1
qu’en telle matière, tout jugement massif manque
de
sérieux, et traduit quelque étourderie. 1. Des hommes aussi divers et
2
tres encore, nous affirment que l’hitlérisme sort
de
Luther. Certains d’entre eux nuancent leur jugement. Le cliché reste.
3
tiques l’on peut reprocher à Luther, avec 400 ans
de
recul. Je vois bien que, sur le papier l’on peut déduire de ces erreu
4
Je vois bien que, sur le papier l’on peut déduire
de
ces erreurs que Luther conduit à Hitler : il suffit, pour y arriver,
5
her conduit à Hitler : il suffit, pour y arriver,
d’
oublier quelques faits importants. Il suffit d’oublier, par exemple, q
6
r, d’oublier quelques faits importants. Il suffit
d’
oublier, par exemple, que le Führer autrichien n’est pas né luthérien
7
ord en Bavière, pays catholique ; que la doctrine
de
Luther, là où elle a triomphé sans résistance notable, c’est-à-dire e
8
e ; qu’enfin le totalitarisme n’est pas l’apanage
de
la seule Allemagne, à demi luthérienne seulement, mais qu’il a triomp
9
n songe que le pasteur Niemöller, vrai descendant
de
Luther, est en prison. 2. Les socialistes et beaucoup de démocrates a
10
: la masse a été trompée par ses chefs. Un séjour
d’
une année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à des conclusions
11
ar ses chefs. Un séjour d’une année en Allemagne,
de
1935 à 1936, m’a conduit à des conclusions fort différentes. J’ai pu
12
idéraient le nouveau régime comme étant le régime
de
la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient fort bien ; e
13
toléraient fort bien ; et qu’un très grand nombre
d’
anciens chefs communistes avaient revêtu quelque grade dans le parti h
14
ar l’ambition réelle du Führer, croyait-il, était
d’
appliquer le programme communiste. (Je donne cette opinion pour ce qu’
15
ait signé par Émile Vandervelde, ancien président
de
la IIe Internationale. Le second article, paru dans une feuille commu
16
econd article, paru dans une feuille communisante
de
Bruxelles, m’accusait froidement d’être vendu au régime hitlérien, po
17
communisante de Bruxelles, m’accusait froidement
d’
être vendu au régime hitlérien, pour avoir soutenu que des communistes
18
que des communistes approuvaient Hitler. L’auteur
de
cette diatribe était Mme Jeanne Vandervelde, femme du précédent. Son
19
ndervelde, femme du précédent. Son journal refusa
d’
insérer ma réplique. Six mois plus tard, le pacte hitléro-stalinien la
20
consiste à voir dans l’hitlérisme une tyrannie «
de
droite », détestée par les masses. « Le totalitarisme, écrit M. Muret
21
s’y sont pas trompés. » Sur quoi l’auteur accuse
d’
aveuglement les socialistes français qui, eux, s’y trompent encore. Ma
22
, eux, s’y trompent encore. Mais que penser alors
de
l’aveuglement des bourgeois qui s’obstinèrent jusqu’en septembre 1939
23
ritique justement M. Muret, ne sont coupables que
d’
avoir partagé l’erreur fatale et prolongée des bourgeois de divers pay
24
artagé l’erreur fatale et prolongée des bourgeois
de
divers pays. Si nous prétendons défendre le christianisme, agissons d
25
tiens, et commençons par dénoncer non les erreurs
d’
autrui, mais bien les nôtres. Surtout s’il se trouve qu’en fait, ce so
26
fait, ce sont exactement les mêmes erreurs. 4. Si
d’
aucuns remontent à Luther, d’autres s’en vont chercher encore plus loi
27
s s’en vont chercher encore plus loin les racines
de
l’hitlérisme. M. Edmond Jaloux les trouve, pour sa part (voir la Gaz
28
zette du 24 avril), dans le romantisme et le goût
de
la mort qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À quoi s’oppo
29
s, pour autant qu’ils ne sont pas les traductions
de
chants islandais ou scandinaves, sont des imitations de légendes lang
30
nts islandais ou scandinaves, sont des imitations
de
légendes languedociennes et bretonnes, donc celtiques. Hubert, le mei
31
l pas que dans la mythologie des Celtes, « l’idée
de
la mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger d’aller
32
ne tout, et tout la découvre »? On voit le danger
d’
aller chercher dans un passé que l’on connaît mal les causes d’une rév
33
her dans un passé que l’on connaît mal les causes
d’
une révolution dont les effets ne sont que trop connus. Le seul avanta
34
effets ne sont que trop connus. Le seul avantage
de
ce procédé historique et littéraire, c’est qu’il dispense de mentionn
35
dé historique et littéraire, c’est qu’il dispense
de
mentionner des causes prochaines, beaucoup plus claires, solides et c
36
aires, solides et convaincantes. Ces causes sont,
de
toute évidence : la guerre, le traité de Versailles, la grande misère
37
es sont, de toute évidence : la guerre, le traité
de
Versailles, la grande misère de l’inflation et du chômage, l’échec de
38
guerre, le traité de Versailles, la grande misère
de
l’inflation et du chômage, l’échec de la conférence du désarmement, e
39
ande misère de l’inflation et du chômage, l’échec
de
la conférence du désarmement, enfin et surtout les exemples du commun
40
du fascisme italien. Peut-être aussi la mollesse
de
la politique franco-anglaise jusqu’à Munich, qui ménageait Hitler à t
41
trouvent impliquées des nations que l’on aime et
de
chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous rappelle au séri
42
, qui n’est pourtant pas luthérienne. Je m’excuse
de
tant d’évidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits s
43
est pourtant pas luthérienne. Je m’excuse de tant
d’
évidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distin
44
luthérienne. Je m’excuse de tant d’évidences, et
d’
avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distingués. a. Roug
45
vidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention
d’
esprits si distingués. a. Rougemont Denis de, « Erreurs sur l’Allem
46
on d’esprits si distingués. a. Rougemont Denis
de
, « Erreurs sur l’Allemagne », Gazette de Lausanne, Lausanne, 1 mai 19
47
nt Denis de, « Erreurs sur l’Allemagne », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 1 mai 1940, p. 1.
48
À cette heure où Paris exsangue voile sa face
d’
un nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sent
49
sait : si Paris est détruit, j’en perdrai le goût
d’
être un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éte
50
e n’est pas détruite : elle s’est éteinte. Désert
de
hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur avait prophétisé :
51
devant le sentiment, devant ce qui fait la valeur
de
la vie. Je songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues
52
ce qui fait la valeur de la vie. Je songe au chef
de
guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les plus émouvantes du monde
53
nde : Il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que
d’
aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose d’irre
54
d’aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais
de
quelque chose d’irremplaçable, de quelque chose qu’on peut tuer, mais
55
es. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose
d’
irremplaçable, de quelque chose qu’on peut tuer, mais qu’on ne peut co
56
é à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable,
de
quelque chose qu’on peut tuer, mais qu’on ne peut conquérir par la fo
57
les servants des Panzerdivisionen. Quelque chose
d’
indéfinissable et que nous appelions Paris. C’est ici l’impuissance tr
58
appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique
de
ce conquérant victorieux : Tout ce qu’il veut saisir se change à son
59
u’il veut saisir se change à son approche — Midas
de
l’ère prolétarienne — en fer tordu, en pierraille lépreuse. N’importe
60
du, en pierraille lépreuse. N’importe quel badaud
d’
un soir de juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un coucha
61
rraille lépreuse. N’importe quel badaud d’un soir
de
juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un couchant sur Sai
62
e juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur
d’
un couchant sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement de la fo
63
sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement
de
la foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de m
64
rmain-des-Prés, le grisant glissement de la foule
de
l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sa
65
isant glissement de la foule de l’Arc aux Chevaux
de
Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage
66
foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles
de
grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage de cette capitale plu
67
rc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur,
de
misère, de sagesse, dont le visage de cette capitale plus douce et pl
68
aux de Marly, les siècles de grandeur, de misère,
de
sagesse, dont le visage de cette capitale plus douce et plus fière qu
69
e grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage
de
cette capitale plus douce et plus fière qu’aucune autre portait les t
70
s pas un conquérant. La confrontation stupéfiante
de
cet homme et de cette Ville était peut-être nécessaire pour faire com
71
ant. La confrontation stupéfiante de cet homme et
de
cette Ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde
72
bles. On ne conquiert pas avec des chars les dons
de
l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois
73
s avec des chars les dons de l’âme et les raisons
de
vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour du monde ! Ils
74
e. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le jour
de
la pire vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’aucun tri
75
ls font. » Le 15 juin 1940. b. Rougemont Denis
de
, « À cette heure où Paris… », Gazette de Lausanne, Lausanne, 17 juin
76
nt Denis de, « À cette heure où Paris… », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 17 juin 1940, p. 1.
77
ne m’avait dit que New York est une île en forme
d’
un gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze a
78
du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
de
la longueur, qui est d’une vingtaine de kilomètres, et deux-cent-cinq
79
parallèles, dans le sens de la longueur, qui est
d’
une vingtaine de kilomètres, et deux-cent-cinquante rues de quatre kil
80
s le sens de la longueur, qui est d’une vingtaine
de
kilomètres, et deux-cent-cinquante rues de quatre kilomètres coupant
81
gtaine de kilomètres, et deux-cent-cinquante rues
de
quatre kilomètres coupant les avenues à angle droit. Au milieu, un pa
82
ant les avenues à angle droit. Au milieu, un parc
de
dix kilomètres carrés. C’est tout, c’est la cité de Manhattan… Mais l
83
dix kilomètres carrés. C’est tout, c’est la cité
de
Manhattan… Mais les faubourgs, au-delà du fleuve et du bras de mer qu
84
Mais les faubourgs, au-delà du fleuve et du bras
de
mer qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plus vastes,
85
es, îles et plaines reliées par un immense réseau
de
ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait di
86
t plaines reliées par un immense réseau de ponts,
de
tunnels et d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plu
87
ées par un immense réseau de ponts, de tunnels et
d’
autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
88
l couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel,
de
cette couleur orangée aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roche
89
des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit
d’
une ombre froide, et j’étais si bien au fond d’une gorge, dans cette r
90
it d’une ombre froide, et j’étais si bien au fond
d’
une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
91
étais si bien au fond d’une gorge, dans cette rue
de
briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
92
e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés
de
sel et d’aventure, viennent frapper les verticalités granitiques et a
93
Les grands souffles océaniques, chargés de sel et
d’
aventure, viennent frapper les verticalités granitiques et argentées d
94
frapper les verticalités granitiques et argentées
de
l’Empire State, du Centre Rockefeller, du Chrysler, de cent autres de
95
Empire State, du Centre Rockefeller, du Chrysler,
de
cent autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais ne se lassen
96
u Centre Rockefeller, du Chrysler, de cent autres
de
ces sommités célèbres que les New-Yorkais ne se lassent pas de désign
97
és célèbres que les New-Yorkais ne se lassent pas
de
désigner, comme nous énumérons nos Alpes quand nous en contemplons la
98
ous en contemplons la chaîne, et qui leur servent
de
repères pour se diriger dans la ville. Le vent fou, l’air ozone, et l
99
ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer
de
larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici
100
s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles
de
granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
101
s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié
de
l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
102
’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
de
la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capab
103
plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure
de
Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporte
104
de la démesure de Manhattan : seules ces assises
de
granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
105
n : seules ces assises de granit étaient capables
de
supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
106
étaient capables de supporter le formidable poids
d’
un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
107
de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel
de
cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
108
ules des plus riches buildings, reliques scellées
d’
une antiquité souterraine. Bien des aspects physiques et moraux de la
109
souterraine. Bien des aspects physiques et moraux
de
la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
110
. Bien des aspects physiques et moraux de la cité
de
Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
111
imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu
d’
extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
112
sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu
d’
extrême densité humaine demeure baigné d’une atmosphère irrévocablemen
113
ce lieu d’extrême densité humaine demeure baigné
d’
une atmosphère irrévocablement désertique. Les Américains des plaines
114
ocablement désertique. Les Américains des plaines
de
l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
115
laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume
de
se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici le climat et les rapport
116
st, venant à New York, ont coutume de se plaindre
de
l’inhumanité que revêtent ici le climat et les rapports humains. Ils
117
européenne »… Mais moi, je m’y sens contemporain
de
la préhistoire de quelque avenir démesuré. New York, janvier 1941.
118
s moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire
de
quelque avenir démesuré. New York, janvier 1941. c. Rougemont Deni
119
ré. New York, janvier 1941. c. Rougemont Denis
de
, « New York alpestre », Gazette de Lausanne, Lausanne, 14 février 194
120
ougemont Denis de, « New York alpestre », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 14 février 1941, p. 1.
121
ne (18 février 1941)d L’Européen parle parfois
de
sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l
122
41)d L’Européen parle parfois de sa conception
de
la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of
123
e la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours
de
l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la
124
jours de l’american way of life, littéralement :
de
la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme ar
125
y of life, littéralement : de la route américaine
de
la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux
126
t indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes
d’
Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. O
127
les routes d’Amérique comme un symbole du rêve et
de
la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’
128
close l’ère des pionniers, l’ère des défricheurs
de
savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à traver
129
cheurs de savanes qui firent reculer la frontière
de
décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent re
130
vait plus rien ajouter aux plus hauts gratte-ciel
de
New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les af
131
te-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins
de
la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident
132
ew York, à ces grandiloquents témoins de la crise
de
1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du
133
grand malaise étreignait l’âme américaine, prise
de
nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une limite infranchissable. O
134
e, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche
d’
une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de ce
135
anchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir
de
cet embouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire
136
ncer encore ? Comment sortir de cet embouteillage
de
richesses matérielles ? Il restait à construire des routes. Depuis di
137
rades américaines allongent sans répit leur ruban
de
béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des
138
répit leur ruban de béton, semblables à la trace
d’
un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures et des te
139
tinent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin
de
changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne so
140
sonne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer
de
régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une
141
ntre le chômage. Elles sont le produit du rêve et
de
la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se
142
le produit du rêve et de la vitalité inépuisable
d’
un peuple libre, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un spec
143
onserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin
de
la Prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et
144
noires, entre lesquelles se déplacent lentement,
de
droite à gauche, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure, des
145
elles se déplacent lentement, de droite à gauche,
de
gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure, des millions de larges v
146
droite, entre 100 et 130 à l’heure, des millions
de
larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de seco
147
res. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence
de
secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferlement génér
148
isance dans la vitesse, l’absence de secousses et
d’
obstacles, l’enivrante continuité du déferlement général, tout cela vo
149
cela vous donne après quelques minutes l’illusion
d’
une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attira
150
le charme, attirant les villes à soi et déplaçant
de
vastes paysages au gré d’une curiosité rêveuse. Mais soudain le regar
151
lles à soi et déplaçant de vastes paysages au gré
d’
une curiosité rêveuse. Mais soudain le regard est pris par un panneau
152
aillé à bout portant par cent, par mille panneaux
de
toutes formes et couleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan e
153
il s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce
de
manuel de conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le t
154
e et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel
de
conduite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont
155
déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et
de
morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fr
156
passez à gauche… Avez-vous pensé à l’anniversaire
de
votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bonbons Johnson… I
157
Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines
de
touristes à 100 yards… Ferry-boat du Delaware en grève… Faites un dét
158
êtez-vous à l’Hôtel Franklin… Ralentissez, légion
de
daims… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de Champagne Ren
159
gion de daims… Les partis se réconcilient… autour
d’
un verre de Champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huil
160
ms… Les partis se réconcilient… autour d’un verre
de
Champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?… L’État
161
ampagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau
d’
huile ?… L’État de Pennsylvanie vous souhaite la bienvenue… Et limite
162
mite votre vitesse à cinquante miles… 500 dollars
d’
amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amériq
163
à cinquante miles… 500 dollars d’amende ou un an
de
prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les
164
couvert les 400 kilomètres qui séparent le centre
de
New York de Washington, en traversant deux villes énormes : Philadelp
165
vitesse rétrécit l’espace américain ; les routes
de
la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand cette surface sera suff
166
ganisée, vers quoi se tournera l’effort collectif
de
ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces p
167
véritable : celui que chacun porte en soi, celui
de
l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin
168
aboutiront enfin à l’Homme. d. Rougemont Denis
de
, « La route américaine », Gazette de Lausanne, Lausanne, 18 février 1
169
gemont Denis de, « La route américaine », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 18 février 1941, p. 1.
170
Souvenir
de
la paix française (15 mars 1941)e Périgny… C’était bien ce nom-là
171
était bien ce nom-là ? Un long village en bordure
de
la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre el
172
nom-là ? Un long village en bordure de la route.
D’
un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaie
173
te. D’un côté, les maisons dominaient une vallée,
de
l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs de
174
une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine
d’
un étage au-dessus des champs de roses et des blés aux bords du platea
175
élevaient à peine d’un étage au-dessus des champs
de
roses et des blés aux bords du plateau de la Brie. Je montais vers Pé
176
champs de roses et des blés aux bords du plateau
de
la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les
177
entier fort raide entre les ronces, aboutissant à
de
vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on par
178
boutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée
de
maisons à traverser, et l’on parvient dans la grand-rue : comme elle
179
ns la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits
d’
ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, palmées
180
même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une
de
ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les ro
181
nt ne pouvoir rouler que sur les routes écartées,
d’
une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’appar
182
tin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant
d’
y vivre un jour, dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au
183
s routes prend à droite, vers la plaine, escortée
de
quelques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans l
184
blés. J’étais là fasciné comme par la découverte
d’
un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets
185
is là fasciné comme par la découverte d’un secret
de
pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets clos. Imagi
186
e d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret
de
ce village aux volets clos. Imaginant une idylle muette. Celui qui re
187
tils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin
de
son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : Peut-être est-elle
188
: Peut-être est-elle à Mandres ; c’est donc jour
de
marché. Il a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du
189
a rejoint l’usage du pays, l’intimité des choses
de
toujours. Et le moindre signe suffit. Je suis redescendu vers la vall
190
e signe suffit. Je suis redescendu vers la vallée
de
l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisa
191
iers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron
de
la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noi
192
dron de la route sentait plus fort que les champs
de
roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus
193
ait mes adieux à la France. e. Rougemont Denis
de
, « Souvenir de la paix française », Gazette de Lausanne, Lausanne, 15
194
à la France. e. Rougemont Denis de, « Souvenir
de
la paix française », Gazette de Lausanne, Lausanne, 15 mars 1941, p.
195
is de, « Souvenir de la paix française », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 15 mars 1941, p. 1.
196
Monsieur Denis de Rougemont,
de
passage en Europe, nous dit… [Entretien] (4 mai 1946)f g Monsieur,
197
nsieur, quel bon vent vous amène ? J’avais besoin
de
me retrouver dans une atmosphère française ; la production littéraire
198
venu en Suisse directement ? Oui, à part un arrêt
de
quelques jours à Paris. Votre impression de la capitale française ? J
199
arrêt de quelques jours à Paris. Votre impression
de
la capitale française ? J’ai été frappé par son extraordinaire beauté
200
était-ce pas le contraste avec ces grands diables
d’
Américains ? Non, car en Suisse je n’ai rien éprouvé de semblable. À P
201
ricains ? Non, car en Suisse je n’ai rien éprouvé
de
semblable. À Paris c’était véritablement oppressant… Remontons le cou
202
tait véritablement oppressant… Remontons le cours
de
votre voyage. Puis-je vous demander où vous aviez vos assises en Amér
203
ps où la Suisse vous avait en quelque sorte perdu
de
vue ? J’ai surtout habité New York, à part les quatre mois que j’ai p
204
e les conférences n’étaient pas un très bon moyen
de
propagande. Les Américains en écoutent énormément, et les oublient le
205
n avec Mme Maurice Muret, qui s’intitule Le Cœur
de
l’Europe et qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les A
206
effet. Qu’y enseigniez-vous ? J’avais une chaire
de
philosophie-sociologie. Mes collègues, de Strasbourg, Rouen, la Sorbo
207
chaire de philosophie-sociologie. Mes collègues,
de
Strasbourg, Rouen, la Sorbonne, etc. étaient charmants. La vie intell
208
New York ? Au point que trois maisons françaises
d’
édition s’y sont fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’École des h
209
des hautes études a lancé une revue, Renaissance.
De
là, j’ai passé au ministère américain de l’information de guerre, où
210
issance. De là, j’ai passé au ministère américain
de
l’information de guerre, où j’étais chargé de l’émission « La voix de
211
’ai passé au ministère américain de l’information
de
guerre, où j’étais chargé de l’émission « La voix de l’Amérique parle
212
ain de l’information de guerre, où j’étais chargé
de
l’émission « La voix de l’Amérique parle aux Français », retransmise
213
guerre, où j’étais chargé de l’émission « La voix
de
l’Amérique parle aux Français », retransmise par Londres. Il me falla
214
chaque jour 20 à 30 pages, soit un quart d’heure
de
nouvelles et autant de commentaires, dans un bruit trépidant et en s’
215
ges, soit un quart d’heure de nouvelles et autant
de
commentaires, dans un bruit trépidant et en s’inspirant des directive
216
et en s’inspirant des directives des chefs locaux
de
Londres et des Américains. C’était extrêmement fatigant et j’ai aband
217
mythes grecs : Doctrine fabuleuse ; un recueil
d’
articles intitulé Vues sur l’Amérique ; et 18 Lettres sur la bombe
218
anglais, en danois, en hollandais, en espagnol),
d’
un style du genre voltairien, dans lesquelles je montre que les armées
219
tairien, dans lesquelles je montre que les armées
de
masse sont devenues inutiles et que la guerre militaire est morte, et
220
du diable et Les Personnes du drame . D’autres
de
mes ouvrages seront traduits. En outre, on va rééditer à Paris Polit
221
uits. En outre, on va rééditer à Paris Politique
de
la personne , Penser avec les mains et L’Amour et l’Occident . Vou
222
consacrer entièrement à mes livres. Quelques-unes
de
vos lettres sur la bombe atomique ont paru dans Le Figaro ? Oui, el
223
andale dans certains milieux, mais aussi beaucoup
d’
approbations enthousiastes. Savez-vous si les Soviets ont, pu s’empare
224
z-vous si les Soviets ont, pu s’emparer du secret
de
la bombe atomique ? Non, et nul ne le sait, je crois, en Amérique. Ma
225
ue. Mais une polémique ardente, sur l’opportunité
de
le livrer, alimente encore quotidiennement la chronique, là-bas. Avez
226
qui a ses valeurs à elle. Peut-on employer ce mot
de
civilisation pour un peuple si neuf ? Disons que leur conception de l
227
ur un peuple si neuf ? Disons que leur conception
de
la vie est différente. C’est une question de mœurs, de rapports quoti
228
tion de la vie est différente. C’est une question
de
mœurs, de rapports quotidiens. Ils n’ont pas de culture proprement di
229
vie est différente. C’est une question de mœurs,
de
rapports quotidiens. Ils n’ont pas de culture proprement dite, mais b
230
n de mœurs, de rapports quotidiens. Ils n’ont pas
de
culture proprement dite, mais bien une civilisation scientifique, non
231
s bien une civilisation scientifique, non exempte
d’
un certain pédantisme. Des armées de savants étudient par exemple la m
232
, non exempte d’un certain pédantisme. Des armées
de
savants étudient par exemple la meilleure façon de s’alimenter, et la
233
e savants étudient par exemple la meilleure façon
de
s’alimenter, et la font enseigner aux écoliers. C’est d’ailleurs une
234
très belle race qui est en train de se former, et
de
gens extrêmement gentils. Y a-t-il bien, à votre avis, une puérilité
235
caine ? Et quel jugement porter sur les histoires
d’
un pittoresque extravagant qui nous viennent de là-bas ? Puérils, ils
236
s yeux sur certains autres (par exemple, la manie
de
nous battre). À côté d’eux, nous sommes un peu « névrosés ». Ils sont
237
es (par exemple, la manie de nous battre). À côté
d’
eux, nous sommes un peu « névrosés ». Ils sont évidemment très simplis
238
simplistes dans ce qu’ils impriment, et manquent
d’
esprit critique. Quant à leurs loufoqueries, ne croyons pas qu’ils les
239
s qu’ils les prennent au sérieux : c’est un genre
d’
humour qui leur plaît, et ils ne font que s’en amuser. Si on les compa
240
y est toujours vrai quelque part. C’est un résumé
de
la planète. On se sent à New York, en particulier, si cosmopolite auj
241
nt, il faudrait que le plus grand nombre possible
d’
Européens eussent l’occasion de quitter leur « province » pour s’y ren
242
nd nombre possible d’Européens eussent l’occasion
de
quitter leur « province » pour s’y rendre. N’ont-ils donc rien à crai
243
» pour s’y rendre. N’ont-ils donc rien à craindre
de
l’américanisme ? Pour ce qui est du matérialisme, avec son culte du c
244
est du matérialisme, avec son culte du confort et
de
la machine, son admiration pour le progrès technique, les Américains
245
pas grand-chose à nous apprendre, et c’est là une
de
leurs grandes ressemblances (il y en a beaucoup) avec les Suisses. No
246
up) avec les Suisses. Non, plutôt que l’influence
de
la standardisation matérielle, c’est la standardisation de la pensée
247
ndardisation matérielle, c’est la standardisation
de
la pensée qui me paraît très dangereuse. De la pensée et des jugement
248
ation de la pensée qui me paraît très dangereuse.
De
la pensée et des jugements moraux : par la synchronisation de la pres
249
et des jugements moraux : par la synchronisation
de
la presse ; par le prestige incroyable d’Hollywood, qui donne le ton,
250
isation de la presse ; par le prestige incroyable
d’
Hollywood, qui donne le ton, et où l’Amérique semble copier l’image qu
251
l’Amérique semble copier l’image qu’elle s’y fait
d’
elle-même ; par la baisse du niveau intellectuel auquel les éditeurs c
252
uel auquel les éditeurs contribuent en ne faisant
de
gros tirages que pour les ouvrages médiocres. Quand un livre a du suc
253
out à notre honneur ! L’Europe reste le continent
de
la création. L’Amérique ne crée pas. Elle est plutôt complémentaire d
254
rique ne crée pas. Elle est plutôt complémentaire
de
l’Europe. Cela permettrait entre elles une entente fructueuse et soli
255
e et solide. Et, à ce propos, on a tort en Europe
de
craindre l’impérialisme américain. J’ai peur, quant à moi, qu’il ne s
256
timide ! Car les Américains redoutent énormément
d’
avoir l’air impérialiste. Et cette politique pourrait avoir d’assez gr
257
r impérialiste. Et cette politique pourrait avoir
d’
assez graves conséquences pour l’Europe…1 1. L’entretien se termine
258
entretien se termine par un commentaire conclusif
de
l’interviewer : « Nous devons arrêter là cette interview ; nous ne do
259
view ; nous ne doutons pas que les considérations
de
l’écrivain neuchâtelois — que nous espérons n’avoir point trahies en
260
ont vivement nos lecteurs. » f. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Monsieur Denis de Rougemont, de passage en Europe, nou
261
is de, « [Entretien] Monsieur Denis de Rougemont,
de
passage en Europe, nous dit… », Gazette de Lausanne, Lausanne, 4 mai
262
emont, de passage en Europe, nous dit… », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 4 mai 1946, p. 3. g. Ces propos, recueillis par
263
es propos, recueillis par C.-P. B., sont précédés
de
l’introduction suivante : « Après une absence de quelque six années M
264
de l’introduction suivante : « Après une absence
de
quelque six années M. Denis de Rougemont est revenu au pays de Neuchâ
265
x années M. Denis de Rougemont est revenu au pays
de
Neuchâtel, dont il est une des fiertés. Ce retour n’est d’ailleurs qu
266
automne. Il a bien voulu nous accorder la primeur
d’
une interview, ce dont nous le remercions ici très vivement. »
267
t Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service
d’
une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, com
268
vient un réquisitoire, et l’avocat fait une drôle
de
figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare, mais alors il n’y a pas
269
acquitter Oltramare, mais alors il n’y a pas lieu
de
me dénoncer, tout ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la
270
avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain
d’
esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Oltramare ? Nous
271
ais par ce procédé l’on pourrait accuser la ville
de
Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Dup
272
’on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits
d’
un lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a
273
Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe
d’
avoir consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La seule quest
274
euse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé
de
la formuler, c’est celle du contenu des émissions. Oltramare a parlé
275
ramare a parlé en faveur des nazis, ennemis jurés
de
toute démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pou
276
es nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc
de
la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc po
277
ue je faisais en Amérique exactement le contraire
d’
Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons
278
Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons
de
l’éclairer par une fable. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à
279
uger sommairement, et Me Duperrier se voit chargé
d’
office de ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que
280
airement, et Me Duperrier se voit chargé d’office
de
ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait
281
ctement le contraire. On me fusille et on le pend
d’
office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les Américains o
282
traire. On me fusille et on le pend d’office. Fin
de
la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les Américains ont gagné la gu
283
fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur
de
Duperrier. Mais voilà !… les Américains ont gagné la guerre. La Suiss
284
orné à le punir un peu. Son avocat garde le droit
de
me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit de m
285
r avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit
de
me calomnier sous un prétexte exactement inverse. Je garde le droit d
286
un prétexte exactement inverse. Je garde le droit
de
répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de
287
t inverse. Je garde le droit de répondre, et même
de
rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette af
288
de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit
de
juger toute cette affaire, mon livre en main, selon votre conscience
289
ffaire, mon livre en main, selon votre conscience
de
citoyens de la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dite
290
livre en main, selon votre conscience de citoyens
de
la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi q
291
s des morts, ou je ne sais quels esclaves honteux
de
vivre. h. Rougemont Denis de, « Consolation à Me Duperrier sur un
292
esclaves honteux de vivre. h. Rougemont Denis
de
, « Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu », Gazette de Lausa
293
ion à Me Duperrier sur un procès perdu », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 5 décembre 1947, p. 3. i. Le texte est précédé d
294
e est précédé du chapeau suivant : « Mis en cause
de
singulière manière au procès Oltramare par Me Duperrier, Denis de Rou
295
e Duperrier, Denis de Rougemont répond sur le ton
de
la plaisanterie dans le dernier Bulletin de la Guilde du livre. Voici
296
e ton de la plaisanterie dans le dernier Bulletin
de
la Guilde du livre. Voici la conclusion de ses réflexions narquoises
297
lletin de la Guilde du livre. Voici la conclusion
de
ses réflexions narquoises ; elles intéresseront tous ceux, fort nombr
298
qui ont jugé… surprenant le procédé du défenseur
d’
Oltramare. »
299
imité du monde germanique. Mais nous n’avons rien
de
ce qu’il faut pour assurer le succès d’une œuvre : publicité, mouveme
300
vons rien de ce qu’il faut pour assurer le succès
d’
une œuvre : publicité, mouvement autour d’un livre ou d’un auteur, app
301
succès d’une œuvre : publicité, mouvement autour
d’
un livre ou d’un auteur, appuis sociaux, politiques ou financiers. Je
302
œuvre : publicité, mouvement autour d’un livre ou
d’
un auteur, appuis sociaux, politiques ou financiers. Je ne sais trop s
303
rands », et ils sont à Paris. Nous faisons partie
de
la littérature française. Or, il se trouve que la France est un pays
304
demandant s’il existe pour lui « une possibilité
de
salut » comme écrivain, « un public, des appuis », etc., dans sa chèr
305
hère Bretagne natale ? Peut-être avez-vous raison
de
considérer la situation des écrivains romands comme un cas tout à fai
306
Paris, mais c’est le départ qui importe. Combien
de
grandes œuvres ont-elles été écrites, et publiées, au lieu même et da
307
? J’en vois si peu, et je trouve en revanche tant
d’
exemples éclatants des bienfaits littéraires de l’exil, — d’Ovide à Ri
308
nt d’exemples éclatants des bienfaits littéraires
de
l’exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel o
309
éclatants des bienfaits littéraires de l’exil, —
d’
Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joy
310
es de l’exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot,
de
Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en viens à me demander
311
a plus bénéfique à la fois) n’est pas précisément
de
vivre et de créer loin de son milieu et de sa province natale. Même e
312
ique à la fois) n’est pas précisément de vivre et
de
créer loin de son milieu et de sa province natale. Même et surtout si
313
sément de vivre et de créer loin de son milieu et
de
sa province natale. Même et surtout si l’on doit tirer de ce milieu,
314
ovince natale. Même et surtout si l’on doit tirer
de
ce milieu, de cette province, le meilleur de son inspiration. j. R
315
Même et surtout si l’on doit tirer de ce milieu,
de
cette province, le meilleur de son inspiration. j. Rougemont Denis
316
irer de ce milieu, de cette province, le meilleur
de
son inspiration. j. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête]
317
eilleur de son inspiration. j. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Les écrivains romands et Paris », Gazette
318
nquête] Les écrivains romands et Paris », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 10 septembre 1949, p. 12. k. L’enquête à laquell
319
hapeau suivant : « Récemment, notre correspondant
de
Paris, Jean-Pierre Moulin, a posé dans nos colonnes les trois questio
320
a réalité romande ou même helvétique des éléments
d’
appréciation suffisants pour alimenter une littérature qui ne soit pas
321
et strictement « locale » ? 2. A-t-il des chances
d’
être compris par ses compatriotes ? Trouvera-t-il un public ? Des appu
322
aris n’est-il pas, en même temps qu’une tentative
de
retrouver ailleurs ce que l’on ne trouve pas dans son pays, une fuite
323
ite, loin de ce que Ramuz appelle “le train-train
d’
une vie moyenne où l’exception, n’a point de part” ? Après les réponse
324
train d’une vie moyenne où l’exception, n’a point
de
part” ? Après les réponses de J.-E. Chable, Robert de Traz, Marcel Ro
325
xception, n’a point de part” ? Après les réponses
de
J.-E. Chable, Robert de Traz, Marcel Rosset, Frédéric Barbey, Maurice
326
irard, Jean Nicollier, Suzanne Delacoste et celle
de
Clarisse Francillon, publiées ces dernières semaines, voici l’avis de
327
on, publiées ces dernières semaines, voici l’avis
de
Paul Chaponnière, Jacques Mercanton, Denis de Rougemont et de Corinna
328
onnière, Jacques Mercanton, Denis de Rougemont et
de
Corinna Bille. D’autres suivront la semaine prochaine. […] Ce sont la
329
oncision et la vigueur qui distinguent la réponse
de
M. Denis de Rougemont. Si ce Suisse très cosmopolite reconnaît, à son
330
lite reconnaît, à son tour, que notre pays manque
de
ce qui est indispensable au succès d’une œuvre littéraire, il ne se r
331
pays manque de ce qui est indispensable au succès
d’
une œuvre littéraire, il ne se répand point en lamentations. Au contra
332
1949)l m Votre lettre est la meilleure preuve
de
l’urgence de notre congrès. Elle dit tout haut ce que pensent des mil
333
Votre lettre est la meilleure preuve de l’urgence
de
notre congrès. Elle dit tout haut ce que pensent des millions. Et ell
334
e le dit sans précautions, avec la calme outrance
de
la désillusion. Elle dit deux mots : trop tard. D’autres nous disent
335
une hâte « imprudente », la différence n’est pas
de
jugement politique, mais d’expérience humaine, et surtout de souffran
336
différence n’est pas de jugement politique, mais
d’
expérience humaine, et surtout de souffrance. Vous avez trop souffert
337
politique, mais d’expérience humaine, et surtout
de
souffrance. Vous avez trop souffert la longue horreur des camps pour
338
a longue horreur des camps pour croire au sursaut
de
l’humain qui pourrait seul sauver l’Europe. Les autres dorment. Ils n
339
as encore vu qu’on ne leur laissera plus le temps
d’
être prudents. Trop tard, dites-vous. « L’Europe n’existe plus ». Les
340
a tout notre espoir, bien plus, il y a le ressort
de
notre action. Je voudrais vous montrer que ce presque est une réalité
341
t « ouverte ». C’est qu’il y a donc encore un peu
d’
Europe vivante. L’Europe existe encore, là où le cri des hommes n’est
342
ouffé dans leur bouche, ou dans les sources mêmes
de
leur révolte. Vous allez me dire : « Ce n’est qu’une survivance. En r
343
ivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit
de
parler nous est encore laissé, mais c’est qu’il n’a plus d’importance
344
nous est encore laissé, mais c’est qu’il n’a plus
d’
importance. La possibilité d’agir nous est ôtée. » Venez donc à Lausan
345
c’est qu’il n’a plus d’importance. La possibilité
d’
agir nous est ôtée. » Venez donc à Lausanne, et nous en discuterons. (
346
te encore, là où le dialogue existe.) Vous parlez
de
la « dernière illusion de l’Europe ». J’en vois une autre, et votre l
347
ue existe.) Vous parlez de la « dernière illusion
de
l’Europe ». J’en vois une autre, et votre lettre la traduit d’une man
348
. J’en vois une autre, et votre lettre la traduit
d’
une manière émouvante. C’est l’illusion causée par la désillusion. Ell
349
andue, elle est si fascinante qu’elle risque bien
de
provoquer, comme tout vertige, la chute qu’elle imagine. Cette illusi
350
vertige, la chute qu’elle imagine. Cette illusion
d’
optique consiste à voir une toute petite Europe ruinée entre deux colo
351
ses agressifs. Secouons-nous, détournons les yeux
de
cet abîme d’angoisse, et calculons. Le tableau change en un clin d’œi
352
. Secouons-nous, détournons les yeux de cet abîme
d’
angoisse, et calculons. Le tableau change en un clin d’œil. À l’ouest
353
leau change en un clin d’œil. À l’ouest du rideau
de
fer, nous sommes 300 millions : c’est deux fois plus que l’Amérique,
354
s satellites. Sur ces 300 millions, dix pour cent
de
communistes ? Mais sur les 100 millions de satellites, quatre-vingt-d
355
r cent de communistes ? Mais sur les 100 millions
de
satellites, quatre-vingt-dix pour cent qui ne sont pas communistes. U
356
us des fausses symétries. La symétrie est une loi
de
la paresse, autant qu’un procédé de construction. Dans toutes les cho
357
e est une loi de la paresse, autant qu’un procédé
de
construction. Dans toutes les choses humaines, elle est une illusion.
358
sion. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’union
de
l’Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous imposeraient
359
érique veut l’Europe unie, parce qu’elle a besoin
de
nous en tant qu’Européens, autonomes, et même concurrents, non pas en
360
claves coûteux à entretenir. Et nous avons besoin
de
l’Amérique, en retour ; nous n’avons pas besoin des Russes. Les Améri
361
s besoin des Russes. Les Américains seront forcés
de
nous forcer à l’union ou de nous abandonner, si nous n’arrivons pas,
362
ricains seront forcés de nous forcer à l’union ou
de
nous abandonner, si nous n’arrivons pas, d’ici deux ans, à nous fédér
363
x ans, à nous fédérer librement. Il ne dépend que
de
nous d’y réussir. Les jeux ne sont donc pas faits. Il nous reste deux
364
nous fédérer librement. Il ne dépend que de nous
d’
y réussir. Les jeux ne sont donc pas faits. Il nous reste deux ans. No
365
oit perdue, si elle cède au vertige, à l’illusion
d’
urne impuissance qui alors seulement deviendra vraie. Cher ami, vous a
366
endra vraie. Cher ami, vous avez quelques raisons
d’
être plus pessimiste que d’autres. Tous ceux qui ont lu votre livre l’
367
t invité à la conférence, est indemne du reproche
d’
avoir vendu vos peuples. Mais je pense que vous avez tort de proposer
368
ndu vos peuples. Mais je pense que vous avez tort
de
proposer qu’on choisisse un Grand Homme. Vous n’y croyez sans doute p
369
: « Ou bien un enfant… » Nous voici dans le temps
de
l’Avent, dans les nuits les plus longues de l’année. Cherchons ensemb
370
temps de l’Avent, dans les nuits les plus longues
de
l’année. Cherchons ensemble à distinguer les signes. Les Mages aussi
371
nfant qui a sauvé le monde. l. Rougemont Denis
de
, « L’Europe est encore un espoir », Gazette de Lausanne, Lausanne, 8
372
is de, « L’Europe est encore un espoir », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 8 décembre 1949, p. 1. m. Rougemont répond ici à
373
1. m. Rougemont répond ici à une lettre ouverte
de
Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’occasion de l’ouvertu
374
Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’occasion
de
l’ouverture de la Conférence européenne de la culture, qui se tint à
375
dans le même numéro, à l’occasion de l’ouverture
de
la Conférence européenne de la culture, qui se tint à Lausanne du 8 a
376
casion de l’ouverture de la Conférence européenne
de
la culture, qui se tint à Lausanne du 8 au 12 décembre 1949.
377
« Ce qu’ils pensent
de
Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)n Déjà les pasteurs et les prê
378
s et les prêtres se préparent à parler du message
de
Noël aux hommes de bonne volonté, répétant avec M. Romains une grave
379
préparent à parler du message de Noël aux hommes
de
bonne volonté, répétant avec M. Romains une grave erreur de traductio
380
olonté, répétant avec M. Romains une grave erreur
de
traduction. Car l’Évangile dans le texte original dit simplement : Pa
381
it simplement : Paix sur la terre, bonne volonté (
de
Dieu) envers les hommes. Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et
382
olonté (de Dieu) envers les hommes. Est-il besoin
de
la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre
383
mes. Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et
de
la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, e
384
be, et des grèves, et de la famine européenne, et
de
la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la pe
385
et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et
de
la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des
386
ndémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et
de
la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’a
387
roques qui président aux rapports des nations, et
de
l’antisémitisme et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l
388
ux rapports des nations, et de l’antisémitisme et
de
l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe pour que nous
389
et de l’antisémitisme et de l’antisoviétisme, et
de
l’antiaméricanisme de l’Europe pour que nous comprenions que les homm
390
et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme
de
l’Europe pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bon
391
t que subir leur condition. n. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Ce qu’ils pensent de Noël… », Gazette de L
392
s de, « [Réponse à une enquête] Ce qu’ils pensent
de
Noël… », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 24 dé
393
ne enquête] Ce qu’ils pensent de Noël… », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 24 décembre 1953, p. 7.
