroces. Quel horrible endroit, cet Osaka ! Les e
622 l’Université de Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philosophiques fort curieuse, où les doctri
623 nes, matérialistes et socialistes s’opposent dans des termes inusités pour l’Occident, mais sont oubliées, comme partout, d
624 ouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’ une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs c
625 sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs camarades, Eiichi se décid
626 sion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’ un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université.
627 s dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvr
628 gmentèrent en pensant à la pauvreté de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait
629 -même, et il éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l’Université pour se plonger dans la vie acti
630 de plus noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aima
631 re ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terribles avec son père, riche commerçant que l’on accuse de m
632 violence contre les idées subversives de son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la
633 la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d’évangélisation dont la description
634 re instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d’évangélisation dont la description serait tout entière à ci
635 nger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu
636 s bien éloigné du vulgaire. » Mais au même moment une autre voix intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie. L’org
637 est le sel de la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vivants. » Le conflit intérieur s’intens
638 anisme social demande des sacrifices pour l’amour des vivants. » Le conflit intérieur s’intensifie bientôt jusqu’à provoqu
639 eur s’intensifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accè
640 ie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfui
641 ment importante. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour de
642 orsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son sang-froid, mais au cim
643 ses relations avec son père se déroulèrent comme un panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la
644 lèrent comme un panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa E
645 . Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbales, les psalmodies des écritures. En écoutant la mystérieuse mu
646 le bruit discordant des cymbales, les psalmodies des écritures. En écoutant la mystérieuse musique funèbre, Eiichi prit un
647 utant la mystérieuse musique funèbre, Eiichi prit une résolution. Désormais, rompant tout lien avec le passé, comme on fran
648 par l’emprise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c
649 au moment où il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enf
650 cette fois pour se donner tout entier à la misère des bas-fonds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple mi
651 ds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’ un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, e
652 iennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses
653 a chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroy
654 ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jusqu’à lui tir
655 ostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jusqu’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’e
656 la police accuse Eiichi d’avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scène entre le procureur et le
657 son appui à une grève, et le récit se termine par une scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’être citée : — Po
658 Procureur. Au contraire, il en profita pour faire une étude psychologique, en observant sur le visage de celui-ci les expre
659 primait la passion. Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école, tant il ét
660 aisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regard
661 Procureur toute la sympathie d’Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passent leur vie, pensait Ei
662 s renverser l’état social actuel, si ce n’est par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pensée à ce
663 ement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une minute, deux minutes s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient
664 ux et insouciants. Eiichi se demanda s’il y avait des procureurs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car il savait q
665 demanda s’il y avait des procureurs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire qu
666 des doigts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les
667 e. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds l’attendent à sa sortie, s’accrochent à ses manches et l’es
668 nclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité d’ une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulière d
669 ant la beauté singulière de l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve tous les penchan
670 d il le faut pour mieux vivre et n’en fait jamais une affaire. Homme terriblement vivant, tenté, et décrivant ses tentation
671 toutes naturelles, il surmonte les obstacles avec un contentement modeste et intelligent qui est plus émouvant que bien de
672 ste et intelligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, cl
673 nt que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la
674 faitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui sont possibles, en
675 s la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent d’ une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune pei
676 mplaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en pous
677 té de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’ un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pass
678 de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante. Cela éclate particulièrement dans l’analyse des
679 ante. Cela éclate particulièrement dans l’analyse des motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser au
680 rps : “Meurs !”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer
681 soleil, les dessins, les roses, les lèvres rouges des filles, tout était surprenant, même le sang caillé, le péché et le cœ
682 t l’accent presque nietzschéen choquera peut-être des gens qui eussent préféré l’habituelle effusion en patois de Chanaan.
683 st de voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion.
684 timentales ou rassurantes qui pourraient dépasser une action immédiate ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’il f
685 vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à
686 derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté d’ un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile selon
687 Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’ une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les
688 omment et par quoi mesurer la valeur chrétienne d’ une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard
689 t souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’ un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine.
690 el est le signe et la mesure certaine. Au cours d’ un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jamai
691 rprendrez dans ses yeux rien du moralisme glacial des « honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineux des communistes. Et
692 « honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est
693 dogmatisme haineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une
694 issance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son a
695 question sociale. Il s’attache à cette expression un « ennui » qui sert à beaucoup de prétexte pour n’y point réfléchir. M
696 s-uns s’en tirent en réfutant le marxisme — c’est un jeu intellectuel — ou bien en critiquant les réformes socialistes — m
697 ent.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant que l’on consi
698 ais de la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là une exi
699 son compte et par un acte intérieur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquen
700 ur contraignant, un acte d’incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus troublante que celle qu’imp
701 e n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’ un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif n’
702 t-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’ un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère humai
703 oi et Vie, Paris, septembre 1931, p. 623-632. m. Une note précise : « Éditions “Je sers”, 1931. »
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
704 e 1931)n o La manière est toujours l’indice d’ une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ce
705 s, p. 75.) Ces quelques notes voudraient marquer une réaction toute personnelle provoquée par la dernière « manière » gidi
706 lle je suis décidé à les formuler. Si l’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’un des écrivains les plus justem
707 n y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’ un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du m
708 voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins
709 écits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de
710 pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’ un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fait
711 ’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’ une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement dési
712 désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que je me refuse à reconnaître aucun
713 que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes, de « caractèr
714 es, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre de
715 laidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autre
716 ’on vote l’acquittement à main levée, sans examen des preuves. Non seulement Gide a presque toujours raison de ses juges, m
717  » (p. 59). Là où d’autres triompheraient, il met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classi
718 jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pa
719 imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’ un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu
720 e citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’être « non-préve
721 prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne grandissante au spectacle de l’autojustification obsédante que l
722 écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais
723 certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien mo
724 est de le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’exc
725 s incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fa
726 tenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’ une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais ce
727 fin, elle s’érige en dialectique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres «
728 ose avec virulence en sophismes, ou bien engendre des chimères. Tout, ainsi, devient inextricable. Les Lettres au cours des
729 , l’on s’impatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de ce
730 le de paradoxes et de malentendus où il semble qu’ un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais
731 eur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux té
732 détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la signification de ce terme. On sait que prot
733 e qui, pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’ un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanction
734 de sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppression du tragique. Car le tragique naît dans une â
735 uppression du tragique. Car le tragique naît dans une âme qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification de ses aspirations
736 ication de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans doute, la psychologie mod
737 st de se réaliser comme unité. Non point parce qu’ une morale stoïcienne et laïque nous le recommande. Non point à cause de
738 mmande. Non point à cause de la logique ni même d’ une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange
739 t. On n’y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique o
740 et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphysique. À cette heure où le monde tourn
741 plaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d’ une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette jeu
742 ’une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde d
743 monde de demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certaines phrases pourraient le laisser supposer
744 pposer qu’il écrivit en préface au livre récent d’ un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-il
745 (Mais par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshu
746 de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je crois que ce qui me plaît surtout dans ce récit
747 nt d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’ une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’e
748 st pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’ un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines c
749 té de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités acceptées
750 ulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommen
751 vec l’incommensurable tragique que cela comporte. Un nom me hante, pendant que j’écris ces mots : Kierkegaard, — et c’est
752 ces mots : Kierkegaard, — et c’est Gide qui, l’un des premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaard, un homme qui ne vous l
753 es premiers, l’a prononcé en France. Kierkegaard, un homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais l
754 pénible de se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : soudain c’est lui qui me regarde et qui me per
755 Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 725-729. o. Une note précise : « Divers (« Caractères. — Un esprit non prévenu. — Dic
756 o. Une note précise : « Divers (« Caractères. —  Un esprit non prévenu. — Dictées. — Lettres »). Collection « Les Essais 
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
757 e jugé (octobre 1931)p Parlant récemment, dans un article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martin
758 obre 1931)p Parlant récemment, dans un article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé
759 nt, dans un article des Nouvelles littéraires d’ un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la di
760 , M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’ un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André G
761 re ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris p
762 ins suffirait à la critique pour maintenir à Gide une place instructive, qu’il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul not
763 tement, à l’époque, que j’oubliais Loti. Loti est un notable écrivain protestant qui répond à ce même signalement. Et préc
764 me signalement. Et précisément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge,
765 irrésistible, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton,
766 s vaisseaux du roi à neuf-mille marins). Loti est un protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cela n
767 e souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevois, au contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Lot
768 ti est faite du morcellement et de l’adaptation d’ un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, co
769 n livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la littérature in
770 que le journal intime, la littérature intime sont un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant.
