1 1948, {Title}. « Cher lecteur britannique, je connais bien votre prudence… » (automne 1948)
1 l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mais bien peu croient à leur succès prochain. Vous n’avez
2 s d’autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle est lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur d’un grand journal. Et
3 rtie, mais elle est lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur d’un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : «
4 u assez de ces organisations internationales ! Il est bien difficile d’y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules
5 lez parler sur les places. Ce qu’il nous faut, ce sont des saint François, ce sont des apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu
6 e qu’il nous faut, ce sont des saint François, ce sont des apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu : « Si ce sont des apôtres
7 s apôtres. » À ce dernier, j’ai répondu : « Si ce sont des apôtres que vous demandez, pourquoi ne seriez-vous pas le premier
8 e sont des apôtres que vous demandez, pourquoi ne seriez -vous pas le premier ? Diogène avait bien tort de chercher un homme à
9 t le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi qu’il en soit , les propos que je viens de rapporter vous donneront, je le crains, u
10 ans ces moments de ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et
11 ays se replier sur ses intérêts à court terme. Il est normal que les objections immédiates paraissent plus graves, dès l’in
12 ers la sécurité, la prospérité, et la liberté. Ce sont précisément les trois besoins que l’on découvre à l’origine de toutes
13 ppard vient de montrer que ces trois facteurs ont été déterminants pour la formation de la Confédération helvétique, il y a
14 la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les retrouver, identiquement, dans le Message aux Europée
15 ente nous exposera demain à l’unification forcée, soit par l’intervention d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un
16 e, soit par l’intervention d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. Et voici la réponse à ces men
17 ans notre cœur, les vraies dimensions de la lutte seront rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes proportions. Si
18 core mis un seul coup dans le but. Visiblement, j’ étais un cas désespéré. Un jeune lieutenant m’observait avec pitié. « Voule
19 uvements de votre main. Regardez le rond noir qui est au milieu de la cible, laissez-vous fasciner par lui, pensez au but s
20 certaines situations, c’est la vision du but qui est plus efficace, c’est l’« idéal » qui est vraiment « pratique ». ⁂ Bie
21 but qui est plus efficace, c’est l’« idéal » qui est vraiment « pratique ». ⁂ Bien voir le but, se concentrer sur l’idéal 
22 n voir le but, se concentrer sur l’idéal : rien n’ est plus urgent aujourd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent de
23 n rapide du Centre européen de la culture. Quelle sera la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’
24 re les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont été prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe de coordi
25 rdination pour donner leur plein effet. Le Centre sera d’abord au service de la culture. Mais il ne la servira bien que s’il
26 ue part en Europe, un lieu où notre action puisse être méditée, clarifiée, où son orientation morale et spirituelle puisse ê
27 , où son orientation morale et spirituelle puisse être continuellement dégagée et formulée… Qu’en pensent nos leaders politi
28 ant 453. Une note manuscrite indique que ce texte est paru dans un journal britannique.
2 1949, {Title}. Présentation du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)
29 ctoire dans laquelle vit l’Europe, depuis 10 ans, est entrée dans la phase critique. Elle est presque désespérée. Elle est
30 s 10 ans, est entrée dans la phase critique. Elle est presque désespérée. Elle est aussi plus près que jamais de se résoudr
31 phase critique. Elle est presque désespérée. Elle est aussi plus près que jamais de se résoudre en une synthèse. Il est vra
32 rès que jamais de se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plu
33 ésoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plus menacée, plus divisé
34 urope est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plus menacée, plus divisée devant le péril, — plus angoissée et scept
35  plus angoissée et sceptique à la fois. Mais il n’ est pas moins vrai que pour la première fois, dans toute sa longue histoi
36 te sa longue histoire — consciemment — , l’Europe est en train de se faire. Aux yeux d’un esprit objectif, toutes les condi
37 sprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates ; mais ce sont
38 tre ciel et dans nos données immédiates ; mais ce sont les mêmes conditions qui pourraient être celles d’une renaissance. No
39 mais ce sont les mêmes conditions qui pourraient être celles d’une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont
40 e devenir les objets d’une guerre des autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son issue. Mais, il y a, en même tem
41 es autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son issue. Mais, il y a, en même temps, une manière européenne d’espé
42 nne d’espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une pu
43 e une puissance capable d’imposer la paix. Telle est la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. À son
44 st la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. À son point de crise, où nous sommes, il dépend en partie de
45 ous sommes engagés. À son point de crise, où nous sommes , il dépend en partie de nous que l’espoir ait raison du désespoir. Ma
46 bourg, les cadres politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, l
47 ion, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’es
48 l’Europe ? qu’a-t-elle à dire aux hommes ? quels sont ses droits humains et spirituels à l’existence indépendante ? Et c’es
49 cice de la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’ est plus rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette confér
50 et finit par offrir une belle définition de ce qu’ est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens.
