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magne (1er mai 1940)a Les journaux, les revues
et
les livres nous apportent chaque jour des jugements plus massifs sur
2
jour des jugements plus massifs sur l’hitlérisme
et
sur ses causes. On voudrait rappeler qu’en telle matière, tout jugeme
3
matière, tout jugement massif manque de sérieux,
et
traduit quelque étourderie. 1. Des hommes aussi divers et aussi respe
4
it quelque étourderie. 1. Des hommes aussi divers
et
aussi respectables que MM. Massis, Henry Bordeaux, Edmond Vermeil, G.
5
au national-socialisme, mais plutôt au pacifisme
et
au désarmement (sauf en Finlande), ce qui est peut-être déplorable, m
6
triomphé d’abord dans une Russie tout orthodoxe,
et
dans une Italie toute catholique. Ce qui n’est pas sans compliquer l’
7
ise pas : Luther mène à Hitler. C’est une sottise
et
une mauvaise action, si l’on songe que le pasteur Niemöller, vrai des
8
dant de Luther, est en prison. 2. Les socialistes
et
beaucoup de démocrates affirment : Hitler n’est pas le peuple alleman
9
plupart des socialistes le toléraient fort bien ;
et
qu’un très grand nombre d’anciens chefs communistes avaient revêtu qu
10
ort bien réfuté l’erreur que je viens de relever,
et
qui consiste à voir dans l’hitlérisme une tyrannie « de droite », dét
11
ont coupables que d’avoir partagé l’erreur fatale
et
prolongée des bourgeois de divers pays. Si nous prétendons défendre l
12
le christianisme, agissons d’abord en chrétiens,
et
commençons par dénoncer non les erreurs d’autrui, mais bien les nôtre
13
voir la Gazette du 24 avril), dans le romantisme
et
le goût de la mort qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À
14
, sont des imitations de légendes languedociennes
et
bretonnes, donc celtiques. Hubert, le meilleur celtisant français, n’
15
ogie des Celtes, « l’idée de la mort domine tout,
et
tout la découvre »? On voit le danger d’aller chercher dans un passé
16
connus. Le seul avantage de ce procédé historique
et
littéraire, c’est qu’il dispense de mentionner des causes prochaines,
17
causes prochaines, beaucoup plus claires, solides
et
convaincantes. Ces causes sont, de toute évidence : la guerre, le tra
18
té de Versailles, la grande misère de l’inflation
et
du chômage, l’échec de la conférence du désarmement, enfin et surtout
19
e, l’échec de la conférence du désarmement, enfin
et
surtout les exemples du communisme russe et du fascisme italien. Peut
20
enfin et surtout les exemples du communisme russe
et
du fascisme italien. Peut-être aussi la mollesse de la politique fran
21
… Tout cela est plus gênant à alléguer que Luther
et
les vieux Germains, parce que dans tout cela se trouvent impliquées d
22
se trouvent impliquées des nations que l’on aime
et
de chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous rappelle au s
23
uoi, la guerre présente nous rappelle au sérieux.
Et
ce n’est pas ma faute, ni celle des protestants, si l’axe Berlin-Rome
24
pas luthérienne. Je m’excuse de tant d’évidences,
et
d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distingués. a. R
25
heure où Paris exsangue voile sa face d’un nuage,
et
se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que
26
. Il y entre, en effet, mais ce n’est plus Paris.
Et
telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentimen
27
tuer, mais qu’on ne peut conquérir par la force,
et
qui vaut plus, insondablement plus que tout ce que peuvent rafler dan
28
Panzerdivisionen. Quelque chose d’indéfinissable
et
que nous appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique de ce conq
29
esse, dont le visage de cette capitale plus douce
et
plus fière qu’aucune autre portait les traces pacifiées. N’importe qu
30
uérant. La confrontation stupéfiante de cet homme
et
de cette Ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au mo
31
ne conquiert pas avec des chars les dons de l’âme
et
les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour
32
longueur, qui est d’une vingtaine de kilomètres,
et
deux-cent-cinquante rues de quatre kilomètres coupant les avenues à a
33
Manhattan… Mais les faubourgs, au-delà du fleuve
et
du bras de mer qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien p
34
s’étendent sur des espaces bien plus vastes, îles
et
plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels et d’autos
35
eliées par un immense réseau de ponts, de tunnels
et
d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New
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alors que la vallée s’emplit d’une ombre froide,
et
j’étais si bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noirci
37
rue de briques noircies où circulait un vent âpre
et
salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. Ici elles se r
38
cies où circulait un vent âpre et salubre. La mer
et
la montagne se ressemblent partout. Ici elles se rejoignent et se mêl
39
e se ressemblent partout. Ici elles se rejoignent
et
se mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventu
40
t. Les grands souffles océaniques, chargés de sel
et
d’aventure, viennent frapper les verticalités granitiques et argentée
41
re, viennent frapper les verticalités granitiques
et
argentées de l’Empire State, du Centre Rockefeller, du Chrysler, de c
42
ns nos Alpes quand nous en contemplons la chaîne,
et
qui leur servent de repères pour se diriger dans la ville. Le vent fo
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diriger dans la ville. Le vent fou, l’air ozone,
et
la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment
44
us jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île,
et
la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la d
45
formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages.
Et
les blocs erratiques, débités en tranches, polis et luisants comme du
46
les blocs erratiques, débités en tranches, polis
et
luisants comme du marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les
47
comme du marbre, ont été plaqués sur les façades
et
dans les vestibules des plus riches buildings, reliques scellées d’un
48
antiquité souterraine. Bien des aspects physiques
et
moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat.
49
x de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol
et
ce climat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’extrême civi
50
par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche
et
l’Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle demeure hanté par
51
é par on ne sait quelle sauvagerie des hauteurs ;
et
ce lieu d’extrême densité humaine demeure baigné d’une atmosphère irr
52
aindre de l’inhumanité que revêtent ici le climat
et
les rapports humains. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une
53
ai les routes d’Amérique comme un symbole du rêve
et
de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers,
54
ns de la crise de 1929, où les affaires périssent
et
les bureaux se vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu que l
55
r à repasser au travers des savanes, des cultures
et
des territoires urbains. Cet effort gigantesque se poursuit en silenc
56
contre le chômage. Elles sont le produit du rêve
et
de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans
57
et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre,
et
qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un spectacle émouvant qui
58
pas, mais au contraire atteste une force paisible
et
utile. Trois pistes parallèles dans chaque sens, séparées par une lar
59
pistes blanches délimitées par des lignes jaunes
et
noires, entre lesquelles se déplacent lentement, de droite à gauche,
60
de droite à gauche, de gauche à droite, entre 100
et
130 à l’heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dan
61
e aisance dans la vitesse, l’absence de secousses
et
d’obstacles, l’enivrante continuité du déferlement général, tout cela
62
distance par le charme, attirant les villes à soi
et
déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité rêveuse. Mais sou
63
ant par cent, par mille panneaux de toutes formes
et
couleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan et disparaissent e
64
ouleurs. Sans relâche, ils croissent en gros plan
et
disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce que l’œil s’éduque et se me
65
nt en coup de vent, jusqu’à ce que l’œil s’éduque
et
se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite et de morale
66
e à déchiffrer cette espèce de manuel de conduite
et
de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases
67
ware en grève… Faites un détour par Philadelphie…
Et
arrêtez-vous à l’Hôtel Franklin… Ralentissez, légion de daims… Les pa
68
’État de Pennsylvanie vous souhaite la bienvenue…
Et
limite votre vitesse à cinquante miles… 500 dollars d’amende ou un an
69
ble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux
et
j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq
70
en traversant deux villes énormes : Philadelphie
et
Baltimore et l’estuaire du Delaware en ferry-boat. La vitesse rétréci
71
t deux villes énormes : Philadelphie et Baltimore
et
l’estuaire du Delaware en ferry-boat. La vitesse rétrécit l’espace am
72
à peine d’un étage au-dessus des champs de roses
et
des blés aux bords du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par
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caliers. Une seule rangée de maisons à traverser,
et
l’on parvient dans la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’a
74
palmées par les vents. Rares sont les boutiques,
et
même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures bra
75
nts. Rares sont les boutiques, et même les cafés.
Et
s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblen
76
monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique
et
séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié des tons et des lignes humaines
77
et séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié des tons
et
des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âm
78
é à cet endroit, hésitant sur la route à prendre.
Et
soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cer
79
age, silence des rues vides, ouvertes sur le ciel
et
sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret
80
elui qui revient au pays après une longue absence
et
des déboires : il entre, il ne trouve personne. Mais ses outils sont
81
usage du pays, l’intimité des choses de toujours.
Et
le moindre signe suffit. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre
82
la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules
et
des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la rout
83
saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd
et
doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de rose
84
route sentait plus fort que les champs de roses,
et
des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que
85
anger. En outre, j’ai des éditeurs à voir à Paris
et
en Suisse. Et je serais rentré il y a un an déjà si les circonstances
86
e, j’ai des éditeurs à voir à Paris et en Suisse.
Et
je serais rentré il y a un an déjà si les circonstances s’y étaient p
87
ntrastant brutalement avec la foule qui la peuple
et
que je ne reconnaissais plus : des visages sans gaieté, des corps pet
88
us demander où vous aviez vos assises en Amérique
et
quelles furent vos occupations durant le temps où la Suisse vous avai
89
ropagande. Les Américains en écoutent énormément,
et
les oublient le lendemain. J’ai donc écrit un livre sur la Suisse, en
90
urice Muret, qui s’intitule Le Cœur de l’Europe
et
qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les Américains peu
91
ent consulter, pour se renseigner sur notre pays,
et
il s’en vend encore régulièrement. J’ai été professeur — et le suis e
92
vend encore régulièrement. J’ai été professeur —
et
le suis encore en titre — à l’École libre des hautes études, universi
93
ançaise en exil dirigée à ses débuts par Maritain
et
feu Focillon, aujourd’hui par le Belge H. Grégoire. Cet institut est
94
20 à 30 pages, soit un quart d’heure de nouvelles
et
autant de commentaires, dans un bruit trépidant et en s’inspirant des
95
t autant de commentaires, dans un bruit trépidant
et
en s’inspirant des directives des chefs locaux de Londres et des Amér
96
pirant des directives des chefs locaux de Londres
et
des Américains. C’était extrêmement fatigant et j’ai abandonné au bou
97
s et des Américains. C’était extrêmement fatigant
et
j’ai abandonné au bout de deux ans. Ce qui fut sans doute tout bénéfi
98
porte quatre manuscrits, dont trois sont terminés
et
vont être publiés à Paris. Ce sont des essais sur les mythes grecs :
99
cueil d’articles intitulé Vues sur l’Amérique ;
et
18 Lettres sur la bombe atomique (qui seront traduites en anglais,
100
re que les armées de masse sont devenues inutiles
et
que la guerre militaire est morte, et qu’un gouvernement mondial est
101
es inutiles et que la guerre militaire est morte,
et
qu’un gouvernement mondial est devenu possible, mais doit émaner des
102
est devenu possible, mais doit émaner des peuples
et
non des États. Vos derniers ouvrages ont-ils été traduits à l’usage d
103
ommencé par éditer en anglais La Part du diable
et
Les Personnes du drame . D’autres de mes ouvrages seront traduits. E
104
olitique de la personne , Penser avec les mains
et
L’Amour et l’Occident . Vous allez donc faire une rentrée massive su
105
la personne , Penser avec les mains et L’Amour
et
l’Occident . Vous allez donc faire une rentrée massive sur le marché
106
u s’emparer du secret de la bombe atomique ? Non,
et
nul ne le sait, je crois, en Amérique. Mais une polémique ardente, su
107
nt par exemple la meilleure façon de s’alimenter,
et
la font enseigner aux écoliers. C’est d’ailleurs une très belle race
108
ne très belle race qui est en train de se former,
et
de gens extrêmement gentils. Y a-t-il bien, à votre avis, une puérili
109
il bien, à votre avis, une puérilité américaine ?
Et
quel jugement porter sur les histoires d’un pittoresque extravagant q
110
rils, ils le sont à nos yeux sur certains points,
et
nous le sommes à leurs yeux sur certains autres (par exemple, la mani
111
demment très simplistes dans ce qu’ils impriment,
et
manquent d’esprit critique. Quant à leurs loufoqueries, ne croyons pa
112
sérieux : c’est un genre d’humour qui leur plaît,
et
ils ne font que s’en amuser. Si on les compare aux Français, il est i
113
mérique est du reste un pays si vaste, si mélangé
et
si divers, que tout y est toujours vrai quelque part. C’est un résumé
114
osmopolite aujourd’hui, comme au centre du monde.
Et
, ne serait-ce que pour mieux comprendre leur continent grâce à l’éloi
115
ui est du matérialisme, avec son culte du confort
et
de la machine, son admiration pour le progrès technique, les Américai
116
n’ont en somme pas grand-chose à nous apprendre,
et
c’est là une de leurs grandes ressemblances (il y en a beaucoup) avec
117
ensée qui me paraît très dangereuse. De la pensée
et
des jugements moraux : par la synchronisation de la presse ; par le p
118
restige incroyable d’Hollywood, qui donne le ton,
et
où l’Amérique semble copier l’image qu’elle s’y fait d’elle-même ; pa
119
la permettrait entre elles une entente fructueuse
et
solide. Et, à ce propos, on a tort en Europe de craindre l’impérialis
120
ait entre elles une entente fructueuse et solide.
Et
, à ce propos, on a tort en Europe de craindre l’impérialisme américai
121
redoutent énormément d’avoir l’air impérialiste.
Et
cette politique pourrait avoir d’assez graves conséquences pour l’Eur
122
est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire,
et
l’avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramar
123
de me dénoncer, tout ce discours retombe à plat,
et
notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’esprit qui p
124
ique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent
et
se prononcent de même, mais par ce procédé l’on pourrait accuser la v
125
la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert,
et
Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La
126
’éclairer par une fable. Supposons que j’aie tant
et
si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé
127
re, me fait emprisonner, puis juger sommairement,
et
Me Duperrier se voit chargé d’office de ma défense. Que va-t-il dire
128
j’ai fait exactement le contraire. On me fusille
et
on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… le
129
ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte
et
libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu
130
de me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme,
et
Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exactement inverse.
131
xactement inverse. Je garde le droit de répondre,
et
même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute
132
. Je garde le droit de répondre, et même de rire.
Et
vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette affaire, mo
133
la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc !
et
dites avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre to
134
t dites avec moi que nous l’avons échappé belle !
Et
que le désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même enco
135
vons échappé belle ! Et que le désordre tolérable
et
tolérant où nous voici tout de même encore vivants et libres, vaut mi
136
olérant où nous voici tout de même encore vivants
et
libres, vaut mieux que leur « ordre » où nous serions des morts, ou j
137
Les écrivains romands
et
Paris (10 septembre 1949)j k Questions 1 et 2. — Nous avons tout
138
s et Paris (10 septembre 1949)j k Questions 1
et
2. — Nous avons tout ce qu’il faut, en Suisse romande, pour nourrir u
139
cela se crée naturellement autour des « grands »,
et
ils sont à Paris. Nous faisons partie de la littérature française. Or
140
Combien de grandes œuvres ont-elles été écrites,
et
publiées, au lieu même et dans le milieu où leur auteur est né, où il
141
ont-elles été écrites, et publiées, au lieu même
et
dans le milieu où leur auteur est né, où il a grandi ? J’en vois si p
142
auteur est né, où il a grandi ? J’en vois si peu,
et
je trouve en revanche tant d’exemples éclatants des bienfaits littéra
143
u « bon écrivain » (j’entends : la plus fréquente
et
la plus bénéfique à la fois) n’est pas précisément de vivre et de cré
144
néfique à la fois) n’est pas précisément de vivre
et
de créer loin de son milieu et de sa province natale. Même et surtout
145
écisément de vivre et de créer loin de son milieu
et
de sa province natale. Même et surtout si l’on doit tirer de ce milie
146
loin de son milieu et de sa province natale. Même
et
surtout si l’on doit tirer de ce milieu, de cette province, le meille
147
, « [Réponse à une enquête] Les écrivains romands
et
Paris », Gazette de Lausanne, Lausanne, 10 septembre 1949, p. 12. k.
148
menter une littérature qui ne soit pas uniquement
et
strictement « locale » ? 2. A-t-il des chances d’être compris par ses
149
Frédéric Barbey, Maurice Zermatten, C.-F. Landry
et
Alfred Wild, Pierre Girard, Jean Nicollier, Suzanne Delacoste et cell
150
Pierre Girard, Jean Nicollier, Suzanne Delacoste
et
celle de Clarisse Francillon, publiées ces dernières semaines, voici
151
haponnière, Jacques Mercanton, Denis de Rougemont
et
de Corinna Bille. D’autres suivront la semaine prochaine. […] Ce sont
152
nt la semaine prochaine. […] Ce sont la concision
et
la vigueur qui distinguent la réponse de M. Denis de Rougemont. Si ce
153
. Elle dit tout haut ce que pensent des millions.
Et
elle le dit sans précautions, avec la calme outrance de la désillusio
154
nt : trop tôt… Entre ceux qui parlent comme vous,
et
ceux qui nous reprochent une hâte « imprudente », la différence n’est
155
de jugement politique, mais d’expérience humaine,
et
surtout de souffrance. Vous avez trop souffert la longue horreur des
156
ites-vous. « L’Europe n’existe plus ». Les Russes
et
les Américains vont lui régler son compte, si ce n’est pas déjà fait.
157
lui régler son compte, si ce n’est pas déjà fait.
Et
vous avez presque raison. Mais dans ce presque il y a tout notre espo
158
rais vous montrer que ce presque est une réalité,
et
qui change tout. Mon argument sera simple, le voici : Si notre Europe
159
c’était vrai, vous ne pourriez plus même le dire,
et
cela pour des raisons que vous avez bien connues… Or non seulement vo
160
té d’agir nous est ôtée. » Venez donc à Lausanne,
et
nous en discuterons. (L’Europe existe encore, là où le dialogue exist
161
ière illusion de l’Europe ». J’en vois une autre,
et
votre lettre la traduit d’une manière émouvante. C’est l’illusion cau
162
ous, détournons les yeux de cet abîme d’angoisse,
et
calculons. Le tableau change en un clin d’œil. À l’ouest du rideau de
163
ux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie
et
tous ses satellites. Sur ces 300 millions, dix pour cent de communist
164
e ruinée ? Mais elle relève déjà ses industries ;
et
l’URSS n’a pas été traitée mieux qu’elle, qu’on s’en souvienne. Une E
165
a besoin de nous en tant qu’Européens, autonomes,
et
même concurrents, non pas en tant qu’esclaves coûteux à entretenir. E
166
non pas en tant qu’esclaves coûteux à entretenir.
Et
nous avons besoin de l’Amérique, en retour ; nous n’avons pas besoin
167
es. Tous ceux qui ont lu votre livre l’ont senti,
et
même s’ils ignoraient que c’était votre histoire. Je vous invite à La
168
rs. À Lausanne, ce seront les savants, les poètes
et
les philosophes qui prendront enfin la parole. (Ils auraient dû la pr
169
arole. (Ils auraient dû la prendre les premiers.)