771 et, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d
772 ien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’ un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston Fr
773 on pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’ un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études litt
774 stons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’ une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis
775 nce présente. La structure même de ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la vie
776 ractère, les livres étaient conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui
777 s livres étaient conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une su
778 ils arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’ une suite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires
779 les livres sont fragmentaires, ils se composent d’ une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les
780 les. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des autres, mais elles s’étalent à la fois toutes ensemble. Dès l’année
781 ant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’A
782 s sur le déclin de la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que Frommel exprime au sujet de Mon Frè
783 pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’ une sainte pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était plus c
784 parente était plus calme parce qu’elle n’était qu’ une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespéranc
785 laient point au grand jour, il y avait pour elles une autre issue : la prière en portait l’expression, loin des oreilles de
786 e issue : la prière en portait l’expression, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi m
787 prière en portait l’expression, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l
788 aite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi
789 i son confident : elle ne trouve aucune paix dans une intimité purement humaine : Et l’homme seul répond à l’homme épouvan
790 ul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque une étude sur les critiques protestants du xixe siècle. L’on serait surp
791 rpris de constater à ce sujet que les jugements d’ un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il ap
792 es jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’ un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à pe
793 certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’ une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain pr
794 icacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront
795 Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
796 vier 1932)q Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que
797 é dans Le Scandale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerr
798 œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a
799 rançais » auxquels nous pardonnons souvent d’être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils donnent
800 int-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’ un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épi
801 in, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’ une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central trai
802 une famille dont la mystique se révèle au cours d’ un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire
803 profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —, d’ une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’
804 gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’ une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre,
805 s voici qu’on proclame au contraire l’avènement d’ une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispice
806 e frontispice (aux beaux noirs et gris profonds). Un critique fort écouté29, à son propos, fit observer que les romanciers
807 se prolonge et trouve son expression moderne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’une éducation protestante ou cath
808 erne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’ une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraiment c
809 d’une éducation protestante ou catholique, que d’ une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-nou
810 oyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’ un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute la misère — des prot
811 xprime « toute la grandeur — et toute la misère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée r
812 i qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’une pierre blanc
813 is œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’ une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’on
814 testant ». À la réflexion, l’on y a renoncé, pour des raisons d’ordre général et comme indépendantes des auteurs et des œuv
815 es raisons d’ordre général et comme indépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Let
816 dre général et comme indépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’était-c
817 ndépendantes des auteurs et des œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’était-ce point, d’abord, céd
818 n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’ un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bien
819 lices. La question toutefois doit être portée sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamais en effet pour les
820 ue : s’agit-il jamais en effet pour les témoins d’ une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas
821 voir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins
822 n constituent pas moins pour notre protestantisme un jugement indirect d’une impitoyable et significative sévérité. Et dès
823 pour notre protestantisme un jugement indirect d’ une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il
824 héros du Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans
825 ransporter dans ce décor les dilemmes religieux d’ une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timide à
826 que Jacques Chardonne étudie dans Claire poursuit un bonheur purement égoïste, et par là si précaire qu’il côtoie bien sou
827 l côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Sa
828 Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’ une véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’une pudeur — lu
829 table préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’ une pudeur — lui fait éviter toute allusion chrétienne, au point qu’en te
830  » que l’on s’en remet, ni plus ni moins que dans un drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que dans ce
831 blié ». Il y a visiblement chez Jean Schlumberger une volonté consciente de réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus
832 homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme
833 gnorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’explicitement relig
834 testants ». Je serais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’évidentes préoccupa
835 récisément ce que beaucoup se plaisent à nommer «  un caractère protestant »32. Et c’est cela qui est grave, — d’autant plu
836 e la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce
837 dition », pourtant cache assez mal la faiblesse d’ un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approximat
838 ve. Nous ne saurions assez nous garder d’accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que
839 que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système politique, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de
840 ent les plus éclatants. Car un système politique, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelq
841 clatants. Car un système politique, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur inte
842 enir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission semblait prati
843 inoritaire de trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission semblait pratiquement acceptable ? Nous a
844 n trop volontiers souffert que l’on nous attribue un moralisme tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’il eût fall
845 nous attribue un moralisme tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme
846 tuit par la foi ; mais d’autre part nous prêtions des mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptions nettement
847 d’autre part nous prêtions des mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la « 
848 s affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Français moyen, « pro
849 ui les empêchait de convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publique dont no
850 étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande partie responsabl
851 ’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont nous souffrons d’autant plus vivement que le monde
852 nner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’ un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En particul
853 articulier, sommes-nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », t
854 iècle se réduit, aux yeux de nos contemporains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est
855 orains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’ une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être
856 de notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc pos
857 roman moraliste (forme qui par ailleurs flattait un penchant traditionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner soit
858 l de l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la
859 soudre les affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du terme : tendance sto
860 ns littéral du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout
861 Tout ceci ne participant que très indirectement d’ une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirment c
862 e, si l’on tient compte de la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement déficitaire si l’on prend au
863 eine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent banale, pour lui ôter sa force,
864 rce, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression d’ une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités me
865 octrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités merveilleuses, un pathétique aux résonances profondes : M
866 quer dans les âmes des complexités merveilleuses, un pathétique aux résonances profondes : Milton. Mais le moralisme déten
867 prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle d’ une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de « 
868 nnemi. Morne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur
869 à force de se compliquer, et tend à se réduire à une casuistique. Comment imaginer et comment animer des êtres, lorsqu’à c
870 e casuistique. Comment imaginer et comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocriti
871 lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait une puis
872 e à la fois peureuse et agressive ? Il y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui, par la force des choses, tourn
873 issance décuplée, excessive, et qui, par la force des choses, tournerait bientôt en révolte, en insolence, en démence : Nie
874 é le développement de ces germes ; les produits d’ une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté maternell
875 es produits d’une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécher
876 mme une dérision de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils ma
877 osent, mais qu’ils manifestent en même temps avec une ironie plus cruelle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée de B
878 ner en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police des mœurs, l’éducation bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes de l’
879 mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en som
880 t jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que l’on attaqu
881 dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’ une foi positive que l’on attaque ici le moralisme survivant, c’est au no
882 ttaque ici le moralisme survivant, c’est au nom d’ une grande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmat
883 nde espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’ un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne
884 d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. O
885 e un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre. Que rien ne
886 nte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si authentiquement évangélique — comme cell
887 té si authentiquement évangélique — comme celle d’ une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny
888 le nous laissent entrevoir ce que pourraient être des œuvres modernes inspirées, comme le furent les plus grandes, par le s
889 ante : verrons-nous quelque jour en France surgir une poésie chrétienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y fa
890 nctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’ un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si l
891 e, il est permis d’attendre de la violence même d’ une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36
892 e suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité
893 32. Il est entendu, même chez les protestants, qu’ un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi
894 eu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des traces qui « malgré tout » révèlent ses origines. Triste jeu. 33. Re
895 t ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs d’ une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adoptère
896 dont ils ont souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. B
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
897 Goethe, chrétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Co
898 (avril 1932)r Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie française et minist
899 ées dans l’exercice de ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs
900 de ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela
901 ités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera p
902 les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomèn
903 e donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’h
904 l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vivent sous le règne du christianisme. Mais le plus grand
905 ité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problème que la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne
906 dant un problème que la conscience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « question
907 s chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces que
908 s « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et
909 d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais
910 ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’ une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un siè
911 iculière que les ennemis du christianisme, depuis un siècle, le revendiquent comme leur plus grand païen. Les fragments de
912 iquent comme leur plus grand païen. Les fragments des Conversations avec Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pa
913 ont pas été choisis pour dissiper trop facilement une équivoque réelle, mais plutôt pour en faire sentir l’acuité. Mais, di
914 uité. Mais, dira-t-on d’emblée, le simple fait qu’ une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goethe
915 nauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’ un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La questio
916 ’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? La question serait tranchée, en effet, si nous ne
917 erait tranchée, en effet, si nous ne savions rien des circonstances dans lesquelles Goethe évoluait. Un grand critique alle
918 es circonstances dans lesquelles Goethe évoluait. Un grand critique allemand, Ernst Robert Curtius, rappelait récemment da
919 d, Ernst Robert Curtius, rappelait récemment dans un article qui fit quelque bruit37 les débuts piétistes du jeune Goethe
920 t le temps du réveil sentimental et mystique dans une Allemagne luthérienne ravagée par l’Aufklärung et le rationalisme. C’
921 ffert et me voilà libre à nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’une grave maladie — ; cette calcination a ét
922 uveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’ une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âme…
923 qui, en fin de compte, ressemble si étrangement à une indifférence non dépourvue d’orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne
924 , tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein d’ une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il
925 ttent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec le
926 précisément que Goethe dès lors recherchera dans une solitude aggravée par l’agacement que lui causent les effusions piéti
927 causent les effusions piétistes trop verbeuses d’ un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystiqu
928 usions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’ un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tardera
929 ès lors, pourquoi faire intervenir dans notre vie une recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie ? Bornons-nous
930 té spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humili
931 comme si Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine abo
932 dance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affirmations nettement immanentistes, ou comme on disait alors, panth
933 t Curtius « le Goethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. El
934 oethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe,
935 origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagan
936 nutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’ un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plu
937 a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait un libéralisme d
938 nées religieuses. Mais, d’autre part, il faudrait un libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admettre dans la c
939 le », tout en vénérant également le soleil, comme une « révélation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’il nous ait j
940 onde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’ un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autono
941 e séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose
942 dans Faust le salut par l’effort humain au sein d’ une nature harmonieuse — et quand bien même il fait intervenir, à la fin,
943 ît comme non chrétien, comme antichrétien, mais d’ une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des b
944 te que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des boutades anticatholiques ou à des moments d’humeur provoqués par les
945 s’arrêtaient à des boutades anticatholiques ou à des moments d’humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous co
946 les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme
947 quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions, de la façon la plus
948 ins biographes ? Mais comment juger les actions d’ un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu
949 ue, en définitive, apparaît comme fondée sur deux des réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisation p
950 ctuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugement avant tout partial, et qui révèle notre insuffisance autant
951 ésence du déchaînement orgueilleux et misérable d’ une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres forc
952 niées : le scandale divin, le péché radical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nu
953 homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir d
954 dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’ une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’actual
955 dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont
956 ons nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soi
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
957 philosophique, c’est en vain que l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du
958 isme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des id
959 célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de
960 ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et
961 qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eû
962 récédentes — elle éprouve son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle une justifica
963 nité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obli
964 on idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur des hommes, un acte, un com
965 gation urgente à se risquer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour
966 gente à se risquer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les cler
967 salutaire et l’unique justification de la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée chrétienne. La pe
968 lerc moderne » (en tant qu’il se montre préoccupé des conséquences nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) « est pr
969 e, et par suite, dans l’action qu’elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à aff
970 ssi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité d’ une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — tout
971 sée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’ une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affranchi
972 u’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’ un choix profond : christianisme ou marxisme. Ce qui revient à dire que
973 non pas en tant que bourgeois, s’ils le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout
974 t, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organisation et l’
975 sons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organisation et l’utilisation de
976 res dirigées vers l’organisation et l’utilisation des biens matériels. ⁂ Arrêtons-nous aujourd’hui à deux livres caractéris
977 es caractéristiques de ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, af
978 er. M. Thierry Maulnier vient de réunir en volume une suite d’études parues pour la plupart dans les pages de l’Action fran
979 est dans l’homme 38, s’oppose d’emblée aux thèses des économistes bourgeois ou marxistes, pour lesquels la crise est dans l
980 ise est dans les institutions. Il paraît supposer une rénovation intérieure, celle précisément que postule le christianisme
981 fonderait cette rénovation. M. Maulnier critique un monde qui selon lui tend à la suppression de la personne humaine. Sa
982 erait plus efficace si on la sentait inspirée par un principe spirituel capable de rendre une force offensive à cette pers
983 pirée par un principe spirituel capable de rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des sujets abordés
984 orce offensive à cette personne humaine. Le choix des sujets abordés dans son livre montre un esprit averti des vraies vale
985 Le choix des sujets abordés dans son livre montre un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et G
986 ts abordés dans son livre montre un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la qu
987 de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller ju
988 on nécessaire ». Certes, on ne saurait demander à un recueil d’essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il e
989 un recueil d’essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préf
990 ns sa préface, se déclarer satisfait d’indiquer «  des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativ
991 sfait d’indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique
992 ques, et peut-être aussi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’une vérité toute statique, au nom de valeurs tout in
993 ssi sa jeunesse. Il critique des erreurs au nom d’ une vérité toute statique, au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’ét
994 objets de passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que leur seule existence — si elles existent —
995 sion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’ un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vaines
996 atrice la critique de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut.
997 t cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimi
998 cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproch
999  » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constr
1000 cielle de la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourgeois, destinée à défendre et illustrer la no
1001 e, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourgeois, destinée à défendre et illustrer la notion bourgeoise de l
1002 ’il a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « 
1003 es courtes se pressent en paragraphes hachés, sur un ton uniformément péremptoire, ironique et hargneux. Elles redisent tr
1004 les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusions dangereuses pour l’ordre établi. « Nous vivons dans un te
1005 ngereuses pour l’ordre établi. « Nous vivons dans un temps où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de sc
1006 où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scand
1007 nt dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’énonce la phil
1008 andaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’énonce la philosophie et ce qui arri
1009 es en dépit de sa promesse. » M. Brunschvicg fait un cours sur la technique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’im
1010 es pourritures de leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi mène la philosophie sans matière, la
1011 que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’ une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement concep
1012 ar les philosophes, qu’il accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproch
1013 ce qu’elle ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. Certes40. Mais dans la mesure, si faible soit-el
1014 ible soit-elle, où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au l
1015 ifiée. Pour le reste, c’est la politique, et dans un sens plus vaste, la religion, que cela regarde. M. Nizan demande inla
1016 s bien. Nous le demandons aussi. (Nous avons même un scepticisme plus profond que le sien à l’endroit des résultats « huma
1017 scepticisme plus profond que le sien à l’endroit des résultats « humains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre
1018 oins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’ une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg. L’h
1019 vec Marx, l’homme concret (ce qui n’est encore qu’ une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’en vaut
1020 ’est encore qu’une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est qu’une extension
1021 ophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’est qu’ une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse tel
1022 que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considérations aussi abstraites et discutables que la plus-value, rec
1023 homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu
1024 en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un partisan convaincu. On sent bien que
1025 sfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’ un partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est dans
1026 est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause. Je n’insisterais pas, si ces traits ne me paraissaient communs
1027 i la lecture et la pratique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à ch
1028 tique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à chaque instant, une humi
1029 porter une certitude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice,
1030 ecte, une obligation de choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au sein de la douleur, la force de
1031 ir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au sein de la douleur, la force de supporter des souffrances phy
1032 joie au sein de la douleur, la force de supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager la mort comme
1033 es, la force et la joie d’envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la joie d’envisager la vie comm
1034 que, la force et la joie d’envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque instant total, éternel et
1035 l et urgent. Je demande à M. Nizan si son appel à une philosophie vraiment humaine, dont les pensées concernent chaque homm
1036 de prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté.