51 définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été , de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs vo
52 urope, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix reste, à tout prendre, la
53 ce mot des contenus différents, — et cela encore est très européen. Ailleurs, on le sait, peuvent régner certaines définit
54 européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme de culture évoque des réalités hétéroclites : inven
55 utiles, elle partira de l’idée que la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’Europe
56 urope autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est , dans sa réalité physique, autre chose que ce fameux « cap de l’Asie 
57 onne ne perdra plus son temps à se demander ce qu’ est la culture. Et comme on juge l’arbre à ses fruits, on jugera la cultu
58 s fruits, on jugera la culture sur sa récolte. Il est tard, vous le savez, il est tard en Europe. C’est pour agir, mais à n
59 re sur sa récolte. Il est tard, vous le savez, il est tard en Europe. C’est pour agir, mais à notre manière, pour instituer
60 e manière, pour instituer et pour créer, que nous sommes là. Deux mots sur ceux qui ne sont pas tenus ici. Quand Dieu veut per
61 er, que nous sommes là. Deux mots sur ceux qui ne sont pas tenus ici. Quand Dieu veut perdre une société, il ne commence pas
62 ous sommes là. Deux mots sur ceux qui ne sont pas tenus ici. Quand Dieu veut perdre une société, il ne commence pas toujours
63 r méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils sont un jour jetés, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps de réédu
64 semblement comme le nôtre. Ils comprendront qu’il est certains moments de l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins
65 cessantes, — comme vous l’avez compris, vous qui êtes ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’argent, et surtou
66 ce, représente pour vous tous un tel effort. Pour être juste, il faut reconnaître que beaucoup d’intellectuels redoutent non
67 nds, et je comprends surtout ceux d’entre eux qui sont écrivains. L’époque est telle qu’un écrivain ne peut plus communiquer
68 out ceux d’entre eux qui sont écrivains. L’époque est telle qu’un écrivain ne peut plus communiquer sa vraie sagesse que si
69 est le drame seul, bien souvent, qu’on entend. Il est clair qu’un congrès ne se prête guère à l’expression du drame individ
70 et les institutions dont nous allons parler. « Qu’ est -ce que cela peut bien me faire ? dit le poète. Cela ne m’aide pas à t
71 à trouver une image… » Certes, mais l’écrivain n’ est pas indifférent au sort des livres qu’il publie, ni à leur diffusion,
72 d’hui — et voilà nos problèmes pratiques. Et il n’ est pas indifférent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin de la comm
73 ue de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une enquête dans nos divers pays. Chacun
74 ept groupes ont donné des réponses détaillées. Je tiens à souligner qu’une telle enquête n’avait jamais encore été tentée. No
75 ligner qu’une telle enquête n’avait jamais encore été tentée. Nous avons dû l’improviser avec des groupes en pleine période
76 plus détaillées sur des projets concrets nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’études de Genève a fourni plusieurs notes
77 on à vos travaux. Précisons bien que ce rapport n’ est pas un instant destiné à faire l’objet des discussions de la conféren
78 a série de résolutions pratiques qui, dès demain, seront proposées et mises au point par les commissions du congrès. La sectio
79 ntaires sur le travail des commissions, tel qu’il est esquissé dans le Rapport général.   I. La question des échanges, tout
80 des échanges, tout d’abord. La situation présente est bien connue. Vous aurez vite dressé la liste des obstacles douaniers
81 ns chères aux experts et aux documents officiels, seraient propres à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, « d’organiser
82 es culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en serait pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
83 qu’il n’en serait pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, pri
84 terme même « d’échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’échappatoire facile a
85 c’est en fait reconnaître les droits que l’État s’ est arrogés, et qu’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’éle
86 , favoriser ceux qui ne gênent personne, ceux qui sont le moins créateurs ou novateurs, ceux qui font le moins peur aux fonc
87 les échanges redeviennent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découverte
88 es droits de douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, dont la charge est ruineuse pour la culture
89 fice est dérisoire pour les États, dont la charge est ruineuse pour la culture. Et surtout ne proposons pas, dans ce domain
90 re : La seule idée d’une respiration organisée, n’ est -il pas vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas de créer par d
91 rets l’unité de notre culture : elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir d
92 échanges doit correspondre un effort positif. Il serait insuffisant et vain de vouloir revenir simplement à la condition libé
93 ir revenir simplement à la condition libérale qui était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau
94 au chapitre sur les passeports : « Le passeport n’ est exigé que par la Russie. Pour l’entrée dans tous les autres pays, la
95 doter l’Europe unie d’instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut aussi former les jeunes hommes qui
96 te. Sur les institutions européennes à fonder, je serai bref : les documents et rapports spéciaux mis à la disposition de la
97 « culturels » que le xx e siècle a vu naître, il est frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour obje
98 e, ou à une discipline particulière. Pourtant, il est incontestable que nos pays forment un ensemble, un complexe organique
99 s, ceux-ci distinguent souvent mieux que nous. Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
100 Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel, d’une manière systématique ; et qu’il n’exist
101 es lacunes. Que le besoin d’une telle institution soit urgent, rien ne saurait mieux le faire sentir que les difficultés qu’
102 ces inévitables dans l’état actuel des choses. Je tiens à vous rappeler que, dès le congrès de la Haye, notre Mouvement avait
103 tre européen de la culture, dont les attributions furent esquissées par la résolution culturelle du congrès. Au mois de févrie
