1
’oublier, par exemple, que le Führer autrichien n’
est
pas né luthérien mais catholique ; que son mouvement s’est développé
2
é luthérien mais catholique ; que son mouvement s’
est
développé d’abord en Bavière, pays catholique ; que la doctrine de Lu
3
isme et au désarmement (sauf en Finlande), ce qui
est
peut-être déplorable, mais ce qui n’est pas absolument pareil ; que l
4
), ce qui est peut-être déplorable, mais ce qui n’
est
pas absolument pareil ; que l’Autriche catholique, bien qu’armée, n’a
5
s désarmée, résiste ; qu’enfin le totalitarisme n’
est
pas l’apanage de la seule Allemagne, à demi luthérienne seulement, ma
6
xe, et dans une Italie toute catholique. Ce qui n’
est
pas sans compliquer l’affaire… Qu’on recherche la coloration particul
7
le pasteur Niemöller, vrai descendant de Luther,
est
en prison. 2. Les socialistes et beaucoup de démocrates affirment : H
8
es et beaucoup de démocrates affirment : Hitler n’
est
pas le peuple allemand : la masse a été trompée par ses chefs. Un séj
9
Hitler n’est pas le peuple allemand : la masse a
été
trompée par ses chefs. Un séjour d’une année en Allemagne, de 1935 à
10
s allemands considéraient le nouveau régime comme
étant
le régime de la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient
11
r », car l’ambition réelle du Führer, croyait-il,
était
d’appliquer le programme communiste. (Je donne cette opinion pour ce
12
jours montrée le socialisme allemand. Cet article
était
écrit en connaissance de cause, je puis le dire, puisqu’il était sign
13
connaissance de cause, je puis le dire, puisqu’il
était
signé par Émile Vandervelde, ancien président de la IIe International
14
ommunisante de Bruxelles, m’accusait froidement d’
être
vendu au régime hitlérien, pour avoir soutenu que des communistes app
15
s approuvaient Hitler. L’auteur de cette diatribe
était
Mme Jeanne Vandervelde, femme du précédent. Son journal refusa d’insé
16
r les masses. « Le totalitarisme, écrit M. Muret,
est
profondément collectiviste. Les socialistes allemands ne s’y sont pas
17
t collectiviste. Les socialistes allemands ne s’y
sont
pas trompés. » Sur quoi l’auteur accuse d’aveuglement les socialistes
18
stes français que critique justement M. Muret, ne
sont
coupables que d’avoir partagé l’erreur fatale et prolongée des bourge
19
les nôtres. Surtout s’il se trouve qu’en fait, ce
sont
exactement les mêmes erreurs. 4. Si d’aucuns remontent à Luther, d’au
20
les vieux poèmes allemands, pour autant qu’ils ne
sont
pas les traductions de chants islandais ou scandinaves, sont des imit
21
s traductions de chants islandais ou scandinaves,
sont
des imitations de légendes languedociennes et bretonnes, donc celtiqu
22
al les causes d’une révolution dont les effets ne
sont
que trop connus. Le seul avantage de ce procédé historique et littéra
23
lus claires, solides et convaincantes. Ces causes
sont
, de toute évidence : la guerre, le traité de Versailles, la grande mi
24
à titre de « rempart » contre Staline… Tout cela
est
plus gênant à alléguer que Luther et les vieux Germains, parce que da
25
guerre présente nous rappelle au sérieux. Et ce n’
est
pas ma faute, ni celle des protestants, si l’axe Berlin-Rome passe ju
26
l’axe Berlin-Rome passe justement par Rome, qui n’
est
pourtant pas luthérienne. Je m’excuse de tant d’évidences, et d’avoir
27
ile sa face d’un nuage, et se tait, que son deuil
soit
le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints.
28
it le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous
sommes
tous atteints. Quelqu’un disait : si Paris est détruit, j’en perdrai
29
sommes tous atteints. Quelqu’un disait : si Paris
est
détruit, j’en perdrai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’
30
it : si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’
être
un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éteinte
31
ai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’
est
pas détruite : elle s’est éteinte. Désert de hautes pierres sans âme,
32
éen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’
est
éteinte. Désert de hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur
33
rerai dans Paris. Il y entre, en effet, mais ce n’
est
plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, dev
34
tre, en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle
est
sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant
35
jamais. Il ne verra que d’aveugles façades. Il s’
est
privé à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable, de quelque chos
36
tation stupéfiante de cet homme et de cette Ville
était
peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’il est
37
saire pour faire comprendre au monde entier qu’il
est
des victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les don
38
er 1941)c Personne ne m’avait dit que New York
est
une île en forme d’un gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simp
39
nues parallèles, dans le sens de la longueur, qui
est
d’une vingtaine de kilomètres, et deux-cent-cinquante rues de quatre
40
. Personne ne m’avait dit, non plus, que New York
est
une ville alpestre. Je l’ai senti le premier soir, quand le soleil co
41
s que la vallée s’emplit d’une ombre froide, et j’
étais
si bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où ci
42
e je connais. Mais il y a plus. Il y a le sol qui
est
alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies,
43
e larges dalles de granit. Autrefois les glaciers
sont
venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’
44
esure de Manhattan : seules ces assises de granit
étaient
capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent ét
45
tranches, polis et luisants comme du marbre, ont
été
plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches buildi
46
lement : de la route américaine de la vie. Ce qui
est
pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux chemin, mouvement
47
pour le réaliser. Les autostrades américaines ne
sont
pas une réclame politique, ni même un expédient pour lutter contre le
48
un expédient pour lutter contre le chômage. Elles
sont
le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, e
49
, séparées par une large bande gazonnée où l’on s’
est
ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la Pr
50
é d’une curiosité rêveuse. Mais soudain le regard
est
pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout por
51
lui créent enfin des cadres. Quand cette surface
sera
suffisamment organisée, vers quoi se tournera l’effort collectif de c
52
les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’
est
qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de
53
, et l’on parvient dans la grand-rue : comme elle
est
vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunie
54
, brunies par l’âge, palmées par les vents. Rares
sont
les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une d
55
discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’
est
qu’amitié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur d
56
lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’
étais
arrêté à cet endroit, hésitant sur la route à prendre. Et soudain je
57
lettres capitales bien arrondies : martine je
suis
aux champs Paix du village, silence des rues vides, ouvertes sur
58
es vides, ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’
étais
là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dé
59
il entre, il ne trouve personne. Mais ses outils
sont
là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au c
60
hemin de son champ. En passant au carrefour, il s’
est
dit : Peut-être est-elle à Mandres ; c’est donc jour de marché. Il a
61
En passant au carrefour, il s’est dit : Peut-être
est
-elle à Mandres ; c’est donc jour de marché. Il a écrit ces mots. Elle
62
hoses de toujours. Et le moindre signe suffit. Je
suis
redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et d
63
i des éditeurs à voir à Paris et en Suisse. Et je
serais
rentré il y a un an déjà si les circonstances s’y étaient prêtées. Êt
64
rentré il y a un an déjà si les circonstances s’y
étaient
prêtées. Êtes-vous venu en Suisse directement ? Oui, à part un arrêt
65
an déjà si les circonstances s’y étaient prêtées.
Êtes
-vous venu en Suisse directement ? Oui, à part un arrêt de quelques jo
66
Votre impression de la capitale française ? J’ai
été
frappé par son extraordinaire beauté, contrastant brutalement avec la
67
rps petits, comme affaissés… Un vrai cauchemar… N’
était
-ce pas le contraste avec ces grands diables d’Américains ? Non, car e
68
où vous aviez vos assises en Amérique et quelles
furent
vos occupations durant le temps où la Suisse vous avait en quelque so
69
sur place. J’avais constaté que les conférences n’
étaient
pas un très bon moyen de propagande. Les Américains en écoutent énorm
70
pays, et il s’en vend encore régulièrement. J’ai
été
professeur — et le suis encore en titre — à l’École libre des hautes
71
encore régulièrement. J’ai été professeur — et le
suis
encore en titre — à l’École libre des hautes études, université franç
72
ujourd’hui par le Belge H. Grégoire. Cet institut
est
maintenant destiné aux jeunes Américains. Je crois qu’on en a peu par
73
ollègues, de Strasbourg, Rouen, la Sorbonne, etc.
étaient
charmants. La vie intellectuelle était donc fort active à New York ?
74
ne, etc. étaient charmants. La vie intellectuelle
était
donc fort active à New York ? Au point que trois maisons françaises d
75
point que trois maisons françaises d’édition s’y
sont
fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’École des hautes études a l
76
istère américain de l’information de guerre, où j’
étais
chargé de l’émission « La voix de l’Amérique parle aux Français », re
77
s. Il me fallait faire chaque jour 20 à 30 pages,
soit
un quart d’heure de nouvelles et autant de commentaires, dans un brui
78
ant et j’ai abandonné au bout de deux ans. Ce qui
fut
sans doute tout bénéfice pour les lettres ? Je rapporte quatre manusc
79
ttres ? Je rapporte quatre manuscrits, dont trois
sont
terminés et vont être publiés à Paris. Ce sont des essais sur les myt
80
atre manuscrits, dont trois sont terminés et vont
être
publiés à Paris. Ce sont des essais sur les mythes grecs : Doctrine
81
is sont terminés et vont être publiés à Paris. Ce
sont
des essais sur les mythes grecs : Doctrine fabuleuse ; un recueil d
82
que ; et 18 Lettres sur la bombe atomique (qui
seront
traduites en anglais, en danois, en hollandais, en espagnol), d’un st
83
dans lesquelles je montre que les armées de masse
sont
devenues inutiles et que la guerre militaire est morte, et qu’un gouv
84
sont devenues inutiles et que la guerre militaire
est
morte, et qu’un gouvernement mondial est devenu possible, mais doit é
85
ilitaire est morte, et qu’un gouvernement mondial
est
devenu possible, mais doit émaner des peuples et non des États. Vos d
86
s et non des États. Vos derniers ouvrages ont-ils
été
traduits à l’usage des Américains ? J’ai un contrat avec une maison a
87
Les Personnes du drame . D’autres de mes ouvrages
seront
traduits. En outre, on va rééditer à Paris Politique de la personne
88
ns cette année ! C’est beaucoup à la fois. Vous n’
êtes
plus l’intellectuel en chômage… Au contraire, je vais maintenant pouv
89
e quotidiennement la chronique, là-bas. Avez-vous
été
séduit par l’Amérique ? Je l’aime énormément ; c’est une autre civili
90
le si neuf ? Disons que leur conception de la vie
est
différente. C’est une question de mœurs, de rapports quotidiens. Ils
91
coliers. C’est d’ailleurs une très belle race qui
est
en train de se former, et de gens extrêmement gentils. Y a-t-il bien,
92
ant qui nous viennent de là-bas ? Puérils, ils le
sont
à nos yeux sur certains points, et nous le sommes à leurs yeux sur ce
93
e sont à nos yeux sur certains points, et nous le
sommes
à leurs yeux sur certains autres (par exemple, la manie de nous battr
94
ple, la manie de nous battre). À côté d’eux, nous
sommes
un peu « névrosés ». Ils sont évidemment très simplistes dans ce qu’i
95
côté d’eux, nous sommes un peu « névrosés ». Ils
sont
évidemment très simplistes dans ce qu’ils impriment, et manquent d’es
96
e s’en amuser. Si on les compare aux Français, il
est
indéniable que ces derniers, quoi qu’on dise, sont beaucoup plus « sé
97
est indéniable que ces derniers, quoi qu’on dise,
sont
beaucoup plus « sérieux ». L’Amérique est du reste un pays si vaste,
98
dise, sont beaucoup plus « sérieux ». L’Amérique
est
du reste un pays si vaste, si mélangé et si divers, que tout y est to
99
ays si vaste, si mélangé et si divers, que tout y
est
toujours vrai quelque part. C’est un résumé de la planète. On se sent
100
ite aujourd’hui, comme au centre du monde. Et, ne
serait
-ce que pour mieux comprendre leur continent grâce à l’éloignement, il
101
c rien à craindre de l’américanisme ? Pour ce qui
est
du matérialisme, avec son culte du confort et de la machine, son admi
102
e ou deux exceptions, les bons auteurs américains
sont
beaucoup plus connus en Europe qu’en Amérique. Ce qui est tout à notr
103
coup plus connus en Europe qu’en Amérique. Ce qui
est
tout à notre honneur ! L’Europe reste le continent de la création. L’
104
nent de la création. L’Amérique ne crée pas. Elle
est
plutôt complémentaire de l’Europe. Cela permettrait entre elles une e
105
lisme américain. J’ai peur, quant à moi, qu’il ne
soit
beaucoup trop timide ! Car les Américains redoutent énormément d’avoi
106
6, p. 3. g. Ces propos, recueillis par C.-P. B.,
sont
précédés de l’introduction suivante : « Après une absence de quelque
107
sence de quelque six années M. Denis de Rougemont
est
revenu au pays de Neuchâtel, dont il est une des fiertés. Ce retour n
108
ougemont est revenu au pays de Neuchâtel, dont il
est
une des fiertés. Ce retour n’est d’ailleurs que provisoire, l’écrivai
109
uchâtel, dont il est une des fiertés. Ce retour n’
est
d’ailleurs que provisoire, l’écrivain ayant laissé sa famille en Amér
110
la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’
est
mis au service d’une propagande étrangère, comme Oltramare ; il a par
111
s de Suisse, comme Oltramare encore. Les deux cas
étant
identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il faut acquitter
112
? Ni moi non plus. C’est que ce raisonnement n’en
est
pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si l’on admet avec cet avoca
113
j’ai vraiment agi comme son client, l’alternative
est
la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’est au
114
lient, l’alternative est la suivante : ou bien je
suis
coupable, mais alors Oltramare l’est aussi, la plaidoirie devient un
115
ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’
est
aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une dr
116
à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où
est
l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme
117
pour la radio, hors de Suisse, sur la politique.
