1 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Erreurs sur l’Allemagne (1er mai 1940)
1 Erreurs sur l’ Allemagne (1er mai 1940)a Les journaux, les revues et les livres no
2 Erreurs sur l’Allemagne (1er mai 1940)a Les journaux, les revues et les livres nous apportent chaque jour des jug
3 sur l’Allemagne (1er mai 1940)a Les journaux, les revues et les livres nous apportent chaque jour des jugements plus ma
4 ne (1er mai 1940)a Les journaux, les revues et les livres nous apportent chaque jour des jugements plus massifs sur l’hi
5 ortent chaque jour des jugements plus massifs sur l’ hitlérisme et sur ses causes. On voudrait rappeler qu’en telle matière
6 . de Reynold, d’autres encore, nous affirment que l’ hitlérisme sort de Luther. Certains d’entre eux nuancent leur jugement
7 her. Certains d’entre eux nuancent leur jugement. Le cliché reste. Je vois bien quelles erreurs politiques l’on peut repro
8 hé reste. Je vois bien quelles erreurs politiques l’ on peut reprocher à Luther, avec 400 ans de recul. Je vois bien que, s
9 her, avec 400 ans de recul. Je vois bien que, sur le papier l’on peut déduire de ces erreurs que Luther conduit à Hitler :
10 400 ans de recul. Je vois bien que, sur le papier l’ on peut déduire de ces erreurs que Luther conduit à Hitler : il suffit
11 importants. Il suffit d’oublier, par exemple, que le Führer autrichien n’est pas né luthérien mais catholique ; que son mo
12 veloppé d’abord en Bavière, pays catholique ; que la doctrine de Luther, là où elle a triomphé sans résistance notable, c’
13 le, mais ce qui n’est pas absolument pareil ; que l’ Autriche catholique, bien qu’armée, n’a pas résisté à l’hitlérisme, al
14 iche catholique, bien qu’armée, n’a pas résisté à l’ hitlérisme, alors que la Norvège luthérienne, bien qu’à peu près désar
15 ’armée, n’a pas résisté à l’hitlérisme, alors que la Norvège luthérienne, bien qu’à peu près désarmée, résiste ; qu’enfin
16 , bien qu’à peu près désarmée, résiste ; qu’enfin le totalitarisme n’est pas l’apanage de la seule Allemagne, à demi luthé
17 ée, résiste ; qu’enfin le totalitarisme n’est pas l’ apanage de la seule Allemagne, à demi luthérienne seulement, mais qu’i
18 qu’enfin le totalitarisme n’est pas l’apanage de la seule Allemagne, à demi luthérienne seulement, mais qu’il a triomphé
19 oute catholique. Ce qui n’est pas sans compliquer l’ affaire… Qu’on recherche la coloration particulière que le luthéranism
20 st pas sans compliquer l’affaire… Qu’on recherche la coloration particulière que le luthéranisme a donnée au totalitarisme
21 e… Qu’on recherche la coloration particulière que le luthéranisme a donnée au totalitarisme allemand, le catholicisme au t
22 luthéranisme a donnée au totalitarisme allemand, le catholicisme au totalitarisme italien, l’orthodoxie au totalitarisme
23 lemand, le catholicisme au totalitarisme italien, l’ orthodoxie au totalitarisme russe, fort bien. Mais qu’on ne dise pas :
24 ler. C’est une sottise et une mauvaise action, si l’ on songe que le pasteur Niemöller, vrai descendant de Luther, est en p
25 sottise et une mauvaise action, si l’on songe que le pasteur Niemöller, vrai descendant de Luther, est en prison. 2. Les s
26 ler, vrai descendant de Luther, est en prison. 2. Les socialistes et beaucoup de démocrates affirment : Hitler n’est pas le
27 aucoup de démocrates affirment : Hitler n’est pas le peuple allemand : la masse a été trompée par ses chefs. Un séjour d’u
28 affirment : Hitler n’est pas le peuple allemand : la masse a été trompée par ses chefs. Un séjour d’une année en Allemagne
29 nclusions fort différentes. J’ai pu constater que les bourgeois allemands considéraient le nouveau régime comme étant le ré
30 nstater que les bourgeois allemands considéraient le nouveau régime comme étant le régime de la masse ; que la plupart des
31 mands considéraient le nouveau régime comme étant le régime de la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient for
32 raient le nouveau régime comme étant le régime de la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient fort bien ; et q
33 gime de la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient fort bien ; et qu’un très grand nombre d’anciens chefs com
34 efs communistes avaient revêtu quelque grade dans le parti hitlérien. L’un d’entre eux me déclarait même que tout en détes
35 entre eux me déclarait même que tout en détestant les chefs nazis, « il se ferait tuer pour Hitler », car l’ambition réelle
36 efs nazis, « il se ferait tuer pour Hitler », car l’ ambition réelle du Führer, croyait-il, était d’appliquer le programme
37 n réelle du Führer, croyait-il, était d’appliquer le programme communiste. (Je donne cette opinion pour ce qu’elle vaut.)
38 e. (Je donne cette opinion pour ce qu’elle vaut.) Le petit livre que j’ai écrit là-dessus m’a valu deux articles significa
39 eux articles significatifs. Le premier, paru dans l’ organe officieux du radicalisme français, approuvait sans réserve mon
40 uvait sans réserve mon diagnostic ; il soulignait la tendance nationaliste qu’avait toujours montrée le socialisme alleman
41 a tendance nationaliste qu’avait toujours montrée le socialisme allemand. Cet article était écrit en connaissance de cause
42 cle était écrit en connaissance de cause, je puis le dire, puisqu’il était signé par Émile Vandervelde, ancien président d
43 signé par Émile Vandervelde, ancien président de la IIe Internationale. Le second article, paru dans une feuille communis
44 soutenu que des communistes approuvaient Hitler. L’ auteur de cette diatribe était Mme Jeanne Vandervelde, femme du précéd
45 refusa d’insérer ma réplique. Six mois plus tard, le pacte hitléro-stalinien la présentait en termes officiels. 3. M. Maur
46 e. Six mois plus tard, le pacte hitléro-stalinien la présentait en termes officiels. 3. M. Maurice Muret, dans la Gazette
47 it en termes officiels. 3. M. Maurice Muret, dans la Gazette du 27 avril a fort bien réfuté l’erreur que je viens de rele
48 , dans la Gazette du 27 avril a fort bien réfuté l’ erreur que je viens de relever, et qui consiste à voir dans l’hitléris
49 je viens de relever, et qui consiste à voir dans l’ hitlérisme une tyrannie « de droite », détestée par les masses. « Le t
50 tlérisme une tyrannie « de droite », détestée par les masses. « Le totalitarisme, écrit M. Muret, est profondément collecti
51 yrannie « de droite », détestée par les masses. «  Le totalitarisme, écrit M. Muret, est profondément collectiviste. Les so
52 , écrit M. Muret, est profondément collectiviste. Les socialistes allemands ne s’y sont pas trompés. » Sur quoi l’auteur ac
53 tes allemands ne s’y sont pas trompés. » Sur quoi l’ auteur accuse d’aveuglement les socialistes français qui, eux, s’y tro
54 trompés. » Sur quoi l’auteur accuse d’aveuglement les socialistes français qui, eux, s’y trompent encore. Mais que penser a
55 ux, s’y trompent encore. Mais que penser alors de l’ aveuglement des bourgeois qui s’obstinèrent jusqu’en septembre 1939 à
56 s’obstinèrent jusqu’en septembre 1939 à voir dans l’ hitlérisme « un rempart contre le marxisme » ! (Certains, que je conna
57 1939 à voir dans l’hitlérisme « un rempart contre le marxisme » ! (Certains, que je connais, n’en ont pas encore démordu.)
58 onnais, n’en ont pas encore démordu.) Après tout, les socialistes français que critique justement M. Muret, ne sont coupabl
59 t M. Muret, ne sont coupables que d’avoir partagé l’ erreur fatale et prolongée des bourgeois de divers pays. Si nous préte
60 geois de divers pays. Si nous prétendons défendre le christianisme, agissons d’abord en chrétiens, et commençons par dénon
61 bord en chrétiens, et commençons par dénoncer non les erreurs d’autrui, mais bien les nôtres. Surtout s’il se trouve qu’en
62 out s’il se trouve qu’en fait, ce sont exactement les mêmes erreurs. 4. Si d’aucuns remontent à Luther, d’autres s’en vont
63 her, d’autres s’en vont chercher encore plus loin les racines de l’hitlérisme. M. Edmond Jaloux les trouve, pour sa part (v
64 ’en vont chercher encore plus loin les racines de l’ hitlérisme. M. Edmond Jaloux les trouve, pour sa part (voir la Gazett
65 oin les racines de l’hitlérisme. M. Edmond Jaloux les trouve, pour sa part (voir la Gazette du 24 avril), dans le romantis
66 . M. Edmond Jaloux les trouve, pour sa part (voir la Gazette du 24 avril), dans le romantisme et le goût de la mort qui c
67 pour sa part (voir la Gazette du 24 avril), dans le romantisme et le goût de la mort qui caractérisent les vieux poèmes g
68 r la Gazette du 24 avril), dans le romantisme et le goût de la mort qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À quo
69 te du 24 avril), dans le romantisme et le goût de la mort qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À quoi s’oppose,
70 omantisme et le goût de la mort qui caractérisent les vieux poèmes germaniques. À quoi s’oppose, selon lui, l’énergique gén
71 x poèmes germaniques. À quoi s’oppose, selon lui, l’ énergique génie des Gaulois celtes. Or les vieux poèmes allemands, pou
72 lon lui, l’énergique génie des Gaulois celtes. Or les vieux poèmes allemands, pour autant qu’ils ne sont pas les traduction
73 poèmes allemands, pour autant qu’ils ne sont pas les traductions de chants islandais ou scandinaves, sont des imitations d
74 uedociennes et bretonnes, donc celtiques. Hubert, le meilleur celtisant français, n’écrit-il pas que dans la mythologie de
75 lleur celtisant français, n’écrit-il pas que dans la mythologie des Celtes, « l’idée de la mort domine tout, et tout la dé
76 écrit-il pas que dans la mythologie des Celtes, «  l’ idée de la mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger
77 as que dans la mythologie des Celtes, « l’idée de la mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger d’aller ch
78 Celtes, « l’idée de la mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger d’aller chercher dans un passé que l’on
79 mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger d’aller chercher dans un passé que l’on connaît mal les causes
80 voit le danger d’aller chercher dans un passé que l’ on connaît mal les causes d’une révolution dont les effets ne sont que
81 aller chercher dans un passé que l’on connaît mal les causes d’une révolution dont les effets ne sont que trop connus. Le s
82 l’on connaît mal les causes d’une révolution dont les effets ne sont que trop connus. Le seul avantage de ce procédé histor
83 volution dont les effets ne sont que trop connus. Le seul avantage de ce procédé historique et littéraire, c’est qu’il dis
84 nvaincantes. Ces causes sont, de toute évidence : la guerre, le traité de Versailles, la grande misère de l’inflation et d
85 . Ces causes sont, de toute évidence : la guerre, le traité de Versailles, la grande misère de l’inflation et du chômage,
86 te évidence : la guerre, le traité de Versailles, la grande misère de l’inflation et du chômage, l’échec de la conférence
87 rre, le traité de Versailles, la grande misère de l’ inflation et du chômage, l’échec de la conférence du désarmement, enfi
88 s, la grande misère de l’inflation et du chômage, l’ échec de la conférence du désarmement, enfin et surtout les exemples d
89 e misère de l’inflation et du chômage, l’échec de la conférence du désarmement, enfin et surtout les exemples du communism
90 de la conférence du désarmement, enfin et surtout les exemples du communisme russe et du fascisme italien. Peut-être aussi
91 sme russe et du fascisme italien. Peut-être aussi la mollesse de la politique franco-anglaise jusqu’à Munich, qui ménageai
92 fascisme italien. Peut-être aussi la mollesse de la politique franco-anglaise jusqu’à Munich, qui ménageait Hitler à titr
93 out cela est plus gênant à alléguer que Luther et les vieux Germains, parce que dans tout cela se trouvent impliquées des n
94 tout cela se trouvent impliquées des nations que l’ on aime et de chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous rap
95 que l’on aime et de chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous rappelle au sérieux. Et ce n’est pas ma faute, n
96 n’est pas ma faute, ni celle des protestants, si l’ axe Berlin-Rome passe justement par Rome, qui n’est pourtant pas luthé
97 ne. Je m’excuse de tant d’évidences, et d’avoir à les rappeler à l’attention d’esprits si distingués. a. Rougemont Denis
98 de tant d’évidences, et d’avoir à les rappeler à l’ attention d’esprits si distingués. a. Rougemont Denis de, « Erreurs
99 stingués. a. Rougemont Denis de, « Erreurs sur l’ Allemagne », Gazette de Lausanne, Lausanne, 1 mai 1940, p. 1.
2 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)
100 a face d’un nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints. Que
101 qu’un disait : si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s
102 détruit, j’en perdrai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éteinte. Désert de haut
103 te. Désert de hautes pierres sans âme, cimetière… L’ envahisseur avait prophétisé : le 15 juin, j’entrerai dans Paris. Il y
104 âme, cimetière… L’envahisseur avait prophétisé : le 15 juin, j’entrerai dans Paris. Il y entre, en effet, mais ce n’est p
105 aris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’ esprit, devant le sentiment, devant ce qui fait la valeur de la vie. J
106 t sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant ce qui fait la valeur de la vie. Je songe au chef d
107 l’esprit, devant le sentiment, devant ce qui fait la valeur de la vie. Je songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui
108 ant le sentiment, devant ce qui fait la valeur de la vie. Je songe au chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les
109 chef de guerre qui traverse aujourd’hui ces rues les plus émouvantes du monde : Il ne les connaîtra jamais. Il ne verra qu
110 hui ces rues les plus émouvantes du monde : Il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que d’aveugles façades. Il s’est privé
111 qu’on peut tuer, mais qu’on ne peut conquérir par la force, et qui vaut plus, insondablement plus que tout ce que peuvent
112 ablement plus que tout ce que peuvent rafler dans le monde entier les servants des Panzerdivisionen. Quelque chose d’indéf
113 e tout ce que peuvent rafler dans le monde entier les servants des Panzerdivisionen. Quelque chose d’indéfinissable et que
114 finissable et que nous appelions Paris. C’est ici l’ impuissance tragique de ce conquérant victorieux : Tout ce qu’il veut
115 l veut saisir se change à son approche — Midas de l’ ère prolétarienne — en fer tordu, en pierraille lépreuse. N’importe qu
116 d’un soir de juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un couchant sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glisseme
117 bonheur d’un couchant sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement de la foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siè
118 Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement de la foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de misè
119 in-des-Prés, le grisant glissement de la foule de l’ Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sages
120 sement de la foule de l’Arc aux Chevaux de Marly, les siècles de grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage de cette c
121 siècles de grandeur, de misère, de sagesse, dont le visage de cette capitale plus douce et plus fière qu’aucune autre por
122 plus douce et plus fière qu’aucune autre portait les traces pacifiées. N’importe quel badaud, mais pas un conquérant. La c
123 s. N’importe quel badaud, mais pas un conquérant. La confrontation stupéfiante de cet homme et de cette Ville était peut-ê
124 s impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les dons de l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent
125 s. On ne conquiert pas avec des chars les dons de l’ âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le
126 conquiert pas avec des chars les dons de l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour du m
127 de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour du monde ! Ils ne rencontreront partout que le fracas du néant m
128 tour du monde ! Ils ne rencontreront partout que le fracas du néant mécanique. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le
129 mécanique. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le jour de la pire vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’a
130 Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le jour de la pire vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’aucun triomp
131 s comprendront qu’aucun triomphe ne vaut pour eux la moindre des réalités humaines qu’ils ont tuées. « …car ils ne savent
132 ont tuées. « …car ils ne savent ce qu’ils font. » Le 15 juin 1940. b. Rougemont Denis de, « À cette heure où Paris… »,
3 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). New York alpestre (14 février 1941)
133 t une île en forme d’un gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
134 en forme d’un gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la lo
135 s simple du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est d’une vingtaine de kilomètres, et deux-c
136 monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est d’une vingtaine de kilomètres, et deux-cent-cinquan
137 -cent-cinquante rues de quatre kilomètres coupant les avenues à angle droit. Au milieu, un parc de dix kilomètres carrés. C
138 parc de dix kilomètres carrés. C’est tout, c’est la cité de Manhattan… Mais les faubourgs, au-delà du fleuve et du bras d
139 rés. C’est tout, c’est la cité de Manhattan… Mais les faubourgs, au-delà du fleuve et du bras de mer qui entourent l’île, s
140 au-delà du fleuve et du bras de mer qui entourent l’ île, s’étendent sur des espaces bien plus vastes, îles et plaines reli
141 non plus, que New York est une ville alpestre. Je l’ ai senti le premier soir, quand le soleil couchant flambait les hauteu
142 le alpestre. Je l’ai senti le premier soir, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette coule
143 e premier soir, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voi
144 on voit aux crêtes des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’une ombre froide, et j’étais si bien au fond d’une
145 es noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. Ici elles se rejoignent et
146 s où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. Ici elles se rejoignent et se mêlent
147 nt partout. Ici elles se rejoignent et se mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent fr
148 s, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les verticalités granitiques et argentées de l’Empire State, du Centre Ro
149 pper les verticalités granitiques et argentées de l’ Empire State, du Centre Rockefeller, du Chrysler, de cent autres de ce
150 sler, de cent autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais ne se lassent pas de désigner, comme nous énumérons nos A
151 ous énumérons nos Alpes quand nous en contemplons la chaîne, et qui leur servent de repères pour se diriger dans la ville.
152 qui leur servent de repères pour se diriger dans la ville. Le vent fou, l’air ozone, et la lumière éclatant très haut dan
153 servent de repères pour se diriger dans la ville. Le vent fou, l’air ozone, et la lumière éclatant très haut dans le ciel
154 pères pour se diriger dans la ville. Le vent fou, l’ air ozone, et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des paroi
155 riger dans la ville. Le vent fou, l’air ozone, et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment déc
156 ’air ozone, et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur des parois violemment découpées, c’est un climat que je conn
157 n climat que je connais. Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu de
158 z affleurer de larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et
159 es glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un
160 ont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’ île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
161 jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la déme
162 endait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables
163 s assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs errati
164 midable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et luisants comme du mar
165 et luisants comme du marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches buildings, reliques sc
166 u marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches buildings, reliques scellées d’une antiqui
167 terraine. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prai
168 attan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle
169 r ce sol et ce climat. Entre la Prairie proche et l’ Océan, ce lieu d’extrême civilisation matérielle demeure hanté par on
170 igné d’une atmosphère irrévocablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de
171 blement désertique. Les Américains des plaines de l’ Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité q
172 venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’ inhumanité que revêtent ici le climat et les rapports humains. Ils pen
173 e de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici le climat et les rapports humains. Ils pensent, dans leur ignorance, que
174 dre de l’inhumanité que revêtent ici le climat et les rapports humains. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une vil
175 ropéenne »… Mais moi, je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. New York, janvier 1941. c.
4 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La route américaine (18 février 1941)
176 La route américaine (18 février 1941)d L’Européen parle parfois de sa
177 La route américaine (18 février 1941)d L’ Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on
178 d L’Européen parle parfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of lif
179 nception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la route américai
180 a vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’ american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie
181 urs de l’american way of life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêt
182 f life, littéralement : de la route américaine de la vie. Ce qui est pour nous concept, forme arrêtée, devient chez eux ch
183 n, mouvement indéfini. C’est pourquoi je prendrai les routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouvea
184 routes d’Amérique comme un symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère
185 de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer
186 veau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de déca
187 ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’i
188 culer la frontière de décade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique.
189 rs le Far West, jusqu’à ce qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajouter aux plus hauts g
190 ciel de New York, à ces grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-
191 es grandiloquents témoins de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinquantième
192 de la crise de 1929, où les affaires périssent et les bureaux se vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pr
193 ent au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme amér
194 baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’ âme américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’une l
195 e américaine, prise de nausée dès qu’elle ressent l’ approche d’une limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment s
196 restait à construire des routes. Depuis dix ans, les autostrades américaines allongent sans répit leur ruban de béton, sem
197 gent sans répit leur ruban de béton, semblables à la trace d’un grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures
198 gigantesque se poursuit en silence à travers tout le continent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de ré
199 e. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politiq
200 eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas une réclame politique, ni même un
201 olitique, ni même un expédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable
202 pédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et q
203 e le chômage. Elles sont le produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’un peuple libre, et qui voit grand sans se for
204 ue sens, séparées par une large bande gazonnée où l’ on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin
205 erver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de la Prairie. Trois pistes blanches délimitées par des lignes jaunes et no
206 à gauche, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’ heure, des millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vite
207 llions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuit
208 rges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’ absence de secousses et d’obstacles, l’enivrante continuité du déferle
209 a vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles, l’ enivrante continuité du déferlement général, tout cela vous donne aprè
210 éral, tout cela vous donne après quelques minutes l’ illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le cha
211 l’illusion d’une puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vas
212 puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au
213 qui vaincrait la distance par le charme, attirant les villes à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’une curiosité r
214 ages au gré d’une curiosité rêveuse. Mais soudain le regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé
215 in le regard est pris par un panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout portant par cent, par mille panneaux de
216 et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce que l’ œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de condui
217 ite et de morale élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des su
218 e élémentaire (avec publicité dans le texte) dont les phrases fragmentées s’échelonnent tout au long des superhighways. « P
219 otre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à l’ anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith… Des bon
220 bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de touristes à 100 yards… Ferry-boat du Delaware en gr
221 tes un détour par Philadelphie… Et arrêtez-vous à l’ Hôtel Franklin… Ralentissez, légion de daims… Les partis se réconcilie
222 à l’Hôtel Franklin… Ralentissez, légion de daims… Les partis se réconcilient… autour d’un verre de Champagne Renault !… Ave
223 ault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile ?… L’ État de Pennsylvanie vous souhaite la bienvenue… Et limite votre vites
224 u d’huile ?… L’État de Pennsylvanie vous souhaite la bienvenue… Et limite votre vitesse à cinquante miles… 500 dollars d’a
225 iles… 500 dollars d’amende ou un an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écou
226 an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’ Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneu
227 eux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton.
228 nisse l’Amérique… » Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous
229 ’écoute le grondement sourd des pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les 400 kilomètres qui sép
230 ent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les 400 kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en t
231 us aurons couvert les 400 kilomètres qui séparent le centre de New York de Washington, en traversant deux villes énormes :
232 eux villes énormes : Philadelphie et Baltimore et l’ estuaire du Delaware en ferry-boat. La vitesse rétrécit l’espace améri
233 altimore et l’estuaire du Delaware en ferry-boat. La vitesse rétrécit l’espace américain ; les routes de la vitesse lui cr
234 re du Delaware en ferry-boat. La vitesse rétrécit l’ espace américain ; les routes de la vitesse lui créent enfin des cadre
235 ry-boat. La vitesse rétrécit l’espace américain ; les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand cette surface
236 tesse rétrécit l’espace américain ; les routes de la vitesse lui créent enfin des cadres. Quand cette surface sera suffisa
237 era suffisamment organisée, vers quoi se tournera l’ effort collectif de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la
238 l’effort collectif de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a
239 de ce peuple ? Peut-être vers la profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, part
240 ofondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses ell
241 nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est qu’un seul infini v
242 ritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’ âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à
243 e en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à l’Homme. d. Rougemont Denis d
244 jour-là, les glorieux highways aboutiront enfin à l’ Homme. d. Rougemont Denis de, « La route américaine », Gazette de L
245 ront enfin à l’Homme. d. Rougemont Denis de, «  La route américaine », Gazette de Lausanne, Lausanne, 18 février 1941, p
5 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Souvenir de la paix française (15 mars 1941)
246 Souvenir de la paix française (15 mars 1941)e Périgny… C’était bien ce nom-là ? U
247 it bien ce nom-là ? Un long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles
248 n long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d
249 amps de roses et des blés aux bords du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ron
250 tais vers Périgny par un sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers. Une seule rangée de maisons
251 iers. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’ on parvient dans la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardo
252 gée de maisons à traverser, et l’on parvient dans la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent p
253 arvient dans la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge
254 est vide ! Les toits d’ardoises ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’âge, palmées par les vents. Rares sont le
255 es ne dépassent pas les façades nues, brunies par l’ âge, palmées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les café
256 les façades nues, brunies par l’âge, palmées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une
257 nies par l’âge, palmées par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ce
258 par les vents. Rares sont les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est une de ces voitures branlantes q
259 branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au
260 ue sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pa
261 rme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît si discrète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’e
262 ié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin. Je longeais cette
263 ermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la route bifurque : l’une
264 , sans adresse, au ras de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la route bifurque : l’une des routes prend à droit
265 de la plaine. Un peu avant la sortie du village, la route bifurque : l’une des routes prend à droite, vers la plaine, esc
266 bifurque : l’une des routes prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ; l’autre s’incline lentement ve
267 elques maisons ; l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant s
268 l’autre s’incline lentement vers la vallée, dans les vergers. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur la route à pre
269 rs. Je m’étais arrêté à cet endroit, hésitant sur la route à prendre. Et soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur
270 à prendre. Et soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettre
271 soudain je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une inscription en lettres capitales b
272 du village, silence des rues vides, ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un
273 lence des rues vides, ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeu
274 iel et sur les blés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’un secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce vill
275 trouve personne. Mais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s
276 ais ses outils sont là, contre le mur. Il reprend le chemin de son champ. En passant au carrefour, il s’est dit : Peut-êtr
277 l a écrit ces mots. Elle saura bien. Il a rejoint l’ usage du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe
278 s. Elle saura bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’ intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffit. Je suis r
279 ge du pays, l’intimité des choses de toujours. Et le moindre signe suffit. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, q
280 le moindre signe suffit. Je suis redescendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs
281 igne suffit. Je suis redescendu vers la vallée de l’ Yerre, qui coule entre des saules et des peupliers blancs. Il faisait
282 t des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des
283 s blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs
284 oux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai
285 amps de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là j’avais fait mes adieux à
286 us tard, que ce jour-là j’avais fait mes adieux à la France. e. Rougemont Denis de, « Souvenir de la paix française »,
287 a France. e. Rougemont Denis de, « Souvenir de la paix française », Gazette de Lausanne, Lausanne, 15 mars 1941, p. 1.
6 1946, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Monsieur Denis de Rougemont, de passage en Europe, nous dit… [Entretien] (4 mai 1946)
288 n de me retrouver dans une atmosphère française ; la production littéraire demande qu’on ne séjourne pas indéfiniment dans
289 e demande qu’on ne séjourne pas indéfiniment dans le climat étranger. En outre, j’ai des éditeurs à voir à Paris et en Sui
290 Suisse. Et je serais rentré il y a un an déjà si les circonstances s’y étaient prêtées. Êtes-vous venu en Suisse directeme
291 êt de quelques jours à Paris. Votre impression de la capitale française ? J’ai été frappé par son extraordinaire beauté, c
292 traordinaire beauté, contrastant brutalement avec la foule qui la peuple et que je ne reconnaissais plus : des visages san
293 beauté, contrastant brutalement avec la foule qui la peuple et que je ne reconnaissais plus : des visages sans gaieté, des
294 omme affaissés… Un vrai cauchemar… N’était-ce pas le contraste avec ces grands diables d’Américains ? Non, car en Suisse j
295 Paris c’était véritablement oppressant… Remontons le cours de votre voyage. Puis-je vous demander où vous aviez vos assise
296 Amérique et quelles furent vos occupations durant le temps où la Suisse vous avait en quelque sorte perdu de vue ? J’ai su
297 quelles furent vos occupations durant le temps où la Suisse vous avait en quelque sorte perdu de vue ? J’ai surtout habité
298 rdu de vue ? J’ai surtout habité New York, à part les quatre mois que j’ai passés en Argentine à faire les conférences qu’i
299 quatre mois que j’ai passés en Argentine à faire les conférences qu’impliquait ma mission. Je pensais alors regagner la Su
300 ’impliquait ma mission. Je pensais alors regagner la Suisse, quand l’entrée en guerre des États-Unis me bloqua sur place.
301 ssion. Je pensais alors regagner la Suisse, quand l’ entrée en guerre des États-Unis me bloqua sur place. J’avais constaté
302 ts-Unis me bloqua sur place. J’avais constaté que les conférences n’étaient pas un très bon moyen de propagande. Les Améric
303 es n’étaient pas un très bon moyen de propagande. Les Américains en écoutent énormément, et les oublient le lendemain. J’ai
304 agande. Les Américains en écoutent énormément, et les oublient le lendemain. J’ai donc écrit un livre sur la Suisse, en col
305 méricains en écoutent énormément, et les oublient le lendemain. J’ai donc écrit un livre sur la Suisse, en collaboration a
306 blient le lendemain. J’ai donc écrit un livre sur la Suisse, en collaboration avec Mme Maurice Muret, qui s’intitule Le C
307 aboration avec Mme Maurice Muret, qui s’intitule Le Cœur de l’Europe et qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage q
308 vec Mme Maurice Muret, qui s’intitule Le Cœur de l’ Europe et qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les Amér
309 ur de l’Europe et qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les Américains peuvent consulter, pour se renseigner
310 ui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les Américains peuvent consulter, pour se renseigner sur notre pays, et i
311 nd encore régulièrement. J’ai été professeur — et le suis encore en titre — à l’École libre des hautes études, université
312 i été professeur — et le suis encore en titre — à l’ École libre des hautes études, université française en exil dirigée à
313 uts par Maritain et feu Focillon, aujourd’hui par le Belge H. Grégoire. Cet institut est maintenant destiné aux jeunes Amé
314 -sociologie. Mes collègues, de Strasbourg, Rouen, la Sorbonne, etc. étaient charmants. La vie intellectuelle était donc fo
315 ourg, Rouen, la Sorbonne, etc. étaient charmants. La vie intellectuelle était donc fort active à New York ? Au point que t
316 ons françaises d’édition s’y sont fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’École des hautes études a lancé une revue, Ren
317 s’y sont fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’ École des hautes études a lancé une revue, Renaissance. De là, j’ai pa
318 ance. De là, j’ai passé au ministère américain de l’ information de guerre, où j’étais chargé de l’émission « La voix de l’
319 de l’information de guerre, où j’étais chargé de l’ émission « La voix de l’Amérique parle aux Français », retransmise par
320 tion de guerre, où j’étais chargé de l’émission «  La voix de l’Amérique parle aux Français », retransmise par Londres. Il
321 rre, où j’étais chargé de l’émission « La voix de l’ Amérique parle aux Français », retransmise par Londres. Il me fallait
322 eux ans. Ce qui fut sans doute tout bénéfice pour les lettres ? Je rapporte quatre manuscrits, dont trois sont terminés et
323 vont être publiés à Paris. Ce sont des essais sur les mythes grecs : Doctrine fabuleuse  ; un recueil d’articles intitulé
324 leuse  ; un recueil d’articles intitulé Vues sur l’ Amérique  ; et 18 Lettres sur la bombe atomique (qui seront traduite
325 titulé Vues sur l’Amérique  ; et 18 Lettres sur la bombe atomique (qui seront traduites en anglais, en danois, en holla
326 u genre voltairien, dans lesquelles je montre que les armées de masse sont devenues inutiles et que la guerre militaire est
327 les armées de masse sont devenues inutiles et que la guerre militaire est morte, et qu’un gouvernement mondial est devenu
328 ats. Vos derniers ouvrages ont-ils été traduits à l’ usage des Américains ? J’ai un contrat avec une maison américaine qui
329 américaine qui a commencé par éditer en anglais La Part du diable et Les Personnes du drame . D’autres de mes ouvrages
330 ncé par éditer en anglais La Part du diable et Les Personnes du drame . D’autres de mes ouvrages seront traduits. En out
331 s. En outre, on va rééditer à Paris Politique de la personne , Penser avec les mains et L’Amour et l’Occident . Vous a
332 ique de la personne , Penser avec les mains et L’ Amour et l’Occident . Vous allez donc faire une rentrée massive sur le
333 personne , Penser avec les mains et L’Amour et l’ Occident . Vous allez donc faire une rentrée massive sur le marché du
334 t . Vous allez donc faire une rentrée massive sur le marché du livre ? Oui, peut-être même un peu trop : tout compte fait,
335 nnée ! C’est beaucoup à la fois. Vous n’êtes plus l’ intellectuel en chômage… Au contraire, je vais maintenant pouvoir me c
336 nt à mes livres. Quelques-unes de vos lettres sur la bombe atomique ont paru dans Le Figaro  ? Oui, elles ont causé du sc
337 vos lettres sur la bombe atomique ont paru dans Le Figaro  ? Oui, elles ont causé du scandale dans certains milieux, mai
338 ucoup d’approbations enthousiastes. Savez-vous si les Soviets ont, pu s’emparer du secret de la bombe atomique ? Non, et nu
339 ous si les Soviets ont, pu s’emparer du secret de la bombe atomique ? Non, et nul ne le sait, je crois, en Amérique. Mais
340 r du secret de la bombe atomique ? Non, et nul ne le sait, je crois, en Amérique. Mais une polémique ardente, sur l’opport
341 ois, en Amérique. Mais une polémique ardente, sur l’ opportunité de le livrer, alimente encore quotidiennement la chronique
342 Mais une polémique ardente, sur l’opportunité de le livrer, alimente encore quotidiennement la chronique, là-bas. Avez-vo
343 ité de le livrer, alimente encore quotidiennement la chronique, là-bas. Avez-vous été séduit par l’Amérique ? Je l’aime én
344 nt la chronique, là-bas. Avez-vous été séduit par l’ Amérique ? Je l’aime énormément ; c’est une autre civilisation que la
345 là-bas. Avez-vous été séduit par l’Amérique ? Je l’ aime énormément ; c’est une autre civilisation que la nôtre, mais qui
346 ime énormément ; c’est une autre civilisation que la nôtre, mais qui a ses valeurs à elle. Peut-on employer ce mot de civi
347 un peuple si neuf ? Disons que leur conception de la vie est différente. C’est une question de mœurs, de rapports quotidie
348 tisme. Des armées de savants étudient par exemple la meilleure façon de s’alimenter, et la font enseigner aux écoliers. C’
349 par exemple la meilleure façon de s’alimenter, et la font enseigner aux écoliers. C’est d’ailleurs une très belle race qui
350 uérilité américaine ? Et quel jugement porter sur les histoires d’un pittoresque extravagant qui nous viennent de là-bas ?
351 vagant qui nous viennent de là-bas ? Puérils, ils le sont à nos yeux sur certains points, et nous le sommes à leurs yeux s
352 s le sont à nos yeux sur certains points, et nous le sommes à leurs yeux sur certains autres (par exemple, la manie de nou
353 es à leurs yeux sur certains autres (par exemple, la manie de nous battre). À côté d’eux, nous sommes un peu « névrosés ».
354 Quant à leurs loufoqueries, ne croyons pas qu’ils les prennent au sérieux : c’est un genre d’humour qui leur plaît, et ils
355 leur plaît, et ils ne font que s’en amuser. Si on les compare aux Français, il est indéniable que ces derniers, quoi qu’on
356 quoi qu’on dise, sont beaucoup plus « sérieux ». L’ Amérique est du reste un pays si vaste, si mélangé et si divers, que t
357 st toujours vrai quelque part. C’est un résumé de la planète. On se sent à New York, en particulier, si cosmopolite aujour
358 que pour mieux comprendre leur continent grâce à l’ éloignement, il faudrait que le plus grand nombre possible d’Européens
359 continent grâce à l’éloignement, il faudrait que le plus grand nombre possible d’Européens eussent l’occasion de quitter
360 le plus grand nombre possible d’Européens eussent l’ occasion de quitter leur « province » pour s’y rendre. N’ont-ils donc
361 our s’y rendre. N’ont-ils donc rien à craindre de l’ américanisme ? Pour ce qui est du matérialisme, avec son culte du conf
362 du matérialisme, avec son culte du confort et de la machine, son admiration pour le progrès technique, les Américains n’o
363 du confort et de la machine, son admiration pour le progrès technique, les Américains n’ont en somme pas grand-chose à no
364 achine, son admiration pour le progrès technique, les Américains n’ont en somme pas grand-chose à nous apprendre, et c’est
365 s grandes ressemblances (il y en a beaucoup) avec les Suisses. Non, plutôt que l’influence de la standardisation matérielle
366 en a beaucoup) avec les Suisses. Non, plutôt que l’ influence de la standardisation matérielle, c’est la standardisation d
367 avec les Suisses. Non, plutôt que l’influence de la standardisation matérielle, c’est la standardisation de la pensée qui
368 influence de la standardisation matérielle, c’est la standardisation de la pensée qui me paraît très dangereuse. De la pen
369 rdisation matérielle, c’est la standardisation de la pensée qui me paraît très dangereuse. De la pensée et des jugements m
370 on de la pensée qui me paraît très dangereuse. De la pensée et des jugements moraux : par la synchronisation de la presse 
371 reuse. De la pensée et des jugements moraux : par la synchronisation de la presse ; par le prestige incroyable d’Hollywood
372 des jugements moraux : par la synchronisation de la presse ; par le prestige incroyable d’Hollywood, qui donne le ton, et
373 oraux : par la synchronisation de la presse ; par le prestige incroyable d’Hollywood, qui donne le ton, et où l’Amérique s
374 par le prestige incroyable d’Hollywood, qui donne le ton, et où l’Amérique semble copier l’image qu’elle s’y fait d’elle-m
375 e incroyable d’Hollywood, qui donne le ton, et où l’ Amérique semble copier l’image qu’elle s’y fait d’elle-même ; par la b
376 qui donne le ton, et où l’Amérique semble copier l’ image qu’elle s’y fait d’elle-même ; par la baisse du niveau intellect
377 copier l’image qu’elle s’y fait d’elle-même ; par la baisse du niveau intellectuel auquel les éditeurs contribuent en ne f
378 ême ; par la baisse du niveau intellectuel auquel les éditeurs contribuent en ne faisant de gros tirages que pour les ouvra
379 ontribuent en ne faisant de gros tirages que pour les ouvrages médiocres. Quand un livre a du succès, on le refait cent foi
380 uvrages médiocres. Quand un livre a du succès, on le refait cent fois. À part une ou deux exceptions, les bons auteurs amé
381 refait cent fois. À part une ou deux exceptions, les bons auteurs américains sont beaucoup plus connus en Europe qu’en Amé
382 qu’en Amérique. Ce qui est tout à notre honneur ! L’ Europe reste le continent de la création. L’Amérique ne crée pas. Elle
383 Ce qui est tout à notre honneur ! L’Europe reste le continent de la création. L’Amérique ne crée pas. Elle est plutôt com
384 à notre honneur ! L’Europe reste le continent de la création. L’Amérique ne crée pas. Elle est plutôt complémentaire de l
385 eur ! L’Europe reste le continent de la création. L’ Amérique ne crée pas. Elle est plutôt complémentaire de l’Europe. Cela
386 ue ne crée pas. Elle est plutôt complémentaire de l’ Europe. Cela permettrait entre elles une entente fructueuse et solide.
387 Et, à ce propos, on a tort en Europe de craindre l’ impérialisme américain. J’ai peur, quant à moi, qu’il ne soit beaucoup
388 t à moi, qu’il ne soit beaucoup trop timide ! Car les Américains redoutent énormément d’avoir l’air impérialiste. Et cette
389 e pourrait avoir d’assez graves conséquences pour l’ Europe…1 1. L’entretien se termine par un commentaire conclusif de
390 d’assez graves conséquences pour l’Europe…1 1. L’ entretien se termine par un commentaire conclusif de l’interviewer : «
391 retien se termine par un commentaire conclusif de l’ interviewer : « Nous devons arrêter là cette interview ; nous ne douto
392 êter là cette interview ; nous ne doutons pas que les considérations de l’écrivain neuchâtelois — que nous espérons n’avoir
393 w ; nous ne doutons pas que les considérations de l’ écrivain neuchâtelois — que nous espérons n’avoir point trahies en les
394 lois — que nous espérons n’avoir point trahies en les résumant — intéresseront vivement nos lecteurs. » f. Rougemont Deni
395 propos, recueillis par C.-P. B., sont précédés de l’ introduction suivante : « Après une absence de quelque six années M. D
396 ertés. Ce retour n’est d’ailleurs que provisoire, l’ écrivain ayant laissé sa famille en Amérique où il la retrouvera cet a
397 crivain ayant laissé sa famille en Amérique où il la retrouvera cet automne. Il a bien voulu nous accorder la primeur d’un
398 ouvera cet automne. Il a bien voulu nous accorder la primeur d’une interview, ce dont nous le remercions ici très vivement
399 accorder la primeur d’une interview, ce dont nous le remercions ici très vivement. »
7 1947, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (5 décembre 1947)
400 sur un procès perdu (5 décembre 1947)h i Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — R
401 947)h i Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’u
402 Voici le raisonnement qu’a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’une propa
403 pagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme Oltramare ; hors de Suisse, comme Oltramare encore. Les
404 tramare ; hors de Suisse, comme Oltramare encore. Les deux cas étant identiques, il faut donc condamner Rougemont, mais il
405 n est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si l’ on admet avec cet avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’alt
406 et avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’ alternative est la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Olt
407 vraiment agi comme son client, l’alternative est la suivante : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi
408  : ou bien je suis coupable, mais alors Oltramare l’ est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une
409 suis coupable, mais alors Oltramare l’est aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait une drôle de fig
410 aussi, la plaidoirie devient un réquisitoire, et l’ avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare,
411 ce discours retombe à plat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’ai
412 lat, et notre avocat perd la face. 2. Mais où est l’ homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Olt
413 ie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mai
414 e Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veu
415 les deux écrit pour la radio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressem
416 tique. Soit. Mais un avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car il
417 tenir à la seule ressemblance des mots tombe dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et s
418 dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par ce procédé l’o
419 ent et se prononcent de même, mais par ce procédé l’ on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert,
420 e même, mais par ce procédé l’on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir co
421 consolé Duperrier — celui qui a perdu son procès. La seule question sérieuse qui se posait, notre avocat s’est bien gardé
422 e qui se posait, notre avocat s’est bien gardé de la formuler, c’est celle du contenu des émissions. Oltramare a parlé en
423 nazis, ennemis jurés de toute démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour
424 démocratie, donc de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’é
425 c de la Suisse. J’écrivais contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je f
426 contre les nazis, pour les démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactem
427 démocraties, donc pour la Suisse. Il en résulte à l’ évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramar
428 l’évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différe
429 d’Oltramare à Paris. Si Me Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’éclairer par une fable. Supposons que j’aie
430 Duperrier ne sent pas la différence, essayons de l’ éclairer par une fable. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à la
431 able. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà c
432 tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramèn
433 si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous b
434 adio américaine, qu’à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gau
435 ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter, un nommé Oltramare, me fait emprisonner, puis juger sommai
436 ond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de
437 fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les Amér
438 ire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les Américains ont gagné la guerr
439 ce. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre.
440 Duperrier. Mais voilà !… les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltr
441 Mais voilà !… les Américains ont gagné la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s
442 e. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir com
443 n s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le d
444 garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’ hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exacte
445 oncer pour avoir combattu l’hitlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous un prétexte exactement inverse. Je garde l
446 ier sous un prétexte exactement inverse. Je garde le droit de répondre, et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le
447 , et même de rire. Et vous, lecteurs, vous gardez le droit de juger toute cette affaire, mon livre en main, selon votre co
448 re en main, selon votre conscience de citoyens de la plus vieille démocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que
449 du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que nous l’ avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous
450 avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même encore viva
451 de Lausanne, Lausanne, 5 décembre 1947, p. 3. i. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Mis en cause de singulière m
452 e par Me Duperrier, Denis de Rougemont répond sur le ton de la plaisanterie dans le dernier Bulletin de la Guilde du livre
453 uperrier, Denis de Rougemont répond sur le ton de la plaisanterie dans le dernier Bulletin de la Guilde du livre. Voici la
454 on de la plaisanterie dans le dernier Bulletin de la Guilde du livre. Voici la conclusion de ses réflexions narquoises ; e
455 le dernier Bulletin de la Guilde du livre. Voici la conclusion de ses réflexions narquoises ; elles intéresseront tous ce
456 ous ceux, fort nombreux, qui ont jugé… surprenant le procédé du défenseur d’Oltramare. »
8 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les écrivains romands et Paris (10 septembre 1949)
457 Les écrivains romands et Paris (10 septembre 1949)j k Questions 1 et
458 s nous n’avons rien de ce qu’il faut pour assurer le succès d’une œuvre : publicité, mouvement autour d’un livre ou d’un a
459 ds », et ils sont à Paris. Nous faisons partie de la littérature française. Or, il se trouve que la France est un pays cen
460 de la littérature française. Or, il se trouve que la France est un pays centralisé, dans sa vie littéraire aussi. Pourquoi
461 natale ? Peut-être avez-vous raison de considérer la situation des écrivains romands comme un cas tout à fait singulier. J
462 omme un cas tout à fait singulier. Je suis prêt à le croire. Mais enfin, cela ne va pas de soi. Question 3. – « Le départ
463 is enfin, cela ne va pas de soi. Question 3. – «  Le départ vers Paris… » Il n’y a pas que Paris, mais c’est le départ qui
464 vers Paris… » Il n’y a pas que Paris, mais c’est le départ qui importe. Combien de grandes œuvres ont-elles été écrites,
465 es été écrites, et publiées, au lieu même et dans le milieu où leur auteur est né, où il a grandi ? J’en vois si peu, et j
466 d’exemples éclatants des bienfaits littéraires de l’ exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à
467 u à James Joyce — que j’en viens à me demander si la condition normale du « bon écrivain » (j’entends : la plus fréquente
468 ondition normale du « bon écrivain » (j’entends : la plus fréquente et la plus bénéfique à la fois) n’est pas précisément
469  bon écrivain » (j’entends : la plus fréquente et la plus bénéfique à la fois) n’est pas précisément de vivre et de créer
470 lieu et de sa province natale. Même et surtout si l’ on doit tirer de ce milieu, de cette province, le meilleur de son insp
471 l’on doit tirer de ce milieu, de cette province, le meilleur de son inspiration. j. Rougemont Denis de, « [Réponse à u
472 j. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Les écrivains romands et Paris », Gazette de Lausanne, Lausanne, 10 septe
473 Lausanne, Lausanne, 10 septembre 1949, p. 12. k. L’ enquête à laquelle Rougemont répond ici est précédée du chapeau suivan
474 ris, Jean-Pierre Moulin, a posé dans nos colonnes les trois questions suivantes : 1. Un écrivain (nous entendons par là aus
475 er qu’un dramaturge) a-t-il à sa disposition dans la réalité romande ou même helvétique des éléments d’appréciation suffis
476 vera-t-il un public ? Des appuis ? Un milieu ? 3. Le départ vers Paris n’est-il pas, en même temps qu’une tentative de ret
477 mps qu’une tentative de retrouver ailleurs ce que l’ on ne trouve pas dans son pays, une fuite, loin de ce que Ramuz appell
478 on pays, une fuite, loin de ce que Ramuz appelle “ le train-train d’une vie moyenne où l’exception, n’a point de part” ? Ap
479 amuz appelle “le train-train d’une vie moyenne où l’ exception, n’a point de part” ? Après les réponses de J.-E. Chable, Ro
480 oyenne où l’exception, n’a point de part” ? Après les réponses de J.-E. Chable, Robert de Traz, Marcel Rosset, Frédéric Bar
481 rancillon, publiées ces dernières semaines, voici l’ avis de Paul Chaponnière, Jacques Mercanton, Denis de Rougemont et de
482 Rougemont et de Corinna Bille. D’autres suivront la semaine prochaine. […] Ce sont la concision et la vigueur qui disting
483 autres suivront la semaine prochaine. […] Ce sont la concision et la vigueur qui distinguent la réponse de M. Denis de Rou
484 la semaine prochaine. […] Ce sont la concision et la vigueur qui distinguent la réponse de M. Denis de Rougemont. Si ce Su
485 e sont la concision et la vigueur qui distinguent la réponse de M. Denis de Rougemont. Si ce Suisse très cosmopolite recon
9 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est encore un espoir (8 décembre 1949)
486 L’ Europe est encore un espoir (8 décembre 1949)l m Votre lettre est l
487 n espoir (8 décembre 1949)l m Votre lettre est la meilleure preuve de l’urgence de notre congrès. Elle dit tout haut ce
488 49)l m Votre lettre est la meilleure preuve de l’ urgence de notre congrès. Elle dit tout haut ce que pensent des millio
489 it tout haut ce que pensent des millions. Et elle le dit sans précautions, avec la calme outrance de la désillusion. Elle
490 s millions. Et elle le dit sans précautions, avec la calme outrance de la désillusion. Elle dit deux mots : trop tard. D’a
491 e dit sans précautions, avec la calme outrance de la désillusion. Elle dit deux mots : trop tard. D’autres nous disent : t
492 ceux qui nous reprochent une hâte « imprudente », la différence n’est pas de jugement politique, mais d’expérience humaine
493 et surtout de souffrance. Vous avez trop souffert la longue horreur des camps pour croire au sursaut de l’humain qui pourr
494 ongue horreur des camps pour croire au sursaut de l’ humain qui pourrait seul sauver l’Europe. Les autres dorment. Ils n’on
495 e au sursaut de l’humain qui pourrait seul sauver l’ Europe. Les autres dorment. Ils n’ont pas encore vu qu’on ne leur lais
496 ut de l’humain qui pourrait seul sauver l’Europe. Les autres dorment. Ils n’ont pas encore vu qu’on ne leur laissera plus l
497 s n’ont pas encore vu qu’on ne leur laissera plus le temps d’être prudents. Trop tard, dites-vous. « L’Europe n’existe plu
498 e temps d’être prudents. Trop tard, dites-vous. «  L’ Europe n’existe plus ». Les Russes et les Américains vont lui régler s
499 rop tard, dites-vous. « L’Europe n’existe plus ». Les Russes et les Américains vont lui régler son compte, si ce n’est pas
500 s-vous. « L’Europe n’existe plus ». Les Russes et les Américains vont lui régler son compte, si ce n’est pas déjà fait. Et
501 esque il y a tout notre espoir, bien plus, il y a le ressort de notre action. Je voudrais vous montrer que ce presque est
502 té, et qui change tout. Mon argument sera simple, le voici : Si notre Europe n’existait plus, si c’était vrai, vous ne pou
503 plus, si c’était vrai, vous ne pourriez plus même le dire, et cela pour des raisons que vous avez bien connues… Or non seu
504 que vous avez bien connues… Or non seulement vous le dites, vous l’écrivez, mais encore on va l’imprimer, puisque votre le
505 ien connues… Or non seulement vous le dites, vous l’ écrivez, mais encore on va l’imprimer, puisque votre lettre est « ouve
506 vous le dites, vous l’écrivez, mais encore on va l’ imprimer, puisque votre lettre est « ouverte ». C’est qu’il y a donc e
507 st qu’il y a donc encore un peu d’Europe vivante. L’ Europe existe encore, là où le cri des hommes n’est pas étouffé dans l
508 u d’Europe vivante. L’Europe existe encore, là où le cri des hommes n’est pas étouffé dans leur bouche, ou dans les source
509 ommes n’est pas étouffé dans leur bouche, ou dans les sources mêmes de leur révolte. Vous allez me dire : « Ce n’est qu’une
510 dire : « Ce n’est qu’une survivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit de parler nous est encore laissé, mais c’es
511 ’une survivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit de parler nous est encore laissé, mais c’est qu’il n’a plus d’i
512 e laissé, mais c’est qu’il n’a plus d’importance. La possibilité d’agir nous est ôtée. » Venez donc à Lausanne, et nous en
513 » Venez donc à Lausanne, et nous en discuterons. ( L’ Europe existe encore, là où le dialogue existe.) Vous parlez de la « d
514 us en discuterons. (L’Europe existe encore, là où le dialogue existe.) Vous parlez de la « dernière illusion de l’Europe »
515 encore, là où le dialogue existe.) Vous parlez de la « dernière illusion de l’Europe ». J’en vois une autre, et votre lett
516 existe.) Vous parlez de la « dernière illusion de l’ Europe ». J’en vois une autre, et votre lettre la traduit d’une manièr
517 l’Europe ». J’en vois une autre, et votre lettre la traduit d’une manière émouvante. C’est l’illusion causée par la désil
518 lettre la traduit d’une manière émouvante. C’est l’ illusion causée par la désillusion. Elle est très répandue, elle est s
519 ne manière émouvante. C’est l’illusion causée par la désillusion. Elle est très répandue, elle est si fascinante qu’elle r
520 lle risque bien de provoquer, comme tout vertige, la chute qu’elle imagine. Cette illusion d’optique consiste à voir une t
521 eux colosses agressifs. Secouons-nous, détournons les yeux de cet abîme d’angoisse, et calculons. Le tableau change en un c
522 s les yeux de cet abîme d’angoisse, et calculons. Le tableau change en un clin d’œil. À l’ouest du rideau de fer, nous som
523 calculons. Le tableau change en un clin d’œil. À l’ ouest du rideau de fer, nous sommes 300 millions : c’est deux fois plu
524 us sommes 300 millions : c’est deux fois plus que l’ Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Sur ces 300 mil
525 : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Sur ces 300 millions, dix pour cent de
526 millions, dix pour cent de communistes ? Mais sur les 100 millions de satellites, quatre-vingt-dix pour cent qui ne sont pa
527 uinée ? Mais elle relève déjà ses industries ; et l’ URSS n’a pas été traitée mieux qu’elle, qu’on s’en souvienne. Une Euro
528 losses ? Mais gardons-nous des fausses symétries. La symétrie est une loi de la paresse, autant qu’un procédé de construct
529 des fausses symétries. La symétrie est une loi de la paresse, autant qu’un procédé de construction. Dans toutes les choses
530 autant qu’un procédé de construction. Dans toutes les choses humaines, elle est une illusion. Il est vrai que l’Amérique so
531 humaines, elle est une illusion. Il est vrai que l’ Amérique souhaite l’union de l’Europe. Ce n’est pas la même union que
532 une illusion. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’ union de l’Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous impo
533 n. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’union de l’ Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous imposeraient !
534 érique souhaite l’union de l’Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous imposeraient ! L’Amérique veut l’Europ
535 union de l’Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous imposeraient ! L’Amérique veut l’Europe unie, parce qu’el
536 la même union que les Russes nous imposeraient ! L’ Amérique veut l’Europe unie, parce qu’elle a besoin de nous en tant qu
537 ue les Russes nous imposeraient ! L’Amérique veut l’ Europe unie, parce qu’elle a besoin de nous en tant qu’Européens, auto
538 ves coûteux à entretenir. Et nous avons besoin de l’ Amérique, en retour ; nous n’avons pas besoin des Russes. Les Américai
539 , en retour ; nous n’avons pas besoin des Russes. Les Américains seront forcés de nous forcer à l’union ou de nous abandonn
540 es. Les Américains seront forcés de nous forcer à l’ union ou de nous abandonner, si nous n’arrivons pas, d’ici deux ans, à
541 librement. Il ne dépend que de nous d’y réussir. Les jeux ne sont donc pas faits. Il nous reste deux ans. Nous perdrons ce
542 ous reste deux ans. Nous perdrons ces deux ans si l’ Europe dès maintenant se croit perdue, si elle cède au vertige, à l’il
543 enant se croit perdue, si elle cède au vertige, à l’ illusion d’urne impuissance qui alors seulement deviendra vraie. Cher
544 te que d’autres. Tous ceux qui ont lu votre livre l’ ont senti, et même s’ils ignoraient que c’était votre histoire. Je vou
545 doctrine du pessimisme actif. Un dernier mot sur les hommes politiques. Ils ont eu leur congrès ailleurs. À Lausanne, ce s
546 t eu leur congrès ailleurs. À Lausanne, ce seront les savants, les poètes et les philosophes qui prendront enfin la parole.
547 grès ailleurs. À Lausanne, ce seront les savants, les poètes et les philosophes qui prendront enfin la parole. (Ils auraien
548 À Lausanne, ce seront les savants, les poètes et les philosophes qui prendront enfin la parole. (Ils auraient dû la prendr
549 les poètes et les philosophes qui prendront enfin la parole. (Ils auraient dû la prendre les premiers.) Et M. Spaak, seul
550 s qui prendront enfin la parole. (Ils auraient dû la prendre les premiers.) Et M. Spaak, seul homme d’État invité à la con
551 remiers.) Et M. Spaak, seul homme d’État invité à la conférence, est indemne du reproche d’avoir vendu vos peuples. Mais j
552 us dites : « Ou bien un enfant… » Nous voici dans le temps de l’Avent, dans les nuits les plus longues de l’année. Chercho
553  Ou bien un enfant… » Nous voici dans le temps de l’ Avent, dans les nuits les plus longues de l’année. Cherchons ensemble
554 fant… » Nous voici dans le temps de l’Avent, dans les nuits les plus longues de l’année. Cherchons ensemble à distinguer le
555 us voici dans le temps de l’Avent, dans les nuits les plus longues de l’année. Cherchons ensemble à distinguer les signes.
