1
s revues et les livres nous apportent chaque jour
des
jugements plus massifs sur l’hitlérisme et sur ses causes. On voudrai
2
que de sérieux, et traduit quelque étourderie. 1.
Des
hommes aussi divers et aussi respectables que MM. Massis, Henry Borde
3
nne seulement, mais qu’il a triomphé d’abord dans
une
Russie tout orthodoxe, et dans une Italie toute catholique. Ce qui n’
4
é d’abord dans une Russie tout orthodoxe, et dans
une
Italie toute catholique. Ce qui n’est pas sans compliquer l’affaire…
5
s qu’on ne dise pas : Luther mène à Hitler. C’est
une
sottise et une mauvaise action, si l’on songe que le pasteur Niemölle
6
pas : Luther mène à Hitler. C’est une sottise et
une
mauvaise action, si l’on songe que le pasteur Niemöller, vrai descend
7
allemand : la masse a été trompée par ses chefs.
Un
séjour d’une année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à des co
8
la masse a été trompée par ses chefs. Un séjour d’
une
année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à des conclusions for
9
année en Allemagne, de 1935 à 1936, m’a conduit à
des
conclusions fort différentes. J’ai pu constater que les bourgeois all
10
t des socialistes le toléraient fort bien ; et qu’
un
très grand nombre d’anciens chefs communistes avaient revêtu quelque
11
IIe Internationale. Le second article, paru dans
une
feuille communisante de Bruxelles, m’accusait froidement d’être vendu
12
vendu au régime hitlérien, pour avoir soutenu que
des
communistes approuvaient Hitler. L’auteur de cette diatribe était Mme
13
relever, et qui consiste à voir dans l’hitlérisme
une
tyrannie « de droite », détestée par les masses. « Le totalitarisme,
14
nt encore. Mais que penser alors de l’aveuglement
des
bourgeois qui s’obstinèrent jusqu’en septembre 1939 à voir dans l’hit
15
usqu’en septembre 1939 à voir dans l’hitlérisme «
un
rempart contre le marxisme » ! (Certains, que je connais, n’en ont pa
16
que d’avoir partagé l’erreur fatale et prolongée
des
bourgeois de divers pays. Si nous prétendons défendre le christianism
17
es. À quoi s’oppose, selon lui, l’énergique génie
des
Gaulois celtes. Or les vieux poèmes allemands, pour autant qu’ils ne
18
ductions de chants islandais ou scandinaves, sont
des
imitations de légendes languedociennes et bretonnes, donc celtiques.
19
t français, n’écrit-il pas que dans la mythologie
des
Celtes, « l’idée de la mort domine tout, et tout la découvre »? On vo
20
couvre »? On voit le danger d’aller chercher dans
un
passé que l’on connaît mal les causes d’une révolution dont les effet
21
r dans un passé que l’on connaît mal les causes d’
une
révolution dont les effets ne sont que trop connus. Le seul avantage
22
et littéraire, c’est qu’il dispense de mentionner
des
causes prochaines, beaucoup plus claires, solides et convaincantes. C
23
, parce que dans tout cela se trouvent impliquées
des
nations que l’on aime et de chères croyances… Mais quoi, la guerre pr
24
le au sérieux. Et ce n’est pas ma faute, ni celle
des
protestants, si l’axe Berlin-Rome passe justement par Rome, qui n’est
25
À cette heure où Paris exsangue voile sa face d’
un
nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous senton
26
si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’être
un
Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éteinte. D
27
peuvent rafler dans le monde entier les servants
des
Panzerdivisionen. Quelque chose d’indéfinissable et que nous appelion
28
, en pierraille lépreuse. N’importe quel badaud d’
un
soir de juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’un couchant
29
juin pouvait s’annexer pour toujours le bonheur d’
un
couchant sur Saint-Germain-des-Prés, le grisant glissement de la foul
30
traces pacifiées. N’importe quel badaud, mais pas
un
conquérant. La confrontation stupéfiante de cet homme et de cette Vil
31
e pour faire comprendre au monde entier qu’il est
des
victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les dons de
32
s victoires impossibles. On ne conquiert pas avec
des
chars les dons de l’âme et les raisons de vivre dont on manque. Qu’il
33
ont qu’aucun triomphe ne vaut pour eux la moindre
des
réalités humaines qu’ils ont tuées. « …car ils ne savent ce qu’ils fo
34
941)c Personne ne m’avait dit que New York est
une
île en forme d’un gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple d
35
e m’avait dit que New York est une île en forme d’
un
gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple du monde. Douze ave
36
arallèles, dans le sens de la longueur, qui est d’
une
vingtaine de kilomètres, et deux-cent-cinquante rues de quatre kilomè
37
res coupant les avenues à angle droit. Au milieu,
un
parc de dix kilomètres carrés. C’est tout, c’est la cité de Manhattan
38
u bras de mer qui entourent l’île, s’étendent sur
des
espaces bien plus vastes, îles et plaines reliées par un immense rése
39
ces bien plus vastes, îles et plaines reliées par
un
immense réseau de ponts, de tunnels et d’autostrades surélevées. Pers
40
rsonne ne m’avait dit, non plus, que New York est
une
ville alpestre. Je l’ai senti le premier soir, quand le soleil coucha
41
r, quand le soleil couchant flambait les hauteurs
des
gratte-ciel, de cette couleur orangée aérienne qu’on voit aux crêtes
42
te couleur orangée aérienne qu’on voit aux crêtes
des
parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’une ombre froide, et
43
s parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’
une
ombre froide, et j’étais si bien au fond d’une gorge, dans cette rue
44
d’une ombre froide, et j’étais si bien au fond d’
une
gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpre e
45
, dans cette rue de briques noircies où circulait
un
vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemblent partout. I
46
et la lumière éclatant très haut dans le ciel sur
des
parois violemment découpées, c’est un climat que je connais. Mais il
47
e ciel sur des parois violemment découpées, c’est
un
climat que je connais. Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpest
48
la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un
des
secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit ét
49
aient capables de supporter le formidable poids d’
un
gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranc
50
té plaqués sur les façades et dans les vestibules
des
plus riches buildings, reliques scellées d’une antiquité souterraine.
51
es des plus riches buildings, reliques scellées d’
une
antiquité souterraine. Bien des aspects physiques et moraux de la cit
52
liques scellées d’une antiquité souterraine. Bien
des
aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par
53
le demeure hanté par on ne sait quelle sauvagerie
des
hauteurs ; et ce lieu d’extrême densité humaine demeure baigné d’une
54
e lieu d’extrême densité humaine demeure baigné d’
une
atmosphère irrévocablement désertique. Les Américains des plaines de
55
sphère irrévocablement désertique. Les Américains
des
plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de
56
ains. Ils pensent, dans leur ignorance, que c’est
une
ville trop « européenne »… Mais moi, je m’y sens contemporain de la p
57
pourquoi je prendrai les routes d’Amérique comme
un
symbole du rêve et de la volonté du Nouveau Monde. On croyait close l
58
volonté du Nouveau Monde. On croyait close l’ère
des
pionniers, l’ère des défricheurs de savanes qui firent reculer la fro
59
onde. On croyait close l’ère des pionniers, l’ère
des
défricheurs de savanes qui firent reculer la frontière de décade en d
60
e, pour peu que la pression baisse à Wall Street.
Un
grand malaise étreignait l’âme américaine, prise de nausée dès qu’ell
61
prise de nausée dès qu’elle ressent l’approche d’
une
limite infranchissable. Où s’élancer encore ? Comment sortir de cet e
62
e richesses matérielles ? Il restait à construire
des
routes. Depuis dix ans, les autostrades américaines allongent sans ré
63
épit leur ruban de béton, semblables à la trace d’
un
grand fer à repasser au travers des savanes, des cultures et des terr
64
s à la trace d’un grand fer à repasser au travers
des
savanes, des cultures et des territoires urbains. Cet effort gigantes
65
d’un grand fer à repasser au travers des savanes,
des
cultures et des territoires urbains. Cet effort gigantesque se poursu
66
repasser au travers des savanes, des cultures et
des
territoires urbains. Cet effort gigantesque se poursuit en silence à
67
réaliser. Les autostrades américaines ne sont pas
une
réclame politique, ni même un expédient pour lutter contre le chômage
68
caines ne sont pas une réclame politique, ni même
un
expédient pour lutter contre le chômage. Elles sont le produit du rêv
69
e produit du rêve et de la vitalité inépuisable d’
un
peuple libre, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin un specta
70
re, et qui voit grand sans se forcer. Voici enfin
un
spectacle émouvant qui n’effraye pas, mais au contraire atteste une f
71
vant qui n’effraye pas, mais au contraire atteste
une
force paisible et utile. Trois pistes parallèles dans chaque sens, sé
72
pistes parallèles dans chaque sens, séparées par
une
large bande gazonnée où l’on s’est ingénié à conserver, ici ou là, un
73
née où l’on s’est ingénié à conserver, ici ou là,
un
grand arbre isolé, témoin de la Prairie. Trois pistes blanches délimi
74
la Prairie. Trois pistes blanches délimitées par
des
lignes jaunes et noires, entre lesquelles se déplacent lentement, de
75
, de gauche à droite, entre 100 et 130 à l’heure,
des
millions de larges voitures. Une telle aisance dans la vitesse, l’abs
76
t 130 à l’heure, des millions de larges voitures.
Une
telle aisance dans la vitesse, l’absence de secousses et d’obstacles,
77
la vous donne après quelques minutes l’illusion d’
une
puissance immobile qui vaincrait la distance par le charme, attirant
78
es à soi et déplaçant de vastes paysages au gré d’
une
curiosité rêveuse. Mais soudain le regard est pris par un panneau rut
79
sité rêveuse. Mais soudain le regard est pris par
un
panneau rutilant sur la droite, puis mitraillé à bout portant par cen
80
es phrases fragmentées s’échelonnent tout au long
des
superhighways. « Perdez une minute, épargnez une vie !… Gardez votre
81
elonnent tout au long des superhighways. « Perdez
une
minute, épargnez une vie !… Gardez votre droite… Dépassez à gauche… A
82
des superhighways. « Perdez une minute, épargnez
une
vie !… Gardez votre droite… Dépassez à gauche… Avez-vous pensé à l’an
83
nsé à l’anniversaire de votre femme ?… Donnez-lui
un
aspirateur Smith… Des bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lise
84
de votre femme ?… Donnez-lui un aspirateur Smith…
Des
bonbons Johnson… Ici, trois tués par jour… Lisez la Bible… Cabines de
85
00 yards… Ferry-boat du Delaware en grève… Faites
un
détour par Philadelphie… Et arrêtez-vous à l’Hôtel Franklin… Ralentis
86
on de daims… Les partis se réconcilient… autour d’
un
verre de Champagne Renault !… Avez-vous vérifié votre niveau d’huile
87
itesse à cinquante miles… 500 dollars d’amende ou
un
an de prison… ou les deux ensemble… Dieu bénisse l’Amérique… » Je fer
88
Je ferme les yeux et j’écoute le grondement sourd
des
pneus qui mordent le béton. En cinq heures, nous aurons couvert les 4
89
icain ; les routes de la vitesse lui créent enfin
des
cadres. Quand cette surface sera suffisamment organisée, vers quoi se
90
ses elles-mêmes comprendront-elles qu’il n’est qu’
un
seul infini véritable : celui que chacun porte en soi, celui de l’âme
91
mars 1941)e Périgny… C’était bien ce nom-là ?
Un
long village en bordure de la route. D’un côté, les maisons dominaien
92
om-là ? Un long village en bordure de la route. D’
un
côté, les maisons dominaient une vallée, de l’autre elles s’élevaient
93
re de la route. D’un côté, les maisons dominaient
une
vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus des
94
ne vallée, de l’autre elles s’élevaient à peine d’
un
étage au-dessus des champs de roses et des blés aux bords du plateau
95
re elles s’élevaient à peine d’un étage au-dessus
des
champs de roses et des blés aux bords du plateau de la Brie. Je monta
96
peine d’un étage au-dessus des champs de roses et
des
blés aux bords du plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par un
97
u plateau de la Brie. Je montais vers Périgny par
un
sentier fort raide entre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers
98
tre les ronces, aboutissant à de vieux escaliers.
Une
seule rangée de maisons à traverser, et l’on parvient dans la grand-r
99
t les boutiques, et même les cafés. Et s’il passe
une
auto, c’est une de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir ro
100
et même les cafés. Et s’il passe une auto, c’est
une
de ces voitures branlantes qui semblent ne pouvoir rouler que sur les
101
ne pouvoir rouler que sur les routes écartées, d’
une
ferme au marché le plus proche. Nulle part au monde la vie n’apparaît
102
acifique et séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié
des
tons et des lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrai
103
séculaire. Ce pays-là n’est qu’amitié des tons et
des
lignes humaines, humilité sous la douceur du ciel, retrait des âmes d
104
maines, humilité sous la douceur du ciel, retrait
des
âmes dans leur destin. Je longeais cette rue silencieuse, imaginant d
105
ngeais cette rue silencieuse, imaginant d’y vivre
un
jour, dans une fermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la
106
ue silencieuse, imaginant d’y vivre un jour, dans
une
fermette aux volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine. Un peu
107
volets pâles, sans adresse, au ras de la plaine.
Un
peu avant la sortie du village, la route bifurque : l’une des routes
108
t la sortie du village, la route bifurque : l’une
des
routes prend à droite, vers la plaine, escortée de quelques maisons ;
109
je vis à mes pieds, tracé à la craie sur le sol,
un
grand cercle entourant une inscription en lettres capitales bien arro
110
à la craie sur le sol, un grand cercle entourant
une
inscription en lettres capitales bien arrondies : martine je suis
111
je suis aux champs Paix du village, silence
des
rues vides, ouvertes sur le ciel et sur les blés. J’étais là fasciné
112
lés. J’étais là fasciné comme par la découverte d’
un
secret de pudeur naïvement dévoilé. Secret de ce village aux volets c
113
. Secret de ce village aux volets clos. Imaginant
une
idylle muette. Celui qui revient au pays après une longue absence et
114
ne idylle muette. Celui qui revient au pays après
une
longue absence et des déboires : il entre, il ne trouve personne. Mai
115
i qui revient au pays après une longue absence et
des
déboires : il entre, il ne trouve personne. Mais ses outils sont là,
116
ra bien. Il a rejoint l’usage du pays, l’intimité
des
choses de toujours. Et le moindre signe suffit. Je suis redescendu ve
117
scendu vers la vallée de l’Yerre, qui coule entre
des
saules et des peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron
118
vallée de l’Yerre, qui coule entre des saules et
des
peupliers blancs. Il faisait lourd et doux, le goudron de la route se
119
ute sentait plus fort que les champs de roses, et
des
nuages noirs traînaient sur les vergers. J’ai su, plus tard, que ce j
120
vous amène ? J’avais besoin de me retrouver dans
une
atmosphère française ; la production littéraire demande qu’on ne séjo
121
éfiniment dans le climat étranger. En outre, j’ai
des
éditeurs à voir à Paris et en Suisse. Et je serais rentré il y a un a
122
à Paris et en Suisse. Et je serais rentré il y a
un
an déjà si les circonstances s’y étaient prêtées. Êtes-vous venu en S
123
tes-vous venu en Suisse directement ? Oui, à part
un
arrêt de quelques jours à Paris. Votre impression de la capitale fran
124
e qui la peuple et que je ne reconnaissais plus :
des
visages sans gaieté, des corps petits, comme affaissés… Un vrai cauch
125
ne reconnaissais plus : des visages sans gaieté,
des
corps petits, comme affaissés… Un vrai cauchemar… N’était-ce pas le c
126
s sans gaieté, des corps petits, comme affaissés…
Un
vrai cauchemar… N’était-ce pas le contraste avec ces grands diables d
127
lors regagner la Suisse, quand l’entrée en guerre
des
États-Unis me bloqua sur place. J’avais constaté que les conférences
128
’avais constaté que les conférences n’étaient pas
un
très bon moyen de propagande. Les Américains en écoutent énormément,
129
nt, et les oublient le lendemain. J’ai donc écrit
un
livre sur la Suisse, en collaboration avec Mme Maurice Muret, qui s’i
130
, qui s’intitule Le Cœur de l’Europe et qui eut
un
grand succès. C’est le seul ouvrage que les Américains peuvent consul
131
ur — et le suis encore en titre — à l’École libre
des
hautes études, université française en exil dirigée à ses débuts par
132
Suisse ? En effet. Qu’y enseigniez-vous ? J’avais
une
chaire de philosophie-sociologie. Mes collègues, de Strasbourg, Rouen
133
t fondées pendant la guerre. J’ajoute que l’École
des
hautes études a lancé une revue, Renaissance. De là, j’ai passé au mi
134
e. J’ajoute que l’École des hautes études a lancé
une
revue, Renaissance. De là, j’ai passé au ministère américain de l’inf
135
me fallait faire chaque jour 20 à 30 pages, soit
un
quart d’heure de nouvelles et autant de commentaires, dans un bruit t
136
eure de nouvelles et autant de commentaires, dans
un
bruit trépidant et en s’inspirant des directives des chefs locaux de
137
taires, dans un bruit trépidant et en s’inspirant
des
directives des chefs locaux de Londres et des Américains. C’était ext
138
bruit trépidant et en s’inspirant des directives
des
chefs locaux de Londres et des Américains. C’était extrêmement fatiga
139
ant des directives des chefs locaux de Londres et
des
Américains. C’était extrêmement fatigant et j’ai abandonné au bout de
140
nt terminés et vont être publiés à Paris. Ce sont
des
essais sur les mythes grecs : Doctrine fabuleuse ; un recueil d’art
141
ais sur les mythes grecs : Doctrine fabuleuse ;
un
recueil d’articles intitulé Vues sur l’Amérique ; et 18 Lettres su
142
nglais, en danois, en hollandais, en espagnol), d’
un
style du genre voltairien, dans lesquelles je montre que les armées d
143
tiles et que la guerre militaire est morte, et qu’
un
gouvernement mondial est devenu possible, mais doit émaner des peuple
144
ent mondial est devenu possible, mais doit émaner
des
peuples et non des États. Vos derniers ouvrages ont-ils été traduits
145
enu possible, mais doit émaner des peuples et non
des
États. Vos derniers ouvrages ont-ils été traduits à l’usage des Améri
146
derniers ouvrages ont-ils été traduits à l’usage
des
Américains ? J’ai un contrat avec une maison américaine qui a commenc
147
-ils été traduits à l’usage des Américains ? J’ai
un
contrat avec une maison américaine qui a commencé par éditer en angla
148
s à l’usage des Américains ? J’ai un contrat avec
une
maison américaine qui a commencé par éditer en anglais La Part du di
149
et L’Amour et l’Occident . Vous allez donc faire
une
rentrée massive sur le marché du livre ? Oui, peut-être même un peu t
150
sive sur le marché du livre ? Oui, peut-être même
un
peu trop : tout compte fait, j’aurai 18 publications cette année ! C’
151
n, et nul ne le sait, je crois, en Amérique. Mais
une
polémique ardente, sur l’opportunité de le livrer, alimente encore qu
152
uit par l’Amérique ? Je l’aime énormément ; c’est
une
autre civilisation que la nôtre, mais qui a ses valeurs à elle. Peut-
153
lle. Peut-on employer ce mot de civilisation pour
un
peuple si neuf ? Disons que leur conception de la vie est différente.
154
e leur conception de la vie est différente. C’est
une
question de mœurs, de rapports quotidiens. Ils n’ont pas de culture p
155
s n’ont pas de culture proprement dite, mais bien
une
civilisation scientifique, non exempte d’un certain pédantisme. Des a
156
bien une civilisation scientifique, non exempte d’
un
certain pédantisme. Des armées de savants étudient par exemple la mei
157
cientifique, non exempte d’un certain pédantisme.
Des
armées de savants étudient par exemple la meilleure façon de s’alimen
158
la font enseigner aux écoliers. C’est d’ailleurs
une
très belle race qui est en train de se former, et de gens extrêmement
159
extrêmement gentils. Y a-t-il bien, à votre avis,
une
puérilité américaine ? Et quel jugement porter sur les histoires d’un
160
ine ? Et quel jugement porter sur les histoires d’
un
pittoresque extravagant qui nous viennent de là-bas ? Puérils, ils le
161
manie de nous battre). À côté d’eux, nous sommes
un
peu « névrosés ». Ils sont évidemment très simplistes dans ce qu’ils
162
royons pas qu’ils les prennent au sérieux : c’est
un
genre d’humour qui leur plaît, et ils ne font que s’en amuser. Si on
163
eaucoup plus « sérieux ». L’Amérique est du reste
un
pays si vaste, si mélangé et si divers, que tout y est toujours vrai
164
que tout y est toujours vrai quelque part. C’est
un
résumé de la planète. On se sent à New York, en particulier, si cosmo
165
mme pas grand-chose à nous apprendre, et c’est là
une
de leurs grandes ressemblances (il y en a beaucoup) avec les Suisses.
166
ée qui me paraît très dangereuse. De la pensée et
des
jugements moraux : par la synchronisation de la presse ; par le prest
167
os tirages que pour les ouvrages médiocres. Quand
un
livre a du succès, on le refait cent fois. À part une ou deux excepti
168
livre a du succès, on le refait cent fois. À part
une
ou deux exceptions, les bons auteurs américains sont beaucoup plus co
169
entaire de l’Europe. Cela permettrait entre elles
une
entente fructueuse et solide. Et, à ce propos, on a tort en Europe de
170
pour l’Europe…1 1. L’entretien se termine par
un
commentaire conclusif de l’interviewer : « Nous devons arrêter là cet
171
ont précédés de l’introduction suivante : « Après
une
absence de quelque six années M. Denis de Rougemont est revenu au pay
172
mont est revenu au pays de Neuchâtel, dont il est
une
des fiertés. Ce retour n’est d’ailleurs que provisoire, l’écrivain ay
173
est revenu au pays de Neuchâtel, dont il est une
des
fiertés. Ce retour n’est d’ailleurs que provisoire, l’écrivain ayant
174
tomne. Il a bien voulu nous accorder la primeur d’
une
interview, ce dont nous le remercions ici très vivement. »
175
Consolation à Me Duperrier sur
un
procès perdu (5 décembre 1947)h i Voici le raisonnement qu’a tenu
176
Me Duperrier : — Rougemont s’est mis au service d’
une
propagande étrangère, comme Oltramare ; il a parlé à la radio, comme
177
non plus. C’est que ce raisonnement n’en est pas
un
, mais combine deux absurdités. 1. Si l’on admet avec cet avocat que j
178
lors Oltramare l’est aussi, la plaidoirie devient
un
réquisitoire, et l’avocat fait une drôle de figure. Ou bien il faut a
179
idoirie devient un réquisitoire, et l’avocat fait
une
drôle de figure. Ou bien il faut acquitter Oltramare, mais alors il n
180
dio, hors de Suisse, sur la politique. Soit. Mais
un
avocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance des mots tombe dan
181
vocat qui veut s’en tenir à la seule ressemblance
des
mots tombe dans le calembour juridique. Car il est vrai que les deux
182
ce procédé l’on pourrait accuser la ville de Lyon
des
méfaits d’un lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier —
183
n pourrait accuser la ville de Lyon des méfaits d’
un
lion du désert, et Malherbe d’avoir consolé Duperrier — celui qui a p
184
bien gardé de la formuler, c’est celle du contenu
des
émissions. Oltramare a parlé en faveur des nazis, ennemis jurés de to
185
ent pas la différence, essayons de l’éclairer par
une
fable. Supposons que j’aie tant et si bien parlé à la radio américain
186
! On m’y ramène sous bonne escorte. Le Gauleiter,
un
nommé Oltramare, me fait emprisonner, puis juger sommairement, et Me
187
pas fusillé Oltramare, on s’est borné à le punir
un
peu. Son avocat garde le droit de me dénoncer pour avoir combattu l’h
188
tlérisme, et Aragon le droit de me calomnier sous
un
prétexte exactement inverse. Je garde le droit de répondre, et même d
189
es, vaut mieux que leur « ordre » où nous serions
des
morts, ou je ne sais quels esclaves honteux de vivre. h. Rougemont
190
gemont Denis de, « Consolation à Me Duperrier sur
un
procès perdu », Gazette de Lausanne, Lausanne, 5 décembre 1947, p. 3.
191
ut ce qu’il faut, en Suisse romande, pour nourrir
une
littérature. Nous avons peut-être un peu plus que bien d’autres provi
192
our nourrir une littérature. Nous avons peut-être
un
peu plus que bien d’autres provinces françaises : milieu intellectuel
193
ns rien de ce qu’il faut pour assurer le succès d’
une
œuvre : publicité, mouvement autour d’un livre ou d’un auteur, appuis
194
uccès d’une œuvre : publicité, mouvement autour d’
un
livre ou d’un auteur, appuis sociaux, politiques ou financiers. Je ne
195
vre : publicité, mouvement autour d’un livre ou d’
un
auteur, appuis sociaux, politiques ou financiers. Je ne sais trop s’i
196
plaindre. Tout cela se crée naturellement autour
des
« grands », et ils sont à Paris. Nous faisons partie de la littératur
197
ure française. Or, il se trouve que la France est
un
pays centralisé, dans sa vie littéraire aussi. Pourquoi s’insurger, n
198
Chateaubriand se demandant s’il existe pour lui «
une
possibilité de salut » comme écrivain, « un public, des appuis », etc
199
ui « une possibilité de salut » comme écrivain, «
un
public, des appuis », etc., dans sa chère Bretagne natale ? Peut-être
200
ssibilité de salut » comme écrivain, « un public,
des
appuis », etc., dans sa chère Bretagne natale ? Peut-être avez-vous r
201
-être avez-vous raison de considérer la situation
des
écrivains romands comme un cas tout à fait singulier. Je suis prêt à
202
nsidérer la situation des écrivains romands comme
un
cas tout à fait singulier. Je suis prêt à le croire. Mais enfin, cela
203
t je trouve en revanche tant d’exemples éclatants
des
bienfaits littéraires de l’exil, — d’Ovide à Rilke ou à T. S. Eliot,
204
spiration. j. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Les écrivains romands et Paris », Gazette de Lausanne, Lausa
205
s nos colonnes les trois questions suivantes : 1.
Un
écrivain (nous entendons par là aussi bien un romancier qu’un dramatu
206
1. Un écrivain (nous entendons par là aussi bien
un
romancier qu’un dramaturge) a-t-il à sa disposition dans la réalité r
207
(nous entendons par là aussi bien un romancier qu’
un
dramaturge) a-t-il à sa disposition dans la réalité romande ou même h
208
sition dans la réalité romande ou même helvétique
des
éléments d’appréciation suffisants pour alimenter une littérature qui
209
éléments d’appréciation suffisants pour alimenter
une
littérature qui ne soit pas uniquement et strictement « locale » ? 2.
210
uniquement et strictement « locale » ? 2. A-t-il
des
chances d’être compris par ses compatriotes ? Trouvera-t-il un public
211
être compris par ses compatriotes ? Trouvera-t-il
un
public ? Des appuis ? Un milieu ? 3. Le départ vers Paris n’est-il pa
212
par ses compatriotes ? Trouvera-t-il un public ?
