1 1932, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Hic et nunc [éditorial] (novembre 1932)
1 xiste — hic et nunc — un certain nombre de choses à dire, un certain ordre de vérités qu’il n’est plus possible de taire.
2 ignifier rien d’autre qu’une invitation pressante à créer ce lien et ce lieu : ce lieu de témoignage où puissent être dit
3 rités actuelles, personnelles, dangereuses. Dites à nous-mêmes, d’abord ; à tous ceux qui voudront les entendre ; à ceux
4 elles, dangereuses. Dites à nous-mêmes, d’abord ; à tous ceux qui voudront les entendre ; à ceux auxquels, peut-être mieu
5 d’abord ; à tous ceux qui voudront les entendre ; à ceux auxquels, peut-être mieux qu’à nous, il sera donné de les compre
6 es entendre ; à ceux auxquels, peut-être mieux qu’ à nous, il sera donné de les comprendre en vérité, c’est-à-dire de les
7 e morales de plus en plus débilitantes, asservies à la classe, à la race, et à la lâcheté publique, il y a lieu et ordre
8 plus en plus débilitantes, asservies à la classe, à la race, et à la lâcheté publique, il y a lieu et ordre d’attester la
9 ébilitantes, asservies à la classe, à la race, et à la lâcheté publique, il y a lieu et ordre d’attester la scandaleuse d
10 ne voient même pas qu’ils n’ont plus de réponses à offrir à leurs perpétuelles et urgentes questions ; en face de philos
11 t même pas qu’ils n’ont plus de réponses à offrir à leurs perpétuelles et urgentes questions ; en face de philosophies qu
12 stions ; en face de philosophies qui de Descartes à Kant, ou de Hegel à Marx, ont cru pouvoir nous sauver de l’angoisse e
13 philosophies qui de Descartes à Kant, ou de Hegel à Marx, ont cru pouvoir nous sauver de l’angoisse en fondant l’être hum
14 n face d’une civilisation de plus en plus soumise à ce dieu imbécile qu’elle honore sur les « places » et qui s’appelle P
15 ériles, purement intellectuelles, forcer certains à se retrancher dans des positions que, peut-être, ils étaient bien prè
16 ous est indifférent, en principe, de nous opposer à telles idées courantes, ou de confirmer telles autres. Car notre oppo
17 contraire comme un ordre, personnellement adressé à chacun de nous. Vérité actuelle aux deux sens de ce mot, qui sont act
2 1932, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Principe d’une politique du pessimisme actif (novembre 1932)
18 réel : celui qui dévaste la nature humaine jusqu’ à ces profondeurs dernières où l’attend l’espoir éclatant de la révélat
19 nt les deux termes de l’antinomie, ou qui cherche à la supprimer, est antichrétienne en son principe. Ainsi se trouvent d
20 nies les trois hérésies politiques que nous avons à dénoncer. 1° L’hérésie pessimiste abandonne à lui-même un monde qui n
21 ons à dénoncer. 1° L’hérésie pessimiste abandonne à lui-même un monde qui ne saurait nous offrir de salut, puisqu’il n’es
22 alut. Elle se souvient que nous devons travailler à établir le Royaume sur la terre, mais elle oublie que cela nous est à
23 sur la terre, mais elle oublie que cela nous est à jamais impossible. C’est le principe de cet activisme que les Europée
24 cain ». 3° L’hérésie de la synthèse est inhérente à tout système rationaliste du monde, soit qu’il prétende, comme le sys
25 ossibles », imposantes, établies. Qu’aurions-nous à leur opposer ? Tout notre espoir est dans un désespoir tellement « su
26 espoir tellement « substantiel » qu’il nous rende à leur tour intenables les dernières ruses de la sécurité. ⁂ Il faut le
27 imiste et l’hérésie optimiste ainsi renvoyées dos à dos, nous voici maintenant en présence de l’accusation plus subtile d
28 s, s’ils prennent au sérieux leur foi, participer à un effort politique quelconque ? Ayons le courage de l’affirmer ; il
29 e courage de l’affirmer ; il n’est pas de réponse à cette question pour ceux qui ne savent pas ce que c’est que la foi. S
30 ible, là où l’homme naturel s’abandonnait en paix à ses déterminations physiques et morales. Doit-on conclure au refus de
31 s ne pouvons en tirer argument, comme d’une force à notre disposition ; elle survient, et c’est alors un ordre que nous r
32 mmes qui ont besoin d’une politique pour suppléer à leur faiblesse, qui ont besoin tout autant qu’on leur montre la vanit
33 principe d’inertie (tout corps en mouvement tend à conserver son mouvement). C’est ainsi que ces activistes désorientés
34 ettent une erreur pire que celle qui consisterait à reprocher à Euclide d’avoir permis le développement de l’artillerie m
35 rreur pire que celle qui consisterait à reprocher à Euclide d’avoir permis le développement de l’artillerie moderne et so
36 d’onze millions de morts sacrifiés en quatre ans à sa gloire. Moins redoutable, en apparence, le dieu-production se cont
37 e — faussement appelée esthétique, qui consistait à dire : comme elles sont bien peintes ! (ou mal). — Pauvre type ! Peut
38 dans la mesure où ces idolâtries sont suspendues à la réussite matérielle ou à des systèmes d’assurances, le capitalisme
39 tries sont suspendues à la réussite matérielle ou à des systèmes d’assurances, le capitalisme comme le stalinisme, tous l
40 en au contraire, que nous ne puissions collaborer à aucune révolution. L’iconoclaste est un type assez pur de révolutionn
41 sure de l’action continue de la foi. Je songe ici à l’armature catholique, qui condamne cette Église au réformisme modéré
42 e cette Église au réformisme modéré, c’est-à-dire à un effort pour durer par des moyens humains, comme à l’abri des touch
43 n effort pour durer par des moyens humains, comme à l’abri des touches fulgurantes du Saint-Esprit. La politique romaine
44 » (terme de l’encyclique Quadragesimo anno), tout à fait étranger au réalisme « tragique » de l’Évangile, et qui même, da
45 ssible, mais tout au plus d’abattre les obstacles à la foi, les idoles, les synthèses dans lesquelles l’homme cherche sa
46 nde liberté d’action et de révolution est promise à celui que n’empêtre aucun respect du résultat en soi. Pessimisme réta
47 nte. Nous ne sommes pas condamnés au succès, mais à l’obéissance jusqu’à l’absurde et au martyre, à l’« agonie » entre la
48 as condamnés au succès, mais à l’obéissance jusqu’ à l’absurde et au martyre, à l’« agonie » entre la Promesse et le péché
49 s à l’obéissance jusqu’à l’absurde et au martyre, à l’« agonie » entre la Promesse et le péché, entre la foi et ce qui no
50 s rester aux ordres de l’esprit. Nous n’avons pas à prendre d’assurances sur l’avenir. Nous n’avons pas à nous garantir à
51 endre d’assurances sur l’avenir. Nous n’avons pas à nous garantir à l’avance par un programme, si « chrétien » qu’on le v
52 es sur l’avenir. Nous n’avons pas à nous garantir à l’avance par un programme, si « chrétien » qu’on le veuille. Un certa
53 le. Un certain nombre de compromissions nous sont à jamais impossibles : et tout le reste est affaire d’obéissance aux or
54 sant article de la Revue d’Allemagne (oct. 1932), à la conception kierkegaardienne du désespoir. Elle ne désigne en réali
3 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Solutions pratiques ? (mars 1933)
55 on est justifiée par le fait même qu’elle a surgi à l’occasion de ce que j’écris ; il s’agit, avant que d’y répondre, de
56 our celui qui me la pose. Répondre du tac au tac, à la « lettre » de la question, c’est un procédé électoral qui peut êtr
57 n, c’est un procédé électoral qui peut être utile à son heure, mais nous avons tout autre chose à faire. Nous ne cherchon
58 ile à son heure, mais nous avons tout autre chose à faire. Nous ne cherchons pas à avoir raison contre quelqu’un : l’espr
59 s tout autre chose à faire. Nous ne cherchons pas à avoir raison contre quelqu’un : l’esprit de vérité n’est à personne.