556 ps de l’Avent, dans les nuits les plus longues de l’ année. Cherchons ensemble à distinguer les signes. Les Mages aussi pou
557 ngues de l’année. Cherchons ensemble à distinguer les signes. Les Mages aussi pouvaient penser que l’Étoile était illusion.
558 nnée. Cherchons ensemble à distinguer les signes. Les Mages aussi pouvaient penser que l’Étoile était illusion. Elle les co
559 les signes. Les Mages aussi pouvaient penser que l’ Étoile était illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers un Enfant
560 ouvaient penser que l’Étoile était illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers un Enfant qui a sauvé le monde. l. Ro
561 l’Étoile était illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers un Enfant qui a sauvé le monde. l. Rougemont Denis de, «
562 onduisait dans la nuit vers un Enfant qui a sauvé le monde. l. Rougemont Denis de, « L’Europe est encore un espoir », G
563 qui a sauvé le monde. l. Rougemont Denis de, «  L’ Europe est encore un espoir », Gazette de Lausanne, Lausanne, 8 décemb
564 une lettre ouverte de Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’occasion de l’ouverture de la Conférence européenne
565 de Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’ occasion de l’ouverture de la Conférence européenne de la culture, qui
566 orghiu parue dans le même numéro, à l’occasion de l’ ouverture de la Conférence européenne de la culture, qui se tint à Lau
567 ns le même numéro, à l’occasion de l’ouverture de la Conférence européenne de la culture, qui se tint à Lausanne du 8 au 1
568 ion de l’ouverture de la Conférence européenne de la culture, qui se tint à Lausanne du 8 au 12 décembre 1949.
10 1953, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « Ce qu’ils pensent de Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)
569 de Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)n Déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux
570 onse] (24 décembre 1953)n Déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël aux hommes de bonne
571 ec M. Romains une grave erreur de traduction. Car l’ Évangile dans le texte original dit simplement : Paix sur la terre, bo
572 e grave erreur de traduction. Car l’Évangile dans le texte original dit simplement : Paix sur la terre, bonne volonté (de
573 dans le texte original dit simplement : Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes. Est-il besoin de la
574 Paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) envers les hommes. Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine eur
575 nté (de Dieu) envers les hommes. Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre end
576 . Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et d
577 et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur
578 e européenne, et de la guerre endémique dans tout l’ Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux
579 de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nat
580 mique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’anti
581 ues qui président aux rapports des nations, et de l’ antisémitisme et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Eu
582 rapports des nations, et de l’antisémitisme et de l’ antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’Europe pour que nous com
583 de l’antisémitisme et de l’antisoviétisme, et de l’ antiaméricanisme de l’Europe pour que nous comprenions que les hommes
584 de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme de l’ Europe pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne
585 canisme de l’Europe pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontaires,
11 1954, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rejet de la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)
586 Rejet de la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet
587 Rejet de la CED : l’ avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet de la CED
588 is de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet de la CED par un seul pays vient de jeter tous les autres dans
589 de Rougemont (20 septembre 1954)o Le rejet de la CED par un seul pays vient de jeter tous les autres dans une crise tr
590 et de la CED par un seul pays vient de jeter tous les autres dans une crise très dangereuse, démontrant ainsi, une fois de
591 ngereuse, démontrant ainsi, une fois de plus, que les nations de l’Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur quand e
592 trant ainsi, une fois de plus, que les nations de l’ Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le reconn
593 nations de l’Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le reconnaissent, et pour le pire quand elles le
594 solidaires en fait, pour le meilleur quand elles le reconnaissent, et pour le pire quand elles le nient. Dans la confusio
595 le meilleur quand elles le reconnaissent, et pour le pire quand elles le nient. Dans la confusion générale qui a suivi la
596 les le reconnaissent, et pour le pire quand elles le nient. Dans la confusion générale qui a suivi la journée des dupes du
597 ssent, et pour le pire quand elles le nient. Dans la confusion générale qui a suivi la journée des dupes du 30 août, les f
598 le nient. Dans la confusion générale qui a suivi la journée des dupes du 30 août, les fédéralistes européens gardent une
599 rale qui a suivi la journée des dupes du 30 août, les fédéralistes européens gardent une ferme orientation. L’échec de la C
600 ralistes européens gardent une ferme orientation. L’ échec de la CED n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’une d
601 ropéens gardent une ferme orientation. L’échec de la CED n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’une diplomatie q
602 orientation. L’échec de la CED n’est pas celui de l’ idée fédérale, mais celui d’une diplomatie qui tentait de « faire l’Eu
603 ais celui d’une diplomatie qui tentait de « faire l’ Europe » à la sauvette, sans poser la question dans son ampleur, à tou
604 ne diplomatie qui tentait de « faire l’Europe » à la sauvette, sans poser la question dans son ampleur, à tous. Il faut vo
605 s son ampleur, à tous. Il faut vouloir maintenant la vraie fédération, dans sa totalité, non par pièces détachées. Il faut
606 s détachées. Il faut enfin se décider à expliquer l’ Europe aux masses, avec franchise, en termes simples et concrets. La v
607 s, avec franchise, en termes simples et concrets. La vraie lutte pour l’Europe commence. Elle ne sera pas gagnée dans ces
608 n termes simples et concrets. La vraie lutte pour l’ Europe commence. Elle ne sera pas gagnée dans ces lieux indécents que
609 sera pas gagnée dans ces lieux indécents que sont les couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le res
610 ts que sont les couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’économie — quan
611 couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun de nos
612 arlements, mais dans les esprits et les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’économie — quand chacun de nos peuples aura
613 ns les esprits et les cœurs. Et le reste suivra — l’ armée, l’économie — quand chacun de nos peuples aura compris qu’il s’a
614 prits et les cœurs. Et le reste suivra — l’armée, l’ économie — quand chacun de nos peuples aura compris qu’il s’agit de se
615 r isolément. o. Rougemont Denis de, « Rejet de la CED : l’avis de D. de Rougemont », Gazette de Lausanne, Lausanne, 20
616 nt. o. Rougemont Denis de, « Rejet de la CED : l’ avis de D. de Rougemont », Gazette de Lausanne, Lausanne, 20 septembre
12 1957, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une lettre de Denis de Rougemont (16-17 février 1957)
617 is de Rougemont (16-17 février 1957)p Monsieur le rédacteur en chef, Je vous serais obligé de rassurer vos lecteurs : l
618 Je vous serais obligé de rassurer vos lecteurs : la photo jointe à l’article « Au Pentagone : Duncan Sandys » ( Gazette d
619 ligé de rassurer vos lecteurs : la photo jointe à l’ article « Au Pentagone : Duncan Sandys » ( Gazette de Lausanne des 2-3
620 1957) n’est pas celle du ministre britannique de la Défense. Elle représente un homme anxieux, aux traits tendus par la f
621 eprésente un homme anxieux, aux traits tendus par la fatigue et presque lugubre. Il semble avoir été « piqué » par le phot
622 resque lugubre. Il semble avoir été « piqué » par le photographe non point au terme d’une mission brillamment réussie, mai
623 mission brillamment réussie, mais plutôt pendant le cours d’un épuisant congrès, comme fut le Congrès européen de la cult
624 pendant le cours d’un épuisant congrès, comme fut le Congrès européen de la culture, qui se tint à Lausanne en décembre 19
625 puisant congrès, comme fut le Congrès européen de la culture, qui se tint à Lausanne en décembre 1949. Mon ami Duncan Sand
626 je m’y trouvais aussi… Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à mes sentiments bien cordiaux. p. Rougemont De
13 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Fédéralisme et culture (3-4 mars 1962)
627 tentative de réveil culturel en Suisse romande : l’ esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’esprit de clocher te
628 lturel en Suisse romande : l’esprit de clocher et l’ esprit d’administration. L’esprit de clocher tend à confondre l’amour
629 l’esprit de clocher et l’esprit d’administration. L’ esprit de clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité
630 inistration. L’esprit de clocher tend à confondre l’ amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si
631 e clocher tend à confondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle, de
632 onfondre l’amour fédéraliste de la diversité avec la sauvegarde organisée, et si possible officielle, de nos particularism
633 et si possible officielle, de nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-
634 une de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines : université, radio, publications, etc. Et plutôt que de rec
635 remière, qui ne cessera de vous tenter : celle de l’ organisation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas.
636 ation rationnelle d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distingu
637 d’activités qui par essence, ne le sont pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, de cas en cas,
638 nt pas. Tout le secret du fédéralisme réside dans l’ art de distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant cen
639 des petites revues qui expriment ces groupes avec l’ intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait l
640 c l’intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bourgo
641 ssaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bourgogne, étaient alors plu
642 éations du premier ordre. Et cela, je crois, pour les deux raisons suivantes : premièrement, la passion créatrice un peu fo
643 , pour les deux raisons suivantes : premièrement, la passion créatrice un peu folle de jeunes gens qui se groupaient en éc
644 coles, autour d’un maître du métier ; secondement le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueu
645 ur d’un maître du métier ; secondement le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui cara
646 r ; secondement le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princ
647 ment le sens de la dépense magnifique, le goût de la nouveauté et du somptueux, qui caractérisent tant de princes et de gr
648 érisent tant de princes et de grands marchands de l’ époque. Il est trop clair qu’à l’absence de cette passion créatrice et
649 nds marchands de l’époque. Il est trop clair qu’à l’ absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul comit
650 comité de coordination ne pourra jamais remédier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que des choses raisonnables, mais
651 aire, au mieux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions individuelles et par des petits gr
652 ent pas de passer pour extravagants ou excessifs. Les comités sont par définition prudents et économes : leur rôle est norm
653 nomes : leur rôle est normalement de rationaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus économiques ou pl
654 ionaliser les activités dont ils s’occupent, pour les rendre plus économiques ou plus rentables. Mais la culture vivante vi
655 s rendre plus économiques ou plus rentables. Mais la culture vivante vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des
656 ulture vivante vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore
657 tilitaires, notre notion du sérieux confondu avec le rentable, nos réflexes jalousement égalitaires, décourageant toutes l
658 exes jalousement égalitaires, décourageant toutes les initiatives hardies et protégeant en revanche trop de médiocrité pour
659 ’est tout cela qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sour
660 la qui mérite aujourd’hui d’inquiéter les amis de la culture, et c’est aussi tout cela qui menace dans ses sources notre v
661 te. On parle beaucoup, ces jours-ci du danger que le Marché commun représenterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n
662 pour notre Suisse fédéraliste. Mais ce n’est pas le fait de supprimer nos douanes qui mettrait en danger nos « raisons d’
663 danger nos « raisons d’être » ! C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’au niveau de notre vie matérielle, de
664 qu’au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospér
665 de traiter la culture en mendiante, de refuser de la faire participer à une prospérité économique sans précédent. Nos rais
666 ster Suisses ne sont pas des raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des
667 s économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit des mêmes réalités spirituelles et mora
668 pirituelles et morales, et prend ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas
669 es sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre. q. Rougemo
670 littéraire), Lausanne, 3–4 mars 1962, p. 13. r. Le texte est introduit par le chapeau suivant : « Grâce à l’obligeance d
671 mars 1962, p. 13. r. Le texte est introduit par le chapeau suivant : « Grâce à l’obligeance de M. Denis de Rougemont, no
672 est introduit par le chapeau suivant : « Grâce à l’ obligeance de M. Denis de Rougemont, nous publions un extrait de l’imp
673 . Denis de Rougemont, nous publions un extrait de l’ important exposé qu’il présentera aujourd’hui au congrès pour une coll
14 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rectification (9 mars 1962)
674 Rectification (9 mars 1962)s Monsieur le directeur, Le compte rendu de ma conférence de samedi dernier au pala
675 fication (9 mars 1962)s Monsieur le directeur, Le  compte rendu de ma conférence de samedi dernier au palais de Rumine a
676 e Rumine appelle deux rectifications. En effet, «  l’ essentiel » de mon discours ne consistait nullement, comme l’écrit vot
677  » de mon discours ne consistait nullement, comme l’ écrit votre collaborateur, à « vitupérer » l’esprit de clocher, dont j
678 omme l’écrit votre collaborateur, à « vitupérer » l’ esprit de clocher, dont j’ai très peu parlé, ou le matérialisme, menti
679 l’esprit de clocher, dont j’ai très peu parlé, ou le matérialisme, mentionné dans une seule phrase, mais bien à insister s
680 é dans une seule phrase, mais bien à insister sur la nécessité de sauvegarder à la fois et en pratique les droits de l’uni
681 nécessité de sauvegarder à la fois et en pratique les droits de l’union et ceux des autonomies locales, les droits de l’org
682 auvegarder à la fois et en pratique les droits de l’ union et ceux des autonomies locales, les droits de l’organisation et
683 droits de l’union et ceux des autonomies locales, les droits de l’organisation et ceux de la création. La moitié d’une véri
684 ion et ceux des autonomies locales, les droits de l’ organisation et ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’u
685 locales, les droits de l’organisation et ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’une sottise, surtout lorsqu
686 droits de l’organisation et ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’une sottise, surtout lorsqu’il s’agit de
687 s’agit de fédéralisme ! Me faire dire que « tout le secret du fédéralisme » réside dans l’art de distinguer ce qui marche
688 que « tout le secret du fédéralisme » réside dans l’ art de distinguer ce qui marcherait mieux en restant… anarchique, c’es
689 une sottise, dont je suis heureux de ne pas être l’ auteur. Voici mon texte : « Tout le secret du fédéralisme réside dans
690 de ne pas être l’auteur. Voici mon texte : « Tout le secret du fédéralisme réside dans l’art de distinguer, de cas en cas,
691 xte : « Tout le secret du fédéralisme réside dans l’ art de distinguer, de cas en cas, ce qui marcherait mieux en étant cen
15 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)
692 L’ Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)t À suivre les débats
693 t d’abord une culture (30 juin 1962)t À suivre les débats qui se multiplient sur nos relations futures avec le Marché co
694 qui se multiplient sur nos relations futures avec le Marché commun, on croirait que l’union de l’Europe se réduit à des pr
695 ns futures avec le Marché commun, on croirait que l’ union de l’Europe se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et d’i
696 avec le Marché commun, on croirait que l’union de l’ Europe se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et d’intérêts com
697 s commerciaux. J’estime donc opportun de rappeler les vraies dimensions du problème, et en insistant sur ses aspects cultur
698 n raisonnement assez simple, en trois points : 1. L’ union entre des peuples ne saurait se faire en général que sur la base
699 es peuples ne saurait se faire en général que sur la base de quelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’on tente a
700 ur la base de quelque unité préexistante ; 2. Or, l’ Europe que l’on tente aujourd’hui d’unir est d’abord une entité cultur
701 quelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’ on tente aujourd’hui d’unir est d’abord une entité culturelle ; 3. Il
702 bord une entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’ on ne doit et que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité ave
703 urelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et que l’ on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec le génie même de s
704 ulte que l’on ne doit et que l’on ne peut « faire l’ Europe » qu’en conformité avec le génie même de sa culture, qui est ce
705 ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec le génie même de sa culture, qui est celui de l’union dans la diversité.
706 vec le génie même de sa culture, qui est celui de l’ union dans la diversité. On va voir que cette thèse « culturelle » nou
707 même de sa culture, qui est celui de l’union dans la diversité. On va voir que cette thèse « culturelle » nous porte en pl
708 pour chacun. Cependant, il n’est pas difficile de l’ établir. Quand je dis que l’Europe est d’abord une entité culturelle,
709 ’est pas difficile de l’établir. Quand je dis que l’ Europe est d’abord une entité culturelle, ou que son unité la moins co
710 t d’abord une entité culturelle, ou que son unité la moins contestable réside dans sa culture, je songe à deux faits majeu
711 s majeurs que chacun connaît. Un fait de nature : l’ Europe est le plus petit de tous les continents (4 % des terres du glo
712 chacun connaît. Un fait de nature : l’Europe est le plus petit de tous les continents (4 % des terres du globe), et le pl
713 it de nature : l’Europe est le plus petit de tous les continents (4 % des terres du globe), et le plus pauvre en matières p
714 tous les continents (4 % des terres du globe), et le plus pauvre en matières premières. Et un fait d’histoire : cette minu
715 minuscule Europe a dominé successivement sur tous les autres continents, et continue à rayonner sur toute la terre par la c
716 tres continents, et continue à rayonner sur toute la terre par la civilisation dont elle est l’origine et le cœur. Voilà q
717 ts, et continue à rayonner sur toute la terre par la civilisation dont elle est l’origine et le cœur. Voilà qui ne saurait
718 toute la terre par la civilisation dont elle est l’ origine et le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la cultur
719 re par la civilisation dont elle est l’origine et le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la culture des Europée
720 le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la culture des Européens, entendant par culture, au sens le plus large d
721 ure des Européens, entendant par culture, au sens le plus large du terme, ce que l’esprit humain, le génie créateur dans t
722 r culture, au sens le plus large du terme, ce que l’ esprit humain, le génie créateur dans tous les ordres, vient ajouter à
723 s le plus large du terme, ce que l’esprit humain, le génie créateur dans tous les ordres, vient ajouter à la nature. L’Eur
724 que l’esprit humain, le génie créateur dans tous les ordres, vient ajouter à la nature. L’Europe, c’est très peu de chose
725 ie créateur dans tous les ordres, vient ajouter à la nature. L’Europe, c’est très peu de chose plus une culture. Quand on
726 dans tous les ordres, vient ajouter à la nature. L’ Europe, c’est très peu de chose plus une culture. Quand on s’imagine q
727 de chose plus une culture. Quand on s’imagine que l’ Europe, dont discutent aujourd’hui toute la presse et tous les parleme
728 ne que l’Europe, dont discutent aujourd’hui toute la presse et tous les parlements, est essentiellement une réalité économ
729 ont discutent aujourd’hui toute la presse et tous les parlements, est essentiellement une réalité économique, on oublie que
730 mais bien de nos cerveaux, donc de notre culture. L’ économie moderne est dominée par la technique, laquelle est née du mar
731 notre culture. L’économie moderne est dominée par la technique, laquelle est née du mariage de nos sciences spéculatives e
732 s spéculatives et de notre volonté de transformer la nature, lesquelles sont nées de nos philosophies et de notre religion
733 alem à travers Rome et son empire, englobant avec les Méditerranéens des Germains, des Celtes et des Slaves. De cette cultu
734 re souvent contradictoires, proviennent à la fois l’ unité fondamentale de nos peuples et les extraordinaires diversités qu
735 à la fois l’unité fondamentale de nos peuples et les extraordinaires diversités qu’ils juxtaposent sur un très petit terri
736 oire. Quand ces diversités tournent en divisions, l’ unité de base et la vitalité de l’ensemble sont en péril. Alors paraît
737 ersités tournent en divisions, l’unité de base et la vitalité de l’ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin d’union.
738 t en divisions, l’unité de base et la vitalité de l’ ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces de
739 italité de l’ensemble sont en péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces de division qui ont miné l’Europe depuis u
740 le sont en péril. Alors paraît le besoin d’union. Les forces de division qui ont miné l’Europe depuis un siècle, et qui ont
741 soin d’union. Les forces de division qui ont miné l’ Europe depuis un siècle, et qui ont risqué de la faire périr à deux re
742 é l’Europe depuis un siècle, et qui ont risqué de la faire périr à deux reprises en 1914 et en 1939, se résument dans le t
743 eux reprises en 1914 et en 1939, se résument dans le terme nationalisme. Elles sont, elles aussi, d’origine culturelle en
744 i, d’origine culturelle en dernière analyse. Mais l’ opinion publique et les élites responsables ont peine à prendre consci
745 e en dernière analyse. Mais l’opinion publique et les élites responsables ont peine à prendre conscience de leur nocivité t
746 idéologies, même meurtrières. On va répétant que le nationalisme — généralement confondu avec le patriotisme, hélas — a d
747 que le nationalisme — généralement confondu avec le patriotisme, hélas — a du bon, tant qu’il ne s’exagère pas en chauvin
748 s’exagère pas en chauvinisme. Mais qu’est-ce que le chauvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme des autres. Quand
749 est-ce que le chauvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme des autres. Quand le nationalisme des autres s’oppose au
750 tout simplement le nationalisme des autres. Quand le nationalisme des autres s’oppose aux intérêts économiques de ma natio
751 . C’est alors que j’accepte de prendre au sérieux les « utopistes » qui me parlaient depuis longtemps de mesures d’union su
752 sures d’union supranationales. Et c’est ainsi que l’ union de l’Europe a commencé dans le domaine économique, avec la CECA
753 on supranationales. Et c’est ainsi que l’union de l’ Europe a commencé dans le domaine économique, avec la CECA de Jean Mon
754 est ainsi que l’union de l’Europe a commencé dans le domaine économique, avec la CECA de Jean Monnet et Robert Schuman, pu
755 urope a commencé dans le domaine économique, avec la CECA de Jean Monnet et Robert Schuman, puis avec le Marché commun des
756 CECA de Jean Monnet et Robert Schuman, puis avec le Marché commun des Six, provoquant en écho la Zone de libre-échange de
757 avec le Marché commun des Six, provoquant en écho la Zone de libre-échange des Sept, la candidature britannique, et l’inté
758 oquant en écho la Zone de libre-échange des Sept, la candidature britannique, et l’intérêt subitement anxieux des Américai
759 -échange des Sept, la candidature britannique, et l’ intérêt subitement anxieux des Américains. Ce début concret de la cons
760 ement anxieux des Américains. Ce début concret de la construction européenne étant ainsi replacé et situé dans le contexte
761 tion européenne étant ainsi replacé et situé dans le contexte de notre évolution, la question qui se pose est de savoir s’
762 acé et situé dans le contexte de notre évolution, la question qui se pose est de savoir s’il faut et s’il suffit, pour « f
763 de savoir s’il faut et s’il suffit, pour « faire l’ Europe », que toutes les nations du continent s’intègrent dans le Marc
764 s’il suffit, pour « faire l’Europe », que toutes les nations du continent s’intègrent dans le Marché commun, c’est-à-dire
765 toutes les nations du continent s’intègrent dans le Marché commun, c’est-à-dire dans un plan technique et économique, don
766 à-dire dans un plan technique et économique, dont les auteurs ne sont d’ailleurs pas dépourvus d’arrière-pensées politiques
767 rière-pensées politiques. ⁂ Même en admettant que l’ unification économique puisse suffire à « faire l’Europe », il faudrai
768 l’unification économique puisse suffire à « faire l’ Europe », il faudrait respecter dans cette hypothèse quelques conditio
769 que cette unification économique ne détruise pas les bases de l’Europe, mais y puise au contraire ses meilleures énergies 
770 ification économique ne détruise pas les bases de l’ Europe, mais y puise au contraire ses meilleures énergies ; qu’elle re
771 specte nos diversités traditionnelles, dans toute la mesure où elles sont encore fécondes, et enfin qu’elle se subordonne
772 ique commune, laquelle ne peut se développer qu’à l’ échelle mondiale. Commentons brièvement ces conditions de succès : ell
773 ès : elles nous ramènent aux problèmes culturels. L’ Europe du plan économique a besoin de centaines de milliers de technic
774 de techniciens. Il est concevable et faisable de les fabriquer en série au prix de l’éducation générale ou humaniste. C’es
775 et faisable de les fabriquer en série au prix de l’ éducation générale ou humaniste. C’est ce que fait l’URSS. Mais ce ser
776 ducation générale ou humaniste. C’est ce que fait l’ URSS. Mais ce serait tuer la poule aux œufs d’or. La technique, invent
777 te. C’est ce que fait l’URSS. Mais ce serait tuer la poule aux œufs d’or. La technique, inventée par l’Europe, puise ses f
778 URSS. Mais ce serait tuer la poule aux œufs d’or. La technique, inventée par l’Europe, puise ses forces inventives dans le
779 a poule aux œufs d’or. La technique, inventée par l’ Europe, puise ses forces inventives dans le fonds commun spirituel et
780 ée par l’Europe, puise ses forces inventives dans le fonds commun spirituel et moral, théologique, scientifique et même es
781 théologique, scientifique et même esthétique, de la culture européenne. Renoncer à transmettre les principes et mesures d
782 de la culture européenne. Renoncer à transmettre les principes et mesures de cette culture générale, ce serait stériliser
783 s de cette culture générale, ce serait stériliser les sources mêmes de l’invention technique, favoriser le matérialisme pla
784 nérale, ce serait stériliser les sources mêmes de l’ invention technique, favoriser le matérialisme plat, américaniser ou r
785 sources mêmes de l’invention technique, favoriser le matérialisme plat, américaniser ou russifier l’Europe au pire sens de
786 r le matérialisme plat, américaniser ou russifier l’ Europe au pire sens de ces expressions, et finalement détendre les res
787 e sens de ces expressions, et finalement détendre les ressorts de notre génie créateur. L’union économique implique, par co
788 nt détendre les ressorts de notre génie créateur. L’ union économique implique, par conséquent, une politique culturelle de
789 vique, démocratisation des études, insistance sur la culture générale en sont les trois maximes principales. D’autre part,
790 tudes, insistance sur la culture générale en sont les trois maximes principales. D’autre part, le dynamisme unique dont les
791 sont les trois maximes principales. D’autre part, le dynamisme unique dont les Européens ont fait preuve depuis des siècle
792 incipales. D’autre part, le dynamisme unique dont les Européens ont fait preuve depuis des siècles, résulte de nos diversit
793 ou institution qui aurait pour effet de déprimer les autonomies locales et d’uniformiser nos coutumes régionales serait an
794 e puise son pouvoir de rayonnement universel dans la pluralité de ses foyers créateurs, et dans les tensions qui en naisse
795 ans la pluralité de ses foyers créateurs, et dans les tensions qui en naissent. D’autant plus nous sommes d’un canton, d’un
796 bons Européens. « D’autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons Dieu », disait S
797 nous connaissons Dieu », disait Spinoza. C’est là le vrai sens, et le seul possible, de ce qu’on a nommé « l’Europe des pa
798 Dieu », disait Spinoza. C’est là le vrai sens, et le seul possible, de ce qu’on a nommé « l’Europe des patries ». (Par mal
799 sens, et le seul possible, de ce qu’on a nommé «  l’ Europe des patries ». (Par malheur, l’auteur de ce mot d’ordre, M. Deb
800 n a nommé « l’Europe des patries ». (Par malheur, l’ auteur de ce mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’à l’Europe des États
801 teur de ce mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’à l’ Europe des États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’empl
802 pe des États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’emploi Enfin, l’Europe unie ne saurait être conçue comme u
803 fait autre chose.) Les modes d’emploi Enfin, l’ Europe unie ne saurait être conçue comme un but en soi, comme un natio
804 ux limites géographiques et toutes provisoires de l’ Ouest du continent. L’Europe a découvert la Terre entière, assumant un
805 es et toutes provisoires de l’Ouest du continent. L’ Europe a découvert la Terre entière, assumant une fonction d’animation
806 res de l’Ouest du continent. L’Europe a découvert la Terre entière, assumant une fonction d’animation des échanges de tous
807 s de tous ordres. Elle a transmis au monde entier les procédés de la technologie. Elle se doit d’en transmettre aussi les m
808 . Elle a transmis au monde entier les procédés de la technologie. Elle se doit d’en transmettre aussi les modes d’emploi.
809 technologie. Elle se doit d’en transmettre aussi les modes d’emploi. Toutes les cultures traditionnelles, y compris la nôt
810 d’en transmettre aussi les modes d’emploi. Toutes les cultures traditionnelles, y compris la nôtre, se voient en effet mena
811 i. Toutes les cultures traditionnelles, y compris la nôtre, se voient en effet menacées par la technique. L’Europe ayant c
812 compris la nôtre, se voient en effet menacées par la technique. L’Europe ayant cent ans d’avance dans son effort d’adaptat
813 re, se voient en effet menacées par la technique. L’ Europe ayant cent ans d’avance dans son effort d’adaptation à la révol
814 cent ans d’avance dans son effort d’adaptation à la révolution industrielle, se doit donc de faire part aux pays neufs de
815 emèdes, bien des méthodes dangereuses, mais aussi les moyens de les composer, de les équilibrer et de les rendre bénéfiques
816 es méthodes dangereuses, mais aussi les moyens de les composer, de les équilibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a inven
817 reuses, mais aussi les moyens de les composer, de les équilibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqué la
818 s moyens de les composer, de les équilibrer et de les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqué la libre concurrence, m
819 les rendre bénéfiques. Elle a inventé et pratiqué la libre concurrence, mais aussi la coopération, le nationalisme, mais a
820 enté et pratiqué la libre concurrence, mais aussi la coopération, le nationalisme, mais aussi le fédéralisme, la spécialis
821 la libre concurrence, mais aussi la coopération, le nationalisme, mais aussi le fédéralisme, la spécialisation technique,
822 aussi la coopération, le nationalisme, mais aussi le fédéralisme, la spécialisation technique, mais aussi la formation hum
823 tion, le nationalisme, mais aussi le fédéralisme, la spécialisation technique, mais aussi la formation humaniste, le matér
824 éralisme, la spécialisation technique, mais aussi la formation humaniste, le matérialisme, mais aussi les valeurs de liber
825 ion technique, mais aussi la formation humaniste, le matérialisme, mais aussi les valeurs de liberté et de responsabilité,
826 formation humaniste, le matérialisme, mais aussi les valeurs de liberté et de responsabilité, de justice sociale et de sol
827 ale et de solidarité universelle, qui relèvent de l’ esprit. Sa fonction dans le monde, transformé par ses œuvres, s’en tro
828 selle, qui relèvent de l’esprit. Sa fonction dans le monde, transformé par ses œuvres, s’en trouve désormais définie. L’Eu
829 mé par ses œuvres, s’en trouve désormais définie. L’ Europe se doit et doit au monde de présenter l’exemple convaincant d’u
830 e. L’Europe se doit et doit au monde de présenter l’ exemple convaincant d’un dépassement du nationalisme et d’une adaptati
831 u nationalisme et d’une adaptation harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l’union économique appelle une un
832 et d’une adaptation harmonieuse de la technique à l’ homme. C’est dire que l’union économique appelle une union politique,
833 onieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l’ union économique appelle une union politique, qu’on ne peut souhaiter
834 politique, qu’on ne peut souhaiter que fédérale. L’ intégration totale et uniformisante détruirait les bases mêmes de notr
835 L’intégration totale et uniformisante détruirait les bases mêmes de notre dynamisme. Une simple alliance d’États souverain
836 exigences du siècle. Seule une fédération, selon la formule suisse, assurerait le degré d’union nécessaire tout en sauveg
837 e fédération, selon la formule suisse, assurerait le degré d’union nécessaire tout en sauvegardant les autonomies et diver
838 le degré d’union nécessaire tout en sauvegardant les autonomies et diversités qui ont fait notre culture et sa vitalité. ⁂
839 ités qui ont fait notre culture et sa vitalité. ⁂ Le problème européen étant ainsi posé ou reposé à partir des réalités de
840 tir des réalités de notre culture une et diverse, les conclusions suivantes me paraissent en découler : 1. Le Marché commun
841 clusions suivantes me paraissent en découler : 1. Le Marché commun doit englober toutes les nations qui participent à l’un
842 couler : 1. Le Marché commun doit englober toutes les nations qui participent à l’unité de culture nommée Europe. 2. Cette
843 oit englober toutes les nations qui participent à l’ unité de culture nommée Europe. 2. Cette organisation économique ne sa
844 Cette organisation économique ne saurait fournir les bases d’une organisation politique, mais seulement les moyens nécessa
845 ases d’une organisation politique, mais seulement les moyens nécessaires d’une politique qu’il reste encore à définir et à
846 sion essentielle d’orienter leur action commune à l’ échelle mondiale (relations avec les Amériques, l’URSS, l’Afrique noir
847 tion commune à l’échelle mondiale (relations avec les Amériques, l’URSS, l’Afrique noire, le monde arabe, l’Inde, l’Extrême
848 l’échelle mondiale (relations avec les Amériques, l’ URSS, l’Afrique noire, le monde arabe, l’Inde, l’Extrême-Orient). 4. C
849 e mondiale (relations avec les Amériques, l’URSS, l’ Afrique noire, le monde arabe, l’Inde, l’Extrême-Orient). 4. Cette act
850 ions avec les Amériques, l’URSS, l’Afrique noire, le monde arabe, l’Inde, l’Extrême-Orient). 4. Cette action commune ne de
851 ériques, l’URSS, l’Afrique noire, le monde arabe, l’ Inde, l’Extrême-Orient). 4. Cette action commune ne devra pas se limit
852 l’URSS, l’Afrique noire, le monde arabe, l’Inde, l’ Extrême-Orient). 4. Cette action commune ne devra pas se limiter au pl
853 ux problèmes immenses et tout nouveaux que posent le contact des cultures, la technique, l’expansion démographique, la dif
854 tout nouveaux que posent le contact des cultures, la technique, l’expansion démographique, la diffusion mondiale de la civ
855 que posent le contact des cultures, la technique, l’ expansion démographique, la diffusion mondiale de la civilisation occi
856 ultures, la technique, l’expansion démographique, la diffusion mondiale de la civilisation occidentale et les responsabili
857 expansion démographique, la diffusion mondiale de la civilisation occidentale et les responsabilités qui en résultent pour
858 fusion mondiale de la civilisation occidentale et les responsabilités qui en résultent pour les Européens. La Suisse est au
859 tale et les responsabilités qui en résultent pour les Européens. La Suisse est aussi bien placée que n’importe quel autre p
860 ponsabilités qui en résultent pour les Européens. La Suisse est aussi bien placée que n’importe quel autre pays pour faire
861 pays pour faire valoir ces vues mondiales : on ne l’ accusera jamais de néo-colonialisme ! Et elle est mieux placée que tou
862 est mieux placée que tout autre pour faire valoir les avantages d’une union de type fédéral, conforme à son essence, comme
863 fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’ Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu de la construction européenne
864 mme à celle de l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu de la construction européenne me semblent avoir plus de poids que
865 e de l’Europe. Ces motifs d’entrer dans le jeu de la construction européenne me semblent avoir plus de poids que les scrup
866 on européenne me semblent avoir plus de poids que les scrupules qui nous retiennent encore. Quand elle se borne à invoquer
867 le se borne à invoquer sa neutralité perpétuelle, la Suisse se trouve défendre en fait une politique très légitime, mais l
868 passé du continent, aux rivalités nationales que l’ union, justement, entend éliminer. En invoquant au contraire son expér
869 ant au contraire son expérience fédéraliste, dans les conseils de Strasbourg et de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la
870 dans les conseils de Strasbourg et de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’un avenir authentiquement européen.
871 bourg et de Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’un avenir authentiquement européen. Si elle s’y refuse, qui va
872 aite sans nous ne sera pas faite pour nous, c’est l’ évidence. Mais nous aurons perdu le droit de nous en plaindre. t.
873 ur nous, c’est l’évidence. Mais nous aurons perdu le droit de nous en plaindre. t. Rougemont Denis de, « L’Europe est
874 de nous en plaindre. t. Rougemont Denis de, «  L’ Europe est d’abord une culture », Gazette de Lausanne (supplément litt
16 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Universités américaines (12-13 janvier 1963)
875 niversités américaines (12-13 janvier 1963)u v Le grand poème de Saint-John Perse évoquant les États-Unis et les traver
876 v Le grand poème de Saint-John Perse évoquant les États-Unis et les traversant d’est en ouest se nomme Vents, et nul n’
877 me de Saint-John Perse évoquant les États-Unis et les traversant d’est en ouest se nomme Vents, et nul n’a compris ce pays
878 jour qu’un souffle immense de lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans l’inconscient des hommes de toute race don
879 n souffle immense de lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans l’inconscient des hommes de toute race dont les père
880 lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans l’ inconscient des hommes de toute race dont les pères ont conquis la Pra
881 dans l’inconscient des hommes de toute race dont les pères ont conquis la Prairie. Hors des hauts murs en falaises de briq
882 s hommes de toute race dont les pères ont conquis la Prairie. Hors des hauts murs en falaises de brique ocrée de Manhattan
883 issants de trains et de camions-citernes, soudain l’ autoroute vers le nord longe la mer couleur d’huître sous le vent, tra
884 et de camions-citernes, soudain l’autoroute vers le nord longe la mer couleur d’huître sous le vent, traverse d’infinis q
885 -citernes, soudain l’autoroute vers le nord longe la mer couleur d’huître sous le vent, traverse d’infinis quartiers de ma
886 e vers le nord longe la mer couleur d’huître sous le vent, traverse d’infinis quartiers de maisons blanches et d’usines tr
887 pâle, puis des rideaux d’arbres chevelus cachent les rives, et la piste d’ardoise aux lignes jaunes écarte largement les f
888 s rideaux d’arbres chevelus cachent les rives, et la piste d’ardoise aux lignes jaunes écarte largement les forêts basses
889 iste d’ardoise aux lignes jaunes écarte largement les forêts basses et denses aux couleurs de l’été indien, pendant des heu
890 ement les forêts basses et denses aux couleurs de l’ été indien, pendant des heures. Le « station-vagon » roule à 100, comm
891 aux couleurs de l’été indien, pendant des heures. Le « station-vagon » roule à 100, comme font toutes les autres voitures,
892 « station-vagon » roule à 100, comme font toutes les autres voitures, pas un problème de dépassement, pas une injure, le c
893 , pas un problème de dépassement, pas une injure, le ciel est bleu, les voies sont larges, et la radio du bord éclate en m
894 de dépassement, pas une injure, le ciel est bleu, les voies sont larges, et la radio du bord éclate en mélodies accompagnée
895 jure, le ciel est bleu, les voies sont larges, et la radio du bord éclate en mélodies accompagnées de bugles et de chœurs
896 ai retrouvé mon Amérique. Liberté Invité par la Fondation Ford pour me promener dans les États-Unis sans l’ombre d’un
897 nvité par la Fondation Ford pour me promener dans les États-Unis sans l’ombre d’une obligation — je verrai qui je veux ou p
898 on Ford pour me promener dans les États-Unis sans l’ ombre d’une obligation — je verrai qui je veux ou personne s’il me pla
899 n remets au dieu du Hasard, dont l’autre face est l’ Organisation : ce Janus à deux fronts gouverne l’Amérique, mais il fau
900 l’Organisation : ce Janus à deux fronts gouverne l’ Amérique, mais il faut faire son choix entre l’ennui qui paie et l’imp
901 ne l’Amérique, mais il faut faire son choix entre l’ ennui qui paie et l’imprévu révélateur, quitte à corriger le sort par
902 il faut faire son choix entre l’ennui qui paie et l’ imprévu révélateur, quitte à corriger le sort par quelques téléphones
903 i paie et l’imprévu révélateur, quitte à corriger le sort par quelques téléphones et un carnet d’adresses d’amis anciens.
904 ) Harvard Déjeuner avec Paul Tillich. Je ne l’ avais pas revu depuis un soir de 1941, à New York, chez notre ami comm
905 i commun Reinhold Niebuhr. Cet Allemand qui a fui les nazis est devenu le penseur religieux le plus influent de l’Amérique.
906 buhr. Cet Allemand qui a fui les nazis est devenu le penseur religieux le plus influent de l’Amérique. C’est qu’il prône u
907 i a fui les nazis est devenu le penseur religieux le plus influent de l’Amérique. C’est qu’il prône une théologie qu’on po
908 t devenu le penseur religieux le plus influent de l’ Amérique. C’est qu’il prône une théologie qu’on pourrait nommer cultur
909 et qui tient compte des arts et des religions de l’ Orient, et de la gnose (dont nous allons beaucoup parler), cependant q
910 mpte des arts et des religions de l’Orient, et de la gnose (dont nous allons beaucoup parler), cependant que Maritain domi
911 s beaucoup parler), cependant que Maritain domine la pensée catholique en grand progrès, et que Karl Barth a restauré dans
912 d progrès, et que Karl Barth a restauré dans tous les séminaires presbytériens la notion d’une orthodoxie traditionnelle ma
913 a restauré dans tous les séminaires presbytériens la notion d’une orthodoxie traditionnelle mais offensive et politiquemen
914 ogressiste ». Ces trois noms dominent aujourd’hui l’ intelligentsia religieuse du tiers le plus religieux de l’Occident. Ce
915 aujourd’hui l’intelligentsia religieuse du tiers le plus religieux de l’Occident. Ce sont trois noms européens. Les Europ
916 igentsia religieuse du tiers le plus religieux de l’ Occident. Ce sont trois noms européens. Les Européens goguenards pour
917 ieux de l’Occident. Ce sont trois noms européens. Les Européens goguenards pour qui l’Amérique signifie Coca-Cola, twist et
918 noms européens. Les Européens goguenards pour qui l’ Amérique signifie Coca-Cola, twist et voitures géantes, sont en retard
919 e. (Note de 1962 : Paul Tillich vient de recevoir le Prix de la paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’Allemagn
920 1962 : Paul Tillich vient de recevoir le Prix de la paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’Allemagne enfin le
921 h vient de recevoir le Prix de la paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’Allemagne enfin le redécouvre. Qui va
922 a paix, décerné à la Foire du livre de Francfort. L’ Allemagne enfin le redécouvre. Qui va le traduire en français ?) Mo
923 la Foire du livre de Francfort. L’Allemagne enfin le redécouvre. Qui va le traduire en français ?) Mohawk trail La r
924 rancfort. L’Allemagne enfin le redécouvre. Qui va le traduire en français ?) Mohawk trail La route américaine, de no
925 va le traduire en français ?) Mohawk trail La route américaine, de nouveau, une ancienne piste indienne devenue aut
926 t pendant des heures. Ciel de craie bleu rosé sur les forêts sauvages, mouchetées d’arbres rouges et rose pourpre d’une int
927 te d’un vieux wagon d’aluminium déposé au bord de la route, dans une clairière et l’on est ami du patron et de la fille su
928 déposé au bord de la route, dans une clairière et l’ on est ami du patron et de la fille superbe qui nous sert le café aprè
929 ans une clairière et l’on est ami du patron et de la fille superbe qui nous sert le café après quelques échanges de phrase
930 mi du patron et de la fille superbe qui nous sert le café après quelques échanges de phrases banales. Vivre ici serait une
931 rnier pays du monde occidental où dominent encore l’ espace, la distance et la solitude. Un VIP2 de New York me disait l’au
932 du monde occidental où dominent encore l’espace, la distance et la solitude. Un VIP2 de New York me disait l’autre jour :
933 ental où dominent encore l’espace, la distance et la solitude. Un VIP2 de New York me disait l’autre jour : « Toutes les p
934 IP2 de New York me disait l’autre jour : « Toutes les personnes de mon espèce s’arrangent pour avoir des maisons, cabanes,
935 ew York par avion, ou à quatre ou cinq heures par l’ autoroute, dans les Alleghanys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer
936 ou à quatre ou cinq heures par l’autoroute, dans les Alleghanys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer, dans des lieux dé
937 cinq heures par l’autoroute, dans les Alleghanys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer, dans des lieux déserts où nous al
938 l’autoroute, dans les Alleghanys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer, dans des lieux déserts où nous allons passer le
939 s les Alleghanys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer, dans des lieux déserts où nous allons passer le week-end, du ven
940 mer, dans des lieux déserts où nous allons passer le week-end, du vendredi après-midi au lundi matin. J’ai une cabane en p
941 n. J’ai une cabane en poutres (log cabin) près de la frontière du Canada, sans électricité ni aucun confort. Pas une maiso
942 ricité ni aucun confort. Pas une maison à 20 km à la ronde. La paix totale. Je coupe du bois, je lis, je dors, je médite e
943 aucun confort. Pas une maison à 20 km à la ronde. La paix totale. Je coupe du bois, je lis, je dors, je médite et je récup
944 ici vingt ans… New England Williamstown est le site d’un célèbre collège de jeunes gens. Nous y entrons par une aven
945 s, régulièrement espacées et spacieuses. Au fond, l’ église au clocher fin, toute blanche elle aussi, sur un tertre. Et sub
946 pièces d’or. Je ne sais rien qui égale en Europe la splendeur de l’indian summer aux villages de Nouvelle-Angleterre.
947 ne sais rien qui égale en Europe la splendeur de l’ indian summer aux villages de Nouvelle-Angleterre. Un collège de je
948 e-Angleterre. Un collège de jeunes filles dans le Vermont Longue avenue sinueuse dans un parc aux prairies nues, en
949 entiers dallés vers une maison de brique dominant le campus : vaste pelouse entourée d’une douzaine de bâtiments de bois b
950 e bois blanc à un étage et toits d’ardoises. Dans l’ escalier de la maison de brique une toile de quatre mètres de haut, lo
951 un étage et toits d’ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique une toile de quatre mètres de haut, long paraphe bla
952 quelques jours. Une musique bien rythmée remplit l’ étage. Je pousse des portes et me trouve dans une salle de théâtre, vi
953 e de sièges. Groupes de jeunes filles assises sur le parquet, vêtues de collants. Sur la scène, on répète un ballet assez
954 s assises sur le parquet, vêtues de collants. Sur la scène, on répète un ballet assez acrobatique et symbolique. Cocktails
955 t assez acrobatique et symbolique. Cocktails dans le cottage d’un doyen de faculté. Une vingtaine de professeurs, pour la
956 ple, chef du département de musique. (Il a dirigé le Roi David lors de sa création à Mézière, puis Nicolas de Flüe pendant
957 création à Mézière, puis Nicolas de Flüe pendant la guerre à New York.) Une proportion considérable des écrivains et des
958 insi, quelques mois par an ou en permanence, dans les petites universités les mieux dotées de la côte Est ou de la Californ
959 an ou en permanence, dans les petites universités les mieux dotées de la côte Est ou de la Californie. Ils y enseignent en
960 dans les petites universités les mieux dotées de la côte Est ou de la Californie. Ils y enseignent en général la substanc
961 universités les mieux dotées de la côte Est ou de la Californie. Ils y enseignent en général la substance même, ou la tech
962 ou de la Californie. Ils y enseignent en général la substance même, ou la technique, des œuvres qu’ils sont en train d’éc
963 Ils y enseignent en général la substance même, ou la technique, des œuvres qu’ils sont en train d’écrire. Combien d’écriva
964 — à tous égards enrichissantes — de contact avec la jeunesse ? Le lendemain matin, j’assiste à une classe de creative wri
965 ds enrichissantes — de contact avec la jeunesse ? Le lendemain matin, j’assiste à une classe de creative writing. Salle me
966 e creative writing. Salle meublée comme un salon. Le professeur (qui est un poète) s’assied sur un canapé, les étudiantes
967 esseur (qui est un poète) s’assied sur un canapé, les étudiantes sur un long divan, dans des fauteuils en demi-cercle, sur
968 fauteuils en demi-cercle, sur des chaises, ou sur la moquette. La plupart sont en pantalon et blouses de sport. Quelques-u
969 leurs bigoudis, comme cela se fait dans ce pays, la veille d’une fête ou le samedi. Elles s’installent longuement, dispos
970 ela se fait dans ce pays, la veille d’une fête ou le samedi. Elles s’installent longuement, disposant autour d’elles cendr
971 hiers et livres, et leurs jambes sur des poufs ou le bras d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée
972 rs jambes sur des poufs ou le bras d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’examen d’un court
973 le bras d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’examen d’un court poème écrit par l’une d’en
974 professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’ examen d’un court poème écrit par l’une d’entre elles, dont il taira l
975 oème écrit par l’une d’entre elles, dont il taira le nom. Il lit la pièce, puis la relit lentement. Une vingtaine de vers
976 l’une d’entre elles, dont il taira le nom. Il lit la pièce, puis la relit lentement. Une vingtaine de vers brefs, irréguli
977 lles, dont il taira le nom. Il lit la pièce, puis la relit lentement. Une vingtaine de vers brefs, irréguliers. À la secon
978 de deux vieillards dans une cuisine regardant par la fenêtre une fin d’automne. Mais le réalisme du sujet — apparemment im
979 regardant par la fenêtre une fin d’automne. Mais le réalisme du sujet — apparemment imposé — disparaît dans le traitement
980 me du sujet — apparemment imposé — disparaît dans le traitement imagiste et presque abstrait qu’a choisi l’auteur anonyme.
981 aitement imagiste et presque abstrait qu’a choisi l’ auteur anonyme. Plusieurs girls manifestent leur intention de s’exprim
982 bables : je pense, je trouve, à mon avis, I feel… Le professeur intervient peu, se borne à orienter la discussion, à propo
983 Le professeur intervient peu, se borne à orienter la discussion, à proposer quelques critères de jugement poétique. La « s
984 proposer quelques critères de jugement poétique. La « stratégie » de la pièce, l’emploi « stratégique » de certains mots
985 ritères de jugement poétique. La « stratégie » de la pièce, l’emploi « stratégique » de certains mots leur donnant une eff
986 jugement poétique. La « stratégie » de la pièce, l’ emploi « stratégique » de certains mots leur donnant une efficacité pa
987 ère, semble son thème favori. Ici comme ailleurs, la technique tend à devenir la préoccupation dominante, et presque la ré
988 . Ici comme ailleurs, la technique tend à devenir la préoccupation dominante, et presque la réalité d’une activité humaine
989 à devenir la préoccupation dominante, et presque la réalité d’une activité humaine quelconque, en l’occurrence l’expressi
990 la réalité d’une activité humaine quelconque, en l’ occurrence l’expression littéraire. Il est exclu de parler de sentimen
991 ’une activité humaine quelconque, en l’occurrence l’ expression littéraire. Il est exclu de parler de sentiment, bien enten
992 sentiment, bien entendu, ça ne se fait plus, mais l’ horizon de cet art poétique me paraît aussi sec et gris que l’automne
993 cet art poétique me paraît aussi sec et gris que l’ automne abstraitement évoqué par une ramure sèche et fragile devant la
994 ent évoqué par une ramure sèche et fragile devant la fenêtre contemplée par le vieux couple. Ces jeunes filles, dont plusi
995 sèche et fragile devant la fenêtre contemplée par le vieux couple. Ces jeunes filles, dont plusieurs sont ravissantes dans
996 ment négligée, parleront désormais de poésie avec l’ assurance d’un expert diplômé par l’un des collèges les plus « avancés
997 surance d’un expert diplômé par l’un des collèges les plus « avancés » de l’Amérique. Pendant quatre ans, elles vivent ense
998 ômé par l’un des collèges les plus « avancés » de l’ Amérique. Pendant quatre ans, elles vivent ensemble dans ce luxueux ca
999 dollars par an. Et ce seront elles qui domineront la société américaine de demain, avec une infaillible compétence. Ber
1000 sités du monde : 36 000 étudiants en additionnant les divers campuses dispersés sur tout l’État. Ici, à Berkeley, ils sont
1001 ditionnant les divers campuses dispersés sur tout l’ État. Ici, à Berkeley, ils sont plus de 25 000. Je vais y rencontrer u
1002 e xixe siècle au fonctionnel 1950 en passant par le rococo américain 1910. Des centaines d’étudiants déambulent, se group
1003 se groupent au soleil ou sur des bancs, jonchent les marches des divers halls. Beaucoup sont de couleur, toute nuance. Tou
1004 ucoup sont de couleur, toute nuance. Tous portent le même accoutrement si commode et si négligé, que la jeunesse européenn
1005 e même accoutrement si commode et si négligé, que la jeunesse européenne semble avoir adopté depuis quinze ans, croyant co
1006 le avoir adopté depuis quinze ans, croyant copier les « existentialistes » parisiens. Wheeler Hall, je m’annonce au concier
1007 concierge et j’attends dans un corridor en lisant les panneaux d’annonces. Soudain, mon nom en très grosses lettres sur une
1008 osses lettres sur une affiche. « À 3 heures, dans la Salle de Bal, D. de R., président du Congrès pour la liberté de la cu
1009 Salle de Bal, D. de R., président du Congrès pour la liberté de la culture, et auteur de L’Amour et l’Occident donnera u
1010 D. de R., président du Congrès pour la liberté de la culture, et auteur de L’Amour et l’Occident donnera une conférence
1011 grès pour la liberté de la culture, et auteur de L’ Amour et l’Occident donnera une conférence sur La guerre totale et le
1012 a liberté de la culture, et auteur de L’Amour et l’ Occident donnera une conférence sur La guerre totale et les valeurs o
1013 L’Amour et l’Occident donnera une conférence sur La guerre totale et les valeurs occidentales. Sous les auspices des Amer
1014 t donnera une conférence sur La guerre totale et les valeurs occidentales. Sous les auspices des Americans for Democratic
1015 a guerre totale et les valeurs occidentales. Sous les auspices des Americans for Democratic Action, ADA. » On m’avait parlé
1016 autre, mais c’est vraiment tout ce que j’en sais. La série de mes rendez-vous commence quelques secondes après, je n’ai pl
1017 us commence quelques secondes après, je n’ai plus le temps de m’inquiéter de rien. Tout occupé à satisfaire d’ardentes cur
1018 out occupé à satisfaire d’ardentes curiosités sur l’ union de l’Europe et le Marché commun que l’Amérique découvre subiteme
1019 à satisfaire d’ardentes curiosités sur l’union de l’ Europe et le Marché commun que l’Amérique découvre subitement, et déjà
1020 d’ardentes curiosités sur l’union de l’Europe et le Marché commun que l’Amérique découvre subitement, et déjà elle croit
1021 s sur l’union de l’Europe et le Marché commun que l’ Amérique découvre subitement, et déjà elle croit que c’est fait… À 3 h
1022 t, et déjà elle croit que c’est fait… À 3 heures, la grande salle est pleine ; et l’on me conduit sur l’estrade. Fragments
1023 fait… À 3 heures, la grande salle est pleine ; et l’ on me conduit sur l’estrade. Fragments d’interventions des trois célèb
1024 grande salle est pleine ; et l’on me conduit sur l’ estrade. Fragments d’interventions des trois célèbres philosophes et s
1025 comprends assez mal. Better red than dead, a dit le pacifiste Bertrand Russell. (Plutôt rouges que morts.) À quoi mon ami
1026 fois rouges et morts. » Ils ont parlé surtout de la guerre froide et de la Bombe, et très peu des valeurs occidentales. J
1027 » Ils ont parlé surtout de la guerre froide et de la Bombe, et très peu des valeurs occidentales. Je vois donc ce qui me r
1028 et dont plusieurs se demandent, m’a-t-on dit, si l’ URSS ne détient pas les clés de l’avenir du monde uni, je leur rappell
1029 demandent, m’a-t-on dit, si l’URSS ne détient pas les clés de l’avenir du monde uni, je leur rappelle que c’est l’Europe qu
1030 ’a-t-on dit, si l’URSS ne détient pas les clés de l’ avenir du monde uni, je leur rappelle que c’est l’Europe qui a fait le
1031 l’avenir du monde uni, je leur rappelle que c’est l’ Europe qui a fait le monde, en créant les moyens de relier les contine
1032 i, je leur rappelle que c’est l’Europe qui a fait le monde, en créant les moyens de relier les continents et en formulant
1033 que c’est l’Europe qui a fait le monde, en créant les moyens de relier les continents et en formulant les valeurs d’où résu
1034 i a fait le monde, en créant les moyens de relier les continents et en formulant les valeurs d’où résulte le concept de gen
1035 s moyens de relier les continents et en formulant les valeurs d’où résulte le concept de genre humain. Je leur rappelle aus
1036 ntinents et en formulant les valeurs d’où résulte le concept de genre humain. Je leur rappelle aussi que le communisme rus
1037 ncept de genre humain. Je leur rappelle aussi que le communisme russe est une création de l’Europe. (Marx, juif rhénan don
1038 aussi que le communisme russe est une création de l’ Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’était fait, protestant, écri
1039 une création de l’Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’était fait, protestant, écrit au British Museum, des articles
1040 écrit au British Museum, des articles que publie le New York Herald Tribune : on ne fait pas plus Européen.) Où sont les
1041 Tribune : on ne fait pas plus Européen.) Où sont les successeurs de l’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but des
1042 it pas plus Européen.) Où sont les successeurs de l’ Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à le
1043 rs de l’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est de rattraper l’Amérique, qu
1044 ois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est de rattraper l’Amérique, qui est une invention de l’Eu
1045 es Soviétiques, à les en croire, est de rattraper l’ Amérique, qui est une invention de l’Europe. Croyons à nos valeurs et
1046 de rattraper l’Amérique, qui est une invention de l’ Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce que le monde at
1047 on de l’Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons- le , c’est ce que le monde attend de nous, pour nous rejoindre en fin de
1048 royons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce que le monde attend de nous, pour nous rejoindre en fin de compte, Russes co
1049 e en fin de compte, Russes compris. J’ai terminé, les questions pleuvent : j’en reçois 42 par écrit. Rien n’est plus caract
1050 42 par écrit. Rien n’est plus caractéristique de l’ opinion actuelle des jeunes Américains. J’en recopie quelques exemples
1051 es Américains. J’en recopie quelques exemples : «  Le plus grand homme de notre temps était Gandhi. Pourquoi ne pas défendr
1052 u des tensions politiques actuelles ? » « Comment la nécessité de l’action individuelle peut-elle être présentée de telle
1053 olitiques actuelles ? » « Comment la nécessité de l’ action individuelle peut-elle être présentée de telle manière qu’elle
1054 ne soit pas méprisée comme un simple sermon ? » «  La décision n’appartient-elle pas aux Soviets ? Car s’ils décident la gu
1055 artient-elle pas aux Soviets ? Car s’ils décident la guerre, a) ils sont victorieux et ils établissent le communisme mondi
1056 guerre, a) ils sont victorieux et ils établissent le communisme mondial ; b) nous sommes vainqueurs et nos chères valeurs
1057 t détruites de toute façon. » « Admettez-vous que l’ État-nation est une conception archaïque, et que la tendance à créer d
1058 ’État-nation est une conception archaïque, et que la tendance à créer des marchés communs peut conduire à la formation de
1059 dance à créer des marchés communs peut conduire à la formation de communautés internationales permettant le désarmement nu
1060 rmation de communautés internationales permettant le désarmement nucléaire ? » « À votre sens, serait-ce une bonne idée qu
1061 « À votre sens, serait-ce une bonne idée que tous les Américains intelligents se mettent à aimer (pas Éros mais Agapè) tous
1062 nts se mettent à aimer (pas Éros mais Agapè) tous les Russes du commun peuple ? » À la dernière question, j’ai répondu : « 
1063 que vous n’attendez pas ma permission pour aimer les Russes ! » (la salle croule.) Un couvent laïque. — Près de Stanford
1064 ndez pas ma permission pour aimer les Russes ! » ( la salle croule.) Un couvent laïque. — Près de Stanford, autre univers
1065 seulement, mais un très haut niveau intellectuel, la Fondation Ford a créé un Centre d’études avancées pour les sciences d
1066 tion Ford a créé un Centre d’études avancées pour les sciences du comportement. Un club-house domine la colline : restauran
1067 es sciences du comportement. Un club-house domine la colline : restaurant, salles de réunions, piscine, en style champêtre
1068 en style champêtre ultramoderne. Tout autour, sur les pentes, des rangées de cabanes d’une seule pièce dénommée cubicles so
1069 ersonnelles et de conversations approfondies avec les collègues d’autres branches. Quarante-huit professeurs choisis parmi
1070 branches. Quarante-huit professeurs choisis parmi les plus brillants de tout le continent (il y a 3000 candidatures par an)
1071 fesseurs choisis parmi les plus brillants de tout le continent (il y a 3000 candidatures par an) composent l’écurie de cou
1072 inent (il y a 3000 candidatures par an) composent l’ écurie de course de l’année. J’ai déjeuné avec plusieurs d’entre eux,
1073 didatures par an) composent l’écurie de course de l’ année. J’ai déjeuné avec plusieurs d’entre eux, puis une vingtaine son
1074 entre eux, puis une vingtaine sont venus discuter le plan d’une conférence sur l’Europe et le monde que je leur ai brièvem
1075 sont venus discuter le plan d’une conférence sur l’ Europe et le monde que je leur ai brièvement exposé. Critiques et sugg
1076 discuter le plan d’une conférence sur l’Europe et le monde que je leur ai brièvement exposé. Critiques et suggestions d’un
1077 suggestions d’une pertinence parfaite. Je visite la colline avec Abe Lerner, économiste barbu qui compose des « mobiles »
1078 s perdu et en décore son cubicle, et Sidney Hook, le philosophe et sociologue. « Je n’ai jamais fait de ma vie autant de m
1079 autant de mathématiques, me dit ce dernier, c’est le langage commun que nous avons trouvé, entre nos différentes spécialit
1080 avons trouvé, entre nos différentes spécialités. Les historiens recourent aux maths pour évaluer les coalitions politiques
1081 . Les historiens recourent aux maths pour évaluer les coalitions politiques, les luttes internes du régime soviétique, ou l
1082 aux maths pour évaluer les coalitions politiques, les luttes internes du régime soviétique, ou le pouvoir des dictateurs. L
1083 ues, les luttes internes du régime soviétique, ou le pouvoir des dictateurs. Les économistes appliquent les dernières théo
1084 régime soviétique, ou le pouvoir des dictateurs. Les économistes appliquent les dernières théories mathématiques à l’analy
1085 ouvoir des dictateurs. Les économistes appliquent les dernières théories mathématiques à l’analyse conjoncturelle. Les phil
1086 appliquent les dernières théories mathématiques à l’ analyse conjoncturelle. Les philosophes suivent un cours quotidien sur
1087 héories mathématiques à l’analyse conjoncturelle. Les philosophes suivent un cours quotidien sur les matrices algébriques.
