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] (novembre 1932)a b Il existe — hic et nunc —
un
certain nombre de choses à dire, un certain ordre de vérités qu’il n’
2
hic et nunc — un certain nombre de choses à dire,
un
certain ordre de vérités qu’il n’est plus possible de taire. Mais c’e
3
nstatation ne peut nous signifier rien d’autre qu’
une
invitation pressante à créer ce lien et ce lieu : ce lieu de témoigna
4
la décence, toute la violence qu’elles imposent,
des
vérités actuelles, personnelles, dangereuses. Dites à nous-mêmes, d’a
5
à-dire de les réaliser en obéissance. ⁂ En face d’
une
pensée religieuse qui s’épuise et se disqualifie dans ses efforts pou
6
la révélation et la psychologie, pour réfuter par
des
raisons humaines ces démons que seule la prière peut délivrer d’eux-m
7
e la prière peut délivrer d’eux-mêmes ; en face d’
une
pensée religieuse qui, pour tout dire, trahit sa mission de scandale,
8
ieu vivant. En face de philosophes qui se moquent
des
hommes et ne voient même pas qu’ils n’ont plus de réponses à offrir à
9
échues, il y a lieu et ordre d’attester avec l’un
des
prophètes de ce temps, que la raison d’un homme n’est pas sa raison d
10
c l’un des prophètes de ce temps, que la raison d’
un
homme n’est pas sa raison d’être : « Cogitor, ergo sum. » (Je suis pe
11
Cogitor, ergo sum. » (Je suis pensé…). En face d’
une
civilisation de plus en plus soumise à ce dieu imbécile qu’elle honor
12
Production, il y a lieu et ordre d’attester qu’«
une
seule chose est nécessaire ». Et qu’heureux sont les pauvres en espri
13
auvres en esprit. ⁂ Notre but n’est pas d’imposer
des
idées, un système nouveau, plus ou moins cohérent. Ce serait alimente
14
sprit. ⁂ Notre but n’est pas d’imposer des idées,
un
système nouveau, plus ou moins cohérent. Ce serait alimenter de nouve
15
erait alimenter de nouvelles discussions, exciter
des
oppositions stériles, purement intellectuelles, forcer certains à se
16
llectuelles, forcer certains à se retrancher dans
des
positions que, peut-être, ils étaient bien près d’abandonner. Il nous
17
nt de départ dans ces idées mêmes, mais bien dans
une
réalité qui les domine et qui les juge, en même temps que nous-mêmes.
18
. Avant tout, après tout, il ne peut s’agir que d’
une
chose : témoigner, aussi fortement que possible, d’une vérité dont no
19
hose : témoigner, aussi fortement que possible, d’
une
vérité dont nous ne sommes pas les auteurs, mais dont l’essence même
20
ent concrète, vérité qui ne peut s’accomplir dans
une
synthèse satisfaisante en soi, mais qui se manifeste au contraire com
21
en soi, mais qui se manifeste au contraire comme
un
ordre, personnellement adressé à chacun de nous. Vérité actuelle aux
22
njustifiable si nous tentions de la justifier par
des
arguments, au lieu d’entrer sans plus tarder en obéissance révolution
23
. Ceci pourra paraître orgueil et vanité aux yeux
des
hommes. Ceci n’est rien, en vérité, qu’un acte de soumission et d’esp
24
x yeux des hommes. Ceci n’est rien, en vérité, qu’
un
acte de soumission et d’espérance, car ce n’est pas aux hommes que no
25
Principe d’
une
politique du pessimisme actif (novembre 1932)c …que nous faisons d
26
ar l’homme. Sortir du paradoxe pour s’évader dans
une
synthèse quelconque, rationaliste, catholique, ou marxiste, c’est sor
27
lle et immédiate avec Dieu : et que la relation d’
un
être déchu avec son Créateur ne puisse être que paradoxale, cela est
28
ne puisse être que paradoxale, cela est clair, d’
une
clarté proprement aveuglante et même insupportable, si nous n’avions
29
spoir. Mais, d’autre part, en vertu du même ordre
des
choses, la dialectique chrétienne rejette tout désespoir qui ne serai
30
cer. 1° L’hérésie pessimiste abandonne à lui-même
un
monde qui ne saurait nous offrir de salut, puisqu’il n’est de salut q
31
e le système romain, enfermer les antinomies dans
un
cadre hiérarchique qui préserve l’homme du désespoir et lui fournisse
32
ui préserve l’homme du désespoir et lui fournisse
un
équilibre durable, dont le péché forme sans doute l’une des composant
33
bre durable, dont le péché forme sans doute l’une
des
composantes ; soit qu’il refuse comme le marxisme l’antinomie central
34
synthèses successives, il achemine l’espèce vers
un
équilibre final, réplique morne et désespérée du millenium chrétien.
35
-nous à leur opposer ? Tout notre espoir est dans
un
désespoir tellement « substantiel » qu’il nous rende à leur tour inte
36
protestantisme ». Les uns l’accusent de fomenter
une
anarchie individualiste, les autres — ou parfois les mêmes — d’avoir
37
rfois les mêmes — de vouloir fonder dans ce monde
un
Royaume de Dieu qui pour capitale, plutôt que Genève, choisirait Détr
38
intenant en présence de l’accusation plus subtile
des
partisans de la synthèse. Comment des gens qui se réclament de Calvin
39
lus subtile des partisans de la synthèse. Comment
des
gens qui se réclament de Calvin, de Luther, c’est-à-dire de contempte
40
, de Luther, c’est-à-dire de contempteurs absolus
des
mérites humains, pourraient-ils, s’ils prennent au sérieux leur foi,
41
s’ils prennent au sérieux leur foi, participer à
un
effort politique quelconque ? Ayons le courage de l’affirmer ; il n’e
42
e non seulement la vie naturelle, mais l’ensemble
des
relations humaines, la foi est ce qui rend la vie impossible (par ses
43
grande facilité de réalisation. La politique est
un
art de synthèses pratiques ; son office est de résoudre dans la mesur
44
office est de résoudre dans la mesure de l’utile
des
difficultés naturelles. Mais la foi, bien souvent, ne peut qu’aiguise
45
ces oppositions naturelles ; bien plus, elle crée
des
conflits là où l’homme naturel n’en pouvait distinguer ; et surtout e
46
n’en pouvait distinguer ; et surtout elle impose
un
choix d’ailleurs humainement impossible, là où l’homme naturel s’aban
47
jamais nous ne pouvons en tirer argument, comme d’
une
force à notre disposition ; elle survient, et c’est alors un ordre qu
48
notre disposition ; elle survient, et c’est alors
un
ordre que nous recevons et qui nous meut parmi les hommes tels qu’ils
49
ui nous meut parmi les hommes tels qu’ils sont, —
des
hommes qui ont besoin d’une politique pour suppléer à leur faiblesse,
50
s tels qu’ils sont, — des hommes qui ont besoin d’
une
politique pour suppléer à leur faiblesse, qui ont besoin tout autant
51
besoin tout autant qu’on leur montre la vanité d’
une
chose si nécessaire. Telle est, dans son principe, la seule attitude
52
s peuples calvinistes ont été les plus « actifs »
des
temps modernes. Il s’est même produit ceci (corruptio optimi pessima)
53
calvinisme responsable du capitalisme commettent
une
erreur pire que celle qui consisterait à reprocher à Euclide d’avoir
54
et son utilisation criminelle. ⁂ Mais il existe
des
êtres que l’attitude du pessimisme actif condamne sans discussion et
55
eux seulement que notre politique pourra se fixer
un
programme : la devise de Guillaume d’Orange est l’arrêt de mort des i
56
devise de Guillaume d’Orange est l’arrêt de mort
des
idoles. Elle suppose un Dieu transcendant. Quel dieu fait de nos dési
57
ange est l’arrêt de mort des idoles. Elle suppose
un
Dieu transcendant. Quel dieu fait de nos désirs d’hommes pourrait nou
58
pourrait nous certifier dans le fond de nos âmes
un
salut qui se rit des ultimes efforts et des ultimes défaites de notre
59
fier dans le fond de nos âmes un salut qui se rit
des
ultimes efforts et des ultimes défaites de notre volonté de vivre ? L
60
s âmes un salut qui se rit des ultimes efforts et
des
ultimes défaites de notre volonté de vivre ? Les dieux de l’Occident
61
onté de vivre ? Les dieux de l’Occident réclament
des
dividendes ; ils réclament aussi des sacrifices humains. Le dieu-nati
62
nt réclament des dividendes ; ils réclament aussi
des
sacrifices humains. Le dieu-nation respire la bonne odeur d’onze mill
63
ble, en apparence, le dieu-production se contente
des
macérations de 70 millions de chômeurs, et de super-holocaustes annue
64
la force d’avoir pitié de toi, quand tu grinceras
des
dents sous le genou de ces démons que tu veux ignorer hic et nunc. Pe
65
ies sont suspendues à la réussite matérielle ou à
des
systèmes d’assurances, le capitalisme comme le stalinisme, tous les n
66
révolution qui prétendrait fonder notre salut sur
une
organisation terrestre quelle qu’elle soit. Il ne suit pas de là, bie
67
collaborer à aucune révolution. L’iconoclaste est
un
type assez pur de révolutionnaire. Nous ne pouvons être ni conformist
68
cette Église au réformisme modéré, c’est-à-dire à
un
effort pour durer par des moyens humains, comme à l’abri des touches
69
e modéré, c’est-à-dire à un effort pour durer par
des
moyens humains, comme à l’abri des touches fulgurantes du Saint-Espri
70
pour durer par des moyens humains, comme à l’abri
des
touches fulgurantes du Saint-Esprit. La politique romaine est la rech
71
t-Esprit. La politique romaine est la recherche d’
une
harmonie statique des relations humaines, d’un visible « principe d’u
72
romaine est la recherche d’une harmonie statique
des
relations humaines, d’un visible « principe d’union » (terme de l’enc
73
d’une harmonie statique des relations humaines, d’
un
visible « principe d’union » (terme de l’encyclique Quadragesimo anno
74
t du résultat en soi. Pessimisme rétablissant sur
un
plan supérieur une sorte de jeu, ou mieux d’humour, qui se mêle au tr
75
oi. Pessimisme rétablissant sur un plan supérieur
une
sorte de jeu, ou mieux d’humour, qui se mêle au tragique quotidien co
76
d’humour, qui se mêle au tragique quotidien comme
un
rappel de la seule grandeur transcendante. Nous ne sommes pas condamn
77
. Nous n’avons pas à nous garantir à l’avance par
un
programme, si « chrétien » qu’on le veuille. Un certain nombre de com
78
r un programme, si « chrétien » qu’on le veuille.