394
Rejet
de
la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rej
395
Rejet de la CED : l’avis
de
Denis de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet de la CED par un
396
is de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet
de
la CED par un seul pays vient de jeter tous les autres dans une crise
397
montrant ainsi, une fois de plus, que les nations
de
l’Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le rec
398
européens gardent une ferme orientation. L’échec
de
la CED n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’une diplomati
399
me orientation. L’échec de la CED n’est pas celui
de
l’idée fédérale, mais celui d’une diplomatie qui tentait de « faire l
400
ED n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui
d’
une diplomatie qui tentait de « faire l’Europe » à la sauvette, sans p
401
fédérale, mais celui d’une diplomatie qui tentait
de
« faire l’Europe » à la sauvette, sans poser la question dans son amp
402
ée dans ces lieux indécents que sont les couloirs
de
parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le reste suivra —
403
reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun
de
nos peuples aura compris qu’il s’agit de se sauver tous ensemble ou d
404
d chacun de nos peuples aura compris qu’il s’agit
de
se sauver tous ensemble ou de périr isolément. o. Rougemont Denis
405
ompris qu’il s’agit de se sauver tous ensemble ou
de
périr isolément. o. Rougemont Denis de, « Rejet de la CED : l’avis
406
mble ou de périr isolément. o. Rougemont Denis
de
, « Rejet de la CED : l’avis de D. de Rougemont », Gazette de Lausanne
407
érir isolément. o. Rougemont Denis de, « Rejet
de
la CED : l’avis de D. de Rougemont », Gazette de Lausanne, Lausanne,
408
. Rougemont Denis de, « Rejet de la CED : l’avis
de
D. de Rougemont », Gazette de Lausanne, Lausanne, 20 septembre 1954,
409
de la CED : l’avis de D. de Rougemont », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 20 septembre 1954, p. 4.
410
Une lettre
de
Denis de Rougemont (16-17 février 1957)p Monsieur le rédacteur en
411
sieur le rédacteur en chef, Je vous serais obligé
de
rassurer vos lecteurs : la photo jointe à l’article « Au Pentagone :
412
rticle « Au Pentagone : Duncan Sandys » ( Gazette
de
Lausanne des 2-3 février 1957) n’est pas celle du ministre britanniqu
413
ier 1957) n’est pas celle du ministre britannique
de
la Défense. Elle représente un homme anxieux, aux traits tendus par l
414
é « piqué » par le photographe non point au terme
d’
une mission brillamment réussie, mais plutôt pendant le cours d’un épu
415
brillamment réussie, mais plutôt pendant le cours
d’
un épuisant congrès, comme fut le Congrès européen de la culture, qui
416
n épuisant congrès, comme fut le Congrès européen
de
la culture, qui se tint à Lausanne en décembre 1949. Mon ami Duncan S
417
s sentiments bien cordiaux. p. Rougemont Denis
de
, « Une lettre de Denis de Rougemont », Gazette de Lausanne (supplémen
418
cordiaux. p. Rougemont Denis de, « Une lettre
de
Denis de Rougemont », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), La
419
de, « Une lettre de Denis de Rougemont », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 16–17 février 1957, p. 11
420
sme et culture (3-4 mars 1962)q r Deux erreurs
de
méthode menacent toute tentative de réveil culturel en Suisse romande
421
Deux erreurs de méthode menacent toute tentative
de
réveil culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit d
422
e de réveil culturel en Suisse romande : l’esprit
de
clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à conf
423
Suisse romande : l’esprit de clocher et l’esprit
d’
administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéralis
424
de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit
de
clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la
425
t de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste
de
la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle,
426
sauvegarde organisée, et si possible officielle,
de
nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos
427
arismes les plus désuets. Il voudrait que chacune
de
nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université,
428
iversité, radio, publications, etc. Et plutôt que
de
reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse
429
reconnaître que cela n’est pas possible, en plus
d’
un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de c
430
e à préférer des solutions médiocres, mais « bien
de
chez nous », aux avantages que pourrait procurer une coopération sans
431
u pays. Votre congrès ayant pour premier objectif
de
surmonter cette tendance défensive, faussement traditionnelle et auta
432
faussement traditionnelle et autarcique, inutile
d’
insister sur ce point. Mais c’est une autre erreur, inverse de la prem
433
ur ce point. Mais c’est une autre erreur, inverse
de
la première, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’organisation
434
re erreur, inverse de la première, qui ne cessera
de
vous tenter : celle de l’organisation rationnelle d’activités qui par
435
a première, qui ne cessera de vous tenter : celle
de
l’organisation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pa
436
vous tenter : celle de l’organisation rationnelle
d’
activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralis
437
. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art
de
distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralis
438
t du fédéralisme réside dans l’art de distinguer,
de
cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé et ce qui mar
439
trop petites pour se payer chacune un laboratoire
de
recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’on ne
440
ites pour que s’y développent à foison des écoles
de
peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des group
441
ent à foison des écoles de peintres, des galeries
d’
exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des
442
peintres, des galeries d’exposition, des troupes
d’
acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues qui exprime
443
d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes
d’
écrivains, voire des petites revues qui expriment ces groupes avec l’i
444
sont tout de même devenues des foyers rayonnants
de
créations du premier ordre. Et cela, je crois, pour les deux raisons
445
: premièrement, la passion créatrice un peu folle
de
jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maître du métier
446
e jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour
d’
un maître du métier ; secondement le sens de la dépense magnifique, le
447
utour d’un maître du métier ; secondement le sens
de
la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui c
448
ndement le sens de la dépense magnifique, le goût
de
la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de
449
u somptueux, qui caractérisent tant de princes et
de
grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cet
450
actérisent tant de princes et de grands marchands
de
l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice
451
nds de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence
de
cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité de coord
452
lair qu’à l’absence de cette passion créatrice et
de
ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais reméd
453
on créatrice et de ce sens du mécénat, nul comité
de
coordination ne pourra jamais remédier. Les comités ne peuvent faire,
454
es et par des petits groupes qui ne craignent pas
de
passer pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définitio
455
prudents et économes : leur rôle est normalement
de
rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus
456
es ou plus rentables. Mais la culture vivante vit
d’
imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. J
457
s soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes
de
ce climat d’excitation intellectuelle et artistique. Nos habitudes ut
458
re, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat
d’
excitation intellectuelle et artistique. Nos habitudes utilitaires, no
459
nitiatives hardies et protégeant en revanche trop
de
médiocrité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque bu
460
lles aient été un jour inscrites à quelque budget
d’
État, et sous prétexte de répartition géographique équitable — ce qui
461
éralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’hui
d’
inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace
462
cela qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis
de
la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notr
463
tre Suisse fédéraliste. Mais ce n’est pas le fait
de
supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’être » !
464
nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons
d’
être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au nivea
465
os « raisons d’être » ! C’est bien plutôt le fait
de
ne plus s’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter
466
’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle,
de
traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à
467
e matérielle, de traiter la culture en mendiante,
de
refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précé
468
e, de traiter la culture en mendiante, de refuser
de
la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos r
469
prospérité économique sans précédent. Nos raisons
d’
être et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédé
470
économique sans précédent. Nos raisons d’être et
de
rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j
471
s raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté
de
vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles
472
es, et prend ses sources dans les mêmes attitudes
de
pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre.
473
vera pas l’un sans l’autre. q. Rougemont Denis
de
, « Fédéralisme et culture », Gazette de Lausanne (supplément littérai
474
ont Denis de, « Fédéralisme et culture », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 3–4 mars 1962, p. 13. r.
475
t par le chapeau suivant : « Grâce à l’obligeance
de
M. Denis de Rougemont, nous publions un extrait de l’important exposé
476
e M. Denis de Rougemont, nous publions un extrait
de
l’important exposé qu’il présentera aujourd’hui au congrès pour une c
477
1962)s Monsieur le directeur, Le compte rendu
de
ma conférence de samedi dernier au palais de Rumine appelle deux rect
478
ur le directeur, Le compte rendu de ma conférence
de
samedi dernier au palais de Rumine appelle deux rectifications. En ef
479
endu de ma conférence de samedi dernier au palais
de
Rumine appelle deux rectifications. En effet, « l’essentiel » de mon
480
le deux rectifications. En effet, « l’essentiel »
de
mon discours ne consistait nullement, comme l’écrit votre collaborate
481
rit votre collaborateur, à « vitupérer » l’esprit
de
clocher, dont j’ai très peu parlé, ou le matérialisme, mentionné dans
482
ule phrase, mais bien à insister sur la nécessité
de
sauvegarder à la fois et en pratique les droits de l’union et ceux de
483
e sauvegarder à la fois et en pratique les droits
de
l’union et ceux des autonomies locales, les droits de l’organisation
484
’union et ceux des autonomies locales, les droits
de
l’organisation et ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est q
485
ies locales, les droits de l’organisation et ceux
de
la création. La moitié d’une vérité n’est qu’une sottise, surtout lor
486
l’organisation et ceux de la création. La moitié
d’
une vérité n’est qu’une sottise, surtout lorsqu’il s’agit de fédéralis
487
té n’est qu’une sottise, surtout lorsqu’il s’agit
de
fédéralisme ! Me faire dire que « tout le secret du fédéralisme » rés
488
tout le secret du fédéralisme » réside dans l’art
de
distinguer ce qui marcherait mieux en restant… anarchique, c’est donc
489
c me faire dire une sottise, dont je suis heureux
de
ne pas être l’auteur. Voici mon texte : « Tout le secret du fédéralis
490
« Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art
de
distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralis
491
t du fédéralisme réside dans l’art de distinguer,
de
cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé, et ce qui ma
492
spersé, voire anarchique ». s. Rougemont Denis
de
, « Rectification », Gazette de Lausanne, Lausanne, 9 mars 1962, p. 2.
493
. Rougemont Denis de, « Rectification », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 9 mars 1962, p. 2.
494
es avec le Marché commun, on croirait que l’union
de
l’Europe se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et d’intérêts
495
que l’union de l’Europe se réduit à des problèmes
de
tarifs douaniers et d’intérêts commerciaux. J’estime donc opportun de
496
se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et
d’
intérêts commerciaux. J’estime donc opportun de rappeler les vraies di
497
et d’intérêts commerciaux. J’estime donc opportun
de
rappeler les vraies dimensions du problème, et en insistant sur ses a
498
nt sur ses aspects culturels et mondiaux. Je pars
d’
un raisonnement assez simple, en trois points : 1. L’union entre des p
499
es ne saurait se faire en général que sur la base
de
quelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’on tente aujourd’h
500
ante ; 2. Or, l’Europe que l’on tente aujourd’hui
d’
unir est d’abord une entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne
501
re l’Europe » qu’en conformité avec le génie même
de
sa culture, qui est celui de l’union dans la diversité. On va voir qu
502
é avec le génie même de sa culture, qui est celui
de
l’union dans la diversité. On va voir que cette thèse « culturelle »
503
définie. ⁂ La première proposition n’entraîne pas
de
longs commentaires. Il est évident que des peuples, ne songent à s’un
504
nsolider par des institutions communes leur unité
de
base, lorsque celle-ci se trouve menacée par des forces de division,
505
lorsque celle-ci se trouve menacée par des forces
de
division, internes ou externes. La seconde proposition n’est pas auss
506
te pour chacun. Cependant, il n’est pas difficile
de
l’établir. Quand je dis que l’Europe est d’abord une entité culturell
507
à deux faits majeurs que chacun connaît. Un fait
de
nature : l’Europe est le plus petit de tous les continents (4 % des t
508
t. Un fait de nature : l’Europe est le plus petit
de
tous les continents (4 % des terres du globe), et le plus pauvre en m
509
le plus pauvre en matières premières. Et un fait
d’
histoire : cette minuscule Europe a dominé successivement sur tous les
510
et qu’elle ne tire pas son origine et sa vitalité
de
notre nature, mais bien de nos cerveaux, donc de notre culture. L’éco
511
origine et sa vitalité de notre nature, mais bien
de
nos cerveaux, donc de notre culture. L’économie moderne est dominée p
512
de notre nature, mais bien de nos cerveaux, donc
de
notre culture. L’économie moderne est dominée par la technique, laque
513
née par la technique, laquelle est née du mariage
de
nos sciences spéculatives et de notre volonté de transformer la natur
514
st née du mariage de nos sciences spéculatives et
de
notre volonté de transformer la nature, lesquelles sont nées de nos p
515
de nos sciences spéculatives et de notre volonté
de
transformer la nature, lesquelles sont nées de nos philosophies et de
516
té de transformer la nature, lesquelles sont nées
de
nos philosophies et de notre religion dominante, lesquelles nous sont
517
ture, lesquelles sont nées de nos philosophies et
de
notre religion dominante, lesquelles nous sont venues d’Athènes et de
518
e religion dominante, lesquelles nous sont venues
d’
Athènes et de Jérusalem à travers Rome et son empire, englobant avec l
519
minante, lesquelles nous sont venues d’Athènes et
de
Jérusalem à travers Rome et son empire, englobant avec les Méditerran
520
erranéens des Germains, des Celtes et des Slaves.
De
cette culture commune, mais de ses sources variées, voire souvent con
521
tes et des Slaves. De cette culture commune, mais
de
ses sources variées, voire souvent contradictoires, proviennent à la
522
oires, proviennent à la fois l’unité fondamentale
de
nos peuples et les extraordinaires diversités qu’ils juxtaposent sur
523
and ces diversités tournent en divisions, l’unité
de
base et la vitalité de l’ensemble sont en péril. Alors paraît le beso
524
nent en divisions, l’unité de base et la vitalité
de
l’ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces
525
l’ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin
d’
union. Les forces de division qui ont miné l’Europe depuis un siècle,
526
péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces
de
division qui ont miné l’Europe depuis un siècle, et qui ont risqué de
527
miné l’Europe depuis un siècle, et qui ont risqué
de
la faire périr à deux reprises en 1914 et en 1939, se résument dans l
528
s le terme nationalisme. Elles sont, elles aussi,
d’
origine culturelle en dernière analyse. Mais l’opinion publique et les
529
lites responsables ont peine à prendre conscience
de
leur nocivité tant que celle-ci ne se manifeste qu’au niveau des idéo
530
isme des autres s’oppose aux intérêts économiques
de
ma nation, que je sois industriel, ouvrier, paysan ou politicien, je
531
ue chose ne marche pas. C’est alors que j’accepte
de
prendre au sérieux les « utopistes » qui me parlaient depuis longtemp
532
s « utopistes » qui me parlaient depuis longtemps
de
mesures d’union supranationales. Et c’est ainsi que l’union de l’Euro
533
es » qui me parlaient depuis longtemps de mesures
d’
union supranationales. Et c’est ainsi que l’union de l’Europe a commen
534
union supranationales. Et c’est ainsi que l’union
de
l’Europe a commencé dans le domaine économique, avec la CECA de Jean
535
Marché commun des Six, provoquant en écho la Zone
de
libre-échange des Sept, la candidature britannique, et l’intérêt subi
536
bitement anxieux des Américains. Ce début concret
de
la construction européenne étant ainsi replacé et situé dans le conte
537
nne étant ainsi replacé et situé dans le contexte
de
notre évolution, la question qui se pose est de savoir s’il faut et s
538
e de notre évolution, la question qui se pose est
de
savoir s’il faut et s’il suffit, pour « faire l’Europe », que toutes
539
dont les auteurs ne sont d’ailleurs pas dépourvus
d’
arrière-pensées politiques. ⁂ Même en admettant que l’unification écon
540
especter dans cette hypothèse quelques conditions
de
succès qui me paraissent absolument vitales. Il faudrait notamment ex
541
unification économique ne détruise pas les bases
de
l’Europe, mais y puise au contraire ses meilleures énergies ; qu’elle
542
le mondiale. Commentons brièvement ces conditions
de
succès : elles nous ramènent aux problèmes culturels. L’Europe du pla
543
s culturels. L’Europe du plan économique a besoin
de
centaines de milliers de techniciens. Il est concevable et faisable d
544
L’Europe du plan économique a besoin de centaines
de
milliers de techniciens. Il est concevable et faisable de les fabriqu
545
plan économique a besoin de centaines de milliers
de
techniciens. Il est concevable et faisable de les fabriquer en série
546
ers de techniciens. Il est concevable et faisable
de
les fabriquer en série au prix de l’éducation générale ou humaniste.
547
ait l’URSS. Mais ce serait tuer la poule aux œufs
d’
or. La technique, inventée par l’Europe, puise ses forces inventives d
548
al, théologique, scientifique et même esthétique,
de
la culture européenne. Renoncer à transmettre les principes et mesure
549
. Renoncer à transmettre les principes et mesures
de
cette culture générale, ce serait stériliser les sources mêmes de l’i
550
générale, ce serait stériliser les sources mêmes
de
l’invention technique, favoriser le matérialisme plat, américaniser o
551
, américaniser ou russifier l’Europe au pire sens
de
ces expressions, et finalement détendre les ressorts de notre génie c
552
expressions, et finalement détendre les ressorts
de
notre génie créateur. L’union économique implique, par conséquent, un
553
mplique, par conséquent, une politique culturelle
de
grande envergure : éducation civique, démocratisation des études, ins
554
péens ont fait preuve depuis des siècles, résulte
de
nos diversités locales, régionales, idéologiques. Tout système centra
555
e centralisé ou institution qui aurait pour effet
de
déprimer les autonomies locales et d’uniformiser nos coutumes régiona
556
pour effet de déprimer les autonomies locales et
d’
uniformiser nos coutumes régionales serait antieuropéen. Notre culture
557
ait antieuropéen. Notre culture puise son pouvoir
de
rayonnement universel dans la pluralité de ses foyers créateurs, et d
558
ouvoir de rayonnement universel dans la pluralité
de
ses foyers créateurs, et dans les tensions qui en naissent. D’autant
559
créateurs, et dans les tensions qui en naissent.
D’
autant plus nous sommes d’un canton, d’un pays, d’un climat religieux
560
nsions qui en naissent. D’autant plus nous sommes
d’
un canton, d’un pays, d’un climat religieux ou idéologique, d’autant p
561
naissent. D’autant plus nous sommes d’un canton,
d’
un pays, d’un climat religieux ou idéologique, d’autant plus nous pouv
562
D’autant plus nous sommes d’un canton, d’un pays,
d’
un climat religieux ou idéologique, d’autant plus nous pouvons devenir
563
d’un pays, d’un climat religieux ou idéologique,
d’
autant plus nous pouvons devenir de bons Européens. « D’autant plus no
564
u idéologique, d’autant plus nous pouvons devenir
de
bons Européens. « D’autant plus nous connaissons les choses particuli
565
nt plus nous pouvons devenir de bons Européens. «
D’
autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
566
t plus nous connaissons les choses particulières,
d’
autant plus nous connaissons Dieu », disait Spinoza. C’est là le vrai
567
noza. C’est là le vrai sens, et le seul possible,
de
ce qu’on a nommé « l’Europe des patries ». (Par malheur, l’auteur de
568
« l’Europe des patries ». (Par malheur, l’auteur
de
ce mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’à l’Europe des États, qui est
569
ts, qui est tout à fait autre chose.) Les modes
d’
emploi Enfin, l’Europe unie ne saurait être conçue comme un but en
570
é aux limites géographiques et toutes provisoires
de
l’Ouest du continent. L’Europe a découvert la Terre entière, assumant
571
découvert la Terre entière, assumant une fonction
d’
animation des échanges de tous ordres. Elle a transmis au monde entier
572
e, assumant une fonction d’animation des échanges
de
tous ordres. Elle a transmis au monde entier les procédés de la techn
573
res. Elle a transmis au monde entier les procédés
de
la technologie. Elle se doit d’en transmettre aussi les modes d’emplo
574
tier les procédés de la technologie. Elle se doit
d’
en transmettre aussi les modes d’emploi. Toutes les cultures tradition
575
ie. Elle se doit d’en transmettre aussi les modes
d’
emploi. Toutes les cultures traditionnelles, y compris la nôtre, se vo
576
enacées par la technique. L’Europe ayant cent ans
d’
avance dans son effort d’adaptation à la révolution industrielle, se d
577
L’Europe ayant cent ans d’avance dans son effort
d’
adaptation à la révolution industrielle, se doit donc de faire part au
578
tation à la révolution industrielle, se doit donc
de
faire part aux pays neufs de ses expériences durement acquises. Elle
579
rielle, se doit donc de faire part aux pays neufs
de
ses expériences durement acquises. Elle a inventé bien des maux, mais
580
n des méthodes dangereuses, mais aussi les moyens
de
les composer, de les équilibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a i
581
ngereuses, mais aussi les moyens de les composer,
de
les équilibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqu
582
les moyens de les composer, de les équilibrer et
de
les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqué la libre concurrenc
583
umaniste, le matérialisme, mais aussi les valeurs
de
liberté et de responsabilité, de justice sociale et de solidarité uni
584
atérialisme, mais aussi les valeurs de liberté et
de
responsabilité, de justice sociale et de solidarité universelle, qui
585
ussi les valeurs de liberté et de responsabilité,
de
justice sociale et de solidarité universelle, qui relèvent de l’espri
586
berté et de responsabilité, de justice sociale et
de
solidarité universelle, qui relèvent de l’esprit. Sa fonction dans le
587
ociale et de solidarité universelle, qui relèvent
de
l’esprit. Sa fonction dans le monde, transformé par ses œuvres, s’en
588
ormais définie. L’Europe se doit et doit au monde
de
présenter l’exemple convaincant d’un dépassement du nationalisme et d
589
doit au monde de présenter l’exemple convaincant
d’
un dépassement du nationalisme et d’une adaptation harmonieuse de la t
590
e convaincant d’un dépassement du nationalisme et
d’
une adaptation harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l
591
t du nationalisme et d’une adaptation harmonieuse
de
la technique à l’homme. C’est dire que l’union économique appelle une
592
otale et uniformisante détruirait les bases mêmes
de
notre dynamisme. Une simple alliance d’États souverains ne répondrait
593
ses mêmes de notre dynamisme. Une simple alliance
d’
États souverains ne répondrait nullement aux exigences du siècle. Seul
594
ion, selon la formule suisse, assurerait le degré
d’
union nécessaire tout en sauvegardant les autonomies et diversités qui
595
étant ainsi posé ou reposé à partir des réalités
de
notre culture une et diverse, les conclusions suivantes me paraissent
596
ober toutes les nations qui participent à l’unité
de
culture nommée Europe. 2. Cette organisation économique ne saurait fo
597
anisation économique ne saurait fournir les bases
d’
une organisation politique, mais seulement les moyens nécessaires d’un
598
politique, mais seulement les moyens nécessaires
d’
une politique qu’il reste encore à définir et à réaliser. 3. Cette pol
599
olitique, appuyée sur une organisation fédérative
de
nos pays, aura pour mission essentielle d’orienter leur action commun
600
rative de nos pays, aura pour mission essentielle
d’
orienter leur action commune à l’échelle mondiale (relations avec les
601
l’expansion démographique, la diffusion mondiale
de
la civilisation occidentale et les responsabilités qui en résultent p
602
loir ces vues mondiales : on ne l’accusera jamais
de
néo-colonialisme ! Et elle est mieux placée que tout autre pour faire
603
ée que tout autre pour faire valoir les avantages
d’
une union de type fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’
604
autre pour faire valoir les avantages d’une union
de
type fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’Europe. Ces
605
pe fédéral, conforme à son essence, comme à celle
de
l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu de la construction européen
606
on essence, comme à celle de l’Europe. Ces motifs
d’
entrer dans le jeu de la construction européenne me semblent avoir plu
607
elle de l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu
de
la construction européenne me semblent avoir plus de poids que les sc
608
la construction européenne me semblent avoir plus
de
poids que les scrupules qui nous retiennent encore. Quand elle se bor
609
ire son expérience fédéraliste, dans les conseils
de
Strasbourg et de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’un a
610
e fédéraliste, dans les conseils de Strasbourg et
de
Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’un avenir authentique
611
de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie
d’
un avenir authentiquement européen. Si elle s’y refuse, qui va plaider
612
c’est l’évidence. Mais nous aurons perdu le droit
de
nous en plaindre. t. Rougemont Denis de, « L’Europe est d’abord u
613
droit de nous en plaindre. t. Rougemont Denis
de
, « L’Europe est d’abord une culture », Gazette de Lausanne (supplémen
614
de, « L’Europe est d’abord une culture », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 30 juin 1962, p. 13.
615
icaines (12-13 janvier 1963)u v Le grand poème
de
Saint-John Perse évoquant les États-Unis et les traversant d’est en o
616
n Perse évoquant les États-Unis et les traversant
d’
est en ouest se nomme Vents, et nul n’a compris ce pays s’il n’a pas d
617
l n’a pas découvert un jour qu’un souffle immense
de
lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans l’inconscient des ho
618
cret le mieux couvé dans l’inconscient des hommes
de
toute race dont les pères ont conquis la Prairie. Hors des hauts murs
619
nquis la Prairie. Hors des hauts murs en falaises
de
brique ocrée de Manhattan, au-delà des faubourgs du Bronx aux ponts d
620
. Hors des hauts murs en falaises de brique ocrée
de
Manhattan, au-delà des faubourgs du Bronx aux ponts de fer retentissa
621
nhattan, au-delà des faubourgs du Bronx aux ponts
de
fer retentissants de trains et de camions-citernes, soudain l’autorou
622
faubourgs du Bronx aux ponts de fer retentissants
de
trains et de camions-citernes, soudain l’autoroute vers le nord longe
623
Bronx aux ponts de fer retentissants de trains et
de
camions-citernes, soudain l’autoroute vers le nord longe la mer coule
624
ain l’autoroute vers le nord longe la mer couleur
d’
huître sous le vent, traverse d’infinis quartiers de maisons blanches
625
ge la mer couleur d’huître sous le vent, traverse
d’
infinis quartiers de maisons blanches et d’usines transparentes, surmo
626
huître sous le vent, traverse d’infinis quartiers
de
maisons blanches et d’usines transparentes, surmontés de clochers d’o
627
averse d’infinis quartiers de maisons blanches et
d’
usines transparentes, surmontés de clochers d’or pâle, puis des rideau
628
ons blanches et d’usines transparentes, surmontés
de
clochers d’or pâle, puis des rideaux d’arbres chevelus cachent les ri
629
et d’usines transparentes, surmontés de clochers
d’
or pâle, puis des rideaux d’arbres chevelus cachent les rives, et la p
630
surmontés de clochers d’or pâle, puis des rideaux
d’
arbres chevelus cachent les rives, et la piste d’ardoise aux lignes ja
631
d’arbres chevelus cachent les rives, et la piste
d’
ardoise aux lignes jaunes écarte largement les forêts basses et denses
632
argement les forêts basses et denses aux couleurs
de
l’été indien, pendant des heures. Le « station-vagon » roule à 100, c
633
font toutes les autres voitures, pas un problème
de
dépassement, pas une injure, le ciel est bleu, les voies sont larges,
634
la radio du bord éclate en mélodies accompagnées
de
bugles et de chœurs d’une euphorique nostalgie : j’ai retrouvé mon Am
635
bord éclate en mélodies accompagnées de bugles et
de
chœurs d’une euphorique nostalgie : j’ai retrouvé mon Amérique. Lib
636
e en mélodies accompagnées de bugles et de chœurs
d’
une euphorique nostalgie : j’ai retrouvé mon Amérique. Liberté In
637
pour me promener dans les États-Unis sans l’ombre
d’
une obligation — je verrai qui je veux ou personne s’il me plaît, ce q
638
veux ou personne s’il me plaît, ce que j’ai envie
de
voir ou rien, pendant deux mois — je me suis gardé d’établir un progr
639
oir ou rien, pendant deux mois — je me suis gardé
d’
établir un programme et d’arranger des conférences. Je m’en remets au
640
mois — je me suis gardé d’établir un programme et
d’
arranger des conférences. Je m’en remets au dieu du Hasard, dont l’aut
641
iger le sort par quelques téléphones et un carnet
d’
adresses d’amis anciens. (Mais tout bouge ici, où seront-ils ?) Har
642
t par quelques téléphones et un carnet d’adresses
d’
amis anciens. (Mais tout bouge ici, où seront-ils ?) Harvard Déj
643
ul Tillich. Je ne l’avais pas revu depuis un soir
de
1941, à New York, chez notre ami commun Reinhold Niebuhr. Cet Alleman
644
est devenu le penseur religieux le plus influent
de
l’Amérique. C’est qu’il prône une théologie qu’on pourrait nommer cul
645
le, et qui tient compte des arts et des religions
de
l’Orient, et de la gnose (dont nous allons beaucoup parler), cependan
646
compte des arts et des religions de l’Orient, et
de
la gnose (dont nous allons beaucoup parler), cependant que Maritain d
647
dans tous les séminaires presbytériens la notion
d’
une orthodoxie traditionnelle mais offensive et politiquement « progre
648
elligentsia religieuse du tiers le plus religieux
de
l’Occident. Ce sont trois noms européens. Les Européens goguenards po
649
a-Cola, twist et voitures géantes, sont en retard
d’
une génération intellectuelle. (Note de 1962 : Paul Tillich vient de r
650
en retard d’une génération intellectuelle. (Note
de
1962 : Paul Tillich vient de recevoir le Prix de la paix, décerné à l
651
de 1962 : Paul Tillich vient de recevoir le Prix
de
la paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’Allemagne enfin
652
r le Prix de la paix, décerné à la Foire du livre
de
Francfort. L’Allemagne enfin le redécouvre. Qui va le traduire en fra
653
ntagneux, presque désert pendant des heures. Ciel
de
craie bleu rosé sur les forêts sauvages, mouchetées d’arbres rouges e
654
aie bleu rosé sur les forêts sauvages, mouchetées
d’
arbres rouges et rose pourpre d’une intensité de couleur que je n’ai j
655
vages, mouchetées d’arbres rouges et rose pourpre
d’
une intensité de couleur que je n’ai jamais vue ailleurs. Arrêt dans u
656
s d’arbres rouges et rose pourpre d’une intensité
de
couleur que je n’ai jamais vue ailleurs. Arrêt dans une auberge faite
657
jamais vue ailleurs. Arrêt dans une auberge faite
d’
un vieux wagon d’aluminium déposé au bord de la route, dans une clairi
658
rs. Arrêt dans une auberge faite d’un vieux wagon
d’
aluminium déposé au bord de la route, dans une clairière et l’on est a
659
, dans une clairière et l’on est ami du patron et
de
la fille superbe qui nous sert le café après quelques échanges de phr
660
rbe qui nous sert le café après quelques échanges
de
phrases banales. Vivre ici serait une belle aventure intérieure. Air
661
k me disait l’autre jour : « Toutes les personnes
de
mon espèce s’arrangent pour avoir des maisons, cabanes, pavillons, ce
662
nes, pavillons, ce que vous voulez, à deux heures
de
New York par avion, ou à quatre ou cinq heures par l’autoroute, dans
663
t ans… New England Williamstown est le site
d’
un célèbre collège de jeunes gens. Nous y entrons par une avenue bordé
664
Williamstown est le site d’un célèbre collège
de
jeunes gens. Nous y entrons par une avenue bordée d’arbres immenses a
665
jeunes gens. Nous y entrons par une avenue bordée
d’
arbres immenses aux petites feuilles jaune vif et de larges bandes de
666
arbres immenses aux petites feuilles jaune vif et
de
larges bandes de gazons ; en retrait, des maisons de bois blanc d’un
667
ux petites feuilles jaune vif et de larges bandes
de
gazons ; en retrait, des maisons de bois blanc d’un ou deux étages, r
668
larges bandes de gazons ; en retrait, des maisons
de
bois blanc d’un ou deux étages, régulièrement espacées et spacieuses.
669
de gazons ; en retrait, des maisons de bois blanc
d’
un ou deux étages, régulièrement espacées et spacieuses. Au fond, l’ég
670
de toutes parts, sans une brise, un ruissellement
de
feuilles rondes, comme des pièces d’or. Je ne sais rien qui égale en
671
uissellement de feuilles rondes, comme des pièces
d’
or. Je ne sais rien qui égale en Europe la splendeur de l’indian summe
672
Je ne sais rien qui égale en Europe la splendeur
de
l’indian summer aux villages de Nouvelle-Angleterre. Un collège de
673
rope la splendeur de l’indian summer aux villages
de
Nouvelle-Angleterre. Un collège de jeunes filles dans le Vermont
674
ux villages de Nouvelle-Angleterre. Un collège
de
jeunes filles dans le Vermont Longue avenue sinueuse dans un parc
675
pente douce vers un bâtiment rouge. Parking sous
de
grands arbres aux branches horizontales. On nous conduit par des sent
676
s conduit par des sentiers dallés vers une maison
de
brique dominant le campus : vaste pelouse entourée d’une douzaine de
677
rique dominant le campus : vaste pelouse entourée
d’
une douzaine de bâtiments de bois blanc à un étage et toits d’ardoises
678
le campus : vaste pelouse entourée d’une douzaine
de
bâtiments de bois blanc à un étage et toits d’ardoises. Dans l’escali
679
aste pelouse entourée d’une douzaine de bâtiments
de
bois blanc à un étage et toits d’ardoises. Dans l’escalier de la mais
680
ne de bâtiments de bois blanc à un étage et toits
d’
ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique une toile de quatre m
681
c à un étage et toits d’ardoises. Dans l’escalier
de
la maison de brique une toile de quatre mètres de haut, long paraphe
682
et toits d’ardoises. Dans l’escalier de la maison
de
brique une toile de quatre mètres de haut, long paraphe blanc et roug
683
Dans l’escalier de la maison de brique une toile
de
quatre mètres de haut, long paraphe blanc et rouge sur un fond noir,
684
de la maison de brique une toile de quatre mètres
de
haut, long paraphe blanc et rouge sur un fond noir, signée Georges Ma
685
Je pousse des portes et me trouve dans une salle
de
théâtre, vide de sièges. Groupes de jeunes filles assises sur le parq
686
rtes et me trouve dans une salle de théâtre, vide
de
sièges. Groupes de jeunes filles assises sur le parquet, vêtues de co
687
ans une salle de théâtre, vide de sièges. Groupes
de
jeunes filles assises sur le parquet, vêtues de collants. Sur la scèn
688
s de jeunes filles assises sur le parquet, vêtues
de
collants. Sur la scène, on répète un ballet assez acrobatique et symb
689
obatique et symbolique. Cocktails dans le cottage
d’
un doyen de faculté. Une vingtaine de professeurs, pour la plupart aut
690
symbolique. Cocktails dans le cottage d’un doyen
de
faculté. Une vingtaine de professeurs, pour la plupart auteurs connus
691
s le cottage d’un doyen de faculté. Une vingtaine
de
professeurs, pour la plupart auteurs connus, poètes, romanciers, crit
692
eil ami suisse, Paul Boepple, chef du département
de
musique. (Il a dirigé le Roi David lors de sa création à Mézière, pui
693
istes américains, plus des deux tiers sans doute (
de
Faulkner aux plus jeunes compositeurs) vit ainsi, quelques mois par a
694
ce, dans les petites universités les mieux dotées
de
la côte Est ou de la Californie. Ils y enseignent en général la subst
695
es universités les mieux dotées de la côte Est ou
de
la Californie. Ils y enseignent en général la substance même, ou la t
696
des œuvres qu’ils sont en train d’écrire. Combien
d’
écrivains véritables, de peintres et de musiciens, se voient offrir ch
697
n train d’écrire. Combien d’écrivains véritables,
de
peintres et de musiciens, se voient offrir chez nous ces possibilités
698
e. Combien d’écrivains véritables, de peintres et
de
musiciens, se voient offrir chez nous ces possibilités — à tous égard
699
ces possibilités — à tous égards enrichissantes —
de
contact avec la jeunesse ? Le lendemain matin, j’assiste à une classe
700
esse ? Le lendemain matin, j’assiste à une classe
de
creative writing. Salle meublée comme un salon. Le professeur (qui es
701
moquette. La plupart sont en pantalon et blouses
de
sport. Quelques-unes ont gardé leurs bigoudis, comme cela se fait dan
702
oudis, comme cela se fait dans ce pays, la veille
d’
une fête ou le samedi. Elles s’installent longuement, disposant autour
703
. Elles s’installent longuement, disposant autour
d’
elles cendriers, paquets de cigarettes, blouses, cahiers et livres, et
704
ment, disposant autour d’elles cendriers, paquets
de
cigarettes, blouses, cahiers et livres, et leurs jambes sur des poufs
705
livres, et leurs jambes sur des poufs ou le bras
d’
un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’exa
706
ur annonce que la leçon sera consacrée à l’examen
d’
un court poème écrit par l’une d’entre elles, dont il taira le nom. Il
707
la pièce, puis la relit lentement. Une vingtaine
de
vers brefs, irréguliers. À la seconde lecture, je comprends qu’il s’a
708
. À la seconde lecture, je comprends qu’il s’agit
de
deux vieillards dans une cuisine regardant par la fenêtre une fin d’a
709
dans une cuisine regardant par la fenêtre une fin
d’
automne. Mais le réalisme du sujet — apparemment imposé — disparaît da
710
onyme. Plusieurs girls manifestent leur intention
de
s’exprimer en levant un doigt discret ou un très long fume-cigarette.
