1 1936, Tapuscrits divers (1936-1947). [Compte rendu] Henri de Man, L’Idée socialiste (1936)
1 e socialiste (1936)a Depuis un an que ce livre est paru, l’a-t-on lu, en a-t-on parlé comme il convient ? C’est un ouvra
2 aison. Mais si l’on songe que L’Idée socialiste n’ est pas seulement une somme du socialisme moderne, mais encore le premier
3 leurs, ou je me trompe fort, ou L’Idée socialiste est promise à une carrière comparable à celle des Réflexions sur la viole
4 lle des Réflexions sur la violence de Sorel. Ce n’ est point par hasard que le nom de Sorel hante le lecteur de M. de Man. L
5 ntraste que font les deux doctrines : tout ce qui était romantique, anarchisant et d’inspiration nietzschéenne chez Sorel, es
6 hisant et d’inspiration nietzschéenne chez Sorel, est devenu chez de Man technique, organique, et d’inspiration nettement h
7 pas affaire ici à un intellectuel détaché — ce qu’ était malgré tout Sorel, que ses propos sur la violence n’ont jamais condui
8 la violence n’ont jamais conduit à l’action. Nous sommes au contraire en présence d’un homme dont la pensée est constamment so
9 u contraire en présence d’un homme dont la pensée est constamment soucieuse de ses applications prochaines et nécessaires.
10 applications prochaines et nécessaires. M. de Man est aujourd’hui ministre ; il était naguère professeur ; mais si l’on en
11 essaires. M. de Man est aujourd’hui ministre ; il était naguère professeur ; mais si l’on en croit l’interview qu’il accorda
12 de son pays ou les pêcheurs de l’Atlantique. Ce n’ est pas un idéologue. C’est un homme qui a reconnu, à la faveur d’expérie
13 alisme. Pour M. de Man, en effet, le socialisme n’ est pas seulement un mouvement ouvrier organisé, c’est aussi et d’abord u
14 ’avoir récusé par avance : « L’idéal, écrit-il, n’ est rien qu’une forme particulière de l’idée, si l’on veut, une forme dég
15 isait Fouillée.) Le terme d’idéalisme ne pourrait être accepté aujourd’hui pour désigner les doctrines demanienne et personn
16 que si la définition de l’idée donnée par de Man était elle-même couramment acceptée : « Le propre d’une idée est d’anticipe
17 même couramment acceptée : « Le propre d’une idée est d’anticiper sur un but », mais aussi « d’orienter et de diriger l’act
18 es » comme on sait. L’« idéalisme » demanien veut être avant tout efficace. Ce n’est pas un rêve, c’est une méthode d’action
19 me » demanien veut être avant tout efficace. Ce n’ est pas un rêve, c’est une méthode d’action ; ce n’est pas une explicatio
20 st pas un rêve, c’est une méthode d’action ; ce n’ est pas une explication idéale du monde, mais c’est une volonté de transf
21  Nous ne pouvons réaliser rien de bon sans nous l’ être d’abord représenté. » Qu’il me permette à mon tour de citer Lénine, q
22 e débat au-dessus des polémiques partisanes où il était en train de s’épuiser. « La culture est une forme commune de la vie d
23 s où il était en train de s’épuiser. « La culture est une forme commune de la vie dont l’activité économique et politique n
24 que d’abord », M. de Man affirme à sa façon — qui est d’un humaniste — la primauté du spirituel. Il reste à voir, évidemmen
25 idemment, si les formes et les fins qu’il propose sont aussi vraies qu’elles lui apparaissent désirables. J’entends qu’il re
26 reste à établir que la vision socialiste du monde est vraiment la plus haute vision vers laquelle nos efforts doivent tendr
27 efforts doivent tendre. Le but de chaque individu est -il la société parfaite ? Ou bien le but d’une société normale — il fa
28 e — il faudrait tout d’abord la rendre telle — ne serait -il pas au contraire la personne ? a. Édition réalisée sur la base d
2 1938, Tapuscrits divers (1936-1947). L’esprit totalitaire et les devoirs de la personne (mai 1938)
29 ur ma part, l’URSS stalinienne. Mais mon propos n’ est pas de décrire ces États, et encore moins de les juger. En choisissan
30 faits proprement politiques. Quelque chose qui n’ est pas limité aux frontières des trois grandes dictatures mais qui nous
31 démocraties occidentales. L’esprit totalitaire n’ est pas lié aux seuls régimes qui s’en réclament ouvertement. Dès mainten
32 forme de menace en premier lieu. Mais aussi, j’en suis persuadé, sous la forme d’une tentation, plus ou moins inconsciente o
33 i et maintenant. Et c’est à cause de cela qu’il n’ est pas vain que l’on en parle. Je sais : — On en a trop parlé déjà, pens
34 t je les comprends dans une certaine mesure. Nous sommes las de nous indigner. Les pires excès nous trouvent de plus en plus i
35 isme curieux. Après tout, nous disent-ils, tout n’ est pas mal dans ces régimes. On a rétabli l’ordre, les trains partent à
36 de se persuader à eux-mêmes — que le phénomène n’ est pas si grave. Un trouvait encore à Berlin, il y a deux ans, des bourg
37 tant d’importance doctrinale à des régimes qui ne sont en fait que les phénomènes anormaux, puisqu’ils sont le fait d’usurpa
38 t en fait que les phénomènes anormaux, puisqu’ils sont le fait d’usurpateurs, de bandes d’individus armés s’emparant du pouv
39 s pas envie de voir triompher. Je sais que tout n’ est pas mal, de ce qui s’est fait là-bas, loin de là. Je tiendrai compte
40 pher. Je sais que tout n’est pas mal, de ce qui s’ est fait là-bas, loin de là. Je tiendrai compte de toutes ces objections.
41 i compte de toutes ces objections. Auparavant, je tiens à préciser la perspective de ma pensée. Je ne suis membre d’aucun par
42 ens à préciser la perspective de ma pensée. Je ne suis membre d’aucun parti. Je ne suis ni de gauche ni de droite. Je ne vou
43 ma pensée. Je ne suis membre d’aucun parti. Je ne suis ni de gauche ni de droite. Je ne vous parle pas de politique, et je c
44 une vague religieuse et mystique, telle qu’il en est passé déjà sur notre Europe, mais celle-ci est la plus puissante. Le
45 en est passé déjà sur notre Europe, mais celle-ci est la plus puissante. Le Moyen Âge fut une période collectiviste, qui du
46 mais celle-ci est la plus puissante. Le Moyen Âge fut une période collectiviste, qui dura de l’Empire carolingien jusqu’au
47 aliste, et elle dura environ ans. Ce second cycle est en voie de s’accomplir, et nous assistons aujourd’hui aux prodromes d
48 , c’est voir en face, et voir de près. Or il nous est très difficile d’envisager la menace totalitaire, pour cette raison q
49 discuter de faux problèmes, des problèmes qui ne sont pas urgents ni décisifs, et qui masquent la vraie menace. Mais plus j
50 re, il me semble que tous ces problèmes, que l’on tient pour les plus brûlants, sont apparence et camouflage. Je ne le dis pa
51 problèmes, que l’on tient pour les plus brûlants, sont apparence et camouflage. Je ne le dis pas pour le mauvais plaisir de
52 ce que l’histoire la plus récente, celle que nous sommes en train de vivre, nous porte à ressentir déjà la vanité de nos parti
53 ris sociaux et politiques. Je le dis parce que je suis frappé par la constatation que voici : Que vous preniez par la gauche
54 même résultat, c’est-à-dire à une dictature qui n’ est ni socialiste ni capitaliste — encore qu’il y ait des différences d’a
55 qu’il y ait des différences d’accent — , mais qui est la fois les deux choses, qui est une synthèse brutale des deux systèm
56 ent — , mais qui est la fois les deux choses, qui est une synthèse brutale des deux systèmes, synthèse dominée et orientée
57 té profonde du stalinisme et du fascisme. Mais ce sont des raisons de propagande, pieux mensonges et mensonges sacrés. Pour
58 mensonges et mensonges sacrés. Pour qui veut s’en tenir aux faits, aux réalisations tangibles, tous les prétextes invoqués of
59 police et de l’armée. Que l’esprit et l’humanité soient brimés et persécutés par des policiers rouges ou bruns, je ne vois pa
60 l’une de ces méthodes contre l’autre. La maladie est bien la même dans les deux cas. Or si je constate chez un malade une
61 s intérêt urgent, de savoir si le mal en question est une pneumonie raciste ou marxiste. Le vrai dilemme n’est pas là. Le v
62 pneumonie raciste ou marxiste. Le vrai dilemme n’ est pas là. Le vrai dilemme est entre la maladie et la santé, entre la mo
63 te. Le vrai dilemme n’est pas là. Le vrai dilemme est entre la maladie et la santé, entre la mort et la vie du patient, et
64 par ce terme. Toutes les grandes civilisations se sont faites autour d’un principe qui était commun à tous les ordres d’acti
65 lisations se sont faites autour d’un principe qui était commun à tous les ordres d’activité sociale ou personnelle. C’était c
66 ui permettait de les juger grandes ou basses, qui était l’étalon idéal et la mesure de toutes choses. Je ne dis pas qu’il tri
67 comme il fallait bien, tout de même, que la cité soit gouvernée, on s’en remettait l’État, providence hargneuse et abstrait
68 illeurs qu’avec pudeur, comme de tout ce que l’on tient pour sacré. Mais vint la guerre, et vint la crise économique. Le der
69 ravail se tournèrent alors vers l’État, or l’État était en faillite. Où était donc la société ? Sur quelles valeurs, sur quel
70 lors vers l’État, or l’État était en faillite. Où était donc la société ? Sur quelles valeurs, sur quelles mesures, sur quel
71 et vivre ? Il semblait que la société des hommes fut retournée à la poussière originelle, selon la prophétie biblique. Alo
72 t communes à tous les hommes. Pour les uns, elles étaient déjà là, installées au foyer et dans toutes les pensées ; pour les au
73 ns toutes les pensées ; pour les autres, elles se tenaient à la porte. On ne pouvait plus, on ne devait plus penser qu’à cela. C
74 n assiste au même phénomène. Les individus isolés sont envahis par une vague angoisse, et de l’angoisse naît un appel confus
75 n’insiste pas sur ces données élémentaires qui ne sont plus contestées par aucun sociologue, fût-il le plus obtus rationalis
76 qui ne sont plus contestées par aucun sociologue, fût -il le plus obtus rationaliste. Dans l’état d’atomisation où se trouv
77 atomisation où se trouvait la société moderne, il était aisé de prévoir qu’un formidable appel religieux se ferait jour. Et c
78 eux se ferait jour. Et c’est précisément ce qui s’ est produit, c’est l’appel religieux des peuples qu’ont su deviner et exa
79 éterminante du foudroyant succès des dictatures n’ est pas du tout dans telle ou telle manœuvre, dans telle tactique ou tell
80 lle tactique ou telle doctrine opportuniste. Elle est dans l’appel religieux que les dictateurs ont su deviner et qu’ils on
81 qu’ils ont voulu satisfaire. L’esprit totalitaire est né d’une angoisse dont la vraie nature est en fin le compte religieus
82 itaire est né d’une angoisse dont la vraie nature est en fin le compte religieuse. Cette vue très générale, et peut-être no
83 Cette vue très générale, et peut-être nouvelle, n’ est pas de la pure poésie, quoi qu’en pensent les esprits réalistes. Je v
84 e que j’ai reçue tout récemment d’Allemagne. Elle est d’un jeune national-socialiste dont je ne connais d’ailleurs que le n
85 il sert. Il m’explique tout d’abord que ce régime est né de la pauvreté et du malheur de son pays, ce qui est très juste. E
86 de la pauvreté et du malheur de son pays, ce qui est très juste. Et il ajoute : Mais la pauvreté ou le malheur ne peuvent
87 La raison profonde d’un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à quelque chose, nous voulions vi
88 ous voulions vivre pour quelque chose. Nous avons été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité de croire
89 à l’immortalité du peuple (un arbre dont nous ne sommes que les feuilles qui tombent à chaque génération) et peut-être réussi
90 eligieuse du phénomène totalitaire. Tout le reste est littérature, et dans ce reste, je place pêle-mêle les passions partis
91 dans le domaine de cette énorme mystification qu’ est la politique pour les masses. ⁂ D’ailleurs, ce caractère de religion
92 olini dans l’Encyclopédie fasciste : Le fascisme est une conception religieuse… Si le fascisme n’était pas une foi, commen
93 e est une conception religieuse… Si le fascisme n’ était pas une foi, comment donnerait-il le stoïcisme et le courage à ses ad
94 de Nuremberg en 1935, Hitler s’écrie : Vous avez été cette garde qui jadis m’a suivi d’un cœur croyant. Vous avez été les
95 qui jadis m’a suivi d’un cœur croyant. Vous avez été les premiers qui ont cru en moi… Ce n’est pas l’intelligence coupant
96 us avez été les premiers qui ont cru en moi… Ce n’ est pas l’intelligence coupant les cheveux en quatre qui a tiré l’Allemag
97 llemagne de sa détresse, mais votre foi… Pourquoi sommes -nous ici ? Par ordre ? Non… parce qu’une voix intérieure vous l’a dic
98 nce en quoi ? C’est très simple : foi au chef qui est l’incarnation du destin immortel de la nation. M. Goebbels s’adresse
99 s celui qui montre le chemin de la foi. Vous avez été pour nous l’accomplissement d’un mystérieux désir. Et je lis ailleur
100 eurs, sous la même plume : La foi dans le Führer est entourée, on pourrait presque dire, d’une mystique mystérieuse et éni
101 i va plus loin : La volonté du Führer, écrit-il, est est effectivement la volonté de Dieu. Et M. Goering déclarait à l’en
102 plus loin : La volonté du Führer, écrit-il, est est effectivement la volonté de Dieu. Et M. Goering déclarait à l’envoyé
103 ns avec la même conviction profonde que le Führer est infaillible dans toutes les matières qui concernent les intérêts soci
104 oèmes à la gloire du Père les peuples — le tsar n’ était que le Petit Père — , poèmes où il est affirmé que la pluie ne fécond
105 e tsar n’était que le Petit Père — , poèmes où il est affirmé que la pluie ne féconde les champs que par la volonté du seul
106 chaque matin, et de favoriser les naissances. Il est vrai que ces poètes sont du Midi de la Russie… Mais il est vrai aussi
107 oriser les naissances. Il est vrai que ces poètes sont du Midi de la Russie… Mais il est vrai aussi que le programme de Léni
108 que ces poètes sont du Midi de la Russie… Mais il est vrai aussi que le programme de Lénine supposait l’extinction de la su
109 mes citations. Aussi bien, certains d’entre vous sont -ils sans doute en train de se dire : après tout, il ne s’agit là que
110 parler, et d’exagérations lyriques. Tout cela, ce sont des trucs de propagande, des phénomènes épisodiques. Je l’ai longtemp
111 française, sous le coup de la révélation qu’avait été pour moi cette cérémoniec.   Le caractère sacral et quasi liturgique
112 giquement. Il vous affirmera peut-être même qu’il est chrétien, à condition toutefois que l’on débarrasse le christianisme
113 le christianisme de ses éléments judaïques. Et il sera sans aucun doute sincère. Mais cela n’est contradictoire qu’en appare
114 Et il sera sans aucun doute sincère. Mais cela n’ est contradictoire qu’en apparence. La foi la plus profonde n’est pas tou
115 ctoire qu’en apparence. La foi la plus profonde n’ est pas toujours la plus consciente, et ce n’est pas toujours celle qu’on
116 de n’est pas toujours la plus consciente, et ce n’ est pas toujours celle qu’on avoue et qu’on professe des lèvres. Si je pu
117 national-socialisme, le fascisme et le stalinisme sont en réalité des religions ; que les chefs de ces mouvements sont en ré
118 é des religions ; que les chefs de ces mouvements sont en réalité divinisés, et que l’État ou la nation sont le contenu réel
119 en réalité divinisés, et que l’État ou la nation sont le contenu réel de ces cultes nouveaux, ce n’est pas seulement sur la
120 sont le contenu réel de ces cultes nouveaux, ce n’ est pas seulement sur la base des textes que je vous citais tout à l’heur
121 première, c’est que la croyance réelle d’un homme est définie d’une part par la nature des sacrifices qu’il consent, d’autr
122 lèges. Or nous voyons que dans les dictatures, il est permis le blasphémer le Christ, mais il n’est pas permis d’élever ne
123 il est permis le blasphémer le Christ, mais il n’ est pas permis d’élever ne fût-ce qu’une critique polie à l’endroit de la
124 r le Christ, mais il n’est pas permis d’élever ne fût -ce qu’une critique polie à l’endroit de la personne du Chef. Au Moyen
125 , au nom du peuple. Or le dieu qu’on révère, ce n’ est point celui qu’on nomme des lèvres Dieu, mais c’est celui que l’on se
126 bien et le mal, dans les régimes totalitaires, ne sont plus définis officiellement par les principes du droit ou de la moral
127 vice. « Pour le fascisme, écrit Mussolini, l’État est l’absolu. » Voilà qui est clair. Quant au catholicisme, on le « respe
128 écrit Mussolini, l’État est l’absolu. » Voilà qui est clair. Quant au catholicisme, on le « respectera » dans la mesure où
129 État. C’est-à-dire qu’en réalité, on a le droit d’ être chrétien à condition que cela ne se voie pas, que cela n’entraîne auc
130 hasard, dans le plan religieux. Cet adversaire n’ est autre que le christianisme. Pour les Soviets, la chose est claire. Po
131 que le christianisme. Pour les Soviets, la chose est claire. Pour les régimes fascistes, vous m’accorderez sans doute qu’e
132 rai à noter que là encore, la logique totalitaire est sans défaut et sans pardon : on ne saurait tolérer une religion qui e
133 s pardon : on ne saurait tolérer une religion qui est au-dessus des nations et des classes dans un État qui se donne pour l
134 n tendue » aux catholiques. Mais cette hypocrisie est par trop éclatante. Il s’agit d’une alliance tactique, c’est-à-dire d
135 j’ajouterai blasphématoire. « Les athées que nous sommes te tendent la main, catholique », ai-je entendu prononcer par Duclos,
136 ader communiste français. C’est autant dire qu’on tient la foi du catholique pour nulle et sans effets pratiques. Car voici l
137 iens persécutés par les ignobles bolchévistes, il est un homme qui vous en parlerait mieux que moi, qui vous en parlerait e
138 L’esprit totalitaire, religion de la nation, tel est le fait qui domine le xx e siècle. Une religion de la nation déifiée.