Un
certain nombre de compromissions nous sont à jamais impossibles : et
79
. 1. Expression qu’Arnaud Dandieu opposait dans
un
intéressant article de la Revue d’Allemagne (oct. 1932), à la concept
80
ienne du désespoir. Elle ne désigne en réalité qu’
un
des moments de la dialectique du désespoir : le moment décisif, l’act
81
ne du désespoir. Elle ne désigne en réalité qu’un
des
moments de la dialectique du désespoir : le moment décisif, l’acte. E
82
y a la foi. c. Rougemont Denis de, « Principe d’
une
politique du pessimisme actif », Hic et Nunc, Paris, novembre 1932, p
83
s que nous poserons ici soient accueillies : avec
un
sérieux et un respect si peu feints qu’ils n’excluent nullement la bo
84
erons ici soient accueillies : avec un sérieux et
un
respect si peu feints qu’ils n’excluent nullement la bonne humeur. Le
85
Le sérieux ne consistera jamais, pour nous, dans
une
attitude d’humilité lugubre. Le sérieux et le respect, en présence d’
86
lugubre. Le sérieux et le respect, en présence d’
une
question, c’est tout simplement de se dire : cette question est justi
87
tac au tac, à la « lettre » de la question, c’est
un
procédé électoral qui peut être utile à son heure, mais nous avons to
88
re à leurs mots, alors qu’il eût fallu répondre à
un
tourment réel, maladroitement exprimé par ces mots. Mais, bien souven
89
aussi, on répond mal parce qu’on prend au sérieux
des
fumistes. Nous appelons fumistes ces messieurs qui nous interrogent a
90
s intentions et nos buts, à seule fin de « causer
un
peu ». Qu’on les reconnaisse à ce signe : dès qu’ils commencent à com
91
comprends plus ! » En réalité, ils nous demandent
des
thèmes de discussion, c’est-à-dire des prétextes à différer toute act
92
demandent des thèmes de discussion, c’est-à-dire
des
prétextes à différer toute action « pratique ». Ceci marqué, nous po
93
eux-mêmes. Il n’y a pas de solutions, — il y a
des
ordres 1. Celui qui veut vraiment agir ne demande pas d’abord un p
94
lui qui veut vraiment agir ne demande pas d’abord
un
programme, mais d’abord une force. On peut affirmer sans crainte d’er
95
ne demande pas d’abord un programme, mais d’abord
une
force. On peut affirmer sans crainte d’erreur une telle maxime : tout
96
une force. On peut affirmer sans crainte d’erreur
une
telle maxime : tout l’Évangile la confirme et l’illustre. Or, la forc
97
re : c’est la foi. Tout au plus pouvons-nous, par
des
affirmations qui troublent notre sécurité, par des questions qui gêne
98
es affirmations qui troublent notre sécurité, par
des
questions qui gênent nos habitudes, par des exigences qui révoltent l
99
, par des questions qui gênent nos habitudes, par
des
exigences qui révoltent le bon sens, faire naître le besoin et la soi
100
le bon sens, faire naître le besoin et la soif d’
une
telle force. Et voilà bien la seule acception chrétienne du mot « pos
101
a seule force nécessaire ; tout ce qui leur fiche
un
désespoir pour une fois réel ; tout ce qui les désarme devant Dieu et
102
arme devant Dieu et les jette nus dans la foi. 2.
Un
homme qui est dans la foi sait bien qu’il n’y a pas à demander de « s
103
solutions pratiques », car la foi est précisément
une
force qui se manifeste par des ordres personnels, et ces ordres sont
104
oi est précisément une force qui se manifeste par
des
ordres personnels, et ces ordres sont pratiques, ou ils ne sont rien.
105
ntendre parler certains chrétiens, que la foi est
une
espèce d’inspiration flottante, difficile à localiser et beaucoup tro
106
sme contemporain. Il sévit dans nos églises, avec
une
virulence sourde, attisée de temps à autre par un sermon courageuseme
107
ne virulence sourde, attisée de temps à autre par
un
sermon courageusement moralisateur2, ou résolument antibolchévique, o
108
tie, se figurant qu’on vient enfin de leur donner
des
directives pratiques et des solutions positives, « discutables, certe
109
enfin de leur donner des directives pratiques et
des
solutions positives, « discutables, certes, mais positives ». Si nous
110
écrit, dans notre premier numéro, que la solution
des
problèmes sociaux réside, par exemple, dans un embrassement général e
111
n des problèmes sociaux réside, par exemple, dans
un
embrassement général et sans condition, beaucoup de personnes auraien
112
positif » ! Comme si le christianisme n’était qu’
une
politique possible, entre autres ! Comme si les situations humaines c
113
les situations humaines comportaient, en général,
une
solution chrétienne et des solutions humaines, également prévisibles
114
portaient, en général, une solution chrétienne et
des
solutions humaines, également prévisibles et classées d’avance ! Comm
115
bles et classées d’avance ! Comme si la foi était
une
espèce de puissance continuellement disponible entre nos mains incert
116
de Kierkegaard : « L’Éthique ne commence pas dans
une
ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exig
117
gnorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans
un
savoir qui exige sa réalisation. » Nature du « savoir » chrétien
118
ci alors les chrétiens qui viennent nous parler d’
une
Révélation. Est-ce donc qu’une grande lumière leur est venue dans cet
119
nent nous parler d’une Révélation. Est-ce donc qu’
une
grande lumière leur est venue dans cette nuit ? Est-ce qu’ils ont, eu
120
e qu’il faut faire dans cette nuit pour en sortir
un
jour. Ils savent que le Christ leur promet la lumière à la mesure de
121
esure de leur obéissance. Ils n’ont donc pas reçu
une
révélation ésotérique, que l’homme d’aujourd’hui, sans doute, ne sera
122
rter, d’interpréter. Ils n’ont pas davantage reçu
une
révélation éthique, un étalon universel fournissant la mesure exacte
123
n’ont pas davantage reçu une révélation éthique,
un
étalon universel fournissant la mesure exacte du bien et du mal en to
124
ent « pratique », c’est-à-dire immédiate à chacun
des
cas de l’existence, inconcevable pour celui qui se place en dehors du
125
ée en termes généraux, n’étant pas autre chose qu’
un
ordre qui me dit, à tel endroit précis du temps et de l’espace : voic
126
ique est toujours choix : on ne peut choisir pour
un
autre. Mais on peut, dans le cas, et pour soi-même, prouver la foi pa
127
par l’acte qu’elle ordonne. Nous ne sommes pas
des
guérisseurs, mais des malades Doctrine désespérante, dites-vous. O
128
onne. Nous ne sommes pas des guérisseurs, mais
des
malades Doctrine désespérante, dites-vous. Oui, et plus encore que
129
ous ne l’imaginez peut-être, car si vous demandez
des
solutions pratiques, vous n’avez pas compris la gravité du cas humain
130
ridicule d’attendre de nous ou de qui que ce soit
un
remède. Doctrine désespérante ? Oui, pour ceux qui cherchent des espo
131
trine désespérante ? Oui, pour ceux qui cherchent
des
espoirs à bon compte, hors de la réalité certainement désespérante. M
132
ustement, et nulle part ailleurs. On nous demande
des
réponses ? Mais nous ne pouvons que mettre et remettre en question vo
133
chrétienne », et qui voudraient donner aux hommes
une
bonne conscience tout à fait inconcevable ; dénoncer tous les codes e
134
rent ou refoulent la question, en lui fournissant
des
réponses tantôt prématurées, tantôt inopérantes, et toujours équivoqu
135
roche du Réel. Cela prend bien souvent l’aspect d’
une
destruction. Il peut paraître étrange que l’on doive rappeler de tell
136
Dialectique
des
fins dernières (juillet 1933)e L’honnêteté la plus élémentaire obl
137
nd que l’on n’échappe point à soi-même. Inutilité
des
voyages. Mais Proust nous persuade qu’on ne s’atteint jamais. Et les
138
de ; les morales échouent, l’immoralisme n’est qu’
une
morale de plus ; l’athéisme conserve l’orgueil bourgeois, les religio
139
stification de son refus de vivre. Mais il existe
une
sagesse qui semble bien n’être pas affectée de la dégradation immanen
140
les contradictions du monde. Elle les assume dans
une
vue sobre et courageuse et cherche en elles la tension, le ressort né
141
éduction à quelque idéale synthèse, elle s’exalte
des
conflits sans cesse renaissants que suscite l’exigence de la personne
142
Kierkegaard, elle répète que « toute prétention à
une
unité supérieure qui harmoniserait les contradictions absolues n’est
143
armoniserait les contradictions absolues n’est qu’
un
attentat métaphysique contre l’éthique ». Il s’agit donc ici d’une di
144
physique contre l’éthique ». Il s’agit donc ici d’
une
dialectique à deux termes simultanés, et dont la tension n’est pas or
145
vers l’acte créateur par où la personne accède à
une
plus dangereuse réalité. Ceci peut rappeler le jeune Hegel, mais s’op
146
le jeune Hegel, mais s’oppose nettement au Hegel
des
hégéliens. Hegel supprima le conflit lorsqu’il voulut en étaler les é
147
e temps et l’Histoire. Sa dialectique est devenue
une
espèce de bascule automatique. Le tragique s’évanouit, le choix s’élu
148
it, le choix s’élude, la personne se dissout dans
un
processus qui nie l’acte et le risque. Il n’y a plus qu’à compter un,
149
e l’acte et le risque. Il n’y a plus qu’à compter
un
, deux, trois, comme le dit Kierkegaard dans La Répétition. Qu’il y ai
150
e dit Kierkegaard dans La Répétition. Qu’il y ait
une
virtu dans l’acceptation volontaire du conflit permanent ; qu’il y ai
151
e du conflit permanent ; qu’il y ait au contraire
un
principe de dégradation éthique dans toute recherche de la synthèse e
152
la synthèse et plus sûrement dans la croyance en
une
synthèse possible, voilà qui ne paraît point faire de doute. Ailleurs
153
us réel que le spirituel. Il me paraît certain qu’
une
dialectique fondée sur l’actualité permanente de la personne nous opp
154
l’idéal bourgeois, synthèse eudémonique à l’usage
des
individus égoïstes, d’autre part à l’idéal marxiste, synthèse eudémon
155
’idéal marxiste, synthèse eudémonique à l’usage d’
une
masse non responsable. Une dialectique sans « médiation » et comporta
156
udémonique à l’usage d’une masse non responsable.
Une
dialectique sans « médiation » et comportant par suite le risque pers
157
ar suite le risque personnel, le choix et l’acte,
une
sorte de « contre-Hegel » radical, voilà qui ne peut manquer d’évoque
158
voilà qui ne peut manquer d’évoquer l’attitude d’
un
Kierkegaard et par là même de ses descendants directs, les théologien
159
expression elles ne comportaient, à première vue,
une
similitude si troublante avec les thèses barthiennes, et si pour cett
160
r cette raison précisément elles ne constituaient
un
terme de comparaison tout à fait privilégié. Peut-être le point de vu
161
serait par là même que la doctrine de l’acte rend
un
compte suffisant de l’ensemble du monde. Ce serait dire qu’elle const
162
st bien réel, s’il est bien tel que l’ont formulé
un
Paul, un Luther, un Calvin, ce sont alors ces appréciations toutes hu
163
éel, s’il est bien tel que l’ont formulé un Paul,
un
Luther, un Calvin, ce sont alors ces appréciations toutes humaines qu
164
st bien tel que l’ont formulé un Paul, un Luther,
un
Calvin, ce sont alors ces appréciations toutes humaines qui trahissen
165
ces appréciations toutes humaines qui trahissent
une
vanité, et la vraie joie n’est pas avec ceux qui nous parlent de la «
166
e nom même de Jésus-Christ. La réalité centrale d’
une
telle dialectique est formulée dans ce passage de Barth : « Que Dieu
167
i devient la vérité vivante, le contenu décisif d’
un
vrai discours sur Dieu. Mais comment établir le rapport nécessaire de
168
e. Mais alors, si nous voulons parler en vérité d’
une
telle incarnation du oui dans le non, nous ne pouvons que recourir au
169
n, et le non par le oui, sans jamais nous arrêter
un
instant sur le oui ou sur le non. » Car la réalité dépassera toujours
170
est pourtant cette inconcevable réalité qui donne
un
sens si grave à ce oui et à ce non qui, au travers de toute l’œuvre d
171
s de toute l’œuvre de Barth, nous entraînent dans
une
oscillation gigantesque, entre deux infinis contradictoires. On conço
172
èle habitué à venir chaque dimanche chercher dans
un
sermon consolateur le droit de ne pas trop prendre au sérieux les que
173
conçoit que ce brave homme s’effare, et vitupère
une
« théologie » pareillement inconfortable, dont, au surplus, il n’est
174
l reconnaît la Vie au travers de sa mort. Si, par
un
souci peut-être vain, en tous cas dangereux, de simplification formel
175
ncerne que l’origine et la fin, ou, pour employer
une
expression chère à Karl Barth, se rapporte aux réalités dernières. Qu
176
r ces quelques traits schématiques, voulu décrire
une
dialectique qui juge tous nos mots. Je voudrais simplement en avoir d
177
hrétienne sont séparées par la mort éternelle. Qu’
un
philosophe, qu’un moraliste, parle de choix, de risque et d’acte, ces
178
arées par la mort éternelle. Qu’un philosophe, qu’
un
moraliste, parle de choix, de risque et d’acte, ces mots désignent de
179
de choix, de risque et d’acte, ces mots désignent
des
réalités éthiques qui n’ont rien de commun avec l’acte, le risque et
180
dans la foi ; choix de l’élection, c’est-à-dire d’
une
possibilité qui n’est pas nôtre. Et le risque permanent, c’est alors
181
l’homme jeté par la révélation de la Parole dans
une
situation absolument nouvelle, dans un instant dont nulle morale ne p
182
role dans une situation absolument nouvelle, dans
un
instant dont nulle morale ne peut prévoir le sens dernier. ⁂ Une synt
183
t nulle morale ne peut prévoir le sens dernier. ⁂
Une
synthèse qui précède et dépasse à la fois l’antithèse et la thèse, et
184
ffreux, dira-t-on non sans raison. Traduisez-nous
un
peu tout cela dans notre parler quotidien. Nous dirons donc : Dieu pr
185
n Allemagne, à peu près, la terminologie propre à
un
auteur. e. Rougemont Denis de, « Dialectique des fins dernières »,
186
un auteur. e. Rougemont Denis de, « Dialectique
des
fins dernières », Hic et Nunc, Paris, juillet 1933, p. 95-101.
