1
l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts
sont
méritoires, mais bien peu croient à leur succès prochain. Vous n’avez
2
s d’autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle
est
lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur d’un grand journal. Et
3
rtie, mais elle est lourde… » Ainsi dit l’un, qui
est
le directeur d’un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : «
4
u assez de ces organisations internationales ! Il
est
bien difficile d’y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules
5
lez parler sur les places. Ce qu’il nous faut, ce
sont
des saint François, ce sont des apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu
6
e qu’il nous faut, ce sont des saint François, ce
sont
des apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu : « Si ce sont des apôtres
7
s apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu : « Si ce
sont
des apôtres que vous demandez, pourquoi ne seriez-vous pas le premier
8
e sont des apôtres que vous demandez, pourquoi ne
seriez
-vous pas le premier ? Diogène avait bien tort de chercher un homme à
9
t le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi qu’il en
soit
, les propos que je viens de rapporter vous donneront, je le crains, u
10
ans ces moments de ralentissement de l’action, il
est
normal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et
11
ays se replier sur ses intérêts à court terme. Il
est
normal que les objections immédiates paraissent plus graves, dès l’in
12
ers la sécurité, la prospérité, et la liberté. Ce
sont
précisément les trois besoins que l’on découvre à l’origine de toutes
13
ppard vient de montrer que ces trois facteurs ont
été
déterminants pour la formation de la Confédération helvétique, il y a
14
la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il
est
frappant de les retrouver, identiquement, dans le Message aux Europée
15
ente nous exposera demain à l’unification forcée,
soit
par l’intervention d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un
16
e, soit par l’intervention d’un empire du dehors,
soit
par l’usurpation d’un parti du dedans. Et voici la réponse à ces men
17
ans notre cœur, les vraies dimensions de la lutte
seront
rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes proportions. Si
18
core mis un seul coup dans le but. Visiblement, j’
étais
un cas désespéré. Un jeune lieutenant m’observait avec pitié. « Voule
19
uvements de votre main. Regardez le rond noir qui
est
au milieu de la cible, laissez-vous fasciner par lui, pensez au but s
20
certaines situations, c’est la vision du but qui
est
plus efficace, c’est l’« idéal » qui est vraiment « pratique ». ⁂ Bie
21
but qui est plus efficace, c’est l’« idéal » qui
est
vraiment « pratique ». ⁂ Bien voir le but, se concentrer sur l’idéal
22
n voir le but, se concentrer sur l’idéal : rien n’
est
plus urgent aujourd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent de
23
n rapide du Centre européen de la culture. Quelle
sera
la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’
24
re les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont
été
prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe de coordi
25
rdination pour donner leur plein effet. Le Centre
sera
d’abord au service de la culture. Mais il ne la servira bien que s’il
26
ue part en Europe, un lieu où notre action puisse
être
méditée, clarifiée, où son orientation morale et spirituelle puisse ê
27
, où son orientation morale et spirituelle puisse
être
continuellement dégagée et formulée… Qu’en pensent nos leaders politi
28
ant 453. Une note manuscrite indique que ce texte
est
paru dans un journal britannique.
29
ctoire dans laquelle vit l’Europe, depuis 10 ans,
est
entrée dans la phase critique. Elle est presque désespérée. Elle est
30
s 10 ans, est entrée dans la phase critique. Elle
est
presque désespérée. Elle est aussi plus près que jamais de se résoudr
31
phase critique. Elle est presque désespérée. Elle
est
aussi plus près que jamais de se résoudre en une synthèse. Il est vra
32
rès que jamais de se résoudre en une synthèse. Il
est
vrai que l’Europe est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plu
33
ésoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe
est
en train de se défaire. Elle n’a jamais été plus menacée, plus divisé
34
urope est en train de se défaire. Elle n’a jamais
été
plus menacée, plus divisée devant le péril, — plus angoissée et scept
35
plus angoissée et sceptique à la fois. Mais il n’
est
pas moins vrai que pour la première fois, dans toute sa longue histoi
36
te sa longue histoire — consciemment — , l’Europe
est
en train de se faire. Aux yeux d’un esprit objectif, toutes les condi
37
sprit objectif, toutes les conditions de la ruine
sont
réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates ; mais ce sont
38
tre ciel et dans nos données immédiates ; mais ce
sont
les mêmes conditions qui pourraient être celles d’une renaissance. No
39
mais ce sont les mêmes conditions qui pourraient
être
celles d’une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont
40
e devenir les objets d’une guerre des autres, qui
serait
perdue par nous, quelle que soit son issue. Mais, il y a, en même tem
41
es autres, qui serait perdue par nous, quelle que
soit
son issue. Mais, il y a, en même temps, une manière européenne d’espé
42
nne d’espérer, un espoir proprement européen, qui
est
celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une pu
43
e une puissance capable d’imposer la paix. Telle
est
la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. À son
44
st la situation contradictoire dans laquelle nous
sommes
engagés. À son point de crise, où nous sommes, il dépend en partie de
45
ous sommes engagés. À son point de crise, où nous
sommes
, il dépend en partie de nous que l’espoir ait raison du désespoir. Ma
46
bourg, les cadres politiques de l’Europe unie, il
est
grand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, l
47
ion, la vocation de la communauté européenne. Tel
est
le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’es
48
l’Europe ? qu’a-t-elle à dire aux hommes ? quels
sont
ses droits humains et spirituels à l’existence indépendante ? Et c’es
49
cice de la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’
est
plus rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette confér
50
et finit par offrir une belle définition de ce qu’
est
l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens.
51
définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a
été
, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs vo
52
urope, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait
être
à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix reste, à tout prendre, la
53
ce mot des contenus différents, — et cela encore
est
très européen. Ailleurs, on le sait, peuvent régner certaines définit
54
européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il
est
vrai que le terme de culture évoque des réalités hétéroclites : inven
55
utiles, elle partira de l’idée que la culture, ce
sont
les réalités intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’Europe
56
urope autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle
est
, dans sa réalité physique, autre chose que ce fameux « cap de l’Asie
57
onne ne perdra plus son temps à se demander ce qu’
est
la culture. Et comme on juge l’arbre à ses fruits, on jugera la cultu
58
s fruits, on jugera la culture sur sa récolte. Il
est
tard, vous le savez, il est tard en Europe. C’est pour agir, mais à n
59
re sur sa récolte. Il est tard, vous le savez, il
est
tard en Europe. C’est pour agir, mais à notre manière, pour instituer
60
e manière, pour instituer et pour créer, que nous
sommes
là. Deux mots sur ceux qui ne sont pas tenus ici. Quand Dieu veut per
61
er, que nous sommes là. Deux mots sur ceux qui ne
sont
pas tenus ici. Quand Dieu veut perdre une société, il ne commence pas
62
ous sommes là. Deux mots sur ceux qui ne sont pas
tenus
ici. Quand Dieu veut perdre une société, il ne commence pas toujours
63
r méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils
sont
un jour jetés, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps de réédu
64
semblement comme le nôtre. Ils comprendront qu’il
est
certains moments de l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins
65
cessantes, — comme vous l’avez compris, vous qui
êtes
ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’argent, et surtou
66
ce, représente pour vous tous un tel effort. Pour
être
juste, il faut reconnaître que beaucoup d’intellectuels redoutent non
67
nds, et je comprends surtout ceux d’entre eux qui
sont
écrivains. L’époque est telle qu’un écrivain ne peut plus communiquer
68
out ceux d’entre eux qui sont écrivains. L’époque
est
telle qu’un écrivain ne peut plus communiquer sa vraie sagesse que si
69
est le drame seul, bien souvent, qu’on entend. Il
est
clair qu’un congrès ne se prête guère à l’expression du drame individ
70
et les institutions dont nous allons parler. « Qu’
est
-ce que cela peut bien me faire ? dit le poète. Cela ne m’aide pas à t
71
à trouver une image… » Certes, mais l’écrivain n’
est
pas indifférent au sort des livres qu’il publie, ni à leur diffusion,
72
d’hui — et voilà nos problèmes pratiques. Et il n’
est
pas indifférent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin de la comm
73
ue de signaler et de classer les problèmes qui se
sont
révélés urgents, au terme d’une enquête dans nos divers pays. Chacun
74
ept groupes ont donné des réponses détaillées. Je
tiens
à souligner qu’une telle enquête n’avait jamais encore été tentée. No
75
ligner qu’une telle enquête n’avait jamais encore
été
tentée. Nous avons dû l’improviser avec des groupes en pleine période
76
plus détaillées sur des projets concrets nous ont
été
remises. Enfin, le Bureau d’études de Genève a fourni plusieurs notes
77
on à vos travaux. Précisons bien que ce rapport n’
est
pas un instant destiné à faire l’objet des discussions de la conféren
78
a série de résolutions pratiques qui, dès demain,
seront