711
enter la discussion, à proposer quelques critères
de
jugement poétique. La « stratégie » de la pièce, l’emploi « stratégiq
712
s critères de jugement poétique. La « stratégie »
de
la pièce, l’emploi « stratégique » de certains mots leur donnant une
713
stratégie » de la pièce, l’emploi « stratégique »
de
certains mots leur donnant une efficacité particulière, semble son th
714
la préoccupation dominante, et presque la réalité
d’
une activité humaine quelconque, en l’occurrence l’expression littérai
715
’occurrence l’expression littéraire. Il est exclu
de
parler de sentiment, bien entendu, ça ne se fait plus, mais l’horizon
716
e l’expression littéraire. Il est exclu de parler
de
sentiment, bien entendu, ça ne se fait plus, mais l’horizon de cet ar
717
bien entendu, ça ne se fait plus, mais l’horizon
de
cet art poétique me paraît aussi sec et gris que l’automne abstraitem
718
eur tenue savamment négligée, parleront désormais
de
poésie avec l’assurance d’un expert diplômé par l’un des collèges les
719
e, parleront désormais de poésie avec l’assurance
d’
un expert diplômé par l’un des collèges les plus « avancés » de l’Amér
720
iplômé par l’un des collèges les plus « avancés »
de
l’Amérique. Pendant quatre ans, elles vivent ensemble dans ce luxueux
721
milieu des forêts du Vermont, quelques centaines
de
girls patiemment cultivées — humanités, religion, sciences, arts, mus
722
seront elles qui domineront la société américaine
de
demain, avec une infaillible compétence. Berkeley À une heure d
723
nfaillible compétence. Berkeley À une heure
de
San Francisco, l’une de plus grandes universités du monde : 36 000 ét
724
s sur tout l’État. Ici, à Berkeley, ils sont plus
de
25 000. Je vais y rencontrer une bonne trentaine de professeurs, en t
725
25 000. Je vais y rencontrer une bonne trentaine
de
professeurs, en tête-à-tête ou en groupe, déjeuner et dîner. J’arrive
726
campus, pour mon premier rendez-vous. Labyrinthe
d’
allées entre des bâtiments de style mal défini, allant du gothique xix
727
dez-vous. Labyrinthe d’allées entre des bâtiments
de
style mal défini, allant du gothique xixe siècle au fonctionnel 1950
728
ssant par le rococo américain 1910. Des centaines
d’
étudiants déambulent, se groupent au soleil ou sur des bancs, jonchent
729
chent les marches des divers halls. Beaucoup sont
de
couleur, toute nuance. Tous portent le même accoutrement si commode e
730
j’attends dans un corridor en lisant les panneaux
d’
annonces. Soudain, mon nom en très grosses lettres sur une affiche. «
731
tres sur une affiche. « À 3 heures, dans la Salle
de
Bal, D. de R., président du Congrès pour la liberté de la culture, et
732
e affiche. « À 3 heures, dans la Salle de Bal, D.
de
R., président du Congrès pour la liberté de la culture, et auteur de
733
l, D. de R., président du Congrès pour la liberté
de
la culture, et auteur de L’Amour et l’Occident donnera une conféren
734
Congrès pour la liberté de la culture, et auteur
de
L’Amour et l’Occident donnera une conférence sur La guerre totale e
735
Action, ADA. » On m’avait parlé, très vaguement,
d’
une éventuelle discussion avec un groupe de professeurs, portant sur u
736
ement, d’une éventuelle discussion avec un groupe
de
professeurs, portant sur un débat récent organisé à Berkeley entre Si
737
ns Morgenthau, et qui semble avoir fait du bruit,
d’
une côte à l’autre, mais c’est vraiment tout ce que j’en sais. La séri
738
is c’est vraiment tout ce que j’en sais. La série
de
mes rendez-vous commence quelques secondes après, je n’ai plus le tem
739
ce quelques secondes après, je n’ai plus le temps
de
m’inquiéter de rien. Tout occupé à satisfaire d’ardentes curiosités s
740
ondes après, je n’ai plus le temps de m’inquiéter
de
rien. Tout occupé à satisfaire d’ardentes curiosités sur l’union de l
741
de m’inquiéter de rien. Tout occupé à satisfaire
d’
ardentes curiosités sur l’union de l’Europe et le Marché commun que l’
742
pé à satisfaire d’ardentes curiosités sur l’union
de
l’Europe et le Marché commun que l’Amérique découvre subitement, et d
743
ine ; et l’on me conduit sur l’estrade. Fragments
d’
interventions des trois célèbres philosophes et sociologues, transmis
744
la fois rouges et morts. » Ils ont parlé surtout
de
la guerre froide et de la Bombe, et très peu des valeurs occidentales
745
s. » Ils ont parlé surtout de la guerre froide et
de
la Bombe, et très peu des valeurs occidentales. Je vois donc ce qui m
746
vois donc ce qui me reste à faire. Improvisation
d’
une demi-heure. Sachant que mon auditoire est composé d’étudiants « tr
747
demi-heure. Sachant que mon auditoire est composé
d’
étudiants « très à gauche » et dont plusieurs se demandent, m’a-t-on d
748
, m’a-t-on dit, si l’URSS ne détient pas les clés
de
l’avenir du monde uni, je leur rappelle que c’est l’Europe qui a fait
749
’Europe qui a fait le monde, en créant les moyens
de
relier les continents et en formulant les valeurs d’où résulte le con
750
relier les continents et en formulant les valeurs
d’
où résulte le concept de genre humain. Je leur rappelle aussi que le c
751
en formulant les valeurs d’où résulte le concept
de
genre humain. Je leur rappelle aussi que le communisme russe est une
752
le aussi que le communisme russe est une création
de
l’Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’était fait, protestant, é
753
fait pas plus Européen.) Où sont les successeurs
de
l’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à
754
urs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est
de
rattraper l’Amérique, qui est une invention de l’Europe. Croyons à no
755
st de rattraper l’Amérique, qui est une invention
de
l’Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce que le monde
756
eurs et prouvons-le, c’est ce que le monde attend
de
nous, pour nous rejoindre en fin de compte, Russes compris. J’ai term
757
ois 42 par écrit. Rien n’est plus caractéristique
de
l’opinion actuelle des jeunes Américains. J’en recopie quelques exemp
758
recopie quelques exemples : « Le plus grand homme
de
notre temps était Gandhi. Pourquoi ne pas défendre nos valeurs en éta
759
s politiques actuelles ? » « Comment la nécessité
de
l’action individuelle peut-elle être présentée de telle manière qu’el
760
de l’action individuelle peut-elle être présentée
de
telle manière qu’elle ne soit pas méprisée comme un simple sermon ? »
761
et nos chères valeurs occidentales sont détruites
de
toute façon. » « Admettez-vous que l’État-nation est une conception a
762
des marchés communs peut conduire à la formation
de
communautés internationales permettant le désarmement nucléaire ? » «
763
que. — Près de Stanford, autre université voisine
de
San Francisco, 9000 étudiants seulement, mais un très haut niveau int
764
intellectuel, la Fondation Ford a créé un Centre
d’
études avancées pour les sciences du comportement. Un club-house domin
765
club-house domine la colline : restaurant, salles
de
réunions, piscine, en style champêtre ultramoderne. Tout autour, sur
766
moderne. Tout autour, sur les pentes, des rangées
de
cabanes d’une seule pièce dénommée cubicles sont réservées aux moines
767
ut autour, sur les pentes, des rangées de cabanes
d’
une seule pièce dénommée cubicles sont réservées aux moines laïques qu
768
ux moines laïques qui viennent y passer une année
d’
études personnelles et de conversations approfondies avec les collègue
769
nnent y passer une année d’études personnelles et
de
conversations approfondies avec les collègues d’autres branches. Quar
770
huit professeurs choisis parmi les plus brillants
de
tout le continent (il y a 3000 candidatures par an) composent l’écuri
771
y a 3000 candidatures par an) composent l’écurie
de
course de l’année. J’ai déjeuné avec plusieurs d’entre eux, puis une
772
candidatures par an) composent l’écurie de course
de
l’année. J’ai déjeuné avec plusieurs d’entre eux, puis une vingtaine
773
x, puis une vingtaine sont venus discuter le plan
d’
une conférence sur l’Europe et le monde que je leur ai brièvement expo
774
ur ai brièvement exposé. Critiques et suggestions
d’
une pertinence parfaite. Je visite la colline avec Abe Lerner, économi
775
e philosophe et sociologue. « Je n’ai jamais fait
de
ma vie autant de mathématiques, me dit ce dernier, c’est le langage c
776
ociologue. « Je n’ai jamais fait de ma vie autant
de
mathématiques, me dit ce dernier, c’est le langage commun que nous av
777
qui ressemble à ce concours des meilleurs esprits
d’
avant-garde. D’un instrument pareil nous ferions sans nul doute un usa
778
ce concours des meilleurs esprits d’avant-garde.
D’
un instrument pareil nous ferions sans nul doute un usage assez différ
779
cènes ? 2. VIP : Very important person. Se dit
de
quelques centaines de responsables de la vie américaine, très connus,
780
ry important person. Se dit de quelques centaines
de
responsables de la vie américaine, très connus, très riches, ou puiss
781
son. Se dit de quelques centaines de responsables
de
la vie américaine, très connus, très riches, ou puissants dans l’admi
782
inistration ou les affaires. u. Rougemont Denis
de
, « Universités américaines : notes d’un journal de voyage », Gazette
783
emont Denis de, « Universités américaines : notes
d’
un journal de voyage », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), L
784
e, « Universités américaines : notes d’un journal
de
voyage », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 12–1
785
icaines : notes d’un journal de voyage », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 12–13 janvier 1963, p. 13
786
janvier 1963, p. 13 et 19. v. Sous-titré « Notes
d’
un journal de voyage », ce texte est introduit par le chapeau suivant
787
p. 13 et 19. v. Sous-titré « Notes d’un journal
de
voyage », ce texte est introduit par le chapeau suivant : « “J’ai ret
788
nis de Rougemont en automne 1961, dans le journal
de
voyage dont il a bien voulu détacher quelques pages à notre intention
789
nesse curieuse, imprévue, qui assaille l’écrivain
de
questions sur Marx et l’Europe, dans des universités très différentes
790
couvre des institutions dont l’Europe ferait bien
de
s’inspirer. »
791
la existe… (2-3 février 1963)w x Le problème «
d’
exprimer ce que cela veut dire d’être d’Yverdon, de Féchy » relève, me
792
Le problème « d’exprimer ce que cela veut dire
d’
être d’Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il, de la sociologie pl
793
roblème « d’exprimer ce que cela veut dire d’être
d’
Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt qu
794
’exprimer ce que cela veut dire d’être d’Yverdon,
de
Féchy » relève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt que de la lit
795
tre d’Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il,
de
la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue
796
lève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt que
de
la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à
797
raiment plus facile à expliquer ? A-t-on vraiment
de
meilleures chances ? L’idée que la littérature ait pour fonction d’ex
798
ces ? L’idée que la littérature ait pour fonction
d’
exprimer l’homme en tant que national ou régional — homo helveticus da
799
ette idée m’est tellement étrangère que je crains
de
ne pouvoir rendre justice à la problématique de M. Tauxe. Je sais bie
800
s de ne pouvoir rendre justice à la problématique
de
M. Tauxe. Je sais bien que ce souci « quasi obsessionnel » bloque bea
801
e ce souci « quasi obsessionnel » bloque beaucoup
d’
esprits dans nos cantons romands. Un seul en a tiré une œuvre forte, c
802
et à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays
de
Vaud, réduit aux vignes, et pimenté d’exotisme valaisan. « Entre nous
803
qu’au pays de Vaud, réduit aux vignes, et pimenté
d’
exotisme valaisan. « Entre nous, nous sommes racistes », me disait-il
804
e, même existentialiste. Il s’est fait un langage
de
peintre, en prose. Plutôt que d’une « rationalité adéquate », le jeun
805
fait un langage de peintre, en prose. Plutôt que
d’
une « rationalité adéquate », le jeune Suisse romand qui veut écrire n
806
t écrire n’aurait-il pas besoin, tout simplement,
de
ce qu’on appelle en France la classe de rhétorique ? Je ne sens pas q
807
mplement, de ce qu’on appelle en France la classe
de
rhétorique ? Je ne sens pas que ce soit aux « préjugés spiritualistes
808
Tout cela n’a rien à voir avec Calvin, spirituel
de
plein vent, et de langue assurée — et les remarques de M. Tauxe sur c
809
n à voir avec Calvin, spirituel de plein vent, et
de
langue assurée — et les remarques de M. Tauxe sur ce point sont aussi
810
ein vent, et de langue assurée — et les remarques
de
M. Tauxe sur ce point sont aussi justes qu’opportunes. Quelles sont l
811
nces particulières du Suisse romand ? Bénéficiant
d’
une structure sociale, politique et religieuse, exemplairement fédéral
812
irement fédéraliste et pluraliste, qui lui permet
de
participer à tout un jeu de dimensions spirituelles et physiques, les
813
liste, qui lui permet de participer à tout un jeu
de
dimensions spirituelles et physiques, les unes très vastes et presque
814
êche nullement Cendrars ou Cingria. On nous parle
de
révolte, de crise et d’analyse, d’inhibitions, de pièges, de frustrat
815
nt Cendrars ou Cingria. On nous parle de révolte,
de
crise et d’analyse, d’inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’o
816
ou Cingria. On nous parle de révolte, de crise et
d’
analyse, d’inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’on se plaint
817
On nous parle de révolte, de crise et d’analyse,
d’
inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’on se plaint de manquer
818
de révolte, de crise et d’analyse, d’inhibitions,
de
pièges, de frustrations, et l’on se plaint de manquer d’instruments a
819
de crise et d’analyse, d’inhibitions, de pièges,
de
frustrations, et l’on se plaint de manquer d’instruments adéquats pou
820
ns, de pièges, de frustrations, et l’on se plaint
de
manquer d’instruments adéquats pour exprimer ces thèmes rebattus ! Si
821
es, de frustrations, et l’on se plaint de manquer
d’
instruments adéquats pour exprimer ces thèmes rebattus ! Si cela ne do
822
us rien, n’est-ce pas le signe qu’il serait temps
de
se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouve
823
s ta pensée maîtresse, et non que tu t’es échappé
d’
un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’éloge
824
u t’es échappé d’un joug. » w. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert
825
ert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 2–3 février 1963, p. 20.
826
Lausanne, 2–3 février 1963, p. 20. x. Il s’agit
d’
une réponse à l’enquête « Homo helveticus : existe-t-il en Suisse roma
827
ougemont était en Amérique, il lui arriva un jour
de
décrocher son téléphone, et d’entendre à l’autre bout du fil une voix
828
lui arriva un jour de décrocher son téléphone, et
d’
entendre à l’autre bout du fil une voix annoncer : “Ici Albert Einstei
829
oirée chez moi ? » Un feu pétillait dans le salon
de
Ferney, Denis de Rougemont me racontait l’histoire, et à mon tour j’e
830
urt. Voilà donc, parmi les innombrables chasseurs
de
mythes qui écrivent aujourd’hui des livres, un de ceux qui a fait, av
831
de mythes qui écrivent aujourd’hui des livres, un
de
ceux qui a fait, avec simplicité, les prises les plus sensationnelles
832
iète, dis-je. L’Amour et l’Occident vous a valu
de
beaux triomphes. Les hypothèses que vous aviez lancées alors sur les
833
an-Paul Sartre, ont été confirmées avec éclat par
de
récents travaux d’érudition. Bon. Mais vous tentiez aussi d’expliquer
834
été confirmées avec éclat par de récents travaux
d’
érudition. Bon. Mais vous tentiez aussi d’expliquer l’homme contempora
835
travaux d’érudition. Bon. Mais vous tentiez aussi
d’
expliquer l’homme contemporain. Et lui, depuis quelques années, me sem
836
êmes ne veulent plus exprimer la part instinctive
de
l’homme, ce que j’appelle son animisme. Les musiciens (comme le dit A
837
t Ansermet), les peintres, les écrivains refusent
de
donner forme à l’irrationnel, ils ne veulent plus être poètes, ils ca
838
nt plus être poètes, ils calculent, ils cherchent
de
façon purement intellectuelle de nouveaux langages… Ce qui nous donne
839
t, ils cherchent de façon purement intellectuelle
de
nouveaux langages… Ce qui nous donne une impression de sécheresse, d’
840
uveaux langages… Ce qui nous donne une impression
de
sécheresse, d’épuisement. Ne croyez-vous pas que l’Europe est épuisée
841
… Ce qui nous donne une impression de sécheresse,
d’
épuisement. Ne croyez-vous pas que l’Europe est épuisée ? Absolument p
842
Ils attendent que nous soyons tout à fait sortis
de
cette période d’anarchie, que nous mettions en place de nouvelles con
843
e nous soyons tout à fait sortis de cette période
d’
anarchie, que nous mettions en place de nouvelles conventions, de nouv
844
te période d’anarchie, que nous mettions en place
de
nouvelles conventions, de nouvelles contraintes. Et alors nous aurons
845
nous mettions en place de nouvelles conventions,
de
nouvelles contraintes. Et alors nous aurons de nouveau l’envie de nou
846
traintes. Et alors nous aurons de nouveau l’envie
de
nous libérer de quelque chose. Mais la société européenne n’a jamais
847
rs nous aurons de nouveau l’envie de nous libérer
de
quelque chose. Mais la société européenne n’a jamais été moins asserv
848
asservie par les impératifs ou par les interdits
de
la religion… Moi, je crois que le christianisme a repris sa marche en
849
e le christianisme a repris sa marche en avant. …
de
la morale et de la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que
850
me a repris sa marche en avant. … de la morale et
de
la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que les mythes puis
851
orale et de la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus
d’
obstacles que les mythes puissent tenter de vaincre. Pardon ! Il s’en
852
a plus d’obstacles que les mythes puissent tenter
de
vaincre. Pardon ! Il s’en crée maintenant d’énormes et d’inédits. La
853
nter de vaincre. Pardon ! Il s’en crée maintenant
d’
énormes et d’inédits. La terre se surpeuple. Chaque être est tellement
854
re. Pardon ! Il s’en crée maintenant d’énormes et
d’
inédits. La terre se surpeuple. Chaque être est tellement enserré par
855
régler, réglementer minutieusement chaque détail
de
notre vie, de nos comportements ; ou bien déclencher des catastrophes
856
menter minutieusement chaque détail de notre vie,
de
nos comportements ; ou bien déclencher des catastrophes. Tout de même
857
e au même rythme, en 2260 il y aura 700 milliards
d’
hommes, ce qui fera un homme tous les dix mètres. En 2400, nous aurons
858
00, nous aurons un mètre carré chacun. Dans moins
de
440 ans ! Bien sûr, la statistique aboutit à l’absurde (en 2500, pers
859
onne ne pourrait s’asseoir sans écraser les pieds
d’
un autre), mais comment ne pas voir le problème ? Aujourd’hui déjà, no
860
roblème ? Aujourd’hui déjà, notre vie est balisée
de
feux verts, de feux rouges et de feux clignotants. Nous les respecton
861
rd’hui déjà, notre vie est balisée de feux verts,
de
feux rouges et de feux clignotants. Nous les respectons, parce qu’en
862
vie est balisée de feux verts, de feux rouges et
de
feux clignotants. Nous les respectons, parce qu’en les violant nous n
863
parce qu’en les violant nous nous condamnerions à
de
terribles accidents. Moralité : l’homme tourne à l’automate, il perd
864
e à l’automate, il perd sa liberté, son épaisseur
de
vie, il ressemble à ces montres extraplates… Justement ! Et c’est ce
865
es… Justement ! Et c’est ce qui prépare le réveil
de
très vieux instincts, de très vieux mythes. Vous savez, l’être humain
866
ce qui prépare le réveil de très vieux instincts,
de
très vieux mythes. Vous savez, l’être humain n’a pas changé dans ses
867
’a pas changé dans ses profondeurs, Jung a montré
de
quelles couches immémorialement superposées, entrelacées, notre moi s
868
er soudain, quelles que soient les circonstances,
de
nouvelles portes de sortie. Jung a écrit précisément que l’archétype
869
que soient les circonstances, de nouvelles portes
de
sortie. Jung a écrit précisément que l’archétype de la Femme a gardé
870
sortie. Jung a écrit précisément que l’archétype
de
la Femme a gardé son rôle primordial. Mais oui. Les troubadours ne l’
871
onné une forme nouvelle. Cette forme lui a permis
de
prendre un envol extraordinaire. Croyez-vous que l’étude systématique
872
e et du xiie siècle nous donnerait des éléments
d’
appréciation pour le xxie ? On peut tracer des perspectives. On ne pe
873
es. On ne peut pas prophétiser. Il y a un auteur
d’
anticipation qui a longuement parlé, lui aussi, du surpeuplement, du r
874
rlé, lui aussi, du surpeuplement, du resserrement
de
l’humanité. C’est Teilhard de Chardin. Et précisément la femme a dans
875
Et précisément la femme a dans son œuvre la place
d’
un symbole et d’une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par
876
a femme a dans son œuvre la place d’un symbole et
d’
une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par exemple un text
877
Parfaitement. J’ai là par exemple un texte inédit
de
Teilhard. Il faudra que j’en parle à Lausanne. Voyez ce passage : le
878
d’ailleurs a eu dans sa vie un grand amour) parle
de
la Chasteté comme d’un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans
879
sa vie un grand amour) parle de la Chasteté comme
d’
un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmeme
880
rand amour) parle de la Chasteté comme d’un moyen
de
parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmement proches
881
iie siècle. La Chasteté n’est pas le refoulement
de
l’amour, la négation de la Femme. C’est au contraire une approche de
882
n’est pas le refoulement de l’amour, la négation
de
la Femme. C’est au contraire une approche de la Femme. Une sublimatio
883
tion de la Femme. C’est au contraire une approche
de
la Femme. Une sublimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’êtr
884
rminé notre entretien, ici commence la conférence
de
Denis de Rougemont. « Les modernes — écrivait-il — croient qu’il exis
885
es — écrivait-il — croient qu’il existe une sorte
de
nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
886
que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies
de
civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
887
civilisés dans une confusion proprement insensée
de
religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
888
et rarement tout à fait comprises et pratiquées ;
de
morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou se combinent à l
889
i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan
de
nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais d’autant plus
890
à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ;
de
complexes ignorés, mais d’autant plus actifs… » N’accueillons pas san
891
nduites élémentaires ; de complexes ignorés, mais
d’
autant plus actifs… » N’accueillons pas sans reconnaissance l’homme ca
892
cueillons pas sans reconnaissance l’homme capable
de
nous dire savamment, certes, mais avec une fougue et une simplicité d
893
avec une fougue et une simplicité devenues rares,
de
quelle manière, à son avis, nous devons nous comprendre. y. Rougem
894
ous devons nous comprendre. y. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller », Gazet
895
hes sommeillent… ils vont se réveiller », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 9–10 février 1963, p. 17-
896
Il nous faut des hommes
de
synthèses (19-20 septembre 1964)aa Le mythe de la tour de Babel me
897
de synthèses (19-20 septembre 1964)aa Le mythe
de
la tour de Babel me paraît l’un des plus vivants, des plus actuels, e
898
s (19-20 septembre 1964)aa Le mythe de la tour
de
Babel me paraît l’un des plus vivants, des plus actuels, et aussi des
899
, des plus actuels, et aussi des plus angoissants
de
ceux que nous a légués l’Antiquité proche-orientale, si étroitement m
900
ement mêlée aux origines helléniques et bibliques
de
la culture d’Europe. L’interprétation la plus éclairante de ce mythe
901
x origines helléniques et bibliques de la culture
d’
Europe. L’interprétation la plus éclairante de ce mythe me paraît avoi
902
ure d’Europe. L’interprétation la plus éclairante
de
ce mythe me paraît avoir été donnée par Dante en son Traité de l’éloq
903
e paraît avoir été donnée par Dante en son Traité
de
l’éloquence vulgaire, au chapitre septième du 1er livre. Traduisons s
904
ci : L’homme entreprit, dans son cœur incurable,
de
dépasser par ses artifices non seulement la Nature, mais le Naturant,
905
, mais le Naturant, qui est Dieu, et il entreprit
d’
édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite appelée Babel, ce qui veut
906
t escalader le Ciel : tentant ainsi non seulement
d’
égaler mais de surpasser son Créateur. Tant et si bien que presque tou
907
Ciel : tentant ainsi non seulement d’égaler mais
de
surpasser son Créateur. Tant et si bien que presque tout le genre hum
908
sque tout le genre humain collabora à cette œuvre
d’
iniquité. Une partie d’entre eux commandait, une partie dressait les p
909
tre eux commandait, une partie dressait les plans
d’
architecture, une partie construisait les murs ; les uns travaillaient
910
it les murs ; les uns travaillaient du cordeau et
de
l’équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierr
911
llaient du cordeau et de l’équerre, et les autres
de
la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que d’autres convo
912
, entre eux, et ceux qui les taillaient, et ainsi
de
chaque groupe spécialisé (et sic de singulis operantibus). Mais autan
913
ent, et ainsi de chaque groupe spécialisé (et sic
de
singulis operantibus). Mais autant d’activités variées, autant d’idio
914
isé (et sic de singulis operantibus). Mais autant
d’
activités variées, autant d’idiomes différents divisant le genre humai
915
antibus). Mais autant d’activités variées, autant
d’
idiomes différents divisant le genre humain. Et plus ils excellaient d
916
à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé
de
prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant d’impré
917
à l’œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant
d’
imprécations la folie des travailleurs et les tournant en dérision. A
918
les tournant en dérision. Ainsi donc, l’origine
de
la diversité des langues ne serait autre que la spécialisation des mé
919
écialisation des métiers et par suite des jargons
de
métier — spécialisation exigée par les dimensions mêmes d’un projet q
920
— spécialisation exigée par les dimensions mêmes
d’
un projet qui consistait à dépasser la mesure naturelle par l’artifice
921
mesure naturelle par l’artifice humain. L’oubli
de
l’unité Ceci m’évoque d’abord la description de l’Europe que nous
922
e l’unité Ceci m’évoque d’abord la description
de
l’Europe que nous donnait Paul Valéry dans sa célèbre Lettre sur la s
923
e à modifier les données initiales « naturelles »
de
la vie, non plus (comme on le faisait il y a quelques siècles) pour r
924
des besoins certains et à des nécessités limitées
de
cette même vie — mais comme inspirés de créer une forme d’existence t
925
limitées de cette même vie — mais comme inspirés
de
créer une forme d’existence tout artificielle… » Au-delà de cette Eur
926
même vie — mais comme inspirés de créer une forme
d’
existence tout artificielle… » Au-delà de cette Europe décrite par Val
927
ne forme d’existence tout artificielle… » Au-delà
de
cette Europe décrite par Valéry, l’interprétation de Dante me paraît
928
cette Europe décrite par Valéry, l’interprétation
de
Dante me paraît valable pour le monde moderne tout entier. Et, à l’in
929
semble indiquer qu’elle devrait résumer le monde
de
l’esprit, l’ensemble de nos activités intellectuelles, et donc artifi
930
devrait résumer le monde de l’esprit, l’ensemble
de
nos activités intellectuelles, et donc artificielles — elle fait song
931
surée qu’il faut, pour l’édifier, diviser maîtres
d’
œuvre et ouvriers en équipes spécialisées et qui bientôt ne se compren
932
ité et ses diverses facultés, et les subdivisions
de
ces facultés, et tous les instituts spécialisés qui, autour d’elles o
933
és, et tous les instituts spécialisés qui, autour
d’
elles ou en elles, prolifèrent. Dans la page que je viens de vous lire
934
s la page que je viens de vous lire sur l’origine
de
la pluralité des langues, Dante a posé implicitement le problème beau
935
é implicitement le problème beaucoup plus général
de
ce qui divise les hommes depuis l’aube des temps : les langues certes
936
savoir des autres, et enfin, et surtout, l’oubli
de
l’unité, l’étrange oubli des buts finaux de l’existence dans lequel n
937
oubli de l’unité, l’étrange oubli des buts finaux
de
l’existence dans lequel nous voyons s’enfoncer, inexorablement, le sp
938
nfoncer, inexorablement, le spécialiste. Essayons
de
poser le problème dans son ensemble, à l’échelle planétaire. Nous ass
939
me semble-t-il, au xxe siècle, à deux mouvements
de
sens contraire, qui affectent ces facteurs traditionnels de division
940
ntraire, qui affectent ces facteurs traditionnels
de
division du genre humain. Mouvement de convergence à grande échelle,
941
ditionnels de division du genre humain. Mouvement
de
convergence à grande échelle, d’une part. Les distances sont presque
942
ations tendent à se regrouper et à s’organiser en
de
vastes ensembles, par continents, et d’abord en Europe. Les races qui
943
races qui s’ignoraient jadis au point qu’un homme
de
couleur différente ne semblait pas vraiment humain, se reconnaissent
944
a le métissage universel, après un certain nombre
de
conflits peut-être atroces, mais dont l’issue n’est pas douteuse. Les
945
ltures entrent en dialogue, sur un pied théorique
d’
égalité, au lendemain de l’ère coloniale. Pour le moment et pour des d
946
ue, sur un pied théorique d’égalité, au lendemain
de
l’ère coloniale. Pour le moment et pour des décennies encore, c’est l
947
mine tout, unifie tout, uniformise les apparences
de
la vie quotidienne sur toute la terre. Les langues elles-mêmes, ce pl
948
elles-mêmes, ce plus ancien symbole des divisions
de
l’humanité, s’interpénètrent, et certaines s’universalisent. On n’a j
949
nes s’universalisent. On n’a jamais autant appris
de
deuxièmes et de troisièmes langues. On n’a jamais autant traduit et d
950
sent. On n’a jamais autant appris de deuxièmes et
de
troisièmes langues. On n’a jamais autant traduit et déchiffré. Et des
951
der quelles sont les causes, le moteur et l’agent
de
ce mouvement universel de convergence ? La réponse me paraît évidente
952
s, le moteur et l’agent de ce mouvement universel
de
convergence ? La réponse me paraît évidente. C’est l’Europe, c’est el
953
’Europe a découvert la terre entière, et personne
d’
autre n’est jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine et judéo-
954
éco-romaine et judéo-chrétienne a conçu la notion
de
genre humain, si longtemps étrangère, voire répugnante, à l’Asie brah
955
nation puis à la suppression — mais après combien
de
siècles — de l’esclavage. Le droit des gens valable pour toute race e
956
la suppression — mais après combien de siècles —
de
l’esclavage. Le droit des gens valable pour toute race est une créati
957
des gens valable pour toute race est une création
de
l’Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abord en réaction à
958
Kant en sont les pères, et je ne leur vois guère
de
répondant dans les élites d’Asie, d’Arabie et d’Afrique, à part Gandh
959
e ne leur vois guère de répondant dans les élites
d’
Asie, d’Arabie et d’Afrique, à part Gandhi. Enfin l’Europe, par sa tec
960
r vois guère de répondant dans les élites d’Asie,
d’
Arabie et d’Afrique, à part Gandhi. Enfin l’Europe, par sa technique,
961
de répondant dans les élites d’Asie, d’Arabie et
d’
Afrique, à part Gandhi. Enfin l’Europe, par sa technique, a mis en rel
962
onde, devenu désormais unité théorique et système
de
relations pratiques. L’Europe et l’Europe seule a fait tout cela, par
963
ences, par sa technique enfin, résultante moderne
de
cet ensemble de principes fondamentaux, de tensions, de contestations
964
chnique enfin, résultante moderne de cet ensemble
de
principes fondamentaux, de tensions, de contestations, de créations e
965
oderne de cet ensemble de principes fondamentaux,
de
tensions, de contestations, de créations et de formes de vie — disons
966
ensemble de principes fondamentaux, de tensions,
de
contestations, de créations et de formes de vie — disons d’un mot : p
967
ipes fondamentaux, de tensions, de contestations,
de
créations et de formes de vie — disons d’un mot : par sa culture, qui
968
x, de tensions, de contestations, de créations et
de
formes de vie — disons d’un mot : par sa culture, qui a fait littéral
969
ions, de contestations, de créations et de formes
de
vie — disons d’un mot : par sa culture, qui a fait littéralement le t
970
ations, de créations et de formes de vie — disons
d’
un mot : par sa culture, qui a fait littéralement le tour du monde. Ma
971
clame, fût-ce pour les retourner contre l’Europe,
de
ses doctrines politiques et sociales, et de certaines de ses valeurs
972
rope, de ses doctrines politiques et sociales, et
de
certaines de ses valeurs — en même temps se manifeste et se prononce,
973
doctrines politiques et sociales, et de certaines
de
ses valeurs — en même temps se manifeste et se prononce, précisément
974
se manifeste et se prononce, précisément au cœur
de
sa culture qui fut l’agent de la convergence mondiale, un mouvement r
975
précisément au cœur de sa culture qui fut l’agent
de
la convergence mondiale, un mouvement radicalement contraire de diver
976
nce mondiale, un mouvement radicalement contraire
de
divergence. Ce mouvement de dissociation, de division et de séparatio
977
adicalement contraire de divergence. Ce mouvement
de
dissociation, de division et de séparation, qui est proprement babéli
978
aire de divergence. Ce mouvement de dissociation,
de
division et de séparation, qui est proprement babélique, ne me paraît
979
nce. Ce mouvement de dissociation, de division et
de
séparation, qui est proprement babélique, ne me paraît nulle part plu
980
que dans nos universités. Tout le monde sait ici
de
quoi je veux parler : nous assistons en fait à une double explosion a
981
t à une double explosion au sein des institutions
d’
enseignement supérieur : explosion du savoir, qui se traduit par un ac
982
un accroissement continuel à la fois du nombre et
de
l’exclusivité des spécialisations dans le cadre distendu des facultés
983
n des effectifs estudiantins, résultant à la fois
de
l’accroissement des populations et la démocratisation des études.
984
autres avec une vitesse croissante, comme autant
de
galaxies dans le cosmos en expansion vertigineuse que nous décrivent
985
que nous décrivent les astronomes contemporains.
D’
où résultent les deux conséquences qui définissent le phénomène de Bab
986
es deux conséquences qui définissent le phénomène
de
Babel : la disparition rapide de toute langue commune, remplacée par
987
ent le phénomène de Babel : la disparition rapide
de
toute langue commune, remplacée par une multiplicité de langages spéc
988
te langue commune, remplacée par une multiplicité
de
langages spéciaux de moins en moins traduisibles, et l’évanouissement
989
mplacée par une multiplicité de langages spéciaux
de
moins en moins traduisibles, et l’évanouissement progressif de la con
990
oins traduisibles, et l’évanouissement progressif
de
la conscience du but commun, des fins dernières de l’entreprise, qui
991
e la conscience du but commun, des fins dernières
de
l’entreprise, qui se perdent dans les nuées de l’inconcevable. Mais d
992
es de l’entreprise, qui se perdent dans les nuées
de
l’inconcevable. Mais dire que tout langage commun se perd, entre les
993
liées du savoir, c’est dire que la commune mesure
d’
une civilisation est en train de s’évanouir — j’entends par là, sa con
994
n de s’évanouir — j’entends par là, sa conception
de
l’homme universel, cet idéal capable d’inspirer et d’orienter la pens
995
onception de l’homme universel, cet idéal capable
d’
inspirer et d’orienter la pensée, le sentiment et l’action non seuleme
996
’homme universel, cet idéal capable d’inspirer et
d’
orienter la pensée, le sentiment et l’action non seulement des esprits
997
t l’action non seulement des esprits créateurs et
de
la jeunesse européenne, mais aussi des hommes d’outre-mer qui viennen
998
de la jeunesse européenne, mais aussi des hommes
d’
outre-mer qui viennent chez nous en pèlerinage aux sources vives de la
999
iennent chez nous en pèlerinage aux sources vives
de
la nouvelle culture mondiale. Mais qu’il n’y ait plus, ou presque plu
1000
ndiale. Mais qu’il n’y ait plus, ou presque plus,
de
langage commun, et que les buts finaux s’obscurcissent, il faut bien
1001
t dire aussi, très concrètement, qu’il n’y a plus
d’
Université aux deux sens primitifs de l’universitas, qui sont le sens
1002
l n’y a plus d’Université aux deux sens primitifs
de
l’universitas, qui sont le sens corporatif, communautaire, et le sens
1003
s agglomérats ou juxtapositions souvent fortuites
d’
écoles professionnelles et d’instituts de recherches n’ayant plus d’au
1004
ns souvent fortuites d’écoles professionnelles et
d’
instituts de recherches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux d’u
1005
ortuites d’écoles professionnelles et d’instituts
de
recherches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux d’une administr
1006
erches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux
d’
une administration en outre accablée de soucis matériels et qui a d’au
1007
s que ceux d’une administration en outre accablée
de
soucis matériels et qui a d’autres chats à fouetter que de méditer su
1008
matériels et qui a d’autres chats à fouetter que
de
méditer sur la synthèse des facultés de l’esprit humain. La juxtaposi
1009
etter que de méditer sur la synthèse des facultés
de
l’esprit humain. La juxtaposition de facultés étanches ne fait pas pl
1010
des facultés de l’esprit humain. La juxtaposition
de
facultés étanches ne fait pas plus une université qu’une addition d’o
1011
s ne fait pas plus une université qu’une addition
d’
organes ne fait un corps vivant. Regardons cela d’un peu plus près. Su
1012
d’organes ne fait un corps vivant. Regardons cela
d’
un peu plus près. Sur l’explosion des effectifs, nous disposons d’une
1013
ès. Sur l’explosion des effectifs, nous disposons
d’
une grande richesse de statistiques. Un seul exemple peut suffire ici
1014
s effectifs, nous disposons d’une grande richesse
de
statistiques. Un seul exemple peut suffire ici : le nombre des étudia
1015
ire ici : le nombre des étudiants en France était
de
42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’
1016
udiants en France était de 42 000 en 1924, il est
d’
environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans un
1017
viron 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera
de
500 000 dans une dizaine d’années. (Seules n’auront pu varier les dim
1018
on prévoit qu’il sera de 500 000 dans une dizaine
d’
années. (Seules n’auront pu varier les dimensions des salles de la Sor
1019
ules n’auront pu varier les dimensions des salles
de
la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasent une heure avant les gra
1020
e 85 % des scientifiques ayant vécu depuis l’aube
de
l’histoire, sont vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait un jo
1021
disait un jour : si vous et moi, dans nos années
d’
études, il y a 30 à 35 ans, avions appris toute la chimie et n’en avio
1022
vions rien oublié, nous ne saurions qu’un dixième
de
ce qu’elle est aujourd’hui. Ces données numériques, que je prends pou
1023
ie, génétique) et peut-être en psychologie ; rien
de
comparable ne s’est produit et ne saurait se produire dans la théolog
1024
i dans les lettres. Mais cette disparité n’a rien
de
rassurant, tout au contraire : elle accroît la séparation et les dist
1025
re le savoir et le croire, entre ces deux aspects
de
la personne totale, jadis but et module de tout l’effort de l’Univers
1026
spects de la personne totale, jadis but et module
de
tout l’effort de l’Université au plein sens de son nom (Univers, univ
1027
onne totale, jadis but et module de tout l’effort
de
l’Université au plein sens de son nom (Univers, universitas, selon l’
1028
le de tout l’effort de l’Université au plein sens
de
son nom (Univers, universitas, selon l’étymologie chère à Claudel, ve
1029
t considérer comme un grand appareil distributeur
d’
informations, au sens cybernétique du terme, cesse de fonctionner norm
1030
nformations, au sens cybernétique du terme, cesse
de
fonctionner normalement quand les informations ne peuvent plus être é
1031
ntre les branches du savoir, ou entre les rameaux
d’
une même branche. Les jugements d’ensemble, rapportés à quelque unité
1032
tre les rameaux d’une même branche. Les jugements
d’
ensemble, rapportés à quelque unité globale de conception, soit origin
1033
nts d’ensemble, rapportés à quelque unité globale
de
conception, soit originelle soit finale, ne peuvent dès lors plus s’e
1034
e la théologie ait gardé ses pouvoirs régulateurs
de
l’ensemble de nos croyances : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’œ
1035
ait gardé ses pouvoirs régulateurs de l’ensemble
de
nos croyances : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un phys
1036
rs de l’ensemble de nos croyances : un théologien
d’
aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un physicien, ne serait plus en mesure d
1037
ces : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’œuvre
d’
un physicien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’Église juge
1038
l’œuvre d’un physicien, ne serait plus en mesure
de
le juger comme l’Église jugea Galilée, parce que, tout simplement, il
1039
arce que, tout simplement, il ne comprendrait pas
de
quoi parle le physicien, et a fortiori ne saurait pas si le rapport e
1040
tre les conclusions du physicien et la dogmatique
de
l’Église doit être estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute q
1041
bablement ne s’en soucierait pas. Ainsi chacun va
de
son côté, et les représentants des disciplines diverses n’ont souvent
1042
udes quotidiennes ou des préjugés mutuels hérités
de
conflits dès longtemps périmés3. Mais il y a le point de vue de l’esp
1043
s longtemps périmés3. Mais il y a le point de vue
de
l’esprit, qui est différent. L’esprit humain, et particulièrement l’e
1044
édiate suffisent à justifier l’existence prospère
d’
une entreprise de cet ordre, et refoulent les questions anxieuses dont
1045
à justifier l’existence prospère d’une entreprise
de
cet ordre, et refoulent les questions anxieuses dont je tente de me f
1046
t refoulent les questions anxieuses dont je tente
de
me faire ici l’interprète. Faudrait-il donc nous résigner à que l’acc
1047
ême du savoir traîne pour conséquence la division
de
l’esprit et l’accroissement de l’ignorance mutuelle entre les directi
1048
quence la division de l’esprit et l’accroissement
de
l’ignorance mutuelle entre les directions de la recherche ? Les lé
1049
ment de l’ignorance mutuelle entre les directions
de
la recherche ? Les lévites administrent les rites… En fait, et
1050
s administrent les rites… En fait, et aux yeux
d’
un observateur non prévenu, jugeant seulement sur ce qu’il nous voit f
1051
ort bien continuer ainsi, sans nul danger sérieux
de
catastrophe. Après tout, la tour de Babel ne s’est pas écroulée sur s
1052
anger sérieux de catastrophe. Après tout, la tour
de
Babel ne s’est pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ont seulement a
1053
s pays, paraît plus florissante que jamais : loin
d’
être abandonnée, elle attire une foule croissante de travailleurs et d
1054
être abandonnée, elle attire une foule croissante
de
travailleurs et de curieux. L’industrie et l’État, plus que jamais, o
1055
le attire une foule croissante de travailleurs et
de
curieux. L’industrie et l’État, plus que jamais, ont besoin d’elle. S
1056
’industrie et l’État, plus que jamais, ont besoin
d’
elle. Si elle est devenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’o
1057
âches immédiates, qu’on l’agrandisse ! Les crises
de
croissance n’ont jamais été mortelles pour les administrations : elle
1058
lles représentent an contraire leur régime normal
d’
existence, selon la loi de Parkinson. L’incommunicabilité des savoirs
1059
aire leur régime normal d’existence, selon la loi
de
Parkinson. L’incommunicabilité des savoirs est ressentie par notre es
1060
ne permanente insécurité. L’intellectuel européen
d’
aujourd’hui se sent tributaire de disciplines forcément partielles, po
1061
lectuel européen d’aujourd’hui se sent tributaire
de
disciplines forcément partielles, pouvant à tout instant être mises e
1062
t méthodiquement sur elles-mêmes, acceptant ainsi
de
n’être peut-être plus tout à fait vraies — mais tant pis, cela ne se
1063
nt pis, cela ne se sait pas encore ! Cette espèce
de
résignation intellectuelle correspond à une forme schizoïde de la pen
1064
n intellectuelle correspond à une forme schizoïde
de
la pensée, et conduit à un scepticisme croissant quant aux fins derni
1065
un scepticisme croissant quant aux fins dernières
de
la recherche et quant à la valeur globale, ultime, du savoir humain.