187
Poésie dialectique (juillet 1933)f Au cours d’
un
article paru en Suisse allemande, le professeur O.-E. Strasser déclar
188
être qualifiée de dialectique : c’est le « wit »
des
poètes métaphysiciens de la Renaissance anglaise, John Donne, Crashaw
189
s au protestantisme ; c’est le style antithétique
des
huguenots contemporains de la Pléiade, si méchamment enterrés par les
190
es de la littérature française (pour ne rien dire
des
lamentables dédains de M. Lanson parlant de Du Bartas, ce géant — mai
191
rd, admirable commentateur de Du Bartas, et toute
une
école de poètes calvinistes imbus des théories cosmologiques de Parac
192
s, et toute une école de poètes calvinistes imbus
des
théories cosmologiques de Paracelse ; ce sont encore en plein xviie
193
en plein xviie siècle, les Sonnets spirituels d’
un
Gombaud. Et je cite au hasard d’une mémoire mal informée. Et je ne di
194
s spirituels d’un Gombaud. Et je cite au hasard d’
une
mémoire mal informée. Et je ne dis rien de la dialectique de Polyeuct
195
cte… 2° La vision dialectique jetant l’homme dans
une
situation dramatique ; lui révélant le néant de ses idoles et la nouv
196
mme, est la plus propre à créer en lui l’organe d’
une
haute poésie. 3° Enfin toute poésie ne serait-elle pas, dans son ess
197
-elle pas sa puissance de la nouveauté paradoxale
des
rapprochements qu’elle opère ? Ne jaillit-elle pas de la tension des
198
qu’elle opère ? Ne jaillit-elle pas de la tension
des
contradictoires qu’elle saisit en une seule image, indiquant par cett
199
la tension des contradictoires qu’elle saisit en
une
seule image, indiquant par cette image beaucoup plus que ce qu’il y a
200
acun de ses termes, désignant au-delà d’elle-même
une
réalité d’un autre ordre et que les mots n’atteignent jamais directem
201
rmes, désignant au-delà d’elle-même une réalité d’
un
autre ordre et que les mots n’atteignent jamais directement ?… Nous d
202
teignent jamais directement ?… Nous développerons
un
jour ces thèmes que je me borne ici à suggérer. Voici en attendant la
203
ci à suggérer. Voici en attendant la traduction d’
un
hymne de John Donne (1573-1661), le plus grand des « poètes métaphysi
204
un hymne de John Donne (1573-1661), le plus grand
des
« poètes métaphysiciens » de l’école anglaise. Une première traductio
205
leur porte ? Pardonneras-tu ce péché que j’ai fui
Un
an ou deux, où vingt ans j’ai croupi ? Quand tu auras fini, tu n’aura
206
ni, tu n’auras rien fini, Car il y a plus. J’ai
un
péché de peur : mourrai-je sur la rive Lorsque mon dernier fil aura é
207
Toute l’agitation du monde n’est rien de plus qu’
une
certaine question qui m’est adressée, et qui ne se précise en moi qu’
208
inutile de rien savoir du monde et de son train,
des
sciences, des faits et gestes, des batailles, des accidents, des inve
209
en savoir du monde et de son train, des sciences,
des
faits et gestes, des batailles, des accidents, des inventions, des re
210
de son train, des sciences, des faits et gestes,
des
batailles, des accidents, des inventions, des religions, des êtres, s
211
des sciences, des faits et gestes, des batailles,
des
accidents, des inventions, des religions, des êtres, si ce savoir n’e
212
es faits et gestes, des batailles, des accidents,
des
inventions, des religions, des êtres, si ce savoir n’est pas pour moi
213
es, des batailles, des accidents, des inventions,
des
religions, des êtres, si ce savoir n’est pas pour moi, à tel moment,
214
es, des accidents, des inventions, des religions,
des
êtres, si ce savoir n’est pas pour moi, à tel moment, un ordre ou une
215
s, si ce savoir n’est pas pour moi, à tel moment,
un
ordre ou une tentation. Quand cesserons-nous d’agiter des problèmes q
216
oir n’est pas pour moi, à tel moment, un ordre ou
une
tentation. Quand cesserons-nous d’agiter des problèmes qui n’ont jama
217
e ou une tentation. Quand cesserons-nous d’agiter
des
problèmes qui n’ont jamais été notre problème ? Car un problème n’est
218
oblèmes qui n’ont jamais été notre problème ? Car
un
problème n’est jamais réel que pour celui qui peut l’incarner dans sa
219
ret, ou bien périr par lui. Il n’y a pas au monde
un
seul problème dont la réalité dernière, dont l’existence déborde les
220
question sociale. On se souvient peut-être aussi
des
libéraux spiritualistes qui aimaient à dire : « La solution des grand
221
piritualistes qui aimaient à dire : « La solution
des
grands problèmes sociaux est une question de morale individuelle. » L
222
: « La solution des grands problèmes sociaux est
une
question de morale individuelle. » L’originalité d’une morale individ
223
uestion de morale individuelle. » L’originalité d’
une
morale individuelle apte à résoudre les conflits sociaux se réduirait
224
idu a vécu, nous dit-on… Il faut craindre la mort
des
mythes : elle n’est jamais qu’une métamorphose. L’individu n’est mort
225
raindre la mort des mythes : elle n’est jamais qu’
une
métamorphose. L’individu n’est mort que pour renaître dans le collect
226
on sociale, en tant qu’elle est question exigeant
une
réponse ne se pose pas ailleurs que dans le je aux prises avec le tu.
227
tte question ne peut être concrète — ne peut être
un
conflit véritable — que si c’est un autre homme, en face de moi, qui
228
ne peut être un conflit véritable — que si c’est
un
autre homme, en face de moi, qui me la pose. Qu’il soit là, proche ou
229
te prise, cette vue, cette image, soient pour moi
une
« deuxième personne », un tu sujet d’une parole qui m’advient6. On vo
230
image, soient pour moi une « deuxième personne »,
un
tu sujet d’une parole qui m’advient6. On voudrait nous faire croire a
231
pour moi une « deuxième personne », un tu sujet d’
une
parole qui m’advient6. On voudrait nous faire croire aujourd’hui que
232
munion du tu et du je se résout pratiquement dans
un
nous, qu’on oppose alors fièrement aux ils des sociologues et des pos
233
ans un nous, qu’on oppose alors fièrement aux ils
des
sociologues et des positivistes. Cette opération magistrale porte un
234
oppose alors fièrement aux ils des sociologues et
des
positivistes. Cette opération magistrale porte un nom en politique. C
235
es positivistes. Cette opération magistrale porte
un
nom en politique. C’est le fascisme. Le nous, c’est le groupe, le fai
236
paraît comblé… Mais ce nous est-il autre chose qu’
une
moyenne entre le je des libéraux et le ils des collectivistes ? N’est
237
ous est-il autre chose qu’une moyenne entre le je
des
libéraux et le ils des collectivistes ? N’est-il pas, lui aussi, inac
238
qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils
des
collectivistes ? N’est-il pas, lui aussi, inactuel et abstrait, et pa
239
t véritable entre les hommes, c’est la communauté
des
personnes responsables. Mais la communauté n’est rien de plus que les
240
apports spécifiques. Elle a son centre en chacune
des
personnes qui la composent, et n’est pas définie par autre chose que
241
ement dans la durée de l’acte instantané qui unit
un
je et un tu par un lien de responsabilité7. En son principe, l’erreur
242
s la durée de l’acte instantané qui unit un je et
un
tu par un lien de responsabilité7. En son principe, l’erreur fasciste
243
de l’acte instantané qui unit un je et un tu par
un
lien de responsabilité7. En son principe, l’erreur fasciste consiste
244
siste à considérer cette communion non plus comme
un
acte, mais comme un état. C’est faire simplement abstraction de la re
245
ette communion non plus comme un acte, mais comme
un
état. C’est faire simplement abstraction de la responsabilité récipro
246
l en résulte que le je et que le tu, considérés d’
un
point de vue qui n’est plus ni celui du je ni celui du tu, c’est-à-di
247
re considérés dans leur rapport objectivé, vu par
un
tiers, se trouvent du même coup objectivés, et prisonniers de ce rapp
248
ométrie euclidienne, il est plus grand que chacun
des
éléments qui le composent. Il s’arroge des droits sur eux, bien qu’à
249
chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge
des
droits sur eux, bien qu’à la vérité il ne résulte que de la somme de
250
Les hommes qui constituent ce groupe ne sont plus
des
hommes véritablement humains, puisque l’un des pôles de leur être n’e
251
us des hommes véritablement humains, puisque l’un
des
pôles de leur être n’est plus visible ni concret, échappe aux prises
252
uestion directe, — le prochain. Il a cessé d’être
un
des pôles de la personne. Le nous n’est rien qu’un biais, c’est un tu
253
tion directe, — le prochain. Il a cessé d’être un
des
pôles de la personne. Le nous n’est rien qu’un biais, c’est un tu san
254
n des pôles de la personne. Le nous n’est rien qu’
un
biais, c’est un tu sans visage et qui vient se confondre avec un je d
255
a personne. Le nous n’est rien qu’un biais, c’est
un
tu sans visage et qui vient se confondre avec un je désormais incerta
256
un tu sans visage et qui vient se confondre avec
un
je désormais incertain de ses limites agrandies. Perte de tension, en
257
point du cercle. Il faudra bien la compenser par
une
rigidité accrue de la circonférence. Et c’est l’histoire de toute ass
258
te association humaine : on s’unit par la force d’
un
principe transcendant, — et tant qu’il règne on peut mépriser la poli
259
’il règne on peut mépriser la police ; puis vient
un
temps où l’on se lasse d’obéir à la force vivante, — et l’on institue
260
vante, — et l’on institue la police pour soutenir
un
corps social qui s’abandonne ; enfin la police décrète qu’elle est el
261
force véritable. Mais elle ne règne plus que sur
des
automates. ⁂ Les partisans du nous, en vérité, ont fait erreur sur la
262
ersonne. Si la personne est la mise en question d’
un
je par un tu, donc une rencontre, cette rencontre n’a lieu que dans l
263
i la personne est la mise en question d’un je par
un
tu, donc une rencontre, cette rencontre n’a lieu que dans le je et da
264
e est la mise en question d’un je par un tu, donc
une
rencontre, cette rencontre n’a lieu que dans le je et dans le tu. Deu
265
ersonnel demeure situé dans l’individu, mais dans
un
individu transformé, orienté, animé par une présence extérieure. Face
266
s dans un individu transformé, orienté, animé par
une
présence extérieure. Face à face avec le prochain que j’aime, je ne s
267
face avec le prochain que j’aime, je ne suis plus
un
isolé9, mais je reste un solitaire. C’est dans cette « solitude menac
268
j’aime, je ne suis plus un isolé9, mais je reste
un
solitaire. C’est dans cette « solitude menacée » que viennent en fin
269
n elle, et c’est en elle seule, qu’ils provoquent
un
écho humain. C’est en elle enfin que s’opère l’acte d’une communion r
270
humain. C’est en elle enfin que s’opère l’acte d’
une
communion réelle. La personne est un lieu d’héroïsme, et cela signifi
271
re l’acte d’une communion réelle. La personne est
un
lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle est le lieu, l’origine et l
272
ée psychologique et descriptible ; c’est pourquoi
des
généralités abstraites telles que morale ou socialisme 10, entités qu
273
10, entités que l’on peut considérer en soi comme
des
systèmes, indépendamment du rapport actuel d’un je et d’un tu, ne ren
274
des systèmes, indépendamment du rapport actuel d’
un
je et d’un tu, ne rendent pas compte de l’être personnel, ni d’aucune
275
es, indépendamment du rapport actuel d’un je et d’
un
tu, ne rendent pas compte de l’être personnel, ni d’aucune réalité hu
276
outefois que le lecteur les aura transposées dans
une
actualité dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle nous assaille d
277
Il me reste à marquer la dépendance théologique d’
une
analyse qui peut paraître strictement humaine. On peut parler en term
278
peut parler en termes de philosophie du rapport d’
un
je à un tu. Mais on ne peut le comprendre et le vivre, dans son parad
279
ler en termes de philosophie du rapport d’un je à
un
tu. Mais on ne peut le comprendre et le vivre, dans son paradoxe prof
280
vérité, toutes les fois que vous avez fait cela à
un
seul des plus petits parmi mes frères que voici, c’est à moi que vous
281
toutes les fois que vous avez fait cela à un seul
des
plus petits parmi mes frères que voici, c’est à moi que vous l’avez f
282
nt Dieu. 8. Le groupe fasciste n’est que le lieu
des
points équidistants de tous les individus qui composent le groupe. Un
283
ts de tous les individus qui composent le groupe.
