1 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Erreurs sur l’Allemagne (1er mai 1940)
1 en quelles erreurs politiques l’on peut reprocher à Luther, avec 400 ans de recul. Je vois bien que, sur le papier l’on p
2 on peut déduire de ces erreurs que Luther conduit à Hitler : il suffit, pour y arriver, d’oublier quelques faits importan
3 triche catholique, bien qu’armée, n’a pas résisté à l’hitlérisme, alors que la Norvège luthérienne, bien qu’à peu près dé
4 arisme n’est pas l’apanage de la seule Allemagne, à demi luthérienne seulement, mais qu’il a triomphé d’abord dans une Ru
5 , fort bien. Mais qu’on ne dise pas : Luther mène à Hitler. C’est une sottise et une mauvaise action, si l’on songe que l
6 hefs. Un séjour d’une année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à des conclusions fort différentes. J’ai pu constat
7 e année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à des conclusions fort différentes. J’ai pu constater que les bourgeois
8 ement les mêmes erreurs. 4. Si d’aucuns remontent à Luther, d’autres s’en vont chercher encore plus loin les racines de l
9 t qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À quoi s’oppose, selon lui, l’énergique génie des Gaulois celtes. Or le
10 la mollesse de la politique franco-anglaise jusqu’ à Munich, qui ménageait Hitler à titre de « rempart » contre Staline… T
11 mpart » contre Staline… Tout cela est plus gênant à alléguer que Luther et les vieux Germains, parce que dans tout cela s
12 enne. Je m’excuse de tant d’évidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distingués. a. Rougemont D
13 se de tant d’évidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distingués. a. Rougemont Denis de, « Erre
2 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)
14 «  À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)b À cette heure où Paris exs
15 « À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)b À cette heure où Paris exsangue voile sa face d’un nuage, et se tait, q
16 l ne verra que d’aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable, de quelque chose qu’on
17 victorieux : Tout ce qu’il veut saisir se change à son approche — Midas de l’ère prolétarienne — en fer tordu, en pierra
18 t. » Le 15 juin 1940. b. Rougemont Denis de, «  À cette heure où Paris… », Gazette de Lausanne, Lausanne, 17 juin 1940,
3 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). New York alpestre (14 février 1941)
19 nte rues de quatre kilomètres coupant les avenues à angle droit. Au milieu, un parc de dix kilomètres carrés. C’est tout,
20 l y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies, vous voyez affleurer de larges
21 ue. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici
4 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La route américaine (18 février 1941)
22 de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’ à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus
23 n ajouter aux plus hauts gratte-ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires péris
24 nquantième étage, pour peu que la pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme américaine, prise de n
25 bouteillage de richesses matérielles ? Il restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades américaines al
26 ongent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultur
27 an de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures et des territoires urba
28 ar une large bande gazonnée où l’on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la Prairie. Tro
29 ntre lesquelles se déplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure, des millions
30 éplacent lentement, de droite à gauche, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure, des millions de larges voitures.
31 te à gauche, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la v
32 it la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité rêveuse. M
33 gros plan et disparaissent en coup de vent, jusqu’ à ce que l’œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel
34 e vent, jusqu’à ce que l’œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale élémentair
35 épargnez une vie !… Gardez votre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à l’anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui
36 votre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à l’anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des
37 és par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à 100 yards… Ferry-boat du Delaware en grève… Faites un détour par Phil
38 aites un détour par Philadelphie… Et arrêtez-vous à l’Hôtel Franklin… Ralentissez, légion de daims… Les partis se réconci
39 us souhaite la bienvenue… Et limite votre vitesse à cinquante miles… 500 dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux
40 e jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à l’Homme. d. Rougemont Denis de, « La route américaine », Gazette d
5 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Souvenir de la paix française (15 mars 1941)
41 sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on
42 à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’on parvient dans la grand-rue : comme elle est vide !
43 llage, la route bifurque : l’une des routes prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incl
44 rs la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur la route à prendre. Et soudain je vis à mes
45 étais arrêté à cet endroit, hésitant sur la route à prendre. Et soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol,
46 ésitant sur la route à prendre. Et soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une
47 e à prendre. Et soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en let
48 t au carrefour, il s’est dit : Peut-être est-elle à Mandres ; c’est donc jour de marché. Il a écrit ces mots. Elle saura
49 plus tard, que ce jour-là j’avais fait mes adieux à la France. e. Rougemont Denis de, « Souvenir de la paix française 
6 1946, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Monsieur Denis de Rougemont, de passage en Europe, nous dit… [Entretien] (4 mai 1946)
50 imat étranger. En outre, j’ai des éditeurs à voir à Paris et en Suisse. Et je serais rentré il y a un an déjà si les circ
51 ectement ? Oui, à part un arrêt de quelques jours à Paris. Votre impression de la capitale française ? J’ai été frappé pa
52 car en Suisse je n’ai rien éprouvé de semblable. À Paris c’était véritablement oppressant… Remontons le cours de votre v
53 part les quatre mois que j’ai passés en Argentine à faire les conférences qu’impliquait ma mission. Je pensais alors rega
54 ’ai été professeur — et le suis encore en titre — à l’École libre des hautes études, université française en exil dirigée
55 utes études, université française en exil dirigée à ses débuts par Maritain et feu Focillon, aujourd’hui par le Belge H. 
56 nts. La vie intellectuelle était donc fort active à New York ? Au point que trois maisons françaises d’édition s’y sont f
57 e par Londres. Il me fallait faire chaque jour 20 à 30 pages, soit un quart d’heure de nouvelles et autant de commentaire
58 ts, dont trois sont terminés et vont être publiés à Paris. Ce sont des essais sur les mythes grecs : Doctrine fabuleuse
59 États. Vos derniers ouvrages ont-ils été traduits à l’usage des Américains ? J’ai un contrat avec une maison américaine q
60 uvrages seront traduits. En outre, on va rééditer à Paris Politique de la personne , Penser avec les mains et L’Amour
61 vais maintenant pouvoir me consacrer entièrement à mes livres. Quelques-unes de vos lettres sur la bombe atomique ont pa
62 civilisation que la nôtre, mais qui a ses valeurs à elle. Peut-on employer ce mot de civilisation pour un peuple si neuf 
63 r, et de gens extrêmement gentils. Y a-t-il bien, à votre avis, une puérilité américaine ? Et quel jugement porter sur le
64 ui nous viennent de là-bas ? Puérils, ils le sont à nos yeux sur certains points, et nous le sommes à leurs yeux sur cert
65 à nos yeux sur certains points, et nous le sommes à leurs yeux sur certains autres (par exemple, la manie de nous battre)
66 ns autres (par exemple, la manie de nous battre). À côté d’eux, nous sommes un peu « névrosés ». Ils sont évidemment très
67 s impriment, et manquent d’esprit critique. Quant à leurs loufoqueries, ne croyons pas qu’ils les prennent au sérieux : c
68 e part. C’est un résumé de la planète. On se sent à New York, en particulier, si cosmopolite aujourd’hui, comme au centre
69 « province » pour s’y rendre. N’ont-ils donc rien à craindre de l’américanisme ? Pour ce qui est du matérialisme, avec so
70 ue, les Américains n’ont en somme pas grand-chose à nous apprendre, et c’est là une de leurs grandes ressemblances (il y
71 connus en Europe qu’en Amérique. Ce qui est tout à notre honneur ! L’Europe reste le continent de la création. L’Amériqu
72 entre elles une entente fructueuse et solide. Et, à ce propos, on a tort en Europe de craindre l’impérialisme américain.
7 1947, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (5 décembre 1947)
73 Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (5 décembre 1947)h i Voici le rai
74 ropagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme Oltramare ; hors de Suisse, comme Oltramare encore. L
75 pas lieu de me dénoncer, tout ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’esp
76 litique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car
77 s démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltra
78 s en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’éclai
79 fable. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voil
80 e tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’ à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ra
81 bre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir
82 de vivre. h. Rougemont Denis de, « Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu », Gazette de Lausanne, Lausanne, 5
8 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les écrivains romands et Paris (10 septembre 1949)
83 naturellement autour des « grands », et ils sont à Paris. Nous faisons partie de la littérature française. Or, il se tro
84 situation des écrivains romands comme un cas tout à fait singulier. Je suis prêt à le croire. Mais enfin, cela ne va pas
85 ts des bienfaits littéraires de l’exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — qu
86 faits littéraires de l’exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en vien
87 xil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en viens à me demander si la co
88 ilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en viens à me demander si la condition normale du
89 à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en viens à me demander si la condition normale du « bon écrivain » (j’entends :
90 inspiration. j. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Les écrivains romands et Paris », Gazette de Lausanne, L
91 Lausanne, 10 septembre 1949, p. 12. k. L’enquête à laquelle Rougemont répond ici est précédée du chapeau suivant : « Réc
92 aussi bien un romancier qu’un dramaturge) a-t-il à sa disposition dans la réalité romande ou même helvétique des élément
93 ugemont. Si ce Suisse très cosmopolite reconnaît, à son tour, que notre pays manque de ce qui est indispensable au succès
9 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est encore un espoir (8 décembre 1949)
94 La possibilité d’agir nous est ôtée. » Venez donc à Lausanne, et nous en discuterons. (L’Europe existe encore, là où le d
95 et calculons. Le tableau change en un clin d’œil. À l’ouest du rideau de fer, nous sommes 300 millions : c’est deux fois
96 concurrents, non pas en tant qu’esclaves coûteux à entretenir. Et nous avons besoin de l’Amérique, en retour ; nous n’av
97 sses. Les Américains seront forcés de nous forcer à l’union ou de nous abandonner, si nous n’arrivons pas, d’ici deux ans
98 andonner, si nous n’arrivons pas, d’ici deux ans, à nous fédérer librement. Il ne dépend que de nous d’y réussir. Les jeu
99 ntenant se croit perdue, si elle cède au vertige, à l’illusion d’urne impuissance qui alors seulement deviendra vraie. Ch
100 raient que c’était votre histoire. Je vous invite à Lausanne en tant que pessimiste. Je voudrais que vous adhériez à ma d
101 ant que pessimiste. Je voudrais que vous adhériez à ma doctrine du pessimisme actif. Un dernier mot sur les hommes politi
102 mes politiques. Ils ont eu leur congrès ailleurs. À Lausanne, ce seront les savants, les poètes et les philosophes qui pr
103 premiers.) Et M. Spaak, seul homme d’État invité à la conférence, est indemne du reproche d’avoir vendu vos peuples. Mai
104 s les plus longues de l’année. Cherchons ensemble à distinguer les signes. Les Mages aussi pouvaient penser que l’Étoile
105 , 8 décembre 1949, p. 1. m. Rougemont répond ici à une lettre ouverte de Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l
106 te de Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’occasion de l’ouverture de la Conférence européenne de la culture,