1066
le, ultime, du savoir humain. Dans le Temple même
de
la Science, il faut bien que les lévites, même sceptiques quant aux f
1067
n que les lévites, même sceptiques quant aux fins
de
leur religion, administrent les rites et donnent leurs cours… Mais q
1068
Mais quel dieu servent-ils encore ? À quelle idée
de
l’homme, divine ou idéale, correspond aujourd’hui l’entreprise de l’U
1069
ne ou idéale, correspond aujourd’hui l’entreprise
de
l’Université occidentale ? Quel type d’homme a-t-elle en vue, veut-el
1070
ntreprise de l’Université occidentale ? Quel type
d’
homme a-t-elle en vue, veut-elle former ? Je crains bien que si l’on t
1071
-elle former ? Je crains bien que si l’on tentait
de
le déduire d’une observation attentive de nos universités, l’on ne tr
1072
Je crains bien que si l’on tentait de le déduire
d’
une observation attentive de nos universités, l’on ne trouve qu’une so
1073
tentait de le déduire d’une observation attentive
de
nos universités, l’on ne trouve qu’une sorte de monstre, assemblage d
1074
e de nos universités, l’on ne trouve qu’une sorte
de
monstre, assemblage de pièces et de morceaux que seuls les vêtements
1075
’on ne trouve qu’une sorte de monstre, assemblage
de
pièces et de morceaux que seuls les vêtements tiendraient ensemble, o
1076
qu’une sorte de monstre, assemblage de pièces et
de
morceaux que seuls les vêtements tiendraient ensemble, ou la force de
1077
s les vêtements tiendraient ensemble, ou la force
de
l’habitude ! Nul principe de cohérence organique, point de structure
1078
nsemble, ou la force de l’habitude ! Nul principe
de
cohérence organique, point de structure osseuse, et très peu d’articu
1079
tude ! Nul principe de cohérence organique, point
de
structure osseuse, et très peu d’articulations… Au vrai, il est deven
1080
rganique, point de structure osseuse, et très peu
d’
articulations… Au vrai, il est devenu presque impossible de répondre à
1081
ations… Au vrai, il est devenu presque impossible
de
répondre à une telle question, et c’est pourquoi sans doute on la pos
1082
des personnes réelles et complètes, ou seulement
de
futurs professionnels ? Des sages capables de penser, d’agir et de cr
1083
ent de futurs professionnels ? Des sages capables
de
penser, d’agir et de créer en harmonie, ou seulement des producteurs
1084
rs professionnels ? Des sages capables de penser,
d’
agir et de créer en harmonie, ou seulement des producteurs plus effica
1085
ionnels ? Des sages capables de penser, d’agir et
de
créer en harmonie, ou seulement des producteurs plus efficaces, c’est
1086
vrai que ces questions débordent le seul domaine
de
l’Université, et qu’elles affectent tout l’ensemble de la culture eur
1087
Université, et qu’elles affectent tout l’ensemble
de
la culture européenne. Mais c’est par l’Université que les hommes d’o
1088
éenne. Mais c’est par l’Université que les hommes
d’
outre-mer viennent au contact de la culture européenne, et c’est là qu
1089
té que les hommes d’outre-mer viennent au contact
de
la culture européenne, et c’est là qu’ils se posent à eux-mêmes ces q
1090
sent avec une insistance gênante — car nous voici
de
moins en moins armés pour y répondre. Le problème qu’on soulève ici,
1091
e qu’on soulève ici, et qui est celui du principe
de
cohérence de notre civilisation, me paraît absolument spécifique de l
1092
ve ici, et qui est celui du principe de cohérence
de
notre civilisation, me paraît absolument spécifique de l’Europe. Seul
1093
tre civilisation, me paraît absolument spécifique
de
l’Europe. Seule en effet parmi toutes les grandes cultures qui ont fa
1094
utes les grandes cultures qui ont fait l’histoire
de
l’humanité, l’Europe a osé l’aventure d’un développement autonome de
1095
histoire de l’humanité, l’Europe a osé l’aventure
d’
un développement autonome de la science et des arts, d’une séparation,
1096
rope a osé l’aventure d’un développement autonome
de
la science et des arts, d’une séparation, voire d’une opposition entr
1097
développement autonome de la science et des arts,
d’
une séparation, voire d’une opposition entre le sacré et le profane, e
1098
e la science et des arts, d’une séparation, voire
d’
une opposition entre le sacré et le profane, entre la cohérence global
1099
é des disciplines spécialisées provient chez nous
de
la sécularisation de la philosophie et de la recherche qui s’est mani
1100
cialisées provient chez nous de la sécularisation
de
la philosophie et de la recherche qui s’est manifestée bien avant la
1101
ez nous de la sécularisation de la philosophie et
de
la recherche qui s’est manifestée bien avant la Renaissance, probable
1102
. (Quant à savoir dans quelle mesure l’apparition
de
l’Université est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime, soit qu
1103
tre lui avec le thomisme, ce serait un beau sujet
d’
études.) Pourquoi travaillez-vous autant ? Or rien de tel ne s’e
1104
) Pourquoi travaillez-vous autant ? Or rien
de
tel ne s’est produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrée
1105
’on sache, dans les cultures sacrées et homogènes
de
l’Asie brahmanique ou bouddhiste, de l’Afrique noire ancienne, d’Isra
1106
et homogènes de l’Asie brahmanique ou bouddhiste,
de
l’Afrique noire ancienne, d’Israël sous la synagogue, ou de l’Amériqu
1107
nique ou bouddhiste, de l’Afrique noire ancienne,
d’
Israël sous la synagogue, ou de l’Amérique précolombienne. Dans ces cu
1108
ue noire ancienne, d’Israël sous la synagogue, ou
de
l’Amérique précolombienne. Dans ces cultures tout est sacré. La disti
1109
réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas
de
développements particuliers et divergents. L’originalité, pour elles,
1110
mais atteinte à l’ordre sacré — ou simple erreur
d’
exécution. Mutatis mutandis, il en va de même dans les cultures totali
1111
qui l’interprète). L’Europe seule se voit obligée
de
rechercher sans cesse, en d’infinis débats, les principes primitifs o
1112
eule se voit obligée de rechercher sans cesse, en
d’
infinis débats, les principes primitifs ou finaux, ou simplement opéra
1113
ipes primitifs ou finaux, ou simplement opératifs
de
sa cohérence culturelle, sans cesse perdue de vue ou remise en questi
1114
ifs de sa cohérence culturelle, sans cesse perdue
de
vue ou remise en question. Et quand les hommes nourris de cultures di
1115
u remise en question. Et quand les hommes nourris
de
cultures différentes viennent nous poser leurs grandes questions naïv
1116
vos désirs ? Bien peu d’entre nous sont capables
de
donner une réponse satisfaisante. Le spécialiste se récuse méthodique
1117
s qui aient osé relever, par exemple, la relation
de
continuité entre le dogme de l’Incarnation (reconnaissance de la réal
1118
exemple, la relation de continuité entre le dogme
de
l’Incarnation (reconnaissance de la réalité de la matière et du corps
1119
é entre le dogme de l’Incarnation (reconnaissance
de
la réalité de la matière et du corps, où Dieu se manifeste) et le dév
1120
me de l’Incarnation (reconnaissance de la réalité
de
la matière et du corps, où Dieu se manifeste) et le développement des
1121
ires n’allait pas perdre à leur étude le meilleur
de
son temps de méditation. Si les Européens voulaient vraiment répondre
1122
pas perdre à leur étude le meilleur de son temps
de
méditation. Si les Européens voulaient vraiment répondre aux Asiatiqu
1123
ils se verraient conduits à dépasser leur régime
de
spécialités académiques, à surmonter leur ignorance méthodique des do
1124
ignorance méthodique des domaines qui ne sont pas
de
leur département. Je reprends ici mon exemple du physicien et du théo
1125
hindou qui interroge l’Occident sur son obsession
de
l’Histoire, du Temps, de l’Évolution et du Progrès, il faudrait que l
1126
cident sur son obsession de l’Histoire, du Temps,
de
l’Évolution et du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable
1127
ogrès, il faudrait que le théologien soit capable
de
se référer non seulement aux conciles et aux textes sacrés, mais aux
1128
onciles et aux textes sacrés, mais aux fondements
de
la doctrine physique du Temps, aux discussions qui durent déjà depuis
1129
qui durent déjà depuis un siècle sur le principe
de
Carnot et Clausius sur la dégradation de l’énergie, la « flèche du te
1130
principe de Carnot et Clausius sur la dégradation
de
l’énergie, la « flèche du temps » et l’entropie, notions de base qui
1131
ie, la « flèche du temps » et l’entropie, notions
de
base qui ont une portée métaphysique indiscutable. Et il faudrait que
1132
ciens qui en discutent sachent que la dialectique
de
leurs problèmes actuels sur le temps, la matière et sa constitution,
1133
ologue à celle des grandes querelles théologiques
de
Nicée, de l’augustinisme, de Luther et du jansénisme. Je m’excuse de
1134
elle des grandes querelles théologiques de Nicée,
de
l’augustinisme, de Luther et du jansénisme. Je m’excuse de traiter pa
1135
erelles théologiques de Nicée, de l’augustinisme,
de
Luther et du jansénisme. Je m’excuse de traiter par allusions rapides
1136
stinisme, de Luther et du jansénisme. Je m’excuse
de
traiter par allusions rapides, peut-être obscures, un sujet qui deman
1137
des, peut-être obscures, un sujet qui demanderait
de
gros ouvrages pour être exposé sérieusement. Ce qu’il m’importe de ma
1138
pour être exposé sérieusement. Ce qu’il m’importe
de
marquer par cet exemple, c’est que l’Europe de l’esprit ne peut plus
1139
te de marquer par cet exemple, c’est que l’Europe
de
l’esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’elle a réveillé
1140
ésordre spirituel et dans l’incohérence babélique
de
ses spécialités sans communication, et de la pluralité de ses recherc
1141
bélique de ses spécialités sans communication, et
de
la pluralité de ses recherches sans références à un langage commun.
1142
pécialités sans communication, et de la pluralité
de
ses recherches sans références à un langage commun. Un savoir en p
1143
d problème que l’Europe seule me paraît en mesure
de
résoudre, parce qu’elle seule l’a posé dans l’histoire, c’est celui d
1144
’elle seule l’a posé dans l’histoire, c’est celui
de
l’Un et du Divers également réels et valables, dont le problème des r
1145
s relations entre savoirs spécialisés et synthèse
de
nos connaissances n’est guère qu’un cas particulier. Le paradoxe euro
1146
particulier. Le paradoxe européen par excellence
de
l’union dans la diversité n’est pas seulement celui de l’Université,
1147
union dans la diversité n’est pas seulement celui
de
l’Université, mais celui de notre politique d’intégration européenne,
1148
t pas seulement celui de l’Université, mais celui
de
notre politique d’intégration européenne, dans sa forme fédéraliste,
1149
ui de l’Université, mais celui de notre politique
d’
intégration européenne, dans sa forme fédéraliste, non unitaire, que j
1150
blème dans le cadre qui nous intéresse ici, celui
de
l’Université ? Trois solutions me paraissent concevables. a) La premi
1151
ouvent proposée, consisterait à imposer des cours
de
culture générale, un studium generale, aux étudiants de toutes les fa
1152
ture générale, un studium generale, aux étudiants
de
toutes les facultés et instituts spécialisés. Je n’y crois pas. La pr
1153
e intention si louable ont échoué, et les raisons
de
ces échecs répétés me paraissent assez évidentes. La généralité n’es
1154
générales, aux ramifications interdisciplinaires
de
ce que l’on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop co
1155
ongée comme on nous le promet jusqu’à une moyenne
de
90 ans, pour que l’espoir de maîtriser l’ensemble du savoir humain, d
1156
jusqu’à une moyenne de 90 ans, pour que l’espoir
de
maîtriser l’ensemble du savoir humain, d’ailleurs en progression géom
1157
en progression géométrique, ait la moindre chance
de
succès et l’éducation permanente qu’on nous propose, qui s’étendrait
1158
berceau à la tombe, ne laisserait guère le temps
de
vivre à ses bénéficiaires super-savants. Pic de la Mirandole, aujourd
1159
s de vivre à ses bénéficiaires super-savants. Pic
de
la Mirandole, aujourd’hui, se verrait contraint de choisir entre une
1160
e la Mirandole, aujourd’hui, se verrait contraint
de
choisir entre une carrière de brillant vulgarisateur scientifique et
1161
e verrait contraint de choisir entre une carrière
de
brillant vulgarisateur scientifique et une spécialisation qui lui vau
1162
t qu’une monstruosité : le développement excessif
d’
un organe aux dépens de l’équilibre du corps. On peut l’évaluer à son
1163
prix réel et trouver celui-ci exorbitant : perdre
de
vue l’ensemble humain est une perte absolue, essentielle, que tous le
1164
la double pression que j’ai dite : toujours plus
de
matières à enseigner à un nombre toujours plus grand d’étudiants et d
1165
ières à enseigner à un nombre toujours plus grand
d’
étudiants et de futurs enseignants. Puisqu’on ne peut chercher de solu
1166
er à un nombre toujours plus grand d’étudiants et
de
futurs enseignants. Puisqu’on ne peut chercher de solution en arrière
1167
de futurs enseignants. Puisqu’on ne peut chercher
de
solution en arrière, il faut donc la chercher en avant : accepter le
1168
donc la chercher en avant : accepter le mouvement
de
spécialisation, mais le pousser jusqu’à ce point où l’étude la plus e
1169
ser jusqu’à ce point où l’étude la plus exigeante
d’
une discipline particulière va déboucher sur des problèmes qui relèven
1170
. Dans bien des cas célèbres, c’est l’avant-garde
de
la recherche la plus hautement spécialisée qui s’est vue conduite par
1171
ui s’est vue conduite par les nécessités internes
de
son cheminement, à déboucher sur des domaines que la vertueuse méthod
1172
chanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’étude
de
la « pensée sauvage » découvre dans la linguistique générale de Ferdi
1173
sauvage » découvre dans la linguistique générale
de
Ferdinand de Saussure, science des systèmes de signes, l’explication
1174
le de Ferdinand de Saussure, science des systèmes
de
signes, l’explication qui lui manquait de la prohibition de l’inceste
1175
ystèmes de signes, l’explication qui lui manquait
de
la prohibition de l’inceste ; cependant que des biologistes et des él
1176
l’explication qui lui manquait de la prohibition
de
l’inceste ; cependant que des biologistes et des électroniciens puise
1177
ne les schèmes structuraux qui permettent aux uns
d’
interpréter la transmission du patrimoine héréditaire par les chromoso
1178
moine héréditaire par les chromosomes, aux autres
de
construire des machines à traduire. Un physicien étudiant le principe
1179
nes à traduire. Un physicien étudiant le principe
de
l’irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’une vue physicienn
1180
u cosmos est trop étriquée » ; et que la physique
de
demain risque de se trouver obligée d’entrer dans un dialogue actif a
1181
étriquée » ; et que la physique de demain risque
de
se trouver obligée d’entrer dans un dialogue actif avec, disons, la p
1182
a physique de demain risque de se trouver obligée
d’
entrer dans un dialogue actif avec, disons, la psychologie au sens lar
1183
a psychologie au sens large, pour jeter les bases
d’
une science beaucoup plus compréhensive. Et chacun sait que c’est en p
1184
. Et chacun sait que c’est en poussant l’exigence
de
l’analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les savants contemp
1185
plusieurs d’entre eux l’ont écrit. Carrefours
de
vérités Une phrase de Spinoza s’est fixée dans mon souvenir dès l’
1186
ont écrit. Carrefours de vérités Une phrase
de
Spinoza s’est fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : « D’autant
1187
est fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : «
D’
autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
1188
t plus nous connaissons les choses particulières,
d’
autant plus nous connaissons Dieu. » Si je la transpose au domaine moi
1189
au domaine moins sublime que j’essaie aujourd’hui
d’
explorer, elle me paraît rendre compte du fait que ce sont les meilleu
1190
-à-dire ceux qui vont le plus loin dans l’analyse
de
certains cas particuliers, qui nous conduisent le plus sûrement au gé
1191
pas objectivement et comme spontanément au terme
d’
une comparaison systématique des résultats en soi acquis par les spéci
1192
se est un acte créateur, intervenant au carrefour
de
plusieurs vérités hétérogènes saisies par l’esprit dans leur mouvemen
1193
ns jusqu’alors inaperçues. C’est dire que l’œuvre
de
synthèse qu’exige l’état présent de notre culture et de nos universit
1194
e que l’œuvre de synthèse qu’exige l’état présent
de
notre culture et de nos universités, devrait d’abord être confiée à d
1195
thèse qu’exige l’état présent de notre culture et
de
nos universités, devrait d’abord être confiée à des groupes de cherch
1196
sités, devrait d’abord être confiée à des groupes
de
chercheurs représentant des disciplines diverses. Par leur réunion ph
1197
aires restreints, ils créeraient ces « carrefours
de
vérités hétérogènes » sur lesquels et à partir desquels l’esprit de s
1198
ènes » sur lesquels et à partir desquels l’esprit
de
synthèse pourrait s’exercer. Le nombre optimum des participants de te
1199
ait s’exercer. Le nombre optimum des participants
de
tels groupes me paraît être, à l’expérience de nombreux colloques por
1200
ts de tels groupes me paraît être, à l’expérience
de
nombreux colloques portant sur des sujets interdisciplinaires, d’une
1201
oques portant sur des sujets interdisciplinaires,
d’
une douzaine de personnes seulement. Ce module permet en effet la conv
1202
ur des sujets interdisciplinaires, d’une douzaine
de
personnes seulement. Ce module permet en effet la conversation, l’éch
1203
rmet en effet la conversation, l’échange spontané
de
questions et de réponses, le dialogue en un mot, et il exclut l’inter
1204
conversation, l’échange spontané de questions et
de
réponses, le dialogue en un mot, et il exclut l’intervention monologa
1205
ui importe au bout du compte, dans une entreprise
de
ce genre, c’est la qualité personnelle des hommes qui s’y livrent : s
1206
aut enfin, ce qui nous manque, ce sont des hommes
de
synthèse, un type nouveau d’hommes de pensée en qui s’incarne une sor
1207
, ce sont des hommes de synthèse, un type nouveau
d’
hommes de pensée en qui s’incarne une sorte de conscience conjoncturel
1208
des hommes de synthèse, un type nouveau d’hommes
de
pensée en qui s’incarne une sorte de conscience conjoncturelle de l’é
1209
eau d’hommes de pensée en qui s’incarne une sorte
de
conscience conjoncturelle de l’évolution de nos recherches, un sens c
1210
s’incarne une sorte de conscience conjoncturelle
de
l’évolution de nos recherches, un sens constamment alerté de leurs co
1211
sorte de conscience conjoncturelle de l’évolution
de
nos recherches, un sens constamment alerté de leurs corrélations virt
1212
ion de nos recherches, un sens constamment alerté
de
leurs corrélations virtuelles et de la fécondité de leurs interférenc
1213
amment alerté de leurs corrélations virtuelles et
de
la fécondité de leurs interférences. Ces hommes seront d’abord des sp
1214
leurs corrélations virtuelles et de la fécondité
de
leurs interférences. Ces hommes seront d’abord des spécialistes, et q
1215
ls par le fait même qu’ils auront pris conscience
de
ce qu’ils ne peuvent se contenter d’être seulement des spécialistes.
1216
s conscience de ce qu’ils ne peuvent se contenter
d’
être seulement des spécialistes. Favoriser ou fomenter ce type humain,
1217
main, lui offrir les moyens matériels, l’ambiance
de
vie, le milieu de vie, les contacts personnels requis par l’exercice
1218
es moyens matériels, l’ambiance de vie, le milieu
de
vie, les contacts personnels requis par l’exercice de sa vocation, vo
1219
ie, les contacts personnels requis par l’exercice
de
sa vocation, voilà sans doute le genre de solution concrète que nous
1220
xercice de sa vocation, voilà sans doute le genre
de
solution concrète que nous pourrions préconiser, si nous voulons tent
1221
nous pourrions préconiser, si nous voulons tenter
de
faire face au problème posé par l’accroissement babélique de la spéci
1222
ce au problème posé par l’accroissement babélique
de
la spécialisation. Ces prix Nobel Sur le problème de l’explosio
1223
cialisation. Ces prix Nobel Sur le problème
de
l’explosion des effectifs universitaires, je n’aurais guère à propose
1224
res, je n’aurais guère à proposer qu’une solution
de
bon sens presque simpliste : il me semble que le seul moyen de sauver
1225
resque simpliste : il me semble que le seul moyen
de
sauver la qualité des universités existantes et leur efficacité pédag
1226
r des facteurs quantitatifs irréversibles, serait
de
multiplier sans plus tarder le nombre des établissements d’enseigneme
1227
ier sans plus tarder le nombre des établissements
d’
enseignement supérieur. D’une part, les universités existantes seraien
1228
ités existantes seraient progressivement libérées
de
leur engorgement, d’autre part les dimensions des universités nouvell
1229
rder aux optima que votre Conférence se préoccupe
d’
établir et que proposent avec beaucoup de sagesse, me semble-t-il, les
1230
beaucoup de sagesse, me semble-t-il, les rapports
d’
experts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or d
1231
us sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle
d’
or de la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la mesure huma
1232
nt soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or
de
la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la mesure humaine,
1233
gle d’or de la culture européenne, qui n’est rien
d’
autre que la mesure humaine, le module des relations personnelles, con
1234
, le module des relations personnelles, condition
de
toute existence communautaire et de tout bon travail en commun, l’on
1235
es, condition de toute existence communautaire et
de
tout bon travail en commun, l’on sera conduit à préférer la multiplic
1236
n, l’on sera conduit à préférer la multiplication
de
petites universités à la multiplication des facultés, des chaires et
1237
plication des facultés, des chaires et des postes
d’
assistants dans les déjà trop grandes universités. L’adjectif petit me
1238
timement lié en Europe, non seulement à l’optimum
de
l’efficacité pédagogique — qui exige la proximité — mais aussi au max
1239
imité — mais aussi au maximum du pouvoir créateur
d’
un milieu donné, cité, pays ou université. Ce n’est pas du tout par ha
1240
bli le sociologue belge Léo Moulin, sous le titre
d’
indice Nobel, et qui se fonde sur le nombre de prix Nobel de sciences
1241
tre d’indice Nobel, et qui se fonde sur le nombre
de
prix Nobel de sciences par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1
1242
obel, et qui se fonde sur le nombre de prix Nobel
de
sciences par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce sont l
1243
r le nombre de prix Nobel de sciences par million
d’
habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Eu
1244
de prix Nobel de sciences par million d’habitants
d’
un pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occ
1245
el de sciences par million d’habitants d’un pays,
de
1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occupent les c
1246
ays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays
d’
Europe qui occupent les cinq premiers rangs, soit dans l’ordre la Suis
1247
t l’URSS viennent loin derrière, ou même en queue
de
liste. Je n’en dis pas plus sur ce point : dans les petits pays, tout
1248
, y compris les universités. Mais sur le problème
de
l’explosion du savoir, dont je vous ai plus longuement entretenu, il
1249
je vous ai plus longuement entretenu, il me tarde
de
vous proposer des conclusions plus personnelles et plus précises, qui
1250
r rendement optimum, peut freiner l’accroissement
de
l’entropie au niveau de l’enseignement, mais ne répondra pas au défi
1251
u de l’enseignement, mais ne répondra pas au défi
de
la division du savoir en langages spécialisés. Pour y répondre, il fa
1252
s. Pour y répondre, il faut envisager la création
d’
instituts ou de centres de synthèse, établis à l’échelle européenne, j
1253
dre, il faut envisager la création d’instituts ou
de
centres de synthèse, établis à l’échelle européenne, je veux dire sup
1254
t envisager la création d’instituts ou de centres
de
synthèse, établis à l’échelle européenne, je veux dire supranationale
1255
e. J’en imagine le prototype, qui serait une tour
d’
anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un lac, ou d’une
1256
nti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou
d’
un lac, ou d’une large rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin
1257
ns un grand parc, près de la mer, ou d’un lac, ou
d’
une large rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin d’une ville
1258
e rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin
d’
une ville de moyenne grandeur et de vie culturelle et sociale animée,
1259
n pleine campagne, mais pas trop loin d’une ville
de
moyenne grandeur et de vie culturelle et sociale animée, une ou deux-
1260
pas trop loin d’une ville de moyenne grandeur et
de
vie culturelle et sociale animée, une ou deux-centaines de maisons fa
1261
lturelle et sociale animée, une ou deux-centaines
de
maisons familiales dispersées, et un centre de type villageois : hôte
1262
es de maisons familiales dispersées, et un centre
de
type villageois : hôtels, auberges, marché, boutiques, chapelles, san
1263
ques, chapelles, sans oublier plusieurs terrasses
de
café. Dans le centre aussi, un groupe de bâtiments contient la biblio
1264
errasses de café. Dans le centre aussi, un groupe
de
bâtiments contient la bibliothèque et les salles de colloques. La com
1265
bâtiments contient la bibliothèque et les salles
de
colloques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit d’un statut sp
1266
ques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit
d’
un statut spécial d’exterritorialité : c’est une sorte de district féd
1267
uvernée par le recteur, jouit d’un statut spécial
d’
exterritorialité : c’est une sorte de district fédéral de l’Europe int
1268
atut spécial d’exterritorialité : c’est une sorte
de
district fédéral de l’Europe intellectuelle. Là vivent ces « hommes d
1269
ritorialité : c’est une sorte de district fédéral
de
l’Europe intellectuelle. Là vivent ces « hommes de synthèse » dont je
1270
e l’Europe intellectuelle. Là vivent ces « hommes
de
synthèse » dont je vous parlais tout à l’heure : professeurs de tous
1271
dont je vous parlais tout à l’heure : professeurs
de
tous âges et de toutes spécialités, et futurs professeurs déjà gradué
1272
lais tout à l’heure : professeurs de tous âges et
de
toutes spécialités, et futurs professeurs déjà gradués, d’une part ;
1273
part ; responsables des domaines les plus variés
de
la vie publique, économique et sociale, d’autre part. Condition génér
1274
ique et sociale, d’autre part. Condition générale
d’
admission : avoir prouvé son excellence dans une branche au moins du s
1275
xcellence dans une branche au moins du savoir, ou
de
la vie professionnelle, et démontrer d’une manière convaincante qu’on
1276
avoir, ou de la vie professionnelle, et démontrer
d’
une manière convaincante qu’on éprouve l’impérieux désir d’intégrer l’
1277
ière convaincante qu’on éprouve l’impérieux désir
d’
intégrer l’expérience acquise dans un ensemble plus compréhensif. Les
1278
plus compréhensif. Les activités intellectuelles
de
cette communauté peuvent être définies à grands traits comme suit. Qu
1279
rands traits comme suit. Quant à la forme : point
de
cours magistraux, mais seulement des colloques restreints, groupant a
1280
e déclaration publique est obligatoirement suivie
d’
une discussion réglée. Ici l’on n’impose pas une image du monde : on l
1281
isciplinée par la critique mutuelle. Deux meneurs
de
jeu par colloque, et ils ne peuvent appartenir à la même spécialité.
1282
par là : les sujets qu’il serait le plus malaisé
de
traiter dans le cadre de nos facultés classiques. Voici quelques-uns
1283
l serait le plus malaisé de traiter dans le cadre
de
nos facultés classiques. Voici quelques-uns des sujets que, pour ma p
1284
s des sujets que, pour ma part, je serais heureux
de
pouvoir étudier et discuter, si j’étais jugé digne de participer aux
1285
ouvoir étudier et discuter, si j’étais jugé digne
de
participer aux activités de la commune. 1. Les options fondamentales
1286
si j’étais jugé digne de participer aux activités
de
la commune. 1. Les options fondamentales des grandes cultures, notamm
1287
ons fondamentales des grandes cultures, notamment
de
la culture européenne, et la logique ou les contradictions de leur dé
1288
e européenne, et la logique ou les contradictions
de
leur développement dans la vie publique et privée de l’unité culturel
1289
leur développement dans la vie publique et privée
de
l’unité culturelle en question. Le problème des possibles convergence
1290
ssance créatrice, formerait un centre particulier
d’
attention. 2. Le rôle créateur de l’interaction des disciplines dans l
1291
ntre particulier d’attention. 2. Le rôle créateur
de
l’interaction des disciplines dans l’histoire ancienne et récente de
1292
s disciplines dans l’histoire ancienne et récente
de
l’Europe. Dans quelle mesure et sous quelles conditions les invention
1293
quelles conditions les inventions ou découvertes
de
la science et des arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de
1294
la science et des arts sont-elles apparues ? Part
de
la gratuité, de la nécessité, des fins utilitaires, de l’imagination
1295
s arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité,
de
la nécessité, des fins utilitaires, de l’imagination débridée, de la
1296
gratuité, de la nécessité, des fins utilitaires,
de
l’imagination débridée, de la foi, du doute, de la méthode et des con
1297
des fins utilitaires, de l’imagination débridée,
de
la foi, du doute, de la méthode et des contingences dans les progrès
1298
, de l’imagination débridée, de la foi, du doute,
de
la méthode et des contingences dans les progrès de la connaissance en
1299
e la méthode et des contingences dans les progrès
de
la connaissance en Occident. 3. Au-delà de la technologie. Comment pa
1300
rogrès de la connaissance en Occident. 3. Au-delà
de
la technologie. Comment passer de l’ère technique à l’ère de l’équili
1301
ent. 3. Au-delà de la technologie. Comment passer
de
l’ère technique à l’ère de l’équilibre humain ? En d’autres termes, c
1302
ologie. Comment passer de l’ère technique à l’ère
de
l’équilibre humain ? En d’autres termes, comment tirer les bénéfices
1303
? En d’autres termes, comment tirer les bénéfices
de
bonheur individuel, de santé mentale, de beauté du milieu et de paix
1304
omment tirer les bénéfices de bonheur individuel,
de
santé mentale, de beauté du milieu et de paix des disciplines farouch
1305
énéfices de bonheur individuel, de santé mentale,
de
beauté du milieu et de paix des disciplines farouches qu’imposent à l
1306
ividuel, de santé mentale, de beauté du milieu et
de
paix des disciplines farouches qu’imposent à la majorité de nos conte
1307
s disciplines farouches qu’imposent à la majorité
de
nos contemporains les impératifs de la croissance de production, et d
1308
à la majorité de nos contemporains les impératifs
de
la croissance de production, et de l’aide aux sous-développés ? 4. Po
1309
nos contemporains les impératifs de la croissance
de
production, et de l’aide aux sous-développés ? 4. Possibilités d’un l
1310
les impératifs de la croissance de production, et
de
l’aide aux sous-développés ? 4. Possibilités d’un langage universel,
1311
t de l’aide aux sous-développés ? 4. Possibilités
d’
un langage universel, fondé sur la cybernétique et sur la sémiologie d
1312
l, fondé sur la cybernétique et sur la sémiologie
de
Saussure. Recherche générale de procédés de translation des méthodes,
1313
sur la sémiologie de Saussure. Recherche générale
de
procédés de translation des méthodes, démarches spécifiques et résult
1314
logie de Saussure. Recherche générale de procédés
de
translation des méthodes, démarches spécifiques et résultats des dive
1315
ésultats des diverses branches du savoir. Limites
d’
un tel langage, et comment y suppléer par les arts. 5. Européologie. I
1316
upart de nos grandes universités des départements
d’
indianisme, de sinologie, d’islamologie, d’études des civilisations tr
1317
randes universités des départements d’indianisme,
de
sinologie, d’islamologie, d’études des civilisations tropicales, afri
1318
ités des départements d’indianisme, de sinologie,
d’
islamologie, d’études des civilisations tropicales, africaines, indamé
1319
ements d’indianisme, de sinologie, d’islamologie,
d’
études des civilisations tropicales, africaines, indaméricaines, indon
1320
l n’existe pas, ni hors de l’Europe ni en Europe,
de
chaires d’études européennes, ou plus précisément d’européologie. Cer
1321
pas, ni hors de l’Europe ni en Europe, de chaires
d’
études européennes, ou plus précisément d’européologie. Certes, l’on é
1322
chaires d’études européennes, ou plus précisément
d’
européologie. Certes, l’on étudie un peu partout le Marché commun, le
1323
stoire récente, leur jurisprudence, l’unification
de
leurs mesures sociales et la coordination de leurs politiques économi
1324
tion de leurs mesures sociales et la coordination
de
leurs politiques économiques. Ce qui nous manque encore, c’est une ét
1325
e quasi ethnographique des caractères spécifiques
de
notre civilisation, à l’heure où elle se répand d’une manière anarchi
1326
e notre civilisation, à l’heure où elle se répand
d’
une manière anarchique sur tous les continents de la planète, à l’heur
1327
d’une manière anarchique sur tous les continents
de
la planète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge avec une anxiété
1328
le tiers-monde l’interroge avec une anxiété mêlée
d’
arrogance, à l’heure où elle s’interroge elle-même plus qu’elle n’a ja
1329
le n’a jamais fait dans son histoire. Cette liste
de
thèmes, vous le sentez, ne demande qu’à s’allonger au gré de vos dési
1330
vous le sentez, ne demande qu’à s’allonger au gré
de
vos désirs. Quant aux relations entre un tel Centre de synthèse et le
1331
s désirs. Quant aux relations entre un tel Centre
de
synthèse et les universités existantes, on les imaginera sans peine.
1332
uction si désirable dans nos mœurs universitaires
d’
une année sabbatique de type américain, permettrait d’envoyer beaucoup
1333
s nos mœurs universitaires d’une année sabbatique
de
type américain, permettrait d’envoyer beaucoup de professeurs à cet i
1334
e année sabbatique de type américain, permettrait
d’
envoyer beaucoup de professeurs à cet institut de recyclage et de remi
1335
d’envoyer beaucoup de professeurs à cet institut
de
recyclage et de remise en question générale, et c’est aussi ce que no
1336
oup de professeurs à cet institut de recyclage et
de
remise en question générale, et c’est aussi ce que nous attendons tou
1337
nérale, et c’est aussi ce que nous attendons tous
de
nos vacances. Après un an, les professeurs détachés reviendraient à l
1338
achés reviendraient à leur enseignement, porteurs
d’
une sorte de radioactivité, — les uns mûris, les autres rajeunis… Comm
1339
draient à leur enseignement, porteurs d’une sorte
de
radioactivité, — les uns mûris, les autres rajeunis… Comment baptiser
1340
baptiser l’entreprise ? Elle pourrait se réclamer
de
beaucoup de noms illustres, d’hommes qui ont rêvé l’Académie européen
1341
urrait se réclamer de beaucoup de noms illustres,
d’
hommes qui ont rêvé l’Académie européenne, comme Tommaso Campanella ou
1342
maso Campanella ou Amos Comenius, traçant le plan
de
son Conseil de la Lumière ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessi
1343
ou Amos Comenius, traçant le plan de son Conseil
de
la Lumière ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessité d’un langage
1344
traçant le plan de son Conseil de la Lumière ; ou
d’
hommes qui méditaient sur la nécessité d’un langage commun aux science
1345
ère ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessité
d’
un langage commun aux sciences exactes, aux arts et à la théologie, ai
1346
est la conclusion que je souhaite que vous tiriez
de
mes propos, cet institut de synthèse serait idéalement ce dont on par
1347
haite que vous tiriez de mes propos, cet institut
de
synthèse serait idéalement ce dont on parle un peu partout, plus ou m
1348
, plus ou moins bien, depuis 1957, date du traité
de
Rome instituant l’Euratom : une Université européenne. Vraie universi
1349
elle traiterait spécifiquement du général, en vue
d’
entretenir ou de former une image cohérente du Tout. Vraiment européen
1350
spécifiquement du général, en vue d’entretenir ou
de
former une image cohérente du Tout. Vraiment européenne, puisqu’elle
1351
Vraiment européenne, puisqu’elle aurait pour fin
de
recréer l’union dans la diversité, qui est la formule de notre grand
1352
éer l’union dans la diversité, qui est la formule
de
notre grand passé, et de notre avenir, intégré, le seul possible. L’E
1353
sité, qui est la formule de notre grand passé, et
de
notre avenir, intégré, le seul possible. L’Europe, c’est très peu de
1354
e dessinent, aux États-Unis notamment, pour faire
de
la mathématique un substitut moderne au latin de jadis, la nouvelle l
1355
de la mathématique un substitut moderne au latin
de
jadis, la nouvelle langue de communication non seulement internationa
1356
tut moderne au latin de jadis, la nouvelle langue
de
communication non seulement internationale mais interdisciplinaire, p
1357
sciplines les plus diverses à un très haut niveau
de
précision. Mais on peut craindre que le langage mathématique, même un
1358
re esthéticiens, laisse tout de même muettes trop
de
réalités précieuses, affectives et personnelles, essentielles au sens
1359
affectives et personnelles, essentielles au sens
de
nos vies. aa. Rougemont Denis de, « Il nous faut des hommes de synt
1360
ielles au sens de nos vies. aa. Rougemont Denis
de
, « Il nous faut des hommes de synthèses », Gazette de Lausanne (suppl
1361
a. Rougemont Denis de, « Il nous faut des hommes
de
synthèses », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 1
1362
« Il nous faut des hommes de synthèses », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 19–20 septembre 1964, p.
1363
pas une patrie suisse mais deux douzaines, point
de
grands centres ni de marché intellectuel, et surtout point de langue
1364
e mais deux douzaines, point de grands centres ni
de
marché intellectuel, et surtout point de langue que ces patries aient
1365
ntres ni de marché intellectuel, et surtout point
de
langue que ces patries aient en commun, semble interdire la possibili
1366
aient en commun, semble interdire la possibilité
d’
un écrivain qui mériterait d’être appelé suisse, comme Hölderlin fut s
1367
rdire la possibilité d’un écrivain qui mériterait
d’
être appelé suisse, comme Hölderlin fut sans conteste allemand ou Leop
1368
ue l’Allemagne ou l’Italie n’aient réuni dans une
de
ces super-provinces qu’on nomme nations toutes leurs cités, tous leur
1369
s. Pourtant je vois cette possibilité s’illustrer
d’
une manière exemplaire dans l’œuvre et la carrière de Carl Burckhardt.
1370
ne manière exemplaire dans l’œuvre et la carrière
de
Carl Burckhardt. C’est qu’il est l’un de ceux, très rares, dont la pe
1371
carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’il est l’un
de
ceux, très rares, dont la personne, le style, la formule créatrice ré
1372
créatrice résultent et se composent, précisément,
de
cette pluralité des données culturelles qui, moins forts, moins doués
1373
moins doués, les eût neutralisés. Lointain cousin
de
l’historien de la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce
1374
s eût neutralisés. Lointain cousin de l’historien
de
la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce don de prévisi
1375
n de la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne
de
lui ce don de prévision de l’avenir européen dont tous les deux firen
1376
sance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce don
de
prévision de l’avenir européen dont tous les deux firent preuve dans
1377
pense pas qu’il tienne de lui ce don de prévision
de
l’avenir européen dont tous les deux firent preuve dans leur Correspo
1378
leur Correspondance (voir les lettres à von Preen
de
l’aîné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’il faut l’att
1379
faut l’attribuer à leur commune formation bâloise
d’
historiens scrupuleux mais sûrs artistes, héritiers d’une longue tradi
1380
storiens scrupuleux mais sûrs artistes, héritiers
d’
une longue tradition humaniste où se mêlent intimement germanisme et l
1381
mêlent intimement germanisme et latinité, esprit
de
la cité et cosmopolitisme, et qui rend plus sensibles à l’oreille int
1382
l’oreille intérieure les arythmies annonciatrices
d’
accidents du cœur de l’Europe. La pensée et l’action Peu de carri
1383
les arythmies annonciatrices d’accidents du cœur
de
l’Europe. La pensée et l’action Peu de carrières ont connu tant
1384
ée et l’action Peu de carrières ont connu tant
d’
alternances de périodes d’action et de médiation. Tantôt écrivain libr
1385
Peu de carrières ont connu tant d’alternances
de
périodes d’action et de médiation. Tantôt écrivain libre ou professeu
1386
arrières ont connu tant d’alternances de périodes
d’
action et de médiation. Tantôt écrivain libre ou professeur ; historie
1387
connu tant d’alternances de périodes d’action et
de
médiation. Tantôt écrivain libre ou professeur ; historien des grande
1388
u mêlé à l’histoire vivante comme dans le cyclone
de
Dantzig ; enfin mémorialiste d’événements qu’il a vécus et qu’il avai
1389
e dans le cyclone de Dantzig ; enfin mémorialiste
d’
événements qu’il a vécus et qu’il avait prévus. Burckhardt est le type
1390
t qu’il avait prévus. Burckhardt est le type même
de
l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action, ni la passion d
1391
même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée
de
l’action, ni la passion de la lucidité. Son expérience des hommes et
1392
peut séparer la pensée de l’action, ni la passion
de
la lucidité. Son expérience des hommes et de l’irrationnel qui condui
1393
sion de la lucidité. Son expérience des hommes et
de
l’irrationnel qui conduit leurs affaires au pire a certes confirmé so
1394
sa profonde méfiance à l’endroit de ce qui vient,
de
notre monde moderne en général, mais son goût puissant de la vie et s
1395
monde moderne en général, mais son goût puissant
de
la vie et son sens du service de la cité n’ont cessé de le ramener au
1396
on goût puissant de la vie et son sens du service
de
la cité n’ont cessé de le ramener aux grands postes publics, quand un
1397
vie et son sens du service de la cité n’ont cessé
de
le ramener aux grands postes publics, quand un appel pressant du pays
1398
sion mais servir avec force en toute indépendance
d’
esprit, peut-on dire que ces traits composent une personnalité typique
1399
uffira peut-être à justifier l’existence autonome
de
ce pays, dans une époque où l’homme complet devient un phénomène tell
1400
nir que le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier
de
dire que « C.J.B. », l’homme dont la stature est imposante, est aussi
1401
nt, un humoriste redoutable, et un grand chasseur
de
chamois.) ab. Rougemont Denis de, « Un écrivain suisse : Carl Bur
1402
and chasseur de chamois.) ab. Rougemont Denis
de
, « Un écrivain suisse : Carl Burckhardt », Gazette de Lausanne (suppl
1403
« Un écrivain suisse : Carl Burckhardt », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 20–21 mars 1964, p. 23.
1404
ncêtres, il y avait passé les 14 premières années
de
sa vie, il y revenait souvent, voir sa très vieille mère et travaille
1405
et travailler dans l’atelier qui avait été celui
de
son père. Il y est mort hier soir, puisse-t-il y reposer parmi les si
1406
. Mais ce jour-là, il triturait une mince colonne
de
terre et se plaignait — « c’est l’enfer ! », disait-il. De la matière
1407
et se plaignait — « c’est l’enfer ! », disait-il.
