1 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Erreurs sur l’Allemagne (1er mai 1940)
1 itlérisme et sur ses causes. On voudrait rappeler qu’ en telle matière, tout jugement massif manque de sérieux, et traduit q
2 1. Des hommes aussi divers et aussi respectables que MM. Massis, Henry Bordeaux, Edmond Vermeil, G. de Reynold, d’autres e
3 l, G. de Reynold, d’autres encore, nous affirment que l’hitlérisme sort de Luther. Certains d’entre eux nuancent leur jugem
4 e, sur le papier l’on peut déduire de ces erreurs que Luther conduit à Hitler : il suffit, pour y arriver, d’oublier quelqu
5 its importants. Il suffit d’oublier, par exemple, que le Führer autrichien n’est pas né luthérien mais catholique ; que son
6 trichien n’est pas né luthérien mais catholique ; que son mouvement s’est développé d’abord en Bavière, pays catholique ; q
7 t développé d’abord en Bavière, pays catholique ; que la doctrine de Luther, là où elle a triomphé sans résistance notable,
8 orable, mais ce qui n’est pas absolument pareil ; que l’Autriche catholique, bien qu’armée, n’a pas résisté à l’hitlérisme,
9 thérienne, bien qu’à peu près désarmée, résiste ; qu’ enfin le totalitarisme n’est pas l’apanage de la seule Allemagne, à de
10 ule Allemagne, à demi luthérienne seulement, mais qu’ il a triomphé d’abord dans une Russie tout orthodoxe, et dans une Ital
11 ique. Ce qui n’est pas sans compliquer l’affaire… Qu’ on recherche la coloration particulière que le luthéranisme a donnée a
12 faire… Qu’on recherche la coloration particulière que le luthéranisme a donnée au totalitarisme allemand, le catholicisme a
13 rthodoxie au totalitarisme russe, fort bien. Mais qu’ on ne dise pas : Luther mène à Hitler. C’est une sottise et une mauvai
14 une sottise et une mauvaise action, si l’on songe que le pasteur Niemöller, vrai descendant de Luther, est en prison. 2. Le
15 s conclusions fort différentes. J’ai pu constater que les bourgeois allemands considéraient le nouveau régime comme étant l
16 ouveau régime comme étant le régime de la masse ; que la plupart des socialistes le toléraient fort bien ; et qu’un très gr
17 part des socialistes le toléraient fort bien ; et qu’ un très grand nombre d’anciens chefs communistes avaient revêtu quelqu
18 rti hitlérien. L’un d’entre eux me déclarait même que tout en détestant les chefs nazis, « il se ferait tuer pour Hitler »,
19 ramme communiste. (Je donne cette opinion pour ce qu’ elle vaut.) Le petit livre que j’ai écrit là-dessus m’a valu deux arti
20 tte opinion pour ce qu’elle vaut.) Le petit livre que j’ai écrit là-dessus m’a valu deux articles significatifs. Le premier
21 agnostic ; il soulignait la tendance nationaliste qu’ avait toujours montrée le socialisme allemand. Cet article était écrit
22 tre vendu au régime hitlérien, pour avoir soutenu que des communistes approuvaient Hitler. L’auteur de cette diatribe était
23 Gazette du 27 avril a fort bien réfuté l’erreur que je viens de relever, et qui consiste à voir dans l’hitlérisme une tyr
24 stes français qui, eux, s’y trompent encore. Mais que penser alors de l’aveuglement des bourgeois qui s’obstinèrent jusqu’e
25 me « un rempart contre le marxisme » ! (Certains, que je connais, n’en ont pas encore démordu.) Après tout, les socialistes
26 re démordu.) Après tout, les socialistes français que critique justement M. Muret, ne sont coupables que d’avoir partagé l’
27 ue critique justement M. Muret, ne sont coupables que d’avoir partagé l’erreur fatale et prolongée des bourgeois de divers
28 rui, mais bien les nôtres. Surtout s’il se trouve qu’ en fait, ce sont exactement les mêmes erreurs. 4. Si d’aucuns remonten
29 t, le meilleur celtisant français, n’écrit-il pas que dans la mythologie des Celtes, « l’idée de la mort domine tout, et to
30 On voit le danger d’aller chercher dans un passé que l’on connaît mal les causes d’une révolution dont les effets ne sont
31 s causes d’une révolution dont les effets ne sont que trop connus. Le seul avantage de ce procédé historique et littéraire,
32 age de ce procédé historique et littéraire, c’est qu’ il dispense de mentionner des causes prochaines, beaucoup plus claires
33 tre Staline… Tout cela est plus gênant à alléguer que Luther et les vieux Germains, parce que dans tout cela se trouvent im
34 dans tout cela se trouvent impliquées des nations que l’on aime et de chères croyances… Mais quoi, la guerre présente nous
2 1940, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « À cette heure où Paris… » (17 juin 1940)
35 is exsangue voile sa face d’un nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes
36 u monde : Il ne les connaîtra jamais. Il ne verra que d’aveugles façades. Il s’est privé à tout jamais de quelque chose d’i
37 e quelque chose d’irremplaçable, de quelque chose qu’ on peut tuer, mais qu’on ne peut conquérir par la force, et qui vaut p
38 mplaçable, de quelque chose qu’on peut tuer, mais qu’ on ne peut conquérir par la force, et qui vaut plus, insondablement pl
39 r la force, et qui vaut plus, insondablement plus que tout ce que peuvent rafler dans le monde entier les servants des Panz
40 et qui vaut plus, insondablement plus que tout ce que peuvent rafler dans le monde entier les servants des Panzerdivisionen
41 nzerdivisionen. Quelque chose d’indéfinissable et que nous appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique de ce conquéra
42 ce tragique de ce conquérant victorieux : Tout ce qu’ il veut saisir se change à son approche — Midas de l’ère prolétarienne
43 visage de cette capitale plus douce et plus fière qu’ aucune autre portait les traces pacifiées. N’importe quel badaud, mais
44 nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’ il est des victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars l
45 de l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’ ils fassent dix fois le tour du monde ! Ils ne rencontreront partout q
46 s le tour du monde ! Ils ne rencontreront partout que le fracas du néant mécanique. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que
47 ant mécanique. Jusqu’au jour bien plus terrifiant que le jour de la pire vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront q
48 vengeance où, s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’ aucun triomphe ne vaut pour eux la moindre des réalités humaines qu’il
49 ne vaut pour eux la moindre des réalités humaines qu’ ils ont tuées. « …car ils ne savent ce qu’ils font. » Le 15 juin 1940.
50 umaines qu’ils ont tuées. « …car ils ne savent ce qu’ ils font. » Le 15 juin 1940. b. Rougemont Denis de, « À cette heure
3 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). New York alpestre (14 février 1941)
51 tre (14 février 1941)c Personne ne m’avait dit que New York est une île en forme d’un gratte-ciel couché. C’est la ville
52 es surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New York est une ville alpestre. Je l’ai senti le premier soir, quand
53 es gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’ on voit aux crêtes des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d
54 Chrysler, de cent autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais ne se lassent pas de désigner, comme nous énumérons n
55 des parois violemment découpées, c’est un climat que je connais. Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa
56 York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici le climat et les rapports humains. Ils pensent, dans leu
57 pports humains. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est une ville trop « européenne »… Mais moi, je m’y sens contempora
4 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La route américaine (18 février 1941)
58 cade en décade, à travers le Far West, jusqu’à ce qu’ ils eussent rejoint les terres du Pacifique. On ne pouvait plus rien a
59 vident au-dessus du cinquantième étage, pour peu que la pression baisse à Wall Street. Un grand malaise étreignait l’âme a
60 plan et disparaissent en coup de vent, jusqu’à ce que l’œil s’éduque et se mette à déchiffrer cette espèce de manuel de con
61 a profondeur, vers la culture, vers ces problèmes que le grand nombre a toujours fuis, partout. Peut-être alors les masses
62 e alors les masses elles-mêmes comprendront-elles qu’ il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi,
63 masses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est qu’ un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’â
64 s qu’il n’est qu’un seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’âme inépuisable. Ce jour-là, les glor
5 1941, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Souvenir de la paix française (15 mars 1941)
65 oitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’une ferme au marché le plus proche. Nulle
66 rète, si pacifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’ amitié des tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ci
67 et doux, le goudron de la route sentait plus fort que les champs de roses, et des nuages noirs traînaient sur les vergers.
68 s traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce jour-là j’avais fait mes adieux à la France. e. Rougemont Denis
6 1946, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Monsieur Denis de Rougemont, de passage en Europe, nous dit… [Entretien] (4 mai 1946)
69 hère française ; la production littéraire demande qu’ on ne séjourne pas indéfiniment dans le climat étranger. En outre, j’a
70 astant brutalement avec la foule qui la peuple et que je ne reconnaissais plus : des visages sans gaieté, des corps petits,
71 i surtout habité New York, à part les quatre mois que j’ai passés en Argentine à faire les conférences qu’impliquait ma mis
72 j’ai passés en Argentine à faire les conférences qu’ impliquait ma mission. Je pensais alors regagner la Suisse, quand l’en
73 États-Unis me bloqua sur place. J’avais constaté que les conférences n’étaient pas un très bon moyen de propagande. Les Am
74 et qui eut un grand succès. C’est le seul ouvrage que les Américains peuvent consulter, pour se renseigner sur notre pays,
75 aintenant destiné aux jeunes Américains. Je crois qu’ on en a peu parlé en Suisse ? En effet. Qu’y enseigniez-vous ? J’avais
76 crois qu’on en a peu parlé en Suisse ? En effet. Qu’ y enseigniez-vous ? J’avais une chaire de philosophie-sociologie. Mes
77 elle était donc fort active à New York ? Au point que trois maisons françaises d’édition s’y sont fondées pendant la guerre
78 tion s’y sont fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’École des hautes études a lancé une revue, Renaissance. De là, j’ai
79 le du genre voltairien, dans lesquelles je montre que les armées de masse sont devenues inutiles et que la guerre militaire
80 que les armées de masse sont devenues inutiles et que la guerre militaire est morte, et qu’un gouvernement mondial est deve
81 inutiles et que la guerre militaire est morte, et qu’ un gouvernement mondial est devenu possible, mais doit émaner des peup
82 l’aime énormément ; c’est une autre civilisation que la nôtre, mais qui a ses valeurs à elle. Peut-on employer ce mot de c
83 t de civilisation pour un peuple si neuf ? Disons que leur conception de la vie est différente. C’est une question de mœurs
84 és ». Ils sont évidemment très simplistes dans ce qu’ ils impriment, et manquent d’esprit critique. Quant à leurs loufoqueri
85 tique. Quant à leurs loufoqueries, ne croyons pas qu’ ils les prennent au sérieux : c’est un genre d’humour qui leur plaît,
86 un genre d’humour qui leur plaît, et ils ne font que s’en amuser. Si on les compare aux Français, il est indéniable que ce
87 Si on les compare aux Français, il est indéniable que ces derniers, quoi qu’on dise, sont beaucoup plus « sérieux ». L’Amér
88 reste un pays si vaste, si mélangé et si divers, que tout y est toujours vrai quelque part. C’est un résumé de la planète.