Et
M. Spaak, seul homme d’État invité à la conférence, est indemne du re
170
mme. Vous n’y croyez sans doute pas plus que moi.
Et
vous dites : « Ou bien un enfant… » Nous voici dans le temps de l’Ave
171
Réponse] (24 décembre 1953)n Déjà les pasteurs
et
les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux hommes de bo
172
eu) envers les hommes. Est-il besoin de la bombe,
et
des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dan
173
hommes. Est-il besoin de la bombe, et des grèves,
et
de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient
174
bombe, et des grèves, et de la famine européenne,
et
de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la
175
ne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient,
et
de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports d
176
e endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance
et
de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de
177
ciproques qui président aux rapports des nations,
et
de l’antisémitisme et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme d
178
t aux rapports des nations, et de l’antisémitisme
et
de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe pour que no
179
ns, et de l’antisémitisme et de l’antisoviétisme,
et
de l’antiaméricanisme de l’Europe pour que nous comprenions que les h
180
t, pour le meilleur quand elles le reconnaissent,
et
pour le pire quand elles le nient. Dans la confusion générale qui a s
181
ope aux masses, avec franchise, en termes simples
et
concrets. La vraie lutte pour l’Europe commence. Elle ne sera pas gag
182
les couloirs de parlements, mais dans les esprits
et
les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun de
183
e parlements, mais dans les esprits et les cœurs.
Et
le reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun de nos peuples a
184
n homme anxieux, aux traits tendus par la fatigue
et
presque lugubre. Il semble avoir été « piqué » par le photographe non
185
Fédéralisme
et
culture (3-4 mars 1962)q r Deux erreurs de méthode menacent toute
186
culturel en Suisse romande : l’esprit de clocher
et
l’esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amo
187
ste de la diversité avec la sauvegarde organisée,
et
si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il v
188
domaines : université, radio, publications, etc.
Et
plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un c
189
tte tendance défensive, faussement traditionnelle
et
autarcique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est une autre err
190
cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé
et
ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, voire anarchiqu
191
alisé et ce qui marcherait mieux en restant libre
et
dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop pet
192
foyers rayonnants de créations du premier ordre.
Et
cela, je crois, pour les deux raisons suivantes : premièrement, la pa
193
de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté
et
du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de grands marchand
194
t du somptueux, qui caractérisent tant de princes
et
de grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’absence de
195
p clair qu’à l’absence de cette passion créatrice
et
de ce sens du mécénat, nul comité de coordination ne pourra jamais re
196
culture est faite par des passions individuelles
et
par des petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagan
197
cessifs. Les comités sont par définition prudents
et
économes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités do
198
tables. Mais la culture vivante vit d’imprudence,
et
prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que n
199
udence, et prospère dans le gaspillage des forces
et
des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux
200
ntipodes de ce climat d’excitation intellectuelle
et
artistique. Nos habitudes utilitaires, notre notion du sérieux confon
201
ires, décourageant toutes les initiatives hardies
et
protégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été
202
nt été un jour inscrites à quelque budget d’État,
et
sous prétexte de répartition géographique équitable — ce qui n’est, s
203
e aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture,
et
c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notre vitalité fédé
204
ité économique sans précédent. Nos raisons d’être
et
de rester Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme
205
fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles
et
morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que
206
, vit des mêmes réalités spirituelles et morales,
et
prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture c
207
l’autre. q. Rougemont Denis de, « Fédéralisme
et
culture », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 3–4
208
nsister sur la nécessité de sauvegarder à la fois
et
en pratique les droits de l’union et ceux des autonomies locales, les
209
er à la fois et en pratique les droits de l’union
et
ceux des autonomies locales, les droits de l’organisation et ceux de
210
autonomies locales, les droits de l’organisation
et
ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’une sottise, sur
211
cas, ce qui marcherait mieux en étant centralisé,
et
ce qui marcherait mieux en restant libre et dispersé, voire anarchiqu
212
lisé, et ce qui marcherait mieux en restant libre
et
dispersé, voire anarchique ». s. Rougemont Denis de, « Rectificati
213
ope se réduit à des problèmes de tarifs douaniers
et
d’intérêts commerciaux. J’estime donc opportun de rappeler les vraies
214
un de rappeler les vraies dimensions du problème,
et
en insistant sur ses aspects culturels et mondiaux. Je pars d’un rais
215
oblème, et en insistant sur ses aspects culturels
et
mondiaux. Je pars d’un raisonnement assez simple, en trois points : 1
216
té culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit
et
que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec le génie mê
217
se « culturelle » nous porte en pleine actualité,
et
qu’elle entraîne une politique bien définie. ⁂ La première propositio
218
de tous les continents (4 % des terres du globe),
et
le plus pauvre en matières premières. Et un fait d’histoire : cette m
219
globe), et le plus pauvre en matières premières.
Et
un fait d’histoire : cette minuscule Europe a dominé successivement s
220
né successivement sur tous les autres continents,
et
continue à rayonner sur toute la terre par la civilisation dont elle
221
terre par la civilisation dont elle est l’origine
et
le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la culture des Euro
222
urope, dont discutent aujourd’hui toute la presse
et
tous les parlements, est essentiellement une réalité économique, on o
223
onomie n’est pas tombée du ciel ni sortie du sol,
et
qu’elle ne tire pas son origine et sa vitalité de notre nature, mais
224
sortie du sol, et qu’elle ne tire pas son origine
et
sa vitalité de notre nature, mais bien de nos cerveaux, donc de notre
225
e est née du mariage de nos sciences spéculatives
et
de notre volonté de transformer la nature, lesquelles sont nées de no
226
nature, lesquelles sont nées de nos philosophies
et
de notre religion dominante, lesquelles nous sont venues d’Athènes et
227
dominante, lesquelles nous sont venues d’Athènes
et
de Jérusalem à travers Rome et son empire, englobant avec les Méditer
228
t venues d’Athènes et de Jérusalem à travers Rome
et
son empire, englobant avec les Méditerranéens des Germains, des Celte
229
avec les Méditerranéens des Germains, des Celtes
et
des Slaves. De cette culture commune, mais de ses sources variées, vo
230
ent à la fois l’unité fondamentale de nos peuples
et
les extraordinaires diversités qu’ils juxtaposent sur un très petit t
231
diversités tournent en divisions, l’unité de base
et
la vitalité de l’ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin d’uni
232
division qui ont miné l’Europe depuis un siècle,
et
qui ont risqué de la faire périr à deux reprises en 1914 et en 1939,
233
risqué de la faire périr à deux reprises en 1914
et
en 1939, se résument dans le terme nationalisme. Elles sont, elles au
234
elle en dernière analyse. Mais l’opinion publique
et
les élites responsables ont peine à prendre conscience de leur nocivi
235
uis longtemps de mesures d’union supranationales.
Et
c’est ainsi que l’union de l’Europe a commencé dans le domaine économ
236
e domaine économique, avec la CECA de Jean Monnet
et
Robert Schuman, puis avec le Marché commun des Six, provoquant en éch
237
bre-échange des Sept, la candidature britannique,
et
l’intérêt subitement anxieux des Américains. Ce début concret de la c
238
de la construction européenne étant ainsi replacé
et
situé dans le contexte de notre évolution, la question qui se pose es
239
, la question qui se pose est de savoir s’il faut
et
s’il suffit, pour « faire l’Europe », que toutes les nations du conti
240
arché commun, c’est-à-dire dans un plan technique
et
économique, dont les auteurs ne sont d’ailleurs pas dépourvus d’arriè
241
ns toute la mesure où elles sont encore fécondes,
et
enfin qu’elle se subordonne à une grande politique commune, laquelle
242
nes de milliers de techniciens. Il est concevable
et
faisable de les fabriquer en série au prix de l’éducation générale ou
243
forces inventives dans le fonds commun spirituel
et
moral, théologique, scientifique et même esthétique, de la culture eu
244
mun spirituel et moral, théologique, scientifique
et
même esthétique, de la culture européenne. Renoncer à transmettre les
245
européenne. Renoncer à transmettre les principes
et
mesures de cette culture générale, ce serait stériliser les sources m
246
ssifier l’Europe au pire sens de ces expressions,
et
finalement détendre les ressorts de notre génie créateur. L’union éco
247
ait pour effet de déprimer les autonomies locales
et
d’uniformiser nos coutumes régionales serait antieuropéen. Notre cult
248
versel dans la pluralité de ses foyers créateurs,
et
dans les tensions qui en naissent. D’autant plus nous sommes d’un can
249
ns Dieu », disait Spinoza. C’est là le vrai sens,
et
le seul possible, de ce qu’on a nommé « l’Europe des patries ». (Par
250
omme un but en soi, comme un nationalisme agrandi
et
transposé aux limites géographiques et toutes provisoires de l’Ouest
251
me agrandi et transposé aux limites géographiques
et
toutes provisoires de l’Ouest du continent. L’Europe a découvert la T
252
ssi les moyens de les composer, de les équilibrer
et
de les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqué la libre concurr
253
ibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a inventé
et
pratiqué la libre concurrence, mais aussi la coopération, le national
254
e matérialisme, mais aussi les valeurs de liberté
et
de responsabilité, de justice sociale et de solidarité universelle, q
255
liberté et de responsabilité, de justice sociale
et
de solidarité universelle, qui relèvent de l’esprit. Sa fonction dans
256
, s’en trouve désormais définie. L’Europe se doit
et
doit au monde de présenter l’exemple convaincant d’un dépassement du
257
mple convaincant d’un dépassement du nationalisme
et
d’une adaptation harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire qu
258
peut souhaiter que fédérale. L’intégration totale
et
uniformisante détruirait les bases mêmes de notre dynamisme. Une simp
259
on nécessaire tout en sauvegardant les autonomies
et
diversités qui ont fait notre culture et sa vitalité. ⁂ Le problème e
260
tonomies et diversités qui ont fait notre culture
et
sa vitalité. ⁂ Le problème européen étant ainsi posé ou reposé à part
261
reposé à partir des réalités de notre culture une
et
diverse, les conclusions suivantes me paraissent en découler : 1. Le
262
ires d’une politique qu’il reste encore à définir
et
à réaliser. 3. Cette politique, appuyée sur une organisation fédérati
263
ommune ne devra pas se limiter au plan économique
et
commercial, mais s’étendre aux problèmes immenses et tout nouveaux qu
264
commercial, mais s’étendre aux problèmes immenses
et
tout nouveaux que posent le contact des cultures, la technique, l’exp
265
diffusion mondiale de la civilisation occidentale
et
les responsabilités qui en résultent pour les Européens. La Suisse es
266
s : on ne l’accusera jamais de néo-colonialisme !
Et
elle est mieux placée que tout autre pour faire valoir les avantages
267
ence fédéraliste, dans les conseils de Strasbourg
et
de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’un avenir authenti
268
poème de Saint-John Perse évoquant les États-Unis
et
les traversant d’est en ouest se nomme Vents, et nul n’a compris ce p
269
et les traversant d’est en ouest se nomme Vents,
et
nul n’a compris ce pays s’il n’a pas découvert un jour qu’un souffle
270
du Bronx aux ponts de fer retentissants de trains
et
de camions-citernes, soudain l’autoroute vers le nord longe la mer co
271
traverse d’infinis quartiers de maisons blanches
et
d’usines transparentes, surmontés de clochers d’or pâle, puis des rid
272
des rideaux d’arbres chevelus cachent les rives,
et
la piste d’ardoise aux lignes jaunes écarte largement les forêts bass
273
lignes jaunes écarte largement les forêts basses
et
denses aux couleurs de l’été indien, pendant des heures. Le « station
274
injure, le ciel est bleu, les voies sont larges,
et
la radio du bord éclate en mélodies accompagnées de bugles et de chœu
275
du bord éclate en mélodies accompagnées de bugles
et
de chœurs d’une euphorique nostalgie : j’ai retrouvé mon Amérique.
276
ux mois — je me suis gardé d’établir un programme
et
d’arranger des conférences. Je m’en remets au dieu du Hasard, dont l’
277
is il faut faire son choix entre l’ennui qui paie
et
l’imprévu révélateur, quitte à corriger le sort par quelques téléphon
278
quitte à corriger le sort par quelques téléphones
et
un carnet d’adresses d’amis anciens. (Mais tout bouge ici, où seront-
279
e une théologie qu’on pourrait nommer culturelle,
et
qui tient compte des arts et des religions de l’Orient, et de la gnos
280
t nommer culturelle, et qui tient compte des arts
et
des religions de l’Orient, et de la gnose (dont nous allons beaucoup
281
ent compte des arts et des religions de l’Orient,
et
de la gnose (dont nous allons beaucoup parler), cependant que Maritai
282
ain domine la pensée catholique en grand progrès,
et
que Karl Barth a restauré dans tous les séminaires presbytériens la n
283
on d’une orthodoxie traditionnelle mais offensive
et
politiquement « progressiste ». Ces trois noms dominent aujourd’hui l
284
rds pour qui l’Amérique signifie Coca-Cola, twist
et
voitures géantes, sont en retard d’une génération intellectuelle. (No
285
r les forêts sauvages, mouchetées d’arbres rouges
et
rose pourpre d’une intensité de couleur que je n’ai jamais vue ailleu
286
um déposé au bord de la route, dans une clairière
et
l’on est ami du patron et de la fille superbe qui nous sert le café a
287
ute, dans une clairière et l’on est ami du patron
et
de la fille superbe qui nous sert le café après quelques échanges de
288
cidental où dominent encore l’espace, la distance
et
la solitude. Un VIP2 de New York me disait l’autre jour : « Toutes le
289
ale. Je coupe du bois, je lis, je dors, je médite
et
je récupère. Je ne trouverais pas cela en Europe, toutes vos maisons
290
d’arbres immenses aux petites feuilles jaune vif
et
de larges bandes de gazons ; en retrait, des maisons de bois blanc d’
291
blanc d’un ou deux étages, régulièrement espacées
et
spacieuses. Au fond, l’église au clocher fin, toute blanche elle auss
292
her fin, toute blanche elle aussi, sur un tertre.
Et
subitement voici tomber de toutes parts, sans une brise, un ruisselle
293
ne douzaine de bâtiments de bois blanc à un étage
et
toits d’ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique une toile de
294
oile de quatre mètres de haut, long paraphe blanc
et
rouge sur un fond noir, signée Georges Mathieu. Tout en haut, notre a
295
ien rythmée remplit l’étage. Je pousse des portes
et
me trouve dans une salle de théâtre, vide de sièges. Groupes de jeune
296
r la scène, on répète un ballet assez acrobatique
et
symbolique. Cocktails dans le cottage d’un doyen de faculté. Une ving
297
art auteurs connus, poètes, romanciers, critiques
et
sociologues, et un vieil ami suisse, Paul Boepple, chef du départemen
298
us, poètes, romanciers, critiques et sociologues,
et
un vieil ami suisse, Paul Boepple, chef du département de musique. (I
299
York.) Une proportion considérable des écrivains
et
des artistes américains, plus des deux tiers sans doute (de Faulkner
300
rire. Combien d’écrivains véritables, de peintres
et
de musiciens, se voient offrir chez nous ces possibilités — à tous ég
301
, ou sur la moquette. La plupart sont en pantalon
et
blouses de sport. Quelques-unes ont gardé leurs bigoudis, comme cela
302
endriers, paquets de cigarettes, blouses, cahiers
et
livres, et leurs jambes sur des poufs ou le bras d’un fauteuil. Le pr
303
aquets de cigarettes, blouses, cahiers et livres,
et
leurs jambes sur des poufs ou le bras d’un fauteuil. Le professeur an
304
nt imposé — disparaît dans le traitement imagiste
et
presque abstrait qu’a choisi l’auteur anonyme. Plusieurs girls manife
305
cigarette. Elles parlent posément avec un sérieux
et
une assurance imperturbables : je pense, je trouve, à mon avis, I fee
306
hnique tend à devenir la préoccupation dominante,
et
presque la réalité d’une activité humaine quelconque, en l’occurrence
307
l’horizon de cet art poétique me paraît aussi sec
et
gris que l’automne abstraitement évoqué par une ramure sèche et fragi
308
automne abstraitement évoqué par une ramure sèche
et
fragile devant la fenêtre contemplée par le vieux couple. Ces jeunes
309
es — humanités, religion, sciences, arts, musique
et
danse — pour 3 à 4000 dollars par an. Et ce seront elles qui dominero
310
musique et danse — pour 3 à 4000 dollars par an.
Et
ce seront elles qui domineront la société américaine de demain, avec
311
rofesseurs, en tête-à-tête ou en groupe, déjeuner
et
dîner. J’arrive à 11 heures au campus, pour mon premier rendez-vous.
312
nce. Tous portent le même accoutrement si commode
et
si négligé, que la jeunesse européenne semble avoir adopté depuis qui
313
arisiens. Wheeler Hall, je m’annonce au concierge
et
j’attends dans un corridor en lisant les panneaux d’annonces. Soudain
314
ésident du Congrès pour la liberté de la culture,
et
auteur de L’Amour et l’Occident donnera une conférence sur La guerr
315
r la liberté de la culture, et auteur de L’Amour
et
l’Occident donnera une conférence sur La guerre totale et les valeur
316
dent donnera une conférence sur La guerre totale
et
les valeurs occidentales. Sous les auspices des Americans for Democra
317
organisé à Berkeley entre Sidney Hook, C. P. Snow
et
Hans Morgenthau, et qui semble avoir fait du bruit, d’une côte à l’au
318
entre Sidney Hook, C. P. Snow et Hans Morgenthau,
et
qui semble avoir fait du bruit, d’une côte à l’autre, mais c’est vrai
319
ire d’ardentes curiosités sur l’union de l’Europe
et
le Marché commun que l’Amérique découvre subitement, et déjà elle cro
320
Marché commun que l’Amérique découvre subitement,
et
déjà elle croit que c’est fait… À 3 heures, la grande salle est plein
321
st fait… À 3 heures, la grande salle est pleine ;
et
l’on me conduit sur l’estrade. Fragments d’interventions des trois cé
322
ts d’interventions des trois célèbres philosophes
et
sociologues, transmis d’après une bande magnétique, et bien sûr je co
323
ciologues, transmis d’après une bande magnétique,
et
bien sûr je comprends assez mal. Better red than dead, a dit le pacif
324
attitude nous conduirait à être à la fois rouges
et
morts. » Ils ont parlé surtout de la guerre froide et de la Bombe, et
325
orts. » Ils ont parlé surtout de la guerre froide
et
de la Bombe, et très peu des valeurs occidentales. Je vois donc ce qu
326
parlé surtout de la guerre froide et de la Bombe,
et
très peu des valeurs occidentales. Je vois donc ce qui me reste à fai
327
ditoire est composé d’étudiants « très à gauche »
et
dont plusieurs se demandent, m’a-t-on dit, si l’URSS ne détient pas l
328
de, en créant les moyens de relier les continents
et
en formulant les valeurs d’où résulte le concept de genre humain. Je
329
une invention de l’Europe. Croyons à nos valeurs
et
prouvons-le, c’est ce que le monde attend de nous, pour nous rejoindr
330
s’ils décident la guerre, a) ils sont victorieux
et
ils établissent le communisme mondial ; b) nous sommes vainqueurs et
331
le communisme mondial ; b) nous sommes vainqueurs
et
nos chères valeurs occidentales sont détruites de toute façon. » « Ad
332
s que l’État-nation est une conception archaïque,
et
que la tendance à créer des marchés communs peut conduire à la format
333
viennent y passer une année d’études personnelles
et
de conversations approfondies avec les collègues d’autres branches. Q
334
us discuter le plan d’une conférence sur l’Europe
et
le monde que je leur ai brièvement exposé. Critiques et suggestions d
335
monde que je leur ai brièvement exposé. Critiques
et
suggestions d’une pertinence parfaite. Je visite la colline avec Abe
336
e barbu qui compose des « mobiles » à temps perdu
et
en décore son cubicle, et Sidney Hook, le philosophe et sociologue. «
337
mobiles » à temps perdu et en décore son cubicle,
et
Sidney Hook, le philosophe et sociologue. « Je n’ai jamais fait de ma
338
décore son cubicle, et Sidney Hook, le philosophe
et
sociologue. « Je n’ai jamais fait de ma vie autant de mathématiques,
339
littéraire), Lausanne, 12–13 janvier 1963, p. 13
et
19. v. Sous-titré « Notes d’un journal de voyage », ce texte est int
340
ue, qui assaille l’écrivain de questions sur Marx
et
l’Europe, dans des universités très différentes des nôtres. Elles res
341
à des campus, à des cottages anglais… Professeurs
et
étudiants y mènent une vie fraternelle, et l’on y découvre des instit
342
sseurs et étudiants y mènent une vie fraternelle,
et
l’on y découvre des institutions dont l’Europe ferait bien de s’inspi
343
c’est Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’Helvetia
et
à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays de Vaud, réduit aux vig
344
ne croyait qu’au pays de Vaud, réduit aux vignes,
et
pimenté d’exotisme valaisan. « Entre nous, nous sommes racistes », me
345
is plutôt au matérialisme néo-bourgeois, réaliste
et
moralisant, et à une maladresse verbale cultivée par l’école primaire
346
térialisme néo-bourgeois, réaliste et moralisant,
et
à une maladresse verbale cultivée par l’école primaire et secondaire.