1037 é spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militant, nous n’avons plus à
1038 nt de vue chrétien, le marxisme radical constitue un progrès sur la libre-pensée : il force au choix, à la prise de consci
1039 fuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’être concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas l
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
1040 vier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (ser
1041 furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’il a inventés pour « gagner du temps » ? Il se
1042 nité se retourne contre elle-même). Que doit lire un homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que peut lui
1043 ir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande une nourriture rapidement assimilable, mais tout de même reconstituante ?
1044 t assimilable, mais tout de même reconstituante ? Des romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis
1045 littérature peut apporter, sous d’autres formes, un agrément, un repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus act
1046 peut apporter, sous d’autres formes, un agrément, un repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus actuels, je veux
1047 ter, sous d’autres formes, un agrément, un repos, un exercice à la fois plus tonifiants et plus actuels, je veux parler de
1048 plus actuels, je veux parler de la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auquel notre époque vient
1049 ncien, mais auquel notre époque vient de redonner une très vive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater,
1050 brairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages purement romanesques va en diminuant, et cela au profit d’un
1051 romanesques va en diminuant, et cela au profit d’ une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la
1052 de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut par
1053 le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Allemagne remonte aux premiè
1054 osphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine d’ordinaire en France. En
1055 e plus « actuels », plus directement mêlés au jeu des puissances modernes, que les Français ne le furent jusqu’à ces tout d
1056 le grand public allemand. Il est bien naturel qu’ une société qui jouit d’une relative sécurité cherche son divertissement
1057 d. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’ une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions romane
1058 relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions romanesques. Le roman est un genre bourgeois — et c’est peut
1059 ement dans des fictions romanesques. Le roman est un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’il plaît tant au peupl
1060 z lui après 8 heures de bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre existence quotidienne. Mais l’homm
1061 la journée a senti peser sur son œuvre la menace des forces terribles déchaînées dans le monde contemporain voit bien que
1062 est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’ang
1063 bord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que
1064 t de comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’
1065 menace. Il veut des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un
1066 ût-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir d’arguments précis et « sérieux » qu’on exh
1067 guments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’écrits, d
1068 s, le « grand public » considéra que la lecture d’ un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le go
1069  » considéra que la lecture d’un livre n’était qu’ un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même e
1070 ecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout dans des cer
1071 yen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout dans des cercles littéraires raffinés, était u
1072 lement ». Le goût des idées, même et surtout dans des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atteinte au « goût »
1073 tout dans des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il f
1074 ’est-à-dire à la mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d
1075 velle Revue française pour imposer, par l’effet d’ un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pure
1076 ser, par l’effet d’un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs purement intellectuelles la plupart
1077 t intellectuelles la plupart du temps, et le goût des « romans qui posent des problèmes ». On appelait cela de la « littéra
1078 part du temps, et le goût des « romans qui posent des problèmes ». On appelait cela de la « littérature difficile », non pa
1079 cela de la « littérature difficile », non pas qu’ une intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les développem
1080 e », non pas qu’une intelligence moyenne éprouvât des difficultés à suivre les développements lumineux d’un André Gide, par
1081 ifficultés à suivre les développements lumineux d’ un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisaie
1082 ure de l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée
1083 eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile d’obscurit
1084 ble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées d’ une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seuleme
1085 me les fusées d’une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait être d
1086 t être dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de ris
1087 e risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoi
1088 d’aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire de la fant
1089 yaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y avait de plus sub
1090 n tente les journalistes. Mais le cinéma n’est qu’ un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conceptio
1091 ente les journalistes. Mais le cinéma n’est qu’un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conception du
1092 ’opère dans toute notre conception du monde. Dans une époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Europe bouleversés
1093  ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines d’ un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenne,
1094 affoler, entrer en décadence, et rêver à son tour une révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir pour la r
1095 adence, et rêver à son tour une révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir pour la réalisation même de ses
1096 énorme aventure qui « règne » sur le monde comme une fièvre, le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’il n’y pénètre p
1097 ies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’ une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre con
1098 rviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’ un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt pas
1099 qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’ un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l
1100 stoire. Jamais le document n’a été recherché avec une telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce sont les actualités.
1101 les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient-ils ? Des collections documentaires, des reportages à grande distance, les mémo
1102 que publient-ils ? Des collections documentaires, des reportages à grande distance, les mémoires d’Alain Gerbault, les aven
1103 ant sur les formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent
1104 exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vrac, un monde plus absurdement divers que nul esprit ne pouvait le concevoir.
1105 aire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passion nouvelle. Nous avons vu paraître, il y a quelque dix ans, les
1106 odernes sont nées en France autour de la Trahison des clercs, autour du problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de
1107 me, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bou
1108 ). Lorsqu’il y a deux ans, Bernard Grasset, dans un article retentissant, annonça son intention de « casser les reins au
1109 de « casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En
1110 croire à un mouvement de mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance d
1111 d public. On n’a pas cessé pour autant de publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succès, dans cet
1112 e collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et sur les penseurs religieux, Corrêa publ
1113 rs religieux, Corrêa publie presque exclusivement des « écrivains d’idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquê
1114 s d’idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne sous ce titre significatif : « Les Mœurs et l’Espr
1115 s ce titre significatif : « Les Mœurs et l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru réce
1116 grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples
1117 es fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer
1118 de l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la marche des événements. Nous reviendrons prochainemen
1119 recte que peut exercer un essayiste sur la marche des événements. Nous reviendrons prochainement sur ce livre brillant et s
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
1120 vocation personnelle ? (février 1934)u Depuis des années, dans toutes les conférences, dans tous les journaux d’opinion
1121 dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le grand lieu c
1122 partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’est em
1123 le grand lieu commun de la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pa
1124 tradiction. L’argent règne sur notre monde, comme une puissance occulte et pourtant méticuleusement tyrannique, comme une d
1125 lte et pourtant méticuleusement tyrannique, comme une divinité qui, depuis peu, serait devenue folle. Des peuples entiers s
1126 e divinité qui, depuis peu, serait devenue folle. Des peuples entiers s’exaltent pour une dictature qui tire son seul prest
1127 evenue folle. Des peuples entiers s’exaltent pour une dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté pu
1128 prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des exploitations dont les bénéfi
1129 publique. Des provinces entières sont ruinées par des exploitations dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures de pa
1130 nique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce que chaque machine nouvelle, au lieu de libérer des tra
1131 e que chaque machine nouvelle, au lieu de libérer des travailleurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples de toute la
1132 villes se congestionnent et la jeunesse y traîne une misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens de tous bords consac
1133 de tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils seront les seuls bénéficiaires. La corruption s’éta
1134 rruption s’étale, flétrie avec grandiloquence par des journaux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pens
1135 r homme, depuis le déluge, le monde se débat dans une crise millénaire dont les périodes dites « prospères » ne sont que le
1136 temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du mond
1137 ’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’ un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringola
1138 d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringolade, une contagion de déséquilibres dévorant succ
1139 pparaît plutôt comme une solennelle dégringolade, une contagion de déséquilibres dévorant successivement toutes les possibi
1140 une autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des apparences paisibles, est soudain devenu flagrant. Il promène par les
1141 uropéennes de grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix
1142 ècle, tout se simplifie aussitôt ; et si, faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en fac
1143 ins collectifs, le choix nécessaire apparaît avec une netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais
1144 ît caractériser notre siècle. On dit le contraire un peu partout, je le sais bien. On répète que les événements nous domin
1145 et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous conna
1146 s aussi la signification réelle. C’est l’argument des gens en place qui, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’il
1147 s bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes d’évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis
1148 té. Trop souvent ils nous ont mis en garde contre un « certain esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision
1149 le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situat
1150 sition, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormi
1151 les plus respectés ont été trop souvent pour nous des professeurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insolubl
1152 our nous des professeurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nou
1153 tinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusquement. Maintenant, il
1154 enant, il va falloir choisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal
1155 a falloir choisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous e
1156 er, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la
1157 araître, de poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que p
1158 simple question : comment un siècle peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme
1159 n réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différen
1160 de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes.
1161 ue personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. Napoléon,
1162 estin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chac
1163 nt des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où cha
1164 Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être,
1165 destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une p
1166 s possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une vocation.
