1 1932, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Hic et nunc [éditorial] (novembre 1932)
1 Hic et nunc [éditorial] (novembre 1932)a b Il existe — hic et nunc — un certain nombre de choses à dire, un certain
2 de choses à dire, un certain ordre de vérités qu’ il n’est plus possible de taire. Mais c’est en vain que nous cherchons a
3 l’ironie, toute la décence, toute la violence qu’ elles imposent, des vérités actuelles, personnelles, dangereuses. Dites à n
4 dre ; à ceux auxquels, peut-être mieux qu’à nous, il sera donné de les comprendre en vérité, c’est-à-dire de les réaliser
5 ui se moquent des hommes et ne voient même pas qu’ ils n’ont plus de réponses à offrir à leurs perpétuelles et urgentes ques
6 ion de plus en plus soumise à ce dieu imbécile qu’ elle honore sur les « places » et qui s’appelle Production, il y a lieu et
7 se retrancher dans des positions que, peut-être, ils étaient bien près d’abandonner. Il nous est indifférent, en principe,
8 e, peut-être, ils étaient bien près d’abandonner. Il nous est indifférent, en principe, de nous opposer à telles idées cou
9 ême temps que nous-mêmes. Avant tout, après tout, il ne peut s’agir que d’une chose : témoigner, aussi fortement que possi
2 1932, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Principe d’une politique du pessimisme actif (novembre 1932)
10 radoxale, « dialectique », de la vie chrétienne : elle rejette tout espoir qui ne serait pas le seul espoir ; toute promesse
11 onie », est au centre du monde chrétien, parce qu’ elle est le signe même de notre condition. Et lorsque nous disons le « mon
12 monde qui ne saurait nous offrir de salut, puisqu’ il n’est de salut qu’en la foi, qui transcende le monde. Principe de l’i
13 « nous sommes au monde pour quelque chose », mais elle oublie que ce quelque chose, notre activité, ne vaut rien pour notre
14 e, notre activité, ne vaut rien pour notre salut. Elle se souvient que nous devons travailler à établir le Royaume sur la te
15 rien pour notre salut. Elle se souvient que nous devons travailler à établir le Royaume sur la terre, mais elle oublie que ce
16 ravailler à établir le Royaume sur la terre, mais elle oublie que cela nous est à jamais impossible. C’est le principe de ce
17 nte à tout système rationaliste du monde, soit qu’ il prétende, comme le système romain, enfermer les antinomies dans un ca
18 forme sans doute l’une des composantes ; soit qu’ il refuse comme le marxisme l’antinomie centrale de notre condition, et
19 ent humains dans le jeu de synthèses successives, il achemine l’espèce vers un équilibre final, réplique morne et désespér
20 st dans un désespoir tellement « substantiel » qu’ il nous rende à leur tour intenables les dernières ruses de la sécurité.
21 intenables les dernières ruses de la sécurité. ⁂ Il faut les entendre parler du « protestantisme ». Les uns l’accusent de
22 capitale, plutôt que Genève, choisirait Détroit. Il s’agirait de s’entendre ; mais pour cela il faudrait tout d’abord con
23 roit. Il s’agirait de s’entendre ; mais pour cela il faudrait tout d’abord connaître la position du calvinisme dialectique
24  ; intenable comme le fait chrétien lui-même, — s’ il n’est pas attesté dans l’acte de la foi. Qu’est-ce donc, en effet, qu
25 cet effort ne nous mériteront jamais le Pardon ; ils mériteront tout au plus d’être eux-mêmes pardonnés. Ce qui nous assur
26 tempteurs absolus des mérites humains, pourraient- ils , s’ils prennent au sérieux leur foi, participer à un effort politique
27 rs absolus des mérites humains, pourraient-ils, s’ ils prennent au sérieux leur foi, participer à un effort politique quelco
28 que quelconque ? Ayons le courage de l’affirmer ; il n’est pas de réponse à cette question pour ceux qui ne savent pas ce
29 ’aiguiser ces oppositions naturelles ; bien plus, elle crée des conflits là où l’homme naturel n’en pouvait distinguer ; et
30 omme naturel n’en pouvait distinguer ; et surtout elle impose un choix d’ailleurs humainement impossible, là où l’homme natu
31 n paix à ses déterminations physiques et morales. Doit -on conclure au refus de toute activité politique ? Ce serait admettre
32 omme n’est capable de la posséder dans la durée ; elle « survient », et jamais nous ne pouvons en tirer argument, comme d’un
33 argument, comme d’une force à notre disposition ; elle survient, et c’est alors un ordre que nous recevons et qui nous meut
34 ecevons et qui nous meut parmi les hommes tels qu’ ils sont, — des hommes qui ont besoin d’une politique pour suppléer à leu
35 s ont été les plus « actifs » des temps modernes. Il s’est même produit ceci (corruptio optimi pessima) que ceux d’entre e
36 ie moderne et son utilisation criminelle. ⁂ Mais il existe des êtres que l’attitude du pessimisme actif condamne sans dis
37 uillaume d’Orange est l’arrêt de mort des idoles. Elle suppose un Dieu transcendant. Quel dieu fait de nos désirs d’hommes p
38 es dieux de l’Occident réclament des dividendes ; ils réclament aussi des sacrifices humains. Le dieu-nation respire la bon
39 s de blé, de coton et d’obus. En face des idoles, il n’y a que deux attitudes possibles : les adorer ou les fracasser. (Il
40 appelée esthétique, qui consistait à dire : comme elles sont bien peintes ! (ou mal). — Pauvre type ! Peut-être aurai-je pour
41 x parler ici que du principe de notre politique ; il est bien clair qu’elle condamne, dans la mesure où ces idolâtries son
42 rincipe de notre politique ; il est bien clair qu’ elle condamne, dans la mesure où ces idolâtries sont suspendues à la réuss
43 re salut sur une organisation terrestre quelle qu’ elle soit. Il ne suit pas de là, bien au contraire, que nous ne puissions
44 r une organisation terrestre quelle qu’elle soit. Il ne suit pas de là, bien au contraire, que nous ne puissions collabore
45 rtains cas extrêmes, nous tient quitte de la foi. Il ne s’agit jamais pour nous de rendre cette vie possible, mais tout au
46 ), à la conception kierkegaardienne du désespoir. Elle ne désigne en réalité qu’un des moments de la dialectique du désespoi
47 ectique du désespoir : le moment décisif, l’acte. Elle n’a de sens, pour nous, que parce qu’il y a la foi. c. Rougemont De
3 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Solutions pratiques ? (mars 1933)
48  : avec un sérieux et un respect si peu feints qu’ ils n’excluent nullement la bonne humeur. Le sérieux ne consistera jamais
49 cette question est justifiée par le fait même qu’ elle a surgi à l’occasion de ce que j’écris ; il s’agit, avant que d’y rép
50 qu’elle a surgi à l’occasion de ce que j’écris ; il s’agit, avant que d’y répondre, de se rendre compte de ce qu’elle sig
51 nt que d’y répondre, de se rendre compte de ce qu’ elle signifie pour celui qui me la pose. Répondre du tac au tac, à la « le
52 qu’on se borne à répondre à leurs mots, alors qu’ il eût fallu répondre à un tourment réel, maladroitement exprimé par ces
53 peu ». Qu’on les reconnaisse à ce signe : dès qu’ ils commencent à comprendre de quoi il s’agit, ils s’écrient : « Je ne co
54 igne : dès qu’ils commencent à comprendre de quoi il s’agit, ils s’écrient : « Je ne comprends plus ! » En réalité, ils no
55 qu’ils commencent à comprendre de quoi il s’agit, ils s’écrient : « Je ne comprends plus ! » En réalité, ils nous demandent
56 ’écrient : « Je ne comprends plus ! » En réalité, ils nous demandent des thèmes de discussion, c’est-à-dire des prétextes à
57 ion, j’entends à ceux qui nous la posent parce qu’ elle se pose à eux-mêmes. Il n’y a pas de solutions, — il y a des ordres
58 us la posent parce qu’elle se pose à eux-mêmes. Il n’y a pas de solutions, — il y a des ordres 1. Celui qui veut vrai
59 ustre. Or, la force, pour le chrétien, quelle est- elle  ? Il se trouve que nul homme n’est en mesure de la donner à son frère
60 Or, la force, pour le chrétien, quelle est-elle ? Il se trouve que nul homme n’est en mesure de la donner à son frère : c’
61 foi. 2. Un homme qui est dans la foi sait bien qu’ il n’y a pas à demander de « solutions pratiques », car la foi est préci
62 dres personnels, et ces ordres sont pratiques, ou ils ne sont rien. On dirait, à entendre parler certains chrétiens, que la