139 gimes. On voit enfin que s’ils ont triomphé, ce n’ est pas au marxisme de Lénine, au machiavélisme du Duce, ou au programme
140 et mettre au pas, jusqu’au moment où le pouvoir a été pris. Hitler écrivait dans Mein Kampf : Dans sa grande majorité, le
141 tel point féminins que ses opinions et ses actes sont déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur les sens que p
142 sur les sens que par la pure réflexion. La masse… est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus
143 s, sociologiques, des régimes totalitaires. Elles sont parfois contradictoires, souvent discutables, toujours aisément réver
144 ire par rapport au fait religieux fondamental. Il est juste, par exemple, de remarquer que le bolchévisme s’est appuyé sur
145 e, par exemple, de remarquer que le bolchévisme s’ est appuyé sur les ouvriers de Pétrograd, tandis que les deux fascismes o
146 , au départ, une différence considérable. Mais il est d’autant plus frappant de voir qu’à l’arrivée, cette contradiction s’
147 onalisme. Songez que l’industrie lourde allemande est en voie d’étatisation, ce qui représente un processus socialiste. Et
148 n de quitter la Russie sous peine de mort, ce qui est une très curieuse manière de concevoir l’internationale… Songez que l
149 rs. Songez aussi que le but du Service de travail est d’effacer les différences de classes. Celui qui présenterait un tel p
150 Celui qui présenterait un tel programme chez nous serait immédiatement traité de bolchéviste. Ce serait d’ailleurs une grosse
151 us serait immédiatement traité de bolchéviste. Ce serait d’ailleurs une grosse erreur, un effort actuel de Staline est dirigé
152 rs une grosse erreur, un effort actuel de Staline est dirigé exactement dans le sens contraire, comme le démontre sa politi
153 ts qu’ils jugeaient. Mais on sait bien qu’il n’en est rien. Ils préféreront se faire socialistes avec Hitler, et critiquer
154 en entendu, pour les gens de gauche, encore qu’il soit juste de marquer qu’ils se méfient plus de Staline que les droites ne
155 éfient d’Hitler. Dans les deux cas, ces partisans sont les victimes d’idéologies de façades, sans grands rapports avec les p
156 de vous rappeler que le but des camps de travail est proprement de niveler les classes, et que la raison des formidables d
157 des formidables différences de salaires en Russie est au contraire de constituer des « cadres dirigeants » — car on ne dit
158 èrement dévoués au chef ». On dit encore : Hitler est le rempart qui protège l’Europe contre la barbarie des bolchéviques.
159 forces, etc., etc. Je n’insiste pas, encore qu’il soit aisé de faire cent remarques analogues en ce qui concerne le statut d
160 istes et fascistes, mais tout cela, je le répète, est secondaire. Si l’on s’interroge honnêtement, on s’aperçoit que ce n’e
161 n s’interroge honnêtement, on s’aperçoit que ce n’ est pas cela qui compte. Je suis certain que vous avez tous vos préférenc
162 n s’aperçoit que ce n’est pas cela qui compte. Je suis certain que vous avez tous vos préférences, même si vous rejetez le f
163 sme autant que le communisme, en théorie. Si vous étiez forcé de choisir, vous choisiriez. Le feriez-vous après enquête appro
164 e puis que laisser cette question ouverte. Ce qui est clair, c’est que les gens qui se passionnent pour Hitler contre Stali
165 lu un article… les rentes baissent… les salaires sont trop faibles… la presse excite de vagues paniques… et l’on choisit !
166 a passion qu’on aime, et non la froide vérité. Il est commode et agréable de traiter de fasciste ou de communiste le Monsie
167 dont la tête ne vous revient pas, et cette injure est d’autant plus facile qu’on ignore davantage de quoi on parle. Ensuite
168 e libérale, de droite ou de gauche d’ailleurs. Il est des gens qui viennent m’objecter : tout ce que vous dites est peut-êt
169 qui viennent m’objecter : tout ce que vous dites est peut-être bien vrai, mais après tout, ces régimes-là n’ont-ils pas fa
170 en a plus que 1 200 000d. La dignité de la nation est rétablie, et nous voici sauvés du communisme. — Même couplet au sujet
171 taire. Ils ne voient pas que l’esprit totalitaire est la condamnation radicale et brutale de l’esprit libéral au nom duquel
172 talitaire ne signifiait pas justement que tout se tient e dans ces régimes, et que rien ne peut en être détaché, sous peine d
173 tient e dans ces régimes, et que rien ne peut en être détaché, sous peine de perdre toute espèce de sens ! Croyez-vous que
174 ordre social que vous admirez en Allemagne puisse être obtenu à bas prix, par des méthodes libérales ? Ne voit-on pas que ce
175 méthodes libérales ? Ne voit-on pas que cet ordre est simplement la suppression brutale et militaire de toute expression li
176 antagonismes ? Ne voit-on pas que la paix sociale est obtenue là-bas par l’écrasement des faibles ? Ne voit-on pas que l’un
177 pas enfin que ce qui importe aux dictateurs, ce n’ est pas telle mesure en soi, mais au contraire le sens qu’elle prend par
178 l’armée nationale. Un Nietzsche ou un Dostoïevski seraient de très mauvais SA, de très mauvais stakhanovistes, des hommes que le
179 st ainsi, par le sport et la morale d’État, qu’on est en train de fabriquer une jeunesse sans problèmes intimes, une saine
180 ivre sans passion, et que la passion individuelle est condamnée, il s’agit de reporter tous les conflits et les passions à
181 les passions à l’échelle de la seule nation. Tel est le sens du totalitarisme : c’est la nation totale qui est seule dotée
182 ens du totalitarisme : c’est la nation totale qui est seule dotée de qualités individuelles, d’initiative réelle, de libert
183 les Allemands, cela ne signifie pas du tout qu’il est devenu subitement démocrate. La liberté, dans son esprit, est un attr
184 ubitement démocrate. La liberté, dans son esprit, est un attribut de la nation, et non pas des individus. Elle suppose même
185 l’État ou la morale interdisent aux particuliers, sont reportées sur la nation divinisée et deviennent son apanage. La natio
186 on divinisée et deviennent son apanage. La nation étant Dieu a tous les droits. Sa volonté seule définit ce qui est le bien e
187 tous les droits. Sa volonté seule définit ce qui est le bien et ce qui est le mal. Voici un paragraphe tiré de Mein Kampf
188 olonté seule définit ce qui est le bien et ce qui est le mal. Voici un paragraphe tiré de Mein Kampf qui le confirme sans é
189 qui le confirme sans équivoque : Telle solution sera-t -elle avantageuse pour notre peuple, actuellement ou dans l’avenir, ou
190 ref toutes autres considérations quelles qu’elles soient … » Ce sont les propres termes du Führer, je le répète. Dès lors, tout
191 tres considérations quelles qu’elles soient… » Ce sont les propres termes du Führer, je le répète. Dès lors, tout ce que mor
192 devient le devoir sacré de la nation : l’orgueil est glorifié, quand il est national, les attitudes provocantes sont de rè
193 é de la nation : l’orgueil est glorifié, quand il est national, les attitudes provocantes sont de règle, en tant que nation
194 quand il est national, les attitudes provocantes sont de règle, en tant que nation, ou le droit de se faire valoir comme le
195 ités. De plus, elle a toujours raison puisqu’elle est sainte, puisqu’elle est divine. Une conclusion se dégage, claire et n
196 ujours raison puisqu’elle est sainte, puisqu’elle est divine. Une conclusion se dégage, claire et nette, des écrits des gra
197 es civilisés. Mais on peut se demander si l’idéal est de réveiller cette brute, de l’exciter et de la satisfaire collective
198 affirmative. « L’État fasciste, écrit Mussolini, est une volonté de puissance et de domination. » Il s’oppose à l’« esprit
199 guerre, car tout de même, la nation infaillible n’ est pas seule dans le monde réel, comme elle est seule dans sa rêverie pa
200 le n’est pas seule dans le monde réel, comme elle est seule dans sa rêverie passionnée de domination. Elle a tout de même,
201 En vertu d’une logique implacable et dont ils ne sont plus les maîtres. Il ne leur reste plus qu’à glorifier l’inévitable,
202 ici un texte de Mussolini, texte officiel s’il en fut , puisqu’il figure dans la définition du fascisme, composée à tête rep
203 même. Il figure dans l’Encyclopédie italienne. Il est intitulé : La Guerre et la vie comme devoir. Avant tout, le fascism
204 age de l’affronter. Toutes les autres épreuves ne sont que secondaires et ne placent jamais l’homme en face de lui-même, dan
205 pour ceux qui penseraient que la Russie au moins est pacifiste, voici une page traduite des Izvestia, journal officiel de
206 e des Izvestia, journal officiel de Staline. Elle est datée du 6 septembre 1935, et commente un décret donné 3 jours avant,
207 e qui nous protège et nous savons que nos enfants sont pleins d’amour et de fierté pour notre Armée rouge. Je n’ai pas renco
208 ue nos enfants sachent donc que le but de l’école est de les préparer au rôle de soldats de l’Armée rouge, de soldats du so
209 , et que le droit de porter l’uniforme de l’école est un grand honneur. On se demande ce que le socialisme vient encore f
210 on. Wagner, dans son plus grand chef-d’œuvre, qui est le poème orchestral de Tristan, nous révèle le dernier secret de la p
211 e à l’extrême des puissances humaines : mais ce n’ est là que l’apparence. En vérité, ce qu’elle veut, c’est dépasser la vie
212 le commun naufrage. Et la religion totalitaire n’ est rien d’autre que la passion transportée à l’échelle des peuples déifi
213 aborde ici la seconde partie de cet exposé : elle sera beaucoup plus brève, rassurez-vous, car nos critiques ont déblayé le
214 ondre dans la perspective du personnaliste. Et ce sera la meilleure façon de définir cette doctrine — non par quelques formu
215 , me semble-t-il. [La suite de cette conférence a été publiée dans les Cahiers protestants en juillet 1938, sous le titre
216 ccident ). » La seconde partie de la conférence a été publiée dans les Cahiers protestants . Nous ne reproduisont ici que
217 indique le chiffre le plus probable à notre sens étant donné les connaissances historiques à ce sujet. e. Souligné trois fo
3 1939, Tapuscrits divers (1936-1947). Pour une « Suisse chrétienne » (1939)
218 Pour une « Suisse chrétienne » (1939)f Est -ce un nouveau slogan ? Il ne court pas encore les rues, mais on le vo
219 plus rarement, dans notre presse protestante. Il est donc temps de poser à notre tour la célèbre question de Foch : « De q
220 e, telle ou telle personnalité ou tendance qui se serait réclamée de la « Suisse chrétienne », mais plutôt le sens moyen et en
221 t de cette expression. Nous pensons que le moment est venu de définir, du point de vue protestant, ce que l’on doit entendr
222 rtes parler d’Église chrétienne, puisque l’Église est le corps du Christ. On peut encore parler de doctrine chrétienne, lor
223 la doctrine élaborée par une Église dont le chef est le Christ. Le risque d’abus apparaît clairement. Et lorsqu’on va plus
224 gner autre chose que l’homme converti. 2. Si l’on est conscient de ce danger, pourra-t-on qualifier de « chrétiens » certai