89 d’hui, comme au centre du monde. Et, ne serait-ce que pour mieux comprendre leur continent grâce à l’éloignement, il faudra
90 leur continent grâce à l’éloignement, il faudrait que le plus grand nombre possible d’Européens eussent l’occasion de quitt
91 il y en a beaucoup) avec les Suisses. Non, plutôt que l’influence de la standardisation matérielle, c’est la standardisatio
92 ne le ton, et où l’Amérique semble copier l’image qu’ elle s’y fait d’elle-même ; par la baisse du niveau intellectuel auque
93 diteurs contribuent en ne faisant de gros tirages que pour les ouvrages médiocres. Quand un livre a du succès, on le refait
94 rs américains sont beaucoup plus connus en Europe qu’ en Amérique. Ce qui est tout à notre honneur ! L’Europe reste le conti
95 l’impérialisme américain. J’ai peur, quant à moi, qu’ il ne soit beaucoup trop timide ! Car les Américains redoutent énormém
96 arrêter là cette interview ; nous ne doutons pas que les considérations de l’écrivain neuchâtelois — que nous espérons n’a
97 e les considérations de l’écrivain neuchâtelois — que nous espérons n’avoir point trahies en les résumant — intéresseront v
98 l est une des fiertés. Ce retour n’est d’ailleurs que provisoire, l’écrivain ayant laissé sa famille en Amérique où il la r
7 1947, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Consolation à Me Duperrier sur un procès perdu (5 décembre 1947)
99 rdu (5 décembre 1947)h i Voici le raisonnement qu’ a tenu devant la cour le bouillant Me Duperrier : — Rougemont s’est mi
100 Vous n’y comprenez rien ? Ni moi non plus. C’est que ce raisonnement n’en est pas un, mais combine deux absurdités. 1. Si
101 deux absurdités. 1. Si l’on admet avec cet avocat que j’ai vraiment agi comme son client, l’alternative est la suivante : o
102 is où est l’homme sain d’esprit qui peut admettre que j’aie vraiment agi comme Oltramare ? Nous avons tous les deux écrit p
103 ombe dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux cas s’énoncent et se prononcent de même, mais par ce procédé
104 , donc pour la Suisse. Il en résulte à l’évidence que je faisais en Amérique exactement le contraire d’Oltramare à Paris. S
105 , essayons de l’éclairer par une fable. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’à la fin les na
106 ’aie tant et si bien parlé à la radio américaine, qu’ à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y r
107 à la fin les nazis ont occupé la Suisse. Voilà ce que c’est ! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter, un nommé Oltr
108 Duperrier se voit chargé d’office de ma défense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare
109 ense. Que va-t-il dire ? Il n’hésite pas : il dit que j’ai fait comme Oltramare, notre infaillible führer suisse. On lui ré
110 e, notre infaillible führer suisse. On lui répond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille
111 führer suisse. On lui répond que ça ne prend pas, que j’ai fait exactement le contraire. On me fusille et on le pend d’offi
112 mocratie du monde. Jugez donc ! et dites avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant
113 ites avec moi que nous l’avons échappé belle ! Et que le désordre tolérable et tolérant où nous voici tout de même encore v
114 tout de même encore vivants et libres, vaut mieux que leur « ordre » où nous serions des morts, ou je ne sais quels esclave
8 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les écrivains romands et Paris (10 septembre 1949)
115 49)j k Questions 1 et 2. — Nous avons tout ce qu’ il faut, en Suisse romande, pour nourrir une littérature. Nous avons p
116 une littérature. Nous avons peut-être un peu plus que bien d’autres provinces françaises : milieu intellectuel très dense,
117 du monde germanique. Mais nous n’avons rien de ce qu’ il faut pour assurer le succès d’une œuvre : publicité, mouvement auto
118 tie de la littérature française. Or, il se trouve que la France est un pays centralisé, dans sa vie littéraire aussi. Pourq
119 stion 3. – « Le départ vers Paris… » Il n’y a pas que Paris, mais c’est le départ qui importe. Combien de grandes œuvres on
120 Eliot, de Dante à Paul Claudel ou à James Joyce — que j’en viens à me demander si la condition normale du « bon écrivain »
121 in (nous entendons par là aussi bien un romancier qu’ un dramaturge) a-t-il à sa disposition dans la réalité romande ou même
122 e temps qu’une tentative de retrouver ailleurs ce que l’on ne trouve pas dans son pays, une fuite, loin de ce que Ramuz app
123 e trouve pas dans son pays, une fuite, loin de ce que Ramuz appelle “le train-train d’une vie moyenne où l’exception, n’a p
124 ce Suisse très cosmopolite reconnaît, à son tour, que notre pays manque de ce qui est indispensable au succès d’une œuvre l
9 1949, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est encore un espoir (8 décembre 1949)
125 l’urgence de notre congrès. Elle dit tout haut ce que pensent des millions. Et elle le dit sans précautions, avec la calme
126 rope. Les autres dorment. Ils n’ont pas encore vu qu’ on ne leur laissera plus le temps d’être prudents. Trop tard, dites-vo
127 ressort de notre action. Je voudrais vous montrer que ce presque est une réalité, et qui change tout. Mon argument sera sim
128 rriez plus même le dire, et cela pour des raisons que vous avez bien connues… Or non seulement vous le dites, vous l’écrive
129 imer, puisque votre lettre est « ouverte ». C’est qu’ il y a donc encore un peu d’Europe vivante. L’Europe existe encore, là
130 de leur révolte. Vous allez me dire : « Ce n’est qu’ une survivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit de parler no
131 roit de parler nous est encore laissé, mais c’est qu’ il n’a plus d’importance. La possibilité d’agir nous est ôtée. » Venez
132 n. Elle est très répandue, elle est si fascinante qu’ elle risque bien de provoquer, comme tout vertige, la chute qu’elle im
133 e bien de provoquer, comme tout vertige, la chute qu’ elle imagine. Cette illusion d’optique consiste à voir une toute petit
134 , nous sommes 300 millions : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Sur ces 300
135 ons : c’est deux fois plus que l’Amérique, autant que la Russie et tous ses satellites. Sur ces 300 millions, dix pour cent
136 industries ; et l’URSS n’a pas été traitée mieux qu’ elle, qu’on s’en souvienne. Une Europe entre deux colosses ? Mais gard
137 es ; et l’URSS n’a pas été traitée mieux qu’elle, qu’ on s’en souvienne. Une Europe entre deux colosses ? Mais gardons-nous
138 es. La symétrie est une loi de la paresse, autant qu’ un procédé de construction. Dans toutes les choses humaines, elle est
139 oses humaines, elle est une illusion. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’union de l’Europe. Ce n’est pas la même union q
140 e l’union de l’Europe. Ce n’est pas la même union que les Russes nous imposeraient ! L’Amérique veut l’Europe unie, parce q
141 deux ans, à nous fédérer librement. Il ne dépend que de nous d’y réussir. Les jeux ne sont donc pas faits. Il nous reste d
142 vous avez quelques raisons d’être plus pessimiste que d’autres. Tous ceux qui ont lu votre livre l’ont senti, et même s’ils
143 votre livre l’ont senti, et même s’ils ignoraient que c’était votre histoire. Je vous invite à Lausanne en tant que pessimi
144 te à Lausanne en tant que pessimiste. Je voudrais que vous adhériez à ma doctrine du pessimisme actif. Un dernier mot sur l
145 reproche d’avoir vendu vos peuples. Mais je pense que vous avez tort de proposer qu’on choisisse un Grand Homme. Vous n’y c
146 les. Mais je pense que vous avez tort de proposer qu’ on choisisse un Grand Homme. Vous n’y croyez sans doute pas plus que m
147 guer les signes. Les Mages aussi pouvaient penser que l’Étoile était illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers un Enf
10 1953, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). « Ce qu’ils pensent de Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)
148 « Ce qu’ ils pensent de Noël… » [Réponse] (24 décembre 1953)n Déjà les paste
149 méricanisme de l’Europe pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontai
150 onté ? La plupart sont involontaires, ils ne font que subir leur condition. n. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enqu
151 Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Ce qu’ ils pensent de Noël… », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), L
11 1954, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rejet de la CED : l’avis de Denis de Rougemont (20 septembre 1954)
152 s dangereuse, démontrant ainsi, une fois de plus, que les nations de l’Europe sont solidaires en fait, pour le meilleur qua
153 Elle ne sera pas gagnée dans ces lieux indécents que sont les couloirs de parlements, mais dans les esprits et les cœurs.
154 onomie — quand chacun de nos peuples aura compris qu’ il s’agit de se sauver tous ensemble ou de périr isolément. o. Roug
12 1957, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une lettre de Denis de Rougemont (16-17 février 1957)
155 nt du Mouvement européen. Votre photo me rappelle que je m’y trouvais aussi… Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef
13 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Fédéralisme et culture (3-4 mars 1962)
156 nos particularismes les plus désuets. Il voudrait que chacune de nos cités se suffise à elle-même dans tous les domaines :
157 : université, radio, publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pous
158 , publications, etc. Et plutôt que de reconnaître que cela n’est pas possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer des s
159 iocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que pourrait procurer une coopération sans réserve avec d’autres cantons
160 libre et dispersé, voire anarchique. Il est clair que nos villes sont trop petites pour se payer chacune un laboratoire de
161 ratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour q
162 nucléaires, pour ne prendre que cet exemple. Mais qu’ on ne dise pas qu’elles sont trop petites pour que s’y développent à f
163 e prendre que cet exemple. Mais qu’on ne dise pas qu’ elles sont trop petites pour que s’y développent à foison des écoles d
164 avec l’intransigeance nécessaire. N’oublions pas que les cités qui ont fait la Renaissance en Italie, en Flandres ou en Bo
165 ndres ou en Bourgogne, étaient alors plus petites que nos villes romandes actuelles. Elles sont tout de même devenues des f
166 e grands marchands de l’époque. Il est trop clair qu’ à l’absence de cette passion créatrice et de ce sens du mécénat, nul c
167 remédier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que des choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions i
168 le gaspillage des forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux antipodes de ce climat d’e
169 rotégeant en revanche trop de médiocrité pour peu qu’ elles aient été un jour inscrites à quelque budget d’État, et sous pré
170 ue équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’ une parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’h
171 aliste. On parle beaucoup, ces jours-ci du danger que le Marché commun représenterait pour notre Suisse fédéraliste. Mais c
172 C’est bien plutôt le fait de ne plus s’intéresser qu’ au niveau de notre vie matérielle, de traiter la culture en mendiante,
173 nd ses sources dans les mêmes attitudes de pensée que la culture créatrice. On ne sauvera pas l’un sans l’autre. q. Roug
174 t, nous publions un extrait de l’important exposé qu’ il présentera aujourd’hui au congrès pour une collaboration culturelle
14 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Rectification (9 mars 1962)
175 ceux de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’ une sottise, surtout lorsqu’il s’agit de fédéralisme ! Me faire dire q
176 t lorsqu’il s’agit de fédéralisme ! Me faire dire que « tout le secret du fédéralisme » réside dans l’art de distinguer ce
15 1962, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe est d’abord une culture (30 juin 1962)
177 ations futures avec le Marché commun, on croirait que l’union de l’Europe se réduit à des problèmes de tarifs douaniers et
178 entre des peuples ne saurait se faire en général que sur la base de quelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’on
179 e de quelque unité préexistante ; 2. Or, l’Europe que l’on tente aujourd’hui d’unir est d’abord une entité culturelle ; 3.
180 d’abord une entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité
181 culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’en conformité avec le génie même d
182 on ne doit et que l’on ne peut « faire l’Europe » qu’ en conformité avec le génie même de sa culture, qui est celui de l’uni
183 st celui de l’union dans la diversité. On va voir que cette thèse « culturelle » nous porte en pleine actualité, et qu’elle
184 « culturelle » nous porte en pleine actualité, et qu’ elle entraîne une politique bien définie. ⁂ La première proposition n’
185 ntraîne pas de longs commentaires. Il est évident que des peuples, ne songent à s’unir que s’ils ont en commun certains tra
186 est évident que des peuples, ne songent à s’unir que s’ils ont en commun certains traits qu’ils tiennent pour essentiels :
187 à s’unir que s’ils ont en commun certains traits qu’ ils tiennent pour essentiels : leur union consiste donc à restaurer ou
188 il n’est pas difficile de l’établir. Quand je dis que l’Europe est d’abord une entité culturelle, ou que son unité la moins
189 ue l’Europe est d’abord une entité culturelle, ou que son unité la moins contestable réside dans sa culture, je songe à deu
190 de dans sa culture, je songe à deux faits majeurs que chacun connaît. Un fait de nature : l’Europe est le plus petit de tou
191 gine et le cœur. Voilà qui ne saurait s’expliquer que par la culture des Européens, entendant par culture, au sens le plus
192 t par culture, au sens le plus large du terme, ce que l’esprit humain, le génie créateur dans tous les ordres, vient ajoute
193 peu de chose plus une culture. Quand on s’imagine que l’Europe, dont discutent aujourd’hui toute la presse et tous les parl
194 essentiellement une réalité économique, on oublie que notre économie n’est pas tombée du ciel ni sortie du sol, et qu’elle
195 mie n’est pas tombée du ciel ni sortie du sol, et qu’ elle ne tire pas son origine et sa vitalité de notre nature, mais bien
196 de nos peuples et les extraordinaires diversités qu’ ils juxtaposent sur un très petit territoire. Quand ces diversités tou
197 peine à prendre conscience de leur nocivité tant que celle-ci ne se manifeste qu’au niveau des idéologies, même meurtrière
198 e leur nocivité tant que celle-ci ne se manifeste qu’ au niveau des idéologies, même meurtrières. On va répétant que le nati
199 des idéologies, même meurtrières. On va répétant que le nationalisme — généralement confondu avec le patriotisme, hélas —
200 fondu avec le patriotisme, hélas — a du bon, tant qu’ il ne s’exagère pas en chauvinisme. Mais qu’est-ce que le chauvinisme 
201 tant qu’il ne s’exagère pas en chauvinisme. Mais qu’ est-ce que le chauvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme des
202 l ne s’exagère pas en chauvinisme. Mais qu’est-ce que le chauvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme des autres. Qu
203 s s’oppose aux intérêts économiques de ma nation, que je sois industriel, ouvrier, paysan ou politicien, je me dis que quel
204 ustriel, ouvrier, paysan ou politicien, je me dis que quelque chose ne marche pas. C’est alors que j’accepte de prendre au
205 e mesures d’union supranationales. Et c’est ainsi que l’union de l’Europe a commencé dans le domaine économique, avec la CE
206 ’il faut et s’il suffit, pour « faire l’Europe », que toutes les nations du continent s’intègrent dans le Marché commun, c’
207 d’arrière-pensées politiques. ⁂ Même en admettant que l’unification économique puisse suffire à « faire l’Europe », il faud