63 l’aspect décourageant du paganisme contemporain. Il sévit dans nos églises, avec une virulence sourde, attisée de temps à
64 précisément, c’est cette force qui me dit : « Tu dois , ici et maintenant. » — Mieux vaudrait cent-mille fois s’écrier : « N
65 me certains : « J’ai la foi, mais dites-moi ce qu’ il faut que j’en fasse ? » Car, où la foi existe, existe le savoir. Ente
66 « L’Éthique ne commence pas dans une ignorance qu’ il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation
67 ayant perdu la clef de l’Origine et de la Fin, qu’ il s’agisse de notre existence personnelle ou du cours de l’histoire ter
68 umière leur est venue dans cette nuit ? Est-ce qu’ ils ont, eux, la clef du mystère ou du scandale ? Non, je ne le crois pas
69 u scandale ? Non, je ne le crois pas. Je dirai qu’ ils ont mieux que cela. Ils savent simplement ce qu’il faut faire dans ce
70 le crois pas. Je dirai qu’ils ont mieux que cela. Ils savent simplement ce qu’il faut faire dans cette nuit pour en sortir
71 s ont mieux que cela. Ils savent simplement ce qu’ il faut faire dans cette nuit pour en sortir un jour. Ils savent que le
72 aut faire dans cette nuit pour en sortir un jour. Ils savent que le Christ leur promet la lumière à la mesure de leur obéis
73 promet la lumière à la mesure de leur obéissance. Ils n’ont donc pas reçu une révélation ésotérique, que l’homme d’aujourd’
74 e serait pas capable de supporter, d’interpréter. Ils n’ont pas davantage reçu une révélation éthique, un étalon universel
75 u bien et du mal en toute chose. La révélation qu’ ils ont reçue et qu’ils reçoivent est purement « pratique », c’est-à-dire
76 toute chose. La révélation qu’ils ont reçue et qu’ ils reçoivent est purement « pratique », c’est-à-dire immédiate à chacun
77 précis du temps et de l’espace : voici ce que tu dois faire. À celui qui demande : que dois-je faire ? le chrétien n’a don
78 ce que tu dois faire. À celui qui demande : que dois -je faire ? le chrétien n’a donc rien à répondre, en principe. Il ne p
79 e chrétien n’a donc rien à répondre, en principe. Il ne peut que renvoyer à la seule force d’où provient l’ordre véritable
80 s, et pour soi-même, prouver la foi par l’acte qu’ elle ordonne. Nous ne sommes pas des guérisseurs, mais des malades D
81 ntrer que la maladie est sérieuse, si sérieuse qu’ il serait ridicule d’attendre de nous ou de qui que ce soit un remède. D
82 ncer tous les codes existants de morale, parce qu’ ils dénaturent ou refoulent la question, en lui fournissant des réponses
83 désorienter celui qui s’imagine être debout quand il n’a fait que truquer les repères ; désespérer les optimistes en leur
84 ptimistes en leur montrant de quel prix dérisoire ils ont cru payer leur salut, — telle est la seule tâche véritablement po
85 la prend bien souvent l’aspect d’une destruction. Il peut paraître étrange que l’on doive rappeler de telles choses, mais
86 ne destruction. Il peut paraître étrange que l’on doive rappeler de telles choses, mais la raison en est pourtant bien claire
4 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Dialectique des fins dernières (juillet 1933)
87 ence la justification de son refus de vivre. Mais il existe une sagesse qui semble bien n’être pas affectée de la dégradat
88 sse dit oui à toutes les contradictions du monde. Elle les assume dans une vue sobre et courageuse et cherche en elles la te
89 me dans une vue sobre et courageuse et cherche en elles la tension, le ressort nécessaires à l’acte créateur. Loin de tenter
90 tenter leur réduction à quelque idéale synthèse, elle s’exalte des conflits sans cesse renaissants que suscite l’exigence d
91 ants que suscite l’exigence de la personne lorsqu’ elle s’insère dans le donné hostile du monde ambiant. Elle ne veut ni la t
92 s’insère dans le donné hostile du monde ambiant. Elle ne veut ni la thèse seule, ni l’antithèse seule, et bien moins encore
93 ntithèse seule, et bien moins encore la synthèse. Elle veut le risque permanent, l’actualité permanente. Elle provoque sans
94 veut le risque permanent, l’actualité permanente. Elle provoque sans répit cette mise en question personnelle que signifie l
95 de la thèse et de l’antithèse. Avec Kierkegaard, elle répète que « toute prétention à une unité supérieure qui harmoniserai
96 t qu’un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il s’agit donc ici d’une dialectique à deux termes simultanés, et dont l
97 orientée vers quelque troisième terme dans lequel elle s’annulerait, non sans soulagement, mais bien vers l’acte créateur pa
98 l des hégéliens. Hegel supprima le conflit lorsqu’ il voulut en étaler les éléments dans le temps et l’Histoire. Sa dialect
99 ut dans un processus qui nie l’acte et le risque. Il n’y a plus qu’à compter un, deux, trois, comme le dit Kierkegaard dan
100 j’ai pu marquer mon choix et quelles conséquences il entraîne dans l’ordre politique, par exemple, que notre temps croit d
101 dre politique, par exemple, que notre temps croit devoir considérer comme plus réel que le spirituel. Il me paraît certain qu’
102 voir considérer comme plus réel que le spirituel. Il me paraît certain qu’une dialectique fondée sur l’actualité permanent
103 évelopper ici ces thèses, si dans leur expression elles ne comportaient, à première vue, une similitude si troublante avec le
104 barthiennes, et si pour cette raison précisément elles ne constituaient un terme de comparaison tout à fait privilégié. Peut
105 e point de vue dialectique de Barth se laissera-t- il d’autant plus clairement définir qu’on le définira par son opposition
106 ⁂ Cet acte dont nous parlions, à quoi se suspend- il en dernière analyse ? Vers quelles fins dernières nous conduit le dép
107 les fins dernières nous conduit le dépassement qu’ il permet ? Et le rendement créateur de cette éthique de la personne, pa
108 personne, par quoi, au bout du temps, se trouve-t- il à son tour jugé ? Si l’on récusait ces questions, on affirmerait par
109 ffisant de l’ensemble du monde. Ce serait dire qu’ elle constitue finalement la solution au nom de quoi l’on refuse toutes le
110 outes les synthèses et ce principe de synthèse qu’ il contient. Accusation qui ne porte pas sur le détail ni sur la valeur
111 tous ces problèmes à la réalité de Dieu telle qu’ elle nous apparaît, c’est-à-dire au problème de tous nos problèmes, au pro
112 n. Tel est l’aspect humain de la dialectique dont il est question chez Barth ; et que cela suffise à faire voir que Barth
113 te ; si au contraire le paradoxe est bien réel, s’ il est bien tel que l’ont formulé un Paul, un Luther, un Calvin, ce sont
114 t de la « tristesse » du message barthien, puisqu’ ils entendent désigner par là l’acceptation de la mort et du rien, de l’i
115 , le ferait tomber dans l’histoire. « Ainsi donc, il ne nous reste — émouvant spectacle pour ceux qui n’ont pas le vertige
116 e » pareillement inconfortable, dont, au surplus, il n’est plus possible de se défaire au nom de l’« action » ou de la « p
117 e l’« action » ou de la « piété du cœur », puisqu’ elle prétend précisément les mettre en cause. C’est qu’aussi bien ce oui,
118 longé dans la négation radicale. Mais aussitôt, s’ il accepte ce non, l’affirmation de son salut paraît : il reconnaît la V
119 cepte ce non, l’affirmation de son salut paraît : il reconnaît la Vie au travers de sa mort. Si, par un souci peut-être va
120 tion formelle, nous revenions au schéma hégélien, il faudrait dire qu’ici la synthèse précède et seule provoque l’antithès
121 rth, se rapporte aux réalités dernières. Qu’y a-t- il donc entre ce non dernier et tous nos sic et non ? Qu’y a-t-il entre
122 ce non dernier et tous nos sic et non ? Qu’y a-t- il entre cette condamnation globale et tous les jugements quotidiens que
123 , et notre acceptation de cette mort. Et qu’y a-t- il entre ce oui dernier et tous nos sic et non, qu’y a-t-il entre cette
124 e ce oui dernier et tous nos sic et non, qu’y a-t- il entre cette justification totale et toutes les affirmations orgueille