Soit
. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots
118
es mots tombe dans le calembour juridique. Car il
est
vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par c
119
e question sérieuse qui se posait, notre avocat s’
est
bien gardé de la formuler, c’est celle du contenu des émissions. Oltr
120
acte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’
est
borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pou
121
et libres, vaut mieux que leur « ordre » où nous
serions
des morts, ou je ne sais quels esclaves honteux de vivre. h. Rouge
122
ne, Lausanne, 5 décembre 1947, p. 3. i. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « Mis en cause de singulière manière au
123
crée naturellement autour des « grands », et ils
sont
à Paris. Nous faisons partie de la littérature française. Or, il se t
124
érature française. Or, il se trouve que la France
est
un pays centralisé, dans sa vie littéraire aussi. Pourquoi s’insurger
125
ns romands comme un cas tout à fait singulier. Je
suis
prêt à le croire. Mais enfin, cela ne va pas de soi. Question 3. – «
126
qui importe. Combien de grandes œuvres ont-elles
été
écrites, et publiées, au lieu même et dans le milieu où leur auteur e
127
es, au lieu même et dans le milieu où leur auteur
est
né, où il a grandi ? J’en vois si peu, et je trouve en revanche tant
128
plus fréquente et la plus bénéfique à la fois) n’
est
pas précisément de vivre et de créer loin de son milieu et de sa prov
129
12. k. L’enquête à laquelle Rougemont répond ici
est
précédée du chapeau suivant : « Récemment, notre correspondant de Par
130
suffisants pour alimenter une littérature qui ne
soit
pas uniquement et strictement « locale » ? 2. A-t-il des chances d’êt
131
strictement « locale » ? 2. A-t-il des chances d’
être
compris par ses compatriotes ? Trouvera-t-il un public ? Des appuis ?
132
es appuis ? Un milieu ? 3. Le départ vers Paris n’
est
-il pas, en même temps qu’une tentative de retrouver ailleurs ce que l
133
e. D’autres suivront la semaine prochaine. […] Ce
sont
la concision et la vigueur qui distinguent la réponse de M. Denis de
134
naît, à son tour, que notre pays manque de ce qui
est
indispensable au succès d’une œuvre littéraire, il ne se répand point
135
L’Europe
est
encore un espoir (8 décembre 1949)l m Votre lettre est la meilleur
136
re un espoir (8 décembre 1949)l m Votre lettre
est
la meilleure preuve de l’urgence de notre congrès. Elle dit tout haut
137
prochent une hâte « imprudente », la différence n’
est
pas de jugement politique, mais d’expérience humaine, et surtout de s
138
encore vu qu’on ne leur laissera plus le temps d’
être
prudents. Trop tard, dites-vous. « L’Europe n’existe plus ». Les Russ
139
es Américains vont lui régler son compte, si ce n’
est
pas déjà fait. Et vous avez presque raison. Mais dans ce presque il y
140
e action. Je voudrais vous montrer que ce presque
est
une réalité, et qui change tout. Mon argument sera simple, le voici :
141
est une réalité, et qui change tout. Mon argument
sera
simple, le voici : Si notre Europe n’existait plus, si c’était vrai,
142
ais encore on va l’imprimer, puisque votre lettre
est
« ouverte ». C’est qu’il y a donc encore un peu d’Europe vivante. L’E
143
L’Europe existe encore, là où le cri des hommes n’
est
pas étouffé dans leur bouche, ou dans les sources mêmes de leur révol
144
êmes de leur révolte. Vous allez me dire : « Ce n’
est
qu’une survivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit de parle
145
Ce n’est qu’une survivance. En réalité, les jeux
sont
faits. Le droit de parler nous est encore laissé, mais c’est qu’il n’
146
ité, les jeux sont faits. Le droit de parler nous
est
encore laissé, mais c’est qu’il n’a plus d’importance. La possibilité
147
n’a plus d’importance. La possibilité d’agir nous
est
ôtée. » Venez donc à Lausanne, et nous en discuterons. (L’Europe exis
148
C’est l’illusion causée par la désillusion. Elle
est
très répandue, elle est si fascinante qu’elle risque bien de provoque
149
par la désillusion. Elle est très répandue, elle
est
si fascinante qu’elle risque bien de provoquer, comme tout vertige, l
150
n un clin d’œil. À l’ouest du rideau de fer, nous
sommes
300 millions : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Rus
151
de satellites, quatre-vingt-dix pour cent qui ne
sont
pas communistes. Une Europe en partie ruinée ? Mais elle relève déjà
152
le relève déjà ses industries ; et l’URSS n’a pas
été
traitée mieux qu’elle, qu’on s’en souvienne. Une Europe entre deux co
153
s gardons-nous des fausses symétries. La symétrie
est
une loi de la paresse, autant qu’un procédé de construction. Dans tou
154
nstruction. Dans toutes les choses humaines, elle
est
une illusion. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’union de l’Europe
155
es les choses humaines, elle est une illusion. Il
est
vrai que l’Amérique souhaite l’union de l’Europe. Ce n’est pas la mêm
156
que l’Amérique souhaite l’union de l’Europe. Ce n’
est
pas la même union que les Russes nous imposeraient ! L’Amérique veut
157
ous n’avons pas besoin des Russes. Les Américains
seront
forcés de nous forcer à l’union ou de nous abandonner, si nous n’arri
158
Il ne dépend que de nous d’y réussir. Les jeux ne
sont
donc pas faits. Il nous reste deux ans. Nous perdrons ces deux ans si
159
dra vraie. Cher ami, vous avez quelques raisons d’
être
plus pessimiste que d’autres. Tous ceux qui ont lu votre livre l’ont
160
Ils ont eu leur congrès ailleurs. À Lausanne, ce
seront
les savants, les poètes et les philosophes qui prendront enfin la par
161
Spaak, seul homme d’État invité à la conférence,
est
indemne du reproche d’avoir vendu vos peuples. Mais je pense que vous
162
es. Les Mages aussi pouvaient penser que l’Étoile
était
illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers un Enfant qui a sauvé
163
vé le monde. l. Rougemont Denis de, « L’Europe
est
encore un espoir », Gazette de Lausanne, Lausanne, 8 décembre 1949, p
164
terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes.
Est
-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et
165
hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart
sont
involontaires, ils ne font que subir leur condition. n. Rougemont
166
si, une fois de plus, que les nations de l’Europe
sont
solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le reconnaissent, et
167
ardent une ferme orientation. L’échec de la CED n’
est
pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’une diplomatie qui tentait
168
s. La vraie lutte pour l’Europe commence. Elle ne
sera
pas gagnée dans ces lieux indécents que sont les couloirs de parlemen
169
e ne sera pas gagnée dans ces lieux indécents que
sont
les couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le
170
1957)p Monsieur le rédacteur en chef, Je vous
serais
obligé de rassurer vos lecteurs : la photo jointe à l’article « Au Pe
171
s » ( Gazette de Lausanne des 2-3 février 1957) n’
est
pas celle du ministre britannique de la Défense. Elle représente un h
172
ar la fatigue et presque lugubre. Il semble avoir
été
« piqué » par le photographe non point au terme d’une mission brillam
173
tôt pendant le cours d’un épuisant congrès, comme
fut
le Congrès européen de la culture, qui se tint à Lausanne en décembre
174
embre 1949. Mon ami Duncan Sandys y prit part, il
est
vrai, en tant que président du Mouvement européen. Votre photo me rap
175
ons, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’
est
pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des solutions mé
176
on rationnelle d’activités qui par essence, ne le
sont
pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, d
177
inguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en
étant
centralisé et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, v
178
n restant libre et dispersé, voire anarchique. Il
est
clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un labor
179
sé, voire anarchique. Il est clair que nos villes
sont
trop petites pour se payer chacune un laboratoire de recherches nuclé
180
que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles
sont
trop petites pour que s’y développent à foison des écoles de peintres
181
naissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne,
étaient
alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout
182
petites que nos villes romandes actuelles. Elles
sont
tout de même devenues des foyers rayonnants de créations du premier o
183
de princes et de grands marchands de l’époque. Il
est
trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du
184
eux, que des choses raisonnables, mais la culture
est
faite par des passions individuelles et par des petits groupes qui ne
185
asser pour extravagants ou excessifs. Les comités
sont
par définition prudents et économes : leur rôle est normalement de ra
186
t par définition prudents et économes : leur rôle
est
normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour l
187
et prospère dans le gaspillage des forces et des
sommes
. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes d
188
lage des forces et des sommes. Je crains que nous
soyons
encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’excitation in
189
vanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient
été
un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répart
190
de répartition géographique équitable — ce qui n’
est
, soit dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout
191
épartition géographique équitable — ce qui n’est,
soit
dit en passant, qu’une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela
192
enterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’
est
pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « rai
193
os douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’
être
» ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de
194
ospérité économique sans précédent. Nos raisons d’
être
et de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédérali
195
édent. Nos raisons d’être et de rester Suisses ne
sont
pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le mo
196
re), Lausanne, 3–4 mars 1962, p. 13. r. Le texte
est
introduit par le chapeau suivant : « Grâce à l’obligeance de M. Denis
197
et ceux de la création. La moitié d’une vérité n’
est
qu’une sottise, surtout lorsqu’il s’agit de fédéralisme ! Me faire di
198
ue, c’est donc me faire dire une sottise, dont je
suis
heureux de ne pas être l’auteur. Voici mon texte : « Tout le secret d
199
dire une sottise, dont je suis heureux de ne pas
être
l’auteur. Voici mon texte : « Tout le secret du fédéralisme réside da
200
inguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en
étant
centralisé, et ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé,
201
L’Europe
est
d’abord une culture (30 juin 1962)t À suivre les débats qui se mul
202
2. Or, l’Europe que l’on tente aujourd’hui d’unir
est
d’abord une entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et
203
conformité avec le génie même de sa culture, qui
est
celui de l’union dans la diversité. On va voir que cette thèse « cult
204
position n’entraîne pas de longs commentaires. Il
est
évident que des peuples, ne songent à s’unir que s’ils ont en commun
205
n, internes ou externes. La seconde proposition n’
est
pas aussi évidente pour chacun. Cependant, il n’est pas difficile de
206
t pas aussi évidente pour chacun. Cependant, il n’
est
pas difficile de l’établir. Quand je dis que l’Europe est d’abord une
207
difficile de l’établir. Quand je dis que l’Europe
est
d’abord une entité culturelle, ou que son unité la moins contestable
208
que chacun connaît. Un fait de nature : l’Europe
est
le plus petit de tous les continents (4 % des terres du globe), et le
209
sur toute la terre par la civilisation dont elle
est
l’origine et le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la cul
210
jourd’hui toute la presse et tous les parlements,
est
essentiellement une réalité économique, on oublie que notre économie
211
éalité économique, on oublie que notre économie n’
est
pas tombée du ciel ni sortie du sol, et qu’elle ne tire pas son origi
212
rveaux, donc de notre culture. L’économie moderne
est
dominée par la technique, laquelle est née du mariage de nos sciences
213
ie moderne est dominée par la technique, laquelle
est
née du mariage de nos sciences spéculatives et de notre volonté de tr
214
otre volonté de transformer la nature, lesquelles
sont
nées de nos philosophies et de notre religion dominante, lesquelles n
215
s et de notre religion dominante, lesquelles nous
sont
venues d’Athènes et de Jérusalem à travers Rome et son empire, englob
216
ons, l’unité de base et la vitalité de l’ensemble
sont
en péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces de division qui
217
39, se résument dans le terme nationalisme. Elles
sont
, elles aussi, d’origine culturelle en dernière analyse. Mais l’opinio
218
nt qu’il ne s’exagère pas en chauvinisme. Mais qu’
est
-ce que le chauvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme des aut