Un
lieu parfaitement abstrait. 9. Aux individualistes rationalistes, on
284
, Hic et Nunc, Paris, janvier 1934, p. 18-23. h.
Une
note ajoute : « Extrait d’un volume à paraître, intitulé Penser avec
285
1934, p. 18-23. h. Une note ajoute : « Extrait d’
un
volume à paraître, intitulé Penser avec les mains . »
286
nitude du monde n’est pas dans la contemplation d’
un
esprit immobile. La plénitude du monde est un événement. Elle a son l
287
n d’un esprit immobile. La plénitude du monde est
un
événement. Elle a son lieu dans la question que nous adressent les cr
288
r véritable angoisse, et qu’elle nous dresse pour
une
réponse. La plénitude est un combat d’amour. Mais aimer ? C’est d’abo
289
le nous dresse pour une réponse. La plénitude est
un
combat d’amour. Mais aimer ? C’est d’abord répondre, — c’est en même
290
e jeté dans la diversité de l’univers, aux aguets
des
tentations et des menaces qui surgissent dès qu’il dit je, n’a pas d’
291
ersité de l’univers, aux aguets des tentations et
des
menaces qui surgissent dès qu’il dit je, n’a pas d’autre mouvement qu
292
entre moi et le monde, non, rien que la tension d’
un
corps à corps amoureux ou meurtrier. Je n’existe que par cette tensio
293
’échappe point au règne naturel. L’indifférence d’
un
« esprit », qui s’imagine dégagé d’un tel choix, et qui le considère
294
ifférence d’un « esprit », qui s’imagine dégagé d’
un
tel choix, et qui le considère comme une alternative extérieure à son
295
dégagé d’un tel choix, et qui le considère comme
une
alternative extérieure à son être, un vis-à-vis dont il pourrait se d
296
dère comme une alternative extérieure à son être,
un
vis-à-vis dont il pourrait se détourner, cette indifférence n’est rie
297
rner, cette indifférence n’est rien que le rêve d’
un
atome abandonné qui se croit je. Ce rêve peut remplir nos journées :
298
os journées : il n’est pas notre vie. Il n’est qu’
un
abandon aux lois de la poussière. ⁂ Ceci peut définir l’Antiquité : l
299
r leur imposer le silence. Ordre géométrique, loi
des
choses muettes, mesure des apparences permanentes : le cours des astr
300
Ordre géométrique, loi des choses muettes, mesure
des
apparences permanentes : le cours des astres et les arêtes du cristal
301
tes, mesure des apparences permanentes : le cours
des
astres et les arêtes du cristal. Ou, du moins, si l’architecture des
302
rêtes du cristal. Ou, du moins, si l’architecture
des
pierres et des constellations à son tour, fait entendre un langage qu
303
l. Ou, du moins, si l’architecture des pierres et
des
constellations à son tour, fait entendre un langage qui n’est pas cel
304
s et des constellations à son tour, fait entendre
un
langage qui n’est pas celui des humains, c’est à la raison seule qu’i
305
our, fait entendre un langage qui n’est pas celui
des
humains, c’est à la raison seule qu’il se révèle, et ce n’est plus la
306
ou sophismes logiques, ce sont autant de formes d’
une
espèce de fuite en avant, autant de tentatives angoissées pour oppose
307
t peupler les déserts ; sur le principe animateur
des
choses, elle est sans prise. Elle ne règne vraiment que sur ses propr
308
sur ses propres créatures. Alors il faut refaire
un
monde. L’arbre devient colonne et ne pose plus de question. Enfermé m
309
vaise conscience. « De la raison considérée comme
un
assassinat », écrit un jour un philosophe. Mais c’est encore une illu
310
la raison considérée comme un assassinat », écrit
un
jour un philosophe. Mais c’est encore une illusion d’orgueil. Le gran
311
n considérée comme un assassinat », écrit un jour
un
philosophe. Mais c’est encore une illusion d’orgueil. Le grand Pan n’
312
», écrit un jour un philosophe. Mais c’est encore
une
illusion d’orgueil. Le grand Pan n’est pas mort pour si peu, et sa do
313
cité. ⁂ Comment répondre sans quelque injustice à
une
question dont on ne peut saisir le sens exact ? Ainsi se défend la Lo
314
L’enfer logique est sans défaut. Le sens exact d’
une
question n’est donné que par la réponse. Mais l’homme antique n’a pas
315
ui de quoi répondre à la Nature : il est lui-même
une
question que Dieu ne semble pas entendre. L’homme antique, c’est Adam
316
’anarchie. Comment Adam ne s’effraierait-il pas d’
une
plainte qui s’adresse, en lui, à ce pouvoir qu’il sait avoir perdu ?
317
aison. Et, pour le reste, sacrifions aux dieux. ⁂
Un
panthéisme angoissé, ressort d’une révolte rationnelle contre la Natu
318
ns aux dieux. ⁂ Un panthéisme angoissé, ressort d’
une
révolte rationnelle contre la Nature, — cette dialectique fondamental
319
rien qu’humain. Elle devait conduire l’humanité à
des
impasses mortelles, celles-là mêmes où se désespère le xxe siècle. M
320
e. Mais avant que d’y venir, et suivant l’ordre d’
une
Histoire dont la loi peut paraître souverainement illogique, nous voi
321
question du monde, nous est donnée. C’est d’abord
une
réponse faite à l’homme. Mais c’est aussi, à travers l’homme désormai
322
e désormais restauré dans sa condition éternelle,
une
réponse à toute la création, désormais replacée dans l’ordre originel
323
le sens de la question. Et dans l’élan désordonné
des
êtres et des choses, il découvre une « attente ardente ». Il sait qu’
324
question. Et dans l’élan désordonné des êtres et
des
choses, il découvre une « attente ardente ». Il sait qu’elle s’adress
325
n désordonné des êtres et des choses, il découvre
une
« attente ardente ». Il sait qu’elle s’adresse en lui à ce qui de lui
326
et accepté la mort. Il peut aimer : ce n’est plus
un
défi, c’est une soumission à l’Éternel. « Christ est ressuscité ! » L
327
ort. Il peut aimer : ce n’est plus un défi, c’est
une
soumission à l’Éternel. « Christ est ressuscité ! » Le Nouvel Adam vi
328
ser au monde — mais sans comprendre sa question —
un
ordre « humain » — mais sans connaître l’Homme — peut être caractéris
329
est la machine. D’autre part, il devait aboutir à
une
distinction entre l’esprit et le corps qui, d’accidentelle qu’elle ét
330
té tragique évoque ce combat d’aveugles peint par
un
primitif flamand. L’humanité pâtit à tous les coups, soit que triomph
331
umanité pâtit à tous les coups, soit que triomphe
un
spiritualisme sans corps ou que s’installe un matérialisme sans âme.
332
phe un spiritualisme sans corps ou que s’installe
un
matérialisme sans âme. ⁂ À ce degré d’évolution du mal, la conscience
333
tion du mal, la conscience du danger s’obscurcit.
Une
espèce d’indifférence monstrueuse se répand chez les civilisés. Formu
334
aces d’exploitations, richesses du sous-sol ; par
une
charité dernière, jardin public. Mais cette forme grossière de la mut
335
de la Nature. L’Occidental rationaliste naît dans
une
ambiance chrétienne qui le rassure d’une manière vague et suffisante
336
aît dans une ambiance chrétienne qui le rassure d’
une
manière vague et suffisante quant aux intentions cachées de la Nature
337
ire. Il faut voir que ce mouvement suppose encore
une
indifférence morbide à l’endroit des réalités naturelles et de l’« at
338
ppose encore une indifférence morbide à l’endroit
des
réalités naturelles et de l’« attente ardente » des créatures. De la
339
s réalités naturelles et de l’« attente ardente »
des
créatures. De la séparation tragique, maintenant consommée, il ne sub
340
avec la Nature, révèlerait encore qu’il pressent
une
séparation dont, par ailleurs, son optimisme, hérité d’une foi morte,
341
ation dont, par ailleurs, son optimisme, hérité d’
une
foi morte, lui dissimule l’irréparable gravité. La « communion avec l
342
« communion avec la Nature », telle que la chante
un
lyrique incroyant, n’est rien que l’abandon égoïste, et parfois volup
343
n que l’abandon égoïste, et parfois voluptueux, d’
un
moi qui renonce à créer, qui renonce à souffrir, qui se rend sourd à
344
nonce à souffrir, qui se rend sourd à la question
des
choses en même temps qu’à la question de Dieu. Baptiser communion ce
345
ptiser communion ce lyrisme de l’isolement, c’est
un
des tours communs de l’orgueil romantique. On a coutume d’en rendre R
346
ser communion ce lyrisme de l’isolement, c’est un
des
tours communs de l’orgueil romantique. On a coutume d’en rendre Rouss
347
’âme » ; il pousse la lucidité jusqu’à marquer qu’
un
tel état n’est pas recommandable, sauf à l’infortuné qu’on a « retran
348
, il précise qu’on y atteint le mieux couché dans
un
bateau « qui dérive au gré de l’eau ». Image assez frappante de l’hom
349
ez frappante de l’homme qui conclut avec le monde
une
paix honteuse. Il est vrai que Rousseau ne s’en glorifie pas, et qu’i
350
lus étrange position, où se puisse jamais trouver
un
mortel ». Mais depuis ! À mesure que le sort se faisait plus clément,
351
e le sort se faisait plus clément, qui conduisait
un
homme aux solitudes naturelles, la conscience de l’« étrangeté » d’un
352
es naturelles, la conscience de l’« étrangeté » d’
un
tel cas se voilait et faisait bientôt place à la satisfaction pauvret
353
isait bientôt place à la satisfaction pauvrette d’
une
âme flattée de s’admirer dans l’infini d’un paysage. « Un paysage est
354
te d’une âme flattée de s’admirer dans l’infini d’
un
paysage. « Un paysage est un état d’âme », disait Amiel au comble du
355
lattée de s’admirer dans l’infini d’un paysage. «
Un
paysage est un état d’âme », disait Amiel au comble du délire d’isole
356
irer dans l’infini d’un paysage. « Un paysage est
un
état d’âme », disait Amiel au comble du délire d’isolement idéaliste.