125 a l’acceptation de la Vie qui n’est pas nôtre, qu’ il faut croire. Dissymétrie vertigineuse : la place qui nous est assigné
126 Je voudrais simplement en avoir dit assez pour qu’ il soit inutile d’insister davantage sur ce fait : nos dialectiques huma
127 t parle la théologie dans sa dialectique absolue. Il n’y a plus ici d’opération réelle que par la Parole de Dieu : acte de
128 seulement notre recherche, mais en même temps, si elle est vraie, notre salut. Et c’est Pascal, traduisant Augustin : « Tu n
5 1933, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Poésie dialectique (juillet 1933)
129 ne haute poésie. 3° Enfin toute poésie ne serait- elle pas, dans son essence, dialectique ? La métaphore ne tire-t-elle pas
130 son essence, dialectique ? La métaphore ne tire-t- elle pas sa puissance de la nouveauté paradoxale des rapprochements qu’ell
131 de la nouveauté paradoxale des rapprochements qu’ elle opère ? Ne jaillit-elle pas de la tension des contradictoires qu’elle
132 ale des rapprochements qu’elle opère ? Ne jaillit- elle pas de la tension des contradictoires qu’elle saisit en une seule ima
133 lit-elle pas de la tension des contradictoires qu’ elle saisit en une seule image, indiquant par cette image beaucoup plus qu
6 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Grammaire de la personne (janvier 1934)
134 ée, et qui ne se précise en moi qu’à l’instant où elle me contraint d’agir. Peut-être qu’il est inutile de rien savoir du mo
135 instant où elle me contraint d’agir. Peut-être qu’ il est inutile de rien savoir du monde et de son train, des sciences, de
136 e, le résoudre au concret, ou bien périr par lui. Il n’y a pas au monde un seul problème dont la réalité dernière, dont l’
137 e surdité, de cécité et de mutisme. Par ailleurs, elle pourrait être aussi laïque ou religieuse qu’on voudrait. Mais l’indiv
138 on voudrait. Mais l’individu a vécu, nous dit-on… Il faut craindre la mort des mythes : elle n’est jamais qu’une métamorph
139 ous dit-on… Il faut craindre la mort des mythes : elle n’est jamais qu’une métamorphose. L’individu n’est mort que pour rena
140 est constater que la question sociale, en tant qu’ elle est question exigeant une réponse ne se pose pas ailleurs que dans le
141 nnaître autrement que par la question concrète qu’ elles m’adressent ; et cette question ne peut être concrète — ne peut être
142 n autre homme, en face de moi, qui me la pose. Qu’ il soit là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeu
143 nt dans un nous, qu’on oppose alors fièrement aux ils des sociologues et des positivistes. Cette opération magistrale porte
144 ue. Le vœu humain paraît comblé… Mais ce nous est- il autre chose qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils des col
145 ose qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils des collectivistes ? N’est-il pas, lui aussi, inactuel et abstrait, e
146 des libéraux et le ils des collectivistes ? N’est- il pas, lui aussi, inactuel et abstrait, et par là même, ne laisse-t-il
147 inactuel et abstrait, et par là même, ne laisse-t- il pas le champ libre à la tyrannie, c’est-à-dire à la mécanique étatist
148 ciste est peut-être plus grave que les erreurs qu’ elle combat, parce qu’elle figure l’image du rapport véritable entre les h
149 us grave que les erreurs qu’elle combat, parce qu’ elle figure l’image du rapport véritable entre les hommes, mais qu’elle la
150 ge du rapport véritable entre les hommes, mais qu’ elle la figure dans l’abstrait, dans le plan même de ce qu’elle croit mépr
151 igure dans l’abstrait, dans le plan même de ce qu’ elle croit mépriser. Le rapport véritable entre les hommes, c’est la commu
152 communauté n’est rien de plus que les personnes : elle n’est que l’expression de leurs rapports spécifiques. Elle a son cent
153 t que l’expression de leurs rapports spécifiques. Elle a son centre en chacune des personnes qui la composent, et n’est pas
154 st pas définie par autre chose que par ce centre. Elle est le rayonnement dans la durée de l’acte instantané qui unit un je
155 ment abstraction de la responsabilité réciproque. Il en résulte que le je et que le tu, considérés d’un point de vue qui n
156 rence. Et comme le veut la géométrie euclidienne, il est plus grand que chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge
157 s grand que chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge des droits sur eux, bien qu’à la vérité il ne résulte que de
158 s’arroge des droits sur eux, bien qu’à la vérité il ne résulte que de la somme de leurs altérations. Les hommes qui const
159 vis qui pose une question directe, — le prochain. Il a cessé d’être un des pôles de la personne. Le nous n’est rien qu’un
160 ies. Perte de tension, en chaque point du cercle. Il faudra bien la compenser par une rigidité accrue de la circonférence.
161 la force d’un principe transcendant, — et tant qu’ il règne on peut mépriser la police ; puis vient un temps où l’on se las
162 cial qui s’abandonne ; enfin la police décrète qu’ elle est elle-même la force véritable. Mais elle ne règne plus que sur des
163 te qu’elle est elle-même la force véritable. Mais elle ne règne plus que sur des automates. ⁂ Les partisans du nous, en véri
164 e l’autre — dans le nous 8. Pour nous aimer, nous devons faire chacun tout le chemin qui nous sépare l’un de l’autre. Et c’est
165 ous les problèmes sociaux et spirituels. C’est en elle , et c’est en elle seule, qu’ils provoquent un écho humain. C’est en e
166 sociaux et spirituels. C’est en elle, et c’est en elle seule, qu’ils provoquent un écho humain. C’est en elle enfin que s’op
167 ituels. C’est en elle, et c’est en elle seule, qu’ ils provoquent un écho humain. C’est en elle enfin que s’opère l’acte d’u
168 seule, qu’ils provoquent un écho humain. C’est en elle enfin que s’opère l’acte d’une communion réelle. La personne est un l
169 sonne est un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’ elle est le lieu, l’origine et la fin de toute incarnation, de toute créat
170 actualité dont le moins qu’on puisse dire est qu’ elle nous assaille de toutes parts avec ses grands panneaux hauts en coule
171 sque dans les pages illustrées de nos quotidiens. Il me reste à marquer la dépendance théologique d’une analyse qui peut p
172 a quiétude, n’est-ce pas, en définitive, parce qu’ il est pour moi, à tel instant, le symbole réel de Celui qui nous a dit 
173 tre reçu par moi, mais encore d’être reçu quoi qu’ il me demande, fût-ce ma mort, n’est-ce pas pour cette seule raison, où
174 cel, Journal métaphysique). Le toi est mon objet, il n’est pas autonome. 7. Ainsi l’Église : le chrétien, dans l’acte de
175 se universelle. L’Église est universelle parce qu’ elle s’enracine dans l’acte qui confère à tout homme son être véritable, d
7 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Précisions sur la mort du Grand Pan (avril 1934)
176 s choses dans leurs natures particulières : alors elles nous en sont reconnaissantes. C. F. Ramuz (Adam et Ève). La plénitu
177 immobile. La plénitude du monde est un événement. Elle a son lieu dans la question que nous adressent les créatures, lorsque
178 e nous distinguons leur véritable angoisse, et qu’ elle nous dresse pour une réponse. La plénitude est un combat d’amour. Mai
179 s tentations et des menaces qui surgissent dès qu’ il dit je, n’a pas d’autre mouvement que la peur ou l’amour. Non qu’il a
180 d’autre mouvement que la peur ou l’amour. Non qu’ il ait à choisir : déjà il fuit, déjà il s’offre. C’est le je qui est ch
181 a peur ou l’amour. Non qu’il ait à choisir : déjà il fuit, déjà il s’offre. C’est le je qui est choix. L’acte qui me disti
182 our. Non qu’il ait à choisir : déjà il fuit, déjà il s’offre. C’est le je qui est choix. L’acte qui me distingue du monde
183 ou meurtrier. Je n’existe que par cette tension. Elle est ma seule différence et je n’échappe point au règne naturel. L’ind
184 ernative extérieure à son être, un vis-à-vis dont il pourrait se détourner, cette indifférence n’est rien que le rêve d’un
185 se croit je. Ce rêve peut remplir nos journées : il n’est pas notre vie. Il n’est qu’un abandon aux lois de la poussière.