1167 quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de
1168 ude particulière, une passion qui est bien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un
1169 cation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’ un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer un
1170 n admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de val
1171 tin, c’est que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Q
1172 de d’attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous disons : le siècle, le xx
1173 le xxe siècle par exemple, nous entendons par là une réalité historique très composite, très générale, qui englobe toute l
1174 t presque tous de nature collective. L’histoire d’ un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des peup
1175 lective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des peuples, des nations, des classes
1176 st l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiqu
1177 des collectivités, c’est l’histoire des peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiques ou privées
1178 vités, c’est l’histoire des peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est qu
1179 l’histoire des peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est que très access
1180 des peuples, des nations, des classes, des races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’est que très accessoirement l’
1181 vées. Ce n’est que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin
1182 nous disons destin du siècle, nous disons destin des nations, destin du prolétariat, destin du capitalisme, destin du mach
1183 machinisme. Le destin du siècle, c’est le destin des ismes, qui sont — en fin de compte — des abstractions. Et je le répèt
1184 e destin des ismes, qui sont — en fin de compte — des abstractions. Et je le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux,
1185 le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comm
1186 ous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinités presque toujours menaçantes, et do
1187 les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinités presque toujours menaçantes, et dont nous essayons avec ang
1188 s elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous se
1189 d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéiss
1190 l’argent et l’opinion publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-ê
1191 us intelligents et plus logiques surtout que ceux des fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hi
1192 dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’ une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaquable
1193 ’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaquable, une fois les prémisses admises. Quelles s
1194 tes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’ une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée. Hi
1195 d’une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée. Hitler, selon Trotski, s’explique entièrement par
1196 déologie n’a rien de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraise
1197 personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’ une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que ré
1198 s’explique simplement par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables et contr
1199 ique tout au moins, ils paraissent s’opposer avec une certaine violence, mais par rapport à l’homme, ils sont absolument se
1200 et que tout ce qui se passe dans le monde obéit à des lois générales et historiques qui échappent à notre volonté et sur le
1201 acistes ont bien vu le danger. Mais ils en tirent une conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, il
1202 ndre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-
1203 s les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’ une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun. Le
1204 raison, que leur action n’a pas les apparences d’ une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils
1205 ur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’ une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leu
1206 exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleurs devraient le
1207 ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleurs devraient leur envier. C’est juste. Aussi
1208 ion revient-elle en définitive à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quell
1209 en définitive à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités sont
1210 Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réalités générales,
1211 des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réalités générales, d’ordre statistique ; des considérations, par exe
1212 ont des réalités générales, d’ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développement économique des sièc
1213 ons, par exemple, sur le développement économique des siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues
1214 onomique des siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées,
1215 es statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, achevées, mortes comme toutes les moye
1216 ce sens, abstraites. Sur quoi peut bien se fonder une loi historique ? Sur ce qui a été fait. Toute loi qu’on découvre dans
1217 s vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le pro
1218 dégénérescence. Le philosophe Léon Chestov disait un jour à quelques amis : « Il paraît qu’il existe deux théories tout à
1219 inge, descendent en effet du singe et constituent une race à part, à côté de la race des hommes créés par Dieu, et qui, eux
1220 et constituent une race à part, à côté de la race des hommes créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont été
1221 x disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute guerre moderne bien comprise serait impos
1222 lence. Sans eux, nous ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’attention po
1223 se des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si le
1224 journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Ab
1225 t et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants et inhumains. Je voudrais, avant de poursuivre, diss
1226 mains. Je voudrais, avant de poursuivre, dissiper un malentendu que cette description a pu faire naître dans l’esprit de q
1227 t aboutir le communisme. On raille le caporalisme des jeunes miliciens en chemise brune. On nous dit que la vie, en Amériqu
1228 arce que tous les appartements sont pareils et qu’ un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de p
1229 e n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’ un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On
1230 petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu des libé
1231 ’homme, ne mérite pas qu’on le pleure. L’individu des libéraux, c’était, par excellence, un homme sans destin, un homme san
1232 L’individu des libéraux, c’était, par excellence, un homme sans destin, un homme sans vocation ni raison d’être, un homme
1233 x, c’était, par excellence, un homme sans destin, un homme sans vocation ni raison d’être, un homme dont le monde n’exigea
1234 destin, un homme sans vocation ni raison d’être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement, devait
1235 hez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du
1236 r, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’ un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une err
1237 ans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour
1238 ondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la plus certaine du tri
1239 dividu est l’origine la plus certaine du triomphe des masses. C’est parce que l’individu des libéraux était sans destin, qu
1240 u triomphe des masses. C’est parce que l’individu des libéraux était sans destin, qu’il a cru au destin des autres ; c’est
1241 libéraux était sans destin, qu’il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu ser
1242 e preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement de ces mythes. On
1243 s mythes. On a cru trouver en eux les principes d’ une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a jam
1244 cord réel, jamais plus de haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, devient automatiquement de la
1245 que la solidarité entre les peuples est désormais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au progrès mécanique
1246 é entre les peuples est désormais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au progrès mécanique que désormais le
1247 désormais le globe entier apparaisse solidaire d’ une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premier
1248 ns le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’ une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur la
1249 ivant : le krach d’une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ouvriers
1250 des petits rentiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais.
1251 rtes, tout se tient désormais. Mais la solidarité des masses est toujours une solidarité catastrophique. Oui, le destin du
1252 rmais. Mais la solidarité des masses est toujours une solidarité catastrophique. Oui, le destin du siècle, le destin des is
1253 tastrophique. Oui, le destin du siècle, le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’un monde chaotique haut
1254 des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’ un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglomération d’i
1255 d’autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglomération d’individus assemblés par la peur et la fai
1256 par la peur et la faim, et la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai term
1257 a faim, et la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma descripti
1258 n ce qu’il y avait d’émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de
1259 ssentiel. Voici notre dilemme : voulons-nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reco
1260 ns-nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, ma
1261 eur raison d’être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâché. Je connais la réaction qui l’accueill
1262 lectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et
1263 les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’ une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite deva
1264 r, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée
1265 gine permanente et virtuelle des dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée personnelle. À l’or
1266 destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui
1267 i pour comble, se croit seul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant historiquement, i
1268 irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie, tenter de vous décrire la pensée personnaliste, la pens
1269 erdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’ une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible,
1270 Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours ave
1271 d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’ un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. El
1272 en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dan
1273 e risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. Je pourrais e
1274 montrer quelles conséquences politiques commande une telle attitude et quelles révolutions, enfin réelles, elle prépare. M
1275 s, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question dernièr
1276 ais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’
1277 autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’
1278 stion dernière que je ne veux pas esquiver. C’est une question qu’on pose souvent aux groupements révolutionnaires que je v
1279 dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un cho
1280 personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un choix subjectif ? Vous préférez l’
1281 ique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un choix subjectif ? Vous préférez l’homme créateur à l’homme qui s’aban
1282 eure se fonde votre personnalisme ? Je ne vois qu’ une réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Faite
1283 contrainte ou dans la liberté, vous ne ferez pas une société si vous n’avez pas, avant tout, retrouvé le rapport primitif,
1284 re place et dans nos circonstances particulières, une vocation personnelle. Personne et vocation ne sont point séparables.
1285 il faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On nous a prés
1286 s. On nous a présenté cet amour du prochain comme un sentiment bienveillant, une tolérance à l’égard du voisin, une façon
1287 mour du prochain comme un sentiment bienveillant, une tolérance à l’égard du voisin, une façon plus commode de vivre en soc
1288 bienveillant, une tolérance à l’égard du voisin, une façon plus commode de vivre en société. On a transporté dans l’histoi
1289 ransporté dans l’histoire cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engag
1290 dans l’histoire cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces
1291 cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et engagement, ces trois mots déf
1292 paraît assez sentimental… Jésus lui répondit par une parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit
1293 t, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une consolation.
1294 plication du désespoir qui le possède, mais c’est une consolation. Je prends ce mot dans son sens le plus fort, tel que le
1295 sespéré, l’homme sans vocation personnelle, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’est pas la connaissance intellectuel
1296 suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel j
1297 arracher à sa misère ; il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel je vous laisse
1298 misère ; il lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère devant lequel je vous laisse maintenant. No
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
1299 faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’ un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrait
1300 Sources pourrait s’aligner, dans cet ordre, avec un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute, de m’en voir étonné. Je
1301 us faire réfléchir. Les philosophes y connaissent des succès dont rien, ici, ne peut donner l’idée ; et même les théologien
1302 ns. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis
1303 ef, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis le « grand pub
1304 en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, conquis le « grand public », celui-l
1305 me qui, chez nous, consacre ses loisirs à dévorer des prix Goncourt, justifiant les plus grosses manœuvres publicitaires, e
1306 s grosses manœuvres publicitaires, et la méfiance des éditeurs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui faut-il s’en prendr
1307 citaires, et la méfiance des éditeurs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui faut-il s’en prendre ? Aux critiques d’abord
1308 nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un secret pour personne qu’ils contribuent pour beaucoup à déterminer le
1309 pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’ une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, d
1310 oit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ». Car les autres s’en passent fort bien
1311 traire qu’on peut voir. Le critique qui dispose d’ un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en ré
1312 ritique qui dispose d’un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais
1313 d’un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur de
1314 bdomadaire ou un quotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’a
1315 uotidien n’est, en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de sig
1316 en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres
1317 vague rumeur entretenue par la publicité autour d’ un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès
1318 ’un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand public a des causes plus graves, qu’il fa
1319 notoire des philosophes auprès du grand public a des causes plus graves, qu’il faut attribuer autant aux philosophes qu’à
1320 plus. Le public se figure que la philosophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque.
1321 re se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’ un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se sou
1322 ra-t-on l’ajouter après coup ? On ne complète pas un acte avec des considérations sur cet acte ; ou c’est que la philosoph
1323 uter après coup ? On ne complète pas un acte avec des considérations sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’est qu’il
1324 a philosophie n’est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’a
1325 qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide à vivre, trouve son lieu dans l’acte et nulle part ai
1326 . Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui se montre. Sou
1327 t elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui se montre. Sous prétexte de science, la pensée de nos
1328 sans peine l’indifférence où le public la tient. Un philosophe « sérieux » pour l’Université c’est trop souvent un homme
1329 « sérieux » pour l’Université c’est trop souvent un homme que l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des p
1330 niversité c’est trop souvent un homme que l’étude des problèmes posés par sa technique détourne des problèmes qui se posent
1331 ude des problèmes posés par sa technique détourne des problèmes qui se posent en fait. Mais que faut-il penser de ces techn
1332 de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignore
1333 supposer qu’elle se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations morales du philosophe et les coutumes du
1334 erdu toute commune mesure. Que se passerait-il si un beau jour le public se mettait à l’école des penseurs ? On verrait éc
1335 il si un beau jour le public se mettait à l’école des penseurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’une pensée inh
1336 urs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’ une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action trop l
1337 nsée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’ une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-ce
1338 pirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’ un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque d
1339 méfiance réciproque dont je viens d’indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant, que la collusio
1340 a guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon des catastrophes dictatoriales va réveiller quelques chrétiens. Leur offi
1341 le seule d’entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette vie
1342 générale des valeurs dont le monde croit vivre et des valeurs qui jugent cette vie. C’est à elle, en particulier, et non pa
1343 u marxisme ni au fascisme, à conduire la critique des hérésies morales que toute la bourgeoisie, et le peuple à sa suite, r
1344 ervice que la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont
1345 formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que tout le monde sent nécessaire, mais que la foi seule re
1346 . ⁂ Max Scheler se rattachait à l’école allemande des phénoménologues, illustrée par Husserl et Martin Heidegger. On sait q
1347 ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience sensible, saisies telles qu’el
1348 t de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent a
1349 , saisies telles qu’elles se présentent au sein d’ un ensemble vécu. Le grand service rendu par la phénoménologie, c’est de
1350 la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’ une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstraits,
1351 esse réside dans la misère. C’est ce renversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse de reprocher au christianisme. Voic
1352 issance qui n’use pas de représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bassesse, « humilité » ; la sou
1353 orte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’ un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu » s
1354 as vouloir se venger », et parfois même le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce q
1355 de contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du re
1356 ourgeoise. Scheler le démontre avec maîtrise dans un chapitre consacré aux valeurs humanitaires, qui me paraît renfermer l
1357 e vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne connais pas de
1358 s. Je ne connais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici s
1359 e voulons plus l’acte d’amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment que
1360 eur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nou
1361 geons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la patrie p
1362 i de la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la pla
1363 tarisme entraîne toute une série de perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricord
1364 rd, qui prend la place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du courage et non pas
1365 e contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la patrie ; un paci
1366 de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’ une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus la crai
1367 lisme qui n’est qu’une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte de « se faire des ennemis 
1368 me qui traduit bien plus la crainte de « se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Christ à ceux qui
1369 uttent (dans leurs luttes et au-dessus d’elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je suis
1370 enne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux donner qu’ un exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois parti
1371 orce ici Scheler. Je ne veux donner qu’un exemple des dissociations qu’il propose. L’Épargne, autrefois participation de
1372 aux pauvres, et aux pauvres seuls, est désormais une vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’idéal évangéliq
1373 s la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire une sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment con
1374 ntraire une sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l
1375 r de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du re
1376 anité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment
1377 te l’avait vu, une haine des hommes ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’est pas le chrétie
1378 isme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂ Comme Max Scheler
1379 rsion. On est heureux de constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simplification de sa pensée, par r
1380 qu’elle marque un élargissement en même temps qu’ une simplification de sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M.