208 absolument vitales. Il faudrait notamment exiger que cette unification économique ne détruise pas les bases de l’Europe, m
209 is y puise au contraire ses meilleures énergies ; qu’ elle respecte nos diversités traditionnelles, dans toute la mesure où
210 la mesure où elles sont encore fécondes, et enfin qu’ elle se subordonne à une grande politique commune, laquelle ne peut se
211 politique commune, laquelle ne peut se développer qu’ à l’échelle mondiale. Commentons brièvement ces conditions de succès :
212 ix de l’éducation générale ou humaniste. C’est ce que fait l’URSS. Mais ce serait tuer la poule aux œufs d’or. La technique
213 C’est là le vrai sens, et le seul possible, de ce qu’ on a nommé « l’Europe des patries ». (Par malheur, l’auteur de ce mot
214 l’auteur de ce mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’ à l’Europe des États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’
215 harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l’union économique appelle une union politique, qu’on ne peut souhait
216 e l’union économique appelle une union politique, qu’ on ne peut souhaiter que fédérale. L’intégration totale et uniformisan
217 elle une union politique, qu’on ne peut souhaiter que fédérale. L’intégration totale et uniformisante détruirait les bases
218 seulement les moyens nécessaires d’une politique qu’ il reste encore à définir et à réaliser. 3. Cette politique, appuyée s
219 s’étendre aux problèmes immenses et tout nouveaux que posent le contact des cultures, la technique, l’expansion démographiq
220 ur les Européens. La Suisse est aussi bien placée que n’importe quel autre pays pour faire valoir ces vues mondiales : on n
221 is de néo-colonialisme ! Et elle est mieux placée que tout autre pour faire valoir les avantages d’une union de type fédéra
222 uction européenne me semblent avoir plus de poids que les scrupules qui nous retiennent encore. Quand elle se borne à invoq
223 e au passé du continent, aux rivalités nationales que l’union, justement, entend éliminer. En invoquant au contraire son ex
16 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Universités américaines (12-13 janvier 1963)
224 ’a compris ce pays s’il n’a pas découvert un jour qu’ un souffle immense de lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans
225 verrai qui je veux ou personne s’il me plaît, ce que j’ai envie de voir ou rien, pendant deux mois — je me suis gardé d’ét
226 r religieux le plus influent de l’Amérique. C’est qu’ il prône une théologie qu’on pourrait nommer culturelle, et qui tient
227 nt de l’Amérique. C’est qu’il prône une théologie qu’ on pourrait nommer culturelle, et qui tient compte des arts et des rel
228 domine la pensée catholique en grand progrès, et que Karl Barth a restauré dans tous les séminaires presbytériens la notio
229 rouges et rose pourpre d’une intensité de couleur que je n’ai jamais vue ailleurs. Arrêt dans une auberge faite d’un vieux
230 nt pour avoir des maisons, cabanes, pavillons, ce que vous voulez, à deux heures de New York par avion, ou à quatre ou cinq
231 t, vous n’êtes plus jamais seuls. » Je lui ai dit qu’ il exagérait, qu’il y avait encore en Europe des refuges à peu près co
232 us jamais seuls. » Je lui ai dit qu’il exagérait, qu’ il y avait encore en Europe des refuges à peu près comparables. Mais j
233 al la substance même, ou la technique, des œuvres qu’ ils sont en train d’écrire. Combien d’écrivains véritables, de peintre
234 s ou le bras d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’examen d’un court poème écrit par l’une d
235 , irréguliers. À la seconde lecture, je comprends qu’ il s’agit de deux vieillards dans une cuisine regardant par la fenêtre
236 t dans le traitement imagiste et presque abstrait qu’ a choisi l’auteur anonyme. Plusieurs girls manifestent leur intention
237 n de cet art poétique me paraît aussi sec et gris que l’automne abstraitement évoqué par une ramure sèche et fragile devant
238 nt le même accoutrement si commode et si négligé, que la jeunesse européenne semble avoir adopté depuis quinze ans, croyant
239 d’une côte à l’autre, mais c’est vraiment tout ce que j’en sais. La série de mes rendez-vous commence quelques secondes apr
240 sités sur l’union de l’Europe et le Marché commun que l’Amérique découvre subitement, et déjà elle croit que c’est fait… À
241 ’Amérique découvre subitement, et déjà elle croit que c’est fait… À 3 heures, la grande salle est pleine ; et l’on me condu
242 dit le pacifiste Bertrand Russell. (Plutôt rouges que morts.) À quoi mon ami Sidney Hook a répondu : « Cette attitude nous
243 à faire. Improvisation d’une demi-heure. Sachant que mon auditoire est composé d’étudiants « très à gauche » et dont plusi
244 s clés de l’avenir du monde uni, je leur rappelle que c’est l’Europe qui a fait le monde, en créant les moyens de relier le
245 e concept de genre humain. Je leur rappelle aussi que le communisme russe est une création de l’Europe. (Marx, juif rhénan
246 protestant, écrit au British Museum, des articles que publie le New York Herald Tribune : on ne fait pas plus Européen.) Où
247 ù sont les successeurs de l’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est de rattr
248 e. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce que le monde attend de nous, pour nous rejoindre en fin de compte, Russes
249 iduelle peut-elle être présentée de telle manière qu’ elle ne soit pas méprisée comme un simple sermon ? » « La décision n’a
250 sont détruites de toute façon. » « Admettez-vous que l’État-nation est une conception archaïque, et que la tendance à crée
251 ue l’État-nation est une conception archaïque, et que la tendance à créer des marchés communs peut conduire à la formation
252 aire ? » « À votre sens, serait-ce une bonne idée que tous les Américains intelligents se mettent à aimer (pas Éros mais Ag
253 le plan d’une conférence sur l’Europe et le monde que je leur ai brièvement exposé. Critiques et suggestions d’une pertinen
254 iques, me dit ce dernier, c’est le langage commun que nous avons trouvé, entre nos différentes spécialités. Les historiens
17 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvrent, cela existe… (2-3 février 1963)
255 3 février 1963)w x Le problème « d’exprimer ce que cela veut dire d’être d’Yverdon, de Féchy » relève, me semble-t-il, d
256 » relève, me semble-t-il, de la sociologie plutôt que de la littérature. Si l’on est né à Tubingue, à Eboli, à Collombay ou
257  ? A-t-on vraiment de meilleures chances ? L’idée que la littérature ait pour fonction d’exprimer l’homme en tant que natio
258 plus exact — cette idée m’est tellement étrangère que je crains de ne pouvoir rendre justice à la problématique de M. Tauxe
259 tice à la problématique de M. Tauxe. Je sais bien que ce souci « quasi obsessionnel » bloque beaucoup d’esprits dans nos ca
260 l’Helvetia et à l’homo helveticus. Il ne croyait qu’ au pays de Vaud, réduit aux vignes, et pimenté d’exotisme valaisan. « 
261 ’est fait un langage de peintre, en prose. Plutôt que d’une « rationalité adéquate », le jeune Suisse romand qui veut écrir
262 re n’aurait-il pas besoin, tout simplement, de ce qu’ on appelle en France la classe de rhétorique ? Je ne sens pas que ce s
263 n France la classe de rhétorique ? Je ne sens pas que ce soit aux « préjugés spiritualistes » qu’il se heurte, mais plutôt
264 s pas que ce soit aux « préjugés spiritualistes » qu’ il se heurte, mais plutôt au matérialisme néo-bourgeois, réaliste et m
265 arques de M. Tauxe sur ce point sont aussi justes qu’ opportunes. Quelles sont les chances particulières du Suisse romand ?
266 familiales, le Suisse romand qui veut écrire n’a qu’ à jouer ses atouts et bien savoir sa langue. Cela donne Rousseau, Staë
267 Si cela ne donne plus rien, n’est-ce pas le signe qu’ il serait temps de se tourner vers autre chose ? L’éloge, l’élan, l’am
268 qui vous retient ? Écoutez Nietzsche : « Je veux que tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’es échappé d’un joug
269 veux que tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’es échappé d’un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à u
18 1963, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Les mythes sommeillent… ils vont se réveiller [Entretien] (9-10 février 1963)
270 t vous a valu de beaux triomphes. Les hypothèses que vous aviez lancées alors sur les cathares et sur l’amour courtois, ap
271 plus exprimer la part instinctive de l’homme, ce que j’appelle son animisme. Les musiciens (comme le dit Ansermet), les pe
272 n de sécheresse, d’épuisement. Ne croyez-vous pas que l’Europe est épuisée ? Absolument pas. D’ailleurs, si elle l’était, q
273 , sont épuisées. Elles ne font, pour l’essentiel, que prendre ce que nous leur donnons. Mais si nos mythes sont morts… Ils
274 . Elles ne font, pour l’essentiel, que prendre ce que nous leur donnons. Mais si nos mythes sont morts… Ils sommeillent. Il
275 mythes sont morts… Ils sommeillent. Ils attendent que nous soyons tout à fait sortis de cette période d’anarchie, que nous
276 s tout à fait sortis de cette période d’anarchie, que nous mettions en place de nouvelles conventions, de nouvelles contrai
277 u par les interdits de la religion… Moi, je crois que le christianisme a repris sa marche en avant. … de la morale et de la
278 la hiérarchie mondaine. Il n’y a plus d’obstacles que les mythes puissent tenter de vaincre. Pardon ! Il s’en crée maintena
279 tellement dépendant, conditionné par les autres, que nous parvenons à un choix : régler, réglementer minutieusement chaque
280 uissant, assez rusé pour trouver soudain, quelles que soient les circonstances, de nouvelles portes de sortie. Jung a écrit
281 velles portes de sortie. Jung a écrit précisément que l’archétype de la Femme a gardé son rôle primordial. Mais oui. Les tr
282 s de prendre un envol extraordinaire. Croyez-vous que l’étude systématique du xie et du xiie siècle nous donnerait des él
283 ar exemple un texte inédit de Teilhard. Il faudra que j’en parle à Lausanne. Voyez ce passage : le Père (qui d’ailleurs a e
284 he de la Femme. Une sublimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’être longuement abâtardi, commence à se manifester
285 Rougemont. « Les modernes — écrivait-il — croient qu’ il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la rel
286 ais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une co
19 1964, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il nous faut des hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)
287 us actuels, et aussi des plus angoissants de ceux que nous a légués l’Antiquité proche-orientale, si étroitement mêlée aux
288 s’appliquait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ ils fussent frappés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que
289 pés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’œuvre parlant une seule et même langu
290 igine de la diversité des langues ne serait autre que la spécialisation des métiers et par suite des jargons de métier — sp
291 Ceci m’évoque d’abord la description de l’Europe que nous donnait Paul Valéry dans sa célèbre Lettre sur la société des es
292 ette institution dont le nom même semble indiquer qu’ elle devrait résumer le monde de l’esprit, l’ensemble de nos activités
293 onger à cette Tour du Savoir, tellement démesurée qu’ il faut, pour l’édifier, diviser maîtres d’œuvre et ouvriers en équipe
294 ur d’elles ou en elles, prolifèrent. Dans la page que je viens de vous lire sur l’origine de la pluralité des langues, Dant
295 Europe. Les races qui s’ignoraient jadis au point qu’ un homme de couleur différente ne semblait pas vraiment humain, se rec
296 rt plus visible et plus facile à observer, hélas, que dans nos universités. Tout le monde sait ici de quoi je veux parler :
297 galaxies dans le cosmos en expansion vertigineuse que nous décrivent les astronomes contemporains. D’où résultent les deux
298 rdent dans les nuées de l’inconcevable. Mais dire que tout langage commun se perd, entre les branches sans cesse multipliée
299 ches sans cesse multipliées du savoir, c’est dire que la commune mesure d’une civilisation est en train de s’évanouir — j’e
300 urces vives de la nouvelle culture mondiale. Mais qu’ il n’y ait plus, ou presque plus, de langage commun, et que les buts f
301 ait plus, ou presque plus, de langage commun, et que les buts finaux s’obscurcissent, il faut bien voir que cela veut dire
302 es buts finaux s’obscurcissent, il faut bien voir que cela veut dire aussi, très concrètement, qu’il n’y a plus d’Universit
303 voir que cela veut dire aussi, très concrètement, qu’ il n’y a plus d’Université aux deux sens primitifs de l’universitas, q
304 sée. Nos universités ne sont plus guère, en fait, que des agglomérats ou juxtapositions souvent fortuites d’écoles professi
305 s de recherches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux d’une administration en outre accablée de soucis matériels et qu
306 ucis matériels et qui a d’autres chats à fouetter que de méditer sur la synthèse des facultés de l’esprit humain. La juxtap
307 facultés étanches ne fait pas plus une université qu’ une addition d’organes ne fait un corps vivant. Regardons cela d’un pe
308 il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’ il sera de 500 000 dans une dizaine d’années. (Seules n’auront pu vari
309 mer et d’autres savants américains nous affirment que 85 % des scientifiques ayant vécu depuis l’aube de l’histoire, sont v
310 imie et n’en avions rien oublié, nous ne saurions qu’ un dixième de ce qu’elle est aujourd’hui. Ces données numériques, que
311 rien oublié, nous ne saurions qu’un dixième de ce qu’ elle est aujourd’hui. Ces données numériques, que je prends pour image
312 qu’elle est aujourd’hui. Ces données numériques, que je prends pour images, sont probablement vraies en gros dans le domai
313 t dire « version à l’unité »…). Toute l’évolution que j’ai dite conduit inévitablement à la confusion des langages, dissous
314 ous en terminologies incomparables. L’université, que l’on pourrait considérer comme un grand appareil distributeur d’infor
315 Un exemple précis illustrera ce point : Supposons que la théologie ait gardé ses pouvoirs régulateurs de l’ensemble de nos
316 estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que le physicien ne saurait pas davantage si sa démarche est conforme ou
317 lines diverses n’ont souvent plus guère en commun que des platitudes quotidiennes ou des préjugés mutuels hérités de confli
318 ement l’esprit européen, ne peut se résoudre à ce que les routines et l’utilité immédiate suffisent à justifier l’existence
319 ci l’interprète. Faudrait-il donc nous résigner à que l’accroissement même du savoir traîne pour conséquence la division de
320 observateur non prévenu, jugeant seulement sur ce qu’ il nous voit faire, il semblerait que la très grande majorité des Euro
321 ement sur ce qu’il nous voit faire, il semblerait que la très grande majorité des Européens trouve que cela peut fort bien
322 que la très grande majorité des Européens trouve que cela peut fort bien continuer ainsi, sans nul danger sérieux de catas
323 niversité, dans nos pays, paraît plus florissante que jamais : loin d’être abandonnée, elle attire une foule croissante de
324 lleurs et de curieux. L’industrie et l’État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle est devenue trop petite pour ses t
325 t devenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’ on l’agrandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais été mortelles
326 lines, et qui ne peuvent défendre leur « vérité » qu’ en se fermant méthodiquement sur elles-mêmes, acceptant ainsi de n’êtr
327 tion attentive de nos universités, l’on ne trouve qu’ une sorte de monstre, assemblage de pièces et de morceaux que seuls le
328 e de monstre, assemblage de pièces et de morceaux que seuls les vêtements tiendraient ensemble, ou la force de l’habitude !