60 aison contre quelqu’un : l’esprit de vérité n’est à personne. Bien souvent, parmi nous, on répond mal aux questions parce
61 on répond mal aux questions parce qu’on se borne à répondre à leurs mots, alors qu’il eût fallu répondre à un tourment r
62 mal aux questions parce qu’on se borne à répondre à leurs mots, alors qu’il eût fallu répondre à un tourment réel, maladr
63 ndre à leurs mots, alors qu’il eût fallu répondre à un tourment réel, maladroitement exprimé par ces mots. Mais, bien sou
64 nt avec politesse sur nos intentions et nos buts, à seule fin de « causer un peu ». Qu’on les reconnaisse à ce signe : dè
65 e fin de « causer un peu ». Qu’on les reconnaisse à ce signe : dès qu’ils commencent à comprendre de quoi il s’agit, ils
66 es reconnaisse à ce signe : dès qu’ils commencent à comprendre de quoi il s’agit, ils s’écrient : « Je ne comprends plus 
67 thèmes de discussion, c’est-à-dire des prétextes à différer toute action « pratique ». Ceci marqué, nous pourrons répon
68 ci marqué, nous pourrons répondre plus clairement à ceux qui croient à leur question, j’entends à ceux qui nous la posent
69 rrons répondre plus clairement à ceux qui croient à leur question, j’entends à ceux qui nous la posent parce qu’elle se p
70 ent à ceux qui croient à leur question, j’entends à ceux qui nous la posent parce qu’elle se pose à eux-mêmes. Il n’y a
71 s à ceux qui nous la posent parce qu’elle se pose à eux-mêmes. Il n’y a pas de solutions, — il y a des ordres 1. Cel
72 trouve que nul homme n’est en mesure de la donner à son frère : c’est la foi. Tout au plus pouvons-nous, par des affirmat
73 et les rend enfin responsables dans l’obéissance à la seule force nécessaire ; tout ce qui leur fiche un désespoir pour
74 mme qui est dans la foi sait bien qu’il n’y a pas à demander de « solutions pratiques », car la foi est précisément une f
75 s sont pratiques, ou ils ne sont rien. On dirait, à entendre parler certains chrétiens, que la foi est une espèce d’inspi
76 est une espèce d’inspiration flottante, difficile à localiser et beaucoup trop imprécise pour que l’homme, faible créatur
77 ises, avec une virulence sourde, attisée de temps à autre par un sermon courageusement moralisateur2, ou résolument antib
78 ement pacifiste. Et les fidèles de se congratuler à la sortie, se figurant qu’on vient enfin de leur donner des directive
79 es « positives »… Mais si ces directives venaient à nous manquer, que ferions-nous de cette « foi » que nous prétendions
80 . Ils savent que le Christ leur promet la lumière à la mesure de leur obéissance. Ils n’ont donc pas reçu une révélation
81 est purement « pratique », c’est-à-dire immédiate à chacun des cas de l’existence, inconcevable pour celui qui se place e
82 , n’étant pas autre chose qu’un ordre qui me dit, à tel endroit précis du temps et de l’espace : voici ce que tu dois fai
83 mps et de l’espace : voici ce que tu dois faire. À celui qui demande : que dois-je faire ? le chrétien n’a donc rien à r
84 e : que dois-je faire ? le chrétien n’a donc rien à répondre, en principe. Il ne peut que renvoyer à la seule force d’où
85 à répondre, en principe. Il ne peut que renvoyer à la seule force d’où provient l’ordre véritable. La décision éthique e
86 as compris la gravité du cas humain. Nous n’avons à guérir personne, mais à montrer que la maladie est sérieuse, si série
87 cas humain. Nous n’avons à guérir personne, mais à montrer que la maladie est sérieuse, si sérieuse qu’il serait ridicul
88 érante ? Oui, pour ceux qui cherchent des espoirs à bon compte, hors de la réalité certainement désespérante. Mais il y a
89 vos questions mêmes. Nous ne pouvons qu’aggraver à vos yeux votre mal. Nous ne pouvons rien vous apporter d’autre que l’
90 offrant sans défenses humaines. Nous avons aussi, à ce moment, à montrer que les rôles se renversent dès qu’on regarde l’
91 défenses humaines. Nous avons aussi, à ce moment, à montrer que les rôles se renversent dès qu’on regarde l’homme dans la
92 écisément comme la question que Dieu lui adresse. À la faveur de cette « conversion », la notion même de positif est boul
93 aient donner aux hommes une bonne conscience tout à fait inconcevable ; dénoncer tous les codes existants de morale, parc
4 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Dialectique des fins dernières (juillet 1933)
94 1933)e L’honnêteté la plus élémentaire oblige à reconnaître que nos vies comportent d’autant moins de solutions que n
95 té. Sénèque nous apprend que l’on n’échappe point à soi-même. Inutilité des voyages. Mais Proust nous persuade qu’on ne s
96 les philosophies de l’Occident mettent le comble à cette gigantesque pagaille dont naquit bizarrement au xviiie siècle
97 n n’être pas affectée de la dégradation immanente à toute solution humaine. Cette sagesse dit oui à toutes les contradict
98 e à toute solution humaine. Cette sagesse dit oui à toutes les contradictions du monde. Elle les assume dans une vue sobr
99 erche en elles la tension, le ressort nécessaires à l’acte créateur. Loin de tenter leur réduction à quelque idéale synth
100 à l’acte créateur. Loin de tenter leur réduction à quelque idéale synthèse, elle s’exalte des conflits sans cesse renais
101 c Kierkegaard, elle répète que « toute prétention à une unité supérieure qui harmoniserait les contradictions absolues n’
102 l’éthique ». Il s’agit donc ici d’une dialectique à deux termes simultanés, et dont la tension n’est pas orientée vers qu
103 en vers l’acte créateur par où la personne accède à une plus dangereuse réalité. Ceci peut rappeler le jeune Hegel, mais
104 sus qui nie l’acte et le risque. Il n’y a plus qu’ à compter un, deux, trois, comme le dit Kierkegaard dans La Répétition.