1381 ar rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la
1382 e passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qu
1383 qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté très nette de passer outre aux prudences intéressées de la sc
1384 fort étonnés d’apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser en philosophie des motifs tels que le
1385 un courage véritable pour utiliser en philosophie des motifs tels que le désespoir, l’espérance, la présence ou la fidélité
1386 l’exemple de la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en
1387 ré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’ une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher
1388 de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’ une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à mo
1389 e » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’ une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfinis
1390 il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est e
1391 — ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce g
1392 hrase de Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce genre qui caractérise malh
1393 histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l
1394 ui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer,
1395 ). Le problème devient alors tout autre chose qu’ un problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure d
1396 e devient alors tout autre chose qu’un problème : un mystère. Et toute démarche pour s’en approcher figure déjà par elle-m
1397 che pour s’en approcher figure déjà par elle-même une sorte de participation concrète à l’être. Démarche négative du désesp
1398 de l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une présence activement perpétu
1399 nue par une fidélité que l’auteur définit comme «  une présence activement perpétuée ». Et tout cela tend à créer dans l’âme
1400 perpétuée ». Et tout cela tend à créer dans l’âme une disponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’est pas à
1401 r, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’ un aperçu si schématique fait tort au caractère concret de cette méditat
1402 érite principal est à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la technique idéaliste,
1403 ouer l’auteur de conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La description qu’il fait de l’homme moderne r
1404 escription qu’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corréla
1405 indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que le
1406 ix concrets. La démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a
1407 pêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’ une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-u
1408 nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens
1409 re, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’ une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « 
1410 t urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants » — comme disait Nietzsche — qui domine notre société.
1411 de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’ une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Tradui
1412 d, collect. Les Essais. Traduit de l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’un volume intit
1413 yme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’ un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en qu
1414 e intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illustrat
1415 en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et parti
1416 avoir écrit ses premières œuvres, et devenu l’un des chefs du parti catholique parmi les intellectuels allemands, Scheler
1417 heler rompit finalement avec l’Église et revint à un nietzschéisme violent. On voit percer par endroits, dans ce livre, un
1418 lent. On voit percer par endroits, dans ce livre, une espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’err
1419 ce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : r
1420 vement à la possibilité universelle du désespoir. Un rapprochement avec Kierkegaard me paraît s’imposer ici. 49. M. Marce
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
1421 13, et y mourut en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de
1422 e à garder les moutons dans la plaine du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit tertre et il
1423 n jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait
1424 Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant et une belle aisance
1425 de son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira
1426 évère éducation piétiste, un secret terrifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, i
1427 ns, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’ une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. S
1428 en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se
1429 animée de la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le pe
1430 lle, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le petit peuple. On
1431 t discuter avec des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le petit peuple. On connaissait sa silh
1432 des bourgeois, des jeunes filles, des balayeurs, des intellectuels, le petit peuple. On connaissait sa silhouette, ses pla
1433 lleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’il se fit mieux comprendre, le publ
1434 orsqu’en 1854 il se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les évêques qui avaien
1435 ns la plus complète solitude qu’ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutte, il tomba dans la
1436 te solitude qu’ait jamais connue un grand esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutte, il tomba dans la rue. On le transp
1437 pour se condamner. Il affirmait qu’il n’était qu’ un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité »
1438 qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une
1439 érité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il voyait clairement que nul homme ne p
1440 les plus diverses. Elle assure aussi à sa pensée une influence multiforme, et qui va croissant avec le temps. La philosoph
1441 enne se réclame de sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie entre Dieu et l’homme. » Le sens réel
1442 eur de l’absolu évangélique. Voici le jugement qu’ un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses é
1443 de l’absolu évangélique. Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrit
1444 rd était : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul, un protestant pouvait trouver pareille formule… L’œuvre la plus profonde
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
1445 ion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’ un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certai
1446 n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauva
1447 rmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise conscience. Que d
1448 autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise conscience. Que disent les collectivistes ? Que le grand nom
1449 que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice est da
1450 s l’opinion publique. Que l’histoire évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Qu
1451 s-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’ un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’abor
1452 fin, d’un seul contre la foule serait la marque d’ un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut d
1453 affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’ un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ?
1454 ce scepticisme ou cette « mesure »… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher de la mauvaise humeur défensive des aut
1455 ent, va triompher de la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà de rendre
1456 rdre ? Et que va-t-on lui sacrifier ? Supposez qu’ un homme paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste. Il soutient qu
1457 en si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’ un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la
1458 vant Dieu, — car c’est la foi, — que les discours des réalistes et l’enthousiasme populaire ; que la justice, enfin, et la
1459 ce là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’ un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas
1460 va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ?
1461 C’est l’homme dépourvu de sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pant
1462 ie impossible, puisqu’elles impliquent le martyre des braves chrétiens, comme si la religion, de toute éternité, n’était pa
1463 t Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir d’ un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas la
1464 éfendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la dépe
1465 de ce qui est « original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre
1466 ient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirm
1467 ns que nulle violence ne peut dérober, mais c’est une triste réponse à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’on n
1468 plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là
1469 t bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de
1470 ui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Niet
1471 ce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourra
1472 sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il est un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesu
1473 ce témoin extrême et décisif dont la mort, comme un sceau d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spi
1474 r le médecin sévère que la santé moins déprimée d’ un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sais
1475 st devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes don
1476 ible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard
1477 its, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissance. Nous nous tournons v
1478 ient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin, ni à Moscou
1479 en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin, ni à Moscou, mais à nous-même
1480 absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la pr
1481 lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l’éternel
1482 tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu’aucun autre le mes
1483 e toutes parts, en Europe, à travers la confusion des doctrines, reparaître les traits ironiques du grand visage de Kierkeg
1484 and visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne
1485 nvisible, seule subsiste sa face hilare au-dessus des bourreaux pantois, qui se refusent dignement à couper une tête pareil
1486 reaux pantois, qui se refusent dignement à couper une tête pareille. Enfin, le chat disparaît complètement. Mais à certains
1487 ue. Le rire de Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne aussi le sérieux le plus pesant. On ne
1488 ne rit pas devant le dictateur, ni dans les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voic
1489 réfugie dans les soucis publics comme on va voir un film pour s’oublier dans un drame fictif, de cet homme affolé par la
1490 lics comme on va voir un film pour s’oublier dans un drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — ma
1491 harité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont l’homme ignore, comme homme, l’existence ; et c’est la ma
1492 ire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie d’ un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette «
1493 les autres inexistants ». Mais cette « crainte d’ un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrétie
1494 de l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consola
1495 nt ressemble à une satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour ceux qui souffrent à cau
1496 e l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il suppose, s
1497 en de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremble pour le
1498 nt comme si l’Esprit n’existait pas ! Serons-nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réve
1499 sprit n’existait pas ! Serons-nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil de la masse 
1500 la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous v
1501 ous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non, no
1502 orte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu souffrir ». « Dans l’église som
1503 avori élu par la bonne société ; il paraît devant une assemblée choisie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a
1504 ît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’ un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Mais
1505 ire ce qu’on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient toujours comme tous les
1506 y trouve quelque passage qui dise le contraire d’ un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir, f
1507 on : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’ une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Rire
1508 qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique d’ un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on
1509 centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas,
1510 lité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire
1511 par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’ un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qu
1512 alisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’ une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lu
1513 eçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le néant. Seule la révolte du chrétie
1514 béissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au monde te
1515 aux races, à l’histoire (ou plutôt à l’évolution des sociétés), à la révolution, au capital, au jugement de l’opinion publ
1516 liques que de les dénoncer pour telles en vertu d’ une idée de l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme
1517 monde. Elle participe encore de la dégradation. «  Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours contre ce qui la susc
1518 ine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa
1519 Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’est plus rien qu’obéissance dans la
1520 raigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien de
1521 nnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’est personne, et t
1522 assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Marius, telle est la v
1523 is trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou q
1524 homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme is
1525 a responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la
1526 n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mai
1527 as dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaar
1528 tence individuelle. Chaque fois que nous disons d’ un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission.