1088 e. Les philosophes suivent un cours quotidien sur les matrices algébriques. Bref, c’est notre latin moderne. » Je me demand
1089 ef, c’est notre latin moderne. » Je me demande où l’ on trouve en Europe rien qui ressemble à ce concours des meilleurs esp
1090 losophique au sens large. Mais encore faudrait-il le créer. Où sont nos fondations, à quoi pensent les mécènes ? 2. VIP
1091 le créer. Où sont nos fondations, à quoi pensent les mécènes ? 2. VIP : Very important person. Se dit de quelques centa
1092 . Se dit de quelques centaines de responsables de la vie américaine, très connus, très riches, ou puissants dans l’adminis
1093 aine, très connus, très riches, ou puissants dans l’ administration ou les affaires. u. Rougemont Denis de, « Universités
1094 rès riches, ou puissants dans l’administration ou les affaires. u. Rougemont Denis de, « Universités américaines : notes
1095 n journal de voyage », ce texte est introduit par le chapeau suivant : « “J’ai retrouvé mon Amérique”, note Denis de Rouge
1096 e”, note Denis de Rougemont en automne 1961, dans le journal de voyage dont il a bien voulu détacher quelques pages à notr
1097 voulu détacher quelques pages à notre intention. L’ Amérique, c’est le vent, la mer, c’est aussi la jeunesse curieuse, imp
1098 elques pages à notre intention. L’Amérique, c’est le vent, la mer, c’est aussi la jeunesse curieuse, imprévue, qui assaill
1099 ges à notre intention. L’Amérique, c’est le vent, la mer, c’est aussi la jeunesse curieuse, imprévue, qui assaille l’écriv
1100 n. L’Amérique, c’est le vent, la mer, c’est aussi la jeunesse curieuse, imprévue, qui assaille l’écrivain de questions sur
1101 ussi la jeunesse curieuse, imprévue, qui assaille l’ écrivain de questions sur Marx et l’Europe, dans des universités très
1102 qui assaille l’écrivain de questions sur Marx et l’ Europe, dans des universités très différentes des nôtres. Elles ressem
1103 urs et étudiants y mènent une vie fraternelle, et l’ on y découvre des institutions dont l’Europe ferait bien de s’inspirer
1104 ernelle, et l’on y découvre des institutions dont l’ Europe ferait bien de s’inspirer. »
17 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)
1105 L’ éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela exi
1106 L’éloge, l’ élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3
1107 L’éloge, l’élan, l’ amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février
1108 L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)w x
1109 s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)w x Le problème « d’exprimer ce que cela veut dire d’être d’Yverdon, de Féch
1110 d’Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à
1111 e, me semble-t-il, de la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Str
1112 de la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’ on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon,
1113 Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’ Avon, est-ce vraiment plus facile à expliquer ? A-t-on vraiment de mei
1114 pliquer ? A-t-on vraiment de meilleures chances ? L’ idée que la littérature ait pour fonction d’exprimer l’homme en tant q
1115 -t-on vraiment de meilleures chances ? L’idée que la littérature ait pour fonction d’exprimer l’homme en tant que national
1116 e que la littérature ait pour fonction d’exprimer l’ homme en tant que national ou régional — homo helveticus dans le cas p
1117 t que national ou régional — homo helveticus dans le cas particulier, valdensis serait plus exact — cette idée m’est telle
1118 gère que je crains de ne pouvoir rendre justice à la problématique de M. Tauxe. Je sais bien que ce souci « quasi obsessio
1119 uvre forte, c’est Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’ Helvetia et à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays de Vaud, réd
1120 t Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’Helvetia et à l’ homo helveticus. Il ne croyait qu’au pays de Vaud, réduit aux vignes,
1121 prose. Plutôt que d’une « rationalité adéquate », le jeune Suisse romand qui veut écrire n’aurait-il pas besoin, tout simp
1122 n, tout simplement, de ce qu’on appelle en France la classe de rhétorique ? Je ne sens pas que ce soit aux « préjugés spir
1123 alisant, et à une maladresse verbale cultivée par l’ école primaire et secondaire. Tout cela n’a rien à voir avec Calvin, s
1124 pirituel de plein vent, et de langue assurée — et les remarques de M. Tauxe sur ce point sont aussi justes qu’opportunes. Q
1125 int sont aussi justes qu’opportunes. Quelles sont les chances particulières du Suisse romand ? Bénéficiant d’une structure
1126 t un jeu de dimensions spirituelles et physiques, les unes très vastes et presque universelles — confession, langue françai
1127 onfession, langue française, culture européenne — les autres cantonales, locales ou familiales, le Suisse romand qui veut é
1128 e — les autres cantonales, locales ou familiales, le Suisse romand qui veut écrire n’a qu’à jouer ses atouts et bien savoi
1129 se, d’inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’ on se plaint de manquer d’instruments adéquats pour exprimer ces thème
1130 battus ! Si cela ne donne plus rien, n’est-ce pas le signe qu’il serait temps de se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’
1131 ’il serait temps de se tourner vers autre chose ? L’ éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses ris
1132 t temps de se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’ élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses risques, cel
1133 de se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’élan, l’ amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses risques, cela existe
1134 rner vers autre chose ? L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent à ses risques, cela existe aussi, q
1135 w. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’ éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela exi
1136 mont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’éloge, l’ élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… », G
1137 is de, « [Réponse à une enquête] L’éloge, l’élan, l’ amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… », Gazette d
1138 [Réponse à une enquête] L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… », Gazette de Lausann
1139 évrier 1963, p. 20. x. Il s’agit d’une réponse à l’ enquête « Homo helveticus : existe-t-il en Suisse romande ? »
18 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller [Entretien] (9-10 février 1963)
1140 Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller [Entretien] (9-10 février 1
1141 ythe avait pris corps… “J’ai lu votre bouquin sur la bombe atomique”, dit le père de la Relativité universelle. « Voulez-v
1142 J’ai lu votre bouquin sur la bombe atomique”, dit le père de la Relativité universelle. « Voulez-vous passer la soirée che
1143 e la Relativité universelle. « Voulez-vous passer la soirée chez moi ? » Un feu pétillait dans le salon de Ferney, Denis d
1144 sser la soirée chez moi ? » Un feu pétillait dans le salon de Ferney, Denis de Rougemont me racontait l’histoire, et à mon
1145 salon de Ferney, Denis de Rougemont me racontait l’ histoire, et à mon tour j’enregistrais une voix, un visage, une statur
1146 e voix, un visage, une stature qui revendiquaient la légitime propriété du nom. Un œil clair, un menton lourd (les photogr
1147 propriété du nom. Un œil clair, un menton lourd ( les photographies connues soulignent toujours ce regard vif, un peu ironi
1148 ironique, au détriment de cette mâchoire carrée), les doigts coupés court. Voilà donc, parmi les innombrables chasseurs de
1149 rrée), les doigts coupés court. Voilà donc, parmi les innombrables chasseurs de mythes qui écrivent aujourd’hui des livres,
1150 s livres, un de ceux qui a fait, avec simplicité, les prises les plus sensationnelles. Quelque chose m’inquiète, dis-je. L
1151 n de ceux qui a fait, avec simplicité, les prises les plus sensationnelles. Quelque chose m’inquiète, dis-je. L’Amour et l
1152 nsationnelles. Quelque chose m’inquiète, dis-je. L’ Amour et l’Occident vous a valu de beaux triomphes. Les hypothèses qu
1153 es. Quelque chose m’inquiète, dis-je. L’Amour et l’ Occident vous a valu de beaux triomphes. Les hypothèses que vous avie
1154 ur et l’Occident vous a valu de beaux triomphes. Les hypothèses que vous aviez lancées alors sur les cathares et sur l’amo
1155 . Les hypothèses que vous aviez lancées alors sur les cathares et sur l’amour courtois, après avoir ligué contre vous les h
1156 vous aviez lancées alors sur les cathares et sur l’ amour courtois, après avoir ligué contre vous les historiens, la Sorbo
1157 r l’amour courtois, après avoir ligué contre vous les historiens, la Sorbonne et Jean-Paul Sartre, ont été confirmées avec
1158 is, après avoir ligué contre vous les historiens, la Sorbonne et Jean-Paul Sartre, ont été confirmées avec éclat par de ré
1159 udition. Bon. Mais vous tentiez aussi d’expliquer l’ homme contemporain. Et lui, depuis quelques années, me semble avoir be
1160 quelques années, me semble avoir beaucoup changé… Les années 1930, puis la guerre, n’ont-elles pas porté au romantisme, don
1161 mble avoir beaucoup changé… Les années 1930, puis la guerre, n’ont-elles pas porté au romantisme, donc à l’amour-passion,
1162 erre, n’ont-elles pas porté au romantisme, donc à l’ amour-passion, un coup mortel ? Pas mortel. Mais dur. J’ai provisoirem
1163 pective. Quand j’écrivais mon livre, je dénonçais les mythes qui corrodent l’institution du mariage, qui défient la morale
1164 mon livre, je dénonçais les mythes qui corrodent l’ institution du mariage, qui défient la morale et la raison. Aujourd’hu
1165 i corrodent l’institution du mariage, qui défient la morale et la raison. Aujourd’hui, les mythes s’évanouissent. Nous dev
1166 ’institution du mariage, qui défient la morale et la raison. Aujourd’hui, les mythes s’évanouissent. Nous devenons très « 
1167 qui défient la morale et la raison. Aujourd’hui, les mythes s’évanouissent. Nous devenons très « raisonnables ». Les arts
1168 vanouissent. Nous devenons très « raisonnables ». Les arts mêmes ne veulent plus exprimer la part instinctive de l’homme, c
1169 nables ». Les arts mêmes ne veulent plus exprimer la part instinctive de l’homme, ce que j’appelle son animisme. Les music
1170 s ne veulent plus exprimer la part instinctive de l’ homme, ce que j’appelle son animisme. Les musiciens (comme le dit Anse
1171 nctive de l’homme, ce que j’appelle son animisme. Les musiciens (comme le dit Ansermet), les peintres, les écrivains refuse
1172 que j’appelle son animisme. Les musiciens (comme le dit Ansermet), les peintres, les écrivains refusent de donner forme à
1173 animisme. Les musiciens (comme le dit Ansermet), les peintres, les écrivains refusent de donner forme à l’irrationnel, ils
1174 musiciens (comme le dit Ansermet), les peintres, les écrivains refusent de donner forme à l’irrationnel, ils ne veulent pl
1175 eintres, les écrivains refusent de donner forme à l’ irrationnel, ils ne veulent plus être poètes, ils calculent, ils cherc
1176 sécheresse, d’épuisement. Ne croyez-vous pas que l’ Europe est épuisée ? Absolument pas. D’ailleurs, si elle l’était, qui
1177 est épuisée ? Absolument pas. D’ailleurs, si elle l’ était, qui reprendrait le flambeau ? Les autres civilisations, oui, so
1178 pas. D’ailleurs, si elle l’était, qui reprendrait le flambeau ? Les autres civilisations, oui, sont épuisées. Elles ne fon
1179 s, si elle l’était, qui reprendrait le flambeau ? Les autres civilisations, oui, sont épuisées. Elles ne font, pour l’essen
1180 isations, oui, sont épuisées. Elles ne font, pour l’ essentiel, que prendre ce que nous leur donnons. Mais si nos mythes so
1181 lles contraintes. Et alors nous aurons de nouveau l’ envie de nous libérer de quelque chose. Mais la société européenne n’a
1182 au l’envie de nous libérer de quelque chose. Mais la société européenne n’a jamais été moins asservie par les impératifs o
1183 iété européenne n’a jamais été moins asservie par les impératifs ou par les interdits de la religion… Moi, je crois que le
1184 mais été moins asservie par les impératifs ou par les interdits de la religion… Moi, je crois que le christianisme a repris
1185 servie par les impératifs ou par les interdits de la religion… Moi, je crois que le christianisme a repris sa marche en av
1186 r les interdits de la religion… Moi, je crois que le christianisme a repris sa marche en avant. … de la morale et de la hi
1187 e christianisme a repris sa marche en avant. … de la morale et de la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que le
1188 a repris sa marche en avant. … de la morale et de la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que les mythes puissen
1189 iérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que les mythes puissent tenter de vaincre. Pardon ! Il s’en crée maintenant d
1190 ! Il s’en crée maintenant d’énormes et d’inédits. La terre se surpeuple. Chaque être est tellement enserré par les autres,
1191 surpeuple. Chaque être est tellement enserré par les autres, tellement dépendant, conditionné par les autres, que nous par
1192 les autres, tellement dépendant, conditionné par les autres, que nous parvenons à un choix : régler, réglementer minutieus
1193 her des catastrophes. Tout de même, rappelez-vous les prévisions des démographes. Si l’humanité se développe au même rythme
1194 rappelez-vous les prévisions des démographes. Si l’ humanité se développe au même rythme, en 2260 il y aura 700 milliards
1195 700 milliards d’hommes, ce qui fera un homme tous les dix mètres. En 2400, nous aurons un mètre carré chacun. Dans moins de
1196 e carré chacun. Dans moins de 440 ans ! Bien sûr, la statistique aboutit à l’absurde (en 2500, personne ne pourrait s’asse
1197 s de 440 ans ! Bien sûr, la statistique aboutit à l’ absurde (en 2500, personne ne pourrait s’asseoir sans écraser les pied
1198 2500, personne ne pourrait s’asseoir sans écraser les pieds d’un autre), mais comment ne pas voir le problème ? Aujourd’hui
1199 r les pieds d’un autre), mais comment ne pas voir le problème ? Aujourd’hui déjà, notre vie est balisée de feux verts, de
1200 erts, de feux rouges et de feux clignotants. Nous les respectons, parce qu’en les violant nous nous condamnerions à de terr
1201 eux clignotants. Nous les respectons, parce qu’en les violant nous nous condamnerions à de terribles accidents. Moralité :
1202 ondamnerions à de terribles accidents. Moralité : l’ homme tourne à l’automate, il perd sa liberté, son épaisseur de vie, i
1203 terribles accidents. Moralité : l’homme tourne à l’ automate, il perd sa liberté, son épaisseur de vie, il ressemble à ces
1204 extraplates… Justement ! Et c’est ce qui prépare le réveil de très vieux instincts, de très vieux mythes. Vous savez, l’ê
1205 ieux instincts, de très vieux mythes. Vous savez, l’ être humain n’a pas changé dans ses profondeurs, Jung a montré de quel
1206 sez rusé pour trouver soudain, quelles que soient les circonstances, de nouvelles portes de sortie. Jung a écrit précisémen
1207 es portes de sortie. Jung a écrit précisément que l’ archétype de la Femme a gardé son rôle primordial. Mais oui. Les troub
1208 rtie. Jung a écrit précisément que l’archétype de la Femme a gardé son rôle primordial. Mais oui. Les troubadours ne l’ava
1209 e la Femme a gardé son rôle primordial. Mais oui. Les troubadours ne l’avaient pas inventé. Ils lui avaient donné une forme
1210 son rôle primordial. Mais oui. Les troubadours ne l’ avaient pas inventé. Ils lui avaient donné une forme nouvelle. Cette f
1211 prendre un envol extraordinaire. Croyez-vous que l’ étude systématique du xie et du xiie siècle nous donnerait des éléme
1212 e nous donnerait des éléments d’appréciation pour le xxie  ? On peut tracer des perspectives. On ne peut pas prophétiser.
1213 , lui aussi, du surpeuplement, du resserrement de l’ humanité. C’est Teilhard de Chardin. Et précisément la femme a dans so
1214 manité. C’est Teilhard de Chardin. Et précisément la femme a dans son œuvre la place d’un symbole et d’une inspiratrice. L
1215 Chardin. Et précisément la femme a dans son œuvre la place d’un symbole et d’une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’
1216 uvre la place d’un symbole et d’une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par exemple un texte inédit de Teilhard
1217 dra que j’en parle à Lausanne. Voyez ce passage : le Père (qui d’ailleurs a eu dans sa vie un grand amour) parle de la Cha
1218 illeurs a eu dans sa vie un grand amour) parle de la Chasteté comme d’un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans de
1219 rle de la Chasteté comme d’un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmement proches du xiie siècl
1220 teté comme d’un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmement proches du xiie siècle. La Chasteté
1221 s des termes extrêmement proches du xiie siècle. La Chasteté n’est pas le refoulement de l’amour, la négation de la Femme
1222 nt proches du xiie siècle. La Chasteté n’est pas le refoulement de l’amour, la négation de la Femme. C’est au contraire u
1223 siècle. La Chasteté n’est pas le refoulement de l’ amour, la négation de la Femme. C’est au contraire une approche de la
1224 La Chasteté n’est pas le refoulement de l’amour, la négation de la Femme. C’est au contraire une approche de la Femme. Un
1225 est pas le refoulement de l’amour, la négation de la Femme. C’est au contraire une approche de la Femme. Une sublimation.
1226 n de la Femme. C’est au contraire une approche de la Femme. Une sublimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’être l
1227 e la Femme. Une sublimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’être longuement abâtardi, commence à se manifester par
1228 . Ici s’est terminé notre entretien, ici commence la conférence de Denis de Rougemont. « Les modernes — écrivait-il — croi
1229 i commence la conférence de Denis de Rougemont. «  Les modernes — écrivait-il — croient qu’il existe une sorte de nature nor
1230 il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues surajouter leurs faux problème
1231 sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues surajouter leurs faux problèmes… Cette illus
1232 urs faux problèmes… Cette illusion touchante peut les aider à vivre, mais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que
1233 re leur vie. Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement in
1234 usives, mais qui se superposent ou se combinent à l’ arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés, mai
1235 s actifs… » N’accueillons pas sans reconnaissance l’ homme capable de nous dire savamment, certes, mais avec une fougue et
1236 mprendre. y. Rougemont Denis de, « [Entretien] Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller », Gazette de Lausanne (sup
19 1964, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il nous faut des hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)
1237 s hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)aa Le mythe de la tour de Babel me paraît l’un des plus vivants, des plus a
1238 synthèses (19-20 septembre 1964)aa Le mythe de la tour de Babel me paraît l’un des plus vivants, des plus actuels, et a
1239 si des plus angoissants de ceux que nous a légués l’ Antiquité proche-orientale, si étroitement mêlée aux origines helléniq
1240 nt mêlée aux origines helléniques et bibliques de la culture d’Europe. L’interprétation la plus éclairante de ce mythe me
1241 helléniques et bibliques de la culture d’Europe. L’ interprétation la plus éclairante de ce mythe me paraît avoir été donn
1242 ibliques de la culture d’Europe. L’interprétation la plus éclairante de ce mythe me paraît avoir été donnée par Dante en s
1243 araît avoir été donnée par Dante en son Traité de l’ éloquence vulgaire, au chapitre septième du 1er livre. Traduisons son
1244 on latin savoureux, cela donne à peu près ceci : L’ homme entreprit, dans son cœur incurable, de dépasser par ses artifice
1245 able, de dépasser par ses artifices non seulement la Nature, mais le Naturant, qui est Dieu, et il entreprit d’édifier une
1246 r par ses artifices non seulement la Nature, mais le Naturant, qui est Dieu, et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar,
1247 fusion. Grâce à cette tour, il espérait escalader le Ciel : tentant ainsi non seulement d’égaler mais de surpasser son Cré
1248 er son Créateur. Tant et si bien que presque tout le genre humain collabora à cette œuvre d’iniquité. Une partie d’entre e
1249 artie d’entre eux commandait, une partie dressait les plans d’architecture, une partie construisait les murs ; les uns trav
1250 les plans d’architecture, une partie construisait les murs ; les uns travaillaient du cordeau et de l’équerre, et les autre
1251 ’architecture, une partie construisait les murs ; les uns travaillaient du cordeau et de l’équerre, et les autres de la tru
1252 les murs ; les uns travaillaient du cordeau et de l’ équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres
1253 uns travaillaient du cordeau et de l’équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que d’au
1254 ient du cordeau et de l’équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que d’autres convoyai
1255 au et de l’équerre, et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que d’autres convoyaient les matéri
1256 et les autres de la truelle ; les uns taillaient les pierres tandis que d’autres convoyaient les matériaux par mer ou par
1257 aient les pierres tandis que d’autres convoyaient les matériaux par mer ou par terre ; et chaque groupe s’appliquait à une
1258 rticulière. Jusqu’à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que tous ceux qui étaient venu
1259 confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’ œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter parlant des
1260 l’œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter parlant des langues diverses, et incapables de plus jamais s’
1261 un des groupes exerçant une même activité parlait la même langue, p. ex. les architectes entre eux, ceux qui roulaient les
1262 une même activité parlait la même langue, p. ex. les architectes entre eux, ceux qui roulaient les pierres, entre eux, et
1263 ex. les architectes entre eux, ceux qui roulaient les pierres, entre eux, et ceux qui les taillaient, et ainsi de chaque gr
1264 qui roulaient les pierres, entre eux, et ceux qui les taillaient, et ainsi de chaque groupe spécialisé (et sic de singulis
1265 tés variées, autant d’idiomes différents divisant le genre humain. Et plus ils excellaient dans leur activité spéciale, pl
1266 rudius nunc et barbarius loquuntur). Si bien que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée furent ceux qui avaient ref
1267 uuntur). Si bien que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvr
1268 furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l’ œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie d
1269 sé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus à l’ écart, couvrant d’imprécations la folie des travailleurs et les tourna
1270 ’étaient tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie des travailleurs et les tournant en dérision. Ainsi donc, l’or
1271 vrant d’imprécations la folie des travailleurs et les tournant en dérision. Ainsi donc, l’origine de la diversité des lang
1272 illeurs et les tournant en dérision. Ainsi donc, l’ origine de la diversité des langues ne serait autre que la spécialisat
1273 s tournant en dérision. Ainsi donc, l’origine de la diversité des langues ne serait autre que la spécialisation des métie
1274 e de la diversité des langues ne serait autre que la spécialisation des métiers et par suite des jargons de métier — spéci
1275 des jargons de métier — spécialisation exigée par les dimensions mêmes d’un projet qui consistait à dépasser la mesure natu
1276 sions mêmes d’un projet qui consistait à dépasser la mesure naturelle par l’artifice humain. L’oubli de l’unité Ceci
1277 qui consistait à dépasser la mesure naturelle par l’ artifice humain. L’oubli de l’unité Ceci m’évoque d’abord la desc
1278 sser la mesure naturelle par l’artifice humain. L’ oubli de l’unité Ceci m’évoque d’abord la description de l’Europe q
1279 ure naturelle par l’artifice humain. L’oubli de l’ unité Ceci m’évoque d’abord la description de l’Europe que nous don
1280 in. L’oubli de l’unité Ceci m’évoque d’abord la description de l’Europe que nous donnait Paul Valéry dans sa célèbre
1281 ’unité Ceci m’évoque d’abord la description de l’ Europe que nous donnait Paul Valéry dans sa célèbre Lettre sur la soci
1282 us donnait Paul Valéry dans sa célèbre Lettre sur la société des esprits, publiée vers 1920 : « Les Européens se sont jeté
1283 sur la société des esprits, publiée vers 1920 : «  Les Européens se sont jetés dans une aventure prodigieuse qui consiste à
1284 une aventure prodigieuse qui consiste à modifier les données initiales « naturelles » de la vie, non plus (comme on le fai
1285 modifier les données initiales « naturelles » de la vie, non plus (comme on le faisait il y a quelques siècles) pour répo
1286 ales « naturelles » de la vie, non plus (comme on le faisait il y a quelques siècles) pour répondre à des besoins certains
1287 le… » Au-delà de cette Europe décrite par Valéry, l’ interprétation de Dante me paraît valable pour le monde moderne tout e
1288 l’interprétation de Dante me paraît valable pour le monde moderne tout entier. Et, à l’intérieur de l’Europe, elle fait s
1289 e monde moderne tout entier. Et, à l’intérieur de l’ Europe, elle fait songer irrésistiblement à cette institution dont le
1290 songer irrésistiblement à cette institution dont le nom même semble indiquer qu’elle devrait résumer le monde de l’esprit
1291 nom même semble indiquer qu’elle devrait résumer le monde de l’esprit, l’ensemble de nos activités intellectuelles, et do
1292 mble indiquer qu’elle devrait résumer le monde de l’ esprit, l’ensemble de nos activités intellectuelles, et donc artificie
1293 uer qu’elle devrait résumer le monde de l’esprit, l’ ensemble de nos activités intellectuelles, et donc artificielles — ell
1294 r du Savoir, tellement démesurée qu’il faut, pour l’ édifier, diviser maîtres d’œuvre et ouvriers en équipes spécialisées e
1295 qui bientôt ne se comprendront plus, je veux dire l’ Université et ses diverses facultés, et les subdivisions de ces facult
1296 ux dire l’Université et ses diverses facultés, et les subdivisions de ces facultés, et tous les instituts spécialisés qui,
1297 tés, et les subdivisions de ces facultés, et tous les instituts spécialisés qui, autour d’elles ou en elles, prolifèrent. D
1298 ui, autour d’elles ou en elles, prolifèrent. Dans la page que je viens de vous lire sur l’origine de la pluralité des lang
1299 èrent. Dans la page que je viens de vous lire sur l’ origine de la pluralité des langues, Dante a posé implicitement le pro
1300 a page que je viens de vous lire sur l’origine de la pluralité des langues, Dante a posé implicitement le problème beaucou
1301 pluralité des langues, Dante a posé implicitement le problème beaucoup plus général de ce qui divise les hommes depuis l’a
1302 e problème beaucoup plus général de ce qui divise les hommes depuis l’aube des temps : les langues certes, mais aussi les d
1303 p plus général de ce qui divise les hommes depuis l’ aube des temps : les langues certes, mais aussi les distances, les rac
1304 e qui divise les hommes depuis l’aube des temps : les langues certes, mais aussi les distances, les races, les nations, les
1305 l’aube des temps : les langues certes, mais aussi les distances, les races, les nations, les cultures, les savoirs différen
1306 s : les langues certes, mais aussi les distances, les races, les nations, les cultures, les savoirs différents, c’est-à-dir
1307 gues certes, mais aussi les distances, les races, les nations, les cultures, les savoirs différents, c’est-à-dire l’ignoran
1308 mais aussi les distances, les races, les nations, les cultures, les savoirs différents, c’est-à-dire l’ignorance du savoir
1309 distances, les races, les nations, les cultures, les savoirs différents, c’est-à-dire l’ignorance du savoir des autres, et
1310 es cultures, les savoirs différents, c’est-à-dire l’ ignorance du savoir des autres, et enfin, et surtout, l’oubli de l’uni
1311 rance du savoir des autres, et enfin, et surtout, l’ oubli de l’unité, l’étrange oubli des buts finaux de l’existence dans
1312 voir des autres, et enfin, et surtout, l’oubli de l’ unité, l’étrange oubli des buts finaux de l’existence dans lequel nous
1313 autres, et enfin, et surtout, l’oubli de l’unité, l’ étrange oubli des buts finaux de l’existence dans lequel nous voyons s
1314 li de l’unité, l’étrange oubli des buts finaux de l’ existence dans lequel nous voyons s’enfoncer, inexorablement, le spéci
1315 ns lequel nous voyons s’enfoncer, inexorablement, le spécialiste. Essayons de poser le problème dans son ensemble, à l’éch
1316 inexorablement, le spécialiste. Essayons de poser le problème dans son ensemble, à l’échelle planétaire. Nous assistons, m
1317 ssayons de poser le problème dans son ensemble, à l’ échelle planétaire. Nous assistons, me semble-t-il, au xxe siècle, à
1318 ment de convergence à grande échelle, d’une part. Les distances sont presque annulées par la vitesse des communications. Le
1319 une part. Les distances sont presque annulées par la vitesse des communications. Les nations tendent à se regrouper et à s
1320 esque annulées par la vitesse des communications. Les nations tendent à se regrouper et à s’organiser en de vastes ensemble
1321 ensembles, par continents, et d’abord en Europe. Les races qui s’ignoraient jadis au point qu’un homme de couleur différen
1322 ent humain, se reconnaissent et s’admettent. Déjà l’ intégration est à la mode. Demain ce sera le métissage universel, aprè
1323 naissent et s’admettent. Déjà l’intégration est à la mode. Demain ce sera le métissage universel, après un certain nombre
1324 Déjà l’intégration est à la mode. Demain ce sera le métissage universel, après un certain nombre de conflits peut-être at
1325 n nombre de conflits peut-être atroces, mais dont l’ issue n’est pas douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur un pie
1326 re atroces, mais dont l’issue n’est pas douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur un pied théorique d’égalité, au len
1327 sur un pied théorique d’égalité, au lendemain de l’ ère coloniale. Pour le moment et pour des décennies encore, c’est la c
1328 d’égalité, au lendemain de l’ère coloniale. Pour le moment et pour des décennies encore, c’est la culture occidentale qui
1329 our le moment et pour des décennies encore, c’est la culture occidentale qui domine tout, unifie tout, uniformise les appa
1330 identale qui domine tout, unifie tout, uniformise les apparences de la vie quotidienne sur toute la terre. Les langues elle
1331 e tout, unifie tout, uniformise les apparences de la vie quotidienne sur toute la terre. Les langues elles-mêmes, ce plus
1332 se les apparences de la vie quotidienne sur toute la terre. Les langues elles-mêmes, ce plus ancien symbole des divisions
1333 arences de la vie quotidienne sur toute la terre. Les langues elles-mêmes, ce plus ancien symbole des divisions de l’humani
1334 es-mêmes, ce plus ancien symbole des divisions de l’ humanité, s’interpénètrent, et certaines s’universalisent. On n’a jama
1335 chiffré. Et des machines électroniques vont faire le reste. Convergences Contiguïté. Coexistence. Fédérations. Infor
1336 out interfère, tout coopère ou tout se mêle, pour le meilleur et pour le pire. Arrêtons-nous quelques instants pour nous d
1337 coopère ou tout se mêle, pour le meilleur et pour le pire. Arrêtons-nous quelques instants pour nous demander quelles sont
1338 quelques instants pour nous demander quelles sont les causes, le moteur et l’agent de ce mouvement universel de convergence
1339 tants pour nous demander quelles sont les causes, le moteur et l’agent de ce mouvement universel de convergence ? La répon
1340 us demander quelles sont les causes, le moteur et l’ agent de ce mouvement universel de convergence ? La réponse me paraît
1341 ’agent de ce mouvement universel de convergence ? La réponse me paraît évidente. C’est l’Europe, c’est elle seule, qui a d
1342 onvergence ? La réponse me paraît évidente. C’est l’ Europe, c’est elle seule, qui a déclenché cette évolution planétaire.
1343 eule, qui a déclenché cette évolution planétaire. L’ Europe a découvert la terre entière, et personne d’autre n’est jamais
1344 cette évolution planétaire. L’Europe a découvert la terre entière, et personne d’autre n’est jamais venu la découvrir. L’
1345 re entière, et personne d’autre n’est jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne a conçu la noti
1346 personne d’autre n’est jamais venu la découvrir. L’ Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne a conçu la notion de genre hu
1347 ’Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne a conçu la notion de genre humain, si longtemps étrangère, voire répugnante, à l
1348 main, si longtemps étrangère, voire répugnante, à l’ Asie brahmanique ou chinoise, et qui devait aboutir à la condamnation
1349 brahmanique ou chinoise, et qui devait aboutir à la condamnation puis à la suppression — mais après combien de siècles —
1350 e, et qui devait aboutir à la condamnation puis à la suppression — mais après combien de siècles — de l’esclavage. Le droi
1351 suppression — mais après combien de siècles — de l’ esclavage. Le droit des gens valable pour toute race est une création
1352 — mais après combien de siècles — de l’esclavage. Le droit des gens valable pour toute race est une création de l’Europe,
1353 gens valable pour toute race est une création de l’ Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abord en réaction à ses
1354 r toute race est une création de l’Europe, durant l’ époque colonialiste et tout d’abord en réaction à ses outrages : las C
1355 Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel et Kant en sont les pères, et je ne leur vois guère de répondant dans les élites d’Asie,
1356 pères, et je ne leur vois guère de répondant dans les élites d’Asie, d’Arabie et d’Afrique, à part Gandhi. Enfin l’Europe,
1357 Asie, d’Arabie et d’Afrique, à part Gandhi. Enfin l’ Europe, par sa technique, a mis en relations toutes les parties du mon
1358 rope, par sa technique, a mis en relations toutes les parties du monde, devenu désormais unité théorique et système de rela
1359 nité théorique et système de relations pratiques. L’ Europe et l’Europe seule a fait tout cela, par sa religion, par ses gr
1360 ue et système de relations pratiques. L’Europe et l’ Europe seule a fait tout cela, par sa religion, par ses grands philoso
1361 un mot : par sa culture, qui a fait littéralement le tour du monde. Mais en même temps que cette culture se mondialise, da
1362 même temps que cette culture se mondialise, dans la mesure où partout on exige ses produits, on imite ses techniques et p
1363 produits, on imite ses techniques et procédés, et l’ on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’Europe, de ses doctr
1364 ques et procédés, et l’on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’Europe, de ses doctrines politiques et sociales, e
1365 l’on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’ Europe, de ses doctrines politiques et sociales, et de certaines de se
1366 ononce, précisément au cœur de sa culture qui fut l’ agent de la convergence mondiale, un mouvement radicalement contraire
1367 cisément au cœur de sa culture qui fut l’agent de la convergence mondiale, un mouvement radicalement contraire de divergen
1368 accroissement continuel à la fois du nombre et de l’ exclusivité des spécialisations dans le cadre distendu des facultés ;
1369 mbre et de l’exclusivité des spécialisations dans le cadre distendu des facultés ; et en même temps, explosion des effecti
1370 es effectifs estudiantins, résultant à la fois de l’ accroissement des populations et la démocratisation des études. L’e
1371 t à la fois de l’accroissement des populations et la démocratisation des études. L’explosion du savoir Ainsi les dim
1372 populations et la démocratisation des études. L’ explosion du savoir Ainsi les dimensions physiques et l’université
1373 ion des études. L’explosion du savoir Ainsi les dimensions physiques et l’université tendent à devenir impraticables,
1374 on du savoir Ainsi les dimensions physiques et l’ université tendent à devenir impraticables, cependant que les distance
1375 té tendent à devenir impraticables, cependant que les distances intellectuelles non seulement entre les facultés mais entre
1376 les distances intellectuelles non seulement entre les facultés mais entre les spécialités qui prolifèrent dans une même fac
1377 elles non seulement entre les facultés mais entre les spécialités qui prolifèrent dans une même faculté tendent à devenir i
1378 faculté tendent à devenir infranchissables. Dans l’ univers du savoir humain, faculté et spécialité sont en train de s’élo
1379 faculté et spécialité sont en train de s’éloigner les unes des autres avec une vitesse croissante, comme autant de galaxies
1380 vitesse croissante, comme autant de galaxies dans le cosmos en expansion vertigineuse que nous décrivent les astronomes co
1381 smos en expansion vertigineuse que nous décrivent les astronomes contemporains. D’où résultent les deux conséquences qui dé
1382 vent les astronomes contemporains. D’où résultent les deux conséquences qui définissent le phénomène de Babel : la disparit
1383 ù résultent les deux conséquences qui définissent le phénomène de Babel : la disparition rapide de toute langue commune, r
1384 séquences qui définissent le phénomène de Babel : la disparition rapide de toute langue commune, remplacée par une multipl
1385 gages spéciaux de moins en moins traduisibles, et l’ évanouissement progressif de la conscience du but commun, des fins der
1386 s traduisibles, et l’évanouissement progressif de la conscience du but commun, des fins dernières de l’entreprise, qui se
1387 a conscience du but commun, des fins dernières de l’ entreprise, qui se perdent dans les nuées de l’inconcevable. Mais dire
1388 ns dernières de l’entreprise, qui se perdent dans les nuées de l’inconcevable. Mais dire que tout langage commun se perd, e
1389 de l’entreprise, qui se perdent dans les nuées de l’ inconcevable. Mais dire que tout langage commun se perd, entre les bra
1390 Mais dire que tout langage commun se perd, entre les branches sans cesse multipliées du savoir, c’est dire que la commune
1391 sans cesse multipliées du savoir, c’est dire que la commune mesure d’une civilisation est en train de s’évanouir — j’ente
1392 e s’évanouir — j’entends par là, sa conception de l’ homme universel, cet idéal capable d’inspirer et d’orienter la pensée,
1393 ersel, cet idéal capable d’inspirer et d’orienter la pensée, le sentiment et l’action non seulement des esprits créateurs
1394 idéal capable d’inspirer et d’orienter la pensée, le sentiment et l’action non seulement des esprits créateurs et de la je
1395 inspirer et d’orienter la pensée, le sentiment et l’ action non seulement des esprits créateurs et de la jeunesse européenn
1396 ’action non seulement des esprits créateurs et de la jeunesse européenne, mais aussi des hommes d’outre-mer qui viennent c
1397 nent chez nous en pèlerinage aux sources vives de la nouvelle culture mondiale. Mais qu’il n’y ait plus, ou presque plus,
1398 plus, ou presque plus, de langage commun, et que les buts finaux s’obscurcissent, il faut bien voir que cela veut dire aus
1399 ’y a plus d’Université aux deux sens primitifs de l’ universitas, qui sont le sens corporatif, communautaire, et le sens sy
1400 ux deux sens primitifs de l’universitas, qui sont le sens corporatif, communautaire, et le sens synthétique ou universalis
1401 s, qui sont le sens corporatif, communautaire, et le sens synthétique ou universalisée. Nos universités ne sont plus guère
1402 ui a d’autres chats à fouetter que de méditer sur la synthèse des facultés de l’esprit humain. La juxtaposition de faculté
1403 er que de méditer sur la synthèse des facultés de l’ esprit humain. La juxtaposition de facultés étanches ne fait pas plus
1404 sur la synthèse des facultés de l’esprit humain. La juxtaposition de facultés étanches ne fait pas plus une université qu
1405 ps vivant. Regardons cela d’un peu plus près. Sur l’ explosion des effectifs, nous disposons d’une grande richesse de stati
1406 statistiques. Un seul exemple peut suffire ici : le nombre des étudiants en France était de 42 000 en 1924, il est d’envi
1407 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’ on prévoit qu’il sera de 500 000 dans une dizaine d’années. (Seules n’
1408 une dizaine d’années. (Seules n’auront pu varier les dimensions des salles de la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasen
1409 s n’auront pu varier les dimensions des salles de la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasent une heure avant les grands
1410 les dimensions des salles de la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasent une heure avant les grands cours.) L’explosion d
1411 où déjà les étudiants s’écrasent une heure avant les grands cours.) L’explosion du savoir est plus difficile à chiffrer. R
1412 nts s’écrasent une heure avant les grands cours.) L’ explosion du savoir est plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer
1413 ment que 85 % des scientifiques ayant vécu depuis l’ aube de l’histoire, sont vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disai
1414 5 % des scientifiques ayant vécu depuis l’aube de l’ histoire, sont vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait un jour 
1415 d’études, il y a 30 à 35 ans, avions appris toute la chimie et n’en avions rien oublié, nous ne saurions qu’un dixième de
1416 our images, sont probablement vraies en gros dans le domaine des sciences exactes (mathématiques, physique, chimie) et des
1417 e ne s’est produit et ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie, ni dans les lettres. Mais cette disparit
1418 it et ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie, ni dans les lettres. Mais cette disparité n’a rien de ra
1419 uire dans la théologie et la philosophie, ni dans les lettres. Mais cette disparité n’a rien de rassurant, tout au contrair
1420 en de rassurant, tout au contraire : elle accroît la séparation et les distances entre le savoir et le croire, entre ces d
1421 tout au contraire : elle accroît la séparation et les distances entre le savoir et le croire, entre ces deux aspects de la
1422 elle accroît la séparation et les distances entre le savoir et le croire, entre ces deux aspects de la personne totale, ja
1423 la séparation et les distances entre le savoir et le croire, entre ces deux aspects de la personne totale, jadis but et mo
1424 le savoir et le croire, entre ces deux aspects de la personne totale, jadis but et module de tout l’effort de l’Université
1425 e la personne totale, jadis but et module de tout l’ effort de l’Université au plein sens de son nom (Univers, universitas,
1426 e totale, jadis but et module de tout l’effort de l’ Université au plein sens de son nom (Univers, universitas, selon l’éty
1427 lein sens de son nom (Univers, universitas, selon l’ étymologie chère à Claudel, veut dire « version à l’unité »…). Toute l
1428 étymologie chère à Claudel, veut dire « version à l’ unité »…). Toute l’évolution que j’ai dite conduit inévitablement à la
1429 Claudel, veut dire « version à l’unité »…). Toute l’ évolution que j’ai dite conduit inévitablement à la confusion des lang
1430 ’évolution que j’ai dite conduit inévitablement à la confusion des langages, dissous en terminologies incomparables. L’uni
1431 langages, dissous en terminologies incomparables. L’ université, que l’on pourrait considérer comme un grand appareil distr
1432 en terminologies incomparables. L’université, que l’ on pourrait considérer comme un grand appareil distributeur d’informat
1433 du terme, cesse de fonctionner normalement quand les informations ne peuvent plus être échangées entre les branches du sav
1434 informations ne peuvent plus être échangées entre les branches du savoir, ou entre les rameaux d’une même branche. Les juge
1435 échangées entre les branches du savoir, ou entre les rameaux d’une même branche. Les jugements d’ensemble, rapportés à que
1436 savoir, ou entre les rameaux d’une même branche. Les jugements d’ensemble, rapportés à quelque unité globale de conception
1437 xemple précis illustrera ce point : Supposons que la théologie ait gardé ses pouvoirs régulateurs de l’ensemble de nos cro
1438 a théologie ait gardé ses pouvoirs régulateurs de l’ ensemble de nos croyances : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’œuvr
1439 s croyances : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’ œuvre d’un physicien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’Égl
1440 œuvre d’un physicien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’Église jugea Galilée, parce que, tout simplement, il ne
1441 icien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’ Église jugea Galilée, parce que, tout simplement, il ne comprendrait p
1442 simplement, il ne comprendrait pas de quoi parle le physicien, et a fortiori ne saurait pas si le rapport entre les concl
1443 rle le physicien, et a fortiori ne saurait pas si le rapport entre les conclusions du physicien et la dogmatique de l’Égli
1444 et a fortiori ne saurait pas si le rapport entre les conclusions du physicien et la dogmatique de l’Église doit être estim
1445 le rapport entre les conclusions du physicien et la dogmatique de l’Église doit être estimé négatif, positif ou indiffére
1446 les conclusions du physicien et la dogmatique de l’ Église doit être estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que
1447 imé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que le physicien ne saurait pas davantage si sa démarche est conforme ou non
1448 as davantage si sa démarche est conforme ou non à la théologie, et fort probablement ne s’en soucierait pas. Ainsi chacun
1449 n soucierait pas. Ainsi chacun va de son côté, et les représentants des disciplines diverses n’ont souvent plus guère en co
1450 s de conflits dès longtemps périmés3. Mais il y a le point de vue de l’esprit, qui est différent. L’esprit humain, et part
1451 ongtemps périmés3. Mais il y a le point de vue de l’ esprit, qui est différent. L’esprit humain, et particulièrement l’espr
1452 a le point de vue de l’esprit, qui est différent. L’ esprit humain, et particulièrement l’esprit européen, ne peut se résou
1453 t différent. L’esprit humain, et particulièrement l’ esprit européen, ne peut se résoudre à ce que les routines et l’utilit
1454 t l’esprit européen, ne peut se résoudre à ce que les routines et l’utilité immédiate suffisent à justifier l’existence pro
1455 éen, ne peut se résoudre à ce que les routines et l’ utilité immédiate suffisent à justifier l’existence prospère d’une ent
1456 ines et l’utilité immédiate suffisent à justifier l’ existence prospère d’une entreprise de cet ordre, et refoulent les que
1457 spère d’une entreprise de cet ordre, et refoulent les questions anxieuses dont je tente de me faire ici l’interprète. Faudr
1458 questions anxieuses dont je tente de me faire ici l’ interprète. Faudrait-il donc nous résigner à que l’accroissement même
1459 ’interprète. Faudrait-il donc nous résigner à que l’ accroissement même du savoir traîne pour conséquence la division de l’
1460 roissement même du savoir traîne pour conséquence la division de l’esprit et l’accroissement de l’ignorance mutuelle entre
1461 du savoir traîne pour conséquence la division de l’ esprit et l’accroissement de l’ignorance mutuelle entre les directions
1462 raîne pour conséquence la division de l’esprit et l’ accroissement de l’ignorance mutuelle entre les directions de la reche
1463 nce la division de l’esprit et l’accroissement de l’ ignorance mutuelle entre les directions de la recherche ? Les lévit
1464 et l’accroissement de l’ignorance mutuelle entre les directions de la recherche ? Les lévites administrent les rites…
1465 t de l’ignorance mutuelle entre les directions de la recherche ? Les lévites administrent les rites… En fait, et aux
1466 utuelle entre les directions de la recherche ? Les lévites administrent les rites… En fait, et aux yeux d’un observat
1467 ons de la recherche ? Les lévites administrent les rites… En fait, et aux yeux d’un observateur non prévenu, jugeant
1468 t sur ce qu’il nous voit faire, il semblerait que la très grande majorité des Européens trouve que cela peut fort bien con
1469 ns nul danger sérieux de catastrophe. Après tout, la tour de Babel ne s’est pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ont seu
1470 bel ne s’est pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ ont seulement abandonnée, ne sachant plus s’expliquer les uns aux autr
1471 seulement abandonnée, ne sachant plus s’expliquer les uns aux autres pour quelles fins ils l’avaient entreprise. Mais l’Uni
1472 xpliquer les uns aux autres pour quelles fins ils l’ avaient entreprise. Mais l’Université, dans nos pays, paraît plus flor
1473 pour quelles fins ils l’avaient entreprise. Mais l’ Université, dans nos pays, paraît plus florissante que jamais : loin d
1474 e foule croissante de travailleurs et de curieux. L’ industrie et l’État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle est d
1475 nte de travailleurs et de curieux. L’industrie et l’ État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle est devenue trop pet
1476 nue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’on l’ agrandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais été mortelles pour
1477 pour ses tâches immédiates, qu’on l’agrandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais été mortelles pour les administrati
1478 ses de croissance n’ont jamais été mortelles pour les administrations : elles représentent an contraire leur régime normal
1479 n contraire leur régime normal d’existence, selon la loi de Parkinson. L’incommunicabilité des savoirs est ressentie par n
1480 me normal d’existence, selon la loi de Parkinson. L’ incommunicabilité des savoirs est ressentie par notre esprit comme une
1481 ssure intime, et comme une permanente insécurité. L’ intellectuel européen d’aujourd’hui se sent tributaire de disciplines
1482 ntellectuelle correspond à une forme schizoïde de la pensée, et conduit à un scepticisme croissant quant aux fins dernière
1483 scepticisme croissant quant aux fins dernières de la recherche et quant à la valeur globale, ultime, du savoir humain. Dan
1484 ant aux fins dernières de la recherche et quant à la valeur globale, ultime, du savoir humain. Dans le Temple même de la S
1485 la valeur globale, ultime, du savoir humain. Dans le Temple même de la Science, il faut bien que les lévites, même sceptiq
1486 ultime, du savoir humain. Dans le Temple même de la Science, il faut bien que les lévites, même sceptiques quant aux fins
1487 ns le Temple même de la Science, il faut bien que les lévites, même sceptiques quant aux fins de leur religion, administren
1488 ues quant aux fins de leur religion, administrent les rites et donnent leurs cours… Mais quel dieu servent-ils encore ? À
1489 s quel dieu servent-ils encore ? À quelle idée de l’ homme, divine ou idéale, correspond aujourd’hui l’entreprise de l’Univ
1490 l’homme, divine ou idéale, correspond aujourd’hui l’ entreprise de l’Université occidentale ? Quel type d’homme a-t-elle en
1491 ou idéale, correspond aujourd’hui l’entreprise de l’ Université occidentale ? Quel type d’homme a-t-elle en vue, veut-elle
1492 en vue, veut-elle former ? Je crains bien que si l’ on tentait de le déduire d’une observation attentive de nos université
1493 le former ? Je crains bien que si l’on tentait de le déduire d’une observation attentive de nos universités, l’on ne trouv
1494 e d’une observation attentive de nos universités, l’ on ne trouve qu’une sorte de monstre, assemblage de pièces et de morce
1495 re, assemblage de pièces et de morceaux que seuls les vêtements tiendraient ensemble, ou la force de l’habitude ! Nul princ
1496 que seuls les vêtements tiendraient ensemble, ou la force de l’habitude ! Nul principe de cohérence organique, point de s
1497 es vêtements tiendraient ensemble, ou la force de l’ habitude ! Nul principe de cohérence organique, point de structure oss
1498 e telle question, et c’est pourquoi sans doute on la pose si rarement. Notre enseignement vise-t-il à former des personnes
1499 accordé ? Il est vrai que ces questions débordent le seul domaine de l’Université, et qu’elles affectent tout l’ensemble d
1500 ai que ces questions débordent le seul domaine de l’ Université, et qu’elles affectent tout l’ensemble de la culture europé
1501 maine de l’Université, et qu’elles affectent tout l’ ensemble de la culture européenne. Mais c’est par l’Université que les
1502 versité, et qu’elles affectent tout l’ensemble de la culture européenne. Mais c’est par l’Université que les hommes d’outr
1503 ensemble de la culture européenne. Mais c’est par l’ Université que les hommes d’outre-mer viennent au contact de la cultur
1504 lture européenne. Mais c’est par l’Université que les hommes d’outre-mer viennent au contact de la culture européenne, et c
1505 que les hommes d’outre-mer viennent au contact de la culture européenne, et c’est là qu’ils se posent à eux-mêmes ces ques
1506 ’ils se posent à eux-mêmes ces questions, et nous les posent avec une insistance gênante — car nous voici de moins en moins
1507 us voici de moins en moins armés pour y répondre. Le problème qu’on soulève ici, et qui est celui du principe de cohérence
1508 civilisation, me paraît absolument spécifique de l’ Europe. Seule en effet parmi toutes les grandes cultures qui ont fait
1509 écifique de l’Europe. Seule en effet parmi toutes les grandes cultures qui ont fait l’histoire de l’humanité, l’Europe a os
1510 et parmi toutes les grandes cultures qui ont fait l’ histoire de l’humanité, l’Europe a osé l’aventure d’un développement a
1511 s les grandes cultures qui ont fait l’histoire de l’ humanité, l’Europe a osé l’aventure d’un développement autonome de la
1512 s cultures qui ont fait l’histoire de l’humanité, l’ Europe a osé l’aventure d’un développement autonome de la science et d
1513 ont fait l’histoire de l’humanité, l’Europe a osé l’ aventure d’un développement autonome de la science et des arts, d’une
1514 e a osé l’aventure d’un développement autonome de la science et des arts, d’une séparation, voire d’une opposition entre l
1515 s, d’une séparation, voire d’une opposition entre le sacré et le profane, entre la cohérence globale définie par la théolo
1516 aration, voire d’une opposition entre le sacré et le profane, entre la cohérence globale définie par la théologie et les r
1517 ne opposition entre le sacré et le profane, entre la cohérence globale définie par la théologie et les recherches particul
1518 e profane, entre la cohérence globale définie par la théologie et les recherches particulières à l’aventure, advienne que
1519 la cohérence globale définie par la théologie et les recherches particulières à l’aventure, advienne que pourra, et qu’on
1520 ar la théologie et les recherches particulières à l’ aventure, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’on trouvera, q
1521 ture, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’ on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’image du monde com
1522 on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’ image du monde communément admise. La pluralité des sciences et la mul
1523 ou non avec l’image du monde communément admise. La pluralité des sciences et la multiplicité des disciplines spécialisée
1524 communément admise. La pluralité des sciences et la multiplicité des disciplines spécialisées provient chez nous de la sé
1525 es disciplines spécialisées provient chez nous de la sécularisation de la philosophie et de la recherche qui s’est manifes
1526 lisées provient chez nous de la sécularisation de la philosophie et de la recherche qui s’est manifestée bien avant la Ren
1527 nous de la sécularisation de la philosophie et de la recherche qui s’est manifestée bien avant la Renaissance, probablemen
1528 t de la recherche qui s’est manifestée bien avant la Renaissance, probablement au xiiie siècle — à l’époque justement qui
1529 la Renaissance, probablement au xiiie siècle — à l’ époque justement qui a vu naître les premières universités européennes
1530 puis à Paris. (Quant à savoir dans quelle mesure l’ apparition de l’Université est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exp
1531 Quant à savoir dans quelle mesure l’apparition de l’ Université est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime, soit qu’el
1532 ’Université est liée à ce phénomène, soit qu’elle l’ exprime, soit qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce serait
1533 l’exprime, soit qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce serait un beau sujet d’études.) Pourquoi travaillez-v
1534  ? Or rien de tel ne s’est produit, autant que l’ on sache, dans les cultures sacrées et homogènes de l’Asie brahmanique
1535 tel ne s’est produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrées et homogènes de l’Asie brahmanique ou bouddhiste, de
1536 sache, dans les cultures sacrées et homogènes de l’ Asie brahmanique ou bouddhiste, de l’Afrique noire ancienne, d’Israël
1537 homogènes de l’Asie brahmanique ou bouddhiste, de l’ Afrique noire ancienne, d’Israël sous la synagogue, ou de l’Amérique p
1538 histe, de l’Afrique noire ancienne, d’Israël sous la synagogue, ou de l’Amérique précolombienne. Dans ces cultures tout es
1539 noire ancienne, d’Israël sous la synagogue, ou de l’ Amérique précolombienne. Dans ces cultures tout est sacré. La distinct
1540 précolombienne. Dans ces cultures tout est sacré. La distinction sacré-profane n’existe pas, en ce sens que sagesse spirit
1541 science ethnique et esthétique, sont réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas de développements particuliers et di
1542 pas de développements particuliers et divergents. L’ originalité, pour elles, n’est pas vertu, mais atteinte à l’ordre sacr
1543 ité, pour elles, n’est pas vertu, mais atteinte à l’ ordre sacré — ou simple erreur d’exécution. Mutatis mutandis, il en va
1544 xécution. Mutatis mutandis, il en va de même dans les cultures totalitaires du xxe siècle, dominées par l’explication et l
1545 ultures totalitaires du xxe siècle, dominées par l’ explication et la programmation universelles que figure le marxisme-lé
1546 res du xxe siècle, dominées par l’explication et la programmation universelles que figure le marxisme-léninisme (ou, au m
1547 ation et la programmation universelles que figure le marxisme-léninisme (ou, au moins, le parti qui l’interprète). L’Europ
1548 s que figure le marxisme-léninisme (ou, au moins, le parti qui l’interprète). L’Europe seule se voit obligée de rechercher
1549 le marxisme-léninisme (ou, au moins, le parti qui l’ interprète). L’Europe seule se voit obligée de rechercher sans cesse,
1550 inisme (ou, au moins, le parti qui l’interprète). L’ Europe seule se voit obligée de rechercher sans cesse, en d’infinis dé
1551 ée de rechercher sans cesse, en d’infinis débats, les principes primitifs ou finaux, ou simplement opératifs de sa cohérenc
1552 sse perdue de vue ou remise en question. Et quand les hommes nourris de cultures différentes viennent nous poser leurs gran
1553 randes questions naïves et pénétrantes : pourquoi l’ Europe a-t-elle fait les machines ? Pourquoi travaillez-vous autant ?