105 permanente de la personne nous oppose d’une part à l’idéal bourgeois, synthèse eudémonique à l’usage des individus égoïs
106 ne part à l’idéal bourgeois, synthèse eudémonique à l’usage des individus égoïstes, d’autre part à l’idéal marxiste, synt
107 ue à l’usage des individus égoïstes, d’autre part à l’idéal marxiste, synthèse eudémonique à l’usage d’une masse non resp
108 tre part à l’idéal marxiste, synthèse eudémonique à l’usage d’une masse non responsable. Une dialectique sans « médiation
109 logiens dialectiques. Je ne me serais pas attardé à développer ici ces thèses, si dans leur expression elles ne comportai
110 s, si dans leur expression elles ne comportaient, à première vue, une similitude si troublante avec les thèses barthienne
111 les ne constituaient un terme de comparaison tout à fait privilégié. Peut-être le point de vue dialectique de Barth se la
112 inir qu’on le définira par son opposition globale à la dialectique humaniste qui paraît à nos yeux s’en rapprocher le plu
113 ion globale à la dialectique humaniste qui paraît à nos yeux s’en rapprocher le plus. ⁂ Cet acte dont nous parlions, à qu
114 approcher le plus. ⁂ Cet acte dont nous parlions, à quoi se suspend-il en dernière analyse ? Vers quelles fins dernières
115 sonne, par quoi, au bout du temps, se trouve-t-il à son tour jugé ? Si l’on récusait ces questions, on affirmerait par là
116 de quoi l’on refuse toutes les autres solutions. À ce moment précis, intervient la critique barthienne. Nous disons « la
117 re la méthode. Accusation qui consiste simplement à rapporter tous ces problèmes à la réalité de Dieu telle qu’elle nous
118 onsiste simplement à rapporter tous ces problèmes à la réalité de Dieu telle qu’elle nous apparaît, c’est-à-dire au probl
119 blème absolument insoluble, puisque notre rapport à Dieu, depuis la chute, est paradoxe par définition. Tel est l’aspect
120 il est question chez Barth ; et que cela suffise à faire voir que Barth ne saurait en être tenu pour l’inventeur, pas pl
121 plus que Paul ou Jérémie. Que cela suffise aussi à écarter les toutes superficielles appréciations portées ici ou là con
122 pport nécessaire de ces deux aspects de la vérité à leur centre vivant ? Le vrai dialecticien sait que ce centre ne peut
123 spectacle pour ceux qui n’ont pas le vertige — qu’ à rapporter constamment ces deux attitudes l’une à l’autre, la positive
124 ’à rapporter constamment ces deux attitudes l’une à l’autre, la positive et la négative, à expliquer le oui par le non, e
125 udes l’une à l’autre, la positive et la négative, à expliquer le oui par le non, et le non par le oui, sans jamais nous a
126 e inconcevable réalité qui donne un sens si grave à ce oui et à ce non qui, au travers de toute l’œuvre de Barth, nous en
127 le réalité qui donne un sens si grave à ce oui et à ce non qui, au travers de toute l’œuvre de Barth, nous entraînent dan
128 contradictoires. On conçoit que le fidèle habitué à venir chaque dimanche chercher dans un sermon consolateur le droit de
129 et la fin, ou, pour employer une expression chère à Karl Barth, se rapporte aux réalités dernières. Qu’y a-t-il donc entr
130 en Allemagne, à peu près, la terminologie propre à un auteur. e. Rougemont Denis de, « Dialectique des fins dernières 
5 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Poésie dialectique (juillet 1933)
131 avée par l’ironie dont le professeur nous accable à cette occasion. Erreur qui lèse à la fois l’histoire littéraire, la d
132 e de la Promesse invisible, — cette vision donnée à l’homme, est la plus propre à créer en lui l’organe d’une haute poési
133 cette vision donnée à l’homme, est la plus propre à créer en lui l’organe d’une haute poésie. 3° Enfin toute poésie ne s
134 elopperons un jour ces thèmes que je me borne ici à suggérer. Voici en attendant la traduction d’un hymne de John Donne (
135 ans la langue de l’époque, Soleil ou Fils. hymne à dieu le père Pardonneras-tu ce péché où j’ai pris naissance, Ce péch
136 ier fil aura été filé ? Oh ! Jure par toi-même qu’ à ma mort ton Soleil Resplendira comme aujourd’hui, et à jamais ! Et ce
137 mort ton Soleil Resplendira comme aujourd’hui, et à jamais ! Et cela fait, tu as fini, Je n’ai plus peur. John Donne
6 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Grammaire de la personne (janvier 1934)
138 entité de la personne, telle qu’on peut l’opposer à cet individu, et du prochain, tel que le définit l’Évangile ; d’autre
139 ions, des êtres, si ce savoir n’est pas pour moi, à tel moment, un ordre ou une tentation. Quand cesserons-nous d’agiter
140 carnation personnelle. On songe ici tout de suite à la question sociale. On se souvient peut-être aussi des libéraux spir
141 re aussi des libéraux spiritualistes qui aimaient à dire : « La solution des grands problèmes sociaux est une question de
142 e. » L’originalité d’une morale individuelle apte à résoudre les conflits sociaux se réduirait probablement aux vertus de
143 ées me sont extérieures, certes. Mais je n’ai pas à les connaître autrement que par la question concrète qu’elles m’adres
144 ui me la pose. Qu’il soit là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à portée d’imagination, peu
145 soit là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à portée d’imagination, peu importe, pourvu que c
146 ntain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à portée d’imagination, peu importe, pourvu que cette prise, cette vue,
147 e nous, c’est le groupe, le faisceau. On l’oppose à la masse anonyme, tout autant qu’à l’individu atomique. Le vœu humain
148 u. On l’oppose à la masse anonyme, tout autant qu’ à l’individu atomique. Le vœu humain paraît comblé… Mais ce nous est-il
149 et par là même, ne laisse-t-il pas le champ libre à la tyrannie, c’est-à-dire à la mécanique étatiste et dictatoriale qui
150 il pas le champ libre à la tyrannie, c’est-à-dire à la mécanique étatiste et dictatoriale qui tient lieu d’ordre dès que
151 le qui tient lieu d’ordre dès que l’homme renonce à assumer personnellement son risque et celui du « prochain » ? L’erreu
152 ité7. En son principe, l’erreur fasciste consiste à considérer cette communion non plus comme un acte, mais comme un état
