1 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Erreurs sur l’Allemagne (1er mai 1940)
1 plus massifs sur l’hitlérisme et sur ses causes. On voudrait rappeler qu’en telle matière, tout jugement massif manque de
2 reste. Je vois bien quelles erreurs politiques l’ on peut reprocher à Luther, avec 400 ans de recul. Je vois bien que, sur
3 0 ans de recul. Je vois bien que, sur le papier l’ on peut déduire de ces erreurs que Luther conduit à Hitler : il suffit,
4 e. Ce qui n’est pas sans compliquer l’affaire… Qu’ on recherche la coloration particulière que le luthéranisme a donnée au
5 odoxie au totalitarisme russe, fort bien. Mais qu’ on ne dise pas : Luther mène à Hitler. C’est une sottise et une mauvaise
6 r. C’est une sottise et une mauvaise action, si l’ on songe que le pasteur Niemöller, vrai descendant de Luther, est en pri
7 ée de la mort domine tout, et tout la découvre »? On voit le danger d’aller chercher dans un passé que l’on connaît mal le
8 it le danger d’aller chercher dans un passé que l’ on connaît mal les causes d’une révolution dont les effets ne sont que t
9 out cela se trouvent impliquées des nations que l’ on aime et de chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous rappe
2 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)
10 uelque chose d’irremplaçable, de quelque chose qu’ on peut tuer, mais qu’on ne peut conquérir par la force, et qui vaut plu
11 açable, de quelque chose qu’on peut tuer, mais qu’ on ne peut conquérir par la force, et qui vaut plus, insondablement plus
12 monde entier qu’il est des victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les dons de l’âme et les raisons de v
13 rs les dons de l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ils fassent dix fois le tour du monde ! Ils ne rencontrero
3 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). New York alpestre (14 février 1941)
14 gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’ on voit aux crêtes des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’u
15 extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’extrême densité
4 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La route américaine (18 février 1941)
16 rfois de sa conception de la vie. Aux États-Unis, on parle tous les jours de l’american way of life, littéralement : de la
17 ymbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère des défricheurs de savanes q
18 e qu’ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien ajouter aux plus hauts gratte-ciel de New York,
19 à travers tout le continent. Personne n’en parle. On n’a pas eu besoin de changer de régime pour le réaliser. Les autostra
20 sens, séparées par une large bande gazonnée où l’ on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un grand arbre isolé, témoin de
5 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Souvenir de la paix française (15 mars 1941)
21 rs. Une seule rangée de maisons à traverser, et l’ on parvient dans la grand-rue : comme elle est vide ! Les toits d’ardois
6 1946, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Monsieur Denis de Rougemont, de passage en Europe, nous dit… [Entretien] (4 mai 1946)
22 e française ; la production littéraire demande qu’ on ne séjourne pas indéfiniment dans le climat étranger. En outre, j’ai
23 tenant destiné aux jeunes Américains. Je crois qu’ on en a peu parlé en Suisse ? En effet. Qu’y enseigniez-vous ? J’avais u
24 autres de mes ouvrages seront traduits. En outre, on va rééditer à Paris Politique de la personne , Penser avec les main
25 que la nôtre, mais qui a ses valeurs à elle. Peut- on employer ce mot de civilisation pour un peuple si neuf ? Disons que l
26 ui leur plaît, et ils ne font que s’en amuser. Si on les compare aux Français, il est indéniable que ces derniers, quoi qu
27 çais, il est indéniable que ces derniers, quoi qu’ on dise, sont beaucoup plus « sérieux ». L’Amérique est du reste un pays
28 vrai quelque part. C’est un résumé de la planète. On se sent à New York, en particulier, si cosmopolite aujourd’hui, comme
29 s ouvrages médiocres. Quand un livre a du succès, on le refait cent fois. À part une ou deux exceptions, les bons auteurs
30 ne entente fructueuse et solide. Et, à ce propos, on a tort en Europe de craindre l’impérialisme américain. J’ai peur, qua
7 1947, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (5 décembre 1947)
31 est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si l’ on admet avec cet avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’alter
32 t et se prononcent de même, mais par ce procédé l’ on pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’un lion du désert, et
33 nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter, un nommé Oltramare, me f
34 comme Oltramare, notre infaillible führer suisse. On lui répond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire
35 prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Ma
36 ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’office. Fin de la douleur de Duperrier. Mais voilà !… les A
37 la guerre. La Suisse subsiste, intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avoc
38 , intacte et libre. On n’a pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir un peu. Son avocat garde le droit de me dénonc
8 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les écrivains romands et Paris (10 septembre 1949)
39 ’insurger, nous seuls, contre ce fait ? Imagine-t- on Chateaubriand se demandant s’il existe pour lui « une possibilité de
40 eu et de sa province natale. Même et surtout si l’ on doit tirer de ce milieu, de cette province, le meilleur de son inspir
41 s qu’une tentative de retrouver ailleurs ce que l’ on ne trouve pas dans son pays, une fuite, loin de ce que Ramuz appelle
9 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est encore un espoir (8 décembre 1949)
42 e. Les autres dorment. Ils n’ont pas encore vu qu’ on ne leur laissera plus le temps d’être prudents. Trop tard, dites-vous
43 lement vous le dites, vous l’écrivez, mais encore on va l’imprimer, puisque votre lettre est « ouverte ». C’est qu’il y a
44 ; et l’URSS n’a pas été traitée mieux qu’elle, qu’ on s’en souvienne. Une Europe entre deux colosses ? Mais gardons-nous de
45 . Mais je pense que vous avez tort de proposer qu’ on choisisse un Grand Homme. Vous n’y croyez sans doute pas plus que moi
10 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Fédéralisme et culture (3-4 mars 1962)
46 léaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’ on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’y développent à foi
47 nace dans ses sources notre vitalité fédéraliste. On parle beaucoup, ces jours-ci du danger que le Marché commun représent
48 mes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre. q. Rougemont Denis de, « Fédéral
11 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)
49 sur nos relations futures avec le Marché commun, on croirait que l’union de l’Europe se réduit à des problèmes de tarifs
50 uelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’ on tente aujourd’hui d’unir est d’abord une entité culturelle ; 3. Il en
51 rd une entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’ on ne doit et que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec
52 elle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et que l’ on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec le génie même de sa
53 ture, qui est celui de l’union dans la diversité. On va voir que cette thèse « culturelle » nous porte en pleine actualité
54 , c’est très peu de chose plus une culture. Quand on s’imagine que l’Europe, dont discutent aujourd’hui toute la presse et
55 ents, est essentiellement une réalité économique, on oublie que notre économie n’est pas tombée du ciel ni sortie du sol,
56 te qu’au niveau des idéologies, même meurtrières. On va répétant que le nationalisme — généralement confondu avec le patri
57 st là le vrai sens, et le seul possible, de ce qu’ on a nommé « l’Europe des patries ». (Par malheur, l’auteur de ce mot d’
58 ’union économique appelle une union politique, qu’ on ne peut souhaiter que fédérale. L’intégration totale et uniformisante
59 autre pays pour faire valoir ces vues mondiales : on ne l’accusera jamais de néo-colonialisme ! Et elle est mieux placée q
12 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Universités américaines (12-13 janvier 1963)
60 de l’Amérique. C’est qu’il prône une théologie qu’ on pourrait nommer culturelle, et qui tient compte des arts et des relig
61 posé au bord de la route, dans une clairière et l’ on est ami du patron et de la fille superbe qui nous sert le café après
62 sous de grands arbres aux branches horizontales. On nous conduit par des sentiers dallés vers une maison de brique domina
63 sur le parquet, vêtues de collants. Sur la scène, on répète un ballet assez acrobatique et symbolique. Cocktails dans le c
64 pices des Americans for Democratic Action, ADA. » On m’avait parlé, très vaguement, d’une éventuelle discussion avec un gr
65 it… À 3 heures, la grande salle est pleine ; et l’ on me conduit sur l’estrade. Fragments d’interventions des trois célèbre
66 à gauche » et dont plusieurs se demandent, m’a-t- on dit, si l’URSS ne détient pas les clés de l’avenir du monde uni, je l
67 articles que publie le New York Herald Tribune : on ne fait pas plus Européen.) Où sont les successeurs de l’Occident ? J
68 us devons incarner nos valeurs. Mais comment peut- on faire cela, compte tenu des tensions politiques actuelles ? » « Comme
69 , c’est notre latin moderne. » Je me demande où l’ on trouve en Europe rien qui ressemble à ce concours des meilleurs espri
70 s et étudiants y mènent une vie fraternelle, et l’ on y découvre des institutions dont l’Europe ferait bien de s’inspirer. 