225 organisation ne peut pas se convertir, et ce qui est chrétien, c’est ce qui est converti au Christ. Mais, dira-t-on, si l’
226 e convertir, et ce qui est chrétien, c’est ce qui est converti au Christ. Mais, dira-t-on, si l’État repose sur des bases d
227 us les membres de la tribu resteraient païens, il est clair qu’on n’aurait pas encore le droit de parler d’État chrétien. P
228 es citoyens, ou en tout cas le plus grand nombre, fussent des chrétiens. Et si nous revenons à notre slogan : pour que l’on pui
229 , il faudrait qu’au moins la majorité des Suisses fussent des chrétiens convertis. Or je ne pense pas que ce soit le cas. Et dè
230 es chrétiens convertis. Or je ne pense pas que ce soit le cas. Et dès lors, parler d’une Suisse chrétienne, dans l’état prés
231 de notre pays, c’est faire une anticipation qu’il serait très dangereux de prendre pour une réalité politique. (Dangereux pour
232 obligeant pour les incroyants.) ⁂ Cependant, s’il est bon de vérifier d’abord le sens des mots, afin de prévenir certains a
233 n de la doctrine et des faits, on ne saurait s’en tenir là, sans passer à juste titre pour un puriste stérile. Cherchons donc
234 cellente, l’autre des plus suspectes. La première est une tendance que j’appellerai évangélisatrice. Ceux qui parlent en so
235 s indispensables pour que la Confédération puisse être qualifiée d’État chrétien. La seconde tendance, au contraire, traduit
236 de les combattre à l’aide du christianisme. Ce n’ est d’ailleurs pas forcément de leur christianisme personnel qu’il s’agit
237 … de ce « christianisme » officiel et diffus, qui est considéré comme faisant partie de l’ordre établi et de la civilisatio
238 ation bourgeoise. En d’autres termes, si certains sont tentés de recourir à l’appui du christianisme, c’est moins parce qu’i
239 le servir qu’à s’en servir. Voilà le danger. Il n’ est pas négligeable. Il est même d’autant plus à redouter qu’il est très
240 ir. Voilà le danger. Il n’est pas négligeable. Il est même d’autant plus à redouter qu’il est très souvent ignoré de ceux-l
241 eable. Il est même d’autant plus à redouter qu’il est très souvent ignoré de ceux-là mêmes qui le créent, et qui pensent n’
242 voir vraiment que de bonnes intentions. La Suisse est le pays du monde où l’on se méfie le moins des bonnes intentions. C’e
243 tendance évangélisatrice tout en évitant qu’elle soit utilisée d’une manière abusive par la politique ? Telle est la questi
244 ée d’une manière abusive par la politique ? Telle est la question concrète que nous pose désormais le mouvement vers la « S
245 on, nous aurons fait le principal. Car la réponse est alors évidente : il faut, et il suffit, pratiquement, que ce soient l
246 nte : il faut, et il suffit, pratiquement, que ce soient les Églises, et non pas un parti ou une classe sociale, qui prennent
247 evendiquer une « Suisse chrétienne ». Alors tout sera clair. Alors — mais alors seulement — , il n’y aura plus d’équivoques
248 ues à redouter. On saura que la Suisse chrétienne est celle qui veut servir le Christ, et non pas celle qui veut se servir
4 1940, Tapuscrits divers (1936-1947). Quelle heure est-il ? (1940)
249 Quelle heure est -il ? (1940)1 Pendant des siècles, l’équilibre entre les grands Éta
250 entre les grands États qui entouraient la Suisse fut notre garantie d’indépendance. Cet équilibre vient d’être rompu. L’im
251 re garantie d’indépendance. Cet équilibre vient d’ être rompu. L’immense révolution totalitaire a refermé autour de nos front
252 sans fissures, qui nous isole du monde. La Suisse est réduite à elle-même. Quelle que soit l’amitié que lui portent ses voi
253 de. La Suisse est réduite à elle-même. Quelle que soit l’amitié que lui portent ses voisins, elle se voit menacée dans son a
254 e sur des masses qui n’existent pas chez nous. Il est animé d’une volonté impériale qui nous est interdite. Il est rigoureu
255 us. Il est animé d’une volonté impériale qui nous est interdite. Il est rigoureusement centralisé, et nous sommes une fédér
256 ’une volonté impériale qui nous est interdite. Il est rigoureusement centralisé, et nous sommes une fédération. Il aspire à
257 erdite. Il est rigoureusement centralisé, et nous sommes une fédération. Il aspire à l’unification de la race, de la langue, d
258 race, de la langue, de la culture, et nous, nous sommes jaloux de nos diversités dans tous ces domaines. Il est dictatorial,
259 loux de nos diversités dans tous ces domaines. Il est dictatorial, et nous sommes démocrates. Son industrie et son agricult
260 ns tous ces domaines. Il est dictatorial, et nous sommes démocrates. Son industrie et son agriculture sont totalement socialis
261 mmes démocrates. Son industrie et son agriculture sont totalement socialisées ou nationalisées, et les nôtres relèvent encor
262 ative et de la propriété privées. Ces oppositions sont évidentes. Elles ne résultent pas de nos opinions et de nos appréciat
263 firmé leur volonté de respecter notre pays. Elles sont inscrites dans les faits. Notre régime, notre autonomie, nos libertés
264 utonomie, nos libertés traditionnelles, tout cela est sérieusement mis en question par l’organisation de la nouvelle Europe
265 n de la nouvelle Europe. Nous courons le risque d’ être absorbés économiquement, divisés racialement, manœuvrés moralement pa
266 proposent déjà de capituler sans combat. Si nous sommes attaqués, d’une manière ou d’une autre, murmurent-ils, pourquoi cherc
267 , pourquoi chercher à nous défendre ? Primo, ce n’ est pas possible, secundo ce n’est peut-être pas avantageux, ni même néce
268 ndre ? Primo, ce n’est pas possible, secundo ce n’ est peut-être pas avantageux, ni même nécessaire… Si nous nous laissons a
269 erté, honneur, démocratie, on en a trop parlé, ce sont de vieux bateaux. L’histoire suit fatalement son cours. Il n’est pas
270 teaux. L’histoire suit fatalement son cours. Il n’ est pas sage de se mettre en travers, il est fatigant de remonter le cour
271 rs. Il n’est pas sage de se mettre en travers, il est fatigant de remonter le courant. Adaptons-nous, résignons-nous, tâcho
272 istes. L’expérience m’a prouvé que ces gens-là ne sont pas sensibles aux raisons. Le défaitisme est une maladie de l’esprit
273 ne sont pas sensibles aux raisons. Le défaitisme est une maladie de l’esprit et de la volonté. Une maladie ne se réfute pa
274 ents, elle se soigne. Et cette maladie-là ne peut être guérie que par l’action. Il est évident qu’un pays comme le nôtre, en
275 ladie-là ne peut être guérie que par l’action. Il est évident qu’un pays comme le nôtre, en perdant son indépendance, perdr
276 e, en perdant son indépendance, perdrait tout. Il est évident qu’un peuple qui a été formé par six siècles de libertés civi
277 perdrait tout. Il est évident qu’un peuple qui a été formé par six siècles de libertés civiques chèrement conquises ne sup
278 ouverner eux-mêmes, sur place, à leur manière. Il est évident qu’une soumission à l’étranger bouleverserait profondément no
279 ont le plus à se plaindre de l’état social actuel seraient les premiers à regretter le temps où ils avaient encore au moins un d
280 avec l’aide de Dieu, nous le pouvons ! La Suisse est le pays d’Europe le mieux fait, par sa nature même, pour résister aux
281 s de combat modernes. Sa topographie paraît avoir été calculée tout exprès pour opposer aux divisions blindées le maximum d
282 e locale, vallée par vallée, village par village, sont connues de tous nos voisins : il n’en est pas qui soient plus favorab
283 llage, sont connues de tous nos voisins : il n’en est pas qui soient plus favorables aux conditions modernes de la défense
284 connues de tous nos voisins : il n’en est pas qui soient plus favorables aux conditions modernes de la défense armée. Mais tou
285 ingt fois supérieures. Il se peut. Mais une chose est certaine : c’est que nos voisins calculeront la dépense avant de lanc
286 olonté et de notre préparation, que cette dépense soit jugée trop forte et que l’opération n’apparaisse pas rentable. Une vo
287 aussi la plus solide. À l’inverse, le défaitisme est aujourd’hui la manière la plus sûre d’attirer le péril et de préparer
288 ons nous défendre : mais si nous en doutons, nous sommes déjà perdus. Voilà ce qu’il faut répondre aux défaitistes, parce que
289 voir les plus impératifs ne serviront de rien, ne seront que des phrases, si nous ne savons pas, et si nous ne sentons pas ce
290 us ne savons pas, et si nous ne sentons pas ce qu’ est la Suisse que nous devons défendre, et ce que sont nos libertés. Il e
291 est la Suisse que nous devons défendre, et ce que sont nos libertés. Il est temps que nous l’apprenions. Qu’avons-nous à
292 devons défendre, et ce que sont nos libertés. Il est temps que nous l’apprenions. Qu’avons-nous à défendre ? Beaucou
293 ison de leur défaitisme. Ils ne savent pas ce que sont nos libertés, parce que la liberté est comme l’air qu’on respire : c’
294 as ce que sont nos libertés, parce que la liberté est comme l’air qu’on respire : c’est quand on l’a perdue qu’on s’aperçoi
295 ’est quand on l’a perdue qu’on s’aperçoit qu’elle est indispensable. Nos héros, nos batailles et nos vertus civiques, ce so
296 s héros, nos batailles et nos vertus civiques, ce sont pour nous des souvenirs scolaires, ennuyeux et pâlis. On nous a fait
297 sé glorieux et le présent sévère et prosaïque. Il est un mot, pourtant, qui éclaire et vivifie toute notre histoire, et qui
298 qui la rattache au présent : liberté. Un mot qui fut chez nos ancêtres bien plus qu’un mot : une raison de vivre et de mou
299 une raison de vivre et de mourir. Notre histoire est celle de la liberté. Ajoutons : de la liberté menacée, conquise au pr
300 iberté, pour eux, avait un sens concret : droit d’ être armé, droit de s’occuper de ses affaires et le celles du pays, droit
301 e bonne. Nous avons conservé ces libertés. Nous y sommes même tellement habitués que nous oublions ce qu’elles représentent. S
302 haut état de liberté et d’ordre véritable auquel soit parvenu un peuple européen. Jamais, nulle part ailleurs, le citoyen n
303 le citoyen n’a mieux senti que la chose publique était sa chose, et qu’il en était responsable. Jamais, nulle part ailleurs,
304 que la chose publique était sa chose, et qu’il en était responsable. Jamais, nulle part ailleurs, l’État ne lui a fait confia
305 urope. La mission des Suisses Se défendre n’ est pas suffisant, bien que ce soit indispensable. Se défendre n’est pas
306 s Se défendre n’est pas suffisant, bien que ce soit indispensable. Se défendre n’est pas enthousiasmant ni créateur. Et c
307 nt, bien que ce soit indispensable. Se défendre n’ est pas enthousiasmant ni créateur. Et certains Suisses me diront même :
308 que si elle croit à la grandeur de son avenir. Il est temps que les Suisses comprennent que leur État est chargé d’une miss
309 t temps que les Suisses comprennent que leur État est chargé d’une mission, et que cette mission seule les rend indispensab
310 spensables aux autres peuples de l’Europe. Quelle est donc la mission de la Suisse ? Le chef-d’œuvre que représente notre d
311 ’œuvre que représente notre démocratie fédérative est à certains égards une survivance, au milieu de l’Europe totalitaire.