proposées et mises au point par les commissions du congrès. La sectio
79
ntaires sur le travail des commissions, tel qu’il
est
esquissé dans le Rapport général. I. La question des échanges, tout
80
des échanges, tout d’abord. La situation présente
est
bien connue. Vous aurez vite dressé la liste des obstacles douaniers
81
ns chères aux experts et aux documents officiels,
seraient
propres à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, « d’organiser
82
es culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en
serait
pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
83
qu’il n’en serait pas question si les frontières
étaient
ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, pri
84
terme même « d’échanges culturels », avouons-le,
est
devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’échappatoire facile a
85
c’est en fait reconnaître les droits que l’État s’
est
arrogés, et qu’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’éle
86
, favoriser ceux qui ne gênent personne, ceux qui
sont
le moins créateurs ou novateurs, ceux qui font le moins peur aux fonc
87
les échanges redeviennent ce qu’ils ont toujours
été
dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découverte
88
es droits de douane et de visas, dont le bénéfice
est
dérisoire pour les États, dont la charge est ruineuse pour la culture
89
fice est dérisoire pour les États, dont la charge
est
ruineuse pour la culture. Et surtout ne proposons pas, dans ce domain
90
re : La seule idée d’une respiration organisée, n’
est
-il pas vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas de créer par d
91
rets l’unité de notre culture : elle existe, elle
était
aux origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir d
92
échanges doit correspondre un effort positif. Il
serait
insuffisant et vain de vouloir revenir simplement à la condition libé
93
ir revenir simplement à la condition libérale qui
était
celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau
94
au chapitre sur les passeports : « Le passeport n’
est
exigé que par la Russie. Pour l’entrée dans tous les autres pays, la
95
doter l’Europe unie d’instruments de travail qui
soient
à l’échelle continentale. Il faut aussi former les jeunes hommes qui
96
te. Sur les institutions européennes à fonder, je
serai
bref : les documents et rapports spéciaux mis à la disposition de la
97
« culturels » que le xx e siècle a vu naître, il
est
frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour obje
98
e, ou à une discipline particulière. Pourtant, il
est
incontestable que nos pays forment un ensemble, un complexe organique
99
s, ceux-ci distinguent souvent mieux que nous. Il
est
étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
100
Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore
été
étudié en tant que tel, d’une manière systématique ; et qu’il n’exist
101
es lacunes. Que le besoin d’une telle institution
soit
urgent, rien ne saurait mieux le faire sentir que les difficultés qu’
102
ces inévitables dans l’état actuel des choses. Je
tiens
à vous rappeler que, dès le congrès de la Haye, notre Mouvement avait
103
tre européen de la culture, dont les attributions
furent
esquissées par la résolution culturelle du congrès. Au mois de févrie
104
le rapport relatif au Centre culturel. Le besoin
est
donc reconnu, les plans sont là. Vous déciderez du sort qu’il faut le
105
e culturel. Le besoin est donc reconnu, les plans
sont
là. Vous déciderez du sort qu’il faut leur réserver. Il en va de même
106
ons d’éducation, ont montré à quel point ce souci
est
général dans nos pays. Tout le monde se rend parfaitement compte que
107
urd’hui n’existent pas. Ils pourraient facilement
être
créés par le blocage, au titre européen, d’une fraction du budget de
108
l commun, et l’énergie créatrice des Européens ne
sont
pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur perte in
109
ements devant un choix. Un ordre de priorité doit
être
d’urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule
110
ordre de priorité doit être d’urgence établi. Il
est
probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse la
111
’on se demande parfois s’il ne vaudrait pas mieux
être
restés barbares, que de nous être aussi mal civilisés. La Conférence
112
drait pas mieux être restés barbares, que de nous
être
aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture faillirai
113
conscience commune de l’Europe ? La question doit
être
posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit
114
e de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
est
d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que n
115
t d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il
soit
bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nationalismes loca
116
ux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’
est
, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civ
117
er une nation européenne aux grandes nations de l’
Est
et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique,
118
able pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce
serait
trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes e
119
n, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui
sera
leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans
120
de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui
est
leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce
121
prit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne
sera
pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pou
122
t autant de barrières de douanes, ne saurait plus
être
un pôle d’attraction. Une Europe proclamant des principes sans les ap
123
n certain nombre de principes moraux ne sauraient
être
négligés dans la pratique sans que l’Europe perde ses droits à l’exis
124
pourra dire vraiment de notre conférence qu’elle
fut
le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, i
125
cience européenne. Une conscience malheureuse, il
est
vrai, tourmentée, peut-être coupable, — comme toute conscience, en de
126
paraît plus clairement depuis que se dressent à l’
Est
comme à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, d
127
s jeunes, filles de la nôtre, dont l’une qui nous
est
chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il
128
déal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il
est
frappant que le bonheur, en Europe n’ait trouvé ses plus hautes expre
129
irons le climat nostalgique. Et nous ici, nous ne
sommes
pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organis
130
aire de Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date
est
celle du discours prononcé par Denis de Rougemont, le document lui-mê
131
oncé par Denis de Rougemont, le document lui-même
est
daté du 9 décembre 1949.
132
strée par des succès proprement historiques. Ni l’
été
ni l’automne, à Strasbourg, ne vous ont vu répondre à l’appel angoiss
133
ne méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne
sont
donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent d’y voir plus clair
134
plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui
est
la vôtre, il est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez
135
a base des partis nationaux, qui est la vôtre, il
est
clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour l
136
x, qui est la vôtre, il est clair que l’Europe ne
sera
jamais faite. Vous tenez cette base pour la seule réaliste. Vous esti
137
est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous
tenez
cette base pour la seule réaliste. Vous estimez donc réalistes les se
138
bour Party et par ses satellites. Le Labour Party
est
anglais. Comme les Anglais ont dit sur tous les tons qu’ils n’accepte
139
s sur les routes en se disant tout bas : « Le but
est
clair, mais le nom du Christ n’est pas encore une idée-force. Certain
140
bas : « Le but est clair, mais le nom du Christ n’
est
pas encore une idée-force. Certains la refusent, et la plupart l’igno
141
e, mais gardons-nous de citer un nom dont l’usage
est
prématuré : il nuirait à la cause que nous voulons servir ». Ou bien
142
nez Lénine déclarer à ses camarades : « Notre but
est
le communisme, mais seuls des excités ou des provocateurs peuvent aff
143
ent affirmer que nous trouverons à la Douma — qui
est
après tout le seul pouvoir réel — la majorité nécessaire pour imposer
144
vôtres — car je m’adresse ici aux députés qui se
sont
baptisés « fonctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans d’un
145
es de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se
sont
figurés bientôt que ces messieurs désiraient au contraire s’éloigner
146
en refusant tout ce qui fait mine de fonctionner.
Soit
dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens semblaient les confirme
147
ctionnalistes proposent sans rire à l’Assemblée :
étant
donné un but précis, qui est la fédération des peuples de l’Europe, n
148
re à l’Assemblée : étant donné un but précis, qui
est
la fédération des peuples de l’Europe, n’en parler sous aucun prétext
149
listes, avec les résultats que l’on sait. Le fait
est
que cette querelle est une histoire de fous. Une petite parabole va l
150
ats que l’on sait. Le fait est que cette querelle
est
une histoire de fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de
151
er. Il s’agit de bâtir une maison, et deux partis
sont
en présence. Le premier dit : dressons d’abord les plans. Le second d
152
sons d’abord les plans. Le second dit : les plans
sont
théoriques, commençons par construire un rez-de-chaussée. Mais seuls
153
ils ont volé à la doctrine fédéraliste. Car enfin
soyons
francs, voyons l’histoire récente : d’où viennent les « mesures prati
154
e en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il
est
bien clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’Europe, à
155
ont sans vous, vous leur courez après. Votre vote
est
un alibi. Si vous aviez quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien ga
156
i. Si vous aviez quelque pouvoir — mais vous vous
êtes
bien gardés de l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi !
157
vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline
est
aux portes, la guerre sévit déjà, et vous acceptez sans mot dire que
158
z sans mot dire que les mesures les plus urgentes
soient
déférées au vote des ministres, dans deux mois ? Pourquoi ce délai ?
159
n Amérique. À la guerre, on va vite, ou bien l’on
est
battu. L’Europe se fera sans vous, tout le monde le voit maintenant.
160
découvertes, les révolutions, les amours. Elle ne
sera
pas plus socialiste, ou centriste, ou réactionnaire, ou anglaise, ou
161
ou anglaise, ou française, ou libérale, que ne le
sont
toutes les belles et bonnes choses que je viens de dire. Il ne vous r
162
e vous reste absolument qu’une chose à faire, qui
est
de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à réd
163
tal, à rédiger le projet de sa constitution. Vous
êtes
politiciens, députés et juristes. Fonctionnez, c’est-à-dire fédérez,
164
dans les limites de votre autorité ! Sinon, nous
serons
tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés. De Ferney-Voltaire, le
165
s au congrès de Bombay (mars 1951)d Ce congrès
est
une manifestation culturelle, non pas politique. Il est important de
166
e manifestation culturelle, non pas politique. Il
est
important de le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a n
167
: — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous
êtes
tous des antistaliniens, donc votre congrès est politique ; ensuite,
168
êtes tous des antistaliniens, donc votre congrès
est
politique ; ensuite, c’est un congrès américain ; et enfin, c’est un
169
n attaquant le stalinisme. Je réponds : non, nous
sommes
d’abord contre le totalitarisme en général, quelle que soit sa couleu
170
rd contre le totalitarisme en général, quelle que
soit
sa couleur, parce que nous sommes des intellectuels en premier lieu,
171
néral, quelle que soit sa couleur, parce que nous
sommes
des intellectuels en premier lieu, et non point parce que nous pouvon
172
premier lieu, et non point parce que nous pouvons
être
secondairement des socialistes, des conservateurs, ou des libéraux. N
173
alistes, des conservateurs, ou des libéraux. Nous
sommes
contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’
174
cience pratique. D’autre part, dès que la culture
est
subordonnée à la politique, elle cesse d’être une méthode de libérati
175
ture est subordonnée à la politique, elle cesse d’
être
une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mental
176
avoue que dans mes jeunes et folles années, je me
suis
souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disai
177
les droits que nous avons ou revendiquons peuvent
être
vidés d’un seul coup, si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs
178
ons peuvent être vidés d’un seul coup, si nous ne
sommes
plus propriétaires ou auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons
179
’il nous plaît, les autres droits que nous aurons
seront
nuls : nous ne les sentirons plus comme des droits. Or nous pouvons p
180
otalitaire contre la liberté de la pensée ne doit
être
redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde cultu
181
, le totalitarisme le plus dangereux de nos jours
est
le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie unique, qui pe
182
ngisme, ou ce qu’on voudra ; mais dont les effets
sont
les mêmes puisqu’elle aboutit toujours à soumettre la pensée à la pol
183
rce même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous
sommes
antistaliniens. En second lieu, on a dit que nous sommes ici au servi
184
antistaliniens. En second lieu, on a dit que nous
sommes
ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons ja
185
it que nous sommes ici au service des Américains.
Soyons
bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même ma
186
vice des Américains. Soyons bien clairs : nous ne
serons
jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les staliniens sont
187
’Amérique » de la même manière que les staliniens
sont
« pour la Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères de jugement
188
critères de jugement intellectuels et artistiques
sont
ceux qu’impose l’intérêt du parti, intérêt confondu une fois pour tou
189
ien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se trouve
être
actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne s
190
fenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne
sommes
pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à tout ce
191
tes la liberté avec les intérêts américains. Nous
sommes
amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. Et nous ne c
192
e liberté qu’elle représente officiellement, nous
serions
aussitôt, pour ce motif et dans cette mesure exacte, antiaméricains.
193
ns. Et tous nos amis américains, ici présents, le
seraient
aussi, j’en suis absolument sûr. En troisième lieu, on a prétendu que
194
américains, ici présents, le seraient aussi, j’en
suis
absolument sûr. En troisième lieu, on a prétendu que nous étions réun
195
nt sûr. En troisième lieu, on a prétendu que nous
étions
réunis à Bombay pour condamner la neutralité en général, et celle de
196
lle de l’Inde en particulier. Personnellement, je
tiens
à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d
197
re la neutralité et le neutralisme. La neutralité
est
une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même tr
198
. La neutralité est une mesure politique qui peut
être
très bonne, très utile, et même très nécessaire dans certaines situat
199
utralité de l’Inde : la première, c’est que je ne
suis
pas homme d’État ; la seconde, c’est que je ne suis pas Hindou ; la t
200
is pas homme d’État ; la seconde, c’est que je ne
suis
pas Hindou ; la troisième, c’est que je suis Suisse. Mais si je rentr
201
e ne suis pas Hindou ; la troisième, c’est que je
suis
Suisse. Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de l
202
e. Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui
est
celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y exi
203
olitique, et le « neutralisme » d’autre part, qui
est
une tentative pour justifier en théorie ou en doctrine une neutralité
204
octrine une neutralité temporaire dont les motifs
sont
en réalité d’ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je
205
st une politique défendable. Mais alors ce qui ne
serait
pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l
206
ais alors ce qui ne serait pas défendable, ce qui
serait
une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justifier sa
207
endable, ce qui serait une tricherie évidente, ce
serait
que l’agneau prétende justifier sa politique par des raisons morales
208
ales, et qu’il dise par exemple : — « Après tout,
soyons
objectif ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas
209
al, il a grand faim, il a beaucoup lu Marx, et il
est
“partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme pa
210
“partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’
est
pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Reade
211
est. Je refuse donc l’un et l’autre également, je
suis
neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux
212
alitaire, par un penchant inexorable. Nous devons
être
ici non pas contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’est pas no
213
as contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’
est
pas notre affaire — mais contre le mensonge neutraliste, parce qu’il
214
mais contre le mensonge neutraliste, parce qu’il
est
un mensonge, d’abord ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise
215
st un mensonge, d’abord ; et ensuite, parce qu’il
est
en fait une prise de parti politique en faveur des loups, par des mou
216
s loups, par des moutons qui désirent secrètement
être
mangés. Nous devons être ici fidèles à notre vocation d’intellectuels
217
qui désirent secrètement être mangés. Nous devons
être
ici fidèles à notre vocation d’intellectuels : ce sera notre efficaci
218
ici fidèles à notre vocation d’intellectuels : ce
sera
notre efficacité la plus certaine. Notre manière à nous de défendre l
219
. Notre manière à nous de défendre la liberté, ce
sera
d’opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessair
220
saires pour combattre la propagande des loups. Ce
sera
de nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même
221
rès pour la liberté de la culture, dont Rougemont
est
le président du comité exécutif. Des extraits de ce discours ont été
222
comité exécutif. Des extraits de ce discours ont
été
publiés dans Preuves et dans la brochure Les Libertés que nous pou
223
ricains. J’entends répéter partout que l’Amérique
est
une nation intégralement matérialiste, et qu’au fond sa vraie religio
224
ent matérialiste, et qu’au fond sa vraie religion
est
le culte du dieu Dollar. Qu’il y ait dans ce jugement courant un peu
225
remontant les grandes avenues de Manhattan, j’ai
été
frappé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architec
226
aute que les gratte-ciel, évidemment, ces églises
sont
cependant beaucoup plus vastes que la plupart de nos édifices religie
227
met d’une colline de granit qui démine Manhattan,
sera
même la plus grande cathédrale du monde, lorsque ses tours seront ach
228
lus grande cathédrale du monde, lorsque ses tours
seront
achevées. Allez maintenant dans les campagnes de la Nouvelle-Angleter
229
ans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre. Vous
êtes
accueilli à l’entrée des villages par des panneaux-réclame souhaitant
230
luthérien ou presbytérien. Et toutes ces églises
sont
pleines, chaque dimanche. Voici un petit trait bien significatif : ch
231
uide de quartier, d’aspect commercial. Une page y
est
réservée aux églises. Je lis en tête : « Préservez votre privilège am
232
des soirées dansantes), annonces des services qui
seront
célébrés de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénom
233
e la religion dans la vie quotidienne américaine,
soit
qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ?