186 ut remplir nos journées : il n’est pas notre vie. Il n’est qu’un abandon aux lois de la poussière. ⁂ Ceci peut définir l’A
187 pas celui des humains, c’est à la raison seule qu’ il se révèle, et ce n’est plus la peur du sang qui lui répond, mais la c
188 t son acte, mesure la grandeur du danger, sait qu’ il s’y offre armé, et connaît ses retraites. Raison géométrique, adorati
189 homme le sait. Et sa dictature n’est pas l’ordre. Elle peut tuer les bêtes, couper les arbres et peupler les déserts ; sur l
190 s déserts ; sur le principe animateur des choses, elle est sans prise. Elle ne règne vraiment que sur ses propres créatures.
191 incipe animateur des choses, elle est sans prise. Elle ne règne vraiment que sur ses propres créatures. Alors il faut refair
192 gne vraiment que sur ses propres créatures. Alors il faut refaire un monde. L’arbre devient colonne et ne pose plus de que
193 aux prises avec lui-même. Autarchie rationnelle. Il a mauvaise conscience. « De la raison considérée comme un assassinat 
194 aisir le sens exact ? Ainsi se défend la Logique. Elle n’a pas tort. L’enfer logique est sans défaut. Le sens exact d’une qu
195 que n’a pas en lui de quoi répondre à la Nature : il est lui-même une question que Dieu ne semble pas entendre. L’homme an
196 donné à l’anarchie. Comment Adam ne s’effraierait- il pas d’une plainte qui s’adresse, en lui, à ce pouvoir qu’il sait avoi
197 ne plainte qui s’adresse, en lui, à ce pouvoir qu’ il sait avoir perdu ? La Nature se révolte en désordre. Elle veut la mor
198 t avoir perdu ? La Nature se révolte en désordre. Elle veut la mort de l’homme parce qu’il ne sait plus la faire vivre. L’ho
199 n désordre. Elle veut la mort de l’homme parce qu’ il ne sait plus la faire vivre. L’homme se défend brutalement, et plus i
200 ire vivre. L’homme se défend brutalement, et plus il se défend, plus il impose à la Nature sa tyrannie, moins il comprend
201 se défend brutalement, et plus il se défend, plus il impose à la Nature sa tyrannie, moins il comprend le sens de sa haine
202 nd, plus il impose à la Nature sa tyrannie, moins il comprend le sens de sa haine anxieuse. Peut-être, s’il allait au-deva
203 mprend le sens de sa haine anxieuse. Peut-être, s’ il allait au-devant de ces voix, sans armes, les mains nues, au risque d
204 eut-être alors le secret du grand Pan s’ouvrirait- il à son amour ? Mais serait-ce amour ou défi ? Empédocle n’a rien sauvé
205 se résoudre sur le plan humain et rien qu’humain. Elle devait conduire l’humanité à des impasses mortelles, celles-là mêmes
206 soudre sur le plan humain et rien qu’humain. Elle devait conduire l’humanité à des impasses mortelles, celles-là mêmes où se d
207 ée dans l’ordre originel. À cet instant, parce qu’ il possède cette réponse, l’homme comprend le sens de la question. Et da
208 t dans l’élan désordonné des êtres et des choses, il découvre une « attente ardente ». Il sait qu’elle s’adresse en lui à
209 des choses, il découvre une « attente ardente ». Il sait qu’elle s’adresse en lui à ce qui de lui ressuscite, ayant reçu
210 , il découvre une « attente ardente ». Il sait qu’ elle s’adresse en lui à ce qui de lui ressuscite, ayant reçu et accepté la
211 de lui ressuscite, ayant reçu et accepté la mort. Il peut aimer : ce n’est plus un défi, c’est une soumission à l’Éternel.
212 st la mort du Grand Pan11. ⁂ Le Nouvel Adam vit : il ne vit que dans la promesse. Cette Promesse est certaine, mais son ac
213 son accomplissement est hors du temps, bien plus, il est la fin du temps. Or, le temps suit son cours, et nous sommes dans
214 et mauvais par le mot de séparation. D’une part, il constitue le ressort de toute invention ; et le symbole de cette acti
215 e cette activité, c’est la machine. D’autre part, il devait aboutir à une distinction entre l’esprit et le corps qui, d’ac
216 ette activité, c’est la machine. D’autre part, il devait aboutir à une distinction entre l’esprit et le corps qui, d’accidente
217 entre l’esprit et le corps qui, d’accidentelle qu’ elle était à l’origine, allait être décrétée essentielle par les philosoph
218 e décrétée essentielle par les philosophes dès qu’ ils ne tiendraient plus réellement compte du péché ni de la grâce. Et le
219 lisés. Formulée d’abord par les élites citadines, elle revêt l’apparence victorieuse du rationalisme scientifique. Les progr
220 isante quant aux intentions cachées de la Nature. Il arrive alors que cet homme, trahissant la mission dont la foi le char
221 ture et s’en aille lui demander précisément ce qu’ il lui doit : la révélation salutaire. Il faut voir que ce mouvement sup
222 s’en aille lui demander précisément ce qu’il lui doit  : la révélation salutaire. Il faut voir que ce mouvement suppose enco
223 ment ce qu’il lui doit : la révélation salutaire. Il faut voir que ce mouvement suppose encore une indifférence morbide à
224 De la séparation tragique, maintenant consommée, il ne subsiste en l’homme nulle conscience effective. Seul, le désir qu’
225 mme nulle conscience effective. Seul, le désir qu’ il dit avoir de « communier » avec la Nature, révèlerait encore qu’il pr
226  communier » avec la Nature, révèlerait encore qu’ il pressent une séparation dont, par ailleurs, son optimisme, hérité d’u
227 usseau responsable. Mais c’est à ses disciples qu’ il faudrait s’en prendre. Rousseau n’a pas trompé sur son état. Le senti
228 ure, dans la Cinquième Rêverie, comment le décrit- il , sinon, précisément, comme « le sentiment de l’existence dépouillé de
229 passion, comme aussi de toute responsabilité !) ; il note bien que ce sentiment permet l’économie de tout « concours actif
230 l’économie de tout « concours actif de l’âme » ; il pousse la lucidité jusqu’à marquer qu’un tel état n’est pas recommand
231 utile et de bon pour autrui ni pour soi ». Enfin, il précise qu’on y atteint le mieux couché dans un bateau « qui dérive a
232 omme qui conclut avec le monde une paix honteuse. Il est vrai que Rousseau ne s’en glorifie pas, et qu’il se voit à cette
233 est vrai que Rousseau ne s’en glorifie pas, et qu’ il se voit à cette époque « dans la plus étrange position, où se puisse
234 fournit à la prédication chrétienne un lyrisme qu’ elle n’osait plus aller chercher dans l’invective prophétique ou dans la j
235 naturaliste, dont peu d’auditeurs soupçonnent qu’ elle n’est, au mieux, que le dernier relent, l’écho infiniment amenuisé de
236 iment amenuisé des bacchanales antiques. ⁂ N’est- il pas significatif que le mot de Ehrfurcht qui, chez Goethe, traduit la
237 é. Lisons ses Réflexions sur le Théâtre allemand. Il y décrit un état d’âme tout voisin de la « panique » antique14, mais
238 Mais Constant, comme les romantiques allemands, s’ il voit bien la question ne va pas jusqu’à l’accepter, et sa réponse n’e
239 Cette « partie de son être inconnue à lui-même », il en fait aussitôt une réalité psychologique, « et qui tient à la fois
240 t qui tient à la fois des sens et de la pensée ». Il en conclut qu’elle est « essentiellement du domaine de la poésie ». L
241 fois des sens et de la pensée ». Il en conclut qu’ elle est « essentiellement du domaine de la poésie ». L’origine du mythe c
242 du mythe contemporain de l’inconscient ne serait- elle pas, elle aussi, dans ce refus de croire à la réalité tout invisible
243 contemporain de l’inconscient ne serait-elle pas, elle aussi, dans ce refus de croire à la réalité tout invisible de « l’hom
244 omme dans la perspective biblique de la Création. Il faut lire ce chef-d’œuvre qu’est son dernier roman, Adam et Ève. C’es