Des
appuis ? Un milieu ? 3. Le départ vers Paris n’est-il pas, en même te
213
atriotes ? Trouvera-t-il un public ? Des appuis ?
Un
milieu ? 3. Le départ vers Paris n’est-il pas, en même temps qu’une t
214
départ vers Paris n’est-il pas, en même temps qu’
une
tentative de retrouver ailleurs ce que l’on ne trouve pas dans son pa
215
ailleurs ce que l’on ne trouve pas dans son pays,
une
fuite, loin de ce que Ramuz appelle “le train-train d’une vie moyenne
216
e, loin de ce que Ramuz appelle “le train-train d’
une
vie moyenne où l’exception, n’a point de part” ? Après les réponses d
217
ys manque de ce qui est indispensable au succès d’
une
œuvre littéraire, il ne se répand point en lamentations. Au contraire
218
oint en lamentations. Au contraire : il préconise
des
remèdes énergiques. »
219
L’Europe est encore
un
espoir (8 décembre 1949)l m Votre lettre est la meilleure preuve d
220
notre congrès. Elle dit tout haut ce que pensent
des
millions. Et elle le dit sans précautions, avec la calme outrance de
221
i parlent comme vous, et ceux qui nous reprochent
une
hâte « imprudente », la différence n’est pas de jugement politique, m
222
france. Vous avez trop souffert la longue horreur
des
camps pour croire au sursaut de l’humain qui pourrait seul sauver l’E
223
tion. Je voudrais vous montrer que ce presque est
une
réalité, et qui change tout. Mon argument sera simple, le voici : Si
224
vous ne pourriez plus même le dire, et cela pour
des
raisons que vous avez bien connues… Or non seulement vous le dites, v
225
ttre est « ouverte ». C’est qu’il y a donc encore
un
peu d’Europe vivante. L’Europe existe encore, là où le cri des hommes
226
ope vivante. L’Europe existe encore, là où le cri
des
hommes n’est pas étouffé dans leur bouche, ou dans les sources mêmes
227
leur révolte. Vous allez me dire : « Ce n’est qu’
une
survivance. En réalité, les jeux sont faits. Le droit de parler nous
228
e la « dernière illusion de l’Europe ». J’en vois
une
autre, et votre lettre la traduit d’une manière émouvante. C’est l’il
229
J’en vois une autre, et votre lettre la traduit d’
une
manière émouvante. C’est l’illusion causée par la désillusion. Elle e
230
imagine. Cette illusion d’optique consiste à voir
une
toute petite Europe ruinée entre deux colosses agressifs. Secouons-no
231
me d’angoisse, et calculons. Le tableau change en
un
clin d’œil. À l’ouest du rideau de fer, nous sommes 300 millions : c’
232
-vingt-dix pour cent qui ne sont pas communistes.
Une
Europe en partie ruinée ? Mais elle relève déjà ses industries ; et l
233
été traitée mieux qu’elle, qu’on s’en souvienne.
Une
Europe entre deux colosses ? Mais gardons-nous des fausses symétries.
234
ne Europe entre deux colosses ? Mais gardons-nous
des
fausses symétries. La symétrie est une loi de la paresse, autant qu’u
235
rdons-nous des fausses symétries. La symétrie est
une
loi de la paresse, autant qu’un procédé de construction. Dans toutes
236
La symétrie est une loi de la paresse, autant qu’
un
procédé de construction. Dans toutes les choses humaines, elle est un
237
uction. Dans toutes les choses humaines, elle est
une
illusion. Il est vrai que l’Amérique souhaite l’union de l’Europe. Ce
238
e l’Amérique, en retour ; nous n’avons pas besoin
des
Russes. Les Américains seront forcés de nous forcer à l’union ou de n
239
vous adhériez à ma doctrine du pessimisme actif.
Un
dernier mot sur les hommes politiques. Ils ont eu leur congrès ailleu
240
se que vous avez tort de proposer qu’on choisisse
un
Grand Homme. Vous n’y croyez sans doute pas plus que moi. Et vous dit
241
doute pas plus que moi. Et vous dites : « Ou bien
un
enfant… » Nous voici dans le temps de l’Avent, dans les nuits les plu
242
t illusion. Elle les conduisait dans la nuit vers
un
Enfant qui a sauvé le monde. l. Rougemont Denis de, « L’Europe est
243
. l. Rougemont Denis de, « L’Europe est encore
un
espoir », Gazette de Lausanne, Lausanne, 8 décembre 1949, p. 1. m. R
244
8 décembre 1949, p. 1. m. Rougemont répond ici à
une
lettre ouverte de Virgil Gheorghiu parue dans le même numéro, à l’occ
245
hommes de bonne volonté, répétant avec M. Romains
une
grave erreur de traduction. Car l’Évangile dans le texte original dit
246
envers les hommes. Est-il besoin de la bombe, et
des
grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans to
247
de la peur réciproques qui président aux rapports
des
nations, et de l’antisémitisme et de l’antisoviétisme, et de l’antiam
248
condition. n. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Ce qu’ils pensent de Noël… », Gazette de Lausanne (supplémen
249
t (20 septembre 1954)o Le rejet de la CED par
un
seul pays vient de jeter tous les autres dans une crise très dangereu
250
un seul pays vient de jeter tous les autres dans
une
crise très dangereuse, démontrant ainsi, une fois de plus, que les na
251
Dans la confusion générale qui a suivi la journée
des
dupes du 30 août, les fédéralistes européens gardent une ferme orient
252
es du 30 août, les fédéralistes européens gardent
une
ferme orientation. L’échec de la CED n’est pas celui de l’idée fédéra
253
n’est pas celui de l’idée fédérale, mais celui d’
une
diplomatie qui tentait de « faire l’Europe » à la sauvette, sans pose
254
Une
lettre de Denis de Rougemont (16-17 février 1957)p Monsieur le réd
255
Pentagone : Duncan Sandys » ( Gazette de Lausanne
des
2-3 février 1957) n’est pas celle du ministre britannique de la Défen
256
nistre britannique de la Défense. Elle représente
un
homme anxieux, aux traits tendus par la fatigue et presque lugubre. I
257
« piqué » par le photographe non point au terme d’
une
mission brillamment réussie, mais plutôt pendant le cours d’un épuisa
258
illamment réussie, mais plutôt pendant le cours d’
un
épuisant congrès, comme fut le Congrès européen de la culture, qui se
259
iments bien cordiaux. p. Rougemont Denis de, «
Une
lettre de Denis de Rougemont », Gazette de Lausanne (supplément litté
260
econnaître que cela n’est pas possible, en plus d’
un
cas, il pousse à préférer des solutions médiocres, mais « bien de che
261
possible, en plus d’un cas, il pousse à préférer
des
solutions médiocres, mais « bien de chez nous », aux avantages que po
262
chez nous », aux avantages que pourrait procurer
une
coopération sans réserve avec d’autres cantons ou pays. Votre congrès
263
ique, inutile d’insister sur ce point. Mais c’est
une
autre erreur, inverse de la première, qui ne cessera de vous tenter :
264
os villes sont trop petites pour se payer chacune
un
laboratoire de recherches nucléaires, pour ne prendre que cet exemple
265
nt trop petites pour que s’y développent à foison
des
écoles de peintres, des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs,
266
s’y développent à foison des écoles de peintres,
des
galeries d’exposition, des troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains
267
es écoles de peintres, des galeries d’exposition,
des
troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire des petites revues
268
des galeries d’exposition, des troupes d’acteurs,
des
groupes d’écrivains, voire des petites revues qui expriment ces group
269
troupes d’acteurs, des groupes d’écrivains, voire
des
petites revues qui expriment ces groupes avec l’intransigeance nécess
270
andes actuelles. Elles sont tout de même devenues
des
foyers rayonnants de créations du premier ordre. Et cela, je crois, p
271
ns suivantes : premièrement, la passion créatrice
un
peu folle de jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’un maî
272
jeunes gens qui se groupaient en écoles, autour d’
un
maître du métier ; secondement le sens de la dépense magnifique, le g
273
dier. Les comités ne peuvent faire, au mieux, que
des
choses raisonnables, mais la culture est faite par des passions indiv
274
hoses raisonnables, mais la culture est faite par
des
passions individuelles et par des petits groupes qui ne craignent pas
275
e est faite par des passions individuelles et par
des
petits groupes qui ne craignent pas de passer pour extravagants ou ex
276
vit d’imprudence, et prospère dans le gaspillage
des
forces et des sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse rom
277
nce, et prospère dans le gaspillage des forces et
des
sommes. Je crains que nous soyons encore, en Suisse romande, aux anti
278
he trop de médiocrité pour peu qu’elles aient été
un
jour inscrites à quelque budget d’État, et sous prétexte de répartiti
279
équitable — ce qui n’est, soit dit en passant, qu’
une
parodie du vrai fédéralisme — c’est tout cela qui mérite aujourd’hui
280
en mendiante, de refuser de la faire participer à
une
prospérité économique sans précédent. Nos raisons d’être et de rester
281
s raisons d’être et de rester Suisses ne sont pas
des
raisons économiques. Le fédéralisme, j’ai tenté de vous le montrer un
282
ai tenté de vous le montrer une fois de plus, vit
des
mêmes réalités spirituelles et morales, et prend ses sources dans les
283
bligeance de M. Denis de Rougemont, nous publions
un
extrait de l’important exposé qu’il présentera aujourd’hui au congrès
284
posé qu’il présentera aujourd’hui au congrès pour
une
collaboration culturelle romande, à Lausanne. »
285
rès peu parlé, ou le matérialisme, mentionné dans
une
seule phrase, mais bien à insister sur la nécessité de sauvegarder à
286
fois et en pratique les droits de l’union et ceux
des
autonomies locales, les droits de l’organisation et ceux de la créati
287
’organisation et ceux de la création. La moitié d’
une
vérité n’est qu’une sottise, surtout lorsqu’il s’agit de fédéralisme
288
x de la création. La moitié d’une vérité n’est qu’
une
sottise, surtout lorsqu’il s’agit de fédéralisme ! Me faire dire que
289
en restant… anarchique, c’est donc me faire dire
une
sottise, dont je suis heureux de ne pas être l’auteur. Voici mon text
290
L’Europe est d’abord
une
culture (30 juin 1962)t À suivre les débats qui se multiplient sur
291
, on croirait que l’union de l’Europe se réduit à
des
problèmes de tarifs douaniers et d’intérêts commerciaux. J’estime don
292
sur ses aspects culturels et mondiaux. Je pars d’
un
raisonnement assez simple, en trois points : 1. L’union entre des peu
293
assez simple, en trois points : 1. L’union entre
des
peuples ne saurait se faire en général que sur la base de quelque uni
294
ope que l’on tente aujourd’hui d’unir est d’abord
une
entité culturelle ; 3. Il en résulte que l’on ne doit et que l’on ne
295
us porte en pleine actualité, et qu’elle entraîne
une
politique bien définie. ⁂ La première proposition n’entraîne pas de l
296
îne pas de longs commentaires. Il est évident que
des
peuples, ne songent à s’unir que s’ils ont en commun certains traits
297
ion consiste donc à restaurer ou à consolider par
des
institutions communes leur unité de base, lorsque celle-ci se trouve
298
é de base, lorsque celle-ci se trouve menacée par
des
forces de division, internes ou externes. La seconde proposition n’es
299
l’établir. Quand je dis que l’Europe est d’abord
une
entité culturelle, ou que son unité la moins contestable réside dans
300
je songe à deux faits majeurs que chacun connaît.
Un
fait de nature : l’Europe est le plus petit de tous les continents (4
301
ope est le plus petit de tous les continents (4 %
des
terres du globe), et le plus pauvre en matières premières. Et un fait
302
obe), et le plus pauvre en matières premières. Et
un
fait d’histoire : cette minuscule Europe a dominé successivement sur
303
ilà qui ne saurait s’expliquer que par la culture
des
Européens, entendant par culture, au sens le plus large du terme, ce
304
la nature. L’Europe, c’est très peu de chose plus
une
culture. Quand on s’imagine que l’Europe, dont discutent aujourd’hui
305
resse et tous les parlements, est essentiellement
une
réalité économique, on oublie que notre économie n’est pas tombée du
306
et son empire, englobant avec les Méditerranéens
des
Germains, des Celtes et des Slaves. De cette culture commune, mais de
307
, englobant avec les Méditerranéens des Germains,
des
Celtes et des Slaves. De cette culture commune, mais de ses sources v
308
ec les Méditerranéens des Germains, des Celtes et
des
Slaves. De cette culture commune, mais de ses sources variées, voire
309
extraordinaires diversités qu’ils juxtaposent sur
un
très petit territoire. Quand ces diversités tournent en divisions, l’
310
s forces de division qui ont miné l’Europe depuis
un
siècle, et qui ont risqué de la faire périr à deux reprises en 1914 e
311
té tant que celle-ci ne se manifeste qu’au niveau
des
idéologies, même meurtrières. On va répétant que le nationalisme — gé
312
auvinisme ? C’est tout simplement le nationalisme
des
autres. Quand le nationalisme des autres s’oppose aux intérêts économ
313
le nationalisme des autres. Quand le nationalisme
des
autres s’oppose aux intérêts économiques de ma nation, que je sois in
314
net et Robert Schuman, puis avec le Marché commun
des
Six, provoquant en écho la Zone de libre-échange des Sept, la candida
315
Six, provoquant en écho la Zone de libre-échange
des
Sept, la candidature britannique, et l’intérêt subitement anxieux des
316
ture britannique, et l’intérêt subitement anxieux
des
Américains. Ce début concret de la construction européenne étant ains
317
ntègrent dans le Marché commun, c’est-à-dire dans
un
plan technique et économique, dont les auteurs ne sont d’ailleurs pas
318
encore fécondes, et enfin qu’elle se subordonne à
une
grande politique commune, laquelle ne peut se développer qu’à l’échel
319
eur. L’union économique implique, par conséquent,
une
politique culturelle de grande envergure : éducation civique, démocra
320
de envergure : éducation civique, démocratisation
des
études, insistance sur la culture générale en sont les trois maximes
321
unique dont les Européens ont fait preuve depuis
des
siècles, résulte de nos diversités locales, régionales, idéologiques.
322
ions qui en naissent. D’autant plus nous sommes d’
un
canton, d’un pays, d’un climat religieux ou idéologique, d’autant plu
323
aissent. D’autant plus nous sommes d’un canton, d’
un
pays, d’un climat religieux ou idéologique, d’autant plus nous pouvon
324
autant plus nous sommes d’un canton, d’un pays, d’
un
climat religieux ou idéologique, d’autant plus nous pouvons devenir d
325
le seul possible, de ce qu’on a nommé « l’Europe
des
patries ». (Par malheur, l’auteur de ce mot d’ordre, M. Debré, ne pen
326
e mot d’ordre, M. Debré, ne pensait qu’à l’Europe
des
États, qui est tout à fait autre chose.) Les modes d’emploi Enfi
327
Enfin, l’Europe unie ne saurait être conçue comme
un
but en soi, comme un nationalisme agrandi et transposé aux limites gé
328
ne saurait être conçue comme un but en soi, comme
un
nationalisme agrandi et transposé aux limites géographiques et toutes
329
. L’Europe a découvert la Terre entière, assumant
une
fonction d’animation des échanges de tous ordres. Elle a transmis au
330
Terre entière, assumant une fonction d’animation
des
échanges de tous ordres. Elle a transmis au monde entier les procédés
331
xpériences durement acquises. Elle a inventé bien
des
maux, mais aussi leurs remèdes, bien des méthodes dangereuses, mais a
332
nté bien des maux, mais aussi leurs remèdes, bien
des
méthodes dangereuses, mais aussi les moyens de les composer, de les é
333
oit au monde de présenter l’exemple convaincant d’
un
dépassement du nationalisme et d’une adaptation harmonieuse de la tec
334
convaincant d’un dépassement du nationalisme et d’
une
adaptation harmonieuse de la technique à l’homme. C’est dire que l’un
335
’homme. C’est dire que l’union économique appelle
une
union politique, qu’on ne peut souhaiter que fédérale. L’intégration
336
te détruirait les bases mêmes de notre dynamisme.
Une
simple alliance d’États souverains ne répondrait nullement aux exigen
337
pondrait nullement aux exigences du siècle. Seule
une
fédération, selon la formule suisse, assurerait le degré d’union néce
338
lème européen étant ainsi posé ou reposé à partir
des
réalités de notre culture une et diverse, les conclusions suivantes m
339
ou reposé à partir des réalités de notre culture
une
et diverse, les conclusions suivantes me paraissent en découler : 1.
340
isation économique ne saurait fournir les bases d’
une
organisation politique, mais seulement les moyens nécessaires d’une p
341
olitique, mais seulement les moyens nécessaires d’
une
politique qu’il reste encore à définir et à réaliser. 3. Cette politi
342
ir et à réaliser. 3. Cette politique, appuyée sur
une
organisation fédérative de nos pays, aura pour mission essentielle d’
343
s immenses et tout nouveaux que posent le contact
des
cultures, la technique, l’expansion démographique, la diffusion mondi
344
que tout autre pour faire valoir les avantages d’
une
union de type fédéral, conforme à son essence, comme à celle de l’Eur
345
perpétuelle, la Suisse se trouve défendre en fait
une
politique très légitime, mais liée au passé du continent, aux rivalit
346
e Bruxelles, la Suisse pourrait montrer la voie d’
un
avenir authentiquement européen. Si elle s’y refuse, qui va plaider s
347
en. Si elle s’y refuse, qui va plaider sa cause ?
Une
union faite sans nous ne sera pas faite pour nous, c’est l’évidence.
348
t. Rougemont Denis de, « L’Europe est d’abord
une
culture », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 30
349
et nul n’a compris ce pays s’il n’a pas découvert
un
jour qu’un souffle immense de lyrisme nomade est le secret le mieux c
350
compris ce pays s’il n’a pas découvert un jour qu’
un
souffle immense de lyrisme nomade est le secret le mieux couvé dans l
351
e est le secret le mieux couvé dans l’inconscient
des
hommes de toute race dont les pères ont conquis la Prairie. Hors des
352
race dont les pères ont conquis la Prairie. Hors
des
hauts murs en falaises de brique ocrée de Manhattan, au-delà des faub
353
en falaises de brique ocrée de Manhattan, au-delà
des
faubourgs du Bronx aux ponts de fer retentissants de trains et de cam
354
nsparentes, surmontés de clochers d’or pâle, puis
des
rideaux d’arbres chevelus cachent les rives, et la piste d’ardoise au
355
s et denses aux couleurs de l’été indien, pendant
des
heures. Le « station-vagon » roule à 100, comme font toutes les autre
356
à 100, comme font toutes les autres voitures, pas
un
problème de dépassement, pas une injure, le ciel est bleu, les voies
357
res voitures, pas un problème de dépassement, pas
une
injure, le ciel est bleu, les voies sont larges, et la radio du bord
358
en mélodies accompagnées de bugles et de chœurs d’
une
euphorique nostalgie : j’ai retrouvé mon Amérique. Liberté Invit
359
ur me promener dans les États-Unis sans l’ombre d’
une
obligation — je verrai qui je veux ou personne s’il me plaît, ce que
360
n, pendant deux mois — je me suis gardé d’établir
un
programme et d’arranger des conférences. Je m’en remets au dieu du Ha
361
e suis gardé d’établir un programme et d’arranger
des
conférences. Je m’en remets au dieu du Hasard, dont l’autre face est
362
tte à corriger le sort par quelques téléphones et
un
carnet d’adresses d’amis anciens. (Mais tout bouge ici, où seront-ils
363
avec Paul Tillich. Je ne l’avais pas revu depuis
un
soir de 1941, à New York, chez notre ami commun Reinhold Niebuhr. Cet
364
le plus influent de l’Amérique. C’est qu’il prône
une
théologie qu’on pourrait nommer culturelle, et qui tient compte des a
365
n pourrait nommer culturelle, et qui tient compte
des
arts et des religions de l’Orient, et de la gnose (dont nous allons b
366
ommer culturelle, et qui tient compte des arts et
des
religions de l’Orient, et de la gnose (dont nous allons beaucoup parl
367
ans tous les séminaires presbytériens la notion d’
une
orthodoxie traditionnelle mais offensive et politiquement « progressi
368
Cola, twist et voitures géantes, sont en retard d’
une
génération intellectuelle. (Note de 1962 : Paul Tillich vient de rece
369
Mohawk trail La route américaine, de nouveau,
une
ancienne piste indienne devenue autoroute, à travers un pays montagne
370
ienne piste indienne devenue autoroute, à travers
un
pays montagneux, presque désert pendant des heures. Ciel de craie ble
371
ravers un pays montagneux, presque désert pendant
des
heures. Ciel de craie bleu rosé sur les forêts sauvages, mouchetées d
372
ges, mouchetées d’arbres rouges et rose pourpre d’
une
intensité de couleur que je n’ai jamais vue ailleurs. Arrêt dans une
373
uleur que je n’ai jamais vue ailleurs. Arrêt dans
une
auberge faite d’un vieux wagon d’aluminium déposé au bord de la route
374
mais vue ailleurs. Arrêt dans une auberge faite d’
un
vieux wagon d’aluminium déposé au bord de la route, dans une clairièr
375
agon d’aluminium déposé au bord de la route, dans
une
clairière et l’on est ami du patron et de la fille superbe qui nous s
376
ues échanges de phrases banales. Vivre ici serait
une
belle aventure intérieure. Air des hauteurs, plateaux boisés aux ondu
377
vre ici serait une belle aventure intérieure. Air
des
hauteurs, plateaux boisés aux ondulations infinies, dernier pays du m
378
nent encore l’espace, la distance et la solitude.
Un
VIP2 de New York me disait l’autre jour : « Toutes les personnes de m
379
es personnes de mon espèce s’arrangent pour avoir
des
maisons, cabanes, pavillons, ce que vous voulez, à deux heures de New
380
nys, les Appalaches, le Vermont, sur la mer, dans
des
lieux déserts où nous allons passer le week-end, du vendredi après-mi
381
-end, du vendredi après-midi au lundi matin. J’ai
une
cabane en poutres (log cabin) près de la frontière du Canada, sans él
382
du Canada, sans électricité ni aucun confort. Pas
une
maison à 20 km à la ronde. La paix totale. Je coupe du bois, je lis,
383
t qu’il exagérait, qu’il y avait encore en Europe
des
refuges à peu près comparables. Mais j’ai dû dire : encore. D’ici vin
384
ans… New England Williamstown est le site d’
un
célèbre collège de jeunes gens. Nous y entrons par une avenue bordée
385
élèbre collège de jeunes gens. Nous y entrons par
une
avenue bordée d’arbres immenses aux petites feuilles jaune vif et de
386
e vif et de larges bandes de gazons ; en retrait,
des
maisons de bois blanc d’un ou deux étages, régulièrement espacées et
387
gazons ; en retrait, des maisons de bois blanc d’
un
ou deux étages, régulièrement espacées et spacieuses. Au fond, l’égli
388
ise au clocher fin, toute blanche elle aussi, sur
un
tertre. Et subitement voici tomber de toutes parts, sans une brise, u
389
Et subitement voici tomber de toutes parts, sans
une
brise, un ruissellement de feuilles rondes, comme des pièces d’or. Je
390
ent voici tomber de toutes parts, sans une brise,
un
ruissellement de feuilles rondes, comme des pièces d’or. Je ne sais r
391
brise, un ruissellement de feuilles rondes, comme
des
pièces d’or. Je ne sais rien qui égale en Europe la splendeur de l’in
392
an summer aux villages de Nouvelle-Angleterre.
Un
collège de jeunes filles dans le Vermont Longue avenue sinueuse da
393
es dans le Vermont Longue avenue sinueuse dans
un
parc aux prairies nues, en pente douce vers un bâtiment rouge. Parkin
394
ns un parc aux prairies nues, en pente douce vers
un
bâtiment rouge. Parking sous de grands arbres aux branches horizontal
395
es aux branches horizontales. On nous conduit par
des
sentiers dallés vers une maison de brique dominant le campus : vaste
396
les. On nous conduit par des sentiers dallés vers
une
maison de brique dominant le campus : vaste pelouse entourée d’une do
397
que dominant le campus : vaste pelouse entourée d’
une
douzaine de bâtiments de bois blanc à un étage et toits d’ardoises. D
398
ourée d’une douzaine de bâtiments de bois blanc à
un
étage et toits d’ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique une
399
’ardoises. Dans l’escalier de la maison de brique
une
toile de quatre mètres de haut, long paraphe blanc et rouge sur un fo
400
e mètres de haut, long paraphe blanc et rouge sur
un
fond noir, signée Georges Mathieu. Tout en haut, notre appartement po
401
t en haut, notre appartement pour quelques jours.
Une
musique bien rythmée remplit l’étage. Je pousse des portes et me trou
402
e musique bien rythmée remplit l’étage. Je pousse
des
portes et me trouve dans une salle de théâtre, vide de sièges. Groupe
403
t l’étage. Je pousse des portes et me trouve dans
une
salle de théâtre, vide de sièges. Groupes de jeunes filles assises su
404
quet, vêtues de collants. Sur la scène, on répète
un
ballet assez acrobatique et symbolique. Cocktails dans le cottage d’u
405
atique et symbolique. Cocktails dans le cottage d’
un
doyen de faculté. Une vingtaine de professeurs, pour la plupart auteu
406
Cocktails dans le cottage d’un doyen de faculté.
Une
vingtaine de professeurs, pour la plupart auteurs connus, poètes, rom
407
poètes, romanciers, critiques et sociologues, et
un
vieil ami suisse, Paul Boepple, chef du département de musique. (Il a
408
is Nicolas de Flüe pendant la guerre à New York.)
Une
proportion considérable des écrivains et des artistes américains, plu
409
a guerre à New York.) Une proportion considérable
des
écrivains et des artistes américains, plus des deux tiers sans doute
410
rk.) Une proportion considérable des écrivains et
des
artistes américains, plus des deux tiers sans doute (de Faulkner aux
411
le des écrivains et des artistes américains, plus
des
deux tiers sans doute (de Faulkner aux plus jeunes compositeurs) vit
412
nt en général la substance même, ou la technique,
des
œuvres qu’ils sont en train d’écrire. Combien d’écrivains véritables,
413
vec la jeunesse ? Le lendemain matin, j’assiste à
une
classe de creative writing. Salle meublée comme un salon. Le professe
414
e classe de creative writing. Salle meublée comme
un
salon. Le professeur (qui est un poète) s’assied sur un canapé, les é
415
le meublée comme un salon. Le professeur (qui est
un
poète) s’assied sur un canapé, les étudiantes sur un long divan, dans
416
on. Le professeur (qui est un poète) s’assied sur
un
canapé, les étudiantes sur un long divan, dans des fauteuils en demi-
417
poète) s’assied sur un canapé, les étudiantes sur
un
long divan, dans des fauteuils en demi-cercle, sur des chaises, ou su
418
un canapé, les étudiantes sur un long divan, dans
des
fauteuils en demi-cercle, sur des chaises, ou sur la moquette. La plu
419
ong divan, dans des fauteuils en demi-cercle, sur
des
chaises, ou sur la moquette. La plupart sont en pantalon et blouses d
420
dis, comme cela se fait dans ce pays, la veille d’
une
fête ou le samedi. Elles s’installent longuement, disposant autour d’
421
, blouses, cahiers et livres, et leurs jambes sur
des
poufs ou le bras d’un fauteuil. Le professeur annonce que la leçon se
422
ivres, et leurs jambes sur des poufs ou le bras d’
un
fauteuil. Le professeur annonce que la leçon sera consacrée à l’exame
423
annonce que la leçon sera consacrée à l’examen d’
un
court poème écrit par l’une d’entre elles, dont il taira le nom. Il l
424
le nom. Il lit la pièce, puis la relit lentement.