312 au milieu de l’Europe totalitaire. Si la Suisse a été préservée, jusqu’ici, ne nous faisons pas d’illusions : c’est au titr
313 es vaincus, des attardés et des imitateurs. Ce ne serait pas là du réalisme, car la faiblesse opportuniste est toujours un mau
314 pas là du réalisme, car la faiblesse opportuniste est toujours un mauvais calcul. Nous ne pourrions pas, même si nous le vo
315 par le fait nos capacités créatrices. Notre rôle est dès lors tout tracé : nous avons à maintenir sur notre coin de terre
316 demander les secrets de notre paix. Cette mission est réalisable, elle n’est pas disproportionnée avec les forces que la na
317 notre paix. Cette mission est réalisable, elle n’ est pas disproportionnée avec les forces que la nature et notre histoire
318 t notre histoire nous ont données. Un germe, ce n’ est jamais grand : l’image convient à notre taille. Mais on sait qu’il su
319 de liberté, d’entraide et de sérieux civique, qui est la raison d’être de la Suisse, et qui l’illustre aux yeux des autres
320 traide et de sérieux civique, qui est la raison d’ être de la Suisse, et qui l’illustre aux yeux des autres peuples. Mais
321 i l’illustre aux yeux des autres peuples. Mais sommes -nous dignes de la Suisse ? Ici, les « réalistes » m’arrêteront. Il
322 ’a pas de mission, et que la seule tâche sérieuse est de s’occuper du prix du lait ou des barèmes d’exportation. Je ne mépr
323 la conscience qu’il prend de sa mission. Le reste étant l’affaire des techniciens. Soyons net : si l’on ne veut pas parler d’
324 ission. Le reste étant l’affaire des techniciens. Soyons net : si l’on ne veut pas parler d’une mission de la Suisse, qu’on ne
325 u’on ne parle pas non plus de la défendre. Ce ne sont pas des capitaux, ou le confort moderne que nous défendons : car beau
326 draient pas nécessairement si la Suisse cessait d’ être libre. Ce n’est pas pour nos paysages que nous nous ferons tuer : car
327 sairement si la Suisse cessait d’être libre. Ce n’ est pas pour nos paysages que nous nous ferons tuer : car l’étranger ne p
328 ersonnel et commun, et de maintenir des raisons d’ être nationales, peut donner à un citoyen l’esprit de résistance à tout pr
329 le véritable réaliste. Or cette volonté résolue, soit réfléchie, soit instinctive, n’existe pas chez tous les Suisses, loin
330 aliste. Or cette volonté résolue, soit réfléchie, soit instinctive, n’existe pas chez tous les Suisses, loin de là ! Qui pou
331 ait sérieusement et honnêtement soutenir que nous sommes tous conscients des raisons d’être de la Suisse, et par là même imper
332 nir que nous sommes tous conscients des raisons d’ être de la Suisse, et par là même imperméables aux propagandes étrangères 
333 ropagandes étrangères ? Qui oserait dire que nous sommes , dans l’ensemble, à la hauteur de la mission de la Suisse ? Ayons le
334 ? Ayons le courage d’avouer la vérité avant qu’il soit trop tard pour réparer le mal. Dans l’ensemble, le peuple suisse n’a
335 a conscience de sa mission. Dans l’ensemble, il n’ est guère « à la hauteur » de sa nature sublime, de son histoire et de se
336 un pour soi, l’État pour tous. Trop de Suisses en sont arrivés à ne prendre au sérieux que les questions matérielles, — et s
337 pour le temps que nous vivons. Si cela dure, nous serons balayés, parce que nous n’aurons plus de raisons d’être, à nos yeux e
338 alayés, parce que nous n’aurons plus de raisons d’ être , à nos yeux et aux yeux de l’Europe. Si cela dure, nous ne serons mêm
339 ux et aux yeux de l’Europe. Si cela dure, nous ne serons même plus capables de nous défendre par les armes. Une Suisse armée e
340 maintenant, que faire ? Se défendre d’abord. Ce n’ est plus une question. Le Conseil fédéral et le chef de l’armée ont publi
341 nce du gouvernement ou du commandement de l’armée sont traîtres au pays. Si le bruit se répand que nos autorités transigent
342 is qu’un ordre de poser les armes donné par radio est incontrôlable, hautement suspect ; qu’un ordre écrit peut être truqué
343 lable, hautement suspect ; qu’un ordre écrit peut être truqué ; que seul le message [de] mai fait loi, et que nous lui devon
344 moral, et créer de la confusion. Mais, quelle que soit la volonté de nos chefs, elle ne suffira pas si, à la base, elle n’es
345 chefs, elle ne suffira pas si, à la base, elle n’ est pas appuyée par l’unanimité des hommes de cœur, par l’initiative de t
346 e de tous ceux qui ont leur tâche fixe, si minime soit -elle. Pour se défendre avec succès, pour subsister, la Suisse doit re
347 ditionnel. Je parle ici au nom des hommes qui ont été mobilisés pendant dix mois ; et au nom des jeunes gens qui sont encor
348 pendant dix mois ; et au nom des jeunes gens qui sont encore sous les armes. Nous voulons, en rentrant, faire du neuf. Nous
349 s pas que le train-train reprenne comme s’il ne s’ était rien passé. Nous exigeons, à l’occasion de notre retour, le « grand n
350 re maison suisse. Mais attention ! Une solution n’ est pas forcément bonne du seul fait qu’elle est « neuve ». Méfions-nous
351 on n’est pas forcément bonne du seul fait qu’elle est « neuve ». Méfions-nous du faux neuf ! Méfions-nous des imitations, e
352 visées ! Méfions-nous souvent des politiciens qui sont prêts à utiliser la bonne volonté souvent naïve des jeunes génération
353 une révolution que par une autre révolution. Nous serons colonisés par les révolutions étrangères si nous essayons, avec beauc
354 et à nos possibilités actuelles. Cette révolution sera spirituelle d’abord ou elle ne sera pas. Elle sera politique ensuite.
355 te révolution sera spirituelle d’abord ou elle ne sera pas. Elle sera politique ensuite. Elle sera nécessairement économique
356 era spirituelle d’abord ou elle ne sera pas. Elle sera politique ensuite. Elle sera nécessairement économique et sociale, si
357 le ne sera pas. Elle sera politique ensuite. Elle sera nécessairement économique et sociale, si elle est d’abord, et réellem
358 era nécessairement économique et sociale, si elle est d’abord, et réellement, spirituelle. Révolution ou rénovation, réform
359 rte, c’est un changement réel d’état d’esprit. Il sera réel s’il a des conséquences pratiques. La révolution suisse sera féd
360 des conséquences pratiques. La révolution suisse sera fédéraliste et solidariste ; elle se fera au-dessus des partis, au-de
361 , capital-travail, centralisme-régionalisme. Elle sera fédéraliste, parce que cette forme politique est essentiellement suis
362 sera fédéraliste, parce que cette forme politique est essentiellement suisse, et que la mission de la Suisse consiste juste
363 l’avenir européen. Le fédéralisme bien compris n’ est pas l’égoïsme de la région isolée, mais la solidarité des régions aut
364 e, mais la solidarité des régions autonomes. Il n’ est pas le sacrifice des libertés à l’État, mais l’État mis au service de
365 État, mais l’État mis au service des libertés. Il est à la fois « un pour tous » et « tous pour un ». Il est l’union dans l
366 la fois « un pour tous » et « tous pour un ». Il est l’union dans la diversité. Tous ses défauts d’application proviennent
367 s autres la diversité (centralistes). Ces défauts seront surmontés si nous renonçons à nos routines intellectuelles, à nos man
368 au-dessus du bien commun de la fédération doivent être écartés des postes de commande, à tous les degrés. Les journaux qui p
369 autement inopportunes à l’heure actuelle, doivent être d’abord avertis par leurs lecteurs, puis méthodiquement boycottés s’i
370 comprendre que syndicat, corporation, coopérative sont synonymes, et signifient tous : solidarité locale, puis fédération. A
371 es patrons doivent comprendre qu’une entreprise n’ est pas une affaire personnelle, mais la cellule organique d’un ensemble,
372 s de sa responsabilité sociale. L’étatisme abusif est toujours le résultat de l’égoïsme des chefs, tant patronaux que syndi
373 is-ci, en présence d’une « épreuve de force » qui sera décisive pour le régime fédéraliste. Si elle parvient à supprimer le
374 ntir une réduction de leur profit, qui devra même être totale dans certains cas, si cela peut éviter des débauchages : il y
375 ent de leur service ; chaque citoyen a le droit d’ être considéré comme un cas particulier. Je conjure nos gouvernants de gou
376 ifices qu’exige l’heure sévère que nous vivons ne sont pas impossibles. Je n’en veux pour preuve que ceux que nous avons acc
377 nne, et le développe encore au maximum. La Suisse est acculée à ce dilemme : ou bien se rénover, ou bien mourir ; ou bien d
378 grand effort commun. Mais il vous rendra fiers d’ être hommes, et d’être Suisses. 1. Édition réalisée sur la base d’un ta
379 un. Mais il vous rendra fiers d’être hommes, et d’ être Suisses. 1. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à
5 1941, Tapuscrits divers (1936-1947). Blind alley of Europe (1941)
380 al Foch. Posons-nous la question pendant qu’il en est temps, avant qu’une nouvelle phase du Blitzkrieg ne vienne absorber n
381 s de l’histoire. Les causes directes de la guerre sont le problème national des minorités (Sudètes, Dantzig, etc.) et le pro
382 La solution pacifique de ces questions ne pouvait être trouvée que dans le fédéralisme. L’Europe ayant refusé de se fédérer,
383 alitaires ont essayé d’imposer leur solution, qui est l’unification forcée. Pour y parvenir, ils avaient un moyen extrêmeme
384 éclaraient impossible et funeste en temps de paix est devenu possible et désirable du seul fait de la guerre. Mais les tota
385 seul fait de la guerre. Mais les totalitaires ne sont pas en meilleure posture : ayant commencé une guerre au nom du nation
386 t commencé une guerre au nom du nationalisme, ils sont en train de détruire les cadres nationaux, sapant ainsi les fondement
387 ine. Leur triomphe même les prive de l’avantage d’ être les seuls États centralisés et capables de mener une guerre ; d’autre
388 guerre dure, moins il y a de chances de restaurer soit cette pratique, soit cette mystique. Dès maintenant, des destructions
389 y a de chances de restaurer soit cette pratique, soit cette mystique. Dès maintenant, des destructions irrémédiables ont ét
390 ès maintenant, des destructions irrémédiables ont été accomplies. La démocratie française, par exemple, était pratiquement
391 accomplies. La démocratie française, par exemple, était pratiquement capitaliste, parlementaire et individualiste. Personne n
392 eusement soutenir qu’après cette guerre, quel que soit d’ailleurs le vainqueur, le capitalisme libéral pourra être rebâti en
393 leurs le vainqueur, le capitalisme libéral pourra être rebâti en France ; que les partis traditionnels pourront s’y reconsti
394 ertains transferts de populations comme celui qui est train de s’opérer de Bessarabie en Lorraine française, réduisent à né
395 inorités historiques. Cela non plus ne pourra pas être refait. Ces précédents ne pourront pas être supprimés. Dès maintenant
396 a pas être refait. Ces précédents ne pourront pas être supprimés. Dès maintenant, l’idée nationale est aussi profondément at
397 être supprimés. Dès maintenant, l’idée nationale est aussi profondément atteinte que la pratique démocratique. Or l’idéal
398 ilement survivre à la ruine des pratiques qui lui étaient liées, et le pouvoir matériel des totalitaires pourra difficilement s
399 ophétisé : le 15 juin j’entrerai dans Paris. Il y est entré le 14, mais ce n’était plus Paris… Car voici l’impuissance trag
400 rerai dans Paris. Il y est entré le 14, mais ce n’ était plus Paris… Car voici l’impuissance tragique de ce conquérant victori
401 — en fer tordu, en pierraille lépreuse. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant
402 ase de l’Europe et de ses traditions, ce magicien sera sans force, et son mouvement mourra dans le calme plat, sous les épav
403 la gagner, c’est mon job. Cette simplification n’ est qu’un sophisme. Car Churchill oublie que pour gagner cette guerre-ci,
404 ssion « gagner la guerre ». La force de Churchill est ambiguë. Elle est faite d’une part de l’attachement de la bourgeoisie
405 guerre ». La force de Churchill est ambiguë. Elle est faite d’une part de l’attachement de la bourgeoisie à l’ordre ancien
406 en de rendre ces espoirs dynamiques et efficaces, serait de les désolidariser nettement de ce qui, dans l’ordre ancien, est dé
407 dariser nettement de ce qui, dans l’ordre ancien, est déjà condamné. Mais Churchill paraît redouter les conséquences de cet
408 pagande. Il parle aux Italiens de leur roi, qui n’ est plus rien, de Mazzini et de Garibaldi, qu’ils ont oubliés, et il leur
409 risent. Il n’ose pas leur dire franchement : vous êtes affamés et battus, le prix de la vie a augmenté chez vous de 42 %, l’
410 joignez-vous à notre révolution ! Ces paroles ne seraient que trop bien entendues. Il le craint. Mais on ne peut pas remporter
411 ers une mortelle neutralisation des forces, qui n’ est pas un espoir de paix réelle. 3. Les peuples de l’Europe Je ne
412 Les peuples de l’Europe Je ne pense pas qu’il soit utile de multiplier les enquêtes pour savoir ce que pensent les peupl
413 ahis. Car il y a peu de possibilités diverses. Il est clair que tous, dans leur écrasante majorité, souhaitent et attendent
414 ttendent la fin du cauchemar totalitaire. Mais il est clair aussi qu’ils ne peuvent pas imaginer la suite. Ils souhaitent l
415 résence des nazis dans l’Ouest, des Russes dans l’ Est , leur fait sentir durement ce qu’est la privation de liberté, mais il
416 usses dans l’Est, leur fait sentir durement ce qu’ est la privation de liberté, mais ils ne peuvent plus lier leur espoir de
417 conserve en Amérique. (Non pas que la démocratie soit fausse ou impossible, mais aux yeux des Français, par exemple, elle a
418 , mais aux yeux des Français, par exemple, elle a été avortée par la guerre et la défaite de son contenu d’espérance). Ils
419 eulent plus d’un régime qui les a menés où ils en sont . Ils ne veulent pas davantage du régime qui prétend le remplacer. Ce
420 étend le remplacer. Ce régime nouveau ne pourrait être renversé pratiquement que par les Anglais. Mais les Anglais ne seront
421 iquement que par les Anglais. Mais les Anglais ne seront capables de triompher militairement que si les peuples vaincus se sou
422 ale : la confédération des USA. Blind alley. Tout est remis en question. Dans les camps d’internés et de démobilisés, en Fr
423 rent et discutent les problèmes élémentaires : qu’ est -ce que l’autorité ? que vaut la religion ? la violence est-elle légit
424 e l’autorité ? que vaut la religion ? la violence est -elle légitime ? peut-on se fédérer ? Le passage des populations a cré
6 1941, Tapuscrits divers (1936-1947). Le fédéralisme : un fait et une volonté (1941)
425 aujourd’hui avec celle des buts de guerre. Elle n’ est plus seulement un problème intérieur pour des États comme les USA, l’
426 ial d’extrême urgence. Jusqu’ici le fédéralisme n’ était qu’un héritage traditionnel pour les pays que je viens de nommer. Dés
427 ecteurs de conscience de l’opinion publique. Il n’ est pas jusqu’aux totalitaires, staliniens ou hitlériens, qui n’aient par
428 nos meilleurs plans d’avenir resteront ce qu’ils sont actuellement : de l’utopie. Enfin, comme Suisse, héritier de la plus
429 poirs, pour leur rappeler qu’un certain empirisme est la condition même de tout effort fédérateur. L’exemple suisse est mi
430 même de tout effort fédérateur. L’exemple suisse est minuscule au regard des tâches qui attendent notre génération. Mais i
431 es tâches qui attendent notre génération. Mais il est concluant. Il peut et doit servir d’avertissement par ses échecs non
432 selle. I Il se peut que le fédéralisme n’ait été à son origine qu’une nécessité naturelle. Il se peut que durant des s
433 naturelle. Il se peut que durant des siècles, il soit demeuré une pratique terre à terre, et n’en ait que mieux fonctionné.