107 Conférence européenne de la culture, qui se tint à Lausanne du 8 au 12 décembre 1949.
10 1953, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « Ce qu’ils pensent de Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)
108 Déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux hommes de bonne volonté, répétant avec
109 r condition. n. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Ce qu’ils pensent de Noël… », Gazette de Lausanne (suppl
11 1954, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rejet de la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)
110 ’une diplomatie qui tentait de « faire l’Europe » à la sauvette, sans poser la question dans son ampleur, à tous. Il faut
111 auvette, sans poser la question dans son ampleur, à tous. Il faut vouloir maintenant la vraie fédération, dans sa totalit
112 on par pièces détachées. Il faut enfin se décider à expliquer l’Europe aux masses, avec franchise, en termes simples et c
12 1957, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une lettre de Denis de Rougemont (16-17 février 1957)
113 obligé de rassurer vos lecteurs : la photo jointe à l’article « Au Pentagone : Duncan Sandys » ( Gazette de Lausanne des
114 ut le Congrès européen de la culture, qui se tint à Lausanne en décembre 1949. Mon ami Duncan Sandys y prit part, il est
115 … Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à mes sentiments bien cordiaux. p. Rougemont Denis de, « Une lettre
13 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Fédéralisme et culture (3-4 mars 1962)
116 esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde orga
117 . Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université, radio, publications, e
118 a n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux ava
119 ’elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes
120 rands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’ à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul co
121 ité pour peu qu’elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartition géographique é
122 e en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de re
123 te est introduit par le chapeau suivant : « Grâce à l’obligeance de M. Denis de Rougemont, nous publions un extrait de l’
124 ongrès pour une collaboration culturelle romande, à Lausanne. »
14 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rectification (9 mars 1962)
125 ait nullement, comme l’écrit votre collaborateur, à « vitupérer » l’esprit de clocher, dont j’ai très peu parlé, ou le ma
126 lisme, mentionné dans une seule phrase, mais bien à insister sur la nécessité de sauvegarder à la fois et en pratique les
15 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)
127 Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)t À suivre les débats qui se multiplient sur nos relations futures avec l
128 un, on croirait que l’union de l’Europe se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et d’intérêts commerciaux. J’estime
129 aires. Il est évident que des peuples, ne songent à s’unir que s’ils ont en commun certains traits qu’ils tiennent pour e
130 ennent pour essentiels : leur union consiste donc à restaurer ou à consolider par des institutions communes leur unité de
131 entiels : leur union consiste donc à restaurer ou à consolider par des institutions communes leur unité de base, lorsque
132 oins contestable réside dans sa culture, je songe à deux faits majeurs que chacun connaît. Un fait de nature : l’Europe e
133 ement sur tous les autres continents, et continue à rayonner sur toute la terre par la civilisation dont elle est l’origi
134 énie créateur dans tous les ordres, vient ajouter à la nature. L’Europe, c’est très peu de chose plus une culture. Quand
135 is un siècle, et qui ont risqué de la faire périr à deux reprises en 1914 et en 1939, se résument dans le terme nationali
136 ion publique et les élites responsables ont peine à prendre conscience de leur nocivité tant que celle-ci ne se manifeste
137 ttant que l’unification économique puisse suffire à « faire l’Europe », il faudrait respecter dans cette hypothèse quelqu
138 t encore fécondes, et enfin qu’elle se subordonne à une grande politique commune, laquelle ne peut se développer qu’à l’é
139 itique commune, laquelle ne peut se développer qu’ à l’échelle mondiale. Commentons brièvement ces conditions de succès :
140 me esthétique, de la culture européenne. Renoncer à transmettre les principes et mesures de cette culture générale, ce se
141 auteur de ce mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’ à l’Europe des États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’e
142 ne pensait qu’à l’Europe des États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’emploi Enfin, l’Europe unie ne sa
143 nt cent ans d’avance dans son effort d’adaptation à la révolution industrielle, se doit donc de faire part aux pays neufs
144 e et d’une adaptation harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l’union économique appelle une union politiqu
145 ⁂ Le problème européen étant ainsi posé ou reposé à partir des réalités de notre culture une et diverse, les conclusions
146 doit englober toutes les nations qui participent à l’unité de culture nommée Europe. 2. Cette organisation économique ne
147 ns nécessaires d’une politique qu’il reste encore à définir et à réaliser. 3. Cette politique, appuyée sur une organisati
148 s d’une politique qu’il reste encore à définir et à réaliser. 3. Cette politique, appuyée sur une organisation fédérative
149 ission essentielle d’orienter leur action commune à l’échelle mondiale (relations avec les Amériques, l’URSS, l’Afrique n
150 s avantages d’une union de type fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le j
151 on de type fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu de la construction
152 s qui nous retiennent encore. Quand elle se borne à invoquer sa neutralité perpétuelle, la Suisse se trouve défendre en f
16 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Universités américaines (12-13 janvier 1963)
153 n, pendant des heures. Le « station-vagon » roule à 100, comme font toutes les autres voitures, pas un problème de dépass
154 , dont l’autre face est l’Organisation : ce Janus à deux fronts gouverne l’Amérique, mais il faut faire son choix entre l
155 l’ennui qui paie et l’imprévu révélateur, quitte à corriger le sort par quelques téléphones et un carnet d’adresses d’am
156 h. Je ne l’avais pas revu depuis un soir de 1941, à New York, chez notre ami commun Reinhold Niebuhr. Cet Allemand qui a
157 ich vient de recevoir le Prix de la paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’Allemagne enfin le redécouvre. Qui
158 maisons, cabanes, pavillons, ce que vous voulez, à deux heures de New York par avion, ou à quatre ou cinq heures par l’a
159 s voulez, à deux heures de New York par avion, ou à quatre ou cinq heures par l’autoroute, dans les Alleghanys, les Appal
160 sans électricité ni aucun confort. Pas une maison à 20 km à la ronde. La paix totale. Je coupe du bois, je lis, je dors,
161 ctricité ni aucun confort. Pas une maison à 20 km à la ronde. La paix totale. Je coupe du bois, je lis, je dors, je médit
162 ntourée d’une douzaine de bâtiments de bois blanc à un étage et toits d’ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique
163 ue. (Il a dirigé le Roi David lors de sa création à Mézière, puis Nicolas de Flüe pendant la guerre à New York.) Une prop
164 à Mézière, puis Nicolas de Flüe pendant la guerre à New York.) Une proportion considérable des écrivains et des artistes
165 ns, se voient offrir chez nous ces possibilités — à tous égards enrichissantes — de contact avec la jeunesse ? Le lendema
166 avec la jeunesse ? Le lendemain matin, j’assiste à une classe de creative writing. Salle meublée comme un salon. Le prof
167 Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’examen d’un court poème écrit par l’une d’entre elles, dont il tair
168 tement. Une vingtaine de vers brefs, irréguliers. À la seconde lecture, je comprends qu’il s’agit de deux vieillards dans
169 e assurance imperturbables : je pense, je trouve, à mon avis, I feel… Le professeur intervient peu, se borne à orienter l
170 s, I feel… Le professeur intervient peu, se borne à orienter la discussion, à proposer quelques critères de jugement poét
171 ntervient peu, se borne à orienter la discussion, à proposer quelques critères de jugement poétique. La « stratégie » de
172 ème favori. Ici comme ailleurs, la technique tend à devenir la préoccupation dominante, et presque la réalité d’une activ
173 ligion, sciences, arts, musique et danse — pour 3 à 4000 dollars par an. Et ce seront elles qui domineront la société amé
174 , avec une infaillible compétence. Berkeley À une heure de San Francisco, l’une de plus grandes universités du mond
175 s divers campuses dispersés sur tout l’État. Ici, à Berkeley, ils sont plus de 25 000. Je vais y rencontrer une bonne tre
176 -à-tête ou en groupe, déjeuner et dîner. J’arrive à 11 heures au campus, pour mon premier rendez-vous. Labyrinthe d’allée
177 on nom en très grosses lettres sur une affiche. «  À 3 heures, dans la Salle de Bal, D. de R., président du Congrès pour l
178 professeurs, portant sur un débat récent organisé à Berkeley entre Sidney Hook, C. P. Snow et Hans Morgenthau, et qui sem
179 au, et qui semble avoir fait du bruit, d’une côte à l’autre, mais c’est vraiment tout ce que j’en sais. La série de mes r
180 plus le temps de m’inquiéter de rien. Tout occupé à satisfaire d’ardentes curiosités sur l’union de l’Europe et le Marché
181 re subitement, et déjà elle croit que c’est fait… À 3 heures, la grande salle est pleine ; et l’on me conduit sur l’estra
182 iste Bertrand Russell. (Plutôt rouges que morts.) À quoi mon ami Sidney Hook a répondu : « Cette attitude nous conduirait
183 Hook a répondu : « Cette attitude nous conduirait à être à la fois rouges et morts. » Ils ont parlé surtout de la guerre
184 aleurs occidentales. Je vois donc ce qui me reste à faire. Improvisation d’une demi-heure. Sachant que mon auditoire est
185 que mon auditoire est composé d’étudiants « très à gauche » et dont plusieurs se demandent, m’a-t-on dit, si l’URSS ne d
186 vois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est de rattraper l’Amérique, qui est une invention de
187 rique, qui est une invention de l’Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce que le monde attend de nous, pou
188 urquoi ne pas défendre nos valeurs en étant prêts à mourir, mais non pas à tuer, en leur nom ? » « Nous devons incarner n
189 nos valeurs en étant prêts à mourir, mais non pas à tuer, en leur nom ? » « Nous devons incarner nos valeurs. Mais commen
190 est une conception archaïque, et que la tendance à créer des marchés communs peut conduire à la formation de communautés
191 endance à créer des marchés communs peut conduire à la formation de communautés internationales permettant le désarmement
192 ionales permettant le désarmement nucléaire ? » «  À votre sens, serait-ce une bonne idée que tous les Américains intellig
193 e que tous les Américains intelligents se mettent à aimer (pas Éros mais Agapè) tous les Russes du commun peuple ? » À la
194 mais Agapè) tous les Russes du commun peuple ? » À la dernière question, j’ai répondu : « J’espère bien que vous n’atten
195 ner, économiste barbu qui compose des « mobiles » à temps perdu et en décore son cubicle, et Sidney Hook, le philosophe e
196 s appliquent les dernières théories mathématiques à l’analyse conjoncturelle. Les philosophes suivent un cours quotidien
197 mande où l’on trouve en Europe rien qui ressemble à ce concours des meilleurs esprits d’avant-garde. D’un instrument pare
198 ore faudrait-il le créer. Où sont nos fondations, à quoi pensent les mécènes ? 2. VIP : Very important person. Se dit
199 yage dont il a bien voulu détacher quelques pages à notre intention. L’Amérique, c’est le vent, la mer, c’est aussi la je
200 és très différentes des nôtres. Elles ressemblent à des couvents laïques, à des campus, à des cottages anglais… Professeu