Une
vingtaine de vers brefs, irréguliers. À la seconde lecture, je compre
425
je comprends qu’il s’agit de deux vieillards dans
une
cuisine regardant par la fenêtre une fin d’automne. Mais le réalisme
426
illards dans une cuisine regardant par la fenêtre
une
fin d’automne. Mais le réalisme du sujet — apparemment imposé — dispa
427
anifestent leur intention de s’exprimer en levant
un
doigt discret ou un très long fume-cigarette. Elles parlent posément
428
ntion de s’exprimer en levant un doigt discret ou
un
très long fume-cigarette. Elles parlent posément avec un sérieux et u
429
long fume-cigarette. Elles parlent posément avec
un
sérieux et une assurance imperturbables : je pense, je trouve, à mon
430
arette. Elles parlent posément avec un sérieux et
une
assurance imperturbables : je pense, je trouve, à mon avis, I feel… L
431
loi « stratégique » de certains mots leur donnant
une
efficacité particulière, semble son thème favori. Ici comme ailleurs,
432
préoccupation dominante, et presque la réalité d’
une
activité humaine quelconque, en l’occurrence l’expression littéraire.
433
ec et gris que l’automne abstraitement évoqué par
une
ramure sèche et fragile devant la fenêtre contemplée par le vieux cou
434
parleront désormais de poésie avec l’assurance d’
un
expert diplômé par l’un des collèges les plus « avancés » de l’Amériq
435
sie avec l’assurance d’un expert diplômé par l’un
des
collèges les plus « avancés » de l’Amérique. Pendant quatre ans, elle
436
domineront la société américaine de demain, avec
une
infaillible compétence. Berkeley À une heure de San Francisco,
437
avec une infaillible compétence. Berkeley À
une
heure de San Francisco, l’une de plus grandes universités du monde :
438
ey, ils sont plus de 25 000. Je vais y rencontrer
une
bonne trentaine de professeurs, en tête-à-tête ou en groupe, déjeuner
439
on premier rendez-vous. Labyrinthe d’allées entre
des
bâtiments de style mal défini, allant du gothique xixe siècle au fon
440
nel 1950 en passant par le rococo américain 1910.
Des
centaines d’étudiants déambulent, se groupent au soleil ou sur des ba
441
tudiants déambulent, se groupent au soleil ou sur
des
bancs, jonchent les marches des divers halls. Beaucoup sont de couleu
442
au soleil ou sur des bancs, jonchent les marches
des
divers halls. Beaucoup sont de couleur, toute nuance. Tous portent le
443
Hall, je m’annonce au concierge et j’attends dans
un
corridor en lisant les panneaux d’annonces. Soudain, mon nom en très
444
ces. Soudain, mon nom en très grosses lettres sur
une
affiche. « À 3 heures, dans la Salle de Bal, D. de R., président du C
445
ure, et auteur de L’Amour et l’Occident donnera
une
conférence sur La guerre totale et les valeurs occidentales. Sous les
446
le et les valeurs occidentales. Sous les auspices
des
Americans for Democratic Action, ADA. » On m’avait parlé, très vaguem
447
ction, ADA. » On m’avait parlé, très vaguement, d’
une
éventuelle discussion avec un groupe de professeurs, portant sur un d
448
très vaguement, d’une éventuelle discussion avec
un
groupe de professeurs, portant sur un débat récent organisé à Berkele
449
ussion avec un groupe de professeurs, portant sur
un
débat récent organisé à Berkeley entre Sidney Hook, C. P. Snow et Han
450
Morgenthau, et qui semble avoir fait du bruit, d’
une
côte à l’autre, mais c’est vraiment tout ce que j’en sais. La série d
451
conduit sur l’estrade. Fragments d’interventions
des
trois célèbres philosophes et sociologues, transmis d’après une bande
452
bres philosophes et sociologues, transmis d’après
une
bande magnétique, et bien sûr je comprends assez mal. Better red than
453
t de la guerre froide et de la Bombe, et très peu
des
valeurs occidentales. Je vois donc ce qui me reste à faire. Improvisa
454
ois donc ce qui me reste à faire. Improvisation d’
une
demi-heure. Sachant que mon auditoire est composé d’étudiants « très
455
e leur rappelle aussi que le communisme russe est
une
création de l’Europe. (Marx, juif rhénan dont le père s’était fait, p
456
’était fait, protestant, écrit au British Museum,
des
articles que publie le New York Herald Tribune : on ne fait pas plus
457
nt les successeurs de l’Occident ? Je ne vois que
des
imitateurs. Le but des Soviétiques, à les en croire, est de rattraper
458
’Occident ? Je ne vois que des imitateurs. Le but
des
Soviétiques, à les en croire, est de rattraper l’Amérique, qui est un
459
s en croire, est de rattraper l’Amérique, qui est
une
invention de l’Europe. Croyons à nos valeurs et prouvons-le, c’est ce
460
n’est plus caractéristique de l’opinion actuelle
des
jeunes Américains. J’en recopie quelques exemples : « Le plus grand h
461
urs. Mais comment peut-on faire cela, compte tenu
des
tensions politiques actuelles ? » « Comment la nécessité de l’action
462
telle manière qu’elle ne soit pas méprisée comme
un
simple sermon ? » « La décision n’appartient-elle pas aux Soviets ? C
463
te façon. » « Admettez-vous que l’État-nation est
une
conception archaïque, et que la tendance à créer des marchés communs
464
conception archaïque, et que la tendance à créer
des
marchés communs peut conduire à la formation de communautés internati
465
sarmement nucléaire ? » « À votre sens, serait-ce
une
bonne idée que tous les Américains intelligents se mettent à aimer (p
466
on pour aimer les Russes ! » (la salle croule.)
Un
couvent laïque. — Près de Stanford, autre université voisine de San F
467
de San Francisco, 9000 étudiants seulement, mais
un
très haut niveau intellectuel, la Fondation Ford a créé un Centre d’é
468
aut niveau intellectuel, la Fondation Ford a créé
un
Centre d’études avancées pour les sciences du comportement. Un club-h
469
tudes avancées pour les sciences du comportement.
Un
club-house domine la colline : restaurant, salles de réunions, piscin
470
mpêtre ultramoderne. Tout autour, sur les pentes,
des
rangées de cabanes d’une seule pièce dénommée cubicles sont réservées
471
autour, sur les pentes, des rangées de cabanes d’
une
seule pièce dénommée cubicles sont réservées aux moines laïques qui v
472
éservées aux moines laïques qui viennent y passer
une
année d’études personnelles et de conversations approfondies avec les
473
ée. J’ai déjeuné avec plusieurs d’entre eux, puis
une
vingtaine sont venus discuter le plan d’une conférence sur l’Europe e
474
puis une vingtaine sont venus discuter le plan d’
une
conférence sur l’Europe et le monde que je leur ai brièvement exposé.
475
ai brièvement exposé. Critiques et suggestions d’
une
pertinence parfaite. Je visite la colline avec Abe Lerner, économiste
476
ine avec Abe Lerner, économiste barbu qui compose
des
« mobiles » à temps perdu et en décore son cubicle, et Sidney Hook, l
477
ttes internes du régime soviétique, ou le pouvoir
des
dictateurs. Les économistes appliquent les dernières théories mathéma
478
l’analyse conjoncturelle. Les philosophes suivent
un
cours quotidien sur les matrices algébriques. Bref, c’est notre latin
479
trouve en Europe rien qui ressemble à ce concours
des
meilleurs esprits d’avant-garde. D’un instrument pareil nous ferions
480
e concours des meilleurs esprits d’avant-garde. D’
un
instrument pareil nous ferions sans nul doute un usage assez différen
481
’un instrument pareil nous ferions sans nul doute
un
usage assez différent, plus philosophique au sens large. Mais encore
482
ont Denis de, « Universités américaines : notes d’
un
journal de voyage », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lau
483
nvier 1963, p. 13 et 19. v. Sous-titré « Notes d’
un
journal de voyage », ce texte est introduit par le chapeau suivant :
484
’écrivain de questions sur Marx et l’Europe, dans
des
universités très différentes des nôtres. Elles ressemblent à des couv
485
t l’Europe, dans des universités très différentes
des
nôtres. Elles ressemblent à des couvents laïques, à des campus, à des
486
très différentes des nôtres. Elles ressemblent à
des
couvents laïques, à des campus, à des cottages anglais… Professeurs e
487
tres. Elles ressemblent à des couvents laïques, à
des
campus, à des cottages anglais… Professeurs et étudiants y mènent une
488
ssemblent à des couvents laïques, à des campus, à
des
cottages anglais… Professeurs et étudiants y mènent une vie fraternel
489
ttages anglais… Professeurs et étudiants y mènent
une
vie fraternelle, et l’on y découvre des institutions dont l’Europe fe
490
y mènent une vie fraternelle, et l’on y découvre
des
institutions dont l’Europe ferait bien de s’inspirer. »
491
oque beaucoup d’esprits dans nos cantons romands.
Un
seul en a tiré une œuvre forte, c’est Ramuz. Mais il ne croyait pas à
492
prits dans nos cantons romands. Un seul en a tiré
une
œuvre forte, c’est Ramuz. Mais il ne croyait pas à l’Helvetia et à l’
493
Entre nous, nous sommes racistes », me disait-il
un
jour — provocateur ! Il aurait sans nul doute échoué dans son « proje
494
rojet » s’il avait emprunté ses « instruments » à
une
philosophie, même existentialiste. Il s’est fait un langage de peintr
495
philosophie, même existentialiste. Il s’est fait
un
langage de peintre, en prose. Plutôt que d’une « rationalité adéquate
496
ait un langage de peintre, en prose. Plutôt que d’
une
« rationalité adéquate », le jeune Suisse romand qui veut écrire n’au
497
lisme néo-bourgeois, réaliste et moralisant, et à
une
maladresse verbale cultivée par l’école primaire et secondaire. Tout
498
es particulières du Suisse romand ? Bénéficiant d’
une
structure sociale, politique et religieuse, exemplairement fédéralist
499
t pluraliste, qui lui permet de participer à tout
un
jeu de dimensions spirituelles et physiques, les unes très vastes et
500
ta pensée maîtresse, et non que tu t’es échappé d’
un
joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’éloge,
501
un joug. » w. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] L’éloge, l’élan, l’amour, le monde ouvert à ceux qui s’ouvre
502
ausanne, 2–3 février 1963, p. 20. x. Il s’agit d’
une
réponse à l’enquête « Homo helveticus : existe-t-il en Suisse romande
503
nis de Rougemont était en Amérique, il lui arriva
un
jour de décrocher son téléphone, et d’entendre à l’autre bout du fil
504
on téléphone, et d’entendre à l’autre bout du fil
une
voix annoncer : “Ici Albert Einstein”. Il se souviendra toujours du c
505
ert Einstein”. Il se souviendra toujours du choc.
Un
mythe avait pris corps… “J’ai lu votre bouquin sur la bombe atomique”
506
elle. « Voulez-vous passer la soirée chez moi ? »
Un
feu pétillait dans le salon de Ferney, Denis de Rougemont me racontai
507
acontait l’histoire, et à mon tour j’enregistrais
une
voix, un visage, une stature qui revendiquaient la légitime propriété
508
’histoire, et à mon tour j’enregistrais une voix,
un
visage, une stature qui revendiquaient la légitime propriété du nom.
509
et à mon tour j’enregistrais une voix, un visage,
une
stature qui revendiquaient la légitime propriété du nom. Un œil clair
510
qui revendiquaient la légitime propriété du nom.
Un
œil clair, un menton lourd (les photographies connues soulignent touj
511
aient la légitime propriété du nom. Un œil clair,
un
menton lourd (les photographies connues soulignent toujours ce regard
512
aphies connues soulignent toujours ce regard vif,
un
peu ironique, au détriment de cette mâchoire carrée), les doigts coup
513
bles chasseurs de mythes qui écrivent aujourd’hui
des
livres, un de ceux qui a fait, avec simplicité, les prises les plus s
514
rs de mythes qui écrivent aujourd’hui des livres,
un
de ceux qui a fait, avec simplicité, les prises les plus sensationnel
515
pas porté au romantisme, donc à l’amour-passion,
un
coup mortel ? Pas mortel. Mais dur. J’ai provisoirement modifié ma pe
516
lectuelle de nouveaux langages… Ce qui nous donne
une
impression de sécheresse, d’épuisement. Ne croyez-vous pas que l’Euro
517
conditionné par les autres, que nous parvenons à
un
choix : régler, réglementer minutieusement chaque détail de notre vie
518
re vie, de nos comportements ; ou bien déclencher
des
catastrophes. Tout de même, rappelez-vous les prévisions des démograp
519
ophes. Tout de même, rappelez-vous les prévisions
des
démographes. Si l’humanité se développe au même rythme, en 2260 il y
520
260 il y aura 700 milliards d’hommes, ce qui fera
un
homme tous les dix mètres. En 2400, nous aurons un mètre carré chacun
521
n homme tous les dix mètres. En 2400, nous aurons
un
mètre carré chacun. Dans moins de 440 ans ! Bien sûr, la statistique
522
ne ne pourrait s’asseoir sans écraser les pieds d’
un
autre), mais comment ne pas voir le problème ? Aujourd’hui déjà, notr
523
s ne l’avaient pas inventé. Ils lui avaient donné
une
forme nouvelle. Cette forme lui a permis de prendre un envol extraord
524
rme nouvelle. Cette forme lui a permis de prendre
un
envol extraordinaire. Croyez-vous que l’étude systématique du xie et
525
matique du xie et du xiie siècle nous donnerait
des
éléments d’appréciation pour le xxie ? On peut tracer des perspectiv
526
nts d’appréciation pour le xxie ? On peut tracer
des
perspectives. On ne peut pas prophétiser. Il y a un auteur d’anticip
527
perspectives. On ne peut pas prophétiser. Il y a
un
auteur d’anticipation qui a longuement parlé, lui aussi, du surpeuple
528
précisément la femme a dans son œuvre la place d’
un
symbole et d’une inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par e
529
femme a dans son œuvre la place d’un symbole et d’
une
inspiratrice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par exemple un texte i
530
ice. La femme ? Parfaitement. J’ai là par exemple
un
texte inédit de Teilhard. Il faudra que j’en parle à Lausanne. Voyez
531
assage : le Père (qui d’ailleurs a eu dans sa vie
un
grand amour) parle de la Chasteté comme d’un moyen de parvenir à la v
532
vie un grand amour) parle de la Chasteté comme d’
un
moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans des termes extrêmement
533
un moyen de parvenir à la vérité. Il le fait dans
des
termes extrêmement proches du xiie siècle. La Chasteté n’est pas le
534
mour, la négation de la Femme. C’est au contraire
une
approche de la Femme. Une sublimation. Vous pensez donc que le mythe,
535
mme. C’est au contraire une approche de la Femme.
Une
sublimation. Vous pensez donc que le mythe, après s’être longuement a
536
Les modernes — écrivait-il — croient qu’il existe
une
sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraien
537
sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans
une
confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes,
538
capable de nous dire savamment, certes, mais avec
une
fougue et une simplicité devenues rares, de quelle manière, à son avi
539
s dire savamment, certes, mais avec une fougue et
une
simplicité devenues rares, de quelle manière, à son avis, nous devons
540
Il nous faut
des
hommes de synthèses (19-20 septembre 1964)aa Le mythe de la tour d
541
aa Le mythe de la tour de Babel me paraît l’un
des
plus vivants, des plus actuels, et aussi des plus angoissants de ceux
542
la tour de Babel me paraît l’un des plus vivants,
des
plus actuels, et aussi des plus angoissants de ceux que nous a légués
543
l’un des plus vivants, des plus actuels, et aussi
des
plus angoissants de ceux que nous a légués l’Antiquité proche-orienta
544
Naturant, qui est Dieu, et il entreprit d’édifier
une
tour à Sennaar, qui fut ensuite appelée Babel, ce qui veut dire confu
545
genre humain collabora à cette œuvre d’iniquité.
Une
partie d’entre eux commandait, une partie dressait les plans d’archit
546
re d’iniquité. Une partie d’entre eux commandait,
une
partie dressait les plans d’architecture, une partie construisait les
547
it, une partie dressait les plans d’architecture,
une
partie construisait les murs ; les uns travaillaient du cordeau et de
548
er ou par terre ; et chaque groupe s’appliquait à
une
tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel et
549
qu’ils fussent frappés par le Ciel et jetés dans
une
confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’œuvre parlant une
550
que tous ceux qui étaient venus à l’œuvre parlant
une
seule et même langue, dussent la quitter parlant des langues diverses
551
seule et même langue, dussent la quitter parlant
des
langues diverses, et incapables de plus jamais s’entendre pour accomp
552
dre pour accomplir leur dessein. En effet, chacun
des
groupes exerçant une même activité parlait la même langue, p. ex. les
553
ur dessein. En effet, chacun des groupes exerçant
une
même activité parlait la même langue, p. ex. les architectes entre eu
554
tenus à l’écart, couvrant d’imprécations la folie
des
travailleurs et les tournant en dérision. Ainsi donc, l’origine de l
555
dérision. Ainsi donc, l’origine de la diversité
des
langues ne serait autre que la spécialisation des métiers et par suit
556
des langues ne serait autre que la spécialisation
des
métiers et par suite des jargons de métier — spécialisation exigée pa
557
re que la spécialisation des métiers et par suite
des
jargons de métier — spécialisation exigée par les dimensions mêmes d’
558
spécialisation exigée par les dimensions mêmes d’
un
projet qui consistait à dépasser la mesure naturelle par l’artifice h
559
Paul Valéry dans sa célèbre Lettre sur la société
des
esprits, publiée vers 1920 : « Les Européens se sont jetés dans une a
560
ée vers 1920 : « Les Européens se sont jetés dans
une
aventure prodigieuse qui consiste à modifier les données initiales «
561
faisait il y a quelques siècles) pour répondre à
des
besoins certains et à des nécessités limitées de cette même vie — mai
562
iècles) pour répondre à des besoins certains et à
des
nécessités limitées de cette même vie — mais comme inspirés de créer
563
de cette même vie — mais comme inspirés de créer
une
forme d’existence tout artificielle… » Au-delà de cette Europe décrit
564
viens de vous lire sur l’origine de la pluralité
des
langues, Dante a posé implicitement le problème beaucoup plus général
565
général de ce qui divise les hommes depuis l’aube
des
temps : les langues certes, mais aussi les distances, les races, les
566
rs différents, c’est-à-dire l’ignorance du savoir
des
autres, et enfin, et surtout, l’oubli de l’unité, l’étrange oubli des
567
, et surtout, l’oubli de l’unité, l’étrange oubli
des
buts finaux de l’existence dans lequel nous voyons s’enfoncer, inexor
568
es distances sont presque annulées par la vitesse
des
communications. Les nations tendent à se regrouper et à s’organiser e
569
ope. Les races qui s’ignoraient jadis au point qu’
un
homme de couleur différente ne semblait pas vraiment humain, se recon
570
ode. Demain ce sera le métissage universel, après
un
certain nombre de conflits peut-être atroces, mais dont l’issue n’est
571
s douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur
un
pied théorique d’égalité, au lendemain de l’ère coloniale. Pour le mo
572
demain de l’ère coloniale. Pour le moment et pour
des
décennies encore, c’est la culture occidentale qui domine tout, unifi
573
. Les langues elles-mêmes, ce plus ancien symbole
des
divisions de l’humanité, s’interpénètrent, et certaines s’universalis
574
es. On n’a jamais autant traduit et déchiffré. Et
des
machines électroniques vont faire le reste. Convergences Contig
575
rès combien de siècles — de l’esclavage. Le droit
des
gens valable pour toute race est une création de l’Europe, durant l’é
576
ge. Le droit des gens valable pour toute race est
une
création de l’Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abord en
577
ions, de créations et de formes de vie — disons d’
un
mot : par sa culture, qui a fait littéralement le tour du monde. Mais
578
lture qui fut l’agent de la convergence mondiale,
un
mouvement radicalement contraire de divergence. Ce mouvement de disso
579
de quoi je veux parler : nous assistons en fait à
une
double explosion au sein des institutions d’enseignement supérieur :
580
assistons en fait à une double explosion au sein
des
institutions d’enseignement supérieur : explosion du savoir, qui se t
581
périeur : explosion du savoir, qui se traduit par
un
accroissement continuel à la fois du nombre et de l’exclusivité des s
582
continuel à la fois du nombre et de l’exclusivité
des
spécialisations dans le cadre distendu des facultés ; et en même temp
583
sivité des spécialisations dans le cadre distendu
des
facultés ; et en même temps, explosion des effectifs estudiantins, ré
584
stendu des facultés ; et en même temps, explosion
des
effectifs estudiantins, résultant à la fois de l’accroissement des po
585
udiantins, résultant à la fois de l’accroissement
des
populations et la démocratisation des études. L’explosion du savoi
586
croissement des populations et la démocratisation
des
études. L’explosion du savoir Ainsi les dimensions physiques et
587
s mais entre les spécialités qui prolifèrent dans
une
même faculté tendent à devenir infranchissables. Dans l’univers du sa
588
t spécialité sont en train de s’éloigner les unes
des
autres avec une vitesse croissante, comme autant de galaxies dans le
589
t en train de s’éloigner les unes des autres avec
une
vitesse croissante, comme autant de galaxies dans le cosmos en expans
590
ion rapide de toute langue commune, remplacée par
une
multiplicité de langages spéciaux de moins en moins traduisibles, et
591
sement progressif de la conscience du but commun,
des
fins dernières de l’entreprise, qui se perdent dans les nuées de l’in
592
ées du savoir, c’est dire que la commune mesure d’
une
civilisation est en train de s’évanouir — j’entends par là, sa concep
593
la pensée, le sentiment et l’action non seulement
des
esprits créateurs et de la jeunesse européenne, mais aussi des hommes
594
réateurs et de la jeunesse européenne, mais aussi
des
hommes d’outre-mer qui viennent chez nous en pèlerinage aux sources v
595
Nos universités ne sont plus guère, en fait, que
des
agglomérats ou juxtapositions souvent fortuites d’écoles professionne
596
ches n’ayant plus d’autres liens réels que ceux d’
une
administration en outre accablée de soucis matériels et qui a d’autre
597
s chats à fouetter que de méditer sur la synthèse
des
facultés de l’esprit humain. La juxtaposition de facultés étanches ne
598
xtaposition de facultés étanches ne fait pas plus
une
université qu’une addition d’organes ne fait un corps vivant. Regardo
599
ultés étanches ne fait pas plus une université qu’
une
addition d’organes ne fait un corps vivant. Regardons cela d’un peu p
600
une université qu’une addition d’organes ne fait
un
corps vivant. Regardons cela d’un peu plus près. Sur l’explosion des
601
organes ne fait un corps vivant. Regardons cela d’
un
peu plus près. Sur l’explosion des effectifs, nous disposons d’une gr
602
egardons cela d’un peu plus près. Sur l’explosion
des
effectifs, nous disposons d’une grande richesse de statistiques. Un s
603
. Sur l’explosion des effectifs, nous disposons d’
une
grande richesse de statistiques. Un seul exemple peut suffire ici : l
604
disposons d’une grande richesse de statistiques.
Un
seul exemple peut suffire ici : le nombre des étudiants en France éta
605
ues. Un seul exemple peut suffire ici : le nombre
des
étudiants en France était de 42 000 en 1924, il est d’environ 280 000
606
1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans
une
dizaine d’années. (Seules n’auront pu varier les dimensions des salle
607
années. (Seules n’auront pu varier les dimensions
des
salles de la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasent une heure ava
608
de la Sorbonne, où déjà les étudiants s’écrasent
une
heure avant les grands cours.) L’explosion du savoir est plus diffici
609
autres savants américains nous affirment que 85 %
des
scientifiques ayant vécu depuis l’aube de l’histoire, sont vivants au
610
nt vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait
un
jour : si vous et moi, dans nos années d’études, il y a 30 à 35 ans,
611
sont probablement vraies en gros dans le domaine
des
sciences exactes (mathématiques, physique, chimie) et des sciences na
612
nces exactes (mathématiques, physique, chimie) et
des
sciences naturelles (biologie, génétique) et peut-être en psychologie
613
e j’ai dite conduit inévitablement à la confusion
des
langages, dissous en terminologies incomparables. L’université, que l
614
L’université, que l’on pourrait considérer comme
un
grand appareil distributeur d’informations, au sens cybernétique du t
615
re les branches du savoir, ou entre les rameaux d’
une
même branche. Les jugements d’ensemble, rapportés à quelque unité glo
616
soit finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer.
Un
exemple précis illustrera ce point : Supposons que la théologie ait g
617
oirs régulateurs de l’ensemble de nos croyances :
un
théologien d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un physicien, ne serait pl
618
s : un théologien d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’
un
physicien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’Église jugea
619
Ainsi chacun va de son côté, et les représentants
des
disciplines diverses n’ont souvent plus guère en commun que des plati
620
s diverses n’ont souvent plus guère en commun que
des
platitudes quotidiennes ou des préjugés mutuels hérités de conflits d
621
uère en commun que des platitudes quotidiennes ou
des
préjugés mutuels hérités de conflits dès longtemps périmés3. Mais il
622
iate suffisent à justifier l’existence prospère d’
une
entreprise de cet ordre, et refoulent les questions anxieuses dont je
623
administrent les rites… En fait, et aux yeux d’
un
observateur non prévenu, jugeant seulement sur ce qu’il nous voit fai
624
faire, il semblerait que la très grande majorité
des
Européens trouve que cela peut fort bien continuer ainsi, sans nul da
625
que jamais : loin d’être abandonnée, elle attire
une
foule croissante de travailleurs et de curieux. L’industrie et l’État
626
e, selon la loi de Parkinson. L’incommunicabilité
des
savoirs est ressentie par notre esprit comme une frustration, comme u
627
des savoirs est ressentie par notre esprit comme
une
frustration, comme une blessure intime, et comme une permanente inséc
628
tie par notre esprit comme une frustration, comme
une
blessure intime, et comme une permanente insécurité. L’intellectuel e
629
frustration, comme une blessure intime, et comme
une
permanente insécurité. L’intellectuel européen d’aujourd’hui se sent
630
espèce de résignation intellectuelle correspond à
une
forme schizoïde de la pensée, et conduit à un scepticisme croissant q
631
à une forme schizoïde de la pensée, et conduit à
un
scepticisme croissant quant aux fins dernières de la recherche et qua
632
e crains bien que si l’on tentait de le déduire d’
une
observation attentive de nos universités, l’on ne trouve qu’une sorte
633
n attentive de nos universités, l’on ne trouve qu’
une
sorte de monstre, assemblage de pièces et de morceaux que seuls les v
634
i, il est devenu presque impossible de répondre à
une
telle question, et c’est pourquoi sans doute on la pose si rarement.