1554 et pénétrantes : pourquoi l’Europe a-t-elle fait les machines ? Pourquoi travaillez-vous autant ? Pourquoi cherchez-vous à
1555 -vous autant ? Pourquoi cherchez-vous à accroître la productivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt
1556 rchez-vous à accroître la productivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos dé
1557 oductivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos désirs ? Bien peu d’entre nous
1558 ont capables de donner une réponse satisfaisante. Le spécialiste se récuse méthodiquement et met dans ce refus tout son sé
1559 généralistes qui aient osé relever, par exemple, la relation de continuité entre le dogme de l’Incarnation (reconnaissanc
1560 ver, par exemple, la relation de continuité entre le dogme de l’Incarnation (reconnaissance de la réalité de la matière et
1561 mple, la relation de continuité entre le dogme de l’ Incarnation (reconnaissance de la réalité de la matière et du corps, o
1562 ntre le dogme de l’Incarnation (reconnaissance de la réalité de la matière et du corps, où Dieu se manifeste) et le dévelo
1563 de l’Incarnation (reconnaissance de la réalité de la matière et du corps, où Dieu se manifeste) et le développement des sc
1564 la matière et du corps, où Dieu se manifeste) et le développement des sciences physiques et naturelles dans l’Occident ch
1565 ppement des sciences physiques et naturelles dans l’ Occident christianisé — alors qu’il est clair qu’une Asie qui tenait l
1566 sé — alors qu’il est clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellement illusoires n’allait pas perd
1567 il est clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellement illusoires n’allait pas perdre à leur étud
1568 ement illusoires n’allait pas perdre à leur étude le meilleur de son temps de méditation. Si les Européens voulaient vraim
1569 étude le meilleur de son temps de méditation. Si les Européens voulaient vraiment répondre aux Asiatiques, aux Africains,
1570 le du physicien et du théologien. Pour répondre à l’ hindou qui interroge l’Occident sur son obsession de l’Histoire, du Te
1571 héologien. Pour répondre à l’hindou qui interroge l’ Occident sur son obsession de l’Histoire, du Temps, de l’Évolution et
1572 dou qui interroge l’Occident sur son obsession de l’ Histoire, du Temps, de l’Évolution et du Progrès, il faudrait que le t
1573 ent sur son obsession de l’Histoire, du Temps, de l’ Évolution et du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable de
1574 ps, de l’Évolution et du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable de se référer non seulement aux conciles et a
1575 iles et aux textes sacrés, mais aux fondements de la doctrine physique du Temps, aux discussions qui durent déjà depuis un
1576 discussions qui durent déjà depuis un siècle sur le principe de Carnot et Clausius sur la dégradation de l’énergie, la « 
1577 siècle sur le principe de Carnot et Clausius sur la dégradation de l’énergie, la « flèche du temps » et l’entropie, notio
1578 ncipe de Carnot et Clausius sur la dégradation de l’ énergie, la « flèche du temps » et l’entropie, notions de base qui ont
1579 rnot et Clausius sur la dégradation de l’énergie, la « flèche du temps » et l’entropie, notions de base qui ont une portée
1580 gradation de l’énergie, la « flèche du temps » et l’ entropie, notions de base qui ont une portée métaphysique indiscutable
1581 tée métaphysique indiscutable. Et il faudrait que les physiciens qui en discutent sachent que la dialectique de leurs probl
1582 t que les physiciens qui en discutent sachent que la dialectique de leurs problèmes actuels sur le temps, la matière et sa
1583 que la dialectique de leurs problèmes actuels sur le temps, la matière et sa constitution, est étrangement homologue à cel
1584 lectique de leurs problèmes actuels sur le temps, la matière et sa constitution, est étrangement homologue à celle des gra
1585 e des grandes querelles théologiques de Nicée, de l’ augustinisme, de Luther et du jansénisme. Je m’excuse de traiter par a
1586 l m’importe de marquer par cet exemple, c’est que l’ Europe de l’esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’elle a
1587 de marquer par cet exemple, c’est que l’Europe de l’ esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’elle a réveillé, d
1588 rope de l’esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’elle a réveillé, dans le désordre spirituel et dans l’incohé
1589 résenter devant le monde qu’elle a réveillé, dans le désordre spirituel et dans l’incohérence babélique de ses spécialités
1590 le a réveillé, dans le désordre spirituel et dans l’ incohérence babélique de ses spécialités sans communication, et de la
1591 ique de ses spécialités sans communication, et de la pluralité de ses recherches sans références à un langage commun. U
1592 ommun. Un savoir en progression géométrique Le grand problème que l’Europe seule me paraît en mesure de résoudre, pa
1593 progression géométrique Le grand problème que l’ Europe seule me paraît en mesure de résoudre, parce qu’elle seule l’a
1594 paraît en mesure de résoudre, parce qu’elle seule l’ a posé dans l’histoire, c’est celui de l’Un et du Divers également rée
1595 re de résoudre, parce qu’elle seule l’a posé dans l’ histoire, c’est celui de l’Un et du Divers également réels et valables
1596 Un et du Divers également réels et valables, dont le problème des relations entre savoirs spécialisés et synthèse de nos c
1597 connaissances n’est guère qu’un cas particulier. Le paradoxe européen par excellence de l’union dans la diversité n’est p
1598 rticulier. Le paradoxe européen par excellence de l’ union dans la diversité n’est pas seulement celui de l’Université, mai
1599 paradoxe européen par excellence de l’union dans la diversité n’est pas seulement celui de l’Université, mais celui de no
1600 on dans la diversité n’est pas seulement celui de l’ Université, mais celui de notre politique d’intégration européenne, da
1601 orme fédéraliste, non unitaire, que je tiens pour la seule possible et désirable. Comment résoudre ce problème dans le cad
1602 e et désirable. Comment résoudre ce problème dans le cadre qui nous intéresse ici, celui de l’Université ? Trois solutions
1603 me dans le cadre qui nous intéresse ici, celui de l’ Université ? Trois solutions me paraissent concevables. a) La première
1604 ale, un studium generale, aux étudiants de toutes les facultés et instituts spécialisés. Je n’y crois pas. La presque total
1605 ultés et instituts spécialisés. Je n’y crois pas. La presque totalité des expériences tentées dans cette intention si loua
1606 es dans cette intention si louable ont échoué, et les raisons de ces échecs répétés me paraissent assez évidentes. La géné
1607 es échecs répétés me paraissent assez évidentes. La généralité n’est pas une matière enseignable. Elle ne peut vraiment c
1608 , aux ramifications interdisciplinaires de ce que l’ on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, même
1609 naires de ce que l’on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, même prolongée comme on nous le prome
1610 e que l’on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, même prolongée comme on nous le promet jusqu’à u
1611 vie est trop courte, même prolongée comme on nous le promet jusqu’à une moyenne de 90 ans, pour que l’espoir de maîtriser
1612 le promet jusqu’à une moyenne de 90 ans, pour que l’ espoir de maîtriser l’ensemble du savoir humain, d’ailleurs en progres
1613 moyenne de 90 ans, pour que l’espoir de maîtriser l’ ensemble du savoir humain, d’ailleurs en progression géométrique, ait
1614 umain, d’ailleurs en progression géométrique, ait la moindre chance de succès et l’éducation permanente qu’on nous propose
1615 n géométrique, ait la moindre chance de succès et l’ éducation permanente qu’on nous propose, qui s’étendrait du berceau à
1616 qu’on nous propose, qui s’étendrait du berceau à la tombe, ne laisserait guère le temps de vivre à ses bénéficiaires supe
1617 ndrait du berceau à la tombe, ne laisserait guère le temps de vivre à ses bénéficiaires super-savants. Pic de la Mirandole
1618 e vivre à ses bénéficiaires super-savants. Pic de la Mirandole, aujourd’hui, se verrait contraint de choisir entre une car
1619 et une spécialisation qui lui vaudrait sans doute le prix Nobel, mais au prix de son ambition maîtresse. b) Une deuxième s
1620 xième solution concevable consisterait à réfréner la spécialisation. Je la tiens également pour illusoire. Certes, on peut
1621 ble consisterait à réfréner la spécialisation. Je la tiens également pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spéci
1622 ment pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spécialisation du savoir, loin de représenter un progrès, n’est litté
1623 rogrès, n’est littéralement qu’une monstruosité : le développement excessif d’un organe aux dépens de l’équilibre du corps
1624 développement excessif d’un organe aux dépens de l’ équilibre du corps. On peut l’évaluer à son prix réel et trouver celui
1625 rgane aux dépens de l’équilibre du corps. On peut l’ évaluer à son prix réel et trouver celui-ci exorbitant : perdre de vue
1626 el et trouver celui-ci exorbitant : perdre de vue l’ ensemble humain est une perte absolue, essentielle, que tous les gains
1627 main est une perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, additionnés, dus à la spécialisation, ne combleront j
1628 , que tous les gains partiels, additionnés, dus à la spécialisation, ne combleront jamais, et toujours moins. C’est gagner
1629 ombleront jamais, et toujours moins. C’est gagner le monde par petits bouts au prix de son âme. Il n’en reste pas moins qu
1630 s au prix de son âme. Il n’en reste pas moins que la spécialisation dans l’Université ne peut aller qu’en croissant, sous
1631 l n’en reste pas moins que la spécialisation dans l’ Université ne peut aller qu’en croissant, sous la double pression que
1632 l’Université ne peut aller qu’en croissant, sous la double pression que j’ai dite : toujours plus de matières à enseigner
1633 eut chercher de solution en arrière, il faut donc la chercher en avant : accepter le mouvement de spécialisation, mais le
1634 ère, il faut donc la chercher en avant : accepter le mouvement de spécialisation, mais le pousser jusqu’à ce point où l’ét
1635 t : accepter le mouvement de spécialisation, mais le pousser jusqu’à ce point où l’étude la plus exigeante d’une disciplin
1636 écialisation, mais le pousser jusqu’à ce point où l’ étude la plus exigeante d’une discipline particulière va déboucher sur
1637 tion, mais le pousser jusqu’à ce point où l’étude la plus exigeante d’une discipline particulière va déboucher sur des pro
1638 us englobantes. Dans bien des cas célèbres, c’est l’ avant-garde de la recherche la plus hautement spécialisée qui s’est vu
1639 ans bien des cas célèbres, c’est l’avant-garde de la recherche la plus hautement spécialisée qui s’est vue conduite par le
1640 cas célèbres, c’est l’avant-garde de la recherche la plus hautement spécialisée qui s’est vue conduite par les nécessités
1641 hautement spécialisée qui s’est vue conduite par les nécessités internes de son cheminement, à déboucher sur des domaines
1642 son cheminement, à déboucher sur des domaines que la vertueuse méthode, naguère, interdisait rigoureusement. Un neurologue
1643 rche au-delà des certitudes admises, débouche sur le domaine du rêve et des symboles et fonde la psychanalyse. Un ethnolog
1644 e sur le domaine du rêve et des symboles et fonde la psychanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’étude de la « pensée s
1645 e la psychanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’ étude de la « pensée sauvage » découvre dans la linguistique générale
1646 nalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’étude de la « pensée sauvage » découvre dans la linguistique générale de Ferdinan
1647 ns l’étude de la « pensée sauvage » découvre dans la linguistique générale de Ferdinand de Saussure, science des systèmes
1648 nand de Saussure, science des systèmes de signes, l’ explication qui lui manquait de la prohibition de l’inceste ; cependan
1649 èmes de signes, l’explication qui lui manquait de la prohibition de l’inceste ; cependant que des biologistes et des élect
1650 explication qui lui manquait de la prohibition de l’ inceste ; cependant que des biologistes et des électroniciens puisent
1651 es biologistes et des électroniciens puisent dans la même théorie saussurienne les schèmes structuraux qui permettent aux
1652 niciens puisent dans la même théorie saussurienne les schèmes structuraux qui permettent aux uns d’interpréter la transmiss
1653 structuraux qui permettent aux uns d’interpréter la transmission du patrimoine héréditaire par les chromosomes, aux autre
1654 ter la transmission du patrimoine héréditaire par les chromosomes, aux autres de construire des machines à traduire. Un phy
1655 re des machines à traduire. Un physicien étudiant le principe de l’irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’une vu
1656 à traduire. Un physicien étudiant le principe de l’ irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’une vue physicienne s
1657 icto sensu du cosmos est trop étriquée » ; et que la physique de demain risque de se trouver obligée d’entrer dans un dial
1658 gée d’entrer dans un dialogue actif avec, disons, la psychologie au sens large, pour jeter les bases d’une science beaucou
1659 disons, la psychologie au sens large, pour jeter les bases d’une science beaucoup plus compréhensive. Et chacun sait que c
1660 mpréhensive. Et chacun sait que c’est en poussant l’ exigence de l’analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les sava
1661 t chacun sait que c’est en poussant l’exigence de l’ analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les savants contempora
1662 ssant l’exigence de l’analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les savants contemporains ont créé la science nucléai
1663 l’analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les savants contemporains ont créé la science nucléaire : or, les impasse
1664 lus fines, que les savants contemporains ont créé la science nucléaire : or, les impasses et les paralogismes qu’ils y ren
1665 contemporains ont créé la science nucléaire : or, les impasses et les paralogismes qu’ils y rencontrent semblent les confro
1666 t créé la science nucléaire : or, les impasses et les paralogismes qu’ils y rencontrent semblent les confronter désormais à
1667 et les paralogismes qu’ils y rencontrent semblent les confronter désormais à des options métaphysiques. Je ne l’imagine pas
1668 nter désormais à des options métaphysiques. Je ne l’ imagine pas : je les écoute, et plusieurs d’entre eux l’ont écrit.
1669 s options métaphysiques. Je ne l’imagine pas : je les écoute, et plusieurs d’entre eux l’ont écrit. Carrefours de vérité
1670 ine pas : je les écoute, et plusieurs d’entre eux l’ ont écrit. Carrefours de vérités Une phrase de Spinoza s’est fix
1671 rase de Spinoza s’est fixée dans mon souvenir dès l’ adolescence : « D’autant plus nous connaissons les choses particulière
1672 l’adolescence : « D’autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons Dieu. » Si je la
1673 res, d’autant plus nous connaissons Dieu. » Si je la transpose au domaine moins sublime que j’essaie aujourd’hui d’explore
1674 elle me paraît rendre compte du fait que ce sont les meilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin dans
1675 eilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin dans l’analyse de certains cas particuliers, qui nous condu
1676 tes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin dans l’ analyse de certains cas particuliers, qui nous conduisent le plus sûre
1677 de certains cas particuliers, qui nous conduisent le plus sûrement au général ou tout au moins au seuil des synthèses néce
1678 ison systématique des résultats en soi acquis par les spécialistes. Toute synthèse est un acte créateur, intervenant au car
1679 four de plusieurs vérités hétérogènes saisies par l’ esprit dans leur mouvement, rythme et structure dynamiques autant que
1680 plications jusqu’alors inaperçues. C’est dire que l’ œuvre de synthèse qu’exige l’état présent de notre culture et de nos u
1681 çues. C’est dire que l’œuvre de synthèse qu’exige l’ état présent de notre culture et de nos universités, devrait d’abord ê
1682 s hétérogènes » sur lesquels et à partir desquels l’ esprit de synthèse pourrait s’exercer. Le nombre optimum des participa
1683 desquels l’esprit de synthèse pourrait s’exercer. Le nombre optimum des participants de tels groupes me paraît être, à l’e
1684 es participants de tels groupes me paraît être, à l’ expérience de nombreux colloques portant sur des sujets interdisciplin
1685 de personnes seulement. Ce module permet en effet la conversation, l’échange spontané de questions et de réponses, le dial
1686 ement. Ce module permet en effet la conversation, l’ échange spontané de questions et de réponses, le dialogue en un mot, e
1687 , l’échange spontané de questions et de réponses, le dialogue en un mot, et il exclut l’intervention monologante sous form
1688 de réponses, le dialogue en un mot, et il exclut l’ intervention monologante sous forme de discours. Ce détail a son impor
1689 du compte, dans une entreprise de ce genre, c’est la qualité personnelle des hommes qui s’y livrent : sinon une bonne mach
1690 x notre affaire. Ce qui importe, ce n’est pas que la synthèse s’opère dans le vide, ou au ciel des Idées, — car là sans do
1691 mporte, ce n’est pas que la synthèse s’opère dans le vide, ou au ciel des Idées, — car là sans doute toutes les synthèses
1692 ou au ciel des Idées, — car là sans doute toutes les synthèses imaginables existent déjà en puissance — et pas non plus qu
1693 un résultat objectif ; ce qui importe, c’est que la synthèse s’actualise, qu’elle s’opère donc dans un esprit, dans une p
1694 ations humaines, ses mesures, son utilité au sens le plus élevé du terme. Ce qu’il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce
1695 incarne une sorte de conscience conjoncturelle de l’ évolution de nos recherches, un sens constamment alerté de leurs corré
1696 ent alerté de leurs corrélations virtuelles et de la fécondité de leurs interférences. Ces hommes seront d’abord des spéci
1697 i prouveront leur excellence en tant que tels par le fait même qu’ils auront pris conscience de ce qu’ils ne peuvent se co
1698 Favoriser ou fomenter ce type humain, lui offrir les moyens matériels, l’ambiance de vie, le milieu de vie, les contacts p
1699 ce type humain, lui offrir les moyens matériels, l’ ambiance de vie, le milieu de vie, les contacts personnels requis par
1700 i offrir les moyens matériels, l’ambiance de vie, le milieu de vie, les contacts personnels requis par l’exercice de sa vo
1701 s matériels, l’ambiance de vie, le milieu de vie, les contacts personnels requis par l’exercice de sa vocation, voilà sans
1702 milieu de vie, les contacts personnels requis par l’ exercice de sa vocation, voilà sans doute le genre de solution concrèt
1703 s par l’exercice de sa vocation, voilà sans doute le genre de solution concrète que nous pourrions préconiser, si nous vou
1704 voulons tenter de faire face au problème posé par l’ accroissement babélique de la spécialisation. Ces prix Nobel Sur
1705 au problème posé par l’accroissement babélique de la spécialisation. Ces prix Nobel Sur le problème de l’explosion d
1706 ue de la spécialisation. Ces prix Nobel Sur le problème de l’explosion des effectifs universitaires, je n’aurais guè
1707 lisation. Ces prix Nobel Sur le problème de l’ explosion des effectifs universitaires, je n’aurais guère à proposer q
1708 de bon sens presque simpliste : il me semble que le seul moyen de sauver la qualité des universités existantes et leur ef
1709 pliste : il me semble que le seul moyen de sauver la qualité des universités existantes et leur efficacité pédagogique, me
1710 éversibles, serait de multiplier sans plus tarder le nombre des établissements d’enseignement supérieur. D’une part, les u
1711 blissements d’enseignement supérieur. D’une part, les universités existantes seraient progressivement libérées de leur engo
1712 vement libérées de leur engorgement, d’autre part les dimensions des universités nouvelles pourraient librement s’accorder
1713 oposent avec beaucoup de sagesse, me semble-t-il, les rapports d’experts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la
1714 , les rapports d’experts qui vous sont soumis. Si l’ on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est
1715 s d’experts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’ esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est rien d’autre
1716 ts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la me
1717 soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la mesure humaine, le
1718 la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnelles, condition de to
1719 ne, qui n’est rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnelles, condition de toute existence commu
1720 e communautaire et de tout bon travail en commun, l’ on sera conduit à préférer la multiplication de petites universités à
1721 n travail en commun, l’on sera conduit à préférer la multiplication de petites universités à la multiplication des faculté
1722 éférer la multiplication de petites universités à la multiplication des facultés, des chaires et des postes d’assistants d
1723 ltés, des chaires et des postes d’assistants dans les déjà trop grandes universités. L’adjectif petit me paraît intimement
1724 ssistants dans les déjà trop grandes universités. L’ adjectif petit me paraît intimement lié en Europe, non seulement à l’o
1725 paraît intimement lié en Europe, non seulement à l’ optimum de l’efficacité pédagogique — qui exige la proximité — mais au
1726 ement lié en Europe, non seulement à l’optimum de l’ efficacité pédagogique — qui exige la proximité — mais aussi au maximu
1727 l’optimum de l’efficacité pédagogique — qui exige la proximité — mais aussi au maximum du pouvoir créateur d’un milieu don
1728 versité. Ce n’est pas du tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue belge Léo Moulin, sous le titre d’i
1729 u tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue belge Léo Moulin, sous le titre d’indice Nobel, et qui se
1730 qu’a établi le sociologue belge Léo Moulin, sous le titre d’indice Nobel, et qui se fonde sur le nombre de prix Nobel de
1731 sous le titre d’indice Nobel, et qui se fonde sur le nombre de prix Nobel de sciences par million d’habitants d’un pays, d
1732 on d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, soit
1733 e sont les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, soit dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autr
1734 e qui occupent les cinq premiers rangs, soit dans l’ ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, ta
1735 cupent les cinq premiers rangs, soit dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que
1736 cinq premiers rangs, soit dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que les plus g
1737 rangs, soit dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’ Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que les plus grands pays co
1738 dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que les plus grands pays comme les États
1739 Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que les plus grands pays comme les États-Unis et l’URSS
1740 l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède, tandis que les plus grands pays comme les États-Unis et l’URSS viennent loin derrièr
1741 t la Suède, tandis que les plus grands pays comme les États-Unis et l’URSS viennent loin derrière, ou même en queue de list
1742 que les plus grands pays comme les États-Unis et l’ URSS viennent loin derrière, ou même en queue de liste. Je n’en dis pa
1743 e liste. Je n’en dis pas plus sur ce point : dans les petits pays, tout est petit, y compris les universités. Mais sur le p
1744 : dans les petits pays, tout est petit, y compris les universités. Mais sur le problème de l’explosion du savoir, dont je v
1745 ut est petit, y compris les universités. Mais sur le problème de l’explosion du savoir, dont je vous ai plus longuement en
1746 compris les universités. Mais sur le problème de l’ explosion du savoir, dont je vous ai plus longuement entretenu, il me
1747 e devient jamais réel qui n’ait été d’abord rêvé. La multiplication des universités, maintenues dans les petites dimension
1748 a multiplication des universités, maintenues dans les petites dimensions qu’exige leur rendement optimum, peut freiner l’ac
1749 ons qu’exige leur rendement optimum, peut freiner l’ accroissement de l’entropie au niveau de l’enseignement, mais ne répon
1750 endement optimum, peut freiner l’accroissement de l’ entropie au niveau de l’enseignement, mais ne répondra pas au défi de
1751 reiner l’accroissement de l’entropie au niveau de l’ enseignement, mais ne répondra pas au défi de la division du savoir en
1752 e l’enseignement, mais ne répondra pas au défi de la division du savoir en langages spécialisés. Pour y répondre, il faut
1753 s spécialisés. Pour y répondre, il faut envisager la création d’instituts ou de centres de synthèse, établis à l’échelle e
1754 d’instituts ou de centres de synthèse, établis à l’ échelle européenne, je veux dire supranationale. J’en imagine le proto
1755 péenne, je veux dire supranationale. J’en imagine le prototype, qui serait une tour d’anti-Babel. Dans un grand parc, près
1756 ne tour d’anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un lac, ou d’une large rivière, en pleine campagne, mais pa
1757 s, sans oublier plusieurs terrasses de café. Dans le centre aussi, un groupe de bâtiments contient la bibliothèque et les
1758 le centre aussi, un groupe de bâtiments contient la bibliothèque et les salles de colloques. La commune, gouvernée par le
1759 n groupe de bâtiments contient la bibliothèque et les salles de colloques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit d’un
1760 tient la bibliothèque et les salles de colloques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit d’un statut spécial d’exterr
1761 es salles de colloques. La commune, gouvernée par le recteur, jouit d’un statut spécial d’exterritorialité : c’est une sor
1762 orialité : c’est une sorte de district fédéral de l’ Europe intellectuelle. Là vivent ces « hommes de synthèse » dont je vo
1763  hommes de synthèse » dont je vous parlais tout à l’ heure : professeurs de tous âges et de toutes spécialités, et futurs p
1764 à gradués, d’une part ; responsables des domaines les plus variés de la vie publique, économique et sociale, d’autre part.
1765 rt ; responsables des domaines les plus variés de la vie publique, économique et sociale, d’autre part. Condition générale
1766 llence dans une branche au moins du savoir, ou de la vie professionnelle, et démontrer d’une manière convaincante qu’on ép
1767 émontrer d’une manière convaincante qu’on éprouve l’ impérieux désir d’intégrer l’expérience acquise dans un ensemble plus
1768 ncante qu’on éprouve l’impérieux désir d’intégrer l’ expérience acquise dans un ensemble plus compréhensif. Les activités i
1769 ience acquise dans un ensemble plus compréhensif. Les activités intellectuelles de cette communauté peuvent être définies à
1770 être définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cours magistraux, mais seulement des colloques restr
1771 s restreints, groupant au maximum 20 personnes, à l’ optimum une douzaine. Si quelqu’un désire absolument donner une confér
1772 uelqu’un désire absolument donner une conférence, le soir, c’est à ses risques et périls : toute déclaration publique est
1773 ligatoirement suivie d’une discussion réglée. Ici l’ on n’impose pas une image du monde : on la cherche en commun, libremen
1774 ée. Ici l’on n’impose pas une image du monde : on la cherche en commun, librement. Au sein des colloques, règne une libert
1775 s, règne une liberté spontanément disciplinée par la critique mutuelle. Deux meneurs de jeu par colloque, et ils ne peuven
1776 jeu par colloque, et ils ne peuvent appartenir à la même spécialité. Faire le monde Et quant au contenu : seuls son
1777 peuvent appartenir à la même spécialité. Faire le monde Et quant au contenu : seuls sont portés au programme les suj
1778 quant au contenu : seuls sont portés au programme les sujets par essence interdisciplinaires. J’entends par là : les sujets
1779 r essence interdisciplinaires. J’entends par là : les sujets qu’il serait le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos f
1780 aires. J’entends par là : les sujets qu’il serait le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés classiques. Voi
1781 jets qu’il serait le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés classiques. Voici quelques-uns des sujets que,
1782 j’étais jugé digne de participer aux activités de la commune. 1. Les options fondamentales des grandes cultures, notamment
1783 gne de participer aux activités de la commune. 1. Les options fondamentales des grandes cultures, notamment de la culture e
1784 fondamentales des grandes cultures, notamment de la culture européenne, et la logique ou les contradictions de leur dével
1785 cultures, notamment de la culture européenne, et la logique ou les contradictions de leur développement dans la vie publi
1786 amment de la culture européenne, et la logique ou les contradictions de leur développement dans la vie publique et privée d
1787 ou les contradictions de leur développement dans la vie publique et privée de l’unité culturelle en question. Le problème
1788 r développement dans la vie publique et privée de l’ unité culturelle en question. Le problème des possibles convergences e
1789 ique et privée de l’unité culturelle en question. Le problème des possibles convergences entre l’Orient et l’Occident, c’e
1790 ion. Le problème des possibles convergences entre l’ Orient et l’Occident, c’est-à-dire entre la sagesse et la puissance cr
1791 lème des possibles convergences entre l’Orient et l’ Occident, c’est-à-dire entre la sagesse et la puissance créatrice, for
1792 entre l’Orient et l’Occident, c’est-à-dire entre la sagesse et la puissance créatrice, formerait un centre particulier d’
1793 t et l’Occident, c’est-à-dire entre la sagesse et la puissance créatrice, formerait un centre particulier d’attention. 2.
1794 , formerait un centre particulier d’attention. 2. Le rôle créateur de l’interaction des disciplines dans l’histoire ancien
1795 e particulier d’attention. 2. Le rôle créateur de l’ interaction des disciplines dans l’histoire ancienne et récente de l’E
1796 le créateur de l’interaction des disciplines dans l’ histoire ancienne et récente de l’Europe. Dans quelle mesure et sous q
1797 isciplines dans l’histoire ancienne et récente de l’ Europe. Dans quelle mesure et sous quelles conditions les inventions o
1798 pe. Dans quelle mesure et sous quelles conditions les inventions ou découvertes de la science et des arts sont-elles apparu
1799 elles conditions les inventions ou découvertes de la science et des arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de la
1800 science et des arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des fins utilitaires, de l’imagination déb
1801 rts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des fins utilitaires, de l’imagination débridée, de la foi
1802 atuité, de la nécessité, des fins utilitaires, de l’ imagination débridée, de la foi, du doute, de la méthode et des contin
1803 s fins utilitaires, de l’imagination débridée, de la foi, du doute, de la méthode et des contingences dans les progrès de
1804 e l’imagination débridée, de la foi, du doute, de la méthode et des contingences dans les progrès de la connaissance en Oc
1805 du doute, de la méthode et des contingences dans les progrès de la connaissance en Occident. 3. Au-delà de la technologie.
1806 a méthode et des contingences dans les progrès de la connaissance en Occident. 3. Au-delà de la technologie. Comment passe
1807 rès de la connaissance en Occident. 3. Au-delà de la technologie. Comment passer de l’ère technique à l’ère de l’équilibre
1808 . 3. Au-delà de la technologie. Comment passer de l’ ère technique à l’ère de l’équilibre humain ? En d’autres termes, comm
1809 technologie. Comment passer de l’ère technique à l’ ère de l’équilibre humain ? En d’autres termes, comment tirer les béné
1810 gie. Comment passer de l’ère technique à l’ère de l’ équilibre humain ? En d’autres termes, comment tirer les bénéfices de
1811 ilibre humain ? En d’autres termes, comment tirer les bénéfices de bonheur individuel, de santé mentale, de beauté du milie
1812 t de paix des disciplines farouches qu’imposent à la majorité de nos contemporains les impératifs de la croissance de prod
1813 es qu’imposent à la majorité de nos contemporains les impératifs de la croissance de production, et de l’aide aux sous-déve
1814 a majorité de nos contemporains les impératifs de la croissance de production, et de l’aide aux sous-développés ? 4. Possi
1815 impératifs de la croissance de production, et de l’ aide aux sous-développés ? 4. Possibilités d’un langage universel, fon
1816 4. Possibilités d’un langage universel, fondé sur la cybernétique et sur la sémiologie de Saussure. Recherche générale de
1817 ngage universel, fondé sur la cybernétique et sur la sémiologie de Saussure. Recherche générale de procédés de translation
1818 mites d’un tel langage, et comment y suppléer par les arts. 5. Européologie. Il existe dans la plupart de nos grandes unive
1819 , indonésiennes, etc. Il n’existe pas, ni hors de l’ Europe ni en Europe, de chaires d’études européennes, ou plus précisém
1820 nnes, ou plus précisément d’européologie. Certes, l’ on étudie un peu partout le Marché commun, le mécanisme des organisati
1821 ’européologie. Certes, l’on étudie un peu partout le Marché commun, le mécanisme des organisations européennes, leur histo
1822 tes, l’on étudie un peu partout le Marché commun, le mécanisme des organisations européennes, leur histoire récente, leur
1823 ennes, leur histoire récente, leur jurisprudence, l’ unification de leurs mesures sociales et la coordination de leurs poli
1824 dence, l’unification de leurs mesures sociales et la coordination de leurs politiques économiques. Ce qui nous manque enco
1825 s caractères spécifiques de notre civilisation, à l’ heure où elle se répand d’une manière anarchique sur tous les continen
1826 elle se répand d’une manière anarchique sur tous les continents de la planète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge ave
1827 une manière anarchique sur tous les continents de la planète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge avec une anxiété mêl
1828 archique sur tous les continents de la planète, à l’ heure où le tiers-monde l’interroge avec une anxiété mêlée d’arrogance
1829 r tous les continents de la planète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge avec une anxiété mêlée d’arrogance, à l’heure
1830 inents de la planète, à l’heure où le tiers-monde l’ interroge avec une anxiété mêlée d’arrogance, à l’heure où elle s’inte
1831 l’interroge avec une anxiété mêlée d’arrogance, à l’ heure où elle s’interroge elle-même plus qu’elle n’a jamais fait dans
1832 it dans son histoire. Cette liste de thèmes, vous le sentez, ne demande qu’à s’allonger au gré de vos désirs. Quant aux re
1833 aux relations entre un tel Centre de synthèse et les universités existantes, on les imaginera sans peine. L’introduction s
1834 tre de synthèse et les universités existantes, on les imaginera sans peine. L’introduction si désirable dans nos mœurs univ
1835 versités existantes, on les imaginera sans peine. L’ introduction si désirable dans nos mœurs universitaires d’une année sa
1836 nous attendons tous de nos vacances. Après un an, les professeurs détachés reviendraient à leur enseignement, porteurs d’un
1837 gnement, porteurs d’une sorte de radioactivité, —  les uns mûris, les autres rajeunis… Comment baptiser l’entreprise ? Elle
1838 rs d’une sorte de radioactivité, — les uns mûris, les autres rajeunis… Comment baptiser l’entreprise ? Elle pourrait se réc
1839 uns mûris, les autres rajeunis… Comment baptiser l’ entreprise ? Elle pourrait se réclamer de beaucoup de noms illustres,
1840 beaucoup de noms illustres, d’hommes qui ont rêvé l’ Académie européenne, comme Tommaso Campanella ou Amos Comenius, traçan
1841 omme Tommaso Campanella ou Amos Comenius, traçant le plan de son Conseil de la Lumière ; ou d’hommes qui méditaient sur la
1842 Amos Comenius, traçant le plan de son Conseil de la Lumière ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessité d’un langage co
1843 il de la Lumière ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessité d’un langage commun aux sciences exactes, aux arts et à la
1844 angage commun aux sciences exactes, aux arts et à la théologie, ainsi Descartes dès 1625, puis Leibniz et son Ars Combinat
1845 z et son Ars Combinatoria. Mais surtout, et c’est la conclusion que je souhaite que vous tiriez de mes propos, cet institu
1846 n, depuis 1957, date du traité de Rome instituant l’ Euratom : une Université européenne. Vraie université, puisqu’elle tra
1847 uropéenne, puisqu’elle aurait pour fin de recréer l’ union dans la diversité, qui est la formule de notre grand passé, et d
1848 isqu’elle aurait pour fin de recréer l’union dans la diversité, qui est la formule de notre grand passé, et de notre aveni
1849 fin de recréer l’union dans la diversité, qui est la formule de notre grand passé, et de notre avenir, intégré, le seul po
1850 e notre grand passé, et de notre avenir, intégré, le seul possible. L’Europe, c’est très peu de chose plus une culture. Qu
1851 é, et de notre avenir, intégré, le seul possible. L’ Europe, c’est très peu de chose plus une culture. Quatre pour cent des
1852 s du globe multipliées par une culture qui a fait le Monde, et qui doit aujourd’hui, plus que jamais, faire des hommes.
1853 e jamais, faire des hommes. 3. Je n’ignore pas les tentatives qui se dessinent, aux États-Unis notamment, pour faire de
1854 essinent, aux États-Unis notamment, pour faire de la mathématique un substitut moderne au latin de jadis, la nouvelle lang
1855 hématique un substitut moderne au latin de jadis, la nouvelle langue de communication non seulement internationale mais in
1856 interdisciplinaire, propre à permettre de nouveau le commerce des esprits supérieurs des disciplines les plus diverses à u
1857 e commerce des esprits supérieurs des disciplines les plus diverses à un très haut niveau de précision. Mais on peut craind
1858 ut niveau de précision. Mais on peut craindre que le langage mathématique, même une fois maîtrisé par nos économistes, phi
20 1965, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Un écrivain suisse (20-21 mars 1965)
1859 que ces patries aient en commun, semble interdire la possibilité d’un écrivain qui mériterait d’être appelé suisse, comme
1860 este allemand ou Leopardi italien, bien avant que l’ Allemagne ou l’Italie n’aient réuni dans une de ces super-provinces qu
1861 u Leopardi italien, bien avant que l’Allemagne ou l’ Italie n’aient réuni dans une de ces super-provinces qu’on nomme natio
1862 ibilité s’illustrer d’une manière exemplaire dans l’ œuvre et la carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’il est l’un de ceux,
1863 llustrer d’une manière exemplaire dans l’œuvre et la carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’il est l’un de ceux, très rares
1864 t. C’est qu’il est l’un de ceux, très rares, dont la personne, le style, la formule créatrice résultent et se composent, p
1865 l est l’un de ceux, très rares, dont la personne, le style, la formule créatrice résultent et se composent, précisément, d
1866 de ceux, très rares, dont la personne, le style, la formule créatrice résultent et se composent, précisément, de cette pl
1867 onnées culturelles qui, moins forts, moins doués, les eût neutralisés. Lointain cousin de l’historien de la Renaissance, je
1868 ns doués, les eût neutralisés. Lointain cousin de l’ historien de la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce do
1869 ût neutralisés. Lointain cousin de l’historien de la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce don de prévision
1870 se pas qu’il tienne de lui ce don de prévision de l’ avenir européen dont tous les deux firent preuve dans leur Corresponda
1871 e don de prévision de l’avenir européen dont tous les deux firent preuve dans leur Correspondance (voir les lettres à von P
1872 deux firent preuve dans leur Correspondance (voir les lettres à von Preen de l’aîné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais
1873 r Correspondance (voir les lettres à von Preen de l’ aîné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’il faut l’attrib
1874 à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’il faut l’ attribuer à leur commune formation bâloise d’historiens scrupuleux mai
1875 lent intimement germanisme et latinité, esprit de la cité et cosmopolitisme, et qui rend plus sensibles à l’oreille intéri
1876 é et cosmopolitisme, et qui rend plus sensibles à l’ oreille intérieure les arythmies annonciatrices d’accidents du cœur de
1877 et qui rend plus sensibles à l’oreille intérieure les arythmies annonciatrices d’accidents du cœur de l’Europe. La pensée
1878 s arythmies annonciatrices d’accidents du cœur de l’ Europe. La pensée et l’action Peu de carrières ont connu tant d’a
1879 annonciatrices d’accidents du cœur de l’Europe. La pensée et l’action Peu de carrières ont connu tant d’alternances d
1880 s d’accidents du cœur de l’Europe. La pensée et l’ action Peu de carrières ont connu tant d’alternances de périodes d’
1881 des grandes têtes politiques du passé, ou mêlé à l’ histoire vivante comme dans le cyclone de Dantzig ; enfin mémorialiste
1882 du passé, ou mêlé à l’histoire vivante comme dans le cyclone de Dantzig ; enfin mémorialiste d’événements qu’il a vécus et
1883 ’il a vécus et qu’il avait prévus. Burckhardt est le type même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action, ni
1884 u’il avait prévus. Burckhardt est le type même de l’ écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action, ni la passion de l
1885 st le type même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action, ni la passion de la lucidité. Son expérience des
1886 me de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’ action, ni la passion de la lucidité. Son expérience des hommes et de
1887 ain qui ne peut séparer la pensée de l’action, ni la passion de la lucidité. Son expérience des hommes et de l’irrationnel
1888 t séparer la pensée de l’action, ni la passion de la lucidité. Son expérience des hommes et de l’irrationnel qui conduit l
1889 n de la lucidité. Son expérience des hommes et de l’ irrationnel qui conduit leurs affaires au pire a certes confirmé son p
1890 nde moderne en général, mais son goût puissant de la vie et son sens du service de la cité n’ont cessé de le ramener aux g
1891 goût puissant de la vie et son sens du service de la cité n’ont cessé de le ramener aux grands postes publics, quand un ap
1892 et son sens du service de la cité n’ont cessé de le ramener aux grands postes publics, quand un appel pressant du pays l’
1893 s postes publics, quand un appel pressant du pays l’ y engageait. Jeter des ponts, relier l’action à la pensée, concilier l
1894 nt du pays l’y engageait. Jeter des ponts, relier l’ action à la pensée, concilier les cultures ou les grands intérêts, jug
1895 l’y engageait. Jeter des ponts, relier l’action à la pensée, concilier les cultures ou les grands intérêts, juger sans ill
1896 des ponts, relier l’action à la pensée, concilier les cultures ou les grands intérêts, juger sans illusion mais servir avec
1897 r l’action à la pensée, concilier les cultures ou les grands intérêts, juger sans illusion mais servir avec force en toute
1898 rsonnalité typiquement suisse ? Je constate qu’on les trouve réunis chez quelques-uns des hommes les mieux liés par toutes
1899 on les trouve réunis chez quelques-uns des hommes les mieux liés par toutes leurs fibres aux traditions civiques et culture
1900 Suisses. Voilà qui suffira peut-être à justifier l’ existence autonome de ce pays, dans une époque où l’homme complet devi
1901 existence autonome de ce pays, dans une époque où l’ homme complet devient un phénomène tellement plus important, tellement
1902 llement plus rare, tellement plus exemplaire pour l’ humanité à venir que le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier de dire
1903 ement plus exemplaire pour l’humanité à venir que le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier de dire que « C.J.B. », l’homm
1904 ». (Mais j’allais oublier de dire que « C.J.B. », l’ homme dont la stature est imposante, est aussi un conteur fascinant, u
1905 lais oublier de dire que « C.J.B. », l’homme dont la stature est imposante, est aussi un conteur fascinant, un humoriste r
21 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Stampa, vieux village… (15-16 janvier 1966)
1906 l y était né comme ses ancêtres, il y avait passé les 14 premières années de sa vie, il y revenait souvent, voir sa très vi
1907 ent, voir sa très vieille mère et travailler dans l’ atelier qui avait été celui de son père. Il y est mort hier soir, puis
1908 armi les siens, « réuni à son peuple », comme dit la Bible. C’est là que je l’avais surpris un jour en plein travail — on
1909 son peuple », comme dit la Bible. C’est là que je l’ avais surpris un jour en plein travail — on ne devrait jamais faire ça
1910 uis vingt ans et plus qu’on se rencontrait, je ne l’ avais jamais vu dans sa réalité et nous n’avions presque rien dit qui
1911 mince colonne de terre et se plaignait — « c’est l’ enfer ! », disait-il. De la matière fuyait entre ses doigts, s’effilai
1912 se plaignait — « c’est l’enfer ! », disait-il. De la matière fuyait entre ses doigts, s’effilait et refusait de remplir le
1913 tre ses doigts, s’effilait et refusait de remplir le volume normal d’un corps, d’une tête. « Cela s’allonge et s’amincit p
1914 renues, et nous sommes allés prendre un verre sur la terrasse du Café de la Poste, au grand soleil. J’écrivais à ce moment
1915 allés prendre un verre sur la terrasse du Café de la Poste, au grand soleil. J’écrivais à ce moment un livre sur la Suisse
1916 grand soleil. J’écrivais à ce moment un livre sur la Suisse, c’était la raison de mon passage, et nous avons parlé de notr
1917 ivais à ce moment un livre sur la Suisse, c’était la raison de mon passage, et nous avons parlé de notre pays, fraternisé
1918 e immodéré de ses aspects variés et insolites, de l’ Appenzell où Alberto avait fait son service et gagné un galon de bon t
1919 e et gagné un galon de bon tireur — moi aussi, je l’ ai eu ! m’écriai-je — jusqu’à Soglio tout proche et ses palais alpestr
1920 alais alpestres. Et quel paysage autour de nous ! Le clocher aigu de l’église ; de maigres peupliers noueux sur des pentes
1921 quel paysage autour de nous ! Le clocher aigu de l’ église ; de maigres peupliers noueux sur des pentes bosselées et semée
1922 s bosselées et semées de rochers, et tout en haut les futs très effilés du Piz Duan, des pics de la Sciora. Volcaniques ? O
1923 ut les futs très effilés du Piz Duan, des pics de la Sciora. Volcaniques ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto aimait à le
1924 ics de la Sciora. Volcaniques ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto aimait à le conduire sur ces pentes désertes, au pied
1925 es ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto aimait à le conduire sur ces pentes désertes, au pied démesuré des roches surgiss
1926 ssantes qu’une force irrésistible allongeait vers le haut. Émotion de pressentir derrière l’œuvre, accident du génie humai
1927 eait vers le haut. Émotion de pressentir derrière l’ œuvre, accident du génie humain, et ces accidents telluriques, une mêm
22 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). André Breton à New York (8-9 octobre 1966)
1928 André Breton à New York (8-9 octobre 1966)ad La guerre, l’exil américain, ses violentes dérives intimes, cette longue
1929 ton à New York (8-9 octobre 1966)ad La guerre, l’ exil américain, ses violentes dérives intimes, cette longue aliénation
1930 de Paris, puis un symbole (refusé mais sacré) de la révolte inefficace, aux yeux sévères des jeunes mouvements personnali
1931 rant du Village, à New York. (20 juin 1942, selon le journal que je tenais alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencont
1932 nal que je tenais alors.) Deux jours plus tôt, je l’ avais rencontré à l’Office of War Information, où je venais de prendre
1933 ors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’ Office of War Information, où je venais de prendre un poste. J’écrivai
1934 poste. J’écrivais deux longs textes par jour : «  La Voix de l’Amérique parle aux Français », et j’avais deux équipes d’« 
1935 crivais deux longs textes par jour : « La Voix de l’ Amérique parle aux Français », et j’avais deux équipes d’« announcers 
1936 s », et j’avais deux équipes d’« announcers » qui les lisaient en alternant les voix devant le micro : parmi eux, le peintr
1937 es d’« announcers » qui les lisaient en alternant les voix devant le micro : parmi eux, le peintre Ozenfant (qui vient de m
1938 s » qui les lisaient en alternant les voix devant le micro : parmi eux, le peintre Ozenfant (qui vient de mourir), Lévi-St
1939 n alternant les voix devant le micro : parmi eux, le peintre Ozenfant (qui vient de mourir), Lévi-Strauss, un des fils Pit
1940 rouvé ce moyen de gagner juste de quoi vivre sans la moindre compromission avec tous les snobismes à l’affût.) Il se plaig
1941 uoi vivre sans la moindre compromission avec tous les snobismes à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que duran
1942 a moindre compromission avec tous les snobismes à l’ affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années pa
1943 s rencontrer. « Ce sont de ces conneries ! Et que l’ on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive de
1944 us parlons certes de ce qui peut nous rapprocher, l’ amour-passion, les troubadours, la psychanalyse, Saint-John Perse, mai
1945 de ce qui peut nous rapprocher, l’amour-passion, les troubadours, la psychanalyse, Saint-John Perse, mais aussi de ce qui
1946 ous rapprocher, l’amour-passion, les troubadours, la psychanalyse, Saint-John Perse, mais aussi de ce qui doit nous oppose
1947 orales et religieuses. Et nous voici bientôt dans l’ euphorie de la contestation en convergence heureuse ! À quelques jours
1948 gieuses. Et nous voici bientôt dans l’euphorie de la contestation en convergence heureuse ! À quelques jours de là, il me
1949 us rencontrer « mécaniquement en quelque sorte ». L’ OWI eut ceci de bon de nous en assurer l’occasion quotidienne. Le cu
1950 sorte ». L’OWI eut ceci de bon de nous en assurer l’ occasion quotidienne. Le culte d’une pierre bleue Dès notre premi
1951 bon de nous en assurer l’occasion quotidienne. Le culte d’une pierre bleue Dès notre première vraie rencontre, j’ava
1952 e dont je pense bien que personne ne parlera dans les centaines d’articles à paraître ces prochains jours. C’est que Breton
1953 ces prochains jours. C’est que Breton, pour toute la haine vigilante qu’il n’a cessé de vouer sa vie durant aux manifestat
1954 llence. C’est même sans doute parce qu’il jugeait le christianisme trop peu religieux qu’il le dénigrait sans relâche. Il
1955 jugeait le christianisme trop peu religieux qu’il le dénigrait sans relâche. Il voulait un rituel, des mystères, une adora
1956 règle à lui, bien entendu, une rigueur folle dans le défi qui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’il avait d
1957 du, une rigueur folle dans le défi qui rejoignait l’ Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’il avait découvert au fond de l’é
1958 e dit ce soir-là qu’il avait découvert au fond de l’ échoppe d’un cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisant
1959 couvert au fond de l’échoppe d’un cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la mère Angélique Arnau
1960 fond de l’échoppe d’un cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la mère Angélique Arnaud et de Mara
1961 le Morvan, les deux portraits se faisant face de la mère Angélique Arnaud et de Marat : l’accord du jansénisme et du jaco
1962 nt face de la mère Angélique Arnaud et de Marat : l’ accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénération de l’artisan
1963 t : l’accord du jansénisme et du jacobinisme dans la vénération de l’artisan lui semblait des plus exaltants. Or, il n’est
1964 ansénisme et du jacobinisme dans la vénération de l’ artisan lui semblait des plus exaltants. Or, il n’est rien de commun a
1965 , il n’est rien de commun aux deux doctrines hors le grand ton de rigueur fanatique qui était l’un des aspects de la poési
1966 e rigueur fanatique qui était l’un des aspects de la poésie selon Breton, autrement dit, de sa « religion ». Il en tirait
1967 es, à grands éclats de voix soudains, en rejetant la tête en arrière, et la victime disparaissait dans les ténèbres du deh
1968 voix soudains, en rejetant la tête en arrière, et la victime disparaissait dans les ténèbres du dehors, éjectée, déjetée,
1969 tête en arrière, et la victime disparaissait dans les ténèbres du dehors, éjectée, déjetée, insultée jusqu’à l’âme. D’autre
1970 res du dehors, éjectée, déjetée, insultée jusqu’à l’ âme. D’autres fois, il se contentait d’un ou deux coups d’épingle très
1971 très courtois, ou d’une épithète gouailleuse, et le disciple flatté hier encore au-delà de ses plus folles espérances, s’
1972 t s’approuver dans leur cœur, parce que Breton ne les avait pas admis et célébrés !) J’ai vu plus d’une scène de ce genre a
1973 yau quelques peintres qui allaient changer là-bas le cours des arts, Max Ernst, Matta, Tanguy, parfois Masson et toujours
1974 rnst, Matta, Tanguy, parfois Masson et toujours «  l’ artiste-inventeur » Marcel Duchamp, père du pop art vingt ans plus tar
1975 sses de café, une ou deux soirées par semaine, et l’ on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de tél
1976 t du diable ). J’allais chez lui, il me lisait de la poésie sur un ton d’emphase contenue, en marchant à grands pas dans s
1977 nue, en marchant à grands pas dans son studio : «  L’ Européen le plus moderne, c’est vous pape Pie X ! », criait-il en décl
1978 chant à grands pas dans son studio : « L’Européen le plus moderne, c’est vous pape Pie X ! », criait-il en déclamant Zone.