234
N’oublions pas, en effet, que les États-Unis ont
été
peuplés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés d’Eur
235
ère social très accentué, et que leur vie civique
fut
étroitement déterminée par la théologie de leurs églises diverses. No
236
t de confessions différentes aux États-Unis, cela
tient
surtout aux origines très variées des colons : un luthérien parce qu’
237
ision entre le trône et l’autel. L’État américain
est
parfaitement laïc, mais la plupart des gouvernants sont inspirés par
238
arfaitement laïc, mais la plupart des gouvernants
sont
inspirés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence de l’indépenda
239
velt a tant tardé à entrer dans la guerre, et n’y
est
même entré que forcé par l’attaque japonaise à Pearl Harbour, ce fait
240
par l’attaque japonaise à Pearl Harbour, ce fait
est
dû en bonne partie à la résistance que l’Église méthodiste, la plus n
241
es, révisant leur position, l’y ont engagé. Il ne
serait
pas possible, aujourd’hui encore, de gouverner les États-Unis contre
242
e de la politique américaine. Certes, un Européen
sera
tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civique, pl
243
n sera tenté de juger que la religion en Amérique
est
une morale civique, plus qu’une mystique. L’Américain tend à ramener
244
nous faut reconnaître que cette piété américaine
est
mieux incarnée que la nôtre dans la vie quotidienne et dans la vie pu
245
acité morale, comment choisir ? Le mieux, certes,
serait
d’échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit
246
s exacte peut seule conduire à cette synthèse qui
serait
le salut de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapusc
247
ure. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en
est
pas un, au sens habituel du terme, qui évoque des discours, des banqu
248
rivains, des journalistes et des savants. Son but
est
simple : animer une action de résistance méthodique à toutes les form
249
se névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’
est
en réalité l’État totalitaire. On nous a souvent dit : « C’est très b
250
ès bien de se défendre, mais la meilleure défense
est
encore l’offensive. Ne soyez pas uniquement négatifs, ne soyez pas se
251
s la meilleure défense est encore l’offensive. Ne
soyez
pas uniquement négatifs, ne soyez pas seulement anti ! » Il nous sera
252
l’offensive. Ne soyez pas uniquement négatifs, ne
soyez
pas seulement anti ! » Il nous serait facile de répondre par l’exempl
253
négatifs, ne soyez pas seulement anti ! » Il nous
serait
facile de répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la ma
254
cile de répondre par l’exemple des médecins : ils
sont
contre la maladie, ils sont anti ; mais peut-on dire que leur activit
255
le des médecins : ils sont contre la maladie, ils
sont
anti ; mais peut-on dire que leur activité demeure uniquement négativ
256
activité demeure uniquement négative ? Une chose
est
vraie cependant : dénoncer le mal ne suffit pas à le guérir. Le monde
257
e mal ne suffit pas à le guérir. Le monde moderne
étant
menacé par une espèce de maladie psychique, il convient avant tout de
258
l’espoir d’un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’
est
pas tout. Notre époque a créé tant de formes, inventé tant de styles
259
du romantisme, du pleinairisme, du réalisme, qui
furent
les grandes révolutions du siècle dernier, on lui propose la peinture
260
e contraire d’un art, et c’est la preuve que nous
sommes
en pleine décadence. D’autres lui disent, bien au contraire : — jamai
261
’autres merveilles contemporaines, c’est que vous
êtes
un affreux bourgeois, largement dépassé par le Progrès ! Décadence ou
262
Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine d’
être
attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les grandes
263
? Le sujet vaut la peine d’être attaqué, et il n’
est
pas du tout abstrait : à l’heure où les grandes dictatures raillent n
264
e (sous peine de mort) du « réalisme socialiste »
est
notre avenir. C’est pourquoi nous avons convoqué les meilleurs écriva
265
ustrées par l’exposition. Deux grands thèmes ont
été
proposés, visant l’actualité la plus brûlante : Isolement et communic
266
accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne
fut
plus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen.
267
disque et le digest, le cinéma et la télévision,
sont
-ils vraiment des moyens de culture, ou bien des servitudes intolérabl
268
confiance ou méfiance, ils triomphent partout. N’
est
-il pas temps de discuter franchement cette question d’intérêt général
269
s de la révolte et de la communion nécessaire. Il
est
admis depuis cent cinquante ans que l’artiste, l’écrivain, le grand p
270
e ans que l’artiste, l’écrivain, le grand penseur
est
un accusateur public, un révolté, un révolutionnaire ou un bizarre, e
271
idéaux et nos réalités ? Ces questions capitales
seront
soumises à soixante hommes et femmes qui représentent la pensée créat
272
Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qui
sont
chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la sal
273
de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce
sont
André Malraux, William Faulkner, Ignazio Silone1, et Salvador de Mada
274
ir. 1. [NDE] Une note manuscrite indique : « Ce
sera
W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
275
édérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que
fut
prise la décision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Eur
276
alistes, et quelques bonnes têtes politiques : ce
fut
le congrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La
277
ésidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye
fut
un succès retentissant. Des débats et des décisions de ce congrès san
278
ats et des décisions de ce congrès sans précédent
sont
nés : le Collège d’Europe à Bruges, le Centre européen de la culture
279
de l’homme, et celui d’un Conseil de l’Europe. Ce
furent
les commissions constituées à La Haye qui réalisèrent tous ces plans,
280
lans, dans des délais remarquablement réduits. Ce
fut
une délégation du congrès qui présenta aux gouvernements la requête t
281
olution dont je viens de retracer les étapes peut
être
résumée de deux manières très différentes, comme on va le voir. On pe
282
atale, ou progrès continu ? Les deux descriptions
sont
exactes, encore qu’elles apparaissent contradictoires. Le fait est qu
283
re qu’elles apparaissent contradictoires. Le fait
est
que le grand public et la grande presse parlent aujourd’hui de l’Euro
284
hui de l’Europe, parce que le problème européen a
été
posé aux parlements par quelques hommes d’État lucides et courageux e
285
ux et par les mouvements de militantsh. Mais ce n’
est
pas le grand public et la grande presse qui ont imposé le problème eu
286
nt, et plus généralement, sans bien savoir ce qui
est
en jeu. Tout le monde prend position pour ou contre la CED, mais pres
287
ED, mais presque personne n’a lu le traité. Telle
est
la raison de la crise qui affecte non seulement la construction de l’
288
sens. Ils ont pensé que l’éducation et la culture
étaient
un luxe, une perte de temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’
289
urope a perdu l’hégémonie mondiale ; et qu’elle n’
est
plus menacée par les uhlans de Bismarck, mais bien par l’empire commu
290
tion scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui
sont
des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de cro
291
n, une inconscience, une inertie de l’esprit. Tel
étant
le premier et le plus grand obstacle, la seule politique réaliste ser
292
plus grand obstacle, la seule politique réaliste
sera
celle qui commencera par réduire cet obstacle ; celle donc qui commen
293
n’a voulu jusqu’ici prendre au sérieux. « La CED
est
morte ! Vive l’armée allemande ! » s’écrieront peut-être demain les c
294
l’Europe des marchandages politico-nationalistes
est
morte ? Vive notre chance de commencer l’Europe réelle ! g. Édition
295
ougemont au Forum européen d’Alpbach, auquel il s’
est
rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé
296
L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)i Il
est
bien naturel de souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusi
297
, ou au moins par un manifeste. Et pourtant, ce n’
était
pas notre but cette fois-ci. Nous l’avons expliqué sans équivoque dan
298
ues lignes : La conférence que nous organisons n’
est
pas conçue comme une manifestation, mais plutôt comme un séminaire de
299
monde communiste et dans le monde libre, ils ont
été
, me semble-t-il, très remarquablement élucidés. Dans ce domaine, la c
300
la substance sinon la forme exacte : Quelles que
soient
vos institutions, vous n’aurez pas de liberté si vous n’avez pas des
301
nt aux meilleures garanties de liberté. Or, s’il
est
vrai que de mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’
302
, et par suite, pas de liberté. La seconde raison
est
celle qu’indiquait Bernanos : c’est que les meilleures institutions d
303
monde libre ? J’en vois deux. La plus apparentée
est
celle qui a été illustrée par la Révolution française. La Déclaration
304
’en vois deux. La plus apparentée est celle qui a
été
illustrée par la Révolution française. La Déclaration des droits de l
305
l s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’
est
arrêtée dans son expansion naturelle que par les revendications égale
306
t enracinée dans l’homme. Pour elle, la liberté n’
est
pas seulement un droit, mais l’essence même de l’homme en tant qu’hum