13 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)
71 la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’ on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou à Stratford sur l’Avon, es
72 on, est-ce vraiment plus facile à expliquer ? A-t- on vraiment de meilleures chances ? L’idée que la littérature ait pour f
73 n’aurait-il pas besoin, tout simplement, de ce qu’ on appelle en France la classe de rhétorique ? Je ne sens pas que ce soi
74 Et cela n’empêche nullement Cendrars ou Cingria. On nous parle de révolte, de crise et d’analyse, d’inhibitions, de piège
75 , d’inhibitions, de pièges, de frustrations, et l’ on se plaint de manquer d’instruments adéquats pour exprimer ces thèmes
14 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller [Entretien] (9-10 février 1963)
76 erait des éléments d’appréciation pour le xxie  ? On peut tracer des perspectives. On ne peut pas prophétiser. Il y a un
77 pour le xxie  ? On peut tracer des perspectives. On ne peut pas prophétiser. Il y a un auteur d’anticipation qui a longu
15 1964, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il nous faut des hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)
78 itiales « naturelles » de la vie, non plus (comme on le faisait il y a quelques siècles) pour répondre à des besoins certa
79 s’interpénètrent, et certaines s’universalisent. On n’a jamais autant appris de deuxièmes et de troisièmes langues. On n’
80 ant appris de deuxièmes et de troisièmes langues. On n’a jamais autant traduit et déchiffré. Et des machines électroniques
81 culture se mondialise, dans la mesure où partout on exige ses produits, on imite ses techniques et procédés, et l’on se r
82 dans la mesure où partout on exige ses produits, on imite ses techniques et procédés, et l’on se réclame, fût-ce pour les
83 oduits, on imite ses techniques et procédés, et l’ on se réclame, fût-ce pour les retourner contre l’Europe, de ses doctrin
84 0 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’ on prévoit qu’il sera de 500 000 dans une dizaine d’années. (Seules n’au
85 terminologies incomparables. L’université, que l’ on pourrait considérer comme un grand appareil distributeur d’informatio
86 evenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’ on l’agrandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais été mortelles po
87 n vue, veut-elle former ? Je crains bien que si l’ on tentait de le déduire d’une observation attentive de nos universités,
88 d’une observation attentive de nos universités, l’ on ne trouve qu’une sorte de monstre, assemblage de pièces et de morceau
89 une telle question, et c’est pourquoi sans doute on la pose si rarement. Notre enseignement vise-t-il à former des person
90 cela à la fois, sans choix bien motivé sur lequel on se soit accordé ? Il est vrai que ces questions débordent le seul dom
91 ns en moins armés pour y répondre. Le problème qu’ on soulève ici, et qui est celui du principe de cohérence de notre civil
92 culières à l’aventure, advienne que pourra, et qu’ on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’i
93 re, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’ on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’image du monde commu
94 Or rien de tel ne s’est produit, autant que l’ on sache, dans les cultures sacrées et homogènes de l’Asie brahmanique o
95 aux ramifications interdisciplinaires de ce que l’ on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, même p
96 ail. La vie est trop courte, même prolongée comme on nous le promet jusqu’à une moyenne de 90 ans, pour que l’espoir de ma
97 dre chance de succès et l’éducation permanente qu’ on nous propose, qui s’étendrait du berceau à la tombe, ne laisserait gu
98 on. Je la tiens également pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spécialisation du savoir, loin de représenter un
99 f d’un organe aux dépens de l’équilibre du corps. On peut l’évaluer à son prix réel et trouver celui-ci exorbitant : perdr
100 rand d’étudiants et de futurs enseignants. Puisqu’ on ne peut chercher de solution en arrière, il faut donc la chercher en
101 les rapports d’experts qui vous sont soumis. Si l’ on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européenne, qui n’est ri
102 communautaire et de tout bon travail en commun, l’ on sera conduit à préférer la multiplication de petites universités à la
103 nelle, et démontrer d’une manière convaincante qu’ on éprouve l’impérieux désir d’intégrer l’expérience acquise dans un ens
104 gatoirement suivie d’une discussion réglée. Ici l’ on n’impose pas une image du monde : on la cherche en commun, librement.