635
i rarement. Notre enseignement vise-t-il à former
des
personnes réelles et complètes, ou seulement de futurs professionnels
636
omplètes, ou seulement de futurs professionnels ?
Des
sages capables de penser, d’agir et de créer en harmonie, ou seulemen
637
ser, d’agir et de créer en harmonie, ou seulement
des
producteurs plus efficaces, c’est-à-dire bien spécialisés ? Ou enfin
638
eux-mêmes ces questions, et nous les posent avec
une
insistance gênante — car nous voici de moins en moins armés pour y ré
639
stoire de l’humanité, l’Europe a osé l’aventure d’
un
développement autonome de la science et des arts, d’une séparation, v
640
ture d’un développement autonome de la science et
des
arts, d’une séparation, voire d’une opposition entre le sacré et le p
641
veloppement autonome de la science et des arts, d’
une
séparation, voire d’une opposition entre le sacré et le profane, entr
642
la science et des arts, d’une séparation, voire d’
une
opposition entre le sacré et le profane, entre la cohérence globale d
643
l’image du monde communément admise. La pluralité
des
sciences et la multiplicité des disciplines spécialisées provient che
644
ise. La pluralité des sciences et la multiplicité
des
disciplines spécialisées provient chez nous de la sécularisation de l
645
e réagisse contre lui avec le thomisme, ce serait
un
beau sujet d’études.) Pourquoi travaillez-vous autant ? Or rien
646
s ? Bien peu d’entre nous sont capables de donner
une
réponse satisfaisante. Le spécialiste se récuse méthodiquement et met
647
corps, où Dieu se manifeste) et le développement
des
sciences physiques et naturelles dans l’Occident christianisé — alors
648
’Occident christianisé — alors qu’il est clair qu’
une
Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellement illusoire
649
cadémiques, à surmonter leur ignorance méthodique
des
domaines qui ne sont pas de leur département. Je reprends ici mon exe
650
du Temps, aux discussions qui durent déjà depuis
un
siècle sur le principe de Carnot et Clausius sur la dégradation de l’
651
du temps » et l’entropie, notions de base qui ont
une
portée métaphysique indiscutable. Et il faudrait que les physiciens q
652
a constitution, est étrangement homologue à celle
des
grandes querelles théologiques de Nicée, de l’augustinisme, de Luther
653
raiter par allusions rapides, peut-être obscures,
un
sujet qui demanderait de gros ouvrages pour être exposé sérieusement.
654
la pluralité de ses recherches sans références à
un
langage commun. Un savoir en progression géométrique Le grand p
655
echerches sans références à un langage commun.
Un
savoir en progression géométrique Le grand problème que l’Europe s
656
ers également réels et valables, dont le problème
des
relations entre savoirs spécialisés et synthèse de nos connaissances
657
s et synthèse de nos connaissances n’est guère qu’
un
cas particulier. Le paradoxe européen par excellence de l’union dans
658
remière, souvent proposée, consisterait à imposer
des
cours de culture générale, un studium generale, aux étudiants de tout
659
isterait à imposer des cours de culture générale,
un
studium generale, aux étudiants de toutes les facultés et instituts s
660
pécialisés. Je n’y crois pas. La presque totalité
des
expériences tentées dans cette intention si louable ont échoué, et le
661
aissent assez évidentes. La généralité n’est pas
une
matière enseignable. Elle ne peut vraiment consister que dans une att
662
ignable. Elle ne peut vraiment consister que dans
une
attention en éveil permanent aux implications générales, aux ramifica
663
e, même prolongée comme on nous le promet jusqu’à
une
moyenne de 90 ans, pour que l’espoir de maîtriser l’ensemble du savoi
664
ujourd’hui, se verrait contraint de choisir entre
une
carrière de brillant vulgarisateur scientifique et une spécialisation
665
arrière de brillant vulgarisateur scientifique et
une
spécialisation qui lui vaudrait sans doute le prix Nobel, mais au pri
666
la spécialisation du savoir, loin de représenter
un
progrès, n’est littéralement qu’une monstruosité : le développement e
667
de représenter un progrès, n’est littéralement qu’
une
monstruosité : le développement excessif d’un organe aux dépens de l’
668
qu’une monstruosité : le développement excessif d’
un
organe aux dépens de l’équilibre du corps. On peut l’évaluer à son pr
669
exorbitant : perdre de vue l’ensemble humain est
une
perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, additionnés,
670
ai dite : toujours plus de matières à enseigner à
un
nombre toujours plus grand d’étudiants et de futurs enseignants. Puis
671
r jusqu’à ce point où l’étude la plus exigeante d’
une
discipline particulière va déboucher sur des problèmes qui relèvent d
672
te d’une discipline particulière va déboucher sur
des
problèmes qui relèvent d’autres disciplines, parfois connexes mais so
673
es, ou plus vastes et plus englobantes. Dans bien
des
cas célèbres, c’est l’avant-garde de la recherche la plus hautement s
674
ités internes de son cheminement, à déboucher sur
des
domaines que la vertueuse méthode, naguère, interdisait rigoureusemen
675
use méthode, naguère, interdisait rigoureusement.
Un
neurologue, poussant sa recherche au-delà des certitudes admises, déb
676
ent. Un neurologue, poussant sa recherche au-delà
des
certitudes admises, débouche sur le domaine du rêve et des symboles e
677
tudes admises, débouche sur le domaine du rêve et
des
symboles et fonde la psychanalyse. Un ethnologue, spécialisé dans l’é
678
du rêve et des symboles et fonde la psychanalyse.
Un
ethnologue, spécialisé dans l’étude de la « pensée sauvage » découvre
679
stique générale de Ferdinand de Saussure, science
des
systèmes de signes, l’explication qui lui manquait de la prohibition
680
it de la prohibition de l’inceste ; cependant que
des
biologistes et des électroniciens puisent dans la même théorie saussu
681
n de l’inceste ; cependant que des biologistes et
des
électroniciens puisent dans la même théorie saussurienne les schèmes
682
ire par les chromosomes, aux autres de construire
des
machines à traduire. Un physicien étudiant le principe de l’irréversi
683
aux autres de construire des machines à traduire.
Un
physicien étudiant le principe de l’irréversibilité du temps est amen
684
’irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’
une
vue physicienne stricto sensu du cosmos est trop étriquée » ; et que
685
demain risque de se trouver obligée d’entrer dans
un
dialogue actif avec, disons, la psychologie au sens large, pour jeter
686
psychologie au sens large, pour jeter les bases d’
une
science beaucoup plus compréhensive. Et chacun sait que c’est en pous
687
y rencontrent semblent les confronter désormais à
des
options métaphysiques. Je ne l’imagine pas : je les écoute, et plusie
688
ntre eux l’ont écrit. Carrefours de vérités
Une
phrase de Spinoza s’est fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : «
689
lus sûrement au général ou tout au moins au seuil
des
synthèses nécessaires. c) Mais ces synthèses ne tomberont pas du Ciel
690
as objectivement et comme spontanément au terme d’
une
comparaison systématique des résultats en soi acquis par les spéciali
691
ntanément au terme d’une comparaison systématique
des
résultats en soi acquis par les spécialistes. Toute synthèse est un a
692
i acquis par les spécialistes. Toute synthèse est
un
acte créateur, intervenant au carrefour de plusieurs vérités hétérogè
693
e nos universités, devrait d’abord être confiée à
des
groupes de chercheurs représentant des disciplines diverses. Par leur
694
confiée à des groupes de chercheurs représentant
des
disciplines diverses. Par leur réunion physique en séminaires restrei
695
de synthèse pourrait s’exercer. Le nombre optimum
des
participants de tels groupes me paraît être, à l’expérience de nombre
696
à l’expérience de nombreux colloques portant sur
des
sujets interdisciplinaires, d’une douzaine de personnes seulement. Ce
697
ues portant sur des sujets interdisciplinaires, d’
une
douzaine de personnes seulement. Ce module permet en effet la convers
698
ntané de questions et de réponses, le dialogue en
un
mot, et il exclut l’intervention monologante sous forme de discours.
699
tance. Car ce qui importe au bout du compte, dans
une
entreprise de ce genre, c’est la qualité personnelle des hommes qui s
700
reprise de ce genre, c’est la qualité personnelle
des
hommes qui s’y livrent : sinon une bonne machine électronique, conven
701
té personnelle des hommes qui s’y livrent : sinon
une
bonne machine électronique, convenablement informée, ferait beaucoup
702
que la synthèse s’opère dans le vide, ou au ciel
des
Idées, — car là sans doute toutes les synthèses imaginables existent
703
ve devant nous, sur quelque carte perforée, comme
un
résultat objectif ; ce qui importe, c’est que la synthèse s’actualise
704
a synthèse s’actualise, qu’elle s’opère donc dans
un
esprit, dans une personne, car là seulement elle peut trouver ses sig
705
ualise, qu’elle s’opère donc dans un esprit, dans
une
personne, car là seulement elle peut trouver ses significations humai
706
u’il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce sont
des
hommes de synthèse, un type nouveau d’hommes de pensée en qui s’incar
707
qui nous manque, ce sont des hommes de synthèse,
un
type nouveau d’hommes de pensée en qui s’incarne une sorte de conscie
708
type nouveau d’hommes de pensée en qui s’incarne
une
sorte de conscience conjoncturelle de l’évolution de nos recherches,
709
conjoncturelle de l’évolution de nos recherches,
un
sens constamment alerté de leurs corrélations virtuelles et de la féc
710
de leurs interférences. Ces hommes seront d’abord
des
spécialistes, et qui prouveront leur excellence en tant que tels par
711
e qu’ils ne peuvent se contenter d’être seulement
des
spécialistes. Favoriser ou fomenter ce type humain, lui offrir les mo
712
Ces prix Nobel Sur le problème de l’explosion
des
effectifs universitaires, je n’aurais guère à proposer qu’une solutio
713
s universitaires, je n’aurais guère à proposer qu’
une
solution de bon sens presque simpliste : il me semble que le seul moy
714
me semble que le seul moyen de sauver la qualité
des
universités existantes et leur efficacité pédagogique, menacées l’une
715
cacité pédagogique, menacées l’une et l’autre par
des
facteurs quantitatifs irréversibles, serait de multiplier sans plus t
716
, serait de multiplier sans plus tarder le nombre
des
établissements d’enseignement supérieur. D’une part, les universités
717
de leur engorgement, d’autre part les dimensions
des
universités nouvelles pourraient librement s’accorder aux optima que
718
est rien d’autre que la mesure humaine, le module
des
relations personnelles, condition de toute existence communautaire et
719
cation de petites universités à la multiplication
des
facultés, des chaires et des postes d’assistants dans les déjà trop g
720
tes universités à la multiplication des facultés,
des
chaires et des postes d’assistants dans les déjà trop grandes univers
721
à la multiplication des facultés, des chaires et
des
postes d’assistants dans les déjà trop grandes universités. L’adjecti
722
ité — mais aussi au maximum du pouvoir créateur d’
un
milieu donné, cité, pays ou université. Ce n’est pas du tout par hasa
723
prix Nobel de sciences par million d’habitants d’
un
pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occup
724
onguement entretenu, il me tarde de vous proposer
des
conclusions plus personnelles et plus précises, qui vous apparaîtront
725
s précises, qui vous apparaîtront peut-être comme
un
rêve, mais rien ne devient jamais réel qui n’ait été d’abord rêvé. La
726
éel qui n’ait été d’abord rêvé. La multiplication
des
universités, maintenues dans les petites dimensions qu’exige leur ren
727
anationale. J’en imagine le prototype, qui serait
une
tour d’anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un lac, o
728
prototype, qui serait une tour d’anti-Babel. Dans
un
grand parc, près de la mer, ou d’un lac, ou d’une large rivière, en p
729
i-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’
un
lac, ou d’une large rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin d
730
un grand parc, près de la mer, ou d’un lac, ou d’
une
large rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin d’une ville de
731
rivière, en pleine campagne, mais pas trop loin d’
une
ville de moyenne grandeur et de vie culturelle et sociale animée, une
732
grandeur et de vie culturelle et sociale animée,
une
ou deux-centaines de maisons familiales dispersées, et un centre de t
733
ux-centaines de maisons familiales dispersées, et
un
centre de type villageois : hôtels, auberges, marché, boutiques, chap
734
lusieurs terrasses de café. Dans le centre aussi,
un
groupe de bâtiments contient la bibliothèque et les salles de colloqu
735
es. La commune, gouvernée par le recteur, jouit d’
un
statut spécial d’exterritorialité : c’est une sorte de district fédér
736
it d’un statut spécial d’exterritorialité : c’est
une
sorte de district fédéral de l’Europe intellectuelle. Là vivent ces «
737
ofesseurs déjà gradués, d’une part ; responsables
des
domaines les plus variés de la vie publique, économique et sociale, d
738
le d’admission : avoir prouvé son excellence dans
une
branche au moins du savoir, ou de la vie professionnelle, et démontre
739
oir, ou de la vie professionnelle, et démontrer d’
une
manière convaincante qu’on éprouve l’impérieux désir d’intégrer l’exp
740
érieux désir d’intégrer l’expérience acquise dans
un
ensemble plus compréhensif. Les activités intellectuelles de cette co
741
forme : point de cours magistraux, mais seulement
des
colloques restreints, groupant au maximum 20 personnes, à l’optimum u
742
ts, groupant au maximum 20 personnes, à l’optimum
une
douzaine. Si quelqu’un désire absolument donner une conférence, le so
743
e douzaine. Si quelqu’un désire absolument donner
une
conférence, le soir, c’est à ses risques et périls : toute déclaratio
744
déclaration publique est obligatoirement suivie d’
une
discussion réglée. Ici l’on n’impose pas une image du monde : on la c
745
ie d’une discussion réglée. Ici l’on n’impose pas
une
image du monde : on la cherche en commun, librement. Au sein des coll
746
nde : on la cherche en commun, librement. Au sein
des
colloques, règne une liberté spontanément disciplinée par la critique
747
n commun, librement. Au sein des colloques, règne
une
liberté spontanément disciplinée par la critique mutuelle. Deux meneu
748
re de nos facultés classiques. Voici quelques-uns
des
sujets que, pour ma part, je serais heureux de pouvoir étudier et dis
749
vités de la commune. 1. Les options fondamentales
des
grandes cultures, notamment de la culture européenne, et la logique o
750
ée de l’unité culturelle en question. Le problème
des
possibles convergences entre l’Orient et l’Occident, c’est-à-dire ent
751
e la sagesse et la puissance créatrice, formerait
un
centre particulier d’attention. 2. Le rôle créateur de l’interaction
752
d’attention. 2. Le rôle créateur de l’interaction
des
disciplines dans l’histoire ancienne et récente de l’Europe. Dans que
753
ns les inventions ou découvertes de la science et
des
arts sont-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des
754
apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité,
des
fins utilitaires, de l’imagination débridée, de la foi, du doute, de
755
n débridée, de la foi, du doute, de la méthode et
des
contingences dans les progrès de la connaissance en Occident. 3. Au-d
756
de santé mentale, de beauté du milieu et de paix
des
disciplines farouches qu’imposent à la majorité de nos contemporains
757
de l’aide aux sous-développés ? 4. Possibilités d’
un
langage universel, fondé sur la cybernétique et sur la sémiologie de
758
re. Recherche générale de procédés de translation
des
méthodes, démarches spécifiques et résultats des diverses branches du
759
des méthodes, démarches spécifiques et résultats
des
diverses branches du savoir. Limites d’un tel langage, et comment y s
760
ultats des diverses branches du savoir. Limites d’
un
tel langage, et comment y suppléer par les arts. 5. Européologie. Il
761
existe dans la plupart de nos grandes universités
des
départements d’indianisme, de sinologie, d’islamologie, d’études des
762
indianisme, de sinologie, d’islamologie, d’études
des
civilisations tropicales, africaines, indaméricaines, indonésiennes,
763
s précisément d’européologie. Certes, l’on étudie
un
peu partout le Marché commun, le mécanisme des organisations européen
764
die un peu partout le Marché commun, le mécanisme
des
organisations européennes, leur histoire récente, leur jurisprudence,
765
ues économiques. Ce qui nous manque encore, c’est
une
étude quasi ethnographique des caractères spécifiques de notre civili
766
nque encore, c’est une étude quasi ethnographique
des
caractères spécifiques de notre civilisation, à l’heure où elle se ré
767
notre civilisation, à l’heure où elle se répand d’
une
manière anarchique sur tous les continents de la planète, à l’heure o
768
ète, à l’heure où le tiers-monde l’interroge avec
une
anxiété mêlée d’arrogance, à l’heure où elle s’interroge elle-même pl
769
r au gré de vos désirs. Quant aux relations entre
un
tel Centre de synthèse et les universités existantes, on les imaginer
770
tion si désirable dans nos mœurs universitaires d’
une
année sabbatique de type américain, permettrait d’envoyer beaucoup de
771
ce que nous attendons tous de nos vacances. Après
un
an, les professeurs détachés reviendraient à leur enseignement, porte
772
hés reviendraient à leur enseignement, porteurs d’
une
sorte de radioactivité, — les uns mûris, les autres rajeunis… Comment
773
e ; ou d’hommes qui méditaient sur la nécessité d’
un
langage commun aux sciences exactes, aux arts et à la théologie, ains
774
ut de synthèse serait idéalement ce dont on parle
un
peu partout, plus ou moins bien, depuis 1957, date du traité de Rome
775
57, date du traité de Rome instituant l’Euratom :
une
Université européenne. Vraie université, puisqu’elle traiterait spéci
776
ment du général, en vue d’entretenir ou de former
une
image cohérente du Tout. Vraiment européenne, puisqu’elle aurait pour
777
possible. L’Europe, c’est très peu de chose plus
une
culture. Quatre pour cent des terres du globe multipliées par une cul
778
s peu de chose plus une culture. Quatre pour cent
des
terres du globe multipliées par une culture qui a fait le Monde, et q
779
tre pour cent des terres du globe multipliées par
une
culture qui a fait le Monde, et qui doit aujourd’hui, plus que jamais
780
, et qui doit aujourd’hui, plus que jamais, faire
des
hommes. 3. Je n’ignore pas les tentatives qui se dessinent, aux Ét
781
ats-Unis notamment, pour faire de la mathématique
un
substitut moderne au latin de jadis, la nouvelle langue de communicat
782
inaire, propre à permettre de nouveau le commerce
des
esprits supérieurs des disciplines les plus diverses à un très haut n
783
tre de nouveau le commerce des esprits supérieurs
des
disciplines les plus diverses à un très haut niveau de précision. Mai
784
ts supérieurs des disciplines les plus diverses à
un
très haut niveau de précision. Mais on peut craindre que le langage m
785
os vies. aa. Rougemont Denis de, « Il nous faut
des
hommes de synthèses », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), L
786
Un
écrivain suisse (20-21 mars 1965)ab Qu’il n’y ait pas une patrie s
787
n suisse (20-21 mars 1965)ab Qu’il n’y ait pas
une
patrie suisse mais deux douzaines, point de grands centres ni de marc
788
ient en commun, semble interdire la possibilité d’
un
écrivain qui mériterait d’être appelé suisse, comme Hölderlin fut san
789
nt que l’Allemagne ou l’Italie n’aient réuni dans
une
de ces super-provinces qu’on nomme nations toutes leurs cités, tous l
790
Pourtant je vois cette possibilité s’illustrer d’
une
manière exemplaire dans l’œuvre et la carrière de Carl Burckhardt. C’
791
et se composent, précisément, de cette pluralité
des
données culturelles qui, moins forts, moins doués, les eût neutralisé
792
oriens scrupuleux mais sûrs artistes, héritiers d’
une
longue tradition humaniste où se mêlent intimement germanisme et lati
793
. Tantôt écrivain libre ou professeur ; historien
des
grandes têtes politiques du passé, ou mêlé à l’histoire vivante comme
794
ion, ni la passion de la lucidité. Son expérience
des
hommes et de l’irrationnel qui conduit leurs affaires au pire a certe
795
sé de le ramener aux grands postes publics, quand
un
appel pressant du pays l’y engageait. Jeter des ponts, relier l’actio
796
nd un appel pressant du pays l’y engageait. Jeter
des
ponts, relier l’action à la pensée, concilier les cultures ou les gra
797
e d’esprit, peut-on dire que ces traits composent
une
personnalité typiquement suisse ? Je constate qu’on les trouve réunis
798
onstate qu’on les trouve réunis chez quelques-uns
des
hommes les mieux liés par toutes leurs fibres aux traditions civiques
799
urs fibres aux traditions civiques et culturelles
des
Suisses. Voilà qui suffira peut-être à justifier l’existence autonome
800
à justifier l’existence autonome de ce pays, dans
une
époque où l’homme complet devient un phénomène tellement plus importa
801
pays, dans une époque où l’homme complet devient
un
phénomène tellement plus important, tellement plus rare, tellement pl
802
l’homme dont la stature est imposante, est aussi
un
conteur fascinant, un humoriste redoutable, et un grand chasseur de c
803
re est imposante, est aussi un conteur fascinant,
un
humoriste redoutable, et un grand chasseur de chamois.) ab. Rouge
804
un conteur fascinant, un humoriste redoutable, et
un
grand chasseur de chamois.) ab. Rougemont Denis de, « Un écrivain
805
asseur de chamois.) ab. Rougemont Denis de, «
Un
écrivain suisse : Carl Burckhardt », Gazette de Lausanne (supplément
806
mme dit la Bible. C’est là que je l’avais surpris
un
jour en plein travail — on ne devrait jamais faire ça — pour découvri
807
entre deux hommes. Mais ce jour-là, il triturait
une
mince colonne de terre et se plaignait — « c’est l’enfer ! », disait-
808
ffilait et refusait de remplir le volume normal d’
un
corps, d’une tête. « Cela s’allonge et s’amincit par une poussée irré
809
efusait de remplir le volume normal d’un corps, d’
une
tête. « Cela s’allonge et s’amincit par une poussée irrésistible de b
810
ps, d’une tête. « Cela s’allonge et s’amincit par
une
poussée irrésistible de bas en haut, rien à faire, c’est plus fort qu
811
ien à faire, c’est plus fort que moi… » Là-dessus
des
théories bien saugrenues, et nous sommes allés prendre un verre sur l
812
ies bien saugrenues, et nous sommes allés prendre
un
verre sur la terrasse du Café de la Poste, au grand soleil. J’écrivai
813
la Poste, au grand soleil. J’écrivais à ce moment
un
livre sur la Suisse, c’était la raison de mon passage, et nous avons
814
t nous avons parlé de notre pays, fraternisé dans
un
éloge immodéré de ses aspects variés et insolites, de l’Appenzell où
815
enzell où Alberto avait fait son service et gagné
un
galon de bon tireur — moi aussi, je l’ai eu ! m’écriai-je — jusqu’à S
816
igu de l’église ; de maigres peupliers noueux sur
des
pentes bosselées et semées de rochers, et tout en haut les futs très
817
t tout en haut les futs très effilés du Piz Duan,
des
pics de la Sciora. Volcaniques ? Oui, bien sûr, et le père d’Alberto
818
onduire sur ces pentes désertes, au pied démesuré
des
roches surgissantes qu’une force irrésistible allongeait vers le haut
819
rtes, au pied démesuré des roches surgissantes qu’
une
force irrésistible allongeait vers le haut. Émotion de pressentir der
820
nt du génie humain, et ces accidents telluriques,
une
même poussée profonde, une même loi de violence formatrice… ac. Ro
821
accidents telluriques, une même poussée profonde,
une
même loi de violence formatrice… ac. Rougemont Denis de, « Stampa,
822
fallu tout cela pour que celui qui avait été l’un
des
« phares » baudelairiens de notre adolescence loin de Paris, puis un
823
lairiens de notre adolescence loin de Paris, puis
un
symbole (refusé mais sacré) de la révolte inefficace, aux yeux sévère
824
sacré) de la révolte inefficace, aux yeux sévères
des
jeunes mouvements personnalistes où je militais, cessât tout d’un cou
825
ents personnalistes où je militais, cessât tout d’
un
coup d’être un mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîne
826
stes où je militais, cessât tout d’un coup d’être
un
mythe pour devenir du même coup mon ami, après un dîner tête-à-tête d
827
un mythe pour devenir du même coup mon ami, après
un
dîner tête-à-tête dans un petit restaurant du Village, à New York. (2
828
ême coup mon ami, après un dîner tête-à-tête dans
un
petit restaurant du Village, à New York. (20 juin 1942, selon le jour
829
ffice of War Information, où je venais de prendre
un
poste. J’écrivais deux longs textes par jour : « La Voix de l’Amériqu
830
tre Ozenfant (qui vient de mourir), Lévi-Strauss,
un
des fils Pitoëff, et Breton. (Il avait trouvé ce moyen de gagner just
831
Ozenfant (qui vient de mourir), Lévi-Strauss, un
des
fils Pitoëff, et Breton. (Il avait trouvé ce moyen de gagner juste de
832
s en assurer l’occasion quotidienne. Le culte d’
une
pierre bleue Dès notre première vraie rencontre, j’avais découvert
833
s visibles et officielles du christianisme, était
un
être religieux par excellence. C’est même sans doute parce qu’il juge
834
gieux qu’il le dénigrait sans relâche. Il voulait
un
rituel, des mystères, une adoration fascinée, une rébellion furieuse
835
le dénigrait sans relâche. Il voulait un rituel,
des
mystères, une adoration fascinée, une rébellion furieuse et permanent
836
sans relâche. Il voulait un rituel, des mystères,
une
adoration fascinée, une rébellion furieuse et permanente mais selon s
837
un rituel, des mystères, une adoration fascinée,
une
rébellion furieuse et permanente mais selon sa règle à lui, bien ente
838
rmanente mais selon sa règle à lui, bien entendu,
une
rigueur folle dans le défi qui rejoignait l’Inquisition… Il me dit ce
839
r-là qu’il avait découvert au fond de l’échoppe d’
un
cordonnier dans le Morvan, les deux portraits se faisant face de la m
840
isme dans la vénération de l’artisan lui semblait
des
plus exaltants. Or, il n’est rien de commun aux deux doctrines hors l
841
le grand ton de rigueur fanatique qui était l’un
des
aspects de la poésie selon Breton, autrement dit, de sa « religion ».