201 nôtres. Elles ressemblent à des couvents laïques, à des campus, à des cottages anglais… Professeurs et étudiants y mènent
202 ressemblent à des couvents laïques, à des campus, à des cottages anglais… Professeurs et étudiants y mènent une vie frate
17 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)
203 L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)w x Le problème
204 ogie plutôt que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, est-ce vrai
205 que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, est-ce vraiment plus fa
206 littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, est-ce vraiment plus facile à ex
207 i l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, est-ce vraiment plus facile à expliquer ? A-t-o
208 Stratford sur l’Avon, est-ce vraiment plus facile à expliquer ? A-t-on vraiment de meilleures chances ? L’idée que la lit
209 angère que je crains de ne pouvoir rendre justice à la problématique de M. Tauxe. Je sais bien que ce souci « quasi obses
210 œuvre forte, c’est Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’Helvetia et à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays de Vaud,
211 est Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’Helvetia et à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays de Vaud, réduit aux vigne
212  projet » s’il avait emprunté ses « instruments » à une philosophie, même existentialiste. Il s’est fait un langage de pe
213 ialisme néo-bourgeois, réaliste et moralisant, et à une maladresse verbale cultivée par l’école primaire et secondaire. T
214 liste et pluraliste, qui lui permet de participer à tout un jeu de dimensions spirituelles et physiques, les unes très va
215 miliales, le Suisse romand qui veut écrire n’a qu’ à jouer ses atouts et bien savoir sa langue. Cela donne Rousseau, Staël
216 chose ? L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses risques, cela existe aussi, qui vous retient
217 an, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses risques, cela existe aussi, qui vous retient ? Écoutez Nietzsche 
218 d’un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’o
219 nquête] L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… », Gazette de Lausanne (supplément l
220 février 1963, p. 20. x. Il s’agit d’une réponse à l’enquête « Homo helveticus : existe-t-il en Suisse romande ? »
18 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller [Entretien] (9-10 février 1963)
221 un jour de décrocher son téléphone, et d’entendre à l’autre bout du fil une voix annoncer : “Ici Albert Einstein”. Il se
222 y, Denis de Rougemont me racontait l’histoire, et à mon tour j’enregistrais une voix, un visage, une stature qui revendiq
223 guerre, n’ont-elles pas porté au romantisme, donc à l’amour-passion, un coup mortel ? Pas mortel. Mais dur. J’ai provisoi
224 peintres, les écrivains refusent de donner forme à l’irrationnel, ils ne veulent plus être poètes, ils calculent, ils ch
225 s sommeillent. Ils attendent que nous soyons tout à fait sortis de cette période d’anarchie, que nous mettions en place d
226 t, conditionné par les autres, que nous parvenons à un choix : régler, réglementer minutieusement chaque détail de notre
227 ins de 440 ans ! Bien sûr, la statistique aboutit à l’absurde (en 2500, personne ne pourrait s’asseoir sans écraser les p
228 , parce qu’en les violant nous nous condamnerions à de terribles accidents. Moralité : l’homme tourne à l’automate, il pe
229 de terribles accidents. Moralité : l’homme tourne à l’automate, il perd sa liberté, son épaisseur de vie, il ressemble à
230 rd sa liberté, son épaisseur de vie, il ressemble à ces montres extraplates… Justement ! Et c’est ce qui prépare le révei
231 exte inédit de Teilhard. Il faudra que j’en parle à Lausanne. Voyez ce passage : le Père (qui d’ailleurs a eu dans sa vie
232 parle de la Chasteté comme d’un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmement proches du xiie si
233 mythe, après s’être longuement abâtardi, commence à se manifester par quelques signes avant-coureurs ? C’est tout à fait
234 r par quelques signes avant-coureurs ? C’est tout à fait possible. Ici s’est terminé notre entretien, ici commence la con
235 croient qu’il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues surajouter leurs f
236 roblèmes… Cette illusion touchante peut les aider à vivre, mais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous so
237 on touchante peut les aider à vivre, mais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir,
238 sion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de mor
239 gions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui
240 clusives, mais qui se superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés,
241 une simplicité devenues rares, de quelle manière, à son avis, nous devons nous comprendre. y. Rougemont Denis de, « [E
19 1964, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il nous faut des hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)
242 qui est Dieu, et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite appelée Babel, ce qui veut dire confusion. G
243 appelée Babel, ce qui veut dire confusion. Grâce à cette tour, il espérait escalader le Ciel : tentant ainsi non seuleme
244 i bien que presque tout le genre humain collabora à cette œuvre d’iniquité. Une partie d’entre eux commandait, une partie
245 mer ou par terre ; et chaque groupe s’appliquait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel
246 oupe s’appliquait à une tâche particulière. Jusqu’ à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel et jetés dans une confusion tel
247 e confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter parlant
248 oquuntur). Si bien que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œ
249 ée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la foli
250 fusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie des travailleurs et les tou
251 r les dimensions mêmes d’un projet qui consistait à dépasser la mesure naturelle par l’artifice humain. L’oubli de l’un
252 jetés dans une aventure prodigieuse qui consiste à modifier les données initiales « naturelles » de la vie, non plus (co
253 le faisait il y a quelques siècles) pour répondre à des besoins certains et à des nécessités limitées de cette même vie —
254 siècles) pour répondre à des besoins certains et à des nécessités limitées de cette même vie — mais comme inspirés de cr
255 ur de l’Europe, elle fait songer irrésistiblement à cette institution dont le nom même semble indiquer qu’elle devrait ré
256 tuelles, et donc artificielles — elle fait songer à cette Tour du Savoir, tellement démesurée qu’il faut, pour l’édifier,
257 Essayons de poser le problème dans son ensemble, à l’échelle planétaire. Nous assistons, me semble-t-il, au xxe siècle,
258 . Nous assistons, me semble-t-il, au xxe siècle, à deux mouvements de sens contraire, qui affectent ces facteurs traditi
259 ivision du genre humain. Mouvement de convergence à grande échelle, d’une part. Les distances sont presque annulées par l
260 a vitesse des communications. Les nations tendent à se regrouper et à s’organiser en de vastes ensembles, par continents,
261 unications. Les nations tendent à se regrouper et à s’organiser en de vastes ensembles, par continents, et d’abord en Eur
262 onnaissent et s’admettent. Déjà l’intégration est à la mode. Demain ce sera le métissage universel, après un certain nomb
263 humain, si longtemps étrangère, voire répugnante, à l’Asie brahmanique ou chinoise, et qui devait aboutir à la condamnati
264 ie brahmanique ou chinoise, et qui devait aboutir à la condamnation puis à la suppression — mais après combien de siècles
265 ise, et qui devait aboutir à la condamnation puis à la suppression — mais après combien de siècles — de l’esclavage. Le d
266 l’époque colonialiste et tout d’abord en réaction à ses outrages : las Casas, Vitoria et Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel
267 me paraît nulle part plus visible et plus facile à observer, hélas, que dans nos universités. Tout le monde sait ici de
268 i de quoi je veux parler : nous assistons en fait à une double explosion au sein des institutions d’enseignement supérieu
269 les dimensions physiques et l’université tendent à devenir impraticables, cependant que les distances intellectuelles no
270 tés qui prolifèrent dans une même faculté tendent à devenir infranchissables. Dans l’univers du savoir humain, faculté et
271 ablée de soucis matériels et qui a d’autres chats à fouetter que de méditer sur la synthèse des facultés de l’esprit huma
272 cours.) L’explosion du savoir est plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer et d’autres savants américains nous affi
273 vous et moi, dans nos années d’études, il y a 30 à 35 ans, avions appris toute la chimie et n’en avions rien oublié, nou
274 m (Univers, universitas, selon l’étymologie chère à Claudel, veut dire « version à l’unité »…). Toute l’évolution que j’a
275 l’étymologie chère à Claudel, veut dire « version à l’unité »…). Toute l’évolution que j’ai dite conduit inévitablement à
276 l’évolution que j’ai dite conduit inévitablement à la confusion des langages, dissous en terminologies incomparables. L’
277 même branche. Les jugements d’ensemble, rapportés à quelque unité globale de conception, soit originelle soit finale, ne
278 pas davantage si sa démarche est conforme ou non à la théologie, et fort probablement ne s’en soucierait pas. Ainsi chac
279 ulièrement l’esprit européen, ne peut se résoudre à ce que les routines et l’utilité immédiate suffisent à justifier l’ex
280 que les routines et l’utilité immédiate suffisent à justifier l’existence prospère d’une entreprise de cet ordre, et refo
281 ici l’interprète. Faudrait-il donc nous résigner à que l’accroissement même du savoir traîne pour conséquence la divisio
282 aire de disciplines forcément partielles, pouvant à tout instant être mises en question, radicalement, par d’autres disci
283 es, acceptant ainsi de n’être peut-être plus tout à fait vraies — mais tant pis, cela ne se sait pas encore ! Cette espèc
284 e espèce de résignation intellectuelle correspond à une forme schizoïde de la pensée, et conduit à un scepticisme croissa
285 nd à une forme schizoïde de la pensée, et conduit à un scepticisme croissant quant aux fins dernières de la recherche et
286 leurs cours… Mais quel dieu servent-ils encore ? À quelle idée de l’homme, divine ou idéale, correspond aujourd’hui l’en
287 rai, il est devenu presque impossible de répondre à une telle question, et c’est pourquoi sans doute on la pose si rareme
288 la pose si rarement. Notre enseignement vise-t-il à former des personnes réelles et complètes, ou seulement de futurs pro
289 culture européenne, et c’est là qu’ils se posent à eux-mêmes ces questions, et nous les posent avec une insistance gênan
290 par la théologie et les recherches particulières à l’aventure, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’on trouvera
291 t la Renaissance, probablement au xiiie siècle — à l’époque justement qui a vu naître les premières universités européen
292 premières universités européennes, en Italie puis à Paris. (Quant à savoir dans quelle mesure l’apparition de l’Universit
293 sités européennes, en Italie puis à Paris. (Quant à savoir dans quelle mesure l’apparition de l’Université est liée à ce
294 elle mesure l’apparition de l’Université est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime, soit qu’elle réagisse contre lu
295 alité, pour elles, n’est pas vertu, mais atteinte à l’ordre sacré — ou simple erreur d’exécution. Mutatis mutandis, il en
296 i travaillez-vous autant ? Pourquoi cherchez-vous à accroître la productivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la m
297 roître la productivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos désirs ? Bien peu
298 ur essentiellement illusoires n’allait pas perdre à leur étude le meilleur de son temps de méditation. Si les Européens v
299 uestions fondamentales, ils se verraient conduits à dépasser leur régime de spécialités académiques, à surmonter leur ign
300 dépasser leur régime de spécialités académiques, à surmonter leur ignorance méthodique des domaines qui ne sont pas de l