434 à terre, et n’en ait que mieux fonctionné. Ce qui est certain, c’est qu’une praxis ne peut rayonner et créer qu’avec l’appu
435 theoria, à partir d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes. Dans la révolution du xx e siècle, ceux qui se t
436 r d’un certain moment. Ce moment est venu. Nous y sommes . Dans la révolution du xx e siècle, ceux qui se taisent n’ont peut-êt
437 qui se taisent n’ont peut-être pas tort, mais ils sont certainement battus. L’« arme secrète » dont on parle souvent, c’est
438 c’est simplement la propagande. Toute propagande est efficace, voilà le principe tactique fondamental de notre siècle. Si
439 éralisme une nécessité de s’exprimer, quand ce ne serait que pour se défendre. En même temps, une possibilité se révèle, d’éla
440 t savoir d’où il vient, à quoi il tend, et quelle est son essence. Dans le temps, dans le monde du péché, tout commence par
441 mber à la bête.) Ainsi pour le fédéralisme. Qu’il soit né de la géographie, c’est un fait dont il faut partir sous peine d’u
442  géographisme » fort voisin du racisme, et qui ne serait à tout prendre qu’une des formes du matérialisme moderne, disons la f
443 isme moderne, disons la forme poétique. Or rien n’ est plus artificiel, plus utopique, que le matérialisme, d’où qu’il vienn
444 matérialisme, d’où qu’il vienne. Cette doctrine n’ est en fait qu’un ressentiment. Elle naît toujours des déceptions de l’id
445 déceptions de l’idéalisme et de ses lacunes. Elle est toujours une revanche des instincts, une nostalgie des éléments concr
446 e. La réponse à l’idéalisme déficient ne doit pas être le matérialisme, mais l’idéalisme efficient : la foi qui œuvre. Ces c
447 onfédération suisse. Mais dans ce dernier cas, il est particulièrement aisé de les illustrer avec précision. La position gé
448 ie. Le fait géographique que le massif du Gothard est le seul point où un seul col permette de traverser les Alpes suffit à
449 e point très précis de l’espace et du temps, ce n’ est pas seulement le fait physique de l’ouverture du col du Gothard, mais
450 ils faillir à leur mission ? La Garde de l’Europe sera-t -elle un coup d’État, et trahissant l’Empire, deviendra-t-elle impéria
451 des puissances nationales en formation ne pouvait être gouverné par les cantons dépourvus de pouvoir central. Ou bien ce pou
452 oir central. Ou bien ce pouvoir central aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin de notre fédéralisme ; ou bien les pro
453 ouvoir central aurait dû être improvisé, et c’eût été la fin de notre fédéralisme ; ou bien les provinces annexées auraient
454 auraient pris une trop grande influence, et c’eût été la guerre perpétuelle jusqu’au démembrement inévitable. La division d
455 plus puissantes de la Ligue. Dès lors, la Suisse est ramenée à sa mission exceptionnelle. Les deux partis renoncent aux ap
456 ance beaucoup plus spirituelle. Et quand celle-ci sera stabilisée, après les guerres civiles et religieuses du xviii e siècl
457 t religieuses du xviii e siècle, la Confédération sera capable d’intégrer et des races et des langues nouvelles : c’est ce q
458 me actuel ne date légalement que de 1848, et ce n’ est même qu’à partir de 1919 que son statut légal a pris force de vie. (Q
459 « fossé » entre Suisses allemands et français eût été comblé.) Nous sommes donc au sommet de notre histoire, si l’on admet
460 isses allemands et français eût été comblé.) Nous sommes donc au sommet de notre histoire, si l’on admet que le sens de cette
461 oire, si l’on admet que le sens de cette histoire est de créer et d’illustrer la réalité fédérale. Cependant, de nouveaux p
462 ue européen. II La force des choses — qui n’ est qu’une traduction automatique de la faiblesse des hommes — fait aujou
463 urer, doit devenir à son tour missionnaire. Telle est sa crise : ou se nier, ou triompher, mais sur le plan de l’Europe ent
464 peu à peu, depuis la guerre de 1914-1918. La SDN fut l’un de ses symptômes, bien faible encore. L’idée d’un réseau de pact
465 de pactes bilatéraux, ou à trois, ou à quatre, en fut un autre. Dans les deux cas, le sentiment fédéraliste fut promptement
466 utre. Dans les deux cas, le sentiment fédéraliste fut promptement détourné au profit de politiques d’hégémonie. Toutefois c
467 r dans la plupart des peuples. La guerre actuelle est venue le fouetter. Brusquement la question se pose de fédérer l’Europ
468 parce qu’elle se pose brusquement, elle risque d’ être mal posée. J’entends qu’elle risque de ne susciter que des plans rati
469 lans rationnels et des systèmes. Or tout système, fût -il nommé fédéraliste, est unitaire par essence, et donc antifédéralis
470 tèmes. Or tout système, fût-il nommé fédéraliste, est unitaire par essence, et donc antifédéraliste. Il l’est dans son espr
471 itaire par essence, et donc antifédéraliste. Il l’ est dans son esprit, il le sera donc aussi, et fatalement, dans son appli
472 antifédéraliste. Il l’est dans son esprit, il le sera donc aussi, et fatalement, dans son application. Le fédéralisme réel
473 lement, dans son application. Le fédéralisme réel est le contraire absolu d’un système, toujours conçu par un cerveau et à
474 de prévoir, l’empirisme reste nécessaire, mais n’ est plus suffisant. La vue doit s’élargir ; et le premier horizon qu’il n
475 doit s’élargir ; et le premier horizon qu’il nous soit permis d’embrasser, à nous les Suisses, c’est celui de l’Europe entiè
476 on tel groupe de puissances voisines. Or l’Europe est un idéal, une civilisation et un esprit, bien plus qu’une entité géog
477 estin de l’homme. Promouvoir une fédération, ce n’ est pas créer un nouvel ordre systématique, simple de lignes, clair et sa
478 nt arranger ensemble des réalités concrètes. Pour être en mesure de comprendre vraiment la véritable alternative politique d
479 une petite catastrophe totalitaire ! Les dossiers sont « mis au pas », alignés et empilés, rien ne dépasse et tout est broui
480 as », alignés et empilés, rien ne dépasse et tout est brouillé. Pour moi, quand j’arrange mes feuilles en une série de lias
481 ’exemple de la fédération suisse. En vérité ce ne sont ni les idées qui ont « inspiré » son statut primitif, ni la nature qu
482 , ni la nature qui l’a « dicté » ; mais ce statut est né de l’arrangement tout empirique de réalités très diverses, voire m
483 deux ou trois réseaux d’alliances, lesquelles ne sont pas toujours réciproques dans toutes leurs obligations. (Comme si de
484 urs, deux pays concluaient un pacte qui pour l’un serait d’assistance obligatoire, pour l’autre seulement de non-agression.) D
485 oire violente et complexe ? Le secret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est gu
486 Le secret de sa force est à peine formulable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’est guère qu’un sentiment communau
487 lable : il est de l’ordre du sentiment. Oui, ce n’ est guère qu’un sentiment communautaire informulé — je dirais même soigne
488 lé — je dirais même soigneusement informulé — qui tient ensemble ces pays. La crise réelle ne commencera qu’au jour où ce sen
489 e réelle ne commencera qu’au jour où ce sentiment sera dit, traduit en lois, et par là même, soumis au risque de se voir dis
490 e nouent les unions fécondes. L’union fédéraliste est un mariage, et non pas un alignement économique, militaire et géométr
491 Beaucoup de gens s’imaginent que l’Europe ne peut être fédérée que par l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée de Nap
492 dérée que par l’action d’une grande puissance. Ce fut l’idée de Napoléon. C’est peut-être l’idée d’Hitler. C’est aussi cell
493 ue l’union projetée entre les USA et l’Angleterre soit le germe d’une fédération, il est certain que ce germe sera tué si l’
494 t l’Angleterre soit le germe d’une fédération, il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces États, ou tous les deux
495 rme d’une fédération, il est certain que ce germe sera tué si l’un de ces États, ou tous les deux ensemble, conçoivent la fé
496 nt la fédération mondiale comme un corps dont ils seraient la tête. C’est le renoncement à toute idée d’hégémonie qui est créate
497 C’est le renoncement à toute idée d’hégémonie qui est créateur de la fédération. Introduisons ici une notion nouvelle : le
498 velle : le paradoxe essentiel du fédéralisme, qui est la prise au sérieux de l’expression s’unir dans la diversité. Les sys
499 diversité. Les systèmes unitaires ou totalitaires sont faciles à concevoir et à réaliser : il suffit de dompter l’opposition
500 u canton, et d’opposition systématique au centre. Être « fédéraliste », en Suisse française surtout, c’est refuser par princ
501 eille devise helvétique. IV Le fédéralisme est une éducation mutuelle, plutôt qu’une éducation autoritaire. C’est en
502 ôt qu’une éducation autoritaire. C’est en quoi il est véritablement personnaliste. La philosophie de la personne est à mon
503 ment personnaliste. La philosophie de la personne est à mon sens la seule philosophie acceptable pour le fédéraliste. Je dé
504 ns sociales de cette vocation. Le personnalisme n’ est pas une moyenne, un « parti du centre », un juste milieu entre l’indi
505 isme agglutinant. Au contraire ! Le personnalisme est la position centrale, dont l’individualisme et le collectivisme ne so
506 ale, dont l’individualisme et le collectivisme ne sont que des déviations morbides. Quand l’homme oublie qu’il est responsab
507 s déviations morbides. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation devant la communauté, il devient individua
508 il devient individualiste. Quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation devant Dieu et devant lui-même, il devient
509 une enquête technique, en tous domaines, quelles sont les activités créatrices exigeant donc l’autonomie, et quelles sont l
510 créatrices exigeant donc l’autonomie, et quelles sont les activités mécaniques exigeant la centralisation. Dans le domaine
511 tion. Dans le domaine industriel, cette enquête n’ est plus à faire ; n’importe quel chef d’entreprise connaît exactement la
512 un manœuvre. La solution fédéraliste en économie est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est de l’ordre du travail « 
513 omie est alors celle-ci : centraliser tout ce qui est de l’ordre du travail « indifférencié » ou parcellaire, afin de perme
514 ces buts, les mesures pratiques que l’on prendra seront toujours, de fait, antifédéralistes. V Le troisième enseignemen
515 atif que nous devons tirer de l’expérience suisse est d’un ordre plus quotidien et intime. Le morcellement d’un pays — ou d
516 rançon de la grandeur matérielle sacrifiée. Nous sommes ici en présence d’une maladie spécifique du fédéralisme. Elle se mani
517 de langue ou de confession, crainte perpétuelle d’ être majorisé. Notons que cette maladie a fait son apparition en Suisse à
518 s réseaux d’alliances superposées. Ainsi chacun s’ est refermé sur soi, tendant à une espèce boiteuse d’autarcie. Chacun s’e
519 endant à une espèce boiteuse d’autarcie. Chacun s’ est trouvé isolé en présence de tous les autres. D’où sa timidité déguisé
520  » entreprenants. Pour prévenir cette maladie, il est essentiel d’insister sur le caractère non systématique et non unitair
521 tématique et non unitaire du fédéralisme sain. Il est essentiel que les groupes, ou les individus qui les composent, garden
522 es esprits les plus libres et les plus personnels sont ceux qui se rattachent : sentimentalement à une région ou canton ; lé
523 , à une commune, et c’est par là seulement qu’ils sont citoyens de l’État suisse ; religieusement à une Église dont les fron
524 ; religieusement à une Église dont les frontières sont bien plus vastes que celles de l’État ; intellectuellement, à l’une d
525 traire. Tandis que les petits esprits intolérants sont ceux qui ne conçoivent le « fédéralisme » que sous la forme du Kantön
526 ue et totalitaire en miniature ; ceux qui veulent être de leur canton d’abord ou uniquement, et appellent cela « fédéralisme
527 m de leur parti. La formule de la tyrannie maxima est celle de l’État qui prétend que ses frontières douanières et politiqu
528 étend que ses frontières douanières et politiques soient en même temps celles de la religion des citoyens, de leur culture, de
529 itarisme. Construire la fédération européenne, ce sera peut-être simplement développer tout d’abord, et affirmer, une plural
530 VI La fédération universelle, si elle se fait, sera faite par des personnes, et non point par des troupes, au sens politi
531 uisse que de produire des hommes dont la fonction est avant tout de connaître l’Europe et le monde : juges et négociateurs
532 la Croix-Rouge, etc. Le « Suisse international » est un homme qui peut et doit connaître l’Europe par tradition, par goût
533 r s’en servir. La mission historique de la Suisse fut , à partir du xiii e siècle, de garder libres pour les peuples et les
534 du drapeau rouge à la croix blanche, où le rouge est couleur d’empire, c’est-à-dire d’union des nations, et la croix signe
535 d’où renaîtra la paix si Dieu le veut, la Suisse tient les clés de l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lieu
536 de l’Europe, et c’est là sa vraie vocation. Elle est le lieu et la formule, le génie tutélaire de l’empire. De cet empire,
537 e l’empire. De cet empire, on a bien dit que nous sommes le dernier vestige. Toute la question est de savoir si c’est là notre
538 nous sommes le dernier vestige. Toute la question est de savoir si c’est là notre dernier mot — ou le premier d’un chapitre
539 premier d’un chapitre nouveau ; toute la question est de savoir si ce vestige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’e
540 stige ne va pas devenir un germe ! Un germe, ce n’ est jamais grand : l’image convient à notre taille. Encore faut-il que le