105 églée. Ici l’on n’impose pas une image du monde : on la cherche en commun, librement. Au sein des colloques, règne une lib
106 es, ou plus précisément d’européologie. Certes, l’ on étudie un peu partout le Marché commun, le mécanisme des organisation
107 Centre de synthèse et les universités existantes, on les imaginera sans peine. L’introduction si désirable dans nos mœurs
108 et institut de synthèse serait idéalement ce dont on parle un peu partout, plus ou moins bien, depuis 1957, date du traité
109 diverses à un très haut niveau de précision. Mais on peut craindre que le langage mathématique, même une fois maîtrisé par
16 1965, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Un écrivain suisse (20-21 mars 1965)
110 n’aient réuni dans une de ces super-provinces qu’ on nomme nations toutes leurs cités, tous leurs pays. Pourtant je vois c
111 r avec force en toute indépendance d’esprit, peut- on dire que ces traits composent une personnalité typiquement suisse ? J
112 personnalité typiquement suisse ? Je constate qu’ on les trouve réunis chez quelques-uns des hommes les mieux liés par tou
17 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Stampa, vieux village… (15-16 janvier 1966)
113 que je l’avais surpris un jour en plein travail — on ne devrait jamais faire ça — pour découvrir qu’avant, ailleurs, au Fl
114 au Flore, chez Lipp, depuis vingt ans et plus qu’ on se rencontrait, je ne l’avais jamais vu dans sa réalité et nous n’avi
18 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). André Breton à New York (8-9 octobre 1966)
115 rencontrer. « Ce sont de ces conneries ! Et que l’ on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive de rê
116 cel Duchamp, père du pop art vingt ans plus tard. On y voyait aussi quelques poètes, des ethnographes, et quelques jeunes
117 es, et quelques jeunes femmes assez fantasques qu’ on eût dit nées des comédies de Shakespeare. On se rencontrait chez l’un
118 s qu’on eût dit nées des comédies de Shakespeare. On se rencontrait chez l’un ou l’autre, faute de terrasses de café, une
119 es de café, une ou deux soirées par semaine, et l’ on se livrait avec beaucoup de sérieux à des jeux d’écriture ou de télép
120 à des jeux d’écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait une fête (comme celle qui fut dédiée au Nombre 21) ou une
121 glés » des ouvriers, de l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il était le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-ga
122 qui procède chez eux de la griserie imaginative, on ne peut refuser d’accorder aux écrivains réformateurs de la première
123 u’il était temps d’aller regarder de plus près qu’ on ne l’avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jansé
19 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jacques Chenevière ou la précision des sentiments (22-23 octobre 1966)
124 ums d’une maison rustique ; une rue de Paris où l’ on se hâte vers l’école ; le travail, et au fil des années, sa longue am
125 onnelle, elle pourra tour à tour l’aliéner (comme on dit) ou le rassurer sur lui-même, mais finalement elle n’aura pas con
126 e d’un comique insidieux et digne du modèle, où l’ on voit Proust lunaire, distrait et intense à la fois, paraître au seuil
127 le monde des lettres et celui de l’action — et l’ on dirait ici qu’un nouveau livre se propose — quelques événements silen
128 er ici, mais beaucoup ne sont pas de celles que l’ on peut désigner facilement, faites d’atmosphère, de sentiment, et d’un
129 de mille volontaires travaillent bientôt. Un jour on annonce à Chenevière et l’on pilote vers lui entre les fichiers un mo
130 ent bientôt. Un jour on annonce à Chenevière et l’ on pilote vers lui entre les fichiers un monsieur « frêle et comme frile
131 impérieux dans le vide, semble-t-il, car il fixe on ne sait quel objet imaginaire bien au-delà de nos personnes, quoique
20 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Entretien avec Denis de Rougemont (6-7 avril 1968)
132 s que la société où nous vivions était fichue, qu’ on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolutio
133 pas. Pour marquer une différence, je dirai que l’ on trouvait, chez Esprit plus de méfiance pour les réalités scientifique
134 lin que les jeunes Français ne connaissaient pas. On peut d’ailleurs repérer un filon hölderlinien à travers plusieurs écr
135 ce à votre livre, vous écrivez ceci : « Ou bien l’ on intériorise l’événement, ou bien l’on se projette en lui sous le masq
136 « Ou bien l’on intériorise l’événement, ou bien l’ on se projette en lui sous le masque d’une relation toujours prête à fou
21 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut réinventer l’Université (29 juin 1968)
137 , ce qui était utopie devient nécessité, ce que l’ on qualifiait avec un sourire indulgent de Zukunftsmusik devient urgence
138 été. À côté de cela et avant cela (propédeutique) on enseigne les « arts libéraux », lettres et sciences nécessaires aux p
139 ens de définir, l’Université n’existe plus. Ce qu’ on persiste à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’une quantit
140 recherche, initiative créatrice donc risquée. Là, on s’efforce de « s’adapter aux besoins de la société », ici, on cherche
141 de « s’adapter aux besoins de la société », ici, on chercherait plutôt les moyens d’adapter la société à un certain Sens…
142 er des problèmes de l’autre. 7. Je propose que l’ on traite ces problèmes par la méthode fédéraliste, dont je vais donner