307
Dans la mesure où j’y crois, les autres hommes ne
sont
plus des « voisins inévitables » dont l’existence gène et limite ma l
308
t l’existence gène et limite ma liberté, mais ils
sont
au contraire des prochains, que je puis aider et qui peuvent m’aider
309
liberté parce que sans elle, ma propre liberté ne
sera
jamais que mon égoïsme, mon impérialisme déchaîné ou réfréné, c’est-à
310
sement. Selon cette seconde tradition, la liberté
est
quelque chose qui se démontre et se manifeste avant tout dans l’acte
311
ider les autres à devenir libres. Cette tradition
est
celle des plus hautes religions de nos différents continents. En elle
312
justifier les bûchers et les persécutions. Je ne
suis
pas non plus l’avocat d’une sacralisation de la société ni surtout de
313
urement rationaliste, mais dont l’appel, en fait,
est
de nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous
314
e, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous
serions
insensés de ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces
315
ion totalitaire au gouvernement des esprits. Nous
serions
insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous s
316
voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous
sommes
des incroyants, que l’avenir de la liberté, s’il dépend vraiment des
317
beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux,
tiennent
pour la forme originelle et le but suprême de la recherche de la véri
318
déclarent incroyants. Cela ne signifie pas qu’ils
soient
sortis de l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pa
319
s devons accepter avec confiance, — cette passion
sera
plus forte que tous les arguments. Certes, les arguments de la raison
320
les arguments de la raison et de la science nous
sont
absolument indispensables, et nous n’en manquerons pas — surtout aprè
321
arbares ; et que Byzance en avait tant qu’elle en
est
morte. i. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à la
322
ux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quand ce ne
serait
que cela, ce ne serait pas si mal. La courtoisie n’est pas fréquente
323
es-vous ? Hé ! quand ce ne serait que cela, ce ne
serait
pas si mal. La courtoisie n’est pas fréquente dans notre monde du xx
324
ue cela, ce ne serait pas si mal. La courtoisie n’
est
pas fréquente dans notre monde du xx e siècle. Elle est tout aussi né
325
s fréquente dans notre monde du xx e siècle. Elle
est
tout aussi nécessaire à la vie en commun que l’huile à la machine. Ma
326
vous formulez pour vous-mêmes, aujourd’hui. Quels
sont
vos souhaits ? Qu’attendez-vous de l’année qui vient ? Vous me direz,
327
s de l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous
êtes
sincères — : la santé, une augmentation de salaire, un enfant de plus
328
’on désire mieux vivre, c’est bien clair. Mais qu’
est
-ce que cela, mieux vivre ? Vous me répondez sans doute : c’est avoir
329
, et un poste de télévision. Cercle vicieux. Vous
êtes
sincères. Et cependant je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fon
330
et vous en connaissez, pour qui le but de la vie
est
seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat,
331
elque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui
soit
mieux, qui soit meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a,
332
ouveau, il ne sait quoi, mais qui soit mieux, qui
soit
meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il
333
eur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à
être
ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’i
334
plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il
est
, à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’il veut faire.
335
pparemment « matérialistes ». Or, on n’aime guère
être
traité de matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin,
336
e être traité de matérialiste. On sent bien qu’on
est
autre chose, — enfin, qu’on n’est pas seulement cela… Mais on ne sait
337
sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’
est
pas seulement cela… Mais on ne sait pas le dire, on reste dans le vag
338
globale et finale. Elle voulait quelque chose qui
fût
au-delà de toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà
339
le monde et l’inconnu. Et c’est pourquoi sa faim
était
inextinguible. Cette baleine est très russe, évidemment. Elle ne conn
340
urquoi sa faim était inextinguible. Cette baleine
est
très russe, évidemment. Elle ne connaît aucune mesure. Elle veut tout
341
and, à ne pas nous borner dans nos souhaits. (Ils
sont
déjà suffisamment déçus ou limités par la réalité !) « Demandez, et l
342
conomie mais bien plus encore pour nos âmes. Cela
tient
peut-être au fait que nous sommes trop serrés dans un pays où tout se
343
r nos âmes. Cela tient peut-être au fait que nous
sommes
trop serrés dans un pays où tout se touche, et par suite, trop préocc
344
rop préoccupés du voisin et de son jugement. Cela
tient
peut-être aussi au fait que nous sommes neutres. Saisissons l’occasio
345
ment. Cela tient peut-être aussi au fait que nous
sommes
neutres. Saisissons l’occasion de le répéter ici : la neutralité mili
346
souhaits trop courts et trop mesquins. Ah ! ce n’
est
pas le rouge du sang et de la violence qui figure notre tentation ! C
347
de la violence qui figure notre tentation ! Ce n’
est
pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes de l’Occident — nous
348
paraît, nous n’aurons jamais assez faim ! La faim
est
un tyran pour l’Asiatique, mais pour nous, ce doit être une vocation.
349
n tyran pour l’Asiatique, mais pour nous, ce doit
être
une vocation. Mais de quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parl
350
m de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne
serait
jamais comblée par des nourritures abondantes, mais bien d’une faim q
351
berté, la plénitude du sens et de l’amour, qui ne
sont
pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc assez « matérialiste
352
our, qui ne sont pas des choses mais la réalité !
Était
-elle donc assez « matérialiste » notre baleine, qui ne pensait qu’à m
353
l ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain — d’
être
un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de comprendre
354
subsistance ou durée, un peu plus, si peu que ce
soit
, et si peu clair que cela paraisse — je dis qu’il attend tout, et qu’
355
s qu’il se souhaite un poste de radio. « Un poste
est
un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’en veux un moi aussi. C
356
que je ne sais pas ce que je veux. » Pourtant, il
est
bien clair qu’il ne le sait pas. Car un poste après tout, ce n’est qu
357
’il ne le sait pas. Car un poste après tout, ce n’
est
qu’une caisse en bois avec des bouts de métal dedans. Ce que notre ho
358
différents. Or il s’agit de deux types d’hommes.
Étant
hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent réellement les
359
Le premier ne sait pas dire ce qu’il veut, car il
est
clair qu’il ne veut pas seulement une petite caisse. Le second sait c
360
, les deux veulent une seule et même chose, qui n’
est
même pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but d
361
me pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui
est
le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vra
362
aines de millions d’hommes affamés. Tout cela qui
est
presque mûr, et va se réaliser, nous promet un avenir où l’homme, enf
363
l mécanique et de ses servitudes inhumaines. Ce n’
est
pas un rêve : de grands économistes ont calculé que les quantités éno
364
grand problème et le principal de la vie. Ceci n’
est
pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera donc réalisé. À une
365
’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci
sera
donc réalisé. À une seule condition, toutefois : c’est que nous sauvi
366
tous la paix, nous avons faim de paix, et la paix
est
le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit de l
367
our prévenir le conflit latent entre le bloc de l’
Est
et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe unie,
368
ès grand but, très difficile à réaliser, mais qui
est
la condition d’un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi l
369
rquoi les Suisses se diraient-ils toujours : nous
sommes
trop petits, nous ne pouvons rien y faire ? Oui, je le sais, nous som
370
s ne pouvons rien y faire ? Oui, je le sais, nous
sommes
neutres. Mais nous n’en faisons pas moins partie du genre humain, et
371
uples la voudront. Il ne faut pas que les Suisses
soient
les derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de
372
ifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte a
été
expédié le 9 décembre 1955 au journal Die Woche (Zurich).
373
l’Europe, que le métier d’un président de séance
est
aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écouter tout ce
374
t de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il
est
contre nature d’écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits su
375
d’aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il
est
plus amusant d’enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit,
376
r que celui de suggérer des noms — le choix final
étant
du ressort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque tr
377
illustrations de cette communauté de culture qui
était
notre thème général. Je guettais, le crayon lové, les propositions in
378
r cette grande prise de conscience de ce qui nous
est
commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendr
379
idée européenne ». Tout autre chose se produisit.