347
maladresse verbale cultivée par l’école primaire
et
secondaire. Tout cela n’a rien à voir avec Calvin, spirituel de plein
348
rien à voir avec Calvin, spirituel de plein vent,
et
de langue assurée — et les remarques de M. Tauxe sur ce point sont au
349
, spirituel de plein vent, et de langue assurée —
et
les remarques de M. Tauxe sur ce point sont aussi justes qu’opportune
350
? Bénéficiant d’une structure sociale, politique
et
religieuse, exemplairement fédéraliste et pluraliste, qui lui permet
351
litique et religieuse, exemplairement fédéraliste
et
pluraliste, qui lui permet de participer à tout un jeu de dimensions
352
rticiper à tout un jeu de dimensions spirituelles
et
physiques, les unes très vastes et presque universelles — confession,
353
s spirituelles et physiques, les unes très vastes
et
presque universelles — confession, langue française, culture européen
354
romand qui veut écrire n’a qu’à jouer ses atouts
et
bien savoir sa langue. Cela donne Rousseau, Staël ou Constant. Et cel
355
a langue. Cela donne Rousseau, Staël ou Constant.
Et
cela n’empêche nullement Cendrars ou Cingria. On nous parle de révolt
356
rs ou Cingria. On nous parle de révolte, de crise
et
d’analyse, d’inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’on se plai
357
alyse, d’inhibitions, de pièges, de frustrations,
et
l’on se plaint de manquer d’instruments adéquats pour exprimer ces th
358
: « Je veux que tu me dises ta pensée maîtresse,
et
non que tu t’es échappé d’un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Rép
359
il lui arriva un jour de décrocher son téléphone,
et
d’entendre à l’autre bout du fil une voix annoncer : “Ici Albert Eins
360
rney, Denis de Rougemont me racontait l’histoire,
et
à mon tour j’enregistrais une voix, un visage, une stature qui revend
361
elles. Quelque chose m’inquiète, dis-je. L’Amour
et
l’Occident vous a valu de beaux triomphes. Les hypothèses que vous a
362
ses que vous aviez lancées alors sur les cathares
et
sur l’amour courtois, après avoir ligué contre vous les historiens, l
363
oir ligué contre vous les historiens, la Sorbonne
et
Jean-Paul Sartre, ont été confirmées avec éclat par de récents travau
364
s tentiez aussi d’expliquer l’homme contemporain.
Et
lui, depuis quelques années, me semble avoir beaucoup changé… Les ann
365
t l’institution du mariage, qui défient la morale
et
la raison. Aujourd’hui, les mythes s’évanouissent. Nous devenons très
366
nouvelles conventions, de nouvelles contraintes.
Et
alors nous aurons de nouveau l’envie de nous libérer de quelque chose
367
nisme a repris sa marche en avant. … de la morale
et
de la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que les mythes p
368
incre. Pardon ! Il s’en crée maintenant d’énormes
et
d’inédits. La terre se surpeuple. Chaque être est tellement enserré p
369
tre vie est balisée de feux verts, de feux rouges
et
de feux clignotants. Nous les respectons, parce qu’en les violant nou
370
ressemble à ces montres extraplates… Justement !
Et
c’est ce qui prépare le réveil de très vieux instincts, de très vieux
371
ire. Croyez-vous que l’étude systématique du xie
et
du xiie siècle nous donnerait des éléments d’appréciation pour le xx
372
rrement de l’humanité. C’est Teilhard de Chardin.
Et
précisément la femme a dans son œuvre la place d’un symbole et d’une
373
t la femme a dans son œuvre la place d’un symbole
et
d’une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par exemple un t
374
ne sorte de nature normale, à laquelle la culture
et
la religion seraient venues surajouter leurs faux problèmes… Cette il
375
insensée de religions jamais tout à fait mortes,
et
rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclu
376
à fait mortes, et rarement tout à fait comprises
et
pratiquées ; de morales jadis exclusives, mais qui se superposent ou
377
nous dire savamment, certes, mais avec une fougue
et
une simplicité devenues rares, de quelle manière, à son avis, nous de
378
e paraît l’un des plus vivants, des plus actuels,
et
aussi des plus angoissants de ceux que nous a légués l’Antiquité proc
379
le, si étroitement mêlée aux origines helléniques
et
bibliques de la culture d’Europe. L’interprétation la plus éclairante
380
lement la Nature, mais le Naturant, qui est Dieu,
et
il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite appelée Ba
381
isait les murs ; les uns travaillaient du cordeau
et
de l’équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pi
382
les uns travaillaient du cordeau et de l’équerre,
et
les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que
383
convoyaient les matériaux par mer ou par terre ;
et
chaque groupe s’appliquait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’il
384
re. Jusqu’à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel
et
jetés dans une confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’œu
385
eux qui étaient venus à l’œuvre parlant une seule
et
même langue, dussent la quitter parlant des langues diverses, et inca
386
dussent la quitter parlant des langues diverses,
et
incapables de plus jamais s’entendre pour accomplir leur dessein. En
387
e eux, ceux qui roulaient les pierres, entre eux,
et
ceux qui les taillaient, et ainsi de chaque groupe spécialisé (et sic
388
s pierres, entre eux, et ceux qui les taillaient,
et
ainsi de chaque groupe spécialisé (et sic de singulis operantibus). M
389
taillaient, et ainsi de chaque groupe spécialisé (
et
sic de singulis operantibus). Mais autant d’activités variées, autant
390
nt d’idiomes différents divisant le genre humain.
Et
plus ils excellaient dans leur activité spéciale, plus ils parlaient
391
ls parlaient en jargon barbare (tanto rudius nunc
et
barbarius loquuntur). Si bien que les seuls qui s’en tinrent à la lan
392
ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre
et
s’étaient tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie des trava
393
couvrant d’imprécations la folie des travailleurs
et
les tournant en dérision. Ainsi donc, l’origine de la diversité des
394
ne serait autre que la spécialisation des métiers
et
par suite des jargons de métier — spécialisation exigée par les dimen
395
ues siècles) pour répondre à des besoins certains
et
à des nécessités limitées de cette même vie — mais comme inspirés de
396
paraît valable pour le monde moderne tout entier.
Et
, à l’intérieur de l’Europe, elle fait songer irrésistiblement à cette
397
rit, l’ensemble de nos activités intellectuelles,
et
donc artificielles — elle fait songer à cette Tour du Savoir, telleme
398
’il faut, pour l’édifier, diviser maîtres d’œuvre
et
ouvriers en équipes spécialisées et qui bientôt ne se comprendront pl
399
îtres d’œuvre et ouvriers en équipes spécialisées
et
qui bientôt ne se comprendront plus, je veux dire l’Université et ses
400
e se comprendront plus, je veux dire l’Université
et
ses diverses facultés, et les subdivisions de ces facultés, et tous l
401
veux dire l’Université et ses diverses facultés,
et
les subdivisions de ces facultés, et tous les instituts spécialisés q
402
es facultés, et les subdivisions de ces facultés,
et
tous les instituts spécialisés qui, autour d’elles ou en elles, proli
403
s, c’est-à-dire l’ignorance du savoir des autres,
et
enfin, et surtout, l’oubli de l’unité, l’étrange oubli des buts finau
404
-dire l’ignorance du savoir des autres, et enfin,
et
surtout, l’oubli de l’unité, l’étrange oubli des buts finaux de l’exi
405
ommunications. Les nations tendent à se regrouper
et
à s’organiser en de vastes ensembles, par continents, et d’abord en E
406
organiser en de vastes ensembles, par continents,
et
d’abord en Europe. Les races qui s’ignoraient jadis au point qu’un ho
407
ne semblait pas vraiment humain, se reconnaissent
et
s’admettent. Déjà l’intégration est à la mode. Demain ce sera le méti
408
, au lendemain de l’ère coloniale. Pour le moment
et
pour des décennies encore, c’est la culture occidentale qui domine to
409
le des divisions de l’humanité, s’interpénètrent,
et
certaines s’universalisent. On n’a jamais autant appris de deuxièmes
410
alisent. On n’a jamais autant appris de deuxièmes
et
de troisièmes langues. On n’a jamais autant traduit et déchiffré. Et
411
troisièmes langues. On n’a jamais autant traduit
et
déchiffré. Et des machines électroniques vont faire le reste. Conv
412
ngues. On n’a jamais autant traduit et déchiffré.
Et
des machines électroniques vont faire le reste. Convergences Co
413
ontiguïté. Coexistence. Fédérations. Informations
et
communications en progression géométrique. Dialogue, union, uniformis
414
e, tout coopère ou tout se mêle, pour le meilleur
et
pour le pire. Arrêtons-nous quelques instants pour nous demander quel
415
nous demander quelles sont les causes, le moteur
et
l’agent de ce mouvement universel de convergence ? La réponse me para
416
lanétaire. L’Europe a découvert la terre entière,
et
personne d’autre n’est jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romai
417
jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine
et
judéo-chrétienne a conçu la notion de genre humain, si longtemps étra
418
ire répugnante, à l’Asie brahmanique ou chinoise,
et
qui devait aboutir à la condamnation puis à la suppression — mais apr
419
réation de l’Europe, durant l’époque colonialiste
et
tout d’abord en réaction à ses outrages : las Casas, Vitoria et Suáre
420
d en réaction à ses outrages : las Casas, Vitoria
et
Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel et Kant en sont les pères, et je ne
421
asas, Vitoria et Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel
et
Kant en sont les pères, et je ne leur vois guère de répondant dans le
422
otius, Leibniz, Vattel et Kant en sont les pères,
et
je ne leur vois guère de répondant dans les élites d’Asie, d’Arabie e
423
ère de répondant dans les élites d’Asie, d’Arabie
et
d’Afrique, à part Gandhi. Enfin l’Europe, par sa technique, a mis en
424
arties du monde, devenu désormais unité théorique
et
système de relations pratiques. L’Europe et l’Europe seule a fait tou
425
rique et système de relations pratiques. L’Europe
et
l’Europe seule a fait tout cela, par sa religion, par ses grands phil
426
cela, par sa religion, par ses grands philosophes
et
par ses sciences, par sa technique enfin, résultante moderne de cet e
427
taux, de tensions, de contestations, de créations
et
de formes de vie — disons d’un mot : par sa culture, qui a fait litté
428
ut on exige ses produits, on imite ses techniques
et
procédés, et l’on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’Euro
429
es produits, on imite ses techniques et procédés,
et
l’on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’Europe, de ses do
430
rner contre l’Europe, de ses doctrines politiques
et
sociales, et de certaines de ses valeurs — en même temps se manifeste
431
’Europe, de ses doctrines politiques et sociales,
et
de certaines de ses valeurs — en même temps se manifeste et se pronon
432
aines de ses valeurs — en même temps se manifeste
et
se prononce, précisément au cœur de sa culture qui fut l’agent de la
433
rgence. Ce mouvement de dissociation, de division
et
de séparation, qui est proprement babélique, ne me paraît nulle part
434
t babélique, ne me paraît nulle part plus visible
et
plus facile à observer, hélas, que dans nos universités. Tout le mond
435
ar un accroissement continuel à la fois du nombre
et
de l’exclusivité des spécialisations dans le cadre distendu des facul
436
ialisations dans le cadre distendu des facultés ;
et
en même temps, explosion des effectifs estudiantins, résultant à la f
437
tant à la fois de l’accroissement des populations
et
la démocratisation des études. L’explosion du savoir Ainsi les
438
osion du savoir Ainsi les dimensions physiques
et
l’université tendent à devenir impraticables, cependant que les dista
439
ssables. Dans l’univers du savoir humain, faculté
et
spécialité sont en train de s’éloigner les unes des autres avec une v
440
langages spéciaux de moins en moins traduisibles,
et
l’évanouissement progressif de la conscience du but commun, des fins
441
e l’homme universel, cet idéal capable d’inspirer
et
d’orienter la pensée, le sentiment et l’action non seulement des espr
442
d’inspirer et d’orienter la pensée, le sentiment
et
l’action non seulement des esprits créateurs et de la jeunesse europé
443
t et l’action non seulement des esprits créateurs
et
de la jeunesse européenne, mais aussi des hommes d’outre-mer qui vien
444
n’y ait plus, ou presque plus, de langage commun,
et
que les buts finaux s’obscurcissent, il faut bien voir que cela veut
445
itas, qui sont le sens corporatif, communautaire,
et
le sens synthétique ou universalisée. Nos universités ne sont plus gu
446
tions souvent fortuites d’écoles professionnelles
et
d’instituts de recherches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux
447
inistration en outre accablée de soucis matériels
et
qui a d’autres chats à fouetter que de méditer sur la synthèse des fa
448
42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964,
et
l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans une dizaine d’années. (Seules
449
est plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer
et
d’autres savants américains nous affirment que 85 % des scientifiques
450
s l’aube de l’histoire, sont vivants aujourd’hui.
Et
Louis Armand me disait un jour : si vous et moi, dans nos années d’ét
451
’hui. Et Louis Armand me disait un jour : si vous
et
moi, dans nos années d’études, il y a 30 à 35 ans, avions appris tout
452
il y a 30 à 35 ans, avions appris toute la chimie
et
n’en avions rien oublié, nous ne saurions qu’un dixième de ce qu’elle
453
ciences exactes (mathématiques, physique, chimie)
et
des sciences naturelles (biologie, génétique) et peut-être en psychol
454
et des sciences naturelles (biologie, génétique)
et
peut-être en psychologie ; rien de comparable ne s’est produit et ne
455
psychologie ; rien de comparable ne s’est produit
et
ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie, ni dans l
456
oduit et ne saurait se produire dans la théologie
et
la philosophie, ni dans les lettres. Mais cette disparité n’a rien de
457
t, tout au contraire : elle accroît la séparation
et
les distances entre le savoir et le croire, entre ces deux aspects de
458
ît la séparation et les distances entre le savoir
et
le croire, entre ces deux aspects de la personne totale, jadis but et
459
ces deux aspects de la personne totale, jadis but
et
module de tout l’effort de l’Université au plein sens de son nom (Uni
460
l ne comprendrait pas de quoi parle le physicien,
et
a fortiori ne saurait pas si le rapport entre les conclusions du phys
461
si le rapport entre les conclusions du physicien
et
la dogmatique de l’Église doit être estimé négatif, positif ou indiff
462
i sa démarche est conforme ou non à la théologie,
et
fort probablement ne s’en soucierait pas. Ainsi chacun va de son côté
463
s’en soucierait pas. Ainsi chacun va de son côté,
et
les représentants des disciplines diverses n’ont souvent plus guère e
464
de l’esprit, qui est différent. L’esprit humain,
et
particulièrement l’esprit européen, ne peut se résoudre à ce que les
465
ropéen, ne peut se résoudre à ce que les routines
et
l’utilité immédiate suffisent à justifier l’existence prospère d’une
466
existence prospère d’une entreprise de cet ordre,
et
refoulent les questions anxieuses dont je tente de me faire ici l’int
467
r traîne pour conséquence la division de l’esprit
et
l’accroissement de l’ignorance mutuelle entre les directions de la re
468
Les lévites administrent les rites… En fait,
et
aux yeux d’un observateur non prévenu, jugeant seulement sur ce qu’il
469
elle attire une foule croissante de travailleurs
et
de curieux. L’industrie et l’État, plus que jamais, ont besoin d’elle
470
ssante de travailleurs et de curieux. L’industrie
et
l’État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle est devenue trop
471
comme une frustration, comme une blessure intime,
et
comme une permanente insécurité. L’intellectuel européen d’aujourd’hu
472
question, radicalement, par d’autres disciplines,
et
qui ne peuvent défendre leur « vérité » qu’en se fermant méthodiqueme
473
le correspond à une forme schizoïde de la pensée,
et
conduit à un scepticisme croissant quant aux fins dernières de la rec
474
roissant quant aux fins dernières de la recherche
et
quant à la valeur globale, ultime, du savoir humain. Dans le Temple m
475
aux fins de leur religion, administrent les rites
et
donnent leurs cours… Mais quel dieu servent-ils encore ? À quelle id
476
uve qu’une sorte de monstre, assemblage de pièces
et
de morceaux que seuls les vêtements tiendraient ensemble, ou la force
477
cohérence organique, point de structure osseuse,
et
très peu d’articulations… Au vrai, il est devenu presque impossible d
478
sque impossible de répondre à une telle question,
et
c’est pourquoi sans doute on la pose si rarement. Notre enseignement
479
ignement vise-t-il à former des personnes réelles
et
complètes, ou seulement de futurs professionnels ? Des sages capables
480
essionnels ? Des sages capables de penser, d’agir
et
de créer en harmonie, ou seulement des producteurs plus efficaces, c’
481
stions débordent le seul domaine de l’Université,
et
qu’elles affectent tout l’ensemble de la culture européenne. Mais c’e
482
mer viennent au contact de la culture européenne,
et
c’est là qu’ils se posent à eux-mêmes ces questions, et nous les pose
483
st là qu’ils se posent à eux-mêmes ces questions,
et
nous les posent avec une insistance gênante — car nous voici de moins
484
s pour y répondre. Le problème qu’on soulève ici,
et
qui est celui du principe de cohérence de notre civilisation, me para
485
venture d’un développement autonome de la science
et
des arts, d’une séparation, voire d’une opposition entre le sacré et
486
séparation, voire d’une opposition entre le sacré
et
le profane, entre la cohérence globale définie par la théologie et le
487
tre la cohérence globale définie par la théologie
et
les recherches particulières à l’aventure, advienne que pourra, et qu
488
particulières à l’aventure, advienne que pourra,
et
qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non av
489
nde communément admise. La pluralité des sciences
et
la multiplicité des disciplines spécialisées provient chez nous de la
490
chez nous de la sécularisation de la philosophie
et
de la recherche qui s’est manifestée bien avant la Renaissance, proba
491
autant que l’on sache, dans les cultures sacrées
et
homogènes de l’Asie brahmanique ou bouddhiste, de l’Afrique noire anc
492
ce sens que sagesse spirituelle, science ethnique
et
esthétique, sont réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas de
493
ue et esthétique, sont réglées par les mêmes lois
et
ne connaissent pas de développements particuliers et divergents. L’or
494
ne connaissent pas de développements particuliers
et
divergents. L’originalité, pour elles, n’est pas vertu, mais atteinte
495
taires du xxe siècle, dominées par l’explication
et
la programmation universelles que figure le marxisme-léninisme (ou, a
496
, sans cesse perdue de vue ou remise en question.