153 omposent. Il s’arroge des droits sur eux, bien qu’ à la vérité il ne résulte que de la somme de leurs altérations. Les hom
154 ce ; puis vient un temps où l’on se lasse d’obéir à la force vivante, — et l’on institue la police pour soutenir un corps
155 ux hommes ne se rencontrent pas, spirituellement, à mi-distance l’un de l’autre — dans le nous 8. Pour nous aimer, nous d
156 orienté, animé par une présence extérieure. Face à face avec le prochain que j’aime, je ne suis plus un isolé9, mais je
157 s pages illustrées de nos quotidiens. Il me reste à marquer la dépendance théologique d’une analyse qui peut paraître str
158 arler en termes de philosophie du rapport d’un je à un tu. Mais on ne peut le comprendre et le vivre, dans son paradoxe p
159 fonde la personne humaine : le rapport de l’homme à son Créateur. Le Droit romain a peut-être raison de refuser à mon voi
160 ur. Le Droit romain a peut-être raison de refuser à mon voisin le pouvoir de me questionner, puisque ce pouvoir n’a pas d
161 -ce pas, en définitive, parce qu’il est pour moi, à tel instant, le symbole réel de Celui qui nous a dit : « En vérité, t
162 n vérité, toutes les fois que vous avez fait cela à un seul des plus petits parmi mes frères que voici, c’est à moi que v
163 des plus petits parmi mes frères que voici, c’est à moi que vous l’avez fait. » Et si ce tu, non seulement possède le dro
164 parce qu’elle s’enracine dans l’acte qui confère à tout homme son être véritable, devant Dieu. 8. Le groupe fasciste n’
165 8-23. h. Une note ajoute : « Extrait d’un volume à paraître, intitulé Penser avec les mains . »
7 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Précisions sur la mort du Grand Pan (avril 1934)
166 e mouvement que la peur ou l’amour. Non qu’il ait à choisir : déjà il fuit, déjà il s’offre. C’est le je qui est choix. L
167 et le monde, non, rien que la tension d’un corps à corps amoureux ou meurtrier. Je n’existe que par cette tension. Elle
168 qui le considère comme une alternative extérieure à son être, un vis-à-vis dont il pourrait se détourner, cette indiffére
169 es voix innombrables de l’univers, et son recours à la raison pour leur imposer le silence. Ordre géométrique, loi des ch
170 l’architecture des pierres et des constellations à son tour, fait entendre un langage qui n’est pas celui des humains, c
171 un langage qui n’est pas celui des humains, c’est à la raison seule qu’il se révèle, et ce n’est plus la peur du sang qui
172 ant, autant de tentatives angoissées pour opposer à la terreur de Pan les ordonnances dictatoriales de l’esprit. Mais cet
173 a cité. ⁂ Comment répondre sans quelque injustice à une question dont on ne peut saisir le sens exact ? Ainsi se défend l
174 s l’homme antique n’a pas en lui de quoi répondre à la Nature : il est lui-même une question que Dieu ne semble pas enten
175 et l’univers antique, c’est son royaume abandonné à l’anarchie. Comment Adam ne s’effraierait-il pas d’une plainte qui s’
176 erait-il pas d’une plainte qui s’adresse, en lui, à ce pouvoir qu’il sait avoir perdu ? La Nature se révolte en désordre.
177 brutalement, et plus il se défend, plus il impose à la Nature sa tyrannie, moins il comprend le sens de sa haine anxieuse
178 -être alors le secret du grand Pan s’ouvrirait-il à son amour ? Mais serait-ce amour ou défi ? Empédocle n’a rien sauvé.
179 t rien qu’humain. Elle devait conduire l’humanité à des impasses mortelles, celles-là mêmes où se désespère le xxe siècl
180 êter : l’an 33 de notre ère, la réponse éternelle à la perpétuelle question du monde, nous est donnée. C’est d’abord une
181 nous est donnée. C’est d’abord une réponse faite à l’homme. Mais c’est aussi, à travers l’homme désormais restauré dans
182 restauré dans sa condition éternelle, une réponse à toute la création, désormais replacée dans l’ordre originel. À cet in
183 éation, désormais replacée dans l’ordre originel. À cet instant, parce qu’il possède cette réponse, l’homme comprend le s
184 tente ardente ». Il sait qu’elle s’adresse en lui à ce qui de lui ressuscite, ayant reçu et accepté la mort. Il peut aime
185 mer : ce n’est plus un défi, c’est une soumission à l’Éternel. « Christ est ressuscité ! » Le Nouvel Adam vit. Le message
186 c’est la machine. D’autre part, il devait aboutir à une distinction entre l’esprit et le corps qui, d’accidentelle qu’ell
187 rit et le corps qui, d’accidentelle qu’elle était à l’origine, allait être décrétée essentielle par les philosophes dès q
188 s peint par un primitif flamand. L’humanité pâtit à tous les coups, soit que triomphe un spiritualisme sans corps ou que
189 rps ou que s’installe un matérialisme sans âme. ⁂ À ce degré d’évolution du mal, la conscience du danger s’obscurcit. Une
190 mouvement suppose encore une indifférence morbide à l’endroit des réalités naturelles et de l’« attente ardente » des cré
191 ïste, et parfois voluptueux, d’un moi qui renonce à créer, qui renonce à souffrir, qui se rend sourd à la question des ch
192 ptueux, d’un moi qui renonce à créer, qui renonce à souffrir, qui se rend sourd à la question des choses en même temps qu
193 créer, qui renonce à souffrir, qui se rend sourd à la question des choses en même temps qu’à la question de Dieu. Baptis
194 d sourd à la question des choses en même temps qu’ à la question de Dieu. Baptiser communion ce lyrisme de l’isolement, c’
195 tume d’en rendre Rousseau responsable. Mais c’est à ses disciples qu’il faudrait s’en prendre. Rousseau n’a pas trompé su
196 rs actif de l’âme » ; il pousse la lucidité jusqu’ à marquer qu’un tel état n’est pas recommandable, sauf à l’infortuné qu
197 e Rousseau ne s’en glorifie pas, et qu’il se voit à cette époque « dans la plus étrange position, où se puisse jamais tro
198 puisse jamais trouver un mortel ». Mais depuis ! À mesure que le sort se faisait plus clément, qui conduisait un homme a
199 d’un tel cas se voilait et faisait bientôt place à la satisfaction pauvrette d’une âme flattée de s’admirer dans l’infin
200 Amiel au comble du délire d’isolement idéaliste. À l’autre extrême, celui du délire objectif ou technique, plaçons ce ca