245 vée, — par ce vieil ennemi de la Genève moderne ! Il faudrait parler longuement du « barthisme » d’une telle œuvre, — plus
246 une telle œuvre, — plus réel sans doute, parce qu’ il est plus inconscient, que celui de nos essais critiques. Mais Ramuz,
247 ’éternité perdue de notre être. Mais par là même, elle nous charge d’une nouvelle responsabilité vis-à-vis de la Nature. 12
248 les Du Bos sur Wordsworth, dans Vigile, IV, 1931. Elle est riche en documents significatifs et qui viennent à l’appui de not
249 existe entre tous les êtres moraux et physiques. Il n’y a personne, je le pense, qui, laissant errer ses regards sur un h
250 é d’étoiles, n’ait éprouvé une sorte d’émotion qu’ il lui était impossible d’analyser ou de définir. On dirait que des voix
251 irait que des voix descendent du haut des cieux…, il semble y avoir je ne sais quoi de prophétique dans le vol pesant du c
8 1934, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Éditorial (juillet 1934)
252 ’hui, dans la moyenne, soit trop bien appareillé. Il advient même que l’argutie papiste le jette dans l’incertitude. Il ne
253 ue l’argutie papiste le jette dans l’incertitude. Il ne lui reste alors que le refuge d’un antidogmatisme cordial, sous le
254 uestions des incroyants ou des catholiques ; mais il se soucie peu d’examiner « librement », comme le veut la formule rati
255 chrétienne. Cette indifférence est si profonde qu’ elle rend parfois inefficaces non seulement des affirmations renouvelées d
256 sses de ce théologien, et affirmer innocemment qu’ il n’y a rien de bien nouveau dans ce message ; que c’est là ce qu’ils o
257 bien nouveau dans ce message ; que c’est là ce qu’ ils ont toujours dit. Ainsi le sel perd sa saveur. Les ravages de cette i
258 curiosité passagère, alors qu’en toute honnêteté, elle devrait provoquer le scandale chez la très grande majorité des audite
259 sité passagère, alors qu’en toute honnêteté, elle devrait provoquer le scandale chez la très grande majorité des auditeurs. Nou
260 ous déplorons poliment leurs excès ; si seulement ils parlaient un peu moins fort, ce serait bien édifiant de les entendre…
261 re… Le seul avantage de cette situation, c’est qu’ elle a quelque peu immunisé les fidèles contre les fausses doctrines moder
262 nistes. Malgré ce que certains leur ont prêché16, il se trouve encore des protestants pour ne pas croire que la Cène est u
263 mémoration symbolique. Mais combien s’en trouve-t- il qui soient capables d’expliquer ce qu’ils croient ? Combien qui puiss
264 trouve-t-il qui soient capables d’expliquer ce qu’ ils croient ? Combien qui puissent donner raison de ce que dans la commun
265 impies ? Peut-être le fidèle d’aujourd’hui n’a-t- il plus, comme ses pères, la crainte païenne de se présenter à la table
266 te dans un état « moral » insuffisant ; mais sait- il bien que seul l’aveu de sa totale insuffisance morale lui donne le dr
267 le gage ? On est moins exigeant envers soi-même : il faudrait être autrement exigeant. Nous renoncerons, dans cette nouvel
268 de chrétiens de bonne volonté. Scientifiquement, il y faudrait de gros volumes. Mais il suffit parfois de quelques phrase
269 ntifiquement, il y faudrait de gros volumes. Mais il suffit parfois de quelques phrases, d’un mot rendu à son vrai sens, p
270 ut empêchait que la question fût posée utilement. Il suffit parfois d’indiquer, de rappeler certains arguments ; de les gr
9 1935, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Les trois temps de la Parole (mai 1935)
271 impossible à l’homme, celui que Pierre fit lorsqu’ il dit à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » L’Histoir
272 d, sous la forme polémique et non systématique qu’ il lui a donnée, peut prêter à de graves malentendus. À celui-ci en part
273 croire que tout l’effort de la pensée chrétienne doit être de remonter l’Histoire, de se transporter en imagination aux pre
274 xigence de la « contemporanéité » de Kierkegaard. Il a bien pour objet de nous rendre, d’une façon ou d’une autre, « conte
275 re à Kierkegaard exactement le contraire de ce qu’ il entendait. Car il est évident que notre double effort pour nous re-pr
276 xactement le contraire de ce qu’il entendait. Car il est évident que notre double effort pour nous re-présenter Jésus, soi
277 re esprit — car c’est bien de la même tendance qu’ il s’agit dans les deux cas — nous ne pensons qu’aux 19 siècles qui nous
278 ement ce fait : c’est qu’entre le Christ et nous, il n’y a pas 19 siècles, mais une éternité ; il n’y a pas une certaine q
279 ous, il n’y a pas 19 siècles, mais une éternité ; il n’y a pas une certaine quantité de temps et d’histoire, mais l’abîme
280 mais l’abîme absolu d’une différence de qualité ; il n’y a pas une distance, mais une rupture — notre péché. Or, le péché,
281 , le péché, c’est notre pente naturelle. Et c’est elle , précisément, qui nous pousse à vouloir établir cette contemporanéité
282 pensée justement soumise au péché ? D’autre part, il nous est impossible de nous arrêter de penser… Telle est l’impasse où
283 utes nos théories nous y ramènent. Notre ambition doit donc se limiter à poser clairement le problème, et à formuler, si pos
284 été annoncé aux prophètes et aux apôtres pour qu’ ils en témoignent ensuite, — autre est le temps de ce témoignage, le temp
285 apôtres, orientée vers cette parole et recevant d’ elle sa norme. » Or, ces temps différents ne sont pas différenciés seuleme
286 siècles et l’évolution historique de l’humanité. Ils résultent d’attitudes différentes que Dieu adopte en face de l’homme.
287 s différentes que Dieu adopte en face de l’homme. Ils représentent trois activités de Dieu bien distinctes. « Cette positio
288 mais bien trois espèces de temps distinctes. D’où il résulte que l’on ne peut pas passer de l’un à l’autre par un mouvemen
289 re par un mouvement continu, de proche en proche. Il faut un saut17. Prenons un exemple fameux : celui de Pierre à Césarée
290 même temps que Jésus, le rabbi de Nazareth, mais il ne devient le « contemporain » du Fils de Dieu qu’à l’instant où, par
291  » du Fils de Dieu qu’à l’instant où, par la foi, il prononce : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Or, ni la cha
292 codème a beau vivre en même temps que le Christ : il ne le reconnaît pas, il ne voit en lui qu’un prophète, il n’est pas s
293 ême temps que le Christ : il ne le reconnaît pas, il ne voit en lui qu’un prophète, il n’est pas son contemporain. Les dis
294 reconnaît pas, il ne voit en lui qu’un prophète, il n’est pas son contemporain. Les disciples d’Emmaüs ont beau cheminer
295 d’Emmaüs ont beau cheminer aux côtés du Christ : ils ne deviennent ses contemporains qu’à l’instant où lui-même se révèle
296 le vis-à-vis absolu de l’Église dans notre temps. Il dépend de Dieu seul, et nullement de nos efforts, que nous passions d
297 à ce temps de la Parole faite chair. ⁂ On dira qu’ il ne s’agit là que d’un schéma. Certes, et j’ai dû schématiser encore l
298 ’il ne s’agit là que d’un schéma. Certes, et j’ai schématiser encore les pages que Barth consacre à ce problème. Mais f
299 pages que Barth consacre à ce problème. Mais faut- il le redire ? La théologie n’est pas là pour résoudre concrètement nos
300 pas là pour résoudre concrètement nos problèmes. Elle a pour but de les poser, de nous donner un instrument critique qui no
301 essais qui composent ce numéro de Hic et Nunc. Qu’ il soit donc bien établi : 1° que les efforts de notre imagination, qu’i