143 décision aux finalités des différentes tâches qu’ on se propose. 9. Le fédéralisme, au contraire du nationalisme cantonal
144 s : les recherches et la contestation. Dans l’un, on poussera les spécialisations au plus haut degré pour chaque disciplin
145 haut degré pour chaque discipline ; dans l’autre, on se livrera à une perpétuelle mise en question de chaque discipline pa
146 chaque discipline par les autres (et c’est ce qu’ on peut nommer : recherche interdisciplinaire). 12. Les dimensions optim
147 erche terminée et « enseignée » une ou deux fois, on remplacera le cours par des groupes de discussion sur le texte polyco
148 ats d’écoles professionnelles (ou facultés) que l’ on s’obstine encore à nommer des universités. 18. Il ne faut pas détruir
22 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’écrivain et l’événement (7-8 septembre 1968)
149 gement a fait demi-tour dans l’esprit du public : on croit bonnement qu’un auteur engagé est celui qui s’en est remis une
150 soi-même conjointement », disais-je en 1932. Mais on a glissé depuis lors à un sens partisan ou militaire du terme. Mon se
151 un côté et l’événement de l’autre, deux objets qu’ on pourrait isoler, séparer ou rapprocher à volonté. Nul événement socia
152 ement social ou politique n’existe en soi sans qu’ on l’ait exprimé, nommé, écrit, avant ou après la date que l’Histoire lu
153 a réalité qu’il croit décrire quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc parler que de différents modes de relations entre l’œuvr
154 ain type de société, ou de toute société humaine. On peut contester comme Érasme et Voltaire, ou comme d’Aubigné et Cheste
155 qu’écrivain, par les moyens propres à l’écrivain. On peut aussi contester comme Trotski, Romain Rolland, Koestler, Sartre
23 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Vers l’Europe des régions [Entretien]
156 représentait notre vieux continent. En août 1947 on est venu me demander de parler à un congrès de fédéralistes européens
157 nité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’ on peut bâtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de contacts o
158 insi eux-mêmes l’obstacle à toute espèce d’union. On ne peut bâtir une union de l’Europe sur les obstacles à toute union !
159 pays en un certain nombre de régions. Je pense qu’ on finira par se mettre d’accord assez vite pour la France sur une dizai
160 s des options philosophiques et religieuses que l’ on croit justes. al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’Europe
24 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)
161 u’il faut appeler du génie. Et le plus libéral qu’ on puisse imaginer ! La presse, depuis vingt ans, s’obstine à le traiter
162 euve, pas toujours suffisante mais nécessaire, qu’ on avait quelques chances d’exister. J’ai retrouvé la première lettre qu
163 a NRF  ». J’étais admis ! J’allais être reçu ! L’ on m’invita à la table des dieux. Valéry, Gide, Claudel et Saint-John Pe
164 ts) a joué pour moi le rôle du lecteur idéal dont on suppute et redoute les exigences, de l’interlocuteur invisible qui re
165 du grand patron en maïeutique de l’expression. Qu’ on me permette au moins de recopier cette page des Fleurs de Tarbes où j
25 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Témoignage sur Bernard Barbey (7-8 février 1970)
166 s des dehors trop polis. Une fois fermé le livre, on oublie son intrigue et la justesse de l’analyse pour ne plus évoquer
167 passé obsédant, d’une trop plaisante jeunesse.7 On devrait bien republier ces deux romans très courts, dont l’écho se pr
168 riante et merveilleusement attentive. Que pouvait- on refuser à quelqu’un que l’on sentait si naturellement prêt à s’oublie
169 tentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’ on sentait si naturellement prêt à s’oublier lui-même ? C’est sans nul d
26 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La cité européenne (18-19 avril 1970)
170 Marx, puis par Lénine avec les conséquences que l’ on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chinois
171 es de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’ on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xix
172 oureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’ on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe  ; l’art africai
173 ait partie, par le seul fait qu’il le conteste ? On ne changera pas cela, ce ne serait plus l’Europe. Le goût furieux de
174 ’est là-dessus qu’il faut bâtir notre union, si l’ on veut qu’elle mérite le nom d’Europe. Si l’on me demande maintenant co
175 si l’on veut qu’elle mérite le nom d’Europe. Si l’ on me demande maintenant comment on peut traduire en termes de structure
176 m d’Europe. Si l’on me demande maintenant comment on peut traduire en termes de structures politiques cette unité de cultu
27 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)
177 a base de notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’une union fédérale. Ce qui paraît beaucoup
178 it dans ce sens, depuis près de vingt-cinq ans qu’ on nous déclare, avec Churchill — dans son fameux discours de Zurich — q
179 base de cet obstacle radical à toute union que l’ on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe ! Voilà qui explique
180 à qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’ on n’a pas avancé d’un centimètre en direction de notre union politique.