201 motions fortes que la Nature est censée dispenser à toute âme un peu cultivée, fournit à la prédication chrétienne un lyr
202 ée dispenser à toute âme un peu cultivée, fournit à la prédication chrétienne un lyrisme qu’elle n’osait plus aller cherc
203 e ou dans la joie de la doctrine du salut. Songez à ces pasteurs qui, chaque printemps, saisissent le premier rayon de so
204 l’Épître aux Romains : « Tout l’univers s’adresse à l’homme dans un langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérie
205 de son âme, dans une partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des sens et de la pensée. Quoi de pl
206 sans une mystérieuse signification ? » L’allusion à saint Paul est évidente. Mais Constant, comme les romantiques alleman
207 mands, s’il voit bien la question ne va pas jusqu’ à l’accepter, et sa réponse n’est encore qu’une évasion. Cette « partie
208 ’une évasion. Cette « partie de son être inconnue à lui-même », il en fait aussitôt une réalité psychologique, « et qui t
209 ait-elle pas, elle aussi, dans ce refus de croire à la réalité tout invisible de « l’homme nouveau » — réalité de foi ? ⁂
210 érance, charité de la foi, nous permet d’apporter à la Nature une réponse qui dépasse sa question et qui atteint et qui e
211 tat d’âme ; et que le rêve des ingénieurs occupés à supprimer ou à domestiquer les « facteurs naturels » n’est rien de pl
212 que le rêve des ingénieurs occupés à supprimer ou à domestiquer les « facteurs naturels » n’est rien de plus qu’un rêve,
213 fait de l’homme un être isolé, destiné seulement à cultiver la terre et à la peupler, et n’ayant avec tout ce qui n’est
214 e isolé, destiné seulement à cultiver la terre et à la peupler, et n’ayant avec tout ce qui n’est pas de son espèce que l
215 s rapports arides et fixes que l’utilité l’invite à établir entre eux et lui. Une grande correspondance existe entre tous
8 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Éditorial (juillet 1934)
216 Éditorial (juillet 1934)j « Soyez appareillez à respondre à chascun qui vont demande rayson de l’espérance qui est en
217 juillet 1934)j « Soyez appareillez à respondre à chascun qui vont demande rayson de l’espérance qui est en vous.15 » O
218 eler avec force l’exigence évangélique de la mort à soi-même, vient définir à nouveau l’Église chrétienne comme le lieu o
219 mme ses pères, la crainte païenne de se présenter à la table sainte dans un état « moral » insuffisant ; mais sait-il bie
220 rons, dans cette nouvelle série de Hic et Nunc , à polémiser directement contre les hérésies qui fourmillent dans la cro
221 « donner raison de l’espérance qui est en nous ». À nos lecteurs comme à nous-mêmes, nous demanderons le simple effort de
222 espérance qui est en nous ». À nos lecteurs comme à nous-mêmes, nous demanderons le simple effort de confronter la doctri
223 uffit parfois de quelques phrases, d’un mot rendu à son vrai sens, pour orienter le débat intérieur, pour donner à telle
224 ns, pour orienter le débat intérieur, pour donner à telle problématique l’expression qui lui manquait, et dont le défaut
225 ets, force nous est de condenser, de couper court à des développements qui parfois mettraient de l’aise dans nos pages. N
9 1935, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Les trois temps de la Parole (mai 1935)
226 rtain esprit historique ou historiciste, qui tend à nous faire croire qu’après 19 siècles de christianisme, le « scandale
227 énué. Cette longue tradition nous aurait habitués à admettre que l’homme Jésus était aussi le Christ. Ainsi l’histoire, l
228 arné dans un homme juif, l’acte de foi impossible à l’homme, celui que Pierre fit lorsqu’il dit à Jésus : « Tu es le Chri
229 ble à l’homme, celui que Pierre fit lorsqu’il dit à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » L’Histoire, le
230 itueraient ainsi, sans que nous nous en doutions, à l’acte de l’Esprit. Le scandale s’évanouirait, pour faire place à une
231 prit. Le scandale s’évanouirait, pour faire place à une adhésion raisonnable et éclairée. Mais en même temps que le scand
232 ’évanouirait aussi. Car la foi consiste justement à croire ce qu’on ne peut ni voir, ni toucher, ni comprendre humainemen
233 non systématique qu’il lui a donnée, peut prêter à de graves malentendus. À celui-ci en particulier : certains seront te
234 ui a donnée, peut prêter à de graves malentendus. À celui-ci en particulier : certains seront tentés de croire que tout l
235 us empêcher de nous « transporter par la pensée » à l’époque et aux lieux historiques où la vie de Jésus s’est écoulée. D
236 », un « ami suprême », présent parmi nous, ramené à nos proportions idéalisées. Ce double mouvement pourrait être confond
237 st. Mais ne jouons pas sur le mot pour faire dire à Kierkegaard exactement le contraire de ce qu’il entendait. Car il est
238 ous re-présenter Jésus, soit en nous transportant à son époque, soit en le transportant dans la nôtre, tend tout naturell
239 ansportant dans la nôtre, tend tout naturellement à ramener ce Jésus sur notre plan, à nous « faciliter » la foi, c’est-à
240 naturellement à ramener ce Jésus sur notre plan, à nous « faciliter » la foi, c’est-à-dire à nous en dispenser. Lorsque
241 e plan, à nous « faciliter » la foi, c’est-à-dire à nous en dispenser. Lorsque nous nous laissons aller à cette tendance
242 us en dispenser. Lorsque nous nous laissons aller à cette tendance de notre esprit — car c’est bien de la même tendance q
243 mme, et que nous parvenons plus ou moins aisément à survoler, quitte à retomber soudain, profondément déçus, dans la réal
244 rvenons plus ou moins aisément à survoler, quitte à retomber soudain, profondément déçus, dans la réalité profane d’aujou
245 elle. Et c’est elle, précisément, qui nous pousse à vouloir établir cette contemporanéité illusoire, dans le temps, à tra
246 par-dessus le temps, avec ce Jésus-homme si cher à la théologie moderniste (de Lessing à Fosdick), si cher aux historien
247 mme si cher à la théologie moderniste (de Lessing à Fosdick), si cher aux historiens, aux psychologues, aux partisans de
248 s y ramènent. Notre ambition doit donc se limiter à poser clairement le problème, et à formuler, si possible, le principe