842
, autrement dit, de sa « religion ». Il en tirait
une
morale ombrageuse, celle qui réglait absolument sa vie, et des décret
843
brageuse, celle qui réglait absolument sa vie, et
des
décrets d’excommunication peu prévisibles, à grands éclats de voix so
844
jusqu’à l’âme. D’autres fois, il se contentait d’
un
ou deux coups d’épingle très courtois, ou d’une épithète gouailleuse,
845
d’un ou deux coups d’épingle très courtois, ou d’
une
épithète gouailleuse, et le disciple flatté hier encore au-delà de se
846
les avait pas admis et célébrés !) J’ai vu plus d’
une
scène de ce genre aux réunions du groupe, d’ailleurs variable et quel
847
ues peintres qui allaient changer là-bas le cours
des
arts, Max Ernst, Matta, Tanguy, parfois Masson et toujours « l’artist
848
ans plus tard. On y voyait aussi quelques poètes,
des
ethnographes, et quelques jeunes femmes assez fantasques qu’on eût di
849
jeunes femmes assez fantasques qu’on eût dit nées
des
comédies de Shakespeare. On se rencontrait chez l’un ou l’autre, faut
850
chez l’un ou l’autre, faute de terrasses de café,
une
ou deux soirées par semaine, et l’on se livrait avec beaucoup de séri
851
ne, et l’on se livrait avec beaucoup de sérieux à
des
jeux d’écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait une fête (co
852
écriture ou de télépathie. Parfois, on arrangeait
une
fête (comme celle qui fut dédiée au Nombre 21) ou une exposition, ou
853
fête (comme celle qui fut dédiée au Nombre 21) ou
une
exposition, ou une vitrine (Breton, Seligmann et Duchamp signèrent ce
854
ui fut dédiée au Nombre 21) ou une exposition, ou
une
vitrine (Breton, Seligmann et Duchamp signèrent celle qui annonçait m
855
J’allais chez lui, il me lisait de la poésie sur
un
ton d’emphase contenue, en marchant à grands pas dans son studio : «
856
amant Zone. Ce pape-là ne le gênait pas : c’était
un
vers d’Apollinaire. (Mais tout de même, la litanie du Christ aviateur
857
ur, dans le même poème…) C’est ainsi qu’il me lut
un
jour l’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’une belle écr
858
’Ode à Charles Fourier qu’il venait de recopier d’
une
belle écriture sage et d’orner de fleurs au crayon de couleur. Fourie
859
nouvel intercesseur : il insistait pour m’en lire
des
chapitres décrivant le travail et les plaisirs « réglés » des ouvrier
860
s décrivant le travail et les plaisirs « réglés »
des
ouvriers, de l’utopie phalanstérienne. On eût dit qu’il était le prem
861
Flora Tristan, ombre délicieuse du Père Enfantin…
une
grande réparation vous est due », écrira-t-il dans Arcane 17, deux an
862
fait saint Augustin, qu’il tenait pour l’ancêtre
des
jansénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait là-dessus des bibliothèques
863
nsénistes. Nous lui dîmes qu’il y avait là-dessus
des
bibliothèques ; il n’en crut rien, visiblement, et avec raison : son
864
avec celui qu’avait canonisé « l’Obscurantisme ».
Un
dimanche matin à New York, au bas de Madison Avenue déserte, vingt ét
865
nder, et pourquoi ne pas la fonder sur le culte d’
une
pierre bleue ? » Changer la vie La grande contradiction qui a t
866
ie La grande contradiction qui a tendu l’arc d’
une
existence poétique si hautement exemplaire à tant d’égards, c’est qu’
867
t qu’il voulait tout à la fois changer la vie par
une
sédition passionnelle (« la beauté sera convulsive ou ne sera pas »)
868
l’extrême rigueur il n’a jamais cessé d’inventer
un
chemin qui ne pouvait exister que pour lui seul. De personne je ne su
869
devinés — ce qu’il faut bien que j’appelle ici d’
un
terme signifiant pour moi la relation d’un homme au transcendant, sa
870
ici d’un terme signifiant pour moi la relation d’
un
homme au transcendant, sa vocation. ad. Rougemont Denis de, « And
871
Jacques Chenevière ou la précision
des
sentiments (22-23 octobre 1966)ae La mémoire a ses caprices ; l’o
872
; l’oubli même peut devenir, non sans mélancolie,
une
sagesse à peine voulue… Furtifs retours : un visage, les parfums d’un
873
ie, une sagesse à peine voulue… Furtifs retours :
un
visage, les parfums d’une maison rustique ; une rue de Paris où l’on
874
oulue… Furtifs retours : un visage, les parfums d’
une
maison rustique ; une rue de Paris où l’on se hâte vers l’école ; le
875
: un visage, les parfums d’une maison rustique ;
une
rue de Paris où l’on se hâte vers l’école ; le travail, et au fil des
876
l’on se hâte vers l’école ; le travail, et au fil
des
années, sa longue amitié souvent difficile. Des rires. Des jours auss
877
l des années, sa longue amitié souvent difficile.
Des
rires. Des jours aussi qui touchent à l’histoire. Et des adieux… Seul
878
s, sa longue amitié souvent difficile. Des rires.
Des
jours aussi qui touchent à l’histoire. Et des adieux… Seules donc m’o
879
es. Des jours aussi qui touchent à l’histoire. Et
des
adieux… Seules donc m’ont guidé — ou égaré — les subtiles connivences
880
t du souvenir. Je cite ces phrases choisies dans
un
bref liminaire pour leur cadence, leurs articulations déliées mais fo
881
, d’événements et de justifications, comme ceux d’
un
homme public, mais d’images curieusement fixées et restituées après u
882
d’images curieusement fixées et restituées après
un
long développement intérieur (non sans certains repentirs ici ou là,
883
vélateurs peut-être, obéissant à la seule logique
des
sentiments. D’où le pouvoir émouvant de tant de ces pages. À vrai dir
884
i voudrait s’en plaindre ? (C’eût été bien mal vu
des
professeurs dans ma jeunesse, ils croyaient dur comme fer à « l’unité
885
l’unité à tout prix, fût-ce au prix de l’ennui —
un
peu comme dans le Nouveau Roman.) Cette variété de styles, de thèmes
886
oins — Jacques Chenevière n’est pas « seulement »
un
écrivain. Une seconde vocation le requiert, dès le seuil de l’âge d’h
887
s Chenevière n’est pas « seulement » un écrivain.
Une
seconde vocation le requiert, dès le seuil de l’âge d’homme ; elle me
888
son art d’écrire « pour le plaisir ». Je pense à
des
récits comme Valets, Reines, Rois, Daphné, ou la Jeune Fille de Neige
889
aléry Larbaud, et c’est tout dire.) Cette suite d’
une
quarantaine de portraits-souvenirs, de rencontres et de récits qui me
890
dans sa jeunesse, et jamais sans humour), tantôt
des
personnages de l’histoire politique et littéraire d’un passé proche,
891
rsonnages de l’histoire politique et littéraire d’
un
passé proche, nous font passer et repasser sans transition de la pros
892
passer sans transition de la prose à la poésie, d’
un
salon de la Belle Époque éprise d’Art aux bureaux dramatiquement impr
893
dramatiquement improvisés de la naissante Agence
des
prisonniers de guerre, et de l’évocation d’une adolescence parisienne
894
ce des prisonniers de guerre, et de l’évocation d’
une
adolescence parisienne à celle d’une inénarrable incorporation comme
895
’évocation d’une adolescence parisienne à celle d’
une
inénarrable incorporation comme volontaire cycliste en culotte Saumur
896
1914. Sans transition, mais non sans art : après
une
scène nocturne d’un comique insidieux et digne du modèle, où l’on voi
897
n, mais non sans art : après une scène nocturne d’
un
comique insidieux et digne du modèle, où l’on voit Proust lunaire, di
898
istrait et intense à la fois, paraître au seuil d’
un
salon déserté, passé minuit, combien j’aime cet éclat, d’allégresse s
899
d’emporter même le soleil ! » Mais après le monde
des
enfances, entre le monde des lettres et celui de l’action — et l’on d
900
Mais après le monde des enfances, entre le monde
des
lettres et celui de l’action — et l’on dirait ici qu’un nouveau livre
901
tres et celui de l’action — et l’on dirait ici qu’
un
nouveau livre se propose — quelques événements silencieux exigent leu
902
ieux exigent leur durée, leur chapitre : auprès d’
une
jeune fille inconnue, dans une maison de campagne à vendre ; à traver
903
hapitre : auprès d’une jeune fille inconnue, dans
une
maison de campagne à vendre ; à travers un paysage où « l’orage de ma
904
dans une maison de campagne à vendre ; à travers
un
paysage où « l’orage de mai, proche et grondant de foudres mauves, la
905
et grondant de foudres mauves, laisse dans l’air
un
goût de silex » ; seul dans la nuit avec soi-même ; ou devant l’épreu
906
vainement d’ailleurs, sont admirables. L’agence
des
prisonniers Descriptions d’une mémoire ; et ce qu’elle a gardé, et
907
les. L’agence des prisonniers Descriptions d’
une
mémoire ; et ce qu’elle a gardé, et qui revit en ce recueil, va deven
908
ui revit en ce recueil, va devenir par la grâce d’
un
art très sûr un peu de la mémoire de chaque lecteur. Je sais bien les
909
cilement, faites d’atmosphère, de sentiment, et d’
un
regard imaginant. Presque rien n’eût été enregistré par l’objectif (s
910
dentifier historiquement. La création de l’Agence
des
prisonniers de guerre, dès l’automne de 1914. Notre cycliste volontai
911
« avec petite rose jaune au revers laissant voir
un
admirable gilet blanc ») se trouve chargé de deux corbeilles de courr
912
deux corbeilles de courrier affluant vers Genève
des
familles de soldats disparus. « À Genève, pour trouver mon fils » por
913
sparus. « À Genève, pour trouver mon fils » porte
une
enveloppe, en guise d’adresse. Et une autre : « À Gustave Adoré, Genè
914
ils » porte une enveloppe, en guise d’adresse. Et
une
autre : « À Gustave Adoré, Genève. » La marée monte de semaine en sem
915
!) Plus de mille volontaires travaillent bientôt.
Un
jour on annonce à Chenevière et l’on pilote vers lui entre les fichie
916
evière et l’on pilote vers lui entre les fichiers
un
monsieur « frêle et comme frileux malgré un gros pardessus… Finesse d
917
hiers un monsieur « frêle et comme frileux malgré
un
gros pardessus… Finesse d’un visage presque sans couleur, posé sur un
918
comme frileux malgré un gros pardessus… Finesse d’
un
visage presque sans couleur, posé sur un col haut, tout droit, empesé
919
inesse d’un visage presque sans couleur, posé sur
un
col haut, tout droit, empesé. Le regard ne me quittait pas. — Quel tr
920
e et vivait à Villeneuve, réaliste utopique, « en
une
sorte de sérénité meurtrie ». Mussolini et les raisins Plus tar
921
rd, c’est à la veille de l’autre guerre mondiale,
une
délégation du CICR se rend à Rome pour essayer de sauver les blessés
922
ains au bord de la table — où je remarque soudain
une
coupe emplie de beaux raisins pâles. Il tient le menton haut… L’œil e
923
table officielle. Plus du tout cambré, il piquait
des
raisins avec une surprenante prestesse. » Plusieurs chapitres ici ou
924
Plus du tout cambré, il piquait des raisins avec
une
surprenante prestesse. » Plusieurs chapitres ici ou là, et qui se mul
925
rayons du souvenir) rappellent les amis disparus,
un
beau groupe d’écrivains de sa génération : Guy de Pourtalès parmi les
926
vière fut codirecteur), Pierre Girard blotti dans
un
bar ou poussant du pied les feuilles mortes du Molard, Jean-Louis Vau
927
nève et à Paris, sont décrites dans le registre d’
un
comique assez vif, mais l’amitié ou l’émotion président seules aux év
928
alcroze, pour lequel Chenevière a écrit le livret
des
Premiers Souvenirs. Et le passage à Lausanne de Liane de Pougy — deve
929
— devenue mondiale et vraie princesse — est l’un
des
épisodes les plus proustiens du livre. Mais voici beaucoup mieux enco
930
is voici beaucoup mieux encore dans cette veine :
un
des rares longs chapitres du livre raconte avec une légèreté miracule
931
voici beaucoup mieux encore dans cette veine : un
des
rares longs chapitres du livre raconte avec une légèreté miraculeuse
932
n des rares longs chapitres du livre raconte avec
une
légèreté miraculeuse le séjour d’un jeune homme amusé dans un château
933
raconte avec une légèreté miraculeuse le séjour d’
un
jeune homme amusé dans un château près de Strasbourg où l’accueillent
934
miraculeuse le séjour d’un jeune homme amusé dans
un
château près de Strasbourg où l’accueillent gentiment Mélanie et Paul
935
ouleur de beau temps », l’autre fumant sans cesse
des
petits cigares « qu’elle plantait juste au milieu de sa bouche grande
936
rnue et bien peinte », même s’il s’agit seulement
des
robes que leur composait Worth trente ans plus tôt pour un bal de la
937
que leur composait Worth trente ans plus tôt pour
un
bal de la Cour (« Avouez que nous étions un peu rivales… »), s’élève
938
pour un bal de la Cour (« Avouez que nous étions
un
peu rivales… »), s’élève jusqu’au sublime dans la frivolité et touche
939
me dans la frivolité et touche aux ravissements d’
une
poésie pure. Quels sont les secrets de l’écriture qui anime ainsi tan
940
chaleur drôle du Méridional et la retenue parfois
un
peu rêveuse du Genevois, voilà de quoi se fait un style, unique dans
941
un peu rêveuse du Genevois, voilà de quoi se fait
un
style, unique dans nos lettres romandes. Entre le Paul Morand des des
942
e dans nos lettres romandes. Entre le Paul Morand
des
descriptions de la Belle Époque, rapide, aigu, documenté jusqu’au der
943
usqu’au dernier bouton de guêtre, et les ellipses
un
peu nippones des plus récents recueils de Jacques Chardonne, voici un
944
bouton de guêtre, et les ellipses un peu nippones
des
plus récents recueils de Jacques Chardonne, voici un art qui exprime
945
plus récents recueils de Jacques Chardonne, voici
un
art qui exprime son temps avec plus de tendresse, de scrupules et d’h
946
t jeunes filles d’aujourd’hui, j’aimerais dire qu’
un
tel livre transmet quelque chose qui n’a pas de prix : les secrets de
947
se qui n’a pas de prix : les secrets de l’usage d’
une
civilisation. Je l’intitule par-devers moi la précision des sentiment
948
sation. Je l’intitule par-devers moi la précision
des
sentiments. Si vous croyez qu’un sentiment, c’est vague, lisez Jacque
949
oi la précision des sentiments. Si vous croyez qu’
un
sentiment, c’est vague, lisez Jacques Chenevière, vous y découvrirez
950
nt Denis de, « Jacques Chenevière ou la précision
des
sentiments », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne,
951
me qui avait su mettre en œuvre avec vigueur dans
un
désert de rochers rouges, brûlé d’implacables soleils, les puissances
952
n, marquant ainsi l’histoire du Nouveau Monde par
un
éclat « plus clair que mille soleils », cet homme était d’Europe par
953
n, fondateur dans cet autre désert d’El-Amarna, d’
une
cité du Soleil absolu : il en avait la sensitivité, l’ossature délica
954
sens mystique étranger à toute espèce de religion
des
prêtres. « Nous devons être absolument séculiers » insistait-il. Mais
955
it-il. Mais une fois je l’entendis murmurer, avec
un
demi-sourire : « Peut-être suis-je plus chrétien que quiconque… Il fa
956
tout François Villon. Jeune homme, il avait rêvé
un
sonnet en français : il l’écrivit au réveil et le publia dans la peti
957
couter comme personne, tout en vous enveloppant d’
un
regard bleu qui allait interroger au-delà de vous-même. Il avait une
958
allait interroger au-delà de vous-même. Il avait
une
aura, il le savait, un prestige un peu douloureux qu’il portait avec
959
là de vous-même. Il avait une aura, il le savait,
un
prestige un peu douloureux qu’il portait avec juste assez de gaucheri
960
ême. Il avait une aura, il le savait, un prestige
un
peu douloureux qu’il portait avec juste assez de gaucherie pour une i
961
qu’il portait avec juste assez de gaucherie pour
une
impeccable élégance… af. Rougemont Denis de, « J. Robert Oppenheim
962
avril 1968)ag ah La publication de Journal d’
une
époque de Denis de Rougemont constitue, actuellement, l’un des événe
963
Denis de Rougemont constitue, actuellement, l’un
des
événements les plus importants de la vie littéraire. Pour l’élaborati
964
eil, qui groupe Le Paysan du Danube , Journal d’
un
intellectuel en chômage , Journal des deux mondes , l’auteur a entam
965
Journal d’un intellectuel en chômage , Journal
des
deux mondes , l’auteur a entamé une manière de dialogue avec son œuvr
966
ge , Journal des deux mondes , l’auteur a entamé
une
manière de dialogue avec son œuvre, ajoutant aux textes déjà publiés
967
avec son œuvre, ajoutant aux textes déjà publiés
un
bon quart d’inédits. J’ai rencontré Denis de Rougemont dans sa maison
968
pe, de la personne, du langage, de notre univers,
des
avions passant dans le ciel apportaient comme un écho de la planète.
969
des avions passant dans le ciel apportaient comme
un
écho de la planète. Le principal morceau inédit, précise Denis de Rou
970
1932 , qui joint Paysan du Danube et Journal d’
un
intellectuel en chômage . Ce texte reflète un point-charnière dans ma
971
l d’un intellectuel en chômage . Ce texte reflète
un
point-charnière dans ma vie et mes préoccupations. C’est à ce moment-
972
’ai découvert la crise où se trouvait la société.
Des
mouvements comme Esprit, L’Ordre nouveau témoignèrent de cette prise
973
cette prise de conscience. Nous ne partions pas d’
une
insatisfaction de notre sort. Nous pensions que la société où nous vi
974
iété où nous vivions était fichue, qu’on allait à
des
catastrophes, notamment à la guerre : faire la révolution, pour nous,
975
aire la révolution, pour nous, signifiait refaire
un
ordre, là où menaçait la guerre, qui résume toutes les injustices. No
976
es injustices. Nous étions frappés par l’anarchie
des
pays dits démocratiques et par les réactions massives des pays totali
977
dits démocratiques et par les réactions massives
des
pays totalitaires. Nous décelions également, chez la bourgeoisie capi
978
roupement l’Ordre nouveau, nous nous attachions à
une
doctrine très rigoureuse de la personne qui débouchait sur l’idée de
979
de la fédération de l’Europe, liée à la notion d’
une
fédération des régions, concept actuellement repris d’ailleurs, même
980
on de l’Europe, liée à la notion d’une fédération
des
régions, concept actuellement repris d’ailleurs, même par le général
981
’opposition du fascisme et de la démocratie, pour
des
jeunes gens qui voulaient faire la révolution, n’était pas nette. Nou
982
ient Hitler et Mussolini. Quels furent, au niveau
des
faits, les éléments importants de cet automne 1932 ? Beaucoup de chos
983
vue Esprit , le premier numéro de Hic et Nunc ,
une
revue de pensée existentielle que je dirigeais, en collaboration avec
984
n. Quant à Esprit, son premier numéro manifestait
une
tendance plutôt péguyste, à dominante catholique. Quand le premier de
985
c et Nunc parut, Mounier a trouvé que j’y allais
un
peu fort. Nous avons échangé quelques lettres assez vives. Pour ma pa
986
s mouvements, n’ayant jamais voulu être l’homme d’
une
seule secte. Peut-être adoptais-je, sans m’en douter une attitude sui
987
le secte. Peut-être adoptais-je, sans m’en douter
une
attitude suisse, par ma volonté de ménager des intermédiaires entre l
988
er une attitude suisse, par ma volonté de ménager
des
intermédiaires entre les cultures, en faisant connaître, par exemple,
989
sant connaître, par exemple, Barth et Heidegger à
un
public français qui ne les connaissait pas. Pour marquer une différen
990
français qui ne les connaissait pas. Pour marquer
une
différence, je dirai que l’on trouvait, chez Esprit plus de méfiance
991
Nous étions également en relation avec Réaction,
un
mouvement d’extrême droite où se trouvait Thierry Maulnier. En décemb
992
2, la Nouvelle Revue française faisait paraître
un
Cahier de revendications , où s’exprimaient tous les mouvements part
993
où s’exprimaient tous les mouvements partisans d’
une
révolution. En reprenant une vue d’ensemble sur votre œuvre, avez-vou
994
uvements partisans d’une révolution. En reprenant
une
vue d’ensemble sur votre œuvre, avez-vous relevé une évolution quant
995
vue d’ensemble sur votre œuvre, avez-vous relevé
une
évolution quant à votre conception de l’Europe ? Je dirai que dans ce
996
? Je dirai que dans ces journaux, qui ne sont pas
des
mémoires et se tiennent à égale distance de la chronique et du journa
997
que et du journal intime, s’exprime l’évolution d’
une
sensibilité européenne, beaucoup plus que des positions idéologiques.
998
n d’une sensibilité européenne, beaucoup plus que
des
positions idéologiques. Cette sensibilité est assez fréquente en Suis
999
st assez fréquente en Suisse, située à la croisée
des
chemins. C’est ainsi que, Suisse français, je me suis nourri de Goeth
1000
ne connaissaient pas. On peut d’ailleurs repérer
un
filon hölderlinien à travers plusieurs écrivains suisses romands ; pe
1001
s romands ; pensez à Roud et Jaccottet. Il existe
un
filon de romantisme allemand qui nous est très proche et, chose curie
1002
he et, chose curieuse, la langue ne constitue pas
un
barrage. J’ai d’ailleurs toujours, dans ma conception de la liberté,
1003
de la liberté, défendu la théorie de la pluralité
des
allégeances, de même que le droit de faire partie de plusieurs clubs.
1004
cela n’a les mêmes frontières et il se produit là
un
jeu complexe d’exclusions et d’inclusions, qui s’oppose d’une manière
1005
lexe d’exclusions et d’inclusions, qui s’oppose d’
une
manière systématique à toute idée de nationalisme. Il faut multiplier
1006
les. Cette indépendance par rapport au territoire
des
communautés humaines me paraît l’une des grandes nouveautés du xxe s
1007
rritoire des communautés humaines me paraît l’une
des
grandes nouveautés du xxe siècle. Je vois l’homme à la fois cosmopol
1008
né. Je n’ai jamais senti la moindre gêne à être d’
un
pays où j’ai des racines et à me sentir européen. La seule chose inad
1009
is senti la moindre gêne à être d’un pays où j’ai
des
racines et à me sentir européen. La seule chose inadmissible est d’êt
1010
missible est d’être enfermé dans les frontières d’
un
État-nation. « L’orgueil national, a écrit Simone Weil, est loin de l
1011
nne. » Je suis très sensible aux particularités d’
un
pays, d’une région, qu’il s’agisse du monde germanique ou de la Franc
1012
uis très sensible aux particularités d’un pays, d’
une
région, qu’il s’agisse du monde germanique ou de la France. Mainten
1013
ou bien l’on se projette en lui sous le masque d’
une
relation toujours prête à fournir ses preuves d’objectivité. Ou écrir
1014
re vie et de votre œuvre ? Certainement, et c’est
un
mouvement qui se retrouve à tous les niveaux. Je pense qu’il faut mai
1015
s les niveaux. Je pense qu’il faut maintenir dans
un
individu l’exigence spécifique, singulière, d’une vocation et l’exige
1016
un individu l’exigence spécifique, singulière, d’
une
vocation et l’exigence communautaire. Dès 1932, je définissais la per
1017
ni confusion. Dans cette perspective, j’envisage
une
théorie générale du fédéralisme qui irait de la personne à la fédérat
1018
les mains » ou, comme je l’écris dans Journal d’
un
intellectuel en chômage : « La pensée doit conduire l’action : mais
1019
as vraie pensée. » ⁂ Quittant Ferney-Voltaire, où
des
êtres humains, semblables à des millions d’autres, terminent calmemen
1020
rney-Voltaire, où des êtres humains, semblables à
des
millions d’autres, terminent calmement leur journée sous le soleil, j
1021
é de la sagesse, à la fois moderne et profonde, d’
un
maître authentique. Mais la réalité reprend vite ses droits : avant d
1022
senter ma carte d’identité au douanier ! L’Europe
des
politiciens n’est pas encore celle des intellectuels, mais une œuvre
1023
! L’Europe des politiciens n’est pas encore celle
des
intellectuels, mais une œuvre comme celle de Denis de Rougemont est l
1024
ns n’est pas encore celle des intellectuels, mais
une
œuvre comme celle de Denis de Rougemont est là pour nous aider à ne p
1025
. Rougemont Denis de, « [Entretien] Le Journal d’
une
époque », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 6–7
1026
Henri-Charles Tauxe. ai. Il s’agit sans doute d’
une
erreur de transcription : Rougemont se réfère ici à L’Ordre nouveau,
1027
paraître « nouveaux », et ne correspondent pas à
un
poste du budget courant. Ce « réalisme » conduit au marasme ou à la r
1028
marasme ou à la révolution, selon le tempérament
des
peuples. Mais subitement, après les nuits de mai du Quartier latin, c
1029
ie devient nécessité, ce que l’on qualifiait avec
un
sourire indulgent de Zukunftsmusik devient urgence (peut-être même es
1030
ur faire court, je condenserai en quelques thèses
des
réflexions parfois anciennes5 sur le plus actuel des sujets. 1. Qu’es
1031
réflexions parfois anciennes5 sur le plus actuel
des
sujets. 1. Qu’est-ce que l’Université ? À sa naissance, aux xiie et
1032
sa naissance, aux xiie et xiiie siècles, c’est
une
commune autonome, qui assure sa propre police et s’administre elle-mê
1033
me. Elle est formée par la totalité (universitas)
des
maîtres et des élèves, et en même temps elle représente la totalité d
1034
rmée par la totalité (universitas) des maîtres et
des
élèves, et en même temps elle représente la totalité des savoirs acqu
1035
ves, et en même temps elle représente la totalité
des
savoirs acquis et des recherches en cours (universitas scientiarum).
1036
elle représente la totalité des savoirs acquis et
des
recherches en cours (universitas scientiarum). Au sein de cette commu
1037
on la méthode scolastique du sic et non (le débat
des
pour et des contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes
1038
e scolastique du sic et non (le débat des pour et
des
contre) mise à la mode par le maître à penser des jeunes gens de l’ép
1039
des contre) mise à la mode par le maître à penser
des
jeunes gens de l’époque, Abélard. La substance de cette Université es
1040
s, et réussissent à tout savoir.) En fonction d’
un
certain sens de la vie 2. Au sens du mot que je viens de définir,
1041
à décorer de ce nom n’est que la juxtaposition d’
une
quantité variable d’écoles professionnelles, dites facultés, destinée
1042
fessionnelles, dites facultés, destinées à former
des
avocats, des dentistes, des ingénieurs, des financiers, des professeu
1043
, dites facultés, destinées à former des avocats,
des
dentistes, des ingénieurs, des financiers, des professeurs ou des pas
1044
s, destinées à former des avocats, des dentistes,
des
ingénieurs, des financiers, des professeurs ou des pasteurs. Ces écol
1045
ormer des avocats, des dentistes, des ingénieurs,
des
financiers, des professeurs ou des pasteurs. Ces écoles n’ont plus en
1046
s, des dentistes, des ingénieurs, des financiers,
des
professeurs ou des pasteurs. Ces écoles n’ont plus en commun que leur
1047
es ingénieurs, des financiers, des professeurs ou
des
pasteurs. Ces écoles n’ont plus en commun que leur location dans une
1048
coles n’ont plus en commun que leur location dans
une
même ville, leurs services administratifs et leur dépendance financiè
1049
es administratifs et leur dépendance financière d’
un
même État. À part cela, elles n’ont plus rien à se dire, ni au fond r
1050
me et les écoles professionnelles ou facultés ont
des
finalités différentes, presque contradictoires. Les écoles préparent
1051
, presque contradictoires. Les écoles préparent à
des
métiers : elles servent la Production. L’Université devrait préparer
1052
rcherait plutôt les moyens d’adapter la société à
un
certain Sens… 5. Une école doit normalement déboucher sur un job. Ell
1053
moyens d’adapter la société à un certain Sens… 5.