357
e, plaçons ce capitaine qui ne voyait jamais dans
un
paysage que le plan d’une possible stratégie12 : nous aurons deux ima
358
ui ne voyait jamais dans un paysage que le plan d’
une
possible stratégie12 : nous aurons deux images d’un semblable égareme
359
possible stratégie12 : nous aurons deux images d’
un
semblable égarement. Cette espèce-là de paganisme rassuré n’est pas l
360
espèce-là de paganisme rassuré n’est pas le fait
des
seuls païens de notre époque. Le recours aux émotions fortes que la N
361
es que la Nature est censée dispenser à toute âme
un
peu cultivée, fournit à la prédication chrétienne un lyrisme qu’elle
362
peu cultivée, fournit à la prédication chrétienne
un
lyrisme qu’elle n’osait plus aller chercher dans l’invective prophéti
363
e premier rayon de soleil venu et s’envolent dans
une
apologétique naturaliste, dont peu d’auditeurs soupçonnent qu’elle n’
364
que le dernier relent, l’écho infiniment amenuisé
des
bacchanales antiques. ⁂ N’est-il pas significatif que le mot de Ehrf
365
s en notre langue13 ? Alors que toute l’Allemagne
des
Novalis, des Schelling et des Schlegel philosophe ardemment autour de
366
ngue13 ? Alors que toute l’Allemagne des Novalis,
des
Schelling et des Schlegel philosophe ardemment autour de cette « ques
367
e toute l’Allemagne des Novalis, des Schelling et
des
Schlegel philosophe ardemment autour de cette « question » du monde,
368
ue les lyriques anglais nourrissent leur flamme d’
une
connaissance voluptueuse de l’antagonisme cosmique, la France rationa
369
teindre au pathétique existentiel de la question.
Un
seul, peut-être, a pressenti le sens chrétien de la Nature, c’est Ben
370
calviniste, bien moins romain que grec — hélas d’
un
hellénisme style Empire — voilà peut-être le seul auteur qui situe le
371
s Réflexions sur le Théâtre allemand. Il y décrit
un
état d’âme tout voisin de la « panique » antique14, mais qui, dans ce
372
que » antique14, mais qui, dans cet esprit nourri
des
Écritures, ne peut manquer d’évoquer aussitôt la réponse de l’Épître
373
mains : « Tout l’univers s’adresse à l’homme dans
un
langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérieur de son âme, d
374
e fait entendre dans l’intérieur de son âme, dans
une
partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des se
375
être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois
des
sens et de la pensée. Quoi de plus simple que d’imaginer que cet effo
376
de la nature pour pénétrer en nous n’est pas sans
une
mystérieuse signification ? » L’allusion à saint Paul est évidente. M
377
jusqu’à l’accepter, et sa réponse n’est encore qu’
une
évasion. Cette « partie de son être inconnue à lui-même », il en fait
378
n être inconnue à lui-même », il en fait aussitôt
une
réalité psychologique, « et qui tient à la fois des sens et de la pen
379
e réalité psychologique, « et qui tient à la fois
des
sens et de la pensée ». Il en conclut qu’elle est « essentiellement d
380
, l’attitude chrétienne dit « oui » au monde avec
une
intrépide plénitude. Alors que la raison, dans son orgueil haineux, r
381
et trompe son attente ; et que le panthéisme, par
un
paradoxe dont nous avons tenté de suivre la logique fatale, isole l’i
382
e suivre la logique fatale, isole l’individu dans
un
monde désert ; alors que l’un et l’autre divisent l’homme en esprit e
383
ité de la foi, nous permet d’apporter à la Nature
une
réponse qui dépasse sa question et qui atteint et qui embrasse l’être
384
tie, où l’homme, environné par le désordre ardent
des
choses, des plantes éphémères et des animaux rugissants, se tient deb
385
mme, environné par le désordre ardent des choses,
des
plantes éphémères et des animaux rugissants, se tient debout en plein
386
ordre ardent des choses, des plantes éphémères et
des
animaux rugissants, se tient debout en plein midi de la vision, vêtu
387
Il faudrait parler longuement du « barthisme » d’
une
telle œuvre, — plus réel sans doute, parce qu’il est plus inconscient
388
notre être. Mais par là même, elle nous charge d’
une
nouvelle responsabilité vis-à-vis de la Nature. 12. Mais on peut dir
389
ce capitaine était en somme son état d’âme, et qu’
un
état d’âme technique n’est rien de plus qu’un état d’âme ; et que le
390
qu’un état d’âme technique n’est rien de plus qu’
un
état d’âme ; et que le rêve des ingénieurs occupés à supprimer ou à d
391
st rien de plus qu’un état d’âme ; et que le rêve
des
ingénieurs occupés à supprimer ou à domestiquer les « facteurs nature
392
r les « facteurs naturels » n’est rien de plus qu’
un
rêve, idéalisme meurtrier et qui fuit devant la question. 13. Cf. la
393
iques. 14. « La nature n’a point fait de l’homme
un
être isolé, destiné seulement à cultiver la terre et à la peupler, et
394
ue l’utilité l’invite à établir entre eux et lui.
Une
grande correspondance existe entre tous les êtres moraux et physiques
395
je le pense, qui, laissant errer ses regards sur
un
horizon sans bornes, ou se promenant sur les rives de la mer que vien
396
ers le firmament parsemé d’étoiles, n’ait éprouvé
une
sorte d’émotion qu’il lui était impossible d’analyser ou de définir.
397
mpossible d’analyser ou de définir. On dirait que
des
voix descendent du haut des cieux…, il semble y avoir je ne sais quoi
398
éfinir. On dirait que des voix descendent du haut
des
cieux…, il semble y avoir je ne sais quoi de prophétique dans le vol
399
le vol pesant du corbeau, dans les cris funèbres
des
oiseaux de la nuit, dans les rugissements éloignés des bêtes sauvages
400
iseaux de la nuit, dans les rugissements éloignés
des
bêtes sauvages. » (Benjamin Constant : Réflexions sur le Théâtre alle
401
ncertitude. Il ne lui reste alors que le refuge d’
un
antidogmatisme cordial, sous le couvert duquel renaissent bien des hé
402
e cordial, sous le couvert duquel renaissent bien
des
hérésies, et celles-là mêmes que les réformateurs combattirent le plu
403
dans la mesure où cela le dispense de répondre d’
une
façon précise et autorisée aux questions des incroyants ou des cathol
404
re d’une façon précise et autorisée aux questions
des
incroyants ou des catholiques ; mais il se soucie peu d’examiner « li
405
cise et autorisée aux questions des incroyants ou
des
catholiques ; mais il se soucie peu d’examiner « librement », comme l
406
u fidèlement, comme le voulait Calvin, le contenu
des
dogmes de l’Église chrétienne. Cette indifférence est si profonde qu’
407
de qu’elle rend parfois inefficaces non seulement
des
affirmations renouvelées du dogme, mais encore les critiques les plus
408
u dogme, mais encore les critiques les plus vives
des
hérésies qui se sont introduites dans la piété de nos églises au cour
409
introduites dans la piété de nos églises au cours
des
deux derniers siècles. Non seulement on voit des pasteurs prêcher l’é
410
des deux derniers siècles. Non seulement on voit
des
pasteurs prêcher l’équivalent de la doctrine du salut par les œuvres,
411
clame le salut par la foi seule. Bien plus, quand
un
théologien fidèle vient rappeler avec force l’exigence évangélique de
412
e comme le lieu où la Parole est prêchée, on voit
des
pasteurs qui, chaque dimanche pourtant, prêchent l’exaltation de « l’
413
ion, et qui définissent volontiers l’Église comme
une
force au service de la civilisation, s’étonner des rudesses de ce thé
414
ne force au service de la civilisation, s’étonner
des
rudesses de ce théologien, et affirmer innocemment qu’il n’y a rien d
415
parfois si nos temples sont encore fréquentés par
des
protestants, et si la prédication de Calvin ressuscité y provoquerait
416
e Calvin ressuscité y provoquerait autre chose qu’
une
curiosité passagère, alors qu’en toute honnêteté, elle devrait provoq
417
rovoquer le scandale chez la très grande majorité
des
auditeurs. Nous ne lapidons plus les prophètes : nous savons respecte
418
poliment leurs excès ; si seulement ils parlaient
un
peu moins fort, ce serait bien édifiant de les entendre… Le seul avan
419
e certains leur ont prêché16, il se trouve encore
des
protestants pour ne pas croire que la Cène est une simple commémorati
420
es protestants pour ne pas croire que la Cène est
une
simple commémoration symbolique. Mais combien s’en trouve-t-il qui so
421
te païenne de se présenter à la table sainte dans
un
état « moral » insuffisant ; mais sait-il bien que seul l’aveu de sa
422
derne. Nous avons eu le tort, souvent, d’attaquer
des
erreurs auxquelles bien des fidèles tiennent aussi peu qu’aux vérités
423
, souvent, d’attaquer des erreurs auxquelles bien
des
fidèles tiennent aussi peu qu’aux vérités qui les réfutent. D’autres
424
ns de reconstituer l’« appareil » dogmatique dont
une
théologie ou une absence de théologie également orgueilleuses ont cru
425
r l’« appareil » dogmatique dont une théologie ou
une
absence de théologie également orgueilleuses ont cruellement privé ta
426
es. Mais il suffit parfois de quelques phrases, d’
un
mot rendu à son vrai sens, pour orienter le débat intérieur, pour don
427
s, force nous est de condenser, de couper court à
des
développements qui parfois mettraient de l’aise dans nos pages. Notre
428
te la polémique de Kierkegaard est dirigée contre
un
certain esprit historique ou historiciste, qui tend à nous faire croi
429
de faire en présence du Verbe divin incarné dans
un
homme juif, l’acte de foi impossible à l’homme, celui que Pierre fit
430
it. Le scandale s’évanouirait, pour faire place à
une
adhésion raisonnable et éclairée. Mais en même temps que le scandale,
431
ne sont pas tous américains — de nous représenter
un
« Jésus-homme », un « ami suprême », présent parmi nous, ramené à nos
432
ricains — de nous représenter un « Jésus-homme »,
un
« ami suprême », présent parmi nous, ramené à nos proportions idéalis
433
erkegaard. Il a bien pour objet de nous rendre, d’
une
façon ou d’une autre, « contemporains » de l’apparition de Jésus-Chri
434
bien pour objet de nous rendre, d’une façon ou d’
une
autre, « contemporains » de l’apparition de Jésus-Christ. Mais ne jou
435