329 otivé sur lequel on se soit accordé ? Il est vrai que ces questions débordent le seul domaine de l’Université, et qu’elles
330 ons débordent le seul domaine de l’Université, et qu’ elles affectent tout l’ensemble de la culture européenne. Mais c’est p
331 a culture européenne. Mais c’est par l’Université que les hommes d’outre-mer viennent au contact de la culture européenne,
332 au contact de la culture européenne, et c’est là qu’ ils se posent à eux-mêmes ces questions, et nous les posent avec une i
333 moins en moins armés pour y répondre. Le problème qu’ on soulève ici, et qui est celui du principe de cohérence de notre civ
334 s recherches particulières à l’aventure, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatibl
335 rticulières à l’aventure, advienne que pourra, et qu’ on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l
336 aventure, advienne que pourra, et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’image du monde
337 que pourra, et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’image du monde communément admise.
338 ion de l’Université est liée à ce phénomène, soit qu’ elle l’exprime, soit qu’elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce
339 liée à ce phénomène, soit qu’elle l’exprime, soit qu’ elle réagisse contre lui avec le thomisme, ce serait un beau sujet d’é
340 tant ? Or rien de tel ne s’est produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrées et homogènes de l’Asie brahmani
341 istinction sacré-profane n’existe pas, en ce sens que sagesse spirituelle, science ethnique et esthétique, sont réglées par
342 ar l’explication et la programmation universelles que figure le marxisme-léninisme (ou, au moins, le parti qui l’interprète
343 cherchez-vous à accroître la productivité plutôt que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos
344 que la sagesse ? et à contrôler la matière plutôt que vos passions et vos désirs ? Bien peu d’entre nous sont capables de d
345 s l’Occident christianisé — alors qu’il est clair qu’ une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellement illuso
346 Temps, de l’Évolution et du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable de se référer non seulement aux conciles e
347 portée métaphysique indiscutable. Et il faudrait que les physiciens qui en discutent sachent que la dialectique de leurs p
348 drait que les physiciens qui en discutent sachent que la dialectique de leurs problèmes actuels sur le temps, la matière et
349 e gros ouvrages pour être exposé sérieusement. Ce qu’ il m’importe de marquer par cet exemple, c’est que l’Europe de l’espri
350 qu’il m’importe de marquer par cet exemple, c’est que l’Europe de l’esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’ell
351 ’esprit ne peut plus se présenter devant le monde qu’ elle a réveillé, dans le désordre spirituel et dans l’incohérence babé
352 r en progression géométrique Le grand problème que l’Europe seule me paraît en mesure de résoudre, parce qu’elle seule l
353 isés et synthèse de nos connaissances n’est guère qu’ un cas particulier. Le paradoxe européen par excellence de l’union dan
354 opéenne, dans sa forme fédéraliste, non unitaire, que je tiens pour la seule possible et désirable. Comment résoudre ce pro
355 ière enseignable. Elle ne peut vraiment consister que dans une attention en éveil permanent aux implications générales, aux
356 ales, aux ramifications interdisciplinaires de ce que l’on est en train d’étudier dans le détail. La vie est trop courte, m
357 oindre chance de succès et l’éducation permanente qu’ on nous propose, qui s’étendrait du berceau à la tombe, ne laisserait
358 galement pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spécialisation du savoir, loin de représenter un progrès, n’est li
359 in de représenter un progrès, n’est littéralement qu’ une monstruosité : le développement excessif d’un organe aux dépens de
360 semble humain est une perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, additionnés, dus à la spécialisation, ne com
361 bouts au prix de son âme. Il n’en reste pas moins que la spécialisation dans l’Université ne peut aller qu’en croissant, so
362 la spécialisation dans l’Université ne peut aller qu’ en croissant, sous la double pression que j’ai dite : toujours plus de
363 ut aller qu’en croissant, sous la double pression que j’ai dite : toujours plus de matières à enseigner à un nombre toujour
364 de son cheminement, à déboucher sur des domaines que la vertueuse méthode, naguère, interdisait rigoureusement. Un neurolo
365 e l’irréversibilité du temps est amené à écrire «  qu’ une vue physicienne stricto sensu du cosmos est trop étriquée » ; et q
366 stricto sensu du cosmos est trop étriquée » ; et que la physique de demain risque de se trouver obligée d’entrer dans un d
367 ience beaucoup plus compréhensive. Et chacun sait que c’est en poussant l’exigence de l’analyse jusqu’aux anomalies les plu
368 de l’analyse jusqu’aux anomalies les plus fines, que les savants contemporains ont créé la science nucléaire : or, les imp
369 nucléaire : or, les impasses et les paralogismes qu’ ils y rencontrent semblent les confronter désormais à des options méta
370 eu. » Si je la transpose au domaine moins sublime que j’essaie aujourd’hui d’explorer, elle me paraît rendre compte du fait
371 d’explorer, elle me paraît rendre compte du fait que ce sont les meilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plu
372 mouvement, rythme et structure dynamiques autant que dans leurs implications jusqu’alors inaperçues. C’est dire que l’œuvr
373 s implications jusqu’alors inaperçues. C’est dire que l’œuvre de synthèse qu’exige l’état présent de notre culture et de no
374 rs inaperçues. C’est dire que l’œuvre de synthèse qu’ exige l’état présent de notre culture et de nos universités, devrait d
375 mieux notre affaire. Ce qui importe, ce n’est pas que la synthèse s’opère dans le vide, ou au ciel des Idées, — car là sans
376 omme un résultat objectif ; ce qui importe, c’est que la synthèse s’actualise, qu’elle s’opère donc dans un esprit, dans un
377 e qui importe, c’est que la synthèse s’actualise, qu’ elle s’opère donc dans un esprit, dans une personne, car là seulement
378 s, son utilité au sens le plus élevé du terme. Ce qu’ il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce sont des hommes de synthèse
379 leur excellence en tant que tels par le fait même qu’ ils auront pris conscience de ce qu’ils ne peuvent se contenter d’être
380 le fait même qu’ils auront pris conscience de ce qu’ ils ne peuvent se contenter d’être seulement des spécialistes. Favoris
381 n, voilà sans doute le genre de solution concrète que nous pourrions préconiser, si nous voulons tenter de faire face au pr
382 tifs universitaires, je n’aurais guère à proposer qu’ une solution de bon sens presque simpliste : il me semble que le seul
383 tion de bon sens presque simpliste : il me semble que le seul moyen de sauver la qualité des universités existantes et leur
384 velles pourraient librement s’accorder aux optima que votre Conférence se préoccupe d’établir et que proposent avec beaucou
385 ma que votre Conférence se préoccupe d’établir et que proposent avec beaucoup de sagesse, me semble-t-il, les rapports d’ex
386 de la culture européenne, qui n’est rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnelles, condition de
387 ys ou université. Ce n’est pas du tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue belge Léo Moulin, sous le t
388 n’est pas du tout par hasard que dans le tableau qu’ a établi le sociologue belge Léo Moulin, sous le titre d’indice Nobel,
389 iversités, maintenues dans les petites dimensions qu’ exige leur rendement optimum, peut freiner l’accroissement de l’entrop
390 ionnelle, et démontrer d’une manière convaincante qu’ on éprouve l’impérieux désir d’intégrer l’expérience acquise dans un e
391 nterdisciplinaires. J’entends par là : les sujets qu’ il serait le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés cla
392 acultés classiques. Voici quelques-uns des sujets que , pour ma part, je serais heureux de pouvoir étudier et discuter, si j
393 té du milieu et de paix des disciplines farouches qu’ imposent à la majorité de nos contemporains les impératifs de la crois
394 nce, à l’heure où elle s’interroge elle-même plus qu’ elle n’a jamais fait dans son histoire. Cette liste de thèmes, vous le
395 Cette liste de thèmes, vous le sentez, ne demande qu’ à s’allonger au gré de vos désirs. Quant aux relations entre un tel Ce
396 de remise en question générale, et c’est aussi ce que nous attendons tous de nos vacances. Après un an, les professeurs dét
397 ombinatoria. Mais surtout, et c’est la conclusion que je souhaite que vous tiriez de mes propos, cet institut de synthèse s
398 s surtout, et c’est la conclusion que je souhaite que vous tiriez de mes propos, cet institut de synthèse serait idéalement
399 ui a fait le Monde, et qui doit aujourd’hui, plus que jamais, faire des hommes. 3. Je n’ignore pas les tentatives qui se
400 s haut niveau de précision. Mais on peut craindre que le langage mathématique, même une fois maîtrisé par nos économistes,
20 1965, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Un écrivain suisse (20-21 mars 1965)
401 Un écrivain suisse (20-21 mars 1965)ab Qu’ il n’y ait pas une patrie suisse mais deux douzaines, point de grands
402 e marché intellectuel, et surtout point de langue que ces patries aient en commun, semble interdire la possibilité d’un écr
403 lie n’aient réuni dans une de ces super-provinces qu’ on nomme nations toutes leurs cités, tous leurs pays. Pourtant je vois
404 l’œuvre et la carrière de Carl Burckhardt. C’est qu’ il est l’un de ceux, très rares, dont la personne, le style, la formul
405 de l’historien de la Renaissance, je ne pense pas qu’ il tienne de lui ce don de prévision de l’avenir européen dont tous le
406 îné, celles à Hofmannsthal du cadet), mais plutôt qu’ il faut l’attribuer à leur commune formation bâloise d’historiens scru
407 lone de Dantzig ; enfin mémorialiste d’événements qu’ il a vécus et qu’il avait prévus. Burckhardt est le type même de l’écr
408 enfin mémorialiste d’événements qu’il a vécus et qu’ il avait prévus. Burckhardt est le type même de l’écrivain qui ne peut
409 orce en toute indépendance d’esprit, peut-on dire que ces traits composent une personnalité typiquement suisse ? Je constat
410 une personnalité typiquement suisse ? Je constate qu’ on les trouve réunis chez quelques-uns des hommes les mieux liés par t
411 tellement plus exemplaire pour l’humanité à venir que le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier de dire que « C.J.B. », l’h
412 le « dictateur… ». (Mais j’allais oublier de dire que « C.J.B. », l’homme dont la stature est imposante, est aussi un conte
21 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Stampa, vieux village… (15-16 janvier 1966)
413 éuni à son peuple », comme dit la Bible. C’est là que je l’avais surpris un jour en plein travail — on ne devrait jamais fa
414 — on ne devrait jamais faire ça — pour découvrir qu’ avant, ailleurs, au Flore, chez Lipp, depuis vingt ans et plus qu’on s
415 rs, au Flore, chez Lipp, depuis vingt ans et plus qu’ on se rencontrait, je ne l’avais jamais vu dans sa réalité et nous n’a
416 ble de bas en haut, rien à faire, c’est plus fort que moi… » Là-dessus des théories bien saugrenues, et nous sommes allés p
417 ésertes, au pied démesuré des roches surgissantes qu’ une force irrésistible allongeait vers le haut. Émotion de pressentir
22 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). André Breton à New York (8-9 octobre 1966)
418 lage, à New York. (20 juin 1942, selon le journal que je tenais alors.) Deux jours plus tôt, je l’avais rencontré à l’Offic
419 à l’affût.) Il se plaignit, très gentiment, de ce que durant nos années parisiennes, nous n’ayons pu, ou cru pouvoir, nous
420 nous rencontrer. « Ce sont de ces conneries ! Et que l’on expie ! » (Beaucoup de lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive
421 lui dans ces quelques mots.) Il m’arrive de rêver que je m’entends au mieux avec tel homme, telle femme dont tout me sépare
422 use ! À quelques jours de là, il me dit souhaiter que nous puissions désormais nous rencontrer « mécaniquement en quelque s
423 d’articles à paraître ces prochains jours. C’est que Breton, pour toute la haine vigilante qu’il n’a cessé de vouer sa vie
424 . C’est que Breton, pour toute la haine vigilante qu’ il n’a cessé de vouer sa vie durant aux manifestations visibles et off
425 qu’il jugeait le christianisme trop peu religieux qu’ il le dénigrait sans relâche. Il voulait un rituel, des mystères, une
426 ui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce soir-là qu’ il avait découvert au fond de l’échoppe d’un cordonnier dans le Morvan
427 roupe, d’ailleurs variable et quelque peu fortuit qu’ avait reconstitué André Breton dès son arrivée à New York. Il avait po
428 aphes, et quelques jeunes femmes assez fantasques qu’ on eût dit nées des comédies de Shakespeare. On se rencontrait chez l’
429 Christ aviateur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’ il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’u
430 insi qu’il me lut un jour l’Ode à Charles Fourier qu’ il venait de recopier d’une belle écriture sage et d’orner de fleurs a
431 ouvriers, de l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’ il était le premier à découvrir ce jeune auteur d’avant-garde ! « Ombr
432 ’est mieux défini. Je pense au soir où il déclara qu’ il était temps d’aller regarder de plus près qu’on ne l’avait fait sai
433 a qu’il était temps d’aller regarder de plus près qu’ on ne l’avait fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre des jan
434 e plus près qu’on ne l’avait fait saint Augustin, qu’ il tenait pour l’ancêtre des jansénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait
435 it pour l’ancêtre des jansénistes. Nous lui dîmes qu’ il y avait là-dessus des bibliothèques ; il n’en crut rien, visiblemen
436 Augustin à lui était sans nul rapport avec celui qu’ avait canonisé « l’Obscurantisme ». Un dimanche matin à New York, au b
437 s de rêve. « Je pensais, me dit-il, à la religion qu’ il faut absolument fonder, et pourquoi ne pas la fonder sur le culte d
438 ue si hautement exemplaire à tant d’égards, c’est qu’ il voulait tout à la fois changer la vie par une sédition passionnelle
439 cessé d’inventer un chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’il a toujours
440 r lui seul. De personne je ne suis à ce point sûr qu’ il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’exacte obéissance aux
441 sûr qu’il a toujours suivi — avec autant d’audace que d’exacte obéissance aux signes devinés — ce qu’il faut bien que j’app
442 e que d’exacte obéissance aux signes devinés — ce qu’ il faut bien que j’appelle ici d’un terme signifiant pour moi la relat
23 1966, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jacques Chenevière ou la précision des sentiments (22-23 octobre 1966)
443 t, combien j’aime cet éclat, d’allégresse solaire que fait la première phrase du chapitre suivant : Le Tanébeau mais le Van
444 lettres et celui de l’action — et l’on dirait ici qu’ un nouveau livre se propose — quelques événements silencieux exigent l
445 rnières pages du livre, intitulées « Sans date », qu’ il cherche à « distancier », vainement d’ailleurs, sont admirables.