219
ose aux intérêts économiques de ma nation, que je
sois
industriel, ouvrier, paysan ou politicien, je me dis que quelque chos
220
s. Ce début concret de la construction européenne
étant
ainsi replacé et situé dans le contexte de notre évolution, la questi
221
texte de notre évolution, la question qui se pose
est
de savoir s’il faut et s’il suffit, pour « faire l’Europe », que tout
222
plan technique et économique, dont les auteurs ne
sont
d’ailleurs pas dépourvus d’arrière-pensées politiques. ⁂ Même en adme
223
és traditionnelles, dans toute la mesure où elles
sont
encore fécondes, et enfin qu’elle se subordonne à une grande politiqu
224
esoin de centaines de milliers de techniciens. Il
est
concevable et faisable de les fabriquer en série au prix de l’éducati
225
e ou humaniste. C’est ce que fait l’URSS. Mais ce
serait
tuer la poule aux œufs d’or. La technique, inventée par l’Europe, pui
226
rincipes et mesures de cette culture générale, ce
serait
stériliser les sources mêmes de l’invention technique, favoriser le m
227
des études, insistance sur la culture générale en
sont
les trois maximes principales. D’autre part, le dynamisme unique dont
228
locales et d’uniformiser nos coutumes régionales
serait
antieuropéen. Notre culture puise son pouvoir de rayonnement universe
229
les tensions qui en naissent. D’autant plus nous
sommes
d’un canton, d’un pays, d’un climat religieux ou idéologique, d’autan
230
M. Debré, ne pensait qu’à l’Europe des États, qui
est
tout à fait autre chose.) Les modes d’emploi Enfin, l’Europe uni
231
modes d’emploi Enfin, l’Europe unie ne saurait
être
conçue comme un but en soi, comme un nationalisme agrandi et transpos
232
re culture et sa vitalité. ⁂ Le problème européen
étant
ainsi posé ou reposé à partir des réalités de notre culture une et di
233
és qui en résultent pour les Européens. La Suisse
est
aussi bien placée que n’importe quel autre pays pour faire valoir ces
234
e l’accusera jamais de néo-colonialisme ! Et elle
est
mieux placée que tout autre pour faire valoir les avantages d’une uni
235
a plaider sa cause ? Une union faite sans nous ne
sera
pas faite pour nous, c’est l’évidence. Mais nous aurons perdu le droi
236
n plaindre. t. Rougemont Denis de, « L’Europe
est
d’abord une culture », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), L
237
Perse évoquant les États-Unis et les traversant d’
est
en ouest se nomme Vents, et nul n’a compris ce pays s’il n’a pas déco
238
t un jour qu’un souffle immense de lyrisme nomade
est
le secret le mieux couvé dans l’inconscient des hommes de toute race
239
ent les forêts basses et denses aux couleurs de l’
été
indien, pendant des heures. Le « station-vagon » roule à 100, comme f
240
problème de dépassement, pas une injure, le ciel
est
bleu, les voies sont larges, et la radio du bord éclate en mélodies a
241
ment, pas une injure, le ciel est bleu, les voies
sont
larges, et la radio du bord éclate en mélodies accompagnées de bugles
242
envie de voir ou rien, pendant deux mois — je me
suis
gardé d’établir un programme et d’arranger des conférences. Je m’en r
243
m’en remets au dieu du Hasard, dont l’autre face
est
l’Organisation : ce Janus à deux fronts gouverne l’Amérique, mais il
244
adresses d’amis anciens. (Mais tout bouge ici, où
seront
-ils ?) Harvard Déjeuner avec Paul Tillich. Je ne l’avais pas re
245
einhold Niebuhr. Cet Allemand qui a fui les nazis
est
devenu le penseur religieux le plus influent de l’Amérique. C’est qu’
246
euse du tiers le plus religieux de l’Occident. Ce
sont
trois noms européens. Les Européens goguenards pour qui l’Amérique si
247
ue signifie Coca-Cola, twist et voitures géantes,
sont
en retard d’une génération intellectuelle. (Note de 1962 : Paul Tilli
248
é au bord de la route, dans une clairière et l’on
est
ami du patron et de la fille superbe qui nous sert le café après quel
249
s quelques échanges de phrases banales. Vivre ici
serait
une belle aventure intérieure. Air des hauteurs, plateaux boisés aux
250
en Europe, toutes vos maisons se touchent, vous n’
êtes
plus jamais seuls. » Je lui ai dit qu’il exagérait, qu’il y avait enc
251
. D’ici vingt ans… New England Williamstown
est
le site d’un célèbre collège de jeunes gens. Nous y entrons par une a
252
s petites universités les mieux dotées de la côte
Est
ou de la Californie. Ils y enseignent en général la substance même, o
253
ubstance même, ou la technique, des œuvres qu’ils
sont
en train d’écrire. Combien d’écrivains véritables, de peintres et de
254
Salle meublée comme un salon. Le professeur (qui
est
un poète) s’assied sur un canapé, les étudiantes sur un long divan, d
255
, sur des chaises, ou sur la moquette. La plupart
sont
en pantalon et blouses de sport. Quelques-unes ont gardé leurs bigoud
256
d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon
sera
consacrée à l’examen d’un court poème écrit par l’une d’entre elles,
257
nque, en l’occurrence l’expression littéraire. Il
est
exclu de parler de sentiment, bien entendu, ça ne se fait plus, mais
258
e vieux couple. Ces jeunes filles, dont plusieurs
sont
ravissantes dans leur tenue savamment négligée, parleront désormais d
259
ue et danse — pour 3 à 4000 dollars par an. Et ce
seront
elles qui domineront la société américaine de demain, avec une infail
260
s dispersés sur tout l’État. Ici, à Berkeley, ils
sont
plus de 25 000. Je vais y rencontrer une bonne trentaine de professeu
261
, jonchent les marches des divers halls. Beaucoup
sont
de couleur, toute nuance. Tous portent le même accoutrement si commod
262
croit que c’est fait… À 3 heures, la grande salle
est
pleine ; et l’on me conduit sur l’estrade. Fragments d’interventions
263
ok a répondu : « Cette attitude nous conduirait à
être
à la fois rouges et morts. » Ils ont parlé surtout de la guerre froid
264
ation d’une demi-heure. Sachant que mon auditoire
est
composé d’étudiants « très à gauche » et dont plusieurs se demandent,
265
n. Je leur rappelle aussi que le communisme russe
est
une création de l’Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’était fai
266
on de l’Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’
était
fait, protestant, écrit au British Museum, des articles que publie le
267
erald Tribune : on ne fait pas plus Européen.) Où
sont
les successeurs de l’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but
268
tateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire,
est
de rattraper l’Amérique, qui est une invention de l’Europe. Croyons à
269
à les en croire, est de rattraper l’Amérique, qui
est
une invention de l’Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’es
270
tions pleuvent : j’en reçois 42 par écrit. Rien n’
est
plus caractéristique de l’opinion actuelle des jeunes Américains. J’e
271
s exemples : « Le plus grand homme de notre temps
était
Gandhi. Pourquoi ne pas défendre nos valeurs en étant prêts à mourir,
272
t Gandhi. Pourquoi ne pas défendre nos valeurs en
étant
prêts à mourir, mais non pas à tuer, en leur nom ? » « Nous devons in
273
t la nécessité de l’action individuelle peut-elle
être
présentée de telle manière qu’elle ne soit pas méprisée comme un simp
274
t-elle être présentée de telle manière qu’elle ne
soit
pas méprisée comme un simple sermon ? » « La décision n’appartient-el
275
ux Soviets ? Car s’ils décident la guerre, a) ils
sont
victorieux et ils établissent le communisme mondial ; b) nous sommes
276
t ils établissent le communisme mondial ; b) nous
sommes
vainqueurs et nos chères valeurs occidentales sont détruites de toute
277
mes vainqueurs et nos chères valeurs occidentales
sont
détruites de toute façon. » « Admettez-vous que l’État-nation est une
278
toute façon. » « Admettez-vous que l’État-nation
est
une conception archaïque, et que la tendance à créer des marchés comm
279
tant le désarmement nucléaire ? » « À votre sens,
serait
-ce une bonne idée que tous les Américains intelligents se mettent à a
280
es de cabanes d’une seule pièce dénommée cubicles
sont
réservées aux moines laïques qui viennent y passer une année d’études
281
né avec plusieurs d’entre eux, puis une vingtaine
sont
venus discuter le plan d’une conférence sur l’Europe et le monde que
282
sens large. Mais encore faudrait-il le créer. Où
sont
nos fondations, à quoi pensent les mécènes ? 2. VIP : Very importa
283
-titré « Notes d’un journal de voyage », ce texte
est
introduit par le chapeau suivant : « “J’ai retrouvé mon Amérique”, no
284
Le problème « d’exprimer ce que cela veut dire d’
être
d’Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt
285
sociologie plutôt que de la littérature. Si l’on
est
né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, est-ce
286
, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon,
est
-ce vraiment plus facile à expliquer ? A-t-on vraiment de meilleures c
287
omo helveticus dans le cas particulier, valdensis
serait
plus exact — cette idée m’est tellement étrangère que je crains de ne
288
ulier, valdensis serait plus exact — cette idée m’
est
tellement étrangère que je crains de ne pouvoir rendre justice à la p
289
t pimenté d’exotisme valaisan. « Entre nous, nous
sommes
racistes », me disait-il un jour — provocateur ! Il aurait sans nul d
290
s » à une philosophie, même existentialiste. Il s’
est
fait un langage de peintre, en prose. Plutôt que d’une « rationalité
291
e la classe de rhétorique ? Je ne sens pas que ce
soit
aux « préjugés spiritualistes » qu’il se heurte, mais plutôt au matér
292
surée — et les remarques de M. Tauxe sur ce point
sont
aussi justes qu’opportunes. Quelles sont les chances particulières du
293
ce point sont aussi justes qu’opportunes. Quelles
sont
les chances particulières du Suisse romand ? Bénéficiant d’une struct
294
s thèmes rebattus ! Si cela ne donne plus rien, n’
est
-ce pas le signe qu’il serait temps de se tourner vers autre chose ? L
295
a ne donne plus rien, n’est-ce pas le signe qu’il
serait
temps de se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’élan, l’amour, le m
296
tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’
es
échappé d’un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquê
297
9-10 février 1963)y z Quand Denis de Rougemont
était
en Amérique, il lui arriva un jour de décrocher son téléphone, et d’e
298
historiens, la Sorbonne et Jean-Paul Sartre, ont
été
confirmées avec éclat par de récents travaux d’érudition. Bon. Mais v
299
donner forme à l’irrationnel, ils ne veulent plus
être
poètes, ils calculent, ils cherchent de façon purement intellectuelle
300
se, d’épuisement. Ne croyez-vous pas que l’Europe
est
épuisée ? Absolument pas. D’ailleurs, si elle l’était, qui reprendrai
301
t épuisée ? Absolument pas. D’ailleurs, si elle l’
était
, qui reprendrait le flambeau ? Les autres civilisations, oui, sont ép
302
rait le flambeau ? Les autres civilisations, oui,
sont
épuisées. Elles ne font, pour l’essentiel, que prendre ce que nous le
303
ndre ce que nous leur donnons. Mais si nos mythes
sont
morts… Ils sommeillent. Ils attendent que nous soyons tout à fait sor
304
nt morts… Ils sommeillent. Ils attendent que nous
soyons
tout à fait sortis de cette période d’anarchie, que nous mettions en
305
lque chose. Mais la société européenne n’a jamais
été
moins asservie par les impératifs ou par les interdits de la religion
306
ormes et d’inédits. La terre se surpeuple. Chaque
être
est tellement enserré par les autres, tellement dépendant, conditionn
307
et d’inédits. La terre se surpeuple. Chaque être
est
tellement enserré par les autres, tellement dépendant, conditionné pa
308
as voir le problème ? Aujourd’hui déjà, notre vie
est
balisée de feux verts, de feux rouges et de feux clignotants. Nous le
309
ux instincts, de très vieux mythes. Vous savez, l’
être
humain n’a pas changé dans ses profondeurs, Jung a montré de quelles
310
morialement superposées, entrelacées, notre moi s’
est
fait. Notre animisme est assez bien formé, assez puissant, assez rusé
311
entrelacées, notre moi s’est fait. Notre animisme
est
assez bien formé, assez puissant, assez rusé pour trouver soudain, qu
312
ant, assez rusé pour trouver soudain, quelles que
soient
les circonstances, de nouvelles portes de sortie. Jung a écrit précis
313
xtrêmement proches du xiie siècle. La Chasteté n’
est
pas le refoulement de l’amour, la négation de la Femme. C’est au cont
314
blimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’
être
longuement abâtardi, commence à se manifester par quelques signes ava
315
vant-coureurs ? C’est tout à fait possible. Ici s’
est
terminé notre entretien, ici commence la conférence de Denis de Rouge
316
ure normale, à laquelle la culture et la religion
seraient
venues surajouter leurs faux problèmes… Cette illusion touchante peut
317
as à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous
sommes
, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion prop
318
on la plus éclairante de ce mythe me paraît avoir
été
donnée par Dante en son Traité de l’éloquence vulgaire, au chapitre s