le Christ et nous, il n’y a pas 19 siècles, mais
une
éternité ; il n’y a pas une certaine quantité de temps et d’histoire,
436
pas 19 siècles, mais une éternité ; il n’y a pas
une
certaine quantité de temps et d’histoire, mais l’abîme absolu d’une d
437
ité de temps et d’histoire, mais l’abîme absolu d’
une
différence de qualité ; il n’y a pas une distance, mais une rupture —
438
absolu d’une différence de qualité ; il n’y a pas
une
distance, mais une rupture — notre péché. Or, le péché, c’est notre p
439
ence de qualité ; il n’y a pas une distance, mais
une
rupture — notre péché. Or, le péché, c’est notre pente naturelle. Et
440
s-nous rejoindre Jésus-Christ par les artifices d’
une
pensée justement soumise au péché ? D’autre part, il nous est impossi
441
ne irrépressible, dès que la vigilance critique d’
une
sobre théologie se relâche. ⁂ Nous ne sortirons jamais une fois pour
442
⁂ Nous ne sortirons jamais une fois pour toutes d’
une
telle impasse. Au contraire, toutes nos théories nous y ramènent. Not
443
x l’exigence de la contemporanéité avec le Christ
des
évangiles ? La Dogmatique de Barth nous offre maints exemples de mise
444
ffre maints exemples de mise au point théologique
des
thèses parfois fort équivoques de Kierkegaard. Le plus frappant est p
445
sa description extrêmement précise et vigoureuse
des
trois temps de la Parole de Dieu. Nous la trouvons aux pages 148 à 15
446
Christ est la Parole de Dieu (Jean i). Les écrits
des
prophètes et des apôtres — l’Ancien et le Nouveau Testament — sont le
447
ole de Dieu (Jean i). Les écrits des prophètes et
des
apôtres — l’Ancien et le Nouveau Testament — sont les témoignages de
448
, le temps de la prédication dérivée de la parole
des
prophètes et des apôtres, orientée vers cette parole et recevant d’el
449
prédication dérivée de la parole des prophètes et
des
apôtres, orientée vers cette parole et recevant d’elle sa norme. » Or
450
sont pas différenciés seulement par l’éloignement
des
siècles et l’évolution historique de l’humanité. Ils résultent d’atti
451
la hiérarchie de Dieu distingue les trois temps d’
une
manière tout à fait particulière, qui n’est pas celle dont se disting
452
que l’on ne peut pas passer de l’un à l’autre par
un
mouvement continu, de proche en proche. Il faut un saut17. Prenons un
453
n mouvement continu, de proche en proche. Il faut
un
saut17. Prenons un exemple fameux : celui de Pierre à Césarée de Phil
454
, de proche en proche. Il faut un saut17. Prenons
un
exemple fameux : celui de Pierre à Césarée de Philippe. Certes, Pierr
455
: c’est Dieu seul qui peut faire passer l’homme d’
un
temps à l’autre, c’est par le « bon plaisir » de Dieu seul que nous p
456
st : il ne le reconnaît pas, il ne voit en lui qu’
un
prophète, il n’est pas son contemporain. Les disciples d’Emmaüs ont b
457
ns qu’à l’instant où lui-même se révèle à eux. Et
des
deux brigands du Calvaire, l’un seulement devient le contemporain de
458
. Christ, dans son temps, est le vis-à-vis absolu
des
apôtres dans leur temps. Et de même, le témoignage des apôtres, la Bi
459
pôtres dans leur temps. Et de même, le témoignage
des
apôtres, la Bible, est le vis-à-vis absolu de l’Église dans notre tem
460
orts, que nous passions de notre temps à ce temps
des
apôtres, ou à ce temps de la Parole faite chair. ⁂ On dira qu’il ne s
461
e faite chair. ⁂ On dira qu’il ne s’agit là que d’
un
schéma. Certes, et j’ai dû schématiser encore les pages que Barth con
462
mes. Elle a pour but de les poser, de nous donner
un
instrument critique qui nous renvoie sans cesse à la réalité, qui nou
463
rts de notre imagination, qu’ils s’expriment sous
une
forme franchement littéraire18, ou sous la forme de méditations relig
464
plus littéralement biblique, comportera toujours
une
part de « littérature », une tentative de représenter aux yeux des fi
465
comportera toujours une part de « littérature »,
une
tentative de représenter aux yeux des fidèles les choses qu’il annonc
466
térature », une tentative de représenter aux yeux
des
fidèles les choses qu’il annonce. L’important, c’est qu’il soit bien
467
que notre réalité humaine. L’important, c’est qu’
une
instance critique impitoyable domine sans cesse ces tentatives inévit
468
re leur vraie signification19. Quand nous parlons
des
témoins de la Bible, nous n’avons pas à nous préoccuper outre mesure
469
s le temps réel où ces témoins sont apparus. Dans
un
certain sens, on peut dire que l’échec seul de ces efforts leur confè
470
est éprouvé par l’orateur et par l’auditeur comme
une
nécessité de notre nature, leur sens de prédication. Par le véhicule
471
meilleures raisons. 17. Barth dit simplement «
un
pas », soucieux sans doute de se distinguer des philosophes « existen
472
« un pas », soucieux sans doute de se distinguer
des
philosophes « existentiels », qui ont mis à toutes les sauces humanis
473
interlocuteur, quel qu’il soit, le point faible d’
un
raisonnement, qu’il se borne à faire apparaître par une simple questi
474
isonnement, qu’il se borne à faire apparaître par
une
simple question de bon sens, a fait toute la célébrité. On se plaît à
475
e et ses yeux vifs de Méditerranéen lui composent
un
visage classique, que d’aucuns n’hésitent pas à comparer à celui du V
476
Pour ses qualités d’âme, j’espère que ce récit d’
une
soirée passée dans son salon pourra faire deviner quelques-unes d’ent
477
à la théologie avec les premières tasses de café.
Un
étudiant feuilletait un gros ouvrage posé en évidence sur le bureau d
478
premières tasses de café. Un étudiant feuilletait
un
gros ouvrage posé en évidence sur le bureau du maître, — cet ouvrage,
479
Problème du Bien, du professeur Wilfred Monod. «
Un
monument ! » prononça Nicodème en s’approchant de l’étudiant. Nous no
480
ue nous attendions tous s’amorça, je l’avoue, par
une
mauvaise boutade qui m’échappa : « Wilfred Monod, m’écriai-je, n’est-
481
Wilfred Monod, m’écriai-je, n’est-ce pas celui qu’
un
de mes amis, effrayé de son humanisme, a baptisé l’homme qui ne veut
482
ptisé l’homme qui ne veut pas mourir ? » — Il y a
des
gens qui ont le sens de la gaffe, et le sort, je le crains, a voulu q
483
nne seulement de vous voir prendre à votre compte
un
jugement si désobligeant, — si ! si ! ne vous excusez pas, j’ai surmo
484
toute espèce d’amour-propre en ces matières ! —,
un
jugement si désobligeant, dis-je, pour l’un de mes collègues et amis
485
ce” chrétienne. » (Tome III, p. 287.) Et ceci : «
Un
homme ne peut se dépouiller de son humanité. » Par malheur, j’ai oubl
486
e ce qu’il appelle « l’expérience chrétienne ».
Un
étudiant. — Tenez, je tombe sur le passage dont vous aviez perdu la r
487
a page 512 du premier tome : « … n’avoir pas fait
une
expérience est à la portée d’un quelconque. À ceux qui préconisent un
488
n’avoir pas fait une expérience est à la portée d’
un
quelconque. À ceux qui préconisent un pareil idéal (au moins en appar
489
la portée d’un quelconque. À ceux qui préconisent
un
pareil idéal (au moins en apparence, entraînés par l’exagération de l
490
leurs formules téméraires) je dirais volontiers :
un
homme ne peut se dépouiller de son humanité ; un chrétien ne peut se
491
un homme ne peut se dépouiller de son humanité ;
un
chrétien ne peut se dégager de sa “divinité” (au sens où saint Chryso
492
’est ce que je sens profondément. Quand on entend
des
évangélistes vous ressasser leurs expériences, on se croit toujours a
493
eurs expériences, on se croit toujours au-dessous
des
autres. On s’imagine qu’on est la seule qui n’a pas fait ces expérien
494
re ce que tu crois. Il est, comme moi d’ailleurs,
un
partisan impénitent de l’expérience chrétienne, de sa piété vécue et
495
que jour expérimentée tout à nouveau ! J’ai connu
des
évangélistes qui avaient fait d’admirables expériences, et leurs réci
496
t’eussent fait le plus grand bien. Certes, il y a
des
abus partout, mais de là à condamner la notion même d’expérience ! N’
497
as au récit de ses miracles que je l’ai reconnu ?
Un
miracle, voilà une expérience, une sublime expérience ! Et combien éd
498
miracles que je l’ai reconnu ? Un miracle, voilà
une
expérience, une sublime expérience ! Et combien édifiante ! (Se tourn
499
l’ai reconnu ? Un miracle, voilà une expérience,
une
sublime expérience ! Et combien édifiante ! (Se tournant vers un grou
500
rience ! Et combien édifiante ! (Se tournant vers
un
groupe de jeunes barthiens très excités qui échangent dans un coin de
501
jeunes barthiens très excités qui échangent dans
un
coin des coups de coude significatifs.) Enfin, mes chers amis, si le
502
barthiens très excités qui échangent dans un coin
des
coups de coude significatifs.) Enfin, mes chers amis, si le christian
503
in, mes chers amis, si le christianisme n’est pas
une
expérience, et je dis bien une expérience à la fois humaine et divine
504
tianisme n’est pas une expérience, et je dis bien
une
expérience à la fois humaine et divine ! — que reste-t-il de la vie c
505
sèchement). — C’est exactement ce que je pense.
Un
jeune barthien (agressif). — Ôtez la soi-disant expérience chrétienne
506
Il me semble que c’est assez ! — Ici s’engagea
un
débat extrêmement confus sur la distinction délicate que voulait étab
507
Selon Nicodème, le terme d’existentiel n’était qu’
une
locution philosophique « importée d’Allemagne », inassimilable pour n
508
à l’appui de sa thèse, assez juste, eussent été d’
une
autre nature que ceux de M. Dürrleman… Je ne sais si vous sentez comm
509
« clarté latine » me donne toujours envie de dire
des
grossièretés, — en allemand, par-dessus le marché. Or, le ton de cett
510
e ton de cette soirée avait été jusqu’à ce moment
des
plus polis, peut-être même trop poli. Je ne sais trop pourquoi j’ai t
511
sais trop pourquoi j’ai toujours l’impression qu’
une
certaine politesse bourgeoise stérilise toute réalité chrétienne. Cep
512
faisaient plus mordantes et plus sèches, du côté
des
jeunes barthiens. Nicodème, au contraire, devenait de plus en plus se
513
el que fut par ailleurs l’objet de la conviction.