Et
quand les hommes nourris de cultures différentes viennent nous poser
497
iennent nous poser leurs grandes questions naïves
et
pénétrantes : pourquoi l’Europe a-t-elle fait les machines ? Pourquoi
498
accroître la productivité plutôt que la sagesse ?
et
à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos désirs ? Bien p
499
et à contrôler la matière plutôt que vos passions
et
vos désirs ? Bien peu d’entre nous sont capables de donner une répons
500
faisante. Le spécialiste se récuse méthodiquement
et
met dans ce refus tout son sérieux. Et je vois peu de généralistes qu
501
odiquement et met dans ce refus tout son sérieux.
Et
je vois peu de généralistes qui aient osé relever, par exemple, la re
502
ation (reconnaissance de la réalité de la matière
et
du corps, où Dieu se manifeste) et le développement des sciences phys
503
de la matière et du corps, où Dieu se manifeste)
et
le développement des sciences physiques et naturelles dans l’Occident
504
feste) et le développement des sciences physiques
et
naturelles dans l’Occident christianisé — alors qu’il est clair qu’un
505
qu’il est clair qu’une Asie qui tenait la matière
et
le corps pour essentiellement illusoires n’allait pas perdre à leur é
506
rtement. Je reprends ici mon exemple du physicien
et
du théologien. Pour répondre à l’hindou qui interroge l’Occident sur
507
obsession de l’Histoire, du Temps, de l’Évolution
et
du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable de se référer
508
capable de se référer non seulement aux conciles
et
aux textes sacrés, mais aux fondements de la doctrine physique du Tem
509
t déjà depuis un siècle sur le principe de Carnot
et
Clausius sur la dégradation de l’énergie, la « flèche du temps » et l
510
dégradation de l’énergie, la « flèche du temps »
et
l’entropie, notions de base qui ont une portée métaphysique indiscuta
511
ase qui ont une portée métaphysique indiscutable.
Et
il faudrait que les physiciens qui en discutent sachent que la dialec
512
leurs problèmes actuels sur le temps, la matière
et
sa constitution, est étrangement homologue à celle des grandes querel
513
éologiques de Nicée, de l’augustinisme, de Luther
et
du jansénisme. Je m’excuse de traiter par allusions rapides, peut-êtr
514
de qu’elle a réveillé, dans le désordre spirituel
et
dans l’incohérence babélique de ses spécialités sans communication, e
515
babélique de ses spécialités sans communication,
et
de la pluralité de ses recherches sans références à un langage commun
516
ule l’a posé dans l’histoire, c’est celui de l’Un
et
du Divers également réels et valables, dont le problème des relations
517
c’est celui de l’Un et du Divers également réels
et
valables, dont le problème des relations entre savoirs spécialisés et
518
problème des relations entre savoirs spécialisés
et
synthèse de nos connaissances n’est guère qu’un cas particulier. Le p
519
non unitaire, que je tiens pour la seule possible
et
désirable. Comment résoudre ce problème dans le cadre qui nous intére
520
um generale, aux étudiants de toutes les facultés
et
instituts spécialisés. Je n’y crois pas. La presque totalité des expé
521
ntées dans cette intention si louable ont échoué,
et
les raisons de ces échecs répétés me paraissent assez évidentes. La
522
sion géométrique, ait la moindre chance de succès
et
l’éducation permanente qu’on nous propose, qui s’étendrait du berceau
523
e carrière de brillant vulgarisateur scientifique
et
une spécialisation qui lui vaudrait sans doute le prix Nobel, mais au
524
libre du corps. On peut l’évaluer à son prix réel
et
trouver celui-ci exorbitant : perdre de vue l’ensemble humain est une
525
s, dus à la spécialisation, ne combleront jamais,
et
toujours moins. C’est gagner le monde par petits bouts au prix de son
526
igner à un nombre toujours plus grand d’étudiants
et
de futurs enseignants. Puisqu’on ne peut chercher de solution en arri
527
nexes mais souvent très distantes, ou plus vastes
et
plus englobantes. Dans bien des cas célèbres, c’est l’avant-garde de
528
rtitudes admises, débouche sur le domaine du rêve
et
des symboles et fonde la psychanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans
529
, débouche sur le domaine du rêve et des symboles
et
fonde la psychanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’étude de la «
530
tion de l’inceste ; cependant que des biologistes
et
des électroniciens puisent dans la même théorie saussurienne les schè
531
nne stricto sensu du cosmos est trop étriquée » ;
et
que la physique de demain risque de se trouver obligée d’entrer dans
532
bases d’une science beaucoup plus compréhensive.
Et
chacun sait que c’est en poussant l’exigence de l’analyse jusqu’aux a
533
ont créé la science nucléaire : or, les impasses
et
les paralogismes qu’ils y rencontrent semblent les confronter désorma
534
taphysiques. Je ne l’imagine pas : je les écoute,
et
plusieurs d’entre eux l’ont écrit. Carrefours de vérités Une ph
535
s du Ciel, elles n’apparaîtront pas objectivement
et
comme spontanément au terme d’une comparaison systématique des résult
536
saisies par l’esprit dans leur mouvement, rythme
et
structure dynamiques autant que dans leurs implications jusqu’alors i
537
synthèse qu’exige l’état présent de notre culture
et
de nos universités, devrait d’abord être confiée à des groupes de che
538
carrefours de vérités hétérogènes » sur lesquels
et
à partir desquels l’esprit de synthèse pourrait s’exercer. Le nombre
539
la conversation, l’échange spontané de questions
et
de réponses, le dialogue en un mot, et il exclut l’intervention monol
540
questions et de réponses, le dialogue en un mot,
et
il exclut l’intervention monologante sous forme de discours. Ce détai
541
ynthèses imaginables existent déjà en puissance —
et
pas non plus qu’elle s’inscrive devant nous, sur quelque carte perfor
542
nstamment alerté de leurs corrélations virtuelles
et
de la fécondité de leurs interférences. Ces hommes seront d’abord des
543
nces. Ces hommes seront d’abord des spécialistes,
et
qui prouveront leur excellence en tant que tels par le fait même qu’i
544
n de sauver la qualité des universités existantes
et
leur efficacité pédagogique, menacées l’une et l’autre par des facteu
545
es et leur efficacité pédagogique, menacées l’une
et
l’autre par des facteurs quantitatifs irréversibles, serait de multip
546
ptima que votre Conférence se préoccupe d’établir
et
que proposent avec beaucoup de sagesse, me semble-t-il, les rapports
547
elles, condition de toute existence communautaire
et
de tout bon travail en commun, l’on sera conduit à préférer la multip
548
tés à la multiplication des facultés, des chaires
et
des postes d’assistants dans les déjà trop grandes universités. L’adj
549
e belge Léo Moulin, sous le titre d’indice Nobel,
et
qui se fonde sur le nombre de prix Nobel de sciences par million d’ha
550
la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas
et
la Suède, tandis que les plus grands pays comme les États-Unis et l’U
551
dis que les plus grands pays comme les États-Unis
et
l’URSS viennent loin derrière, ou même en queue de liste. Je n’en dis
552
e vous proposer des conclusions plus personnelles
et
plus précises, qui vous apparaîtront peut-être comme un rêve, mais ri
553
ais pas trop loin d’une ville de moyenne grandeur
et
de vie culturelle et sociale animée, une ou deux-centaines de maisons
554
ne ville de moyenne grandeur et de vie culturelle
et
sociale animée, une ou deux-centaines de maisons familiales dispersée
555
deux-centaines de maisons familiales dispersées,
et
un centre de type villageois : hôtels, auberges, marché, boutiques, c
556
, un groupe de bâtiments contient la bibliothèque
et
les salles de colloques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit
557
parlais tout à l’heure : professeurs de tous âges
et
de toutes spécialités, et futurs professeurs déjà gradués, d’une part
558
rofesseurs de tous âges et de toutes spécialités,
et
futurs professeurs déjà gradués, d’une part ; responsables des domain
559
es les plus variés de la vie publique, économique
et
sociale, d’autre part. Condition générale d’admission : avoir prouvé
560
au moins du savoir, ou de la vie professionnelle,
et
démontrer d’une manière convaincante qu’on éprouve l’impérieux désir
561
nner une conférence, le soir, c’est à ses risques
et
périls : toute déclaration publique est obligatoirement suivie d’une
562
tique mutuelle. Deux meneurs de jeu par colloque,
et
ils ne peuvent appartenir à la même spécialité. Faire le monde
563
rtenir à la même spécialité. Faire le monde
Et
quant au contenu : seuls sont portés au programme les sujets par esse
564
our ma part, je serais heureux de pouvoir étudier
et
discuter, si j’étais jugé digne de participer aux activités de la com
565
des cultures, notamment de la culture européenne,
et
la logique ou les contradictions de leur développement dans la vie pu
566
ctions de leur développement dans la vie publique
et
privée de l’unité culturelle en question. Le problème des possibles c
567
roblème des possibles convergences entre l’Orient
et
l’Occident, c’est-à-dire entre la sagesse et la puissance créatrice,
568
ient et l’Occident, c’est-à-dire entre la sagesse
et
la puissance créatrice, formerait un centre particulier d’attention.
569
eraction des disciplines dans l’histoire ancienne
et
récente de l’Europe. Dans quelle mesure et sous quelles conditions le
570
cienne et récente de l’Europe. Dans quelle mesure
et
sous quelles conditions les inventions ou découvertes de la science e
571
tions les inventions ou découvertes de la science
et
des arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité,
572
tion débridée, de la foi, du doute, de la méthode
et
des contingences dans les progrès de la connaissance en Occident. 3.
573
individuel, de santé mentale, de beauté du milieu
et
de paix des disciplines farouches qu’imposent à la majorité de nos co
574
ns les impératifs de la croissance de production,
et
de l’aide aux sous-développés ? 4. Possibilités d’un langage universe
575
d’un langage universel, fondé sur la cybernétique
et
sur la sémiologie de Saussure. Recherche générale de procédés de tran
576
e translation des méthodes, démarches spécifiques
et
résultats des diverses branches du savoir. Limites d’un tel langage,
577
ses branches du savoir. Limites d’un tel langage,
et
comment y suppléer par les arts. 5. Européologie. Il existe dans la p
578
prudence, l’unification de leurs mesures sociales
et
la coordination de leurs politiques économiques. Ce qui nous manque e
579
ant aux relations entre un tel Centre de synthèse
et
les universités existantes, on les imaginera sans peine. L’introducti
580
aucoup de professeurs à cet institut de recyclage
et
de remise en question générale, et c’est aussi ce que nous attendons
581
t de recyclage et de remise en question générale,
et
c’est aussi ce que nous attendons tous de nos vacances. Après un an,
582
’un langage commun aux sciences exactes, aux arts
et
à la théologie, ainsi Descartes dès 1625, puis Leibniz et son Ars Com
583
théologie, ainsi Descartes dès 1625, puis Leibniz
et
son Ars Combinatoria. Mais surtout, et c’est la conclusion que je sou
584
is Leibniz et son Ars Combinatoria. Mais surtout,
et
c’est la conclusion que je souhaite que vous tiriez de mes propos, ce
585
versité, qui est la formule de notre grand passé,
et
de notre avenir, intégré, le seul possible. L’Europe, c’est très peu
586
multipliées par une culture qui a fait le Monde,
et
qui doit aujourd’hui, plus que jamais, faire des hommes. 3. Je n’i
587
e muettes trop de réalités précieuses, affectives
et
personnelles, essentielles au sens de nos vies. aa. Rougemont Denis
588
ittéraire), Lausanne, 19–20 septembre 1964, p. 19
et
21.
589
oint de grands centres ni de marché intellectuel,
et
surtout point de langue que ces patries aient en commun, semble inter
590
s’illustrer d’une manière exemplaire dans l’œuvre
et
la carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’il est l’un de ceux, très ra
591
ersonne, le style, la formule créatrice résultent
et
se composent, précisément, de cette pluralité des données culturelles
592
tion humaniste où se mêlent intimement germanisme
et
latinité, esprit de la cité et cosmopolitisme, et qui rend plus sensi
593
imement germanisme et latinité, esprit de la cité
et
cosmopolitisme, et qui rend plus sensibles à l’oreille intérieure les
594
et latinité, esprit de la cité et cosmopolitisme,
et
qui rend plus sensibles à l’oreille intérieure les arythmies annoncia
595
ices d’accidents du cœur de l’Europe. La pensée
et
l’action Peu de carrières ont connu tant d’alternances de périodes
596
ont connu tant d’alternances de périodes d’action
et
de médiation. Tantôt écrivain libre ou professeur ; historien des gra
597
g ; enfin mémorialiste d’événements qu’il a vécus
et
qu’il avait prévus. Burckhardt est le type même de l’écrivain qui ne
598
passion de la lucidité. Son expérience des hommes
et
de l’irrationnel qui conduit leurs affaires au pire a certes confirmé
599
es au pire a certes confirmé son pessimisme inné,
et
sa profonde méfiance à l’endroit de ce qui vient, de notre monde mode
600
erne en général, mais son goût puissant de la vie
et
son sens du service de la cité n’ont cessé de le ramener aux grands p
601
s par toutes leurs fibres aux traditions civiques
et
culturelles des Suisses. Voilà qui suffira peut-être à justifier l’ex
602
si un conteur fascinant, un humoriste redoutable,
et
un grand chasseur de chamois.) ab. Rougemont Denis de, « Un écriv
603
il y revenait souvent, voir sa très vieille mère
et
travailler dans l’atelier qui avait été celui de son père. Il y est m
604
, ailleurs, au Flore, chez Lipp, depuis vingt ans
et
plus qu’on se rencontrait, je ne l’avais jamais vu dans sa réalité et
605
contrait, je ne l’avais jamais vu dans sa réalité
et
nous n’avions presque rien dit qui vaille entre deux hommes. Mais ce
606
jour-là, il triturait une mince colonne de terre
et
se plaignait — « c’est l’enfer ! », disait-il. De la matière fuyait e
607
De la matière fuyait entre ses doigts, s’effilait
et
refusait de remplir le volume normal d’un corps, d’une tête. « Cela s
608
e normal d’un corps, d’une tête. « Cela s’allonge
et
s’amincit par une poussée irrésistible de bas en haut, rien à faire,
609
ue moi… » Là-dessus des théories bien saugrenues,
et
nous sommes allés prendre un verre sur la terrasse du Café de la Post
610
sur la Suisse, c’était la raison de mon passage,
et
nous avons parlé de notre pays, fraternisé dans un éloge immodéré de
611
nisé dans un éloge immodéré de ses aspects variés
et
insolites, de l’Appenzell où Alberto avait fait son service et gagné
612
de l’Appenzell où Alberto avait fait son service
et
gagné un galon de bon tireur — moi aussi, je l’ai eu ! m’écriai-je —
613
’ai eu ! m’écriai-je — jusqu’à Soglio tout proche
et
ses palais alpestres. Et quel paysage autour de nous ! Le clocher aig
614
squ’à Soglio tout proche et ses palais alpestres.
Et
quel paysage autour de nous ! Le clocher aigu de l’église ; de maigre
615
maigres peupliers noueux sur des pentes bosselées
et
semées de rochers, et tout en haut les futs très effilés du Piz Duan,
616
ux sur des pentes bosselées et semées de rochers,
et
tout en haut les futs très effilés du Piz Duan, des pics de la Sciora
617
s pics de la Sciora. Volcaniques ? Oui, bien sûr,
et
le père d’Alberto aimait à le conduire sur ces pentes désertes, au pi
618
entir derrière l’œuvre, accident du génie humain,
et
ces accidents telluriques, une même poussée profonde, une même loi de
619
r : « La Voix de l’Amérique parle aux Français »,
et
j’avais deux équipes d’« announcers » qui les lisaient en alternant l
620
nt de mourir), Lévi-Strauss, un des fils Pitoëff,
et
Breton. (Il avait trouvé ce moyen de gagner juste de quoi vivre sans
621
ir, nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries !
Et
que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arr
622
pposer de front : nos options politiques, morales
et
religieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation
623
: nos options politiques, morales et religieuses.
Et
nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation en convergence
624
e vouer sa vie durant aux manifestations visibles
et
officielles du christianisme, était un être religieux par excellence.