Était
-ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissai
380
ns notre affaire, de propagande mais de science ;
était
-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous le signe du pru
381
e sens dans le leur, et que les mesures proposées
étaient
au moins prématurées, à moins qu’elles ne fussent trop tardives. Tant
382
étaient au moins prématurées, à moins qu’elles ne
fussent
trop tardives. Tant qu’à la fin l’on se trouvait amené à se demander,
383
opéenne correspondait vraiment à une réalité ou n’
était
qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus euro
384
t qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’
est
rien de plus européen que ces doutes et ce scepticisme, cette manière
385
ultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à
tenir
leur différence pour l’essentiel, quitte à négliger le banal, ce qui
386
r l’essentiel, quitte à négliger le banal, ce qui
est
admis par tous et qui va donc sans dire : j’entends par là ces éviden
387
t par là l’un de ces grands traits communs qu’ils
étaient
occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’est-il pas justemen
388
occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’
est
-il pas justement ce que l’immense majorité des hommes d’Europe ont en
389
etiens, je notai cette définition : l’Européen ne
serait
-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
390
opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le
soit
, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel qu’
391
’il le soit, et prétend au contraire s’identifier
soit
avec l’homme universel qu’il imagine, soit avec l’une des composantes
392
tifier soit avec l’homme universel qu’il imagine,
soit
avec l’une des composantes locales du grand complexe européen, dont i
393
auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il
était
fort loin de partager les illusions du « mysticisme européen » : il s
394
culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous
fûmes
assez sportifs pour nous féliciter d’un tel challenge, et l’on va voi
395
et les mesures d’union qu’elle permet, que s’il n’
est
plus aucun moyen de les éviter. D’où, je l’espère, une force convainc
396
ur présente un dossier sobre et détaillé, et l’on
est
sûr par le souci de ne négliger aucune des objections possibles, loin
397
ais et les Suisses, les Suédois et les Castillans
sont
vus comme des Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout
398
ent au regard des autres. Vue du dehors, l’Europe
est
évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précision qu
399
doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il
est
bien « dangereux » d’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux
400
ien « dangereux » d’écrire cela, je réponds qu’il
est
plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que
401
e ou scientifique à l’Europe qu’il faudrait unir,
sont
bien souvent les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’on ne peu
402
assant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui
est
l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mai
403
nvoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’
est
qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cul
404
s. Or il se trouve que l’argument, précisément, n’
est
pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au pla
405
t pas soutenable au plan de la nation. Comment le
serait
-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes
406
es différences. (Encore que les écoles d’État s’y
soient
efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de p
407
rope, et les dangers qu’on redoute de cette union
sont
également imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle
408
refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que
soient
les contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’en reste pas
409
oirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il
serait
tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan milléna
410
cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne
serait
donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion
411
it donc définissable que par sa culture, qui ne l’
est
guère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il
412
t le lecteur s’inquiète : il sent vaguement qu’il
est
en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, s
413
Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’
est
pas une entité, mais une pure et simple « expression ». En effet, sel
414
que dans l’espace… On a voulu que l’Empire romain
fût
une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenha
415
cluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
tient
que l’Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celu
416
Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous
est
pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne serait-elle donc pas
417
t pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne
serait
-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date d
418
’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
est
-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou
419
mande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où
fut
écrite la première page, posée la première touche, noté son premier a
420
uvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre
est
là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une inventio
421
congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe
est
née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus d
422
ssus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen
est
d’un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lend
423
ise de conscience d’une entité européenne ne peut
être
attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 : les premier
424
cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui
est
encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté a
425
telle, et (ce qui est encore plus important) ils
étaient
le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique d
426
uropa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
fut
d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomini, puis
427
aguère avec éclat par Valéry. 6. Mais les nations
sont
venues se constituer, à partir du xviii e siècle. On nous rappelle, n
428
ppelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’elles
sont
la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même « éternelles » dans
429
guant non seulement de ce qu’une pareille culture
est
difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’im
430
tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles
seraient
bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la cultu
431
ement européenne ou non, la culture des Européens
est
tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-nati
432
emier coup que les réalités décisives ont cessé d’
être
« nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques, se d
433
ier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale
soit
forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien s
434
urope. Que l’idée nationale soit forte encore, il
serait
absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrai
435
riotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’
est
pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation cu
436
me politique. La patrie n’est pas la nation, elle
est
en général beaucoup plus petite. La nation culturelle n’est pas l’Éta
437
éral beaucoup plus petite. La nation culturelle n’
est
pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on conf
438
tite. La nation culturelle n’est pas l’État, elle
est
en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie, Éta
439
ait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle
est
née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes ra
440
ur former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui
est
vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces n
441
? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste
est
mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une
442
nes, voilà qui est vrai, le reste est mythe… ») N’
est
-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
443
re voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
serait
seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en
444
sacrifierait » que l’illusoire, j’entends ce qui
est
déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour aut
445
est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait
être
récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la féd
446
ui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce
soit
désirable — qu’au niveau de la fédération : la souveraineté peut-être
447
a fédération : la souveraineté peut-être (si elle
est
le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’e
448
abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle
est
le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout ce
449
ste, plus ancien, et plus fort désormais que ne l’
est
aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’h
450
t aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’
est
encore, aujourd’hui, qu’un fait de « culture » au sens large. Prendre
451
ce qu’elle requiert. Mais la condition suffisante
sera
donnée par d’autres efforts. 9. Nous débouchons ici dans le domaine p
452
s débouchons ici dans le domaine politique, qui n’
est
autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un g
453
e d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait
être
défini par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un sys
454
comme on vient de l’indiquer, le rapport devrait
être
analogue au rapport entre forme et contenu. Une politique d’union ne
455
lle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne
sera
valable que si elle exprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y
456
une union authentiquement européenne, ne saurait
être
que fédéraliste. En effet, nos diversités constituant le ressort prin
457
e ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de
tenir
le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byzance.
458
sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe
fut
le refus d’un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Consta
459
refusant de faire le pool patriotique des faibles
sommes
qui iraient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’
460
s sommes qui iraient assurer leur salut. L’assaut
fut
décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits
461
saut fut décidé après des mois d’attente. Byzance
fut
mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à p
462
s richesses de Byzance, enfin « mises en commun »
furent
emportées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ro
463
erté et littérature (août 1958)l 1. La liberté
est
un problème pour l’homme d’aujourd’hui : a) parce que, dans son sens
464
: a) parce que, dans son sens philosophique, elle
est
mise en question par une conception généralement scientiste et parfoi
465
nsée. b) parce que, dans son sens politique, elle
est
brutalement reniée par les régimes totalitaires, mais en même temps d
466
tre (la liberté philosophique de l’homme). Rien n’
est
démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de c
467
me). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout
est
affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se disp
468
pour savoir si l’homme descend du singe ou s’il a
été
créé par Dieu : on a raison des deux côtés. Ceux qui prétendent qu’il
469
descendent réellement. Ceux qui prétendent avoir
été
créés par Dieu, ont été créés par Dieu. Mon sujet sera b), c’est-à-di
470
Ceux qui prétendent avoir été créés par Dieu, ont
été
créés par Dieu. Mon sujet sera b), c’est-à-dire : les relations entre
471
créés par Dieu, ont été créés par Dieu. Mon sujet
sera
b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté d’expression et la
472
censure équivalent alors à la peine de mort, qui
est
la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement
473
st la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’
est
pas nécessairement vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes de
474
de la littérature, d’un épuisement du roman (qui
est
justement le genre le plus « libre »), de la dissolution des formes,
475
au maximum de liberté d’expression qui ait jamais
été
atteint par l’humanité correspond le maximum de décadence des formes,
476
jet et le sujet de la littérature. La liberté n’y
était
pas un problème ; chacun savait qu’elle consistait à lutter contre de
477
ntre des entraves réelles, dogmes et tabous. Elle
était
donc une activité libératrice autant qu’ordonnatrice. Elle était atta
478
activité libératrice autant qu’ordonnatrice. Elle
était
attaquée ou aimée comme telle. 4. Ici pourrait se placer un essai (qu
479
a Dame aimée représente la divinité. Notre poésie
est
née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la
480
s grands personnages de l’époque par des noms qui
sont
des « mots porte-manteau » à la Lewis Carroll et à la Joyce, jouant s
481
de ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui
sont
le meilleur de son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de
482
un catalogue complet des moyens de tout dire sans
être
passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den
483
t parler d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’
est
pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modér
484
i au pouvoir). Et dès que l’on cède si peu que ce
soit
des libertés conquises, on accepte la dictature. Mais je constate que
485
ais je constate que la vitalité de la littérature
est
liée à l’existence de certaines résistances provoquant au courage, à
486
comme jouissance de libertés toutes faites. Elle
est
libre non pas dans la mesure où elle a le droit de dire n’importe quo
487
niquant ainsi à ses lecteurs le courage dont elle
est
née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La
488
e de l’acte même de sa création. 6. La question n’
est
plus de savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais
489
, que rencontre la création, et qui la stimulent,
sont
nouvelles. Nous devons d’abord les déceler et les définir, et c’est s
490
et peut s’appuyer. La plus immédiatement visible
est
de nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons to
491
. Ils nous conseillent d’écrire un roman, si nous
sommes
essayistes, ou d’écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si
492
mes essayistes, ou d’écrire un roman du genre qui
est
censé se vendre, si nous sommes romanciers. Or nous avons d’autres su
493
n roman du genre qui est censé se vendre, si nous
sommes
romanciers. Or nous avons d’autres sujets en tête et un autre style.