Une
belle soirée théologique ! On invoquait tantôt Heidegger ou Brunner,
514
s Helvètes — tantôt Calvin, qui écrivait en latin
des
choses que Barth a mieux comprises que Sabatier, tantôt l’humble bon
515
le dans les entretiens de l’élite. Soudain, j’eus
une
idée paradoxale : je proposai de lire l’Évangile. Je m’emparai d’une
516
: je proposai de lire l’Évangile. Je m’emparai d’
une
Bible qui se trouvait posée sur le bureau et qui s’ouvrit d’elle-même
517
e que je cherchais. Je lus ceci : « Mais il y eut
un
homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des juifs, qui
518
un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème,
un
chef des juifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit :
519
e d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef
des
juifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit : Rabbi, n
520
e nuit, et lui dit : Rabbi, nous savons que tu es
un
docteur venu de Dieu ; car personne ne peut faire ces miracles que tu
521
répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si
un
homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodèm
522
ir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment
un
homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sei
523
répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si
un
homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de
524
tons ; et vous ne recevez pas notre témoignage. »
Un
silence pesant et solennel accueillit cette brève lecture. Nicodème p
525
: il monologuait, les yeux fixes. Mais peu à peu
une
vivacité fébrile parut s’emparer de sa voix. Nicodème. — « …Ce que n
526
bien moi !… Moi, Nicodème, docteur et professeur
des
choses de Dieu… Ce que j’ai vu et entendu c’est cela qu’il me faut at
527
ments impitoyables, — écartez-vous, ne dites plus
un
mot, vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que mon expérience… Vous
528
e le dis ! »… Ô mes amis, qui d’entre vous a fait
une
telle expérience ? N’est-ce pas assez « existentiel », peut-être ? Ce
529
j’atteste et professe, et que voulez-vous donc qu’
un
professeur enseigne, si ce n’est ce qu’il a vécu, entendu et vu de se
530
e chose dont justement on ne puisse pas parler ?…
Des
expériences. Oui, j’en ai fait bien d’autres. J’en parle aussi, j’ai
531
le devoir, vis-à-vis de cette jeunesse ! J’étais
un
homme religieux, et c’est cela que je suis resté. Je l’affirme solenn
532
disent-ils. Que font-ils donc de Ses miracles, et
des
actions de ses apôtres, celles que j’ai vues et que j’atteste ! Mais
533
ue moi seul, je n’aurais pas ce droit ? J’ai fait
une
expérience de plus, j’ose le dire ! Ah ! vous savez trop ce qu’elle e
534
eux vous embrasser. Nicodème se leva, au milieu d’
un
silence ému, et donna l’accolade à chacun. Puis il fit un grand geste
535
ce ému, et donna l’accolade à chacun. Puis il fit
un
grand geste de ses deux bras levés, — comme pour bénir les circonstan
536
is Mme Nicodème les rassura vivement, affirmant d’
un
ton sans réplique qu’il n’était pas question de s’en aller. Et Poupet
537
n aller. Et Poupette passa les petits fours, avec
un
naturel parfait. Le monologue de Nicodème ne paraissait pas avoir fai
538
p habituée sans doute à la confession paternelle.
Un
des jeunes étudiants avait repris en main le « monument » du professe
539
abituée sans doute à la confession paternelle. Un
des
jeunes étudiants avait repris en main le « monument » du professeur M
540
voisins certains passages qui éveillaient tantôt
des
rires excessifs, tantôt de véhémentes protestations. Je ne vous rappo
541
t absolue certitude ; nous apercevons le sommet d’
un
gigantesque pylône, d’un poste émetteur d’où émanent depuis quasi deu
542
s apercevons le sommet d’un gigantesque pylône, d’
un
poste émetteur d’où émanent depuis quasi deux-mille années, intarissa
543
donc radiographier, tout simplement ! S’il existe
une
cure moins radicale que la mort, on serait bien bête de ne pas y reco
544
Jean ne se doutait guère que son Évangile serait
un
jour transformé en pylône émetteur ! » — À quoi l’un des barthiens s’
545
r transformé en pylône émetteur ! » — À quoi l’un
des
barthiens s’empressa d’ajouter : « Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de
546
celui que Barth exprimait si magnifiquement dans
une
de ses réponses aux objections des humanistes : “Christ n’a pas cru p
547
fiquement dans une de ses réponses aux objections
des
humanistes : “Christ n’a pas cru pouvoir sauver les hommes autrement
548
ui, — non pas de s’emparer de son message comme d’
un
prétexte à ne plus mourir tout à fait. » Le dirai-je ? Ce dialogue, c
549
rves, j’hésitais à parler, redoutant d’introduire
un
nouvel élément de discorde, quand c’était justement l’accent de contr
550
ent de controverse de mes amis qui me jetait dans
une
sorte de honte… La confession de Nicodème m’avait profondément ému, e
551
J’en étais donc à hésiter assez lâchement, lorsqu’
un
des étudiants lança, tourné vers moi : « Je retiens en tous cas votre
552
n étais donc à hésiter assez lâchement, lorsqu’un
des
étudiants lança, tourné vers moi : « Je retiens en tous cas votre déf
553
ir lâché cette méchante boutade, si elle vous est
une
occasion de triompher, ici, dans la maison de Nicodème ! Tenez, j’ai
554
les uns, subsiste en nous et pourrait rallumer d’
un
nouveau feu toute notre humanité, plus ou moins consumée par le péché
555
fait, certaines expériences dont nous n’avons qu’
une
pâle idée. Il affirme qu’il est un homme religieux. Il a raison ! La
556
us n’avons qu’une pâle idée. Il affirme qu’il est
un
homme religieux. Il a raison ! La seule religion qui tienne, c’est la
557
ion vécue, c’est-à-dire expérimentée. Mais tout d’
un
coup, voilà qu’il ne sait plus ce qu’il dit ! Vous l’avez entendu tou
558
semble que vous essayez plutôt de la conjurer par
des
formules théologiques. Je ne nie pas un instant la vérité, comme tell
559
urer par des formules théologiques. Je ne nie pas
un
instant la vérité, comme telles, de ces formules. Mais vous tenez le
560
telles, de ces formules. Mais vous tenez le mot d’
une
énigme qui ne vous a pas longtemps empêchés de dormir ! C’est en tous
561
croire. Voilà votre folie à vous : vous proférez
des
vérités littéralement terrifiantes, l’exigence de la mort au monde et
562
vous qui exigez cette expérience unique, au nom d’
une
théologie… Je ne vous reproche pas d’être fous, je vous reproche de d
563
ous, je vous reproche de dire sans nulle angoisse
des
choses folles et follement vraies. Je vous reproche tout simplement —
564
de Jésus. Et même il sut reconnaître en ce Jésus
un
docteur envoyé par Dieu ! « Mais voyez-vous, nous sommes ici au nœud
565
ud de ce mystère étourdissant. Nicodème a reconnu
un
prophète, il l’a formellement reconnu. Il est allé le voir, parce qu’
566
t quels miracles faisait Jésus. C’étaient bien là
des
expériences, n’est-ce pas ? Et l’expérience religieuse de ce grand do
567
il ne s’agit plus d’agir, mais seulement d’agiter
des
pensées… Eh bien, je vous demande si nous faisons autre chose ? Oui,
568
Oui, même quand nous condamnons Nicodème au nom d’
une
meilleure théologie, faisons-nous autre chose que lui ? Sommes-nous c
569
sons-nous autre chose que de répéter formellement
des
vérités que nous ne pouvons pas vivre ? Vivons-nous autre chose que d
570
e pouvons pas vivre ? Vivons-nous autre chose que
des
“vendredis saints spéculatifs”21 ? Il n’y a pas tant de différence en
571
latifs”21 ? Il n’y a pas tant de différence entre
un
homme qui nie l’Expérience, l’Unique — la seule chose nécessaire —, e
572
ience, l’Unique — la seule chose nécessaire —, et
un
homme qui l’affirme unique, sans cependant pouvoir la vivre, et sacha
573
t-être aucune différence : car tous les deux sont
des
vivants et non des morts. Et comment osez-vous affirmer cette impossi
574
rence : car tous les deux sont des vivants et non
des
morts. Et comment osez-vous affirmer cette impossible exigence de la
575
vez pas, j’en suis trop sûr, quand vous en faites
un
argument théologique ! Où donc est-il, celui qui accepte de mourir ?
576
t, je vais vous dire la vérité : Nous sommes tous
des
Nicodèmes ! et jamais plus qu’en ce moment où nous condamnons Nicodèm
577
ns se consultaient du regard. Était-ce de ma part
une
palinodie ? J’étais bien loin de considérer la chose ainsi. Mais nou
578
considérer la chose ainsi. Mais nous vivons dans
un
monde troublé, où la parole n’a plus le même sens pour tous. C’est po
579
l était temps de prendre congé de nos hôtes. Mais
un
des étudiants, qui justement n’avait presque rien dit, prit soudain l
580
tait temps de prendre congé de nos hôtes. Mais un
des
étudiants, qui justement n’avait presque rien dit, prit soudain la pa
581
soit point facile à entendre. Je ne sais si c’est
un
« barthien », au sens que certains « libéraux » prêtent à ce terme ma
582
st peut-être pourquoi son langage me parut rendre
un
son d’autorité, bien qu’il fût beaucoup moins péremptoire que celui d
583
es avaient usé. — Vous avez dit — commença-t-il d’
une
voix très calme — que l’angoisse de Nicodème devrait nous empêcher to
584
entends bien, devrait nous empêcher tous de dire
des
choses complètement impossibles. Je ne pense pas comme vous, bien que
585
rrection de Jésus-Christ. Certes, ce n’est pas là
une
expérience ! Ou plutôt, les sentiments que nous éprouvons lors du Bap
586
i je pense qu’on ne doit pas s’opposer au baptême
des
enfants, c’est-à-dire de ceux qui ne peuvent rien encore… Ainsi donc,
587
Sur
une
page de Bossuet (ou Tradition et Révélation) (janvier 1936)m Que n
588
tholiques nous permettent de relever tout d’abord
un
défaut très courant de la controverse22 avec la Réforme, en France :
589
lleurs avec l’Église romaine — à quatre siècles d’
une
tradition que l’on réduit au seul domaine français, sans même compter
590
ainsi qu’on risque de le déduire de l’entreprise
des
Pères de Juvisy, entre « l’héritage du Christ » d’une part, et les da
591
sante, et le recours à la Tradition comme critère
des
révélations évangéliques. Ce qui s’oppose en réalité, c’est une doctr
592
s évangéliques. Ce qui s’oppose en réalité, c’est
une
doctrine du salut par la foi au sein d’une Église obéissant à la Révé
593
c’est une doctrine du salut par la foi au sein d’
une
Église obéissant à la Révélation, et une doctrine du salut par l’Égli
594
u sein d’une Église obéissant à la Révélation, et
une
doctrine du salut par l’Église, par une Église qui prend barre sur l’
595
ation, et une doctrine du salut par l’Église, par
une
Église qui prend barre sur l’Écriture. Précisons encore ce schéma, qu
596
quelle crainte très légitime de me voir combattre
une
caricature peut correspondre une objection de ce genre. Et pourtant,
597
e voir combattre une caricature peut correspondre
une
objection de ce genre. Et pourtant, pour peu qu’on adopte la position
598
e. Et pourtant, pour peu qu’on adopte la position
des
catholiques eux-mêmes vis-à-vis de leurs grands docteurs, on est obli
599
ne porte guère. En effet, « l’Église ne reconnaît
une
expression exacte de sa substance que dans la personne de ses saints
600
personne de ses saints », écrit le père Congar en
une
fort belle définition24. Or, si je cite une formule d’Augustin, qui e
601
ar en une fort belle définition24. Or, si je cite
une
formule d’Augustin, qui est un grand saint, on me répond que cette fo
602
4. Or, si je cite une formule d’Augustin, qui est
un
grand saint, on me répond que cette formule lui est tout à fait perso
603
lui est tout à fait personnelle, et l’on m’oppose
une
thèse thomiste ; laquelle est, à son tour, contestée par un Newman ou
604
homiste ; laquelle est, à son tour, contestée par
un
Newman ou un Laberthonnière, dans des livres pourtant revêtus de l’im
605
uelle est, à son tour, contestée par un Newman ou
un
Laberthonnière, dans des livres pourtant revêtus de l’imprimatur. Fin
606
ontestée par un Newman ou un Laberthonnière, dans
des
livres pourtant revêtus de l’imprimatur. Finalement, faute du concile
607
’ai recours à quelque « Enchiridion », ou recueil
des
formules dogmatiques élaborées par les conciles et les bulles papales
608
, est bien complexe, bien contradictoire, et sous
une
apparence de précision rigide, bien propice aux interprétations, aux
609
l ne veut pas se borner à la pure et simple copie
des
formules élaborées par les conciles, est bien forcé de parler un lang
610
borées par les conciles, est bien forcé de parler
un
langage personnel, dont il sera toujours possible d’affirmer qu’il n’
611
; 3° que ce n’est pas la lettre et la formulation
des
dogmes qui m’importent, mais la manière dont on en use dans l’Église
612
e lorsque j’affirme que cette opinion commune est
un
négatif absolu des positions fondamentales de la Réforme. Voilà l’opp
613
e que cette opinion commune est un négatif absolu
des
positions fondamentales de la Réforme. Voilà l’opposition réelle, du
614
si belles synthèses ! « Blasphème ! me dit alors
un
catholique. Ces synthèses ne remplaceront jamais les mérites acquis,
615
raient au contraire tout imparfaites si la raison
des
scolastiques, éclairée par la grâce, n’avait su les achever en les in
616
Christ ressuscité ! » Réponse qui justement donne
un
exemple bien typique de la méthode romaine de médiation27. Cette trad
617
diation27. Cette tradition n’est, à vrai dire, qu’
une
transition, un terme transitif insinué entre des réalités radicalemen
618
tradition n’est, à vrai dire, qu’une transition,
un
terme transitif insinué entre des réalités radicalement hétérogènes.