319
es non seulement la Nature, mais le Naturant, qui
est
Dieu, et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite a
320
et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui
fut
ensuite appelée Babel, ce qui veut dire confusion. Grâce à cette tour
321
quait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ils
fussent
frappés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que tous ceux q
322
jetés dans une confusion telle que tous ceux qui
étaient
venus à l’œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter
323
que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée
furent
ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus
324
qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’
étaient
tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie des travailleurs et
325
si donc, l’origine de la diversité des langues ne
serait
autre que la spécialisation des métiers et par suite des jargons de m
326
s esprits, publiée vers 1920 : « Les Européens se
sont
jetés dans une aventure prodigieuse qui consiste à modifier les donné
327
gence à grande échelle, d’une part. Les distances
sont
presque annulées par la vitesse des communications. Les nations tende
328
reconnaissent et s’admettent. Déjà l’intégration
est
à la mode. Demain ce sera le métissage universel, après un certain no
329
tent. Déjà l’intégration est à la mode. Demain ce
sera
le métissage universel, après un certain nombre de conflits peut-être
330
e conflits peut-être atroces, mais dont l’issue n’
est
pas douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur un pied théorique
331
nous quelques instants pour nous demander quelles
sont
les causes, le moteur et l’agent de ce mouvement universel de converg
332
découvert la terre entière, et personne d’autre n’
est
jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne
333
lavage. Le droit des gens valable pour toute race
est
une création de l’Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abor
334
ia et Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel et Kant en
sont
les pères, et je ne leur vois guère de répondant dans les élites d’As
335
e ses techniques et procédés, et l’on se réclame,
fût
-ce pour les retourner contre l’Europe, de ses doctrines politiques et
336
e prononce, précisément au cœur de sa culture qui
fut
l’agent de la convergence mondiale, un mouvement radicalement contrai
337
e dissociation, de division et de séparation, qui
est
proprement babélique, ne me paraît nulle part plus visible et plus fa
338
l’univers du savoir humain, faculté et spécialité
sont
en train de s’éloigner les unes des autres avec une vitesse croissant
339
est dire que la commune mesure d’une civilisation
est
en train de s’évanouir — j’entends par là, sa conception de l’homme u
340
ité aux deux sens primitifs de l’universitas, qui
sont
le sens corporatif, communautaire, et le sens synthétique ou universa
341
synthétique ou universalisée. Nos universités ne
sont
plus guère, en fait, que des agglomérats ou juxtapositions souvent fo
342
t suffire ici : le nombre des étudiants en France
était
de 42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit
343
s étudiants en France était de 42 000 en 1924, il
est
d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans
344
d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il
sera
de 500 000 dans une dizaine d’années. (Seules n’auront pu varier les
345
re avant les grands cours.) L’explosion du savoir
est
plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer et d’autres savants amé
346
ntifiques ayant vécu depuis l’aube de l’histoire,
sont
vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait un jour : si vous et m
347
lié, nous ne saurions qu’un dixième de ce qu’elle
est
aujourd’hui. Ces données numériques, que je prends pour images, sont
348
es données numériques, que je prends pour images,
sont
probablement vraies en gros dans le domaine des sciences exactes (mat
349
eut-être en psychologie ; rien de comparable ne s’
est
produit et ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie
350
ormalement quand les informations ne peuvent plus
être
échangées entre les branches du savoir, ou entre les rameaux d’une mê
351
rapportés à quelque unité globale de conception,
soit
originelle soit finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exempl
352
lque unité globale de conception, soit originelle
soit
finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exemple précis illustr
353
d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un physicien, ne
serait
plus en mesure de le juger comme l’Église jugea Galilée, parce que, t
354
ns du physicien et la dogmatique de l’Église doit
être
estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que le physicien ne
355
physicien ne saurait pas davantage si sa démarche
est
conforme ou non à la théologie, et fort probablement ne s’en souciera
356
és3. Mais il y a le point de vue de l’esprit, qui
est
différent. L’esprit humain, et particulièrement l’esprit européen, ne
357
de catastrophe. Après tout, la tour de Babel ne s’
est
pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ont seulement abandonnée, ne s
358
pays, paraît plus florissante que jamais : loin d’
être
abandonnée, elle attire une foule croissante de travailleurs et de cu
359
État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle
est
devenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’on l’agrandisse !
360
grandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais
été
mortelles pour les administrations : elles représentent an contraire
361
loi de Parkinson. L’incommunicabilité des savoirs
est
ressentie par notre esprit comme une frustration, comme une blessure
362
ines forcément partielles, pouvant à tout instant
être
mises en question, radicalement, par d’autres disciplines, et qui ne
363
hodiquement sur elles-mêmes, acceptant ainsi de n’
être
peut-être plus tout à fait vraies — mais tant pis, cela ne se sait pa
364
osseuse, et très peu d’articulations… Au vrai, il
est
devenu presque impossible de répondre à une telle question, et c’est
365
la fois, sans choix bien motivé sur lequel on se
soit
accordé ? Il est vrai que ces questions débordent le seul domaine de
366
ix bien motivé sur lequel on se soit accordé ? Il
est
vrai que ces questions débordent le seul domaine de l’Université, et
367
y répondre. Le problème qu’on soulève ici, et qui
est
celui du principe de cohérence de notre civilisation, me paraît absol
368
a, et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela
soit
compatible ou non avec l’image du monde communément admise. La plural
369
sation de la philosophie et de la recherche qui s’
est
manifestée bien avant la Renaissance, probablement au xiiie siècle —
370
r dans quelle mesure l’apparition de l’Université
est
liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime, soit qu’elle réagisse co
371
parition de l’Université est liée à ce phénomène,
soit
qu’elle l’exprime, soit qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme,
372
est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime,
soit
qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce serait un beau sujet
373
qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce
serait
un beau sujet d’études.) Pourquoi travaillez-vous autant ? Or r
374
i travaillez-vous autant ? Or rien de tel ne s’
est
produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrées et homogène
375
l’Amérique précolombienne. Dans ces cultures tout
est
sacré. La distinction sacré-profane n’existe pas, en ce sens que sage
376
esse spirituelle, science ethnique et esthétique,
sont
réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas de développements pa
377
liers et divergents. L’originalité, pour elles, n’
est
pas vertu, mais atteinte à l’ordre sacré — ou simple erreur d’exécuti
378
os passions et vos désirs ? Bien peu d’entre nous
sont
capables de donner une réponse satisfaisante. Le spécialiste se récus
379
relles dans l’Occident christianisé — alors qu’il
est
clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellem
380
ter leur ignorance méthodique des domaines qui ne
sont
pas de leur département. Je reprends ici mon exemple du physicien et
381
tion et du Progrès, il faudrait que le théologien
soit
capable de se référer non seulement aux conciles et aux textes sacrés
382
uels sur le temps, la matière et sa constitution,
est
étrangement homologue à celle des grandes querelles théologiques de N
383
s, un sujet qui demanderait de gros ouvrages pour
être
exposé sérieusement. Ce qu’il m’importe de marquer par cet exemple, c
384
rs spécialisés et synthèse de nos connaissances n’
est
guère qu’un cas particulier. Le paradoxe européen par excellence de l
385
éen par excellence de l’union dans la diversité n’
est
pas seulement celui de l’Université, mais celui de notre politique d’
386
s me paraissent assez évidentes. La généralité n’
est
pas une matière enseignable. Elle ne peut vraiment consister que dans
387
ramifications interdisciplinaires de ce que l’on
est
en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, même prolo
388
’on est en train d’étudier dans le détail. La vie
est
trop courte, même prolongée comme on nous le promet jusqu’à une moyen
389
tion du savoir, loin de représenter un progrès, n’
est
littéralement qu’une monstruosité : le développement excessif d’un or
390
i-ci exorbitant : perdre de vue l’ensemble humain
est
une perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, addition
391
la recherche la plus hautement spécialisée qui s’
est
vue conduite par les nécessités internes de son cheminement, à débouc
392
tudiant le principe de l’irréversibilité du temps
est
amené à écrire « qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos est t
393
« qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos
est
trop étriquée » ; et que la physique de demain risque de se trouver o
394
Carrefours de vérités Une phrase de Spinoza s’
est
fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : « D’autant plus nous conn
395
orer, elle me paraît rendre compte du fait que ce
sont
les meilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin d
396
n soi acquis par les spécialistes. Toute synthèse
est
un acte créateur, intervenant au carrefour de plusieurs vérités hétér
397
re culture et de nos universités, devrait d’abord
être
confiée à des groupes de chercheurs représentant des disciplines dive
398
ptimum des participants de tels groupes me paraît
être
, à l’expérience de nombreux colloques portant sur des sujets interdis
399
eaucoup mieux notre affaire. Ce qui importe, ce n’
est
pas que la synthèse s’opère dans le vide, ou au ciel des Idées, — car
400
Ce qu’il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce
sont
des hommes de synthèse, un type nouveau d’hommes de pensée en qui s’i
401
e la fécondité de leurs interférences. Ces hommes
seront
d’abord des spécialistes, et qui prouveront leur excellence en tant q
402
conscience de ce qu’ils ne peuvent se contenter d’
être
seulement des spécialistes. Favoriser ou fomenter ce type humain, lui
403
utre par des facteurs quantitatifs irréversibles,
serait
de multiplier sans plus tarder le nombre des établissements d’enseign
404
supérieur. D’une part, les universités existantes
seraient
progressivement libérées de leur engorgement, d’autre part les dimens
405
, me semble-t-il, les rapports d’experts qui vous
sont
soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européen
406
rit la règle d’or de la culture européenne, qui n’
est
rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnel
407
munautaire et de tout bon travail en commun, l’on
sera
conduit à préférer la multiplication de petites universités à la mult
408
d’un milieu donné, cité, pays ou université. Ce n’
est
pas du tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue
409
million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce
sont
les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, s
410
ys d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs,
soit
dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la S
411
as plus sur ce point : dans les petits pays, tout
est
petit, y compris les universités. Mais sur le problème de l’explosion
412
rêve, mais rien ne devient jamais réel qui n’ait
été
d’abord rêvé. La multiplication des universités, maintenues dans les
413
re supranationale. J’en imagine le prototype, qui
serait
une tour d’anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un la
414
vités intellectuelles de cette communauté peuvent
être
définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cour
415
es risques et périls : toute déclaration publique
est
obligatoirement suivie d’une discussion réglée. Ici l’on n’impose pas
416
Faire le monde Et quant au contenu : seuls
sont
portés au programme les sujets par essence interdisciplinaires. J’ent
417
sciplinaires. J’entends par là : les sujets qu’il
serait
le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés classiques.