494
médiat. 7. Mais surtout : dans une époque où tout
est
permis, l’action libératrice de la littérature consistera à recréer u
495
: la vraie liberté de la littérature ne peut lui
être
donnée ou garantie utilement par l’État. Elle consiste à inventer l’h
496
elle retrouvera un style, une forme (toute forme
étant
la résultante incarnée d’une poussée et d’une résistance), par suite
497
ué les grandes époques. Écrivons donc ce que nous
sommes
le seul à pouvoir dire : ce sera notre engagement le plus valable, et
498
nc ce que nous sommes le seul à pouvoir dire : ce
sera
notre engagement le plus valable, et le meilleur service que nous aur
499
nauté locale ou idéologique sans laquelle nous ne
serions
pas, mais qui, sans notre action tantôt ordonnatrice, tantôt libératr
500
lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougemont
était
un participant régulier, à la fin du mois d’août 1958.
501
tre même que l’on m’a proposé pour cette causerie
est
dangereux. Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit de mes au
502
et fausse : l’image d’une Suisse dont la culture
serait
composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comm
503
cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe
serait
une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2
504
raisons suivantes : primo, la culture en Suisse n’
est
pas un phénomène cantonal, et secundo, la culture européenne n’est pa
505
ène cantonal, et secundo, la culture européenne n’
est
pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous sur
506
Ce qu’on appelle couramment « culture nationale »
est
un mythe purement verbal. C’est un découpage abstrait pratiqué (selon
507
le grand corps de la culture européenne, laquelle
est
beaucoup plus ancienne que toutes nos nations, sans exception, étant
508
ancienne que toutes nos nations, sans exception,
étant
l’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je vo
509
aucun de ces éléments qui composent la culture n’
est
national, par quoi je veux dire qu’aucun d’eux ne peut être étudié en
510
nal, par quoi je veux dire qu’aucun d’eux ne peut
être
étudié en soi et dans son évolution historique, à l’intérieur des fro
511
a peinture, la musique, la littérature même — qui
tient
pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers sim
512
ême — qui tient pourtant de si près aux langues —
sont
nées dans plusieurs foyers simultanés ou successifs en Europe, se son
513
urs foyers simultanés ou successifs en Europe, se
sont
transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, on
514
plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui
est
aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie — , qu’elle
515
ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’
était
pas l’Italie — , qu’elle se transporte dans les Flandres en suivant l
516
mposition ; et que finalement, au xx e siècle, ce
sont
des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui revienn
517
otre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture
est
à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de
518
e la musique si tu veux. » Quant aux sciences, il
serait
simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La s
519
ications universelles. Mais, me direz-vous, qu’en
est
-il de nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels
520
s avons de nations, ou à peu près ; que la nation
est
définie d’abord par une langue ; et que d’autre part, il y a identité
521
ctionnaire. En France, par exemple — et la France
est
le type même de la nation — , on parle au moins sept langues différen
522
l, l’arabe et l’italien. En revanche, le français
est
parlé dans trois ou quatre autres pays que la France. Et l’allemand n
523
définit nullement la nation allemande, puisqu’il
est
parlé dans au moins sept autres pays que la République fédérale allem
524
res pays que la République fédérale allemande. Il
est
parlé naturellement dans l’Allemagne de l’Est, mais aussi en Suisse,
525
Européens, commune par ses grandes origines, qui
sont
gréco-latines et chrétiennes, et auxquelles se sont mêlés plus tard,
526
nt gréco-latines et chrétiennes, et auxquelles se
sont
mêlés plus tard, dès avant notre Moyen Âge, des éléments celtes, germ
527
on les régions et selon les époques, et dont nous
sommes
tous nourris, et dans laquelle nous pouvons tous puiser librement ce
528
ariée, mais cependant commune — si je n’ai jamais
été
victime de l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultu
529
de nations marquées en couleur sur la carte — , n’
est
-ce pas tout simplement parce que je suis né en Suisse, — et parce que
530
rte — , n’est-ce pas tout simplement parce que je
suis
né en Suisse, — et parce que c’est en Suisse que j’ai commencé à déco
531
ières de notre Confédération, telles qu’elles ont
été
établies en 1848. Nous savons bien que la culture que nous avons reçu
532
ue nous avons reçue et dans laquelle nous vivons,
est
beaucoup plus ancienne que notre État fédéral, qui n’a que 111 ans. P
533
, nous relevons d’un même État suisse, quelle que
soit
notre langue. Culturellement, nous relevons directement de cet ensemb
534
n que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture,
est
tout naturellement Européen, résume en lui les héritages variés qui c
535
qu’homme de culture, — ce que chaque Suisse doit
être
, bien entendu ! Je devrais ici vous donner des exemples pris dans nos
536
nt ou un Robert de Traz, un Francesco Chiesa, ont
été
nourris de plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parc
537
ons culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils
étaient
nés au confluent de diverses écoles, tendances et styles, qui les rel
538
e que c’est celui que je connais le moins mal. Je
suis
né à Neuchâtel, et toutes mes traditions familiales, civiques et reli
539
es traditions familiales, civiques et religieuses
sont
neuchâteloises. Mais il serait excessif de prétendre que le petit can
540
iques et religieuses sont neuchâteloises. Mais il
serait
excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à
541
dans le vaste ensemble européen ! Non, Neuchâtel
est
proche de la France et de l’Allemagne, et participe des courants les
542
ières influences que j’ai subies, comme écrivain,
étaient
évidemment françaises pour ce qui a trait à la langue : Arthur Rimbau
543
igieux, je dépendais du domaine protestant, qui n’
est
pas d’origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomèn
544
d’origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui
est
un phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon m
545
ns cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître
fut
Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvr
546
Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je me
suis
nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. El
547
grands privilèges des Suisses. Nous nous trouvons
être
, dans ce pays, quel que soit notre canton d’origine, ou notre langue,
548
. Nous nous trouvons être, dans ce pays, quel que
soit
notre canton d’origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe
549
, il en va de même dans le domaine culturel. Nous
sommes
, nous Suisses, immédiats à l’Europe, nous ne pouvons être que des Eur
550
us Suisses, immédiats à l’Europe, nous ne pouvons
être
que des Européens, quand il s’agit de culture et non point de politiq
551
politique, de droit de vote ou de passeport. Nous
sommes
immédiatement européens, et comme condamnés à l’Europe, n’étant pas e
552
ement européens, et comme condamnés à l’Europe, n’
étant
pas enfermés dès la naissance dans les illusions et les mythes de ce
553
ale ». Et dans ce sens, nous autres Suisses, nous
sommes
vraiment des microcosmes de la culture européenne — de même que nous
554
se réalisera. La seule question que j’envisagerai
est
celle des conséquences à prévoir de l’automation idéalement réalisée
555
nt réalisée dans tous les domaines où elle peut l’
être
. Cela revient à poser la question des fins humaines de la technique,
556
pris son essor. Quand la « classe ouvrière » aura
été
dissoute en tant que classe par les effets de l’automation (une parti
557
es effets de l’automation (une partie des emplois
étant
supprimée, une autre passant au secteur tertiaire, une minorité de tr
558
lleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant
être
d’ailleurs relevée par un service du travail temporaire, analogue au
559
Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne
sera
plus un mythe exaltant pour les « masses ouvrières » — qui n’existero
560
II. Le produit final de la technique automatisée
sera
le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures
561
ous-produit de la technique, dont le but immédiat
était
d’accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant n
562
n-travail, de l’occuper en s’occupant eux-mêmes :
soit
par un travail créateur (artisanal ou artistique), par une seconde pr
563
par une seconde profession, ou par un « hobby »,
soit
en vivant une vie intérieure, intellectuelle et émotive plus riche et
564
s possibles (quantitatifs), mais moins les hommes
seront
préparés à en user. Et d’autre part, la formation de plus en plus spé
565
de notre civilisation. Car l’invention technique
est
moins le fait des techniciens purs que des « amateurs », des esprits
566
tes de la science et de l’imagination, lesquelles
sont
nourries à leur tour par l’ensemble des forces créatrices de notre cu
567
deux extrémités : l’âge de la retraite tendant à
être
abaissé sans cesse, tandis que la moyenne de vie s’élève rapidement (
568
ns). La carrière d’un travailleur au xix e siècle
était
à peu près la suivante : période d’éducation et d’instruction : 15 an
569
e les tendances actuelles se confirment (ce qui n’
est
d’ailleurs pas certain — à cause du tiers-monde à équiper et à nourri
570
lèmes de culture (au sens le plus large du terme)
seront
alors les plus importants, ils intéresseront la plus large part de la
571
tale et le but de l’existence. III. La technique,
étant
le produit le plus facilement exportable de notre civilisation, va mo
572
e telle que la fonction de l’Europe dans le monde
sera
radicalement remise en question. Deux constatations préalables : 1°
573
tions préalables : 1° En Europe, le niveau de vie
est
assez élevé pour que les nouveaux progrès de la technique aient pour