De
la matière fuyait entre ses doigts, s’effilait et refusait de remplir
1408
e fuyait entre ses doigts, s’effilait et refusait
de
remplir le volume normal d’un corps, d’une tête. « Cela s’allonge et
1409
’effilait et refusait de remplir le volume normal
d’
un corps, d’une tête. « Cela s’allonge et s’amincit par une poussée ir
1410
refusait de remplir le volume normal d’un corps,
d’
une tête. « Cela s’allonge et s’amincit par une poussée irrésistible d
1411
allonge et s’amincit par une poussée irrésistible
de
bas en haut, rien à faire, c’est plus fort que moi… » Là-dessus des t
1412
es allés prendre un verre sur la terrasse du Café
de
la Poste, au grand soleil. J’écrivais à ce moment un livre sur la Sui
1413
moment un livre sur la Suisse, c’était la raison
de
mon passage, et nous avons parlé de notre pays, fraternisé dans un él
1414
ait la raison de mon passage, et nous avons parlé
de
notre pays, fraternisé dans un éloge immodéré de ses aspects variés e
1415
de notre pays, fraternisé dans un éloge immodéré
de
ses aspects variés et insolites, de l’Appenzell où Alberto avait fait
1416
loge immodéré de ses aspects variés et insolites,
de
l’Appenzell où Alberto avait fait son service et gagné un galon de bo
1417
Alberto avait fait son service et gagné un galon
de
bon tireur — moi aussi, je l’ai eu ! m’écriai-je — jusqu’à Soglio tou
1418
Et quel paysage autour de nous ! Le clocher aigu
de
l’église ; de maigres peupliers noueux sur des pentes bosselées et se
1419
ge autour de nous ! Le clocher aigu de l’église ;
de
maigres peupliers noueux sur des pentes bosselées et semées de rocher
1420
upliers noueux sur des pentes bosselées et semées
de
rochers, et tout en haut les futs très effilés du Piz Duan, des pics
1421
haut les futs très effilés du Piz Duan, des pics
de
la Sciora. Volcaniques ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto aimait à
1422
rce irrésistible allongeait vers le haut. Émotion
de
pressentir derrière l’œuvre, accident du génie humain, et ces acciden
1423
luriques, une même poussée profonde, une même loi
de
violence formatrice… ac. Rougemont Denis de, « Stampa, vieux villa
1424
oi de violence formatrice… ac. Rougemont Denis
de
, « Stampa, vieux village… », Gazette de Lausanne (supplément littérai
1425
ont Denis de, « Stampa, vieux village… », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 15–16 janvier 1966, p. 13
1426
i qui avait été l’un des « phares » baudelairiens
de
notre adolescence loin de Paris, puis un symbole (refusé mais sacré)
1427
oin de Paris, puis un symbole (refusé mais sacré)
de
la révolte inefficace, aux yeux sévères des jeunes mouvements personn
1428
ements personnalistes où je militais, cessât tout
d’
un coup d’être un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dî
1429
sonnalistes où je militais, cessât tout d’un coup
d’
être un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîner tête-à
1430
J’écrivais deux longs textes par jour : « La Voix
de
l’Amérique parle aux Français », et j’avais deux équipes d’« announce
1431
que parle aux Français », et j’avais deux équipes
d’
« announcers » qui les lisaient en alternant les voix devant le micro
1432
ils Pitoëff, et Breton. (Il avait trouvé ce moyen
de
gagner juste de quoi vivre sans la moindre compromission avec tous le
1433
Breton. (Il avait trouvé ce moyen de gagner juste
de
quoi vivre sans la moindre compromission avec tous les snobismes à l’
1434
ismes à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment,
de
ce que durant nos années parisiennes, nous n’ayons pu, ou cru pouvoir
1435
ns pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce sont
de
ces conneries ! Et que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelq
1436
ucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive
de
rêver que je m’entends au mieux avec tel homme, telle femme dont tout
1437
e, mon rêve est devenu vrai : nous parlons certes
de
ce qui peut nous rapprocher, l’amour-passion, les troubadours, la psy
1438
rs, la psychanalyse, Saint-John Perse, mais aussi
de
ce qui doit nous opposer de front : nos options politiques, morales e
1439
ohn Perse, mais aussi de ce qui doit nous opposer
de
front : nos options politiques, morales et religieuses. Et nous voici
1440
eligieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie
de
la contestation en convergence heureuse ! À quelques jours de là, il
1441
tation en convergence heureuse ! À quelques jours
de
là, il me dit souhaiter que nous puissions désormais nous rencontrer
1442
mécaniquement en quelque sorte ». L’OWI eut ceci
de
bon de nous en assurer l’occasion quotidienne. Le culte d’une pierr
1443
quement en quelque sorte ». L’OWI eut ceci de bon
de
nous en assurer l’occasion quotidienne. Le culte d’une pierre bleue
1444
ous en assurer l’occasion quotidienne. Le culte
d’
une pierre bleue Dès notre première vraie rencontre, j’avais découv
1445
e bien que personne ne parlera dans les centaines
d’
articles à paraître ces prochains jours. C’est que Breton, pour toute
1446
on, pour toute la haine vigilante qu’il n’a cessé
de
vouer sa vie durant aux manifestations visibles et officielles du chr
1447
l me dit ce soir-là qu’il avait découvert au fond
de
l’échoppe d’un cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisa
1448
oir-là qu’il avait découvert au fond de l’échoppe
d’
un cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la
1449
ans le Morvan, les deux portraits se faisant face
de
la mère Angélique Arnaud et de Marat : l’accord du jansénisme et du j
1450
ts se faisant face de la mère Angélique Arnaud et
de
Marat : l’accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénération d
1451
u jansénisme et du jacobinisme dans la vénération
de
l’artisan lui semblait des plus exaltants. Or, il n’est rien de commu
1452
ui semblait des plus exaltants. Or, il n’est rien
de
commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fanatique qui
1453
en de commun aux deux doctrines hors le grand ton
de
rigueur fanatique qui était l’un des aspects de la poésie selon Breto
1454
n de rigueur fanatique qui était l’un des aspects
de
la poésie selon Breton, autrement dit, de sa « religion ». Il en tira
1455
aspects de la poésie selon Breton, autrement dit,
de
sa « religion ». Il en tirait une morale ombrageuse, celle qui réglai
1456
lle qui réglait absolument sa vie, et des décrets
d’
excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voix soudains, en
1457
’excommunication peu prévisibles, à grands éclats
de
voix soudains, en rejetant la tête en arrière, et la victime disparai
1458
ée jusqu’à l’âme. D’autres fois, il se contentait
d’
un ou deux coups d’épingle très courtois, ou d’une épithète gouailleus
1459
’autres fois, il se contentait d’un ou deux coups
d’
épingle très courtois, ou d’une épithète gouailleuse, et le disciple f
1460
it d’un ou deux coups d’épingle très courtois, ou
d’
une épithète gouailleuse, et le disciple flatté hier encore au-delà de
1461
lleuse, et le disciple flatté hier encore au-delà
de
ses plus folles espérances, s’en allait subitement dégonflé. (Combien
1462
rances, s’en allait subitement dégonflé. (Combien
de
poètes, et plus encore de peintres, n’ont jamais pu vraiment s’approu
1463
ment dégonflé. (Combien de poètes, et plus encore
de
peintres, n’ont jamais pu vraiment s’approuver dans leur cœur, parce
1464
e les avait pas admis et célébrés !) J’ai vu plus
d’
une scène de ce genre aux réunions du groupe, d’ailleurs variable et q
1465
pas admis et célébrés !) J’ai vu plus d’une scène
de
ce genre aux réunions du groupe, d’ailleurs variable et quelque peu f
1466
assez fantasques qu’on eût dit nées des comédies
de
Shakespeare. On se rencontrait chez l’un ou l’autre, faute de terrass
1467
contrait chez l’un ou l’autre, faute de terrasses
de
café, une ou deux soirées par semaine, et l’on se livrait avec beauco
1468
on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux
d’
écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait une fête (comme cell
1469
avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou
de
télépathie. Parfois, on arrangeait une fête (comme celle qui fut dédi
1470
Part du diable ). J’allais chez lui, il me lisait
de
la poésie sur un ton d’emphase contenue, en marchant à grands pas dan
1471
is chez lui, il me lisait de la poésie sur un ton
d’
emphase contenue, en marchant à grands pas dans son studio : « L’Europ
1472
ne. Ce pape-là ne le gênait pas : c’était un vers
d’
Apollinaire. (Mais tout de même, la litanie du Christ aviateur, dans l
1473
l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier
d’
une belle écriture sage et d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fou
1474
l venait de recopier d’une belle écriture sage et
d’
orner de fleurs au crayon de couleur. Fourier était alors son nouvel i
1475
de recopier d’une belle écriture sage et d’orner
de
fleurs au crayon de couleur. Fourier était alors son nouvel intercess
1476
elle écriture sage et d’orner de fleurs au crayon
de
couleur. Fourier était alors son nouvel intercesseur : il insistait p
1477
travail et les plaisirs « réglés » des ouvriers,
de
l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il était le premier à découvr
1478
u’il était le premier à découvrir ce jeune auteur
d’
avant-garde ! « Ombre frénétique de Fourier, ombre frémissante de Flor
1479
e jeune auteur d’avant-garde ! « Ombre frénétique
de
Fourier, ombre frémissante de Flora Tristan, ombre délicieuse du Père
1480
« Ombre frénétique de Fourier, ombre frémissante
de
Flora Tristan, ombre délicieuse du Père Enfantin… une grande réparati
1481
s leurs outrances et tout ce qui procède chez eux
de
la griserie imaginative, on ne peut refuser d’accorder aux écrivains
1482
ux de la griserie imaginative, on ne peut refuser
d’
accorder aux écrivains réformateurs de la première moitié du xixe siè
1483
eut refuser d’accorder aux écrivains réformateurs
de
la première moitié du xixe siècle, le bénéfice de l’extrême fraîcheu
1484
e la première moitié du xixe siècle, le bénéfice
de
l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’est mieux défini. Je pense
1485
Je pense au soir où il déclara qu’il était temps
d’
aller regarder de plus près qu’on ne l’avait fait saint Augustin, qu’i
1486
soudain devant Breton, qui marche lentement à pas
de
rêve. « Je pensais, me dit-il, à la religion qu’il faut absolument fo
1487
fonder, et pourquoi ne pas la fonder sur le culte
d’
une pierre bleue ? » Changer la vie La grande contradiction qui
1488
vie La grande contradiction qui a tendu l’arc
d’
une existence poétique si hautement exemplaire à tant d’égards, c’est
1489
existence poétique si hautement exemplaire à tant
d’
égards, c’est qu’il voulait tout à la fois changer la vie par une sédi
1490
et libertaire, anarchiste et sacerdotal, rhéteur
de
la révolte et précieux ajusteur de mallarméens bibelots, entre le dél
1491
dotal, rhéteur de la révolte et précieux ajusteur
de
mallarméens bibelots, entre le délire et l’extrême rigueur il n’a jam
1492
e délire et l’extrême rigueur il n’a jamais cessé
d’
inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul. De person
1493
chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul.
De
personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec auta
1494
ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant
d’
audace que d’exacte obéissance aux signes devinés — ce qu’il faut bien
1495
qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que
d’
exacte obéissance aux signes devinés — ce qu’il faut bien que j’appell
1496
es devinés — ce qu’il faut bien que j’appelle ici
d’
un terme signifiant pour moi la relation d’un homme au transcendant, s
1497
le ici d’un terme signifiant pour moi la relation
d’
un homme au transcendant, sa vocation. ad. Rougemont Denis de, « A
1498
ranscendant, sa vocation. ad. Rougemont Denis
de
, « André Breton à New York », Gazette de Lausanne (supplément littéra
1499
nt Denis de, « André Breton à New York », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 8–9 octobre 1966, p. 29.
1500
voulue… Furtifs retours : un visage, les parfums
d’
une maison rustique ; une rue de Paris où l’on se hâte vers l’école ;
1501
is fort précises, car elles nous disent très bien
de
quoi parle ce livre4 mais aussi comment il en parle. Et c’est cela qu
1502
qui nous intéresse : Jacques Chenevière, écrivain
de
race, ne donne pas ici ses mémoires, c’est plutôt sa mémoire elle-mêm
1503
le auteur. Ces souvenirs ne seront donc pas faits
de
dates, d’événements et de justifications, comme ceux d’un homme publi
1504
Ces souvenirs ne seront donc pas faits de dates,
d’
événements et de justifications, comme ceux d’un homme public, mais d’
1505
e seront donc pas faits de dates, d’événements et
de
justifications, comme ceux d’un homme public, mais d’images curieusem
1506
es, d’événements et de justifications, comme ceux
d’
un homme public, mais d’images curieusement fixées et restituées après
1507
ustifications, comme ceux d’un homme public, mais
d’
images curieusement fixées et restituées après un long développement i
1508
tirs ici ou là, où l’art le dispute au scrupule),
de
visions « furtives » mais aiguës, d’oublis révélateurs peut-être, obé
1509
u scrupule), de visions « furtives » mais aiguës,
d’
oublis révélateurs peut-être, obéissant à la seule logique des sentime
1510
tre, obéissant à la seule logique des sentiments.
D’
où le pouvoir émouvant de tant de ces pages. À vrai dire, il y a là de
1511
logique des sentiments. D’où le pouvoir émouvant
de
tant de ces pages. À vrai dire, il y a là deux ou trois livres mêlés,
1512
n peu comme dans le Nouveau Roman.) Cette variété
de
styles, de thèmes et de registres me paraît ici nécessaire et signifi
1513
dans le Nouveau Roman.) Cette variété de styles,
de
thèmes et de registres me paraît ici nécessaire et signifiante. Comme
1514
eau Roman.) Cette variété de styles, de thèmes et
de
registres me paraît ici nécessaire et signifiante. Comme la plupart d
1515
re et signifiante. Comme la plupart des écrivains
de
notre pays — et très Suisse en cela du moins — Jacques Chenevière n’e
1516
n. Une seconde vocation le requiert, dès le seuil
de
l’âge d’homme ; elle menace souvent d’accaparer ses énergies aux dépe
1517
conde vocation le requiert, dès le seuil de l’âge
d’
homme ; elle menace souvent d’accaparer ses énergies aux dépens de l’œ
1518
s le seuil de l’âge d’homme ; elle menace souvent
d’
accaparer ses énergies aux dépens de l’œuvre personnelle, elle pourra
1519
mais finalement elle n’aura pas contaminé son art
d’
écrire « pour le plaisir ». Je pense à des récits comme Valets, Reines
1520
e Valets, Reines, Rois, Daphné, ou la Jeune Fille
de
Neige, qui n’ont rien de philanthropique. (Ils ravissaient Valéry Lar
1521
aphné, ou la Jeune Fille de Neige, qui n’ont rien
de
philanthropique. (Ils ravissaient Valéry Larbaud, et c’est tout dire.
1522
Valéry Larbaud, et c’est tout dire.) Cette suite
d’
une quarantaine de portraits-souvenirs, de rencontres et de récits qui
1523
t c’est tout dire.) Cette suite d’une quarantaine
de
portraits-souvenirs, de rencontres et de récits qui mettent en scène
1524
e suite d’une quarantaine de portraits-souvenirs,
de
rencontres et de récits qui mettent en scène tantôt l’auteur (surtout
1525
rantaine de portraits-souvenirs, de rencontres et
de
récits qui mettent en scène tantôt l’auteur (surtout dans sa jeunesse
1526
e, et jamais sans humour), tantôt des personnages
de
l’histoire politique et littéraire d’un passé proche, nous font passe
1527
personnages de l’histoire politique et littéraire
d’
un passé proche, nous font passer et repasser sans transition de la pr
1528
che, nous font passer et repasser sans transition
de
la prose à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux
1529
repasser sans transition de la prose à la poésie,
d’
un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dramatiquement im
1530
ns transition de la prose à la poésie, d’un salon
de
la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dramatiquement improvisés de
1531
à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise
d’
Art aux bureaux dramatiquement improvisés de la naissante Agence des p
1532
prise d’Art aux bureaux dramatiquement improvisés
de
la naissante Agence des prisonniers de guerre, et de l’évocation d’un
1533
improvisés de la naissante Agence des prisonniers
de
guerre, et de l’évocation d’une adolescence parisienne à celle d’une
1534
la naissante Agence des prisonniers de guerre, et
de
l’évocation d’une adolescence parisienne à celle d’une inénarrable in
1535
ence des prisonniers de guerre, et de l’évocation
d’
une adolescence parisienne à celle d’une inénarrable incorporation com
1536
l’évocation d’une adolescence parisienne à celle
d’
une inénarrable incorporation comme volontaire cycliste en culotte Sau
1537
olontaire cycliste en culotte Saumur et casquette
de
yachting dans l’armée suisse de 1914. Sans transition, mais non sans
1538
umur et casquette de yachting dans l’armée suisse
de
1914. Sans transition, mais non sans art : après une scène nocturne d
1539
ion, mais non sans art : après une scène nocturne
d’
un comique insidieux et digne du modèle, où l’on voit Proust lunaire,
1540
distrait et intense à la fois, paraître au seuil
d’
un salon déserté, passé minuit, combien j’aime cet éclat, d’allégresse
1541
déserté, passé minuit, combien j’aime cet éclat,
d’
allégresse solaire que fait la première phrase du chapitre suivant : L
1542
is le Vanéfort ! criée par le garde-chasse du mas
de
Campuget (près de Nîmes). « Bou Diou ! ce vent-là risque d’emporter m
1543
t (près de Nîmes). « Bou Diou ! ce vent-là risque
d’
emporter même le soleil ! » Mais après le monde des enfances, entre le
1544
des enfances, entre le monde des lettres et celui
de
l’action — et l’on dirait ici qu’un nouveau livre se propose — quelqu
1545
ncieux exigent leur durée, leur chapitre : auprès
d’
une jeune fille inconnue, dans une maison de campagne à vendre ; à tra
1546
agne à vendre ; à travers un paysage où « l’orage
de
mai, proche et grondant de foudres mauves, laisse dans l’air un goût
1547
n paysage où « l’orage de mai, proche et grondant
de
foudres mauves, laisse dans l’air un goût de silex » ; seul dans la n
1548
dant de foudres mauves, laisse dans l’air un goût
de
silex » ; seul dans la nuit avec soi-même ; ou devant l’épreuve profo
1549
ables. L’agence des prisonniers Descriptions
d’
une mémoire ; et ce qu’elle a gardé, et qui revit en ce recueil, va de
1550
qui revit en ce recueil, va devenir par la grâce
d’
un art très sûr un peu de la mémoire de chaque lecteur. Je sais bien l
1551
r la grâce d’un art très sûr un peu de la mémoire
de
chaque lecteur. Je sais bien les images que je n’oublierai plus, que
1552
j’aimerais évoquer ici, mais beaucoup ne sont pas
de
celles que l’on peut désigner facilement, faites d’atmosphère, de sen
1553
celles que l’on peut désigner facilement, faites
d’
atmosphère, de sentiment, et d’un regard imaginant. Presque rien n’eût
1554
on peut désigner facilement, faites d’atmosphère,
de
sentiment, et d’un regard imaginant. Presque rien n’eût été enregistr
1555
facilement, faites d’atmosphère, de sentiment, et
d’
un regard imaginant. Presque rien n’eût été enregistré par l’objectif
1556
faciles à identifier historiquement. La création
de
l’Agence des prisonniers de guerre, dès l’automne de 1914. Notre cycl
1557
iquement. La création de l’Agence des prisonniers
de
guerre, dès l’automne de 1914. Notre cycliste volontaire rappelé à Ge
1558
l’Agence des prisonniers de guerre, dès l’automne
de
1914. Notre cycliste volontaire rappelé à Genève par Gustave Ador, pr
1559
voir un admirable gilet blanc ») se trouve chargé
de
deux corbeilles de courrier affluant vers Genève des familles de sold
1560
ilet blanc ») se trouve chargé de deux corbeilles
de
courrier affluant vers Genève des familles de soldats disparus. « À G
1561
les de courrier affluant vers Genève des familles
de
soldats disparus. « À Genève, pour trouver mon fils » porte une envel
1562
tre : « À Gustave Adoré, Genève. » La marée monte
de
semaine en semaine, sans reflux. (Durant la Seconde Guerre mondiale,
1563
ours où l’Agence recevra 40 000 documents !) Plus
de
mille volontaires travaillent bientôt. Un jour on annonce à Chenevièr
1564
t comme frileux malgré un gros pardessus… Finesse
d’
un visage presque sans couleur, posé sur un col haut, tout droit, empe
1565
it Romain Rolland. Il venait de publier Au-dessus
de
la Mêlée et vivait à Villeneuve, réaliste utopique, « en une sorte de
1566
t à Villeneuve, réaliste utopique, « en une sorte
de
sérénité meurtrie ». Mussolini et les raisins Plus tard, c’est
1567
ni et les raisins Plus tard, c’est à la veille
de
l’autre guerre mondiale, une délégation du CICR se rend à Rome pour e
1568
ne délégation du CICR se rend à Rome pour essayer
de
sauver les blessés bombardés par les Italiens en Éthiopie. Visite au
1569
a table — où je remarque soudain une coupe emplie
de
beaux raisins pâles. Il tient le menton haut… L’œil est impérieux, ma
1570
ixe on ne sait quel objet imaginaire bien au-delà
de
nos personnes, quoique l’attention soit évidente, concentrée. » Tout
1571
é, les délégués s’en vont. « Je ne pus me retenir
de
regarder, deux secondes par-dessus mon épaule : Mussolini, de dos, ét
1572
deux secondes par-dessus mon épaule : Mussolini,
de
dos, était arrêté devant la table officielle. Plus du tout cambré, il
1573
l (mais souvent trop rapides à mon gré, par excès
de
pudeur peut-être, ou comme si l’auteur redoutait de s’exposer trop lo
1574
pudeur peut-être, ou comme si l’auteur redoutait
de
s’exposer trop longtemps aux rayons du souvenir) rappellent les amis
1575
nir) rappellent les amis disparus, un beau groupe
d’
écrivains de sa génération : Guy de Pourtalès parmi les pêcheurs du Lé
1576
ent les amis disparus, un beau groupe d’écrivains
de
sa génération : Guy de Pourtalès parmi les pêcheurs du Léman, ou à Ba
1577
Léman, ou à Bayreuth, Robert de Traz à la Revue
de
Genève (dont Chenevière fut codirecteur), Pierre Girard blotti dans
1578
cel Proust. La présentation du petit Jacques, âgé
de
13 ans, à Sarah Bernhardt dans sa loge, puis leurs rencontres à Genèv
1579
Genève et à Paris, sont décrites dans le registre
d’
un comique assez vif, mais l’amitié ou l’émotion président seules aux
1580
itié ou l’émotion président seules aux évocations
de
Copeau, de Ludmilla Pitoëff, d’Adolphe Appia et de Jaques-Dalcroze, p
1581
motion président seules aux évocations de Copeau,
de
Ludmilla Pitoëff, d’Adolphe Appia et de Jaques-Dalcroze, pour lequel
1582
es aux évocations de Copeau, de Ludmilla Pitoëff,
d’
Adolphe Appia et de Jaques-Dalcroze, pour lequel Chenevière a écrit le
1583
e Copeau, de Ludmilla Pitoëff, d’Adolphe Appia et
de
Jaques-Dalcroze, pour lequel Chenevière a écrit le livret des Premier
1584
e raconte avec une légèreté miraculeuse le séjour
d’
un jeune homme amusé dans un château près de Strasbourg où l’accueille
1585
esse de Pourtalès et princesse Metternich — dames
d’
antan, et qui furent de ces grandes corolles posées sur la prairie aup
1586
incesse Metternich — dames d’antan, et qui furent
de
ces grandes corolles posées sur la prairie auprès de l’Impératrice, d
1587
auprès de l’Impératrice, dans le tableau célèbre
de
Winterhalter. Le dialogue de ces deux dettes du Second Empire, l’une
1588
s le tableau célèbre de Winterhalter. Le dialogue
de
ces deux dettes du Second Empire, l’une « aux yeux couleur de beau te
1589
dettes du Second Empire, l’une « aux yeux couleur
de
beau temps », l’autre fumant sans cesse des petits cigares « qu’elle
1590
r composait Worth trente ans plus tôt pour un bal
de
la Cour (« Avouez que nous étions un peu rivales… »), s’élève jusqu’a
1591
lime dans la frivolité et touche aux ravissements
d’
une poésie pure. Quels sont les secrets de l’écriture qui anime ainsi
1592
sements d’une poésie pure. Quels sont les secrets
de
l’écriture qui anime ainsi tant d’images, et si variées ? Allons les
1593
nt les secrets de l’écriture qui anime ainsi tant
d’
images, et si variées ? Allons les rechercher dans les enfances et sur
1594
retenue parfois un peu rêveuse du Genevois, voilà
de
quoi se fait un style, unique dans nos lettres romandes. Entre le Pau
1595
s romandes. Entre le Paul Morand des descriptions
de
la Belle Époque, rapide, aigu, documenté jusqu’au dernier bouton de g
1596
, rapide, aigu, documenté jusqu’au dernier bouton
de
guêtre, et les ellipses un peu nippones des plus récents recueils de
1597
llipses un peu nippones des plus récents recueils
de
Jacques Chardonne, voici un art qui exprime son temps avec plus de te
1598
nne, voici un art qui exprime son temps avec plus
de
tendresse, de scrupules et d’humour, et qui, pour moins griffer, d’au
1599
art qui exprime son temps avec plus de tendresse,
de
scrupules et d’humour, et qui, pour moins griffer, d’autant mieux cha
1600
son temps avec plus de tendresse, de scrupules et
d’
humour, et qui, pour moins griffer, d’autant mieux charme. Aux jeunes
1601
crupules et d’humour, et qui, pour moins griffer,
d’
autant mieux charme. Aux jeunes gens et jeunes filles d’aujourd’hui, j
1602
nt mieux charme. Aux jeunes gens et jeunes filles
d’
aujourd’hui, j’aimerais dire qu’un tel livre transmet quelque chose qu
1603
u’un tel livre transmet quelque chose qui n’a pas
de
prix : les secrets de l’usage d’une civilisation. Je l’intitule par-d
1604
t quelque chose qui n’a pas de prix : les secrets
de
l’usage d’une civilisation. Je l’intitule par-devers moi la précision
1605
hose qui n’a pas de prix : les secrets de l’usage
d’
une civilisation. Je l’intitule par-devers moi la précision des sentim
1606
u émouvant, qui est avec le mouvement et l’allure
de
la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste est linguis
1607
le mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux
de
la littérature. Et tout le reste est linguistique, dirait Verlaine s’
1608
images, Éditions Rencontre. ae. Rougemont Denis
de
, « Jacques Chenevière ou la précision des sentiments », Gazette de La
1609
nevière ou la précision des sentiments », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 22–23 octobre 1966, p. 27
1610
it su mettre en œuvre avec vigueur dans un désert
de
rochers rouges, brûlé d’implacables soleils, les puissances les mieux
1611
c vigueur dans un désert de rochers rouges, brûlé
d’
implacables soleils, les puissances les mieux calculées dans leur opér
1612
« plus clair que mille soleils », cet homme était
d’
Europe par les mesures et les affinités de sa pensée, mais il me donna
1613
e était d’Europe par les mesures et les affinités
de
sa pensée, mais il me donnait l’impression de représenter parmi nous
1614
tés de sa pensée, mais il me donnait l’impression
de
représenter parmi nous quelque chose de bien plus ancien. Parfois, en
1615
mpression de représenter parmi nous quelque chose
de
bien plus ancien. Parfois, en l’écoutant, en le voyant de près, médit
1616
plus ancien. Parfois, en l’écoutant, en le voyant
de
près, méditatif, je songeais à la race du pharaon, fondateur dans cet
1617
race du pharaon, fondateur dans cet autre désert
d’
El-Amarna, d’une cité du Soleil absolu : il en avait la sensitivité, l
1618
aon, fondateur dans cet autre désert d’El-Amarna,
d’
une cité du Soleil absolu : il en avait la sensitivité, l’ossature dél
1619
nnant et ce sens mystique étranger à toute espèce
de
religion des prêtres. « Nous devons être absolument séculiers » insis
1620
rivit au réveil et le publia dans la petite revue
de
poésie d’avant-garde The Hound and the Horn. Infiniment scrupuleux, p
1621
éveil et le publia dans la petite revue de poésie
d’
avant-garde The Hound and the Horn. Infiniment scrupuleux, par bonté,
1622
écouter comme personne, tout en vous enveloppant
d’
un regard bleu qui allait interroger au-delà de vous-même. Il avait un
1623
nt d’un regard bleu qui allait interroger au-delà
de
vous-même. Il avait une aura, il le savait, un prestige un peu doulou
1624
un peu douloureux qu’il portait avec juste assez
de
gaucherie pour une impeccable élégance… af. Rougemont Denis de, «
1625
r une impeccable élégance… af. Rougemont Denis
de
, « J. Robert Oppenheimer », Gazette de Lausanne (supplément littérair
1626
mont Denis de, « J. Robert Oppenheimer », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 25 février 1967, p. 29.
1627
Rougemont (6-7 avril 1968)ag ah La publication
de
Journal d’une époque de Denis de Rougemont constitue, actuellement,
1628
-7 avril 1968)ag ah La publication de Journal
d’
une époque de Denis de Rougemont constitue, actuellement, l’un des év
1629
ag ah La publication de Journal d’une époque
de
Denis de Rougemont constitue, actuellement, l’un des événements les p
1630
ellement, l’un des événements les plus importants
de
la vie littéraire. Pour l’élaboration de ce dense recueil, qui groupe
1631
portants de la vie littéraire. Pour l’élaboration
de
ce dense recueil, qui groupe Le Paysan du Danube , Journal d’un int
1632
cueil, qui groupe Le Paysan du Danube , Journal
d’
un intellectuel en chômage , Journal des deux mondes , l’auteur a ent
1633
l des deux mondes , l’auteur a entamé une manière
de
dialogue avec son œuvre, ajoutant aux textes déjà publiés un bon quar
1634
re, ajoutant aux textes déjà publiés un bon quart
d’
inédits. J’ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison de Ferney-Vo
1635
J’ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison
de
Ferney-Voltaire, qui est comme le signe sensible de la situation que
1636
Ferney-Voltaire, qui est comme le signe sensible
de
la situation que l’écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture de no
1637
sensible de la situation que l’écrivain n’a cessé
d’
occuper dans la culture de notre temps : à proximité, le regard rencon
1638
ue l’écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture
de
notre temps : à proximité, le regard rencontre les champs et les arbr
1639
ité, le regard rencontre les champs et les arbres
de
la campagne genevoise ; à cinq minutes, cependant, vous avez Cointrin
1640
e. Pendant que j’écoutais la voix calme et lucide
de
Denis de Rougemont parler de l’Europe, de la personne, du langage, de
1641
voix calme et lucide de Denis de Rougemont parler
de
l’Europe, de la personne, du langage, de notre univers, des avions pa
1642
lucide de Denis de Rougemont parler de l’Europe,
de
la personne, du langage, de notre univers, des avions passant dans le
1643
t parler de l’Europe, de la personne, du langage,
de
notre univers, des avions passant dans le ciel apportaient comme un é
1644
ns passant dans le ciel apportaient comme un écho
de
la planète. Le principal morceau inédit, précise Denis de Rougemont,
1645
e 1932 , qui joint Paysan du Danube et Journal
d’
un intellectuel en chômage . Ce texte reflète un point-charnière dans
1646
en effet, qu’avec plusieurs jeunes intellectuels
de
ma génération, j’ai découvert la crise où se trouvait la société. Des
1647
ements comme Esprit, L’Ordre nouveau témoignèrent
de
cette prise de conscience. Nous ne partions pas d’une insatisfaction
1648
e cette prise de conscience. Nous ne partions pas
d’
une insatisfaction de notre sort. Nous pensions que la société où nous
1649
cience. Nous ne partions pas d’une insatisfaction
de
notre sort. Nous pensions que la société où nous vivions était fichue
1650
solution du principe communautaire. L’affirmation
de
principes de droit international ne servait, en fait, que les nationa
1651
rincipe communautaire. L’affirmation de principes
de
droit international ne servait, en fait, que les nationalismes. Dans
1652
us nous attachions à une doctrine très rigoureuse
de
la personne qui débouchait sur l’idée de la fédération de l’Europe, l
1653
goureuse de la personne qui débouchait sur l’idée
de
la fédération de l’Europe, liée à la notion d’une fédération des régi
1654
rsonne qui débouchait sur l’idée de la fédération
de
l’Europe, liée à la notion d’une fédération des régions, concept actu
1655
ée de la fédération de l’Europe, liée à la notion
d’
une fédération des régions, concept actuellement repris d’ailleurs, mê
1656
ulle. À cette époque, l’opposition du fascisme et
de
la démocratie, pour des jeunes gens qui voulaient faire la révolution
1657
dictature stalinienne du parti, que la dictature
de
l’État, telle que l’incarnaient Hitler et Mussolini. Quels furent, au
1658
ent, au niveau des faits, les éléments importants
de
cet automne 1932 ? Beaucoup de choses sont sorties à ce moment-là : l
1659
s sont sorties à ce moment-là : le premier numéro
de
la revue Esprit , le premier numéro de Hic et Nunc , une revue de p
1660
er numéro de la revue Esprit , le premier numéro
de
Hic et Nunc , une revue de pensée existentielle que je dirigeais, en
1661
t , le premier numéro de Hic et Nunc , une revue
de
pensée existentielle que je dirigeais, en collaboration avec Roger Br
1662
Robert Aron et Alexandre Marc, le mouvement était
d’
inspiration proudhonienne, avec quelques influences marxistes (du jeun
1663
, nous voulions laisser les choses dans leur état
de
tension. Quant à Esprit, son premier numéro manifestait une tendance
1664
éguyste, à dominante catholique. Quand le premier
de
Hic et Nunc parut, Mounier a trouvé que j’y allais un peu fort. Nou
1665
ois mouvements, n’ayant jamais voulu être l’homme
d’
une seule secte. Peut-être adoptais-je, sans m’en douter une attitude
1666
s m’en douter une attitude suisse, par ma volonté
de
ménager des intermédiaires entre les cultures, en faisant connaître,
1667
nce, je dirai que l’on trouvait, chez Esprit plus
de
méfiance pour les réalités scientifiques et techniques, qui nous inté
1668
s intéressaient, à Hic et Nunc ai, comme moyens
de
libération de la personne. Nous étions également en relation avec Réa
1669
t, à Hic et Nunc ai, comme moyens de libération
de
la personne. Nous étions également en relation avec Réaction, un mouv
1670
également en relation avec Réaction, un mouvement
d’
extrême droite où se trouvait Thierry Maulnier. En décembre 1932, la
1671
elle Revue française faisait paraître un Cahier
de
revendications , où s’exprimaient tous les mouvements partisans d’une
1672
, où s’exprimaient tous les mouvements partisans
d’
une révolution. En reprenant une vue d’ensemble sur votre œuvre, avez-
1673
partisans d’une révolution. En reprenant une vue
d’
ensemble sur votre œuvre, avez-vous relevé une évolution quant à votre
1674
ous relevé une évolution quant à votre conception
de
l’Europe ? Je dirai que dans ces journaux, qui ne sont pas des mémoir
1675
pas des mémoires et se tiennent à égale distance
de
la chronique et du journal intime, s’exprime l’évolution d’une sensib
1676
nique et du journal intime, s’exprime l’évolution
d’
une sensibilité européenne, beaucoup plus que des positions idéologiqu
1677
est ainsi que, Suisse français, je me suis nourri
de
Goethe, de Novalis, et de Hölderlin que les jeunes Français ne connai
1678
ue, Suisse français, je me suis nourri de Goethe,
de
Novalis, et de Hölderlin que les jeunes Français ne connaissaient pas
1679
çais, je me suis nourri de Goethe, de Novalis, et
de
Hölderlin que les jeunes Français ne connaissaient pas. On peut d’ail
1680
; pensez à Roud et Jaccottet. Il existe un filon
de
romantisme allemand qui nous est très proche et, chose curieuse, la l
1681
age. J’ai d’ailleurs toujours, dans ma conception
de
la liberté, défendu la théorie de la pluralité des allégeances, de mê
1682
s ma conception de la liberté, défendu la théorie
de
la pluralité des allégeances, de même que le droit de faire partie de
1683
a pluralité des allégeances, de même que le droit
de
faire partie de plusieurs clubs. Je considère que ma patrie est Neuch
1684
allégeances, de même que le droit de faire partie
de
plusieurs clubs. Je considère que ma patrie est Neuchâtel, ma nation
1685
ma communauté spirituelle le protestantisme. Rien
de
tout cela n’a les mêmes frontières et il se produit là un jeu complex
1686
es frontières et il se produit là un jeu complexe
d’
exclusions et d’inclusions, qui s’oppose d’une manière systématique à
1687
il se produit là un jeu complexe d’exclusions et
d’
inclusions, qui s’oppose d’une manière systématique à toute idée de na
1688
mplexe d’exclusions et d’inclusions, qui s’oppose
d’
une manière systématique à toute idée de nationalisme. Il faut multipl
1689
s’oppose d’une manière systématique à toute idée
de
nationalisme. Il faut multiplier les communautés d’aires différentes
1690
nationalisme. Il faut multiplier les communautés
d’
aires différentes qui n’ont pas les mêmes bornes territoriales. Cette
1691
ciné. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à être
d’
un pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule chose in
1692
sentir européen. La seule chose inadmissible est
d’
être enfermé dans les frontières d’un État-nation. « L’orgueil nationa
1693
admissible est d’être enfermé dans les frontières
d’
un État-nation. « L’orgueil national, a écrit Simone Weil, est loin de
1694
ienne. » Je suis très sensible aux particularités
d’
un pays, d’une région, qu’il s’agisse du monde germanique ou de la Fra
1695
suis très sensible aux particularités d’un pays,
d’
une région, qu’il s’agisse du monde germanique ou de la France. Main
1696
une région, qu’il s’agisse du monde germanique ou
de
la France. Maintenir les contraires Dans la préface à votre livr
1697
t, ou bien l’on se projette en lui sous le masque
d’
une relation toujours prête à fournir ses preuves d’objectivité. Ou éc
1698
une relation toujours prête à fournir ses preuves
d’
objectivité. Ou écrire ou décrire, en somme… » Cette tension entre la
1699
it n’est-elle pas la caractéristique fondamentale
de
votre vie et de votre œuvre ? Certainement, et c’est un mouvement qui
1700
s la caractéristique fondamentale de votre vie et
de
votre œuvre ? Certainement, et c’est un mouvement qui se retrouve à t
1701
ns un individu l’exigence spécifique, singulière,
d’
une vocation et l’exigence communautaire. Dès 1932, je définissais la
1702
rsonne comme l’individu que sa vocation distingue
de
la masse et relie à la communauté. Maintenir dans sa pensée deux réal
1703
s l’une et l’autre, telle est pour moi la formule
de
base du fédéralisme. Maintenir les contraires, sans les subordonner e
1704
age une théorie générale du fédéralisme qui irait
de
la personne à la fédération mondiale. Je tiens aussi beaucoup, dans l
1705
up, dans le même esprit, à la nécessité conjointe
de
la pensée et de l’action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’é
1706
esprit, à la nécessité conjointe de la pensée et
de
l’action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’écris dans Journ
1707
ec les mains » ou, comme je l’écris dans Journal
d’
un intellectuel en chômage : « La pensée doit conduire l’action : mai
1708
e sous le soleil, je me sens encore tout imprégné
de
la sagesse, à la fois moderne et profonde, d’un maître authentique. M
1709
gné de la sagesse, à la fois moderne et profonde,
d’
un maître authentique. Mais la réalité reprend vite ses droits : avant
1710
. Mais la réalité reprend vite ses droits : avant
d’
emprunter l’autoroute, il me faut présenter ma carte d’identité au dou
1711
runter l’autoroute, il me faut présenter ma carte
d’
identité au douanier ! L’Europe des politiciens n’est pas encore celle
1712
lle des intellectuels, mais une œuvre comme celle
de
Denis de Rougemont est là pour nous aider à ne pas désespérer complèt
1713
pour nous aider à ne pas désespérer complètement
de
l’esprit. ag. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le Journal d’une
1714
complètement de l’esprit. ag. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Le Journal d’une époque », Gazette de Lausanne (suppl
1715
ag. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le Journal
d’
une époque », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne,
1716
« [Entretien] Le Journal d’une époque », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 6–7 avril 1968, p. 27. a
1717
ar Henri-Charles Tauxe. ai. Il s’agit sans doute
d’
une erreur de transcription : Rougemont se réfère ici à L’Ordre nouvea
1718
les Tauxe. ai. Il s’agit sans doute d’une erreur
de
transcription : Rougemont se réfère ici à L’Ordre nouveau, non à Hic
1719
uère encore), celui qui s’interroge sur le destin
de
l’Université commence par brider sévèrement son imagination, obsédé q
1720
ent des peuples. Mais subitement, après les nuits
de
mai du Quartier latin, ce qui était utopie devient nécessité, ce que
1721
ce que l’on qualifiait avec un sourire indulgent
de
Zukunftsmusik devient urgence (peut-être même est-il trop tard), et c
1722
ence (peut-être même est-il trop tard), et chacun
d’
affirmer qu’il l’avait toujours dit… Sans plus de précautions, et pour
1723
à la mode par le maître à penser des jeunes gens
de
l’époque, Abélard. La substance de cette Université est donc la dispu
1724
es jeunes gens de l’époque, Abélard. La substance
de
cette Université est donc la disputatio, confrontation permanente et
1725
êmes, théologiques, philosophiques et juridiques,
de
la société. À côté de cela et avant cela (propédeutique) on enseigne
1726
rts, et réussissent à tout savoir.) En fonction
d’
un certain sens de la vie 2. Au sens du mot que je viens de définir
1727
t à tout savoir.) En fonction d’un certain sens
de
la vie 2. Au sens du mot que je viens de définir, l’Université n’e
1728
ersité n’existe plus. Ce qu’on persiste à décorer
de
ce nom n’est que la juxtaposition d’une quantité variable d’écoles pr
1729
te à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition
d’
une quantité variable d’écoles professionnelles, dites facultés, desti
1730
’est que la juxtaposition d’une quantité variable
d’
écoles professionnelles, dites facultés, destinées à former des avocat
1731
ices administratifs et leur dépendance financière
d’
un même État. À part cela, elles n’ont plus rien à se dire, ni au fond
1732
rits et les activités : elle aurait pour fonction
de
chercher et de dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’au nom d
1733
ivités : elle aurait pour fonction de chercher et
de
dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle so
1734
rait pour fonction de chercher et de dire le Sens
de
la société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle soit amenée à cont
1735
t amenée à contester les finalités productivistes
de
la plupart des écoles. 4. Les méthodes, elles aussi, sont différentes
1736
itiative créatrice donc risquée. Là, on s’efforce
de
« s’adapter aux besoins de la société », ici, on chercherait plutôt l
1737
quée. Là, on s’efforce de « s’adapter aux besoins
de
la société », ici, on chercherait plutôt les moyens d’adapter la soci
1738
société », ici, on chercherait plutôt les moyens
d’
adapter la société à un certain Sens… 5. Une école doit normalement dé
1739
ucher sur un job. Elle doit donc, comme le dit un
de
nos magistrats, « favoriser une meilleure connaissance des débouchés
1740
lleure connaissance des débouchés ». Mais le rôle
d’
une Université digne du nom serait plutôt de favoriser de meilleurs dé
1741
rôle d’une Université digne du nom serait plutôt
de
favoriser de meilleurs débouchés sur la connaissance. 6. Celui qui ve
1742
niversité digne du nom serait plutôt de favoriser
de
meilleurs débouchés sur la connaissance. 6. Celui qui veut apprendre
1743
t apprendre un métier pour en vivre n’a que faire
de
la contestation. Et celui qui entend contester la société n’a que fai
1744
lui qui entend contester la société n’a que faire
d’
une « étude des débouchés ». Cependant, avant de contester la société,
1745
ant, avant de contester la société, il serait bon
de
la connaître par l’une au moins de ses activités. L’école professionn
1746
il serait bon de la connaître par l’une au moins
de
ses activités. L’école professionnelle ou faculté doit donc précéder
1747
, et l’une ne peut se désintéresser des problèmes
de
l’autre. 7. Je propose que l’on traite ces problèmes par la méthode
1748
finition chinoise du fédéralisme : « La rencontre
de
l’oreille et des bruits. » Définition courante en Suisse mais fausse
1749
ion des moyens aux fins, c’est-à-dire des niveaux
de
décision aux finalités des différentes tâches qu’on se propose. 9. L
1750
x étages communautaires correspondants. Une école
de
médecine peut être trop grande pour tel canton, une école polytechniq
1751
que pour tel autre : elles exigent la coopération
de
plusieurs cantons, ou la dimension nationale. De même, les recherches
1752
tte méthode, la seule à mon avis qui ait le droit
de
se réclamer du fédéralisme. 10. Pourquoi des universités ? Question u
1753
lence, et qui définit même la fonction spécifique
de
l’Université : une école, en effet, ne saurait se la poser. Il faut l
1754
la poser. Il faut l’Université parce qu’un centre
de
contestation est indispensable à toute société de type européen, d’un
1755
de contestation est indispensable à toute société
de
type européen, d’une part pour faire progresser le savoir (recherches
1756
ur faire progresser le savoir (recherches au-delà
de
l’usage prévisible et sans tenir compte des « besoins de l’économie »
1757
age prévisible et sans tenir compte des « besoins
de
l’économie »), d’autre part pour orienter la société, c’est-à-dire fo
1758
ersité doit donc comprendre deux genres ou ordres
d’
activité distincts mais reliés : les recherches et la contestation. Da
1759
on se livrera à une perpétuelle mise en question
de
chaque discipline par les autres (et c’est ce qu’on peut nommer : rec
1760
interdisciplinaire). 12. Les dimensions optimales
d’
un groupe de recherche sont restées celles d’un studium médiéval : dix
1761
inaire). 12. Les dimensions optimales d’un groupe
de
recherche sont restées celles d’un studium médiéval : dix à quinze ét
1762
ales d’un groupe de recherche sont restées celles
d’
un studium médiéval : dix à quinze étudiants pour un maître. Ces group
1763
tre. Ces groupes pouvant se combiner librement et
de
manières variables, en départements, selon la nature des recherches.