619
’une transition, un terme transitif insinué entre
des
réalités radicalement hétérogènes. Si l’on croit sérieusement que le
620
on n’existe pas, ou n’a pas d’importance aux yeux
des
catholiques ? Est-ce qu’ils se la posent parfois ? Est-ce qu’ils comp
621
eproches leur paraissent porter à faux et révéler
une
simple méconnaissance des possibilités infinies d’interprétation dont
622
orter à faux et révéler une simple méconnaissance
des
possibilités infinies d’interprétation dont dispose leur apologétique
623
s aucune intention polémique, ce qu’ils pensent d’
un
texte précis, et comment il se fait que le pape n’ait jamais, que je
624
n’a institué la Cène) : Que Jésus-Christ a donné
un
grand pouvoir à son Église dans la dispensation de ses mystères !… Il
625
uand donc on veut s’imaginer qu’en ne recevant qu’
une
espèce, on ne reçoit qu’une cène et une communion imparfaites, c’est
626
qu’en ne recevant qu’une espèce, on ne reçoit qu’
une
cène et une communion imparfaites, c’est qu’on n’entend pas que c’est
627
cevant qu’une espèce, on ne reçoit qu’une cène et
une
communion imparfaites, c’est qu’on n’entend pas que c’est l’Église qu
628
rist a voulu faire… Comme je citais cette page à
un
abbé fort écouté, dont les travaux marient avec aisance théologie et
629
simplement : « Bossuet ne saurait être tenu pour
un
Père de l’Église que par un académicien ! » Boutade, en vérité, mais
630
aurait être tenu pour un Père de l’Église que par
un
académicien ! » Boutade, en vérité, mais très « catholique » je le cr
631
mules qui pourraient amener à poser la question d’
une
manière claire et nette, et à choisir. Car, enfin, si Bossuet, en écr
632
Or, c’est précisément ce que je cherche : l’écho
des
formules orthodoxes dans la conscience des fidèles, et des fidèles de
633
l’écho des formules orthodoxes dans la conscience
des
fidèles, et des fidèles de ce pays de France dont on ne peut nier que
634
les orthodoxes dans la conscience des fidèles, et
des
fidèles de ce pays de France dont on ne peut nier que Bossuet soit l’
635
France dont on ne peut nier que Bossuet soit l’un
des
classiques préférés29. ⁂ Une fois définie la valeur de cette objectio
636
iques, si nous les pressions de nous rassurer sur
un
texte qui nous inquiète, nous sommes en droit de poursuivre l’examen
637
iète, nous sommes en droit de poursuivre l’examen
des
« réflexes catholiques » que ce texte trahit. Reprenons donc la page
638
apôtres] qu’il leur laissait son Église pour être
une
fidèle interprète de ses volontés, et une sûre dispensatrice de ses s
639
ur être une fidèle interprète de ses volontés, et
une
sûre dispensatrice de ses sacrements ? » Décidément, nous sommes d’ac
640
le est bien cela pour nous aussi. Nous ajouterons
une
simple précision : elle est la « sûre dispensatrice des sacrements »
641
mple précision : elle est la « sûre dispensatrice
des
sacrements » dans la mesure exacte où elle demeure la « fidèle interp
642
e exacte où elle demeure la « fidèle interprète »
des
volontés de Dieu. Mais c’est ici que Bossuet nous arrête : « Qu’enten
643
emier concile de Nicée, s’ajoutent ensuite celles
des
conciles d’Éphèse, de Chalcédoine, etc., etc. Puis, dès 514, les écri
644
réserve indiquée en 1689 lors de la condamnation
des
jansénistes.) Puis les doctrines des théologiens, et surtout de Thoma
645
condamnation des jansénistes.) Puis les doctrines
des
théologiens, et surtout de Thomas d’Aquin (Encycl. de Benoît XV, en 1
646
est clair et sans mystère : la tradition, ce sont
des
textes. On peut les lire, si l’on sait le latin, réunis et classés da
647
holique se tourne alors vers nous et nous exprime
une
sorte de pitié : « À quoi s’appuiera le protestant, avec, pour tout g
648
s’appuiera le protestant, avec, pour tout guide,
une
Bible… ou le témoignage intérieur du Saint-Esprit, qu’il sera bien in
649
de Rome qui nous paraît à cet égard abandonnée à
un
subjectivisme redoutable. C’est ce que l’on peut voir aisément par l’
650
a… declarat. » Cela est clair encore : l’autorité
des
conciles se fonde sur l’inspiration du Saint-Esprit. Comment ce Saint
651
é, si j’ose dire, et « différencié de la nature »
des
prélats, de leur époque et de leur formation ? Par la Bible ? En prin
652
n est ainsi substituée à l’Écriture comme critère
des
inspirations de l’Esprit saint. Mais la tradition, ce sont les concil
653
tre ou bien que les conciles sont le seul critère
des
conciles ; ou bien que l’Esprit saint est le seul critère de l’Esprit
654
droit l’arbitraire le plus absolu. Pratiquement :
un
opportunisme qui nous apparaîtra toujours excessivement « politique »
655
toute notre foi31, devient faux et ne traduit qu’
un
subjectivisme absolu dès qu’on le sépare de l’Écriture, qui nous four
656
ils notre subjectivisme, à nous qui reconnaissons
un
critère objectif, la Bible, alors qu’ils ont tout fait de leur côté p
657
eur temps (qui était encore le « Buvez-en tous »)
un
démenti formel (le prêtre seul peut en boire), devenu par la suite pa
658
’il ne l’était en 1569 ? La tradition serait-elle
une
sorte de promotion « à l’ancienneté » des erreurs les plus manifestes
659
it-elle une sorte de promotion « à l’ancienneté »
des
erreurs les plus manifestes des conciles ? La question peut paraître
660
à l’ancienneté » des erreurs les plus manifestes
des
conciles ? La question peut paraître brutale, simpliste. Elle manque
661
, la garantir, contre nos faiblesses humaines par
une
assurance humaine, la tradition ? Tout l’effort dogmatique des concil
662
humaine, la tradition ? Tout l’effort dogmatique
des
conciles se fonde dans cette inquiétude32, qui a conduit l’Église de
663
Rome à statuer qu’il existe, à côté de la Bible,
une
autre source. Tout l’effort dogmatique des conciles consiste à accumu
664
Bible, une autre source. Tout l’effort dogmatique
des
conciles consiste à accumuler des assurances contre tous les « danger
665
fort dogmatique des conciles consiste à accumuler
des
assurances contre tous les « dangers », possibles, qui se ramènent au
666
uestion que vous adressez à la Réforme, du haut d’
une
grandeur traditionnelle mal assurée, — trop craintivement, trop métic
667
ement, trop humainement assurée — nous n’avons qu’
une
seule réponse, mais une réponse certaine, une réponse qui n’est pas n
668
assurée — nous n’avons qu’une seule réponse, mais
une
réponse certaine, une réponse qui n’est pas nôtre : « L’œuvre de Dieu
669
qu’une seule réponse, mais une réponse certaine,
une
réponse qui n’est pas nôtre : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyi
670
si vous croyez à cette autre parole qui est comme
un
commentaire de la première : « Ma grâce te suffit »33, vous retrouvez
671
sens de la vraie tradition : celle qui n’est pas
une
« autre source », un vain renfort humain, mais la suite des témoignag
672
ition : celle qui n’est pas une « autre source »,
un
vain renfort humain, mais la suite des témoignages rendus par l’Églis
673
e source », un vain renfort humain, mais la suite
des
témoignages rendus par l’Église historique à son chef, qui lui fut ré
674
oyons-nous assez sérieusement que les catholiques
un
jour peuvent le croire ? Sommes-nous déjà prêts pour cette unité ?
675
ls Paul Claudel. Ce très grand poète est l’auteur
des
plus monumentales âneries qui aient jamais été proférées sur la réfor
676
yons pas, dans son cas, à la mauvaise foi, mais à
une
ignorance totale de ce qu’il croit devoir attaquer périodiquement. Le
677
24. Vie intell., numéro cit., p. 363. 25. Sur
des
points de dogme aussi importants que la prédestination (pour Augustin
678
), par exemple. 26. Le plus étonnant, aux yeux d’
un
protestant, c’est peut-être le critère de cohérence dont un prêtre me
679
ant, c’est peut-être le critère de cohérence dont
un
prêtre me disait récemment qu’il atteste la « vérité » des dogmes ! H
680
e me disait récemment qu’il atteste la « vérité »
des
dogmes ! Hegel, et Spinoza, et Marx ne sont-ils pas plus « cohérents
681
l’historisme libéral, qui ont trouvé, eux aussi,
des
critères tout à fait intéressants pour interpréter les évangiles… 27
682
, en fin de compte, sur la méconnaissance de l’un
des
termes qu’on entend concilier. On ne peut pas incorporer impunément A
683
. On ne peut pas incorporer impunément Aristote à
une
tradition qui se fonde dans la Révélation ; pas plus qu’on ne peut fa
684
dans la Révélation ; pas plus qu’on ne peut faire
une
synthèse de l’eau et du feu sans éteindre le feu. Celui qui affirmera
685
ui qui dirait que l’Église n’a pas été amenée par
des
raisons justes (iustis causis et rationibus) à cette décision dogmati
686
u hasard, ces deux qualifications de Bossuet dans
des
articles récents de chroniqueurs catholiques, qui ne sont nullement d
687
: le « développement du dogme » n’est en fait qu’
une
stratification de refus, de défenses contre les hérésies. Cela produi
688
us, de défenses contre les hérésies. Cela produit
des
effets étranges. Ainsi je trouve dans Denzinger ce dogme : « brûler l
689
cle de R. de Pury. m. Rougemont Denis de, « Sur
une
page de Bossuet (ou Tradition et Révélation) », Hic et Nunc, Paris, j