Une
école doit normalement déboucher sur un job. Elle doit donc, comme le
1054
Sens… 5. Une école doit normalement déboucher sur
un
job. Elle doit donc, comme le dit un de nos magistrats, « favoriser u
1055
éboucher sur un job. Elle doit donc, comme le dit
un
de nos magistrats, « favoriser une meilleure connaissance des débouch
1056
c, comme le dit un de nos magistrats, « favoriser
une
meilleure connaissance des débouchés ». Mais le rôle d’une Université
1057
agistrats, « favoriser une meilleure connaissance
des
débouchés ». Mais le rôle d’une Université digne du nom serait plutôt
1058
eure connaissance des débouchés ». Mais le rôle d’
une
Université digne du nom serait plutôt de favoriser de meilleurs débou
1059
sur la connaissance. 6. Celui qui veut apprendre
un
métier pour en vivre n’a que faire de la contestation. Et celui qui e
1060
i qui entend contester la société n’a que faire d’
une
« étude des débouchés ». Cependant, avant de contester la société, il
1061
contester la société n’a que faire d’une « étude
des
débouchés ». Cependant, avant de contester la société, il serait bon
1062
r l’Université, et l’une ne peut se désintéresser
des
problèmes de l’autre. 7. Je propose que l’on traite ces problèmes pa
1063
e du fédéralisme : « La rencontre de l’oreille et
des
bruits. » Définition courante en Suisse mais fausse : le micronationa
1064
nalisme cantonal. Définition juste : l’adaptation
des
moyens aux fins, c’est-à-dire des niveaux de décision aux finalités d
1065
: l’adaptation des moyens aux fins, c’est-à-dire
des
niveaux de décision aux finalités des différentes tâches qu’on se pro
1066
’est-à-dire des niveaux de décision aux finalités
des
différentes tâches qu’on se propose. 9. Le fédéralisme, au contraire
1067
ensions aux étages communautaires correspondants.
Une
école de médecine peut être trop grande pour tel canton, une école po
1068
e médecine peut être trop grande pour tel canton,
une
école polytechnique pour tel autre : elles exigent la coopération de
1069
a dimension continentale, etc. Tous les problèmes
des
écoles professionnelles ou facultés devraient être revus à l’aide de
1070
droit de se réclamer du fédéralisme. 10. Pourquoi
des
universités ? Question universitaire par excellence, et qui définit m
1071
nit même la fonction spécifique de l’Université :
une
école, en effet, ne saurait se la poser. Il faut l’Université parce q
1072
aurait se la poser. Il faut l’Université parce qu’
un
centre de contestation est indispensable à toute société de type euro
1073
u-delà de l’usage prévisible et sans tenir compte
des
« besoins de l’économie »), d’autre part pour orienter la société, c’
1074
chaque discipline ; dans l’autre, on se livrera à
une
perpétuelle mise en question de chaque discipline par les autres (et
1075
terdisciplinaire). 12. Les dimensions optimales d’
un
groupe de recherche sont restées celles d’un studium médiéval : dix à
1076
es d’un groupe de recherche sont restées celles d’
un
studium médiéval : dix à quinze étudiants pour un maître. Ces groupes
1077
un studium médiéval : dix à quinze étudiants pour
un
maître. Ces groupes pouvant se combiner librement et de manières vari
1078
ières variables, en départements, selon la nature
des
recherches. 13. Les cours ex cathedra doivent être conservés : ainsi
1079
nd il s’agit d’exposer les recherches inédites qu’
un
maître est en train de faire et qui peuvent intéresser beaucoup d’étu
1080
. Une fois la recherche terminée et « enseignée »
une
ou deux fois, on remplacera le cours par des groupes de discussion su
1081
ée » une ou deux fois, on remplacera le cours par
des
groupes de discussion sur le texte polycopié et plus tard, publié. 14
1082
sur le texte polycopié et plus tard, publié. 14.
Un
professeur ne devrait pas être et avoir été seulement professeur. Il
1083
sur sa valeur comme praticien, s’il enseigne dans
une
école, et comme créateur intellectuel, s’il enseigne dans une Univers
1084
t comme créateur intellectuel, s’il enseigne dans
une
Université. 15. Les recherches spécialisées en physique, chimie, astr
1085
, chimie, astronomie, etc., sont trop chères pour
une
ville, un canton : la concentration des moyens au niveau national (vo
1086
stronomie, etc., sont trop chères pour une ville,
un
canton : la concentration des moyens au niveau national (voire intern
1087
ères pour une ville, un canton : la concentration
des
moyens au niveau national (voire international) et dans un seul lieu,
1088
au niveau national (voire international) et dans
un
seul lieu, s’impose donc. Au contraire, les recherches interdisciplin
1089
ent s’organiser n’importe où, à la campagne, dans
un
village ou dans une ville. Cependant les unes ont besoin des autres :
1090
mporte où, à la campagne, dans un village ou dans
une
ville. Cependant les unes ont besoin des autres : une certaine mobili
1091
ou dans une ville. Cependant les unes ont besoin
des
autres : une certaine mobilité des chercheurs, enseignants et étudian
1092
ville. Cependant les unes ont besoin des autres :
une
certaine mobilité des chercheurs, enseignants et étudiants est donc i
1093
nes ont besoin des autres : une certaine mobilité
des
chercheurs, enseignants et étudiants est donc indispensable à la vie
1094
ts et étudiants est donc indispensable à la vie d’
une
Université digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu’une tension
1095
ité digne du nom. 16. Il ne faut pas redouter qu’
une
tension s’institue entre écoles professionnelles et Université. Ce qu
1096
de la société et notamment de son industrie. Car
une
société, de même qu’une science ou une technique, dont les principes
1097
ent de son industrie. Car une société, de même qu’
une
science ou une technique, dont les principes ne seraient pas remis en
1098
strie. Car une société, de même qu’une science ou
une
technique, dont les principes ne seraient pas remis en question et «
1099
iversité, dépérirait ou serait balayée. Tandis qu’
une
Université subordonnée à la société, donc privée de liberté dans la c
1100
dans l’imagination, cesserait du même coup d’être
une
Université, et n’aurait plus qu’à disparaître. 17. Une Université dig
1101
niversité, et n’aurait plus qu’à disparaître. 17.
Une
Université digne du nom, dont le rôle serait d’orienter les options f
1102
ons fondamentales de notre société, en fonction d’
un
certain Sens de la vie (à découvrir, assumer, critiquer et rénover sa
1103
énover sans relâche), redeviendrait immédiatement
un
pôle de création et de rayonnement culturel. Ce que ne peuvent être,
1104
(ou facultés) que l’on s’obstine encore à nommer
des
universités. 18. Il ne faut pas détruire ce qui existe — les écoles p
1105
aginer). Par-dessus tout cela, il faut réinventer
une
Université digne du nom. Car sans elle, les écoles professionnelles,
1106
ion. Mon premier livre paru à Paris s’ouvrait par
un
chapitre sur « l’engagement du clerc », sa nécessité et sa vanité, vo
1107
r dans l’esprit du public : on croit bonnement qu’
un
auteur engagé est celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la
1108
n est remis une fois pour toutes à la politique d’
un
parti, quand il s’agit de prendre une position publique. L’engagement
1109
politique d’un parti, quand il s’agit de prendre
une
position publique. L’engagement supposait à mon sens tout le contrair
1110
e mais aimante et, à l’extrême, sacrificielle — d’
une
personne et de sa pensée en corps à corps avec l’époque. « Présence a
1111
disais-je en 1932. Mais on a glissé depuis lors à
un
sens partisan ou militaire du terme. Mon sens était plutôt poétique,
1112
t religieux. De l’intime à l’ultime, il supposait
un
passage obligé par le « proxime », la proximité, le prochain, c’est-à
1113
ité ? ⁂ Responsable est celui qui peut dire, dans
une
situation donnée : j’en réponds ! Mais de quoi l’écrivain comme tel p
1114
on occasionnelle face à l’événement historique qu’
un
écrivain est engagé — ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il
1115
, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écrivain d’
un
côté et l’événement de l’autre, deux objets qu’on pourrait isoler, sé
1116
lui-même événement, et dont l’œuvre ne constitue
une
partie de la réalité qu’il croit décrire quand il l’écrit… ⁂ On ne pe
1117
symbolisée par le nom de Françoise Sagan, ludion
des
moods à la mode, et la limite supérieure par le nom de Franz Kafka, r
1118
tel qu’il se constituait alors dans l’inconscient
des
peuples. Entre ces deux extrêmes, des chroniqueurs du temps comme Fit
1119
inconscient des peuples. Entre ces deux extrêmes,
des
chroniqueurs du temps comme Fitzgerald, Morand, Moravia, Proust, et l
1120
ité offensée, activités et attitudes dominées par
une
volonté viscérale de refus et de négation d’un certain type de sociét
1121
r une volonté viscérale de refus et de négation d’
un
certain type de société, ou de toute société humaine. On peut contest
1122
e, indifférent, mais par le contenu idéologique d’
un
discours dont l’efficacité immédiate suffira. 3. Quant au prophète, q
1123
r) mais s’il la juge et la refuse, c’est au nom d’
une
vision meilleure — qu’il annonce, illustre, anticipe… Bien entendu —
1124
e reconnaître au fait qu’il participe peu ou prou
des
deux autres : reprenez mes exemples. Instaurer ou restaurer une com
1125
: reprenez mes exemples. Instaurer ou restaurer
une
communauté Finalement, ce que la société peut attendre de l’écriva
1126
à sa crise et à l’événement, c’est la donation d’
une
mesure, la création de formes, de concepts, et l’expression de modes
1127
et l’expression de modes de sentir qui donnent «
un
sens plus pur aux mots de la tribu », et instaurent ou restaurent une
1128
x mots de la tribu », et instaurent ou restaurent
une
communauté. Cela comporte bien autre chose que de signer ou même d’éc
1129
e bien autre chose que de signer ou même d’écrire
des
manifestes en faveur des victimes d’un régime et au nom d’un autre ré
1130
d’écrire des manifestes en faveur des victimes d’
un
régime et au nom d’un autre régime qui ferait pire s’il le pouvait. C
1131
es en faveur des victimes d’un régime et au nom d’
un
autre régime qui ferait pire s’il le pouvait. Cela comporte : donner
1132
porte aussi l’éloge et le chant, l’illustration d’
une
communauté et d’une autorité heureuse : « Sur trois grandes saisons m
1133
et le chant, l’illustration d’une communauté et d’
une
autorité heureuse : « Sur trois grandes saisons m’établissant avec ho
1134
t homme qui se veut tel, et l’annonce admirable d’
un
monde équilibré. ak. Rougemont Denis de, « L’écrivain et l’événem
1135
Vers l’Europe
des
régions [Entretien]al am Rentrant d’Amérique après la guerre, j’av
1136
En août 1947 on est venu me demander de parler à
un
congrès de fédéralistes européens à Montreux où j’ai prononcé un disc
1137
édéralistes européens à Montreux où j’ai prononcé
un
discours inaugural : j’étais engagé. Puis j’ai accepté de m’occuper d
1138
e suis beaucoup penché sur ce problème de l’union
des
Européens sur la base d’une unité déjà existante. Je fais une distinc
1139
e problème de l’union des Européens sur la base d’
une
unité déjà existante. Je fais une distinction entre unité et union. L
1140
s sur la base d’une unité déjà existante. Je fais
une
distinction entre unité et union. L’unité existe ou n’existe pas. L’u
1141
pas. L’union est ce que l’on peut bâtir. Non pas
une
uniformité mais un certain mode de contacts organisés. Cette base com
1142
que l’on peut bâtir. Non pas une uniformité mais
un
certain mode de contacts organisés. Cette base commune de culture et
1143
t de civilisation est la condition sine qua non d’
une
union économique et politique. J’ai donc créé le Centre européen de l
1144
tous les mouvements qui se dessinent en faveur d’
une
coopération au niveau culturel. Nous avons réuni pour la première foi
1145
six pays avec le concours de l’Unesco pour créer
un
laboratoire européen de recherches nucléaires. Le CERN a été la réali
1146
ière initiative de notre centre. Nous avons fondé
une
Association des festivals de musique européens que je préside tout à
1147
de notre centre. Nous avons fondé une Association
des
festivals de musique européens que je préside tout à fait par hasard.
1148
érentes universités. Nous avons pris contact avec
des
historiens, des professeurs d’enseignement secondaire, des éditeurs.
1149
tés. Nous avons pris contact avec des historiens,
des
professeurs d’enseignement secondaire, des éditeurs. Nous avons d’aut
1150
riens, des professeurs d’enseignement secondaire,
des
éditeurs. Nous avons d’autre part lancé une Campagne européenne d’édu
1151
aire, des éditeurs. Nous avons d’autre part lancé
une
Campagne européenne d’éducation civique qui cherche à introduire l’an
1152
e repartir toute l’affaire européenne sur la base
des
régions, puisque vingt ans de tentatives de rapprochement n’ont about
1153
obstacle à toute espèce d’union. On ne peut bâtir
une
union de l’Europe sur les obstacles à toute union ! Notre espoir rési
1154
bstacles à toute union ! Notre espoir réside dans
une
politique des régions. Par exemple l’Italie est déjà divisée en dix r
1155
te union ! Notre espoir réside dans une politique
des
régions. Par exemple l’Italie est déjà divisée en dix régions par sa
1156
en 11 Länder ; et maintenant se dessine en France
un
grand mouvement qui vient d’être appuyé par de Gaulle pour diviser le
1157
être appuyé par de Gaulle pour diviser le pays en
un
certain nombre de régions. Je pense qu’on finira par se mettre d’acco
1158
se mettre d’accord assez vite pour la France sur
une
dizaine de régions, plus Paris. Notre idée de fédéralistes européens
1159
s serons colonisés par le dollar et peut-être par
une
certaine idéologie marxiste — quoique cela soit moins sûr. Mais le fa
1160
maîtres de notre destinée économique entraînerait
une
quantité de conséquences sur le plan culturel. Cela entraînerait une
1161
séquences sur le plan culturel. Cela entraînerait
une
chute de potentiel européen considérable, dont finalement le monde en
1162
it les conséquences. L’unification par le système
des
régions paraissait encore parfaitement utopique il y a un an ou deux,
1163
ns paraissait encore parfaitement utopique il y a
un
an ou deux, voire jusqu’au moment où de Gaulle a annoncé sa décision
1164
ision de dissoudre le Sénat pour le remplacer par
une
assemblée élue par les régions. Il y a à ce sujet une importante litt
1165
assemblée élue par les régions. Il y a à ce sujet
une
importante littérature en France qui est le pays le plus concerné par
1166
union mondiale ne sera concevable que s’il existe
une
solide fédération européenne. Ce sera le point d’accrochage d’une org
1167
ation européenne. Ce sera le point d’accrochage d’
une
organisation mondiale. Sans doute d’ici à dix ou quinze ans serons-no
1168
à dix ou quinze ans serons-nous parvenus à créer
des
régions sur une base économique, historique, ethnique — tout cela mêl
1169
ans serons-nous parvenus à créer des régions sur
une
base économique, historique, ethnique — tout cela mêlé à doses variab
1170
et de la vie intellectuelle et auront entre elles
des
liens de toutes natures. Elles constitueront de proche en proche un t
1171
natures. Elles constitueront de proche en proche
un
tissu plus solide que leurs liens avec les États-nations ; ceux-ci pe
1172
ondiaux dépendent en grande partie de la solution
des
problèmes européens, c’est que l’unité du genre humain est une invent
1173
européens, c’est que l’unité du genre humain est
une
invention des Européens. C’est l’Europe chrétienne qui a imaginé l’en
1174
est que l’unité du genre humain est une invention
des
Européens. C’est l’Europe chrétienne qui a imaginé l’ensemble du genr
1175
es plans économique et politique les conséquences
des
options philosophiques et religieuses que l’on croit justes. al. R
1176
Rougemont Denis de, « [Entretien] Vers l’Europe
des
régions », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausanne, 5–6
1177
ux-Petel. Cet entretien, qui prend ici la forme d’
un
long propos rapporté, non d’un échange de questions et de réponses, e
1178
end ici la forme d’un long propos rapporté, non d’
un
échange de questions et de réponses, est introduit par le chapeau sui
1179
pourparlers franco-allemands ont montré l’urgence
des
problèmes européens. À cette occasion nous présentons l’activité de D
1180
ce domaine, et son point de vue recueilli lors d’
une
interview. Denis de Rougemont sera l’un des conférenciers qui parlero
1181
ors d’une interview. Denis de Rougemont sera l’un
des
conférenciers qui parleront cet hiver à Lausanne, invités par la Gaze
1182
Jean Paulhan (19-20 octobre 1968)an
Un
jour que je montai chez Jean Paulhan, ce devait être en 1937, 1938, j
1183
ait encore publié que deux ou trois petits livres
un
peu trop parfaits par l’écriture et la logique, et son autorité se fo
1184
récrivait pas nos textes, mais le style de chacun
des
auteurs de la revue n’eût pas été tout à fait le même sans sa présenc
1185
rise de nos lettres. Il était tout le contraire :
un
maître socratique, indemne de toute secrète volonté de puissance, att
1186
eusement, quitte à les provoquer ou débusquer par
des
questions à l’improviste d’une mystifiante naïveté — comme il lui arr
1187
r ou débusquer par des questions à l’improviste d’
une
mystifiante naïveté — comme il lui arrivait de s’en poser à lui-même,
1188
’en poser à lui-même, et parfois d’y répondre par
un
opuscule. « Ah ! je suis bien déçu, me disait-il un jour. Je me suis
1189
opuscule. « Ah ! je suis bien déçu, me disait-il
un
jour. Je me suis appliqué à relire Cicéron dans l’espoir de le trouve
1190
nuyeux… » (Son humour bref était sans doute aussi
une
façon de couper court aux confidences, plaintes et intrigues qui assi
1191
plaintes et intrigues qui assiègent en permanence
un
directeur.) Chaque jour, d’un large bec de plume, il écrivait sur des
1192
ègent en permanence un directeur.) Chaque jour, d’
un
large bec de plume, il écrivait sur des petites feuilles de papier ve
1193
ue jour, d’un large bec de plume, il écrivait sur
des
petites feuilles de papier vert frappées du monogramme fameux des diz
1194
lles de papier vert frappées du monogramme fameux
des
dizaines de billets de quelques lignes aux collaborateurs de la revue
1195
et pressant, et tout à trac ; comme la reprise d’
un
entretien interrompu par un coup de téléphone. Il dictait à sa femme
1196
; comme la reprise d’un entretien interrompu par
un
coup de téléphone. Il dictait à sa femme les lettres moins intimes. G
1197
s ! J’allais être reçu ! L’on m’invita à la table
des
dieux. Valéry, Gide, Claudel et Saint-John Perse ! Étourdi de bonheur
1198
e rectangulaire aux très grands yeux6. Mais c’est
une
voix étrangement légère et gaie, réchauffée par une pointe d’assent q
1199
e voix étrangement légère et gaie, réchauffée par
une
pointe d’assent qui me lance, à peine passé la porte : « Mais il me s
1200
e passé la porte : « Mais il me semble que depuis
des
années je vous supplie de nous donner des textes ! » Me voici mis à l
1201
depuis des années je vous supplie de nous donner
des
textes ! » Me voici mis à l’aise, et mal à l’aise aussi. Un peu plus
1202
! » Me voici mis à l’aise, et mal à l’aise aussi.
Un
peu plus tard, il me confie, rêveur : « Comme il est difficile, n’est
1203
il se poursuivra dans plusieurs de mes livres, d’
une
manière que je suis seul à connaître. Je m’arrangerai pour y faire fi
1204
es Lettres sur la bombe atomique , que j’écris «
un
œil sur l’Éternel et l’autre sur Jean Paulhan ». Ce qui m’engage à ra
1205
Qu’on me permette au moins de recopier cette page
des
Fleurs de Tarbes où je retrouve l’étonnante liberté de jugement, mais
1206
de l’œuvre entière : Victor Hugo se prenait pour
un
pape, Lamartine pour un homme d’État et Barrès pour un général. Paul
1207
ctor Hugo se prenait pour un pape, Lamartine pour
un
homme d’État et Barrès pour un général. Paul Valéry attend des Lettre
1208
pe, Lamartine pour un homme d’État et Barrès pour
un
général. Paul Valéry attend des Lettres ce qu’un philosophe n’ose pas
1209
tat et Barrès pour un général. Paul Valéry attend
des
Lettres ce qu’un philosophe n’ose pas toujours espérer de la philosop
1210
un général. Paul Valéry attend des Lettres ce qu’
un
philosophe n’ose pas toujours espérer de la philosophie : il veut con
1211
suffirait à Claudel de reformer sur les débris d’
une
société laïque le monde sacral, tel que l’a connu le Moyen Âge. Breto
1212
e Moyen Âge. Breton cependant exige le triomphe d’
une
éthique nouvelle, qui se fonde sur le crime et la merveille. « La poé
1213
ue l’écrivain maintienne au-dessus de l’eau toute
une
civilisation qui sombre. Je ne dis rien d’Alerte : la poésie lui semb
1214
nt du moins.) Les plus modestes de nous attendent
une
religion, une morale, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas
1215
Les plus modestes de nous attendent une religion,
une
morale, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas une joie de l
1216
, et le sens de la vie enfin révélé. Il n’est pas
une
joie de l’esprit que les Lettres ne leur doivent. Et qui pourrait tol
1217
leur doivent. Et qui pourrait tolérer, se demande
un
jeune homme, de n’être pas écrivain ? Cet état « singulier » de notr
1218
au double sens du mot, par la gloire naissante d’
un
jeune aîné qui venait de mon pays ou presque. Un peu plus tard, j’écr
1219
’un jeune aîné qui venait de mon pays ou presque.
Un
peu plus tard, j’écrivais du second roman de Bernard Barbey : Il règ
1220
an de Bernard Barbey : Il règne dans La Maladère
une
étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
1221
La Maladère une étrange harmonie entre le climat
des
sentiments et celui des campagnes désolées où il se développe. Paysag
1222
harmonie entre le climat des sentiments et celui
des
campagnes désolées où il se développe. Paysages tristes et sans viole
1223
t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
des
dehors trop polis. Une fois fermé le livre, on oublie son intrigue et
1224
la justesse de l’analyse pour ne plus évoquer que
des
visions où se condense le sentiment du récit. Dans Le Cœur gros un pa
1225
condense le sentiment du récit. Dans Le Cœur gros
un
parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
1226
Cœur gros un parc avant l’orage, le rose sombre d’
une
joue brûlante et fraîche dans le vent. Dans La Maladère un arbre coup
1227
rûlante et fraîche dans le vent. Dans La Maladère
un
arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
1228
ladère un arbre coupé découvrant le manoir perdu,
des
fumées sur un paysage d’hiver, et soudain, sous la lueur d’un incendi
1229
coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur
un
paysage d’hiver, et soudain, sous la lueur d’un incendie, deux visage
1230
r un paysage d’hiver, et soudain, sous la lueur d’
un
incendie, deux visages tordus de passion. Cette fureur admirable, don
1231
brutalité si longtemps désirée délivre le héros d’
un
passé obsédant, d’une trop plaisante jeunesse.7 On devrait bien rep
1232
s désirée délivre le héros d’un passé obsédant, d’
une
trop plaisante jeunesse.7 On devrait bien republier ces deux romans
1233
, ni commander ensuite l’état-major particulier d’
un
général en chef. Et, tôt après, sans transition, « promouvoir » la pr
1234
n pays, aux dépens de son œuvre personnelle, avec
une
discrétion souriante et merveilleusement attentive. Que pouvait-on re
1235
e », tel serait le résumé proprement helvétique d’
une
carrière qui eût été, en changeant de passeport, celle d’un ambassade
1236
e qui eût été, en changeant de passeport, celle d’
un
ambassadeur de France, d’un général, et de l’un des plus jeunes élus
1237
de passeport, celle d’un ambassadeur de France, d’
un
général, et de l’un des plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’éta
1238
n ambassadeur de France, d’un général, et de l’un
des
plus jeunes élus de l’Académie. Mais là n’était pas son souci ! Et il
1239
e secret, du talent et de l’efficacité. C’est par
des
hommes de cette qualité que vaut la Suisse. 7. « Bernard Barbey :
1240
lvétique (1953) et de La Suisse ou l’histoire d’
un
peuple heureux (1965)
1241
s pour cette raison littéralement fondamentale qu’
une
unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l
1242
quelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’
une
culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’
1243
e. Unité non pas homogène et qui ne résulte pas d’
un
processus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce
1244
au contraire englobe, et compose largement, dans
une
communauté de plus en plus complexe au cours des siècles, des valeurs
1245
une communauté de plus en plus complexe au cours
des
siècles, des valeurs bien souvent antinomiques, provenant d’origines
1246
té de plus en plus complexe au cours des siècles,
des
valeurs bien souvent antinomiques, provenant d’origines multiples, do
1247
les contrastes et les combinaisons entretiennent
des
tensions renouvelées sans répit. Et de là vient l’irrépressible dynam
1248
, nos efforts pour les surmonter par le recours à
des
instances universelles, et toutes les créations qui ne cessent de jai
1249
éenne : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte
des
contraires procède la plus belle harmonie. » ⁂ De ce temps jusqu’au n
1250
nité dans la diversité, et la coexistence féconde
des
contraires. La Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe des
1251
Grèce invente la cité et la fonde sur le paradoxe
des
citoyens à la fois libres et responsables, mais elle invente aussi l’
1252
ue l’Incarnation porte à l’extrême la coexistence
des
contraires, l’impensable définition de la personne de Jésus-Christ co
1253
lles agissent toutes, sans exception, dans la vie
des
hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors
1254
exception, dans la vie des hommes d’aujourd’hui.
Un
seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésias
1255
rêve et le grand thème de la quête aventureuse d’
un
Lancelot et d’un Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l
1256
thème de la quête aventureuse d’un Lancelot et d’
un
Perceval, symbole mystique. Faut-il enfin rappeler l’apport arabe, qu
1257
, qui ne se limite pas au zéro précédant la suite
des
nombres, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amou
1258
récédant la suite des nombres, mais qui est l’une
des
sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on
1259
i cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’
une
manière tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distingue
1260
t, du fait qu’ils n’ont en somme rien de commun !