1529 « lois » historiques ou sociologiques sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’op
1530 es sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel5
1531 e qu’il a voulu bannir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui se
1532 nce. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’ un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujourd’
1533 rait d’un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujourd’hui s’en prévaloir pour rendre un culte sang
1534 ne venait aujourd’hui s’en prévaloir pour rendre un culte sanguinaire aux faux dieux qu’elle a suscités. « Le philosophe
1535 mble-t-il pas que le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite des hommes devant l’instant présent se pr
1536 t plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuite des hommes devant l’instant présent se précipite. Ils n’ont pas lu Hegel,
1537 ine le marxisme et les fascismes, et la théologie des sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. Comment lui échapp
1538 t les fascismes, et la théologie des sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-il pas
1539 et la théologie des sociologues, des historiens, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même de
1540 tion ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’ador
1541 . (Est-ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien
1542 ême possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plu
1543 tre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrevoient le péril que ces doctrines font courir à l’h
1544 bitudes de l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) c
1545 igurent (mais sans franchise, ni précision) comme une espèce de vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vap
1546 ible providence surnaturelle ! ». Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’or
1547 faut-il se garder d’entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je,
1548 où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’ un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’est
1549 e que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des l
1550 que tu n’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle te méprisera san
1551 maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être ag
1552 e d’accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet d
1553 l, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réellement et ju
1554 é et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase de Carlyle est connue, résumant l’util
1555 ésumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs
1556 e du solitaire » est le seul fondement pratique d’ une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder d’i
1557 Cependant, il vaut mieux se garder d’insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui, d’abord, parmi
1558 omme donnée ? La tentation est forte, de passer d’ une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une c
1559 La tentation est forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une communauté chr
1560 ollectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’ une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-être a
1561 à tous ou contre tous, chacun croit qu’il s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle au solitai
1562 s réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le sol
1563 e le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? ( Un homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivr
1564 tion, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un article de la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 6
1565 ligne. 62. Pourquoi poser la question à propos d’ un cas aussi exceptionnel que le martyre ? « Nous ne pouvons pas tous de
1566 ble rappel aux nécessités quotidiennes est encore un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique,
1567 vie quotidienne » n’est peut-être rien d’autre qu’ un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une quest
1568 fait de « la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un regard trouble porté sur la réalité. x. Roug
1569 s notre existence morale. Une question mal posée. Un regard trouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis de, « Néces
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
1570 n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’ une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman
1571 t, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’ un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelque
1572 mande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’ un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas a
1573 uelque chose qui ne plaira pas au public habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂ Si
1574 habituel des prix Goncourt —, et qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂ Six chômeurs allemands, anciens officiers
1575 les interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d’État renverse le gouvern
1576 s services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d’État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieuse
1577 rsuivre. L’un d’entre eux se laisse entraîner par des révolutionnaires qui préparent un coup de main contre le dictateur du
1578 entraîner par des révolutionnaires qui préparent un coup de main contre le dictateur du Venezuela ; un autre ira chercher
1579 n coup de main contre le dictateur du Venezuela ; un autre ira chercher fortune en Argentine, dans une plantation de thé o
1580 un autre ira chercher fortune en Argentine, dans une plantation de thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. L
1581 lle étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre de la
1582 normes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à faire ; final
1583 our se débarrasser d’eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur leur offre un engagement au Par
1584 ’eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’ils ont la
1585 piège grossier : un agent provocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de
1586 s de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre d’Allemagne à L
1587 sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à
1588 à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement l
1589 , à bout de ressources, acceptent de collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs c
1590 tion qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela
1591 arti pour le Venezuela, et qui a subi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais il
1592 ubi, lui aussi, des emprisonnements, le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais ils ne se retrouvent que pour aller
1593 e tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’ un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le che
1594 o de Janeiro, au cours d’un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le chef n’est autre que le plant
1595 , au cours d’un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le chef n’est autre que le planteur de thé,
1596 hé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’ un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d
1597 ventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspe
1598 en, entre autres, un roman d’aventures, et même d’ une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à re
1599 Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une crise qui atteint à
1600 une crise qui n’est pas seulement économique, par une crise qui atteint à la fois leur attachement à la patrie et leur huma
1601 lonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voul
1602 pas voulu d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de tout
1603 erre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’ une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne ser
1604 ant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et qui s’expriment difficilement. Seul Pillau, le
1605 r drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’ une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois, un
1606 tragique. « Il découvrit, pour la première fois, une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, boule
1607 première fois, une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, souffrante, et pour
1608 t de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui obligeait l’Allemagne, après la guerre, à vivre
1609 igeait l’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état de guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un
1610 ncore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pauvre, abattu, désuni et impuissant… » Mais tandis que Bell, le
1611 Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond d’ une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision
1612 s du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’ une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée p
1613 u fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car, voyez-vous, Bell… rien ne rend aussi dur
1614 t aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui vivent dans l
1615 de une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la
1616 s qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’est l
1617 celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’est la seule vraie communauté qui
1618 la seule vraie communauté qui puisse exister pour un peuple ». ⁂ J’ai tenu à citer ces passages pour faire sentir à quelle
1619 es bien loin de la « propagande » nationaliste et des rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce p
1620 s’appeler « La condition humaine ». Et plusieurs des paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliqu
1621 de Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuell
1622 , de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impressionnante : partout où il se crée quelque chose
1623 e chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’ un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeurs
1624 l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeurs morales stables, de la fidélité. Les bla
1625 es blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeurs morales stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent teni
1626 es, de la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgré le
1627 ncs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgré les trahisons du sort. Mais l
1628 ue en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’ une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure
1629 lemand, comme on lirait dans la conscience même d’ un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle es
1630 Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’ une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange de
1631 teurs français en soient choqués — le sentiment d’ une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisémen
1632 e précisément ce titre, était loin d’évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici même, mon admirat
1633 ffirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’ une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel éloge
1634 nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres son
1635 de la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’être silencieux, des torture
1636 hysique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’être silencieux, des tortures dont les héros
1637 et une révolte plus émouvants d’être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire
1638 e plus authentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souff
1639 ns Destin allemand, un timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous
1640 oix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de
1641 ue, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de la réalité hu
1642 ncret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il es
1643 re jugement une rigueur qui se perdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule f
1644 rop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je ne sais quel sort
1645 frappant : Malraux, comme Edschmid, a voyagé dans des pays où il a pu voir les Européens mêlés à des révolutions indigènes,
1646 ns des pays où il a pu voir les Européens mêlés à des révolutions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré des conclusion
1647 utions indigènes, et comme Edschmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race blanche, qui forment l’arrière-p
1648 éologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros médite sur s
1649 entiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goût des situations extrêmes, où se dénude le fond secret d’un être, sa sauvag
1650 ituations extrêmes, où se dénude le fond secret d’ un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
1651 35)z Il vient de paraître au Mercure de France un volumineux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers
1652 eux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance
1653 s affirme qu’ils constituent le texte véritable d’ une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère
1654 le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’ une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu q
1655 exorbitante : je n’ai lu que de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel q
1656 uma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’ un choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la tota
1657 n vient de nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que c
1658 restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’adopta Nietzsche dan
1659 rdre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’
1660 autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées, purement traditionnelles, jamais sérieus
1661 leur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de li
1662 erai donc aux passages qui me paraissent prêter à un commentaire marginal, crayonné rapidement, à la volée, et sans autre
1663 à la volée, et sans autre ordre que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu
1664 ition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’ une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques”.
1665 ’est qu’une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques”. Un but final plane devant les regards de
1666 une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifiques”. Un but final plane devant les regards de l’homme.
1667 “nous atteindrons un jour des buts magnifiques”. Un but final plane devant les regards de l’homme. Le christianisme, qui
1668 n selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de
1669 édané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opérati
1670 st-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’est pa
1671  » du moindre d’entre nous. Nietzsche croit faire un reproche terrible au christianisme en le traitant d’agent « non histo
1672 vous y trouverez cette confession ahurissante : «  Un grand savant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi que nous avion
1673 ssante : « Un grand savant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi que nous avions derrière nous deux milliards d’années
1674 nt nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’espr
1675 ts. » Au salut par l’éternité, voici donc opposée une notion beaucoup plus scientifique et beaucoup plus conforme aux exige
1676 end. Et pourtant, je puis donner à cette sentence une adhésion assez méfiante. Il est trop clair qu’on peut inverser la max
1677 usse la véritable dentition. La foi est toujours une seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne fois aux « c
1678 spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’ un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement ?
1679 sion ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroy
1680 ue l’incroyant se juge chaque fois qu’il prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’il ressemble fort au croyant, — t
1681 t très excités. Les religions se consolident dans des périodes de grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se
1682 lle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’ une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise pl
1683 rise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise plus radicale et salutaire) c’est, par exemple, le culte
1684 le type même de la superstition née du cerveau d’ un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime l
1685 grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique d’ un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne sau
1686 occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a un
1687 zsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me lais
1688 stice, car il y a une manière « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours plus perpl
1689 compte qu’inquiet sur le mien. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’e
1690 « déclarer ses valeurs », sans jamais renvoyer à une autorité centrale qui donnerait la synthèse de ces contradictions. La
1691 le aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans une formule unique qui renvoie au fondement même du christianisme : l’opp
1692 s. » C’est pourquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiq
1693 la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contr
1694 aire le monde contemporain entièrement dominé par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas
1695 celle-là ! Le christianisme a promis le royaume des cieux à la pauvreté spirituelle. Mais le premier chrétien cultivé et
1696 reté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossiè
1697 ce même livre, quatre pages plus bas, j’en trouve un autre exemple : Nietzsche croit découvrir que la notion chrétienne du
1698 les criailleries de Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de commandement commanderont aussi
1699 che, certaines prennent un accent prophétique : «  Des hommes de commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyan
1700 s fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi, d’ un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous pa
1701 retrouvons-nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce régime s’est ét
1702 qu’il y a, à côté de la causalité absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable.
1703 à côté de la causalité absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable. Traduisons :
1704 que vous croyez qu’il y a, à côté de Dieu, encore un dieu : morale, devoir kantien, conscience, notion humaine de la justi
1705 st le « Dieu moral » qui empêche, en particulier, une certaine théologie libérale de reconnaître que le Dieu de la Bible —
1706 « Dieu moral » qui détourna plusieurs générations des églises où on le prêchait envers et contre tout « honneur de Dieu » ?
1707 sur la religion se terminent par cet aphorisme d’ une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67.
1708 sme d’une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 ans (Grasset). z.
1709 ze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’ un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
1710 opos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’y trouver si peu de substance théo
1711 igeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alleman
1712 itent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la c
1713 Luther, je crois que la phrase suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu
1714 e juste idée : « En somme, qu’est-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d
1715 marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il
1716 dit, il est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute
1717 e rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans
1718 r, jointes aux diverses calomnies recueillies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifl
1719 méconnaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’
1720 connaître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occi
1721 x : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’
1722 la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce qu
1723 première traduction française va paraître, après un peu plus de 400 ans : je le vois au centre du débat occidental par ex
1724 ffort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le g
1725 nifiée) n’est, en fait, que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende tou
1726 parent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue habit
1727 opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon
1728 ition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus
1729 fiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins
1730 traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent très
1731 outes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par n
1732 de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tou
1733 e sophismes. Non seulement tous les humanistes, —  des marxistes aux vieux libéraux, — y applaudissent ouvertement, mais enc
1734 que, de les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encore que Calvin et Luth
1735 ! — tous ceux qui tiennent la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduisent : « Paix sur la terre a
1736 les. Que trouveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque 
1737 pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et têt
1738 le d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisage h
1739 conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces qua
1740 e et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et c
1741 z rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’ un lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué p
1742 te maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bien
1743 nt, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas proprement lu
1744 de toute espèce de considération psychologique. ( Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop en
1745 nisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme en tant
1746 utonome, est simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les termes. C’est à Érasme en tant que théologien
1747 et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inév
1748 ir, pour qu’on puisse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tentera
1749 ai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisa
1750 nce moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’un tel d
1751 « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’ un tel dialogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’un homme qu
1752 ogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout inst
1753 nt. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n’avons aucune liberté, car
1754 ouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Ma
1755 rbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies règles du jeu ? Qui
1756 les du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore entre l
1757 i reconnues ; à m’affirmer dans mon autonomie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L.
1758 on autonomie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel po
1759 volte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit
1760 e suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la
1761 ns me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc c
1762 ent, n’existe plus pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’est pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-êtr
1763 river de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’
1764 core la transformer en une menace obscure. Il y a une double prédestination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être
1765 dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’ une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’i
1766 ire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule c
1767 te création, une invention totale et perpétuelle, une actualité permanente, la seule chose qui change quelque chose au déro
1768 temps, quand elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assu
1769 capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie
1770 ce scandale d’une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible é
1771 plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’ un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent
1772 on n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. «
1773 nellement, adresse à Dieu, au nom de sa promesse, une prière précise et instante, ne vit-il pas ce paradoxe et ce mystère :
1774 é — qui a tout prévu — peut aussi tout changer en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a déc
1775 t pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers temps et successions procè
1776 ur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’ une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est el
1777 us ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre pré
1778 e reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur des plus grossières ? … C. M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirm
1779 entiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’ une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette dé
1780 es, suffit à établir pour le chrétien la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’É
1781 , on peut soutenir que l’homme possède au moins «  un faible libre arbitre »71, dans les choses du salut. Mais que le Chris
1782 ait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologi
1783 comme le répète Luther —, ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se
1784 er —, ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais alors, on peut se demander si ceux qui
1785 au contraire, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son hu
1786 oir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du christianisme dans les temps modernes, Nietzsche, abou
1787 sme dans les temps modernes, Nietzsche, aboutit à un dilemme qui me paraît correspondre, terme à terme, à celui que Luther
1788 elque influence inconsciente, encore bien moins à une coïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’agit. Le
1789 il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est pro
1790 à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
1791 érence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vi
1792 d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vivante s’est incarnée : « Emmanuel ! » — D
1793 h : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Lut
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
1794 e mouvement œcuménique ne deviendra réel aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force
1795 tre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouven
1796 eille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’ une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêm
1797 mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’ un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles ex
1798 uffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain
1799 nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’ un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté préci
1800 rtain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’ une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mai
1801 an d’une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute gar
1802 Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Ma
1803 as un point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme beaucoup de documents qui prennent par
1804 e beaucoup de documents qui prennent par la suite une valeur historique, elles auront passé inaperçues en leur temps. Ce ma
1805 inaperçues en leur temps. Ce manque d’efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient sans doute du
1806 olitique, provient sans doute du fait qu’ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcément tr
1807 ent sans doute du fait qu’ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcément trop généraux. Ma
1808 e jusqu’ici a été d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une part, plus ou moins acce
1809 le et l’on a tenté de l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chrétienne et naturelle. Or le réformi
1810 éformisme moral n’a jamais pu influencer le cours des événements. L’histoire est faite d’initiatives, non de retouches, de
1811 e retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’ une initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risque autant et
1812 initiative aboutisse, il faut qu’elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée pa
1813 ut qu’elle représente un risque autant et plus qu’ une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse d
1814 qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui
1815 mes qui ont fait l’histoire sont ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plier les circonstances à
1816 t su plier les circonstances à leur dessein. Dans un certain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de
1817 ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connues ou suppos
1818 tion, la plus profonde, et non pas des données et des aspirations plus ou moins exactement connues ou supposées de leur épo
1819 e. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures désirables, mais au contraire sa position politiq
1820 u contraire sa position politique doit exprimer d’ une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire en
1821 , mais tout cela, avec confiance, mais aussi avec une inflexible conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter un
1822 uence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne », mais il s
1823 les articulations. Que l’on excuse le schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’un sommaire.