1764
ra doivent être conservés : ainsi quand il s’agit
d’
exposer les recherches inédites qu’un maître est en train de faire et
1765
train de faire et qui peuvent intéresser beaucoup
d’
étudiants. Une fois la recherche terminée et « enseignée » une ou deux
1766
deux fois, on remplacera le cours par des groupes
de
discussion sur le texte polycopié et plus tard, publié. 14. Un profes
1767
ences humaines) sont peu coûteuses, demandent peu
d’
espace, et peuvent s’organiser n’importe où, à la campagne, dans un vi
1768
ants et étudiants est donc indispensable à la vie
d’
une Université digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu’une tensi
1769
é. Ce qu’il faut redouter, c’est la subordination
de
la recherche aux besoins de la société et notamment de son industrie.
1770
’est la subordination de la recherche aux besoins
de
la société et notamment de son industrie. Car une société, de même qu
1771
recherche aux besoins de la société et notamment
de
son industrie. Car une société, de même qu’une science ou une techniq
1772
Université subordonnée à la société, donc privée
de
liberté dans la critique et de gratuité dans l’imagination, cesserait
1773
ciété, donc privée de liberté dans la critique et
de
gratuité dans l’imagination, cesserait du même coup d’être une Univer
1774
atuité dans l’imagination, cesserait du même coup
d’
être une Université, et n’aurait plus qu’à disparaître. 17. Une Univer
1775
Une Université digne du nom, dont le rôle serait
d’
orienter les options fondamentales de notre société, en fonction d’un
1776
rôle serait d’orienter les options fondamentales
de
notre société, en fonction d’un certain Sens de la vie (à découvrir,
1777
tions fondamentales de notre société, en fonction
d’
un certain Sens de la vie (à découvrir, assumer, critiquer et rénover
1778
s de notre société, en fonction d’un certain Sens
de
la vie (à découvrir, assumer, critiquer et rénover sans relâche), red
1779
ans relâche), redeviendrait immédiatement un pôle
de
création et de rayonnement culturel. Ce que ne peuvent être, bien évi
1780
edeviendrait immédiatement un pôle de création et
de
rayonnement culturel. Ce que ne peuvent être, bien évidemment, ces en
1781
re, bien évidemment, ces encombrants conglomérats
d’
écoles professionnelles (ou facultés) que l’on s’obstine encore à nomm
1782
lles (ou facultés) — mais éliminer ce qui empêche
d’
exister bien (le micronationalisme cantonal, notamment) et ce qui fait
1783
routines, vanités, ignorance surtout, sans parler
de
la peur d’imaginer). Par-dessus tout cela, il faut réinventer une Uni
1784
anités, ignorance surtout, sans parler de la peur
d’
imaginer). Par-dessus tout cela, il faut réinventer une Université dig
1785
conomie, et la société tout entière sont menacées
de
perdre le sens, en même temps que les moyens de s’en apercevoir. 5
1786
s de perdre le sens, en même temps que les moyens
de
s’en apercevoir. 5. Voir notamment mon discours prononcé devant le
1787
ttéraire, en novembre 1964. aj. Rougemont Denis
de
, « Il faut réinventer l’université », Gazette de Lausanne (supplément
1788
de, « Il faut réinventer l’université », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 29 juin 1968, p. 29.
1789
e 1968)ak J’ai longtemps réfléchi aux rapports
de
l’écrivain et de l’événement se définissant l’un par l’autre, se mett
1790
longtemps réfléchi aux rapports de l’écrivain et
de
l’événement se définissant l’un par l’autre, se mettant l’un l’autre
1791
urs possible. Depuis ce temps lointain, la notion
d’
engagement a fait demi-tour dans l’esprit du public : on croit bonneme
1792
’en est remis une fois pour toutes à la politique
d’
un parti, quand il s’agit de prendre une position publique. L’engageme
1793
toutes à la politique d’un parti, quand il s’agit
de
prendre une position publique. L’engagement supposait à mon sens tout
1794
use mais aimante et, à l’extrême, sacrificielle —
d’
une personne et de sa pensée en corps à corps avec l’époque. « Présenc
1795
t, à l’extrême, sacrificielle — d’une personne et
de
sa pensée en corps à corps avec l’époque. « Présence au monde et à so
1796
si j’ose dire, moral, philosophique et religieux.
De
l’intime à l’ultime, il supposait un passage obligé par le « proxime
1797
dire la cité humaine, et ce passage était le lieu
de
l’engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : quelle peut
1798
urd’hui, au fait et au prendre, la responsabilité
de
l’écrivain dans la cité ? ⁂ Responsable est celui qui peut dire, dans
1799
, dans une situation donnée : j’en réponds ! Mais
de
quoi l’écrivain comme tel peut-il répondre, sinon de son œuvre elle-m
1800
quoi l’écrivain comme tel peut-il répondre, sinon
de
son œuvre elle-même, de sa pensée et de son style ? C’est par son œuv
1801
l peut-il répondre, sinon de son œuvre elle-même,
de
sa pensée et de son style ? C’est par son œuvre et non par quelque pr
1802
re, sinon de son œuvre elle-même, de sa pensée et
de
son style ? C’est par son œuvre et non par quelque prise de position
1803
le ? C’est par son œuvre et non par quelque prise
de
position occasionnelle face à l’événement historique qu’un écrivain e
1804
it, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écrivain
d’
un côté et l’événement de l’autre, deux objets qu’on pourrait isoler,
1805
il n’y a pas l’écrivain d’un côté et l’événement
de
l’autre, deux objets qu’on pourrait isoler, séparer ou rapprocher à v
1806
stoire lui attribue — Histoire qui est le produit
de
l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par lui-même événe
1807
vénement, et dont l’œuvre ne constitue une partie
de
la réalité qu’il croit décrire quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc pa
1808
re quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc parler que
de
différents modes de relations entre l’œuvre et l’époque. Pour simplif
1809
⁂ On ne peut donc parler que de différents modes
de
relations entre l’œuvre et l’époque. Pour simplifier, je distinguerai
1810
que. Pour simplifier, je distinguerai trois types
d’
auteurs qui se définissent par leur rapport à l’événement : le ludion,
1811
ficiels ou profonds et en formation, sans essayer
d’
agir sur eux, soit qu’il n’en ait aucune envie, soit qu’il désespère d
1812
qu’il n’en ait aucune envie, soit qu’il désespère
d’
en avoir les moyens, ou nie que ces moyens puissent même exister. La p
1813
la limite inférieure serait symbolisée par le nom
de
Françoise Sagan, ludion des moods à la mode, et la limite supérieure
1814
ods à la mode, et la limite supérieure par le nom
de
Franz Kafka, révélateur par l’angoisse du syndrome totalitaire tel qu
1815
aste Land, sans le témoignage desquels la société
de
l’époque n’eût pas eu son portrait tiré, et n’eût assumé devant l’His
1816
nt l’Histoire son visage et son style, conditions
de
l’événement. 2. Le contestateur réagit contre l’époque et l’événement
1817
s et attitudes dominées par une volonté viscérale
de
refus et de négation d’un certain type de société, ou de toute sociét
1818
es dominées par une volonté viscérale de refus et
de
négation d’un certain type de société, ou de toute société humaine. O
1819
par une volonté viscérale de refus et de négation
d’
un certain type de société, ou de toute société humaine. On peut conte
1820
scérale de refus et de négation d’un certain type
de
société, ou de toute société humaine. On peut contester comme Érasme
1821
s et de négation d’un certain type de société, ou
de
toute société humaine. On peut contester comme Érasme et Voltaire, ou
1822
peut contester comme Érasme et Voltaire, ou comme
d’
Aubigné et Chesterton, mais aussi comme Kierkegaard ou Rozanov, Unamun
1823
ket, Ionesco et Cioran, c’est-à-dire par le style
de
pensée polémique, le style de foi ou d’athéisme, l’imprécation lyriqu
1824
à-dire par le style de pensée polémique, le style
de
foi ou d’athéisme, l’imprécation lyrique ou le masochisme transcendan
1825
le style de pensée polémique, le style de foi ou
d’
athéisme, l’imprécation lyrique ou le masochisme transcendantal : tout
1826
ême, indifférent, mais par le contenu idéologique
d’
un discours dont l’efficacité immédiate suffira. 3. Quant au prophète,
1827
nomment l’utopiste, c’est toute la grande poésie
d’
Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à
1828
st toute la grande poésie d’Isaïe à l’Apocalypse,
d’
Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aus
1829
poésie d’Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante,
de
Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imaginat
1830
t à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imagination
de
la « vraie vie », de Thomas More et Tommaso Campanella à Swift, Rouss
1831
st aussi toute l’imagination de la « vraie vie »,
de
Thomas More et Tommaso Campanella à Swift, Rousseau et Saint-Simon, F
1832
ndu — mais l’ai-je assez laissé entendre — il y a
de
tout dans chaque catégorie, cela va du pire au meilleur, mais le meil
1833
té Finalement, ce que la société peut attendre
de
l’écrivain confronté à sa crise et à l’événement, c’est la donation d
1834
té à sa crise et à l’événement, c’est la donation
d’
une mesure, la création de formes, de concepts, et l’expression de mod
1835
ment, c’est la donation d’une mesure, la création
de
formes, de concepts, et l’expression de modes de sentir qui donnent «
1836
la donation d’une mesure, la création de formes,
de
concepts, et l’expression de modes de sentir qui donnent « un sens pl
1837
création de formes, de concepts, et l’expression
de
modes de sentir qui donnent « un sens plus pur aux mots de la tribu »
1838
de formes, de concepts, et l’expression de modes
de
sentir qui donnent « un sens plus pur aux mots de la tribu », et inst
1839
de sentir qui donnent « un sens plus pur aux mots
de
la tribu », et instaurent ou restaurent une communauté. Cela comporte
1840
ne communauté. Cela comporte bien autre chose que
de
signer ou même d’écrire des manifestes en faveur des victimes d’un ré
1841
a comporte bien autre chose que de signer ou même
d’
écrire des manifestes en faveur des victimes d’un régime et au nom d’u
1842
me d’écrire des manifestes en faveur des victimes
d’
un régime et au nom d’un autre régime qui ferait pire s’il le pouvait.
1843
omporte aussi l’éloge et le chant, l’illustration
d’
une communauté et d’une autorité heureuse : « Sur trois grandes saison
1844
e et le chant, l’illustration d’une communauté et
d’
une autorité heureuse : « Sur trois grandes saisons m’établissant avec
1845
j’ai fondé ma loi. » (Saint-John Perse.) Paroles
de
poète, paroles de prophète, c’est autant dire de fondateur. Ce que l’
1846
. » (Saint-John Perse.) Paroles de poète, paroles
de
prophète, c’est autant dire de fondateur. Ce que l’écrivain doit au m
1847
de poète, paroles de prophète, c’est autant dire
de
fondateur. Ce que l’écrivain doit au monde et à l’événement, c’est de
1848
l’écrivain doit au monde et à l’événement, c’est
de
les créer. Et ce qu’il faut attendre du meilleur écrivain, c’est qu’i
1849
onverger dans son œuvre le sentiment baudelairien
de
son époque, la révolte contre elle de tout homme qui se veut tel, et
1850
audelairien de son époque, la révolte contre elle
de
tout homme qui se veut tel, et l’annonce admirable d’un monde équilib
1851
out homme qui se veut tel, et l’annonce admirable
d’
un monde équilibré. ak. Rougemont Denis de, « L’écrivain et l’évén
1852
ble d’un monde équilibré. ak. Rougemont Denis
de
, « L’écrivain et l’événement », Gazette de Lausanne (supplément litté
1853
Denis de, « L’écrivain et l’événement », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 7–8 septembre 1968, p. 35
1854
l’Europe des régions [Entretien]al am Rentrant
d’
Amérique après la guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’
1855
guerre, j’avais compris qu’il était indispensable
d’
unir les Européens. Non seulement nous-mêmes, mais les Américains auss
1856
s-mêmes, mais les Américains aussi, avions besoin
de
cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure
1857
ions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre
de
valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continen
1858
de cette union, c’est-à-dire du genre de valeurs,
d’
équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1
1859
n, c’est-à-dire du genre de valeurs, d’équilibre,
de
mesure que représentait notre vieux continent. En août 1947 on est ve
1860
x continent. En août 1947 on est venu me demander
de
parler à un congrès de fédéralistes européens à Montreux où j’ai pron
1861
47 on est venu me demander de parler à un congrès
de
fédéralistes européens à Montreux où j’ai prononcé un discours inaugu
1862
urs inaugural : j’étais engagé. Puis j’ai accepté
de
m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du
1863
: j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper
de
la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La
1864
urelle du Mouvement européen. À partir du congrès
de
La Haye en 1948 je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’union
1865
n 1948 je me suis beaucoup penché sur ce problème
de
l’union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais
1866
ce problème de l’union des Européens sur la base
d’
une unité déjà existante. Je fais une distinction entre unité et union
1867
âtir. Non pas une uniformité mais un certain mode
de
contacts organisés. Cette base commune de culture et de civilisation
1868
in mode de contacts organisés. Cette base commune
de
culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union
1869
tacts organisés. Cette base commune de culture et
de
civilisation est la condition sine qua non d’une union économique et
1870
et de civilisation est la condition sine qua non
d’
une union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen d
1871
avons réuni pour la première fois les directeurs
d’
administration d’agences atomiques de six pays avec le concours de l’U
1872
la première fois les directeurs d’administration
d’
agences atomiques de six pays avec le concours de l’Unesco pour créer
1873
s directeurs d’administration d’agences atomiques
de
six pays avec le concours de l’Unesco pour créer un laboratoire europ
1874
d’agences atomiques de six pays avec le concours
de
l’Unesco pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires.
1875
rs de l’Unesco pour créer un laboratoire européen
de
recherches nucléaires. Le CERN a été la réalisation de cette première
1876
cherches nucléaires. Le CERN a été la réalisation
de
cette première initiative de notre centre. Nous avons fondé une Assoc
1877
a été la réalisation de cette première initiative
de
notre centre. Nous avons fondé une Association des festivals de musiq
1878
e. Nous avons fondé une Association des festivals
de
musique européens que je préside tout à fait par hasard. Nous avons c
1879
it par hasard. Nous avons coordonné les instituts
d’
études européennes qui étaient en train de se constituer dans différen
1880
pris contact avec des historiens, des professeurs
d’
enseignement secondaire, des éditeurs. Nous avons d’autre part lancé u
1881
avons d’autre part lancé une Campagne européenne
d’
éducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen
1882
ducation civique qui cherche à introduire l’angle
de
vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues.
1883
troduire l’angle de vision européen dans la leçon
d’
histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en dé
1884
ngle de vision européen dans la leçon d’histoire,
de
géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les
1885
européen dans la leçon d’histoire, de géographie,
de
langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les grands États-na
1886
péenne sur la base des régions, puisque vingt ans
de
tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique
1887
base des régions, puisque vingt ans de tentatives
de
rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique. Cette situat
1888
evenant ainsi eux-mêmes l’obstacle à toute espèce
d’
union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à tout
1889
toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union
de
l’Europe sur les obstacles à toute union ! Notre espoir réside dans u
1890
se dessine en France un grand mouvement qui vient
d’
être appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de
1891
Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre
de
régions. Je pense qu’on finira par se mettre d’accord assez vite pour
1892
’accord assez vite pour la France sur une dizaine
de
régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces
1893
ur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée
de
fédéralistes européens est que ces régions, définies surtout par l’éc
1894
ure et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas
de
la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l
1895
par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou
de
la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’union
1896
la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1
de
l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous
1897
blème n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’union
de
l’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-
1898
xiste — quoique cela soit moins sûr. Mais le fait
de
ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerait une qu
1899
t moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres
de
notre destinée économique entraînerait une quantité de conséquences s
1900
tre destinée économique entraînerait une quantité
de
conséquences sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute de pot
1901
sur le plan culturel. Cela entraînerait une chute
de
potentiel européen considérable, dont finalement le monde entier subi
1902
usqu’au moment où de Gaulle a annoncé sa décision
de
dissoudre le Sénat pour le remplacer par une assemblée élue par les r
1903
plus concerné par la centralisation, grand nombre
de
jeunes sociologues et économistes français s’étant penchés sur ce pro
1904
ne solide fédération européenne. Ce sera le point
d’
accrochage d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici à dix ou quin
1905
ération européenne. Ce sera le point d’accrochage
d’
une organisation mondiale. Sans doute d’ici à dix ou quinze ans serons
1906
es — qui seront de plus en plus les vrais centres
de
la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des l
1907
lus en plus les vrais centres de la production et
de
la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natur
1908
ie intellectuelle et auront entre elles des liens
de
toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un tissu plus
1909
des liens de toutes natures. Elles constitueront
de
proche en proche un tissu plus solide que leurs liens avec les États-
1910
les problèmes mondiaux dépendent en grande partie
de
la solution des problèmes européens, c’est que l’unité du genre humai
1911
le du genre humain en découvrant les possibilités
de
fraternité universelle : « Désormais, disait saint Paul, il n’y a plu
1912
a plus ni Juifs ni Grecs. » Cette responsabilité
de
l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de race
1913
de l’Europe s’oppose aux racismes et aux guerres
d’
extermination de races. Les problèmes les plus importants sont à la ra
1914
ppose aux racismes et aux guerres d’extermination
de
races. Les problèmes les plus importants sont à la racine d’ordre phi
1915
es problèmes les plus importants sont à la racine
d’
ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plan
1916
ine d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit
de
transposer sur les plans économique et politique les conséquences des
1917
ses que l’on croit justes. al. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Vers l’Europe des régions », Gazette de Lausanne (supp
1918
[Entretien] Vers l’Europe des régions », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 5–6 octobre 1968, p. 25.
1919
Roux-Petel. Cet entretien, qui prend ici la forme
d’
un long propos rapporté, non d’un échange de questions et de réponses,
1920
prend ici la forme d’un long propos rapporté, non
d’
un échange de questions et de réponses, est introduit par le chapeau s
1921
forme d’un long propos rapporté, non d’un échange
de
questions et de réponses, est introduit par le chapeau suivant : « Le
1922
propos rapporté, non d’un échange de questions et
de
réponses, est introduit par le chapeau suivant : « Les récents pourpa
1923
éens. À cette occasion nous présentons l’activité
de
Denis de Rougemont dans ce domaine, et son point de vue recueilli lor
1924
ns ce domaine, et son point de vue recueilli lors
d’
une interview. Denis de Rougemont sera l’un des conférenciers qui parl
1925
r la Gazette littéraire. Le programme est composé
de
telle façon que tous les grands problèmes d’actualité seront traités
1926
posé de telle façon que tous les grands problèmes
d’
actualité seront traités par d’éminents spécialistes en matière politi
1927
s grands problèmes d’actualité seront traités par
d’
éminents spécialistes en matière politique et culturelle. »
1928
être en 1937, 1938, je rejoignis dans l’escalier
de
la NRF Henry Michaux, qui me dit en s’arrêtant sur le dernier palie
1929
osons ces deux phrases en couronne sur le tombeau
de
notre ami. Telle était notre attente et sa folle exigence ; en ce tem
1930
me nous l’apprirent beaucoup plus tard les Fleurs
de
Tarbes !) Il n’avait encore publié que deux ou trois petits livres un
1931
son autorité se fondait ailleurs : dans le style
de
la NRF . Ce n’était pas le sien, bien entendu, il ne récrivait pas n
1932
du, il ne récrivait pas nos textes, mais le style
de
chacun des auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le même sans
1933
s nos textes, mais le style de chacun des auteurs
de
la revue n’eût pas été tout à fait le même sans sa présence et sans s
1934
sans son attention. Il était à lui seul notre air
de
parenté, si différents ou opposés que nous fussions. C’est le seul di
1935
pposés que nous fussions. C’est le seul directeur
de
revue littéraire qui ait jamais montré dans cet emploi ce qu’il faut
1936
presse, depuis vingt ans, s’obstine à le traiter
d’
éminence grise de nos lettres. Il était tout le contraire : un maître
1937
ingt ans, s’obstine à le traiter d’éminence grise
de
nos lettres. Il était tout le contraire : un maître socratique, indem
1938
tout le contraire : un maître socratique, indemne
de
toute secrète volonté de puissance, attentif à ne rien nous imposer q
1939
ître socratique, indemne de toute secrète volonté
de
puissance, attentif à ne rien nous imposer qui ne fût ce qu’il avait
1940
en trop curieux pour être autoritaire, il n’avait
de
goût que pour nos singularités (que d’autres nommeraient vocations) e
1941
uer ou débusquer par des questions à l’improviste
d’
une mystifiante naïveté — comme il lui arrivait de s’en poser à lui-mê
1942
d’une mystifiante naïveté — comme il lui arrivait
de
s’en poser à lui-même, et parfois d’y répondre par un opuscule. « Ah
1943
lui arrivait de s’en poser à lui-même, et parfois
d’
y répondre par un opuscule. « Ah ! je suis bien déçu, me disait-il un
1944
e me suis appliqué à relire Cicéron dans l’espoir
de
le trouver surréaliste, eh bien, non, c’est décidément très ennuyeux…
1945
(Son humour bref était sans doute aussi une façon
de
couper court aux confidences, plaintes et intrigues qui assiègent en
1946
siègent en permanence un directeur.) Chaque jour,
d’
un large bec de plume, il écrivait sur des petites feuilles de papier
1947
anence un directeur.) Chaque jour, d’un large bec
de
plume, il écrivait sur des petites feuilles de papier vert frappées d
1948
ec de plume, il écrivait sur des petites feuilles
de
papier vert frappées du monogramme fameux des dizaines de billets de
1949
r vert frappées du monogramme fameux des dizaines
de
billets de quelques lignes aux collaborateurs de la revue : c’était t
1950
pées du monogramme fameux des dizaines de billets
de
quelques lignes aux collaborateurs de la revue : c’était toujours vif
1951
de billets de quelques lignes aux collaborateurs
de
la revue : c’était toujours vif et pressant, et tout à trac ; comme l
1952
if et pressant, et tout à trac ; comme la reprise
d’
un entretien interrompu par un coup de téléphone. Il dictait à sa femm
1953
la reprise d’un entretien interrompu par un coup
de
téléphone. Il dictait à sa femme les lettres moins intimes. Germaine
1954
. Germaine et Jean, dans ce petit bureau mansardé
de
la maison Gallimard, faisaient seuls, à eux deux, cette NRF qui a m
1955
raire comme nulle autre revue, nulle autre école.
De
1925 à 1940, à je ne sais quelles exceptions près, ce qui a compté da
1956
nte mais nécessaire, qu’on avait quelques chances
d’
exister. J’ai retrouvé la première lettre qu’il m’ait écrite, en 1926.
1957
m’ait écrite, en 1926. M’ayant lu dans la Revue
de
Genève , il me demandait « s’il m’intéresserait quelque jour de colla
1958
me demandait « s’il m’intéresserait quelque jour
de
collaborer à la NRF ». J’étais admis ! J’allais être reçu ! L’on m’
1959
léry, Gide, Claudel et Saint-John Perse ! Étourdi
de
bonheur je répondis : Je n’ai pas vingt ans et mon tiroir est vide, m
1960
ngement légère et gaie, réchauffée par une pointe
d’
assent qui me lance, à peine passé la porte : « Mais il me semble que
1961
l me semble que depuis des années je vous supplie
de
nous donner des textes ! » Me voici mis à l’aise, et mal à l’aise aus
1962
rêveur : « Comme il est difficile, n’est-ce pas,
de
se libérer de ses origines protestantes. » Je dis : « Pourquoi ne pas
1963
mme il est difficile, n’est-ce pas, de se libérer
de
ses origines protestantes. » Je dis : « Pourquoi ne pas les assumer ?
1964
ue s’est noué, et il se poursuivra dans plusieurs
de
mes livres, d’une manière que je suis seul à connaître. Je m’arranger
1965
et il se poursuivra dans plusieurs de mes livres,
d’
une manière que je suis seul à connaître. Je m’arrangerai pour y faire
1966
es questions qu’il me soumettra (c’est sa manière
de
critiquer) après lecture du manuscrit, et je m’efforcerai d’y répondr
1967
r) après lecture du manuscrit, et je m’efforcerai
d’
y répondre. Toute la première moitié de Penser avec les mains a été
1968
efforcerai d’y répondre. Toute la première moitié
de
Penser avec les mains a été composée pour prévenir les objections q
1969
r idéal dont on suppute et redoute les exigences,
de
l’interlocuteur invisible qui relit avec vous, par-dessus votre épaul
1970
ersonnels… à combien d’entre nous, jeunes auteurs
de
l’entre-deux-guerres ! Que dirai-je de plus aujourd’hui ? J’aurais ai
1971
e plus aujourd’hui ? J’aurais aimé pouvoir parler
de
l’écrivain et pas seulement du grand patron en maïeutique de l’expres
1972
in et pas seulement du grand patron en maïeutique
de
l’expression. Qu’on me permette au moins de recopier cette page des F
1973
tique de l’expression. Qu’on me permette au moins
de
recopier cette page des Fleurs de Tarbes où je retrouve l’étonnante l
1974
rmette au moins de recopier cette page des Fleurs
de
Tarbes où je retrouve l’étonnante liberté de jugement, mais les scrup
1975
eurs de Tarbes où je retrouve l’étonnante liberté
de
jugement, mais les scrupules, la fraîcheur de l’attaque mais la préci
1976
rté de jugement, mais les scrupules, la fraîcheur
de
l’attaque mais la précision du trait, l’énergie bien menée mais l’hum
1977
pas du tout noir) qui restent les vertus majeures
de
l’œuvre entière : Victor Hugo se prenait pour un pape, Lamartine pou
1978
es ce qu’un philosophe n’ose pas toujours espérer
de
la philosophie : il veut connaître ce que peut l’homme. Et Gide, ce q
1979
me. Et Gide, ce qu’il est. Il suffirait à Claudel
de
reformer sur les débris d’une société laïque le monde sacral, tel que
1980
Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris
d’
une société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moyen Âge. Br
1981
le Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe
d’
une éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime et la merveille. « La
1982
s nécessaire, que l’écrivain maintienne au-dessus
de
l’eau toute une civilisation qui sombre. Je ne dis rien d’Alerte : la
1983
toute une civilisation qui sombre. Je ne dis rien
d’
Alerte : la poésie lui semble chose si grave qu’il a pris le parti de
1984
e lui semble chose si grave qu’il a pris le parti
de
se taire. Je ne sais s’il est vrai que les hommes de lettres se soien
1985
se taire. Je ne sais s’il est vrai que les hommes
de
lettres se soient contentés jadis de distraire d’honnêtes gens. (Ils
1986
e les hommes de lettres se soient contentés jadis
de
distraire d’honnêtes gens. (Ils le disaient du moins.) Les plus modes
1987
de lettres se soient contentés jadis de distraire
d’
honnêtes gens. (Ils le disaient du moins.) Les plus modestes de nous a
1988
ns. (Ils le disaient du moins.) Les plus modestes
de
nous attendent une religion, une morale, et le sens de la vie enfin r
1989
us attendent une religion, une morale, et le sens
de
la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que les Lettre
1990
ens de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie
de
l’esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pourrait tolérer, se
1991
qui pourrait tolérer, se demande un jeune homme,
de
n’être pas écrivain ? Cet état « singulier » de notre littérature n’
1992
de n’être pas écrivain ? Cet état « singulier »
de
notre littérature n’autorise pas trop d’optimisme. Il se peut que le
1993
gulier » de notre littérature n’autorise pas trop
d’
optimisme. Il se peut que les hommes soient devenus plus exigeants. I
1994
comme s’il y avait à leur endroit je ne sais quoi
de
libre, de joyeux et peut-être d’insensé, dont nous aurions perdu jusq
1995
y avait à leur endroit je ne sais quoi de libre,
de
joyeux et peut-être d’insensé, dont nous aurions perdu jusqu’au souve
1996
je ne sais quoi de libre, de joyeux et peut-être
d’
insensé, dont nous aurions perdu jusqu’au souvenir et à l’idée. Mais
1997
it ni pour toujours, puisque ce « je ne sais quoi
de
libre, de joyeux et peut-être d’insensé », c’est toute son œuvre, jus
1998
toujours, puisque ce « je ne sais quoi de libre,
de
joyeux et peut-être d’insensé », c’est toute son œuvre, justement, qu
1999
je ne sais quoi de libre, de joyeux et peut-être
d’
insensé », c’est toute son œuvre, justement, qui nous en restitue mieu
2000
la présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué
de
l’AFP annonçant sa mort, décrit Paulhan comme « ce petit homme sec et
2001
ul intéressera, croit-elle. an. Rougemont Denis
de
, « Jean Paulhan », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausa
2002
n. Rougemont Denis de, « Jean Paulhan », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 19–20 octobre 1968, p. 28
2003
, en cette haute époque littéraire : les Éditions
de
la NRF et les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros — quel beau
2004
: les Éditions de la NRF et les « Cahiers verts »
de
Grasset. Le Cœur gros — quel beau titre ! — sous la fameuse couvertur
2005
ouverture verte m’apportait les paysages pluvieux
de
plateaux au pied du Jura qui avaient ému ma prime adolescence, et je
2006
é, au double sens du mot, par la gloire naissante
d’
un jeune aîné qui venait de mon pays ou presque. Un peu plus tard, j’é
2007
que. Un peu plus tard, j’écrivais du second roman
de
Bernard Barbey : Il règne dans La Maladère une étrange harmonie entr
2008
iolence, autour de ces êtres dont la détresse est
d’
autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
2009
é le livre, on oublie son intrigue et la justesse
de
l’analyse pour ne plus évoquer que des visions où se condense le sent
2010
e Cœur gros un parc avant l’orage, le rose sombre
d’
une joue brûlante et fraîche dans le vent. Dans La Maladère un arbre c
2011
uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage
d’
hiver, et soudain, sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de
2012
sur un paysage d’hiver, et soudain, sous la lueur
d’
un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fureur admirable, d
2013
sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus
de
passion. Cette fureur admirable, dont la brutalité si longtemps désir
2014
a brutalité si longtemps désirée délivre le héros
d’
un passé obsédant, d’une trop plaisante jeunesse.7 On devrait bien r
2015
mps désirée délivre le héros d’un passé obsédant,
d’
une trop plaisante jeunesse.7 On devrait bien republier ces deux rom
2016
se prolonge dans ma mémoire. C’est moins la suite
de
la carrière littéraire de Bernard Barbey qui explique leur éclipse in
2017
e. C’est moins la suite de la carrière littéraire
de
Bernard Barbey qui explique leur éclipse injuste et provisoire, que l
2018
ux ou trois autres carrières qu’il a connues avec
de
si constants succès pour ceux qui savent — dans l’armée, la diplomati
2019
n suisse, presque toujours, fait presque toujours
de
la littérature, si bonne qu’elle soit. Mais l’aventure militaire de B
2020
si bonne qu’elle soit. Mais l’aventure militaire
de
Barbey est singulière. Assurer la liaison ultrasecrète avec l’armée f
2021
en, ni commander ensuite l’état-major particulier
d’
un général en chef. Et, tôt après, sans transition, « promouvoir » la
2022
transition, « promouvoir » la présence culturelle
de
la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’Unesco. Tous ces serv
2023
ul doute à la très amicale et délicate insistance
de
Berne que je dois d’avoir écrit mes deux livres sur la Suisseap. « Ro
2024
icale et délicate insistance de Berne que je dois
d’
avoir écrit mes deux livres sur la Suisseap. « Romancier aux succès pr
2025
ire », tel serait le résumé proprement helvétique
d’
une carrière qui eût été, en changeant de passeport, celle d’un ambass
2026
lvétique d’une carrière qui eût été, en changeant
de
passeport, celle d’un ambassadeur de France, d’un général, et de l’un
2027
ère qui eût été, en changeant de passeport, celle
d’
un ambassadeur de France, d’un général, et de l’un des plus jeunes élu
2028
en changeant de passeport, celle d’un ambassadeur
de
France, d’un général, et de l’un des plus jeunes élus de l’Académie.
2029
t de passeport, celle d’un ambassadeur de France,
d’
un général, et de l’un des plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’é
2030
elle d’un ambassadeur de France, d’un général, et
de
l’un des plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’était pas son souc
2031
ce, d’un général, et de l’un des plus jeunes élus
de
l’Académie. Mais là n’était pas son souci ! Et il nous suffisait, nou
2032
ses amis (mais avons-nous su le lui dire assez…)
de
pouvoir admirer, en lui, la parfaite élégance du courage secret, du t
2033
parfaite élégance du courage secret, du talent et
de
l’efficacité. C’est par des hommes de cette qualité que vaut la Suiss
2034
u talent et de l’efficacité. C’est par des hommes
de
cette qualité que vaut la Suisse. 7. « Bernard Barbey : La Maladèr
2035
sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 265. ao. Rougemont Denis de, « Té
2036
ève, février 1927, p. 265. ao. Rougemont Denis
de
, « Témoignage sur Bernard Barbey », Gazette de Lausanne (supplément l
2037
is de, « Témoignage sur Bernard Barbey », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 7–8 février 1970, p. 21.
2038
Lausanne, 7–8 février 1970, p. 21. ap. Il s’agit
de
La Confédération helvétique (1953) et de La Suisse ou l’histoire d
2039
s’agit de La Confédération helvétique (1953) et
de
La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux (1965)
2040
helvétique (1953) et de La Suisse ou l’histoire
d’
un peuple heureux (1965)
2041
Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possible
d’
unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale qu’une unit
2042
te raison littéralement fondamentale qu’une unité
de
base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’
2043
xiste, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit
de
l’unité d’une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu
2044
laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité
d’
une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient
2045
cette union. Il s’agit de l’unité d’une culture,
de
laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’ailleurs « c
2046
d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non
de
ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène et q
2047
ure. Unité non pas homogène et qui ne résulte pas
d’
un processus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de
2048
mogène et qui ne résulte pas d’un processus forcé
d’
uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais
2049
ésulte pas d’un processus forcé d’uniformisation,
de
nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire e
2050
ocessus forcé d’uniformisation, de nivellement et
d’
exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose
2051
é d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion
de
ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose largement,
2052
des valeurs bien souvent antinomiques, provenant
d’
origines multiples, dont les contrastes et les combinaisons entretienn
2053
etiennent des tensions renouvelées sans répit. Et
de
là vient l’irrépressible dynamisme qui a porté la civilisation europé
2054
contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Et
de
là viennent aussi nos divisions mortelles, nos efforts pour les surmo
2055
verselles, et toutes les créations qui ne cessent
de
jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie oc
2056
et toutes les créations qui ne cessent de jaillir
de
cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie occidentale,
2057
jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube
de
la philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’Ionie où prit n
2058
l’aube de la philosophie occidentale, dans l’une
de
ces cités d’Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire,
2059
philosophie occidentale, dans l’une de ces cités
d’
Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire, Héraclite éc
2060
es cités d’Ionie où prit naissance la dialectique
de
notre histoire, Héraclite écrivait cette phrase décisive, qu’il faut
2061
e décisive, qu’il faut tenir pour la formule même
de
l’unité européenne : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des co
2062
’unité européenne : « Ce qui s’oppose coopère, et
de
la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂ De ce tem
2063
es contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂
De
ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui para
2064
paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive
de
notre histoire et le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’un et
2065
loi constitutive de notre histoire et le ressort
de
notre pensée : l’antinomie de l’un et du divers, l’unité dans la dive
2066
toire et le ressort de notre pensée : l’antinomie
de
l’un et du divers, l’unité dans la diversité, et la coexistence fécon
2067
ses dernières conséquences, découvre ainsi l’idée
de
l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme he
2068
uences, découvre ainsi l’idée de l’atome et celle
de
l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne m
2069
e ainsi l’idée de l’atome et celle de l’individu,
d’
où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d
2070
de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès
de
l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’appeler la tyr
2071
ndividualisme hellénistique qui ne manqueront pas
d’
appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente
2072
d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi
de
l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisées : elle po
2073
’irrémédiable et dangereux ennui, jusqu’à ce vide
de
l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le chris
2074
Le christianisme apporte alors un troisième monde
de
valeurs, assez mal conciliables avec celles de la sagesse grecque, et
2075
de de valeurs, assez mal conciliables avec celles
de
la sagesse grecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la m
2076
agesse grecque, et totalement contraires à celles
de
Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose
2077
talement contraires à celles de Rome. À la morale
de
la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour
2078
res à celles de Rome. À la morale de la mesure et
de
la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au
2079
e et de la raison utilitaire, il oppose les élans
de
l’amour sans calcul, au droit de la force le service du prochain, au
2080
ice. Bien plus, il porte la contradiction au cœur
de
l’être, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la T
2081
on au cœur de l’être, et la traduit dans l’énoncé
de
ses dogmes fondamentaux : la Trinité transporte en Dieu lui-même le p
2082
a Trinité transporte en Dieu lui-même le paradoxe
de
l’un et du divers, tandis que l’Incarnation porte à l’extrême la coex
2083
existence des contraires, l’impensable définition
de
la personne de Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fo
2084
ontraires, l’impensable définition de la personne
de
Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois, selon les f
2085
omme » à la fois, selon les formules conciliaires
de
Nicée et de Chalcédoine. ⁂ Or, ces valeurs grecques, romaines et chré
2086
fois, selon les formules conciliaires de Nicée et
de
Chalcédoine. ⁂ Or, ces valeurs grecques, romaines et chrétiennes qui
2087
urs triomphes alternés, elles durent dans l’ombre
de
l’histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inconscient
2088
nt toutes, sans exception, dans la vie des hommes
d’
aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la trad
2089
hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme
de
la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle d
2090
e la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle
de
la dialectique hégélienne, repris par Marx, puis par Lénine avec les
2091
ue l’on sait, jusque dans l’existence quotidienne
de
700 millions de Chinois qui se croyaient confucianistes, bouddhistes,
2092
sque dans l’existence quotidienne de 700 millions
de
Chinois qui se croyaient confucianistes, bouddhistes, ou sans croyanc
2093
n’est pas tout. Avec les trois sources classiques
d’
Athènes, de Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen
2094
out. Avec les trois sources classiques d’Athènes,
de
Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la sou
2095
es trois sources classiques d’Athènes, de Rome et
de
Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la source germani
2096
droit communautaire et personnel, et les valeurs
d’
honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le gra
2097
autaire et personnel, et les valeurs d’honneur et
de
fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le grand thème de l
2098
conde apportant le sens du rêve et le grand thème
de
la quête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique
2099
du rêve et le grand thème de la quête aventureuse
d’
un Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler
2100
nd thème de la quête aventureuse d’un Lancelot et
d’
un Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l’apport arabe,
2101
mbres, mais qui est l’une des sources principales
de
la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croi
2102
sources principales de la poésie amoureuse, donc
de
l’amour tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’a
2103
e siècle ? ⁂ Tout cela dure, agit et vit en nous
de
mille manières. Tout cela se combine en figures et en structures vari
2104
variées à l’infini, mais dont la plus fréquente,
de
très loin, est le couple d’antinomies inséparables : autorité et libe
2105
nt la plus fréquente, de très loin, est le couple
d’
antinomies inséparables : autorité et liberté, individualisme et colle
2106
ence, hérésie créatrice et saine doctrine, besoin
de
sécurité et goût du risque, conformité qui maintient les valeurs, ori
2107
ens. Enfin tout cela dénote l’Europe comme patrie
de
la diversité. L’Européen moyen déclare parfois et pense toujours : «
2108
arfois et pense toujours : « Quelle est ma raison
d’
être, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut ser
2109
e distinguer » ou « être distingué » est synonyme
d’
honneur mérité ou reçu, non pas d’impardonnable faute de goût, de tent
2110
» est synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas
d’
impardonnable faute de goût, de tentative déviationniste, ou de blasph
2111
é ou reçu, non pas d’impardonnable faute de goût,
de
tentative déviationniste, ou de blasphème, comme ce serait le cas dan
2112
le faute de goût, de tentative déviationniste, ou
de
blasphème, comme ce serait le cas dans les sociétés primitives, dans
2113
totalitaires, ou dans l’Inde religieuse. Le goût
de
différer, si peu que ce soit, est si cher aux Européens qu’il les por
2114
si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer
d’
une manière tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distin
2115
une manière tout à fait extravagante l’importance
de
ce qui les distingue. C’est ainsi qu’ils en viennent à penser sincère
2116
s’il le faut, du fait qu’ils n’ont en somme rien
de
commun ! Un jour, tandis que je présidais une table ronde du Conseil
2117
ronde du Conseil de l’Europe, irrité par ce genre
d’
objections à l’union, j’écrivis sur une page de bloc-notes « à faire c
2118
re d’objections à l’union, j’écrivis sur une page
de
bloc-notes « à faire circuler » autour du tapis vert l’essai de défin
2119
« à faire circuler » autour du tapis vert l’essai
de
définition suivant : L’Européen ne serait-il pas cet homme étrange q
2120
étend au contraire s’identifier soit avec l’homme
d’
une seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fait parti
2121
s’identifier soit avec l’homme d’une seule nation
de
cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fait partie, par le seul fait
2122
cela, ce ne serait plus l’Europe. Le goût furieux
de
différer, par lequel nous nous ressemblons tous, c’est notre mal et n
2123
r notre union, si l’on veut qu’elle mérite le nom
d’
Europe. Si l’on me demande maintenant comment on peut traduire en term
2124
re en termes de structures politiques cette unité
de
culture non unitaire et si hautement diversifiée, je répondrai que la
2125
ent par l’union dans la diversité, et cette forme
d’
union porte un nom bien connu dans l’histoire des régimes politiques,
2126
nnu dans l’histoire des régimes politiques, c’est
de
toute évidence : fédéralisme.as aq. Rougemont Denis de, « Le disc
2127
évidence : fédéralisme.as aq. Rougemont Denis
de
, « Le discours de l’Université de Bonn I — La Cité européenne », Gaze
2128
isme.as aq. Rougemont Denis de, « Le discours
de
l’Université de Bonn I — La Cité européenne », Gazette de Lausanne (s
2129
Rougemont Denis de, « Le discours de l’Université
de
Bonn I — La Cité européenne », Gazette de Lausanne (supplément littér
2130
versité de Bonn I — La Cité européenne », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 18–19 avril 1970, p. 32.