Un
jour, tandis que je présidais une table ronde du Conseil de l’Europe,
1261
rien de commun ! Un jour, tandis que je présidais
une
table ronde du Conseil de l’Europe, irrité par ce genre d’objections
1262
ar ce genre d’objections à l’union, j’écrivis sur
une
page de bloc-notes « à faire circuler » autour du tapis vert l’essai
1263
end au contraire s’identifier soit avec l’homme d’
une
seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fait partie,
1264
n dans la diversité, et cette forme d’union porte
un
nom bien connu dans l’histoire des régimes politiques, c’est de toute
1265
e d’union porte un nom bien connu dans l’histoire
des
régimes politiques, c’est de toute évidence : fédéralisme.as aq.
1266
union qui réponde à la double exigence du respect
des
diversités et de l’instauration d’une force suffisante pour garantir
1267
du respect des diversités et de l’instauration d’
une
force suffisante pour garantir leur concurrence féconde, dans la paix
1268
tés, pour préserver nos vraies diversités — créer
un
pouvoir fédéral pour la sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonom
1269
nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues
une
à une, si nous refusons l’union qui ferait leur force ; mais en retou
1270
tonomies. Car ces autonomies seront perdues une à
une
, si nous refusons l’union qui ferait leur force ; mais en retour, cet
1271
tour, cette union ne saurait être acquise au prix
des
libertés qu’elle est censée servir. Rien de plus limpide que la déduc
1272
hèse : étant donné que la base de notre unité est
une
culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’une union fédérale.
1273
culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’
une
union fédérale. Ce qui paraît beaucoup plus difficile à expliquer, c’
1274
s son fameux discours de Zurich — qu’il n’y a pas
une
minute à perdre ! Quel est l’obstacle apparemment insurmontable à cet
1275
nisé à cet égard… Qu’est-ce en somme qu’instituer
un
État-nation ? C’est soumettre toute une nation aux pouvoirs absolus d
1276
’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute
une
nation aux pouvoirs absolus de l’État. C’est vouloir faire coïncider
1277
olus de l’État. C’est vouloir faire coïncider sur
un
même territoire, défini par le sort des guerres et aussitôt baptisé «
1278
ncider sur un même territoire, défini par le sort
des
guerres et aussitôt baptisé « sol sacré de la patrie », des réalités
1279
s et aussitôt baptisé « sol sacré de la patrie »,
des
réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raison d’avoir les
1280
logies et les religions, sommées de s’arrêter sur
une
ligne de barbelés électrifiés. C’est livrer sans recours toute l’exis
1281
ne aux seules décisions de bureaux installés dans
une
seule capitale, et interdire toute allégeance des citoyens à des enti
1282
une seule capitale, et interdire toute allégeance
des
citoyens à des entités plus petites (comme les régions) ou plus vaste
1283
ale, et interdire toute allégeance des citoyens à
des
entités plus petites (comme les régions) ou plus vastes (comme une fé
1284
petites (comme les régions) ou plus vastes (comme
une
fédération continentale). À l’intérieur de ses frontières, qu’il décl
1285
. À l’extérieur, il refuse toute union, alléguant
une
indépendance et une souveraineté absolues aussi peu défendables en dr
1286
refuse toute union, alléguant une indépendance et
une
souveraineté absolues aussi peu défendables en droit qu’elles devienn
1287
à l’échelle mondiale ; trop grand pour permettre
une
participation civique réelle ; et sans correspondance autre qu’accide
1288
avec aucun espace économique défini par la nature
des
choses ou par un projet rationnel. Or voici l’ironie tragique de notr
1289
économique défini par la nature des choses ou par
un
projet rationnel. Or voici l’ironie tragique de notre histoire : c’es
1290
samment, je crois, pourquoi l’on n’a pas avancé d’
un
centimètre en direction de notre union politique. Entre l’union de l’
1291
e l’Europe et les États-nations sacralisés, entre
une
nécessité humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe,
1292
s-nations sacralisés, entre une nécessité humaine
des
plus concrètes et le culte prolongé d’un mythe, il faut choisir. Pour
1293
humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’
un
mythe, il faut choisir. Pour la première fois dans son histoire, l’ho
1294
éellement, principalement, et contraints de tirer
des
plans en conséquence. Voulons-nous par exemple à tout prix notre nive
1295
quantitatif — ou plutôt voulons-nous sauvegarder
un
certain mode de vie, qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix
1296
u PNB (produit national brut) — ou plutôt recréer
un
habitat décent, une communauté vivante ? Et quel prix sommes-nous prê
1297
onal brut) — ou plutôt recréer un habitat décent,
une
communauté vivante ? Et quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela
1298
ela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’
un
confort toujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous le
1299
et de la technique. Et ils les forcent à reposer
des
questions difficiles, voire angoissantes sur le sens même de la vie…
1300
voire angoissantes sur le sens même de la vie… D’
une
façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union au
1301
ra pour but la puissance collective ou la liberté
des
personnes. Il nous faut le décider, en toute conscience, et vite, car
1302
car le choix de la fin implique évidemment celui
des
moyens adéquats ; mais à l’inverse, si vous vous trompez de moyens, i
1303
la puissance industrielle et militaire massive d’
une
sorte de troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête aux d
1304
e tenir tête aux deux autres, alors il faut créer
un
super-État-nation continental, uniformisé, centralisé et agressif, co
1305
autant de départements. Il faut tout unifier par
des
lois inflexibles, sans égard aux diversités ethniques et régionales,
1306
lle du PNB — cette tour de Babel du xxe siècle !
Une
politique européenne de ce type, simple transposition de la formule d
1307
tinentale, serait capable sans nul doute de créer
une
Europe très forte, mais qui serait très peu européenne. Sans compter
1308
s qui serait très peu européenne. Sans compter qu’
un
super-État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à la
1309
t être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’
une
guerre générale — selon la loi de l’État-nation dès ses débuts. Il s’
1310
de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’
une
utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne saurait être exclu
1311
re les plus grandes possibilités d’épanouissement
des
personnes, de participation des citoyens et d’autonomie des communaut
1312
d’épanouissement des personnes, de participation
des
citoyens et d’autonomie des communautés (la production industrielle n
1313
nes, de participation des citoyens et d’autonomie
des
communautés (la production industrielle n’étant qu’un des moyens de c
1314
ommunautés (la production industrielle n’étant qu’
un
des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-nat
1315
unautés (la production industrielle n’étant qu’un
des
moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-nation
1316
reconnaître que l’État-nation n’est pas seulement
un
modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui radicalement incomp
1317
méthodes les plus propres à réduire l’obstruction
des
stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de const
1318
e consacrer sérieusement à la tâche de construire
des
modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homme. Il faut mett
1319
t à la tâche de construire des modèles neufs pour
une
cité rendue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échell
1320
mais rien de plus. Il faut admettre la pluralité
des
allégeances, civiques, politiques, culturelles, idéologiques et relig
1321
le régional, le fédéral — indiqués par la nature
des
tâches, leurs dimensions et celles de la communauté la plus apte à le
1322
la communauté la plus apte à les administrer. En
un
mot, il faut appliquer la méthode du fédéralisme. Puissance ou libert
1323
ptatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls,
des
Européens, rares mais exemplaires, ont osé proclamer, d’Aristote à Ro
1324
ités de l’union. Mais je ne crois pas qu’il y ait
un
tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante confédératio
1325
eraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale
des
misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États-nations. O
1326
fier leur sacré, de percer leurs frontières comme
des
écumoires, de narguer ces frontières sur terre, sous terre et dans le
1327
sous terre et dans les airs, et de ne pas perdre
une
occasion de faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont e
1328
vements de personnes, la concertation rationnelle
des
productions industrielles et agricoles. Mais elles ne servent absolum
1329
mpêtes et les épidémies, la pollution de l’air et
des
fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et les gr
1330
mplement de bien traiter ces problèmes. Ce statut
des
frontières, doublement déficient, est caractéristique de tout ce qui
1331
, se trouvent vraiment former, comme par miracle,
des
entités économiques intelligibles. Je ne sais si les problèmes profon
1332
s », en dépit des manuels scolaires, il n’y a que
des
divisions tout arbitraires opérées dans l’ensemble vivant de la cultu
1333
majesté de l’État ». Mais non ! L’État n’est pas
un
dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être m
1334
Mais non ! L’État n’est pas un dieu, ce n’est qu’
un
appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service des cit
1335
s ou moins efficace, qui doit être mis au service
des
citoyens et de leurs cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs
1336
i vous osiez marcher. Je propose la convocation d’
une
conférence du désarmement étatique des nations. À l’aspect négatif de
1337
vocation d’une conférence du désarmement étatique
des
nations. À l’aspect négatif de ses travaux, elle ajouterait l’étude o
1338
’étude on ne peut plus positive de la renaissance
des
régions. Il faut défaire et dépasser l’État-nation. En instaurant les
1339
différents niveaux de décision où il peut servir
une
entité vivante, civique, économique ou culturelle, et être contrôlé p
1340
pements de régions jusqu’au niveau européen ; là,
des
agences fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles, seront char
1341
de Bruxelles, seront chargées de la concertation
des
grandes tâches d’intérêt public, tâches politiques au sens originel d
1342
pas de relations ou d’affaires étrangères : c’est
un
mot qu’il nous faut bannir du vocabulaire politique dans une Europe f
1343
il nous faut bannir du vocabulaire politique dans
une
Europe fédérale, au seuil de l’ère du monde uni. Voilà donc le modèle
1344
fédéraliste de la Cité européenne : la complexité
des
régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la
1345
t, bien sûr : on ne fera pas l’Europe sans casser
des
œufs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Mais il l’est moins parce
1346
on dépasse les États-nations que parce qu’il pose
une
hiérarchie nouvelle des finalités politiques. Donner comme but de la
1347
ions que parce qu’il pose une hiérarchie nouvelle
des
finalités politiques. Donner comme but de la Cité européenne la liber
1348
e la Cité européenne la liberté non la puissance,
un
mode de vie qualitatif, non pas un « niveau de vie » déterminé en ter
1349
la puissance, un mode de vie qualitatif, non pas
un
« niveau de vie » déterminé en termes de profit et de PNB, c’est pass
1350
la mise en question du sens même de nos vies, et
des
vrais buts de nos activités communautaires et personnelles. Si sérieu
1351
lait, du blé ou du vin, il est clair que l’Europe
des
marchandages entre économies étatiques ne peut pas entraîner d’adhési
1352
s gens d’aujourd’hui ne seront pas convaincus par
des
avantages matériels : ils sont presque comblés à cet égard. Ce qui le
1353
égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’est
un
but transcendant, c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n
1354
e plus durement, c’est un but transcendant, c’est
un
sens de la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’
1355
t que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi
des
raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeu
1356
ir le modèle. Si l’on me dit maintenant que c’est
une
utopie que de vouloir dépasser l’État-nation, je réponds que c’est au
1357
rande tâche politique de notre temps. Précisons :
des
vingt ans qui viennent. Car à ce prix seulement nous ferons l’Europe,
1358
ons pour toute l’humanité, nous lui devons cela !
Une
Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus ri
1359
is de, « Le discours de l’Université de Bonn II —
Un
programme révolutionnaire : donner un sens à la vie », Gazette de Lau
1360
e Bonn II — Un programme révolutionnaire : donner
un
sens à la vie », Gazette de Lausanne (supplément littéraire), Lausann
1361
Une
réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie (2 juin
1362
Les Suisses sont sans doute les moins xénophobes
des
Européens, et les étrangers sont venus chez eux depuis des siècles en
1363
éens, et les étrangers sont venus chez eux depuis
des
siècles en plus grand nombre relatif que partout ailleurs, touristes,
1364
roblème actuel se trouve posé par la soudaineté d’
un
afflux qui prend l’allure d’un raz de marée, et par le motif principa
1365
ar la soudaineté d’un afflux qui prend l’allure d’
un
raz de marée, et par le motif principal de cet afflux, qui n’est pas
1366
flux, qui n’est pas d’admirer nos lacs ni de fuir
des
dictatures, mais de faire du « fric ». Or ce motif est le même des de
1367
ais de faire du « fric ». Or ce motif est le même
des
deux côtés : pour eux, gagner vite et rentrer, pour nous, produire pl
1368
tions que vous avez bien voulu me poser : — Dans
une
Europe fédérée telle que vous la concevez, chaque État peut-il conser
1369
ituelle et culturelle malgré la libre circulation
des
travailleurs intellectuels et manuels ? — La notion d’« helvéticité »
1370
helvéticité » est-elle menacée par la présence d’
une
nombreuse main-d’œuvre étrangère en Suisse ? Permettez-moi de confes
1371
s celui du oui ou du non, que celui de la qualité
des
arguments invoqués de part et d’autre, et des suites qu’entraîneront
1372
ité des arguments invoqués de part et d’autre, et
des
suites qu’entraîneront les attitudes réelles de ceux qui les invoquen
1373
uent. C’est dans cet esprit que je vais esquisser
une
réponse. Le beurre et l’argent du beurre I. L’argument européen
1374
initiative Schwarzenbach risque fort de recouvrir
un
sophisme chez la plupart de ceux qui viennent de le découvrir. Ils no
1375
ères économiques et intégrer nos entreprises dans
une
économie concertée à l’échelle continentale (comme peuvent le faire l
1376
ntale (comme peuvent le faire les cinquante États
des
USA), alors, l’argument de la concurrence étrangère à laquelle « l’éc
1377
» ne pourrait « résister » que grâce à l’appoint
des
travailleurs étrangers, cet argument se détruit lui-même : car dans u
1378
gers, cet argument se détruit lui-même : car dans
une
Europe intégrée, il n’y a plus « d’économie suisse », il y a seulemen
1379
’y a plus « d’économie suisse », il y a seulement
une
économie européenne. Mais si « s’ouvrir à l’Europe » signifie seuleme
1380
, cela revient, paradoxalement, à s’enfermer dans
un
concept d’économie « nationale », par définition non intégrée. On ne
1381
États-nations ne peuvent pas avoir en même temps
une
balance commerciale positive !) De fait, l’ouverture du Marché commun
1382
uverture du Marché commun n’a nullement déclenché
un
raz de marée de main-d’œuvre italienne en France, par exemple, en dép
1383
s’ils sont en quelque sorte recrutés, à l’instar
des
soldats du service étranger de jadis. La conception du monde selon la
1384
lon laquelle les hommes obéiraient spontanément à
un
« argyrotropisme », c’est-à-dire suivraient avant tout les routes du
1385
. Quant au danger que la présence sur notre sol d’
un
étranger contre cinq ou six Suisses représenterait pour notre mode de
1386
s sérieux. L’argument ne vaut rien, mais en cache
un
meilleur. À part beaucoup d’irritations, quelques bagarres et quelque
1387
és et dans nos mœurs. Je n’en dirais pas autant d’
une
industrie dont l’essor défigure nos paysages, détruit nos forêts et n
1388
forêts et nos champs, pollue nos lacs et déverse
un
flot de ciment, d’agglomérés et de plastique sur « le visage aimé de
1389
e la patrie ». Les soldats gardent aux frontières
un
« sol sacré » que les usines et les traxs derrière leur dos profanent
1390
épasse très largement tout ce qui peut résulter d’
un
refus ou d’une acceptation de l’initiative. Le fabuleux brain stormin
1391
rgement tout ce qui peut résulter d’un refus ou d’
une
acceptation de l’initiative. Le fabuleux brain storming collectif qu’
1392
collectif qu’a déclenché le député zurichois sera
des
plus utiles aux Suisses s’il les amène à se poser — bien au-delà du 7
1393
antes : — La croissance indéfinie du PNB est-elle
une
obligation sacrée, donc indiscutable, ou faut-il la subordonner à d’a
1394
rsaires de l’initiative (« on ne peut pas chasser
des
frères humains ») serait-elle encore invoquée si la présence des trav
1395
ins ») serait-elle encore invoquée si la présence
des
travailleurs étrangers nous coûtait plus qu’elle ne rapporte ? — La p
1396
nom de valeurs bien plus matérialistes que celles
des
marxistes redoutés ou des Américains enviés ? av. Rougemont Denis
1397
atérialistes que celles des marxistes redoutés ou
des
Américains enviés ? av. Rougemont Denis de, « Une réflexion sur l
1398
Américains enviés ? av. Rougemont Denis de, «
Une
réflexion sur le mode de vie plutôt que sur le niveau de vie », Gazet
1399
juin 1970, p. 16. aw. L’article prend place dans
un
numéro spécial annexé à cette édition, sur « Les travailleurs étrange
1400
grité de l’État dans l’Europe fédérée et notion d’
une
“helvéticité” menacée ? — Denis de Rougemont nous suggère ses réflexi
1401
Charles de Gaulle aura été le dernier monarque d’
une
France qui n’a rien préféré à l’amour de son roi, sinon le plaisir de
1402
n exil. Mais j’ai tort de dire France : il s’agit
des
Français, et de Gaulle a toujours distingué. Toute ma vie, je me sui
1403
oujours distingué. Toute ma vie, je me suis fait
une
certaine idée de la France… vouée à une destinée éminente et exceptio
1404
suis fait une certaine idée de la France… vouée à
une
destinée éminente et exceptionnelle… S’il advient que la médiocrité m
1405
ses faits et gestes, [c’est] imputable aux fautes
des
Français, non au génie de la patrie. Phrase de passionné et non de d
1406
la France, et il est près de le dire dans plus d’
une
page de ses Mémoires, et pas seulement dans ces célèbres premières ph
1407
es phrases où il l’a peinte « telles la princesse
des
contes ou la madone des fresques… créée pour des succès achevés ou de
1408
nte « telles la princesse des contes ou la madone
des
fresques… créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires »
1409
des contes ou la madone des fresques… créée pour
des
succès achevés ou des malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée
1410
ne des fresques… créée pour des succès achevés ou
des
malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, dans son exil
1411
et de la Cour, de nouveau, écœuré par l’intrigue
des
« barons félons » (son premier départ volontaire, en 1946). Certes, i
1412
plus fort que le roi Marc —, n’a-t-il pas déposé
une
épée symbolique ? » J’écrivais cela en 1961, annonçant un second retr
1413
ut le prétexte allégué : l’instauration en France
des
régions, qu’il proposa solennellement, et à quoi il choisit de lier s
1414
nellement, et à quoi il choisit de lier son sort.
Un
suicide politique, dirent les observateurs. Mais ici le personnage pr
1415
age prend ses vraies dimensions qui sont celles d’
une
glorieuse ambiguïté et d’un tragique malentendu entre « de Gaulle »,
1416
ns qui sont celles d’une glorieuse ambiguïté et d’
un
tragique malentendu entre « de Gaulle », comme il disait, et cette Eu
1417
i juré de l’Europe « intégrée », était en réalité
un
fédéraliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier d’un Français hér
1418
raliste ! (Mais le mot ne peut passer le gosier d’
un
Français héritier de Louis XIV, des jacobins et de Napoléon.) Il m’éc
1419
er le gosier d’un Français héritier de Louis XIV,
des
jacobins et de Napoléon.) Il m’écrivait en 1962 à propos de mes Ving
1420
texte tous ces écrits à travers lesquels, au long
des
siècles, s’est manifestée l’idée d’Europe, ce sont les cheminements d
1421
si parce que nos efforts actuels, en vue de bâtir
une
union des peuples européens, qui respecte le caractère original de ch
1422
ue nos efforts actuels, en vue de bâtir une union
des
peuples européens, qui respecte le caractère original de chacun et le
1423
e mythe et l’avenir : ce dernier paladin de l’ère
des
Nations a choisi délibérément de se faire écarter du pouvoir en liant
1424
e Marché commun. Ce hasard marquera-t-il la fin d’
une
certaine Europe, le début d’une autre ? Nous avons demandé à Denis de
1425
era-t-il la fin d’une certaine Europe, le début d’
une
autre ? Nous avons demandé à Denis de Rougemont ce qu’il pensait de l
1426
rs contemporains, c’était vers 1925, sur le ton d’
un
gangster qui demande la clé de la caisse. Nulle part peut-être mieux
1427
ivations. Les écrivains ont développé contre elle
une
série de réactions de mauvaise foi protectrice, ou de « rationalisati
1428
trente-six raisons d’écrire. Ils ont milité pour
des
causes. Ils ont même inventé la notion de l’engagement, dans les anné
1429
ucoup plus tard, essayant de répondre à l’attente
des
interviewers, on met au point quelques demi-mensonges, l’important es
1430
ocence de mes débuts dans l’écriture. Écrire est
une
démangeaison que l’on calme en grattant du papier. C’est à peu près a
1431
e l’élan du désir, ou de la prière, et cela tient
des
deux, probablement. C’est aussi un effet du besoin d’imiter ce qui, d
1432
et cela tient des deux, probablement. C’est aussi
un
effet du besoin d’imiter ce qui, dans un poème ou une pensée, vient d
1433
st aussi un effet du besoin d’imiter ce qui, dans
un
poème ou une pensée, vient d’éveiller en vous une émotion : pour la p
1434
effet du besoin d’imiter ce qui, dans un poème ou
une
pensée, vient d’éveiller en vous une émotion : pour la prolonger, la
1435
un poème ou une pensée, vient d’éveiller en vous
une
émotion : pour la prolonger, la faire vôtre, et rejoindre l’auteur qu
1436
a révélée — pour devenir aussi admirable aux yeux
des
autres qu’il est admiré par vous-même, vous essayez d’écrire comme lu
1437
ré par vous-même, vous essayez d’écrire comme lui
des
vers, un récit, des pensées, une confession. Au début, je trouve donc
1438
s-même, vous essayez d’écrire comme lui des vers,
un
récit, des pensées, une confession. Au début, je trouve donc cette sé
1439
us essayez d’écrire comme lui des vers, un récit,
des
pensées, une confession. Au début, je trouve donc cette série : émoti
1440
écrire comme lui des vers, un récit, des pensées,
une
confession. Au début, je trouve donc cette série : émotion, allergie
1441
pour dire quelque chose à quelqu’un, au public d’
une
revue littéraire ou à toute une nation par la TV. C’est le pour quoi
1442
u’un, au public d’une revue littéraire ou à toute
une
nation par la TV. C’est le pour quoi qui devient alors le vrai pourqu
1443
d’abord sans cause, je ne saurais pas écrire pour
une
cause. Si l’on n’a pas d’abord écrit pour rien, pour le plaisir, à ca
1444
cause de la démangeaison, on ne deviendra jamais
un
écrivain en écrivant pour tel usage bien défini, pour tel objet tout
1445
la pensée en train de se former par écrit : vote
des
femmes ou guerre du Vietnam, par exemple, mais pas l’Europe, puisque
1446
exemple, mais pas l’Europe, puisque l’Europe est
une
création continue de la pensée proprement poétique, l’horizon qui se
1447
rapport à notre progrès. ⁂ Ce n’est qu’au début d’
une
carrière que l’on écrit par pure envie d’écrire. Et je ne dis pas que
1448
lus seul discernable, tout mêlé qu’il se trouve à
des
courants violents chargés de matériaux littérairement impurs. Une imm
1449
lents chargés de matériaux littérairement impurs.
Une
immédiate nécessité motive la main à la plume : j’écris désormais sur
1450
ur commande non seulement de mes émotions, mais d’
un
discours, d’un livre, d’un article qu’il s’agit de donner à date fixe
1451
seulement de mes émotions, mais d’un discours, d’
un
livre, d’un article qu’il s’agit de donner à date fixe — et de tout c
1452
e mes émotions, mais d’un discours, d’un livre, d’
un
article qu’il s’agit de donner à date fixe — et de tout ce qu’il faut
1453
manière d’enregistrer la poésie dans l’existence.
Un
paysage me met en quête d’une mélodie, d’un contrepoint de mots ou d’
1454
ie dans l’existence. Un paysage me met en quête d’
une
mélodie, d’un contrepoint de mots ou d’une couleur tonale. Un événeme
1455
ence. Un paysage me met en quête d’une mélodie, d’
un
contrepoint de mots ou d’une couleur tonale. Un événement me dicte un
1456
uête d’une mélodie, d’un contrepoint de mots ou d’
une
couleur tonale. Un événement me dicte une page qui change ma vie — ce
1457
d’un contrepoint de mots ou d’une couleur tonale.
Un
événement me dicte une page qui change ma vie — cette page et non pas
1458
ts ou d’une couleur tonale. Un événement me dicte
une
page qui change ma vie — cette page et non pas l’événement. Je cherch
1459
e — cette page et non pas l’événement. Je cherche
un
sens. J’écris pour chercher le sens au bout du compte. Un sens qui ne
1460
J’écris pour chercher le sens au bout du compte.
Un
sens qui ne peut être défini que par le tout — que pas un scientifiqu
1461
qui ne peut être défini que par le tout — que pas
un
scientifique n’appréhende et par suite ne saurait nier, et qui est au
1462
crie, et je lui crie d’abord qu’elle devrait être
une
autre pour que je n’y sois plus seulement un moi contre elle, mais qu
1463
tre une autre pour que je n’y sois plus seulement
un
moi contre elle, mais que [je] m’y perde et m’y donne. Quand je saura
1464
j’aurai rejoint ma fin, qui est de me former sur
une
pensée vécue dans l’écriture. Au terme de mes livres, où figure le mo
1465
se (31 juillet-1er août 1971)ba Nous souffrons
des
clichés ridicules qui composent l’image de la Suisse à l’étranger, pe
1466
pendules à coucou, trous dans le gruyère, secret
des
banques, et les arts réduits, paraît-il, à celui de ne pas se mouille
1467
capables de le dire ? Alors on court interviewer
des
étrangers : quelle est à leurs yeux notre image ? Ils nous renvoient
1468
répondait : « Le fédéralisme est pour votre pays
une
bonne solution. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit généralisable. »
1469
vise que le fédéralisme n’a jamais été ni pu être
une
« solution » aux problèmes de la Suisse, pour la simple raison qu’il
1470
’est rien hors du fédéralisme. Elle n’est rien qu’
un
régime d’union. Dans leur très grande majorité — 98 % exactement — le
1471
ses d’aujourd’hui ne descendent en aucune manière
des
trois Waldstätten primitifs. Et pas un seul des autres cantons n’a ja
1472
e manière des trois Waldstätten primitifs. Et pas
un
seul des autres cantons n’a jamais adhéré au Pacte dit du Grütli, qui
1473
e des trois Waldstätten primitifs. Et pas un seul
des
autres cantons n’a jamais adhéré au Pacte dit du Grütli, qui ne porte
1474
tique, de quoi s’agit-il ? Ni de l’anniversaire d’
une
dynastie — les Zähringen et les Kibourg sont éteints depuis des siècl
1475
les Zähringen et les Kibourg sont éteints depuis
des
siècles, les Habsbourg émigrés — ni l’anniversaire de la fondation d’
1476
urg émigrés — ni l’anniversaire de la fondation d’
un
État ou de la signature d’une Constitution, car ces deux choses ne da
1477
re de la fondation d’un État ou de la signature d’
une
Constitution, car ces deux choses ne datent chez nous que de 1848. Ce
1478
que de 1848. Ce que nous célébrons, c’est en fait
une
idée, qui est l’essence de la Suisse et qui a déterminé son existence
1479
ait censée devoir naître de l’alliance impossible
des
quelque vingt-cinq États nationaux du continent, tous plus souverains
1480
souverains les uns que les autres. La Suisse est
une
authentique fédération dans la mesure où elle s’est formée par la lib
1481
omie ; et à cette fin, décidant la mise en commun
des
tâches publiques trop lourdes pour chacun mais réalisables par tous —
1482
ches communes, le Conseil fédéral n’est nullement
une
émanation des cantons, mais le collège de chefs des Agences fédérales
1483
le Conseil fédéral n’est nullement une émanation
des
cantons, mais le collège de chefs des Agences fédérales spécialisées
1484
e émanation des cantons, mais le collège de chefs
des
Agences fédérales spécialisées par leur fonction : finances, économie
1485
protestant, de langue française, au même titre qu’
un
Schwyzois catholique de dialecte allemand, qu’un yodleur des Rhodes-I
1486
’un Schwyzois catholique de dialecte allemand, qu’
un
yodleur des Rhodes-Intérieures, qu’un Tessinois ou qu’un Grison roman
1487
is catholique de dialecte allemand, qu’un yodleur
des
Rhodes-Intérieures, qu’un Tessinois ou qu’un Grison romantsch, avec l
1488
llemand, qu’un yodleur des Rhodes-Intérieures, qu’
un
Tessinois ou qu’un Grison romantsch, avec lesquels je puis très bien
1489
eur des Rhodes-Intérieures, qu’un Tessinois ou qu’
un
Grison romantsch, avec lesquels je puis très bien n’avoir rien en com
1490
même. Telle étant la réalité proprement suisse :
une
idée, une formule d’union qui fut au xiiie siècle celle de trois com
1491
le étant la réalité proprement suisse : une idée,
une
formule d’union qui fut au xiiie siècle celle de trois communes du G
1492
cicatrices de l’histoire », bornées par le hasard
des
armes. Mais alors, me dit-on, si la fédération s’étend de proche en p
1493
erdre ? — C’est oublier ce qu’est la Suisse. Dans
une
Europe unie, loin de se perdre, elle se retrouverait agrandie, prolon
1494
là de ce qu’elle fut au Grütli, berceau mythique.