541 à notre taille. Encore faut-il que le petit grain soit fécondé… Il y a beaucoup à faire pour que la Suisse puisse prétendre
542 t, n’en doutons pas, d’accepter notre démission —  soit volontaire, soit forcée. VII Puissent ces quelques remarques év
543 as, d’accepter notre démission — soit volontaire, soit forcée. VII Puissent ces quelques remarques éveiller en Amériqu
544 st toute l’ambition de ces pages. 19. Laquelle est à la fois ou alternativement jacobine, raciste, nationaliste, marxist
7 1941, Tapuscrits divers (1936-1947). Passion et origine de l’hitlérisme (janvier 1941)
545 de l’hitlérisme (janvier 1941)h L’hitlérisme n’ est pas la création d’un individu isolé, la création personnelle d’Hitler
546 elle d’Hitler : c’est un phénomène de masse. Ce n’ est pas non plus le résultat nécessaire d’un système économique déterminé
547 i, par conséquent, reste encore à expliquer. Quel est donc le principe de cohésion du mouvement hitlérien ? Quel est le sec
548 rincipe de cohésion du mouvement hitlérien ? Quel est le secret de son pouvoir contagieux ? Ils me semblent résider dans le
549 er dans les deux faits suivants : 1° L’hitlérisme est né comme réponse à l’aspiration communautaire des temps modernes, com
550 esque toute notre sociologie, en tant que science est fondée sur des présuppositions rationalistes ou matérialistes. Qu’il
551 gel, Auguste Comte et Marx. Depuis Lévy-Bruhl, il est vrai, nous avons tenté de décrire et d’interpréter certains phénomène
552 collectifs de nature irrationnelle. Cependant, il est curieux d’observer que nous les avons localisés chez les peuples soi-
553 de de la passion dans les sociétés civilisées n’a été qu’à peine entamée par des hommes comme Georges Sorel, Gustave Le Bon
554 u H. de Keyserling. Des éléments valables peuvent être également trouvés dans l’analyse de l’Inconscient collectif, élaborée
555 qu’une telle étude, poursuivie systématiquement, serait capable d’expliquer les phénomènes de masse qui dominent notre époque
556 pur. Le phénomène de la passion en soi doit donc être examiné en premier lieu. J’utiliserai ici certains résultats d’une ét
557 es conséquences de cette révolution affective ont été si nombreuses et importantes — dans les domaines les plus divers — qu
558 ou même à concevoir leurs dimensions. La passion est devenue la seconde nature des peuples de l’Occident (Américains compr
559 omène spécifique, limité dans le temps, puisqu’il est apparu en tant que tel seulement au xii e siècle, et limité dans l’es
560 xii e siècle, et limité dans l’espace, puisqu’il est presqu’entièrement ignoré en Orient. Les peuples de l’Antiquité et ce
561 ux d’Occident. Ils l’ont considéré comme un excès soit morbide (Plutarque), soit ridicule (Ménandre). Il est possible, par c
562 onsidéré comme un excès soit morbide (Plutarque), soit ridicule (Ménandre). Il est possible, par conséquent, d’affirmer que
563 morbide (Plutarque), soit ridicule (Ménandre). Il est possible, par conséquent, d’affirmer que la passion est l’une des car
564 ssible, par conséquent, d’affirmer que la passion est l’une des caractéristiques de l’Occident moderne. Analyser la passion
565 ’évolution récente du monde occidental — ceux qui sont du ressort de l’Inconscient collectif et ceux qui sont intimement lié
566 du ressort de l’Inconscient collectif et ceux qui sont intimement liés au phénomène totalitaire. Le récit de l’amour de Tris
567 litaire. Le récit de l’amour de Tristan et Iseult est la première description connue d’une passion complètement triomphante
568 de toutes les histoires d’amour. Il concerne, il est vrai, seulement une forme de la passion, la passion concentrée dans l
569 istiques avec une vigueur vraiment exemplaire, et est devenu l’illustration classique des traits éternels de toute passion,
570 ut se souvenir que l’amour de Tristan pour Iseult est décrit comme une fatalité, dans tous les sens du terme. Les amants s’
571 ont bu le philtre d’amour par erreur. Leur amour est donc né en vertu d’un pouvoir extérieur à eux-mêmes, indépendant de l
572 et de leurs qualités individuelles. Leur amour n’ est pas un choix, mais une destinée qui les subjugue et les prive de tout
573 tout sentiment de responsabilité. Or celui qui n’ est pas responsable des actes de son coeur se sent pour cette raison même
574 ’une passion intense savent que son premier effet est d’obscurcir le sens de la réalité. Bientôt c’est l’intensité même de
575 bligés d’expliquer une conduite que les autres ne sont de toute façon pas susceptibles de comprendre. Cet état d’aveuglement
576 t d’aveuglement et de négation des normes ne peut être obtenu sans la création de tourments grandissants. Mais les obstacles
577 r Tristan entre sa maîtresse et lui, alors qu’ils sont seuls dans la forêt). Plus leur amour grandit, plus les obstacles aug
578 r. Par conséquent, l’essence de la passion paraît être le choix d’un tourment intense et même mortel de préférence à celui d
579 storique de départ en indiquant seulement qu’elle est sans aucun doute le résultat d’une déviation hérétique et paganisante
580 rnité, l’acte de foi paulien (« pour moi … mourir est un gain »). Passion et christianisme sont liés l’un à l’autre de la m
581 … mourir est un gain »). Passion et christianisme sont liés l’un à l’autre de la même manière qu’hérésie et orthodoxie. En s
582 me manière qu’hérésie et orthodoxie. En somme, il est possible de définir la passion comme la réaction d’une âme païenne co
583 rès son apparition (comme à une maladie qui après être passée par la période d’incubation, apparaîtrait enfin au grand jour)
584 évangélique tout en gardant son vocabulaire, qui fut créé par les troubadours et les trouvères. La littérature romanesque
585 es règles, une rhétorique et un vocabulaire qui n’ étaient applicables qu’aux histoires d’amour. C’est pourquoi cette littératur
586 rite du Moyen Âge, comme l’a montré J. Huizinga3, est d’avoir fixé la forme d’amour et de l’avoir enfermé dans le cadre d’u
587 pression préparait des explosions redoutables qui étaient déjà visibles à l’état d’embryon dans les oeuvres de Rousseau comme d
588 explosa comme un souffle destructeur de passion. Étant tout à la fois sentimentale et sanglante — rousseauiste et sadique — 
589 en même temps que le romantisme. Le nationalisme est l’expression collective de la résurgence de la passion trop longtemps
590 ient, les aspects individuels de cette résurgence étant décrits dans le romantisme. Pendant tout le xix e siècle, la décadenc
591 II. Les masses et l’inconscient Le xx e siècle est devenu conscient de l’inconscient. En même temps il a vu l’organisati
592 il a vu l’organisation des masses. Ces deux faits sont plus que de simples coïncidences. Le comportement de la masse n’a ri
593 nconscient dans un individu. La masse précisément est composée d’individus privés momentanément de leur jugement rationnel
594 orte de névrose collective. On sait qu’un névrosé est un homme qui est soudain attaqué par certaines réalités psychiques lo
595 ollective. On sait qu’un névrosé est un homme qui est soudain attaqué par certaines réalités psychiques longtemps réprimées
596 s. L’irruption du Prolétariat dans la vie moderne est un phénomène du même ordre : les couches « basses et obscures » de la
597 lence terrifiante. Par conséquent, le Prolétariat est réellement et pas seulement métaphoriquement le « cauchemar » de la b
598 bousculer l’équilibre superficiel d’un homme qui est trop étroitement raisonnable. Et quand elles se sont établies dans le
599 t trop étroitement raisonnable. Et quand elles se sont établies dans le corps social et dans la conscience politique, source
600 diquons que le contenu rationnel de ces exigences est moins important que la forme dynamique dans laquelle elles sont expos
601 ortant que la forme dynamique dans laquelle elles sont exposées. Les programmes ne sont que des prétextes dans les révolutio
602 s laquelle elles sont exposées. Les programmes ne sont que des prétextes dans les révolutions modernes. Ils peuvent être dif
603 textes dans les révolutions modernes. Ils peuvent être différents ou opposés comme, par exemple, ceux de Hitler et de Lénine
604 ue le schéma dynamique de l’apparition des masses soit sensiblement chargé. Eh bien, cette technique inchangée du réveil des
605 schémas psychiques qui réapparaissent identiques, soit dans la conscience d’une époque et dans ses rites religieux, soit dan
606 science d’une époque et dans ses rites religieux, soit dans l’inconscience d’individus vivant dans des époques et des religi
607 ement différentes. Nous pouvons remarquer qu’il n’ est pas nécessaire pour tel ou tel individu d’avoir entendu parler de ces
608 voir apparaître dans ses rêves : les symboles ne sont pas « transmis », ils sont permanents dans la psyché humaine, et quan
609 êves : les symboles ne sont pas « transmis », ils sont permanents dans la psyché humaine, et quand ils sont réprimés par le
610 t permanents dans la psyché humaine, et quand ils sont réprimés par le conscient, ils vivent dans l’inconscient collectif, j
611 sent à nouveau. Le mythe de la passion, tel qu’il fut exprimé longtemps auparavant dans l’histoire de Tristan, me semble fo
612 te, déprimée par l’immoralité moderne, la passion est peu à peu redescendue dans l’inconscient et actuellement elle règle l
613 t des mouvements collectifs dans la mesure où ils sont fondés sur une perte de la conscience individuelle, dans la mesure do
614 ue, la plupart des hommes d’État démocratiques se sont trouvés pendant ces dix dernières années dans une position psychologi
615  directeurs d’inconscience ». Hitler, à mon avis, est le plus doué de tous. Dès 1924, il donna des descriptions étonnamment
616 mme désire créer une force dynamique, le problème est de susciter la passion, Hitler l’a répété vingt fois, « la passion hy
617 e pas, si nous nous rappelons que le nationalisme est la forme la plus vivante et la plus virulente de la passion en Occide
618 selon Mein Kampf Tous les grands mouvements sont des mouvements populaires, des éruptions volcaniques de passions huma
619 ns dans ce sens.5 La nationalisation ne peut […] être obtenue [que] par une concentration d’efforts poussés à fond, avec fa
620 compose ni de professeurs ni de diplomates. Elle est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus
621 lement dans le domaine des sentiments […]. La foi est plus difficile à ébranler que la science, l’amour est moins changeant
622 plus difficile à ébranler que la science, l’amour est moins changeant que l’estime, la haine est plus durable que l’antipat
623 ’amour est moins changeant que l’estime, la haine est plus durable que l’antipathie. Dans tous les temps, la force qui a mi
624 pposition des sentiments, Cette seconde opération est de loin la plus importante et la plus difficile. « Seul, un appel à c
625 es mystérieuses peut avoir de l’effet. »7 Quelle sera la technique de cet appel aux forces mystérieuses ? La technique de l
626 réduire à l’état de « masse ». Or, une masse « n’ est qu’une partie de la nature »11, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’autres
627 qu’elle n’a pas d’autres réactions que celles qui sont déterminées par la dialectique de l’inconscient. Nous savons avec qu
628 de l’hypnose collective ; à l’époque où le Führer tint ses discours les plus importants, il créa un nouveau genre de mise en
629 simultanément de son sens de culpabilité. Hitler était bien conscient de ce qu’il accélérerait l’action hypnotique en suppri
630 Or, rien ne séduit davantage que la perspective d’ être libéré d’une conscience chargée. Peu importe celui qui promet cette l
631 bération, il met de son côté toutes les chances d’ être « cru ». Il m’était clair alors que pour les premiers militants dont
632 son côté toutes les chances d’être « cru ». Il m’ était clair alors que pour les premiers militants dont se composait au débu
633 tes individuelles et collectives des Allemands et sera décrit comme la plus monstrueuse et la plus inhumaine des cruautés de
634 i, la masse irresponsable et blanchie comme neige est prête à atteindre le stade final de la passion. Elle acceptera doréna
635 du pur germanisme : la communauté allemande doit être rendue imperméable à toute « raison », à tout échange, à toute compré
636 menacerait d’affaiblir sa passion. Or, le racisme est la religion la plus imperméable puisque personne ne peut être convert
637 gion la plus imperméable puisque personne ne peut être converti à elle. (Si vous n’êtes pas né allemand, vous ne pourrez jam
638 personne ne peut être converti à elle. (Si vous n’ êtes pas né allemand, vous ne pourrez jamais comprendre les mystères créat
639 ment où un mouvement aura atteint sa force maxima est celui où la victoire complète se sera rangée à son côté. Un mouvement
640 force maxima est celui où la victoire complète se sera rangée à son côté. Un mouvement ne demandera donc la victoire qu’à un
641 raité contre lesquels il fallait combattre. Il en fut de même pour les exigences territoriales, car l’essence de la passion
642 gences territoriales, car l’essence de la passion est de se nourrir d’obstacle et d’aspirer non pas à telle ou telle réalis
643 plus intense — quand bien même la fin, quand tout est dit et fait, se situerait au-delà des possibilités matérielles ou hum
644 elà de la vie et de ses lois, dans la guerre, qui est considérée comme glorieuse, bref, dans la mort qui rend les hommes di
645 lement : « Tout ce que je peux vous promettre, ce sont des peines de cœur et un drame. » (« All I can promise you is drama a
646 majorité le malheur de devenir nazis au bonheur d’ être des hommes libres. Hitler avait réussi à enflammer leur « passion ».