302 bli : 1° que les efforts de notre imagination, qu’ ils s’expriment sous une forme franchement littéraire18, ou sous la forme
303 e sermons, sont par eux-mêmes absolument vains, s’ ils prétendent, à force d’habileté, de science, de poésie ou d’éloquence,
304 de la Parole ou de ses témoins bibliques ; 2° qu’ ils ne peuvent avoir d’utilité que s’ils concrétisent à nos yeux les limi
305 ques ; 2° qu’ils ne peuvent avoir d’utilité que s’ ils concrétisent à nos yeux les limites de nos imaginations. Reconnaître,
306 de représenter aux yeux des fidèles les choses qu’ il annonce. L’important, c’est qu’il soit bien entendu que tout cela n’e
307 s les choses qu’il annonce. L’important, c’est qu’ il soit bien entendu que tout cela n’exprime encore que notre réalité hu
308 e que l’échec seul de ces efforts leur confère, s’ il est déclaré expressément, s’il est éprouvé par l’orateur et par l’aud
309 ts leur confère, s’il est déclaré expressément, s’ il est éprouvé par l’orateur et par l’auditeur comme une nécessité de no
310 u Jean-Baptiste de la Crucifixion d’Issenheim : «  Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Voilà le vrai sens du tableau
311 iste de la Crucifixion d’Issenheim : « Il faut qu’ il croisse et que je diminue. » Voilà le vrai sens du tableau, et peu im
10 1935, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Soirée chez Nicodème (mai 1935)
312 esse à distinguer chez son interlocuteur, quel qu’ il soit, le point faible d’un raisonnement, qu’il se borne à faire appar
313 qu’il soit, le point faible d’un raisonnement, qu’ il se borne à faire apparaître par une simple question de bon sens, a fa
314 fait toute la célébrité. On se plaît à le dire : il n’a pas d’âge. Sa barbe blanche et ses joues roses, son grand front d
315 salon pourra faire deviner quelques-unes d’entre elles . La conversation qui s’était égarée vers la politique, au dessert, re
316 t vivre » mieux que la plupart des jeunes gens qu’ il accueille si généreusement, chaque semaine, en son logis. Il se tourn
317 e si généreusement, chaque semaine, en son logis. Il se tourna vers moi en souriant, et le dialogue s’engagea sans aucune
318 autres dans l’ouvrage de M. Monod. Vous savez qu’ il a 3000 pages. Mais que dites-vous de ces deux phrases qui me sont tom
319 Mais je sais bien ce que M. Monod voulait dire : il pense que les jeunes « réacteurs » se placent plus volontiers sur le
320 e « terrain abstrait de l’orgueilleux paradoxe ». Il ne nous pardonne guère de faire table rase de ce qu’il appelle « l’ex
321 nous pardonne guère de faire table rase de ce qu’ il appelle « l’expérience chrétienne ». Un étudiant. — Tenez, je tombe
322 de la formule. Et quelle charité dans tout ce qu’ il écrit ! Poupette (fille de Nicodème, 20 ans). — C’est extrêmement su
323 ement suggestif ! Et c’est tellement juste, ce qu’ il dit, ne trouvez-vous pas ? La seule expérience qu’on fait, c’est qu’o
324 te, M. Monod ne voulait pas dire ce que tu crois. Il est, comme moi d’ailleurs, un partisan impénitent de l’expérience chr
325 ience à la fois humaine et divine ! — que reste-t- il de la vie chrétienne ? Je vous le demande ! Mme Nicodème (sèchement)
326 ez la soi-disant expérience chrétienne : eh bien, il reste simplement le message existentiel de la Parole de Dieu ! Il me
327 ent le message existentiel de la Parole de Dieu ! Il me semble que c’est assez !   — Ici s’engagea un débat extrêmement co
328 té, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme
329 de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut- il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère e
330 e lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? Jésus
331 un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut- il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? Jésus répondit : En vérit
332 te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu… Nicodème lui dit : Comment ce
333 ume de Dieu… Nicodème lui dit : Comment cela peut- il se faire ? Jésus lui répondit : Tu es docteur d’Israël, et tu ne sais
334 rdu dans son rêve. Ses lèvres remuaient pourtant. Il nous sembla qu’il murmurait machinalement les paroles que je venais d
335 Ses lèvres remuaient pourtant. Il nous sembla qu’ il murmurait machinalement les paroles que je venais de lire. Nous perçû
336 nais de lire. Nous perçûmes enfin quelques mots : il monologuait, les yeux fixes. Mais peu à peu une vivacité fébrile paru
337 de Dieu… Ce que j’ai vu et entendu c’est cela qu’ il me faut attester… Et je l’atteste ! Oui, je l’attesterai jusqu’à ma d
338 i, je l’attesterai jusqu’à ma dernière heure… Car elle viendra, cette heure absurde. J’ai vu… Mais qu’ai-je donc vu ?… J’ai
339 donc qu’un professeur enseigne, si ce n’est ce qu’ il a vécu, entendu et vu de ses yeux, son expérience la plus profonde, l
340 expérience la plus profonde, la seule chose dont il puisse parler… Mais si c’était aussi la seule chose dont justement on
341 le droit d’en parler… À mon âge, j’en ai même le devoir , vis-à-vis de cette jeunesse ! J’étais un homme religieux, et c’est c
342 ssibles, et certaines sont merveilleuses… « On ne doit pas prêcher l’expérience ! », disent-ils. Que font-ils donc de Ses mi
343 « On ne doit pas prêcher l’expérience ! », disent- ils . Que font-ils donc de Ses miracles, et des actions de ses apôtres, ce
344 as prêcher l’expérience ! », disent-ils. Que font- ils donc de Ses miracles, et des actions de ses apôtres, celles que j’ai
345 plus, j’ose le dire ! Ah ! vous savez trop ce qu’ elle est — l’expérience qu’on ne peut faire cette expérience-là, celle-là
346 i prétendre que c’est cela seul qui compte, et qu’ ils font table rase de tout le reste ! Comme s’ils étaient… Je ne veux pa
347 qu’ils font table rase de tout le reste ! Comme s’ ils étaient… Je ne veux pas blasphémer. Il faut aussi que je les aime. Je
348 ! Comme s’ils étaient… Je ne veux pas blasphémer. Il faut aussi que je les aime. Je n’ai pas fait cette expérience qu’ils
349 je les aime. Je n’ai pas fait cette expérience qu’ ils exigent — oui vraiment on dirait que c’est eux qui l’exigent ! — mais
350  mais j’ai fait l’expérience de l’amour, et c’est elle que je veux attester. Galopins ! voilà ce que vous êtes, — et mainten
351 n silence ému, et donna l’accolade à chacun. Puis il fit un grand geste de ses deux bras levés, — comme pour bénir les cir
352 tants, — et soudain, cachant sa figure vénérable, il sortit. ⁂ Cette scène, si imprévue pour la plupart des hôtes de ce so
353 ura vivement, affirmant d’un ton sans réplique qu’ il n’était pas question de s’en aller. Et Poupette passa les petits four
354 e ne sais quelle radio céleste, pourquoi faudrait- il , en effet, que nous mourrions totalement à nous-mêmes ? Laissons-nous
355 sons-nous donc radiographier, tout simplement ! S’ il existe une cure moins radicale que la mort, on serait bien bête de ne
356 un des barthiens s’empressa d’ajouter : « Quoi qu’ il en soit, d’ailleurs, de toutes ces métaphores, le seul fait qui demeu
357 é. Mais le lieu ne s’y prêtait guère, me semblait- il  : entre ces jeunes barthiens d’une part, si convaincus et si merveill
358 t Mme Nicodème d’autre part, dont je craignais qu’ elle n’approuvât que trop vivement mes réserves, j’hésitais à parler, redo
359 pit de cette légère pointe de cabotinage pieux qu’ il met, hélas, dans ses moindres propos… J’en étais donc à hésiter assez
360 uis dire d’avoir lâché cette méchante boutade, si elle vous est une occasion de triompher, ici, dans la maison de Nicodème !