2131
2. ar. Ce discours a été prononcé à l’Université
de
Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du prix Robert Schu
2132
niversité de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion
de
la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie de la note
2133
du prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie
de
la note suivante : « La semaine prochaine : “L’Europe et le sens de l
2134
e : « La semaine prochaine : “L’Europe et le sens
de
la vie”, suite et fin de ce discours. »
2135
e : “L’Europe et le sens de la vie”, suite et fin
de
ce discours. »
2136
L’Europe et le sens
de
la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas d’autre forme d’unio
2137
la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas
d’
autre forme d’union qui réponde à la double exigence du respect des di
2138
avril 1970)at au Je ne vois pas d’autre forme
d’
union qui réponde à la double exigence du respect des diversités et de
2139
à la double exigence du respect des diversités et
de
l’instauration d’une force suffisante pour garantir leur concurrence
2140
ce du respect des diversités et de l’instauration
d’
une force suffisante pour garantir leur concurrence féconde, dans la p
2141
concurrence féconde, dans la paix. Je ne vois pas
d’
autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans les ter
2142
échappatoire possible désormais : s’unir, au-delà
de
nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités — cré
2143
tés — créer un pouvoir fédéral pour la sauvegarde
de
nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une, si nous
2144
qui fait toute ma thèse : étant donné que la base
de
notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu
2145
éclare, avec Churchill — dans son fameux discours
de
Zurich — qu’il n’y a pas une minute à perdre ! Quel est l’obstacle ap
2146
ns mystérieux : l’obstacle à toute union possible
de
l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État-nation,
2147
e la guerre. C’est ce modèle que tous les peuples
de
l’Europe, grands et petits, ont imité l’un après l’autre tout au long
2148
près l’autre tout au long du xixe siècle, suivis
de
nos jours par le reste du monde, notamment par le tiers-monde, mal dé
2149
t soumettre toute une nation aux pouvoirs absolus
de
l’État. C’est vouloir faire coïncider sur un même territoire, défini
2150
sort des guerres et aussitôt baptisé « sol sacré
de
la patrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune ra
2151
s absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raison
d’
avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’économie, l’état civi
2152
encore, les idéologies et les religions, sommées
de
s’arrêter sur une ligne de barbelés électrifiés. C’est livrer sans re
2153
les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne
de
barbelés électrifiés. C’est livrer sans recours toute l’existence hum
2154
rs toute l’existence humaine aux seules décisions
de
bureaux installés dans une seule capitale, et interdire toute allégea
2155
iècle. Rien, donc, de plus hostile à toute espèce
d’
union tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, d’au
2156
tat-nation qui, d’autre part, se révèle incapable
de
répondre aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il est à la f
2157
èle incapable de répondre aux exigences concrètes
de
notre temps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle
2158
r un projet rationnel. Or voici l’ironie tragique
de
notre histoire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute un
2159
ie tragique de notre histoire : c’est sur la base
de
cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis vingt-ci
2160
te union que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans
d’
unir l’Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’
2161
fisamment, je crois, pourquoi l’on n’a pas avancé
d’
un centimètre en direction de notre union politique. Entre l’union de
2162
l’on n’a pas avancé d’un centimètre en direction
de
notre union politique. Entre l’union de l’Europe et les États-nations
2163
direction de notre union politique. Entre l’union
de
l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine
2164
é humaine des plus concrètes et le culte prolongé
d’
un mythe, il faut choisir. Pour la première fois dans son histoire, l’
2165
istoire, l’homme se voit aujourd’hui en situation
de
choisir librement son avenir. Jusqu’à nous, point de choix économique
2166
choisir librement son avenir. Jusqu’à nous, point
de
choix économiques ni même peut-être politiques longuement délibérés,
2167
nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle
de
zones d’influence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam
2168
e est assuré, on se bat pour le contrôle de zones
d’
influence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’on
2169
en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix
de
notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risq
2170
de notre avenir est libre, nous voici contraints
de
le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous dem
2171
, à nos risques et périls ! Nous voici contraints
de
nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la société, ce
2172
contraints de nous demander ce que nous attendons
de
notre vie et de la société, ce que nous voulons réellement, principal
2173
us demander ce que nous attendons de notre vie et
de
la société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contra
2174
voulons réellement, principalement, et contraints
de
tirer des plans en conséquence. Voulons-nous par exemple à tout prix
2175
rix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix
de
certaines libertés, ou le prix d’un confort toujours accru ? Ces dile
2176
cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix
d’
un confort toujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous
2177
peuples avancés sous le rapport de l’industrie et
de
la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles,
2178
s difficiles, voire angoissantes sur le sens même
de
la vie… D’une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si
2179
s, voire angoissantes sur le sens même de la vie…
D’
une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union
2180
cider, en toute conscience, et vite, car le choix
de
la fin implique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’inver
2181
adéquats ; mais à l’inverse, si vous vous trompez
de
moyens, ils risquent bien de vous conduire où vous ne vouliez pas all
2182
si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien
de
vous conduire où vous ne vouliez pas aller… Voici donc le dilemme pré
2183
ous attribuons pour finalité à la Cité européenne
de
demain la puissance, c’est-à-dire la puissance industrielle et milita
2184
re la puissance industrielle et militaire massive
d’
une sorte de troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête au
2185
nce industrielle et militaire massive d’une sorte
de
troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête aux deux autre
2186
sorte de troisième Grand préoccupé principalement
de
tenir tête aux deux autres, alors il faut créer un super-État-nation
2187
t agressif, comme la France de Napoléon, et faire
de
nos États autant de départements. Il faut tout unifier par des lois i
2188
France de Napoléon, et faire de nos États autant
de
départements. Il faut tout unifier par des lois inflexibles, sans éga
2189
ttre la production industrielle au seul impératif
de
l’élévation perpétuelle du PNB — cette tour de Babel du xxe siècle !
2190
if de l’élévation perpétuelle du PNB — cette tour
de
Babel du xxe siècle ! Une politique européenne de ce type, simple tr
2191
e Babel du xxe siècle ! Une politique européenne
de
ce type, simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle
2192
tique européenne de ce type, simple transposition
de
la formule d’État-nation à l’échelle continentale, serait capable san
2193
ne de ce type, simple transposition de la formule
d’
État-nation à l’échelle continentale, serait capable sans nul doute de
2194
helle continentale, serait capable sans nul doute
de
créer une Europe très forte, mais qui serait très peu européenne. San
2195
ait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur
d’
une guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès ses débuts. Il
2196
’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi
de
l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’une utopie catastrophi
2197
i de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc
d’
une utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne saurait être ex
2198
berté, c’est-à-dire les plus grandes possibilités
d’
épanouissement des personnes, de participation des citoyens et d’auton
2199
ndes possibilités d’épanouissement des personnes,
de
participation des citoyens et d’autonomie des communautés (la product
2200
t des personnes, de participation des citoyens et
d’
autonomie des communautés (la production industrielle n’étant qu’un de
2201
production industrielle n’étant qu’un des moyens
de
ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’est pas
2202
jourd’hui radicalement incompatible avec les fins
de
l’Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes le
2203
alement incompatible avec les fins de l’Europe et
de
la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propres
2204
nalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche
de
construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homm
2205
des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage
de
l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale continentale,
2206
e qui est nécessaire pour garantir les autonomies
de
tous ordres, régionales, communales et personnelles, mais rien de plu
2207
idéologiques et religieuses, contre la prétention
de
l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer les pouvoirs
2208
uer les pouvoirs étatiques aux différents niveaux
de
décision — le communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nat
2209
la nature des tâches, leurs dimensions et celles
de
la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appl
2210
é : ces deux finalités commandent deux politiques
d’
union, dont je crains bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à
2211
continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas
de
m’objecter en ce point que la politique a toujours eu pour fin réelle
2212
s ont choisi la puissance comme seul but réaliste
de
la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — é
2213
la justice, la paix, la liberté — étant manières
de
parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio démagogique.
2214
péens, rares mais exemplaires, ont osé proclamer,
d’
Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés pe
2215
ires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau et
de
William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communa
2216
ance collective. L’Europe unie sera seule capable
de
réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que je radicalise in
2217
e au dilemme puissance ou liberté comme finalités
de
l’union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je
2218
oquait le général de Gaulle, et qui serait formée
d’
États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la souveraine
2219
amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité
de
défaire nos États-nations. Ou plutôt, de les dépasser, de démystifier
2220
écessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt,
de
les dépasser, de démystifier leur sacré, de percer leurs frontières c
2221
re nos États-nations. Ou plutôt, de les dépasser,
de
démystifier leur sacré, de percer leurs frontières comme des écumoire
2222
utôt, de les dépasser, de démystifier leur sacré,
de
percer leurs frontières comme des écumoires, de narguer ces frontière
2223
, de percer leurs frontières comme des écumoires,
de
narguer ces frontières sur terre, sous terre et dans les airs, et de
2224
tières sur terre, sous terre et dans les airs, et
de
ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absu
2225
t dans les airs, et de ne pas perdre une occasion
de
faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore effica
2226
it aider : les échanges culturels, les mouvements
de
personnes, la concertation rationnelle des productions industrielles
2227
tre : les tempêtes et les épidémies, la pollution
de
l’air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propaga
2228
et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes
de
la propagande et les grandes contagions dites idéologiques. Elles emp
2229
ns dites idéologiques. Elles empêchent simplement
de
bien traiter ces problèmes. Ce statut des frontières, doublement défi
2230
tières, doublement déficient, est caractéristique
de
tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est
2231
ous les pays à la fois…) ne sont pas le type même
de
faux problèmes, résultant de la seule fiction d’économies dites natio
2232
ont pas le type même de faux problèmes, résultant
de
la seule fiction d’économies dites nationales, qui ne correspondent à
2233
de faux problèmes, résultant de la seule fiction
d’
économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique.
2234
ies dites nationales, qui ne correspondent à rien
d’
économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les Éta
2235
spondent à rien d’économique. Mais ce que je sais
de
science certaine, c’est que les États-nations n’existent pas dans l’h
2236
les États-nations n’existent pas dans l’histoire
de
la culture, et que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robe
2237
histoire de la culture, et que les « cheminements
de
l’esprit » dont parlait Robert Schuman traversent leurs frontières sa
2238
dans ce plan, elles n’existent pas. Il n’y a pas
de
« cultures nationales », en dépit des manuels scolaires, il n’y a que
2239
s tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant
de
la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne
2240
ités que nous devons respecter ne sont pas celles
de
ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et les divisent t
2241
ecter ne sont pas celles de ces États-nations nés
d’
hier : elles les traversent et les divisent tous également, et ne coïn
2242
frontière. Nos États-nations, obsédés par l’idée
de
« se faire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en se ren
2243
ace, qui doit être mis au service des citoyens et
de
leurs cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres,
2244
l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres,
d’
essayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais touche
2245
. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer
d’
apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droi
2246
rs les ministres, d’essayer d’apaiser les ennemis
de
l’union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États
2247
ssayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant
de
ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États-nations ! Vous savez
2248
en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés
de
vos États-nations ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir l’Eu
2249
en proclamant votre attachement aux causes mêmes
de
sa division ! Pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages
2250
oi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages
d’
opinion montrent qu’on vous suivrait, si vous osiez marcher. Je propos
2251
si vous osiez marcher. Je propose la convocation
d’
une conférence du désarmement étatique des nations. À l’aspect négatif
2252
armement étatique des nations. À l’aspect négatif
de
ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut plus positive de la r
2253
elle ajouterait l’étude on ne peut plus positive
de
la renaissance des régions. Il faut défaire et dépasser l’État-nation
2254
tribuer et répartir l’État aux différents niveaux
de
décision où il peut servir une entité vivante, civique, économique ou
2255
trôlé par l’usager, distribuer et répartir l’État
de
la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régio
2256
r, distribuer et répartir l’État de la commune et
de
l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au nivea
2257
et de l’entreprise à la région et aux groupements
de
régions jusqu’au niveau européen ; là, des agences fédérales, du type
2258
eau européen ; là, des agences fédérales, du type
de
la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des gr
2259
, des agences fédérales, du type de la Communauté
de
Bruxelles, seront chargées de la concertation des grandes tâches d’in
2260
pe de la Communauté de Bruxelles, seront chargées
de
la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâches politique
2261
nt chargées de la concertation des grandes tâches
d’
intérêt public, tâches politiques au sens originel du mot : l’économie
2262
ontinentales. Et vous noterez que je ne parle pas
de
relations ou d’affaires étrangères : c’est un mot qu’il nous faut ban
2263
vous noterez que je ne parle pas de relations ou
d’
affaires étrangères : c’est un mot qu’il nous faut bannir du vocabulai
2264
aire politique dans une Europe fédérale, au seuil
de
l’ère du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité europ
2265
re du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste
de
la Cité européenne : la complexité des régions rendra justice à ses f
2266
a justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur
de
la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t-on q
2267
eur de la fédération exprimera l’unité millénaire
de
sa culture. Dira-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’est
2268
uvelle des finalités politiques. Donner comme but
de
la Cité européenne la liberté non la puissance, un mode de vie qualit
2269
niveau de vie » déterminé en termes de profit et
de
PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste et communiste à la mise
2270
et communiste à la mise en question du sens même
de
nos vies, et des vrais buts de nos activités communautaires et person
2271
stion du sens même de nos vies, et des vrais buts
de
nos activités communautaires et personnelles. Si sérieux que soient l
2272
personnelles. Si sérieux que soient les problèmes
de
prix du lait, du blé ou du vin, il est clair que l’Europe des marchan
2273
s entre économies étatiques ne peut pas entraîner
d’
adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne seront pas c
2274
raîner d’adhésions enthousiastes. Les jeunes gens
d’
aujourd’hui ne seront pas convaincus par des avantages matériels : ils
2275
urement, c’est un but transcendant, c’est un sens
de
la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi de
2276
rre n’est plus leur exutoire, l’alibi des raisons
de
vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans
2277
vivre inexistantes. La réponse à la contestation
de
la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et en
2278
la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas
de
l’économie, et encore moins de la politique au sens étroit et partisa
2279
ier, ne relève pas de l’économie, et encore moins
de
la politique au sens étroit et partisan du terme. Elle exige la recré
2280
it et partisan du terme. Elle exige la recréation
de
communautés véritables. Et la Cité européenne — Res publica europea —
2281
i l’on me dit maintenant que c’est une utopie que
de
vouloir dépasser l’État-nation, je réponds que c’est au contraire la
2282
que c’est au contraire la grande tâche politique
de
notre temps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix se
2283
lus puissante ou la plus riche, mais bien ce coin
de
la planète indispensable au monde de demain, où les hommes de toutes
2284
bien ce coin de la planète indispensable au monde
de
demain, où les hommes de toutes races pourront trouver non pas le plu
2285
e indispensable au monde de demain, où les hommes
de
toutes races pourront trouver non pas le plus de bonheur, peut-être,
2286
de toutes races pourront trouver non pas le plus
de
bonheur, peut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie.
2287
n pas le plus de bonheur, peut-être, mais le plus
de
saveur, le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis de, « Le dis
2288
nheur, peut-être, mais le plus de saveur, le plus
de
sens à la vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours de l’Universi
2289
le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis
de
, « Le discours de l’Université de Bonn II — Un programme révolutionna
2290
la vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours
de
l’Université de Bonn II — Un programme révolutionnaire : donner un se
2291
Rougemont Denis de, « Le discours de l’Université
de
Bonn II — Un programme révolutionnaire : donner un sens à la vie », G
2292
olutionnaire : donner un sens à la vie », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 25–26 avril 1970, p. 32.
2293
problème actuel se trouve posé par la soudaineté
d’
un afflux qui prend l’allure d’un raz de marée, et par le motif princi
2294
par la soudaineté d’un afflux qui prend l’allure
d’
un raz de marée, et par le motif principal de cet afflux, qui n’est pa
2295
oudaineté d’un afflux qui prend l’allure d’un raz
de
marée, et par le motif principal de cet afflux, qui n’est pas d’admir
2296
lure d’un raz de marée, et par le motif principal
de
cet afflux, qui n’est pas d’admirer nos lacs ni de fuir des dictature
2297
r le motif principal de cet afflux, qui n’est pas
d’
admirer nos lacs ni de fuir des dictatures, mais de faire du « fric ».
2298
e cet afflux, qui n’est pas d’admirer nos lacs ni
de
fuir des dictatures, mais de faire du « fric ». Or ce motif est le mê
2299
’admirer nos lacs ni de fuir des dictatures, mais
de
faire du « fric ». Or ce motif est le même des deux côtés : pour eux,
2300
ne » à ce jeu : l’industrie qui y trouve le moyen
d’
accroître nos exportations, le peuple suisse dont le niveau de vie mat
2301
e dont le niveau de vie matérielle dépend surtout
de
l’industrie, enfin les travailleurs étrangers, dont les salaires dépe
2302
availleurs étrangers, dont les salaires dépendent
de
ce qui précède. De quoi se plaint-on ? C’est ici qu’interviennent les
2303
s, dont les salaires dépendent de ce qui précède.
De
quoi se plaint-on ? C’est ici qu’interviennent les deux questions que
2304
availleurs intellectuels et manuels ? — La notion
d’
« helvéticité » existe-t-elle ? Et si oui, dans le cas particulier qui
2305
« helvéticité » est-elle menacée par la présence
d’
une nombreuse main-d’œuvre étrangère en Suisse ? Permettez-moi de con
2306
main-d’œuvre étrangère en Suisse ? Permettez-moi
de
confesser d’abord que le problème qui me préoccupe est beaucoup moins
2307
beaucoup moins celui du oui ou du non, que celui
de
la qualité des arguments invoqués de part et d’autre, et des suites q
2308
n, que celui de la qualité des arguments invoqués
de
part et d’autre, et des suites qu’entraîneront les attitudes réelles
2309
i de la qualité des arguments invoqués de part et
d’
autre, et des suites qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux qui
2310
des suites qu’entraîneront les attitudes réelles
de
ceux qui les invoquent. C’est dans cet esprit que je vais esquisser u
2311
éen contre l’initiative Schwarzenbach risque fort
de
recouvrir un sophisme chez la plupart de ceux qui viennent de le déco
2312
ous disent : « À l’heure où il n’est question que
de
s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous fermer devant les travailleurs étr
2313
ers ? » C’est confondre deux sens bien différents
de
« s’ouvrir à… » Si s’ouvrir à l’Europe signifie supprimer les frontiè
2314
e les cinquante États des USA), alors, l’argument
de
la concurrence étrangère à laquelle « l’économie suisse » ne pourrait
2315
e : car dans une Europe intégrée, il n’y a plus «
d’
économie suisse », il y a seulement une économie européenne. Mais si «
2316
r à l’Europe » signifie seulement importer autant
de
travailleurs étrangers qu’il en faut pour que nos exportations contin
2317
ent, paradoxalement, à s’enfermer dans un concept
d’
économie « nationale », par définition non intégrée. On ne peut pas av
2318
. On ne peut pas invoquer à la fois l’intégration
de
l’Europe et les lois de la concurrence entre États-nations. (Sans com
2319
r à la fois l’intégration de l’Europe et les lois
de
la concurrence entre États-nations. (Sans compter que tous les États-
2320
en même temps une balance commerciale positive !)
De
fait, l’ouverture du Marché commun n’a nullement déclenché un raz de
2321
e du Marché commun n’a nullement déclenché un raz
de
marée de main-d’œuvre italienne en France, par exemple, en dépit des
2322
hé commun n’a nullement déclenché un raz de marée
de
main-d’œuvre italienne en France, par exemple, en dépit des prédictio
2323
par exemple, en dépit des prédictions alarmistes
de
M. Mendès-France à l’Assemblée nationale. On constate au contraire qu
2324
rutés, à l’instar des soldats du service étranger
de
jadis. La conception du monde selon laquelle les hommes obéiraient sp
2325
II. Quant au danger que la présence sur notre sol
d’
un étranger contre cinq ou six Suisses représenterait pour notre mode
2326
rien, mais en cache un meilleur. À part beaucoup
d’
irritations, quelques bagarres et quelques bâtards, les Espagnols, Ita
2327
aliens, Turcs et Portugais laissent peu de traces
de
leur passage sur notre sol, dans nos cités et dans nos mœurs. Je n’en
2328
ités et dans nos mœurs. Je n’en dirais pas autant
d’
une industrie dont l’essor défigure nos paysages, détruit nos forêts e
2329
et nos champs, pollue nos lacs et déverse un flot
de
ciment, d’agglomérés et de plastique sur « le visage aimé de la patri
2330
ps, pollue nos lacs et déverse un flot de ciment,
d’
agglomérés et de plastique sur « le visage aimé de la patrie ». Les so
2331
acs et déverse un flot de ciment, d’agglomérés et
de
plastique sur « le visage aimé de la patrie ». Les soldats gardent au
2332
d’agglomérés et de plastique sur « le visage aimé
de
la patrie ». Les soldats gardent aux frontières un « sol sacré » que
2333
t pourtant cela qui modifie radicalement le cadre
de
nos vies, l’air que nous respirons, et à la longue nos sensibilités.
2334
os sensibilités. Si notre industrie suisse refuse
de
calculer le prix humain de son essor, ses contrecoups sociologiques e
2335
ndustrie suisse refuse de calculer le prix humain
de
son essor, ses contrecoups sociologiques et hygiéniques, écologiques
2336
dépasse très largement tout ce qui peut résulter
d’
un refus ou d’une acceptation de l’initiative. Le fabuleux brain storm
2337
largement tout ce qui peut résulter d’un refus ou
d’
une acceptation de l’initiative. Le fabuleux brain storming collectif
2338
qui peut résulter d’un refus ou d’une acceptation
de
l’initiative. Le fabuleux brain storming collectif qu’a déclenché le
2339
les amène à se poser — bien au-delà du 7 juin et
de
ses résultats — les questions suivantes : — La croissance indéfinie d
2340
hropie qu’invoquent à juste titre les adversaires
de
l’initiative (« on ne peut pas chasser des frères humains ») serait-e
2341
menace contre notre mode de vie suisse vient-elle
de
la présence d’étrangers parmi nous, ou de nous-mêmes, qui tolérons la
2342
otre mode de vie suisse vient-elle de la présence
d’
étrangers parmi nous, ou de nous-mêmes, qui tolérons la destruction de
2343
nt-elle de la présence d’étrangers parmi nous, ou
de
nous-mêmes, qui tolérons la destruction de notre environnement au nom
2344
us, ou de nous-mêmes, qui tolérons la destruction
de
notre environnement au nom de valeurs bien plus matérialistes que cel
2345
u des Américains enviés ? av. Rougemont Denis
de
, « Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie »
2346
de vie plutôt que sur le niveau de vie », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 2 juin 1970, p. 16. aw. L’article prend place da
2347
e prononcer sur notre double question — intégrité
de
l’État dans l’Europe fédérée et notion d’une “helvéticité” menacée ?
2348
tégrité de l’État dans l’Europe fédérée et notion
d’
une “helvéticité” menacée ? — Denis de Rougemont nous suggère ses réfl
2349
Rougemont nous suggère ses réflexions sous forme
d’
interrogations. »
2350
Le testament
de
Tristan (14-15 novembre 1970)ax ay Il a choisi le pays de son nom
2351
(14-15 novembre 1970)ax ay Il a choisi le pays
de
son nom contre le continent de son prénom ; et jusqu’à près de la fin
2352
l a choisi le pays de son nom contre le continent
de
son prénom ; et jusqu’à près de la fin de son règne, les prestiges du
2353
ntinent de son prénom ; et jusqu’à près de la fin
de
son règne, les prestiges du mythe national contre les réalités du mon
2354
e, Charles de Gaulle aura été le dernier monarque
d’
une France qui n’a rien préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir
2355
arque d’une France qui n’a rien préféré à l’amour
de
son roi, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement de voter son
2356
en préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir
de
le décapiter, ou seulement de voter son exil. Mais j’ai tort de dire
2357
i, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement
de
voter son exil. Mais j’ai tort de dire France : il s’agit des Françai
2358
r, ou seulement de voter son exil. Mais j’ai tort
de
dire France : il s’agit des Français, et de Gaulle a toujours disting
2359
Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée
de
la France… vouée à une destinée éminente et exceptionnelle… S’il advi
2360
] imputable aux fautes des Français, non au génie
de
la patrie. Phrase de passionné et non de démagogue, de romantique et
2361
des Français, non au génie de la patrie. Phrase
de
passionné et non de démagogue, de romantique et non d’opportuniste. L
2362
u génie de la patrie. Phrase de passionné et non
de
démagogue, de romantique et non d’opportuniste. L’homme politique opp
2363
patrie. Phrase de passionné et non de démagogue,
de
romantique et non d’opportuniste. L’homme politique opportuniste et j
2364
ssionné et non de démagogue, de romantique et non
d’
opportuniste. L’homme politique opportuniste et joueur, toujours prêt
2365
utre extrême, le général de Gaulle fut le Tristan
de
la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il est près de l
2366
st la France, et il est près de le dire dans plus
d’
une page de ses Mémoires, et pas seulement dans ces célèbres premières
2367
e, et il est près de le dire dans plus d’une page
de
ses Mémoires, et pas seulement dans ces célèbres premières phrases où
2368
es malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée
de
loin, dans son exil. Il l’a délivrée de haute lutte en terrassant le
2369
mps aimée de loin, dans son exil. Il l’a délivrée
de
haute lutte en terrassant le monstre, qui la tenait captive. Il l’a r
2370
ays légal, la République. Puis il a dû s’éloigner
d’
elle et de la Cour, de nouveau, écœuré par l’intrigue des « barons fél
2371
la République. Puis il a dû s’éloigner d’elle et
de
la Cour, de nouveau, écœuré par l’intrigue des « barons félons » (son
2372
. « Mais la vraie passion tristanienne se nourrit
de
retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire d
2373
ie passion tristanienne se nourrit de retraits et
d’
obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la
2374
u’il proposa solennellement, et à quoi il choisit
de
lier son sort. Un suicide politique, dirent les observateurs. Mais ic
2375
nnage prend ses vraies dimensions qui sont celles
d’
une glorieuse ambiguïté et d’un tragique malentendu entre « de Gaulle
2376
ions qui sont celles d’une glorieuse ambiguïté et
d’
un tragique malentendu entre « de Gaulle », comme il disait, et cette
2377
cité comme un second Charles le Grand. Ce Tristan
de
la nation déifiée, cet ennemi juré de l’Europe « intégrée », était en
2378
Ce Tristan de la nation déifiée, cet ennemi juré
de
l’Europe « intégrée », était en réalité un fédéraliste ! (Mais le mot
2379
déraliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier
d’
un Français héritier de Louis XIV, des jacobins et de Napoléon.) Il m’
2380
t ne peut passer le gosier d’un Français héritier
de
Louis XIV, des jacobins et de Napoléon.) Il m’écrivait en 1962 à prop
2381
n Français héritier de Louis XIV, des jacobins et
de
Napoléon.) Il m’écrivait en 1962 à propos de mes Vingt-huit siècles
2382
ivait en 1962 à propos de mes Vingt-huit siècles
d’
Europe : En réunissant et replaçant en leur contexte tous ces écrits
2383
els, au long des siècles, s’est manifestée l’idée
d’
Europe, ce sont les cheminements de la conscience européenne, elle-mêm
2384
ifestée l’idée d’Europe, ce sont les cheminements
de
la conscience européenne, elle-même, que vous mettez en lumière. Je v
2385
ême, que vous mettez en lumière. Je vous félicite
d’
avoir entrepris et mené à bien cet immense et intéressant travail. Je
2386
les européens, qui respecte le caractère original
de
chacun et le génie propre à notre continent, y trouvent appuis et enc
2387
ents. On ne peut mieux définir le régime général
d’
union dans la diversité qu’il admirait dans notre Suisse. Quant à la p
2388
s entre le mythe et l’avenir : ce dernier paladin
de
l’ère des Nations a choisi délibérément de se faire écarter du pouvoi
2389
aladin de l’ère des Nations a choisi délibérément
de
se faire écarter du pouvoir en liant son sort au symbole même de l’èr
2390
rter du pouvoir en liant son sort au symbole même
de
l’ère nouvelle, qui est la région. Mais dans la page si belle qui règ
2391
symbolisée par son armée… ax. Rougemont Denis
de
, « Le testament de Tristan », Gazette de Lausanne (supplément littéra
2392
armée… ax. Rougemont Denis de, « Le testament
de
Tristan », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 14–
2393
nt Denis de, « Le testament de Tristan », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 14–15 novembre 1970, p. 3
2394
le Marché commun. Ce hasard marquera-t-il la fin
d’
une certaine Europe, le début d’une autre ? Nous avons demandé à Denis
2395
quera-t-il la fin d’une certaine Europe, le début
d’
une autre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont ce qu’il pensait d
2396
ons demandé à Denis de Rougemont ce qu’il pensait
de
l’homme d’État, après que Jacques Mercanton, la semaine dernière, a p
2397
e Jacques Mercanton, la semaine dernière, a parlé
de
l’écrivain et à Guy Dumur, en page intérieure, d’étudier les rapports
2398
de l’écrivain et à Guy Dumur, en page intérieure,
d’
étudier les rapports du Général avec la culture, qu’il n’a guère encou
2399
eurs contemporains, c’était vers 1925, sur le ton
d’
un gangster qui demande la clé de la caisse. Nulle part peut-être mieu
2400
1925, sur le ton d’un gangster qui demande la clé
de
la caisse. Nulle part peut-être mieux que dans ses « jeux » n’a régné
2401
xploitée désormais sans scrupules par les équipes
de
la TV) de l’enquête méfiante sur nos motivations. Les écrivains ont d
2402
ésormais sans scrupules par les équipes de la TV)
de
l’enquête méfiante sur nos motivations. Les écrivains ont développé c
2403
Les écrivains ont développé contre elle une série
de
réactions de mauvaise foi protectrice, ou de « rationalisations » pou
2404
ont développé contre elle une série de réactions
de
mauvaise foi protectrice, ou de « rationalisations » pour parler le j
2405
érie de réactions de mauvaise foi protectrice, ou
de
« rationalisations » pour parler le jargon freudien. Ils ont trouvé t
2406
argon freudien. Ils ont trouvé trente-six raisons
d’
écrire. Ils ont milité pour des causes. Ils ont même inventé la notion
2407
é pour des causes. Ils ont même inventé la notion
de
l’engagement, dans les années 1930… Elle était vraie, mais elle n’exp
2408
sentiments animent aussi, je le crains, certains
de
ceux qui prétendent n’écrire que pour le salut de leurs lecteurs. En
2409
de ceux qui prétendent n’écrire que pour le salut
de
leurs lecteurs. En fait, on commence à écrire vers 16 ou 17 ans, sans
2410
pour quoi. Et quand beaucoup plus tard, essayant
de
répondre à l’attente des interviewers, on met au point quelques demi-
2411
au point quelques demi-mensonges, l’important est
de
n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’on a perdu le contact av
2412
ivent longtemps sont peu à peu tellement imbibées
de
raison que l’origine qu’elles tirent de la déraison devient invraisem
2413
imbibées de raison que l’origine qu’elles tirent
de
la déraison devient invraisemblable. » Hypocrites auteurs, mes sembl
2414
les ruses naïves, laissez-moi tenter aujourd’hui
de
reconstituer l’innocence de mes débuts dans l’écriture. Écrire est u
2415
oi tenter aujourd’hui de reconstituer l’innocence
de
mes débuts dans l’écriture. Écrire est une démangeaison que l’on cal
2416
ible, aussi peu rationnel que l’élan du désir, ou
de
la prière, et cela tient des deux, probablement. C’est aussi un effet
2417
eux, probablement. C’est aussi un effet du besoin
d’
imiter ce qui, dans un poème ou une pensée, vient d’éveiller en vous u
2418
imiter ce qui, dans un poème ou une pensée, vient
d’
éveiller en vous une émotion : pour la prolonger, la faire vôtre, et r
2419
tres qu’il est admiré par vous-même, vous essayez
d’
écrire comme lui des vers, un récit, des pensées, une confession. Au d
2420
llergie positive ou délectable irritation, esprit
d’
imitation naïve ou vaniteuse (selon que l’on sera bon ou mauvais auteu
2421
r). Et c’est beaucoup plus tard qu’on s’inventera
de
belles et bonnes raisons d’écrire pour exposer, pour convaincre ou ém
2422
ard qu’on s’inventera de belles et bonnes raisons
d’
écrire pour exposer, pour convaincre ou émouvoir, pour dire quelque ch
2423
r, pour dire quelque chose à quelqu’un, au public
d’
une revue littéraire ou à toute une nation par la TV. C’est le pour qu
2424
écriture, et qui ne dépend nullement du processus
de
la pensée en train de se former par écrit : vote des femmes ou guerre
2425
urope, puisque l’Europe est une création continue
de
la pensée proprement poétique, l’horizon qui se définit par rapport à
2426
r rapport à notre progrès. ⁂ Ce n’est qu’au début
d’
une carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas
2427
ébut d’une carrière que l’on écrit par pure envie
d’
écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’état brut ne continue d’agi
2428
e dis pas que ce besoin à l’état brut ne continue
d’
agir dans mes écrits, mais il n’est plus seul discernable, tout mêlé q
2429
é qu’il se trouve à des courants violents chargés
de
matériaux littérairement impurs. Une immédiate nécessité motive la ma
2430
me : j’écris désormais sur commande non seulement
de
mes émotions, mais d’un discours, d’un livre, d’un article qu’il s’ag
2431
sur commande non seulement de mes émotions, mais
d’
un discours, d’un livre, d’un article qu’il s’agit de donner à date fi
2432
on seulement de mes émotions, mais d’un discours,
d’
un livre, d’un article qu’il s’agit de donner à date fixe — et de tout
2433
de mes émotions, mais d’un discours, d’un livre,
d’
un article qu’il s’agit de donner à date fixe — et de tout ce qu’il fa
2434
n discours, d’un livre, d’un article qu’il s’agit
de
donner à date fixe — et de tout ce qu’il faut bien ajouter à quelque
2435
n article qu’il s’agit de donner à date fixe — et
de
tout ce qu’il faut bien ajouter à quelque ouvrage obscurément jailli,
2436
. (Ainsi j’écris cela parce que F. J. m’a demandé
d’
écrire pourquoi j’écris.) Mais surtout, j’écris pour mouvoir : ma caus
2437
finale devient ma vraie motivation, et me libère
de
toutes les causes intimes, trop intimes. ⁂ Arrivé aux deux tiers de m
2438
es intimes, trop intimes. ⁂ Arrivé aux deux tiers
de
ma course (si je l’estime à l’envergure de mes projets), je me vois d
2439
tiers de ma course (si je l’estime à l’envergure
de
mes projets), je me vois deux raisons d’écrire : l’une me libère, l’a
2440
nvergure de mes projets), je me vois deux raisons
d’
écrire : l’une me libère, l’autre m’engage. a) J’écris par pure envie
2441
où, en quête obscure et fascinante, selon ce vers
d’
Hugo qui m’amusera sans fin : Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore
2442
is ! J’y vais par l’écriture, qui est ma manière
d’
enregistrer la poésie dans l’existence. Un paysage me met en quête d’u
2443
ésie dans l’existence. Un paysage me met en quête
d’
une mélodie, d’un contrepoint de mots ou d’une couleur tonale. Un évén
2444
stence. Un paysage me met en quête d’une mélodie,
d’
un contrepoint de mots ou d’une couleur tonale. Un événement me dicte
2445
e me met en quête d’une mélodie, d’un contrepoint
de
mots ou d’une couleur tonale. Un événement me dicte une page qui chan
2446
quête d’une mélodie, d’un contrepoint de mots ou
d’
une couleur tonale. Un événement me dicte une page qui change ma vie —
2447
et par suite ne saurait nier, et qui est au-delà
de
tout — comme le corps transcendant aux organes. Je cherche Dieu. b) J
2448
m’y donne. Quand je saurai pourquoi, j’aurai fini
d’
écrire (idéalement). J’aurai touché à la fin de l’écriture, ou mieux,
2449
ni d’écrire (idéalement). J’aurai touché à la fin
de
l’écriture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui est de me former su
2450
riture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui est
de
me former sur une pensée vécue dans l’écriture. Au terme de mes livre
2451
er sur une pensée vécue dans l’écriture. Au terme
de
mes livres, où figure le mot fin et juste au-dessous de ce feu rouge
2452
lire : J’écris pour vous. az. Rougemont Denis
de
, « Pourquoi j’écris », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), L
2453
Rougemont Denis de, « Pourquoi j’écris », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 30–31 janvier 1971, p. 29
2454
Au défi
de
l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)ba Nous souffrons de
2455
frons des clichés ridicules qui composent l’image
de
la Suisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, sec
2456
banques, et les arts réduits, paraît-il, à celui
de
ne pas se mouiller. Nous savons que la Suisse, c’est autre chose. Mai
2457
la Suisse, c’est autre chose. Mais quoi ? Combien
de
nos compatriotes interrogés au hasard dans la rue seraient capables d
2458
nterrogés au hasard dans la rue seraient capables
de
le dire ? Alors on court interviewer des étrangers : quelle est à leu
2459
image ? Ils nous renvoient le plus souvent celle
de
nos erreurs sur nous-mêmes. Tel ce professeur au Collège de France8 a
2460
eurs sur nous-mêmes. Tel ce professeur au Collège
de
France8 auquel la Gazette demandait dernièrement s’il pensait que l
2461
sait que l’on devait faire l’Europe sur le modèle
de
la Suisse, et qui répondait : « Le fédéralisme est pour votre pays un
2462
ais été ni pu être une « solution » aux problèmes
de
la Suisse, pour la simple raison qu’il l’a faite et que seul il la dé
2463
hors du fédéralisme. Elle n’est rien qu’un régime
d’
union. Dans leur très grande majorité — 98 % exactement — les six mill
2464
nde majorité — 98 % exactement — les six millions
de
Suisses d’aujourd’hui ne descendent en aucune manière des trois Walds
2465
é — 98 % exactement — les six millions de Suisses
d’
aujourd’hui ne descendent en aucune manière des trois Waldstätten prim
2466
, si nous fêtons aujourd’hui le 680e anniversaire
de
la Confédération helvétique, de quoi s’agit-il ? Ni de l’anniversaire
2467
680e anniversaire de la Confédération helvétique,
de
quoi s’agit-il ? Ni de l’anniversaire d’une dynastie — les Zähringen
2468
Confédération helvétique, de quoi s’agit-il ? Ni
de
l’anniversaire d’une dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éte
2469
vétique, de quoi s’agit-il ? Ni de l’anniversaire
d’
une dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éteints depuis des si
2470
iècles, les Habsbourg émigrés — ni l’anniversaire
de
la fondation d’un État ou de la signature d’une Constitution, car ces
2471
bourg émigrés — ni l’anniversaire de la fondation
d’
un État ou de la signature d’une Constitution, car ces deux choses ne
2472
— ni l’anniversaire de la fondation d’un État ou
de
la signature d’une Constitution, car ces deux choses ne datent chez n
2473
aire de la fondation d’un État ou de la signature
d’
une Constitution, car ces deux choses ne datent chez nous que de 1848.