647  Le développement étonnant de notre mouvement […] tient à ce que nous ayons compris cette idée et que nous l’avons mise en pr
648 ur la nation La « nationalisation des masses » est un fait accompli dans de nombreux pays d’Europe et se poursuit dès ma
649 iniment moins rapide. En Allemagne, l’évolution a été beaucoup plus radicale que dans les autres pays totalitaires. Quelque
650 res pays totalitaires. Quelques remarques doivent être faites à propos de ces deux faits. a) La façon générale dont notre ép
651 epter patiemment son sort. D’une part, l’individu est exaspéré au point de chercher à échapper à son existence mesquine, d’
652 chapper à son existence mesquine, d’autre part il est saisi par la flamme de l’émotion collective. Cette répulsion et cette
653 nous prédisposent tous à l’hypnose collective, à être les victimes de la passion de la masse. b) Les Allemands en général,
654 orte de fuite collective, d’abandon de soi. Qu’il soit suffisant de rappeler l’existence de leur perpétuel complexe d’inféri
655 es auteurs du traité oublièrent que les Allemands sont beaucoup plus sensibles que les autres peuples à l’humiliation symbol
656 rmement : pour eux c’est une sorte de castration. Être sans armes, dans l’univers allemand, c’est cesser d’être un homme lib
657 ns armes, dans l’univers allemand, c’est cesser d’ être un homme libre. Pour cette raison, la célébration de Nuremberg pour l
658 Nuremberg pour le rétablissement de la Reichswehr fut baptisée par Hitler en : Jour de la liberté. Les nazis ont distingué
659 uung nationale-socialiste enseigne que l’individu est habilité à exister seulement comme étant une part du Volkstum. Regard
660 l’individu est habilité à exister seulement comme étant une part du Volkstum. Regardons de plus près : « Chaque Allemand par
661 ivre, mais seulement dans la mesure où il cesse d’ être lui-même et où il collabore aveuglément à l’effort passionné du Parti
662 a jeunesse allemande, dans le domaine sexuel, ait été très avancée après la guerre, est un fait bien connu. Or avec l’abais
663 ine sexuel, ait été très avancée après la guerre, est un fait bien connu. Or avec l’abaissement des barrières sociales et m
664 scientifique et raciale. Ainsi le mariage cesse d’ être une affaire personnelle et émotionnelle pour la jeunesse allemande. I
665 zies transposent les passions individuelles sur l’ Être collectif. Tout ce que le dressage totalitaire refuse aux individus i
666 ons, dénouées dans les individus, donc à la base, sont concentrées au pinacle de l’édifice totalitaire. Sur ce pinacle se ti
667 nacle de l’édifice totalitaire. Sur ce pinacle se tient le Führer. C’est lui personnellement qui polarise toute la passion al
668 joue le rôle de l’élément féminin et sa féminité est particulièrement allemande. Hitler ne tente pas de la séduire en la s
669 Finalement il invoque le Destin, et affirme qu’il est lui-même ce Destin… Alors la foule capitule (« succombe » comme il l’
670 . Certains croiront peut-être que mon explication est trop « romantique » pour être réellement sérieuse. Une telle objectio
671 que mon explication est trop « romantique » pour être réellement sérieuse. Une telle objection exprime et illustre l’erreur
672 eur capitale de nos démocraties. Car l’hitlérisme est en vérité une forme de romantisme, et si nous refusons d’accepter ce
673 , et si nous refusons d’accepter ce fait, si nous sommes incapables de le comprendre, nous sommes condamnés à répéter les erre
674 si nous sommes incapables de le comprendre, nous sommes condamnés à répéter les erreurs commises depuis plus de quinze ans da
675 it à Dantzig, le 18 juin 1939 : « Notre politique est une politique d’artiste ! Le Führer est un artiste en politique. Les
676 politique est une politique d’artiste ! Le Führer est un artiste en politique. Les autres hommes d’État sont plutôt des art
677 un artiste en politique. Les autres hommes d’État sont plutôt des artisans. Son État est le produit d’une imagination de gén
678 hommes d’État sont plutôt des artisans. Son État est le produit d’une imagination de génie. » Une « politique d’artiste »,
679 e cauchemar que le Troisième Reich somnambulesque est en train de projeter devant nos yeux. Du romantisme bon marché, le ro
680 soldat et avec honneur » — avec des hommes qui s’ étaient emmurés eux-mêmes dans le rêve d’une autarcie millénaire. Cela expliq
681 ela explique pourquoi ces leaders ont chaque fois été déconcertés par la violence et la grandeur des réussites totalitaires
682 ue épuise sa force à montrer que le totalitarisme est barbare, violent, belliqueux, spartiate, tyrannique, etc. alors que l
683 tiate, tyrannique, etc. alors que les démocraties sont civilisées, raffinées, pacifiques, prospères, libérales, etc. Bien, c
684 nt. Mais la raison, aussi évidente qu’elle puisse être , ne saurait faire beaucoup contre la passion montante. D’ailleurs, el
685 on de la contagion dans des masses prédisposées à être contaminées par toute la vie moderne. 2. La propagande démocratique c
686 comber un jour à son influence hypnotique. Rien n’ est plus facilement changé en un Pro qu’un Anti, qui n’est que cela. J’ai
687 lus facilement changé en un Pro qu’un Anti, qui n’ est que cela. J’ai moi-même suivi de près la conversion à l’hitlérisme d’
688 meilleure explication que je conçois sur ce sujet est donnée par Thomas Mann, dans une nouvelle intitulée Mario et le Magic
689 rté de la volonté n’existe pas, car ne vouloir qu’ être libre de vouloir, c’est en réalité ne rien vouloir. Vous choisirez do
690 bien compris, commente l’auteur du récit, l’homme était vaincu en raison de la nature négative de son point de vue. D’après t
691 imposera. Il existe seulement un moyen (mais il est infaillible) de prévenir l’action hypnotique : il suffit simplement d
692 t simplement de vouloir quelque chose de positif. Être satisfait du refus du totalitarisme, vouloir la liberté en général sa
693 if polarisant les capacités de la personne, c’est être battu d’avance. N’oublions pas : dans le combat dramatique entre les
694 connaissent la nature passionnée du combat qu’ils sont en train de mener. Ils savent qu’ils n’ont rien à craindre — au contr
695 nomique). Les germes de la passion totalitaire ne seront détruits que dans les âmes de ceux qui reprendront goût à vivre indiv
696 e. La constitution de « masses nationalisées » ne sera prévenue que par la renaissance de véritables communautés. Mais ces c
697 itables communautés. Mais ces communautés devront être fondées sur la vérité universelle, et non sur une vérité étroitement
698 72. 9. Ibid., p. 472-473. Les mots soulignés le sont par Denis de Rougemont. 10. Ibid., p. 474-477. 11. Ibid., p. 338.
699 vol. 3, n° 1, janvier 1941, p. 65-82. L’édition a été réalisée en recoupant le tapuscrit français et la version originale p
700 e aux États-Unis. i. Une partie de ce paragraphe est raturé dans la version tapuscrite, Rougemont ajoutant en marge : « Là
701 ougemont ajoutant en marge : « Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. »
702 arge : « Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. »
8 1942, Tapuscrits divers (1936-1947). Le miracle suisse (1942)
703 que jour prête au pire, elle survit. Ce miracle n’ est pas spectaculaire. Mais aussitôt qu’on y prend garde, il n’en est que
704 laire. Mais aussitôt qu’on y prend garde, il n’en est que plus étonnant. Au centre d’un bouleversement qui fait apprendre a
705 urir, dans ce siècle. Mais plus que jamais, vivre est miraculeux. Si le secret de la vie d’un peuple peut intéresser aujour
706 litique incarnée par la Suisse depuis des siècles sera peut-être utile, demain, lorsqu’il s’agira moins de mourir ou de tuer
707 ande parfois : — Comment se fait-il que la Suisse soit le seul pays épargné par la guerre, au centre de l’Europe ? À quoi le
708  C’est bien simple ! Les fonds secrets de Goering sont à l’abri dans les banques de Zurich et de Genève. Je voudrais indique
709 orme aux réalités de notre siècle. Si la Suisse a été épargnée par la guerre, cela tient à quatre facteurs fondamentaux : l
710 . Si la Suisse a été épargnée par la guerre, cela tient à quatre facteurs fondamentaux : la prévoyance de l’état-major et du
711 taire qu’on inculquait alors aux élèves officiers était la suivante : la prochaine guerre ne sera pas une guerre de tranchées
712 iciers était la suivante : la prochaine guerre ne sera pas une guerre de tranchées, mais de pénétrations rapides en profonde
713 es tanks. Ce système de défense par foyers locaux était l’exacte réplique défensive, en blanc pour noir, du Blitzkrieg hitlér
714 ortissants de l’État agresseur habitant la Suisse seraient immédiatement arrêtés et placés dans les greniers des édifices public
715 és dans les greniers des édifices publics, où ils seraient les premières victimes des bombardements. (Il y a plus de cent mille
716 t-à-dire un soldat pour sept habitants. Elle peut être mobilisée en 48 heures, comme on le vit, en fait, au début de septemb
717 at par ses propres moyens. La mobilisation suisse est invisible, insaisissable, presque instantanée. Elle échappe à l’aviat
718 le a révélé que les meilleurs obstacles antichars sont les forêts et les villages ; ce sont aussi les meilleurs couverts con
719 es antichars sont les forêts et les villages ; ce sont aussi les meilleurs couverts contre l’aviation ; or, vous en trouvez
720 , tous les deux kilomètres. Chaque village suisse est une forteresse, dont les abords sont interdits de tous les côtés par
721 illage suisse est une forteresse, dont les abords sont interdits de tous les côtés par des murs de béton de plusieurs mètres
722 our des civilisations et des langues de l’Europe, est aussi géographiquement le seul endroit des Alpes où un seul col perme
723 re d’eux les gardiens du col. Ces droits d’empire furent l’origine précise de la Confédération helvétique. La Suisse est née p
724 précise de la Confédération helvétique. La Suisse est née pour garder le centre de l’empire, au nom de l’empereur — on dira
725 dirait aujourd’hui : au nom de l’Europe — elle s’ est constituée pour protéger le col contre les entreprises des seigneurs
726 res de l’Axe. En même temps, le massif du Gothard est un bastion réellement imprenable. Le plan du Réduit national prévoit
727 e se retirerait dans ce massif, où des vivres ont été accumulés pour plus d’une année, tandis que des fabriques de munition
728 ’une année, tandis que des fabriques de munitions sont prêtes à fonctionner dans des cavernes taillées au flanc du roc et pr
729 ce. En cas d’agression, la majeure partie du pays serait livrée à l’occupation étrangère. Elle le sait, elle l’accepte. Mais a
730 me de l’invincible liberté européenne. Le Gothard est le grand mythe suisse. Il symbolise la fonction politique de la Confé
731 a fonction politique de la Confédération, mais il est en même temps le bastion le plus formidable de l’Europe. Les Allemand
732 sse subsiste donc, et l’on vient de voir que ce n’ est point par accident. Mais si profondes que soient ses racines dans l’h
733 e n’est point par accident. Mais si profondes que soient ses racines dans l’histoire, si forte sa position militaire, et si sû
734 e, et si sûr son instinct civique, la Suisse n’en est pas moins cernée par l’Axe. C’est un fait. L’Axe pourrait l’affamer à
735 aucun effet. Si la Suisse échappe à tout cela, ne sera-t -on pas tenté de croire que la Providence l’a réservée pour une missio
736 le proverbe. La sécurité de la Suisse jusqu’ici a été due à sa sagesse politique et civique, qui a procédé elle-même de sa
737 en dégage-t-elle pas ? Après la guerre, la Suisse sera sans doute le seul pays intact du continent, le seul qui sera resté t
738 ute le seul pays intact du continent, le seul qui sera resté totalement démocratique, le seul, enfin, que les questions de l
739 Suisse n’élèvera guère la voix. Mais son exemple sera suffisamment éloquent. Il parlera pour elle. Il nous dira deux choses
740 les et rapides. Politiquement, la guerre actuelle est née d’un conflit de races et de nationalités. Les minorités allemande
741 es. C’est qu’en effet, tous ces Européens avaient été élevés dans l’idée suivante, qui leur paraissait aller de soi : il es
742 e suivante, qui leur paraissait aller de soi : il est nécessaire que les populations de même race et de même langue soient
743 ue les populations de même race et de même langue soient unifiées dans un même État et encadrées dans les mêmes frontières. Le
744 ette idée, elle aurait cessé d’exister. La Suisse est un complexe de quatre langues et de je ne sais combien de races inext
745 la plupart des guerres modernes. Mais, de ce qui était ailleurs causes de guerre, la Suisse a tiré précisément son principe
746 té, vous aurez la paix. La première solution, qui est le nationalisme, flatte la paresse et l’impatience d’esprit. D’où son
747 ouleurs de la palette — ou toutes les minorités —  est plus facile que de les composer suivant les lois complexes des complé
748 me hitlérien, précisément. La méthode fédéraliste est beaucoup plus difficile et plus lente. Elle tient compte de toutes le
749 mais une union vivante, une harmonie. L’harmonie est le contraire de l’uniformité, aussi vrai que la paix est le contraire
750 contraire de l’uniformité, aussi vrai que la paix est le contraire de la guerre. Si nos contemporains n’arrivent pas à sais
751 ls finiront dans le régime du brun, que la guerre soit gagnée ou perdue. L’exemple suisse illustre depuis des siècles une ph
752 simplifications en apparence claires, mais qui ne sont acquises qu’au prix de mille désordres particuliers, de mille violenc
753 sformer profondément notre attitude de pensée. Qu’ est -ce en effet que le totalitarisme ? C’est l’application logique et néc
754 domine en fait nos habitudes intellectuelles. Il est incontestable que le totalitarisme est infiniment plus simple que les
755 uelles. Il est incontestable que le totalitarisme est infiniment plus simple que les régimes démocratiques, comme la guerre
756 le que les régimes démocratiques, comme la guerre est plus simple que la paix, la mort que la vie. Si nous ne voulons pas d
757 que. (À condition, bien entendu, que le but final soit clairement défini et affirmé, sinon, l’on ouvrirait la porte aux Mach
758 porte aux Machiavels de la confusion.) La guerre est devenue mécanique et la machine est toujours une solution simplifiée.