1979 X ! », criait-il en déclamant Zone. Ce pape-là ne le gênait pas : c’était un vers d’Apollinaire. (Mais tout de même, la li
1980 ’était un vers d’Apollinaire. (Mais tout de même, la litanie du Christ aviateur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’il me
1981 tout de même, la litanie du Christ aviateur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier
1982 le même poème…) C’est ainsi qu’il me lut un jour l’ Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’une belle écriture sa
1983 insistait pour m’en lire des chapitres décrivant le travail et les plaisirs « réglés » des ouvriers, de l’utopie phalanst
1984 r m’en lire des chapitres décrivant le travail et les plaisirs « réglés » des ouvriers, de l’utopie phalanstérienne. On eût
1985 avail et les plaisirs « réglés » des ouvriers, de l’ utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il était le premier à découvrir
1986 eurs outrances et tout ce qui procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut refuser d’accorder aux écrivains réf
1987 formateurs de la première moitié du xixe siècle, le bénéfice de l’extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’est mieux défin
1988 a première moitié du xixe siècle, le bénéfice de l’ extrême fraîcheur. » Jamais Breton ne s’est mieux défini. Je pense au
1989 tait temps d’aller regarder de plus près qu’on ne l’ avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jansénistes
1990 ne l’avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ ancêtre des jansénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait là-dessus des bi
1991 t sans nul rapport avec celui qu’avait canonisé «  l’ Obscurantisme ». Un dimanche matin à New York, au bas de Madison Avenu
1992 ntement à pas de rêve. « Je pensais, me dit-il, à la religion qu’il faut absolument fonder, et pourquoi ne pas la fonder s
1993 qu’il faut absolument fonder, et pourquoi ne pas la fonder sur le culte d’une pierre bleue ? » Changer la vie La gr
1994 solument fonder, et pourquoi ne pas la fonder sur le culte d’une pierre bleue ? » Changer la vie La grande contradic
1995 er sur le culte d’une pierre bleue ? » Changer la vie La grande contradiction qui a tendu l’arc d’une existence poét
1996 culte d’une pierre bleue ? » Changer la vie La grande contradiction qui a tendu l’arc d’une existence poétique si ha
1997 ger la vie La grande contradiction qui a tendu l’ arc d’une existence poétique si hautement exemplaire à tant d’égards,
1998 gards, c’est qu’il voulait tout à la fois changer la vie par une sédition passionnelle (« la beauté sera convulsive ou ne
1999 s changer la vie par une sédition passionnelle («  la beauté sera convulsive ou ne sera pas ») et la régler jusqu’au moindr
2000 (« la beauté sera convulsive ou ne sera pas ») et la régler jusqu’au moindre soupir. Autoritaire et libertaire, anarchiste
2001 libertaire, anarchiste et sacerdotal, rhéteur de la révolte et précieux ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire
2002 précieux ajusteur de mallarméens bibelots, entre le délire et l’extrême rigueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin
2003 steur de mallarméens bibelots, entre le délire et l’ extrême rigueur il n’a jamais cessé d’inventer un chemin qui ne pouvai
2004 que j’appelle ici d’un terme signifiant pour moi la relation d’un homme au transcendant, sa vocation. ad. Rougemont D
23 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jacques Chenevière ou la précision des sentiments (22-23 octobre 1966)
2005 Jacques Chenevière ou la précision des sentiments (22-23 octobre 1966)ae La mémoire a ses
2006 écision des sentiments (22-23 octobre 1966)ae La mémoire a ses caprices ; l’oubli même peut devenir, non sans mélancol
2007 3 octobre 1966)ae La mémoire a ses caprices ; l’ oubli même peut devenir, non sans mélancolie, une sagesse à peine voul
2008 esse à peine voulue… Furtifs retours : un visage, les parfums d’une maison rustique ; une rue de Paris où l’on se hâte vers
2009 rfums d’une maison rustique ; une rue de Paris où l’ on se hâte vers l’école ; le travail, et au fil des années, sa longue
2010 rustique ; une rue de Paris où l’on se hâte vers l’ école ; le travail, et au fil des années, sa longue amitié souvent dif
2011 ; une rue de Paris où l’on se hâte vers l’école ; le travail, et au fil des années, sa longue amitié souvent difficile. De
2012 ficile. Des rires. Des jours aussi qui touchent à l’ histoire. Et des adieux… Seules donc m’ont guidé — ou égaré — les subt
2013 des adieux… Seules donc m’ont guidé — ou égaré — les subtiles connivences du hasard et du souvenir. Je cite ces phrases c
2014 moires, c’est plutôt sa mémoire elle-même qui est le sujet du livre, et comme son véritable auteur. Ces souvenirs ne seron
2015 érieur (non sans certains repentirs ici ou là, où l’ art le dispute au scrupule), de visions « furtives » mais aiguës, d’ou
2016 (non sans certains repentirs ici ou là, où l’art le dispute au scrupule), de visions « furtives » mais aiguës, d’oublis r
2017 guës, d’oublis révélateurs peut-être, obéissant à la seule logique des sentiments. D’où le pouvoir émouvant de tant de ces
2018 obéissant à la seule logique des sentiments. D’où le pouvoir émouvant de tant de ces pages. À vrai dire, il y a là deux ou
2019 dans ma jeunesse, ils croyaient dur comme fer à «  l’ unité », l’unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ennui — un peu comme
2020 nesse, ils croyaient dur comme fer à « l’unité », l’ unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ennui — un peu comme dans le No
2021 l’unité », l’unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ ennui — un peu comme dans le Nouveau Roman.) Cette variété de styles,
2022 ix, fût-ce au prix de l’ennui — un peu comme dans le Nouveau Roman.) Cette variété de styles, de thèmes et de registres me
2023 s « seulement » un écrivain. Une seconde vocation le requiert, dès le seuil de l’âge d’homme ; elle menace souvent d’accap
2024 n écrivain. Une seconde vocation le requiert, dès le seuil de l’âge d’homme ; elle menace souvent d’accaparer ses énergies
2025 Une seconde vocation le requiert, dès le seuil de l’ âge d’homme ; elle menace souvent d’accaparer ses énergies aux dépens
2026 ce souvent d’accaparer ses énergies aux dépens de l’ œuvre personnelle, elle pourra tour à tour l’aliéner (comme on dit) ou
2027 s de l’œuvre personnelle, elle pourra tour à tour l’ aliéner (comme on dit) ou le rassurer sur lui-même, mais finalement el
2028 le pourra tour à tour l’aliéner (comme on dit) ou le rassurer sur lui-même, mais finalement elle n’aura pas contaminé son
2029 elle n’aura pas contaminé son art d’écrire « pour le plaisir ». Je pense à des récits comme Valets, Reines, Rois, Daphné,
2030 des récits comme Valets, Reines, Rois, Daphné, ou la Jeune Fille de Neige, qui n’ont rien de philanthropique. (Ils ravissa
2031 ncontres et de récits qui mettent en scène tantôt l’ auteur (surtout dans sa jeunesse, et jamais sans humour), tantôt des p
2032 et jamais sans humour), tantôt des personnages de l’ histoire politique et littéraire d’un passé proche, nous font passer e
2033 , nous font passer et repasser sans transition de la prose à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bur
2034 passer et repasser sans transition de la prose à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dramat
2035 transition de la prose à la poésie, d’un salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dramatiquement improvisés de la
2036 se d’Art aux bureaux dramatiquement improvisés de la naissante Agence des prisonniers de guerre, et de l’évocation d’une a
2037 naissante Agence des prisonniers de guerre, et de l’ évocation d’une adolescence parisienne à celle d’une inénarrable incor
2038 e en culotte Saumur et casquette de yachting dans l’ armée suisse de 1914. Sans transition, mais non sans art : après une s
2039 rne d’un comique insidieux et digne du modèle, où l’ on voit Proust lunaire, distrait et intense à la fois, paraître au seu
2040 que fait la première phrase du chapitre suivant : Le Tanébeau mais le Vanéfort ! criée par le garde-chasse du mas de Campu
2041 ère phrase du chapitre suivant : Le Tanébeau mais le Vanéfort ! criée par le garde-chasse du mas de Campuget (près de Nîme
2042 uivant : Le Tanébeau mais le Vanéfort ! criée par le garde-chasse du mas de Campuget (près de Nîmes). « Bou Diou ! ce vent
2043 ). « Bou Diou ! ce vent-là risque d’emporter même le soleil ! » Mais après le monde des enfances, entre le monde des lettr
2044 à risque d’emporter même le soleil ! » Mais après le monde des enfances, entre le monde des lettres et celui de l’action —
2045 oleil ! » Mais après le monde des enfances, entre le monde des lettres et celui de l’action — et l’on dirait ici qu’un nou
2046 enfances, entre le monde des lettres et celui de l’ action — et l’on dirait ici qu’un nouveau livre se propose — quelques
2047 re le monde des lettres et celui de l’action — et l’ on dirait ici qu’un nouveau livre se propose — quelques événements sil
2048 de campagne à vendre ; à travers un paysage où «  l’ orage de mai, proche et grondant de foudres mauves, laisse dans l’air
2049 proche et grondant de foudres mauves, laisse dans l’ air un goût de silex » ; seul dans la nuit avec soi-même ; ou devant l
2050 laisse dans l’air un goût de silex » ; seul dans la nuit avec soi-même ; ou devant l’épreuve profonde, la mort du père. C
2051 x » ; seul dans la nuit avec soi-même ; ou devant l’ épreuve profonde, la mort du père. Ces dernières pages du livre, intit
2052 uit avec soi-même ; ou devant l’épreuve profonde, la mort du père. Ces dernières pages du livre, intitulées « Sans date »,
2053 ncier », vainement d’ailleurs, sont admirables. L’ agence des prisonniers Descriptions d’une mémoire ; et ce qu’elle a
2054 gardé, et qui revit en ce recueil, va devenir par la grâce d’un art très sûr un peu de la mémoire de chaque lecteur. Je sa
2055 devenir par la grâce d’un art très sûr un peu de la mémoire de chaque lecteur. Je sais bien les images que je n’oublierai
2056 peu de la mémoire de chaque lecteur. Je sais bien les images que je n’oublierai plus, que j’aimerais évoquer ici, mais beau
2057 quer ici, mais beaucoup ne sont pas de celles que l’ on peut désigner facilement, faites d’atmosphère, de sentiment, et d’u
2058 imaginant. Presque rien n’eût été enregistré par l’ objectif (si bien nommé) et pourtant quelque chose s’est passé puisque
2059 quelque chose s’est passé puisque en demeure dans le souvenir cette trace toujours vive, cette vision. Je rappellerai donc
2060 scènes plus faciles à identifier historiquement. La création de l’Agence des prisonniers de guerre, dès l’automne de 1914
2061 ciles à identifier historiquement. La création de l’ Agence des prisonniers de guerre, dès l’automne de 1914. Notre cyclist
2062 éation de l’Agence des prisonniers de guerre, dès l’ automne de 1914. Notre cycliste volontaire rappelé à Genève par Gustav
2063 esse. Et une autre : « À Gustave Adoré, Genève. » La marée monte de semaine en semaine, sans reflux. (Durant la Seconde Gu
2064 monte de semaine en semaine, sans reflux. (Durant la Seconde Guerre mondiale, il y aura certains jours où l’Agence recevra
2065 onde Guerre mondiale, il y aura certains jours où l’ Agence recevra 40 000 documents !) Plus de mille volontaires travaille
2066 llent bientôt. Un jour on annonce à Chenevière et l’ on pilote vers lui entre les fichiers un monsieur « frêle et comme fri
2067 nnonce à Chenevière et l’on pilote vers lui entre les fichiers un monsieur « frêle et comme frileux malgré un gros pardessu
2068 ouleur, posé sur un col haut, tout droit, empesé. Le regard ne me quittait pas. — Quel travail préféreriez-vous, Monsieur 
2069 Romain Rolland. Il venait de publier Au-dessus de la Mêlée et vivait à Villeneuve, réaliste utopique, « en une sorte de sé
2070 une sorte de sérénité meurtrie ». Mussolini et les raisins Plus tard, c’est à la veille de l’autre guerre mondiale, u
2071 Mussolini et les raisins Plus tard, c’est à la veille de l’autre guerre mondiale, une délégation du CICR se rend à R
2072 ion du CICR se rend à Rome pour essayer de sauver les blessés bombardés par les Italiens en Éthiopie. Visite au Duce, très
2073 pour essayer de sauver les blessés bombardés par les Italiens en Éthiopie. Visite au Duce, très cambré. Max Huber fait son
2074 ber fait son exposé. Mussolini répond, Chenevière l’ observe. « Il est dressé, les mains au bord de la table — où je remarq
2075 ni répond, Chenevière l’observe. « Il est dressé, les mains au bord de la table — où je remarque soudain une coupe emplie d
2076 l’observe. « Il est dressé, les mains au bord de la table — où je remarque soudain une coupe emplie de beaux raisins pâle
2077 une coupe emplie de beaux raisins pâles. Il tient le menton haut… L’œil est impérieux, mais impérieux dans le vide, semble
2078 de beaux raisins pâles. Il tient le menton haut… L’ œil est impérieux, mais impérieux dans le vide, semble-t-il, car il fi
2079 on haut… L’œil est impérieux, mais impérieux dans le vide, semble-t-il, car il fixe on ne sait quel objet imaginaire bien
2080 imaginaire bien au-delà de nos personnes, quoique l’ attention soit évidente, concentrée. » Tout s’étant bien passé, les dé
2081 évidente, concentrée. » Tout s’étant bien passé, les délégués s’en vont. « Je ne pus me retenir de regarder, deux secondes
2082 n épaule : Mussolini, de dos, était arrêté devant la table officielle. Plus du tout cambré, il piquait des raisins avec un
2083 s chapitres ici ou là, et qui se multiplient vers la fin du recueil (mais souvent trop rapides à mon gré, par excès de pud
2084 n gré, par excès de pudeur peut-être, ou comme si l’ auteur redoutait de s’exposer trop longtemps aux rayons du souvenir) r
2085 trop longtemps aux rayons du souvenir) rappellent les amis disparus, un beau groupe d’écrivains de sa génération : Guy de P
2086 rivains de sa génération : Guy de Pourtalès parmi les pêcheurs du Léman, ou à Bayreuth, Robert de Traz à la Revue de Genèv
2087 êcheurs du Léman, ou à Bayreuth, Robert de Traz à la Revue de Genève (dont Chenevière fut codirecteur), Pierre Girard bl
2088 rre Girard blotti dans un bar ou poussant du pied les feuilles mortes du Molard, Jean-Louis Vaudoyer, Émile Henriot, Edmond
2089 , René Boylesve, Anna de Noailles, Marcel Proust. La présentation du petit Jacques, âgé de 13 ans, à Sarah Bernhardt dans
2090 encontres à Genève et à Paris, sont décrites dans le registre d’un comique assez vif, mais l’amitié ou l’émotion président
2091 tes dans le registre d’un comique assez vif, mais l’ amitié ou l’émotion président seules aux évocations de Copeau, de Ludm
2092 registre d’un comique assez vif, mais l’amitié ou l’ émotion président seules aux évocations de Copeau, de Ludmilla Pitoëff
2093 e Jaques-Dalcroze, pour lequel Chenevière a écrit le livret des Premiers Souvenirs. Et le passage à Lausanne de Liane de P
2094 ière a écrit le livret des Premiers Souvenirs. Et le passage à Lausanne de Liane de Pougy — devenue mondiale et vraie prin
2095 ndiale et vraie princesse — est l’un des épisodes les plus proustiens du livre. Mais voici beaucoup mieux encore dans cette
2096 es du livre raconte avec une légèreté miraculeuse le séjour d’un jeune homme amusé dans un château près de Strasbourg où l
2097 homme amusé dans un château près de Strasbourg où l’ accueillent gentiment Mélanie et Pauline — comtesse de Pourtalès et pr
2098 et qui furent de ces grandes corolles posées sur la prairie auprès de l’Impératrice, dans le tableau célèbre de Winterhal
2099 grandes corolles posées sur la prairie auprès de l’ Impératrice, dans le tableau célèbre de Winterhalter. Le dialogue de c
2100 sées sur la prairie auprès de l’Impératrice, dans le tableau célèbre de Winterhalter. Le dialogue de ces deux dettes du Se
2101 ratrice, dans le tableau célèbre de Winterhalter. Le dialogue de ces deux dettes du Second Empire, l’une « aux yeux couleu
2102 omposait Worth trente ans plus tôt pour un bal de la Cour (« Avouez que nous étions un peu rivales… »), s’élève jusqu’au s
2103 un peu rivales… »), s’élève jusqu’au sublime dans la frivolité et touche aux ravissements d’une poésie pure. Quels sont le
2104 he aux ravissements d’une poésie pure. Quels sont les secrets de l’écriture qui anime ainsi tant d’images, et si variées ?
2105 ents d’une poésie pure. Quels sont les secrets de l’ écriture qui anime ainsi tant d’images, et si variées ? Allons les rec
2106 anime ainsi tant d’images, et si variées ? Allons les rechercher dans les enfances et surtout les adolescences du poète, qu
2107 mages, et si variées ? Allons les rechercher dans les enfances et surtout les adolescences du poète, qui sont triples : l’é
2108 llons les rechercher dans les enfances et surtout les adolescences du poète, qui sont triples : l’élocution bien déliée du
2109 out les adolescences du poète, qui sont triples : l’ élocution bien déliée du Parisien, la chaleur drôle du Méridional et l
2110 nt triples : l’élocution bien déliée du Parisien, la chaleur drôle du Méridional et la retenue parfois un peu rêveuse du G
2111 ée du Parisien, la chaleur drôle du Méridional et la retenue parfois un peu rêveuse du Genevois, voilà de quoi se fait un
2112 un style, unique dans nos lettres romandes. Entre le Paul Morand des descriptions de la Belle Époque, rapide, aigu, docume
2113 omandes. Entre le Paul Morand des descriptions de la Belle Époque, rapide, aigu, documenté jusqu’au dernier bouton de guêt
2114 , documenté jusqu’au dernier bouton de guêtre, et les ellipses un peu nippones des plus récents recueils de Jacques Chardon
2115 ivre transmet quelque chose qui n’a pas de prix : les secrets de l’usage d’une civilisation. Je l’intitule par-devers moi l
2116 uelque chose qui n’a pas de prix : les secrets de l’ usage d’une civilisation. Je l’intitule par-devers moi la précision de
2117 x : les secrets de l’usage d’une civilisation. Je l’ intitule par-devers moi la précision des sentiments. Si vous croyez qu
2118 d’une civilisation. Je l’intitule par-devers moi la précision des sentiments. Si vous croyez qu’un sentiment, c’est vague
2119 ière, vous y découvrirez comment jouent notamment l’ adjectif infaillible, comique ou émouvant, qui est avec le mouvement e
2120 if infaillible, comique ou émouvant, qui est avec le mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et
2121 comique ou émouvant, qui est avec le mouvement et l’ allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste es
2122 mouvant, qui est avec le mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste est linguistiq
2123 i est avec le mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste est linguistique, dirait
2124 mouvement et l’allure de la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste est linguistique, dirait Verlaine s’il
2125 la phrase, le sérieux de la littérature. Et tout le reste est linguistique, dirait Verlaine s’il revenait parmi nous.
2126 ae. Rougemont Denis de, « Jacques Chenevière ou la précision des sentiments », Gazette de Lausanne (supplément littérair
24 1967, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). J. Robert Oppenheimer (25 février 1967)
2127 t de rochers rouges, brûlé d’implacables soleils, les puissances les mieux calculées dans leur opération physique et les mo
2128 uges, brûlé d’implacables soleils, les puissances les mieux calculées dans leur opération physique et les moins calculables
2129 s mieux calculées dans leur opération physique et les moins calculables dans leur retentissement humain, marquant ainsi l’h
2130 s dans leur retentissement humain, marquant ainsi l’ histoire du Nouveau Monde par un éclat « plus clair que mille soleils 
2131 que mille soleils », cet homme était d’Europe par les mesures et les affinités de sa pensée, mais il me donnait l’impressio
2132 ls », cet homme était d’Europe par les mesures et les affinités de sa pensée, mais il me donnait l’impression de représente
2133 us quelque chose de bien plus ancien. Parfois, en l’ écoutant, en le voyant de près, méditatif, je songeais à la race du ph
2134 e de bien plus ancien. Parfois, en l’écoutant, en le voyant de près, méditatif, je songeais à la race du pharaon, fondateu
2135 t, en le voyant de près, méditatif, je songeais à la race du pharaon, fondateur dans cet autre désert d’El-Amarna, d’une c
2136 Amarna, d’une cité du Soleil absolu : il en avait la sensitivité, l’ossature délicate allongée, le large regard rayonnant
2137 té du Soleil absolu : il en avait la sensitivité, l’ ossature délicate allongée, le large regard rayonnant et ce sens mysti
2138 ait la sensitivité, l’ossature délicate allongée, le large regard rayonnant et ce sens mystique étranger à toute espèce de
2139 lument séculiers » insistait-il. Mais une fois je l’ entendis murmurer, avec un demi-sourire : « Peut-être suis-je plus chr
2140 hrétien que quiconque… Il faudra bien que je vous l’ explique quand nous serons seuls. » C’était il y a deux ans, je ne dev
2141 uls. » C’était il y a deux ans, je ne devais plus le revoir. Il aimait citer la Bhagavad-Gita, qu’il lisait en sanscrit. I
2142 ans, je ne devais plus le revoir. Il aimait citer la Bhagavad-Gita, qu’il lisait en sanscrit. Il connaissait à fond notre
2143 e homme, il avait rêvé un sonnet en français : il l’ écrivit au réveil et le publia dans la petite revue de poésie d’avant-
2144 un sonnet en français : il l’écrivit au réveil et le publia dans la petite revue de poésie d’avant-garde The Hound and the
2145 ançais : il l’écrivit au réveil et le publia dans la petite revue de poésie d’avant-garde The Hound and the Horn. Infinime
2146 roger au-delà de vous-même. Il avait une aura, il le savait, un prestige un peu douloureux qu’il portait avec juste assez
25 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Entretien avec Denis de Rougemont (6-7 avril 1968)
2147 avec Denis de Rougemont (6-7 avril 1968)ag ah La publication de Journal d’une époque de Denis de Rougemont constitue
2148 mont constitue, actuellement, l’un des événements les plus importants de la vie littéraire. Pour l’élaboration de ce dense
2149 ement, l’un des événements les plus importants de la vie littéraire. Pour l’élaboration de ce dense recueil, qui groupe L
2150 ts les plus importants de la vie littéraire. Pour l’ élaboration de ce dense recueil, qui groupe Le Paysan du Danube , Jo
2151 ur l’élaboration de ce dense recueil, qui groupe Le Paysan du Danube , Journal d’un intellectuel en chômage , Journal d
2152 ellectuel en chômage , Journal des deux mondes , l’ auteur a entamé une manière de dialogue avec son œuvre, ajoutant aux t
2153 dans sa maison de Ferney-Voltaire, qui est comme le signe sensible de la situation que l’écrivain n’a cessé d’occuper dan
2154 rney-Voltaire, qui est comme le signe sensible de la situation que l’écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture de notre
2155 i est comme le signe sensible de la situation que l’ écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture de notre temps : à proxim
2156 situation que l’écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture de notre temps : à proximité, le regard rencontre les champs
2157 per dans la culture de notre temps : à proximité, le regard rencontre les champs et les arbres de la campagne genevoise ;
2158 de notre temps : à proximité, le regard rencontre les champs et les arbres de la campagne genevoise ; à cinq minutes, cepen
2159  : à proximité, le regard rencontre les champs et les arbres de la campagne genevoise ; à cinq minutes, cependant, vous ave
2160 , le regard rencontre les champs et les arbres de la campagne genevoise ; à cinq minutes, cependant, vous avez Cointrin, l
2161  ; à cinq minutes, cependant, vous avez Cointrin, l’ ouverture sur le monde. Pendant que j’écoutais la voix calme et lucide
2162 s, cependant, vous avez Cointrin, l’ouverture sur le monde. Pendant que j’écoutais la voix calme et lucide de Denis de Rou
2163 l’ouverture sur le monde. Pendant que j’écoutais la voix calme et lucide de Denis de Rougemont parler de l’Europe, de la
2164 x calme et lucide de Denis de Rougemont parler de l’ Europe, de la personne, du langage, de notre univers, des avions passa
2165 cide de Denis de Rougemont parler de l’Europe, de la personne, du langage, de notre univers, des avions passant dans le ci
2166 angage, de notre univers, des avions passant dans le ciel apportaient comme un écho de la planète. Le principal morceau in
2167 passant dans le ciel apportaient comme un écho de la planète. Le principal morceau inédit, précise Denis de Rougemont, est
2168 le ciel apportaient comme un écho de la planète. Le principal morceau inédit, précise Denis de Rougemont, est Sur l’Auto
2169 ceau inédit, précise Denis de Rougemont, est Sur l’ Automne 1932 , qui joint Paysan du Danube et Journal d’un intellect
2170 es intellectuels de ma génération, j’ai découvert la crise où se trouvait la société. Des mouvements comme Esprit, L’Ordre
2171 énération, j’ai découvert la crise où se trouvait la société. Des mouvements comme Esprit, L’Ordre nouveau témoignèrent de
2172 e insatisfaction de notre sort. Nous pensions que la société où nous vivions était fichue, qu’on allait à des catastrophes
2173 hue, qu’on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolution, pour nous, signifiait refaire un ordre,
2174 à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolution, pour nous, signifiait refaire un ordre, là où menaçait la
2175 nous, signifiait refaire un ordre, là où menaçait la guerre, qui résume toutes les injustices. Nous étions frappés par l’a
2176 rdre, là où menaçait la guerre, qui résume toutes les injustices. Nous étions frappés par l’anarchie des pays dits démocrat
2177 me toutes les injustices. Nous étions frappés par l’ anarchie des pays dits démocratiques et par les réactions massives des
2178 par l’anarchie des pays dits démocratiques et par les réactions massives des pays totalitaires. Nous décelions également, c
2179 pays totalitaires. Nous décelions également, chez la bourgeoisie capitaliste, la dissolution du principe communautaire. L’
2180 lions également, chez la bourgeoisie capitaliste, la dissolution du principe communautaire. L’affirmation de principes de
2181 aliste, la dissolution du principe communautaire. L’ affirmation de principes de droit international ne servait, en fait, q
2182 s de droit international ne servait, en fait, que les nationalismes. Dans le groupement l’Ordre nouveau, nous nous attachio
2183 ne servait, en fait, que les nationalismes. Dans le groupement l’Ordre nouveau, nous nous attachions à une doctrine très
2184 nous attachions à une doctrine très rigoureuse de la personne qui débouchait sur l’idée de la fédération de l’Europe, liée
2185 très rigoureuse de la personne qui débouchait sur l’ idée de la fédération de l’Europe, liée à la notion d’une fédération d
2186 reuse de la personne qui débouchait sur l’idée de la fédération de l’Europe, liée à la notion d’une fédération des régions
2187 nne qui débouchait sur l’idée de la fédération de l’ Europe, liée à la notion d’une fédération des régions, concept actuell
2188 t sur l’idée de la fédération de l’Europe, liée à la notion d’une fédération des régions, concept actuellement repris d’ai
2189 concept actuellement repris d’ailleurs, même par le général de Gaulle. À cette époque, l’opposition du fascisme et de la
2190 s, même par le général de Gaulle. À cette époque, l’ opposition du fascisme et de la démocratie, pour des jeunes gens qui v
2191 e. À cette époque, l’opposition du fascisme et de la démocratie, pour des jeunes gens qui voulaient faire la révolution, n
2192 ocratie, pour des jeunes gens qui voulaient faire la révolution, n’était pas nette. Nous refusions aussi bien la dictature
2193 ion, n’était pas nette. Nous refusions aussi bien la dictature stalinienne du parti, que la dictature de l’État, telle que
2194 aussi bien la dictature stalinienne du parti, que la dictature de l’État, telle que l’incarnaient Hitler et Mussolini. Que
2195 ctature stalinienne du parti, que la dictature de l’ État, telle que l’incarnaient Hitler et Mussolini. Quels furent, au ni
2196 e du parti, que la dictature de l’État, telle que l’ incarnaient Hitler et Mussolini. Quels furent, au niveau des faits, le
2197 et Mussolini. Quels furent, au niveau des faits, les éléments importants de cet automne 1932 ? Beaucoup de choses sont sor
2198 ont sorties à ce moment-là : le premier numéro de la revue Esprit , le premier numéro de Hic et Nunc , une revue de pens
2199 nry Corbin, Roland de Pury, Albert-Marie Schmidt. Les théologiens et philosophes qui nourrissaient notre pensée étaient Kar
2200 is Arnaud Dandieu, Robert Aron et Alexandre Marc, le mouvement était d’inspiration proudhonienne, avec quelques influences
2201 s influences marxistes (du jeune Marx surtout). À l’ opposé du système hégélien, avec sa triade thèse, antithèse, synthèse,
2202 thèse, antithèse, synthèse, nous voulions laisser les choses dans leur état de tension. Quant à Esprit, son premier numéro
2203 é aux trois mouvements, n’ayant jamais voulu être l’ homme d’une seule secte. Peut-être adoptais-je, sans m’en douter une a
2204 ar ma volonté de ménager des intermédiaires entre les cultures, en faisant connaître, par exemple, Barth et Heidegger à un
2205 e, Barth et Heidegger à un public français qui ne les connaissait pas. Pour marquer une différence, je dirai que l’on trouv
2206 it pas. Pour marquer une différence, je dirai que l’ on trouvait, chez Esprit plus de méfiance pour les réalités scientifiq
2207 l’on trouvait, chez Esprit plus de méfiance pour les réalités scientifiques et techniques, qui nous intéressaient, à Hic
2208 à Hic et Nunc ai, comme moyens de libération de la personne. Nous étions également en relation avec Réaction, un mouveme
2209 ù se trouvait Thierry Maulnier. En décembre 1932, la Nouvelle Revue française faisait paraître un Cahier de revendicati
2210 Cahier de revendications , où s’exprimaient tous les mouvements partisans d’une révolution. En reprenant une vue d’ensembl
2211 relevé une évolution quant à votre conception de l’ Europe ? Je dirai que dans ces journaux, qui ne sont pas des mémoires
2212 s des mémoires et se tiennent à égale distance de la chronique et du journal intime, s’exprime l’évolution d’une sensibili
2213 e de la chronique et du journal intime, s’exprime l’ évolution d’une sensibilité européenne, beaucoup plus que des position
2214 nsibilité est assez fréquente en Suisse, située à la croisée des chemins. C’est ainsi que, Suisse français, je me suis nou
2215 nourri de Goethe, de Novalis, et de Hölderlin que les jeunes Français ne connaissaient pas. On peut d’ailleurs repérer un f
2216 mand qui nous est très proche et, chose curieuse, la langue ne constitue pas un barrage. J’ai d’ailleurs toujours, dans ma
2217 . J’ai d’ailleurs toujours, dans ma conception de la liberté, défendu la théorie de la pluralité des allégeances, de même
2218 ujours, dans ma conception de la liberté, défendu la théorie de la pluralité des allégeances, de même que le droit de fair
2219 a conception de la liberté, défendu la théorie de la pluralité des allégeances, de même que le droit de faire partie de pl
2220 orie de la pluralité des allégeances, de même que le droit de faire partie de plusieurs clubs. Je considère que ma patrie
2221 considère que ma patrie est Neuchâtel, ma nation la Suisse, ma nation culturelle la France, ma communauté spirituelle le
2222 châtel, ma nation la Suisse, ma nation culturelle la France, ma communauté spirituelle le protestantisme. Rien de tout cel
2223 n culturelle la France, ma communauté spirituelle le protestantisme. Rien de tout cela n’a les mêmes frontières et il se p
2224 rituelle le protestantisme. Rien de tout cela n’a les mêmes frontières et il se produit là un jeu complexe d’exclusions et
2225 à toute idée de nationalisme. Il faut multiplier les communautés d’aires différentes qui n’ont pas les mêmes bornes territ
2226 les communautés d’aires différentes qui n’ont pas les mêmes bornes territoriales. Cette indépendance par rapport au territo
2227 ne des grandes nouveautés du xxe siècle. Je vois l’ homme à la fois cosmopolite et enraciné. Je n’ai jamais senti la moind
2228 ois cosmopolite et enraciné. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à être d’un pays où j’ai des racines et à me sentir euro
2229 pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule chose inadmissible est d’être enfermé dans les frontières d’un
2230 seule chose inadmissible est d’être enfermé dans les frontières d’un État-nation. « L’orgueil national, a écrit Simone Wei
2231 e enfermé dans les frontières d’un État-nation. «  L’ orgueil national, a écrit Simone Weil, est loin de la vie quotidienne.
2232 rgueil national, a écrit Simone Weil, est loin de la vie quotidienne. » Je suis très sensible aux particularités d’un pays
2233 région, qu’il s’agisse du monde germanique ou de la France. Maintenir les contraires Dans la préface à votre livre,
2234 du monde germanique ou de la France. Maintenir les contraires Dans la préface à votre livre, vous écrivez ceci : « Ou
2235 de la France. Maintenir les contraires Dans la préface à votre livre, vous écrivez ceci : « Ou bien l’on intériorise
2236 face à votre livre, vous écrivez ceci : « Ou bien l’ on intériorise l’événement, ou bien l’on se projette en lui sous le ma
2237 e, vous écrivez ceci : « Ou bien l’on intériorise l’ événement, ou bien l’on se projette en lui sous le masque d’une relati
2238 : « Ou bien l’on intériorise l’événement, ou bien l’ on se projette en lui sous le masque d’une relation toujours prête à f
2239 l’événement, ou bien l’on se projette en lui sous le masque d’une relation toujours prête à fournir ses preuves d’objectiv
2240 crire ou décrire, en somme… » Cette tension entre la personne qui se crée et l’époque qu’elle vit n’est-elle pas la caract
2241  » Cette tension entre la personne qui se crée et l’ époque qu’elle vit n’est-elle pas la caractéristique fondamentale de v
2242 ui se crée et l’époque qu’elle vit n’est-elle pas la caractéristique fondamentale de votre vie et de votre œuvre ? Certain
2243 ent, et c’est un mouvement qui se retrouve à tous les niveaux. Je pense qu’il faut maintenir dans un individu l’exigence sp
2244 x. Je pense qu’il faut maintenir dans un individu l’ exigence spécifique, singulière, d’une vocation et l’exigence communau
2245 xigence spécifique, singulière, d’une vocation et l’ exigence communautaire. Dès 1932, je définissais la personne comme l’i
2246 ’exigence communautaire. Dès 1932, je définissais la personne comme l’individu que sa vocation distingue de la masse et re
2247 taire. Dès 1932, je définissais la personne comme l’ individu que sa vocation distingue de la masse et relie à la communaut
2248 nne comme l’individu que sa vocation distingue de la masse et relie à la communauté. Maintenir dans sa pensée deux réalité
2249 que sa vocation distingue de la masse et relie à la communauté. Maintenir dans sa pensée deux réalités antinomiques, vala
2250 es, valables l’une et l’autre, telle est pour moi la formule de base du fédéralisme. Maintenir les contraires, sans les su
2251 moi la formule de base du fédéralisme. Maintenir les contraires, sans les subordonner et sans les confondre ; ni séparatio
2252 se du fédéralisme. Maintenir les contraires, sans les subordonner et sans les confondre ; ni séparation ni confusion. Dans
2253 enir les contraires, sans les subordonner et sans les confondre ; ni séparation ni confusion. Dans cette perspective, j’env
2254 une théorie générale du fédéralisme qui irait de la personne à la fédération mondiale. Je tiens aussi beaucoup, dans le m
2255 énérale du fédéralisme qui irait de la personne à la fédération mondiale. Je tiens aussi beaucoup, dans le même esprit, à
2256 édération mondiale. Je tiens aussi beaucoup, dans le même esprit, à la nécessité conjointe de la pensée et de l’action ; «
2257 . Je tiens aussi beaucoup, dans le même esprit, à la nécessité conjointe de la pensée et de l’action ; « penser avec les m
2258 dans le même esprit, à la nécessité conjointe de la pensée et de l’action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’écri
2259 prit, à la nécessité conjointe de la pensée et de l’ action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’écris dans Journal
2260 l’action ; « penser avec les mains » ou, comme je l’ écris dans Journal d’un intellectuel en chômage  : « La pensée doit c
2261 s dans Journal d’un intellectuel en chômage  : «  La pensée doit conduire l’action : mais sans agir, elle n’est pas vraie
2262 ellectuel en chômage  : « La pensée doit conduire l’ action : mais sans agir, elle n’est pas vraie pensée. » ⁂ Quittant Fer
2263 s d’autres, terminent calmement leur journée sous le soleil, je me sens encore tout imprégné de la sagesse, à la fois mode
2264 ous le soleil, je me sens encore tout imprégné de la sagesse, à la fois moderne et profonde, d’un maître authentique. Mais
2265 oderne et profonde, d’un maître authentique. Mais la réalité reprend vite ses droits : avant d’emprunter l’autoroute, il m
2266 alité reprend vite ses droits : avant d’emprunter l’ autoroute, il me faut présenter ma carte d’identité au douanier ! L’Eu
2267 faut présenter ma carte d’identité au douanier ! L’ Europe des politiciens n’est pas encore celle des intellectuels, mais
2268 ur nous aider à ne pas désespérer complètement de l’ esprit. ag. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le Journal d’une épo
2269 esprit. ag. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le Journal d’une époque  », Gazette de Lausanne (supplément littéraire),
26 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut réinventer l’Université (29 juin 1968)
2270 Il faut réinventer l’ Université (29 juin 1968)aj En Suisse (comme en France, naguère enc
2271 rance, naguère encore), celui qui s’interroge sur le destin de l’Université commence par brider sévèrement son imagination
2272 e encore), celui qui s’interroge sur le destin de l’ Université commence par brider sévèrement son imagination, obsédé qu’i
2273 sévèrement son imagination, obsédé qu’il est par la crainte que ses projets ne soient pas « sérieux », c’est-à-dire puiss
2274 courant. Ce « réalisme » conduit au marasme ou à la révolution, selon le tempérament des peuples. Mais subitement, après
2275 me » conduit au marasme ou à la révolution, selon le tempérament des peuples. Mais subitement, après les nuits de mai du Q
2276 e tempérament des peuples. Mais subitement, après les nuits de mai du Quartier latin, ce qui était utopie devient nécessité
2277 in, ce qui était utopie devient nécessité, ce que l’ on qualifiait avec un sourire indulgent de Zukunftsmusik devient urgen
2278 ême est-il trop tard), et chacun d’affirmer qu’il l’ avait toujours dit… Sans plus de précautions, et pour faire court, je
2279 ques thèses des réflexions parfois anciennes5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’est-ce que l’Université ? À sa naissanc
2280 5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’est-ce que l’ Université ? À sa naissance, aux xiie et xiiie siècles, c’est une co
2281 ce et s’administre elle-même. Elle est formée par la totalité (universitas) des maîtres et des élèves, et en même temps el
2282 s et des élèves, et en même temps elle représente la totalité des savoirs acquis et des recherches en cours (universitas s
2283 rsitas scientiarum). Au sein de cette communauté, les idées sont débattues selon la méthode scolastique du sic et non (le d
2284 cette communauté, les idées sont débattues selon la méthode scolastique du sic et non (le débat des pour et des contre) m
2285 ttues selon la méthode scolastique du sic et non ( le débat des pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser d
2286 c et non (le débat des pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’époque, Abélard. La
2287 débat des pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’époque, Abélard. La substance de
2288 la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’ époque, Abélard. La substance de cette Université est donc la disputat
2289 re à penser des jeunes gens de l’époque, Abélard. La substance de cette Université est donc la disputatio, confrontation p
2290 bélard. La substance de cette Université est donc la disputatio, confrontation permanente et contestation méthodique, port
2291 ermanente et contestation méthodique, portant sur les fondements mêmes, théologiques, philosophiques et juridiques, de la s
2292 s, théologiques, philosophiques et juridiques, de la société. À côté de cela et avant cela (propédeutique) on enseigne les
2293 de cela et avant cela (propédeutique) on enseigne les « arts libéraux », lettres et sciences nécessaires aux professions di
2294 ons dites libérales. (Quelques champions étudient les sept arts, et réussissent à tout savoir.) En fonction d’un certain
2295 tout savoir.) En fonction d’un certain sens de la vie 2. Au sens du mot que je viens de définir, l’Université n’exis
2296 vie 2. Au sens du mot que je viens de définir, l’ Université n’existe plus. Ce qu’on persiste à décorer de ce nom n’est
2297 . Ce qu’on persiste à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’une quantité variable d’écoles professionnelles, dite
2298 n à se dire, ni au fond rien à faire ensemble. 3. L’ Université au vrai sens du terme et les écoles professionnelles ou fac
2299 nsemble. 3. L’Université au vrai sens du terme et les écoles professionnelles ou facultés ont des finalités différentes, pr
2300 s finalités différentes, presque contradictoires. Les écoles préparent à des métiers : elles servent la Production. L’Unive
2301 es écoles préparent à des métiers : elles servent la Production. L’Université devrait préparer à juger, évaluer, orienter
2302 rent à des métiers : elles servent la Production. L’ Université devrait préparer à juger, évaluer, orienter les esprits et
2303 rsité devrait préparer à juger, évaluer, orienter les esprits et les activités : elle aurait pour fonction de chercher et d
2304 réparer à juger, évaluer, orienter les esprits et les activités : elle aurait pour fonction de chercher et de dire le Sens
2305 elle aurait pour fonction de chercher et de dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle soit amené
2306 t pour fonction de chercher et de dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’au nom du Sens, elle soit amenée à contest
2307 t qu’au nom du Sens, elle soit amenée à contester les finalités productivistes de la plupart des écoles. 4. Les méthodes, e
2308 lités productivistes de la plupart des écoles. 4. Les méthodes, elles aussi, sont différentes, voire opposées. Pour les éco
2309 les aussi, sont différentes, voire opposées. Pour les écoles ou facultés : acquisition, apprentissage, initiation correcte
2310 , initiation correcte aux savoirs existants. Pour l’ Université véritable : évaluation critique, recherche, initiative créa
2311 e. Là, on s’efforce de « s’adapter aux besoins de la société », ici, on chercherait plutôt les moyens d’adapter la société
2312 soins de la société », ici, on chercherait plutôt les moyens d’adapter la société à un certain Sens… 5. Une école doit norm
2313 , ici, on chercherait plutôt les moyens d’adapter la société à un certain Sens… 5. Une école doit normalement déboucher su
2314 ement déboucher sur un job. Elle doit donc, comme le dit un de nos magistrats, « favoriser une meilleure connaissance des
2315 une meilleure connaissance des débouchés ». Mais le rôle d’une Université digne du nom serait plutôt de favoriser de meil
2316 it plutôt de favoriser de meilleurs débouchés sur la connaissance. 6. Celui qui veut apprendre un métier pour en vivre n’a
2317 pprendre un métier pour en vivre n’a que faire de la contestation. Et celui qui entend contester la société n’a que faire
2318 de la contestation. Et celui qui entend contester la société n’a que faire d’une « étude des débouchés ». Cependant, avant
2319 de des débouchés ». Cependant, avant de contester la société, il serait bon de la connaître par l’une au moins de ses acti
2320 , avant de contester la société, il serait bon de la connaître par l’une au moins de ses activités. L’école professionnell
2321 la connaître par l’une au moins de ses activités. L’ école professionnelle ou faculté doit donc précéder l’Université, et l
2322 ole professionnelle ou faculté doit donc précéder l’ Université, et l’une ne peut se désintéresser des problèmes de l’autre
2323 sser des problèmes de l’autre. 7. Je propose que l’ on traite ces problèmes par la méthode fédéraliste, dont je vais donne
2324 7. Je propose que l’on traite ces problèmes par la méthode fédéraliste, dont je vais donner le principe. 8. Définition c
2325 s par la méthode fédéraliste, dont je vais donner le principe. 8. Définition chinoise du fédéralisme : « La rencontre de l
2326 incipe. 8. Définition chinoise du fédéralisme : «  La rencontre de l’oreille et des bruits. » Définition courante en Suisse
2327 ition chinoise du fédéralisme : « La rencontre de l’ oreille et des bruits. » Définition courante en Suisse mais fausse : l
2328 ts. » Définition courante en Suisse mais fausse : le micronationalisme cantonal. Définition juste : l’adaptation des moyen
2329 le micronationalisme cantonal. Définition juste : l’ adaptation des moyens aux fins, c’est-à-dire des niveaux de décision a
2330 ités des différentes tâches qu’on se propose. 9. Le fédéralisme, au contraire du nationalisme cantonal, ne consiste pas à
2331 loir tout partout et à tout prix, mais à répartir les activités selon leurs dimensions aux étages communautaires correspond
2332 cole polytechnique pour tel autre : elles exigent la coopération de plusieurs cantons, ou la dimension nationale. De même,
2333 s exigent la coopération de plusieurs cantons, ou la dimension nationale. De même, les recherches nucléaires sont trop gra
2334 eurs cantons, ou la dimension nationale. De même, les recherches nucléaires sont trop grandes pour la Suisse, exigent la di
2335 les recherches nucléaires sont trop grandes pour la Suisse, exigent la dimension continentale, etc. Tous les problèmes de
2336 léaires sont trop grandes pour la Suisse, exigent la dimension continentale, etc. Tous les problèmes des écoles profession
2337 sse, exigent la dimension continentale, etc. Tous les problèmes des écoles professionnelles ou facultés devraient être revu
2338 s devraient être revus à l’aide de cette méthode, la seule à mon avis qui ait le droit de se réclamer du fédéralisme. 10.
2339 ide de cette méthode, la seule à mon avis qui ait le droit de se réclamer du fédéralisme. 10. Pourquoi des universités ? Q
2340 universitaire par excellence, et qui définit même la fonction spécifique de l’Université : une école, en effet, ne saurait
2341 ce, et qui définit même la fonction spécifique de l’ Université : une école, en effet, ne saurait se la poser. Il faut l’Un
2342 l’Université : une école, en effet, ne saurait se la poser. Il faut l’Université parce qu’un centre de contestation est in
2343 école, en effet, ne saurait se la poser. Il faut l’ Université parce qu’un centre de contestation est indispensable à tout
2344 e type européen, d’une part pour faire progresser le savoir (recherches au-delà de l’usage prévisible et sans tenir compte
2345 faire progresser le savoir (recherches au-delà de l’ usage prévisible et sans tenir compte des « besoins de l’économie »),
2346 prévisible et sans tenir compte des « besoins de l’ économie »), d’autre part pour orienter la société, c’est-à-dire formu
2347 oins de l’économie »), d’autre part pour orienter la société, c’est-à-dire formuler ses options fondamentales, évaluer et
2348 es principes communautaires et ses finalités. 11. L’ Université doit donc comprendre deux genres ou ordres d’activité disti
2349 nres ou ordres d’activité distincts mais reliés : les recherches et la contestation. Dans l’un, on poussera les spécialisat
2350 ctivité distincts mais reliés : les recherches et la contestation. Dans l’un, on poussera les spécialisations au plus haut
2351 erches et la contestation. Dans l’un, on poussera les spécialisations au plus haut degré pour chaque discipline ; dans l’au
2352 étuelle mise en question de chaque discipline par les autres (et c’est ce qu’on peut nommer : recherche interdisciplinaire)
2353 peut nommer : recherche interdisciplinaire). 12. Les dimensions optimales d’un groupe de recherche sont restées celles d’u
2354 et de manières variables, en départements, selon la nature des recherches. 13. Les cours ex cathedra doivent être conserv
2355 départements, selon la nature des recherches. 13. Les cours ex cathedra doivent être conservés : ainsi quand il s’agit d’ex
2356 être conservés : ainsi quand il s’agit d’exposer les recherches inédites qu’un maître est en train de faire et qui peuvent
2357 peuvent intéresser beaucoup d’étudiants. Une fois la recherche terminée et « enseignée » une ou deux fois, on remplacera l
2358 et « enseignée » une ou deux fois, on remplacera le cours par des groupes de discussion sur le texte polycopié et plus ta
2359 lacera le cours par des groupes de discussion sur le texte polycopié et plus tard, publié. 14. Un professeur ne devrait pa
2360 ellectuel, s’il enseigne dans une Université. 15. Les recherches spécialisées en physique, chimie, astronomie, etc., sont t
2361 tc., sont trop chères pour une ville, un canton : la concentration des moyens au niveau national (voire international) et
2362 t dans un seul lieu, s’impose donc. Au contraire, les recherches interdisciplinaires (sciences humaines) sont peu coûteuses
2363 d’espace, et peuvent s’organiser n’importe où, à la campagne, dans un village ou dans une ville. Cependant les unes ont b
2364 gne, dans un village ou dans une ville. Cependant les unes ont besoin des autres : une certaine mobilité des chercheurs, en
2365 enseignants et étudiants est donc indispensable à la vie d’une Université digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu’un
2366 lles et Université. Ce qu’il faut redouter, c’est la subordination de la recherche aux besoins de la société et notamment
2367 Ce qu’il faut redouter, c’est la subordination de la recherche aux besoins de la société et notamment de son industrie. Ca
2368 t la subordination de la recherche aux besoins de la société et notamment de son industrie. Car une société, de même qu’un
2369 té, de même qu’une science ou une technique, dont les principes ne seraient pas remis en question et « contestés » par l’Un
2370 raient pas remis en question et « contestés » par l’ Université, dépérirait ou serait balayée. Tandis qu’une Université sub
2371 t balayée. Tandis qu’une Université subordonnée à la société, donc privée de liberté dans la critique et de gratuité dans
2372 rdonnée à la société, donc privée de liberté dans la critique et de gratuité dans l’imagination, cesserait du même coup d’
2373 e de liberté dans la critique et de gratuité dans l’ imagination, cesserait du même coup d’être une Université, et n’aurait
2374 isparaître. 17. Une Université digne du nom, dont le rôle serait d’orienter les options fondamentales de notre société, en
2375 sité digne du nom, dont le rôle serait d’orienter les options fondamentales de notre société, en fonction d’un certain Sens
2376 e notre société, en fonction d’un certain Sens de la vie (à découvrir, assumer, critiquer et rénover sans relâche), redevi
2377 érats d’écoles professionnelles (ou facultés) que l’ on s’obstine encore à nommer des universités. 18. Il ne faut pas détru
2378 ités. 18. Il ne faut pas détruire ce qui existe — les écoles professionnelles (ou facultés) — mais éliminer ce qui empêche
2379 s) — mais éliminer ce qui empêche d’exister bien ( le micronationalisme cantonal, notamment) et ce qui fait croire que l’Un
2380 me cantonal, notamment) et ce qui fait croire que l’ Université existe encore (routines, vanités, ignorance surtout, sans p
2381 tines, vanités, ignorance surtout, sans parler de la peur d’imaginer). Par-dessus tout cela, il faut réinventer une Univer
2382 enter une Université digne du nom. Car sans elle, les écoles professionnelles, l’économie, et la société tout entière sont
2383 nom. Car sans elle, les écoles professionnelles, l’ économie, et la société tout entière sont menacées de perdre le sens,
2384 elle, les écoles professionnelles, l’économie, et la société tout entière sont menacées de perdre le sens, en même temps q
2385 t la société tout entière sont menacées de perdre le sens, en même temps que les moyens de s’en apercevoir. 5. Voir not
2386 ont menacées de perdre le sens, en même temps que les moyens de s’en apercevoir. 5. Voir notamment mon discours prononcé
2387 5. Voir notamment mon discours prononcé devant les 200 recteurs européens réunis à Göttingen, et publié par la Gazette l
2388 teurs européens réunis à Göttingen, et publié par la Gazette littéraire, en novembre 1964. aj. Rougemont Denis de, « Il
2389 4. aj. Rougemont Denis de, « Il faut réinventer l’ université », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 2
27 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’écrivain et l’événement (7-8 septembre 1968)
2390 L’ écrivain et l’événement (7-8 septembre 1968)ak J’ai longtemps réflé
2391 L’écrivain et l’ événement (7-8 septembre 1968)ak J’ai longtemps réfléchi aux rappor
2392 968)ak J’ai longtemps réfléchi aux rapports de l’ écrivain et de l’événement se définissant l’un par l’autre, se mettant
2393 ngtemps réfléchi aux rapports de l’écrivain et de l’ événement se définissant l’un par l’autre, se mettant l’un l’autre en
2394 ivre paru à Paris s’ouvrait par un chapitre sur «  l’ engagement du clerc », sa nécessité et sa vanité, voire son ridicule t
2395 cule toujours possible. Depuis ce temps lointain, la notion d’engagement a fait demi-tour dans l’esprit du public : on cro
2396 ain, la notion d’engagement a fait demi-tour dans l’ esprit du public : on croit bonnement qu’un auteur engagé est celui qu
2397 t celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un parti, quand il s’agit de prendre une position publiqu
2398 quand il s’agit de prendre une position publique. L’ engagement supposait à mon sens tout le contraire : responsabilité ple
2399 publique. L’engagement supposait à mon sens tout le contraire : responsabilité pleine et entière — non seulement publiée
2400 sumée, non seulement frondeuse mais aimante et, à l’ extrême, sacrificielle — d’une personne et de sa pensée en corps à cor
2401 ne personne et de sa pensée en corps à corps avec l’ époque. « Présence au monde et à soi-même conjointement », disais-je e
2402 j’ose dire, moral, philosophique et religieux. De l’ intime à l’ultime, il supposait un passage obligé par le « proxime »,
2403 moral, philosophique et religieux. De l’intime à l’ ultime, il supposait un passage obligé par le « proxime », la proximit
2404 me à l’ultime, il supposait un passage obligé par le « proxime », la proximité, le prochain, c’est-à-dire la cité humaine,
2405 l supposait un passage obligé par le « proxime », la proximité, le prochain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage é
2406 passage obligé par le « proxime », la proximité, le prochain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage était le lieu d
2407 roxime », la proximité, le prochain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage était le lieu de l’engagement. Est-il enc
2408 c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage était le lieu de l’engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : quel
2409 e la cité humaine, et ce passage était le lieu de l’ engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : quelle peut êtr
2410 lle peut être aujourd’hui, au fait et au prendre, la responsabilité de l’écrivain dans la cité ? ⁂ Responsable est celui q
2411 ’hui, au fait et au prendre, la responsabilité de l’ écrivain dans la cité ? ⁂ Responsable est celui qui peut dire, dans un
2412 au prendre, la responsabilité de l’écrivain dans la cité ? ⁂ Responsable est celui qui peut dire, dans une situation donn
2413 ne situation donnée : j’en réponds ! Mais de quoi l’ écrivain comme tel peut-il répondre, sinon de son œuvre elle-même, de
2414 ar quelque prise de position occasionnelle face à l’ événement historique qu’un écrivain est engagé — ou non. Dans le fait,
2415 storique qu’un écrivain est engagé — ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écrivain d’un côté et l’év
2416 écrivain est engagé — ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écrivain d’un côté et l’événement de l’a
2417 Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’ écrivain d’un côté et l’événement de l’autre, deux objets qu’on pourra
2418 oncret vécu, il n’y a pas l’écrivain d’un côté et l’ événement de l’autre, deux objets qu’on pourrait isoler, séparer ou ra
2419 nt social ou politique n’existe en soi sans qu’on l’ ait exprimé, nommé, écrit, avant ou après la date que l’Histoire lui a
2420 qu’on l’ait exprimé, nommé, écrit, avant ou après la date que l’Histoire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’é
2421 exprimé, nommé, écrit, avant ou après la date que l’ Histoire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’écriture ! Nu
2422 te que l’Histoire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par lui
2423 ire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’ écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par lui-même événemen
2424 u nom qui ne soit par lui-même événement, et dont l’ œuvre ne constitue une partie de la réalité qu’il croit décrire quand
2425 ement, et dont l’œuvre ne constitue une partie de la réalité qu’il croit décrire quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc parle
2426 partie de la réalité qu’il croit décrire quand il l’ écrit… ⁂ On ne peut donc parler que de différents modes de relations e
2427 parler que de différents modes de relations entre l’ œuvre et l’époque. Pour simplifier, je distinguerai trois types d’aute
2428 de différents modes de relations entre l’œuvre et l’ époque. Pour simplifier, je distinguerai trois types d’auteurs qui se
2429 s d’auteurs qui se définissent par leur rapport à l’ événement : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains no
2430 i se définissent par leur rapport à l’événement : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains nomment l’utopis
2431 ssent par leur rapport à l’événement : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains nomment l’utopiste. 1. Le l
2432 ort à l’événement : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains nomment l’utopiste. 1. Le ludion réagit passiv
2433 contestateur et le prophète, que certains nomment l’ utopiste. 1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’est pas en
2434 le prophète, que certains nomment l’utopiste. 1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’est pas engagé mais immer
2435 ent l’utopiste. 1. Le ludion réagit passivement à l’ époque : il n’est pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les co
2436 est pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les courants locaux et superficiels ou profonds et en formation, sans ess
2437 ait aucune envie, soit qu’il désespère d’en avoir les moyens, ou nie que ces moyens puissent même exister. La plupart des c
2438 être rangés dans cette catégorie très vaste, dont la limite inférieure serait symbolisée par le nom de Françoise Sagan, lu
2439 , dont la limite inférieure serait symbolisée par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode, et la limite supé
2440 par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode, et la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, révélateur p
2441 e Françoise Sagan, ludion des moods à la mode, et la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, révélateur par l’angoiss
2442 des moods à la mode, et la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, révélateur par l’angoisse du syndrome totalitaire
2443 érieure par le nom de Franz Kafka, révélateur par l’ angoisse du syndrome totalitaire tel qu’il se constituait alors dans l
2444 e totalitaire tel qu’il se constituait alors dans l’ inconscient des peuples. Entre ces deux extrêmes, des chroniqueurs du
2445 mps comme Fitzgerald, Morand, Moravia, Proust, et le T. S. Eliot du Waste Land, sans le témoignage desquels la société de
2446 ia, Proust, et le T. S. Eliot du Waste Land, sans le témoignage desquels la société de l’époque n’eût pas eu son portrait
2447 Eliot du Waste Land, sans le témoignage desquels la société de l’époque n’eût pas eu son portrait tiré, et n’eût assumé d
2448 e Land, sans le témoignage desquels la société de l’ époque n’eût pas eu son portrait tiré, et n’eût assumé devant l’Histoi
2449 pas eu son portrait tiré, et n’eût assumé devant l’ Histoire son visage et son style, conditions de l’événement. 2. Le con
2450 l’Histoire son visage et son style, conditions de l’ événement. 2. Le contestateur réagit contre l’époque et l’événement pa
2451 isage et son style, conditions de l’événement. 2. Le contestateur réagit contre l’époque et l’événement par l’analyse impi
2452 de l’événement. 2. Le contestateur réagit contre l’ époque et l’événement par l’analyse impitoyable, la description partia
2453 ent. 2. Le contestateur réagit contre l’époque et l’ événement par l’analyse impitoyable, la description partiale et sarcas
2454 stateur réagit contre l’époque et l’événement par l’ analyse impitoyable, la description partiale et sarcastique, le comiqu
2455 ’époque et l’événement par l’analyse impitoyable, la description partiale et sarcastique, le comique dévastant, le lyrisme
2456 itoyable, la description partiale et sarcastique, le comique dévastant, le lyrisme vengeur, la muflerie délibérée ou la di
2457 on partiale et sarcastique, le comique dévastant, le lyrisme vengeur, la muflerie délibérée ou la dignité offensée, activi
2458 stique, le comique dévastant, le lyrisme vengeur, la muflerie délibérée ou la dignité offensée, activités et attitudes dom
2459 ant, le lyrisme vengeur, la muflerie délibérée ou la dignité offensée, activités et attitudes dominées par une volonté vis
2460 comme Becket, Ionesco et Cioran, c’est-à-dire par le style de pensée polémique, le style de foi ou d’athéisme, l’imprécati
2461 n, c’est-à-dire par le style de pensée polémique, le style de foi ou d’athéisme, l’imprécation lyrique ou le masochisme tr
2462 pensée polémique, le style de foi ou d’athéisme, l’ imprécation lyrique ou le masochisme transcendantal : tout cela, en ta
2463 le de foi ou d’athéisme, l’imprécation lyrique ou le masochisme transcendantal : tout cela, en tant qu’écrivain, par les m
2464 nscendantal : tout cela, en tant qu’écrivain, par les moyens propres à l’écrivain. On peut aussi contester comme Trotski, R
2465 la, en tant qu’écrivain, par les moyens propres à l’ écrivain. On peut aussi contester comme Trotski, Romain Rolland, Koest
2466 in Rolland, Koestler, Sartre ou Marcuse : non par le style lui-même, indifférent, mais par le contenu idéologique d’un dis
2467 non par le style lui-même, indifférent, mais par le contenu idéologique d’un discours dont l’efficacité immédiate suffira
2468 ais par le contenu idéologique d’un discours dont l’ efficacité immédiate suffira. 3. Quant au prophète, que certains nomme
2469 ffira. 3. Quant au prophète, que certains nomment l’ utopiste, c’est toute la grande poésie d’Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschy
2470 ète, que certains nomment l’utopiste, c’est toute la grande poésie d’Isaïe à l’Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin
2471 ’utopiste, c’est toute la grande poésie d’Isaïe à l’ Apocalypse, d’Eschyle à Dante, de Hölderlin à Nietzsche et à Rimbaud,
2472 à Nietzsche et à Rimbaud, mais c’est aussi toute l’ imagination de la « vraie vie », de Thomas More et Tommaso Campanella
2473 Rimbaud, mais c’est aussi toute l’imagination de la « vraie vie », de Thomas More et Tommaso Campanella à Swift, Rousseau
2474 u et Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Marx et Mao. Le prophète sent l’époque (bien mieux que le ludion) dans la mesure où i
2475 Fourier, Proudhon, Marx et Mao. Le prophète sent l’ époque (bien mieux que le ludion) dans la mesure où il la refuse (bien
2476 et Mao. Le prophète sent l’époque (bien mieux que le ludion) dans la mesure où il la refuse (bien plus radicalement que le
2477 ète sent l’époque (bien mieux que le ludion) dans la mesure où il la refuse (bien plus radicalement que le contestateur) m
2478 e (bien mieux que le ludion) dans la mesure où il la refuse (bien plus radicalement que le contestateur) mais s’il la juge
2479 esure où il la refuse (bien plus radicalement que le contestateur) mais s’il la juge et la refuse, c’est au nom d’une visi
2480 plus radicalement que le contestateur) mais s’il la juge et la refuse, c’est au nom d’une vision meilleure — qu’il annonc
2481 alement que le contestateur) mais s’il la juge et la refuse, c’est au nom d’une vision meilleure — qu’il annonce, illustre
2482 annonce, illustre, anticipe… Bien entendu — mais l’ ai-je assez laissé entendre — il y a de tout dans chaque catégorie, ce
2483 aque catégorie, cela va du pire au meilleur, mais le meilleur écrivain dans chaque catégorie peut se reconnaître au fait q
2484 ou restaurer une communauté Finalement, ce que la société peut attendre de l’écrivain confronté à sa crise et à l’événe
2485 Finalement, ce que la société peut attendre de l’ écrivain confronté à sa crise et à l’événement, c’est la donation d’un
2486 attendre de l’écrivain confronté à sa crise et à l’ événement, c’est la donation d’une mesure, la création de formes, de c
2487 vain confronté à sa crise et à l’événement, c’est la donation d’une mesure, la création de formes, de concepts, et l’expre
2488 et à l’événement, c’est la donation d’une mesure, la création de formes, de concepts, et l’expression de modes de sentir q
2489 ne mesure, la création de formes, de concepts, et l’ expression de modes de sentir qui donnent « un sens plus pur aux mots
2490 sentir qui donnent « un sens plus pur aux mots de la tribu », et instaurent ou restaurent une communauté. Cela comporte bi
2491 et au nom d’un autre régime qui ferait pire s’il le pouvait. Cela comporte : donner réponse, dire la réalité du monde nou
2492 le pouvait. Cela comporte : donner réponse, dire la réalité du monde nouveau que la révolte obscurément postule, car si e
2493 ner réponse, dire la réalité du monde nouveau que la révolte obscurément postule, car si elle le concevait elle le suscite
2494 u que la révolte obscurément postule, car si elle le concevait elle le susciterait au lieu de simplement « contester » du
2495 bscurément postule, car si elle le concevait elle le susciterait au lieu de simplement « contester » du passé. Cela compor
2496 ement « contester » du passé. Cela comporte aussi l’ éloge et le chant, l’illustration d’une communauté et d’une autorité h
2497 tester » du passé. Cela comporte aussi l’éloge et le chant, l’illustration d’une communauté et d’une autorité heureuse : «
2498 u passé. Cela comporte aussi l’éloge et le chant, l’ illustration d’une communauté et d’une autorité heureuse : « Sur trois
2499 prophète, c’est autant dire de fondateur. Ce que l’ écrivain doit au monde et à l’événement, c’est de les créer. Et ce qu’
2500 e fondateur. Ce que l’écrivain doit au monde et à l’ événement, c’est de les créer. Et ce qu’il faut attendre du meilleur é
2501 écrivain doit au monde et à l’événement, c’est de les créer. Et ce qu’il faut attendre du meilleur écrivain, c’est qu’il fa
2502 ivain, c’est qu’il fasse converger dans son œuvre le sentiment baudelairien de son époque, la révolte contre elle de tout
2503 on œuvre le sentiment baudelairien de son époque, la révolte contre elle de tout homme qui se veut tel, et l’annonce admir
2504 lte contre elle de tout homme qui se veut tel, et l’ annonce admirable d’un monde équilibré. ak. Rougemont Denis de, « 
2505 un monde équilibré. ak. Rougemont Denis de, «  L’ écrivain et l’événement », Gazette de Lausanne (supplément littéraire)
2506 ibré. ak. Rougemont Denis de, « L’écrivain et l’ événement », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 7–
28 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Vers l’Europe des régions [Entretien]
2507 Vers l’ Europe des régions [Entretien]al am Rentrant d’Amérique après la gu
2508 ons [Entretien]al am Rentrant d’Amérique après la guerre, j’avais compris qu’il était indispensable d’unir les Européen
2509 j’avais compris qu’il était indispensable d’unir les Européens. Non seulement nous-mêmes, mais les Américains aussi, avion
2510 nir les Européens. Non seulement nous-mêmes, mais les Américains aussi, avions besoin de cette union, c’est-à-dire du genre
2511 j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper de la partie culturelle du Mouvement européen. À partir du congrès de La Ha
2512 948 je me suis beaucoup penché sur ce problème de l’ union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais un
2513 nché sur ce problème de l’union des Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais une distinction entre unité
2514 te. Je fais une distinction entre unité et union. L’ unité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’on peut bâtir. Non
2515 e unité et union. L’unité existe ou n’existe pas. L’ union est ce que l’on peut bâtir. Non pas une uniformité mais un certa
2516 ’unité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’ on peut bâtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de contacts
2517 te base commune de culture et de civilisation est la condition sine qua non d’une union économique et politique. J’ai donc
2518 une union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen de la culture que je dirige depuis près de vingt ans
2519 dirige depuis près de vingt ans afin d’aider tous les mouvements qui se dessinent en faveur d’une coopération au niveau cul
2520 culturel. Nous avons réuni pour la première fois les directeurs d’administration d’agences atomiques de six pays avec le c
2521 ministration d’agences atomiques de six pays avec le concours de l’Unesco pour créer un laboratoire européen de recherches
2522 agences atomiques de six pays avec le concours de l’ Unesco pour créer un laboratoire européen de recherches nucléaires. Le
2523 un laboratoire européen de recherches nucléaires. Le CERN a été la réalisation de cette première initiative de notre centr
2524 européen de recherches nucléaires. Le CERN a été la réalisation de cette première initiative de notre centre. Nous avons
2525 side tout à fait par hasard. Nous avons coordonné les instituts d’études européennes qui étaient en train de se constituer
2526 enne d’éducation civique qui cherche à introduire l’ angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de l
2527 rche à introduire l’angle de vision européen dans la leçon d’histoire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tomb
2528 langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les grands États-nations comme la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Ital
2529 mbent en désuétude les grands États-nations comme la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie et même l’Allemagne fédéral
2530 suétude les grands États-nations comme la France, l’ Espagne, l’Angleterre, l’Italie et même l’Allemagne fédérale, afin de
2531 grands États-nations comme la France, l’Espagne, l’ Angleterre, l’Italie et même l’Allemagne fédérale, afin de faire repar
2532 nations comme la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’ Italie et même l’Allemagne fédérale, afin de faire repartir toute l’af
2533 France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie et même l’ Allemagne fédérale, afin de faire repartir toute l’affaire européenne
2534 ’Allemagne fédérale, afin de faire repartir toute l’ affaire européenne sur la base des régions, puisque vingt ans de tenta
2535 de faire repartir toute l’affaire européenne sur la base des régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’
2536 plan politique. Cette situation tient au fait que les États veulent garder leur souveraineté absolue, devenant ainsi eux-mê
2537 ur souveraineté absolue, devenant ainsi eux-mêmes l’ obstacle à toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’Europ
2538 ute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’ Europe sur les obstacles à toute union ! Notre espoir réside dans une
2539 union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à toute union ! Notre espoir réside dans une politique des
2540 éside dans une politique des régions. Par exemple l’ Italie est déjà divisée en dix régions par sa Constitution ; l’Allemag
2541 déjà divisée en dix régions par sa Constitution ; l’ Allemagne en 11 Länder ; et maintenant se dessine en France un grand m
2542 ui vient d’être appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en un certain nombre de régions. Je pense qu’on finira par se me
2543 ’on finira par se mettre d’accord assez vite pour la France sur une dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédérali
2544 ropéens est que ces régions, définies surtout par l’ économie, se définissent aussi par la culture et quelquefois par l’eth
2545 surtout par l’économie, se définissent aussi par la culture et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne
2546 finissent aussi par la culture et quelquefois par l’ ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problèm
2547 la culture et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe,
2548 et quelquefois par l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’un
2549 r l’ethnie comme dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de
2550 me dans le cas de la Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne s
2551 Bretagne ou de la Catalogne. Le problème n° 1 de l’ Europe, c’est l’union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous ser
2552 la Catalogne. Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’ union. Si l’union de l’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés pa
2553 . Le problème n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’ union de l’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar
2554 me n° 1 de l’Europe, c’est l’union. Si l’union de l’ Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-êtr
2555 ’Europe ne se fait pas, nous serons colonisés par le dollar et peut-être par une certaine idéologie marxiste — quoique cel
2556 ogie marxiste — quoique cela soit moins sûr. Mais le fait de ne plus être maîtres de notre destinée économique entraînerai
2557 potentiel européen considérable, dont finalement le monde entier subirait les conséquences. L’unification par le système
2558 dérable, dont finalement le monde entier subirait les conséquences. L’unification par le système des régions paraissait enc
2559 lement le monde entier subirait les conséquences. L’ unification par le système des régions paraissait encore parfaitement
2560 tier subirait les conséquences. L’unification par le système des régions paraissait encore parfaitement utopique il y a un
2561 t où de Gaulle a annoncé sa décision de dissoudre le Sénat pour le remplacer par une assemblée élue par les régions. Il y
2562 a annoncé sa décision de dissoudre le Sénat pour le remplacer par une assemblée élue par les régions. Il y a à ce sujet u
2563 énat pour le remplacer par une assemblée élue par les régions. Il y a à ce sujet une importante littérature en France qui e
2564 ujet une importante littérature en France qui est le pays le plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeunes s
2565 importante littérature en France qui est le pays le plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeunes sociologu
2566 re en France qui est le pays le plus concerné par la centralisation, grand nombre de jeunes sociologues et économistes fra
2567 omistes français s’étant penchés sur ce problème. L’ union mondiale ne sera concevable que s’il existe une solide fédératio
2568 existe une solide fédération européenne. Ce sera le point d’accrochage d’une organisation mondiale. Sans doute d’ici à di
2569 lé à doses variables — qui seront de plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront
2570 — qui seront de plus en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des lien
2571 en plus les vrais centres de la production et de la vie intellectuelle et auront entre elles des liens de toutes natures.