446 prisonniers Descriptions d’une mémoire ; et ce qu’ elle a gardé, et qui revit en ce recueil, va devenir par la grâce d’un
447 émoire de chaque lecteur. Je sais bien les images que je n’oublierai plus, que j’aimerais évoquer ici, mais beaucoup ne son
448 Je sais bien les images que je n’oublierai plus, que j’aimerais évoquer ici, mais beaucoup ne sont pas de celles que l’on
449 évoquer ici, mais beaucoup ne sont pas de celles que l’on peut désigner facilement, faites d’atmosphère, de sentiment, et
450 », l’autre fumant sans cesse des petits cigares «  qu’ elle plantait juste au milieu de sa bouche grande, charnue et bien pei
451 en peinte », même s’il s’agit seulement des robes que leur composait Worth trente ans plus tôt pour un bal de la Cour (« Av
452 nte ans plus tôt pour un bal de la Cour (« Avouez que nous étions un peu rivales… »), s’élève jusqu’au sublime dans la friv
453 s et jeunes filles d’aujourd’hui, j’aimerais dire qu’ un tel livre transmet quelque chose qui n’a pas de prix : les secrets
454 s moi la précision des sentiments. Si vous croyez qu’ un sentiment, c’est vague, lisez Jacques Chenevière, vous y découvrire
24 1967, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). J. Robert Oppenheimer (25 février 1967)
455 stoire du Nouveau Monde par un éclat « plus clair que mille soleils », cet homme était d’Europe par les mesures et les affi
456 demi-sourire : « Peut-être suis-je plus chrétien que quiconque… Il faudra bien que je vous l’explique quand nous serons se
457 plus le revoir. Il aimait citer la Bhagavad-Gita, qu’ il lisait en sanscrit. Il connaissait à fond notre littérature, où il
458 aura, il le savait, un prestige un peu douloureux qu’ il portait avec juste assez de gaucherie pour une impeccable élégance…
25 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Entretien avec Denis de Rougemont (6-7 avril 1968)
459 , qui est comme le signe sensible de la situation que l’écrivain n’a cessé d’occuper dans la culture de notre temps : à pro
460 s préoccupations. C’est à ce moment-là, en effet, qu’ avec plusieurs jeunes intellectuels de ma génération, j’ai découvert l
461 d’une insatisfaction de notre sort. Nous pensions que la société où nous vivions était fichue, qu’on allait à des catastrop
462 ions que la société où nous vivions était fichue, qu’ on allait à des catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolut
463 cipes de droit international ne servait, en fait, que les nationalismes. Dans le groupement l’Ordre nouveau, nous nous atta
464 ons aussi bien la dictature stalinienne du parti, que la dictature de l’État, telle que l’incarnaient Hitler et Mussolini.
465 ienne du parti, que la dictature de l’État, telle que l’incarnaient Hitler et Mussolini. Quels furent, au niveau des faits,
466 Hic et Nunc , une revue de pensée existentielle que je dirigeais, en collaboration avec Roger Breuil, Henry Corbin, Rolan
467 sée étaient Karl Barth, Kierkegaard, et Heidegger que Corbin commençait à traduire. En ce qui concerne L’Ordre nouveau où j
468 premier de Hic et Nunc parut, Mounier a trouvé que j’y allais un peu fort. Nous avons échangé quelques lettres assez viv
469 issait pas. Pour marquer une différence, je dirai que l’on trouvait, chez Esprit plus de méfiance pour les réalités scienti
470 n quant à votre conception de l’Europe ? Je dirai que dans ces journaux, qui ne sont pas des mémoires et se tiennent à égal
471 ution d’une sensibilité européenne, beaucoup plus que des positions idéologiques. Cette sensibilité est assez fréquente en
472 sse, située à la croisée des chemins. C’est ainsi que , Suisse français, je me suis nourri de Goethe, de Novalis, et de Höld
473 uis nourri de Goethe, de Novalis, et de Hölderlin que les jeunes Français ne connaissaient pas. On peut d’ailleurs repérer
474 de faire partie de plusieurs clubs. Je considère que ma patrie est Neuchâtel, ma nation la Suisse, ma nation culturelle la
475 sible aux particularités d’un pays, d’une région, qu’ il s’agisse du monde germanique ou de la France. Maintenir les contr
476 tension entre la personne qui se crée et l’époque qu’ elle vit n’est-elle pas la caractéristique fondamentale de votre vie e
477 ment qui se retrouve à tous les niveaux. Je pense qu’ il faut maintenir dans un individu l’exigence spécifique, singulière,
478 1932, je définissais la personne comme l’individu que sa vocation distingue de la masse et relie à la communauté. Maintenir
26 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut réinventer l’Université (29 juin 1968)
479 nce par brider sévèrement son imagination, obsédé qu’ il est par la crainte que ses projets ne soient pas « sérieux », c’est
480 son imagination, obsédé qu’il est par la crainte que ses projets ne soient pas « sérieux », c’est-à-dire puissent paraître
481 latin, ce qui était utopie devient nécessité, ce que l’on qualifiait avec un sourire indulgent de Zukunftsmusik devient ur
482 être même est-il trop tard), et chacun d’affirmer qu’ il l’avait toujours dit… Sans plus de précautions, et pour faire court
483 fois anciennes5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’ est-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie et xiiie siècles,
484 nnes5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’est-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie et xiiie siècles, c’est une
485 d’un certain sens de la vie 2. Au sens du mot que je viens de définir, l’Université n’existe plus. Ce qu’on persiste à
486 viens de définir, l’Université n’existe plus. Ce qu’ on persiste à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’une quant
487 plus. Ce qu’on persiste à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’une quantité variable d’écoles professionnelles, d
488 ou des pasteurs. Ces écoles n’ont plus en commun que leur location dans une même ville, leurs services administratifs et l
489 et de dire le Sens de la société. Il se pourrait qu’ au nom du Sens, elle soit amenée à contester les finalités productivis
490 ui qui veut apprendre un métier pour en vivre n’a que faire de la contestation. Et celui qui entend contester la société n’
491 ion. Et celui qui entend contester la société n’a que faire d’une « étude des débouchés ». Cependant, avant de contester la
492 téresser des problèmes de l’autre. 7. Je propose que l’on traite ces problèmes par la méthode fédéraliste, dont je vais do
493 de décision aux finalités des différentes tâches qu’ on se propose. 9. Le fédéralisme, au contraire du nationalisme canton
494 de chaque discipline par les autres (et c’est ce qu’ on peut nommer : recherche interdisciplinaire). 12. Les dimensions opt
495 quand il s’agit d’exposer les recherches inédites qu’ un maître est en train de faire et qui peuvent intéresser beaucoup d’é
496 ersité digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu’ une tension s’institue entre écoles professionnelles et Université. Ce
497 e entre écoles professionnelles et Université. Ce qu’ il faut redouter, c’est la subordination de la recherche aux besoins d
498 même coup d’être une Université, et n’aurait plus qu’ à disparaître. 17. Une Université digne du nom, dont le rôle serait d’
499 n pôle de création et de rayonnement culturel. Ce que ne peuvent être, bien évidemment, ces encombrants conglomérats d’écol
500 glomérats d’écoles professionnelles (ou facultés) que l’on s’obstine encore à nommer des universités. 18. Il ne faut pas dé
501 alisme cantonal, notamment) et ce qui fait croire que l’Université existe encore (routines, vanités, ignorance surtout, san
27 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’écrivain et l’événement (7-8 septembre 1968)
502 tour dans l’esprit du public : on croit bonnement qu’ un auteur engagé est celui qui s’en est remis une fois pour toutes à l
503 ition occasionnelle face à l’événement historique qu’ un écrivain est engagé — ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, i
504 d’un côté et l’événement de l’autre, deux objets qu’ on pourrait isoler, séparer ou rapprocher à volonté. Nul événement soc
505 ait exprimé, nommé, écrit, avant ou après la date que l’Histoire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’écriture !