181 rvivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologiques que co
182 ologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’ on travaille pour le profit, qui est en somme du superflu. Mais dès lors
183 t deux politiques d’union, dont je crains bien qu’ on ne puisse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera
184 isse pas impunément continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours
185 unie sera seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que je radicalise indûment l’antithèse État-n
186 la mesure où il est encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais, n’étant pas économiste, si nos
187 dant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’ on s’incline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’est pa
188 rtement ? Tous les sondages d’opinion montrent qu’ on vous suivrait, si vous osiez marcher. Je propose la convocation d’une
189 t négatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude on ne peut plus positive de la renaissance des régions. Il faut défaire
190 xprimera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t- on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fer
191 gramme est révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis ving
192 q ans. Mais il l’est moins parce qu’il demande qu’ on dépasse les États-nations que parce qu’il pose une hiérarchie nouvell
193 érées du continent peut en offrir le modèle. Si l’ on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’État
28 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)
194 es dépendent de ce qui précède. De quoi se plaint- on  ? C’est ici qu’interviennent les deux questions que vous avez bien vo
195 nomie « nationale », par définition non intégrée. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas inv
196 e peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas invoquer à la fois l’intégration de l’Europe et les lois
197 stes de M. Mendès-France à l’Assemblée nationale. On constate au contraire que les travailleurs ne se déplacent en général
198 à juste titre les adversaires de l’initiative («  on ne peut pas chasser des frères humains ») serait-elle encore invoquée
29 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)
199 trait devant d’autres intrigues prévisibles. Et l’ on sait quel en fut le prétexte allégué : l’instauration en France des r
200 continent, y trouvent appuis et encouragements. On ne peut mieux définir le régime général d’union dans la diversité qu’
30 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Pourquoi j’écris (30-31 janvier 1971)
201 e était vraie, mais elle n’expliquait rien. Quand on demande à Zazie pourquoi elle veut devenir institutrice, elle répond 
202 ire que pour le salut de leurs lecteurs. En fait, on commence à écrire vers 16 ou 17 ans, sans savoir pourquoi ni pour quo
203 ssayant de répondre à l’attente des interviewers, on met au point quelques demi-mensonges, l’important est de n’y pas croi
204 t de n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’ on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nietzsche a dit
205 le mystère brut, la réalité. Nietzsche a dit cela on ne peut mieux dans Aurore : « Toutes les choses qui vivent longtemps
206 ns l’écriture. Écrire est une démangeaison que l’ on calme en grattant du papier. C’est à peu près aussi irrésistible, aus
207 sprit d’imitation naïve ou vaniteuse (selon que l’ on sera bon ou mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’on s’inve
208 u mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’ on s’inventera de belles et bonnes raisons d’écrire pour exposer, pour c
209 se, je ne saurais pas écrire pour une cause. Si l’ on n’a pas d’abord écrit pour rien, pour le plaisir, à cause de la déman
210 ien, pour le plaisir, à cause de la démangeaison, on ne deviendra jamais un écrivain en écrivant pour tel usage bien défin
211 grès. ⁂ Ce n’est qu’au début d’une carrière que l’ on écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’éta
31 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Au défi de l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)
212 dans la rue seraient capables de le dire ? Alors on court interviewer des étrangers : quelle est à leurs yeux notre image
213 azette demandait dernièrement s’il pensait que l’ on devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse, et qui répondait :
214 soit généralisable. » Réponse plutôt comique si l’ on s’avise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu être une « solution »
215 s du Gothard. La Suisse n’est nullement née comme on le croit trop souvent (et pas seulement à l’étranger) de l’union de v