2572 proche un tissu plus solide que leurs liens avec les États-nations ; ceux-ci peu à peu tomberont en désuétude. Si les prob
2573 ns ; ceux-ci peu à peu tomberont en désuétude. Si les problèmes mondiaux dépendent en grande partie de la solution des prob
2574 problèmes mondiaux dépendent en grande partie de la solution des problèmes européens, c’est que l’unité du genre humain e
2575 de la solution des problèmes européens, c’est que l’ unité du genre humain est une invention des Européens. C’est l’Europe
2576 nre humain est une invention des Européens. C’est l’ Europe chrétienne qui a imaginé l’ensemble du genre humain en découvra
2577 uropéens. C’est l’Europe chrétienne qui a imaginé l’ ensemble du genre humain en découvrant les possibilités de fraternité
2578 imaginé l’ensemble du genre humain en découvrant les possibilités de fraternité universelle : « Désormais, disait saint Pa
2579 plus ni Juifs ni Grecs. » Cette responsabilité de l’ Europe s’oppose aux racismes et aux guerres d’extermination de races.
2580 racismes et aux guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importants sont à la racine d’ordre philosophique
2581 x guerres d’extermination de races. Les problèmes les plus importants sont à la racine d’ordre philosophique ou religieux.
2582 e races. Les problèmes les plus importants sont à la racine d’ordre philosophique ou religieux. Il s’agit de transposer su
2583 ophique ou religieux. Il s’agit de transposer sur les plans économique et politique les conséquences des options philosophi
2584 transposer sur les plans économique et politique les conséquences des options philosophiques et religieuses que l’on croit
2585 ces des options philosophiques et religieuses que l’ on croit justes. al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’Europ
2586 es. al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’ Europe des régions », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lau
2587 hristian Roux-Petel. Cet entretien, qui prend ici la forme d’un long propos rapporté, non d’un échange de questions et de
2588 ge de questions et de réponses, est introduit par le chapeau suivant : « Les récents pourparlers franco-allemands ont mont
2589 éponses, est introduit par le chapeau suivant : «  Les récents pourparlers franco-allemands ont montré l’urgence des problèm
2590 s récents pourparlers franco-allemands ont montré l’ urgence des problèmes européens. À cette occasion nous présentons l’ac
2591 lèmes européens. À cette occasion nous présentons l’ activité de Denis de Rougemont dans ce domaine, et son point de vue re
2592 s qui parleront cet hiver à Lausanne, invités par la Gazette littéraire. Le programme est composé de telle façon que tous
2593 er à Lausanne, invités par la Gazette littéraire. Le programme est composé de telle façon que tous les grands problèmes d’
2594 Le programme est composé de telle façon que tous les grands problèmes d’actualité seront traités par d’éminents spécialist
29 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)
2595 , ce devait être en 1937, 1938, je rejoignis dans l’ escalier de la NRF Henry Michaux, qui me dit en s’arrêtant sur le de
2596 re en 1937, 1938, je rejoignis dans l’escalier de la NRF Henry Michaux, qui me dit en s’arrêtant sur le dernier palier :
2597 tre cœur battre au moment de passer cette porte ? Le jour où moi, je ne sentirai plus cela, je me ferai honte. » Posons ce
2598 honte. » Posons ces deux phrases en couronne sur le tombeau de notre ami. Telle était notre attente et sa folle exigence 
2599 ce ; en ce temps-là. Elle s’adressait à cela dans la littérature dont il nous paraissait tout à fait évident que Paulhan d
2600 raissait tout à fait évident que Paulhan détenait les clefs et les mesures. (Mais c’était justement ce qu’il cherchait, com
2601 à fait évident que Paulhan détenait les clefs et les mesures. (Mais c’était justement ce qu’il cherchait, comme nous l’app
2602 c’était justement ce qu’il cherchait, comme nous l’ apprirent beaucoup plus tard les Fleurs de Tarbes !) Il n’avait encore
2603 rchait, comme nous l’apprirent beaucoup plus tard les Fleurs de Tarbes !) Il n’avait encore publié que deux ou trois petits
2604 x ou trois petits livres un peu trop parfaits par l’ écriture et la logique, et son autorité se fondait ailleurs : dans le
2605 its livres un peu trop parfaits par l’écriture et la logique, et son autorité se fondait ailleurs : dans le style de la N
2606 gique, et son autorité se fondait ailleurs : dans le style de la NRF . Ce n’était pas le sien, bien entendu, il ne récriv
2607 n autorité se fondait ailleurs : dans le style de la NRF . Ce n’était pas le sien, bien entendu, il ne récrivait pas nos
2608 ien entendu, il ne récrivait pas nos textes, mais le style de chacun des auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le
2609 os textes, mais le style de chacun des auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le même sans sa présence et sans son
2610 des auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le même sans sa présence et sans son attention. Il était à lui seul notr
2611 si différents ou opposés que nous fussions. C’est le seul directeur de revue littéraire qui ait jamais montré dans cet emp
2612 ans cet emploi ce qu’il faut appeler du génie. Et le plus libéral qu’on puisse imaginer ! La presse, depuis vingt ans, s’o
2613 génie. Et le plus libéral qu’on puisse imaginer ! La presse, depuis vingt ans, s’obstine à le traiter d’éminence grise de
2614 aginer ! La presse, depuis vingt ans, s’obstine à le traiter d’éminence grise de nos lettres. Il était tout le contraire :
2615 er d’éminence grise de nos lettres. Il était tout le contraire : un maître socratique, indemne de toute secrète volonté de
2616 arités (que d’autres nommeraient vocations) et il les respectait scrupuleusement, quitte à les provoquer ou débusquer par d
2617 s) et il les respectait scrupuleusement, quitte à les provoquer ou débusquer par des questions à l’improviste d’une mystifi
2618 n jour. Je me suis appliqué à relire Cicéron dans l’ espoir de le trouver surréaliste, eh bien, non, c’est décidément très
2619 e suis appliqué à relire Cicéron dans l’espoir de le trouver surréaliste, eh bien, non, c’est décidément très ennuyeux… »
2620 billets de quelques lignes aux collaborateurs de la revue : c’était toujours vif et pressant, et tout à trac ; comme la r
2621 toujours vif et pressant, et tout à trac ; comme la reprise d’un entretien interrompu par un coup de téléphone. Il dictai
2622 u par un coup de téléphone. Il dictait à sa femme les lettres moins intimes. Germaine et Jean, dans ce petit bureau mansard
2623 ermaine et Jean, dans ce petit bureau mansardé de la maison Gallimard, faisaient seuls, à eux deux, cette NRF qui a marq
2624 aient seuls, à eux deux, cette NRF qui a marqué le siècle littéraire comme nulle autre revue, nulle autre école. De 1925
2625 ais quelles exceptions près, ce qui a compté dans la littérature en création, c’est ce qui avait mérité son attention. Êtr
2626 rité son attention. Être accepté par lui, c’était la preuve, pas toujours suffisante mais nécessaire, qu’on avait quelques
2627 ttre qu’il m’ait écrite, en 1926. M’ayant lu dans la Revue de Genève , il me demandait « s’il m’intéresserait quelque jou
2628 s’il m’intéresserait quelque jour de collaborer à la NRF  ». J’étais admis ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la tabl
2629 la NRF  ». J’étais admis ! J’allais être reçu ! L’ on m’invita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel et Saint-John
2630 tais admis ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel et Saint-John Perse ! Étourdi
2631 voici devant Paulhan : comme il est grand ! C’est le plus grand écrivain que j’aie jamais connu : 1 m 90 je pense, larges
2632 r une pointe d’assent qui me lance, à peine passé la porte : « Mais il me semble que depuis des années je vous supplie de
2633 plie de nous donner des textes ! » Me voici mis à l’ aise, et mal à l’aise aussi. Un peu plus tard, il me confie, rêveur :
2634 igines protestantes. » Je dis : « Pourquoi ne pas les assumer ? » (Bien sûr qu’à cela, du moins, il n’a jamais songé.) Je l
2635 sûr qu’à cela, du moins, il n’a jamais songé.) Je l’ ai surpris, notre dialogue s’est noué, et il se poursuivra dans plusie
2636 à connaître. Je m’arrangerai pour y faire figurer les questions qu’il me soumettra (c’est sa manière de critiquer) après le
2637 nser avec les mains a été composée pour prévenir les objections qu’il avait faites à la seconde, dont je croyais d’abord q
2638 mme il signait ses brefs billets) a joué pour moi le rôle du lecteur idéal dont on suppute et redoute les exigences, de l’
2639 rôle du lecteur idéal dont on suppute et redoute les exigences, de l’interlocuteur invisible qui relit avec vous, par-dess
2640 déal dont on suppute et redoute les exigences, de l’ interlocuteur invisible qui relit avec vous, par-dessus votre épaule.
2641 er notera drôlement, à propos de mes Lettres sur la bombe atomique , que j’écris « un œil sur l’Éternel et l’autre sur Je
2642 sur la bombe atomique , que j’écris « un œil sur l’ Éternel et l’autre sur Jean Paulhan ». Ce qui m’engage à rapporter ces
2643 onnels… à combien d’entre nous, jeunes auteurs de l’ entre-deux-guerres ! Que dirai-je de plus aujourd’hui ? J’aurais aimé
2644 lus aujourd’hui ? J’aurais aimé pouvoir parler de l’ écrivain et pas seulement du grand patron en maïeutique de l’expressio
2645 et pas seulement du grand patron en maïeutique de l’ expression. Qu’on me permette au moins de recopier cette page des Fleu
2646 er cette page des Fleurs de Tarbes où je retrouve l’ étonnante liberté de jugement, mais les scrupules, la fraîcheur de l’a
2647 je retrouve l’étonnante liberté de jugement, mais les scrupules, la fraîcheur de l’attaque mais la précision du trait, l’én
2648 tonnante liberté de jugement, mais les scrupules, la fraîcheur de l’attaque mais la précision du trait, l’énergie bien men
2649 de jugement, mais les scrupules, la fraîcheur de l’ attaque mais la précision du trait, l’énergie bien menée mais l’humour
2650 ais les scrupules, la fraîcheur de l’attaque mais la précision du trait, l’énergie bien menée mais l’humour amusé (pas du
2651 raîcheur de l’attaque mais la précision du trait, l’ énergie bien menée mais l’humour amusé (pas du tout noir) qui restent
2652 la précision du trait, l’énergie bien menée mais l’ humour amusé (pas du tout noir) qui restent les vertus majeures de l’œ
2653 ais l’humour amusé (pas du tout noir) qui restent les vertus majeures de l’œuvre entière : Victor Hugo se prenait pour un
2654 du tout noir) qui restent les vertus majeures de l’ œuvre entière : Victor Hugo se prenait pour un pape, Lamartine pour u
2655 ce qu’un philosophe n’ose pas toujours espérer de la philosophie : il veut connaître ce que peut l’homme. Et Gide, ce qu’i
2656 de la philosophie : il veut connaître ce que peut l’ homme. Et Gide, ce qu’il est. Il suffirait à Claudel de reformer sur l
2657 qu’il est. Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris d’une société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moy
2658 l de reformer sur les débris d’une société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moyen Âge. Breton cependant exige
2659 ris d’une société laïque le monde sacral, tel que l’ a connu le Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe d’une éthique
2660 société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe d’une éthique nouvelle,
2661 ue l’a connu le Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe d’une éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime et la merv
2662 triomphe d’une éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime et la merveille. « La poésie, dit-il, a pour cela ses moyens, d
2663 ne éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime et la merveille. « La poésie, dit-il, a pour cela ses moyens, dont les homm
2664 lle, qui se fonde sur le crime et la merveille. «  La poésie, dit-il, a pour cela ses moyens, dont les hommes sous-estiment
2665 « La poésie, dit-il, a pour cela ses moyens, dont les hommes sous-estiment l’efficacité. » Il semble à Maurras suffisant, m
2666 ur cela ses moyens, dont les hommes sous-estiment l’ efficacité. » Il semble à Maurras suffisant, mais nécessaire, que l’éc
2667 semble à Maurras suffisant, mais nécessaire, que l’ écrivain maintienne au-dessus de l’eau toute une civilisation qui somb
2668 écessaire, que l’écrivain maintienne au-dessus de l’ eau toute une civilisation qui sombre. Je ne dis rien d’Alerte : la po
2669 ivilisation qui sombre. Je ne dis rien d’Alerte : la poésie lui semble chose si grave qu’il a pris le parti de se taire. J
2670 la poésie lui semble chose si grave qu’il a pris le parti de se taire. Je ne sais s’il est vrai que les hommes de lettres
2671 e parti de se taire. Je ne sais s’il est vrai que les hommes de lettres se soient contentés jadis de distraire d’honnêtes g
2672 ontentés jadis de distraire d’honnêtes gens. (Ils le disaient du moins.) Les plus modestes de nous attendent une religion,
2673 aire d’honnêtes gens. (Ils le disaient du moins.) Les plus modestes de nous attendent une religion, une morale, et le sens
2674 es de nous attendent une religion, une morale, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que le
2675 attendent une religion, une morale, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que les Lettres n
2676 de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’ esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pourrait tolérer, se de
2677 fin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pourrait tolérer, se demande un jeune
2678 n’autorise pas trop d’optimisme. Il se peut que les hommes soient devenus plus exigeants. Il se peut aussi que les Lettre
2679 ient devenus plus exigeants. Il se peut aussi que les Lettres soient devenues moins donnantes. Tout se passe comme s’il y a
2680 é, dont nous aurions perdu jusqu’au souvenir et à l’ idée. Mais non pas perdu tout à fait ni pour toujours, puisque ce « j
2681 œuvre, justement, qui nous en restitue mieux que l’ idée : la présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué de l’AFP anno
2682 ustement, qui nous en restitue mieux que l’idée : la présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué de l’AFP annonçant sa
2683 que l’idée : la présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué de l’AFP annonçant sa mort, décrit Paulhan comme « ce peti
2684 présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué de l’ AFP annonçant sa mort, décrit Paulhan comme « ce petit homme sec et ri
2685 aulhan comme « ce petit homme sec et ridé ». Tout le reste à l’avenant. La presse est allergique à tout ce qui n’est pas «
2686 t homme sec et ridé ». Tout le reste à l’avenant. La presse est allergique à tout ce qui n’est pas « le petit fait faux »
2687 a presse est allergique à tout ce qui n’est pas «  le petit fait faux » qui seul intéressera, croit-elle. an. Rougemont D
30 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Témoignage sur Bernard Barbey (7-8 février 1970)
2688 sûr prestige, en cette haute époque littéraire : les Éditions de la NRF et les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros
2689 n cette haute époque littéraire : les Éditions de la NRF et les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros — quel beau tit
2690 ute époque littéraire : les Éditions de la NRF et les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros — quel beau titre ! — sous
2691 ns de la NRF et les « Cahiers verts » de Grasset. Le Cœur gros — quel beau titre ! — sous la fameuse couverture verte m’ap
2692 Grasset. Le Cœur gros — quel beau titre ! — sous la fameuse couverture verte m’apportait les paysages pluvieux de plateau
2693  ! — sous la fameuse couverture verte m’apportait les paysages pluvieux de plateaux au pied du Jura qui avaient ému ma prim
2694 je me sentais touché, au double sens du mot, par la gloire naissante d’un jeune aîné qui venait de mon pays ou presque. U
2695 u second roman de Bernard Barbey : Il règne dans La Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui
2696 règne dans La Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où il se dévelo
2697 ristes et sans violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des deho
2698 ntenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre, on oublie son intrigue et la justesse de l’analyse pour ne plu
2699 ne fois fermé le livre, on oublie son intrigue et la justesse de l’analyse pour ne plus évoquer que des visions où se cond
2700 e livre, on oublie son intrigue et la justesse de l’ analyse pour ne plus évoquer que des visions où se condense le sentime
2701 ur ne plus évoquer que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans Le Cœur gros un parc avant l’orage, le rose
2702 isions où se condense le sentiment du récit. Dans Le Cœur gros un parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante e
2703 ntiment du récit. Dans Le Cœur gros un parc avant l’ orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Dan
2704 u récit. Dans Le Cœur gros un parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Dans La Mala
2705 e rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Dans La Maladère un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des
2706 d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Dans La Maladère un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un
2707 vent. Dans La Maladère un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver, et soudain, sous la
2708 s fumées sur un paysage d’hiver, et soudain, sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fureur adm
2709 s tordus de passion. Cette fureur admirable, dont la brutalité si longtemps désirée délivre le héros d’un passé obsédant,
2710 e, dont la brutalité si longtemps désirée délivre le héros d’un passé obsédant, d’une trop plaisante jeunesse.7 On devra
2711 bien republier ces deux romans très courts, dont l’ écho se prolonge dans ma mémoire. C’est moins la suite de la carrière
2712 t l’écho se prolonge dans ma mémoire. C’est moins la suite de la carrière littéraire de Bernard Barbey qui explique leur é
2713 prolonge dans ma mémoire. C’est moins la suite de la carrière littéraire de Bernard Barbey qui explique leur éclipse injus
2714 explique leur éclipse injuste et provisoire, que les deux ou trois autres carrières qu’il a connues avec de si constants s
2715 e si constants succès pour ceux qui savent — dans l’ armée, la diplomatie, et la vie internationale L’écrivain suisse, pres
2716 tants succès pour ceux qui savent — dans l’armée, la diplomatie, et la vie internationale L’écrivain suisse, presque toujo
2717 ceux qui savent — dans l’armée, la diplomatie, et la vie internationale L’écrivain suisse, presque toujours, fait presque
2718 l’armée, la diplomatie, et la vie internationale L’ écrivain suisse, presque toujours, fait presque toujours de la littéra
2719 uisse, presque toujours, fait presque toujours de la littérature, si bonne qu’elle soit. Mais l’aventure militaire de Barb
2720 rs de la littérature, si bonne qu’elle soit. Mais l’ aventure militaire de Barbey est singulière. Assurer la liaison ultras
2721 nture militaire de Barbey est singulière. Assurer la liaison ultrasecrète avec l’armée française en 1940, ce n’est pas rie
2722 singulière. Assurer la liaison ultrasecrète avec l’ armée française en 1940, ce n’est pas rien, ni commander ensuite l’éta
2723 en 1940, ce n’est pas rien, ni commander ensuite l’ état-major particulier d’un général en chef. Et, tôt après, sans trans
2724 f. Et, tôt après, sans transition, « promouvoir » la présence culturelle de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à
2725 nsition, « promouvoir » la présence culturelle de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’Unesco. Tous ces service
2726 présence culturelle de la Suisse à Paris, puis à l’ échelon mondial à l’Unesco. Tous ces services, rendus à son pays, aux
2727 de la Suisse à Paris, puis à l’échelon mondial à l’ Unesco. Tous ces services, rendus à son pays, aux dépens de son œuvre
2728 attentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’ on sentait si naturellement prêt à s’oublier lui-même ? C’est sans nul
2729 rêt à s’oublier lui-même ? C’est sans nul doute à la très amicale et délicate insistance de Berne que je dois d’avoir écri
2730 rne que je dois d’avoir écrit mes deux livres sur la Suisseap. « Romancier aux succès précoces, mémorialiste trop modeste,
2731 onel EMG, ministre plénipotentiaire », tel serait le résumé proprement helvétique d’une carrière qui eût été, en changeant
2732 d’un général, et de l’un des plus jeunes élus de l’ Académie. Mais là n’était pas son souci ! Et il nous suffisait, nous s
2733 nous suffisait, nous ses amis (mais avons-nous su le lui dire assez…) de pouvoir admirer, en lui, la parfaite élégance du
2734 u le lui dire assez…) de pouvoir admirer, en lui, la parfaite élégance du courage secret, du talent et de l’efficacité. C’
2735 faite élégance du courage secret, du talent et de l’ efficacité. C’est par des hommes de cette qualité que vaut la Suisse.
2736 é. C’est par des hommes de cette qualité que vaut la Suisse. 7. « Bernard Barbey : La Maladère (Grasset, Paris) », Bibl
2737 lité que vaut la Suisse. 7. « Bernard Barbey : La Maladère (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Gen
2738 anne, 7–8 février 1970, p. 21. ap. Il s’agit de La Confédération helvétique (1953) et de La Suisse ou l’histoire d’un
2739 it de La Confédération helvétique (1953) et de La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux (1965)
2740 fédération helvétique (1953) et de La Suisse ou l’ histoire d’un peuple heureux (1965)
31 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La cité européenne (18-19 avril 1970)
2741 La cité européenne (18-19 avril 1970)aq ar Mesdames et Messieurs, Je
2742 te, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’ unité d’une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’il
2743 unité d’une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients o
2744 onscients ou non de ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène et qui ne résulte pas d’un processus
2745 ntinomiques, provenant d’origines multiples, dont les contrastes et les combinaisons entretiennent des tensions renouvelées
2746 nant d’origines multiples, dont les contrastes et les combinaisons entretiennent des tensions renouvelées sans répit. Et de
2747 s tensions renouvelées sans répit. Et de là vient l’ irrépressible dynamisme qui a porté la civilisation européenne sur tou
2748 de là vient l’irrépressible dynamisme qui a porté la civilisation européenne sur tous les continents découverts tour à tou
2749 e qui a porté la civilisation européenne sur tous les continents découverts tour à tour, conquis par nos aventuriers puis l
2750 illés, mis en mouvement, fût-ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Et de là viennent aussi nos divisions morte
2751 ent, fût-ce contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Et de là viennent aussi nos divisions mortelles, nos efforts po
2752 t aussi nos divisions mortelles, nos efforts pour les surmonter par le recours à des instances universelles, et toutes les
2753 ons mortelles, nos efforts pour les surmonter par le recours à des instances universelles, et toutes les créations qui ne
2754 e recours à des instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de jaillir de cette discorde permanente. Dès
2755 sent de jaillir de cette discorde permanente. Dès l’ aube de la philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’Ionie où
2756 illir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’Ionie où prit nais
2757 dans l’une de ces cités d’Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire, Héraclite écrivait cette phrase décisi
2758 vait cette phrase décisive, qu’il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : « Ce qui s’oppose coopère, et de
2759 écisive, qu’il faut tenir pour la formule même de l’ unité européenne : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contr
2760 ité européenne : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂ De ce temps
2761 se coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂ De ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à
2762 ncourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée : l’
2763 ien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’un et du divers, l’unité d
2764 de notre histoire et le ressort de notre pensée : l’ antinomie de l’un et du divers, l’unité dans la diversité, et la coexi
2765 notre pensée : l’antinomie de l’un et du divers, l’ unité dans la diversité, et la coexistence féconde des contraires. La
2766  : l’antinomie de l’un et du divers, l’unité dans la diversité, et la coexistence féconde des contraires. La Grèce invente
2767 l’un et du divers, l’unité dans la diversité, et la coexistence féconde des contraires. La Grèce invente la cité et la fo
2768 ersité, et la coexistence féconde des contraires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des citoyens à la f
2769 xistence féconde des contraires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des citoyens à la fois libres et res
2770 conde des contraires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des citoyens à la fois libres et responsables,
2771 traires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des citoyens à la fois libres et responsables, mais elle inv
2772 s libres et responsables, mais elle invente aussi l’ analyse critique, elle la conduit à ses dernières conséquences, découv
2773 mais elle invente aussi l’analyse critique, elle la conduit à ses dernières conséquences, découvre ainsi l’idée de l’atom
2774 duit à ses dernières conséquences, découvre ainsi l’ idée de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individual
2775 dernières conséquences, découvre ainsi l’idée de l’ atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellé
2776 ces, découvre ainsi l’idée de l’atome et celle de l’ individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manq
2777 si l’idée de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’appel
2778 l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’ individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’appeler la tyrann
2779 sme hellénistique qui ne manqueront pas d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et
2780 ppeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’ anarchie, invente l’État et les institutions centralisées : elle pouss
2781 Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’ État et les institutions centralisées : elle poussera l’ordre et la st
2782 éponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisées : elle poussera l’ordre et la stabilité dan
2783 et les institutions centralisées : elle poussera l’ ordre et la stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’à l’irrémédi
2784 titutions centralisées : elle poussera l’ordre et la stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’à l’irrémédiable et dan
2785 sées : elle poussera l’ordre et la stabilité dans l’ uniformité universelle jusqu’à l’irrémédiable et dangereux ennui, jusq
2786 a stabilité dans l’uniformité universelle jusqu’à l’ irrémédiable et dangereux ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qu
2787 rémédiable et dangereux ennui, jusqu’à ce vide de l’ âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le christia
2788 i, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le christianisme apporte alors un troisi
2789 de de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le christianisme apporte alors un troisième monde de val
2790 upée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le christianisme apporte alors un troisième monde de valeurs, assez mal
2791 de valeurs, assez mal conciliables avec celles de la sagesse grecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la mora
2792 que, et totalement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans d
2793 ement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour san
2794 à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au dro
2795 e la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au droit de la force le service du proc
2796 t de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’ amour sans calcul, au droit de la force le service du prochain, au cul
2797 ose les élans de l’amour sans calcul, au droit de la force le service du prochain, au culte du succès le sens du sacrifice
2798 lans de l’amour sans calcul, au droit de la force le service du prochain, au culte du succès le sens du sacrifice. Bien pl
2799 force le service du prochain, au culte du succès le sens du sacrifice. Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’
2800 succès le sens du sacrifice. Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’être, et la traduit dans l’énoncé de ses d
2801 . Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’ être, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trin
2802 , il porte la contradiction au cœur de l’être, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité transpo
2803 ntradiction au cœur de l’être, et la traduit dans l’ énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité transporte en Dieu lui-
2804 raduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité transporte en Dieu lui-même le paradoxe de l’un et du divers,
2805 amentaux : la Trinité transporte en Dieu lui-même le paradoxe de l’un et du divers, tandis que l’Incarnation porte à l’ext
2806 même le paradoxe de l’un et du divers, tandis que l’ Incarnation porte à l’extrême la coexistence des contraires, l’impensa
2807 un et du divers, tandis que l’Incarnation porte à l’ extrême la coexistence des contraires, l’impensable définition de la p
2808 ivers, tandis que l’Incarnation porte à l’extrême la coexistence des contraires, l’impensable définition de la personne de
2809 porte à l’extrême la coexistence des contraires, l’ impensable définition de la personne de Jésus-Christ comme « vrai Dieu
2810 stence des contraires, l’impensable définition de la personne de Jésus-Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois,
2811 omme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois, selon les formules conciliaires de Nicée et de Chalcédoine. ⁂ Or, ces valeurs g
2812 entre leurs triomphes alternés, elles durent dans l’ ombre de l’histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inc
2813 triomphes alternés, elles durent dans l’ombre de l’ histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inconscient co
2814 és, elles durent dans l’ombre de l’histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inconscient collectif. Elles ag
2815 ns l’ombre de l’histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inconscient collectif. Elles agissent toutes, sans
2816 oire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’ inconscient collectif. Elles agissent toutes, sans exception, dans la
2817 ctif. Elles agissent toutes, sans exception, dans la vie des hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinit
2818 a vie des hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le
2819 mmes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle de l
2820 Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle de la dialectique hégéli
2821 té, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle de la dialectique hégélienne, repris par Marx, puis par Lénine
2822 a tradition ecclésiastique, a fourni le modèle de la dialectique hégélienne, repris par Marx, puis par Lénine avec les con
2823 hégélienne, repris par Marx, puis par Lénine avec les conséquences que l’on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 70
2824 r Marx, puis par Lénine avec les conséquences que l’ on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chinoi
2825 avec les conséquences que l’on sait, jusque dans l’ existence quotidienne de 700 millions de Chinois qui se croyaient conf
2826 ans croyance aucune… Mais ce n’est pas tout. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, viennent
2827 , de Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la source germanique et la source celtique, la premièr
2828 rusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la source germanique et la source celtique, la première apportant notamm
2829 er dans le haut Moyen Âge la source germanique et la source celtique, la première apportant notamment le droit communautai
2830 source celtique, la première apportant notamment le droit communautaire et personnel, et les valeurs d’honneur et de fidé
2831 notamment le droit communautaire et personnel, et les valeurs d’honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du rêv
2832 rs d’honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le grand thème de la quête aventureuse d’un Lancelot
2833 fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le grand thème de la quête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval, s
2834 de apportant le sens du rêve et le grand thème de la quête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique. F
2835 erceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l’ apport arabe, qui ne se limite pas au zéro précédant la suite des nomb
2836 ort arabe, qui ne se limite pas au zéro précédant la suite des nombres, mais qui est l’une des sources principales de la p
2837 es, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croit l
2838 urces principales de la poésie amoureuse, donc de l’ amour tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’appo
2839 de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe  
2840 donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe  ; l’art africain et le j
2841 n le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’ apport slave au xixe  ; l’art africain et le jazz nègre américain au x
2842 le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe  ; l’ art africain et le jazz nègre américain au xxe siècle ? ⁂ Tout cela d
2843 ent ; l’apport slave au xixe  ; l’art africain et le jazz nègre américain au xxe siècle ? ⁂ Tout cela dure, agit et vit e
2844 se combine en figures et en structures variées à l’ infini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’ant
2845 es et en structures variées à l’infini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’antinomies inséparables
2846 i, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’antinomies inséparables : autorité et liberté, individualism
2847 urité et goût du risque, conformité qui maintient les valeurs, originalité qui les conteste et les rénove. Tout cela préfor
2848 ormité qui maintient les valeurs, originalité qui les conteste et les rénove. Tout cela préforme, dès avant notre naissance
2849 ient les valeurs, originalité qui les conteste et les rénove. Tout cela préforme, dès avant notre naissance, nos sensibilit
2850 n question ces déterminations, et nous en fournit les moyens. Enfin tout cela dénote l’Europe comme patrie de la diversité.
2851 ous en fournit les moyens. Enfin tout cela dénote l’ Europe comme patrie de la diversité. L’Européen moyen déclare parfois
2852 . Enfin tout cela dénote l’Europe comme patrie de la diversité. L’Européen moyen déclare parfois et pense toujours : « Que
2853 ela dénote l’Europe comme patrie de la diversité. L’ Européen moyen déclare parfois et pense toujours : « Quelle est ma rai
2854 t le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à le définir — « se distinguer » ou « être distingué » est synonyme d’honn
2855 déviationniste, ou de blasphème, comme ce serait le cas dans les sociétés primitives, dans les États totalitaires, ou dan
2856 ste, ou de blasphème, comme ce serait le cas dans les sociétés primitives, dans les États totalitaires, ou dans l’Inde reli
2857 serait le cas dans les sociétés primitives, dans les États totalitaires, ou dans l’Inde religieuse. Le goût de différer, s
2858 primitives, dans les États totalitaires, ou dans l’ Inde religieuse. Le goût de différer, si peu que ce soit, est si cher
2859 es États totalitaires, ou dans l’Inde religieuse. Le goût de différer, si peu que ce soit, est si cher aux Européens qu’il
2860 peu que ce soit, est si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’une manière tout à fait extravagante l’importance
2861 à exagérer d’une manière tout à fait extravagante l’ importance de ce qui les distingue. C’est ainsi qu’ils en viennent à p
2862 e tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distingue. C’est ainsi qu’ils en viennent à penser sincèrement qu’ils
2863 ement qu’ils ne pourront jamais s’unir, même s’il le faut, du fait qu’ils n’ont en somme rien de commun ! Un jour, tandis
2864 l de l’Europe, irrité par ce genre d’objections à l’ union, j’écrivis sur une page de bloc-notes « à faire circuler » autou
2865 c-notes « à faire circuler » autour du tapis vert l’ essai de définition suivant : L’Européen ne serait-il pas cet homme é
2866 ur du tapis vert l’essai de définition suivant : L’ Européen ne serait-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Eur
2867 omme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit, et prétend au contraire s’i
2868 Européen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme d’une se
2869 t, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’ homme d’une seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fa
2870 urope dont il révèle ainsi qu’il fait partie, par le seul fait qu’il le conteste ? On ne changera pas cela, ce ne serait
2871 e ainsi qu’il fait partie, par le seul fait qu’il le conteste ? On ne changera pas cela, ce ne serait plus l’Europe. Le g
2872 ste ? On ne changera pas cela, ce ne serait plus l’ Europe. Le goût furieux de différer, par lequel nous nous ressemblons
2873 ne changera pas cela, ce ne serait plus l’Europe. Le goût furieux de différer, par lequel nous nous ressemblons tous, c’es
2874 c’est là-dessus qu’il faut bâtir notre union, si l’ on veut qu’elle mérite le nom d’Europe. Si l’on me demande maintenant
2875 ut bâtir notre union, si l’on veut qu’elle mérite le nom d’Europe. Si l’on me demande maintenant comment on peut traduire
2876 , si l’on veut qu’elle mérite le nom d’Europe. Si l’ on me demande maintenant comment on peut traduire en termes de structu
2877 ire et si hautement diversifiée, je répondrai que la solution se trouve dans les termes mêmes du problème ainsi formulé :
2878 fiée, je répondrai que la solution se trouve dans les termes mêmes du problème ainsi formulé : car l’unité différenciée se
2879 les termes mêmes du problème ainsi formulé : car l’ unité différenciée se traduit tout naturellement par l’union dans la d
2880 té différenciée se traduit tout naturellement par l’ union dans la diversité, et cette forme d’union porte un nom bien conn
2881 ée se traduit tout naturellement par l’union dans la diversité, et cette forme d’union porte un nom bien connu dans l’hist
2882 cette forme d’union porte un nom bien connu dans l’ histoire des régimes politiques, c’est de toute évidence : fédéralisme
2883 ce : fédéralisme.as aq. Rougemont Denis de, «  Le discours de l’Université de Bonn I — La Cité européenne », Gazette de
2884 e.as aq. Rougemont Denis de, « Le discours de l’ Université de Bonn I — La Cité européenne », Gazette de Lausanne (supp
2885 nis de, « Le discours de l’Université de Bonn I — La Cité européenne », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausa
2886 il 1970, p. 32. ar. Ce discours a été prononcé à l’ Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du pri
2887 e discours a été prononcé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du prix Robert Schuman. as.
2888 noncé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, à l’ occasion de la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie
2889 ersité de Bonn, le 15 avril 1970, à l’occasion de la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie de la note su
2890 ccasion de la remise du prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie de la note suivante : « La semaine prochaine : “L’Eu
2891 prix Robert Schuman. as. Le texte est suivie de la note suivante : « La semaine prochaine : “L’Europe et le sens de la v
2892 as. Le texte est suivie de la note suivante : «  La semaine prochaine : “L’Europe et le sens de la vie”, suite et fin de
2893 e de la note suivante : « La semaine prochaine : “ L’ Europe et le sens de la vie”, suite et fin de ce discours. »
2894 suivante : « La semaine prochaine : “L’Europe et le sens de la vie”, suite et fin de ce discours. »
2895 « La semaine prochaine : “L’Europe et le sens de la vie”, suite et fin de ce discours. »
32 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)
2896 L’ Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas
2897 L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas d’autre form
2898 L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)at au Je ne vois pas d’autre forme d’union q
2899 e ne vois pas d’autre forme d’union qui réponde à la double exigence du respect des diversités et de l’instauration d’une
2900 a double exigence du respect des diversités et de l’ instauration d’une force suffisante pour garantir leur concurrence féc
2901 ante pour garantir leur concurrence féconde, dans la paix. Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’Histoir
2902 e vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’ Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappatoir
2903 imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappatoire possible désormais : s’un
2904 au défi que l’Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappatoire possible désormais : s’unir, au-delà
2905 vraies diversités — créer un pouvoir fédéral pour la sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à
2906 nomies seront perdues une à une, si nous refusons l’ union qui ferait leur force ; mais en retour, cette union ne saurait ê
2907 ’elle est censée servir. Rien de plus limpide que la déduction qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de notre
2908 duction qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder sur
2909 — qu’il n’y a pas une minute à perdre ! Quel est l’ obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique, que
2910 t que pourtant personne ne fait ? Eh bien, chacun le sait, rien n’est moins mystérieux : l’obstacle à toute union possible
2911 en, chacun le sait, rien n’est moins mystérieux : l’ obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédéra
2912 mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’ Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État-nation, te
2913 ope (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’ État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégralement centr
2914 tre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégralement centralisé en vue de la guerre. C’est ce modèle
2915 osé le modèle, intégralement centralisé en vue de la guerre. C’est ce modèle que tous les peuples de l’Europe, grands et p
2916 isé en vue de la guerre. C’est ce modèle que tous les peuples de l’Europe, grands et petits, ont imité l’un après l’autre t
2917 a guerre. C’est ce modèle que tous les peuples de l’ Europe, grands et petits, ont imité l’un après l’autre tout au long du
2918 au long du xixe siècle, suivis de nos jours par le reste du monde, notamment par le tiers-monde, mal décolonisé à cet ég
2919 de nos jours par le reste du monde, notamment par le tiers-monde, mal décolonisé à cet égard… Qu’est-ce en somme qu’instit
2920 oumettre toute une nation aux pouvoirs absolus de l’ État. C’est vouloir faire coïncider sur un même territoire, défini par
2921 aire coïncider sur un même territoire, défini par le sort des guerres et aussitôt baptisé « sol sacré de la patrie », des
2922 rt des guerres et aussitôt baptisé « sol sacré de la patrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raiso
2923 ment hétérogènes, qui n’ont aucune raison d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’économie, l’état civil et l’ex
2924 aucune raison d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’économie, l’état civil et l’exploitation du sous-sol, ou
2925 d’avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’ économie, l’état civil et l’exploitation du sous-sol, ou pire encore,
2926 mêmes frontières, comme la langue et l’économie, l’ état civil et l’exploitation du sous-sol, ou pire encore, les idéologi
2927 s, comme la langue et l’économie, l’état civil et l’ exploitation du sous-sol, ou pire encore, les idéologies et les religi
2928 il et l’exploitation du sous-sol, ou pire encore, les idéologies et les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne de ba
2929 on du sous-sol, ou pire encore, les idéologies et les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne de barbelés électrifiés
2930 elés électrifiés. C’est livrer sans recours toute l’ existence humaine aux seules décisions de bureaux installés dans une s
2931 ce des citoyens à des entités plus petites (comme les régions) ou plus vastes (comme une fédération continentale). À l’inté
2932 , qu’il déclare naturelles contre toute évidence, l’ État-nation n’admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’ext
2933 dmet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À l’ extérieur, il refuse toute union, alléguant une indépendance et une so
2934 s, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’ échelle mondiale ; trop grand pour permettre une participation civique
2935 identelle avec aucun espace économique défini par la nature des choses ou par un projet rationnel. Or voici l’ironie tragi
2936 e des choses ou par un projet rationnel. Or voici l’ ironie tragique de notre histoire : c’est sur la base de cet obstacle
2937 i l’ironie tragique de notre histoire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis
2938 la base de cet obstacle radical à toute union que l’ on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe ! Voilà qui expliqu
2939 n que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’ Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’on n’a
2940 ilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’ on n’a pas avancé d’un centimètre en direction de notre union politiqu
2941 ètre en direction de notre union politique. Entre l’ union de l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une nécessité
2942 ection de notre union politique. Entre l’union de l’ Europe et les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine de
2943 tre union politique. Entre l’union de l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine des plus concrè
2944 entre une nécessité humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir. Pour la première fois dan
2945 choisir. Pour la première fois dans son histoire, l’ homme se voit aujourd’hui en situation de choisir librement son avenir
2946 fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influenc
2947 ’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologiques que commerciales (voi
2948 nfluence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui est en somme du superf
2949 déologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’ on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès lo
2950 erciales (voir le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de n
2951 notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demand
2952 demander ce que nous attendons de notre vie et de la société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contraint
2953 ualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à l’ accroissement indéfini du PNB (produit national brut) — ou plutôt recr
2954 t quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’un confort toujours accru ?
2955 yer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’un confort toujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui
2956 accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous les peuples avancés sous le rapport de l’industrie et de la technique. Et
2957 hui à tous les peuples avancés sous le rapport de l’ industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questio
2958 ples avancés sous le rapport de l’industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles, voi
2959 rapport de l’industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissantes sur le
2960 des questions difficiles, voire angoissantes sur le sens même de la vie… D’une façon plus précise, en Europe, il nous fau
2961 ifficiles, voire angoissantes sur le sens même de la vie… D’une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si not
2962 il nous faut décider si notre union aura pour but la puissance collective ou la liberté des personnes. Il nous faut le déc
2963 re union aura pour but la puissance collective ou la liberté des personnes. Il nous faut le décider, en toute conscience,
2964 lective ou la liberté des personnes. Il nous faut le décider, en toute conscience, et vite, car le choix de la fin impliqu
2965 aut le décider, en toute conscience, et vite, car le choix de la fin implique évidemment celui des moyens adéquats ; mais
2966 er, en toute conscience, et vite, car le choix de la fin implique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’inverse,
2967 que évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’ inverse, si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien de vous con
2968 conduire où vous ne vouliez pas aller… Voici donc le dilemme présent : Si nous attribuons pour finalité à la Cité européen
2969 emme présent : Si nous attribuons pour finalité à la Cité européenne de demain la puissance, c’est-à-dire la puissance ind
2970 uons pour finalité à la Cité européenne de demain la puissance, c’est-à-dire la puissance industrielle et militaire massiv
2971 é européenne de demain la puissance, c’est-à-dire la puissance industrielle et militaire massive d’une sorte de troisième
2972 nental, uniformisé, centralisé et agressif, comme la France de Napoléon, et faire de nos États autant de départements. Il
2973 diversités ethniques et régionales, et soumettre la production industrielle au seul impératif de l’élévation perpétuelle
2974 e la production industrielle au seul impératif de l’ élévation perpétuelle du PNB — cette tour de Babel du xxe siècle ! Un
2975 ue européenne de ce type, simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle continentale, serait capable sans n
2976 imple transposition de la formule d’État-nation à l’ échelle continentale, serait capable sans nul doute de créer une Europ
2977 n ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès ses
2978 ples qu’à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’une utopie cata
2979 la faveur d’une guerre générale — selon la loi de l’ État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’une utopie catastrophique
2980 ’agit donc d’une utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne saurait être exclue pour autant. Au contraire, si nous
2981 nt. Au contraire, si nous donnons pour finalité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire les plus grandes possibilité
2982 i nous donnons pour finalité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire les plus grandes possibilités d’épanouissement
2983 ité à la Cité européenne la liberté, c’est-à-dire les plus grandes possibilités d’épanouissement des personnes, de particip
2984 tion des citoyens et d’autonomie des communautés ( la production industrielle n’étant qu’un des moyens de ces libertés), al
2985 s de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’ État-nation n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fa
2986 n fait aujourd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les mét
2987 rd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’ Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les p
2988 ment incompatible avec les fins de l’Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propres à r
2989 rope et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propres à réduire l’obstruction des stato-nationali
2990 liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propres à réduire l’obstruction des stato-nationalismes, et se c
2991 ans délai les méthodes les plus propres à réduire l’ obstruction des stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la
2992 ato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage
2993 nstruire des modèles neufs pour une cité rendue à l’ usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale contin
2994 s modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’ homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale continentale, tou
2995 à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’ échelle fédérale continentale, tout ce qui est nécessaire pour garanti
2996 nentale, tout ce qui est nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, communales et personnelles, ma
2997 personnelles, mais rien de plus. Il faut admettre la pluralité des allégeances, civiques, politiques, culturelles, idéolog
2998 culturelles, idéologiques et religieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribue
2999 ologiques et religieuses, contre la prétention de l’ État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer les pouvoirs ét
3000 nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer les pouvoirs étatiques aux différents niveaux de décision — le communal,
3001 rs étatiques aux différents niveaux de décision — le communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nature des tâches
3002 aux différents niveaux de décision — le communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nature des tâches, leurs dimen
3003 s niveaux de décision — le communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nature des tâches, leurs dimensions et cell
3004 communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nature des tâches, leurs dimensions et celles de la communauté la plu
3005 nature des tâches, leurs dimensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appliqu
3006 ches, leurs dimensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appliquer la méthode
3007 ensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appliquer la méthode du fédéralisme.