301 mple du physicien et du théologien. Pour répondre à l’hindou qui interroge l’Occident sur son obsession de l’Histoire, du
302 ère et sa constitution, est étrangement homologue à celle des grandes querelles théologiques de Nicée, de l’augustinisme,
303 de la pluralité de ses recherches sans références à un langage commun. Un savoir en progression géométrique Le gran
304 s. a) La première, souvent proposée, consisterait à imposer des cours de culture générale, un studium generale, aux étudi
305 rte, même prolongée comme on nous le promet jusqu’ à une moyenne de 90 ans, pour que l’espoir de maîtriser l’ensemble du s
306 te qu’on nous propose, qui s’étendrait du berceau à la tombe, ne laisserait guère le temps de vivre à ses bénéficiaires s
307 à la tombe, ne laisserait guère le temps de vivre à ses bénéficiaires super-savants. Pic de la Mirandole, aujourd’hui, se
308 b) Une deuxième solution concevable consisterait à réfréner la spécialisation. Je la tiens également pour illusoire. Cer
309 dépens de l’équilibre du corps. On peut l’évaluer à son prix réel et trouver celui-ci exorbitant : perdre de vue l’ensemb
310 le, que tous les gains partiels, additionnés, dus à la spécialisation, ne combleront jamais, et toujours moins. C’est gag
311 ression que j’ai dite : toujours plus de matières à enseigner à un nombre toujours plus grand d’étudiants et de futurs en
312 j’ai dite : toujours plus de matières à enseigner à un nombre toujours plus grand d’étudiants et de futurs enseignants. P
313 ouvement de spécialisation, mais le pousser jusqu’ à ce point où l’étude la plus exigeante d’une discipline particulière v
314 e par les nécessités internes de son cheminement, à déboucher sur des domaines que la vertueuse méthode, naguère, interdi
315 hromosomes, aux autres de construire des machines à traduire. Un physicien étudiant le principe de l’irréversibilité du t
316 principe de l’irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos est trop étri
317 s y rencontrent semblent les confronter désormais à des options métaphysiques. Je ne l’imagine pas : je les écoute, et pl
318 de nos universités, devrait d’abord être confiée à des groupes de chercheurs représentant des disciplines diverses. Par
319 rrefours de vérités hétérogènes » sur lesquels et à partir desquels l’esprit de synthèse pourrait s’exercer. Le nombre op
320 des participants de tels groupes me paraît être, à l’expérience de nombreux colloques portant sur des sujets interdiscip
321 n des effectifs universitaires, je n’aurais guère à proposer qu’une solution de bon sens presque simpliste : il me semble
322 rts d’experts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est rien d’aut
323 de tout bon travail en commun, l’on sera conduit à préférer la multiplication de petites universités à la multiplication
324 préférer la multiplication de petites universités à la multiplication des facultés, des chaires et des postes d’assistant
325 me paraît intimement lié en Europe, non seulement à l’optimum de l’efficacité pédagogique — qui exige la proximité — mais
326 iences par million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq pre
327 on d’instituts ou de centres de synthèse, établis à l’échelle européenne, je veux dire supranationale. J’en imagine le pr
328 « hommes de synthèse » dont je vous parlais tout à l’heure : professeurs de tous âges et de toutes spécialités, et futur
329 tuelles de cette communauté peuvent être définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cours magistrau
330 t être définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cours magistraux, mais seulement des colloques re
331 ues restreints, groupant au maximum 20 personnes, à l’optimum une douzaine. Si quelqu’un désire absolument donner une con
332 absolument donner une conférence, le soir, c’est à ses risques et périls : toute déclaration publique est obligatoiremen
333 de jeu par colloque, et ils ne peuvent appartenir à la même spécialité. Faire le monde Et quant au contenu : seuls
334 la technologie. Comment passer de l’ère technique à l’ère de l’équilibre humain ? En d’autres termes, comment tirer les b
335 et de paix des disciplines farouches qu’imposent à la majorité de nos contemporains les impératifs de la croissance de p
336 des caractères spécifiques de notre civilisation, à l’heure où elle se répand d’une manière anarchique sur tous les conti
337 anarchique sur tous les continents de la planète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge avec une anxiété mêlée d’arroga
338 e l’interroge avec une anxiété mêlée d’arrogance, à l’heure où elle s’interroge elle-même plus qu’elle n’a jamais fait da
339 te liste de thèmes, vous le sentez, ne demande qu’ à s’allonger au gré de vos désirs. Quant aux relations entre un tel Cen
340 in, permettrait d’envoyer beaucoup de professeurs à cet institut de recyclage et de remise en question générale, et c’est
341 rès un an, les professeurs détachés reviendraient à leur enseignement, porteurs d’une sorte de radioactivité, — les uns m
342 langage commun aux sciences exactes, aux arts et à la théologie, ainsi Descartes dès 1625, puis Leibniz et son Ars Combi
343 nt internationale mais interdisciplinaire, propre à permettre de nouveau le commerce des esprits supérieurs des disciplin
344 rits supérieurs des disciplines les plus diverses à un très haut niveau de précision. Mais on peut craindre que le langag
20 1965, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Un écrivain suisse (20-21 mars 1965)
345 preuve dans leur Correspondance (voir les lettres à von Preen de l’aîné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’
346 e (voir les lettres à von Preen de l’aîné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’il faut l’attribuer à leur com
347 hal du cadet), mais plutôt qu’il faut l’attribuer à leur commune formation bâloise d’historiens scrupuleux mais sûrs arti
348 ité et cosmopolitisme, et qui rend plus sensibles à l’oreille intérieure les arythmies annonciatrices d’accidents du cœur
349 en des grandes têtes politiques du passé, ou mêlé à l’histoire vivante comme dans le cyclone de Dantzig ; enfin mémoriali
350 s l’y engageait. Jeter des ponts, relier l’action à la pensée, concilier les cultures ou les grands intérêts, juger sans
351 turelles des Suisses. Voilà qui suffira peut-être à justifier l’existence autonome de ce pays, dans une époque où l’homme
352 s rare, tellement plus exemplaire pour l’humanité à venir que le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier de dire que « C.J
21 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Stampa, vieux village… (15-16 janvier 1966)
353 r, puisse-t-il y reposer parmi les siens, « réuni à son peuple », comme dit la Bible. C’est là que je l’avais surpris un
354 par une poussée irrésistible de bas en haut, rien à faire, c’est plus fort que moi… » Là-dessus des théories bien saugren
355 du Café de la Poste, au grand soleil. J’écrivais à ce moment un livre sur la Suisse, c’était la raison de mon passage, e
356 eur — moi aussi, je l’ai eu ! m’écriai-je — jusqu’ à Soglio tout proche et ses palais alpestres. Et quel paysage autour de
357 ques ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto aimait à le conduire sur ces pentes désertes, au pied démesuré des roches surg
22 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). André Breton à New York (8-9 octobre 1966)
358 André Breton à New York (8-9 octobre 1966)ad La guerre, l’exil américain, ses vio
359 tête-à-tête dans un petit restaurant du Village, à New York. (20 juin 1942, selon le journal que je tenais alors.) Deux
360 alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Office of War Information, où je venais de prendre un poste. J’écri
361 la moindre compromission avec tous les snobismes à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années
362 orie de la contestation en convergence heureuse ! À quelques jours de là, il me dit souhaiter que nous puissions désormai
363 personne ne parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours. C’est que Breton, pour toute la haine v
364 ellion furieuse et permanente mais selon sa règle à lui, bien entendu, une rigueur folle dans le défi qui rejoignait l’In
365 et des décrets d’excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voix soudains, en rejetant la tête en arrière, et la
366 èbres du dehors, éjectée, déjetée, insultée jusqu’ à l’âme. D’autres fois, il se contentait d’un ou deux coups d’épingle t
367 qu’avait reconstitué André Breton dès son arrivée à New York. Il avait pour noyau quelques peintres qui allaient changer
368 aine, et l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait une fête
369 poésie sur un ton d’emphase contenue, en marchant à grands pas dans son studio : « L’Européen le plus moderne, c’est vous
370 me poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’une belle écriture sage et
371 halanstérienne. On eût dit qu’il était le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-garde ! « Ombre frénétique de Fouri
372 rien, visiblement, et avec raison : son Augustin à lui était sans nul rapport avec celui qu’avait canonisé « l’Obscurant
373 t canonisé « l’Obscurantisme ». Un dimanche matin à New York, au bas de Madison Avenue déserte, vingt étages à gauche et
374 k, au bas de Madison Avenue déserte, vingt étages à gauche et à droite, je me trouve soudain devant Breton, qui marche le
375 Madison Avenue déserte, vingt étages à gauche et à droite, je me trouve soudain devant Breton, qui marche lentement à pa
376 rouve soudain devant Breton, qui marche lentement à pas de rêve. « Je pensais, me dit-il, à la religion qu’il faut absolu
377 lentement à pas de rêve. « Je pensais, me dit-il, à la religion qu’il faut absolument fonder, et pourquoi ne pas la fonde
378 d’une existence poétique si hautement exemplaire à tant d’égards, c’est qu’il voulait tout à la fois changer la vie par
379 exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’exac
380 ation. ad. Rougemont Denis de, « André Breton à New York », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 8–
23 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jacques Chenevière ou la précision des sentiments (22-23 octobre 1966)
381 ifficile. Des rires. Des jours aussi qui touchent à l’histoire. Et des adieux… Seules donc m’ont guidé — ou égaré — les s
382 aiguës, d’oublis révélateurs peut-être, obéissant à la seule logique des sentiments. D’où le pouvoir émouvant de tant de
383 urs dans ma jeunesse, ils croyaient dur comme fer à « l’unité », l’unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ennui — un peu
384 ls croyaient dur comme fer à « l’unité », l’unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ennui — un peu comme dans le Nouveau R
385 né son art d’écrire « pour le plaisir ». Je pense à des récits comme Valets, Reines, Rois, Daphné, ou la Jeune Fille de N
386 nt passer et repasser sans transition de la prose à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dra
387 e, et de l’évocation d’une adolescence parisienne à celle d’une inénarrable incorporation comme volontaire cycliste en cu
388 jeune fille inconnue, dans une maison de campagne à vendre ; à travers un paysage où « l’orage de mai, proche et grondant
389 du livre, intitulées « Sans date », qu’il cherche à « distancier », vainement d’ailleurs, sont admirables. L’agence des
390 Je rappellerai donc quelques scènes plus faciles à identifier historiquement. La création de l’Agence des prisonniers de
391 utomne de 1914. Notre cycliste volontaire rappelé à Genève par Gustave Ador, président du CICR (69 ans, veston léger « av
392 t vers Genève des familles de soldats disparus. «  À Genève, pour trouver mon fils » porte une enveloppe, en guise d’adres
393 e enveloppe, en guise d’adresse. Et une autre : «  À Gustave Adoré, Genève. » La marée monte de semaine en semaine, sans r
394 lontaires travaillent bientôt. Un jour on annonce à Chenevière et l’on pilote vers lui entre les fichiers un monsieur « f
395 venait de publier Au-dessus de la Mêlée et vivait à Villeneuve, réaliste utopique, « en une sorte de sérénité meurtrie ».