759 n.) La guerre est devenue mécanique et la machine est toujours une solution simplifiée. Mais la paix est un phénomène organ
760 st toujours une solution simplifiée. Mais la paix est un phénomène organique et tout organisme est par définition complexe,
761 paix est un phénomène organique et tout organisme est par définition complexe, compliqué, diversifié. Il ne peut être compr
762 ition complexe, compliqué, diversifié. Il ne peut être compris d’un seul coup d’œil. Il est lent à se composer. Or, tout cel
763 Il ne peut être compris d’un seul coup d’œil. Il est lent à se composer. Or, tout cela s’applique au fédéralisme tel que l
764 tel qu’elle lui doit de subsister. Le fédéralisme est la seule doctrine politique qui s’oppose radicalement au totalitarism
765 y oppose avec efficacité. La démocratie de demain sera fédéraliste, — ou ne sera plus qu’un mot recouvrant une pratique plus
766 La démocratie de demain sera fédéraliste, — ou ne sera plus qu’un mot recouvrant une pratique plus ou moins totalitaire. ⁂
767 ou moins totalitaire. ⁂ J’ai dit que la Suisse s’ est toujours méfiée des plans. Elle se méfie des réformes schématiques de
768 s uniformes appliquées à des groupes divers. Elle est donc en garde, mieux qu’aucun autre pays, non seulement contre l’utop
769 es nationalités européennes émigrées, la Suisse s’ est constituée au cœur même des diversités irréductibles de l’Europe. Ell
770 origine et par sa situation, la Suisse a toujours été contrainte de tenir compte des qualités et des idiosyncrasies des rac
771 t défaut à la majorité des Américains, puisqu’ils sont devenus de bons Américains, dans la mesure même où ils oubliaient ces
772 bliaient ces querelles. C’est pourquoi l’Amérique sera exposée, plus qu’aucune autre puissance, à la tentation de négliger c
773 s bizarreries politiques auxquelles les Européens tiennent comme à leur vie et qui peuvent paraître, vues d’ici, les fruits d’un
774 La Suisse allemande, pour ne citer qu’un exemple, est le dernier refuge de la culture germanique saccagée par Hitler en All
775 l’Occident, le trésor même de la démocratie, qui est le sens des responsabilités personnelles, condition de l’ordre dans l
776 versités et forte dans sa liberté, la Suisse aura été , au cœur même de l’Axe, la réfutation la plus concrète et la plus ind
777 e Europe. Après avoir rappelé comment la Suisse s’ est constituée au cours des âges, et comment elle a survécu au cyclone to
778 e à venir, il faut choisir. Certains d’entre vous tiennent encore au système des frontières rigides entre les nations. Ce systèm
779 cune raison pour que la frontière de deux langues soit aussi la frontière de deux économies, alors qu’elle passe au beau mil
780 nt toujours refusé. Les frontières de nos cantons sont ouvertes ; elles ne limitent qu’une administration locale. Et pourtan
781 itiques, religions, langues : leurs frontières ne sont pas les mêmes. Cessez de penser cadres, pensez foyers rayonnants. Ces
9 1942, Tapuscrits divers (1936-1947). La grande « stratégie religieuse » de cette guerre (avril-mai 1942)
782 jugés d’ordre subjectif : un écrivain non croyant est porté à sous-estimer le rôle des réalités religieuses dans le monde ;
783 te aujourd’hui trois formes de totalitarisme, qui sont par ordre chronologique d’apparition : le fascisme italien, le stalin
784 des pouvoirs entre l’Église et l’État n’a jamais été établie d’une manière satisfaisante ou tolérable dans ces trois natio
785 emagne, c’était l’inverse : le tsar et l’empereur étaient les chefs de l’Église, et le clergé se conformait avec une certaine s
786 elles renversaient. Les jacobins, par exemple, se sont faits centralisateurs à l’imitation des rois de France. Il était donc
787 tralisateurs à l’imitation des rois de France. Il était donc fatal que les chefs révolutionnaires, en Italie, en Russie et en
788 utionnaires, en Italie, en Russie et en Allemagne fussent amenés par la force des choses et les coutumes, à s’attaquer en même
789 à l’Église, confondus dans l’esprit du peuple. Il était fatal que dès le moment qu’ils s’emparaient du pouvoir temporel, ils
790 nouvel ordre des structures totalitaires. Car qu’ est -ce que le totalitarisme, sinon la confusion parfaite du pouvoir tempo
791 raire, la distinction du temporel et du spirituel fut affirmée dès le xvi e siècle avec une grande vigueur. Pour des raison
792 à la fois théologiques et tactiques, les réformés furent amenés à insister surtout sur les droits individuels, basés sur la vo
793 ue tout homme reçoit de Dieu. Le droit de révolte fut établi par Calvin et ses successeurs, non pour l’individu isolé, il e
794 et ses successeurs, non pour l’individu isolé, il est vrai, mais pour un groupe20 qui se verrait lésé dans sa foi ou ses dr
795 nique. Les calvinistes français, au xvi e siècle, furent les premiers à proposer une organisation fédéraliste du royaume, puis
796 Pourquoi, par exemple, les États scandinaves, qui sont purement luthériens, n’ont-ils pas évolué dans le même sens que l’All
797 rance, redevenue catholique en majorité, a-t-elle été plus loin que toute autre démocratie dans la voie de l’individualisme
798 vidualisme ? Pour la Scandinavie, le fait capital est celui-ci : lors de la Réformation, le roi, l’Église et le peuple enti
799 tier devinrent luthériens, sans opposition. Ce ne fut pas une lutte violente comme en Allemagne, où Luther pour résister à
800 Angleterre, où toutes les formes traditionnelles furent conservées, toutefois au prix d’oscillations plus violentes, d’où la
801 ous Louis XIV, certes. Mais n’oublions pas que ce furent des protestants qui donnèrent ses cadres moraux à la Troisième Républ
802 t plus tard l’école normale des instituteurs, qui fut le foyer de l’esprit républicain dans les dernières décades du siècle
803 gieux s’évaporait et que l’école se laïcisait. Il serait intéressant d’analyser de ce point de vue le cas des USA. Constitués
804 s par des colonies de dissidents protestants, ils étaient destinés à évoluer dans un sens à la fois fédéraliste et excessivemen
805 r l’individualisme foncier. En apparence, les USA sont « totalitaires » dans leur standardisation des mœurs et des aspects m
806 n réalité, les causes profondes de ce conformisme sont radicalement distinctes de celles qui ont conduit au fascisme en Euro
807 s0065. Une note manuscrite indique que ce texte a été publié dans The Protestant, vol. 4, n° 5, avril-mai 1942.
10 1947, Tapuscrits divers (1936-1947). Il y a aussi des gens en Suisse (15 mai 1947)
808 plus un chiffre, c’est promis, je vais parler des êtres humains et de leurs coutumes. La plupart des Anglo-Saxons, quand on d
809 montagnes et surtout Saint-Moritz. Je n’ai jamais été à Saint-Moritz, qui me parait l’endroit le moins suisse de mon pays,
810 cle fédéraliste et mondial, quand les autres pays sont encore en pleine crise nationaliste. C’est tout le contraire de ce qu
811 versent soupçonnent le moins, tout occupés qu’ils sont à distribuer des tips, à acheter des wristwatches, à regarder les Alp
812 t personne, car le cours du dollar au marché noir est inférieur au cours officiel dans ce pays — mais j’ai promis de ne plu
813 la Confédération. Bismarck disait que le Bavarois était un être intermédiaire entre l’Autrichien et l’homme. De même, tout le
814 ération. Bismarck disait que le Bavarois était un être intermédiaire entre l’Autrichien et l’homme. De même, tout le monde s
815 même, tout le monde sait en Suisse que le Bernois est intermédiaire entre l’ours et l’homme. Le nom même de la ville l’indi
816 e de la ville l’indique : Berne vient de Bär, qui est l’ours en allemand. Et vous retrouvez cet animal totémique dans toute
817 resseuse, mais qui ne rate jamais sa proie. Ainsi sont les Bernois, lents et rusés, aussi adroits qu’ils paraissent lourds.
818 usés, aussi adroits qu’ils paraissent lourds. Ils furent un jour les plus puissants en Suisse, lorsque la Suisse était la plus
819 r les plus puissants en Suisse, lorsque la Suisse était la plus puissante, militairement, au centre de l’Europe. Ils avaient
820 laisse, par-dessus les Alpes, jusqu’à Berne : ce sont les descendants de ces prisonniers de guerre qui habitent aujourd’hui
821 surréalistes français le connaissent bien et s’en sont inspirés), en même temps auteur de drames et de poèmes satiriques, il
822 le pousse à se prodiguer là où la lutte promet d’ être la plus ardente, que ce soit dans les arts ou dans la politique, dans
823 où la lutte promet d’être la plus ardente, que ce soit dans les arts ou dans la politique, dans la spéculation métaphysique
824 aire dans son esprit et dans ses mœurs, se trouve être en même temps l’un des pays où les traditions aristocratiques sont le
825 s l’un des pays où les traditions aristocratiques sont le plus jalousement gardées. Les grandes maisons de pierres gris-vert
826 tiroirs pleins d’argenterie massive. Personne n’ est plus conservateur au sens littéral que les Suisses, personne n’est pl
827 teur au sens littéral que les Suisses, personne n’ est plus ennemi du waste. Conserver tout l’acquis est une nécessité vital
828 est plus ennemi du waste. Conserver tout l’acquis est une nécessité vitale dans un pays pauvre en matières premières et qui
829 ité socialiste. Bâle ou la culture Si Berne est un carrefour d’influences françaises, germaniques et italiennes, fond
830 s dans une tradition militaire et politique, Bâle est au contraire une cité toute bourgeoise, intellectuelle et germanique.
831 multiplient par centaines, l’une des plus connues étant le DDT. Tout cela se passe en silence, dans le cadre le plus cossu, l
832 bien de professeurs célèbres. Les mariages bâlois sont des affaires considérables. Quelques jours avant la cérémonie, l’on p
833 l’on procède à la réception des cadeaux. Ceux-ci sont apportés par les domestiques des familles amies, et déposés sur une g
834 rix du cadeau, et les tips donnés aux domestiques sont calculés in accordance, tant pour cent. On imagine les conversations
835 boit partout. À la faveur des déguisements, tout est permis. Les lois morales sont suspendues. Les échanges et les aventur
836 s déguisements, tout est permis. Les lois morales sont suspendues. Les échanges et les aventures les plus inconcevables sont
837 échanges et les aventures les plus inconcevables sont admis. Et puis tout s’arrête brusquement, au second signal. Et durant
838 personne ne fera la moindre illusion à ce qui lui est arrivé pendant le carnaval. Genève ou l’internationalisme Il n
839 Déjà, tout le monde parle français et le climat s’ est adouci. Une heure encore, et c’est le lac Léman, son paysage monument
840 ernationales du monde. Du parc où l’on trouvait l’ été dernier M. Churchill en train de peindre, on peut voir les villes et
841 et que domine la cathédrale de Saint-Pierre, qui fut l’église de Calvin… C’est si petit, c’est si charmant, tout y prend u
842 é, le palais blanc de la Société des Nations : il est vide, le fantôme d’un grand rêve y attend encore les hommes d’une gra
843 lisés et dignes de leurs traditions. Leurs femmes sont souvent belles, plus sportives et modernes d’allure que les Française
844 nt sur l’asphalte. L’un d’eux saignait. Le vide s’ était fait autour des oiseaux, la circulation s’arrêtait. Personne ne bouge
845 on s’arrêtait. Personne ne bougeait : les Suisses sont self-conscious. Et les cygnes sont connus pour leur méchanceté : ils
846  : les Suisses sont self-conscious. Et les cygnes sont connus pour leur méchanceté : ils mordent très fort. Soudain, un soli
847 i ne parvint pas à le soulever. Quelques hommes s’ étaient enfin avancés et l’aidèrent. Ce qu’il nous faut, pour sauver le monde
848 ent. Ce qu’il nous faut, pour sauver le monde, ce sont quelques naïfs qui n’aient pas peur. Un petit pays, s’il osait… n.
11 1947, Tapuscrits divers (1936-1947). Une lettre de Denis de Rougemont (à propos d’Aragon) (21 octobre 1947)
849 écrivain qui n’a jamais cessé au temps de Vichy d’ être publié en France et qui a un passeport suisse a trouvé… le moyen, déc
850 crivant les maladies de l’Europe, à l’heure qu’il est , de mettre sur le même pied trois de ces maladies : la résistance eur
851 l’antisémitisme du vivant de Hitler… Le passage est censé me viser, comme on le découvre un peu plus bas, et il figure à
852 suivra, écrit déjà comme une lettre anonyme. Ce n’ est donc pas à lui qu’on peut répondre. Mais pour les lecteurs de Fontain
853 les choses au point. 1°) « Au temps de Vichy », j’ étais en Amérique, où je rédigeais les émissions de l’Office of War Informa
854 e par la BBC. Quelques fragments de ces émissions furent imprimés par les journaux de la résistance : c’est sous cette forme q
855 sous cette forme qu’en effet je n’ai pas cessé d’ être publié ici. Pour le reste : non seulement il n’a pas paru une ligne d
856 hy, mais au contraire mon Journal d’Allemagne a été saisi et détruit. (La résistance hollandaise en a fait trois rééditio
857 entifiant ds4905. Cette lettre n’a finalement pas été publiée.
12 1947, Tapuscrits divers (1936-1947). Idées françaises (décembre 1947)
858 Idées françaises (décembre 1947)p Il fut un temps où toutes les grandes idées étaient françaises, sans qu’il y
859 )p Il fut un temps où toutes les grandes idées étaient françaises, sans qu’il y eut besoin de le dire. Parce que la France d
860 oin de le dire. Parce que la France dans l’Europe était tout, et que l’Europe était presque le monde. La France alors était u
861 France dans l’Europe était tout, et que l’Europe était presque le monde. La France alors était universelle, du simple fait q
862 l’Europe était presque le monde. La France alors était universelle, du simple fait qu’étant seule à produire des idées que l
863 France alors était universelle, du simple fait qu’ étant seule à produire des idées que l’univers adoptait, elle n’avait point
864 isine, les spécialités nationales. La philosophie est allemande ; le roman et le film, américains ; la poésie, anglaise ; l
865 ue. Et l’éloquence a passé de mode, et la science est internationale… Que reste-t-il donc à la France ? Qu’est-ce que le mo
866 ernationale… Que reste-t-il donc à la France ? Qu’ est -ce que le monde attend encore d’une France qui, dans le fait, n’est p
867 e attend encore d’une France qui, dans le fait, n’ est plus universelle, qui n’est plus une puissance de premier plan, et do
868 qui, dans le fait, n’est plus universelle, qui n’ est plus une puissance de premier plan, et dont la langue recule devant l
869 conscients de tout sauf de cela justement qu’ils sont les plus conscients du monde, de même qu’ils tiennent leur climat tem
870 sont les plus conscients du monde, de même qu’ils tiennent leur climat tempéré pour le climat normal de l’homme, oubliant que su
871 ibre… De quoi se fait l’équilibre humain ? Quelle est cette mesure de l’esprit dont la France offre seule au monde un modèl
872 u monde un modèle qu’elle persiste avec bonheur à tenir pour normal, et non français ? ⁂ L’importance des idées en soi : voil
873 nes, ou plutôt voyez-les dans leurs œuvres. Quels sont les principes qu’elles allèguent pour justifier leur politique, et qu
874 ’État. Cette primauté pratique de l’esprit, qu’il soit générateur d’ordre et de paix, ou simplement d’arguties partisanes ;
875 érêts, pourrait faire oublier que la vraie France est d’abord le pays qui préfère les raisons de vivre — la vie brute, et q
876 ui parlent trop de le France, ou trop haut, ne la sont pas, ne font d’elle qu’une spécialité, une pittoresque turbulence, un
877 ne affaire bien à eux et dont le reste des hommes est exclu. Et quand ils parlent, ce n’est pas comme Français, — nous les
878 des hommes est exclu. Et quand ils parlent, ce n’ est pas comme Français, — nous les Français et la main sur le cœur, comme
879 de d’aujourd’hui : celle de n’en point vouloir, d’ être humains avant tout. Ceux-là me donnent une idée de la pudeur, et de l
880 de la pudeur, et de la pudeur dans les idées, qui est encore une idée française sans qu’ils le sachent, parce qu’ils l’igno
881 oup des aveux importuns. Ainsi le sens des formes est leur pudeur, leur scrupule, leur sérieux jusque dans la gaieté, dans
882 ou pour mieux dire : du style dans les idées, qui est leur secret le plus précieux. Je les écoute, je les épie, je les reli
883 bonne idée ! quelle belle idée ! — je sais qu’ils sont à leur point d’excellence. Ils m’ont fait oublier leur nation pour mi
884 oublier leur nation pour mieux voir l’homme. Ils sont la France. p. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
885 quée dans l’inventaire du fonds. L’article aurait été publié dans le Monde illustré, sans qu’on puisse le confirmer.