249 onc se limiter à poser clairement le problème, et à formuler, si possible, le principe critique qui nous rappellera const
250 la Parole de Dieu. Nous la trouvons aux pages 148 à 155 du premier tome (en cours de traduction). Il y a trois sortes de
251 s et renvoie, au-delà d’elle-même, à travers eux, à la Parole même de Dieu. « Autre est le temps du parler direct et orig
252 Dieu distingue les trois temps d’une manière tout à fait particulière, qui n’est pas celle dont se distinguent les temps
253 où il résulte que l’on ne peut pas passer de l’un à l’autre par un mouvement continu, de proche en proche. Il faut un sau
254 ut17. Prenons un exemple fameux : celui de Pierre à Césarée de Philippe. Certes, Pierre vit dans le même temps que Jésus,
255 att. 16, 17). C’est Dieu lui-même qui agit en lui à ce moment, qui lui fait faire le « pas », le saut du temps de la prop
256 ieu seul qui peut faire passer l’homme d’un temps à l’autre, c’est par le « bon plaisir » de Dieu seul que nous pouvons d
257 ontemporains qu’à l’instant où lui-même se révèle à eux. Et des deux brigands du Calvaire, l’un seulement devient le cont
258 méthode, par elle-même, ne peut nous conduire qu’ à revivre la situation du brigand qui refuse. Christ, dans son temps, e
259 de nos efforts, que nous passions de notre temps à ce temps des apôtres, ou à ce temps de la Parole faite chair. ⁂ On di
260 assions de notre temps à ce temps des apôtres, ou à ce temps de la Parole faite chair. ⁂ On dira qu’il ne s’agit là que d
261 û schématiser encore les pages que Barth consacre à ce problème. Mais faut-il le redire ? La théologie n’est pas là pour
262 n instrument critique qui nous renvoie sans cesse à la réalité, qui nous inquiète, et qui corrige le mouvement naturel et
263 par eux-mêmes absolument vains, s’ils prétendent, à force d’habileté, de science, de poésie ou d’éloquence, nous rendre «
264 ne peuvent avoir d’utilité que s’ils concrétisent à nos yeux les limites de nos imaginations. Reconnaître, éprouver pénib
265 parlons des témoins de la Bible, nous n’avons pas à nous préoccuper outre mesure d’exactitude historique, archéologique,
266 e de l’histoire ou de notre imagination — machine à remonter le temps —, nous ne rejoindrons jamais que Nicodème, ou Salo
267 — qui se posent au chrétien en tout temps : mort à soi-même, obéissance, attente active du Christ vivant, pensée « chrét
268 uer des philosophes « existentiels », qui ont mis à toutes les sauces humanistes et romantiques la notion, chère à Kierke
269 sauces humanistes et romantiques la notion, chère à Kierkegaard, de saut. 18. ou cinématographique ! Voir le film Golgot
270 t le rôle que joue la parole peinte par Grünewald à côté du Jean-Baptiste de la Crucifixion d’Issenheim : « Il faut qu’il
10 1935, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Soirée chez Nicodème (mai 1935)
271 ur ne perde jamais ses droits. Vous ne croyez pas à l’expérience ! Au nom de quoi ? Au nom de l’expérience que vous n’ave
272 ogmatique dont l’esprit de répartie et la finesse à distinguer chez son interlocuteur, quel qu’il soit, le point faible d
273 le point faible d’un raisonnement, qu’il se borne à faire apparaître par une simple question de bon sens, a fait toute la
274 bon sens, a fait toute la célébrité. On se plaît à le dire : il n’a pas d’âge. Sa barbe blanche et ses joues roses, son
275 un visage classique, que d’aucuns n’hésitent pas à comparer à celui du Vinci, que d’autres, simplement, qualifient de pa
276 classique, que d’aucuns n’hésitent pas à comparer à celui du Vinci, que d’autres, simplement, qualifient de patriarcal. T
277 tait égarée vers la politique, au dessert, revint à la théologie avec les premières tasses de café. Un étudiant feuilleta
278 ne. Nicodème. — Nous voici donc d’emblée ramenés à notre vieux débat. Je n’ignore pas que l’éternel problème de la mort
279 Je n’ignore pas que l’éternel problème de la mort à soi-même et au monde est l’un de ceux qui préoccupent le plus, et à t
280 onde est l’un de ceux qui préoccupent le plus, et à très juste titre, nos jeunes barthiens, kierkegaardiens et « réacteur
281 ances. Je m’étonne seulement de vous voir prendre à votre compte un jugement si désobligeant, — si ! si ! ne vous excusez
282 s mourir. » Moi. — Il y aurait de l’impertinence à affirmer rien de « précis », en se rapportant à quelque affirmation c
283 e à affirmer rien de « précis », en se rapportant à quelque affirmation choisie entre trente-six-mille autres dans l’ouvr
284 a référence. Permettez-moi de vous le lire. C’est à la page 512 du premier tome : « … n’avoir pas fait une expérience est
285 er tome : « … n’avoir pas fait une expérience est à la portée d’un quelconque. À ceux qui préconisent un pareil idéal (au
286 t une expérience est à la portée d’un quelconque. À ceux qui préconisent un pareil idéal (au moins en apparence, entraîné
287 ur ne perde jamais ses droits. Vous ne croyez pas à l’expérience ! Au nom de quoi ? Au nom de l’expérience que vous n’ave
288 on est la seule qui n’a pas fait ces expériences. À la fin, c’est déprimant ! Nicodème. — Ma chère Poupette, M. Monod ne
289 bien. Certes, il y a des abus partout, mais de là à condamner la notion même d’expérience ! N’est-ce pas au récit de ses
290 codème soutenait leur identité et alla même jusqu’ à citer certaines paroles de Kierkegaard à l’appui de sa thèse : « Kier
291 arché. Or, le ton de cette soirée avait été jusqu’ à ce moment des plus polis, peut-être même trop poli. Je ne sais trop p
292 t : Poupette avait les joues en feu et approuvait à tout hasard tantôt l’un tantôt l’autre parti, émue par tant de convic
293 t posée sur le bureau et qui s’ouvrit d’elle-même à la page que je cherchais. Je lus ceci : « Mais il y eut un homme d’en
294 ter… Et je l’atteste ! Oui, je l’attesterai jusqu’ à ma dernière heure… Car elle viendra, cette heure absurde. J’ai vu… Ma
295 on expérience… Vous êtes devant Nicodème, suspect à toute la tradition, ah ! que c’est donc facile et rassurant de jeter
296 c’est donc facile et rassurant de jeter la pierre à Nicodème ! Nicodème, l’orgueilleux Nicodème qui refusait si méchammen
297 res. J’en parle aussi, j’ai le droit d’en parler… À mon âge, j’en ai même le devoir, vis-à-vis de cette jeunesse ! J’étai