3008 e à les administrer. En un mot, il faut appliquer la méthode du fédéralisme. Puissance ou liberté : ces deux finalités com
3009 qu’on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique
3010 On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours eu pour fin réelle la puissance ; et je crois bi
3011 nt que la politique a toujours eu pour fin réelle la puissance ; et je crois bien que toutes les civilisations que nous co
3012 réelle la puissance ; et je crois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont choisi la puissance comme seul
3013 les civilisations que nous connaissons ont choisi la puissance comme seul but réaliste de la société politique ; le reste
3014 nt choisi la puissance comme seul but réaliste de la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — étan
3015 comme seul but réaliste de la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — étant manières de parler pl
3016 but réaliste de la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — étant manières de parler plus ou moins
3017 de la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — étant manières de parler plus ou moins nobles, ou
3018 ciété politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — étant manières de parler plus ou moins nobles, ou pure et s
3019 ote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communautés autonomes valent mieux que l
3020 Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communautés autonomes valent mieux que la puissance collective. L’Eur
3021 les et les communautés autonomes valent mieux que la puissance collective. L’Europe unie sera seule capable de réaliser le
3022 tonomes valent mieux que la puissance collective. L’ Europe unie sera seule capable de réaliser leur vision. On me dira peu
3023 e dira peut-être aussi que je radicalise indûment l’ antithèse État-nation / fédération, ramenée au dilemme puissance ou li
3024 u dilemme puissance ou liberté comme finalités de l’ union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne
3025 s à cette « imposante confédération » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui serait formée d’États-nations conservant ja
3026 ations conservant jalousement leurs prétentions à la souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthrope
3027 pas à cette amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. Ou plutôt, de les dépasser, d
3028 ssité de défaire nos États-nations. Ou plutôt, de les dépasser, de démystifier leur sacré, de percer leurs frontières comme
3029 guer ces frontières sur terre, sous terre et dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point ell
3030 il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, les mouvements de personnes, la concertation rati
3031 ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, les mouvements de personnes, la concertation rationnelle des productions
3032 échanges culturels, les mouvements de personnes, la concertation rationnelle des productions industrielles et agricoles.
3033 ent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’ être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fle
3034 ument à rien pour arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les
3035 r arrêter ce qui devrait l’être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aérienn
3036 i devrait l’être : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes
3037  : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’ air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande
3038 épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et les grandes contagi
3039 de l’air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et les grandes contagions dites idéologiques.
3040 des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et les grandes contagions dites idéologiques. Elles empêch
3041 attaques aériennes, les ondes de la propagande et les grandes contagions dites idéologiques. Elles empêchent simplement de
3042 ient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’ État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexistant
3043 tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexistant quand on voudrait compter su
3044 entités économiques intelligibles. Je ne sais si les problèmes profonds que pose leur balance commerciale (laquelle ne sau
3045 saurait être positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas le type même de faux problèmes, résultan
3046 -t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’économie
3047 pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’économies dites nationales, qui ne correspondent à ri
3048 ais ce que je sais de science certaine, c’est que les États-nations n’existent pas dans l’histoire de la culture, et que le
3049 , c’est que les États-nations n’existent pas dans l’ histoire de la culture, et que les « cheminements de l’esprit » dont p
3050 s États-nations n’existent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robert
3051 xistent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robert Schuman traversent l
3052 toire de la culture, et que les « cheminements de l’ esprit » dont parlait Robert Schuman traversent leurs frontières sans
3053 t Robert Schuman traversent leurs frontières sans les apercevoir : dans ce plan, elles n’existent pas. Il n’y a pas de « cu
3054 a que des divisions tout arbitraires opérées dans l’ ensemble vivant de la culture européenne. Et les diversités que nous d
3055 out arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne so
3056 ns l’ensemble vivant de la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-
3057 as celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et les divisent tous également, et ne coïncident jamais av
3058 tats-nations nés d’hier : elles les traversent et les divisent tous également, et ne coïncident jamais avec aucune frontièr
3059 aucune frontière. Nos États-nations, obsédés par l’ idée de « se faire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en
3060 endant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’ on s’incline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’est
3061 gent, depuis Louis XIV, que l’on s’incline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’est pas un dieu, ce n’est
3062 cline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’ État n’est pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace
3063 u service des citoyens et de leurs cités ; et non l’ inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer d’apaiser les
3064 cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne
3065 onc, Messieurs les ministres, d’essayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés d
3066 les ministres, d’essayer d’apaiser les ennemis de l’ union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États-na
3067 ns ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir l’ Europe en proclamant votre attachement aux causes mêmes de sa division
3068 aux causes mêmes de sa division ! Pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages d’opinion montrent qu’on vous su
3069 sion ! Pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages d’opinion montrent qu’on vous suivrait, si vous osiez marche
3070 vous suivrait, si vous osiez marcher. Je propose la convocation d’une conférence du désarmement étatique des nations. À l
3071 conférence du désarmement étatique des nations. À l’ aspect négatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut plus
3072 l’aspect négatif de ses travaux, elle ajouterait l’ étude on ne peut plus positive de la renaissance des régions. Il faut
3073 le ajouterait l’étude on ne peut plus positive de la renaissance des régions. Il faut défaire et dépasser l’État-nation. E
3074 aissance des régions. Il faut défaire et dépasser l’ État-nation. En instaurant les régions en deçà, et la fédération au-de
3075 défaire et dépasser l’État-nation. En instaurant les régions en deçà, et la fédération au-delà. Il faut distribuer et répa
3076 tat-nation. En instaurant les régions en deçà, et la fédération au-delà. Il faut distribuer et répartir l’État aux différe
3077 édération au-delà. Il faut distribuer et répartir l’ État aux différents niveaux de décision où il peut servir une entité v
3078 e, économique ou culturelle, et être contrôlé par l’ usager, distribuer et répartir l’État de la commune et de l’entreprise
3079 tre contrôlé par l’usager, distribuer et répartir l’ État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements d
3080 lé par l’usager, distribuer et répartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions
3081 distribuer et répartir l’État de la commune et de l’ entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au niveau e
3082 épartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là, d
3083 européen ; là, des agences fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des grand
3084 de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâches politiques a
3085 blic, tâches politiques au sens originel du mot : l’ économie, l’écologie et l’habitat, les transports, les relations globa
3086 politiques au sens originel du mot : l’économie, l’ écologie et l’habitat, les transports, les relations globales avec d’a
3087 sens originel du mot : l’économie, l’écologie et l’ habitat, les transports, les relations globales avec d’autres fédérati
3088 nel du mot : l’économie, l’écologie et l’habitat, les transports, les relations globales avec d’autres fédérations continen
3089 conomie, l’écologie et l’habitat, les transports, les relations globales avec d’autres fédérations continentales. Et vous n
3090 e politique dans une Europe fédérale, au seuil de l’ ère du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité européen
3091 érale, au seuil de l’ère du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité européenne : la complexité des régions
3092 du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité européenne : la complexité des régions rendra justice à ses féco
3093 onc le modèle fédéraliste de la Cité européenne : la complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l
3094 ions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. D
3095 ustice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t-on que
3096 versités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’ unité millénaire de sa culture. Dira-t-on que ce programme est révolut
3097 ra-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’ est, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le
3098 lutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pas l’ Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mai
3099 n ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’est moins parce qu’il demande
3100 fs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’ est moins parce qu’il demande qu’on dépasse les États-nations que parc
3101 il l’est moins parce qu’il demande qu’on dépasse les États-nations que parce qu’il pose une hiérarchie nouvelle des finali
3102 lle des finalités politiques. Donner comme but de la Cité européenne la liberté non la puissance, un mode de vie qualitati
3103 olitiques. Donner comme but de la Cité européenne la liberté non la puissance, un mode de vie qualitatif, non pas un « niv
3104 er comme but de la Cité européenne la liberté non la puissance, un mode de vie qualitatif, non pas un « niveau de vie » dé
3105 asser du matérialisme capitaliste et communiste à la mise en question du sens même de nos vies, et des vrais buts de nos a
3106 unautaires et personnelles. Si sérieux que soient les problèmes de prix du lait, du blé ou du vin, il est clair que l’Europ
3107 prix du lait, du blé ou du vin, il est clair que l’ Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut pas entraîne
3108 ne peut pas entraîner d’adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne seront pas convaincus par des avantages
3109 t presque comblés à cet égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’est un but transcendant, c’est un sens de la vie, ma
3110 ment, c’est un but transcendant, c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi des r
3111 scendant, c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexist
3112 aintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’ alibi des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation
3113 toire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne re
3114 i des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l
3115 vre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et encor
3116 La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et encore moins de la poli
3117 jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’ économie, et encore moins de la politique au sens étroit et partisan d
3118 , ne relève pas de l’économie, et encore moins de la politique au sens étroit et partisan du terme. Elle exige la recréati
3119 e au sens étroit et partisan du terme. Elle exige la recréation de communautés véritables. Et la Cité européenne — Res pub
3120 exige la recréation de communautés véritables. Et la Cité européenne — Res publica europea — fondée sur les communes et le
3121 ité européenne — Res publica europea — fondée sur les communes et les régions librement fédérées du continent peut en offri
3122 Res publica europea — fondée sur les communes et les régions librement fédérées du continent peut en offrir le modèle. Si
3123 ns librement fédérées du continent peut en offrir le modèle. Si l’on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir
3124 édérées du continent peut en offrir le modèle. Si l’ on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’Ét
3125 nant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’ État-nation, je réponds que c’est au contraire la grande tâche politiq
3126 l’État-nation, je réponds que c’est au contraire la grande tâche politique de notre temps. Précisons : des vingt ans qui
3127 qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’ Europe, et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela 
3128 à ce prix seulement nous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute l’humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui n
3129 ous ferons l’Europe, et nous la ferons pour toute l’ humanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessaire
3130 cela ! Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce coin de la planète indi
3131 i ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce coin de la planète indispensable au monde de
3132 puissante ou la plus riche, mais bien ce coin de la planète indispensable au monde de demain, où les hommes de toutes rac
3133 e la planète indispensable au monde de demain, où les hommes de toutes races pourront trouver non pas le plus de bonheur, p
3134 s hommes de toutes races pourront trouver non pas le plus de bonheur, peut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à
3135 ouver non pas le plus de bonheur, peut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis de,
3136 us de bonheur, peut-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours de l’
3137 t-être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours de l’Université de Bonn
3138 us de sens à la vie. at. Rougemont Denis de, «  Le discours de l’Université de Bonn II — Un programme révolutionnaire :
3139 vie. at. Rougemont Denis de, « Le discours de l’ Université de Bonn II — Un programme révolutionnaire : donner un sens
3140 — Un programme révolutionnaire : donner un sens à la vie », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 25–26 a
3141 téraire), Lausanne, 25–26 avril 1970, p. 32. au. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Nous publions la fin du disc
3142 est précédé du chapeau suivant : « Nous publions la fin du discours que prononça Denis de Rougemont le 15 avril en receva
3143 a fin du discours que prononça Denis de Rougemont le 15 avril en recevant le prix Robert Schuman. Pour l’orateur, seul le
3144 ononça Denis de Rougemont le 15 avril en recevant le prix Robert Schuman. Pour l’orateur, seul le fédéralisme peut structu
3145 15 avril en recevant le prix Robert Schuman. Pour l’ orateur, seul le fédéralisme peut structurer l’Europe. »
3146 vant le prix Robert Schuman. Pour l’orateur, seul le fédéralisme peut structurer l’Europe. »
3147 ur l’orateur, seul le fédéralisme peut structurer l’ Europe. »
33 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)
3148 Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)av aw Les
3149 Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)av aw Les Suisses sont sans doute les m
3150 ôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)av aw Les Suisses sont sans doute les moins xénophobes des Européens, et les ét
3151 (2 juin 1970)av aw Les Suisses sont sans doute les moins xénophobes des Européens, et les étrangers sont venus chez eux
3152 sans doute les moins xénophobes des Européens, et les étrangers sont venus chez eux depuis des siècles en plus grand nombre
3153 s par nos paysages, notre air, nos libertés. Mais le problème actuel se trouve posé par la soudaineté d’un afflux qui pren
3154 ertés. Mais le problème actuel se trouve posé par la soudaineté d’un afflux qui prend l’allure d’un raz de marée, et par l
3155 ouve posé par la soudaineté d’un afflux qui prend l’ allure d’un raz de marée, et par le motif principal de cet afflux, qui
3156 flux qui prend l’allure d’un raz de marée, et par le motif principal de cet afflux, qui n’est pas d’admirer nos lacs ni de
3157 tures, mais de faire du « fric ». Or ce motif est le même des deux côtés : pour eux, gagner vite et rentrer, pour nous, pr
3158 rentrer, pour nous, produire plus grâce à eux et les renvoyer au plus vite. Il semblerait que tout le monde « gagne » à ce
3159 semblerait que tout le monde « gagne » à ce jeu : l’ industrie qui y trouve le moyen d’accroître nos exportations, le peupl
3160 nde « gagne » à ce jeu : l’industrie qui y trouve le moyen d’accroître nos exportations, le peuple suisse dont le niveau d
3161 i y trouve le moyen d’accroître nos exportations, le peuple suisse dont le niveau de vie matérielle dépend surtout de l’in
3162 accroître nos exportations, le peuple suisse dont le niveau de vie matérielle dépend surtout de l’industrie, enfin les tra
3163 ont le niveau de vie matérielle dépend surtout de l’ industrie, enfin les travailleurs étrangers, dont les salaires dépende
3164 e matérielle dépend surtout de l’industrie, enfin les travailleurs étrangers, dont les salaires dépendent de ce qui précède
3165 industrie, enfin les travailleurs étrangers, dont les salaires dépendent de ce qui précède. De quoi se plaint-on ? C’est ic
3166 De quoi se plaint-on ? C’est ici qu’interviennent les deux questions que vous avez bien voulu me poser : — Dans une Europe
3167 poser : — Dans une Europe fédérée telle que vous la concevez, chaque État peut-il conserver son intégrité spirituelle et
3168 er son intégrité spirituelle et culturelle malgré la libre circulation des travailleurs intellectuels et manuels ? — La no
3169 ion des travailleurs intellectuels et manuels ? — La notion d’« helvéticité » existe-t-elle ? Et si oui, dans le cas parti
3170 d’« helvéticité » existe-t-elle ? Et si oui, dans le cas particulier qui nous préoccupe, cette « helvéticité » est-elle me
3171 ccupe, cette « helvéticité » est-elle menacée par la présence d’une nombreuse main-d’œuvre étrangère en Suisse ? Permette
3172 Suisse ? Permettez-moi de confesser d’abord que le problème qui me préoccupe est beaucoup moins celui du oui ou du non,
3173 aucoup moins celui du oui ou du non, que celui de la qualité des arguments invoqués de part et d’autre, et des suites qu’e
3174 de part et d’autre, et des suites qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux qui les invoquent. C’est dans cet esprit qu
3175 qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux qui les invoquent. C’est dans cet esprit que je vais esquisser une réponse.
3176 s cet esprit que je vais esquisser une réponse. Le beurre et l’argent du beurre I. L’argument européen contre l’initi
3177 que je vais esquisser une réponse. Le beurre et l’ argent du beurre I. L’argument européen contre l’initiative Schwarz
3178 réponse. Le beurre et l’argent du beurre I. L’ argument européen contre l’initiative Schwarzenbach risque fort de rec
3179 argent du beurre I. L’argument européen contre l’ initiative Schwarzenbach risque fort de recouvrir un sophisme chez la
3180 sophisme chez la plupart de ceux qui viennent de le découvrir. Ils nous disent : « À l’heure où il n’est question que de
3181 i viennent de le découvrir. Ils nous disent : « À l’ heure où il n’est question que de s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous f
3182  À l’heure où il n’est question que de s’ouvrir à l’ Europe, pourquoi nous fermer devant les travailleurs étrangers ? » C’e
3183 s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous fermer devant les travailleurs étrangers ? » C’est confondre deux sens bien différents
3184 bien différents de « s’ouvrir à… » Si s’ouvrir à l’ Europe signifie supprimer les frontières économiques et intégrer nos e
3185 ir à… » Si s’ouvrir à l’Europe signifie supprimer les frontières économiques et intégrer nos entreprises dans une économie
3186 rer nos entreprises dans une économie concertée à l’ échelle continentale (comme peuvent le faire les cinquante États des U
3187 concertée à l’échelle continentale (comme peuvent le faire les cinquante États des USA), alors, l’argument de la concurren
3188 à l’échelle continentale (comme peuvent le faire les cinquante États des USA), alors, l’argument de la concurrence étrangè
3189 ent le faire les cinquante États des USA), alors, l’ argument de la concurrence étrangère à laquelle « l’économie suisse »
3190 es cinquante États des USA), alors, l’argument de la concurrence étrangère à laquelle « l’économie suisse » ne pourrait « 
3191 argument de la concurrence étrangère à laquelle «  l’ économie suisse » ne pourrait « résister » que grâce à l’appoint des t
3192 mie suisse » ne pourrait « résister » que grâce à l’ appoint des travailleurs étrangers, cet argument se détruit lui-même :
3193 ent une économie européenne. Mais si « s’ouvrir à l’ Europe » signifie seulement importer autant de travailleurs étrangers
3194 par définition non intégrée. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas invoquer à la fois l’int
3195 n non intégrée. On ne peut pas avoir le beurre et l’ argent du beurre. On ne peut pas invoquer à la fois l’intégration de l
3196 gent du beurre. On ne peut pas invoquer à la fois l’ intégration de l’Europe et les lois de la concurrence entre États-nati
3197 n ne peut pas invoquer à la fois l’intégration de l’ Europe et les lois de la concurrence entre États-nations. (Sans compte
3198 s invoquer à la fois l’intégration de l’Europe et les lois de la concurrence entre États-nations. (Sans compter que tous le
3199 la fois l’intégration de l’Europe et les lois de la concurrence entre États-nations. (Sans compter que tous les États-nat
3200 rence entre États-nations. (Sans compter que tous les États-nations ne peuvent pas avoir en même temps une balance commerci
3201 emps une balance commerciale positive !) De fait, l’ ouverture du Marché commun n’a nullement déclenché un raz de marée de
3202 des prédictions alarmistes de M. Mendès-France à l’ Assemblée nationale. On constate au contraire que les travailleurs ne
3203 Assemblée nationale. On constate au contraire que les travailleurs ne se déplacent en général que s’ils y sont fortement in
3204 incités, s’ils sont en quelque sorte recrutés, à l’ instar des soldats du service étranger de jadis. La conception du mond
3205 ’instar des soldats du service étranger de jadis. La conception du monde selon laquelle les hommes obéiraient spontanément
3206 r de jadis. La conception du monde selon laquelle les hommes obéiraient spontanément à un « argyrotropisme », c’est-à-dire
3207 yrotropisme », c’est-à-dire suivraient avant tout les routes du gain maximal, où qu’elles aillent, est fausse et irréelle,
3208 es suivent leurs coutumes et leurs rêves plus que l’ argent. (J’ai là-dessus quelques statistiques.) Quelle est la pire
3209 i là-dessus quelques statistiques.) Quelle est la pire menace ? II. Quant au danger que la présence sur notre sol d’
3210 e est la pire menace ? II. Quant au danger que la présence sur notre sol d’un étranger contre cinq ou six Suisses repré
3211 e de vie — notre « helvéticité », comme vous osez l’ écrire ! — il est clair que ce n’est pas sérieux. L’argument ne vaut r
3212 écrire ! — il est clair que ce n’est pas sérieux. L’ argument ne vaut rien, mais en cache un meilleur. À part beaucoup d’ir
3213 ritations, quelques bagarres et quelques bâtards, les Espagnols, Italiens, Turcs et Portugais laissent peu de traces de leu
3214 s. Je n’en dirais pas autant d’une industrie dont l’ essor défigure nos paysages, détruit nos forêts et nos champs, pollue
3215 lot de ciment, d’agglomérés et de plastique sur «  le visage aimé de la patrie ». Les soldats gardent aux frontières un « s
3216 gglomérés et de plastique sur « le visage aimé de la patrie ». Les soldats gardent aux frontières un « sol sacré » que les
3217 de plastique sur « le visage aimé de la patrie ». Les soldats gardent aux frontières un « sol sacré » que les usines et les
3218 ldats gardent aux frontières un « sol sacré » que les usines et les traxs derrière leur dos profanent, défoncent et stérili
3219 aux frontières un « sol sacré » que les usines et les traxs derrière leur dos profanent, défoncent et stérilisent sans que
3220 ion. C’est pourtant cela qui modifie radicalement le cadre de nos vies, l’air que nous respirons, et à la longue nos sensi
3221 la qui modifie radicalement le cadre de nos vies, l’ air que nous respirons, et à la longue nos sensibilités. Si notre indu
3222 tés. Si notre industrie suisse refuse de calculer le prix humain de son essor, ses contrecoups sociologiques et hygiénique
3223 pas ses plans en conséquence et ne s’engage pas à les réaliser, alors je dis : votez pour, votez contre, dans les deux cas
3224 er, alors je dis : votez pour, votez contre, dans les deux cas vous aurez tort, car l’enjeu véritable est au-delà et ne peu
3225 ez contre, dans les deux cas vous aurez tort, car l’ enjeu véritable est au-delà et ne peut être atteint par ce choix. La q
3226 est au-delà et ne peut être atteint par ce choix. La question qu’a soulevée M. James Schwarzenbach dépasse très largement
3227 peut résulter d’un refus ou d’une acceptation de l’ initiative. Le fabuleux brain storming collectif qu’a déclenché le dép
3228 d’un refus ou d’une acceptation de l’initiative. Le fabuleux brain storming collectif qu’a déclenché le député zurichois
3229 fabuleux brain storming collectif qu’a déclenché le député zurichois sera des plus utiles aux Suisses s’il les amène à se
3230 é zurichois sera des plus utiles aux Suisses s’il les amène à se poser — bien au-delà du 7 juin et de ses résultats — les q
3231 er — bien au-delà du 7 juin et de ses résultats — les questions suivantes : — La croissance indéfinie du PNB est-elle une o
3232 et de ses résultats — les questions suivantes : — La croissance indéfinie du PNB est-elle une obligation sacrée, donc indi
3233 obligation sacrée, donc indiscutable, ou faut-il la subordonner à d’autres impératifs, écologiques notamment ? — Le « niv
3234 à d’autres impératifs, écologiques notamment ? — Le « niveau de vie » est-il plus important que le mode de vie ? — La phi
3235 — Le « niveau de vie » est-il plus important que le mode de vie ? — La philanthropie qu’invoquent à juste titre les adver
3236 ie » est-il plus important que le mode de vie ? — La philanthropie qu’invoquent à juste titre les adversaires de l’initiat
3237 e ? — La philanthropie qu’invoquent à juste titre les adversaires de l’initiative (« on ne peut pas chasser des frères huma
3238 pie qu’invoquent à juste titre les adversaires de l’ initiative (« on ne peut pas chasser des frères humains ») serait-elle
3239 frères humains ») serait-elle encore invoquée si la présence des travailleurs étrangers nous coûtait plus qu’elle ne rapp
3240 rangers nous coûtait plus qu’elle ne rapporte ? — La pire menace contre notre mode de vie suisse vient-elle de la présence
3241 ace contre notre mode de vie suisse vient-elle de la présence d’étrangers parmi nous, ou de nous-mêmes, qui tolérons la de
3242 angers parmi nous, ou de nous-mêmes, qui tolérons la destruction de notre environnement au nom de valeurs bien plus matéri
3243 ? av. Rougemont Denis de, « Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie », Gazette de Lausanne, L
3244 « Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie », Gazette de Lausanne, Lausanne, 2 juin 1970, p. 16.
3245 e de Lausanne, Lausanne, 2 juin 1970, p. 16. aw. L’ article prend place dans un numéro spécial annexé à cette édition, sur
3246 s un numéro spécial annexé à cette édition, sur «  Les travailleurs étrangers en Suisse ». Il est précédé du chapeau suivant
3247 rononcer sur notre double question — intégrité de l’ État dans l’Europe fédérée et notion d’une “helvéticité” menacée ? — D
3248 notre double question — intégrité de l’État dans l’ Europe fédérée et notion d’une “helvéticité” menacée ? — Denis de Roug
34 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)
3249 Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)ax ay Il a choisi le pay
3250 Tristan (14-15 novembre 1970)ax ay Il a choisi le pays de son nom contre le continent de son prénom ; et jusqu’à près d
3251 70)ax ay Il a choisi le pays de son nom contre le continent de son prénom ; et jusqu’à près de la fin de son règne, les
3252 e le continent de son prénom ; et jusqu’à près de la fin de son règne, les prestiges du mythe national contre les réalités
3253 prénom ; et jusqu’à près de la fin de son règne, les prestiges du mythe national contre les réalités du monde naissant. Pl
3254 son règne, les prestiges du mythe national contre les réalités du monde naissant. Plus chevalier que militaire, plus effica
3255 que militaire, plus efficace à lui tout seul par la passion et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatteri
3256 , plus efficace à lui tout seul par la passion et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles de
3257 ui tout seul par la passion et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles de Gaulle aura été le d
3258 r la passion et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles de Gaulle aura été le dernier monarqu
3259 et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles de Gaulle aura été le dernier monarque d’une Franc
3260 nier monarque d’une France qui n’a rien préféré à l’ amour de son roi, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement de vo
3261 qui n’a rien préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement de voter son exil. Mais j’ai to
3262 préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir de le décapiter, ou seulement de voter son exil. Mais j’ai tort de dire Fra
3263 oute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France… vouée à une destinée éminente et exceptionnelle… S’il advient
3264 inée éminente et exceptionnelle… S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, [c’est] imputable a
3265 mputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. Phrase de passionné et non de démagogue, de romantique et no
3266 e démagogue, de romantique et non d’opportuniste. L’ homme politique opportuniste et joueur, toujours prêt à saisir ou à br
3267 e et joueur, toujours prêt à saisir ou à brusquer l’ occasion, relève du type donjuanesque. À l’autre extrême, le général d
3268 , relève du type donjuanesque. À l’autre extrême, le général de Gaulle fut le Tristan de la passion nationale. Son Iseut,
3269 sque. À l’autre extrême, le général de Gaulle fut le Tristan de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il es
3270 e extrême, le général de Gaulle fut le Tristan de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il est près de le d
3271 Tristan de la passion nationale. Son Iseut, c’est la France, et il est près de le dire dans plus d’une page de ses Mémoire
3272 le. Son Iseut, c’est la France, et il est près de le dire dans plus d’une page de ses Mémoires, et pas seulement dans ces
3273 ulement dans ces célèbres premières phrases où il l’ a peinte « telles la princesse des contes ou la madone des fresques… c
3274 èbres premières phrases où il l’a peinte « telles la princesse des contes ou la madone des fresques… créée pour des succès
3275 il l’a peinte « telles la princesse des contes ou la madone des fresques… créée pour des succès achevés ou des malheurs ex
3276 succès achevés ou des malheurs exemplaires ». Il l’ a longtemps aimée de loin, dans son exil. Il l’a délivrée de haute lut
3277 Il l’a longtemps aimée de loin, dans son exil. Il l’ a délivrée de haute lutte en terrassant le monstre, qui la tenait capt
3278 xil. Il l’a délivrée de haute lutte en terrassant le monstre, qui la tenait captive. Il l’a ramené au mari légitime, à ce
3279 vrée de haute lutte en terrassant le monstre, qui la tenait captive. Il l’a ramené au mari légitime, à ce roi Marc que fig
3280 terrassant le monstre, qui la tenait captive. Il l’ a ramené au mari légitime, à ce roi Marc que figurait le Pays légal, l
3281 mené au mari légitime, à ce roi Marc que figurait le Pays légal, la République. Puis il a dû s’éloigner d’elle et de la Co
3282 gitime, à ce roi Marc que figurait le Pays légal, la République. Puis il a dû s’éloigner d’elle et de la Cour, de nouveau,
3283 République. Puis il a dû s’éloigner d’elle et de la Cour, de nouveau, écœuré par l’intrigue des « barons félons » (son pr
3284 gner d’elle et de la Cour, de nouveau, écœuré par l’ intrigue des « barons félons » (son premier départ volontaire, en 1946
3285 est revenu à son appel, et c’est en 1958. « Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de retraits et d’obstacles, qui
3286 e se nourrit de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la France et lui, quand i
3287 à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la France et lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le
3288 re défaut. Entre la France et lui, quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé
3289 and il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique ? » J’écrivais ce
3290 retrait devant d’autres intrigues prévisibles. Et l’ on sait quel en fut le prétexte allégué : l’instauration en France des
3291 s intrigues prévisibles. Et l’on sait quel en fut le prétexte allégué : l’instauration en France des régions, qu’il propos
3292 s. Et l’on sait quel en fut le prétexte allégué : l’ instauration en France des régions, qu’il proposa solennellement, et à
3293 it de lier son sort. Un suicide politique, dirent les observateurs. Mais ici le personnage prend ses vraies dimensions qui
3294 cide politique, dirent les observateurs. Mais ici le personnage prend ses vraies dimensions qui sont celles d’une glorieus
3295 de Gaulle », comme il disait, et cette Europe qui l’ eût plébiscité comme un second Charles le Grand. Ce Tristan de la nati
3296 é comme un second Charles le Grand. Ce Tristan de la nation déifiée, cet ennemi juré de l’Europe « intégrée », était en ré
3297 Tristan de la nation déifiée, cet ennemi juré de l’ Europe « intégrée », était en réalité un fédéraliste ! (Mais le mot ne
3298 tégrée », était en réalité un fédéraliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier d’un Français héritier de Louis XIV, des
3299 lité un fédéraliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier d’un Français héritier de Louis XIV, des jacobins et de Napolé
3300 s lesquels, au long des siècles, s’est manifestée l’ idée d’Europe, ce sont les cheminements de la conscience européenne, e
3301 iècles, s’est manifestée l’idée d’Europe, ce sont les cheminements de la conscience européenne, elle-même, que vous mettez
3302 stée l’idée d’Europe, ce sont les cheminements de la conscience européenne, elle-même, que vous mettez en lumière. Je vous
3303 tir une union des peuples européens, qui respecte le caractère original de chacun et le génie propre à notre continent, y
3304 , qui respecte le caractère original de chacun et le génie propre à notre continent, y trouvent appuis et encouragements.
3305 puis et encouragements. On ne peut mieux définir le régime général d’union dans la diversité qu’il admirait dans notre Su
3306 peut mieux définir le régime général d’union dans la diversité qu’il admirait dans notre Suisse. Quant à la participation
3307 versité qu’il admirait dans notre Suisse. Quant à la participation qu’il demandait, c’est le mot clé du fédéralisme. Merve
3308 . Quant à la participation qu’il demandait, c’est le mot clé du fédéralisme. Merveilleux compromis entre le mythe et l’ave
3309 t clé du fédéralisme. Merveilleux compromis entre le mythe et l’avenir : ce dernier paladin de l’ère des Nations a choisi
3310 éralisme. Merveilleux compromis entre le mythe et l’ avenir : ce dernier paladin de l’ère des Nations a choisi délibérément
3311 ntre le mythe et l’avenir : ce dernier paladin de l’ ère des Nations a choisi délibérément de se faire écarter du pouvoir e
3312 r du pouvoir en liant son sort au symbole même de l’ ère nouvelle, qui est la région. Mais dans la page si belle qui règle
3313 n sort au symbole même de l’ère nouvelle, qui est la région. Mais dans la page si belle qui règle ses obsèques, c’est Tris
3314 e de l’ère nouvelle, qui est la région. Mais dans la page si belle qui règle ses obsèques, c’est Tristan qui revient dans
3315 tan qui revient dans sa pleine stature : écartant les barons et le Pays légal, il ne veut devant sa tombe que la France seu
3316 t dans sa pleine stature : écartant les barons et le Pays légal, il ne veut devant sa tombe que la France seule, une fois
3317 et le Pays légal, il ne veut devant sa tombe que la France seule, une fois de plus symbolisée par son armée… ax. Rouge
3318 lisée par son armée… ax. Rougemont Denis de, «  Le testament de Tristan », Gazette de Lausanne (supplément littéraire),
3319 aire), Lausanne, 14–15 novembre 1970, p. 33. ay. Le texte est précédé du chapeau suivant : « De Gaulle est mort le jour o
3320 précédé du chapeau suivant : « De Gaulle est mort le jour où la Suisse se préparait à discuter avec le Marché commun. Ce h
3321 chapeau suivant : « De Gaulle est mort le jour où la Suisse se préparait à discuter avec le Marché commun. Ce hasard marqu
3322 le jour où la Suisse se préparait à discuter avec le Marché commun. Ce hasard marquera-t-il la fin d’une certaine Europe,
3323 er avec le Marché commun. Ce hasard marquera-t-il la fin d’une certaine Europe, le début d’une autre ? Nous avons demandé
3324 asard marquera-t-il la fin d’une certaine Europe, le début d’une autre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont ce qu’il
3325 demandé à Denis de Rougemont ce qu’il pensait de l’ homme d’État, après que Jacques Mercanton, la semaine dernière, a parl
3326 t de l’homme d’État, après que Jacques Mercanton, la semaine dernière, a parlé de l’écrivain et à Guy Dumur, en page intér
3327 acques Mercanton, la semaine dernière, a parlé de l’ écrivain et à Guy Dumur, en page intérieure, d’étudier les rapports du
3328 ain et à Guy Dumur, en page intérieure, d’étudier les rapports du Général avec la culture, qu’il n’a guère encouragée. »
3329 ntérieure, d’étudier les rapports du Général avec la culture, qu’il n’a guère encouragée. »
35 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Pourquoi j’écris (30-31 janvier 1971)
3330 Pourquoi j’écris (30-31 janvier 1971)az Les surréalistes, les premiers, ont posé cette question à leurs contempor
3331 ion à leurs contemporains, c’était vers 1925, sur le ton d’un gangster qui demande la clé de la caisse. Nulle part peut-êt
3332 t vers 1925, sur le ton d’un gangster qui demande la clé de la caisse. Nulle part peut-être mieux que dans ses « jeux » n’
3333 5, sur le ton d’un gangster qui demande la clé de la caisse. Nulle part peut-être mieux que dans ses « jeux » n’a régné l’
3334 t peut-être mieux que dans ses « jeux » n’a régné l’ essentiel terrorisme qu’entretenait le surréalisme. André Breton se tr
3335 » n’a régné l’essentiel terrorisme qu’entretenait le surréalisme. André Breton se trouve ainsi, bien malgré lui, avoir lan
3336 ton se trouve ainsi, bien malgré lui, avoir lancé la mode (exploitée désormais sans scrupules par les équipes de la TV) de
3337 é la mode (exploitée désormais sans scrupules par les équipes de la TV) de l’enquête méfiante sur nos motivations. Les écri
3338 oitée désormais sans scrupules par les équipes de la TV) de l’enquête méfiante sur nos motivations. Les écrivains ont déve
3339 rmais sans scrupules par les équipes de la TV) de l’ enquête méfiante sur nos motivations. Les écrivains ont développé cont
3340 la TV) de l’enquête méfiante sur nos motivations. Les écrivains ont développé contre elle une série de réactions de mauvais
3341 otectrice, ou de « rationalisations » pour parler le jargon freudien. Ils ont trouvé trente-six raisons d’écrire. Ils ont
3342 ont milité pour des causes. Ils ont même inventé la notion de l’engagement, dans les années 1930… Elle était vraie, mais
3343 our des causes. Ils ont même inventé la notion de l’ engagement, dans les années 1930… Elle était vraie, mais elle n’expliq
3344 ont même inventé la notion de l’engagement, dans les années 1930… Elle était vraie, mais elle n’expliquait rien. Quand on
3345 ir institutrice, elle répond : « Pour faire chier les mômes ! » Ces mauvais sentiments animent aussi, je le crains, certain
3346 ômes ! » Ces mauvais sentiments animent aussi, je le crains, certains de ceux qui prétendent n’écrire que pour le salut de
3347 certains de ceux qui prétendent n’écrire que pour le salut de leurs lecteurs. En fait, on commence à écrire vers 16 ou 17
3348 quand beaucoup plus tard, essayant de répondre à l’ attente des interviewers, on met au point quelques demi-mensonges, l’i
3349 viewers, on met au point quelques demi-mensonges, l’ important est de n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’on a per
3350 ’important est de n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nie
3351 s croire, sinon ce serait la preuve qu’on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nietzsche a dit cela on ne
3352 ce serait la preuve qu’on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nietzsche a dit cela on ne peut mieux dans
3353 ve qu’on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nietzsche a dit cela on ne peut mieux dans Aurore : « Toutes
3354 dit cela on ne peut mieux dans Aurore : « Toutes les choses qui vivent longtemps sont peu à peu tellement imbibées de rais
3355 s sont peu à peu tellement imbibées de raison que l’ origine qu’elles tirent de la déraison devient invraisemblable. » Hyp
3356 bibées de raison que l’origine qu’elles tirent de la déraison devient invraisemblable. » Hypocrites auteurs, mes semblabl
3357 mblables, mes frères ! dont je connais trop bien les ruses naïves, laissez-moi tenter aujourd’hui de reconstituer l’innoce
3358 s, laissez-moi tenter aujourd’hui de reconstituer l’ innocence de mes débuts dans l’écriture. Écrire est une démangeaison
3359 ui de reconstituer l’innocence de mes débuts dans l’ écriture. Écrire est une démangeaison que l’on calme en grattant du p
3360 dans l’écriture. Écrire est une démangeaison que l’ on calme en grattant du papier. C’est à peu près aussi irrésistible, a
3361 près aussi irrésistible, aussi peu rationnel que l’ élan du désir, ou de la prière, et cela tient des deux, probablement.
3362 e, aussi peu rationnel que l’élan du désir, ou de la prière, et cela tient des deux, probablement. C’est aussi un effet du
3363 nsée, vient d’éveiller en vous une émotion : pour la prolonger, la faire vôtre, et rejoindre l’auteur qui vous l’a révélée
3364 éveiller en vous une émotion : pour la prolonger, la faire vôtre, et rejoindre l’auteur qui vous l’a révélée — pour deveni
3365 : pour la prolonger, la faire vôtre, et rejoindre l’ auteur qui vous l’a révélée — pour devenir aussi admirable aux yeux de
3366 r, la faire vôtre, et rejoindre l’auteur qui vous l’ a révélée — pour devenir aussi admirable aux yeux des autres qu’il est
3367 esprit d’imitation naïve ou vaniteuse (selon que l’ on sera bon ou mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’on s’in
3368 d’une revue littéraire ou à toute une nation par la TV. C’est le pour quoi qui devient alors le vrai pourquoi, la cause f
3369 littéraire ou à toute une nation par la TV. C’est le pour quoi qui devient alors le vrai pourquoi, la cause finale qui agi
3370 n par la TV. C’est le pour quoi qui devient alors le vrai pourquoi, la cause finale qui agit comme vraie motivation. Mais
3371 le pour quoi qui devient alors le vrai pourquoi, la cause finale qui agit comme vraie motivation. Mais si je n’avais pas
3372 ause, je ne saurais pas écrire pour une cause. Si l’ on n’a pas d’abord écrit pour rien, pour le plaisir, à cause de la dém
3373 se. Si l’on n’a pas d’abord écrit pour rien, pour le plaisir, à cause de la démangeaison, on ne deviendra jamais un écriva
3374 bord écrit pour rien, pour le plaisir, à cause de la démangeaison, on ne deviendra jamais un écrivain en écrivant pour tel
3375 sage bien défini, pour tel objet tout extérieur à l’ écriture, et qui ne dépend nullement du processus de la pensée en trai
3376 iture, et qui ne dépend nullement du processus de la pensée en train de se former par écrit : vote des femmes ou guerre du
3377 emmes ou guerre du Vietnam, par exemple, mais pas l’ Europe, puisque l’Europe est une création continue de la pensée propre
3378 Vietnam, par exemple, mais pas l’Europe, puisque l’ Europe est une création continue de la pensée proprement poétique, l’h
3379 pe, puisque l’Europe est une création continue de la pensée proprement poétique, l’horizon qui se définit par rapport à no
3380 éation continue de la pensée proprement poétique, l’ horizon qui se définit par rapport à notre progrès. ⁂ Ce n’est qu’au d
3381 rogrès. ⁂ Ce n’est qu’au début d’une carrière que l’ on écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’é
3382 envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’ état brut ne continue d’agir dans mes écrits, mais il n’est plus seul
3383 érairement impurs. Une immédiate nécessité motive la main à la plume : j’écris désormais sur commande non seulement de mes
3384 impurs. Une immédiate nécessité motive la main à la plume : j’écris désormais sur commande non seulement de mes émotions,
3385 jouter à quelque ouvrage obscurément jailli, pour l’ achever. (Ainsi j’écris cela parce que F. J. m’a demandé d’écrire pour
3386 vient ma vraie motivation, et me libère de toutes les causes intimes, trop intimes. ⁂ Arrivé aux deux tiers de ma course (s
3387 imes. ⁂ Arrivé aux deux tiers de ma course (si je l’ estime à l’envergure de mes projets), je me vois deux raisons d’écrire
3388 ivé aux deux tiers de ma course (si je l’estime à l’ envergure de mes projets), je me vois deux raisons d’écrire : l’une me
3389 amusera sans fin : Vous dites : Où vas-tu ? Je l’ ignore et j’y vais ! J’y vais par l’écriture, qui est ma manière d’en
3390 as-tu ? Je l’ignore et j’y vais ! J’y vais par l’ écriture, qui est ma manière d’enregistrer la poésie dans l’existence.
3391 par l’écriture, qui est ma manière d’enregistrer la poésie dans l’existence. Un paysage me met en quête d’une mélodie, d’
3392 , qui est ma manière d’enregistrer la poésie dans l’ existence. Un paysage me met en quête d’une mélodie, d’un contrepoint
3393 ne page qui change ma vie — cette page et non pas l’ événement. Je cherche un sens. J’écris pour chercher le sens au bout d
3394 nement. Je cherche un sens. J’écris pour chercher le sens au bout du compte. Un sens qui ne peut être défini que par le to
3395 u compte. Un sens qui ne peut être défini que par le tout — que pas un scientifique n’appréhende et par suite ne saurait n
3396 saurait nier, et qui est au-delà de tout — comme le corps transcendant aux organes. Je cherche Dieu. b) J’écris l’époque,
3397 scendant aux organes. Je cherche Dieu. b) J’écris l’ époque, je me l’écrie, et je lui crie d’abord qu’elle devrait être une
3398 anes. Je cherche Dieu. b) J’écris l’époque, je me l’ écrie, et je lui crie d’abord qu’elle devrait être une autre pour que
3399 urai fini d’écrire (idéalement). J’aurai touché à la fin de l’écriture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui est de me fo
3400 d’écrire (idéalement). J’aurai touché à la fin de l’ écriture, ou mieux, j’aurai rejoint ma fin, qui est de me former sur u
3401 n, qui est de me former sur une pensée vécue dans l’ écriture. Au terme de mes livres, où figure le mot fin et juste au-des
3402 ans l’écriture. Au terme de mes livres, où figure le mot fin et juste au-dessous de ce feu rouge sur la remorque, veuillez
3403 e mot fin et juste au-dessous de ce feu rouge sur la remorque, veuillez donc lire : J’écris pour vous. az. Rougemont De
36 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Au défi de l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)
3404 Au défi de l’ Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)ba Nous souffrons des c
3405 Au défi de l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)ba Nous souffrons des clichés rid
3406 ous souffrons des clichés ridicules qui composent l’ image de la Suisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruy
3407 ns des clichés ridicules qui composent l’image de la Suisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret
3408 és ridicules qui composent l’image de la Suisse à l’ étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret des banques
3409 uisse à l’étranger, pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret des banques, et les arts réduits, paraît-il, à celui
3410 ou, trous dans le gruyère, secret des banques, et les arts réduits, paraît-il, à celui de ne pas se mouiller. Nous savons q
3411 l, à celui de ne pas se mouiller. Nous savons que la Suisse, c’est autre chose. Mais quoi ? Combien de nos compatriotes in
3412 ien de nos compatriotes interrogés au hasard dans la rue seraient capables de le dire ? Alors on court interviewer des étr
3413 rrogés au hasard dans la rue seraient capables de le dire ? Alors on court interviewer des étrangers : quelle est à leurs
3414 est à leurs yeux notre image ? Ils nous renvoient le plus souvent celle de nos erreurs sur nous-mêmes. Tel ce professeur a
3415 s. Tel ce professeur au Collège de France8 auquel la Gazette demandait dernièrement s’il pensait que l’on devait faire l
3416 Gazette demandait dernièrement s’il pensait que l’ on devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse, et qui répondait 
3417 t dernièrement s’il pensait que l’on devait faire l’ Europe sur le modèle de la Suisse, et qui répondait : « Le fédéralisme
3418 t s’il pensait que l’on devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse, et qui répondait : « Le fédéralisme est pour vot
3419 t que l’on devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse, et qui répondait : « Le fédéralisme est pour votre pays une b
3420 sur le modèle de la Suisse, et qui répondait : «  Le fédéralisme est pour votre pays une bonne solution. Ce qui ne veut pa
3421 e soit généralisable. » Réponse plutôt comique si l’ on s’avise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu être une « solution
3422 ble. » Réponse plutôt comique si l’on s’avise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu être une « solution » aux problèmes
3423 été ni pu être une « solution » aux problèmes de la Suisse, pour la simple raison qu’il l’a faite et que seul il la défin
3424 une « solution » aux problèmes de la Suisse, pour la simple raison qu’il l’a faite et que seul il la définit en tant que S
3425 oblèmes de la Suisse, pour la simple raison qu’il l’ a faite et que seul il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pas eu
3426 r la simple raison qu’il l’a faite et que seul il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pas eu la Suisse d’abord, puis l
3427 il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pas eu la Suisse d’abord, puis le fédéralisme appliqué à ce pays plutôt qu’à d’
3428 e Suisse. Il n’y a pas eu la Suisse d’abord, puis le fédéralisme appliqué à ce pays plutôt qu’à d’autres, mais l’inverse.
3429 sme appliqué à ce pays plutôt qu’à d’autres, mais l’ inverse. Sans unité géographique, ethnique, linguistique, religieuse,
3430 nguistique, religieuse, économique ou culturelle, la Suisse n’est rien hors du fédéralisme. Elle n’est rien qu’un régime d
3431 ans leur très grande majorité — 98 % exactement — les six millions de Suisses d’aujourd’hui ne descendent en aucune manière
3432 ignatures. Mais alors, si nous fêtons aujourd’hui le 680e anniversaire de la Confédération helvétique, de quoi s’agit-il ?
3433 i nous fêtons aujourd’hui le 680e anniversaire de la Confédération helvétique, de quoi s’agit-il ? Ni de l’anniversaire d’
3434 nfédération helvétique, de quoi s’agit-il ? Ni de l’ anniversaire d’une dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éteint
3435 s’agit-il ? Ni de l’anniversaire d’une dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éteints depuis des siècles, les Habsbou
3436 l’anniversaire d’une dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éteints depuis des siècles, les Habsbourg émigrés — ni l
3437 n et les Kibourg sont éteints depuis des siècles, les Habsbourg émigrés — ni l’anniversaire de la fondation d’un État ou de
3438 ts depuis des siècles, les Habsbourg émigrés — ni l’ anniversaire de la fondation d’un État ou de la signature d’une Consti
3439 les, les Habsbourg émigrés — ni l’anniversaire de la fondation d’un État ou de la signature d’une Constitution, car ces de
3440 ni l’anniversaire de la fondation d’un État ou de la signature d’une Constitution, car ces deux choses ne datent chez nous
3441 e nous célébrons, c’est en fait une idée, qui est l’ essence de la Suisse et qui a déterminé son existence : l’idée fédéral
3442 ons, c’est en fait une idée, qui est l’essence de la Suisse et qui a déterminé son existence : l’idée fédéraliste et la fo
3443 e de la Suisse et qui a déterminé son existence : l’ idée fédéraliste et la formule d’union qu’illustre le pacte en latin c
3444 a déterminé son existence : l’idée fédéraliste et la formule d’union qu’illustre le pacte en latin conclu par trois « comm
3445 dée fédéraliste et la formule d’union qu’illustre le pacte en latin conclu par trois « communes forestières » commandant l
3446 clu par trois « communes forestières » commandant les approches du Gothard. La Suisse n’est nullement née comme on le croit
3447 orestières » commandant les approches du Gothard. La Suisse n’est nullement née comme on le croit trop souvent (et pas seu
3448 u Gothard. La Suisse n’est nullement née comme on le croit trop souvent (et pas seulement à l’étranger) de l’union de ving
3449 omme on le croit trop souvent (et pas seulement à l’ étranger) de l’union de vingt-cinq États cantonaux — comme l’Europe de
3450 t trop souvent (et pas seulement à l’étranger) de l’ union de vingt-cinq États cantonaux — comme l’Europe de Churchill ou d
3451 de l’union de vingt-cinq États cantonaux — comme l’ Europe de Churchill ou de Gaulle était censée devoir naître de l’allia
3452 rchill ou de Gaulle était censée devoir naître de l’ alliance impossible des quelque vingt-cinq États nationaux du continen
3453 tats nationaux du continent, tous plus souverains les uns que les autres. La Suisse est une authentique fédération dans la
3454 ux du continent, tous plus souverains les uns que les autres. La Suisse est une authentique fédération dans la mesure où el
3455 ent, tous plus souverains les uns que les autres. La Suisse est une authentique fédération dans la mesure où elle s’est fo
3456 es. La Suisse est une authentique fédération dans la mesure où elle s’est formée par la libre association de communes rura
3457 édération dans la mesure où elle s’est formée par la libre association de communes rurales et urbaines, de pays, d’évêchés
3458 ur volonté d’autonomie ; et à cette fin, décidant la mise en commun des tâches publiques trop lourdes pour chacun mais réa
3459 là seules. Chargé d’exécuter ces tâches communes, le Conseil fédéral n’est nullement une émanation des cantons, mais le co
3460 l n’est nullement une émanation des cantons, mais le collège de chefs des Agences fédérales spécialisées par leur fonction
3461 versités, armée, relations étrangères. Voilà bien le régime original que je souhaite voir copier au niveau de l’Europe.
3462 original que je souhaite voir copier au niveau de l’ Europe. La réalité proprement suisse Dans la mesure où j’adhère à
3463 je souhaite voir copier au niveau de l’Europe. La réalité proprement suisse Dans la mesure où j’adhère à cette formu
3464 l’Europe. La réalité proprement suisse Dans la mesure où j’adhère à cette formule d’union je me considère comme Suis
3465 ormule d’union je me considère comme Suisse et je le suis, moi, Neuchâtelois protestant, de langue française, au même titr
3466 en en commun que cette adhésion même. Telle étant la réalité proprement suisse : une idée, une formule d’union qui fut au
3467 communes du Gothard et qui se « généralisa » par la suite aux XIII cantons ligués, puis à l’union de vingt-cinq États sou
3468 sa » par la suite aux XIII cantons ligués, puis à l’ union de vingt-cinq États souverains différant par la langue et la rac
3469 nion de vingt-cinq États souverains différant par la langue et la race, la confession, l’économie et les traditions histor
3470 -cinq États souverains différant par la langue et la race, la confession, l’économie et les traditions historiques — on vo
3471 ts souverains différant par la langue et la race, la confession, l’économie et les traditions historiques — on voit très m
3472 ifférant par la langue et la race, la confession, l’ économie et les traditions historiques — on voit très mal ce qui empêc
3473 a langue et la race, la confession, l’économie et les traditions historiques — on voit très mal ce qui empêcherait de génér
3474 empêcherait de généraliser cette formule à toute l’ Europe. Autant il devient clair aux yeux de tous que la formule de l’É
3475 ope. Autant il devient clair aux yeux de tous que la formule de l’État-nation napoléonien s’oppose radicalement à toute un
3476 devient clair aux yeux de tous que la formule de l’ État-nation napoléonien s’oppose radicalement à toute union de l’Europ
3477 apoléonien s’oppose radicalement à toute union de l’ Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’à la guerre, autant
3478 rope, et que sa généralisation ne conduirait qu’à la guerre, autant il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le féd
3479 conduirait qu’à la guerre, autant il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le fédéralisme, est au contraire la seul
3480 t il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le fédéralisme, est au contraire la seule possible pour les Européens qu
3481 se, c’est-à-dire le fédéralisme, est au contraire la seule possible pour les Européens qui éprouvent le besoin de s’associ
3482 éralisme, est au contraire la seule possible pour les Européens qui éprouvent le besoin de s’associer librement par-dessus
3483 a seule possible pour les Européens qui éprouvent le besoin de s’associer librement par-dessus les frontières, ces « cicat
3484 vent le besoin de s’associer librement par-dessus les frontières, ces « cicatrices de l’histoire », bornées par le hasard d
3485 nt par-dessus les frontières, ces « cicatrices de l’ histoire », bornées par le hasard des armes. Mais alors, me dit-on, si
3486 es, ces « cicatrices de l’histoire », bornées par le hasard des armes. Mais alors, me dit-on, si la fédération s’étend de
3487 ar le hasard des armes. Mais alors, me dit-on, si la fédération s’étend de proche en proche à l’Europe tout entière, la Su
3488 n, si la fédération s’étend de proche en proche à l’ Europe tout entière, la Suisse ne va-t-elle pas s’y perdre ? — C’est o
3489 tend de proche en proche à l’Europe tout entière, la Suisse ne va-t-elle pas s’y perdre ? — C’est oublier ce qu’est la Sui
3490 t-elle pas s’y perdre ? — C’est oublier ce qu’est la Suisse. Dans une Europe unie, loin de se perdre, elle se retrouverait
3491 re, elle se retrouverait agrandie, prolongée dans l’ espace et le temps, au-delà de ce qu’elle est aujourd’hui, qui est tel
3492 retrouverait agrandie, prolongée dans l’espace et le temps, au-delà de ce qu’elle est aujourd’hui, qui est tellement au-de
3493 toujours plus nombreuses ? Ceux qui ont peur que la Suisse se perde dans une Europe fédéraliste montrent par là qu’ils ne
3494 te montrent par là qu’ils ne savent pas ce qu’est la Suisse. Écoutons plutôt un grand Zurichois du siècle passé, le jurist
3495 outons plutôt un grand Zurichois du siècle passé, le juriste J.-C. Bluntschli, qui écrivait en 1875 : La Suisse a émis et
3496 juriste J.-C. Bluntschli, qui écrivait en 1875 : La Suisse a émis et réalisé des idées et des principes qui seront un jou
3497 s principes qui seront un jour destinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal de l’avenir se réalise, la nationalité s
3498 inés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal de l’ avenir se réalise, la nationalité suisse de caractère international de
3499 x en Europe… Si cet idéal de l’avenir se réalise, la nationalité suisse de caractère international devra s’incorporer à la
3500 e de caractère international devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vécu
3501 ternational devra s’incorporer à la communauté de la Grande Europe. De cette façon, elle n’aura pas vécu en vain, ni sans
3502 as vécu en vain, ni sans gloire. S’évanouir dans le succès de notre idée et d’une formule d’union qui est notre raison d’
3503 ion qui est notre raison d’être, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhaiter en tant que Suisse ? D
3504 est notre raison d’être, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhaiter en tant que Suisse ? Dans l’Eu
3505 ous puissions souhaiter en tant que Suisse ? Dans l’ Europe des régions que j’appelle et prépare, dans l’Europe des foyers
3506 Europe des régions que j’appelle et prépare, dans l’ Europe des foyers rayonnants sans frontières, rien ne nous empêchera,
3507 ontières, rien ne nous empêchera, Suisses de tous les cantons, de rester ensemble et de continuer à former une communauté :
3508 r à former une communauté : celle des gardiens de l’ idée mère. Si nous le désirons vraiment, si nous le voulons. C’est ce
3509 auté : celle des gardiens de l’idée mère. Si nous le désirons vraiment, si nous le voulons. C’est ce qu’il reste à savoir,
3510 ’idée mère. Si nous le désirons vraiment, si nous le voulons. C’est ce qu’il reste à savoir, et c’est ce qui nous inquiète
3511 frontières tangibles, plus de douaniers, où sera la Suisse, gémissent nos « patriotes » désorientés. Or il est sain de se
3512 cause et en majorité nous choisirons de continuer la Suisse. Ceux qui le voudront seront alors les vrais Suisses. « Et s’i
3513 nous choisirons de continuer la Suisse. Ceux qui le voudront seront alors les vrais Suisses. « Et s’il n’en reste qu’un… 
3514 nuer la Suisse. Ceux qui le voudront seront alors les vrais Suisses. « Et s’il n’en reste qu’un… », disait Victor Hugo, rep
3515 d’une interview de M. Raymond Aron, publiée dans la Gazette de Lausanne des 3-4 juillet. (Réd.) ba. Rougemont Denis de,
3516 et. (Réd.) ba. Rougemont Denis de, « Au défi de l’ Europe, la Suisse », Gazette de Lausanne, Lausanne, 31 juillet–1 août
3517 ba. Rougemont Denis de, « Au défi de l’Europe, la Suisse », Gazette de Lausanne, Lausanne, 31 juillet–1 août 1971, p. 1
37 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)
3518 (11-12 septembre 1971)bb À plus d’une reprise, l’ occasion d’exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me fut offerte, t
3519 i plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir la bonne réputation de notre ami dans un pays égalitaire. Aujourd’hui je
3520 ays égalitaire. Aujourd’hui je ne reculerai plus, les jeux sont faits et sa gloire établie. Du prince en soi, archétypal, a
3521 tous titres décernés, C. J. B. n’a pas seulement la prestance et la sagacité profonde du regard, mais la simplicité et la
3522 ernés, C. J. B. n’a pas seulement la prestance et la sagacité profonde du regard, mais la simplicité et la maîtrise de soi
3523 prestance et la sagacité profonde du regard, mais la simplicité et la maîtrise de soi, l’élocution aisée et sans éclat, le
3524 agacité profonde du regard, mais la simplicité et la maîtrise de soi, l’élocution aisée et sans éclat, les colères bien te
3525 regard, mais la simplicité et la maîtrise de soi, l’ élocution aisée et sans éclat, les colères bien tenues en brides, l’én
3526 maîtrise de soi, l’élocution aisée et sans éclat, les colères bien tenues en brides, l’énergie grande et en partie secrète.