418
ici quelques-uns des sujets que, pour ma part, je
serais
heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’étais jugé digne de part
419
rais heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’
étais
jugé digne de participer aux activités de la commune. 1. Les options
420
ventions ou découvertes de la science et des arts
sont
-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des fins utili
421
us tiriez de mes propos, cet institut de synthèse
serait
idéalement ce dont on parle un peu partout, plus ou moins bien, depui
422
our fin de recréer l’union dans la diversité, qui
est
la formule de notre grand passé, et de notre avenir, intégré, le seul
423
ire la possibilité d’un écrivain qui mériterait d’
être
appelé suisse, comme Hölderlin fut sans conteste allemand ou Leopardi
424
mériterait d’être appelé suisse, comme Hölderlin
fut
sans conteste allemand ou Leopardi italien, bien avant que l’Allemagn
425
re et la carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’il
est
l’un de ceux, très rares, dont la personne, le style, la formule créa
426
s qu’il a vécus et qu’il avait prévus. Burckhardt
est
le type même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action,
427
r de dire que « C.J.B. », l’homme dont la stature
est
imposante, est aussi un conteur fascinant, un humoriste redoutable, e
428
C.J.B. », l’homme dont la stature est imposante,
est
aussi un conteur fascinant, un humoriste redoutable, et un grand chas
429
illage préromain au milieu du val Bregaglia. Il y
était
né comme ses ancêtres, il y avait passé les 14 premières années de sa
430
eille mère et travailler dans l’atelier qui avait
été
celui de son père. Il y est mort hier soir, puisse-t-il y reposer par
431
s l’atelier qui avait été celui de son père. Il y
est
mort hier soir, puisse-t-il y reposer parmi les siens, « réuni à son
432
» Là-dessus des théories bien saugrenues, et nous
sommes
allés prendre un verre sur la terrasse du Café de la Poste, au grand
433
ce, il a fallu tout cela pour que celui qui avait
été
l’un des « phares » baudelairiens de notre adolescence loin de Paris,
434
nnalistes où je militais, cessât tout d’un coup d’
être
un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîner tête-à-têt
435
n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous rencontrer. « Ce
sont
de ces conneries ! Et que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces qu
436
mpu sans retour. Ce soir-là, au Village, mon rêve
est
devenu vrai : nous parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’a
437
tations visibles et officielles du christianisme,
était
un être religieux par excellence. C’est même sans doute parce qu’il j
438
isibles et officielles du christianisme, était un
être
religieux par excellence. C’est même sans doute parce qu’il jugeait l
439
artisan lui semblait des plus exaltants. Or, il n’
est
rien de commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fanati
440
trines hors le grand ton de rigueur fanatique qui
était
l’un des aspects de la poésie selon Breton, autrement dit, de sa « re
441
Parfois, on arrangeait une fête (comme celle qui
fut
dédiée au Nombre 21) ou une exposition, ou une vitrine (Breton, Selig
442
t d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fourier
était
alors son nouvel intercesseur : il insistait pour m’en lire des chapi
443
rs, de l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il
était
le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-garde ! « Ombre frénét
444
euse du Père Enfantin… une grande réparation vous
est
due », écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard, et il poursuit
445
fice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’
est
mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il était temps d’alle
446
ieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’il
était
temps d’aller regarder de plus près qu’on ne l’avait fait saint Augus
447
visiblement, et avec raison : son Augustin à lui
était
sans nul rapport avec celui qu’avait canonisé « l’Obscurantisme ». Un
448
la vie par une sédition passionnelle (« la beauté
sera
convulsive ou ne sera pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Au
449
n passionnelle (« la beauté sera convulsive ou ne
sera
pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libertair
450
vait exister que pour lui seul. De personne je ne
suis
à ce point sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’ex
451
s mémoires, c’est plutôt sa mémoire elle-même qui
est
le sujet du livre, et comme son véritable auteur. Ces souvenirs ne se
452
, et comme son véritable auteur. Ces souvenirs ne
seront
donc pas faits de dates, d’événements et de justifications, comme ceu
453
re quatre, et qui voudrait s’en plaindre ? (C’eût
été
bien mal vu des professeurs dans ma jeunesse, ils croyaient dur comme
454
dur comme fer à « l’unité », l’unité à tout prix,
fût
-ce au prix de l’ennui — un peu comme dans le Nouveau Roman.) Cette va
455
ès Suisse en cela du moins — Jacques Chenevière n’
est
pas « seulement » un écrivain. Une seconde vocation le requiert, dès
456
l cherche à « distancier », vainement d’ailleurs,
sont
admirables. L’agence des prisonniers Descriptions d’une mémoire
457
lus, que j’aimerais évoquer ici, mais beaucoup ne
sont
pas de celles que l’on peut désigner facilement, faites d’atmosphère,
458
ent, et d’un regard imaginant. Presque rien n’eût
été
enregistré par l’objectif (si bien nommé) et pourtant quelque chose s
459
ectif (si bien nommé) et pourtant quelque chose s’
est
passé puisque en demeure dans le souvenir cette trace toujours vive,
460
préféreriez-vous, Monsieur ? — N’importe quoi qui
soit
utile. Et dès aujourd’hui si vous voulez. » C’était Romain Rolland. I
461
osé. Mussolini répond, Chenevière l’observe. « Il
est
dressé, les mains au bord de la table — où je remarque soudain une co
462
aux raisins pâles. Il tient le menton haut… L’œil
est
impérieux, mais impérieux dans le vide, semble-t-il, car il fixe on n
463
ien au-delà de nos personnes, quoique l’attention
soit
évidente, concentrée. » Tout s’étant bien passé, les délégués s’en vo
464
e l’attention soit évidente, concentrée. » Tout s’
étant
bien passé, les délégués s’en vont. « Je ne pus me retenir de regarde
465
condes par-dessus mon épaule : Mussolini, de dos,
était
arrêté devant la table officielle. Plus du tout cambré, il piquait de
466
t de Traz à la Revue de Genève (dont Chenevière
fut
codirecteur), Pierre Girard blotti dans un bar ou poussant du pied le
467
loge, puis leurs rencontres à Genève et à Paris,
sont
décrites dans le registre d’un comique assez vif, mais l’amitié ou l’
468
de Pougy — devenue mondiale et vraie princesse —
est
l’un des épisodes les plus proustiens du livre. Mais voici beaucoup m
469
s et princesse Metternich — dames d’antan, et qui
furent
de ces grandes corolles posées sur la prairie auprès de l’Impératrice
470
lus tôt pour un bal de la Cour (« Avouez que nous
étions
un peu rivales… »), s’élève jusqu’au sublime dans la frivolité et tou
471
touche aux ravissements d’une poésie pure. Quels
sont
les secrets de l’écriture qui anime ainsi tant d’images, et si variée
472
nfances et surtout les adolescences du poète, qui
sont
triples : l’élocution bien déliée du Parisien, la chaleur drôle du Mé
473
l’adjectif infaillible, comique ou émouvant, qui
est
avec le mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux de la littérat
474
e, le sérieux de la littérature. Et tout le reste
est
linguistique, dirait Verlaine s’il revenait parmi nous. 4. Retour
475
éclat « plus clair que mille soleils », cet homme
était
d’Europe par les mesures et les affinités de sa pensée, mais il me do
476
ute espèce de religion des prêtres. « Nous devons
être
absolument séculiers » insistait-il. Mais une fois je l’entendis murm
477
ndis murmurer, avec un demi-sourire : « Peut-être
suis
-je plus chrétien que quiconque… Il faudra bien que je vous l’explique
478
Il faudra bien que je vous l’explique quand nous
serons
seuls. » C’était il y a deux ans, je ne devais plus le revoir. Il aim
479
Rougemont dans sa maison de Ferney-Voltaire, qui
est
comme le signe sensible de la situation que l’écrivain n’a cessé d’oc
480
cipal morceau inédit, précise Denis de Rougemont,
est
Sur l’Automne 1932 , qui joint Paysan du Danube et Journal d’un i
481
ort. Nous pensions que la société où nous vivions
était
fichue, qu’on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : fair
482
la guerre, qui résume toutes les injustices. Nous
étions
frappés par l’anarchie des pays dits démocratiques et par les réactio
483
jeunes gens qui voulaient faire la révolution, n’
était
pas nette. Nous refusions aussi bien la dictature stalinienne du part
484
elle que l’incarnaient Hitler et Mussolini. Quels
furent
, au niveau des faits, les éléments importants de cet automne 1932 ? B
485
portants de cet automne 1932 ? Beaucoup de choses
sont
sorties à ce moment-là : le premier numéro de la revue Esprit , le p
486
ens et philosophes qui nourrissaient notre pensée
étaient
Karl Barth, Kierkegaard, et Heidegger que Corbin commençait à traduir
487
dieu, Robert Aron et Alexandre Marc, le mouvement
était
d’inspiration proudhonienne, avec quelques influences marxistes (du j
488
ngé quelques lettres assez vives. Pour ma part, j’
étais
relié aux trois mouvements, n’ayant jamais voulu être l’homme d’une s
489
relié aux trois mouvements, n’ayant jamais voulu
être
l’homme d’une seule secte. Peut-être adoptais-je, sans m’en douter un
490
, comme moyens de libération de la personne. Nous
étions
également en relation avec Réaction, un mouvement d’extrême droite où
491
l’Europe ? Je dirai que dans ces journaux, qui ne
sont
pas des mémoires et se tiennent à égale distance de la chronique et d
492
que des positions idéologiques. Cette sensibilité
est
assez fréquente en Suisse, située à la croisée des chemins. C’est ain
493
chemins. C’est ainsi que, Suisse français, je me
suis
nourri de Goethe, de Novalis, et de Hölderlin que les jeunes Français
494
l existe un filon de romantisme allemand qui nous
est
très proche et, chose curieuse, la langue ne constitue pas un barrage
495
ie de plusieurs clubs. Je considère que ma patrie
est
Neuchâtel, ma nation la Suisse, ma nation culturelle la France, ma co
496
enraciné. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à
être
d’un pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule chose
497
à me sentir européen. La seule chose inadmissible
est
d’être enfermé dans les frontières d’un État-nation. « L’orgueil nati
498
entir européen. La seule chose inadmissible est d’
être
enfermé dans les frontières d’un État-nation. « L’orgueil national, a
499
ation. « L’orgueil national, a écrit Simone Weil,
est
loin de la vie quotidienne. » Je suis très sensible aux particularité
500
Simone Weil, est loin de la vie quotidienne. » Je
suis
très sensible aux particularités d’un pays, d’une région, qu’il s’agi
501
la personne qui se crée et l’époque qu’elle vit n’
est
-elle pas la caractéristique fondamentale de votre vie et de votre œuv
502
és antinomiques, valables l’une et l’autre, telle
est
pour moi la formule de base du fédéralisme. Maintenir les contraires,
503
e doit conduire l’action : mais sans agir, elle n’
est
pas vraie pensée. » ⁂ Quittant Ferney-Voltaire, où des êtres humains,
504
raie pensée. » ⁂ Quittant Ferney-Voltaire, où des
êtres
humains, semblables à des millions d’autres, terminent calmement leur
505
identité au douanier ! L’Europe des politiciens n’
est
pas encore celle des intellectuels, mais une œuvre comme celle de Den
506
mais une œuvre comme celle de Denis de Rougemont
est
là pour nous aider à ne pas désespérer complètement de l’esprit. a
507
r brider sévèrement son imagination, obsédé qu’il
est
par la crainte que ses projets ne soient pas « sérieux », c’est-à-dir
508
bsédé qu’il est par la crainte que ses projets ne
soient
pas « sérieux », c’est-à-dire puissent paraître « nouveaux », et ne c
509
après les nuits de mai du Quartier latin, ce qui
était
utopie devient nécessité, ce que l’on qualifiait avec un sourire indu
510
de Zukunftsmusik devient urgence (peut-être même
est
-il trop tard), et chacun d’affirmer qu’il l’avait toujours dit… Sans
511
s anciennes5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’
est
-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie et xiiie siècles, c’
512
sa propre police et s’administre elle-même. Elle
est
formée par la totalité (universitas) des maîtres et des élèves, et en
513
entiarum). Au sein de cette communauté, les idées
sont
débattues selon la méthode scolastique du sic et non (le débat des po
514
époque, Abélard. La substance de cette Université
est
donc la disputatio, confrontation permanente et contestation méthodiq
515
ste plus. Ce qu’on persiste à décorer de ce nom n’
est
que la juxtaposition d’une quantité variable d’écoles professionnelle
516
a société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle
soit
amenée à contester les finalités productivistes de la plupart des éco
517
plupart des écoles. 4. Les méthodes, elles aussi,
sont
différentes, voire opposées. Pour les écoles ou facultés : acquisitio
518
hés ». Mais le rôle d’une Université digne du nom
serait
plutôt de favoriser de meilleurs débouchés sur la connaissance. 6. Ce
519
s ». Cependant, avant de contester la société, il
serait
bon de la connaître par l’une au moins de ses activités. L’école prof
520
taires correspondants. Une école de médecine peut
être
trop grande pour tel canton, une école polytechnique pour tel autre :
521
ion nationale. De même, les recherches nucléaires
sont
trop grandes pour la Suisse, exigent la dimension continentale, etc.
522
des écoles professionnelles ou facultés devraient
être
revus à l’aide de cette méthode, la seule à mon avis qui ait le droit
523
t l’Université parce qu’un centre de contestation
est
indispensable à toute société de type européen, d’une part pour faire
524
Les dimensions optimales d’un groupe de recherche
sont
restées celles d’un studium médiéval : dix à quinze étudiants pour un
525
des recherches. 13. Les cours ex cathedra doivent
être
conservés : ainsi quand il s’agit d’exposer les recherches inédites q
526
it d’exposer les recherches inédites qu’un maître
est
en train de faire et qui peuvent intéresser beaucoup d’étudiants. Une
527
us tard, publié. 14. Un professeur ne devrait pas
être
et avoir été seulement professeur. Il ne devrait pas être jugé sur se
528
é. 14. Un professeur ne devrait pas être et avoir
été
seulement professeur. Il ne devrait pas être jugé sur ses seuls titre
529
avoir été seulement professeur. Il ne devrait pas
être
jugé sur ses seuls titres universitaires mais sur sa valeur comme pra
530
écialisées en physique, chimie, astronomie, etc.,
sont
trop chères pour une ville, un canton : la concentration des moyens a
531
echerches interdisciplinaires (sciences humaines)
sont
peu coûteuses, demandent peu d’espace, et peuvent s’organiser n’impor
532
mobilité des chercheurs, enseignants et étudiants
est
donc indispensable à la vie d’une Université digne du nom. 16. Il ne
533
e science ou une technique, dont les principes ne
seraient
pas remis en question et « contestés » par l’Université, dépérirait o
534
et « contestés » par l’Université, dépérirait ou
serait
balayée. Tandis qu’une Université subordonnée à la société, donc priv
535
uité dans l’imagination, cesserait du même coup d’
être
une Université, et n’aurait plus qu’à disparaître. 17. Une Université
536
re. 17. Une Université digne du nom, dont le rôle
serait
d’orienter les options fondamentales de notre société, en fonction d’
537
ion et de rayonnement culturel. Ce que ne peuvent
être
, bien évidemment, ces encombrants conglomérats d’écoles professionnel
538
ionnelles, l’économie, et la société tout entière
sont
menacées de perdre le sens, en même temps que les moyens de s’en aper
539
u public : on croit bonnement qu’un auteur engagé
est
celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un par
540
bonnement qu’un auteur engagé est celui qui s’en
est
remis une fois pour toutes à la politique d’un parti, quand il s’agit
541
un sens partisan ou militaire du terme. Mon sens
était
plutôt poétique, si j’ose dire, moral, philosophique et religieux. De
542
hain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage
était
le lieu de l’engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : q
543
ine, et ce passage était le lieu de l’engagement.