506 ont l’œuvre ne constitue une partie de la réalité qu’ il croit décrire quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc parler que de dif
507 écrire quand il l’écrit… ⁂ On ne peut donc parler que de différents modes de relations entre l’œuvre et l’époque. Pour simp
508 ment : le ludion, le contestateur et le prophète, que certains nomment l’utopiste. 1. Le ludion réagit passivement à l’époq
509 t en formation, sans essayer d’agir sur eux, soit qu’ il n’en ait aucune envie, soit qu’il désespère d’en avoir les moyens,
510 r sur eux, soit qu’il n’en ait aucune envie, soit qu’ il désespère d’en avoir les moyens, ou nie que ces moyens puissent mêm
511 oit qu’il désespère d’en avoir les moyens, ou nie que ces moyens puissent même exister. La plupart des conteurs et romancie
512 lateur par l’angoisse du syndrome totalitaire tel qu’ il se constituait alors dans l’inconscient des peuples. Entre ces deux
513 ficacité immédiate suffira. 3. Quant au prophète, que certains nomment l’utopiste, c’est toute la grande poésie d’Isaïe à l
514 arx et Mao. Le prophète sent l’époque (bien mieux que le ludion) dans la mesure où il la refuse (bien plus radicalement que
515 la mesure où il la refuse (bien plus radicalement que le contestateur) mais s’il la juge et la refuse, c’est au nom d’une v
516 la refuse, c’est au nom d’une vision meilleure — qu’ il annonce, illustre, anticipe… Bien entendu — mais l’ai-je assez lais
517 dans chaque catégorie peut se reconnaître au fait qu’ il participe peu ou prou des deux autres : reprenez mes exemples. In
518 rer ou restaurer une communauté Finalement, ce que la société peut attendre de l’écrivain confronté à sa crise et à l’év
519 nt une communauté. Cela comporte bien autre chose que de signer ou même d’écrire des manifestes en faveur des victimes d’un
520 donner réponse, dire la réalité du monde nouveau que la révolte obscurément postule, car si elle le concevait elle le susc
521 s de prophète, c’est autant dire de fondateur. Ce que l’écrivain doit au monde et à l’événement, c’est de les créer. Et ce
522 monde et à l’événement, c’est de les créer. Et ce qu’ il faut attendre du meilleur écrivain, c’est qu’il fasse converger dan
523 e qu’il faut attendre du meilleur écrivain, c’est qu’ il fasse converger dans son œuvre le sentiment baudelairien de son épo
28 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Vers l’Europe des régions [Entretien]
524 trant d’Amérique après la guerre, j’avais compris qu’ il était indispensable d’unir les Européens. Non seulement nous-mêmes,
525 -dire du genre de valeurs, d’équilibre, de mesure que représentait notre vieux continent. En août 1947 on est venu me deman
526 n. L’unité existe ou n’existe pas. L’union est ce que l’on peut bâtir. Non pas une uniformité mais un certain mode de conta
527 . J’ai donc créé le Centre européen de la culture que je dirige depuis près de vingt ans afin d’aider tous les mouvements q
528 ne Association des festivals de musique européens que je préside tout à fait par hasard. Nous avons coordonné les instituts
529 toire, de géographie, de langues. Je souhaiterais que tombent en désuétude les grands États-nations comme la France, l’Espa
530 le plan politique. Cette situation tient au fait que les États veulent garder leur souveraineté absolue, devenant ainsi eu
531 le pays en un certain nombre de régions. Je pense qu’ on finira par se mettre d’accord assez vite pour la France sur une diz
532 s Paris. Notre idée de fédéralistes européens est que ces régions, définies surtout par l’économie, se définissent aussi pa
533 ce problème. L’union mondiale ne sera concevable que s’il existe une solide fédération européenne. Ce sera le point d’accr
534 itueront de proche en proche un tissu plus solide que leurs liens avec les États-nations ; ceux-ci peu à peu tomberont en d
535 tie de la solution des problèmes européens, c’est que l’unité du genre humain est une invention des Européens. C’est l’Euro
536 quences des options philosophiques et religieuses que l’on croit justes. al. Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’Eu
537 ttéraire. Le programme est composé de telle façon que tous les grands problèmes d’actualité seront traités par d’éminents s
29 1968, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)
538 Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)an Un jour que je montai chez Jean Paulhan, ce devait être en 1937, 1938, je rejoign
539 it en s’arrêtant sur le dernier palier : « Est-ce que vous sentez toujours votre cœur battre au moment de passer cette port
540 ature dont il nous paraissait tout à fait évident que Paulhan détenait les clefs et les mesures. (Mais c’était justement ce
541 clefs et les mesures. (Mais c’était justement ce qu’ il cherchait, comme nous l’apprirent beaucoup plus tard les Fleurs de
542 les Fleurs de Tarbes !) Il n’avait encore publié que deux ou trois petits livres un peu trop parfaits par l’écriture et la
543 ul notre air de parenté, si différents ou opposés que nous fussions. C’est le seul directeur de revue littéraire qui ait ja
544 ttéraire qui ait jamais montré dans cet emploi ce qu’ il faut appeler du génie. Et le plus libéral qu’on puisse imaginer ! L
545 e qu’il faut appeler du génie. Et le plus libéral qu’ on puisse imaginer ! La presse, depuis vingt ans, s’obstine à le trait
546 ce, attentif à ne rien nous imposer qui ne fût ce qu’ il avait senti, bien avant nous, qui pourrait être nous. Bien trop cur
547 curieux pour être autoritaire, il n’avait de goût que pour nos singularités (que d’autres nommeraient vocations) et il les
548 re, il n’avait de goût que pour nos singularités ( que d’autres nommeraient vocations) et il les respectait scrupuleusement,
549 preuve, pas toujours suffisante mais nécessaire, qu’ on avait quelques chances d’exister. J’ai retrouvé la première lettre
550 ances d’exister. J’ai retrouvé la première lettre qu’ il m’ait écrite, en 1926. M’ayant lu dans la Revue de Genève , il me
551 comme il est grand ! C’est le plus grand écrivain que j’aie jamais connu : 1 m 90 je pense, larges épaules, grande tête rec
552 nce, à peine passé la porte : « Mais il me semble que depuis des années je vous supplie de nous donner des textes ! » Me vo
553 dis : « Pourquoi ne pas les assumer ? » (Bien sûr qu’ à cela, du moins, il n’a jamais songé.) Je l’ai surpris, notre dialogu
554 uivra dans plusieurs de mes livres, d’une manière que je suis seul à connaître. Je m’arrangerai pour y faire figurer les qu
555 e m’arrangerai pour y faire figurer les questions qu’ il me soumettra (c’est sa manière de critiquer) après lecture du manus
556 ains a été composée pour prévenir les objections qu’ il avait faites à la seconde, dont je croyais d’abord qu’elle pouvait
557 vait faites à la seconde, dont je croyais d’abord qu’ elle pouvait se suffire. Longtemps, Jean P. (comme il signait ses bref
558 à propos de mes Lettres sur la bombe atomique , que j’écris « un œil sur l’Éternel et l’autre sur Jean Paulhan ». Ce qui
559 m’engage à rapporter ces petits souvenirs, c’est qu’ ils sont personnels… à combien d’entre nous, jeunes auteurs de l’entre
560 re nous, jeunes auteurs de l’entre-deux-guerres ! Que dirai-je de plus aujourd’hui ? J’aurais aimé pouvoir parler de l’écri
561 nt du grand patron en maïeutique de l’expression. Qu’ on me permette au moins de recopier cette page des Fleurs de Tarbes où
562 our un général. Paul Valéry attend des Lettres ce qu’ un philosophe n’ose pas toujours espérer de la philosophie : il veut c
563 espérer de la philosophie : il veut connaître ce que peut l’homme. Et Gide, ce qu’il est. Il suffirait à Claudel de reform
564 l veut connaître ce que peut l’homme. Et Gide, ce qu’ il est. Il suffirait à Claudel de reformer sur les débris d’une sociét
565 débris d’une société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe d’une éthi
566 » Il semble à Maurras suffisant, mais nécessaire, que l’écrivain maintienne au-dessus de l’eau toute une civilisation qui s
567 en d’Alerte : la poésie lui semble chose si grave qu’ il a pris le parti de se taire. Je ne sais s’il est vrai que les homme
568 is le parti de se taire. Je ne sais s’il est vrai que les hommes de lettres se soient contentés jadis de distraire d’honnêt
569 e enfin révélé. Il n’est pas une joie de l’esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pourrait tolérer, se demande un j
570 ture n’autorise pas trop d’optimisme. Il se peut que les hommes soient devenus plus exigeants. Il se peut aussi que les Le
571 s soient devenus plus exigeants. Il se peut aussi que les Lettres soient devenues moins donnantes. Tout se passe comme s’il
572 son œuvre, justement, qui nous en restitue mieux que l’idée : la présence fraîche et vivace. 6. Le communiqué de l’AFP a
30 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Témoignage sur Bernard Barbey (7-8 février 1970)
573 êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’ elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre,
574 et la justesse de l’analyse pour ne plus évoquer que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans Le Cœur gros u
575 qui explique leur éclipse injuste et provisoire, que les deux ou trois autres carrières qu’il a connues avec de si constan
576 rovisoire, que les deux ou trois autres carrières qu’ il a connues avec de si constants succès pour ceux qui savent — dans l
577 fait presque toujours de la littérature, si bonne qu’ elle soit. Mais l’aventure militaire de Barbey est singulière. Assurer
578 scrétion souriante et merveilleusement attentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’on sentait si naturellement prêt
579 ent attentive. Que pouvait-on refuser à quelqu’un que l’on sentait si naturellement prêt à s’oublier lui-même ? C’est sans
580 à la très amicale et délicate insistance de Berne que je dois d’avoir écrit mes deux livres sur la Suisseap. « Romancier au
581 efficacité. C’est par des hommes de cette qualité que vaut la Suisse. 7. « Bernard Barbey : La Maladère (Grasset, Paris)
31 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). La cité européenne (18-19 avril 1970)
582 ames et Messieurs, Je pense, avec Robert Schuman, qu’ il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondam
583 pays pour cette raison littéralement fondamentale qu’ une unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit d
584 ture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’
585 eurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène et qui ne r
586 stoire, Héraclite écrivait cette phrase décisive, qu’ il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : « Ce qui s’
587 s par Marx, puis par Lénine avec les conséquences que l’on sait, jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chi
588 pales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’ on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au x
589 amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’ on croit le sentir en Occident ; l’apport slave au xixe  ; l’art afric
590 er, si peu que ce soit, est si cher aux Européens qu’ il les porte à exagérer d’une manière tout à fait extravagante l’impor
591 l’importance de ce qui les distingue. C’est ainsi qu’ ils en viennent à penser sincèrement qu’ils ne pourront jamais s’unir,
592 est ainsi qu’ils en viennent à penser sincèrement qu’ ils ne pourront jamais s’unir, même s’il le faut, du fait qu’ils n’ont
593 ourront jamais s’unir, même s’il le faut, du fait qu’ ils n’ont en somme rien de commun ! Un jour, tandis que je présidais u
594 comme Européen dans la mesure précise où il doute qu’ il le soit, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme d’u
595 seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’ il fait partie, par le seul fait qu’il le conteste ? On ne changera p
596 révèle ainsi qu’il fait partie, par le seul fait qu’ il le conteste ? On ne changera pas cela, ce ne serait plus l’Europe.
597 il faut en prendre son parti, et c’est là-dessus qu’ il faut bâtir notre union, si l’on veut qu’elle mérite le nom d’Europe
598 dessus qu’il faut bâtir notre union, si l’on veut qu’ elle mérite le nom d’Europe. Si l’on me demande maintenant comment on
599 nitaire et si hautement diversifiée, je répondrai que la solution se trouve dans les termes mêmes du problème ainsi formulé
32 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). L’Europe et le sens de la vie (25-26 avril 1970)
600 Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans les termes les plus précis et sans échappat
601 nion ne saurait être acquise au prix des libertés qu’ elle est censée servir. Rien de plus limpide que la déduction qui fait
602 s qu’elle est censée servir. Rien de plus limpide que la déduction qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de not
603 a déduction qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder
604 ne culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’ une union fédérale. Ce qui paraît beaucoup plus difficile à expliquer,
605 paraît beaucoup plus difficile à expliquer, c’est que rien n’ait encore été fait dans ce sens, depuis près de vingt-cinq an
606 fait dans ce sens, depuis près de vingt-cinq ans qu’ on nous déclare, avec Churchill — dans son fameux discours de Zurich —
607 Churchill — dans son fameux discours de Zurich — qu’ il n’y a pas une minute à perdre ! Quel est l’obstacle apparemment ins
608 ’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique, que tout exige, que tout le monde admet qu’il faut fair
609 ent insurmontable à cette union que tout indique, que tout exige, que tout le monde admet qu’il faut faire — et que pourtan
610 e à cette union que tout indique, que tout exige, que tout le monde admet qu’il faut faire — et que pourtant personne ne fa
611 indique, que tout exige, que tout le monde admet qu’ il faut faire — et que pourtant personne ne fait ? Eh bien, chacun le
612 ge, que tout le monde admet qu’il faut faire — et que pourtant personne ne fait ? Eh bien, chacun le sait, rien n’est moins
613 ’Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégralement ce
614 nion fédérale) n’est autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégralement centralisé en vue de la g
615 t centralisé en vue de la guerre. C’est ce modèle que tous les peuples de l’Europe, grands et petits, ont imité l’un après
616 t par le tiers-monde, mal décolonisé à cet égard… Qu’ est-ce en somme qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute un
617 e, mal décolonisé à cet égard… Qu’est-ce en somme qu’ instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une nation aux pouvoi
618 n continentale). À l’intérieur de ses frontières, qu’ il déclare naturelles contre toute évidence, l’État-nation n’admet auc
619 veraineté absolues aussi peu défendables en droit qu’ elles deviennent illusoires en fait au xxe siècle. Rien, donc, de plu
620 espèce d’union tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, d’autre part, se révèle incapable de répondre au
621 ion civique réelle ; et sans correspondance autre qu’ accidentelle avec aucun espace économique défini par la nature des cho
622 sur la base de cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’unir l’Europe ! Voilà qui expl
623 : il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influ
624 e contrôle de zones d’influence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui
625 érils ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la société, ce que nous voulons rée
626 nous attendons de notre vie et de la société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contraints de tirer des p
627 mais qui serait très peu européenne. Sans compter qu’ un super-État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à l
628 nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’ à la faveur d’une guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès
629 s communautés (la production industrielle n’étant qu’ un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-n
630 oyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en
631 nation n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’ il est en fait aujourd’hui radicalement incompatible avec les fins de
632 ens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours eu pour fin réelle la puissance ; et je crois
633 e ; et je crois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont choisi la puissance comme seul but réaliste de l
634 t simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls, des Européens, rares mais exemplaires, ont osé proclamer, d’Ar
635 ristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communautés autonomes valent mieux q
636 nnelles et les communautés autonomes valent mieux que la puissance collective. L’Europe unie sera seule capable de réaliser
637 réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que je radicalise indûment l’antithèse État-nation / fédération, ramenée
638 comme finalités de l’union. Mais je ne crois pas qu’ il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante c
639 ne crois pas à cette « imposante confédération » qu’ évoquait le général de Gaulle, et qui serait formée d’États-nations co
640 sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’ il faudrait aider : les échanges culturels, les mouvements de personne