396 . Mussolini et les raisins Plus tard, c’est à la veille de l’autre guerre mondiale, une délégation du CICR se rend
397 e guerre mondiale, une délégation du CICR se rend à Rome pour essayer de sauver les blessés bombardés par les Italiens en
398 vers la fin du recueil (mais souvent trop rapides à mon gré, par excès de pudeur peut-être, ou comme si l’auteur redoutai
399 Guy de Pourtalès parmi les pêcheurs du Léman, ou à Bayreuth, Robert de Traz à la Revue de Genève (dont Chenevière fut
400 pêcheurs du Léman, ou à Bayreuth, Robert de Traz à la Revue de Genève (dont Chenevière fut codirecteur), Pierre Girard
401 La présentation du petit Jacques, âgé de 13 ans, à Sarah Bernhardt dans sa loge, puis leurs rencontres à Genève et à Par
402 rah Bernhardt dans sa loge, puis leurs rencontres à Genève et à Paris, sont décrites dans le registre d’un comique assez
403 t dans sa loge, puis leurs rencontres à Genève et à Paris, sont décrites dans le registre d’un comique assez vif, mais l’
404 t le livret des Premiers Souvenirs. Et le passage à Lausanne de Liane de Pougy — devenue mondiale et vraie princesse — es
24 1967, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). J. Robert Oppenheimer (25 février 1967)
405 ant, en le voyant de près, méditatif, je songeais à la race du pharaon, fondateur dans cet autre désert d’El-Amarna, d’un
406 rge regard rayonnant et ce sens mystique étranger à toute espèce de religion des prêtres. « Nous devons être absolument s
407 aissait à fond notre littérature, où il préférait à tout François Villon. Jeune homme, il avait rêvé un sonnet en françai
408 nt scrupuleux, par bonté, il voyait tout, pensait à tout pour ses amis, et savait écouter comme personne, tout en vous en
25 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Entretien avec Denis de Rougemont (6-7 avril 1968)
409 cessé d’occuper dans la culture de notre temps : à proximité, le regard rencontre les champs et les arbres de la campagn
410 s champs et les arbres de la campagne genevoise ; à cinq minutes, cependant, vous avez Cointrin, l’ouverture sur le monde
411 harnière dans ma vie et mes préoccupations. C’est à ce moment-là, en effet, qu’avec plusieurs jeunes intellectuels de ma
412 ociété où nous vivions était fichue, qu’on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolution, pour n
413 ichue, qu’on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolution, pour nous, signifiait refaire un ord
414 groupement l’Ordre nouveau, nous nous attachions à une doctrine très rigoureuse de la personne qui débouchait sur l’idée
415 ait sur l’idée de la fédération de l’Europe, liée à la notion d’une fédération des régions, concept actuellement repris d
416 repris d’ailleurs, même par le général de Gaulle. À cette époque, l’opposition du fascisme et de la démocratie, pour des
417 et automne 1932 ? Beaucoup de choses sont sorties à ce moment-là : le premier numéro de la revue Esprit , le premier num
418 , Kierkegaard, et Heidegger que Corbin commençait à traduire. En ce qui concerne L’Ordre nouveau où je retrouvais Arnaud
419 ues influences marxistes (du jeune Marx surtout). À l’opposé du système hégélien, avec sa triade thèse, antithèse, synthè
420 isser les choses dans leur état de tension. Quant à Esprit, son premier numéro manifestait une tendance plutôt péguyste,
421 numéro manifestait une tendance plutôt péguyste, à dominante catholique. Quand le premier de Hic et Nunc parut, Mounie
422 aisant connaître, par exemple, Barth et Heidegger à un public français qui ne les connaissait pas. Pour marquer une diffé
423 entifiques et techniques, qui nous intéressaient, à Hic et Nunc ai, comme moyens de libération de la personne. Nous éti
424 naux, qui ne sont pas des mémoires et se tiennent à égale distance de la chronique et du journal intime, s’exprime l’évol
425 sensibilité est assez fréquente en Suisse, située à la croisée des chemins. C’est ainsi que, Suisse français, je me suis
426 vers plusieurs écrivains suisses romands ; pensez à Roud et Jaccottet. Il existe un filon de romantisme allemand qui nous
427 clusions, qui s’oppose d’une manière systématique à toute idée de nationalisme. Il faut multiplier les communautés d’aire
428 et enraciné. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à être d’un pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule
429 ndre gêne à être d’un pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule chose inadmissible est d’être enfermé da
430 ce. Maintenir les contraires Dans la préface à votre livre, vous écrivez ceci : « Ou bien l’on intériorise l’événeme
431 lui sous le masque d’une relation toujours prête à fournir ses preuves d’objectivité. Ou écrire ou décrire, en somme… »
432 rtainement, et c’est un mouvement qui se retrouve à tous les niveaux. Je pense qu’il faut maintenir dans un individu l’ex
433 du que sa vocation distingue de la masse et relie à la communauté. Maintenir dans sa pensée deux réalités antinomiques, v
434 générale du fédéralisme qui irait de la personne à la fédération mondiale. Je tiens aussi beaucoup, dans le même esprit,
435 le. Je tiens aussi beaucoup, dans le même esprit, à la nécessité conjointe de la pensée et de l’action ; « penser avec le
436 Ferney-Voltaire, où des êtres humains, semblables à des millions d’autres, terminent calmement leur journée sous le solei
437 elle de Denis de Rougemont est là pour nous aider à ne pas désespérer complètement de l’esprit. ag. Rougemont Denis d
438 erreur de transcription : Rougemont se réfère ici à L’Ordre nouveau, non à Hic et Nunc .
439  : Rougemont se réfère ici à L’Ordre nouveau, non à Hic et Nunc .
26 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut réinventer l’Université (29 juin 1968)
440 nt paraître « nouveaux », et ne correspondent pas à un poste du budget courant. Ce « réalisme » conduit au marasme ou à l
441 et courant. Ce « réalisme » conduit au marasme ou à la révolution, selon le tempérament des peuples. Mais subitement, apr
442 ctuel des sujets. 1. Qu’est-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie et xiiie siècles, c’est une commune autonome
443 sic et non (le débat des pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’époque, Abélard.
444 pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’époque, Abélard. La substance de cette Un
445 champions étudient les sept arts, et réussissent à tout savoir.) En fonction d’un certain sens de la vie 2. Au sens
446 ir, l’Université n’existe plus. Ce qu’on persiste à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’une quantité variable
447 coles professionnelles, dites facultés, destinées à former des avocats, des dentistes, des ingénieurs, des financiers, de
448 ’un même État. À part cela, elles n’ont plus rien à se dire, ni au fond rien à faire ensemble. 3. L’Université au vrai se
449 elles n’ont plus rien à se dire, ni au fond rien à faire ensemble. 3. L’Université au vrai sens du terme et les écoles p
450 es, presque contradictoires. Les écoles préparent à des métiers : elles servent la Production. L’Université devrait prépa
451 vent la Production. L’Université devrait préparer à juger, évaluer, orienter les esprits et les activités : elle aurait p
452 l se pourrait qu’au nom du Sens, elle soit amenée à contester les finalités productivistes de la plupart des écoles. 4. L
453 hercherait plutôt les moyens d’adapter la société à un certain Sens… 5. Une école doit normalement déboucher sur un job.