1824 schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’ un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’hi
1825 qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’ un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos
1826 ts permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les complexités infin
1827 ec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit politique et économique entre l’État t
1828 ers conflits ne sont en réalité que les aspects d’ une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux différ
1829 eule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun de ces termes oppos
1830 binaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne s
1831 n ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en fai
1832 l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit politique et économique, résultent prati
1833 ie. Du conflit idéologique et religieux résultent des mises au pas de plus en plus indiscrètes et des schismes multipliés.
1834 t des mises au pas de plus en plus indiscrètes et des schismes multipliés. Pour résoudre l’opposition unité-division, il se
1835 tion unité-division, il serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin des deux erreurs
1836 lution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitu
1837 titude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a ni « just
1838 suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’application est une politique du fé
1839 philosophie de la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écartons
1840 suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’ une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existantes
1841 d’une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’être
1842 e qui risquerait de n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous intéresse ici, c’est la doctrine c
1843 erselle, implicitée par le fait même qu’il existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lors que nous p
1844 énisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens en Christ, cette foi pouvant être connotée par le rejet de
1845 uvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’ une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car c’
1846 es ont voulu transformer la foi à l’Una Sancta en une assurance visible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doc
1847 c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’ une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion ré
1848 istoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisit à la di
1849 bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convient de laiss
1850 e l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité d
1851 le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversit
1852 re, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’u
1853 et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donn
1854 ou encore doctrine de la diversité des membres d’ un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun c
1855 Paul établit avec le plus de force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis
1856 la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’ une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent de
1857 e.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « S
1858 sédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’uni
1859 la parole « Soyez un comme le Père et moi sommes un  », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des pers
1860 lit le modèle même de l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs de l’Église. Mais vo
1861 ologie de l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie
1862 que la diversité des vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complém
1863 ce détour, précisément, qu’elle espère atteindre une communion d’esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’uni
1864 Toutefois, cette méthode n’est compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une ort
1865 que j’appellerai ouvertes. Elle ne peut embrasser une orthodoxie qui céderait consciemment à la tentation unitaire, c’est-à
1866 aines ont ajouté, et peu à peu substitué en fait, un principe d’unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’es
1867 C’est la formule même de la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absol
1868 it à l’orthodoxie protestante du xviiie siècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des
1869 de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à disposer humainement des Écritures.
1870 ures, par exemple, revient à disposer humainement des Écritures. Car aussitôt que le principe d’unité apparaît humainement
1871 , dès cette époque, dans les Églises calvinistes. Une Église qui prétend se suffire et posséder son principe d’unité, une É
1872 tend se suffire et posséder son principe d’unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer sa cohésio
1873 la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’ un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par l’
1874 les autres membres, assurée par l’appartenance à un même chef. Nous retrouverons plus loin, et à plusieurs reprises, ce t
1875 systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique.
1876 à base d’indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon
1877 dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer »
1878 armonie des membres n’est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit ê
1879 umon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un b
1880 dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spirit
1881 s Églises qui ne représentent pas spirituellement une fonction distincte, mais seulement la division ou la duplication acci
1882 ment la division ou la duplication accidentelle d’ un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt p
1883 uméniques que nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dan
1884 s d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’individu est une
1885 iques susceptibles de faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l’hel
1886 s privés, conscience de soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sacré collectif. Mais ce mouveme
1887 Il s’oriente vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naî
1888 moment se crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle
1889 une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des
1890 elle et plus solide, où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rassurent, et où l’État reprend sa puissance. C’es
1891 ussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’ une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la manièr
1892 ide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolutio
1893 tion, sa « mise au pas ». C’est avec la poussière des individus que l’État fait son ciment. Mais cet État centralisé, cette
1894 oute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’ une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et
1895 rice. L’homme n’est plus qu’une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite,
1896 ociété ? En ce point crucial de l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte présente entre démocratie
1897 que de l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce que l’Église primit
1898 rspective sociologique où nous nous plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée de communautés locales ou « cellules ».
1899 . Celles-ci ne se fondent pas sur le passé ou sur des origines communes : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fo
1900 plus n’est pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles constituent bel et bien les germes d’une s
1901 ndant, elles constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chefs l
1902 corpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la soli
1903 le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il a reçu la
1904 nc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’ un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme
1905 vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’ un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
1906 tat qu’était le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il fau
1907 de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre un mot déjà connu, mais auquel
1908 Il faut un mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre un mot déjà connu, mais auquel on donnera un sens nouveau. Pour désigner
1909 prendre un mot déjà connu, mais auquel on donnera un sens nouveau. Pour désigner les relations constituant la Trinité, les
1910 s chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à la fois autonome
1911 a réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de l’Église
1912 en des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se r
1913 . Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’autrui. En ret
1914 t et la liberté, les droits du tout et les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prévient d’une part
1915 e, insistons sur ce point : la personne n’est pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politique tro
1916 ’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équilibre poss
1917 s qu’intervient la transcendance, il y a mieux qu’ un équilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là
1918 anscendance, il y a mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais
1919 nne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’ une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un pou
1920 a devise paradoxale du fédéralisme helvétique : «  Un pour tous, tous pour un », est également valable sur ces trois plans.
1921 édéralisme helvétique : « Un pour tous, tous pour un  », est également valable sur ces trois plans. L’œcuménisme exclut l’o
1922 s que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’ un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De mêm
1923 un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’ un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il s
1924 d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être un
1925 il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part
1926 qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part des groupes locaux (région, commune, entreprises, etc.) et l’œcuménisme r
1927 pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande ville moderne ou dans un vaste État centralisé. D’autre part,
1928 rouve isolé dans une grande ville moderne ou dans un vaste État centralisé. D’autre part, on n’est pas non plus tyrannisé
1929 D’autre part, on n’est pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans une fédération l’on peut toujour
1930 nisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans une fédération l’on peut toujours adhérer à divers groupes, l’un religieu
1931 ane central qui lie toutes les régions, il ménage un recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il cherche la
1932 . Au lieu de pétrifier les frontières extérieures des groupes qui forment la fédération, il cherche à vivifier leurs foyers
1933 Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées, il substitue l’émulation vivante des valeurs o
1934 nces affrontées, il substitue l’émulation vivante des valeurs originales. Spinoza définit la paix comme « l’harmonie des âm
1935 nales. Spinoza définit la paix comme « l’harmonie des âmes fortes ». Nous pourrions pareillement définir l’œcuménisme et le
1936 isme implique dans l’ordre économique la vitalité des syndicats ouvriers et patronaux, et la substitution au régime capital
1937 te (centralisateur et individualiste à la fois) d’ un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui déb
1938 gime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était
1939 lisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’ une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre et
1940 nommait chez eux la « démocratie ». Ils attendent un régime qui puisse allier la liberté à la communauté. Dans le fédérali
1941 plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement des démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’une économie, sans do
1942 définitivement des démocraties, ce sera la mort d’ une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppre
1943 s démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’ une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute po
1944 on de toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles créées par l’évangélisation de la conscience occ
1945 le de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de
1946 ’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’ une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car
1947 je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’ une révolution se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tact
1948 Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ?