641 telligibles. Je ne sais si les problèmes profonds que pose leur balance commerciale (laquelle ne saurait être positive, me
642 qui ne correspondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les États-nations n’existent p
643 e. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les États-nations n’existent pas dans l’histoire de la culture, et qu
644 n’existent pas dans l’histoire de la culture, et que les « cheminements de l’esprit » dont parlait Robert Schuman traverse
645 nales », en dépit des manuels scolaires, il n’y a que des divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la c
646 ivant de la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’h
647 és par l’idée de « se faire respecter », oublient qu’ ils n’y arriveraient qu’en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Loui
648 ire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’ en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’on s’inclin
649 se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que l’on s’incline devant la « majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’e
650  ». Mais non ! L’État n’est pas un dieu, ce n’est qu’ un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service des c
651 its sacrés de vos États-nations ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir l’Europe en proclamant votre attachement aux
652 uvertement ? Tous les sondages d’opinion montrent qu’ on vous suivrait, si vous osiez marcher. Je propose la convocation d’u
653 autres fédérations continentales. Et vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires étrangères : c’est un mot
654 relations ou d’affaires étrangères : c’est un mot qu’ il nous faut bannir du vocabulaire politique dans une Europe fédérale,
655 imera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’est, bien sûr : on ne fera pa
656 cinq ans. Mais il l’est moins parce qu’il demande qu’ on dépasse les États-nations que parce qu’il pose une hiérarchie nouve
657 rce qu’il demande qu’on dépasse les États-nations que parce qu’il pose une hiérarchie nouvelle des finalités politiques. Do
658 ivités communautaires et personnelles. Si sérieux que soient les problèmes de prix du lait, du blé ou du vin, il est clair
659 s de prix du lait, du blé ou du vin, il est clair que l’Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut pas entra
660 transcendant, c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inex
661 ut en offrir le modèle. Si l’on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’État-nation, je réponds qu
662 e. Si l’on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’État-nation, je réponds que c’est au contraire
663 que de vouloir dépasser l’État-nation, je réponds que c’est au contraire la grande tâche politique de notre temps. Précison
664 peau suivant : « Nous publions la fin du discours que prononça Denis de Rougemont le 15 avril en recevant le prix Robert Sc
33 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)
665 Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin 1970)av aw Les Suisses sont sans dout
666 x depuis des siècles en plus grand nombre relatif que partout ailleurs, touristes, convalescents, réfugiés politiques attir
667 à eux et les renvoyer au plus vite. Il semblerait que tout le monde « gagne » à ce jeu : l’industrie qui y trouve le moyen
668 ce qui précède. De quoi se plaint-on ? C’est ici qu’ interviennent les deux questions que vous avez bien voulu me poser :
669 n ? C’est ici qu’interviennent les deux questions que vous avez bien voulu me poser : — Dans une Europe fédérée telle que
670 voulu me poser : — Dans une Europe fédérée telle que vous la concevez, chaque État peut-il conserver son intégrité spiritu
671 e en Suisse ? Permettez-moi de confesser d’abord que le problème qui me préoccupe est beaucoup moins celui du oui ou du no
672 occupe est beaucoup moins celui du oui ou du non, que celui de la qualité des arguments invoqués de part et d’autre, et des
673 uments invoqués de part et d’autre, et des suites qu’ entraîneront les attitudes réelles de ceux qui les invoquent. C’est da
674 de ceux qui les invoquent. C’est dans cet esprit que je vais esquisser une réponse. Le beurre et l’argent du beurre I
675 ls nous disent : « À l’heure où il n’est question que de s’ouvrir à l’Europe, pourquoi nous fermer devant les travailleurs
676 le « l’économie suisse » ne pourrait « résister » que grâce à l’appoint des travailleurs étrangers, cet argument se détruit
677 ulement importer autant de travailleurs étrangers qu’ il en faut pour que nos exportations continuent à croître, cela revien
678 la concurrence entre États-nations. (Sans compter que tous les États-nations ne peuvent pas avoir en même temps une balance
679 à l’Assemblée nationale. On constate au contraire que les travailleurs ne se déplacent en général que s’ils y sont fortemen
680 e que les travailleurs ne se déplacent en général que s’ils y sont fortement incités, s’ils sont en quelque sorte recrutés,
681 vraient avant tout les routes du gain maximal, où qu’ elles aillent, est fausse et irréelle, quoique matérialiste. La plupar
682 hommes suivent leurs coutumes et leurs rêves plus que l’argent. (J’ai là-dessus quelques statistiques.) Quelle est la pi
683 uelle est la pire menace ? II. Quant au danger que la présence sur notre sol d’un étranger contre cinq ou six Suisses re
684 cité », comme vous osez l’écrire ! — il est clair que ce n’est pas sérieux. L’argument ne vaut rien, mais en cache un meill
685 s soldats gardent aux frontières un « sol sacré » que les usines et les traxs derrière leur dos profanent, défoncent et sté
686 modifie radicalement le cadre de nos vies, l’air que nous respirons, et à la longue nos sensibilités. Si notre industrie s
687 et ne peut être atteint par ce choix. La question qu’ a soulevée M. James Schwarzenbach dépasse très largement tout ce qui p
688 ’initiative. Le fabuleux brain storming collectif qu’ a déclenché le député zurichois sera des plus utiles aux Suisses s’il
689 nt ? — Le « niveau de vie » est-il plus important que le mode de vie ? — La philanthropie qu’invoquent à juste titre les ad
690 important que le mode de vie ? — La philanthropie qu’ invoquent à juste titre les adversaires de l’initiative (« on ne peut
691 ence des travailleurs étrangers nous coûtait plus qu’ elle ne rapporte ? — La pire menace contre notre mode de vie suisse vi
692 nnement au nom de valeurs bien plus matérialistes que celles des marxistes redoutés ou des Américains enviés ? av. Roug
693 nis de, « Une réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie », Gazette de Lausanne, Lausanne, 2 juin 1970, p
34 1970, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Le testament de Tristan (14-15 novembre 1970)
694 re les réalités du monde naissant. Plus chevalier que militaire, plus efficace à lui tout seul par la passion et le mépris
695 icace à lui tout seul par la passion et le mépris que tous les autres par le calcul et la flatterie, Charles de Gaulle aura
696 destinée éminente et exceptionnelle… S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, [c’est] imputabl
697 ve. Il l’a ramené au mari légitime, à ce roi Marc que figurait le Pays légal, la République. Puis il a dû s’éloigner d’elle
698 , quand il était le plus fort — Tristan plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé une épée symbolique ? » J’écrivais
699 e allégué : l’instauration en France des régions, qu’ il proposa solennellement, et à quoi il choisit de lier son sort. Un s
700 minements de la conscience européenne, elle-même, que vous mettez en lumière. Je vous félicite d’avoir entrepris et mené à
701 finir le régime général d’union dans la diversité qu’ il admirait dans notre Suisse. Quant à la participation qu’il demandai
702 irait dans notre Suisse. Quant à la participation qu’ il demandait, c’est le mot clé du fédéralisme. Merveilleux compromis e
703 rons et le Pays légal, il ne veut devant sa tombe que la France seule, une fois de plus symbolisée par son armée… ax. Ro
704 utre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont ce qu’ il pensait de l’homme d’État, après que Jacques Mercanton, la semaine
705 ’étudier les rapports du Général avec la culture, qu’ il n’a guère encouragée. »
35 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Pourquoi j’écris (30-31 janvier 1971)
706 e la clé de la caisse. Nulle part peut-être mieux que dans ses « jeux » n’a régné l’essentiel terrorisme qu’entretenait le
707 ans ses « jeux » n’a régné l’essentiel terrorisme qu’ entretenait le surréalisme. André Breton se trouve ainsi, bien malgré
708 crains, certains de ceux qui prétendent n’écrire que pour le salut de leurs lecteurs. En fait, on commence à écrire vers 1
709 est de n’y pas croire, sinon ce serait la preuve qu’ on a perdu le contact avec le mystère brut, la réalité. Nietzsche a di
710 temps sont peu à peu tellement imbibées de raison que l’origine qu’elles tirent de la déraison devient invraisemblable. »
711 à peu tellement imbibées de raison que l’origine qu’ elles tirent de la déraison devient invraisemblable. » Hypocrites aut
712 uts dans l’écriture. Écrire est une démangeaison que l’on calme en grattant du papier. C’est à peu près aussi irrésistible
713 peu près aussi irrésistible, aussi peu rationnel que l’élan du désir, ou de la prière, et cela tient des deux, probablemen
714 pour devenir aussi admirable aux yeux des autres qu’ il est admiré par vous-même, vous essayez d’écrire comme lui des vers,
715 ion, esprit d’imitation naïve ou vaniteuse (selon que l’on sera bon ou mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’on s
716 n ou mauvais auteur). Et c’est beaucoup plus tard qu’ on s’inventera de belles et bonnes raisons d’écrire pour exposer, pour
717 e définit par rapport à notre progrès. ⁂ Ce n’est qu’ au début d’une carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire. Et je
718 re progrès. ⁂ Ce n’est qu’au début d’une carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à
719 n écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas que ce besoin à l’état brut ne continue d’agir dans mes écrits, mais il n
720 s, mais il n’est plus seul discernable, tout mêlé qu’ il se trouve à des courants violents chargés de matériaux littéraireme
721 ons, mais d’un discours, d’un livre, d’un article qu’ il s’agit de donner à date fixe — et de tout ce qu’il faut bien ajoute
722 u’il s’agit de donner à date fixe — et de tout ce qu’ il faut bien ajouter à quelque ouvrage obscurément jailli, pour l’ache
723 u bout du compte. Un sens qui ne peut être défini que par le tout — que pas un scientifique n’appréhende et par suite ne sa
724 Un sens qui ne peut être défini que par le tout — que pas un scientifique n’appréhende et par suite ne saurait nier, et qui
725 s l’époque, je me l’écrie, et je lui crie d’abord qu’ elle devrait être une autre pour que je n’y sois plus seulement un moi
726 n’y sois plus seulement un moi contre elle, mais que [je] m’y perde et m’y donne. Quand je saurai pourquoi, j’aurai fini d
36 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Au défi de l’Europe, la Suisse (31 juillet-1er août 1971)
727 ît-il, à celui de ne pas se mouiller. Nous savons que la Suisse, c’est autre chose. Mais quoi ? Combien de nos compatriotes
728 la Gazette demandait dernièrement s’il pensait que l’on devait faire l’Europe sur le modèle de la Suisse, et qui réponda
729 pays une bonne solution. Ce qui ne veut pas dire qu’ elle soit généralisable. » Réponse plutôt comique si l’on s’avise que
730 lisable. » Réponse plutôt comique si l’on s’avise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu être une « solution » aux problèm
731 aux problèmes de la Suisse, pour la simple raison qu’ il l’a faite et que seul il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pa
732 Suisse, pour la simple raison qu’il l’a faite et que seul il la définit en tant que Suisse. Il n’y a pas eu la Suisse d’ab
733 rd, puis le fédéralisme appliqué à ce pays plutôt qu’ à d’autres, mais l’inverse. Sans unité géographique, ethnique, linguis
734 e n’est rien hors du fédéralisme. Elle n’est rien qu’ un régime d’union. Dans leur très grande majorité — 98 % exactement —
735 amais adhéré au Pacte dit du Grütli, qui ne porte que trois signatures. Mais alors, si nous fêtons aujourd’hui le 680e anni
736 titution, car ces deux choses ne datent chez nous que de 1848. Ce que nous célébrons, c’est en fait une idée, qui est l’ess
737 s deux choses ne datent chez nous que de 1848. Ce que nous célébrons, c’est en fait une idée, qui est l’essence de la Suiss
738 stence : l’idée fédéraliste et la formule d’union qu’ illustre le pacte en latin conclu par trois « communes forestières » c
739 ionaux du continent, tous plus souverains les uns que les autres. La Suisse est une authentique fédération dans la mesure o
740 lations étrangères. Voilà bien le régime original que je souhaite voir copier au niveau de l’Europe. La réalité propremen
741 is protestant, de langue française, au même titre qu’ un Schwyzois catholique de dialecte allemand, qu’un yodleur des Rhodes
742 qu’un Schwyzois catholique de dialecte allemand, qu’ un yodleur des Rhodes-Intérieures, qu’un Tessinois ou qu’un Grison rom
743 e allemand, qu’un yodleur des Rhodes-Intérieures, qu’ un Tessinois ou qu’un Grison romantsch, avec lesquels je puis très bie
744 odleur des Rhodes-Intérieures, qu’un Tessinois ou qu’ un Grison romantsch, avec lesquels je puis très bien n’avoir rien en c
745 lesquels je puis très bien n’avoir rien en commun que cette adhésion même. Telle étant la réalité proprement suisse : une i
746 ’Europe. Autant il devient clair aux yeux de tous que la formule de l’État-nation napoléonien s’oppose radicalement à toute
747 oppose radicalement à toute union de l’Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’à la guerre, autant il apparaît qu
748 l’Europe, et que sa généralisation ne conduirait qu’ à la guerre, autant il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le
749 ne conduirait qu’à la guerre, autant il apparaît que la formule suisse, c’est-à-dire le fédéralisme, est au contraire la s
750 ne va-t-elle pas s’y perdre ? — C’est oublier ce qu’ est la Suisse. Dans une Europe unie, loin de se perdre, elle se retrou
751 rolongée dans l’espace et le temps, au-delà de ce qu’ elle est aujourd’hui, qui est tellement au-delà de ce qu’elle fut au G
752 est aujourd’hui, qui est tellement au-delà de ce qu’ elle fut au Grütli, berceau mythique. Une idée se perd-elle en se géné
753 ions toujours plus nombreuses ? Ceux qui ont peur que la Suisse se perde dans une Europe fédéraliste montrent par là qu’ils
754 perde dans une Europe fédéraliste montrent par là qu’ ils ne savent pas ce qu’est la Suisse. Écoutons plutôt un grand Zurich
755 déraliste montrent par là qu’ils ne savent pas ce qu’ est la Suisse. Écoutons plutôt un grand Zurichois du siècle passé, le
756 son d’être, ne serait-ce pas le sort le plus beau que nous puissions souhaiter en tant que Suisse ? Dans l’Europe des régio
757 er en tant que Suisse ? Dans l’Europe des régions que j’appelle et prépare, dans l’Europe des foyers rayonnants sans fronti
758 e désirons vraiment, si nous le voulons. C’est ce qu’ il reste à savoir, et c’est ce qui nous inquiète. S’il n’y a plus de f
759 in de se demander, au minimum une fois par an, ce que nous faisons là, et pourquoi nous restons ensemble. Personne ne peut
760 ont alors les vrais Suisses. « Et s’il n’en reste qu’ un… », disait Victor Hugo, reprenant un vers de Corneille. 8. Il s’
37 1971, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Une dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)
761 niversaire un éloge dont tout me faisait craindre qu’ il fût de nature — si plus tôt exprimé, sans précaution — à desservir
762 r la hauteur, affable mais non sans malice, et ce qu’ il faut d’arbitraire dans les jugements, lucide avec plus de mélancoli
763 ans les jugements, lucide avec plus de mélancolie que de cynisme, plus de sensibilité aux êtres qu’aux idées et aux situati
764 lie que de cynisme, plus de sensibilité aux êtres qu’ aux idées et aux situations qu’aux systèmes, d’où son sens politique i
765 sibilité aux êtres qu’aux idées et aux situations qu’ aux systèmes, d’où son sens politique intuitif et ses vues parfois pro
766 a dimension qui manquait le plus à ce pays, celle que j’aime à nommer la dimension princière. bb. Rougemont Denis de, « 
38 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Il faut dénationaliser l’enseignement [Entretien] (8 décembre 1972)
767 as parler des autorités scolaires, n’ont apprécié qu’ à demi la réédition des Méfaits, soit qu’ils se sentent attaqués dans
768 apprécié qu’à demi la réédition des Méfaits, soit qu’ ils se sentent attaqués dans leur conscience professionnelle, soit qu’
769 taqués dans leur conscience professionnelle, soit qu’ ils jugent, eux, que votre texte a vieilli. Je le regrette infiniment,
770 science professionnelle, soit qu’ils jugent, eux, que votre texte a vieilli. Je le regrette infiniment, car j’ai beaucoup d
771 scolaire, dont les instituteurs sont victimes, et qu’ ils perpétuent malgré eux. Ils n’en sont pas responsables. J’ai d’aill
772 voir ce qui se faisait ailleurs. Et j’ai constaté qu’ ailleurs, notamment en France, c’était comme en Suisse. Et même pire.