625
s, une adoration fascinée, une rébellion furieuse
et
permanente mais selon sa règle à lui, bien entendu, une rigueur folle
626
raits se faisant face de la mère Angélique Arnaud
et
de Marat : l’accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénératio
627
lique Arnaud et de Marat : l’accord du jansénisme
et
du jacobinisme dans la vénération de l’artisan lui semblait des plus
628
ombrageuse, celle qui réglait absolument sa vie,
et
des décrets d’excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voi
629
de voix soudains, en rejetant la tête en arrière,
et
la victime disparaissait dans les ténèbres du dehors, éjectée, déjeté
630
gle très courtois, ou d’une épithète gouailleuse,
et
le disciple flatté hier encore au-delà de ses plus folles espérances,
631
n allait subitement dégonflé. (Combien de poètes,
et
plus encore de peintres, n’ont jamais pu vraiment s’approuver dans le
632
eur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis
et
célébrés !) J’ai vu plus d’une scène de ce genre aux réunions du grou
633
genre aux réunions du groupe, d’ailleurs variable
et
quelque peu fortuit qu’avait reconstitué André Breton dès son arrivée
634
es arts, Max Ernst, Matta, Tanguy, parfois Masson
et
toujours « l’artiste-inventeur » Marcel Duchamp, père du pop art ving
635
y voyait aussi quelques poètes, des ethnographes,
et
quelques jeunes femmes assez fantasques qu’on eût dit nées des comédi
636
rrasses de café, une ou deux soirées par semaine,
et
l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de
637
une exposition, ou une vitrine (Breton, Seligmann
et
Duchamp signèrent celle qui annonçait ma Part du diable ). J’allais
638
u’il venait de recopier d’une belle écriture sage
et
d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fourier était alors son nouve
639
pour m’en lire des chapitres décrivant le travail
et
les plaisirs « réglés » des ouvriers, de l’utopie phalanstérienne. On
640
, écrira-t-il dans Arcane 17, deux ans plus tard,
et
il poursuit : « À travers leurs outrances et tout ce qui procède chez
641
ard, et il poursuit : « À travers leurs outrances
et
tout ce qui procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut r
642
s bibliothèques ; il n’en crut rien, visiblement,
et
avec raison : son Augustin à lui était sans nul rapport avec celui qu
643
de Madison Avenue déserte, vingt étages à gauche
et
à droite, je me trouve soudain devant Breton, qui marche lentement à
644
t-il, à la religion qu’il faut absolument fonder,
et
pourquoi ne pas la fonder sur le culte d’une pierre bleue ? » Chan
645
le (« la beauté sera convulsive ou ne sera pas »)
et
la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libertaire, anarchi
646
et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire
et
libertaire, anarchiste et sacerdotal, rhéteur de la révolte et précie
647
dre soupir. Autoritaire et libertaire, anarchiste
et
sacerdotal, rhéteur de la révolte et précieux ajusteur de mallarméens
648
, anarchiste et sacerdotal, rhéteur de la révolte
et
précieux ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire et l’extrê
649
ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire
et
l’extrême rigueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pou
650
Paris où l’on se hâte vers l’école ; le travail,
et
au fil des années, sa longue amitié souvent difficile. Des rires. Des
651
rires. Des jours aussi qui touchent à l’histoire.
Et
des adieux… Seules donc m’ont guidé — ou égaré — les subtiles connive
652
é — ou égaré — les subtiles connivences du hasard
et
du souvenir. Je cite ces phrases choisies dans un bref liminaire pou
653
i parle ce livre4 mais aussi comment il en parle.
Et
c’est cela qui nous intéresse : Jacques Chenevière, écrivain de race,
654
t sa mémoire elle-même qui est le sujet du livre,
et
comme son véritable auteur. Ces souvenirs ne seront donc pas faits de
655
s ne seront donc pas faits de dates, d’événements
et
de justifications, comme ceux d’un homme public, mais d’images curieu
656
n homme public, mais d’images curieusement fixées
et
restituées après un long développement intérieur (non sans certains r
657
là deux ou trois livres mêlés, peut-être quatre,
et
qui voudrait s’en plaindre ? (C’eût été bien mal vu des professeurs d
658
ouveau Roman.) Cette variété de styles, de thèmes
et
de registres me paraît ici nécessaire et signifiante. Comme la plupar
659
e thèmes et de registres me paraît ici nécessaire
et
signifiante. Comme la plupart des écrivains de notre pays — et très S
660
e. Comme la plupart des écrivains de notre pays —
et
très Suisse en cela du moins — Jacques Chenevière n’est pas « seuleme
661
philanthropique. (Ils ravissaient Valéry Larbaud,
et
c’est tout dire.) Cette suite d’une quarantaine de portraits-souvenir
662
quarantaine de portraits-souvenirs, de rencontres
et
de récits qui mettent en scène tantôt l’auteur (surtout dans sa jeune
663
scène tantôt l’auteur (surtout dans sa jeunesse,
et
jamais sans humour), tantôt des personnages de l’histoire politique e
664
), tantôt des personnages de l’histoire politique
et
littéraire d’un passé proche, nous font passer et repasser sans trans
665
et littéraire d’un passé proche, nous font passer
et
repasser sans transition de la prose à la poésie, d’un salon de la Be
666
de la naissante Agence des prisonniers de guerre,
et
de l’évocation d’une adolescence parisienne à celle d’une inénarrable
667
ation comme volontaire cycliste en culotte Saumur
et
casquette de yachting dans l’armée suisse de 1914. Sans transition, m
668
: après une scène nocturne d’un comique insidieux
et
digne du modèle, où l’on voit Proust lunaire, distrait et intense à l
669
du modèle, où l’on voit Proust lunaire, distrait
et
intense à la fois, paraître au seuil d’un salon déserté, passé minuit
670
le monde des enfances, entre le monde des lettres
et
celui de l’action — et l’on dirait ici qu’un nouveau livre se propose
671
entre le monde des lettres et celui de l’action —
et
l’on dirait ici qu’un nouveau livre se propose — quelques événements
672
à travers un paysage où « l’orage de mai, proche
et
grondant de foudres mauves, laisse dans l’air un goût de silex » ; se
673
e des prisonniers Descriptions d’une mémoire ;
et
ce qu’elle a gardé, et qui revit en ce recueil, va devenir par la grâ
674
scriptions d’une mémoire ; et ce qu’elle a gardé,
et
qui revit en ce recueil, va devenir par la grâce d’un art très sûr un
675
er facilement, faites d’atmosphère, de sentiment,
et
d’un regard imaginant. Presque rien n’eût été enregistré par l’object
676
eût été enregistré par l’objectif (si bien nommé)
et
pourtant quelque chose s’est passé puisque en demeure dans le souveni
677
n fils » porte une enveloppe, en guise d’adresse.
Et
une autre : « À Gustave Adoré, Genève. » La marée monte de semaine en
678
vaillent bientôt. Un jour on annonce à Chenevière
et
l’on pilote vers lui entre les fichiers un monsieur « frêle et comme
679
e vers lui entre les fichiers un monsieur « frêle
et
comme frileux malgré un gros pardessus… Finesse d’un visage presque s
680
vous, Monsieur ? — N’importe quoi qui soit utile.
Et
dès aujourd’hui si vous voulez. » C’était Romain Rolland. Il venait d
681
lland. Il venait de publier Au-dessus de la Mêlée
et
vivait à Villeneuve, réaliste utopique, « en une sorte de sérénité me
682
en une sorte de sérénité meurtrie ». Mussolini
et
les raisins Plus tard, c’est à la veille de l’autre guerre mondial
683
nante prestesse. » Plusieurs chapitres ici ou là,
et
qui se multiplient vers la fin du recueil (mais souvent trop rapides
684
r, Émile Henriot, Edmond Jaloux, Valéry Larbaud ;
et
, plus lointains, quelques aînés, René Boylesve, Anna de Noailles, Mar
685
ardt dans sa loge, puis leurs rencontres à Genève
et
à Paris, sont décrites dans le registre d’un comique assez vif, mais
686
s de Copeau, de Ludmilla Pitoëff, d’Adolphe Appia
et
de Jaques-Dalcroze, pour lequel Chenevière a écrit le livret des Prem
687
nevière a écrit le livret des Premiers Souvenirs.
Et
le passage à Lausanne de Liane de Pougy — devenue mondiale et vraie p
688
e à Lausanne de Liane de Pougy — devenue mondiale
et
vraie princesse — est l’un des épisodes les plus proustiens du livre.
689
de Strasbourg où l’accueillent gentiment Mélanie
et
Pauline — comtesse de Pourtalès et princesse Metternich — dames d’ant
690
timent Mélanie et Pauline — comtesse de Pourtalès
et
princesse Metternich — dames d’antan, et qui furent de ces grandes co
691
ourtalès et princesse Metternich — dames d’antan,
et
qui furent de ces grandes corolles posées sur la prairie auprès de l’
692
tait juste au milieu de sa bouche grande, charnue
et
bien peinte », même s’il s’agit seulement des robes que leur composai
693
s… »), s’élève jusqu’au sublime dans la frivolité
et
touche aux ravissements d’une poésie pure. Quels sont les secrets de
694
rets de l’écriture qui anime ainsi tant d’images,
et
si variées ? Allons les rechercher dans les enfances et surtout les a
695
variées ? Allons les rechercher dans les enfances
et
surtout les adolescences du poète, qui sont triples : l’élocution bie
696
éliée du Parisien, la chaleur drôle du Méridional
et
la retenue parfois un peu rêveuse du Genevois, voilà de quoi se fait
697
igu, documenté jusqu’au dernier bouton de guêtre,
et
les ellipses un peu nippones des plus récents recueils de Jacques Cha
698
me son temps avec plus de tendresse, de scrupules
et
d’humour, et qui, pour moins griffer, d’autant mieux charme. Aux jeun
699
avec plus de tendresse, de scrupules et d’humour,
et
qui, pour moins griffer, d’autant mieux charme. Aux jeunes gens et je
700
s griffer, d’autant mieux charme. Aux jeunes gens
et
jeunes filles d’aujourd’hui, j’aimerais dire qu’un tel livre transmet
701
e, comique ou émouvant, qui est avec le mouvement
et
l’allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste
702
llure de la phrase, le sérieux de la littérature.
Et
tout le reste est linguistique, dirait Verlaine s’il revenait parmi n
703
Verlaine s’il revenait parmi nous. 4. Retours
et
images, Éditions Rencontre. ae. Rougemont Denis de, « Jacques Chene
704
littéraire), Lausanne, 22–23 octobre 1966, p. 27
et
30.
705
les mieux calculées dans leur opération physique
et
les moins calculables dans leur retentissement humain, marquant ainsi
706
leils », cet homme était d’Europe par les mesures
et
les affinités de sa pensée, mais il me donnait l’impression de représ
707
ture délicate allongée, le large regard rayonnant
et
ce sens mystique étranger à toute espèce de religion des prêtres. « N
708
vé un sonnet en français : il l’écrivit au réveil
et
le publia dans la petite revue de poésie d’avant-garde The Hound and
709
té, il voyait tout, pensait à tout pour ses amis,
et
savait écouter comme personne, tout en vous enveloppant d’un regard b
710
mps : à proximité, le regard rencontre les champs
et
les arbres de la campagne genevoise ; à cinq minutes, cependant, vous
711
ur le monde. Pendant que j’écoutais la voix calme
et
lucide de Denis de Rougemont parler de l’Europe, de la personne, du l
712
Sur l’Automne 1932 , qui joint Paysan du Danube
et
Journal d’un intellectuel en chômage . Ce texte reflète un point-cha
713
. Ce texte reflète un point-charnière dans ma vie
et
mes préoccupations. C’est à ce moment-là, en effet, qu’avec plusieurs
714
rappés par l’anarchie des pays dits démocratiques
et
par les réactions massives des pays totalitaires. Nous décelions égal
715
Gaulle. À cette époque, l’opposition du fascisme
et
de la démocratie, pour des jeunes gens qui voulaient faire la révolut
716
ctature de l’État, telle que l’incarnaient Hitler
et
Mussolini. Quels furent, au niveau des faits, les éléments importants
717
nd de Pury, Albert-Marie Schmidt. Les théologiens
et
philosophes qui nourrissaient notre pensée étaient Karl Barth, Kierke
718
ent notre pensée étaient Karl Barth, Kierkegaard,
et
Heidegger que Corbin commençait à traduire. En ce qui concerne L’Ordr
719
veau où je retrouvais Arnaud Dandieu, Robert Aron
et
Alexandre Marc, le mouvement était d’inspiration proudhonienne, avec
720
ultures, en faisant connaître, par exemple, Barth
et
Heidegger à un public français qui ne les connaissait pas. Pour marqu
721
plus de méfiance pour les réalités scientifiques
et
techniques, qui nous intéressaient, à Hic et Nunc ai, comme moyens
722
e dans ces journaux, qui ne sont pas des mémoires
et
se tiennent à égale distance de la chronique et du journal intime, s’
723
s et se tiennent à égale distance de la chronique
et
du journal intime, s’exprime l’évolution d’une sensibilité européenne
724
rançais, je me suis nourri de Goethe, de Novalis,
et
de Hölderlin que les jeunes Français ne connaissaient pas. On peut d’
725
usieurs écrivains suisses romands ; pensez à Roud
et
Jaccottet. Il existe un filon de romantisme allemand qui nous est trè
726
n de romantisme allemand qui nous est très proche
et
, chose curieuse, la langue ne constitue pas un barrage. J’ai d’ailleu
727
tisme. Rien de tout cela n’a les mêmes frontières
et
il se produit là un jeu complexe d’exclusions et d’inclusions, qui s’
728
et il se produit là un jeu complexe d’exclusions
et
d’inclusions, qui s’oppose d’une manière systématique à toute idée de
729
xe siècle. Je vois l’homme à la fois cosmopolite
et
enraciné. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à être d’un pays où j’
730
moindre gêne à être d’un pays où j’ai des racines
et
à me sentir européen. La seule chose inadmissible est d’être enfermé
731
me… » Cette tension entre la personne qui se crée
et
l’époque qu’elle vit n’est-elle pas la caractéristique fondamentale d
732
pas la caractéristique fondamentale de votre vie
et
de votre œuvre ? Certainement, et c’est un mouvement qui se retrouve
733
le de votre vie et de votre œuvre ? Certainement,
et
c’est un mouvement qui se retrouve à tous les niveaux. Je pense qu’il
734
l’exigence spécifique, singulière, d’une vocation
et
l’exigence communautaire. Dès 1932, je définissais la personne comme
735
l’individu que sa vocation distingue de la masse
et
relie à la communauté. Maintenir dans sa pensée deux réalités antinom
736
pensée deux réalités antinomiques, valables l’une
et
l’autre, telle est pour moi la formule de base du fédéralisme. Mainte
737
e. Maintenir les contraires, sans les subordonner
et
sans les confondre ; ni séparation ni confusion. Dans cette perspecti
738
ême esprit, à la nécessité conjointe de la pensée
et
de l’action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’écris dans Jo
739
re tout imprégné de la sagesse, à la fois moderne
et
profonde, d’un maître authentique. Mais la réalité reprend vite ses d
740
x », c’est-à-dire puissent paraître « nouveaux »,
et
ne correspondent pas à un poste du budget courant. Ce « réalisme » co
741
evient urgence (peut-être même est-il trop tard),
et
chacun d’affirmer qu’il l’avait toujours dit… Sans plus de précaution
742
l l’avait toujours dit… Sans plus de précautions,
et
pour faire court, je condenserai en quelques thèses des réflexions pa
743
t-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie
et
xiiie siècles, c’est une commune autonome, qui assure sa propre poli
744
une commune autonome, qui assure sa propre police
et
s’administre elle-même. Elle est formée par la totalité (universitas)
745
formée par la totalité (universitas) des maîtres
et
des élèves, et en même temps elle représente la totalité des savoirs
746
totalité (universitas) des maîtres et des élèves,
et
en même temps elle représente la totalité des savoirs acquis et des r
747
ps elle représente la totalité des savoirs acquis
et
des recherches en cours (universitas scientiarum). Au sein de cette c
748
ont débattues selon la méthode scolastique du sic
et
non (le débat des pour et des contre) mise à la mode par le maître à
749
hode scolastique du sic et non (le débat des pour
et
des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de
750
est donc la disputatio, confrontation permanente
et
contestation méthodique, portant sur les fondements mêmes, théologiqu
751
es fondements mêmes, théologiques, philosophiques
et
juridiques, de la société. À côté de cela et avant cela (propédeutiqu
752
ques et juridiques, de la société. À côté de cela
et
avant cela (propédeutique) on enseigne les « arts libéraux », lettres
753
tique) on enseigne les « arts libéraux », lettres
et
sciences nécessaires aux professions dites libérales. (Quelques champ
754
ales. (Quelques champions étudient les sept arts,
et
réussissent à tout savoir.) En fonction d’un certain sens de la vie
755
ans une même ville, leurs services administratifs
et
leur dépendance financière d’un même État. À part cela, elles n’ont p
756
e ensemble. 3. L’Université au vrai sens du terme
et
les écoles professionnelles ou facultés ont des finalités différentes
757
t préparer à juger, évaluer, orienter les esprits
et
les activités : elle aurait pour fonction de chercher et de dire le S
758
activités : elle aurait pour fonction de chercher
et
de dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle
759
r pour en vivre n’a que faire de la contestation.
Et
celui qui entend contester la société n’a que faire d’une « étude des
760
nelle ou faculté doit donc précéder l’Université,
et
l’une ne peut se désintéresser des problèmes de l’autre. 7. Je propo
761
oise du fédéralisme : « La rencontre de l’oreille
et
des bruits. » Définition courante en Suisse mais fausse : le micronat
762
cantonal, ne consiste pas à vouloir tout partout
et
à tout prix, mais à répartir les activités selon leurs dimensions aux
763
versités ? Question universitaire par excellence,
et
qui définit même la fonction spécifique de l’Université : une école,
764
savoir (recherches au-delà de l’usage prévisible
et
sans tenir compte des « besoins de l’économie »), d’autre part pour o
765
-dire formuler ses options fondamentales, évaluer
et
rénover sans cesse ses principes communautaires et ses finalités. 11.
766
t rénover sans cesse ses principes communautaires
et
ses finalités. 11. L’Université doit donc comprendre deux genres ou o
767
d’activité distincts mais reliés : les recherches
et
la contestation. Dans l’un, on poussera les spécialisations au plus h
768
en question de chaque discipline par les autres (
et
c’est ce qu’on peut nommer : recherche interdisciplinaire). 12. Les d
769
maître. Ces groupes pouvant se combiner librement
et
de manières variables, en départements, selon la nature des recherche
770
rches inédites qu’un maître est en train de faire
et
qui peuvent intéresser beaucoup d’étudiants. Une fois la recherche te
771
ucoup d’étudiants. Une fois la recherche terminée
et
« enseignée » une ou deux fois, on remplacera le cours par des groupe
772
des groupes de discussion sur le texte polycopié
et
plus tard, publié. 14. Un professeur ne devrait pas être et avoir été
773
rd, publié. 14. Un professeur ne devrait pas être
et
avoir été seulement professeur. Il ne devrait pas être jugé sur ses s
774
ur comme praticien, s’il enseigne dans une école,
et
comme créateur intellectuel, s’il enseigne dans une Université. 15. L
775
s moyens au niveau national (voire international)
et
dans un seul lieu, s’impose donc. Au contraire, les recherches interd
776
ines) sont peu coûteuses, demandent peu d’espace,
et
peuvent s’organiser n’importe où, à la campagne, dans un village ou d
777
une certaine mobilité des chercheurs, enseignants
et
étudiants est donc indispensable à la vie d’une Université digne du n
778
tension s’institue entre écoles professionnelles
et
Université. Ce qu’il faut redouter, c’est la subordination de la rech
779
ination de la recherche aux besoins de la société
et
notamment de son industrie. Car une société, de même qu’une science o
780
t les principes ne seraient pas remis en question
et
« contestés » par l’Université, dépérirait ou serait balayée. Tandis
781
société, donc privée de liberté dans la critique
et
de gratuité dans l’imagination, cesserait du même coup d’être une Uni
782
on, cesserait du même coup d’être une Université,
et
n’aurait plus qu’à disparaître. 17. Une Université digne du nom, dont
783
n Sens de la vie (à découvrir, assumer, critiquer
et
rénover sans relâche), redeviendrait immédiatement un pôle de créatio
784
, redeviendrait immédiatement un pôle de création
et
de rayonnement culturel. Ce que ne peuvent être, bien évidemment, ces
785
r bien (le micronationalisme cantonal, notamment)
et
ce qui fait croire que l’Université existe encore (routines, vanités,
786
ns elle, les écoles professionnelles, l’économie,
et
la société tout entière sont menacées de perdre le sens, en même temp
787
nt les 200 recteurs européens réunis à Göttingen,
et
publié par la Gazette littéraire, en novembre 1964. aj. Rougemont D
788
L’écrivain
et
l’événement (7-8 septembre 1968)ak J’ai longtemps réfléchi aux rap
789
’ai longtemps réfléchi aux rapports de l’écrivain
et
de l’événement se définissant l’un par l’autre, se mettant l’un l’aut
790
pitre sur « l’engagement du clerc », sa nécessité
et
sa vanité, voire son ridicule toujours possible. Depuis ce temps loin
791
on sens tout le contraire : responsabilité pleine
et
entière — non seulement publiée mais assumée, non seulement frondeuse
792
ais assumée, non seulement frondeuse mais aimante
et
, à l’extrême, sacrificielle — d’une personne et de sa pensée en corps
793
e et, à l’extrême, sacrificielle — d’une personne
et
de sa pensée en corps à corps avec l’époque. « Présence au monde et à
794
corps à corps avec l’époque. « Présence au monde
et
à soi-même conjointement », disais-je en 1932. Mais on a glissé depui
795
tôt poétique, si j’ose dire, moral, philosophique
et
religieux. De l’intime à l’ultime, il supposait un passage obligé par
796
imité, le prochain, c’est-à-dire la cité humaine,
et
ce passage était le lieu de l’engagement. Est-il encore praticable ?