454 ntraire du nationalisme cantonal, ne consiste pas à vouloir tout partout et à tout prix, mais à répartir les activités se
455 ntonal, ne consiste pas à vouloir tout partout et à tout prix, mais à répartir les activités selon leurs dimensions aux é
456 e pas à vouloir tout partout et à tout prix, mais à répartir les activités selon leurs dimensions aux étages communautair
457 nt être revus à l’aide de cette méthode, la seule à mon avis qui ait le droit de se réclamer du fédéralisme. 10. Pourquoi
458 ce qu’un centre de contestation est indispensable à toute société de type européen, d’une part pour faire progresser le s
459 r chaque discipline ; dans l’autre, on se livrera à une perpétuelle mise en question de chaque discipline par les autres
460 e sont restées celles d’un studium médiéval : dix à quinze étudiants pour un maître. Ces groupes pouvant se combiner libr
461 eu d’espace, et peuvent s’organiser n’importe où, à la campagne, dans un village ou dans une ville. Cependant les unes on
462 , enseignants et étudiants est donc indispensable à la vie d’une Université digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu
463 ait balayée. Tandis qu’une Université subordonnée à la société, donc privée de liberté dans la critique et de gratuité da
464 e coup d’être une Université, et n’aurait plus qu’ à disparaître. 17. Une Université digne du nom, dont le rôle serait d’o
465 société, en fonction d’un certain Sens de la vie ( à découvrir, assumer, critiquer et rénover sans relâche), redeviendrait
466 ionnelles (ou facultés) que l’on s’obstine encore à nommer des universités. 18. Il ne faut pas détruire ce qui existe — l
467 prononcé devant les 200 recteurs européens réunis à Göttingen, et publié par la Gazette littéraire, en novembre 1964. aj
27 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’écrivain et l’événement (7-8 septembre 1968)
468 l’un l’autre en question. Mon premier livre paru à Paris s’ouvrait par un chapitre sur « l’engagement du clerc », sa néc
469 est celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un parti, quand il s’agit de prendre une position publ
470 dre une position publique. L’engagement supposait à mon sens tout le contraire : responsabilité pleine et entière — non s
471 assumée, non seulement frondeuse mais aimante et, à l’extrême, sacrificielle — d’une personne et de sa pensée en corps à
472 icielle — d’une personne et de sa pensée en corps à corps avec l’époque. « Présence au monde et à soi-même conjointement 
473 rps à corps avec l’époque. « Présence au monde et à soi-même conjointement », disais-je en 1932. Mais on a glissé depuis
474 , disais-je en 1932. Mais on a glissé depuis lors à un sens partisan ou militaire du terme. Mon sens était plutôt poétiqu
475 e, moral, philosophique et religieux. De l’intime à l’ultime, il supposait un passage obligé par le « proxime », la proxi
476 jets qu’on pourrait isoler, séparer ou rapprocher à volonté. Nul événement social ou politique n’existe en soi sans qu’on
477 pes d’auteurs qui se définissent par leur rapport à l’événement : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains
478 mment l’utopiste. 1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’est pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les
479 e par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode, et la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, révélateu
480 cela, en tant qu’écrivain, par les moyens propres à l’écrivain. On peut aussi contester comme Trotski, Romain Rolland, Ko
481 l’utopiste, c’est toute la grande poésie d’Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbau
482 a grande poésie d’Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aussi toute
483 e à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imagination de la « 
484 e, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imagination de la « vraie vie », de
485 vraie vie », de Thomas More et Tommaso Campanella à Swift, Rousseau et Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Marx et Mao. Le pr
486 la société peut attendre de l’écrivain confronté à sa crise et à l’événement, c’est la donation d’une mesure, la créatio
487 ut attendre de l’écrivain confronté à sa crise et à l’événement, c’est la donation d’une mesure, la création de formes, d
488 de fondateur. Ce que l’écrivain doit au monde et à l’événement, c’est de les créer. Et ce qu’il faut attendre du meilleu
28 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Vers l’Europe des régions [Entretien]
489 t. En août 1947 on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens à Montreux où j’ai prononcé un d
490 de parler à un congrès de fédéralistes européens à Montreux où j’ai prononcé un discours inaugural : j’étais engagé. Pui
491 er de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Haye en 1948 je me suis beaucoup penché sur c
492 estivals de musique européens que je préside tout à fait par hasard. Nous avons coordonné les instituts d’études européen
493 mpagne européenne d’éducation civique qui cherche à introduire l’angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de gé
494 t ans de tentatives de rapprochement n’ont abouti à rien sur le plan politique. Cette situation tient au fait que les Éta
495 neté absolue, devenant ainsi eux-mêmes l’obstacle à toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les
496 eut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à toute union ! Notre espoir réside dans une politique des régions. Par
497 er par une assemblée élue par les régions. Il y a à ce sujet une importante littérature en France qui est le pays le plus
498 age d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici à dix ou quinze ans serons-nous parvenus à créer des régions sur une ba
499 te d’ici à dix ou quinze ans serons-nous parvenus à créer des régions sur une base économique, historique, ethnique — tou
500 économique, historique, ethnique — tout cela mêlé à doses variables — qui seront de plus en plus les vrais centres de la
501 de races. Les problèmes les plus importants sont à la racine d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer
502 nds ont montré l’urgence des problèmes européens. À cette occasion nous présentons l’activité de Denis de Rougemont dans
503 ra l’un des conférenciers qui parleront cet hiver à Lausanne, invités par la Gazette littéraire. Le programme est composé
29 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)
504 folle exigence ; en ce temps-là. Elle s’adressait à cela dans la littérature dont il nous paraissait tout à fait évident
505 dans la littérature dont il nous paraissait tout à fait évident que Paulhan détenait les clefs et les mesures. (Mais c’é
506 chacun des auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le même sans sa présence et sans son attention. Il était à lui s
507 sans sa présence et sans son attention. Il était à lui seul notre air de parenté, si différents ou opposés que nous fuss
508 imaginer ! La presse, depuis vingt ans, s’obstine à le traiter d’éminence grise de nos lettres. Il était tout le contrair
509 e de toute secrète volonté de puissance, attentif à ne rien nous imposer qui ne fût ce qu’il avait senti, bien avant nous
510 ons) et il les respectait scrupuleusement, quitte à les provoquer ou débusquer par des questions à l’improviste d’une mys
511 nte naïveté — comme il lui arrivait de s’en poser à lui-même, et parfois d’y répondre par un opuscule. « Ah ! je suis bie
512 n déçu, me disait-il un jour. Je me suis appliqué à relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste, eh bien, non,
513 revue : c’était toujours vif et pressant, et tout à trac ; comme la reprise d’un entretien interrompu par un coup de télé
514 n interrompu par un coup de téléphone. Il dictait à sa femme les lettres moins intimes. Germaine et Jean, dans ce petit b
515 mansardé de la maison Gallimard, faisaient seuls, à eux deux, cette NRF qui a marqué le siècle littéraire comme nulle a
516 mme nulle autre revue, nulle autre école. De 1925 à 1940, à je ne sais quelles exceptions près, ce qui a compté dans la l
517 e autre revue, nulle autre école. De 1925 à 1940, à je ne sais quelles exceptions près, ce qui a compté dans la littératu
518 « s’il m’intéresserait quelque jour de collaborer à la NRF  ». J’étais admis ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la t
519 ’étais admis ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel et Saint-John Perse ! Étour
520 upplie de nous donner des textes ! » Me voici mis à l’aise, et mal à l’aise aussi. Un peu plus tard, il me confie, rêveur
521  : « Pourquoi ne pas les assumer ? » (Bien sûr qu’ à cela, du moins, il n’a jamais songé.) Je l’ai surpris, notre dialogue
522 urs de mes livres, d’une manière que je suis seul à connaître. Je m’arrangerai pour y faire figurer les questions qu’il m
523 e pour prévenir les objections qu’il avait faites à la seconde, dont je croyais d’abord qu’elle pouvait se suffire. Longt
524 el et l’autre sur Jean Paulhan ». Ce qui m’engage à rapporter ces petits souvenirs, c’est qu’ils sont personnels… à combi
525 s petits souvenirs, c’est qu’ils sont personnels… à combien d’entre nous, jeunes auteurs de l’entre-deux-guerres ! Que di
526 peut l’homme. Et Gide, ce qu’il est. Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris d’une société laïque le monde sacr
527 es hommes sous-estiment l’efficacité. » Il semble à Maurras suffisant, mais nécessaire, que l’écrivain maintienne au-dess
528 moins donnantes. Tout se passe comme s’il y avait à leur endroit je ne sais quoi de libre, de joyeux et peut-être d’insen
529 nsé, dont nous aurions perdu jusqu’au souvenir et à l’idée. Mais non pas perdu tout à fait ni pour toujours, puisque ce
530 au souvenir et à l’idée. Mais non pas perdu tout à fait ni pour toujours, puisque ce « je ne sais quoi de libre, de joye
531 ut le reste à l’avenant. La presse est allergique à tout ce qui n’est pas « le petit fait faux » qui seul intéressera, cr
30 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Témoignage sur Bernard Barbey (7-8 février 1970)
532  promouvoir » la présence culturelle de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’Unesco. Tous ces services, rendus
533 la présence culturelle de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’Unesco. Tous ces services, rendus à son pays, a
534 le de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’Unesco. Tous ces services, rendus à son pays, aux dépens de son œuv
535 lon mondial à l’Unesco. Tous ces services, rendus à son pays, aux dépens de son œuvre personnelle, avec une discrétion so
536 erveilleusement attentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’on sentait si naturellement prêt à s’oublier lui-même
537 prêt à s’oublier lui-même ? C’est sans nul doute à la très amicale et délicate insistance de Berne que je dois d’avoir é
31 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La cité européenne (18-19 avril 1970)
538 conscients ou non de ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène et qui ne résulte pas d’un process
539 es, nos efforts pour les surmonter par le recours à des instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de
540 ie. » ⁂ De ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre
541 invente aussi l’analyse critique, elle la conduit à ses dernières conséquences, découvre ainsi l’idée de l’atome et celle
542 eront pas d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisée
543 la stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’ à l’irrémédiable et dangereux ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée
544 jusqu’à l’irrémédiable et dangereux ennui, jusqu’ à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolution
545 s de la sagesse grecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire,
546 ecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élan
547 l’un et du divers, tandis que l’Incarnation porte à l’extrême la coexistence des contraires, l’impensable définition de l
548 la se combine en figures et en structures variées à l’infini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’
549 besoins économiques. Tout cela nous incite aussi à remettre en question ces déterminations, et nous en fournit les moyen
550 raison d’être, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à le définir — « se distinguer » ou « 
551 out le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à le définir — « se distinguer » ou « être distingué » est synonyme d’h
552 e soit, est si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’une manière tout à fait extravagante l’importance de ce qu
553 ens qu’il les porte à exagérer d’une manière tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distingue. C’est ainsi q
554 qui les distingue. C’est ainsi qu’ils en viennent à penser sincèrement qu’ils ne pourront jamais s’unir, même s’il le fau
555 eil de l’Europe, irrité par ce genre d’objections à l’union, j’écrivis sur une page de bloc-notes « à faire circuler » au
556 à l’union, j’écrivis sur une page de bloc-notes «  à faire circuler » autour du tapis vert l’essai de définition suivant :
557 vril 1970, p. 32. ar. Ce discours a été prononcé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du
558 rononcé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte est sui
32 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)
559 Je ne vois pas d’autre forme d’union qui réponde à la double exigence du respect des diversités et de l’instauration d’u
560 autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une, si nous refusons l’union qui ferait leur force ; mais en retour,
561 n fédérale. Ce qui paraît beaucoup plus difficile à expliquer, c’est que rien n’ait encore été fait dans ce sens, depuis
562 x discours de Zurich — qu’il n’y a pas une minute à perdre ! Quel est l’obstacle apparemment insurmontable à cette union
563 e ! Quel est l’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique, que tout exige, que tout le monde admet
564 le sait, rien n’est moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est
565 obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État-nation, tel que Napoléon
566 itale, et interdire toute allégeance des citoyens à des entités plus petites (comme les régions) ou plus vastes (comme un
567 ’admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’extérieur, il refuse toute union, alléguant une indépendance et une
568 fait au xxe siècle. Rien, donc, de plus hostile à toute espèce d’union tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-
569 mps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale ; trop grand pour permettre une participation civi
570 toire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe 
571 situation de choisir librement son avenir. Jusqu’ à nous, point de choix économiques ni même peut-être politiques longuem
572 nir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que
573 es plans en conséquence. Voulons-nous par exemple à tout prix notre niveau de vie, quantitatif — ou plutôt voulons-nous s