2474
tion, car ces deux choses ne datent chez nous que
de
1848. Ce que nous célébrons, c’est en fait une idée, qui est l’essenc
2475
ébrons, c’est en fait une idée, qui est l’essence
de
la Suisse et qui a déterminé son existence : l’idée fédéraliste et la
2476
son existence : l’idée fédéraliste et la formule
d’
union qu’illustre le pacte en latin conclu par trois « communes forest
2477
roit trop souvent (et pas seulement à l’étranger)
de
l’union de vingt-cinq États cantonaux — comme l’Europe de Churchill o
2478
ouvent (et pas seulement à l’étranger) de l’union
de
vingt-cinq États cantonaux — comme l’Europe de Churchill ou de Gaulle
2479
Churchill ou de Gaulle était censée devoir naître
de
l’alliance impossible des quelque vingt-cinq États nationaux du conti
2480
ure où elle s’est formée par la libre association
de
communes rurales et urbaines, de pays, d’évêchés, de principautés et
2481
ibre association de communes rurales et urbaines,
de
pays, d’évêchés, de principautés et d’anciens baillages libérés, soli
2482
ciation de communes rurales et urbaines, de pays,
d’
évêchés, de principautés et d’anciens baillages libérés, solidaires da
2483
communes rurales et urbaines, de pays, d’évêchés,
de
principautés et d’anciens baillages libérés, solidaires dans leur vol
2484
urbaines, de pays, d’évêchés, de principautés et
d’
anciens baillages libérés, solidaires dans leur volonté d’autonomie ;
2485
s baillages libérés, solidaires dans leur volonté
d’
autonomie ; et à cette fin, décidant la mise en commun des tâches publ
2486
ourdes pour chacun mais réalisables par tous — et
de
celles-là seules. Chargé d’exécuter ces tâches communes, le Conseil f
2487
isables par tous — et de celles-là seules. Chargé
d’
exécuter ces tâches communes, le Conseil fédéral n’est nullement une é
2488
lement une émanation des cantons, mais le collège
de
chefs des Agences fédérales spécialisées par leur fonction : finances
2489
sse Dans la mesure où j’adhère à cette formule
d’
union je me considère comme Suisse et je le suis, moi, Neuchâtelois pr
2490
isse et je le suis, moi, Neuchâtelois protestant,
de
langue française, au même titre qu’un Schwyzois catholique de dialect
2491
ançaise, au même titre qu’un Schwyzois catholique
de
dialecte allemand, qu’un yodleur des Rhodes-Intérieures, qu’un Tessin
2492
réalité proprement suisse : une idée, une formule
d’
union qui fut au xiiie siècle celle de trois communes du Gothard et q
2493
ne formule d’union qui fut au xiiie siècle celle
de
trois communes du Gothard et qui se « généralisa » par la suite aux X
2494
la suite aux XIII cantons ligués, puis à l’union
de
vingt-cinq États souverains différant par la langue et la race, la co
2495
historiques — on voit très mal ce qui empêcherait
de
généraliser cette formule à toute l’Europe. Autant il devient clair a
2496
il devient clair aux yeux de tous que la formule
de
l’État-nation napoléonien s’oppose radicalement à toute union de l’Eu
2497
n napoléonien s’oppose radicalement à toute union
de
l’Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’à la guerre, auta
2498
ssible pour les Européens qui éprouvent le besoin
de
s’associer librement par-dessus les frontières, ces « cicatrices de l
2499
ement par-dessus les frontières, ces « cicatrices
de
l’histoire », bornées par le hasard des armes. Mais alors, me dit-on,
2500
. Mais alors, me dit-on, si la fédération s’étend
de
proche en proche à l’Europe tout entière, la Suisse ne va-t-elle pas
2501
die, prolongée dans l’espace et le temps, au-delà
de
ce qu’elle est aujourd’hui, qui est tellement au-delà de ce qu’elle f
2502
u’elle est aujourd’hui, qui est tellement au-delà
de
ce qu’elle fut au Grütli, berceau mythique. Une idée se perd-elle en
2503
e se perd-elle en se généralisant, et une formule
d’
union en fécondant des unions toujours plus nombreuses ? Ceux qui ont
2504
estinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal
de
l’avenir se réalise, la nationalité suisse de caractère international
2505
éal de l’avenir se réalise, la nationalité suisse
de
caractère international devra s’incorporer à la communauté de la Gran
2506
international devra s’incorporer à la communauté
de
la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vécu en vain, ni sa
2507
s’incorporer à la communauté de la Grande Europe.
De
cette façon, elle n’aura pas vécu en vain, ni sans gloire. S’évanoui
2508
vain, ni sans gloire. S’évanouir dans le succès
de
notre idée et d’une formule d’union qui est notre raison d’être, ne s
2509
oire. S’évanouir dans le succès de notre idée et
d’
une formule d’union qui est notre raison d’être, ne serait-ce pas le s
2510
uir dans le succès de notre idée et d’une formule
d’
union qui est notre raison d’être, ne serait-ce pas le sort le plus be
2511
dée et d’une formule d’union qui est notre raison
d’
être, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhait
2512
sans frontières, rien ne nous empêchera, Suisses
de
tous les cantons, de rester ensemble et de continuer à former une com
2513
n ne nous empêchera, Suisses de tous les cantons,
de
rester ensemble et de continuer à former une communauté : celle des g
2514
uisses de tous les cantons, de rester ensemble et
de
continuer à former une communauté : celle des gardiens de l’idée mère
2515
nuer à former une communauté : celle des gardiens
de
l’idée mère. Si nous le désirons vraiment, si nous le voulons. C’est
2516
r, et c’est ce qui nous inquiète. S’il n’y a plus
de
frontières tangibles, plus de douaniers, où sera la Suisse, gémissent
2517
te. S’il n’y a plus de frontières tangibles, plus
de
douaniers, où sera la Suisse, gémissent nos « patriotes » désorientés
2518
ent nos « patriotes » désorientés. Or il est sain
de
se demander, au minimum une fois par an, ce que nous faisons là, et p
2519
naissance de cause et en majorité nous choisirons
de
continuer la Suisse. Ceux qui le voudront seront alors les vrais Suis
2520
e qu’un… », disait Victor Hugo, reprenant un vers
de
Corneille. 8. Il s’agit d’une interview de M. Raymond Aron, publié
2521
, reprenant un vers de Corneille. 8. Il s’agit
d’
une interview de M. Raymond Aron, publiée dans la Gazette de Lausanne
2522
ers de Corneille. 8. Il s’agit d’une interview
de
M. Raymond Aron, publiée dans la Gazette de Lausanne des 3-4 juillet.
2523
rview de M. Raymond Aron, publiée dans la Gazette
de
Lausanne des 3-4 juillet. (Réd.) ba. Rougemont Denis de, « Au défi
2524
nne des 3-4 juillet. (Réd.) ba. Rougemont Denis
de
, « Au défi de l’Europe, la Suisse », Gazette de Lausanne, Lausanne, 3
2525
illet. (Réd.) ba. Rougemont Denis de, « Au défi
de
l’Europe, la Suisse », Gazette de Lausanne, Lausanne, 31 juillet–1 ao
2526
s de, « Au défi de l’Europe, la Suisse », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 31 juillet–1 août 1971, p. 1.
2527
nsion nouvelle (11-12 septembre 1971)bb À plus
d’
une reprise, l’occasion d’exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me
2528
embre 1971)bb À plus d’une reprise, l’occasion
d’
exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me fut offerte, toujours sai
2529
un éloge dont tout me faisait craindre qu’il fût
de
nature — si plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir la bonne
2530
sans précaution — à desservir la bonne réputation
de
notre ami dans un pays égalitaire. Aujourd’hui je ne reculerai plus,
2531
onde du regard, mais la simplicité et la maîtrise
de
soi, l’élocution aisée et sans éclat, les colères bien tenues en brid
2532
tal, trop pessimiste pour moraliser, et avec trop
de
distance naturelle pour avoir à jouer la hauteur, affable mais non sa
2533
r, affable mais non sans malice, et ce qu’il faut
d’
arbitraire dans les jugements, lucide avec plus de mélancolie que de c
2534
d’arbitraire dans les jugements, lucide avec plus
de
mélancolie que de cynisme, plus de sensibilité aux êtres qu’aux idées
2535
les jugements, lucide avec plus de mélancolie que
de
cynisme, plus de sensibilité aux êtres qu’aux idées et aux situations
2536
cide avec plus de mélancolie que de cynisme, plus
de
sensibilité aux êtres qu’aux idées et aux situations qu’aux systèmes,
2537
s qu’aux idées et aux situations qu’aux systèmes,
d’
où son sens politique intuitif et ses vues parfois prophétiques : — Ca
2538
er la dimension princière. bb. Rougemont Denis
de
, « Une dimension nouvelle : Carl Burckhardt », Gazette de Lausanne (s
2539
e dimension nouvelle : Carl Burckhardt », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 11–12 septembre 1971, p.
2540
sponsables. J’ai d’ailleurs reçu d’autres lettres
d’
instituteurs qui souffrent d’être paralysés dans le système actuel, et
2541
eçu d’autres lettres d’instituteurs qui souffrent
d’
être paralysés dans le système actuel, et qui me disent : « Merci, vou
2542
du ressort des cantons ? Mais en 1929 je parlais
de
mon expérience. Elle était tout à fait suisse, puisque j’ai fait l’éc
2543
puisque j’ai fait l’école primaire, jusqu’à l’âge
de
12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à Neuch
2544
… L’école publique a été jusqu’à présent le moyen
de
formation le plus fort. Elle a prétendu à un monopole de l’éducation,
2545
ation le plus fort. Elle a prétendu à un monopole
de
l’éducation, contre l’Église et contre la famille. Cet état de fait n
2546
n, contre l’Église et contre la famille. Cet état
de
fait nous vient tout droit de Napoléon, qui a légué au monde entier,
2547
a famille. Cet état de fait nous vient tout droit
de
Napoléon, qui a légué au monde entier, à peu près, l’école militarisé
2548
ntier, à peu près, l’école militarisée au service
de
l’État-nation. Dans le système actuel, il serait pratiquement impossi
2549
système actuel, il serait pratiquement impossible
de
déscolariser la société, comme le réclame Illich. On dresserait contr
2550
ur un enfant l’histoire suisse, s’il ignore celle
de
sa région ? À Couvet, j’ai tout appris sur les Waldstätten (y compris
2551
ten (y compris, beaucoup de choses fausses), rien
de
l’histoire de ma propre vallée… La nation est un concept artificiel q
2552
, beaucoup de choses fausses), rien de l’histoire
de
ma propre vallée… La nation est un concept artificiel qui ne repose s
2553
entale. Il y a la région, réalité tangible, cadre
de
la vie des élèves ; il y a l’Europe — l’ancienne christianitas — réal
2554
s des programmes — dans ces dimensions-là. Passer
de
la région à l’Europe et au monde au moment où les élèves sont capable
2555
et au monde au moment où les élèves sont capables
de
saisir les réalités à ces niveaux-là, et négliger chaque fois que c’e
2556
ionales. En finir avec les fleuves qui s’arrêtent
de
couler à la frontière sur les croquis de géographie. Une bourde du
2557
arrêtent de couler à la frontière sur les croquis
de
géographie. Une bourde du général de Gaulle Pourquoi l’économie
2558
: les frontières n’ont rien à voir avec les lois
de
la nature. Elles n’arrêtent rien de ce qu’il faudrait arrêter : les n
2559
avec les lois de la nature. Elles n’arrêtent rien
de
ce qu’il faudrait arrêter : les nuages, les tempêtes, l’eau polluée ;
2560
es, l’eau polluée ; et elles empêchent le passage
de
ce qui devrait circuler : les hommes, les marchandises, quelquefois l
2561
es. On ne fera jamais l’Europe avec les ministres
d’
aujourd’hui, parce que toute leur manière de penser est prisonnière de
2562
stres d’aujourd’hui, parce que toute leur manière
de
penser est prisonnière des schémas nationaux. Souvenez-vous que le gé
2563
énéral de Gaulle aimait à répéter que l’Europe va
de
Gibraltar à l’Oural. Cette bourde m’a toujours étonné. Pourquoi donc
2564
est tout, sauf une séparation : une petite chaîne
de
collines, traversée par un affluent de la Volga, et qui est maintenan
2565
ite chaîne de collines, traversée par un affluent
de
la Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin de l’industrie lour
2566
la Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin
de
l’industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’All
2567
aintenant le cœur du bassin de l’industrie lourde
de
l’URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’Allemagne. Côté « asiatiq
2568
mmes. On y circule dans tous les sens… Cette idée
de
l’Oural-frontière est si absurde, et si répandue, que j’ai mis deux d
2569
est si absurde, et si répandue, que j’ai mis deux
de
mes étudiants sur le problème. Ils ont trouvé que les manuels d’histo
2570
s sur le problème. Ils ont trouvé que les manuels
d’
histoire et de géographie des années 1900 à 1940 — l’époque de la scol
2571
ème. Ils ont trouvé que les manuels d’histoire et
de
géographie des années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité de Charl
2572
t de géographie des années 1900 à 1940 — l’époque
de
la scolarité de Charles de Gaulle — définissaient précisément l’Europ
2573
des années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité
de
Charles de Gaulle — définissaient précisément l’Europe comme allant d
2574
— définissaient précisément l’Europe comme allant
de
Gibraltar à l’Oural. L’école a rendu les hommes qui sont actuellement
2575
ont actuellement au pouvoir en Europe, incapables
de
saisir ce que pourrait être une fédération. Or c’est la seule formule
2576
ée du fédéralisme appartiennent plutôt aux partis
de
gauche. Rocard, Mitterrand. Des exceptions. Mais comment pourrait-il
2577
z le Petit Littré, qui est encore le dictionnaire
de
référence des Français cultivés, et cherchez sous « fédéralisme » : v
2578
déralisme » : vous trouverez que c’est un système
de
sauvages, ou bien une utopie attribuée aux girondins — c’est-à-dire u
2579
ribuée aux girondins — c’est-à-dire un instrument
de
trahison. Vous écrivez, dans la Suite des Méfaits : « On ne changera
2580
onvient, l’école produit des citoyens à la mesure
de
l’État. C’est un cercle vicieux : chercher l’origine nous ramène au p
2581
ieux : chercher l’origine nous ramène au problème
de
la poule et de l’œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que fa
2582
l’origine nous ramène au problème de la poule et
de
l’œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que faire au niveau d
2583
nt les affaires courantes. Étudier l’introduction
de
nouvelles « matières » du programme, la création d’un nouveau bâtimen
2584
nouvelles « matières » du programme, la création
d’
un nouveau bâtiment, l’attribution de nouveaux subsides, ce n’est pas
2585
la création d’un nouveau bâtiment, l’attribution
de
nouveaux subsides, ce n’est pas concevoir une politique, c’est admini
2586
me. Il faudrait qu’ils puissent s’arrêter, sortir
de
l’urgent et du quotidien, pour pouvoir tout reconsidérer. Pour en sor
2587
n, un changement brusque et radical, qui permette
de
repartir sur des bases entièrement nouvelles… ce qui est pratiquement
2588
re. Il faudrait, au minimum, une volonté générale
de
sortir du cercle vicieux dont nous parlions tout à l’heure. Une école
2589
cole nouvelle pourrait exploiter des possibilités
d’
apprentissage totalement négligées aujourd’hui. L’enseignement fortuit
2590
ans. Je cite aussi, dans les Méfaits , l’exemple
de
Benjamin Constant. À 5 ans, il a appris le grec. Sous forme de jeu9.
2591
tend à individualiser l’enseignement au maximum,
de
manière que chaque élève puisse travailler à son rythme propre, d’aut
2592
e l’élève le plus rapide attende que le plus lent
de
son groupe le rejoigne. Comment résoudre cette alternative ? D’abord
2593
vent faire la même chose ! » Ça, c’est la formule
de
base de l’école napoléonienne, par quoi on a fabriqué des peuples mil
2594
re la même chose ! » Ça, c’est la formule de base
de
l’école napoléonienne, par quoi on a fabriqué des peuples militarisés
2595
contraire. Ça consiste à laisser à chacun autant
d’
autonomie que possible, c’est-à-dire le droit de différer. Ceci pour l
2596
t d’autonomie que possible, c’est-à-dire le droit
de
différer. Ceci pour le premier terme de votre « alternative »… qui n’
2597
le droit de différer. Ceci pour le premier terme
de
votre « alternative »… qui n’en est pas une. Car le second terme est
2598
nd terme est également nécessaire. Je ne vois pas
d’
opposition entre l’enseignement individualisé et le travail collectif,
2599
as que des élèves doués puissent avoir à souffrir
de
travailler avec des camarades plus faibles. Au contraire : en les aid
2600
. Au contraire : en les aidant, ils apprendraient
d’
autant mieux. On ne sait vraiment que ce qu’on a dû enseigner. Je l’ob
2601
h est trop rousseauiste » Seriez-vous partisan
d’
une école comme celle des amish, dont vous parlez dans les Méfaits 10,
2602
iste : il suppose chez tous les enfants une sorte
de
besoin inné de s’instruire et de s’entraider. Pour lui, l’homme naît
2603
se chez tous les enfants une sorte de besoin inné
de
s’instruire et de s’entraider. Pour lui, l’homme naît bon, et l’école
2604
nfants une sorte de besoin inné de s’instruire et
de
s’entraider. Pour lui, l’homme naît bon, et l’école le corrompt. Or j
2605
s par les mass médias, ou sous la coupe des chefs
de
gangs… J’en ai vu des exemples très proches : aux États-Unis. Plus d’
2606
des exemples très proches : aux États-Unis. Plus
d’
autorité du maître Il se forme spontanément des groupes, autour d’un c
2607
ître Il se forme spontanément des groupes, autour
d’
un chef, fanatiquement obéi, et qui peut ordonner aux membres de son g
2608
atiquement obéi, et qui peut ordonner aux membres
de
son groupe n’importe quoi… À l’autorité défaillante du maître se subs
2609
autorité défaillante du maître se substitue celle
d’
un camarade. Vous ne croyez pas à la « socialisation par le groupe » ?
2610
socialisation par le groupe » ?… Je crains la loi
de
la jungle, le règne des forts en gueule, voire des sadiques. Revenons
2611
ueule, voire des sadiques. Revenons à l’évolution
de
l’école, et aux deux pôles dont nous avons parlé : individualisation
2612
ndividualisation… La droite et la gauche ont tort
de
ne tolérer qu’un des deux termes. Car il faut que l’un existe pour qu
2613
ve, et vice versa. L’éducation sera la résultante
d’
une tension dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’homme a be
2614
re les deux. On ne peut nier que l’homme a besoin
de
compagnie, mais aussi besoin d’être seul ; besoin de communiquer avec
2615
l’homme a besoin de compagnie, mais aussi besoin
d’
être seul ; besoin de communiquer avec ses semblables, mais aussi de s
2616
compagnie, mais aussi besoin d’être seul ; besoin
de
communiquer avec ses semblables, mais aussi de se retrouver face à lu
2617
in de communiquer avec ses semblables, mais aussi
de
se retrouver face à lui-même. Lui imposer la société permanente des a
2618
uivalentes. Toute la vie est fondée sur une série
de
couples antinomiques : communication-solitude, action-repos, permanen
2619
permanence-changement. Il faut trouver leur point
d’
équilibre dynamique. Ainsi pour le fédéralisme, qui est si mal compris
2620
qui est si mal compris, même en Suisse. Il s’agit
de
mettre en relation des éléments — dans le cas européen, des régions —
2621
qu’il y ait confusion des deux, ni subordination
de
l’un à l’autre. Ils sont à la fois semblables et différents, séparés
2622
et différents, séparés et unis. C’est la formule
de
tout fédéralisme. Tension entre deux pôles. Vous retrouvez cela à tou
2623
les, des molécules, des atomes, toute vie résulte
d’
une tension permanente entre des forces d’attraction et de répulsion.
2624
résulte d’une tension permanente entre des forces
d’
attraction et de répulsion. Là encore, supposez qu’un équilibre statiq
2625
nsion permanente entre des forces d’attraction et
de
répulsion. Là encore, supposez qu’un équilibre statique s’installe :
2626
econnaître que l’existence simultanée du divin et
de
l’humain dans le même être est difficile, voire impossible à concevoi
2627
terminer : comment changer l’école ? Par le biais
de
la Campagne d’éducation civique européenne que je préside depuis une
2628
ent changer l’école ? Par le biais de la Campagne
d’
éducation civique européenne que je préside depuis une dizaine d’année
2629
ique européenne que je préside depuis une dizaine
d’
années, nous essayons de toucher le plus grand nombre possible d’ensei
2630
réside depuis une dizaine d’années, nous essayons
de
toucher le plus grand nombre possible d’enseignants, du degré seconda
2631
essayons de toucher le plus grand nombre possible
d’
enseignants, du degré secondaire surtout : ce sont eux qui feront l’Eu
2632
ondaire surtout : ce sont eux qui feront l’Europe
de
l’an 2000, comme le dit le titre de mon dernier article dans Civisme
2633
ront l’Europe de l’an 2000, comme le dit le titre
de
mon dernier article dans Civisme européen 11. Mais il est clair que,
2634
es étant censées sécréter une nouvelle pédagogie,
de
nouveaux maîtres ? Elles n’entraîneront pas automatiquement une meill
2635
es talents paralysés par les structures actuelles
de
s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à être bons ou intelligent
2636
t leur intelligence aient au moins la possibilité
de
s’exercer. La modification des structures ne suffit pas, les efforts
2637
nie, rigueur et fantaisie, etc. Il y a une phrase
d’
Héraclite qu’on comprend généralement mal, parce qu’elle est mal tradu
2638
u’elle est mal traduite : « La guerre est la mère
de
toute chose. » Plutôt que « guerre » il faudrait dire « conflit ». À
2639
ot « tension », car on associe aujourd’hui l’idée
de
conflit à celle de lutte douloureuse, voire meurtrière. Parfois, effe
2640
on associe aujourd’hui l’idée de conflit à celle
de
lutte douloureuse, voire meurtrière. Parfois, effectivement, la tensi
2641
peut devenir conflit, dans ce sens-là, par manque
d’
harmonie ou d’équilibre. Et c’est parfois inévitable. Mais c’est la co
2642
onflit, dans ce sens-là, par manque d’harmonie ou
d’
équilibre. Et c’est parfois inévitable. Mais c’est la condition même d
2643
parfois inévitable. Mais c’est la condition même
de
la vie. 9. Benjamin Constant, dans le Cahier Rouge, raconte que so
2644
mand, avait eu « une idée assez ingénieuse, celle
de
me faire inventer le grec pour l’apprendre. Il me proposa de nous fai
2645
inventer le grec pour l’apprendre. Il me proposa
de
nous faire à nous deux une langue qui ne serait connue que de nous ;
2646
e à nous deux une langue qui ne serait connue que
de
nous ; je me passionnai pour cette idée. Nous formâmes d’abord un alp
2647
ire dans lequel chaque mot français était traduit
d’
un mot grec. Tout cela se gravait merveilleusement dans ma tête, parce
2648
rler l’anglais et l’allemand, à observer les lois
de
l’hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté des amish produit
2649
et refuse le tracteur et l’auto. » 11. « Le sort
de
l’an 2000 se joue dans nos écoles », Civisme européen, Genève, mars 1
2650
2, rue de Lausanne, Genève. bc. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Il faut dénationaliser l’enseignement », Gazette de La
2651
Il faut dénationaliser l’enseignement », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 8 décembre 1972, p. 3. bd. Propos recueillis par
2652
llis par Laurent Rebeaud. L’entretien est précédé
de
l’introduction suivante : « Les Méfaits de l’instruction publique ,
2653
écédé de l’introduction suivante : « Les Méfaits
de
l’instruction publique , tel était le titre de la première œuvre qu’a
2654
ts de l’instruction publique , tel était le titre
de
la première œuvre qu’ait publié Denis de Rougemont, en 1929, à l’âge
2655
u’ait publié Denis de Rougemont, en 1929, à l’âge
de
22 ans. Dans ce pamphlet d’une soixantaine de pages, l’auteur se livr
2656
ont, en 1929, à l’âge de 22 ans. Dans ce pamphlet
d’
une soixantaine de pages, l’auteur se livrait à un éreintement impitoy
2657
âge de 22 ans. Dans ce pamphlet d’une soixantaine
de
pages, l’auteur se livrait à un éreintement impitoyable du système sc
2658
pitoyable du système scolaire, “vaste distillerie
d’
ennuis”, “puissance de crétinisation lente”. La fonction de l’instruct
2659
colaire, “vaste distillerie d’ennuis”, “puissance
de
crétinisation lente”. La fonction de l’instruction publique, disait-i
2660
, “puissance de crétinisation lente”. La fonction
de
l’instruction publique, disait-il, était de conditionner les esprits
2661
ction de l’instruction publique, disait-il, était
de
conditionner les esprits des futurs citoyens dans le sens voulu par l
2662
emment, n’a pas entamé la rancune ni la virulence
de
Denis de Rougemont contre l’école. Preuve en soit la récente rééditio
2663
it la récente réédition des Méfaits, « aggravés »
d’
une Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches de
2664
, « aggravés » d’une Suite des méfaits . Le texte
de
1929 n’a subi que des retouches de détail, et fort peu. Quant à l’“ag
2665
its . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches
de
détail, et fort peu. Quant à l’“aggravation”, de 1972, elle commence
2666
de détail, et fort peu. Quant à l’“aggravation”,
de
1972, elle commence ainsi : “Écrit d’un jeune homme en colère, aussi
2667
gravation”, de 1972, elle commence ainsi : “Écrit
d’
un jeune homme en colère, aussi injuste qu’un pamphlet doit l’être, j’
2668
u’un pamphlet doit l’être, j’ai le triste plaisir
de
constater que mon texte n’a pas vieilli, parce que l’école n’a pas ch
2669
i, parce que l’école n’a pas changé.” Et l’auteur
de
retrouver dans une série d’écrits tout récents l’essentiel de ses cri
2670
changé.” Et l’auteur de retrouver dans une série
d’
écrits tout récents l’essentiel de ses critiques quadragénaires. Il ci
2671
dans une série d’écrits tout récents l’essentiel
de
ses critiques quadragénaires. Il cite Ivan Illich, un professeur fran
2672
Ivan Illich, un professeur français, un ministre
de
l’Éducation nationale, un poète, Pierre Emmanuel, et même un collégie
2673
pour avoir prononcé un discours inconvenant lors
d’
une cérémonie de promotions. Le principal grief de Denis de Rougemont
2674
oncé un discours inconvenant lors d’une cérémonie
de
promotions. Le principal grief de Denis de Rougemont contre l’école r
2675
d’une cérémonie de promotions. Le principal grief
de
Denis de Rougemont contre l’école reste le même : c’est un crime cont
2676
: c’est un crime contre l’homme, estime-t-il, que
d’
aligner les esprits pour la commodité des pouvoirs établis. »
2677
bf Le centre du monde est partout, la théorie
de
la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde se situe rée
2678
u-dessus du Léman, à mi-hauteur du grand vignoble
de
Lavaux, cette évidence ne saurait exiger ni d’ailleurs endurer la moi
2679
à un centre et tout ce qui respire dans la grâce
de
son rayonnement revêt une importance rapidement fabuleuse, et passion
2680
ment fabuleuse, et passionnelle. Il est difficile
d’
en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain
2681
oudain, parfois vociférant (la TV l’a fait voir),
de
la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une ferveur déconcertante.
2682
oir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion
d’
une ferveur déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma part, d’énumér
2683
déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma part,
d’
énumérer au sujet de Lavaux quelques faits vrais, dont la discordance
2684
, dont la discordance m’inquiète : elle m’empêche
de
m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à ce
2685
ète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie
d’
un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de conscience que
2686
donner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou
de
céder à cette espèce de conscience que donne l’indignation active. La
2687
lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce
de
conscience que donne l’indignation active. Lavaux est beaucoup plus d
2688
t beaucoup plus défiguré que les autres vignobles
de
La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus d
2689
lus défiguré que les autres vignobles de La Côte,
de
Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus de maisons ne
2690
s à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus
de
maisons neuves et laides, beaucoup plus de routes, de viaducs et d’én
2691
p plus de maisons neuves et laides, beaucoup plus
de
routes, de viaducs et d’énormes tranchées bétonnées, beaucoup plus d’
2692
aisons neuves et laides, beaucoup plus de routes,
de
viaducs et d’énormes tranchées bétonnées, beaucoup plus d’autos, de c
2693
et laides, beaucoup plus de routes, de viaducs et
d’
énormes tranchées bétonnées, beaucoup plus d’autos, de camions, de gar
2694
s et d’énormes tranchées bétonnées, beaucoup plus
d’
autos, de camions, de garages, de stations d’essence au service de la
2695
ormes tranchées bétonnées, beaucoup plus d’autos,
de
camions, de garages, de stations d’essence au service de la pollution
2696
ées bétonnées, beaucoup plus d’autos, de camions,
de
garages, de stations d’essence au service de la pollution universelle
2697
s, beaucoup plus d’autos, de camions, de garages,
de
stations d’essence au service de la pollution universelle. Or, les au
2698
plus d’autos, de camions, de garages, de stations
d’
essence au service de la pollution universelle. Or, les autos figurent
2699
ons, de garages, de stations d’essence au service
de
la pollution universelle. Or, les autos figurent l’emblème du paradox
2700
, les autos figurent l’emblème du paradoxe majeur
de
notre civilisation. Grâce à elles, l’homme des villes a retrouvé le c
2701
st révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire
d’
un amour fatal : dès qu’un touriste découvre un endroit solitaire, la
2702
foule s’y jette et le supprime. L’homme a besoin
de
solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est a
2703
gent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé
de
vignerons et d’artisans, de petits commerçants et de riches retraités
2704
sublime est un pays réel, peuplé de vignerons et
d’
artisans, de petits commerçants et de riches retraités. Un pays a beso
2705
un pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans,
de
petits commerçants et de riches retraités. Un pays a besoin de commun
2706
vignerons et d’artisans, de petits commerçants et
de
riches retraités. Un pays a besoin de communications, routes, autobus
2707
merçants et de riches retraités. Un pays a besoin
de
communications, routes, autobus et téléphone, et de stations d’épurat
2708
communications, routes, autobus et téléphone, et
de
stations d’épuration. Les chemins de fer et l’autoroute y font déjà l
2709
ons, routes, autobus et téléphone, et de stations
d’
épuration. Les chemins de fer et l’autoroute y font déjà leurs longues
2710
rien — aux dépens du paysage. Les « nécessités »
de
la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pou
2711
ssités » de la vie tendent à détruire les raisons
de
vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires
2712
chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité
de
la vie et les conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne une lum
2713
e ailleurs la qualité de la vie et les conditions
de
vie quantitatives. Sur quoi règne une lumière divine — une lumière ne
2714
— une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont
de
gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a le p
2715
neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni
de
droite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a le paysage mais a
2716
qui ne sont de gauche ni de droite, mais toujours
d’
en haut, rayonnants. Il y a le paysage mais aussi le paysan. Entre le
2717
eux sereins et la terre labourée, la terre bâtie,
d’
utilité publique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfan
2718
forment chaque jour par les retouches insensibles
de
l’usage, usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous ai
2719
Il est d’autres centres du monde où les problèmes
de
la survie d’un lieu sublime se posent en des termes semblables. Ainsi
2720
es centres du monde où les problèmes de la survie
d’
un lieu sublime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce q
2721
-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages
de
palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise so
2722
s œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien
de
moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre
2723
a prédominance accordée par un peuple à la saveur
de
vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez un pays ravi
2724
e à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens
de
Lavaux, vous habitez un pays ravissant et radieux. Mais vous ne le sa
2725
Lavaux doit faire son salut, ce sera par la grâce
de
quelques fous associant leur foi poétique aux calculs des vrais réali
2726
bilité, mais ceux qui font passer avant le profit
d’
argent — cette chose abstraite — les désirs et les rythmes du corps, l
2727
— les désirs et les rythmes du corps, les valeurs
de
l’esprit et les élans de l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis
2728
es du corps, les valeurs de l’esprit et les élans
de
l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis de, « Merveilleux Lavaux
2729
ns de l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis
de
, « Merveilleux Lavaux », Gazette de Lausanne (supplément littéraire),
2730
ugemont Denis de, « Merveilleux Lavaux », Gazette
de
Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 23–25 décembre 1972, p. 1
2731
écédé du chapeau suivant : « C’est à l’initiative
de
Jean-Pierre Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale, que l’on doit un
2732
t à l’initiative de Jean-Pierre Laubscher, auteur
de
Dixence Cathédrale, que l’on doit un ouvrage qui vient à point nommé
2733
Sauver cette unique contrée n’est pas le postulat
d’
un seul homme. Les artisans du livre, auteurs des textes, qu’ils s’app
2734
lement, les images prennent la parole. L’objectif
de
Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet d’un Lavaux épuré, pr
2735
e Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet
d’
un Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’un tel coin de pays doit être sau
2736
’un Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’un tel coin
de
pays doit être sauvegardé au prix de l’intelligence et de sacrifices,
2737
doit être sauvegardé au prix de l’intelligence et
de
sacrifices, comme le rappelle ici Denis de Rougemont. »
2738
juin, M. Ph. Barraud rend compte, très largement,
d’
une assemblée générale de la Compagnie vaudoise d’électricité, au cour
2739
compte, très largement, d’une assemblée générale
de
la Compagnie vaudoise d’électricité, au cours de laquelle M. Desmeule
2740
d’une assemblée générale de la Compagnie vaudoise
d’
électricité, au cours de laquelle M. Desmeules, son directeur, aurait
2741
antinucléaires, c’est-à-dire selon lui « les amis
de
Denis de Rougemont » — « préparent l’avènement du dirigisme marxiste
2742
« une société policière … centralisée, exploitée
de
façon quasi militaire » avec « intervention de la Confédération jusqu
2743
ée de façon quasi militaire » avec « intervention
de
la Confédération jusque dans nos cuisines et salles de bains. » Je n’
2744
Confédération jusque dans nos cuisines et salles
de
bains. » Je n’ai pas à entrer en discussion avec un directeur qui n’a
2745
e ce qu’il devait dire pour défendre les intérêts
de
sa compagnie ; mais votre rédacteur a jugé bon de mettre en exergue,
2746
de sa compagnie ; mais votre rédacteur a jugé bon
de
mettre en exergue, à la suite de son compte rendu, deux citations de
2747
e, à la suite de son compte rendu, deux citations
de
moi faites par M. Desmeules. À l’intention de vos lecteurs, il m’impo
2748
ons de moi faites par M. Desmeules. À l’intention
de
vos lecteurs, il m’importe de dénoncer l’usage fait de ces deux citat
2749
ules. À l’intention de vos lecteurs, il m’importe
de
dénoncer l’usage fait de ces deux citations, qui en falsifie le sens
2750
s lecteurs, il m’importe de dénoncer l’usage fait
de
ces deux citations, qui en falsifie le sens et la portée. 1. La premi
2751
laquelle l’expérience des centrales nucléaires et
de
leurs problèmes majeurs (comme celui des déchets) était pratiquement
2752
point le 26 janvier 1979, en prononçant au Palais
de
Beaulieu, pour introduire les « Rencontres internationales d’urbanism
2753
pour introduire les « Rencontres internationales
d’
urbanisme »12, une conférence dont voici le début : Dans cette même s
2754
ans cette même salle, à cette même place, au mois
de
juin 1958, il y a donc un peu plus de vingt ans, devant le premier co
2755
ce, au mois de juin 1958, il y a donc un peu plus
de
vingt ans, devant le premier congrès de l’Union internationale des pr
2756
peu plus de vingt ans, devant le premier congrès
de
l’Union internationale des producteurs et distributeurs d’électricité
2757
n internationale des producteurs et distributeurs
d’
électricité, un conférencier prononçait les phrases suivantes : « Les
2758
e, non sur la vraisemblance du fait… La situation
de
notre continent et de l’humanité entière serait apparemment sans espo
2759
lance du fait… La situation de notre continent et
de
l’humanité entière serait apparemment sans espoir, si la culture élab
2760
t vraiment au dernier moment, une nouvelle source
d’
énergie. L’énergie nucléaire est la réponse, inventée par notre génie,
2761
r notre génie, par nos savants européens, au défi
d’
une humanité dont notre science, notre hygiène, et nos techniques étai
2762
ourd’hui, comme le font la plupart des survivants
de
mon auditoire d’alors, devenus PDG pour la plupart et qui n’ont rien
2763
e font la plupart des survivants de mon auditoire
d’
alors, devenus PDG pour la plupart et qui n’ont rien appris depuis vin
2764
s vingt ans, alors oui, ces déclarations seraient
de
nature à me disqualifier radicalement pour traiter le sujet de l’éner
2765
e disqualifier radicalement pour traiter le sujet
de
l’énergie en général, et de ses rapports avec l’autonomie en particul
2766
pour traiter le sujet de l’énergie en général, et
de
ses rapports avec l’autonomie en particulier. Mais j’ai changé, qu’on
2767
e on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse
de
cette ville. Et c’est cela, précisément, qui m’autorise à prendre la
2768
à prendre la parole parmi vous. […] Quelques-uns
de
ceux qui sont ici ce matin, et non des moindres, partageaient à l’épo
2769
s, et je les retrouve aujourd’hui au premier rang
de
l’opposition au nucléaire. Ils pourront confirmer ma description de l
2770
nucléaire. Ils pourront confirmer ma description
de
l’état d’innocence générale où nous étions à peu près tous. […] Je ne
2771
. Ils pourront confirmer ma description de l’état
d’
innocence générale où nous étions à peu près tous. […] Je ne pense pas
2772
près tous. […] Je ne pense pas avoir à m’excuser
d’
avoir appris pas mal de choses depuis, et d’en avoir tiré les conséque
2773
ense pas avoir à m’excuser d’avoir appris pas mal
de
choses depuis, et d’en avoir tiré les conséquences. 2. La seconde ci
2774
cuser d’avoir appris pas mal de choses depuis, et
d’
en avoir tiré les conséquences. 2. La seconde citation, antinucléaire
2775
conde citation, antinucléaire celle-là, est datée
de
1984. Je la rappelle : Selon que (notre) choix se portera sur le nuc
2776
us aurons soit une société centralisée, exploitée
de
façon quasi militaire, soit une fédération de petites communes autono
2777
tée de façon quasi militaire, soit une fédération
de
petites communes autonomes. Cette seconde citation est censée démont
2778
que les intentions que M. Desmeules nous attribue
d’
une manière arbitraire et calomnieuse. Il embrouille tout, décidément,
2779
’on ne le croirait : car l’expression « exploitée
de
façon quasi militaire » non seulement n’est pas de moi et ne traduit
2780
e façon quasi militaire » non seulement n’est pas
de
moi et ne traduit en rien notre idéal, mais formule l’exigence « esse
2781
mars 1975, M. Jean-Claude Leny, directeur général
de
Framatome, qui assure la maîtrise d’œuvre de tous les réacteurs franç
2782
teur général de Framatome, qui assure la maîtrise
d’
œuvre de tous les réacteurs français de type PWR, déclare : Les insta
2783
éral de Framatome, qui assure la maîtrise d’œuvre
de
tous les réacteurs français de type PWR, déclare : Les installations
2784
a maîtrise d’œuvre de tous les réacteurs français
de
type PWR, déclare : Les installations nucléaires ne sont pas dangere
2785
ploitées et contrôlées par des équipes organisées
de
manière rigoureuse… Pour moi, il est essentiel que les centrales nucl
2786
centrales nucléaires soient peu nombreuses, donc
de
grande taille, implantées dans des sites ad hoc et exploitées de faço
2787
e, implantées dans des sites ad hoc et exploitées
de
façon quasi militaire 14. M. Desmeules aurait-il mal compris ? Ce n’
2788
ait-il mal compris ? Ce n’est pas nous, mais ceux
de
son bord qui ont dit cela. Quant à prétendre que mon idéal serait l’É
2789
État marxiste omnipotent, il faut n’avoir rien lu
de
moi pour oser le répéter à longueur de colonnes. Est-il pensable qu’u
2790
ir rien lu de moi pour oser le répéter à longueur
de
colonnes. Est-il pensable qu’une cause défendue par de tels procédés
2791
lonnes. Est-il pensable qu’une cause défendue par
de
tels procédés soit une bonne cause ? 12. Texte complet dans le volu
2792
e, Éditions du Seuil, 1978. bg. Rougemont Denis
de
, « Philosophie et énergie nucléaire : une mise au point par Denis de
2793
e mise au point par Denis de Rougemont », Gazette
de
Lausanne, Lausanne, 28 juin 1984, p. 2.