797
ement dit : quelle peut être aujourd’hui, au fait
et
au prendre, la responsabilité de l’écrivain dans la cité ? ⁂ Responsa
798
ondre, sinon de son œuvre elle-même, de sa pensée
et
de son style ? C’est par son œuvre et non par quelque prise de positi
799
e sa pensée et de son style ? C’est par son œuvre
et
non par quelque prise de position occasionnelle face à l’événement hi
800
e concret vécu, il n’y a pas l’écrivain d’un côté
et
l’événement de l’autre, deux objets qu’on pourrait isoler, séparer ou
801
digne du nom qui ne soit par lui-même événement,
et
dont l’œuvre ne constitue une partie de la réalité qu’il croit décrir
802
ue de différents modes de relations entre l’œuvre
et
l’époque. Pour simplifier, je distinguerai trois types d’auteurs qui
803
apport à l’événement : le ludion, le contestateur
et
le prophète, que certains nomment l’utopiste. 1. Le ludion réagit pas
804
immergé en elle, il en révèle les courants locaux
et
superficiels ou profonds et en formation, sans essayer d’agir sur eux
805
e les courants locaux et superficiels ou profonds
et
en formation, sans essayer d’agir sur eux, soit qu’il n’en ait aucune
806
ns puissent même exister. La plupart des conteurs
et
romanciers du xixe et du xxe siècle peuvent être rangés dans cette
807
r. La plupart des conteurs et romanciers du xixe
et
du xxe siècle peuvent être rangés dans cette catégorie très vaste, d
808
m de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode,
et
la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, révélateur par l’ango
809
temps comme Fitzgerald, Morand, Moravia, Proust,
et
le T. S. Eliot du Waste Land, sans le témoignage desquels la société
810
ciété de l’époque n’eût pas eu son portrait tiré,
et
n’eût assumé devant l’Histoire son visage et son style, conditions de
811
iré, et n’eût assumé devant l’Histoire son visage
et
son style, conditions de l’événement. 2. Le contestateur réagit contr
812
nement. 2. Le contestateur réagit contre l’époque
et
l’événement par l’analyse impitoyable, la description partiale et sar
813
ar l’analyse impitoyable, la description partiale
et
sarcastique, le comique dévastant, le lyrisme vengeur, la muflerie dé
814
lerie délibérée ou la dignité offensée, activités
et
attitudes dominées par une volonté viscérale de refus et de négation
815
tudes dominées par une volonté viscérale de refus
et
de négation d’un certain type de société, ou de toute société humaine
816
e société humaine. On peut contester comme Érasme
et
Voltaire, ou comme d’Aubigné et Chesterton, mais aussi comme Kierkega
817
ster comme Érasme et Voltaire, ou comme d’Aubigné
et
Chesterton, mais aussi comme Kierkegaard ou Rozanov, Unamuno ou Gombr
818
alraux ou Silone, ou encore comme Becket, Ionesco
et
Cioran, c’est-à-dire par le style de pensée polémique, le style de fo
819
ypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche
et
à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imagination de la « vraie vie »,
820
l’imagination de la « vraie vie », de Thomas More
et
Tommaso Campanella à Swift, Rousseau et Saint-Simon, Fourier, Proudho
821
omas More et Tommaso Campanella à Swift, Rousseau
et
Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Marx et Mao. Le prophète sent l’époqu
822
Rousseau et Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Marx
et
Mao. Le prophète sent l’époque (bien mieux que le ludion) dans la mes
823
dicalement que le contestateur) mais s’il la juge
et
la refuse, c’est au nom d’une vision meilleure — qu’il annonce, illus
824
peut attendre de l’écrivain confronté à sa crise
et
à l’événement, c’est la donation d’une mesure, la création de formes,
825
d’une mesure, la création de formes, de concepts,
et
l’expression de modes de sentir qui donnent « un sens plus pur aux mo
826
onnent « un sens plus pur aux mots de la tribu »,
et
instaurent ou restaurent une communauté. Cela comporte bien autre cho
827
des manifestes en faveur des victimes d’un régime
et
au nom d’un autre régime qui ferait pire s’il le pouvait. Cela compor
828
contester » du passé. Cela comporte aussi l’éloge
et
le chant, l’illustration d’une communauté et d’une autorité heureuse
829
loge et le chant, l’illustration d’une communauté
et
d’une autorité heureuse : « Sur trois grandes saisons m’établissant a
830
ire de fondateur. Ce que l’écrivain doit au monde
et
à l’événement, c’est de les créer. Et ce qu’il faut attendre du meill
831
it au monde et à l’événement, c’est de les créer.
Et
ce qu’il faut attendre du meilleur écrivain, c’est qu’il fasse conver
832
évolte contre elle de tout homme qui se veut tel,
et
l’annonce admirable d’un monde équilibré. ak. Rougemont Denis de,
833
uilibré. ak. Rougemont Denis de, « L’écrivain
et
l’événement », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne,
834
jà existante. Je fais une distinction entre unité
et
union. L’unité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’on peut b
835
contacts organisés. Cette base commune de culture
et
de civilisation est la condition sine qua non d’une union économique
836
la condition sine qua non d’une union économique
et
politique. J’ai donc créé le Centre européen de la culture que je dir
837
omme la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie
et
même l’Allemagne fédérale, afin de faire repartir toute l’affaire eur
838
par sa Constitution ; l’Allemagne en 11 Länder ;
et
maintenant se dessine en France un grand mouvement qui vient d’être a
839
r l’économie, se définissent aussi par la culture
et
quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Ca
840
se fait pas, nous serons colonisés par le dollar
et
peut-être par une certaine idéologie marxiste — quoique cela soit moi
841
entralisation, grand nombre de jeunes sociologues
et
économistes français s’étant penchés sur ce problème. L’union mondial
842
e plus en plus les vrais centres de la production
et
de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes na
843
tres de la production et de la vie intellectuelle
et
auront entre elles des liens de toutes natures. Elles constitueront d
844
responsabilité de l’Europe s’oppose aux racismes
et
aux guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importan
845
Il s’agit de transposer sur les plans économique
et
politique les conséquences des options philosophiques et religieuses
846
tique les conséquences des options philosophiques
et
religieuses que l’on croit justes. al. Rougemont Denis de, « [Entr
847
25. am. Propos recueillis par Anouchka von Heuer
et
Christian Roux-Petel. Cet entretien, qui prend ici la forme d’un long
848
ng propos rapporté, non d’un échange de questions
et
de réponses, est introduit par le chapeau suivant : « Les récents pou
849
l’activité de Denis de Rougemont dans ce domaine,
et
son point de vue recueilli lors d’une interview. Denis de Rougemont s
850
par d’éminents spécialistes en matière politique
et
culturelle. »
851
e tombeau de notre ami. Telle était notre attente
et
sa folle exigence ; en ce temps-là. Elle s’adressait à cela dans la l
852
out à fait évident que Paulhan détenait les clefs
et
les mesures. (Mais c’était justement ce qu’il cherchait, comme nous l
853
petits livres un peu trop parfaits par l’écriture
et
la logique, et son autorité se fondait ailleurs : dans le style de la
854
n peu trop parfaits par l’écriture et la logique,
et
son autorité se fondait ailleurs : dans le style de la NRF . Ce n’ét
855
’eût pas été tout à fait le même sans sa présence
et
sans son attention. Il était à lui seul notre air de parenté, si diff
856
é dans cet emploi ce qu’il faut appeler du génie.
Et
le plus libéral qu’on puisse imaginer ! La presse, depuis vingt ans,
857
singularités (que d’autres nommeraient vocations)
et
il les respectait scrupuleusement, quitte à les provoquer ou débusque
858
— comme il lui arrivait de s’en poser à lui-même,
et
parfois d’y répondre par un opuscule. « Ah ! je suis bien déçu, me di
859
e façon de couper court aux confidences, plaintes
et
intrigues qui assiègent en permanence un directeur.) Chaque jour, d’u
860
collaborateurs de la revue : c’était toujours vif
et
pressant, et tout à trac ; comme la reprise d’un entretien interrompu
861
s de la revue : c’était toujours vif et pressant,
et
tout à trac ; comme la reprise d’un entretien interrompu par un coup
862
it à sa femme les lettres moins intimes. Germaine
et
Jean, dans ce petit bureau mansardé de la maison Gallimard, faisaient
863
nvita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel
et
Saint-John Perse ! Étourdi de bonheur je répondis : Je n’ai pas vingt
864
di de bonheur je répondis : Je n’ai pas vingt ans
et
mon tiroir est vide, mais je verrai… Quelques années plus tard, me vo
865
nds yeux6. Mais c’est une voix étrangement légère
et
gaie, réchauffée par une pointe d’assent qui me lance, à peine passé
866
nous donner des textes ! » Me voici mis à l’aise,
et
mal à l’aise aussi. Un peu plus tard, il me confie, rêveur : « Comme
867
ngé.) Je l’ai surpris, notre dialogue s’est noué,
et
il se poursuivra dans plusieurs de mes livres, d’une manière que je s
868
manière de critiquer) après lecture du manuscrit,
et
je m’efforcerai d’y répondre. Toute la première moitié de Penser ave
869
pour moi le rôle du lecteur idéal dont on suppute
et
redoute les exigences, de l’interlocuteur invisible qui relit avec vo
870
mbe atomique , que j’écris « un œil sur l’Éternel
et
l’autre sur Jean Paulhan ». Ce qui m’engage à rapporter ces petits so
871
’hui ? J’aurais aimé pouvoir parler de l’écrivain
et
pas seulement du grand patron en maïeutique de l’expression. Qu’on me
872
nait pour un pape, Lamartine pour un homme d’État
et
Barrès pour un général. Paul Valéry attend des Lettres ce qu’un philo
873
losophie : il veut connaître ce que peut l’homme.
Et
Gide, ce qu’il est. Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris
874
d’une éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime
et
la merveille. « La poésie, dit-il, a pour cela ses moyens, dont les h
875
estes de nous attendent une religion, une morale,
et
le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que
876
joie de l’esprit que les Lettres ne leur doivent.
Et
qui pourrait tolérer, se demande un jeune homme, de n’être pas écriva
877
leur endroit je ne sais quoi de libre, de joyeux
et
peut-être d’insensé, dont nous aurions perdu jusqu’au souvenir et à l
878
nsensé, dont nous aurions perdu jusqu’au souvenir
et
à l’idée. Mais non pas perdu tout à fait ni pour toujours, puisque c
879
puisque ce « je ne sais quoi de libre, de joyeux
et
peut-être d’insensé », c’est toute son œuvre, justement, qui nous en
880
n restitue mieux que l’idée : la présence fraîche
et
vivace. 6. Le communiqué de l’AFP annonçant sa mort, décrit Paulhan
881
a mort, décrit Paulhan comme « ce petit homme sec
et
ridé ». Tout le reste à l’avenant. La presse est allergique à tout ce
882
évrier 1970)ao Je n’avais pas encore vingt ans
et
je lisais tout ce qui paraissait aux deux enseignes du plus sûr prest
883
haute époque littéraire : les Éditions de la NRF
et
les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros — quel beau titre ! —
884
ied du Jura qui avaient ému ma prime adolescence,
et
je me sentais touché, au double sens du mot, par la gloire naissante
885
e étrange harmonie entre le climat des sentiments
et
celui des campagnes désolées où il se développe. Paysages tristes et
886
nes désolées où il se développe. Paysages tristes
et
sans violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus
887
. Une fois fermé le livre, on oublie son intrigue
et
la justesse de l’analyse pour ne plus évoquer que des visions où se c
888
avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante
et
fraîche dans le vent. Dans La Maladère un arbre coupé découvrant le m
889
manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver,
et
soudain, sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion.
890
Bernard Barbey qui explique leur éclipse injuste
et
provisoire, que les deux ou trois autres carrières qu’il a connues av
891
ur ceux qui savent — dans l’armée, la diplomatie,
et
la vie internationale L’écrivain suisse, presque toujours, fait presq
892
te l’état-major particulier d’un général en chef.
Et
, tôt après, sans transition, « promouvoir » la présence culturelle de
893
œuvre personnelle, avec une discrétion souriante
et
merveilleusement attentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’
894
lui-même ? C’est sans nul doute à la très amicale
et
délicate insistance de Berne que je dois d’avoir écrit mes deux livre
895
, celle d’un ambassadeur de France, d’un général,
et
de l’un des plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’était pas son s
896
us de l’Académie. Mais là n’était pas son souci !
Et
il nous suffisait, nous ses amis (mais avons-nous su le lui dire asse
897
la parfaite élégance du courage secret, du talent
et
de l’efficacité. C’est par des hommes de cette qualité que vaut la Su
898
dère (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle
et
Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 265. ao. Rougemont Denis
899
Il s’agit de La Confédération helvétique (1953)
et
de La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux (1965)
900
té européenne (18-19 avril 1970)aq ar Mesdames
et
Messieurs, Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possible d’unir n
901
nt, en fait, à la culture. Unité non pas homogène
et
qui ne résulte pas d’un processus forcé d’uniformisation, de nivellem
902
processus forcé d’uniformisation, de nivellement
et
d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et comp
903
de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe,
et
compose largement, dans une communauté de plus en plus complexe au co
904
ovenant d’origines multiples, dont les contrastes
et
les combinaisons entretiennent des tensions renouvelées sans répit. E
905
ntretiennent des tensions renouvelées sans répit.
Et
de là vient l’irrépressible dynamisme qui a porté la civilisation eur
906
n mouvement, fût-ce contre nous, pour le meilleur
et
pour le pire. Et de là viennent aussi nos divisions mortelles, nos ef
907
ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire.
Et
de là viennent aussi nos divisions mortelles, nos efforts pour les su
908
nter par le recours à des instances universelles,
et
toutes les créations qui ne cessent de jaillir de cette discorde perm
909
e l’unité européenne : « Ce qui s’oppose coopère,
et
de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂ De ce
910
t bien être la loi constitutive de notre histoire
et
le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’un et du divers, l’unit
911
le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’un
et
du divers, l’unité dans la diversité, et la coexistence féconde des c
912
de l’un et du divers, l’unité dans la diversité,
et
la coexistence féconde des contraires. La Grèce invente la cité et la
913
féconde des contraires. La Grèce invente la cité
et
la fonde sur le paradoxe des citoyens à la fois libres et responsable
914
nde sur le paradoxe des citoyens à la fois libres
et
responsables, mais elle invente aussi l’analyse critique, elle la con
915
es conséquences, découvre ainsi l’idée de l’atome
et
celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique
916
n réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État
et
les institutions centralisées : elle poussera l’ordre et la stabilité
917
institutions centralisées : elle poussera l’ordre
et
la stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’à l’irrémédiable et
918
s l’uniformité universelle jusqu’à l’irrémédiable
et
dangereux ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les t
919
vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes
et
les révolutions. Le christianisme apporte alors un troisième monde de
920
l conciliables avec celles de la sagesse grecque,
et
totalement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et d
921
raires à celles de Rome. À la morale de la mesure
et
de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul,
922
lus, il porte la contradiction au cœur de l’être,
et
la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité tran
923
é transporte en Dieu lui-même le paradoxe de l’un
et
du divers, tandis que l’Incarnation porte à l’extrême la coexistence
924
de la personne de Jésus-Christ comme « vrai Dieu
et
vrai homme » à la fois, selon les formules conciliaires de Nicée et d
925
la fois, selon les formules conciliaires de Nicée
et
de Chalcédoine. ⁂ Or, ces valeurs grecques, romaines et chrétiennes q
926
Chalcédoine. ⁂ Or, ces valeurs grecques, romaines
et
chrétiennes qui se contredisent avec passion ne se détruisent pas pou
927
e l’histoire, dans la tradition, dans les livres,
et
dans l’inconscient collectif. Elles agissent toutes, sans exception,
928
c les trois sources classiques d’Athènes, de Rome
et
de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la source germ
929
fluer dans le haut Moyen Âge la source germanique
et
la source celtique, la première apportant notamment le droit communau
930
emière apportant notamment le droit communautaire
et
personnel, et les valeurs d’honneur et de fidélité, la seconde apport
931
nt notamment le droit communautaire et personnel,
et
les valeurs d’honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du
932
munautaire et personnel, et les valeurs d’honneur
et
de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le grand thème d
933
de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve
et
le grand thème de la quête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval
934
grand thème de la quête aventureuse d’un Lancelot
et
d’un Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l’apport arab
935
sie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle
et
qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe ; l’art a
936
cident ; l’apport slave au xixe ; l’art africain
et
le jazz nègre américain au xxe siècle ? ⁂ Tout cela dure, agit et vi
937
américain au xxe siècle ? ⁂ Tout cela dure, agit
et
vit en nous de mille manières. Tout cela se combine en figures et en
938
e mille manières. Tout cela se combine en figures
et
en structures variées à l’infini, mais dont la plus fréquente, de trè
939
st le couple d’antinomies inséparables : autorité
et
liberté, individualisme et collectivisme, tradition et innovation, dr
940
nséparables : autorité et liberté, individualisme
et
collectivisme, tradition et innovation, droite et gauche, Nord et Mid
941
berté, individualisme et collectivisme, tradition
et
innovation, droite et gauche, Nord et Midi, catholicisme et protestan
942
et collectivisme, tradition et innovation, droite
et
gauche, Nord et Midi, catholicisme et protestantisme, réformisme et r
943
, tradition et innovation, droite et gauche, Nord
et
Midi, catholicisme et protestantisme, réformisme et révolution, mythe
944
ion, droite et gauche, Nord et Midi, catholicisme
et
protestantisme, réformisme et révolution, mythe et science, hérésie c
945
Midi, catholicisme et protestantisme, réformisme
et
révolution, mythe et science, hérésie créatrice et saine doctrine, be
946
t protestantisme, réformisme et révolution, mythe
et
science, hérésie créatrice et saine doctrine, besoin de sécurité et g
947
t révolution, mythe et science, hérésie créatrice
et
saine doctrine, besoin de sécurité et goût du risque, conformité qui
948
e créatrice et saine doctrine, besoin de sécurité
et
goût du risque, conformité qui maintient les valeurs, originalité qui
949
intient les valeurs, originalité qui les conteste
et
les rénove. Tout cela préforme, dès avant notre naissance, nos sensib
950
orme, dès avant notre naissance, nos sensibilités
et
nos jugements moraux, nos réflexes sociaux et nos besoins économiques
951
tés et nos jugements moraux, nos réflexes sociaux
et
nos besoins économiques. Tout cela nous incite aussi à remettre en qu
952
aussi à remettre en question ces déterminations,
et
nous en fournit les moyens. Enfin tout cela dénote l’Europe comme pat
953
de la diversité. L’Européen moyen déclare parfois
et
pense toujours : « Quelle est ma raison d’être, si je suis comme tout
954
, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux —
et
cela peut servir à le définir — « se distinguer » ou « être distingué
955
dans la mesure précise où il doute qu’il le soit,
et
prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme d’une seule natio
956
equel nous nous ressemblons tous, c’est notre mal
et
notre bien, il faut en prendre son parti, et c’est là-dessus qu’il fa
957
mal et notre bien, il faut en prendre son parti,
et
c’est là-dessus qu’il faut bâtir notre union, si l’on veut qu’elle mé
958
es politiques cette unité de culture non unitaire
et
si hautement diversifiée, je répondrai que la solution se trouve dans
959
tout naturellement par l’union dans la diversité,
et
cette forme d’union porte un nom bien connu dans l’histoire des régim
960
ote suivante : « La semaine prochaine : “L’Europe
et
le sens de la vie”, suite et fin de ce discours. »
961
rochaine : “L’Europe et le sens de la vie”, suite
et
fin de ce discours. »
962
L’Europe
et
le sens de la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas d’autre f
963
de à la double exigence du respect des diversités
et
de l’instauration d’une force suffisante pour garantir leur concurren
964
istoire nous pose dans les termes les plus précis
et
sans échappatoire possible désormais : s’unir, au-delà de nos fausses
965
exige, que tout le monde admet qu’il faut faire —
et
que pourtant personne ne fait ? Eh bien, chacun le sait, rien n’est m
966
e modèle que tous les peuples de l’Europe, grands
et
petits, ont imité l’un après l’autre tout au long du xixe siècle, su
967
n même territoire, défini par le sort des guerres
et
aussitôt baptisé « sol sacré de la patrie », des réalités absolument
968
son d’avoir les mêmes frontières, comme la langue
et
l’économie, l’état civil et l’exploitation du sous-sol, ou pire encor
969
ères, comme la langue et l’économie, l’état civil
et
l’exploitation du sous-sol, ou pire encore, les idéologies et les rel
970
ation du sous-sol, ou pire encore, les idéologies
et
les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne de barbelés électri
971
ons de bureaux installés dans une seule capitale,
et
interdire toute allégeance des citoyens à des entités plus petites (c
972
il refuse toute union, alléguant une indépendance
et
une souveraineté absolues aussi peu défendables en droit qu’elles dev
973
pour permettre une participation civique réelle ;
et
sans correspondance autre qu’accidentelle avec aucun espace économiqu
974
notre union politique. Entre l’union de l’Europe
et
les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine des plus co
975
s, entre une nécessité humaine des plus concrètes
et
le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir. Pour la première fois
976
s idéologiques que commerciales (voir le Vietnam)
et
l’on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès
977
nous voici contraints de le faire, à nos risques
et
périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons
978
nous demander ce que nous attendons de notre vie
et
de la société, ce que nous voulons réellement, principalement, et con
979
, ce que nous voulons réellement, principalement,
et
contraints de tirer des plans en conséquence. Voulons-nous par exempl
980
créer un habitat décent, une communauté vivante ?