574 mode de vie, qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à l’accroissement indéfini du PNB (produit national brut) —
575 qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à l’accroissement indéfini du PNB (produit national brut) — ou plutôt r
576 mmunauté vivante ? Et quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’un conf
577 ujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous les peuples avancés sous le rapport de l’industrie et de la tech
578 ’industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissantes sur le sens même
579 lique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’inverse, si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien de vous
580 ilemme présent : Si nous attribuons pour finalité à la Cité européenne de demain la puissance, c’est-à-dire la puissance
581 simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle continentale, serait capable sans nul doute de créer une Eu
582 r qu’un super-État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi
583 ion ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’ à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès s
584 tant. Au contraire, si nous donnons pour finalité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire les plus grandes possibil
585 adopter sans délai les méthodes les plus propres à réduire l’obstruction des stato-nationalismes, et se consacrer sérieu
586 stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usa
587 construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale con
588 ue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui est nécessaire pour gara
589 eligieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer les pouvoirs étatiques aux d
590 imensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appliquer la méthode du fédéralis
591 ins bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la
592 s mais exemplaires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles
593 oclamer, d’Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communautés autonomes
594 ’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante confédération » qu’évoquait le général de Gaulle, e
595 -nations conservant jalousement leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthr
596 ntions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire no
597 is pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt, de les dépasser
598 s, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il est v
599 es et agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémi
600 icient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexist
601 ’économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que
602 e conférence du désarmement étatique des nations. À l’aspect négatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut p
603 répartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là
604 péenne : la complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’un
605 passer du matérialisme capitaliste et communiste à la mise en question du sens même de nos vies, et des vrais buts de no
606 ibi des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas d
607 emps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute
608 eut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours de l’Université de B
609 I — Un programme révolutionnaire : donner un sens à la vie », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 25–2
33 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)
610 s vite. Il semblerait que tout le monde « gagne » à ce jeu : l’industrie qui y trouve le moyen d’accroître nos exportatio
611 qui viennent de le découvrir. Ils nous disent : «  À l’heure où il n’est question que de s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nou
612 « À l’heure où il n’est question que de s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous fermer devant les travailleurs étrangers ? »
613 confondre deux sens bien différents de « s’ouvrir à … » Si s’ouvrir à l’Europe signifie supprimer les frontières économiqu
614 ns bien différents de « s’ouvrir à… » Si s’ouvrir à l’Europe signifie supprimer les frontières économiques et intégrer no
615 égrer nos entreprises dans une économie concertée à l’échelle continentale (comme peuvent le faire les cinquante États de
616 A), alors, l’argument de la concurrence étrangère à laquelle « l’économie suisse » ne pourrait « résister » que grâce à l
617 ement une économie européenne. Mais si « s’ouvrir à l’Europe » signifie seulement importer autant de travailleurs étrange
618 u’il en faut pour que nos exportations continuent à croître, cela revient, paradoxalement, à s’enfermer dans un concept d
619 ntinuent à croître, cela revient, paradoxalement, à s’enfermer dans un concept d’économie « nationale », par définition n
620 it des prédictions alarmistes de M. Mendès-France à l’Assemblée nationale. On constate au contraire que les travailleurs
621 nt incités, s’ils sont en quelque sorte recrutés, à l’instar des soldats du service étranger de jadis. La conception du m
622 selon laquelle les hommes obéiraient spontanément à un « argyrotropisme », c’est-à-dire suivraient avant tout les routes
623 t pas ses plans en conséquence et ne s’engage pas à les réaliser, alors je dis : votez pour, votez contre, dans les deux
624 s sera des plus utiles aux Suisses s’il les amène à se poser — bien au-delà du 7 juin et de ses résultats — les questions
625 rée, donc indiscutable, ou faut-il la subordonner à d’autres impératifs, écologiques notamment ? — Le « niveau de vie » e
626 article prend place dans un numéro spécial annexé à cette édition, sur « Les travailleurs étrangers en Suisse ». Il est p
627 e ». Il est précédé du chapeau suivant : « Invité à se prononcer sur notre double question — intégrité de l’État dans l’E
34 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)
628 nom contre le continent de son prénom ; et jusqu’ à près de la fin de son règne, les prestiges du mythe national contre l
629 sant. Plus chevalier que militaire, plus efficace à lui tout seul par la passion et le mépris que tous les autres par le
630 ernier monarque d’une France qui n’a rien préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement de
631 e suis fait une certaine idée de la France… vouée à une destinée éminente et exceptionnelle… S’il advient que la médiocri
632 opportuniste et joueur, toujours prêt à saisir ou à brusquer l’occasion, relève du type donjuanesque. À l’autre extrême,
633 brusquer l’occasion, relève du type donjuanesque. À l’autre extrême, le général de Gaulle fut le Tristan de la passion na
634 a tenait captive. Il l’a ramené au mari légitime, à ce roi Marc que figurait le Pays légal, la République. Puis il a dû s
635 épart volontaire, en 1946). Certes, il est revenu à son appel, et c’est en 1958. « Mais la vraie passion tristanienne se
636 nne se nourrit de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la France et lui, qua
637 nce des régions, qu’il proposa solennellement, et à quoi il choisit de lier son sort. Un suicide politique, dirent les ob
638 mière. Je vous félicite d’avoir entrepris et mené à bien cet immense et intéressant travail. Je vous en remercie aussi pa
639 e caractère original de chacun et le génie propre à notre continent, y trouvent appuis et encouragements. On ne peut mie
640 diversité qu’il admirait dans notre Suisse. Quant à la participation qu’il demandait, c’est le mot clé du fédéralisme. Me
641 Gaulle est mort le jour où la Suisse se préparait à discuter avec le Marché commun. Ce hasard marquera-t-il la fin d’une
642 Europe, le début d’une autre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont ce qu’il pensait de l’homme d’État, après que Jacq
643 on, la semaine dernière, a parlé de l’écrivain et à Guy Dumur, en page intérieure, d’étudier les rapports du Général avec
35 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Pourquoi j’écris (30-31 janvier 1971)
644 rréalistes, les premiers, ont posé cette question à leurs contemporains, c’était vers 1925, sur le ton d’un gangster qui
645 ie, mais elle n’expliquait rien. Quand on demande à Zazie pourquoi elle veut devenir institutrice, elle répond : « Pour f
646 le salut de leurs lecteurs. En fait, on commence à écrire vers 16 ou 17 ans, sans savoir pourquoi ni pour quoi. Et quand
647 Et quand beaucoup plus tard, essayant de répondre à l’attente des interviewers, on met au point quelques demi-mensonges,
648 r convaincre ou émouvoir, pour dire quelque chose à quelqu’un, au public d’une revue littéraire ou à toute une nation par
649 à quelqu’un, au public d’une revue littéraire ou à toute une nation par la TV. C’est le pour quoi qui devient alors le v
650 usage bien défini, pour tel objet tout extérieur à l’écriture, et qui ne dépend nullement du processus de la pensée en t
651 re envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’état brut ne continue d’agir dans mes écrits, mais il n’est plus se
652 plus seul discernable, tout mêlé qu’il se trouve à des courants violents chargés de matériaux littérairement impurs. Une
653 nt impurs. Une immédiate nécessité motive la main à la plume : j’écris désormais sur commande non seulement de mes émotio
654 , d’un livre, d’un article qu’il s’agit de donner à date fixe — et de tout ce qu’il faut bien ajouter à quelque ouvrage o
655 date fixe — et de tout ce qu’il faut bien ajouter à quelque ouvrage obscurément jailli, pour l’achever. (Ainsi j’écris ce
656 rrivé aux deux tiers de ma course (si je l’estime à l’envergure de mes projets), je me vois deux raisons d’écrire : l’une
657 ’aurai fini d’écrire (idéalement). J’aurai touché à la fin de l’écriture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui est de me
36 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Au défi de l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)
658 chés ridicules qui composent l’image de la Suisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret des banq
659 osent l’image de la Suisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret des banques, et les arts réduit
660 cret des banques, et les arts réduits, paraît-il, à celui de ne pas se mouiller. Nous savons que la Suisse, c’est autre c
661 s on court interviewer des étrangers : quelle est à leurs yeux notre image ? Ils nous renvoient le plus souvent celle de
662 u la Suisse d’abord, puis le fédéralisme appliqué à ce pays plutôt qu’à d’autres, mais l’inverse. Sans unité géographique
663 puis le fédéralisme appliqué à ce pays plutôt qu’ à d’autres, mais l’inverse. Sans unité géographique, ethnique, linguist
664 comme on le croit trop souvent (et pas seulement à l’étranger) de l’union de vingt-cinq États cantonaux — comme l’Europe
665 és, solidaires dans leur volonté d’autonomie ; et à cette fin, décidant la mise en commun des tâches publiques trop lourd
666 é proprement suisse Dans la mesure où j’adhère à cette formule d’union je me considère comme Suisse et je le suis, moi
667 lisa » par la suite aux XIII cantons ligués, puis à l’union de vingt-cinq États souverains différant par la langue et la
668 l ce qui empêcherait de généraliser cette formule à toute l’Europe. Autant il devient clair aux yeux de tous que la formu
669 e l’État-nation napoléonien s’oppose radicalement à toute union de l’Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’à
670 Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’ à la guerre, autant il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le
671 -on, si la fédération s’étend de proche en proche à l’Europe tout entière, la Suisse ne va-t-elle pas s’y perdre ? — C’es
672 dées et des principes qui seront un jour destinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal de l’avenir se réalise, la na
673 sse de caractère international devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vé
674 s les cantons, de rester ensemble et de continuer à former une communauté : celle des gardiens de l’idée mère. Si nous le
675 raiment, si nous le voulons. C’est ce qu’il reste à savoir, et c’est ce qui nous inquiète. S’il n’y a plus de frontières
676 us restons ensemble. Personne ne peut prédire si, à bulletin secret, en connaissance de cause et en majorité nous choisir
37 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)
677 ne dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)bb À plus d’une reprise, l’occasion d’exprimer mon admiration pour « C. J.
678 e nature — si plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir la bonne réputation de notre ami dans un pays égalitaire. A
679 er, et avec trop de distance naturelle pour avoir à jouer la hauteur, affable mais non sans malice, et ce qu’il faut d’ar
680 arfois prophétiques : — Carl-J. Burckhardt ajoute à notre Suisse la dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j
681 à notre Suisse la dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière. bb. Rou
682 qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière. bb. Rougemont Denis de, « Une dimen
38 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut dénationaliser l’enseignement [Entretien] (8 décembre 1972)
683 parler des autorités scolaires, n’ont apprécié qu’ à demi la réédition des Méfaits, soit qu’ils se sentent attaqués dans l
684 ngez. » Vos critiques semblent s’adresser surtout à un système scolaire très centralisé, comme le système français. Convi
685 e le système français. Conviennent-elles vraiment à la Confédération suisse, où l’instruction publique est du ressort des
686 929 je parlais de mon expérience. Elle était tout à fait suisse, puisque j’ai fait l’école primaire, jusqu’à l’âge de 12
687 suisse, puisque j’ai fait l’école primaire, jusqu’ à l’âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège lati
688 i fait l’école primaire, jusqu’à l’âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à Neuchâtel. Ensu
689 uvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à Neuchâtel. Ensuite, par le biais européen, j’ai pu voir ce qui se fai
690 ’était comme en Suisse. Et même pire. Vous donnez à l’école un poids déterminant, presque totalitaire, dans la formation
691 moyen de formation le plus fort. Elle a prétendu à un monopole de l’éducation, contre l’Église et contre la famille. Cet
692 i, par exemple, toutes les femmes qui travaillent à l’extérieur. Mais l’école doit changer. Il faut dénationaliser l’ense
693 histoire suisse, s’il ignore celle de sa région ? À Couvet, j’ai tout appris sur les Waldstätten (y compris, beaucoup de
694 mes — dans ces dimensions-là. Passer de la région à l’Europe et au monde au moment où les élèves sont capables de saisir
695 ù les élèves sont capables de saisir les réalités à ces niveaux-là, et négliger chaque fois que c’est possible les fronti
696 n finir avec les fleuves qui s’arrêtent de couler à la frontière sur les croquis de géographie. Une bourde du général d
697 ux. Souvenez-vous que le général de Gaulle aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à l’Oural. Cette bourde m’a touj
698 lle aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à l’Oural. Cette bourde m’a toujours étonné. Pourquoi donc à l’Oural ?