3527 et sans éclat, les colères bien tenues en brides, l’ énergie grande et en partie secrète. Trop passionné pour se montrer ja
3528 vec trop de distance naturelle pour avoir à jouer la hauteur, affable mais non sans malice, et ce qu’il faut d’arbitraire
3529 n sans malice, et ce qu’il faut d’arbitraire dans les jugements, lucide avec plus de mélancolie que de cynisme, plus de sen
3530 ques : — Carl-J. Burckhardt ajoute à notre Suisse la dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer l
3531 t ajoute à notre Suisse la dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière. b
3532 uait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière. bb. Rougemont Denis de, « Une dimension nouve
38 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut dénationaliser l’enseignement [Entretien] (8 décembre 1972)
3533 Il faut dénationaliser l’ enseignement [Entretien] (8 décembre 1972)bc bd Certains pédagogues
3534 des autorités scolaires, n’ont apprécié qu’à demi la réédition des Méfaits, soit qu’ils se sentent attaqués dans leur cons
3535 qu’ils jugent, eux, que votre texte a vieilli. Je le regrette infiniment, car j’ai beaucoup de respect pour les maîtres, e
3536 tte infiniment, car j’ai beaucoup de respect pour les maîtres, et ils ont toute mon amitié. J’ai reçu une lettre, récemment
3537 t plus faux : j’en veux au système scolaire, dont les instituteurs sont victimes, et qu’ils perpétuent malgré eux. Ils n’en
3538 ’instituteurs qui souffrent d’être paralysés dans le système actuel, et qui me disent : « Merci, vous nous vengez. » Vos c
3539 tout à un système scolaire très centralisé, comme le système français. Conviennent-elles vraiment à la Confédération suiss
3540 le système français. Conviennent-elles vraiment à la Confédération suisse, où l’instruction publique est du ressort des ca
3541 nent-elles vraiment à la Confédération suisse, où l’ instruction publique est du ressort des cantons ? Mais en 1929 je parl
3542 Elle était tout à fait suisse, puisque j’ai fait l’ école primaire, jusqu’à l’âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Trav
3543 isse, puisque j’ai fait l’école primaire, jusqu’à l’ âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à
3544 primaire, jusqu’à l’âge de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à Neuchâtel. Ensuite, par le biai
3545 e de 12 ans, à Couvet, dans le Val-de-Travers, et le Collège latin à Neuchâtel. Ensuite, par le biais européen, j’ai pu vo
3546 rs, et le Collège latin à Neuchâtel. Ensuite, par le biais européen, j’ai pu voir ce qui se faisait ailleurs. Et j’ai cons
3547 tait comme en Suisse. Et même pire. Vous donnez à l’ école un poids déterminant, presque totalitaire, dans la formation des
3548 e un poids déterminant, presque totalitaire, dans la formation des hommes… L’école publique a été jusqu’à présent le moyen
3549 resque totalitaire, dans la formation des hommes… L’ école publique a été jusqu’à présent le moyen de formation le plus for
3550 es hommes… L’école publique a été jusqu’à présent le moyen de formation le plus fort. Elle a prétendu à un monopole de l’é
3551 lique a été jusqu’à présent le moyen de formation le plus fort. Elle a prétendu à un monopole de l’éducation, contre l’Égl
3552 on le plus fort. Elle a prétendu à un monopole de l’ éducation, contre l’Église et contre la famille. Cet état de fait nous
3553 e a prétendu à un monopole de l’éducation, contre l’ Église et contre la famille. Cet état de fait nous vient tout droit de
3554 onopole de l’éducation, contre l’Église et contre la famille. Cet état de fait nous vient tout droit de Napoléon, qui a lé
3555 apoléon, qui a légué au monde entier, à peu près, l’ école militarisée au service de l’État-nation. Dans le système actuel,
3556 er, à peu près, l’école militarisée au service de l’ État-nation. Dans le système actuel, il serait pratiquement impossible
3557 ole militarisée au service de l’État-nation. Dans le système actuel, il serait pratiquement impossible de déscolariser la
3558 il serait pratiquement impossible de déscolariser la société, comme le réclame Illich. On dresserait contre soi, par exemp
3559 ment impossible de déscolariser la société, comme le réclame Illich. On dresserait contre soi, par exemple, toutes les fem
3560 ch. On dresserait contre soi, par exemple, toutes les femmes qui travaillent à l’extérieur. Mais l’école doit changer. Il f
3561 par exemple, toutes les femmes qui travaillent à l’ extérieur. Mais l’école doit changer. Il faut dénationaliser l’enseign
3562 es les femmes qui travaillent à l’extérieur. Mais l’ école doit changer. Il faut dénationaliser l’enseignement. Quel sens p
3563 Mais l’école doit changer. Il faut dénationaliser l’ enseignement. Quel sens peut avoir pour un enfant l’histoire suisse, s
3564 enseignement. Quel sens peut avoir pour un enfant l’ histoire suisse, s’il ignore celle de sa région ? À Couvet, j’ai tout
3565 lle de sa région ? À Couvet, j’ai tout appris sur les Waldstätten (y compris, beaucoup de choses fausses), rien de l’histoi
3566 (y compris, beaucoup de choses fausses), rien de l’ histoire de ma propre vallée… La nation est un concept artificiel qui
3567 fausses), rien de l’histoire de ma propre vallée… La nation est un concept artificiel qui ne repose sur aucune réalité fon
3568 ne repose sur aucune réalité fondamentale. Il y a la région, réalité tangible, cadre de la vie des élèves ; il y a l’Europ
3569 ale. Il y a la région, réalité tangible, cadre de la vie des élèves ; il y a l’Europe — l’ancienne christianitas — réalité
3570 ité tangible, cadre de la vie des élèves ; il y a l’ Europe — l’ancienne christianitas — réalité culturelle et historique ;
3571 e, cadre de la vie des élèves ; il y a l’Europe — l’ ancienne christianitas — réalité culturelle et historique ; enfin le m
3572 anitas — réalité culturelle et historique ; enfin le monde, réalité biologique et écologique. Il faut étudier l’histoire,
3573 réalité biologique et écologique. Il faut étudier l’ histoire, la géographie, l’écologie, l’économie — l’économie doit être
3574 ogique et écologique. Il faut étudier l’histoire, la géographie, l’écologie, l’économie — l’économie doit être une des bra
3575 gique. Il faut étudier l’histoire, la géographie, l’ écologie, l’économie — l’économie doit être une des branches principal
3576 ut étudier l’histoire, la géographie, l’écologie, l’ économie — l’économie doit être une des branches principales des progr
3577 histoire, la géographie, l’écologie, l’économie — l’ économie doit être une des branches principales des programmes — dans
3578 es programmes — dans ces dimensions-là. Passer de la région à l’Europe et au monde au moment où les élèves sont capables d
3579 s — dans ces dimensions-là. Passer de la région à l’ Europe et au monde au moment où les élèves sont capables de saisir les
3580 de la région à l’Europe et au monde au moment où les élèves sont capables de saisir les réalités à ces niveaux-là, et négl
3581 e au moment où les élèves sont capables de saisir les réalités à ces niveaux-là, et négliger chaque fois que c’est possible
3582 ux-là, et négliger chaque fois que c’est possible les frontières nationales. En finir avec les fleuves qui s’arrêtent de co
3583 possible les frontières nationales. En finir avec les fleuves qui s’arrêtent de couler à la frontière sur les croquis de gé
3584 finir avec les fleuves qui s’arrêtent de couler à la frontière sur les croquis de géographie. Une bourde du général de G
3585 euves qui s’arrêtent de couler à la frontière sur les croquis de géographie. Une bourde du général de Gaulle Pourquoi
3586 ie. Une bourde du général de Gaulle Pourquoi l’ économie et l’écologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’éco
3587 de du général de Gaulle Pourquoi l’économie et l’ écologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’économie. Sur dix
3588 uoi l’économie et l’écologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’économie. Sur dix votations proposées au peuple s
3589 cologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’ économie. Sur dix votations proposées au peuple suisse, huit au moins
3590 u moins posent des problèmes économiques auxquels les citoyens n’ont pas été préparés. En étudiant l’économie, les élèves v
3591 les citoyens n’ont pas été préparés. En étudiant l’ économie, les élèves verraient bien que rien n’y justifie les frontièr
3592 s n’ont pas été préparés. En étudiant l’économie, les élèves verraient bien que rien n’y justifie les frontières. Idem pour
3593 , les élèves verraient bien que rien n’y justifie les frontières. Idem pour l’écologie, où la perception des enfants, déjà
3594 n que rien n’y justifie les frontières. Idem pour l’ écologie, où la perception des enfants, déjà très jeunes, est immédiat
3595 justifie les frontières. Idem pour l’écologie, où la perception des enfants, déjà très jeunes, est immédiate : les frontiè
3596 on des enfants, déjà très jeunes, est immédiate : les frontières n’ont rien à voir avec les lois de la nature. Elles n’arrê
3597 immédiate : les frontières n’ont rien à voir avec les lois de la nature. Elles n’arrêtent rien de ce qu’il faudrait arrêter
3598 les frontières n’ont rien à voir avec les lois de la nature. Elles n’arrêtent rien de ce qu’il faudrait arrêter : les nuag
3599 es n’arrêtent rien de ce qu’il faudrait arrêter : les nuages, les tempêtes, l’eau polluée ; et elles empêchent le passage d
3600 t rien de ce qu’il faudrait arrêter : les nuages, les tempêtes, l’eau polluée ; et elles empêchent le passage de ce qui dev
3601 u’il faudrait arrêter : les nuages, les tempêtes, l’ eau polluée ; et elles empêchent le passage de ce qui devrait circuler
3602 les tempêtes, l’eau polluée ; et elles empêchent le passage de ce qui devrait circuler : les hommes, les marchandises, qu
3603 empêchent le passage de ce qui devrait circuler : les hommes, les marchandises, quelquefois les idées. On ne fera jamais l’
3604 passage de ce qui devrait circuler : les hommes, les marchandises, quelquefois les idées. On ne fera jamais l’Europe avec
3605 culer : les hommes, les marchandises, quelquefois les idées. On ne fera jamais l’Europe avec les ministres d’aujourd’hui, p
3606 andises, quelquefois les idées. On ne fera jamais l’ Europe avec les ministres d’aujourd’hui, parce que toute leur manière
3607 uefois les idées. On ne fera jamais l’Europe avec les ministres d’aujourd’hui, parce que toute leur manière de penser est p
3608 sonnière des schémas nationaux. Souvenez-vous que le général de Gaulle aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à l’O
3609 ous que le général de Gaulle aimait à répéter que l’ Europe va de Gibraltar à l’Oural. Cette bourde m’a toujours étonné. Po
3610 e aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à l’ Oural. Cette bourde m’a toujours étonné. Pourquoi donc à l’Oural ? C’e
3611 Cette bourde m’a toujours étonné. Pourquoi donc à l’ Oural ? C’est tout, sauf une séparation : une petite chaîne de colline
3612 chaîne de collines, traversée par un affluent de la Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin de l’industrie lourde
3613 ar un affluent de la Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’est
3614 Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin de l’ industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’Allema
3615 tenant le cœur du bassin de l’industrie lourde de l’ URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’Allemagne. Côté « asiatique 
3616 ’industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’Allemagne. Côté « asiatique » ou côté « européen », c’est
3617 urde de l’URSS. Exactement ce qu’est la Ruhr pour l’ Allemagne. Côté « asiatique » ou côté « européen », c’est exactement l
3618 siatique » ou côté « européen », c’est exactement le même paysage, les mêmes hommes. On y circule dans tous les sens… Cett
3619 é « européen », c’est exactement le même paysage, les mêmes hommes. On y circule dans tous les sens… Cette idée de l’Oural-
3620 paysage, les mêmes hommes. On y circule dans tous les sens… Cette idée de l’Oural-frontière est si absurde, et si répandue,
3621 s. On y circule dans tous les sens… Cette idée de l’ Oural-frontière est si absurde, et si répandue, que j’ai mis deux de m
3622 répandue, que j’ai mis deux de mes étudiants sur le problème. Ils ont trouvé que les manuels d’histoire et de géographie
3623 mes étudiants sur le problème. Ils ont trouvé que les manuels d’histoire et de géographie des années 1900 à 1940 — l’époque
3624 istoire et de géographie des années 1900 à 1940 — l’ époque de la scolarité de Charles de Gaulle — définissaient précisémen
3625 e géographie des années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité de Charles de Gaulle — définissaient précisément l’Europe c
3626 de Charles de Gaulle — définissaient précisément l’ Europe comme allant de Gibraltar à l’Oural. L’école a rendu les hommes
3627 précisément l’Europe comme allant de Gibraltar à l’ Oural. L’école a rendu les hommes qui sont actuellement au pouvoir en
3628 ent l’Europe comme allant de Gibraltar à l’Oural. L’ école a rendu les hommes qui sont actuellement au pouvoir en Europe, i
3629 me allant de Gibraltar à l’Oural. L’école a rendu les hommes qui sont actuellement au pouvoir en Europe, incapables de sais
3630 sir ce que pourrait être une fédération. Or c’est la seule formule possible. En France, les rares personnes que je n’aie p
3631 n. Or c’est la seule formule possible. En France, les rares personnes que je n’aie pas trouvées inaccessibles à l’idée du f
3632 rsonnes que je n’aie pas trouvées inaccessibles à l’ idée du fédéralisme appartiennent plutôt aux partis de gauche. Rocard,
3633 s comment pourrait-il en aller autrement ? Prenez le Petit Littré, qui est encore le dictionnaire de référence des Françai
3634 utrement ? Prenez le Petit Littré, qui est encore le dictionnaire de référence des Français cultivés, et cherchez sous « f
3635 ire un instrument de trahison. Vous écrivez, dans la Suite des Méfaits : « On ne changera pas l’école sans changer l’État.
3636 dans la Suite des Méfaits : « On ne changera pas l’ école sans changer l’État. » Est-ce à dire que l’État doit changer l’é
3637 faits : « On ne changera pas l’école sans changer l’ État. » Est-ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’école
3638 l’école sans changer l’État. » Est-ce à dire que l’ État doit changer l’école, ou que l’école doit former ceux qui changer
3639 r l’État. » Est-ce à dire que l’État doit changer l’ école, ou que l’école doit former ceux qui changeront l’État ? L’un et
3640 ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’ école doit former ceux qui changeront l’État ? L’un et l’autre, et les
3641 e, ou que l’école doit former ceux qui changeront l’ État ? L’un et l’autre, et les deux à la fois. Il y a interaction : l’
3642 ceux qui changeront l’État ? L’un et l’autre, et les deux à la fois. Il y a interaction : l’État crée l’école qui lui conv
3643 utre, et les deux à la fois. Il y a interaction : l’ État crée l’école qui lui convient, l’école produit des citoyens à la
3644 deux à la fois. Il y a interaction : l’État crée l’ école qui lui convient, l’école produit des citoyens à la mesure de l’
3645 teraction : l’État crée l’école qui lui convient, l’ école produit des citoyens à la mesure de l’État. C’est un cercle vici
3646 qui lui convient, l’école produit des citoyens à la mesure de l’État. C’est un cercle vicieux : chercher l’origine nous r
3647 ient, l’école produit des citoyens à la mesure de l’ État. C’est un cercle vicieux : chercher l’origine nous ramène au prob
3648 ure de l’État. C’est un cercle vicieux : chercher l’ origine nous ramène au problème de la poule et de l’œuf… Il faut agir
3649 x : chercher l’origine nous ramène au problème de la poule et de l’œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que faire
3650 origine nous ramène au problème de la poule et de l’ œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que faire au niveau des
3651 fois. Que faire au niveau des États ? Dans toutes les discussions que j’ai avec les officiels, on me répète : « Tout ce que
3652 États ? Dans toutes les discussions que j’ai avec les officiels, on me répète : « Tout ce que vous dites là est bien beau,
3653 beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire à la réalité. » Or que font-ils ? Ils expédient les affaires courantes. Ét
3654 e à la réalité. » Or que font-ils ? Ils expédient les affaires courantes. Étudier l’introduction de nouvelles « matières »
3655 s ? Ils expédient les affaires courantes. Étudier l’ introduction de nouvelles « matières » du programme, la création d’un
3656 roduction de nouvelles « matières » du programme, la création d’un nouveau bâtiment, l’attribution de nouveaux subsides, c
3657 du programme, la création d’un nouveau bâtiment, l’ attribution de nouveaux subsides, ce n’est pas concevoir une politique
3658 concevoir une politique, c’est administrer. Quand l’ homme en place invoque les « réalités », le critique répond : « Vous n
3659 c’est administrer. Quand l’homme en place invoque les « réalités », le critique répond : « Vous ne voyez pas la vraie réali
3660 Quand l’homme en place invoque les « réalités », le critique répond : « Vous ne voyez pas la vraie réalité parce que vous
3661 lités », le critique répond : « Vous ne voyez pas la vraie réalité parce que vous êtes aux prises avec l’administration. L
3662 vraie réalité parce que vous êtes aux prises avec l’ administration. La réalité, c’est tout le système scolaire. Mais ils n
3663 e que vous êtes aux prises avec l’administration. La réalité, c’est tout le système scolaire. Mais ils ne peuvent jamais f
3664 ses avec l’administration. La réalité, c’est tout le système scolaire. Mais ils ne peuvent jamais faire face à ce problème
3665 Il faudrait qu’ils puissent s’arrêter, sortir de l’ urgent et du quotidien, pour pouvoir tout reconsidérer. Pour en sortir
3666 r en sortir, il faut une véritable révolution. L’ impossible révolution Qu’entendez-vous par « révolution » ? Mais… c
3667 ortir du cercle vicieux dont nous parlions tout à l’ heure. Une école nouvelle pourrait exploiter des possibilités d’appren
3668 d’apprentissage totalement négligées aujourd’hui. L’ enseignement fortuit, au hasard des occasions… Aucune place ne lui est
3669 s nos programmes. Moi, j’ai appris à lire hors de l’ école, avec ma sœur. En m’amusant, et en cachette. J’avais 5 ans. Je c
3670 t en cachette. J’avais 5 ans. Je cite aussi, dans les Méfaits , l’exemple de Benjamin Constant. À 5 ans, il a appris le gr
3671 J’avais 5 ans. Je cite aussi, dans les Méfaits , l’ exemple de Benjamin Constant. À 5 ans, il a appris le grec. Sous forme
3672 xemple de Benjamin Constant. À 5 ans, il a appris le grec. Sous forme de jeu9. Peut-être l’évolution en cours dans la plup
3673 l a appris le grec. Sous forme de jeu9. Peut-être l’ évolution en cours dans la plupart des écoles européennes donnera-t-el
3674 part des écoles européennes donnera-t-elle lieu à la révolution que vous souhaitez. Mais on en distingue déjà deux dévelop
3675 adictoires : d’une part, on tend à individualiser l’ enseignement au maximum, de manière que chaque élève puisse travailler
3676 pre, d’autre part on cherche à institutionnaliser le travail collectif, pour développer le sens social. Dans le premier ca
3677 tionnaliser le travail collectif, pour développer le sens social. Dans le premier cas, comme vous le dites, l’élève pourra
3678 r le sens social. Dans le premier cas, comme vous le dites, l’élève pourra « trotter à son pas, galoper s’il le peut à tra
3679 social. Dans le premier cas, comme vous le dites, l’ élève pourra « trotter à son pas, galoper s’il le peut à travers les p
3680 l’élève pourra « trotter à son pas, galoper s’il le peut à travers les programmes, bride sur le cou ». Dans le second, il
3681 trotter à son pas, galoper s’il le peut à travers les programmes, bride sur le cou ». Dans le second, il faudra bien que l’
3682 s’il le peut à travers les programmes, bride sur le cou ». Dans le second, il faudra bien que l’élève le plus rapide atte
3683 sur le cou ». Dans le second, il faudra bien que l’ élève le plus rapide attende que le plus lent de son groupe le rejoign
3684 cou ». Dans le second, il faudra bien que l’élève le plus rapide attende que le plus lent de son groupe le rejoigne. Comme
3685 audra bien que l’élève le plus rapide attende que le plus lent de son groupe le rejoigne. Comment résoudre cette alternati
3686 lus rapide attende que le plus lent de son groupe le rejoigne. Comment résoudre cette alternative ? D’abord — et c’est à m
3687 cette alternative ? D’abord — et c’est à mes yeux la chose la plus importante — il faut interdire la phrase : « Ici, tous
3688 ernative ? D’abord — et c’est à mes yeux la chose la plus importante — il faut interdire la phrase : « Ici, tous doivent f
3689 x la chose la plus importante — il faut interdire la phrase : « Ici, tous doivent faire la même chose ! » Ça, c’est la for
3690 t interdire la phrase : « Ici, tous doivent faire la même chose ! » Ça, c’est la formule de base de l’école napoléonienne,
3691 i, tous doivent faire la même chose ! » Ça, c’est la formule de base de l’école napoléonienne, par quoi on a fabriqué des
3692 la même chose ! » Ça, c’est la formule de base de l’ école napoléonienne, par quoi on a fabriqué des peuples militarisés, e
3693 s marxistes « aliénation » des élèves, je préfère l’ appeler « alignement ». On aligne les esprits à l’école, comme on alig
3694 s, je préfère l’appeler « alignement ». On aligne les esprits à l’école, comme on aligne les corps au service militaire. Or
3695 l’appeler « alignement ». On aligne les esprits à l’ école, comme on aligne les corps au service militaire. Or, le fédérali
3696 On aligne les esprits à l’école, comme on aligne les corps au service militaire. Or, le fédéralisme — j’y reviens toujours
3697 mme on aligne les corps au service militaire. Or, le fédéralisme — j’y reviens toujours — c’est exactement le contraire. Ç
3698 ralisme — j’y reviens toujours — c’est exactement le contraire. Ça consiste à laisser à chacun autant d’autonomie que poss
3699 cun autant d’autonomie que possible, c’est-à-dire le droit de différer. Ceci pour le premier terme de votre « alternative 
3700 ent nécessaire. Je ne vois pas d’opposition entre l’ enseignement individualisé et le travail collectif, mais bien une comp
3701 ’opposition entre l’enseignement individualisé et le travail collectif, mais bien une complémentarité. Je ne crois pas que
3702 vec des camarades plus faibles. Au contraire : en les aidant, ils apprendraient d’autant mieux. On ne sait vraiment que ce
3703 ne sait vraiment que ce qu’on a dû enseigner. Je l’ observe tous les jours sur moi-même à l’Université : je ne creuse jama
3704 nt que ce qu’on a dû enseigner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l’Université : je ne creuse jamais si bien un pr
3705 igner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l’ Université : je ne creuse jamais si bien un problème que quand je dois
3706 euse jamais si bien un problème que quand je dois le présenter à mes étudiants. « Illich est trop rousseauiste » Ser
3707 cole comme celle des amish, dont vous parlez dans les Méfaits 10, et dont vous dites qu’elle ressemble à ce que demande Ill
3708 , il est trop rousseauiste : il suppose chez tous les enfants une sorte de besoin inné de s’instruire et de s’entraider. Po
3709 inné de s’instruire et de s’entraider. Pour lui, l’ homme naît bon, et l’école le corrompt. Or je crains que, livrés à eux
3710 et de s’entraider. Pour lui, l’homme naît bon, et l’ école le corrompt. Or je crains que, livrés à eux-mêmes, les enfants n
3711 entraider. Pour lui, l’homme naît bon, et l’école le corrompt. Or je crains que, livrés à eux-mêmes, les enfants ne tomben
3712 e corrompt. Or je crains que, livrés à eux-mêmes, les enfants ne tombent en proie à toutes les modes successives diffusées
3713 x-mêmes, les enfants ne tombent en proie à toutes les modes successives diffusées par les mass médias, ou sous la coupe des
3714 roie à toutes les modes successives diffusées par les mass médias, ou sous la coupe des chefs de gangs… J’en ai vu des exem
3715 uccessives diffusées par les mass médias, ou sous la coupe des chefs de gangs… J’en ai vu des exemples très proches : aux
3716 onner aux membres de son groupe n’importe quoi… À l’ autorité défaillante du maître se substitue celle d’un camarade. Vous
3717 bstitue celle d’un camarade. Vous ne croyez pas à la « socialisation par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le
3718 rade. Vous ne croyez pas à la « socialisation par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le règne des forts en gueu
3719 à la « socialisation par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le règne des forts en gueule, voire des sadiques. R
3720 ialisation par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le règne des forts en gueule, voire des sadiques. Revenons à
3721 par le groupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le règne des forts en gueule, voire des sadiques. Revenons à l’évolution
3722 s forts en gueule, voire des sadiques. Revenons à l’ évolution de l’école, et aux deux pôles dont nous avons parlé : indivi
3723 le, voire des sadiques. Revenons à l’évolution de l’ école, et aux deux pôles dont nous avons parlé : individualisation et
3724 modo, qu’à gauche on aura tendance à insister sur le travail en groupe, à laisser les élèves rapides et les élèves lents e
3725 ce à insister sur le travail en groupe, à laisser les élèves rapides et les élèves lents ensemble le plus longtemps possibl
3726 ravail en groupe, à laisser les élèves rapides et les élèves lents ensemble le plus longtemps possible, tandis qu’à droite
3727 r les élèves rapides et les élèves lents ensemble le plus longtemps possible, tandis qu’à droite on donnera la priorité à
3728 longtemps possible, tandis qu’à droite on donnera la priorité à l’individualisation… La droite et la gauche ont tort de ne
3729 ible, tandis qu’à droite on donnera la priorité à l’ individualisation… La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’un
3730 ite on donnera la priorité à l’individualisation… La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’un des deux termes. Car
3731 a la priorité à l’individualisation… La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’un des deux termes. Car il faut que
3732 l’un existe pour que l’autre vive, et vice versa. L’ éducation sera la résultante d’une tension dynamique entre les deux. O
3733 que l’autre vive, et vice versa. L’éducation sera la résultante d’une tension dynamique entre les deux. On ne peut nier qu
3734 sera la résultante d’une tension dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’homme a besoin de compagnie, mais aussi b
3735 ion dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’ homme a besoin de compagnie, mais aussi besoin d’être seul ; besoin de
3736 ussi de se retrouver face à lui-même. Lui imposer la société permanente des autres ou le réduire à une totale solitude son
3737 . Lui imposer la société permanente des autres ou le réduire à une totale solitude sont deux tortures équivalentes. Toute
3738 e solitude sont deux tortures équivalentes. Toute la vie est fondée sur une série de couples antinomiques : communication-
3739 uver leur point d’équilibre dynamique. Ainsi pour le fédéralisme, qui est si mal compris, même en Suisse. Il s’agit de met
3740 s’agit de mettre en relation des éléments — dans le cas européen, des régions — qui aient chacun leur autonomie, leurs ca
3741 ient des tensions fécondes conduisant à la fois à l’ union et à la diversification. C’est parfaitement compatible : un rése
3742 ions fécondes conduisant à la fois à l’union et à la diversification. C’est parfaitement compatible : un réseau routier un
3743 tible : un réseau routier unifié n’entame en rien l’ originalité des génies locaux. Le fédéralisme doit commencer à la base
3744 n’entame en rien l’originalité des génies locaux. Le fédéralisme doit commencer à la base. Prenez le couple : la femme et
3745 es génies locaux. Le fédéralisme doit commencer à la base. Prenez le couple : la femme et l’homme doivent exister à la foi
3746 . Le fédéralisme doit commencer à la base. Prenez le couple : la femme et l’homme doivent exister à la fois pour soi et po
3747 isme doit commencer à la base. Prenez le couple : la femme et l’homme doivent exister à la fois pour soi et pour l’autre,
3748 mmencer à la base. Prenez le couple : la femme et l’ homme doivent exister à la fois pour soi et pour l’autre, sans qu’il y
3749 semblables et différents, séparés et unis. C’est la formule de tout fédéralisme. Tension entre deux pôles. Vous retrouvez
3750 sion entre deux pôles. Vous retrouvez cela à tous les échelons. C’est une réalité biologique : au niveau des cellules, des
3751 posez qu’un équilibre statique s’installe : c’est la mort. Tout ce système est cohérent. Vous en trouverez les racines dan
3752 . Tout ce système est cohérent. Vous en trouverez les racines dans la théologie, dans l’image du Christ — Jésus à la fois D
3753 est cohérent. Vous en trouverez les racines dans la théologie, dans l’image du Christ — Jésus à la fois Dieu et homme. La
3754 en trouverez les racines dans la théologie, dans l’ image du Christ — Jésus à la fois Dieu et homme. La plupart des déviat
3755 is Dieu et homme. La plupart des déviations, dans la doctrine chrétienne, viennent de ce qu’on a tendu soit à confondre le
3756 ne, viennent de ce qu’on a tendu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence humaine. Il faut re
3757 endu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’existence si
3758 er à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’ existence simultanée du divin et de l’humain dans le même être est dif
3759 nnaître que l’existence simultanée du divin et de l’ humain dans le même être est difficile, voire impossible à concevoir.
3760 existence simultanée du divin et de l’humain dans le même être est difficile, voire impossible à concevoir. Mais cela nous
3761 ble à concevoir. Mais cela nous éloigne un peu de l’ école… Comment changer l’école ? Pour y revenir, et pour termine
3762 ous éloigne un peu de l’école… Comment changer l’ école ? Pour y revenir, et pour terminer : comment changer l’école 
3763 our y revenir, et pour terminer : comment changer l’ école ? Par le biais de la Campagne d’éducation civique européenne que
3764 et pour terminer : comment changer l’école ? Par le biais de la Campagne d’éducation civique européenne que je préside de
3765 miner : comment changer l’école ? Par le biais de la Campagne d’éducation civique européenne que je préside depuis une diz
3766 is une dizaine d’années, nous essayons de toucher le plus grand nombre possible d’enseignants, du degré secondaire surtout
3767 degré secondaire surtout : ce sont eux qui feront l’ Europe de l’an 2000, comme le dit le titre de mon dernier article dans
3768 aire surtout : ce sont eux qui feront l’Europe de l’ an 2000, comme le dit le titre de mon dernier article dans Civisme eur
3769 sont eux qui feront l’Europe de l’an 2000, comme le dit le titre de mon dernier article dans Civisme européen 11. Mais il
3770 ux qui feront l’Europe de l’an 2000, comme le dit le titre de mon dernier article dans Civisme européen 11. Mais il est cl
3771 ivisme européen 11. Mais il est clair que, seule, la bonne volonté des maîtres ne suffira pas. Il faut modifier les struct
3772 onté des maîtres ne suffira pas. Il faut modifier les structures. Les structures nouvelles étant censées sécréter une nouve
3773 ne suffira pas. Il faut modifier les structures. Les structures nouvelles étant censées sécréter une nouvelle pédagogie, d
3774 is pourront permettre à des talents paralysés par les structures actuelles de s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à
3775 es actuelles de s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à être bons ou intelligents, mais on peut leur offrir un cadre o
3776 où leur bonté et leur intelligence aient au moins la possibilité de s’exercer. La modification des structures ne suffit pa
3777 gence aient au moins la possibilité de s’exercer. La modification des structures ne suffit pas, les efforts individuels ne
3778 er. La modification des structures ne suffit pas, les efforts individuels ne suffisent pas. Mais si le problème est attaqué
3779 les efforts individuels ne suffisent pas. Mais si le problème est attaqué par les deux bouts à la fois, alors peut-être… L
3780 uffisent pas. Mais si le problème est attaqué par les deux bouts à la fois, alors peut-être… Le principal, dans tout ce que
3781 ué par les deux bouts à la fois, alors peut-être… Le principal, dans tout ce que je vous ai dit, c’est ceci, je le répète 
3782 , dans tout ce que je vous ai dit, c’est ceci, je le répète : il faut apprendre à penser par antinomies. Lier solitude et
3783 éralement mal, parce qu’elle est mal traduite : «  La guerre est la mère de toute chose. » Plutôt que « guerre » il faudrai
3784 parce qu’elle est mal traduite : « La guerre est la mère de toute chose. » Plutôt que « guerre » il faudrait dire « confl
3785 udrait dire « conflit ». À quoi je préfère encore le mot « tension », car on associe aujourd’hui l’idée de conflit à celle
3786 re le mot « tension », car on associe aujourd’hui l’ idée de conflit à celle de lutte douloureuse, voire meurtrière. Parfoi
3787 ureuse, voire meurtrière. Parfois, effectivement, la tension peut devenir conflit, dans ce sens-là, par manque d’harmonie
3788 quilibre. Et c’est parfois inévitable. Mais c’est la condition même de la vie. 9. Benjamin Constant, dans le Cahier Rou
3789 rfois inévitable. Mais c’est la condition même de la vie. 9. Benjamin Constant, dans le Cahier Rouge, raconte que son p
3790 ion même de la vie. 9. Benjamin Constant, dans le Cahier Rouge, raconte que son premier précepteur, un Allemand, avait
3791 idée assez ingénieuse, celle de me faire inventer le grec pour l’apprendre. Il me proposa de nous faire à nous deux une la
3792 génieuse, celle de me faire inventer le grec pour l’ apprendre. Il me proposa de nous faire à nous deux une langue qui ne s
3793 formâmes d’abord un alphabet, où il introduisait les lettres grecques. Puis nous commençâmes un dictionnaire dans lequel c
3794 leusement dans ma tête, parce que je m’en croyais l’ inventeur… » 10. « … une classe unique, les aînés aidant les plus jeu
3795 royais l’inventeur… » 10. « … une classe unique, les aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire
3796 r… » 10. « … une classe unique, les aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à compter, à écrire en calligraphie,
3797 re, à compter, à écrire en calligraphie, à parler l’ anglais et l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître
3798 , à écrire en calligraphie, à parler l’anglais et l’ allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangile.
3799 hie, à parler l’anglais et l’allemand, à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté des amish
3800 r l’anglais et l’allemand, à observer les lois de l’ hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté des amish produit tou
3801 , à observer les lois de l’hygiène et à connaître l’ Évangile. La communauté des amish produit tout ce dont elle a besoin e
3802 les lois de l’hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté des amish produit tout ce dont elle a besoin et refuse le
3803 mish produit tout ce dont elle a besoin et refuse le tracteur et l’auto. » 11. « Le sort de l’an 2000 se joue dans nos éc
3804 ut ce dont elle a besoin et refuse le tracteur et l’ auto. » 11. « Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles », Civisme
3805 besoin et refuse le tracteur et l’auto. » 11. «  Le sort de l’an 2000 se joue dans nos écoles », Civisme européen, Genève
3806 refuse le tracteur et l’auto. » 11. « Le sort de l’ an 2000 se joue dans nos écoles », Civisme européen, Genève, mars 1972
3807 , Civisme européen, Genève, mars 1972, publié par le Centre européen de la culture, 122, rue de Lausanne, Genève. bc. Ro
3808 nt Denis de, « [Entretien] Il faut dénationaliser l’ enseignement », Gazette de Lausanne, Lausanne, 8 décembre 1972, p. 3.
3809 p. 3. bd. Propos recueillis par Laurent Rebeaud. L’ entretien est précédé de l’introduction suivante : «  Les Méfaits de l
3810 s par Laurent Rebeaud. L’entretien est précédé de l’ introduction suivante : «  Les Méfaits de l’instruction publique , tel
3811 etien est précédé de l’introduction suivante : «  Les Méfaits de l’instruction publique , tel était le titre de la première
3812 dé de l’introduction suivante : «  Les Méfaits de l’ instruction publique , tel était le titre de la première œuvre qu’ait
3813 Les Méfaits de l’instruction publique , tel était le titre de la première œuvre qu’ait publié Denis de Rougemont, en 1929,
3814 uvre qu’ait publié Denis de Rougemont, en 1929, à l’ âge de 22 ans. Dans ce pamphlet d’une soixantaine de pages, l’auteur s
3815 ans. Dans ce pamphlet d’une soixantaine de pages, l’ auteur se livrait à un éreintement impitoyable du système scolaire, “v
3816 ie d’ennuis”, “puissance de crétinisation lente”. La fonction de l’instruction publique, disait-il, était de conditionner
3817 puissance de crétinisation lente”. La fonction de l’ instruction publique, disait-il, était de conditionner les esprits des
3818 uction publique, disait-il, était de conditionner les esprits des futurs citoyens dans le sens voulu par l’État, en inculqu
3819 conditionner les esprits des futurs citoyens dans le sens voulu par l’État, en inculquant le conformisme et en détruisant
3820 sprits des futurs citoyens dans le sens voulu par l’ État, en inculquant le conformisme et en détruisant l’imagination. Le
3821 yens dans le sens voulu par l’État, en inculquant le conformisme et en détruisant l’imagination. Le temps, apparemment, n’
3822 at, en inculquant le conformisme et en détruisant l’ imagination. Le temps, apparemment, n’a pas entamé la rancune ni la vi
3823 nt le conformisme et en détruisant l’imagination. Le temps, apparemment, n’a pas entamé la rancune ni la virulence de Deni
3824 magination. Le temps, apparemment, n’a pas entamé la rancune ni la virulence de Denis de Rougemont contre l’école. Preuve
3825 temps, apparemment, n’a pas entamé la rancune ni la virulence de Denis de Rougemont contre l’école. Preuve en soit la réc
3826 cune ni la virulence de Denis de Rougemont contre l’ école. Preuve en soit la récente réédition des Méfaits, « aggravés » d
3827 Denis de Rougemont contre l’école. Preuve en soit la récente réédition des Méfaits, « aggravés » d’une Suite des méfaits .
3828 s Méfaits, « aggravés » d’une Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches de détail, et fort peu. Quan
3829 que des retouches de détail, et fort peu. Quant à l’ “aggravation”, de 1972, elle commence ainsi : “Écrit d’un jeune homme
3830 omme en colère, aussi injuste qu’un pamphlet doit l’ être, j’ai le triste plaisir de constater que mon texte n’a pas vieill
3831 e, aussi injuste qu’un pamphlet doit l’être, j’ai le triste plaisir de constater que mon texte n’a pas vieilli, parce que
3832 onstater que mon texte n’a pas vieilli, parce que l’ école n’a pas changé.” Et l’auteur de retrouver dans une série d’écrit
3833 as vieilli, parce que l’école n’a pas changé.” Et l’ auteur de retrouver dans une série d’écrits tout récents l’essentiel d
3834 de retrouver dans une série d’écrits tout récents l’ essentiel de ses critiques quadragénaires. Il cite Ivan Illich, un pro
3835 an Illich, un professeur français, un ministre de l’ Éducation nationale, un poète, Pierre Emmanuel, et même un collégien l
3836 s inconvenant lors d’une cérémonie de promotions. Le principal grief de Denis de Rougemont contre l’école reste le même :
3837 . Le principal grief de Denis de Rougemont contre l’ école reste le même : c’est un crime contre l’homme, estime-t-il, que
3838 grief de Denis de Rougemont contre l’école reste le même : c’est un crime contre l’homme, estime-t-il, que d’aligner les
3839 tre l’école reste le même : c’est un crime contre l’ homme, estime-t-il, que d’aligner les esprits pour la commodité des po
3840 crime contre l’homme, estime-t-il, que d’aligner les esprits pour la commodité des pouvoirs établis. »
3841 omme, estime-t-il, que d’aligner les esprits pour la commodité des pouvoirs établis. »
39 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Merveilleux Lavaux (23-24-25 décembre 1972)
3842 rveilleux Lavaux (23-24-25 décembre 1972)be bf Le centre du monde est partout, la théorie de la relativité l’a démontré
3843 bre 1972)be bf Le centre du monde est partout, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde s
3844 Le centre du monde est partout, la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde se situe réelle
3845 du monde est partout, la théorie de la relativité l’ a démontré. Mais, que le centre du monde se situe réellement quelque p
3846 théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde se situe réellement quelque part dans les airs au-des
3847 re du monde se situe réellement quelque part dans les airs au-dessus du Léman, à mi-hauteur du grand vignoble de Lavaux, ce
3848 évidence ne saurait exiger ni d’ailleurs endurer la moindre preuve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est que vou
3849 er ni d’ailleurs endurer la moindre preuve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’êtes jamais vraiment
3850 ui touche à un centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement revêt une importance rapidement fabuleuse, e
3851 rler, fût-ce à sa louange éperdue, sans provoquer l’ éclat soudain, parfois vociférant (la TV l’a fait voir), de la haine l
3852 ns provoquer l’éclat soudain, parfois vociférant ( la TV l’a fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une
3853 voquer l’éclat soudain, parfois vociférant (la TV l’ a fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une ferveu
3854 ain, parfois vociférant (la TV l’a fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une ferveur déconcertante. Je
3855 ois vociférant (la TV l’a fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’une ferveur déconcertante. Je voudrais
3856 l’a fait voir), de la haine la plus injuste — ou l’ adhésion d’une ferveur déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma par
3857 rer au sujet de Lavaux quelques faits vrais, dont la discordance m’inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie
3858 nce m’inquiète : elle m’empêche de m’abandonner à l’ euphorie d’un lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de cons
3859 u de céder à cette espèce de conscience que donne l’ indignation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les autres v
3860 ion active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y
3861 eaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus de m
3862 , de garages, de stations d’essence au service de la pollution universelle. Or, les autos figurent l’emblème du paradoxe m
3863 sence au service de la pollution universelle. Or, les autos figurent l’emblème du paradoxe majeur de notre civilisation. Gr
3864 la pollution universelle. Or, les autos figurent l’ emblème du paradoxe majeur de notre civilisation. Grâce à elles, l’hom
3865 doxe majeur de notre civilisation. Grâce à elles, l’ homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact p
3866 ion. Grâce à elles, l’homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui vital s’est révélé mor
3867 es, l’homme des villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui vital s’est révélé mortel pour la natu
3868 e contact pour lui vital s’est révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès qu’un touriste découv
3869 i vital s’est révélé mortel pour la nature. C’est l’ histoire d’un amour fatal : dès qu’un touriste découvre un endroit sol
3870 dès qu’un touriste découvre un endroit solitaire, la foule s’y jette et le supprime. L’homme a besoin de solitude. Mais la
3871 ouvre un endroit solitaire, la foule s’y jette et le supprime. L’homme a besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer
3872 oit solitaire, la foule s’y jette et le supprime. L’ homme a besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui p
3873 par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé
3874 autobus et téléphone, et de stations d’épuration. Les chemins de fer et l’autoroute y font déjà leurs longues blessures. To
3875 et de stations d’épuration. Les chemins de fer et l’ autoroute y font déjà leurs longues blessures. Tout cela — nul n’y peu
3876 cela — nul n’y peut rien — aux dépens du paysage. Les « nécessités » de la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mai
3877 en — aux dépens du paysage. Les « nécessités » de la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour n
3878 . Les « nécessités » de la vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Les maxima cont
3879 ons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œuvre dans toute chose humaine,
3880 cessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’ œuvre dans toute chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité de
3881 dans toute chose humaine, sont ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quantitatives. Sur quoi rè
3882 se humaine, sont ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne une lumièr
3883 , sont ici comme ailleurs la qualité de la vie et les conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne une lumière divine —
3884 gne une lumière divine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni de droite, mais toujours d’en haut, r
3885 oite, mais toujours d’en haut, rayonnants. Il y a le paysage mais aussi le paysan. Entre les dieux sereins et la terre la
3886 en haut, rayonnants. Il y a le paysage mais aussi le paysan. Entre les dieux sereins et la terre labourée, la terre bâtie
3887 s. Il y a le paysage mais aussi le paysan. Entre les dieux sereins et la terre labourée, la terre bâtie, d’utilité publiqu
3888 mais aussi le paysan. Entre les dieux sereins et la terre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire le
3889 n. Entre les dieux sereins et la terre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire les hommes et les fem
3890 a terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appar
3891 d’utilité publique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout l
3892 lique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ? « Lavaux appartient à tout le monde », à t
3893 artient à tout le monde », à tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un bea
3894 Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils en usent, c’est-à
3895 qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’ aiment aussi, mais ils en usent, c’est-à-dire le transforment chaque j
3896 s l’aiment aussi, mais ils en usent, c’est-à-dire le transforment chaque jour par les retouches insensibles de l’usage, us
3897 ent, c’est-à-dire le transforment chaque jour par les retouches insensibles de l’usage, usure et patine à la fois. Pour gar
3898 ment chaque jour par les retouches insensibles de l’ usage, usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous aimon
3899 e l’usage, usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en
3900 x que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant non pas figé. Et
3901 selon sa loi. Il est d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu sublime se posent en des termes semb
3902 est d’autres centres du monde où les problèmes de la survie d’un lieu sublime se posent en des termes semblables. Ainsi, q
3903 Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, an
3904 pas archéologique. Pour sauver Venise, il faudra la changer. Inaliénable, oui, inaltérable, non. Ensuite, « faire son sal
3905 érable, non. Ensuite, « faire son salut » suppose la foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver La
3906 son salut » suppose la foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins
3907 suppose la foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédo
3908 morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le nivea
3909 oins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez un
3910 e accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez un pays ravissant et radi
3911 abitez un pays ravissant et radieux. Mais vous ne le sauverez pas sans héroïsme. Si Lavaux doit faire son salut, ce sera p
3912 ïsme. Si Lavaux doit faire son salut, ce sera par la grâce de quelques fous associant leur foi poétique aux calculs des vr
3913 eux qui pensent court et bas et nous jettent dans la pollution au nom de la rentabilité, mais ceux qui font passer avant l
3914 t bas et nous jettent dans la pollution au nom de la rentabilité, mais ceux qui font passer avant le profit d’argent — cet
3915 e la rentabilité, mais ceux qui font passer avant le profit d’argent — cette chose abstraite — les désirs et les rythmes d
3916 vant le profit d’argent — cette chose abstraite — les désirs et les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit et les élans
3917 d’argent — cette chose abstraite — les désirs et les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit et les élans de l’âme. Juil
3918 e abstraite — les désirs et les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit et les élans de l’âme. Juillet 1972. be. Rouge
3919 es désirs et les rythmes du corps, les valeurs de l’ esprit et les élans de l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis de,
3920 les rythmes du corps, les valeurs de l’esprit et les élans de l’âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis de, « Merveilleu
3921 du corps, les valeurs de l’esprit et les élans de l’ âme. Juillet 1972. be. Rougemont Denis de, « Merveilleux Lavaux »,
3922 e), Lausanne, 23–25 décembre 1972, p. 17-18. bf. Le texte est précédé du chapeau suivant : « C’est à l’initiative de Jean
3923 texte est précédé du chapeau suivant : « C’est à l’ initiative de Jean-Pierre Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale, que
3924 erre Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale, que l’ on doit un ouvrage qui vient à point nommé : Merveillleux Lavaux. Sauv
3925 eux Lavaux. Sauver cette unique contrée n’est pas le postulat d’un seul homme. Les artisans du livre, auteurs des textes,
3926 ue contrée n’est pas le postulat d’un seul homme. Les artisans du livre, auteurs des textes, qu’ils s’appellent Paul Chaude
3927 ugemont, tous y contribuent. Mais, parallèlement, les images prennent la parole. L’objectif de Michèle Duperrex, qui donne
3928 ribuent. Mais, parallèlement, les images prennent la parole. L’objectif de Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet
3929 is, parallèlement, les images prennent la parole. L’ objectif de Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet d’un Lavau
3930 objectif de Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet d’un Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’un tel coin de pays doi
3931 tel coin de pays doit être sauvegardé au prix de l’ intelligence et de sacrifices, comme le rappelle ici Denis de Rougemon
3932 au prix de l’intelligence et de sacrifices, comme le rappelle ici Denis de Rougemont. »
40 1984, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Philosophie et énergie nucléaire : une mise au point (28 juin 1984)
3933 mpte, très largement, d’une assemblée générale de la Compagnie vaudoise d’électricité, au cours de laquelle M. Desmeules,
3934 e M. Desmeules, son directeur, aurait affirmé que les promoteurs des initiatives antinucléaires, c’est-à-dire selon lui « l
3935 tiatives antinucléaires, c’est-à-dire selon lui «  les amis de Denis de Rougemont » — « préparent l’avènement du dirigisme m
3936 « les amis de Denis de Rougemont » — « préparent l’ avènement du dirigisme marxiste dans notre pays » et préconisent en ré
3937 de façon quasi militaire » avec « intervention de la Confédération jusque dans nos cuisines et salles de bains. » Je n’ai
3938 ui n’a dit que ce qu’il devait dire pour défendre les intérêts de sa compagnie ; mais votre rédacteur a jugé bon de mettre
3939 deux citations de moi faites par M. Desmeules. À l’ intention de vos lecteurs, il m’importe de dénoncer l’usage fait de ce
3940 tention de vos lecteurs, il m’importe de dénoncer l’ usage fait de ces deux citations, qui en falsifie le sens et la portée
3941 usage fait de ces deux citations, qui en falsifie le sens et la portée. 1. La première citation, pronucléaire, doit être r
3942 de ces deux citations, qui en falsifie le sens et la portée. 1. La première citation, pronucléaire, doit être replacée dan
3943 onte en effet à 1958 — et non pas 1964 comme vous le dites — date à laquelle l’expérience des centrales nucléaires et de l
3944 on pas 1964 comme vous le dites — date à laquelle l’ expérience des centrales nucléaires et de leurs problèmes majeurs (com
3945 nt nulle en Suisse. J’ai fait cette mise au point le 26 janvier 1979, en prononçant au Palais de Beaulieu, pour introduire
3946 prononçant au Palais de Beaulieu, pour introduire les « Rencontres internationales d’urbanisme »12, une conférence dont voi
3947 onales d’urbanisme »12, une conférence dont voici le début : Dans cette même salle, à cette même place, au mois de juin 1
3948 u plus de vingt ans, devant le premier congrès de l’ Union internationale des producteurs et distributeurs d’électricité, u
3949 buteurs d’électricité, un conférencier prononçait les phrases suivantes : « Les réserves en pétrole… seront un jour épuisée
3950 conférencier prononçait les phrases suivantes : «  Les réserves en pétrole… seront un jour épuisées. Les experts varient sur
3951 Les réserves en pétrole… seront un jour épuisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisemblance du fait… La sit
3952 seront un jour épuisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisemblance du fait… La situation de notre contine
3953 puisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisemblance du fait… La situation de notre continent et de l’humani
3954 nt sur la date, non sur la vraisemblance du fait… La situation de notre continent et de l’humanité entière serait apparemm
3955 ce du fait… La situation de notre continent et de l’ humanité entière serait apparemment sans espoir, si la culture élaboré
3956 manité entière serait apparemment sans espoir, si la culture élaborée par notre Europe n’avait pas découvert une fois de p
3957 au dernier moment, une nouvelle source d’énergie. L’ énergie nucléaire est la réponse, inventée par notre génie, par nos sa
3958 ouvelle source d’énergie. L’énergie nucléaire est la réponse, inventée par notre génie, par nos savants européens, au défi
3959 étaient en train d’accroître au-delà du possible les besoins matériels et les revendications 13. Ce conférencier, c’était
3960 ître au-delà du possible les besoins matériels et les revendications 13. Ce conférencier, c’était moi. Certains penseront q
3961 loin qu’eux. Je pense que ces déclarations, si je les répétais aujourd’hui, comme le font la plupart des survivants de mon
3962 clarations, si je les répétais aujourd’hui, comme le font la plupart des survivants de mon auditoire d’alors, devenus PDG
3963 ature à me disqualifier radicalement pour traiter le sujet de l’énergie en général, et de ses rapports avec l’autonomie en
3964 isqualifier radicalement pour traiter le sujet de l’ énergie en général, et de ses rapports avec l’autonomie en particulier
3965 de l’énergie en général, et de ses rapports avec l’ autonomie en particulier. Mais j’ai changé, qu’on se rassure, et même
3966 assure, et même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse de cette ville. Et c’est cela, précisément,
3967 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse de cette ville. Et c’est cela, précisément, qui m’autorise à p
3968 c’est cela, précisément, qui m’autorise à prendre la parole parmi vous. […] Quelques-uns de ceux qui sont ici ce matin, et
3969 ici ce matin, et non des moindres, partageaient à l’ époque mes illusions, et je les retrouve aujourd’hui au premier rang d
3970 res, partageaient à l’époque mes illusions, et je les retrouve aujourd’hui au premier rang de l’opposition au nucléaire. Il
3971 et je les retrouve aujourd’hui au premier rang de l’ opposition au nucléaire. Ils pourront confirmer ma description de l’ét
3972 cléaire. Ils pourront confirmer ma description de l’ état d’innocence générale où nous étions à peu près tous. […] Je ne pe
3973 pris pas mal de choses depuis, et d’en avoir tiré les conséquences. 2. La seconde citation, antinucléaire celle-là, est da
3974 on, antinucléaire celle-là, est datée de 1984. Je la rappelle : Selon que (notre) choix se portera sur le nucléaire ou su
3975 appelle : Selon que (notre) choix se portera sur le nucléaire ou sur le solaire, nous aurons soit une société centralisée
3976 (notre) choix se portera sur le nucléaire ou sur le solaire, nous aurons soit une société centralisée, exploitée de façon
3977 il est clair qu’elle ne contredit en réalité que les intentions que M. Desmeules nous attribue d’une manière arbitraire et
3978 out, décidément, et beaucoup plus encore qu’on ne le croirait : car l’expression « exploitée de façon quasi militaire » no
3979 t beaucoup plus encore qu’on ne le croirait : car l’ expression « exploitée de façon quasi militaire » non seulement n’est
3980 i et ne traduit en rien notre idéal, mais formule l’ exigence « essentielle » du grand patron des centrales nucléaires en F
3981 s centrales nucléaires en France ! J’en donne ici la preuve irréfutable. Dans la revue économique Investir, en mars 1975,
3982 ance ! J’en donne ici la preuve irréfutable. Dans la revue économique Investir, en mars 1975, M. Jean-Claude Leny, directe
3983 Leny, directeur général de Framatome, qui assure la maîtrise d’œuvre de tous les réacteurs français de type PWR, déclare 
3984 Framatome, qui assure la maîtrise d’œuvre de tous les réacteurs français de type PWR, déclare : Les installations nucléair
3985 us les réacteurs français de type PWR, déclare : Les installations nucléaires ne sont pas dangereuses, à condition qu’elle
3986 anière rigoureuse… Pour moi, il est essentiel que les centrales nucléaires soient peu nombreuses, donc de grande taille, im
3987 dit cela. Quant à prétendre que mon idéal serait l’ État marxiste omnipotent, il faut n’avoir rien lu de moi pour oser le
3988 ipotent, il faut n’avoir rien lu de moi pour oser le répéter à longueur de colonnes. Est-il pensable qu’une cause défendue
3989 s soit une bonne cause ? 12. Texte complet dans le volume FACT 79, Lausanne 1980, Éditions Georgi, p. 17 et 18. 13. Les
3990 Lausanne 1980, Éditions Georgi, p. 17 et 18. 13. Les lignes en italique sont celles citées par M. Desmeules. 14. Cité par