1949 ’une révolution se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prép
1950 se déclenche, il faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-elles ? Qui les prépare ? Le capital
1951 apitalisme et l’individualisme ont reçu en Europe des coups mortels, dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de g
1952 ortels, dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à
1953 sister normalement. Il ne reste donc à prévoir qu’ un vide économique, idéologique et social sans précédent dans notre hist
1954 e seule répond à la fois aux aspirations confuses des peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à
1955 ire. Il détruit les contradictions intolérables d’ une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant cap
1956 victoire même l’épuiserait. Il n’y aurait plus qu’ une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est d
1957 Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence générale des c
1958 nsolider l’autarcie russe… Cette carence générale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvel
1959 autarcie russe… Cette carence générale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les
1960 ette carence générale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répon
1961 nérale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, pers
1962 chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, personne d’autre
1963 énumérer, sont-elles moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’
1964 s destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du monde christia
1965 doutes qu’à fortifier des espérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du monde christianisé nous montre que les str
1966 écédé et prédéterminé les structures politiques d’ une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence des
1967 erai trois groupes d’exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’il existe un
1968 x. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une secon
1969 otalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, correspondant à l’Allemagne en majorité luthérienne, et une
1970 en pays calvinistes, ou seulement influencés par des éléments calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas de la France
1971 publique ? Comment expliquer ce fait ? À défaut d’ une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dirai c
1972 e l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentiment
1973 le, le sentiment que l’Église et l’État formaient un tout, et constituaient à eux deux le Pouvoir. Renverser l’un, c’était
1974 it donc fatalement s’attaquer à l’autre. Et comme une révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’elle renverse, u
1975 oujours la structure du pouvoir qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se vire
1976 tructure du pouvoir qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraint
1977 qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraints par le sentiment g
1978 n Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Mussolini, se virent contraints par le sentiment général de reprendre
1979 cation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’est affai
1980 carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’ une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de dispers
1981 closion d’une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de dispersion individualiste. Autre exemple : l’A
1982 nnelle, sans rupture violente (surtout en Suède). Un contenu nouveau, calviniste ou luthérien, s’est introduit dans les ca
1983 uté, hiérarchies sociales — mais il s’y introduit un contenu socialiste. (Là encore avec moins de secousses en Scandinavie
1984 exemple : Calvin s’est toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaie
1985 as, selon ses propres termes, dans la diversité «  des Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser
1986 ropres termes, dans la diversité « des Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédération d
1987 iques devait trouver sa traduction politique dans un fédéralisme plus ou moins accentué selon les nations : Confédération
1988 tions : Confédération helvétique, Provinces-Unies des Pays-Bas, Commonwealth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme
1989 it — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle,
1990 éformés de France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du royaume, cependant que Sully, leur chef, c
1991 « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan d’ une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de mu
1992 que pour montrer : 1° que la connaissance intime des processus religieux dans un pays donné fournit une clé des processus
1993 connaissance intime des processus religieux dans un pays donné fournit une clé des processus politiques qui s’y manifeste
1994 es processus religieux dans un pays donné fournit une clé des processus politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° q
1995 ssus religieux dans un pays donné fournit une clé des processus politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ; 2° que l’act
1996 es processus religieux, préparera le terrain pour une action politique réaliste, c’est-à-dire tenant compte des données emp
1997 on politique réaliste, c’est-à-dire tenant compte des données empiriques et des diversités spirituelles sur la connaissance
1998 st-à-dire tenant compte des données empiriques et des diversités spirituelles sur la connaissance desquelles se fonde néces
1999 nt les seules bases actuellement concevables pour un ordre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous
2000 gion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de
2001 aix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable dynamisme révolutionnaire. 3. L’organisation du Conseil
2002 iques et politiques se sont désintégrées au cours des deux dernières décades. (Les partis socialistes subsistant dans les p
2003 tes russes, ni même américains, pour ne donner qu’ un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est strictement limité
2004 l’œcuménisme, qui permette de mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simple institue pour le mouv
2005 fait simple institue pour le mouvement œcuménique une possibilité historique sans précédent, une lourde responsabilité huma
2006 énique une possibilité historique sans précédent, une lourde responsabilité humaine, et, n’hésitons pas à le dire, une voca
2007 onsabilité humaine, et, n’hésitons pas à le dire, une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va de pair, dans toutes le
2008 avec l’effort œcuménique, est en train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesures spirituelles. Ce lang
2009 nique, est en train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des l
2010 mmunes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répond exactement aux besoins les plus légitimes de notre te
2011 mble les personnes, et non pas celle qui fond, en une masse informe et grossièrement encadrée, les individus privés de leur
2012 par le mouvement œcuménique, marque l’avènement d’ une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-masse m
2013 donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des er
2014 n des adversaires actuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur une attitude centrale
2015 ctuels. Il ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur une attitude centrale qui dépasse ces erre
2016 un compromis entre des erreurs opposées, mais sur une attitude centrale qui dépasse ces erreurs en même temps qu’elle ré-ax
2017 , de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser est a
2018 n’est jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait
2019 de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’une réponse. Une fois part
2020 rs une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’ une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais faible
2021 rte les forces dont je manquais. De toutes parts, un appel est ressenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des aut
2022 ssenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes d’intellectuels ont t
2023 éraliste. Des auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses part
2024 ertaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peuples n’attend que des réponses plus claires et convaincantes pour
2025 les. Le sentiment obscur des peuples n’attend que des réponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté. Ce q
2026 ponses plus claires et convaincantes pour devenir une volonté. Ce qui manque à ces tentatives dispersées, c’est un arrière-
2027 Ce qui manque à ces tentatives dispersées, c’est un arrière-plan spirituel commun (œcuménisme), et une vision précise des
2028 un arrière-plan spirituel commun (œcuménisme), et une vision précise des liens nécessaires unissant cet arrière-plan aux ré
2029 rituel commun (œcuménisme), et une vision précise des liens nécessaires unissant cet arrière-plan aux réalités morales et p
2030 Et point de théologie efficace sans le soutien d’ une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la communion
2031 icace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’ une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette communa
2032 d’une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette communauté ne se révélera pas dans des congrès, mais se
2033 saints. Cette communauté ne se révélera pas dans des congrès, mais se manifestera dans une action risquée. De même que nou
2034 ra pas dans des congrès, mais se manifestera dans une action risquée. De même que nous avons vu les Églises nées des missio
2035 squée. De même que nous avons vu les Églises nées des missions en terre païenne se placer à l’avant-garde du mouvement vers
2036 ter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis de, « Féd
2037 tembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’ une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christendom
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
2038 Pédagogie des catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre f
2039 e de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger tr
2040 imposé aux élites occidentalisées du tiers-monde un modèle totalement étranger à toutes leurs traditions, le modèle de l’
2041 celle qui les a perdus ! Je leur propose l’Europe des régions, comme offrant la formule la moins incompatible avec leurs di
2042 les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’ un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continentale
2043 -nationalismes par la fédération continentale ; d’ un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre hum
2044 e ; d’un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou sim
2045 e pour sa fédération, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l
2046 ai que l’Europe seule peut produire les anticorps des toxines qu’elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui
2047 des toxines qu’elle a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentant pour le tiers-monde. Quant à savoi
2048 Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’ un Occident dominateur et sans scrupules, non pas perdant et devenu sage
2049 é pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me paraît lisiblement inscrite dans la probl
2050 enés aux mêmes conclusions et le confessent… dans une conversation ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visi
2051 usions et le confessent… dans une conversation ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, t
2052 , et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien
2053 r de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’elle n’eût p
2054 ’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser m
2055 ersonne ne s’en charge en tant que représentant d’ une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeune
2056 n charge en tant que représentant d’une nation, d’ un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les homm
2057 e le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauche, selon
2058 ère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectateurs, on n’y voit pas mieux les régions qu’on n’y a su voi
2059 ais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité entre deux
2060 udes : — opportunisme à très court terme (trouver un job) et souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite e
2061 e de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’ un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution », n
2062 élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’ un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout es
2063 ens d’un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le refus de cro
2064 mpossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le caractériser très justem
2065 , ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’ un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce qu
2066 s semble aujourd’hui définitivement installé dans une évidence granitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut
2067 parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civilisation quelconque ne se trouve rempl
2068 ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’ une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le con
2069 se trouve remplie par la nôtre : ni le consensus des meilleurs, ni celui du grand nombre ; ni l’amour pieux ou gouailleur
2070 u gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel d’ une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette ci
2071 ait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout d’ un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes d
2072 ttant contre la pollution sous toutes ses formes, des emballages plastiques aux déchets plutoniens. À partir de là, tout s’
2073 niens. À partir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà d
2074 tion et du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade lente et sûre des innovations atte
2075 déductions critiques, à l’escalade lente et sûre des innovations attendues et des rénovations sociales et politiques propo
2076 calade lente et sûre des innovations attendues et des rénovations sociales et politiques proposées au long de ces pages, et
2077 iques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du continent, première base d’un
2078 tés à la fédération du continent, première base d’ un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les cand
2079 nationales, les candidats bénéficiant de l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retour des partis
2080 s « écologiques » ont battu les chevaux de retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute la différe
2081 aines de voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient de se voir renversé après trente ans de pouvo
2082 progrès social et centrales nucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ils sont au service des marchands d’armes, n’es
2083 rtu des gouvernements, même s’ils sont au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résult
2084 t pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, d
2085 ne tirent de pareils résultats des conclusions d’ un sain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, des signes favorab
2086 nclusions d’un sain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont
2087 ain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au p
2088 a donc des mouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écol
2089 mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On leur dispute ce nom, ils assurent la fonction. Et bie
2090 i avait fait défaut aux mouvements personnalistes des années 1930, puis aux fédéralistes européens ou mondialistes de l’apr
2091 opéens ou mondialistes de l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le phénomène dialectique des r
2092 ution de la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’opposant aux États-nations par l’intérieur et par
2093 ns par l’intérieur et par l’extérieur. La formule des circuits fermés favorise les communautés locales, tandis que les rela
2094 , tandis que les relais par satellites permettent une communication mondiale : dans les deux cas on échappe aux contrôles d
2095 (quartiers) que par en haut (continents). Je vois des sociologues et des économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’ave
2096 en haut (continents). Je vois des sociologues et des économistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir est aux « petit
2097 avenir est aux « petites unités intelligibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson (de la loi du même nom), pour qui
2098 gions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des architectes comme Doxiadis, qui écrit : « L’expérience nous apprend q
2099 ui écrit : « L’expérience nous apprend que seules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs
2100 e appréhendées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cel
2101 », d’ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme Hermann Kahn, qui voit nos États-nations, ayant pe
2102 perdu leurs raisons d’être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europe des régions.   — L’avenir ser
2103 s par une « communauté plus effective », l’Europe des régions.   — L’avenir serait donc à l’Europe des régions ? — Sans auc
2104 des régions.   — L’avenir serait donc à l’Europe des régions ? — Sans aucun doute, si les vues justes nous conduisaient. M
2105 conduisaient. Mais depuis dix-mille ans qu’il y a des hommes à Histoire, et qui n’ont pas trouvé mieux que la guerre pour r
2106 réalité elle-même qui va recourir à la pédagogie des catastrophes. Je ne vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d
2107 rédirai rien d’autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inco
2108 urmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation
2109 de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’ un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais ce
2110 et monétaire où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autr
2111 cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autre, si cela leur
2112 madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’ un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Que
2113 aines plus tard, la guerre du Kippour fournissait un prétexte à la « crise du pétrole », m’obligeant à jeter au panier, po
2114 au panier, pour cause de confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eû
2115 correspondantes, pétroliers éventrés, extinction des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrur
2116 es, pétroliers éventrés, extinction des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à
2117 éventrés, extinction des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe brico
2118 lée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’ un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans l’
2119 ust, au cœur de la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que l’opinion générale éprouve le besoin
2120 (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins d’ un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans pour
2121 rs le pire. D’où non seulement l’urgence accrue d’ un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qu
2122 ent l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut faciliter ce changeme
2123 is pour celui qui sait, tout est possible tant qu’ un vent souffle, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’His
2124 le tant qu’un vent souffle, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos e
2125 e qui ne prévoit ni A ni B, mais incite à trouver des chemins vers V, je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or
2126 d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni prédire ni cacher,
2127 r excellence allait consister désormais à prendre des mesures conservatoires de l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi
2128 omme dure à cause de l’espérance. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure, serait au moin
2129 enus incapables même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meill
2130 s de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre
2131 et le prévoir par les yeux de la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas ». Mais
2132 eils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice e
2133 st du « wishful thinking », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalités et leur donne
2134 avenir, mieux : c’est le faire.   La décadence d’ une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver ? »
2135 À ces deux questions, curieusement, il n’est qu’ une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que
2136 précisément calculé, et d’abord celui d’être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire votre révolut
2137 mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vais pas vous dire :
2138 système qui multiplie les occasions de haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce changement n’a
2139 . Or ce changement n’adviendra pas dans le réseau des relations humaines, dans la cité, s’il ne s’est opéré d’abord en vous
2140 e l’on peut partager telles idées sur les méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régi
2141 ucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse que suggère malgré tout l
2142 qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décisions métaphysiques et religieuses quant au rôle de l’homme sur l
2143 tions de base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personn
2144 ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et
2145 tique) ce n’est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur a
2146 té de puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les évangiles, la puissance est la plus grande des t
2147 ur les évangiles, la puissance est la plus grande des tentations que le diable dresse au désert devant Jésus. Toute la Bibl
2148 s. Toute la Bible exalte en revanche « la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le dr
2149 moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’ une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que cho
2150 mes : que choisissons-nous réellement ? Au niveau des États-nations tout est joué, tout est perdu. On le sait dans les haut
2151 n, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grande et très profonde stupidité, qui amène des éthologistes à
2152 très grande et très profonde stupidité, qui amène des éthologistes à penser que se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui
2153 que se manifeste, dans l’humanité d’aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — c
2154 unauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. Mais quelque c
2155 r et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’ une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, s
2156 st pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’ une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans n
2157   Écoutons maintenant le cri sublime.   De Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentine
2158 aris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une n
2159 , Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces quelques pages forment la conclusion du livre à