773 es lois de la nature. Elles n’arrêtent rien de ce qu’ il faudrait arrêter : les nuages, les tempêtes, l’eau polluée ; et ell
774 prisonnière des schémas nationaux. Souvenez-vous que le général de Gaulle aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à
775 ez-vous que le général de Gaulle aimait à répéter que l’Europe va de Gibraltar à l’Oural. Cette bourde m’a toujours étonné.
776 in de l’industrie lourde de l’URSS. Exactement ce qu’ est la Ruhr pour l’Allemagne. Côté « asiatique » ou côté « européen »,
777 l’Oural-frontière est si absurde, et si répandue, que j’ai mis deux de mes étudiants sur le problème. Ils ont trouvé que le
778 de mes étudiants sur le problème. Ils ont trouvé que les manuels d’histoire et de géographie des années 1900 à 1940 — l’ép
779 ent au pouvoir en Europe, incapables de saisir ce que pourrait être une fédération. Or c’est la seule formule possible. En
780 formule possible. En France, les rares personnes que je n’aie pas trouvées inaccessibles à l’idée du fédéralisme appartien
781 et cherchez sous « fédéralisme » : vous trouverez que c’est un système de sauvages, ou bien une utopie attribuée aux girond
782 pas l’école sans changer l’État. » Est-ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’école doit former ceux qui chan
783 Est-ce à dire que l’État doit changer l’école, ou que l’école doit former ceux qui changeront l’État ? L’un et l’autre, et
784 e l’œuf… Il faut agir aux deux niveaux à la fois. Que faire au niveau des États ? Dans toutes les discussions que j’ai avec
785 au niveau des États ? Dans toutes les discussions que j’ai avec les officiels, on me répète : « Tout ce que vous dites là e
786 j’ai avec les officiels, on me répète : « Tout ce que vous dites là est bien beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire
787 ce que vous dites là est bien beau, mais on voit que vous n’avez pas affaire à la réalité. » Or que font-ils ? Ils expédie
788 it que vous n’avez pas affaire à la réalité. » Or que font-ils ? Ils expédient les affaires courantes. Étudier l’introducti
789 vent jamais faire face à ce problème. Il faudrait qu’ ils puissent s’arrêter, sortir de l’urgent et du quotidien, pour pouvo
790 ritable révolution. L’impossible révolution Qu’ entendez-vous par « révolution » ? Mais… ce qu’on entend généralement
791 Qu’entendez-vous par « révolution » ? Mais… ce qu’ on entend généralement par ce terme : une mutation, un changement brus
792 s européennes donnera-t-elle lieu à la révolution que vous souhaitez. Mais on en distingue déjà deux développements possibl
793 ividualiser l’enseignement au maximum, de manière que chaque élève puisse travailler à son rythme propre, d’autre part on c
794 il faudra bien que l’élève le plus rapide attende que le plus lent de son groupe le rejoigne. Comment résoudre cette altern
795 t qui nous a déjà valu deux guerres mondiales. Ce qu’ Illich appelle en termes marxistes « aliénation » des élèves, je préfè
796 Ça consiste à laisser à chacun autant d’autonomie que possible, c’est-à-dire le droit de différer. Ceci pour le premier ter
797 f, mais bien une complémentarité. Je ne crois pas que des élèves doués puissent avoir à souffrir de travailler avec des cam
798 apprendraient d’autant mieux. On ne sait vraiment que ce qu’on a dû enseigner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l
799 raient d’autant mieux. On ne sait vraiment que ce qu’ on a dû enseigner. Je l’observe tous les jours sur moi-même à l’Univer
800 versité : je ne creuse jamais si bien un problème que quand je dois le présenter à mes étudiants. « Illich est trop rous
801 us parlez dans les Méfaits 10, et dont vous dites qu’ elle ressemble à ce que demande Illich ? Une école comme celle des ami
802 its 10, et dont vous dites qu’elle ressemble à ce que demande Illich ? Une école comme celle des amish, oui. Quant à Illich
803 me naît bon, et l’école le corrompt. Or je crains que , livrés à eux-mêmes, les enfants ne tombent en proie à toutes les mod
804 ndividualisation et travail collectif. À supposer que tout le monde admette que l’un et l’autre sont nécessaires, on peut i
805 l collectif. À supposer que tout le monde admette que l’un et l’autre sont nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’à
806 sont nécessaires, on peut imaginer, grosso modo, qu’ à gauche on aura tendance à insister sur le travail en groupe, à laiss
807 on… La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’ un des deux termes. Car il faut que l’un existe pour que l’autre vive,
808 de ne tolérer qu’un des deux termes. Car il faut que l’un existe pour que l’autre vive, et vice versa. L’éducation sera la
809 tension dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’homme a besoin de compagnie, mais aussi besoin d’être seul ; besoin
810 d’attraction et de répulsion. Là encore, supposez qu’ un équilibre statique s’installe : c’est la mort. Tout ce système est
811 ions, dans la doctrine chrétienne, viennent de ce qu’ on a tendu soit à confondre le Christ avec Dieu, soit à le limiter à s
812 imiter à son essence humaine. Il faut reconnaître que l’existence simultanée du divin et de l’humain dans le même être est
813 ais de la Campagne d’éducation civique européenne que je préside depuis une dizaine d’années, nous essayons de toucher le p
814 ticle dans Civisme européen 11. Mais il est clair que , seule, la bonne volonté des maîtres ne suffira pas. Il faut modifier
815 fois, alors peut-être… Le principal, dans tout ce que je vous ai dit, c’est ceci, je le répète : il faut apprendre à penser
816 et fantaisie, etc. Il y a une phrase d’Héraclite qu’ on comprend généralement mal, parce qu’elle est mal traduite : « La gu
817 « La guerre est la mère de toute chose. » Plutôt que « guerre » il faudrait dire « conflit ». À quoi je préfère encore le
818 Benjamin Constant, dans le Cahier Rouge, raconte que son premier précepteur, un Allemand, avait eu « une idée assez ingéni
819 faire à nous deux une langue qui ne serait connue que de nous ; je me passionnai pour cette idée. Nous formâmes d’abord un
820 ublique , tel était le titre de la première œuvre qu’ ait publié Denis de Rougemont, en 1929, à l’âge de 22 ans. Dans ce pam
821 une Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches de détail, et fort peu. Quant à l’“aggravation”, de 197
822 “Écrit d’un jeune homme en colère, aussi injuste qu’ un pamphlet doit l’être, j’ai le triste plaisir de constater que mon t
823 doit l’être, j’ai le triste plaisir de constater que mon texte n’a pas vieilli, parce que l’école n’a pas changé.” Et l’au
824 ême : c’est un crime contre l’homme, estime-t-il, que d’aligner les esprits pour la commodité des pouvoirs établis. »
39 1972, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Merveilleux Lavaux (23-24-25 décembre 1972)
825 , la théorie de la relativité l’a démontré. Mais, que le centre du monde se situe réellement quelque part dans les airs au-
826 ve : vous la vivez « comme on respire », ou c’est que vous n’êtes jamais vraiment venu, n’avez jamais existé dans ce lieu.
827 mplatif, ou de céder à cette espèce de conscience que donne l’indignation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les
828 gnation active. Lavaux est beaucoup plus défiguré que les autres vignobles de La Côte, de Begnins à Vufflens par exemple. O
829 besoin de solitude. Mais la plupart n’osant aimer que ce qui par d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu
830 es est aimé, ils détruisent à coup sûr les amours qu’ ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vigneron
831 vie tendent à détruire les raisons de vivre. Mais que tient-on pour nécessaire ? Les maxima contradictoires, toujours à l’œ
832 rre labourée, la terre bâtie, d’utilité publique, que vont faire les hommes et les femmes et les enfants qui habitent ici ?
833 tous ceux qui aiment la beauté, et qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses
834 qui voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’ un beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais il
835 usure et patine à la fois. Pour garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sa
836 our garder le Lavaux que nous aimons, faudrait-il qu’ ils renoncent à le vivre, à en vivre ? Sauver Lavaux, oui, mais vivant
837 ublime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’ est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le
838 posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir des étages de palais sur le Grand Cana
839 sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ils
840 peuplée, animée, habitée par des gens du pays. Et qu’ ils y trouvent un intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver
841 aire son salut » suppose la foi, mais chacun sait que la foi sans les œuvres est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de mo
842 est morte. Sauver Lavaux ne suppose rien de moins que la prédominance accordée par un peuple à la saveur de vivre sur le ni
843 n-Pierre Laubscher, auteur de Dixence Cathédrale, que l’on doit un ouvrage qui vient à point nommé : Merveillleux Lavaux. S
844 homme. Les artisans du livre, auteurs des textes, qu’ ils s’appellent Paul Chaudet, Claude Massy, Jean Villars-Gilles, Franç
845 tre le reflet d’un Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’ un tel coin de pays doit être sauvegardé au prix de l’intelligence et
40 1984, Gazette de Lausanne, articles (1940–1984). Philosophie et énergie nucléaire : une mise au point (28 juin 1984)
846 uelle M. Desmeules, son directeur, aurait affirmé que les promoteurs des initiatives antinucléaires, c’est-à-dire selon lui
847 ntrer en discussion avec un directeur qui n’a dit que ce qu’il devait dire pour défendre les intérêts de sa compagnie ; mai
848 n discussion avec un directeur qui n’a dit que ce qu’ il devait dire pour défendre les intérêts de sa compagnie ; mais votre
849 Ce conférencier, c’était moi. Certains penseront que cela me préparait mal à venir vous parler ce matin. J’irai plus loin
850 al à venir vous parler ce matin. J’irai plus loin qu’ eux. Je pense que ces déclarations, si je les répétais aujourd’hui, co
851 arler ce matin. J’irai plus loin qu’eux. Je pense que ces déclarations, si je les répétais aujourd’hui, comme le font la pl
852 vec l’autonomie en particulier. Mais j’ai changé, qu’ on se rassure, et même à 180°, comme on a cru pouvoir me le reprocher
853 le-là, est datée de 1984. Je la rappelle : Selon que (notre) choix se portera sur le nucléaire ou sur le solaire, nous aur
854 mes. Cette seconde citation est censée démontrer que je me contredis sans vergogne. (« Une philosophie à géométrie variabl
855 ariable » titre votre rédacteur.) Or il est clair qu’ elle ne contredit en réalité que les intentions que M. Desmeules nous
856 ) Or il est clair qu’elle ne contredit en réalité que les intentions que M. Desmeules nous attribue d’une manière arbitrair
857 u’elle ne contredit en réalité que les intentions que M. Desmeules nous attribue d’une manière arbitraire et calomnieuse. I
858 rouille tout, décidément, et beaucoup plus encore qu’ on ne le croirait : car l’expression « exploitée de façon quasi milita
859 s nucléaires ne sont pas dangereuses, à condition qu’ elles soient exploitées et contrôlées par des équipes organisées de ma
860 de manière rigoureuse… Pour moi, il est essentiel que les centrales nucléaires soient peu nombreuses, donc de grande taille
861 x de son bord qui ont dit cela. Quant à prétendre que mon idéal serait l’État marxiste omnipotent, il faut n’avoir rien lu
862 e répéter à longueur de colonnes. Est-il pensable qu’ une cause défendue par de tels procédés soit une bonne cause ? 12. T