Est
-il encore praticable ? Autrement dit : quelle peut être aujourd’hui,
544
l encore praticable ? Autrement dit : quelle peut
être
aujourd’hui, au fait et au prendre, la responsabilité de l’écrivain d
545
bilité de l’écrivain dans la cité ? ⁂ Responsable
est
celui qui peut dire, dans une situation donnée : j’en réponds ! Mais
546
elle face à l’événement historique qu’un écrivain
est
engagé — ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’é
547
a date que l’Histoire lui attribue — Histoire qui
est
le produit de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par
548
de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne
soit
par lui-même événement, et dont l’œuvre ne constitue une partie de la
549
1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’
est
pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les courants locaux et
550
nds et en formation, sans essayer d’agir sur eux,
soit
qu’il n’en ait aucune envie, soit qu’il désespère d’en avoir les moye
551
d’agir sur eux, soit qu’il n’en ait aucune envie,
soit
qu’il désespère d’en avoir les moyens, ou nie que ces moyens puissent
552
et romanciers du xixe et du xxe siècle peuvent
être
rangés dans cette catégorie très vaste, dont la limite inférieure ser
553
e catégorie très vaste, dont la limite inférieure
serait
symbolisée par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode,
554
d’Amérique après la guerre, j’avais compris qu’il
était
indispensable d’unir les Européens. Non seulement nous-mêmes, mais le
555
présentait notre vieux continent. En août 1947 on
est
venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens à M
556
ntreux où j’ai prononcé un discours inaugural : j’
étais
engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mou
557
éen. À partir du congrès de La Haye en 1948 je me
suis
beaucoup penché sur ce problème de l’union des Européens sur la base
558
et union. L’unité existe ou n’existe pas. L’union
est
ce que l’on peut bâtir. Non pas une uniformité mais un certain mode d
559
Cette base commune de culture et de civilisation
est
la condition sine qua non d’une union économique et politique. J’ai d
560
oire européen de recherches nucléaires. Le CERN a
été
la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avo
561
coordonné les instituts d’études européennes qui
étaient
en train de se constituer dans différentes universités. Nous avons pr
562
s une politique des régions. Par exemple l’Italie
est
déjà divisée en dix régions par sa Constitution ; l’Allemagne en 11 L
563
dessine en France un grand mouvement qui vient d’
être
appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de rég
564
plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens
est
que ces régions, définies surtout par l’économie, se définissent auss
565
nion. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous
serons
colonisés par le dollar et peut-être par une certaine idéologie marxi
566
ar une certaine idéologie marxiste — quoique cela
soit
moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée éco
567
ique cela soit moins sûr. Mais le fait de ne plus
être
maîtres de notre destinée économique entraînerait une quantité de con
568
ce sujet une importante littérature en France qui
est
le pays le plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeune
569
e de jeunes sociologues et économistes français s’
étant
penchés sur ce problème. L’union mondiale ne sera concevable que s’il
570
tant penchés sur ce problème. L’union mondiale ne
sera
concevable que s’il existe une solide fédération européenne. Ce sera
571
s’il existe une solide fédération européenne. Ce
sera
le point d’accrochage d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici à
572
on mondiale. Sans doute d’ici à dix ou quinze ans
serons
-nous parvenus à créer des régions sur une base économique, historique
573
ethnique — tout cela mêlé à doses variables — qui
seront
de plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intel
574
èmes européens, c’est que l’unité du genre humain
est
une invention des Européens. C’est l’Europe chrétienne qui a imaginé
575
ation de races. Les problèmes les plus importants
sont
à la racine d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transpos
576
té, non d’un échange de questions et de réponses,
est
introduit par le chapeau suivant : « Les récents pourparlers franco-a
577
ecueilli lors d’une interview. Denis de Rougemont
sera
l’un des conférenciers qui parleront cet hiver à Lausanne, invités pa
578
, invités par la Gazette littéraire. Le programme
est
composé de telle façon que tous les grands problèmes d’actualité sero
579
e façon que tous les grands problèmes d’actualité
seront
traités par d’éminents spécialistes en matière politique et culturell
580
n jour que je montai chez Jean Paulhan, ce devait
être
en 1937, 1938, je rejoignis dans l’escalier de la NRF Henry Michaux
581
ui me dit en s’arrêtant sur le dernier palier : «
Est
-ce que vous sentez toujours votre cœur battre au moment de passer cet
582
es en couronne sur le tombeau de notre ami. Telle
était
notre attente et sa folle exigence ; en ce temps-là. Elle s’adressait
583
ondait ailleurs : dans le style de la NRF . Ce n’
était
pas le sien, bien entendu, il ne récrivait pas nos textes, mais le st
584
style de chacun des auteurs de la revue n’eût pas
été
tout à fait le même sans sa présence et sans son attention. Il était
585
e même sans sa présence et sans son attention. Il
était
à lui seul notre air de parenté, si différents ou opposés que nous fu
586
air de parenté, si différents ou opposés que nous
fussions
. C’est le seul directeur de revue littéraire qui ait jamais montré da
587
à le traiter d’éminence grise de nos lettres. Il
était
tout le contraire : un maître socratique, indemne de toute secrète vo
588
puissance, attentif à ne rien nous imposer qui ne
fût
ce qu’il avait senti, bien avant nous, qui pourrait être nous. Bien t
589
qu’il avait senti, bien avant nous, qui pourrait
être
nous. Bien trop curieux pour être autoritaire, il n’avait de goût que
590
s, qui pourrait être nous. Bien trop curieux pour
être
autoritaire, il n’avait de goût que pour nos singularités (que d’autr
591
t parfois d’y répondre par un opuscule. « Ah ! je
suis
bien déçu, me disait-il un jour. Je me suis appliqué à relire Cicéron
592
! je suis bien déçu, me disait-il un jour. Je me
suis
appliqué à relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste, eh
593
’est décidément très ennuyeux… » (Son humour bref
était
sans doute aussi une façon de couper court aux confidences, plaintes
594
réation, c’est ce qui avait mérité son attention.
Être
accepté par lui, c’était la preuve, pas toujours suffisante mais néce
595
serait quelque jour de collaborer à la NRF ». J’
étais
admis ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la table des dieux. Valé
596
collaborer à la NRF ». J’étais admis ! J’allais
être
reçu ! L’on m’invita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel et S
597
je répondis : Je n’ai pas vingt ans et mon tiroir
est
vide, mais je verrai… Quelques années plus tard, me voici devant Paul
598
ées plus tard, me voici devant Paulhan : comme il
est
grand ! C’est le plus grand écrivain que j’aie jamais connu : 1 m 90
599
peu plus tard, il me confie, rêveur : « Comme il
est
difficile, n’est-ce pas, de se libérer de ses origines protestantes.
600
l me confie, rêveur : « Comme il est difficile, n’
est
-ce pas, de se libérer de ses origines protestantes. » Je dis : « Pour
601
jamais songé.) Je l’ai surpris, notre dialogue s’
est
noué, et il se poursuivra dans plusieurs de mes livres, d’une manière
602
ans plusieurs de mes livres, d’une manière que je
suis
seul à connaître. Je m’arrangerai pour y faire figurer les questions
603
e la première moitié de Penser avec les mains a
été
composée pour prévenir les objections qu’il avait faites à la seconde
604
ge à rapporter ces petits souvenirs, c’est qu’ils
sont
personnels… à combien d’entre nous, jeunes auteurs de l’entre-deux-gu
605
connaître ce que peut l’homme. Et Gide, ce qu’il
est
. Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris d’une société laïq
606
u’il a pris le parti de se taire. Je ne sais s’il
est
vrai que les hommes de lettres se soient contentés jadis de distraire
607
e sais s’il est vrai que les hommes de lettres se
soient
contentés jadis de distraire d’honnêtes gens. (Ils le disaient du moi
608
e morale, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’
est
pas une joie de l’esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pour
609
pourrait tolérer, se demande un jeune homme, de n’
être
pas écrivain ? Cet état « singulier » de notre littérature n’autoris
610
pas trop d’optimisme. Il se peut que les hommes
soient
devenus plus exigeants. Il se peut aussi que les Lettres soient deven
611
plus exigeants. Il se peut aussi que les Lettres
soient
devenues moins donnantes. Tout se passe comme s’il y avait à leur end
612
c et ridé ». Tout le reste à l’avenant. La presse
est
allergique à tout ce qui n’est pas « le petit fait faux » qui seul in
613
avenant. La presse est allergique à tout ce qui n’
est
pas « le petit fait faux » qui seul intéressera, croit-elle. an. Ro
614
Paysages tristes et sans violence, autour de ces
êtres
dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
615
ns violence, autour de ces êtres dont la détresse
est
d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis
616
ont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle
est
contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre, on oubl
617
sque toujours de la littérature, si bonne qu’elle
soit
. Mais l’aventure militaire de Barbey est singulière. Assurer la liais
618
qu’elle soit. Mais l’aventure militaire de Barbey
est
singulière. Assurer la liaison ultrasecrète avec l’armée française en
619
ultrasecrète avec l’armée française en 1940, ce n’
est
pas rien, ni commander ensuite l’état-major particulier d’un général
620
ant-colonel EMG, ministre plénipotentiaire », tel
serait
le résumé proprement helvétique d’une carrière qui eût été, en change
621
sumé proprement helvétique d’une carrière qui eût
été
, en changeant de passeport, celle d’un ambassadeur de France, d’un gé
622
’un des plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’
était
pas son souci ! Et il nous suffisait, nous ses amis (mais avons-nous
623
t Messieurs, Je pense, avec Robert Schuman, qu’il
est
possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale
624
e laquelle participent tous les Européens, qu’ils
soient
d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doiven
625
principes, molestés, réveillés, mis en mouvement,
fût
-ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Et de là viennent a
626
ut concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien
être
la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée :
627
Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’
être
, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité
628
, bouddhistes, ou sans croyance aucune… Mais ce n’
est
pas tout. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de
629
au zéro précédant la suite des nombres, mais qui
est
l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour
630
nfini, mais dont la plus fréquente, de très loin,
est
le couple d’antinomies inséparables : autorité et liberté, individual
631
oyen déclare parfois et pense toujours : « Quelle
est
ma raison d’être, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux — et
632
fois et pense toujours : « Quelle est ma raison d’
être
, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir
633
e toujours : « Quelle est ma raison d’être, si je
suis
comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à le définir
634
peut servir à le définir — « se distinguer » ou «
être
distingué » est synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas d’impardon
635
définir — « se distinguer » ou « être distingué »
est
synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas d’impardonnable faute de g
636
ntative déviationniste, ou de blasphème, comme ce
serait
le cas dans les sociétés primitives, dans les États totalitaires, ou
637
de religieuse. Le goût de différer, si peu que ce
soit
, est si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’une manière t
638
igieuse. Le goût de différer, si peu que ce soit,
est
si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’une manière tout à
639
rt l’essai de définition suivant : L’Européen ne
serait
-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
640
opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le
soit
, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme d’une seule n
641
’il le soit, et prétend au contraire s’identifier
soit
avec l’homme d’une seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi
642
’il le conteste ? On ne changera pas cela, ce ne
serait
plus l’Europe. Le goût furieux de différer, par lequel nous nous ress
643
anne, 18–19 avril 1970, p. 32. ar. Ce discours a
été
prononcé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la
644
e la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte
est
suivie de la note suivante : « La semaine prochaine : “L’Europe et le
645
sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies
seront
perdues une à une, si nous refusons l’union qui ferait leur force ; m
646
ur force ; mais en retour, cette union ne saurait
être
acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. Rien de plus
647
saurait être acquise au prix des libertés qu’elle
est
censée servir. Rien de plus limpide que la déduction qui fait toute m
648
impide que la déduction qui fait toute ma thèse :
étant
donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne pe
649
ma thèse : étant donné que la base de notre unité
est
une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’une union fédér
650
ifficile à expliquer, c’est que rien n’ait encore
été
fait dans ce sens, depuis près de vingt-cinq ans qu’on nous déclare,
651
rich — qu’il n’y a pas une minute à perdre ! Quel
est
l’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique,
652
ersonne ne fait ? Eh bien, chacun le sait, rien n’
est
moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (don
653
sible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’
est
autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégr
654
ar le tiers-monde, mal décolonisé à cet égard… Qu’
est
-ce en somme qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une n
655
donc, de plus hostile à toute espèce d’union tant
soit
peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, d’autre part, se ré
656
aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il
est
à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale ; trop grand pour
657
ttre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire
est
assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologi
658
le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui
est
en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir est
659
erflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir
est
libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! N
660
tat décent, une communauté vivante ? Et quel prix
sommes
-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le p
661
a formule d’État-nation à l’échelle continentale,
serait
capable sans nul doute de créer une Europe très forte, mais qui serai
662
ul doute de créer une Europe très forte, mais qui
serait
très peu européenne. Sans compter qu’un super-État-nation ne pourrait
663
Sans compter qu’un super-État-nation ne pourrait
être
imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selo
664
tastrophique, mais dont la réalisation ne saurait
être
exclue pour autant. Au contraire, si nous donnons pour finalité à la
665
mie des communautés (la production industrielle n’
étant
qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’Ét
666
s), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’
est
pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui ra
667
n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il
est
en fait aujourd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’Euro
668
un à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui
est
nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, c
669
ue ; le reste — la justice, la paix, la liberté —
étant
manières de parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio d
670
mieux que la puissance collective. L’Europe unie
sera
seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que
671
ration » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui
serait
formée d’États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la
672
dre une occasion de faire voir à quel point elles
sont
absurdes. Elles sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’
673
aire voir à quel point elles sont absurdes. Elles
sont
encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : l
674
es sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il
est
vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, le
675
t absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’
être
: les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves
676
. Ce statut des frontières, doublement déficient,
est
caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans
677
he à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il
est
encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais
678
quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’
étant
pas économiste, si nos États-nations délimités pour la plupart au xix
679
ose leur balance commerciale (laquelle ne saurait
être
positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas
680
me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne
sont
pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’é
681
e. Et les diversités que nous devons respecter ne
sont
pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et
682
ant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’
est
pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
683
État ». Mais non ! L’État n’est pas un dieu, ce n’
est
qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service d
684
t qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
être
mis au service des citoyens et de leurs cités ; et non l’inverse. Ces
685
té vivante, civique, économique ou culturelle, et
être
contrôlé par l’usager, distribuer et répartir l’État de la commune et
686
fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles,
seront
chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâch
687
lénaire de sa culture. Dira-t-on que ce programme
est
révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans c
688
-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’
est
, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voy
689
, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’
est
moins parce qu’il demande qu’on dépasse les États-nations que parce q
690
és communautaires et personnelles. Si sérieux que
soient
les problèmes de prix du lait, du blé ou du vin, il est clair que l’E
691
s problèmes de prix du lait, du blé ou du vin, il
est
clair que l’Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut
692
s enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne
seront
pas convaincus par des avantages matériels : ils sont presque comblés
693
pas convaincus par des avantages matériels : ils
sont
presque comblés à cet égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’e
694
est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’
est
plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La rép
695
umanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne
sera
pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce c
696
Lausanne, 25–26 avril 1970, p. 32. au. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « Nous publions la fin du discours que p
697
e niveau de vie (2 juin 1970)av aw Les Suisses
sont
sans doute les moins xénophobes des Européens, et les étrangers sont
698
moins xénophobes des Européens, et les étrangers
sont
venus chez eux depuis des siècles en plus grand nombre relatif que pa
699
e, et par le motif principal de cet afflux, qui n’
est
pas d’admirer nos lacs ni de fuir des dictatures, mais de faire du «
700
ictatures, mais de faire du « fric ». Or ce motif
est
le même des deux côtés : pour eux, gagner vite et rentrer, pour nous,
701
iculier qui nous préoccupe, cette « helvéticité »
est
-elle menacée par la présence d’une nombreuse main-d’œuvre étrangère e
702
onfesser d’abord que le problème qui me préoccupe
est
beaucoup moins celui du oui ou du non, que celui de la qualité des ar
703
découvrir. Ils nous disent : « À l’heure où il n’
est
question que de s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous fermer devant les
704
availleurs ne se déplacent en général que s’ils y
sont
fortement incités, s’ils sont en quelque sorte recrutés, à l’instar d
705
général que s’ils y sont fortement incités, s’ils
sont
en quelque sorte recrutés, à l’instar des soldats du service étranger
706
les routes du gain maximal, où qu’elles aillent,
est
fausse et irréelle, quoique matérialiste. La plupart des hommes suive
707
(J’ai là-dessus quelques statistiques.) Quelle
est
la pire menace ? II. Quant au danger que la présence sur notre sol
708
« helvéticité », comme vous osez l’écrire ! — il
est
clair que ce n’est pas sérieux. L’argument ne vaut rien, mais en cach
709
omme vous osez l’écrire ! — il est clair que ce n’
est
pas sérieux. L’argument ne vaut rien, mais en cache un meilleur. À pa
710
s deux cas vous aurez tort, car l’enjeu véritable
est
au-delà et ne peut être atteint par ce choix. La question qu’a soulev
711
ort, car l’enjeu véritable est au-delà et ne peut
être
atteint par ce choix. La question qu’a soulevée M. James Schwarzenbac
712
ming collectif qu’a déclenché le député zurichois
sera
des plus utiles aux Suisses s’il les amène à se poser — bien au-delà
713
ions suivantes : — La croissance indéfinie du PNB
est
-elle une obligation sacrée, donc indiscutable, ou faut-il la subordon
714
s, écologiques notamment ? — Le « niveau de vie »
est
-il plus important que le mode de vie ? — La philanthropie qu’invoquen
715
e (« on ne peut pas chasser des frères humains »)
serait
-elle encore invoquée si la présence des travailleurs étrangers nous c
716
sur « Les travailleurs étrangers en Suisse ». Il
est
précédé du chapeau suivant : « Invité à se prononcer sur notre double
717
le calcul et la flatterie, Charles de Gaulle aura
été
le dernier monarque d’une France qui n’a rien préféré à l’amour de so
718
Gaulle a toujours distingué. Toute ma vie, je me
suis
fait une certaine idée de la France… vouée à une destinée éminente et
719
uanesque. À l’autre extrême, le général de Gaulle
fut
le Tristan de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il
720
sion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il
est
près de le dire dans plus d’une page de ses Mémoires, et pas seulemen
721
n premier départ volontaire, en 1946). Certes, il
est
revenu à son appel, et c’est en 1958. « Mais la vraie passion tristan
722
nt faire défaut. Entre la France et lui, quand il
était
le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas dépo
723
utres intrigues prévisibles. Et l’on sait quel en
fut
le prétexte allégué : l’instauration en France des régions, qu’il pro
724
ici le personnage prend ses vraies dimensions qui
sont
celles d’une glorieuse ambiguïté et d’un tragique malentendu entre «
725
éifiée, cet ennemi juré de l’Europe « intégrée »,
était
en réalité un fédéraliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier d’u
726
écrits à travers lesquels, au long des siècles, s’
est
manifestée l’idée d’Europe, ce sont les cheminements de la conscience
727
des siècles, s’est manifestée l’idée d’Europe, ce
sont
les cheminements de la conscience européenne, elle-même, que vous met
728
t son sort au symbole même de l’ère nouvelle, qui
est
la région. Mais dans la page si belle qui règle ses obsèques, c’est T
729
usanne, 14–15 novembre 1970, p. 33. ay. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « De Gaulle est mort le jour où la Suiss
730
exte est précédé du chapeau suivant : « De Gaulle
est
mort le jour où la Suisse se préparait à discuter avec le Marché comm
731
otion de l’engagement, dans les années 1930… Elle
était
vraie, mais elle n’expliquait rien. Quand on demande à Zazie pourquoi
732
met au point quelques demi-mensonges, l’important
est
de n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’on a perdu le contact
733
nges, l’important est de n’y pas croire, sinon ce
serait
la preuve qu’on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité.
734
Aurore : « Toutes les choses qui vivent longtemps
sont
peu à peu tellement imbibées de raison que l’origine qu’elles tirent
735
’innocence de mes débuts dans l’écriture. Écrire
est
une démangeaison que l’on calme en grattant du papier. C’est à peu pr
736
devenir aussi admirable aux yeux des autres qu’il
est
admiré par vous-même, vous essayez d’écrire comme lui des vers, un ré
737
it d’imitation naïve ou vaniteuse (selon que l’on
sera
bon ou mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’on s’inventera
738
par exemple, mais pas l’Europe, puisque l’Europe
est
une création continue de la pensée proprement poétique, l’horizon qui
739
ui se définit par rapport à notre progrès. ⁂ Ce n’
est
qu’au début d’une carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire. Et
740
rut ne continue d’agir dans mes écrits, mais il n’
est
plus seul discernable, tout mêlé qu’il se trouve à des courants viole
741
gnore et j’y vais ! J’y vais par l’écriture, qui
est
ma manière d’enregistrer la poésie dans l’existence. Un paysage me me
742
er le sens au bout du compte. Un sens qui ne peut
être
défini que par le tout — que pas un scientifique n’appréhende et par
743
n’appréhende et par suite ne saurait nier, et qui
est
au-delà de tout — comme le corps transcendant aux organes. Je cherche
744
e l’écrie, et je lui crie d’abord qu’elle devrait
être
une autre pour que je n’y sois plus seulement un moi contre elle, mai
745
rd qu’elle devrait être une autre pour que je n’y
sois
plus seulement un moi contre elle, mais que [je] m’y perde et m’y don
746
l’écriture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui
est
de me former sur une pensée vécue dans l’écriture. Au terme de mes li
747
nos compatriotes interrogés au hasard dans la rue
seraient
capables de le dire ? Alors on court interviewer des étrangers : quel
748
Alors on court interviewer des étrangers : quelle
est
à leurs yeux notre image ? Ils nous renvoient le plus souvent celle d
749
de la Suisse, et qui répondait : « Le fédéralisme
est
pour votre pays une bonne solution. Ce qui ne veut pas dire qu’elle s
750
e bonne solution. Ce qui ne veut pas dire qu’elle
soit
généralisable. » Réponse plutôt comique si l’on s’avise que le fédéra
751
que si l’on s’avise que le fédéralisme n’a jamais
été
ni pu être une « solution » aux problèmes de la Suisse, pour la simpl
752
n s’avise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu
être
une « solution » aux problèmes de la Suisse, pour la simple raison qu
753
religieuse, économique ou culturelle, la Suisse n’
est
rien hors du fédéralisme. Elle n’est rien qu’un régime d’union. Dans
754
la Suisse n’est rien hors du fédéralisme. Elle n’
est
rien qu’un régime d’union. Dans leur très grande majorité — 98 % exac
755
ire d’une dynastie — les Zähringen et les Kibourg
sont
éteints depuis des siècles, les Habsbourg émigrés — ni l’anniversaire
756
e que nous célébrons, c’est en fait une idée, qui
est
l’essence de la Suisse et qui a déterminé son existence : l’idée fédé
757
commandant les approches du Gothard. La Suisse n’
est
nullement née comme on le croit trop souvent (et pas seulement à l’ét
758
tonaux — comme l’Europe de Churchill ou de Gaulle
était
censée devoir naître de l’alliance impossible des quelque vingt-cinq
759
plus souverains les uns que les autres. La Suisse
est
une authentique fédération dans la mesure où elle s’est formée par la
760
e authentique fédération dans la mesure où elle s’
est
formée par la libre association de communes rurales et urbaines, de p
761
xécuter ces tâches communes, le Conseil fédéral n’
est
nullement une émanation des cantons, mais le collège de chefs des Age
762
ule d’union je me considère comme Suisse et je le
suis
, moi, Neuchâtelois protestant, de langue française, au même titre qu’
763
oir rien en commun que cette adhésion même. Telle
étant
la réalité proprement suisse : une idée, une formule d’union qui fut
764
rement suisse : une idée, une formule d’union qui
fut
au xiiie siècle celle de trois communes du Gothard et qui se « génér
765
e la formule suisse, c’est-à-dire le fédéralisme,
est
au contraire la seule possible pour les Européens qui éprouvent le be
766
va-t-elle pas s’y perdre ? — C’est oublier ce qu’
est
la Suisse. Dans une Europe unie, loin de se perdre, elle se retrouver
767
dans l’espace et le temps, au-delà de ce qu’elle
est
aujourd’hui, qui est tellement au-delà de ce qu’elle fut au Grütli, b
768
temps, au-delà de ce qu’elle est aujourd’hui, qui
est
tellement au-delà de ce qu’elle fut au Grütli, berceau mythique. Une
769
ourd’hui, qui est tellement au-delà de ce qu’elle
fut
au Grütli, berceau mythique. Une idée se perd-elle en se généralisant
770
aliste montrent par là qu’ils ne savent pas ce qu’
est
la Suisse. Écoutons plutôt un grand Zurichois du siècle passé, le jur
771
a émis et réalisé des idées et des principes qui
seront
un jour destinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal de l’aveni
772
succès de notre idée et d’une formule d’union qui
est
notre raison d’être, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous p
773
e et d’une formule d’union qui est notre raison d’
être
, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhaiter e
774
e formule d’union qui est notre raison d’être, ne
serait
-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhaiter en tant que
775
us de frontières tangibles, plus de douaniers, où
sera
la Suisse, gémissent nos « patriotes » désorientés. Or il est sain de
776
e, gémissent nos « patriotes » désorientés. Or il
est
sain de se demander, au minimum une fois par an, ce que nous faisons
777
rons de continuer la Suisse. Ceux qui le voudront
seront
alors les vrais Suisses. « Et s’il n’en reste qu’un… », disait Victor
778
on d’exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me
fut
offerte, toujours saisie avec reconnaissance. Mais je gardais pour ce
779
aire un éloge dont tout me faisait craindre qu’il
fût
de nature — si plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir la bon
780
taire. Aujourd’hui je ne reculerai plus, les jeux
sont
faits et sa gloire établie. Du prince en soi, archétypal, avant tous
781
élancolie que de cynisme, plus de sensibilité aux
êtres
qu’aux idées et aux situations qu’aux systèmes, d’où son sens politiq
782
’ont apprécié qu’à demi la réédition des Méfaits,
soit
qu’ils se sentent attaqués dans leur conscience professionnelle, soit
783
nt attaqués dans leur conscience professionnelle,
soit
qu’ils jugent, eux, que votre texte a vieilli. Je le regrette infinim
784
mon mépris à l’égard des instituteurs. Or rien n’
est
plus faux : j’en veux au système scolaire, dont les instituteurs sont
785
n veux au système scolaire, dont les instituteurs
sont
victimes, et qu’ils perpétuent malgré eux. Ils n’en sont pas responsa
786
ctimes, et qu’ils perpétuent malgré eux. Ils n’en
sont
pas responsables. J’ai d’ailleurs reçu d’autres lettres d’instituteur
787
u d’autres lettres d’instituteurs qui souffrent d’
être
paralysés dans le système actuel, et qui me disent : « Merci, vous no
788
a Confédération suisse, où l’instruction publique
est
du ressort des cantons ? Mais en 1929 je parlais de mon expérience. E
789
? Mais en 1929 je parlais de mon expérience. Elle
était
tout à fait suisse, puisque j’ai fait l’école primaire, jusqu’à l’âge
790
dans la formation des hommes… L’école publique a
été
jusqu’à présent le moyen de formation le plus fort. Elle a prétendu à
791
vice de l’État-nation. Dans le système actuel, il
serait
pratiquement impossible de déscolariser la société, comme le réclame
792
rien de l’histoire de ma propre vallée… La nation
est
un concept artificiel qui ne repose sur aucune réalité fondamentale.