298 , au milieu d’un silence ému, et donna l’accolade à chacun. Puis il fit un grand geste de ses deux bras levés, — comme po
299 ession sur cette enfant, trop habituée sans doute à la confession paternelle. Un des jeunes étudiants avait repris en mai
300 le « monument » du professeur Monod, et s’amusait à lire à ses voisins certains passages qui éveillaient tantôt des rires
301 nument » du professeur Monod, et s’amusait à lire à ses voisins certains passages qui éveillaient tantôt des rires excess
302 isme tout pur, je déclare ne plus rien comprendre à rien. Ces “ondes radioactives du Salut”, cela s’appelle, en bonne sco
303 e infuse ! et si toute notre humanité est soumise à cette fécondation permanente par je ne sais quelle radio céleste, pou
304 drait-il, en effet, que nous mourrions totalement à nous-mêmes ? Laissons-nous donc radiographier, tout simplement ! S’il
305 erait un jour transformé en pylône émetteur ! » — À quoi l’un des barthiens s’empressa d’ajouter : « Quoi qu’il en soit,
306 s de s’emparer de son message comme d’un prétexte à ne plus mourir tout à fait. » Le dirai-je ? Ce dialogue, ces rires et
307 message comme d’un prétexte à ne plus mourir tout à fait. » Le dirai-je ? Ce dialogue, ces rires et ces affirmations si d
308 rouvât que trop vivement mes réserves, j’hésitais à parler, redoutant d’introduire un nouvel élément de discorde, quand c
309 hélas, dans ses moindres propos… J’en étais donc à hésiter assez lâchement, lorsqu’un des étudiants lança, tourné vers m
310 est exactement ça ! Vraiment, c’est excellent ! » À ce coup, je sentis le rouge me monter au front, et j’éclatai : « Non 
311 ’ai l’impression, depuis que nous nous sommes mis à discuter, qu’aucun de nous ne sait ce qu’il dit. J’entends exactement
312 conviction, mais je crois bien que nous délirons à qui mieux mieux. Voulez-vous que je vous le prouve ? Il suffira de ré
313 mourir. Mourir totalement, ou ne pas mourir tout à fait, c’est-à-dire revivre avant d’être tout à fait mort, — souffler
314 ut à fait, c’est-à-dire revivre avant d’être tout à fait mort, — souffler sur la petite étincelle divine qui, selon les u
315 sait plus ce qu’il dit ! Vous l’avez entendu tout à l’heure. Il répétait : Qu’est-ce que j’ai vu ? Qu’est-ce que j’ai don
316 le expérience impossible, humainement impossible, à jamais, religieusement impossible ! Voilà l’angoisse et la folie de c
317 « religieuses ». Vous voyez bien qu’ils cherchent à se rassurer, à grand renfort d’images impressionnantes, de métaphores
318 . Vous voyez bien qu’ils cherchent à se rassurer, à grand renfort d’images impressionnantes, de métaphores mystiques, d’i
319 rmations pourrait faire croire. Voilà votre folie à vous : vous proférez des vérités littéralement terrifiantes, l’exigen
320 t terrifiantes, l’exigence de la mort au monde et à soi-même, comme s’il s’agissait là de thèses à imposer ! Nicodème le
321 et à soi-même, comme s’il s’agissait là de thèses à imposer ! Nicodème le disait : On croirait que c’est vous qui exigez
322 e avait bien su les reconnaître. C’était conforme à sa théologie, on pouvait se risquer à discuter avec cet homme de nuit
323 it conforme à sa théologie, on pouvait se risquer à discuter avec cet homme de nuit, quand il ne s’agit plus d’agir, mais
324 mbole de l’homme qui ne peut pas mourir !… Plaise à Dieu que l’angoisse qui tourmente cet homme depuis sa rencontre noctu
325 rée, encore que cette vérité ne soit point facile à entendre. Je ne sais si c’est un « barthien », au sens que certains «
326 hien », au sens que certains « libéraux » prêtent à ce terme malheureux. Assurément, il doit avoir lu Barth mieux que la
327 aucune espèce d’importance. Dieu fait pour nous, à ce moment, ce que Nicodème et tous les hommes reconnaissent qu’ils ne
328 fait, — le salut est donné. Mais nous avons alors à dire et à prêcher ce que sont ce Baptême et cette Cène. Certes, ces p
329 salut est donné. Mais nous avons alors à dire et à prêcher ce que sont ce Baptême et cette Cène. Certes, ces paroles nou
330 e nécessaire. Oui, cette expérience-là nous reste à jamais impossible, c’est pour cela qu’il faut la croire ! Et l’attest
11 1936, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Sur une page de Bossuet (ou Tradition et Révélation) (janvier 1936)
331 s sont communs d’ailleurs avec l’Église romaine — à quatre siècles d’une tradition que l’on réduit au seul domaine frança
332 oitié de ce temps. Ne serait-il pas plus conforme à la probité historique et plus fécond pour la théologie de mettre en r
333 ngélique » et la conception papale ; entre la foi à la Révélation parfaite et suffisante, et le recours à la Tradition co
334 Révélation parfaite et suffisante, et le recours à la Tradition comme critère des révélations évangéliques. Ce qui s’opp
335 u salut par la foi au sein d’une Église obéissant à la Révélation, et une doctrine du salut par l’Église, par une Église
336 re. Précisons encore ce schéma, qui ne prétend qu’ à indiquer le lieu précis de la divergence : la Réforme prêche que le C
337 Christ » lui-même. (L’expression est de Bossuet.) À la question ainsi posée, on me répondra probablement que mon antithès
338 en termes catholiques. Je comprends parfaitement à quel souci très légitime d’honnêteté, à quelle crainte très légitime
339 faitement à quel souci très légitime d’honnêteté, à quelle crainte très légitime de me voir combattre une caricature peut
340 aint, on me répond que cette formule lui est tout à fait personnelle, et l’on m’oppose une thèse thomiste ; laquelle est,
341 l’on m’oppose une thèse thomiste ; laquelle est, à son tour, contestée par un Newman ou un Laberthonnière, dans des livr
342 on ne saurait convoquer pour si peu, j’ai recours à quelque « Enchiridion », ou recueil des formules dogmatiques élaborée
343 catholique, l’avantage sans prix d’avoir toujours à portée de la main le critère dernier de toute « formulation chrétienn
344 s. Mais mon propos est ici simplement de répondre à l’objection de nos frères romanisés. Si les formules par lesquelles j
345 esquelles je résume leurs croyances ne sont pas «  à la lettre » catholiques, je dis : 1° que cela tient à ce que cette « 