574
onnés par une longue hérédité de travail acharné,
sont
les moins faits pour supporter l’inaction, ou s’y résigner facilement
575
n, ou s’y résigner facilement. À leurs yeux, elle
est
bonne pour les vieux, les incapables, les fainéants, ou les jouisseur
576
ation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie
est
si bas, relativement à l’Occident, et l’accroissement de la populatio
577
ment de la population si rapide, que la technique
est
d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moy
578
d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle
sera
ensuite le moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’écono
579
aires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de
tenir
un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellisés par
580
ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils
sont
tous destinés à traverser une période d’industrialisation et de techn
581
s-monde pourraient passer du stade arriéré où ils
sont
à un stade de productivité très haute, en sautant le stade ouvriérist
582
ltats de la technique, non ses conditions. Ils ne
sont
pas prêts à l’effort qu’ont fourni les travailleurs occidentaux duran
583
que leur adaptation au monde technique ne pourra
être
obtenue que par la force (régimes de dictature communiste), ou en plu
584
les crises profondes créées par notre technique,
sera
perdue. IV. L’Europe, qui a créé la technique grâce à son éthique du
585
plus dissocier travail et loisir. Plus le travail
est
personnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas de l’artiste ;
586
ngue du jeu créateur : cas de l’artiste ; plus il
est
machinal, plus il contraste avec le loisir, et plus il rend l’individ
587
seule pourra le promouvoir. La culture européenne
est
faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conse
588
a technique industrielle, née en Europe — et ce n’
est
pas un hasard — , n’a jamais pu s’y développer sur table rase, comme
589
Elle a dû surmonter beaucoup de résistances, et s’
est
donc intégrée lentement aux mœurs, aux structures sociales et politiq
590
la productivité et la faculté de jouir de ce qui
est
produit, l’effort et la détente, la planification et la spontanéité,
591
té, l’action et la méditation. Le but de la vie n’
est
pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équil
592
le corporel, l’animique et le spirituel. L’Europe
étant
la mieux placée pour intégrer la technique et ses dons, doit au monde
593
mber dans les plus curieuses contradictions. Il n’
est
qu’une péninsule de médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme
594
empires, comme le répètent les journaux. Mais il
est
, à lui seul, plus peuplé que les deux Grands additionnés. Il est en t
595
, plus peuplé que les deux Grands additionnés. Il
est
en train de se faire, comme on le dit à Strasbourg, à Luxembourg et à
596
i qui a découvert la Terre entière, et personne n’
est
venu le découvrir. Il est donc temps de nous mettre à sa recherche, d
597
entière, et personne n’est venu le découvrir. Il
est
donc temps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire
598
stoire de notre Europe, depuis trois millénaires,
est
celle d’un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre
599
d’un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe
était
le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même
600
ope était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui
fut
enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un taureau blanc. Conduite
601
lle y fonda la dynastie des Minoens. Puis son nom
fut
donné par les Grecs aux terres mal connues du Couchant, et c’était bi
602
e, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure
est
-elle consciente d’elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, rel
603
d, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous
sommes
à la fin du viii e siècle. Peu après, Charlemagne se fait sacrer à Ro
604
ourant civilisateur venu d’Orient vers l’Occident
sera
filtré ou arrêté par le barrage de l’islam. Sur la péninsule enfermée
605
élance. Les hommes et les bateaux suivront. Et ce
sera
le départ pour l’aventure mondiale, au matin de Palos de Moguer : déc
606
mencent à contester les droits mondiaux qu’elle s’
était
arrogés sans scrupules au temps de sa plus grande vitalité. Divisée c
607
stade ultime de la rigidité totalitaire, et c’en
sera
fait de son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, e
608
Proche-Orient. La voilà donc réduite à ce qu’elle
était
au départ de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la cart
609
épart de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle
est
sur la carte et même à moins : car elle a perdu la Russie et une diza
610
erdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’
Est
. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice univers
611
la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est.
Serait
-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? B
612
icitent leur entrée dans cette Communauté. L’élan
est
pris, la marche vers l’union doit nous conduire, sans guerre, à refai
613
pable d’assumer sa fonction dans le monde. Quelle
est
aujourd’hui cette fonction ? Certes, l’Europe ne prétend pas recouvre
614
r les échanges économiques et culturels dont elle
fut
, dès la Renaissance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de teni
615
ance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de
tenir
son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourqu
616
et libérale. C’est pourquoi son union fédérale n’
est
pas moins nécessaire aux autres qu’à elle-même. Cette Europe qui a pe
617
e compte vous dire une autre fois comment ce fait
est
démontrable. C’est la terre décisive de la planète. Plus petite, mais
618
nnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’
être
découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infiniment v
619
ation de New York (novembre 1961)p Toute ville
est
un piège… plus ou moins efficace, où se prend l’inconscient collectif
620
des rues, claustrés, imaginant de loin. (Qu’elle
soit
habitable au surplus n’est pas sans agrément pour les gens de passage
621
ant de loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’
est
pas sans agrément pour les gens de passage, ou ceux du petit commerce
622
du petit commerce et des spectacles.) Toute ville
est
histoire autant que mythe et formes. L’histoire commence avec les vil
623
commence avec les villes. Mais les villes en nous
sont
l’histoire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou
624
bre 1940) Personne ne m’avait dit que New York
est
une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple
625
nues parallèles, dans le sens de la longueur, qui
est
de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les asce
626
. Personne ne m’avait dit, non plus, que New York
est
une ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand l
627
s que la vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’
étais
bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circu
628
e je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui
est
alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies,
629
e larges dalles de granit. Autrefois les glaciers
sont
venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’
630
esure de Manhattan : seules ces assises de granit
étaient
capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent ét
631
tranches, polis et luisants comme du marbre, ont
été
plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtime
632
de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout
est
fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, p
633
décise, ni d’eau qui court, ni de feuillage. Tout
est
pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés
634
je vois une ville aussi purifiée de nature que l’
est
de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, s
635
de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison,
sont
d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage
636
de groupes de monuments. Le site et le paysage y
sont
partout sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les colline
637
liers aux façades étroites, cette rue très courte
est
l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui à la fois n
638
ands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’
été
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en br
639
e fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place
est
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’i
640
jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même
est
canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouett
641
ige de nature — car l’eau même est canalisée — ce
sont
ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par
642
pt secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout
est
fait de main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lo
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économiques et de leurs fatales réalités : car ce
sont
les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons b
644
ge et festonnées de tuiles provençales. La brique
est
chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, e
645
queurs se mettent à souffler fort dans la brume d’
été
flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper do
646
our, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube
est
l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
647
ient de le promener dans Manhattan. — Les maisons
sont
trop basses ! dit sobrement ce Suisse. C’était sa première visite, da
648
ous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce
sont
les rues qui deviennent trop étroites : un jour l’embouteillage sera
649
eviennent trop étroites : un jour l’embouteillage
sera
définitif. Un million de voitures abandonnées par leurs propriétaires
650
t de l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui
est
la dimension sociale, reprend ses droits, que dis-je, ses séductions
651
ix rues transversales de quatre à cinq kilomètres
sont
livrées à la circulation des petits taxis électriques à deux places q
652
prêcheurs, et Noirs professionnels… (L’habitation
est
dans la verticale, on y accède par les ascenseurs. Les jeux et les sp