793
graphie, l’écologie, l’économie — l’économie doit
être
une des branches principales des programmes — dans ces dimensions-là.
794
on à l’Europe et au monde au moment où les élèves
sont
capables de saisir les réalités à ces niveaux-là, et négliger chaque
795
lèmes économiques auxquels les citoyens n’ont pas
été
préparés. En étudiant l’économie, les élèves verraient bien que rien
796
, où la perception des enfants, déjà très jeunes,
est
immédiate : les frontières n’ont rien à voir avec les lois de la natu
797
jourd’hui, parce que toute leur manière de penser
est
prisonnière des schémas nationaux. Souvenez-vous que le général de Ga
798
es, traversée par un affluent de la Volga, et qui
est
maintenant le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS. Exactem
799
de l’industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’
est
la Ruhr pour l’Allemagne. Côté « asiatique » ou côté « européen », c’
800
ns tous les sens… Cette idée de l’Oural-frontière
est
si absurde, et si répandue, que j’ai mis deux de mes étudiants sur le
801
braltar à l’Oural. L’école a rendu les hommes qui
sont
actuellement au pouvoir en Europe, incapables de saisir ce que pourra
802
r en Europe, incapables de saisir ce que pourrait
être
une fédération. Or c’est la seule formule possible. En France, les ra
803
en aller autrement ? Prenez le Petit Littré, qui
est
encore le dictionnaire de référence des Français cultivés, et cherche
804
On ne changera pas l’école sans changer l’État. »
Est
-ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’école doit former
805
ciels, on me répète : « Tout ce que vous dites là
est
bien beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire à la réalité. » O
806
âtiment, l’attribution de nouveaux subsides, ce n’
est
pas concevoir une politique, c’est administrer. Quand l’homme en plac
807
Vous ne voyez pas la vraie réalité parce que vous
êtes
aux prises avec l’administration. La réalité, c’est tout le système s
808
artir sur des bases entièrement nouvelles… ce qui
est
pratiquement impossible dans notre culture. Il faudrait, au minimum,
809
uit, au hasard des occasions… Aucune place ne lui
est
faite — et pour cause — dans nos programmes. Moi, j’ai appris à lire
810
premier terme de votre « alternative »… qui n’en
est
pas une. Car le second terme est également nécessaire. Je ne vois pas
811
tive »… qui n’en est pas une. Car le second terme
est
également nécessaire. Je ne vois pas d’opposition entre l’enseignemen
812
je dois le présenter à mes étudiants. « Illich
est
trop rousseauiste » Seriez-vous partisan d’une école comme celle d
813
étudiants. « Illich est trop rousseauiste »
Seriez
-vous partisan d’une école comme celle des amish, dont vous parlez dan
814
lich, bien que je partage largement ses idées, il
est
trop rousseauiste : il suppose chez tous les enfants une sorte de bes
815
ser que tout le monde admette que l’un et l’autre
sont
nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’à gauche on aura tenda
816
pour que l’autre vive, et vice versa. L’éducation
sera
la résultante d’une tension dynamique entre les deux. On ne peut nier
817
’homme a besoin de compagnie, mais aussi besoin d’
être
seul ; besoin de communiquer avec ses semblables, mais aussi de se re
818
te des autres ou le réduire à une totale solitude
sont
deux tortures équivalentes. Toute la vie est fondée sur une série de
819
ude sont deux tortures équivalentes. Toute la vie
est
fondée sur une série de couples antinomiques : communication-solitude
820
uilibre dynamique. Ainsi pour le fédéralisme, qui
est
si mal compris, même en Suisse. Il s’agit de mettre en relation des é
821
des deux, ni subordination de l’un à l’autre. Ils
sont
à la fois semblables et différents, séparés et unis. C’est la formule
822
tique s’installe : c’est la mort. Tout ce système
est
cohérent. Vous en trouverez les racines dans la théologie, dans l’ima
823
doctrine chrétienne, viennent de ce qu’on a tendu
soit
à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence huma
824
’on a tendu soit à confondre le Christ avec Dieu,
soit
à le limiter à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’existen
825
e simultanée du divin et de l’humain dans le même
être
est difficile, voire impossible à concevoir. Mais cela nous éloigne u
826
ultanée du divin et de l’humain dans le même être
est
difficile, voire impossible à concevoir. Mais cela nous éloigne un pe
827
e d’enseignants, du degré secondaire surtout : ce
sont
eux qui feront l’Europe de l’an 2000, comme le dit le titre de mon de
828
dernier article dans Civisme européen 11. Mais il
est
clair que, seule, la bonne volonté des maîtres ne suffira pas. Il fau
829
modifier les structures. Les structures nouvelles
étant
censées sécréter une nouvelle pédagogie, de nouveaux maîtres ? Elles
830
s de s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à
être
bons ou intelligents, mais on peut leur offrir un cadre où leur bonté
831
individuels ne suffisent pas. Mais si le problème
est
attaqué par les deux bouts à la fois, alors peut-être… Le principal,
832
te qu’on comprend généralement mal, parce qu’elle
est
mal traduite : « La guerre est la mère de toute chose. » Plutôt que «
833
mal, parce qu’elle est mal traduite : « La guerre
est
la mère de toute chose. » Plutôt que « guerre » il faudrait dire « co
834
oposa de nous faire à nous deux une langue qui ne
serait
connue que de nous ; je me passionnai pour cette idée. Nous formâmes
835
s un dictionnaire dans lequel chaque mot français
était
traduit d’un mot grec. Tout cela se gravait merveilleusement dans ma
836
ropos recueillis par Laurent Rebeaud. L’entretien
est
précédé de l’introduction suivante : « Les Méfaits de l’instruction
837
: « Les Méfaits de l’instruction publique , tel
était
le titre de la première œuvre qu’ait publié Denis de Rougemont, en 19
838
La fonction de l’instruction publique, disait-il,
était
de conditionner les esprits des futurs citoyens dans le sens voulu pa
839
e de Denis de Rougemont contre l’école. Preuve en
soit
la récente réédition des Méfaits, « aggravés » d’une Suite des méfait
840
me en colère, aussi injuste qu’un pamphlet doit l’
être
, j’ai le triste plaisir de constater que mon texte n’a pas vieilli, p
841
3-24-25 décembre 1972)be bf Le centre du monde
est
partout, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centr
842
a vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’
êtes
jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui
843
ortance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il
est
difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’
844
e, et passionnelle. Il est difficile d’en parler,
fût
-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’éclat soudain, parfois voci
845
conscience que donne l’indignation active. Lavaux
est
beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnin
846
ct avec la nature, et ce contact pour lui vital s’
est
révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès
847
la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres
est
aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce paysa
848
r les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime
est
un pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans, de petits commerçant
849
res, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine,
sont
ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quan
850
vine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne
sont
de gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a l
851
t vivant, c’est-à-dire changeant selon sa loi. Il
est
d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu sub
852
ime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’
est
-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Gra
853
nd Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise
soit
peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils y trouvent u
854
foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres
est
morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance acc
855
sans héroïsme. Si Lavaux doit faire son salut, ce
sera
par la grâce de quelques fous associant leur foi poétique aux calculs
856
que aux calculs des vrais réalistes — lesquels ne
sont
nullement ceux qui pensent court et bas et nous jettent dans la pollu
857
nne, 23–25 décembre 1972, p. 17-18. bf. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « C’est à l’initiative de Jean-Pierre La
858
erveillleux Lavaux. Sauver cette unique contrée n’
est
pas le postulat d’un seul homme. Les artisans du livre, auteurs des t
859
uré, prouve néanmoins qu’un tel coin de pays doit
être
sauvegardé au prix de l’intelligence et de sacrifices, comme le rappe
860
rtée. 1. La première citation, pronucléaire, doit
être
replacée dans son contexte historique : elle remonte en effet à 1958
861
leurs problèmes majeurs (comme celui des déchets)
était
pratiquement nulle en Suisse. J’ai fait cette mise au point le 26 jan
862
es phrases suivantes : « Les réserves en pétrole…
seront
un jour épuisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisem
863
ation de notre continent et de l’humanité entière
serait
apparemment sans espoir, si la culture élaborée par notre Europe n’av
864
ne nouvelle source d’énergie. L’énergie nucléaire
est
la réponse, inventée par notre génie, par nos savants européens, au d
865
t notre science, notre hygiène, et nos techniques
étaient
en train d’accroître au-delà du possible les besoins matériels et les
866
ris depuis vingt ans, alors oui, ces déclarations
seraient
de nature à me disqualifier radicalement pour traiter le sujet de l’é
867
a parole parmi vous. […] Quelques-uns de ceux qui
sont
ici ce matin, et non des moindres, partageaient à l’époque mes illusi
868
escription de l’état d’innocence générale où nous
étions
à peu près tous. […] Je ne pense pas avoir à m’excuser d’avoir appris
869
2. La seconde citation, antinucléaire celle-là,
est
datée de 1984. Je la rappelle : Selon que (notre) choix se portera s
870
a sur le nucléaire ou sur le solaire, nous aurons
soit
une société centralisée, exploitée de façon quasi militaire, soit une
871
centralisée, exploitée de façon quasi militaire,
soit
une fédération de petites communes autonomes. Cette seconde citation
872
tites communes autonomes. Cette seconde citation
est
censée démontrer que je me contredis sans vergogne. (« Une philosophi
873
éométrie variable » titre votre rédacteur.) Or il
est
clair qu’elle ne contredit en réalité que les intentions que M. Desme
874
loitée de façon quasi militaire » non seulement n’
est
pas de moi et ne traduit en rien notre idéal, mais formule l’exigence
875
e PWR, déclare : Les installations nucléaires ne
sont
pas dangereuses, à condition qu’elles soient exploitées et contrôlées
876
res ne sont pas dangereuses, à condition qu’elles
soient
exploitées et contrôlées par des équipes organisées de manière rigour
877
es organisées de manière rigoureuse… Pour moi, il
est
essentiel que les centrales nucléaires soient peu nombreuses, donc de
878
oi, il est essentiel que les centrales nucléaires
soient
peu nombreuses, donc de grande taille, implantées dans des sites ad h
879
re 14. M. Desmeules aurait-il mal compris ? Ce n’
est
pas nous, mais ceux de son bord qui ont dit cela. Quant à prétendre q
880
qui ont dit cela. Quant à prétendre que mon idéal
serait
l’État marxiste omnipotent, il faut n’avoir rien lu de moi pour oser
881
moi pour oser le répéter à longueur de colonnes.
Est
-il pensable qu’une cause défendue par de tels procédés soit une bonne
882
nsable qu’une cause défendue par de tels procédés
soit
une bonne cause ? 12. Texte complet dans le volume FACT 79, Lausann
883
Georgi, p. 17 et 18. 13. Les lignes en italique
sont
celles citées par M. Desmeules. 14. Cité par André Gorz-Michel Bosqu