346 lettre » catholiques, je dis : 1° que cela tient à ce que cette « lettre » est, pour nous tout au moins, pratiquement in
347 en catholique, lequel, s’il ne veut pas se borner à la pure et simple copie des formules élaborées par les conciles, est
348 anc, que nos frères catholiques ont tant de peine à distinguer. Et comment la distingueraient-ils quand l’effort perpétue
349 lation de notre raison ? Au point qu’on en arrive à se demander pourquoi le Christ a dû mourir pour triompher de notre pé
350 grâce, n’avait su les achever en les incorporant à la tradition de l’Église, corps du Christ ressuscité ! » Réponse qui
351 la pose ? Si mes reproches leur paraissent porter à faux et révéler une simple méconnaissance des possibilités infinies d
352 ène) : Que Jésus-Christ a donné un grand pouvoir à son Église dans la dispensation de ses mystères !… Il a permis à son
353 ns la dispensation de ses mystères !… Il a permis à son Église de séparer ce qu’il avait mis ensemble… Et non seulement l
354 hrist, qui sait ce qui appartient essentiellement à son institution, ce qui doit être dispensé diversement, selon les tem
355 us-Christ a mis ensemble, et qu’on donne le corps à manger sans donner en même temps le sang à boire. Étonnez-vous donc a
356 corps à manger sans donner en même temps le sang à boire. Étonnez-vous donc aussi de ce que la Cène sacrée est séparée d
357 Christ a voulu faire… Comme je citais cette page à un abbé fort écouté, dont les travaux marient avec aisance théologie
358 holique consiste, comme je le montrais plus haut, à récuser l’une après l’autre toutes les formules qui pourraient amener
359 l’autre toutes les formules qui pourraient amener à poser la question d’une manière claire et nette, et à choisir. Car, e
360 ser la question d’une manière claire et nette, et à choisir. Car, enfin, si Bossuet, en écrivant cette page, a déformé la
361  : « … Le Sauveur a-t-il voulu laisser aux hommes à distinguer par leur propre sens ce qui était la substance de l’instit
362 dit-il, par “fidèle” ? — Nous entendons : fidèle à la Révélation donnée une fois pour toutes par Dieu lui-même dans son
363 vers nous et nous exprime une sorte de pitié : «  À quoi s’appuiera le protestant, avec, pour tout guide, une Bible… ou l
364 sera bien incapable de différencier de sa nature à lui, de son époque et de sa formation ? »30. Autrement dit, on nous p
365 . Autrement dit, on nous plaint d’être abandonnés à la seule inspiration de l’Esprit, à laquelle on n’accorde aucun pouvo
366 re abandonnés à la seule inspiration de l’Esprit, à laquelle on n’accorde aucun pouvoir réel d’éclairer, de faire taire l
367 a nature, d’enseigner « objectivement » la vérité à l’homme « subjectif ». Et tout en mentionnant la Bible pour mémoire —
368 âles écrits », dira le père Pinard de la Boullaye à Notre-Dame — on oublie simplement qu’elle est notre critère, ce « vis
369 se de Rome qui nous paraît à cet égard abandonnée à un subjectivisme redoutable. C’est ce que l’on peut voir aisément par
370 té se fonde-t-elle ? Sur les conciles. Et ceux-ci à leur tour ? Prenons le concile de Trente : « Sacrosancta œcumenica et
371 être affirmé en droit, il est en fait négligé, et à tel point négligé qu’il n’y aura pas grand-chose à faire pour le ruin
372 tel point négligé qu’il n’y aura pas grand-chose à faire pour le ruiner plus tard en droit. C’est ce que fit le concile
373 cile de Trente. La tradition est ainsi substituée à l’Écriture comme critère des inspirations de l’Esprit saint. Mais la
374 saint. Le premier terme de l’alternative revient à consacrer en droit l’arbitraire le plus absolu. Pratiquement : un opp
375 holiques nous reprochent-ils notre subjectivisme, à nous qui reconnaissons un critère objectif, la Bible, alors qu’ils on
376 docteurs catholiques se sont fondés pour opposer à la tradition de leur temps (qui était encore le « Buvez-en tous ») un
377 tégrante de la nouvelle tradition, contradictoire à l’Écriture. Le cercle n’est-il pas vicieux ? Le scandale de cette inn
378 La tradition serait-elle une sorte de promotion «  à l’ancienneté » des erreurs les plus manifestes des conciles ? La ques
379 ette inquiétude32, qui a conduit l’Église de Rome à statuer qu’il existe, à côté de la Bible, une autre source. Tout l’ef
380 e. Tout l’effort dogmatique des conciles consiste à accumuler des assurances contre tous les « dangers », possibles, qui
381 obéisse et qu’elle me sauve ? Frères catholiques, à la question que vous adressez à la Réforme, du haut d’une grandeur tr
382 ères catholiques, à la question que vous adressez à la Réforme, du haut d’une grandeur traditionnelle mal assurée, — trop
383 Si vous croyez cela sérieusement, si vous croyez à cette autre parole qui est comme un commentaire de la première : « Ma
384 te des témoignages rendus par l’Église historique à son chef, qui lui fut révélé dans l’Écriture, et non ailleurs. Il res
385 révélé dans l’Écriture, et non ailleurs. Il reste à dire ceci : Et nous, croyons-nous assez « sérieusement » cela ? Croyo
386 dont la recrudescence actuelle ne fait honneur ni à l’information, ni à la bonne foi de nos écrivains, s’appelassent-ils
387 e actuelle ne fait honneur ni à l’information, ni à la bonne foi de nos écrivains, s’appelassent-ils Paul Claudel. Ce trè
388 e luthérienne. Nous ne croyons pas, dans son cas, à la mauvaise foi, mais à une ignorance totale de ce qu’il croit devoir
389 royons pas, dans son cas, à la mauvaise foi, mais à une ignorance totale de ce qu’il croit devoir attaquer périodiquement
390 ressemble au rationalisme ou au psychologisme ou à l’historisme libéral, qui ont trouvé, eux aussi, des critères tout à
391 ral, qui ont trouvé, eux aussi, des critères tout à fait intéressants pour interpréter les évangiles… 27. Méthode dont j
392 er. On ne peut pas incorporer impunément Aristote à une tradition qui se fonde dans la Révélation ; pas plus qu’on ne peu
393 des raisons justes (iustis causis et rationibus) à cette décision dogmatique (Canon 2). 29. « Ce grand Docteur », — « c
394 prit de Dieu. » I Cor. 2:10. 32. On le voit bien à ce trait : le « développement du dogme » n’est en fait qu’une stratif