Une
idée se perd-elle en se généralisant, et une formule d’union en fécon
1495
que. Une idée se perd-elle en se généralisant, et
une
formule d’union en fécondant des unions toujours plus nombreuses ? Ce
1496
généralisant, et une formule d’union en fécondant
des
unions toujours plus nombreuses ? Ceux qui ont peur que la Suisse se
1497
s ? Ceux qui ont peur que la Suisse se perde dans
une
Europe fédéraliste montrent par là qu’ils ne savent pas ce qu’est la
1498
e savent pas ce qu’est la Suisse. Écoutons plutôt
un
grand Zurichois du siècle passé, le juriste J.-C. Bluntschli, qui écr
1499
i écrivait en 1875 : La Suisse a émis et réalisé
des
idées et des principes qui seront un jour destinés à assurer la paix
1500
1875 : La Suisse a émis et réalisé des idées et
des
principes qui seront un jour destinés à assurer la paix en Europe… Si
1501
et réalisé des idées et des principes qui seront
un
jour destinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal de l’avenir s
1502
re. S’évanouir dans le succès de notre idée et d’
une
formule d’union qui est notre raison d’être, ne serait-ce pas le sort
1503
ions souhaiter en tant que Suisse ? Dans l’Europe
des
régions que j’appelle et prépare, dans l’Europe des foyers rayonnants
1504
s régions que j’appelle et prépare, dans l’Europe
des
foyers rayonnants sans frontières, rien ne nous empêchera, Suisses de
1505
tons, de rester ensemble et de continuer à former
une
communauté : celle des gardiens de l’idée mère. Si nous le désirons v
1506
e et de continuer à former une communauté : celle
des
gardiens de l’idée mère. Si nous le désirons vraiment, si nous le vou
1507
alors les vrais Suisses. « Et s’il n’en reste qu’
un
… », disait Victor Hugo, reprenant un vers de Corneille. 8. Il s’ag
1508
’en reste qu’un… », disait Victor Hugo, reprenant
un
vers de Corneille. 8. Il s’agit d’une interview de M. Raymond Aron
1509
reprenant un vers de Corneille. 8. Il s’agit d’
une
interview de M. Raymond Aron, publiée dans la Gazette de Lausanne des
1510
Raymond Aron, publiée dans la Gazette de Lausanne
des
3-4 juillet. (Réd.) ba. Rougemont Denis de, « Au défi de l’Europe,
1511
Une
dimension nouvelle (11-12 septembre 1971)bb À plus d’une reprise,
1512
ion nouvelle (11-12 septembre 1971)bb À plus d’
une
reprise, l’occasion d’exprimer mon admiration pour « C. J. B. » me fu
1513
nnaissance. Mais je gardais pour cet anniversaire
un
éloge dont tout me faisait craindre qu’il fût de nature — si plus tôt
1514
à desservir la bonne réputation de notre ami dans
un
pays égalitaire. Aujourd’hui je ne reculerai plus, les jeux sont fait
1515
dimension princière. bb. Rougemont Denis de, «
Une
dimension nouvelle : Carl Burckhardt », Gazette de Lausanne (suppléme
1516
)bc bd Certains pédagogues, pour ne pas parler
des
autorités scolaires, n’ont apprécié qu’à demi la réédition des Méfait
1517
scolaires, n’ont apprécié qu’à demi la réédition
des
Méfaits, soit qu’ils se sentent attaqués dans leur conscience profess
1518
s maîtres, et ils ont toute mon amitié. J’ai reçu
une
lettre, récemment, où une dame me reproche mon mépris à l’égard des i
1519
e mon amitié. J’ai reçu une lettre, récemment, où
une
dame me reproche mon mépris à l’égard des instituteurs. Or rien n’est
1520
ez. » Vos critiques semblent s’adresser surtout à
un
système scolaire très centralisé, comme le système français. Convienn
1521
suisse, où l’instruction publique est du ressort
des
cantons ? Mais en 1929 je parlais de mon expérience. Elle était tout
1522
me en Suisse. Et même pire. Vous donnez à l’école
un
poids déterminant, presque totalitaire, dans la formation des hommes…
1523
terminant, presque totalitaire, dans la formation
des
hommes… L’école publique a été jusqu’à présent le moyen de formation
1524
oyen de formation le plus fort. Elle a prétendu à
un
monopole de l’éducation, contre l’Église et contre la famille. Cet ét
1525
naliser l’enseignement. Quel sens peut avoir pour
un
enfant l’histoire suisse, s’il ignore celle de sa région ? À Couvet,
1526
de l’histoire de ma propre vallée… La nation est
un
concept artificiel qui ne repose sur aucune réalité fondamentale. Il
1527
y a la région, réalité tangible, cadre de la vie
des
élèves ; il y a l’Europe — l’ancienne christianitas — réalité culture
1528
ie, l’écologie, l’économie — l’économie doit être
une
des branches principales des programmes — dans ces dimensions-là. Pas
1529
l’écologie, l’économie — l’économie doit être une
des
branches principales des programmes — dans ces dimensions-là. Passer
1530
l’économie doit être une des branches principales
des
programmes — dans ces dimensions-là. Passer de la région à l’Europe e
1531
r à la frontière sur les croquis de géographie.
Une
bourde du général de Gaulle Pourquoi l’économie et l’écologie ? On
1532
proposées au peuple suisse, huit au moins posent
des
problèmes économiques auxquels les citoyens n’ont pas été préparés. E
1533
rontières. Idem pour l’écologie, où la perception
des
enfants, déjà très jeunes, est immédiate : les frontières n’ont rien
1534
que toute leur manière de penser est prisonnière
des
schémas nationaux. Souvenez-vous que le général de Gaulle aimait à ré
1535
tonné. Pourquoi donc à l’Oural ? C’est tout, sauf
une
séparation : une petite chaîne de collines, traversée par un affluent
1536
onc à l’Oural ? C’est tout, sauf une séparation :
une
petite chaîne de collines, traversée par un affluent de la Volga, et
1537
on : une petite chaîne de collines, traversée par
un
affluent de la Volga, et qui est maintenant le cœur du bassin de l’in
1538
rouvé que les manuels d’histoire et de géographie
des
années 1900 à 1940 — l’époque de la scolarité de Charles de Gaulle —
1539
Europe, incapables de saisir ce que pourrait être
une
fédération. Or c’est la seule formule possible. En France, les rares
1540
plutôt aux partis de gauche. Rocard, Mitterrand.
Des
exceptions. Mais comment pourrait-il en aller autrement ? Prenez le P
1541
ttré, qui est encore le dictionnaire de référence
des
Français cultivés, et cherchez sous « fédéralisme » : vous trouverez
1542
z sous « fédéralisme » : vous trouverez que c’est
un
système de sauvages, ou bien une utopie attribuée aux girondins — c’e
1543
ouverez que c’est un système de sauvages, ou bien
une
utopie attribuée aux girondins — c’est-à-dire un instrument de trahis
1544
une utopie attribuée aux girondins — c’est-à-dire
un
instrument de trahison. Vous écrivez, dans la Suite des Méfaits : « O
1545
strument de trahison. Vous écrivez, dans la Suite
des
Méfaits : « On ne changera pas l’école sans changer l’État. » Est-ce
1546
at crée l’école qui lui convient, l’école produit
des
citoyens à la mesure de l’État. C’est un cercle vicieux : chercher l’
1547
produit des citoyens à la mesure de l’État. C’est
un
cercle vicieux : chercher l’origine nous ramène au problème de la pou
1548
r aux deux niveaux à la fois. Que faire au niveau
des
États ? Dans toutes les discussions que j’ai avec les officiels, on m
1549
ouvelles « matières » du programme, la création d’
un
nouveau bâtiment, l’attribution de nouveaux subsides, ce n’est pas co
1550
tion de nouveaux subsides, ce n’est pas concevoir
une
politique, c’est administrer. Quand l’homme en place invoque les « ré
1551
ouvoir tout reconsidérer. Pour en sortir, il faut
une
véritable révolution. L’impossible révolution Qu’entendez-vous
1552
Mais… ce qu’on entend généralement par ce terme :
une
mutation, un changement brusque et radical, qui permette de repartir
1553
entend généralement par ce terme : une mutation,
un
changement brusque et radical, qui permette de repartir sur des bases
1554
brusque et radical, qui permette de repartir sur
des
bases entièrement nouvelles… ce qui est pratiquement impossible dans
1555
ible dans notre culture. Il faudrait, au minimum,
une
volonté générale de sortir du cercle vicieux dont nous parlions tout
1556
cercle vicieux dont nous parlions tout à l’heure.
Une
école nouvelle pourrait exploiter des possibilités d’apprentissage to
1557
à l’heure. Une école nouvelle pourrait exploiter
des
possibilités d’apprentissage totalement négligées aujourd’hui. L’ense
1558
es aujourd’hui. L’enseignement fortuit, au hasard
des
occasions… Aucune place ne lui est faite — et pour cause — dans nos p
1559
de l’école napoléonienne, par quoi on a fabriqué
des
peuples militarisés, et qui nous a déjà valu deux guerres mondiales.
1560
Illich appelle en termes marxistes « aliénation »
des
élèves, je préfère l’appeler « alignement ». On aligne les esprits à
1561
terme de votre « alternative »… qui n’en est pas
une
. Car le second terme est également nécessaire. Je ne vois pas d’oppos
1562
individualisé et le travail collectif, mais bien
une
complémentarité. Je ne crois pas que des élèves doués puissent avoir
1563
ais bien une complémentarité. Je ne crois pas que
des
élèves doués puissent avoir à souffrir de travailler avec des camarad
1564
oués puissent avoir à souffrir de travailler avec
des
camarades plus faibles. Au contraire : en les aidant, ils apprendraie
1565
même à l’Université : je ne creuse jamais si bien
un
problème que quand je dois le présenter à mes étudiants. « Illich
1566
est trop rousseauiste » Seriez-vous partisan d’
une
école comme celle des amish, dont vous parlez dans les Méfaits 10, et
1567
» Seriez-vous partisan d’une école comme celle
des
amish, dont vous parlez dans les Méfaits 10, et dont vous dites qu’el
1568
dites qu’elle ressemble à ce que demande Illich ?
Une
école comme celle des amish, oui. Quant à Illich, bien que je partage
1569
e à ce que demande Illich ? Une école comme celle
des
amish, oui. Quant à Illich, bien que je partage largement ses idées,
1570
p rousseauiste : il suppose chez tous les enfants
une
sorte de besoin inné de s’instruire et de s’entraider. Pour lui, l’ho
1571
s diffusées par les mass médias, ou sous la coupe
des
chefs de gangs… J’en ai vu des exemples très proches : aux États-Unis
1572
, ou sous la coupe des chefs de gangs… J’en ai vu
des
exemples très proches : aux États-Unis. Plus d’autorité du maître Il
1573
lus d’autorité du maître Il se forme spontanément
des
groupes, autour d’un chef, fanatiquement obéi, et qui peut ordonner a
1574
re Il se forme spontanément des groupes, autour d’
un
chef, fanatiquement obéi, et qui peut ordonner aux membres de son gro
1575
torité défaillante du maître se substitue celle d’
un
camarade. Vous ne croyez pas à la « socialisation par le groupe » ?…
1576
oupe » ?… Je crains la loi de la jungle, le règne
des
forts en gueule, voire des sadiques. Revenons à l’évolution de l’écol
1577
de la jungle, le règne des forts en gueule, voire
des
sadiques. Revenons à l’évolution de l’école, et aux deux pôles dont n
1578
La droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’
un
des deux termes. Car il faut que l’un existe pour que l’autre vive, e
1579
droite et la gauche ont tort de ne tolérer qu’un
des
deux termes. Car il faut que l’un existe pour que l’autre vive, et vi
1580
, et vice versa. L’éducation sera la résultante d’
une
tension dynamique entre les deux. On ne peut nier que l’homme a besoi
1581
ace à lui-même. Lui imposer la société permanente
des
autres ou le réduire à une totale solitude sont deux tortures équival
1582
la société permanente des autres ou le réduire à
une
totale solitude sont deux tortures équivalentes. Toute la vie est fon
1583
ortures équivalentes. Toute la vie est fondée sur
une
série de couples antinomiques : communication-solitude, action-repos,
1584
, même en Suisse. Il s’agit de mettre en relation
des
éléments — dans le cas européen, des régions — qui aient chacun leur
1585
en relation des éléments — dans le cas européen,
des
régions — qui aient chacun leur autonomie, leurs caractéristiques pro
1586
pres, différentes ou opposées, dont résulteraient
des
tensions fécondes conduisant à la fois à l’union et à la diversificat
1587
diversification. C’est parfaitement compatible :
un
réseau routier unifié n’entame en rien l’originalité des génies locau
1588
eau routier unifié n’entame en rien l’originalité
des
génies locaux. Le fédéralisme doit commencer à la base. Prenez le cou
1589
r soi et pour l’autre, sans qu’il y ait confusion
des
deux, ni subordination de l’un à l’autre. Ils sont à la fois semblabl
1590
s. Vous retrouvez cela à tous les échelons. C’est
une
réalité biologique : au niveau des cellules, des molécules, des atome
1591
chelons. C’est une réalité biologique : au niveau
des
cellules, des molécules, des atomes, toute vie résulte d’une tension
1592
une réalité biologique : au niveau des cellules,
des
molécules, des atomes, toute vie résulte d’une tension permanente ent
1593
ologique : au niveau des cellules, des molécules,
des
atomes, toute vie résulte d’une tension permanente entre des forces d
1594
s, des molécules, des atomes, toute vie résulte d’
une
tension permanente entre des forces d’attraction et de répulsion. Là
1595
toute vie résulte d’une tension permanente entre
des
forces d’attraction et de répulsion. Là encore, supposez qu’un équili
1596
ttraction et de répulsion. Là encore, supposez qu’
un
équilibre statique s’installe : c’est la mort. Tout ce système est co
1597
ducation civique européenne que je préside depuis
une
dizaine d’années, nous essayons de toucher le plus grand nombre possi
1598
1. Mais il est clair que, seule, la bonne volonté
des
maîtres ne suffira pas. Il faut modifier les structures. Les structur
1599
. Les structures nouvelles étant censées sécréter
une
nouvelle pédagogie, de nouveaux maîtres ? Elles n’entraîneront pas au
1600
aîtres ? Elles n’entraîneront pas automatiquement
une
meilleure pédagogie mais pourront permettre à des talents paralysés p
1601
une meilleure pédagogie mais pourront permettre à
des
talents paralysés par les structures actuelles de s’exprimer. On ne p
1602
re bons ou intelligents, mais on peut leur offrir
un
cadre où leur bonté et leur intelligence aient au moins la possibilit
1603
oins la possibilité de s’exercer. La modification
des
structures ne suffit pas, les efforts individuels ne suffisent pas. M
1604
e et compagnie, rigueur et fantaisie, etc. Il y a
une
phrase d’Héraclite qu’on comprend généralement mal, parce qu’elle est
1605
Cahier Rouge, raconte que son premier précepteur,
un
Allemand, avait eu « une idée assez ingénieuse, celle de me faire inv
1606
e son premier précepteur, un Allemand, avait eu «
une
idée assez ingénieuse, celle de me faire inventer le grec pour l’appr
1607
pprendre. Il me proposa de nous faire à nous deux
une
langue qui ne serait connue que de nous ; je me passionnai pour cette
1608
passionnai pour cette idée. Nous formâmes d’abord
un
alphabet, où il introduisait les lettres grecques. Puis nous commençâ
1609
isait les lettres grecques. Puis nous commençâmes
un
dictionnaire dans lequel chaque mot français était traduit d’un mot g
1610
e dans lequel chaque mot français était traduit d’
un
mot grec. Tout cela se gravait merveilleusement dans ma tête, parce q
1611
parce que je m’en croyais l’inventeur… » 10. « …
une
classe unique, les aînés aidant les plus jeunes à apprendre à lire, à
1612
’hygiène et à connaître l’Évangile. La communauté
des
amish produit tout ce dont elle a besoin et refuse le tracteur et l’a
1613
t, en 1929, à l’âge de 22 ans. Dans ce pamphlet d’
une
soixantaine de pages, l’auteur se livrait à un éreintement impitoyabl
1614
d’une soixantaine de pages, l’auteur se livrait à
un
éreintement impitoyable du système scolaire, “vaste distillerie d’enn
1615
que, disait-il, était de conditionner les esprits
des
futurs citoyens dans le sens voulu par l’État, en inculquant le confo
1616
ntre l’école. Preuve en soit la récente réédition
des
Méfaits, « aggravés » d’une Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a
1617
la récente réédition des Méfaits, « aggravés » d’
une
Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches de dé
1618
e réédition des Méfaits, « aggravés » d’une Suite
des
méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que des retouches de détail, et f
1619
Suite des méfaits . Le texte de 1929 n’a subi que
des
retouches de détail, et fort peu. Quant à l’“aggravation”, de 1972, e
1620
avation”, de 1972, elle commence ainsi : “Écrit d’
un
jeune homme en colère, aussi injuste qu’un pamphlet doit l’être, j’ai
1621
crit d’un jeune homme en colère, aussi injuste qu’
un
pamphlet doit l’être, j’ai le triste plaisir de constater que mon tex
1622
le n’a pas changé.” Et l’auteur de retrouver dans
une
série d’écrits tout récents l’essentiel de ses critiques quadragénair
1623
es critiques quadragénaires. Il cite Ivan Illich,
un
professeur français, un ministre de l’Éducation nationale, un poète,
1624
res. Il cite Ivan Illich, un professeur français,
un
ministre de l’Éducation nationale, un poète, Pierre Emmanuel, et même
1625
r français, un ministre de l’Éducation nationale,
un
poète, Pierre Emmanuel, et même un collégien lausannois, bien connu c
1626
ion nationale, un poète, Pierre Emmanuel, et même
un
collégien lausannois, bien connu chez nous pour avoir prononcé un dis
1627
sannois, bien connu chez nous pour avoir prononcé
un
discours inconvenant lors d’une cérémonie de promotions. Le principal
1628
our avoir prononcé un discours inconvenant lors d’
une
cérémonie de promotions. Le principal grief de Denis de Rougemont con
1629
de Rougemont contre l’école reste le même : c’est
un
crime contre l’homme, estime-t-il, que d’aligner les esprits pour la
1630
t-il, que d’aligner les esprits pour la commodité
des
pouvoirs établis. »
1631
jamais existé dans ce lieu. Tout ce qui touche à
un
centre et tout ce qui respire dans la grâce de son rayonnement revêt
1632
ui respire dans la grâce de son rayonnement revêt
une
importance rapidement fabuleuse, et passionnelle. Il est difficile d’
1633
r), de la haine la plus injuste — ou l’adhésion d’
une
ferveur déconcertante. Je voudrais essayer, pour ma part, d’énumérer
1634
e : elle m’empêche de m’abandonner à l’euphorie d’
un
lyrisme contemplatif, ou de céder à cette espèce de conscience que do
1635
eur de notre civilisation. Grâce à elles, l’homme
des
villes a retrouvé le contact avec la nature, et ce contact pour lui v
1636
révélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’
un
amour fatal : dès qu’un touriste découvre un endroit solitaire, la fo
1637
ature. C’est l’histoire d’un amour fatal : dès qu’
un
touriste découvre un endroit solitaire, la foule s’y jette et le supp
1638
re d’un amour fatal : dès qu’un touriste découvre
un
endroit solitaire, la foule s’y jette et le supprime. L’homme a besoi
1639
s amours qu’ils partagent. Ce paysage sublime est
un
pays réel, peuplé de vignerons et d’artisans, de petits commerçants e
1640
ns, de petits commerçants et de riches retraités.
Un
pays a besoin de communications, routes, autobus et téléphone, et de
1641
s conditions de vie quantitatives. Sur quoi règne
une
lumière divine — une lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de g
1642
uantitatives. Sur quoi règne une lumière divine —
une
lumière neutre comme les dieux, qui ne sont de gauche ni de droite, m
1643
i voudraient que Lavaux, à jamais, demeure tel qu’
un
beau jour ils l’ont aimé. Or, ses habitants l’aiment aussi, mais ils
1644
centres du monde où les problèmes de la survie d’
un
lieu sublime se posent en des termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que
1645
lèmes de la survie d’un lieu sublime se posent en
des
termes semblables. Ainsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offri
1646
nsi, qu’est-ce que sauver Venise ? Non pas offrir
des
étages de palais sur le Grand Canal à des riches. Il faut d’abord que
1647
offrir des étages de palais sur le Grand Canal à
des
riches. Il faut d’abord que Venise soit peuplée, animée, habitée par
1648
bord que Venise soit peuplée, animée, habitée par
des
gens du pays. Et qu’ils y trouvent un intérêt vital, et non pas arché
1649
abitée par des gens du pays. Et qu’ils y trouvent
un
intérêt vital, et non pas archéologique. Pour sauver Venise, il faudr
1650
se rien de moins que la prédominance accordée par
un
peuple à la saveur de vivre sur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vou
1651
ur le niveau de vie. Gens de Lavaux, vous habitez
un
pays ravissant et radieux. Mais vous ne le sauverez pas sans héroïsme
1652
ques fous associant leur foi poétique aux calculs
des
vrais réalistes — lesquels ne sont nullement ceux qui pensent court e
1653
cher, auteur de Dixence Cathédrale, que l’on doit
un
ouvrage qui vient à point nommé : Merveillleux Lavaux. Sauver cette u
1654
uver cette unique contrée n’est pas le postulat d’
un
seul homme. Les artisans du livre, auteurs des textes, qu’ils s’appel
1655
t d’un seul homme. Les artisans du livre, auteurs
des
textes, qu’ils s’appellent Paul Chaudet, Claude Massy, Jean Villars-G
1656
Michèle Duperrex, qui donne peut-être le reflet d’
un
Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’un tel coin de pays doit être sauve
1657
le reflet d’un Lavaux épuré, prouve néanmoins qu’
un
tel coin de pays doit être sauvegardé au prix de l’intelligence et de
1658
Philosophie et énergie nucléaire :
une
mise au point (28 juin 1984)bg Dans votre numéro du 13 juin, M. Ph
1659
in, M. Ph. Barraud rend compte, très largement, d’
une
assemblée générale de la Compagnie vaudoise d’électricité, au cours d
1660
son directeur, aurait affirmé que les promoteurs
des
initiatives antinucléaires, c’est-à-dire selon lui « les amis de Deni
1661
ste dans notre pays » et préconisent en réalité «
une
société policière … centralisée, exploitée de façon quasi militaire »
1662
bains. » Je n’ai pas à entrer en discussion avec
un
directeur qui n’a dit que ce qu’il devait dire pour défendre les inté
1663
omme vous le dites — date à laquelle l’expérience
des
centrales nucléaires et de leurs problèmes majeurs (comme celui des d
1664
éaires et de leurs problèmes majeurs (comme celui
des
déchets) était pratiquement nulle en Suisse. J’ai fait cette mise au
1665
les « Rencontres internationales d’urbanisme »12,
une
conférence dont voici le début : Dans cette même salle, à cette même
1666
tte même place, au mois de juin 1958, il y a donc
un
peu plus de vingt ans, devant le premier congrès de l’Union internati
1667
vant le premier congrès de l’Union internationale
des
producteurs et distributeurs d’électricité, un conférencier prononçai
1668
e des producteurs et distributeurs d’électricité,
un
conférencier prononçait les phrases suivantes : « Les réserves en pét
1669
ses suivantes : « Les réserves en pétrole… seront
un
jour épuisées. Les experts varient sur la date, non sur la vraisembla
1670
une fois de plus, et vraiment au dernier moment,
une
nouvelle source d’énergie. L’énergie nucléaire est la réponse, invent
1671
notre génie, par nos savants européens, au défi d’
une
humanité dont notre science, notre hygiène, et nos techniques étaient
1672
uelques-uns de ceux qui sont ici ce matin, et non
des
moindres, partageaient à l’époque mes illusions, et je les retrouve a
1673
le nucléaire ou sur le solaire, nous aurons soit
une
société centralisée, exploitée de façon quasi militaire, soit une féd
1674
ralisée, exploitée de façon quasi militaire, soit
une
fédération de petites communes autonomes. Cette seconde citation est
1675
e démontrer que je me contredis sans vergogne. («
Une
philosophie à géométrie variable » titre votre rédacteur.) Or il est
1676
e les intentions que M. Desmeules nous attribue d’
une
manière arbitraire et calomnieuse. Il embrouille tout, décidément, et
1677
ormule l’exigence « essentielle » du grand patron
des
centrales nucléaires en France ! J’en donne ici la preuve irréfutable
1678
tion qu’elles soient exploitées et contrôlées par
des
équipes organisées de manière rigoureuse… Pour moi, il est essentiel
1679
ombreuses, donc de grande taille, implantées dans
des
sites ad hoc et exploitées de façon quasi militaire 14. M. Desmeules
1680
épéter à longueur de colonnes. Est-il pensable qu’
une
cause défendue par de tels procédés soit une bonne cause ? 12. Text
1681
e qu’une cause défendue par de tels procédés soit
une
bonne cause ? 12. Texte complet dans le volume FACT 79, Lausanne 19
1682
nt Denis de, « Philosophie et énergie nucléaire :
une
mise au point par Denis de Rougemont », Gazette de Lausanne, Lausanne