361 es mis à discuter, qu’aucun de nous ne sait ce qu’ il dit. J’entends exactement : aucun de nous ! Nous parlons tous avec be
362 mieux mieux. Voulez-vous que je vous le prouve ? Il suffira de résumer notre débat. Quel est le problème que nous discuto
363 sumée par le péché. Pourquoi donc Nicodème défend- il l’expérience ? Parce qu’il ne veut parler que de ce qu’il a vécu — et
364 i donc Nicodème défend-il l’expérience ? Parce qu’ il ne veut parler que de ce qu’il a vécu — et je vous ferai remarquer qu
365 érience ? Parce qu’il ne veut parler que de ce qu’ il a vécu — et je vous ferai remarquer qu’il a vécu, de fait, certaines
366 e ce qu’il a vécu — et je vous ferai remarquer qu’ il a vécu, de fait, certaines expériences dont nous n’avons qu’une pâle
367 s expériences dont nous n’avons qu’une pâle idée. Il affirme qu’il est un homme religieux. Il a raison ! La seule religion
368 dont nous n’avons qu’une pâle idée. Il affirme qu’ il est un homme religieux. Il a raison ! La seule religion qui tienne, c
369 le idée. Il affirme qu’il est un homme religieux. Il a raison ! La seule religion qui tienne, c’est la religion vécue, c’e
370 -dire expérimentée. Mais tout d’un coup, voilà qu’ il ne sait plus ce qu’il dit ! Vous l’avez entendu tout à l’heure. Il ré
371 is tout d’un coup, voilà qu’il ne sait plus ce qu’ il dit ! Vous l’avez entendu tout à l’heure. Il répétait : Qu’est-ce que
372 e qu’il dit ! Vous l’avez entendu tout à l’heure. Il répétait : Qu’est-ce que j’ai vu ? Qu’est-ce que j’ai donc vécu, pend
373 e est justement la seule chose impossible et dont ils nient, en toute sincérité, qu’elle soit possible ! Ne riez pas de leu
374 ossible et dont ils nient, en toute sincérité, qu’ elle soit possible ! Ne riez pas de leurs efforts pour remplacer cette uni
375 tte unique expérience par d’autres expériences qu’ ils appellent « religieuses ». Vous voyez bien qu’ils cherchent à se rass
376 ils appellent « religieuses ». Vous voyez bien qu’ ils cherchent à se rassurer, à grand renfort d’images impressionnantes, d
377 surmontée ? Quelquefois, lorsque je vous entends, il me semble que vous essayez plutôt de la conjurer par des formules thé
378 igence de la mort au monde et à soi-même, comme s’ il s’agissait là de thèses à imposer ! Nicodème le disait : On croirait
379 Nicodème aussi fut contemporain de Jésus. Et même il sut reconnaître en ce Jésus un docteur envoyé par Dieu ! « Mais voye
380 ère étourdissant. Nicodème a reconnu un prophète, il l’a formellement reconnu. Il est allé le voir, parce qu’il savait que
381 reconnu un prophète, il l’a formellement reconnu. Il est allé le voir, parce qu’il savait que ce prophète, Jésus, “était v
382 rmellement reconnu. Il est allé le voir, parce qu’ il savait que ce prophète, Jésus, “était venu de la part de Dieu”. Comme
383 était venu de la part de Dieu”. Comment le savait- il  ? Parce qu’on lui avait dit quels miracles faisait Jésus. C’étaient b
384 risquer à discuter avec cet homme de nuit, quand il ne s’agit plus d’agir, mais seulement d’agiter des pensées… Eh bien,
385 porains du Christ autrement ou plus réellement qu’ il ne le fut, cette nuit-là ? Faisons-nous autre chose que de répéter fo
386 chose que des “vendredis saints spéculatifs”21 ? Il n’y a pas tant de différence entre un homme qui nie l’Expérience, l’U
387 urir, et celui qui affirme l’exigence de la mort, il n’y a peut-être aucune différence : car tous les deux sont des vivant
388 s en faites un argument théologique ! Où donc est- il , celui qui accepte de mourir ? Oui, maintenant, je vais vous dire la
389 icodème… Voilà pourquoi Nicodème n’est pas mort : il demeure parmi nous comme le vivant symbole de l’homme qui ne peut pas
390 es sont si vaines… Minuit sonna, dans ce silence. Il était temps de prendre congé de nos hôtes. Mais un des étudiants, qui
391 ous séparer ; et je ne suis pas loin de croire qu’ il exprima la vérité la plus certaine de la soirée, encore que cette vér
392 raux » prêtent à ce terme malheureux. Assurément, il doit avoir lu Barth mieux que la plupart de ses confrères. C’est peut
393 x » prêtent à ce terme malheureux. Assurément, il doit avoir lu Barth mieux que la plupart de ses confrères. C’est peut-être
394 angage me parut rendre un son d’autorité, bien qu’ il fût beaucoup moins péremptoire que celui dont les autres avaient usé.
395 autres avaient usé. — Vous avez dit — commença-t- il d’une voix très calme — que l’angoisse de Nicodème devrait nous empêc
396 ’une voix très calme — que l’angoisse de Nicodème devrait nous empêcher tous de parler, c’est-à-dire, si je vous entends bien,
397 de parler, c’est-à-dire, si je vous entends bien, devrait nous empêcher tous de dire des choses complètement impossibles. Je ne
398 certaine mesure, — humainement. Je pense que nous devons parler au nom de cette angoisse, — justement, en son nom ! Et non pas
399 r dès le principe ! Car je reconnais avec vous qu’ il faut d’abord l’avoir éprouvée jusqu’aux moelles, et que c’est là notr
400 e religieuse, proprement dite. Mais nous avons le devoir et la mission de proclamer que cette angoisse a été surmontée, une fo
401 que Nicodème et tous les hommes reconnaissent qu’ ils ne peuvent pas faire, — et c’est pourquoi je pense qu’on ne doit pas
402 pas faire, — et c’est pourquoi je pense qu’on ne doit pas s’opposer au baptême des enfants, c’est-à-dire de ceux qui ne peu
403 i, hors de toute « crainte et tremblement ». Mais elles n’en sont pas moins, comme le Baptême et comme la Cène, dans la mesur
404 ime, l’événement central de notre vie chrétienne. Elles sont, avec les sacrements, la promesse de l’accomplissement en Christ
405 ous reste à jamais impossible, c’est pour cela qu’ il faut la croire ! Et l’attester sans l’avoir vue. C’est pour cela qu’i
406 t l’attester sans l’avoir vue. C’est pour cela qu’ il faut prêcher, dans la crainte et le tremblement, son espérance. ⁂ Nou
407 leur lieu véritable : inventés par Wilfred Monod, ils rentrèrent dans son bel ouvrage. — Nicodème n’avait pas reparu. 20.
11 1936, Hic et Nunc, articles (1932–1936). Sur une page de Bossuet (ou Tradition et Révélation) (janvier 1936)
408 ue nos églises ont subi de telles persécutions qu’ elles ont été quasi anéanties durant la moitié de ce temps. Ne serait-il pa
409 anéanties durant la moitié de ce temps. Ne serait- il pas plus conforme à la probité historique et plus fécond pour la théo
410 alviniste et wesleyen, voire anglican, dans ce qu’ il a de spécifique et de commun au sein de sa diversité ? L’on verrait m
411 erait-ce là le langage orthodoxe que je cherche ? Il est souvent contraire aux écrits d’Augustin ou de Thomas d’Aquin25, s
412 davantage qu’au théologien catholique, lequel, s’ il ne veut pas se borner à la pure et simple copie des formules élaborée
413 t bien forcé de parler un langage personnel, dont il sera toujours possible d’affirmer qu’il n’est pas littéralement « cat
414 nel, dont il sera toujours possible d’affirmer qu’ il n’est pas littéralement « catholique » (même s’il a reçu l’imprimatur
415 il n’est pas littéralement « catholique » (même s’ il a reçu l’imprimatur !) ; 3° que ce n’est pas la lettre et la formulat
416 n leur accorde en fait, mais l’opinion commune qu’ elles sont censées enregistrer. Cette opinion commune, je suis certain de l
417 roit que l’Église est au-dessus de l’Évangile, qu’ elle a barre sur lui, qu’elle dispose de critères qui ne sont pas tirés de
418 dessus de l’Évangile, qu’elle a barre sur lui, qu’ elle dispose de critères qui ne sont pas tirés de lui26 et au nom desquels
419 qui ne sont pas tirés de lui26 et au nom desquels elle a le droit de l’interpréter, voire de le contredire dans sa lettre. J
420 peine à distinguer. Et comment la distingueraient- ils quand l’effort perpétuel et d’ailleurs émouvant de leur théologie est
421 u’on en arrive à se demander pourquoi le Christ a mourir pour triompher de notre péché, alors que la sagesse antique po
422 mérites acquis, par les souffrances du Sauveur : elles seraient au contraire tout imparfaites si la raison des scolastiques,
423 On craint au contraire que tout autre moyen, fût- il « déduit » de la Révélation, ne voile la réalité de l’abîme, et ne dé
424 seul moyen de salut qui ait été donné aux hommes. Il en va de même du purgatoire, de l’analogia entis, de la grâce infuse,
425 d’importance aux yeux des catholiques ? Est-ce qu’ ils se la posent parfois ? Est-ce qu’ils comprennent que leur attitude la
426  ? Est-ce qu’ils se la posent parfois ? Est-ce qu’ ils comprennent que leur attitude la pose ? Si mes reproches leur paraiss