216 ssion, l’économie et les traditions historiques — on voit très mal ce qui empêcherait de généraliser cette formule à toute
217 rnées par le hasard des armes. Mais alors, me dit- on , si la fédération s’étend de proche en proche à l’Europe tout entière
32 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut dénationaliser l’enseignement [Entretien] (8 décembre 1972)
218 déscolariser la société, comme le réclame Illich. On dresserait contre soi, par exemple, toutes les femmes qui travaillent
219 de Gaulle Pourquoi l’économie et l’écologie ? On ne comprend pas le monde actuel sans l’économie. Sur dix votations pr
220 hommes, les marchandises, quelquefois les idées. On ne fera jamais l’Europe avec les ministres d’aujourd’hui, parce que t
221 est exactement le même paysage, les mêmes hommes. On y circule dans tous les sens… Cette idée de l’Oural-frontière est si
222 ison. Vous écrivez, dans la Suite des Méfaits : «  On ne changera pas l’école sans changer l’État. » Est-ce à dire que l’Ét
223 utes les discussions que j’ai avec les officiels, on me répète : « Tout ce que vous dites là est bien beau, mais on voit q
224 : « Tout ce que vous dites là est bien beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire à la réalité. » Or que font-ils ? Il
225 Qu’entendez-vous par « révolution » ? Mais… ce qu’ on entend généralement par ce terme : une mutation, un changement brusqu
226 lle lieu à la révolution que vous souhaitez. Mais on en distingue déjà deux développements possibles, et contradictoires :
227 ments possibles, et contradictoires : d’une part, on tend à individualiser l’enseignement au maximum, de manière que chaqu
228 isse travailler à son rythme propre, d’autre part on cherche à institutionnaliser le travail collectif, pour développer le
229 ormule de base de l’école napoléonienne, par quoi on a fabriqué des peuples militarisés, et qui nous a déjà valu deux guer
230 des élèves, je préfère l’appeler « alignement ». On aligne les esprits à l’école, comme on aligne les corps au service mi
231 gnement ». On aligne les esprits à l’école, comme on aligne les corps au service militaire. Or, le fédéralisme — j’y revie
232 en les aidant, ils apprendraient d’autant mieux. On ne sait vraiment que ce qu’on a dû enseigner. Je l’observe tous les j
233 ent d’autant mieux. On ne sait vraiment que ce qu’ on a dû enseigner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l’Universi
234 nde admette que l’un et l’autre sont nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’à gauche on aura tendance à insister s
235 aires, on peut imaginer, grosso modo, qu’à gauche on aura tendance à insister sur le travail en groupe, à laisser les élèv
236 le le plus longtemps possible, tandis qu’à droite on donnera la priorité à l’individualisation… La droite et la gauche ont
237 ésultante d’une tension dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’homme a besoin de compagnie, mais aussi besoin d’ê
238 s, dans la doctrine chrétienne, viennent de ce qu’ on a tendu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à son
239 lysés par les structures actuelles de s’exprimer. On ne peut pas forcer les gens à être bons ou intelligents, mais on peut
240 forcer les gens à être bons ou intelligents, mais on peut leur offrir un cadre où leur bonté et leur intelligence aient au
241 fantaisie, etc. Il y a une phrase d’Héraclite qu’ on comprend généralement mal, parce qu’elle est mal traduite : « La guer
242 À quoi je préfère encore le mot « tension », car on associe aujourd’hui l’idée de conflit à celle de lutte douloureuse, v
33 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Merveilleux Lavaux (23-24-25 décembre 1972)
243 endurer la moindre preuve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’êtes jamais vraiment venu, n’avez jama
244 es de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. On y voit beaucoup plus de maisons neuves et laides, beaucoup plus de ro
245 t à détruire les raisons de vivre. Mais que tient- on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œuvre dans
246 re Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale, que l’ on doit un ouvrage qui vient à point nommé : Merveillleux Lavaux. Sauver
34 1984, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Philosophie et énergie nucléaire : une mise au point (28 juin 1984)
247 l’autonomie en particulier. Mais j’ai changé, qu’ on se rassure, et même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher da
248 i changé, qu’on se rassure, et même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher dans la presse de cette ville. Et c’est
249 ille tout, décidément, et beaucoup plus encore qu’ on ne le croirait : car l’expression « exploitée de façon quasi militair