Et
quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines
981
es peuples avancés sous le rapport de l’industrie
et
de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficile
982
ous le rapport de l’industrie et de la technique.
Et
ils les forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissante
983
es. Il nous faut le décider, en toute conscience,
et
vite, car le choix de la fin implique évidemment celui des moyens adé
984
puissance, c’est-à-dire la puissance industrielle
et
militaire massive d’une sorte de troisième Grand préoccupé principale
985
r-État-nation continental, uniformisé, centralisé
et
agressif, comme la France de Napoléon, et faire de nos États autant d
986
tralisé et agressif, comme la France de Napoléon,
et
faire de nos États autant de départements. Il faut tout unifier par d
987
inflexibles, sans égard aux diversités ethniques
et
régionales, et soumettre la production industrielle au seul impératif
988
ans égard aux diversités ethniques et régionales,
et
soumettre la production industrielle au seul impératif de l’élévation
989
ment des personnes, de participation des citoyens
et
d’autonomie des communautés (la production industrielle n’étant qu’un
990
dicalement incompatible avec les fins de l’Europe
et
de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propr
991
à réduire l’obstruction des stato-nationalismes,
et
se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs
992
autonomies de tous ordres, régionales, communales
et
personnelles, mais rien de plus. Il faut admettre la pluralité des al
993
, civiques, politiques, culturelles, idéologiques
et
religieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole ab
994
diqués par la nature des tâches, leurs dimensions
et
celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il
995
ique a toujours eu pour fin réelle la puissance ;
et
je crois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont c
996
manières de parler plus ou moins nobles, ou pure
et
simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls, des Europé
997
plaires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau
et
de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les comm
998
am Penn à Proudhon, que les libertés personnelles
et
les communautés autonomes valent mieux que la puissance collective. L
999
confédération » qu’évoquait le général de Gaulle,
et
qui serait formée d’États-nations conservant jalousement leurs préten
1000
, de narguer ces frontières sur terre, sous terre
et
dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel
1001
rontières sur terre, sous terre et dans les airs,
et
de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont a
1002
rtation rationnelle des productions industrielles
et
agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qu
1003
pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes
et
les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aér
1004
tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air
et
des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et le
1005
es attaques aériennes, les ondes de la propagande
et
les grandes contagions dites idéologiques. Elles empêchent simplement
1006
États-nations délimités pour la plupart au xixe
et
au xxe siècle, se trouvent vraiment former, comme par miracle, des e
1007
ons n’existent pas dans l’histoire de la culture,
et
que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robert Schuman trav
1008
dans l’ensemble vivant de la culture européenne.
Et
les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces Ét
1009
s États-nations nés d’hier : elles les traversent
et
les divisent tous également, et ne coïncident jamais avec aucune fron
1010
es les traversent et les divisent tous également,
et
ne coïncident jamais avec aucune frontière. Nos États-nations, obsédé
1011
ficace, qui doit être mis au service des citoyens
et
de leurs cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministr
1012
e mis au service des citoyens et de leurs cités ;
et
non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer d’apai
1013
ve de la renaissance des régions. Il faut défaire
et
dépasser l’État-nation. En instaurant les régions en deçà, et la fédé
1014
l’État-nation. En instaurant les régions en deçà,
et
la fédération au-delà. Il faut distribuer et répartir l’État aux diff
1015
eçà, et la fédération au-delà. Il faut distribuer
et
répartir l’État aux différents niveaux de décision où il peut servir
1016
ntité vivante, civique, économique ou culturelle,
et
être contrôlé par l’usager, distribuer et répartir l’État de la commu
1017
urelle, et être contrôlé par l’usager, distribuer
et
répartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux g
1018
ager, distribuer et répartir l’État de la commune
et
de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au ni
1019
État de la commune et de l’entreprise à la région
et
aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là, des agences
1020
au sens originel du mot : l’économie, l’écologie
et
l’habitat, les transports, les relations globales avec d’autres fédér
1021
globales avec d’autres fédérations continentales.
Et
vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires étrangère
1022
régions rendra justice à ses fécondes diversités,
et
l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture
1023
n « niveau de vie » déterminé en termes de profit
et
de PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste et communiste à la m
1024
de PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste
et
communiste à la mise en question du sens même de nos vies, et des vra
1025
e à la mise en question du sens même de nos vies,
et
des vrais buts de nos activités communautaires et personnelles. Si sé
1026
et des vrais buts de nos activités communautaires
et
personnelles. Si sérieux que soient les problèmes de prix du lait, du
1027
ans le monde entier, ne relève pas de l’économie,
et
encore moins de la politique au sens étroit et partisan du terme. Ell
1028
e, et encore moins de la politique au sens étroit
et
partisan du terme. Elle exige la recréation de communautés véritables
1029
le exige la recréation de communautés véritables.
Et
la Cité européenne — Res publica europea — fondée sur les communes et
1030
e — Res publica europea — fondée sur les communes
et
les régions librement fédérées du continent peut en offrir le modèle.
1031
nt. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe,
et
nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Euro
1032
nt sans doute les moins xénophobes des Européens,
et
les étrangers sont venus chez eux depuis des siècles en plus grand no
1033
d’un afflux qui prend l’allure d’un raz de marée,
et
par le motif principal de cet afflux, qui n’est pas d’admirer nos lac
1034
st le même des deux côtés : pour eux, gagner vite
et
rentrer, pour nous, produire plus grâce à eux et les renvoyer au plus
1035
et rentrer, pour nous, produire plus grâce à eux
et
les renvoyer au plus vite. Il semblerait que tout le monde « gagne »
1036
État peut-il conserver son intégrité spirituelle
et
culturelle malgré la libre circulation des travailleurs intellectuels
1037
libre circulation des travailleurs intellectuels
et
manuels ? — La notion d’« helvéticité » existe-t-elle ? Et si oui, da
1038
s ? — La notion d’« helvéticité » existe-t-elle ?
Et
si oui, dans le cas particulier qui nous préoccupe, cette « helvétici
1039
elui de la qualité des arguments invoqués de part
et
d’autre, et des suites qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux
1040
ualité des arguments invoqués de part et d’autre,
et
des suites qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux qui les invo
1041
it que je vais esquisser une réponse. Le beurre
et
l’argent du beurre I. L’argument européen contre l’initiative Schw
1042
ope signifie supprimer les frontières économiques
et
intégrer nos entreprises dans une économie concertée à l’échelle cont
1043
tion non intégrée. On ne peut pas avoir le beurre
et
l’argent du beurre. On ne peut pas invoquer à la fois l’intégration d
1044
pas invoquer à la fois l’intégration de l’Europe
et
les lois de la concurrence entre États-nations. (Sans compter que tou
1045
du gain maximal, où qu’elles aillent, est fausse
et
irréelle, quoique matérialiste. La plupart des hommes suivent leurs c
1046
ste. La plupart des hommes suivent leurs coutumes
et
leurs rêves plus que l’argent. (J’ai là-dessus quelques statistiques.
1047
À part beaucoup d’irritations, quelques bagarres
et
quelques bâtards, les Espagnols, Italiens, Turcs et Portugais laissen
1048
quelques bâtards, les Espagnols, Italiens, Turcs
et
Portugais laissent peu de traces de leur passage sur notre sol, dans
1049
ces de leur passage sur notre sol, dans nos cités
et
dans nos mœurs. Je n’en dirais pas autant d’une industrie dont l’esso
1050
l’essor défigure nos paysages, détruit nos forêts
et
nos champs, pollue nos lacs et déverse un flot de ciment, d’aggloméré
1051
détruit nos forêts et nos champs, pollue nos lacs
et
déverse un flot de ciment, d’agglomérés et de plastique sur « le visa
1052
s lacs et déverse un flot de ciment, d’agglomérés
et
de plastique sur « le visage aimé de la patrie ». Les soldats gardent
1053
nt aux frontières un « sol sacré » que les usines
et
les traxs derrière leur dos profanent, défoncent et stérilisent sans
1054
les traxs derrière leur dos profanent, défoncent
et
stérilisent sans que personne semble y faire attention. C’est pourtan
1055
t le cadre de nos vies, l’air que nous respirons,
et
à la longue nos sensibilités. Si notre industrie suisse refuse de cal
1056
umain de son essor, ses contrecoups sociologiques
et
hygiéniques, écologiques et politiques, si elle n’établit pas ses pla
1057
recoups sociologiques et hygiéniques, écologiques
et
politiques, si elle n’établit pas ses plans en conséquence et ne s’en
1058
s, si elle n’établit pas ses plans en conséquence
et
ne s’engage pas à les réaliser, alors je dis : votez pour, votez cont
1059
ous aurez tort, car l’enjeu véritable est au-delà
et
ne peut être atteint par ce choix. La question qu’a soulevée M. James
1060
’il les amène à se poser — bien au-delà du 7 juin
et
de ses résultats — les questions suivantes : — La croissance indéfini
1061
stion — intégrité de l’État dans l’Europe fédérée
et
notion d’une “helvéticité” menacée ? — Denis de Rougemont nous suggèr
1062
ys de son nom contre le continent de son prénom ;
et
jusqu’à près de la fin de son règne, les prestiges du mythe national
1063
ire, plus efficace à lui tout seul par la passion
et
le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles
1064
on et le mépris que tous les autres par le calcul
et
la flatterie, Charles de Gaulle aura été le dernier monarque d’une Fr
1065
’ai tort de dire France : il s’agit des Français,
et
de Gaulle a toujours distingué. Toute ma vie, je me suis fait une ce
1066
idée de la France… vouée à une destinée éminente
et
exceptionnelle… S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses
1067
ent que la médiocrité marque, pourtant, ses faits
et
gestes, [c’est] imputable aux fautes des Français, non au génie de la
1068
, non au génie de la patrie. Phrase de passionné
et
non de démagogue, de romantique et non d’opportuniste. L’homme politi
1069
e de passionné et non de démagogue, de romantique
et
non d’opportuniste. L’homme politique opportuniste et joueur, toujour
1070
on d’opportuniste. L’homme politique opportuniste
et
joueur, toujours prêt à saisir ou à brusquer l’occasion, relève du ty
1071
la passion nationale. Son Iseut, c’est la France,
et
il est près de le dire dans plus d’une page de ses Mémoires, et pas s
1072
de le dire dans plus d’une page de ses Mémoires,
et
pas seulement dans ces célèbres premières phrases où il l’a peinte «
1073
al, la République. Puis il a dû s’éloigner d’elle
et
de la Cour, de nouveau, écœuré par l’intrigue des « barons félons » (
1074
ire, en 1946). Certes, il est revenu à son appel,
et
c’est en 1958. « Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de ret
1075
vraie passion tristanienne se nourrit de retraits
et
d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre
1076
iter s’ils semblent faire défaut. Entre la France
et
lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc
1077
nd retrait devant d’autres intrigues prévisibles.
Et
l’on sait quel en fut le prétexte allégué : l’instauration en France
1078
France des régions, qu’il proposa solennellement,
et
à quoi il choisit de lier son sort. Un suicide politique, dirent les
1079
ensions qui sont celles d’une glorieuse ambiguïté
et
d’un tragique malentendu entre « de Gaulle », comme il disait, et cet
1080
malentendu entre « de Gaulle », comme il disait,
et
cette Europe qui l’eût plébiscité comme un second Charles le Grand. C
1081
d’un Français héritier de Louis XIV, des jacobins
et
de Napoléon.) Il m’écrivait en 1962 à propos de mes Vingt-huit siècl
1082
es Vingt-huit siècles d’Europe : En réunissant
et
replaçant en leur contexte tous ces écrits à travers lesquels, au lon
1083
ez en lumière. Je vous félicite d’avoir entrepris
et
mené à bien cet immense et intéressant travail. Je vous en remercie a
1084
cite d’avoir entrepris et mené à bien cet immense
et
intéressant travail. Je vous en remercie aussi parce que nos efforts
1085
ens, qui respecte le caractère original de chacun
et
le génie propre à notre continent, y trouvent appuis et encouragement
1086
génie propre à notre continent, y trouvent appuis
et
encouragements. On ne peut mieux définir le régime général d’union d
1087
fédéralisme. Merveilleux compromis entre le mythe
et
l’avenir : ce dernier paladin de l’ère des Nations a choisi délibérém
1088
ient dans sa pleine stature : écartant les barons
et
le Pays légal, il ne veut devant sa tombe que la France seule, une fo
1089
anton, la semaine dernière, a parlé de l’écrivain
et
à Guy Dumur, en page intérieure, d’étudier les rapports du Général av
1090
16 ou 17 ans, sans savoir pourquoi ni pour quoi.
Et
quand beaucoup plus tard, essayant de répondre à l’attente des interv
1091
u rationnel que l’élan du désir, ou de la prière,
et
cela tient des deux, probablement. C’est aussi un effet du besoin d’i
1092
une émotion : pour la prolonger, la faire vôtre,
et
rejoindre l’auteur qui vous l’a révélée — pour devenir aussi admirabl
1093
euse (selon que l’on sera bon ou mauvais auteur).
Et
c’est beaucoup plus tard qu’on s’inventera de belles et bonnes raison
1094
st beaucoup plus tard qu’on s’inventera de belles
et
bonnes raisons d’écrire pour exposer, pour convaincre ou émouvoir, po
1095
fini, pour tel objet tout extérieur à l’écriture,
et
qui ne dépend nullement du processus de la pensée en train de se form
1096
carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire.
Et
je ne dis pas que ce besoin à l’état brut ne continue d’agir dans mes
1097
d’un article qu’il s’agit de donner à date fixe —
et
de tout ce qu’il faut bien ajouter à quelque ouvrage obscurément jail
1098
ir : ma cause finale devient ma vraie motivation,
et
me libère de toutes les causes intimes, trop intimes. ⁂ Arrivé aux de
1099
bère, l’autre m’engage. a) J’écris par pure envie
et
pour savoir pourquoi. Pour aller ainsi je ne sais où, en quête obscur
1100
Pour aller ainsi je ne sais où, en quête obscure
et
fascinante, selon ce vers d’Hugo qui m’amusera sans fin : Vous dites
1101
ans fin : Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ignore
et
j’y vais ! J’y vais par l’écriture, qui est ma manière d’enregistrer
1102
me dicte une page qui change ma vie — cette page
et
non pas l’événement. Je cherche un sens. J’écris pour chercher le sen
1103
ar le tout — que pas un scientifique n’appréhende
et
par suite ne saurait nier, et qui est au-delà de tout — comme le corp
1104
ifique n’appréhende et par suite ne saurait nier,
et
qui est au-delà de tout — comme le corps transcendant aux organes. Je
1105
cherche Dieu. b) J’écris l’époque, je me l’écrie,
et
je lui crie d’abord qu’elle devrait être une autre pour que je n’y so
1106
ement un moi contre elle, mais que [je] m’y perde
et
m’y donne. Quand je saurai pourquoi, j’aurai fini d’écrire (idéalemen
1107
ure. Au terme de mes livres, où figure le mot fin
et
juste au-dessous de ce feu rouge sur la remorque, veuillez donc lire
1108
oucou, trous dans le gruyère, secret des banques,
et
les arts réduits, paraît-il, à celui de ne pas se mouiller. Nous savo
1109
devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse,
et
qui répondait : « Le fédéralisme est pour votre pays une bonne soluti
1110
la Suisse, pour la simple raison qu’il l’a faite
et
que seul il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pas eu la Suisse
1111
n aucune manière des trois Waldstätten primitifs.