427 ’interprétation dont dispose leur apologétique, s’ ils me convainquent enfin de mon erreur, je m’en réjouirai hautement. Et
428 est-à-dire sans aucune intention polémique, ce qu’ ils pensent d’un texte précis, et comment il se fait que le pape n’ait ja
429 , ce qu’ils pensent d’un texte précis, et comment il se fait que le pape n’ait jamais, que je sache, condamné Bossuet pour
430 on Église dans la dispensation de ses mystères !… Il a permis à son Église de séparer ce qu’il avait mis ensemble… Et non
431 ères !… Il a permis à son Église de séparer ce qu’ il avait mis ensemble… Et non seulement l’Église a cessé de faire ce que
432 st avait fait, et les apôtres suivi ; mais encore elle a pris la liberté d’interdire sévèrement cette pratique… Quand donc o
433 artient essentiellement à son institution, ce qui doit être dispensé diversement, selon les temps et les conjonctures différ
434 t-Esprit et par la tradition de tous les siècles, elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire… Comme je citais cette page à
435 vaux marient avec aisance théologie et humanisme, il me répondit simplement : « Bossuet ne saurait être tenu pour un Père
436 uet, en écrivant cette page, a déformé la vérité, il le faut déclarer hérétique, de même que ceux qui lui donnèrent l’impr
437 érité, pourquoi serait-on gêné par sa franchise ? Il ne dit rien dans ce que je cite que le concile de Trente n’ait dit ou
438 e n’ait dit ou n’ait permis de dire28. Seulement, il le dit en français. Or, c’est précisément ce que je cherche : l’écho
439 nons donc la page de Bossuet : « … Le Sauveur a-t- il voulu laisser aux hommes à distinguer par leur propre sens ce qui éta
440 s, ne connaissons de la volonté de Dieu que ce qu’ il lui a plu de nous en révéler dans l’Écriture, et par l’action du Sain
441 d’accord ? Lisons plus loin : « Le Sauveur n’a-t- il pas voulu au contraire leur faire voir [aux apôtres] qu’il leur laiss
442 ulu au contraire leur faire voir [aux apôtres] qu’ il leur laissait son Église pour être une fidèle interprète de ses volon
443 ous aussi. Nous ajouterons une simple précision : elle est la « sûre dispensatrice des sacrements » dans la mesure exacte où
444 satrice des sacrements » dans la mesure exacte où elle demeure la « fidèle interprète » des volontés de Dieu. Mais c’est ici
445 ossuet nous arrête : « Qu’entendez-vous, nous dit- il , par “fidèle” ? — Nous entendons : fidèle à la Révélation donnée une
446 sait le secret de Jésus-Christ ! — Et d’où l’a-t- elle appris, si ce n’est de l’Écriture ? — Relisez-moi : « Instruite par l
447 t-Esprit et par la tradition de tous les siècles, elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire. Elle a donc le pouvoir de sép
448 les, elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire. Elle a donc le pouvoir de séparer ce qu’il avait mis ensemble, de cesser d
449 lu faire. Elle a donc le pouvoir de séparer ce qu’ il avait mis ensemble, de cesser de faire ce qu’il avait fait, et les ap
450 u’il avait mis ensemble, de cesser de faire ce qu’ il avait fait, et les apôtres suivi, et même de condamner sévèrement cet
451 . » — Si nous comprenons bien, l’Église prouve qu’ elle sait le secret de Jésus-Christ, en ordonnant de faire tout le contrai
452 en ordonnant de faire tout le contraire de ce qu’ il a dit ? — Exactement, et c’est là sa grandeur, ou, comme je l’écrivai
453 et et les conciles, détient et possède si bien qu’ elle a sur lui ce jus uti et abutendi qui, selon le vieux droit romain, ca
454 t-Esprit et par la tradition de tous les siècles, elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire ». (Elle sait même qu’il a vou
455 , elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire ». ( Elle sait même qu’il a voulu faire le contraire de ce qu’il a fait.) Qu’es
456 Jésus-Christ a voulu faire ». (Elle sait même qu’ il a voulu faire le contraire de ce qu’il a fait.) Qu’est-ce donc que ce
457 it même qu’il a voulu faire le contraire de ce qu’ il a fait.) Qu’est-ce donc que cette tradition de tous les siècles ? C’e
458 e… ou le témoignage intérieur du Saint-Esprit, qu’ il sera bien incapable de différencier de sa nature à lui, de son époque
459 a Boullaye à Notre-Dame — on oublie simplement qu’ elle est notre critère, ce « vis-à-vis » de l’Église dont parle Barth, et
460 s-à-vis » de l’Église dont parle Barth, et auquel doit se rapporter sans cesse toute prédication vraiment fidèle. Cette méco
461 tion ». En effet, sur quelle autorité se fonde-t- elle  ? Sur les conciles. Et ceux-ci à leur tour ? Prenons le concile de Tr
462 n du Saint-Esprit. Comment ce Saint-Esprit sera-t- il contrôlé, si j’ose dire, et « différencié de la nature » des prélats,
463 i. Mais le principe a beau être affirmé en droit, il est en fait négligé, et à tel point négligé qu’il n’y aura pas grand-
464 il est en fait négligé, et à tel point négligé qu’ il n’y aura pas grand-chose à faire pour le ruiner plus tard en droit. C
465 e sont les conciles. Inspirés par l’Esprit saint, ils ne sauraient être, en bonne logique, ses juges. Il faut donc admettre
466 s ne sauraient être, en bonne logique, ses juges. Il faut donc admettre ou bien que les conciles sont le seul critère des
467 . Pourquoi nos frères catholiques nous reprochent- ils notre subjectivisme, à nous qui reconnaissons un critère objectif, la
468 nnaissons un critère objectif, la Bible, alors qu’ ils ont tout fait de leur côté pour évincer ou, en tout cas, pour relativ
469 s, pour relativiser ce seul critère ? Comprennent- ils toute la gravité de la question ? ⁂ En vérité, la question que pose l
470 xécutée, n’est donc pas contenue dans l’Écriture. Il faudra la chercher alors dans l’autre source de la Révélation : la tr
471 ion, contradictoire à l’Écriture. Le cercle n’est- il pas vicieux ? Le scandale de cette innovation (et de tant d’autres) s
472 de cette innovation (et de tant d’autres) serait- il devenu moins grand, avec le temps, qu’il ne l’était en 1569 ? La trad
473 ) serait-il devenu moins grand, avec le temps, qu’ il ne l’était en 1569 ? La tradition serait-elle une sorte de promotion
474 s, qu’il ne l’était en 1569 ? La tradition serait- elle une sorte de promotion « à l’ancienneté » des erreurs les plus manife
475 s ? La question peut paraître brutale, simpliste. Elle manque certainement d’« onction ». Est-ce assez pour qu’on l’écarte ?
476 . Est-ce assez pour qu’on l’écarte ? Ne se pose-t- elle jamais aux catholiques ? Pourtant, je les sens inquiets, et c’est pou
477 Révélation évangélique éclairée par l’Esprit est- elle vraiment suffisante ? Ne faut-il pas la compléter, la garantir, contr
478 r l’Esprit est-elle vraiment suffisante ? Ne faut- il pas la compléter, la garantir, contre nos faiblesses humaines par une
479 de32, qui a conduit l’Église de Rome à statuer qu’ il existe, à côté de la Bible, une autre source. Tout l’effort dogmatiqu
480 us garantir ce miracle : que l’Écriture parle, qu’ elle parle clairement, ici et maintenant, que je la croie, que je lui obéi
481 tenant, que je la croie, que je lui obéisse et qu’ elle me sauve ? Frères catholiques, à la question que vous adressez à la R
482 œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’ il a envoyé. » (Jean 6:29) Si vous croyez cela sérieusement, si vous cro
483 lui fut révélé dans l’Écriture, et non ailleurs. Il reste à dire ceci : Et nous, croyons-nous assez « sérieusement » cela
484 ni à la bonne foi de nos écrivains, s’appelassent- ils Paul Claudel. Ce très grand poète est l’auteur des plus monumentales
485 auvaise foi, mais à une ignorance totale de ce qu’ il croit devoir attaquer périodiquement. Le diable sait pourquoi. 23.
486 oi, mais à une ignorance totale de ce qu’il croit devoir attaquer périodiquement. Le diable sait pourquoi. 23. Vie intellect
487 e cohérence dont un prêtre me disait récemment qu’ il atteste la « vérité » des dogmes ! Hegel, et Spinoza, et Marx ne sont
488 » des dogmes ! Hegel, et Spinoza, et Marx ne sont- ils pas plus « cohérents » que toute dogmatique ? Comme cela ressemble au
489 es évangiles… 27. Méthode dont je crains bien qu’ elle ne repose toujours, en fin de compte, sur la méconnaissance de l’un d
490 elui qui affirmerait y être parvenu ne prouverait- il pas simplement qu’il ignore la nature du feu ? 28. Concilia Trid. C
491 y être parvenu ne prouverait-il pas simplement qu’ il ignore la nature du feu ? 28. Concilia Trid. Conclusio, Sessio XXI
492 r et qui boit mon sang a la vie éternelle », mais il a dit néanmoins (dixit nihilominus) : « Celui qui mange ce pain vivra
493 :59). On n’ose pas demander aux catholiques ce qu’ ils pensent réellement de cette… raison, car le concile a pris soin de dé