699 . Cette bourde m’a toujours étonné. Pourquoi donc à l’Oural ? C’est tout, sauf une séparation : une petite chaîne de coll
700 nuels d’histoire et de géographie des années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité de Charles de Gaulle — définissaient
701 nt précisément l’Europe comme allant de Gibraltar à l’Oural. L’école a rendu les hommes qui sont actuellement au pouvoir
702 personnes que je n’aie pas trouvées inaccessibles à l’idée du fédéralisme appartiennent plutôt aux partis de gauche. Roca
703 hangera pas l’école sans changer l’État. » Est-ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’école doit former ceux
704 le qui lui convient, l’école produit des citoyens à la mesure de l’État. C’est un cercle vicieux : chercher l’origine nou
705 en beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire à la réalité. » Or que font-ils ? Ils expédient les affaires courantes.
706 e scolaire. Mais ils ne peuvent jamais faire face à ce problème. Il faudrait qu’ils puissent s’arrêter, sortir de l’urgen
707 sortir du cercle vicieux dont nous parlions tout à l’heure. Une école nouvelle pourrait exploiter des possibilités d’app
708 our cause — dans nos programmes. Moi, j’ai appris à lire hors de l’école, avec ma sœur. En m’amusant, et en cachette. J’a
709 ns les Méfaits , l’exemple de Benjamin Constant. À 5 ans, il a appris le grec. Sous forme de jeu9. Peut-être l’évolution
710 lupart des écoles européennes donnera-t-elle lieu à la révolution que vous souhaitez. Mais on en distingue déjà deux déve
711 ssibles, et contradictoires : d’une part, on tend à individualiser l’enseignement au maximum, de manière que chaque élève
712 um, de manière que chaque élève puisse travailler à son rythme propre, d’autre part on cherche à institutionnaliser le tr
713 ller à son rythme propre, d’autre part on cherche à institutionnaliser le travail collectif, pour développer le sens soci
714 as, comme vous le dites, l’élève pourra « trotter à son pas, galoper s’il le peut à travers les programmes, bride sur le
715 t résoudre cette alternative ? D’abord — et c’est à mes yeux la chose la plus importante — il faut interdire la phrase :
716 e l’appeler « alignement ». On aligne les esprits à l’école, comme on aligne les corps au service militaire. Or, le fédér
717 ours — c’est exactement le contraire. Ça consiste à laisser à chacun autant d’autonomie que possible, c’est-à-dire le dro
718 st exactement le contraire. Ça consiste à laisser à chacun autant d’autonomie que possible, c’est-à-dire le droit de diff
719 ne crois pas que des élèves doués puissent avoir à souffrir de travailler avec des camarades plus faibles. Au contraire 
720 seigner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l’Université : je ne creuse jamais si bien un problème que quand je d
721 i bien un problème que quand je dois le présenter à mes étudiants. « Illich est trop rousseauiste » Seriez-vous par
722 Méfaits 10, et dont vous dites qu’elle ressemble à ce que demande Illich ? Une école comme celle des amish, oui. Quant à
723 ich ? Une école comme celle des amish, oui. Quant à Illich, bien que je partage largement ses idées, il est trop rousseau
724 et l’école le corrompt. Or je crains que, livrés à eux-mêmes, les enfants ne tombent en proie à toutes les modes success
725 rdonner aux membres de son groupe n’importe quoi… À l’autorité défaillante du maître se substitue celle d’un camarade. Vo
726 substitue celle d’un camarade. Vous ne croyez pas à la « socialisation par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle,
727 des forts en gueule, voire des sadiques. Revenons à l’évolution de l’école, et aux deux pôles dont nous avons parlé : ind
728 s parlé : individualisation et travail collectif. À supposer que tout le monde admette que l’un et l’autre sont nécessair
729 nt nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’ à gauche on aura tendance à insister sur le travail en groupe, à laisse
730 aginer, grosso modo, qu’à gauche on aura tendance à insister sur le travail en groupe, à laisser les élèves rapides et le
731 ura tendance à insister sur le travail en groupe, à laisser les élèves rapides et les élèves lents ensemble le plus longt
732 ts ensemble le plus longtemps possible, tandis qu’ à droite on donnera la priorité à l’individualisation… La droite et la
733 ssible, tandis qu’à droite on donnera la priorité à l’individualisation… La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu
734 er la société permanente des autres ou le réduire à une totale solitude sont deux tortures équivalentes. Toute la vie est
735 raient des tensions fécondes conduisant à la fois à l’union et à la diversification. C’est parfaitement compatible : un r
736 nsions fécondes conduisant à la fois à l’union et à la diversification. C’est parfaitement compatible : un réseau routier
737 des génies locaux. Le fédéralisme doit commencer à la base. Prenez le couple : la femme et l’homme doivent exister à la
738 ait confusion des deux, ni subordination de l’un à l’autre. Ils sont à la fois semblables et différents, séparés et unis
739 me. Tension entre deux pôles. Vous retrouvez cela à tous les échelons. C’est une réalité biologique : au niveau des cellu
740 ine chrétienne, viennent de ce qu’on a tendu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence humain
741 tendu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’existence
742 confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’existence simultanée d
743 dans le même être est difficile, voire impossible à concevoir. Mais cela nous éloigne un peu de l’école… Comment chang
744 t une meilleure pédagogie mais pourront permettre à des talents paralysés par les structures actuelles de s’exprimer. On
745 les de s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à être bons ou intelligents, mais on peut leur offrir un cadre où leur
746 dit, c’est ceci, je le répète : il faut apprendre à penser par antinomies. Lier solitude et compagnie, rigueur et fantais
747 utôt que « guerre » il faudrait dire « conflit ». À quoi je préfère encore le mot « tension », car on associe aujourd’hui
748 n », car on associe aujourd’hui l’idée de conflit à celle de lutte douloureuse, voire meurtrière. Parfois, effectivement,
749 rec pour l’apprendre. Il me proposa de nous faire à nous deux une langue qui ne serait connue que de nous ; je me passion
750 e classe unique, les aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’ang
751 que, les aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’anglais et l’al
752 aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’anglais et l’allemand,
753 nt les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’anglais et l’allemand, à observer
754 ndre à lire, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’anglais et l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à
755 n calligraphie, à parler l’anglais et l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangile. La communau
756 t l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté des amish produit tout ce dont el
757 œuvre qu’ait publié Denis de Rougemont, en 1929, à l’âge de 22 ans. Dans ce pamphlet d’une soixantaine de pages, l’auteu
758 t d’une soixantaine de pages, l’auteur se livrait à un éreintement impitoyable du système scolaire, “vaste distillerie d’
759 i que des retouches de détail, et fort peu. Quant à l’“aggravation”, de 1972, elle commence ainsi : “Écrit d’un jeune hom
39 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Merveilleux Lavaux (23-24-25 décembre 1972)
760 nt quelque part dans les airs au-dessus du Léman, à mi-hauteur du grand vignoble de Lavaux, cette évidence ne saurait exi
761 ez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement rev
762 assionnelle. Il est difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois vociféran
763 dance m’inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de c
764 l’euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de conscience que donne l’indignation active. Lavaux est
765 é que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus de maisons neuves et la
766 e du paradoxe majeur de notre civilisation. Grâce à elles, l’homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce
767 du paysage. Les « nécessités » de la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Le
768 nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité
769 es enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient
770 tent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamai
771 i aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants
772 aux que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé.
773 aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé. Et vivant, c
774 as offrir des étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée
775 moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez
776 Le texte est précédé du chapeau suivant : « C’est à l’initiative de Jean-Pierre Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale,
777 ce Cathédrale, que l’on doit un ouvrage qui vient à point nommé : Merveillleux Lavaux. Sauver cette unique contrée n’est
40 1984, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Philosophie et énergie nucléaire : une mise au point (28 juin 1984)
778 ns nos cuisines et salles de bains. » Je n’ai pas à entrer en discussion avec un directeur qui n’a dit que ce qu’il devai
779 u, deux citations de moi faites par M. Desmeules. À l’intention de vos lecteurs, il m’importe de dénoncer l’usage fait de
780 s son contexte historique : elle remonte en effet à 1958 — et non pas 1964 comme vous le dites — date à laquelle l’expéri
781 1958 — et non pas 1964 comme vous le dites — date à laquelle l’expérience des centrales nucléaires et de leurs problèmes
782 nce dont voici le début : Dans cette même salle, à cette même place, au mois de juin 1958, il y a donc un peu plus de vi
783 moi. Certains penseront que cela me préparait mal à venir vous parler ce matin. J’irai plus loin qu’eux. Je pense que ces
784 s, alors oui, ces déclarations seraient de nature à me disqualifier radicalement pour traiter le sujet de l’énergie en gé
785 lier. Mais j’ai changé, qu’on se rassure, et même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse de cette
786 ville. Et c’est cela, précisément, qui m’autorise à prendre la parole parmi vous. […] Quelques-uns de ceux qui sont ici c
787 t ici ce matin, et non des moindres, partageaient à l’époque mes illusions, et je les retrouve aujourd’hui au premier ran
788 étions à peu près tous. […] Je ne pense pas avoir à m’excuser d’avoir appris pas mal de choses depuis, et d’en avoir tiré
789 je me contredis sans vergogne. (« Une philosophie à géométrie variable » titre votre rédacteur.) Or il est clair qu’elle
790 installations nucléaires ne sont pas dangereuses, à condition qu’elles soient exploitées et contrôlées par des équipes or
791 us, mais ceux de son bord qui ont dit cela. Quant à prétendre que mon idéal serait l’État marxiste omnipotent, il faut n’
792 faut n’avoir rien lu de moi pour oser le répéter à longueur de colonnes. Est-il pensable qu’une cause défendue par de te