Et
pas un seul des autres cantons n’a jamais adhéré au Pacte dit du Grüt
1112
de l’anniversaire d’une dynastie — les Zähringen
et
les Kibourg sont éteints depuis des siècles, les Habsbourg émigrés —
1113
en fait une idée, qui est l’essence de la Suisse
et
qui a déterminé son existence : l’idée fédéraliste et la formule d’un
1114
ui a déterminé son existence : l’idée fédéraliste
et
la formule d’union qu’illustre le pacte en latin conclu par trois « c
1115
est nullement née comme on le croit trop souvent (
et
pas seulement à l’étranger) de l’union de vingt-cinq États cantonaux
1116
rmée par la libre association de communes rurales
et
urbaines, de pays, d’évêchés, de principautés et d’anciens baillages
1117
et urbaines, de pays, d’évêchés, de principautés
et
d’anciens baillages libérés, solidaires dans leur volonté d’autonomie
1118
bérés, solidaires dans leur volonté d’autonomie ;
et
à cette fin, décidant la mise en commun des tâches publiques trop lou
1119
p lourdes pour chacun mais réalisables par tous —
et
de celles-là seules. Chargé d’exécuter ces tâches communes, le Consei
1120
ie, justice, transports, recherches scientifiques
et
universités, armée, relations étrangères. Voilà bien le régime origin
1121
ette formule d’union je me considère comme Suisse
et
je le suis, moi, Neuchâtelois protestant, de langue française, au mêm
1122
xiiie siècle celle de trois communes du Gothard
et
qui se « généralisa » par la suite aux XIII cantons ligués, puis à l’
1123
ngt-cinq États souverains différant par la langue
et
la race, la confession, l’économie et les traditions historiques — on
1124
r la langue et la race, la confession, l’économie
et
les traditions historiques — on voit très mal ce qui empêcherait de g
1125
s’oppose radicalement à toute union de l’Europe,
et
que sa généralisation ne conduirait qu’à la guerre, autant il apparaî
1126
se retrouverait agrandie, prolongée dans l’espace
et
le temps, au-delà de ce qu’elle est aujourd’hui, qui est tellement au
1127
thique. Une idée se perd-elle en se généralisant,
et
une formule d’union en fécondant des unions toujours plus nombreuses
1128
ntschli, qui écrivait en 1875 : La Suisse a émis
et
réalisé des idées et des principes qui seront un jour destinés à assu
1129
en 1875 : La Suisse a émis et réalisé des idées
et
des principes qui seront un jour destinés à assurer la paix en Europe
1130
gloire. S’évanouir dans le succès de notre idée
et
d’une formule d’union qui est notre raison d’être, ne serait-ce pas l
1131
Suisse ? Dans l’Europe des régions que j’appelle
et
prépare, dans l’Europe des foyers rayonnants sans frontières, rien ne
1132
, Suisses de tous les cantons, de rester ensemble
et
de continuer à former une communauté : celle des gardiens de l’idée m
1133
i nous le voulons. C’est ce qu’il reste à savoir,
et
c’est ce qui nous inquiète. S’il n’y a plus de frontières tangibles,
1134
minimum une fois par an, ce que nous faisons là,
et
pourquoi nous restons ensemble. Personne ne peut prédire si, à bullet
1135
e si, à bulletin secret, en connaissance de cause
et
en majorité nous choisirons de continuer la Suisse. Ceux qui le voudr
1136
qui le voudront seront alors les vrais Suisses. «
Et
s’il n’en reste qu’un… », disait Victor Hugo, reprenant un vers de Co
1137
urd’hui je ne reculerai plus, les jeux sont faits
et
sa gloire établie. Du prince en soi, archétypal, avant tous titres dé
1138
décernés, C. J. B. n’a pas seulement la prestance
et
la sagacité profonde du regard, mais la simplicité et la maîtrise de
1139
a sagacité profonde du regard, mais la simplicité
et
la maîtrise de soi, l’élocution aisée et sans éclat, les colères bien
1140
mplicité et la maîtrise de soi, l’élocution aisée
et
sans éclat, les colères bien tenues en brides, l’énergie grande et en
1141
s colères bien tenues en brides, l’énergie grande
et
en partie secrète. Trop passionné pour se montrer jamais sentimental,
1142
mais sentimental, trop pessimiste pour moraliser,
et
avec trop de distance naturelle pour avoir à jouer la hauteur, affabl
1143
à jouer la hauteur, affable mais non sans malice,
et
ce qu’il faut d’arbitraire dans les jugements, lucide avec plus de mé
1144
nisme, plus de sensibilité aux êtres qu’aux idées
et
aux situations qu’aux systèmes, d’où son sens politique intuitif et s
1145
qu’aux systèmes, d’où son sens politique intuitif
et
ses vues parfois prophétiques : — Carl-J. Burckhardt ajoute à notre S
1146
t, car j’ai beaucoup de respect pour les maîtres,
et
ils ont toute mon amitié. J’ai reçu une lettre, récemment, où une dam
1147
me scolaire, dont les instituteurs sont victimes,
et
qu’ils perpétuent malgré eux. Ils n’en sont pas responsables. J’ai d’
1148
ouffrent d’être paralysés dans le système actuel,
et
qui me disent : « Merci, vous nous vengez. » Vos critiques semblent s
1149
’âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers,
et
le Collège latin à Neuchâtel. Ensuite, par le biais européen, j’ai pu
1150
uropéen, j’ai pu voir ce qui se faisait ailleurs.
Et
j’ai constaté qu’ailleurs, notamment en France, c’était comme en Suis
1151
rs, notamment en France, c’était comme en Suisse.
Et
même pire. Vous donnez à l’école un poids déterminant, presque totali
1152
ndu à un monopole de l’éducation, contre l’Église
et
contre la famille. Cet état de fait nous vient tout droit de Napoléon
1153
e — l’ancienne christianitas — réalité culturelle
et
historique ; enfin le monde, réalité biologique et écologique. Il fau
1154
t historique ; enfin le monde, réalité biologique
et
écologique. Il faut étudier l’histoire, la géographie, l’écologie, l’
1155
ces dimensions-là. Passer de la région à l’Europe
et
au monde au moment où les élèves sont capables de saisir les réalités
1156
capables de saisir les réalités à ces niveaux-là,
et
négliger chaque fois que c’est possible les frontières nationales. En
1157
ourde du général de Gaulle Pourquoi l’économie
et
l’écologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’économie. Sur
1158
rêter : les nuages, les tempêtes, l’eau polluée ;
et
elles empêchent le passage de ce qui devrait circuler : les hommes, l
1159
collines, traversée par un affluent de la Volga,
et
qui est maintenant le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS.
1160
… Cette idée de l’Oural-frontière est si absurde,
et
si répandue, que j’ai mis deux de mes étudiants sur le problème. Ils
1161
oblème. Ils ont trouvé que les manuels d’histoire
et
de géographie des années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité de Ch
1162
dictionnaire de référence des Français cultivés,
et
cherchez sous « fédéralisme » : vous trouverez que c’est un système d
1163
ole doit former ceux qui changeront l’État ? L’un
et
l’autre, et les deux à la fois. Il y a interaction : l’État crée l’éc
1164
mer ceux qui changeront l’État ? L’un et l’autre,
et
les deux à la fois. Il y a interaction : l’État crée l’école qui lui
1165
her l’origine nous ramène au problème de la poule
et
de l’œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que faire au nivea
1166
ait qu’ils puissent s’arrêter, sortir de l’urgent
et
du quotidien, pour pouvoir tout reconsidérer. Pour en sortir, il faut
1167
ar ce terme : une mutation, un changement brusque
et
radical, qui permette de repartir sur des bases entièrement nouvelles
1168
rd des occasions… Aucune place ne lui est faite —
et
pour cause — dans nos programmes. Moi, j’ai appris à lire hors de l’é
1169
lire hors de l’école, avec ma sœur. En m’amusant,
et
en cachette. J’avais 5 ans. Je cite aussi, dans les Méfaits , l’exem
1170
en distingue déjà deux développements possibles,
et
contradictoires : d’une part, on tend à individualiser l’enseignement
1171
e. Comment résoudre cette alternative ? D’abord —
et
c’est à mes yeux la chose la plus importante — il faut interdire la p
1172
, par quoi on a fabriqué des peuples militarisés,
et
qui nous a déjà valu deux guerres mondiales. Ce qu’Illich appelle en
1173
s d’opposition entre l’enseignement individualisé
et
le travail collectif, mais bien une complémentarité. Je ne crois pas
1174
des amish, dont vous parlez dans les Méfaits 10,
et
dont vous dites qu’elle ressemble à ce que demande Illich ? Une école
1175
s enfants une sorte de besoin inné de s’instruire
et
de s’entraider. Pour lui, l’homme naît bon, et l’école le corrompt. O
1176
re et de s’entraider. Pour lui, l’homme naît bon,
et
l’école le corrompt. Or je crains que, livrés à eux-mêmes, les enfant
1177
es groupes, autour d’un chef, fanatiquement obéi,
et
qui peut ordonner aux membres de son groupe n’importe quoi… À l’autor
1178
des sadiques. Revenons à l’évolution de l’école,
et
aux deux pôles dont nous avons parlé : individualisation et travail c
1179
x pôles dont nous avons parlé : individualisation
et
travail collectif. À supposer que tout le monde admette que l’un et l
1180
if. À supposer que tout le monde admette que l’un
et
l’autre sont nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’à gauche
1181
e travail en groupe, à laisser les élèves rapides
et
les élèves lents ensemble le plus longtemps possible, tandis qu’à dro
1182
nera la priorité à l’individualisation… La droite
et
la gauche ont tort de ne tolérer qu’un des deux termes. Car il faut q
1183
ar il faut que l’un existe pour que l’autre vive,
et
vice versa. L’éducation sera la résultante d’une tension dynamique en
1184
tensions fécondes conduisant à la fois à l’union
et
à la diversification. C’est parfaitement compatible : un réseau routi
1185
commencer à la base. Prenez le couple : la femme
et
l’homme doivent exister à la fois pour soi et pour l’autre, sans qu’i
1186
mme et l’homme doivent exister à la fois pour soi
et
pour l’autre, sans qu’il y ait confusion des deux, ni subordination d
1187
de l’un à l’autre. Ils sont à la fois semblables
et
différents, séparés et unis. C’est la formule de tout fédéralisme. Te
1188
sont à la fois semblables et différents, séparés
et
unis. C’est la formule de tout fédéralisme. Tension entre deux pôles.
1189
tension permanente entre des forces d’attraction
et
de répulsion. Là encore, supposez qu’un équilibre statique s’installe
1190
ie, dans l’image du Christ — Jésus à la fois Dieu
et
homme. La plupart des déviations, dans la doctrine chrétienne, vienne
1191
t reconnaître que l’existence simultanée du divin
et
de l’humain dans le même être est difficile, voire impossible à conce
1192
… Comment changer l’école ? Pour y revenir,
et
pour terminer : comment changer l’école ? Par le biais de la Campagne
1193
, mais on peut leur offrir un cadre où leur bonté
et
leur intelligence aient au moins la possibilité de s’exercer. La modi
1194
apprendre à penser par antinomies. Lier solitude
et
compagnie, rigueur et fantaisie, etc. Il y a une phrase d’Héraclite q
1195
r antinomies. Lier solitude et compagnie, rigueur
et
fantaisie, etc. Il y a une phrase d’Héraclite qu’on comprend générale
1196
ce sens-là, par manque d’harmonie ou d’équilibre.
Et
c’est parfois inévitable. Mais c’est la condition même de la vie.
1197
ter, à écrire en calligraphie, à parler l’anglais
et
l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangil
1198
s et l’allemand, à observer les lois de l’hygiène
et
à connaître l’Évangile. La communauté des amish produit tout ce dont
1199
auté des amish produit tout ce dont elle a besoin
et
refuse le tracteur et l’auto. » 11. « Le sort de l’an 2000 se joue d
1200
tout ce dont elle a besoin et refuse le tracteur
et
l’auto. » 11. « Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles », Civi
1201
ns voulu par l’État, en inculquant le conformisme
et
en détruisant l’imagination. Le temps, apparemment, n’a pas entamé la
1202
xte de 1929 n’a subi que des retouches de détail,
et
fort peu. Quant à l’“aggravation”, de 1972, elle commence ainsi : “Éc
1203
a pas vieilli, parce que l’école n’a pas changé.”
Et
l’auteur de retrouver dans une série d’écrits tout récents l’essentie
1204
l’Éducation nationale, un poète, Pierre Emmanuel,
et
même un collégien lausannois, bien connu chez nous pour avoir prononc
1205
isté dans ce lieu. Tout ce qui touche à un centre
et
tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement revêt une import
1206
nement revêt une importance rapidement fabuleuse,
et
passionnelle. Il est difficile d’en parler, fût-ce à sa louange éperd
1207
xemple. On y voit beaucoup plus de maisons neuves
et
laides, beaucoup plus de routes, de viaducs et d’énormes tranchées bé
1208
es et laides, beaucoup plus de routes, de viaducs
et
d’énormes tranchées bétonnées, beaucoup plus d’autos, de camions, de
1209
des villes a retrouvé le contact avec la nature,
et
ce contact pour lui vital s’est révélé mortel pour la nature. C’est l
1210
découvre un endroit solitaire, la foule s’y jette
et
le supprime. L’homme a besoin de solitude. Mais la plupart n’osant ai
1211
age sublime est un pays réel, peuplé de vignerons
et
d’artisans, de petits commerçants et de riches retraités. Un pays a b
1212
de vignerons et d’artisans, de petits commerçants
et
de riches retraités. Un pays a besoin de communications, routes, auto
1213
pays a besoin de communications, routes, autobus
et
téléphone, et de stations d’épuration. Les chemins de fer et l’autoro
1214
de communications, routes, autobus et téléphone,
et
de stations d’épuration. Les chemins de fer et l’autoroute y font déj
1215
e, et de stations d’épuration. Les chemins de fer
et
l’autoroute y font déjà leurs longues blessures. Tout cela — nul n’y
1216
ine, sont ici comme ailleurs la qualité de la vie
et
les conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne une lumière divin
1217
ge mais aussi le paysan. Entre les dieux sereins
et
la terre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire
1218
ie, d’utilité publique, que vont faire les hommes
et
les femmes et les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à to
1219
publique, que vont faire les hommes et les femmes
et
les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde »,
1220
out le monde », à tous ceux qui aiment la beauté,
et
qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils
1221
r par les retouches insensibles de l’usage, usure
et
patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il
1222
e ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé.
Et
vivant, c’est-à-dire changeant selon sa loi. Il est d’autres centres
1223
it peuplée, animée, habitée par des gens du pays.
Et
qu’ils y trouvent un intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sa
1224
s du pays. Et qu’ils y trouvent un intérêt vital,
et
non pas archéologique. Pour sauver Venise, il faudra la changer. Inal
1225
e. Gens de Lavaux, vous habitez un pays ravissant
et
radieux. Mais vous ne le sauverez pas sans héroïsme. Si Lavaux doit f
1226
lesquels ne sont nullement ceux qui pensent court
et
bas et nous jettent dans la pollution au nom de la rentabilité, mais
1227
s ne sont nullement ceux qui pensent court et bas
et
nous jettent dans la pollution au nom de la rentabilité, mais ceux qu
1228
fit d’argent — cette chose abstraite — les désirs
et
les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit et les élans de l’âme.
1229
et les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit
et
les élans de l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis de, « Mervei
1230
ys doit être sauvegardé au prix de l’intelligence
et
de sacrifices, comme le rappelle ici Denis de Rougemont. »
1231
Philosophie
et
énergie nucléaire : une mise au point (28 juin 1984)bg Dans votre
1232
avènement du dirigisme marxiste dans notre pays »
et
préconisent en réalité « une société policière … centralisée, exploit
1233
tion de la Confédération jusque dans nos cuisines
et
salles de bains. » Je n’ai pas à entrer en discussion avec un directe
1234
it de ces deux citations, qui en falsifie le sens
et
la portée. 1. La première citation, pronucléaire, doit être replacée
1235
texte historique : elle remonte en effet à 1958 —
et
non pas 1964 comme vous le dites — date à laquelle l’expérience des c
1236
à laquelle l’expérience des centrales nucléaires
et
de leurs problèmes majeurs (comme celui des déchets) était pratiqueme
1237
congrès de l’Union internationale des producteurs
et
distributeurs d’électricité, un conférencier prononçait les phrases s
1238
emblance du fait… La situation de notre continent
et
de l’humanité entière serait apparemment sans espoir, si la culture é
1239
re Europe n’avait pas découvert une fois de plus,
et
vraiment au dernier moment, une nouvelle source d’énergie. L’énergie
1240
d’une humanité dont notre science, notre hygiène,
et
nos techniques étaient en train d’accroître au-delà du possible les b
1241
croître au-delà du possible les besoins matériels
et
les revendications 13. Ce conférencier, c’était moi. Certains pensero
1242
on auditoire d’alors, devenus PDG pour la plupart
et
qui n’ont rien appris depuis vingt ans, alors oui, ces déclarations s
1243
nt pour traiter le sujet de l’énergie en général,
et
de ses rapports avec l’autonomie en particulier. Mais j’ai changé, qu
1244
particulier. Mais j’ai changé, qu’on se rassure,
et
même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse de
1245
ir me le reprocher dans la presse de cette ville.
Et
c’est cela, précisément, qui m’autorise à prendre la parole parmi vou
1246
. […] Quelques-uns de ceux qui sont ici ce matin,
et
non des moindres, partageaient à l’époque mes illusions, et je les re
1247
moindres, partageaient à l’époque mes illusions,
et
je les retrouve aujourd’hui au premier rang de l’opposition au nucléa
1248
’excuser d’avoir appris pas mal de choses depuis,
et
d’en avoir tiré les conséquences. 2. La seconde citation, antinucléa
1249
Desmeules nous attribue d’une manière arbitraire
et
calomnieuse. Il embrouille tout, décidément, et beaucoup plus encore
1250
e et calomnieuse. Il embrouille tout, décidément,
et
beaucoup plus encore qu’on ne le croirait : car l’expression « exploi
1251
quasi militaire » non seulement n’est pas de moi
et
ne traduit en rien notre idéal, mais formule l’exigence « essentielle
1252
ngereuses, à condition qu’elles soient exploitées
et
contrôlées par des équipes organisées de manière rigoureuse… Pour moi
1253
e grande taille, implantées dans des sites ad hoc
et
exploitées de façon quasi militaire 14. M. Desmeules aurait-il mal c
1254
me FACT 79, Lausanne 1980, Éditions Georgi, p. 17
et
18. 13. Les lignes en italique sont celles citées par M. Desmeules.
1255
14. Cité par André Gorz-Michel Bosquet, Écologie
et
Politique, Éditions du Seuil, 1978. bg. Rougemont Denis de, « Philo
1256
il, 1978. bg. Rougemont Denis de, « Philosophie
et
énergie nucléaire : une mise au point par Denis de Rougemont », Gazet