104 le rapport relatif au Centre culturel. Le besoin est donc reconnu, les plans sont là. Vous déciderez du sort qu’il faut le
105 e culturel. Le besoin est donc reconnu, les plans sont là. Vous déciderez du sort qu’il faut leur réserver. Il en va de même
106 ons d’éducation, ont montré à quel point ce souci est général dans nos pays. Tout le monde se rend parfaitement compte que
107 urd’hui n’existent pas. Ils pourraient facilement être créés par le blocage, au titre européen, d’une fraction du budget de
108 l commun, et l’énergie créatrice des Européens ne sont pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur perte in
109 ements devant un choix. Un ordre de priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule
110 ordre de priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse la
111 ’on se demande parfois s’il ne vaudrait pas mieux être restés barbares, que de nous être aussi mal civilisés. La Conférence
112 drait pas mieux être restés barbares, que de nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture faillirai
113 conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit
114 e de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que n
115 t d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nationalismes loca
116 ux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’ est , de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civ
117 er une nation européenne aux grandes nations de l’ Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique,
118 able pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes e
119 n, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans
120 de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce
121 prit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pou
122 t autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe proclamant des principes sans les ap
123 n certain nombre de principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que l’Europe perde ses droits à l’exis
124 pourra dire vraiment de notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, i
125 cience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, tourmentée, peut-être coupable, — comme toute conscience, en de
126 paraît plus clairement depuis que se dressent à l’ Est comme à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, d
127 s jeunes, filles de la nôtre, dont l’une qui nous est chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il
128 déal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait trouvé ses plus hautes expre
129 irons le climat nostalgique. Et nous ici, nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organis
130 aire de Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date est celle du discours prononcé par Denis de Rougemont, le document lui-mê
131 oncé par Denis de Rougemont, le document lui-même est daté du 9 décembre 1949.
3 1950, {Title}. Sixième lettre aux députés européens (décembre 1950)
132 strée par des succès proprement historiques. Ni l’ été ni l’automne, à Strasbourg, ne vous ont vu répondre à l’appel angoiss
133 ne méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent d’y voir plus clair
134 plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui est la vôtre, il est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez
135 a base des partis nationaux, qui est la vôtre, il est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour l
136 x, qui est la vôtre, il est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour la seule réaliste. Vous esti
137 est clair que l’Europe ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour la seule réaliste. Vous estimez donc réalistes les se
138 bour Party et par ses satellites. Le Labour Party est anglais. Comme les Anglais ont dit sur tous les tons qu’ils n’accepte
139 s sur les routes en se disant tout bas : « Le but est clair, mais le nom du Christ n’est pas encore une idée-force. Certain
140 bas : « Le but est clair, mais le nom du Christ n’ est pas encore une idée-force. Certains la refusent, et la plupart l’igno
141 e, mais gardons-nous de citer un nom dont l’usage est prématuré : il nuirait à la cause que nous voulons servir ». Ou bien
142 nez Lénine déclarer à ses camarades : « Notre but est le communisme, mais seuls des excités ou des provocateurs peuvent aff
143 ent affirmer que nous trouverons à la Douma — qui est après tout le seul pouvoir réel — la majorité nécessaire pour imposer
144 vôtres — car je m’adresse ici aux députés qui se sont baptisés « fonctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans d’un
145 es de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que ces messieurs désiraient au contraire s’éloigner
146 en refusant tout ce qui fait mine de fonctionner. Soit dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens semblaient les confirme
147 ctionnalistes proposent sans rire à l’Assemblée : étant donné un but précis, qui est la fédération des peuples de l’Europe, n
148 re à l’Assemblée : étant donné un but précis, qui est la fédération des peuples de l’Europe, n’en parler sous aucun prétext
149 listes, avec les résultats que l’on sait. Le fait est que cette querelle est une histoire de fous. Une petite parabole va l
150 ats que l’on sait. Le fait est que cette querelle est une histoire de fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de
151 er. Il s’agit de bâtir une maison, et deux partis sont en présence. Le premier dit : dressons d’abord les plans. Le second d
152 sons d’abord les plans. Le second dit : les plans sont théoriques, commençons par construire un rez-de-chaussée. Mais seuls
153 ils ont volé à la doctrine fédéraliste. Car enfin soyons francs, voyons l’histoire récente : d’où viennent les « mesures prati
154 e en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il est bien clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’Europe, à
155 ont sans vous, vous leur courez après. Votre vote est un alibi. Si vous aviez quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien ga
156 i. Si vous aviez quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien gardés de l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi !
157 vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline est aux portes, la guerre sévit déjà, et vous acceptez sans mot dire que
158 z sans mot dire que les mesures les plus urgentes soient déférées au vote des ministres, dans deux mois ? Pourquoi ce délai ?
159 n Amérique. À la guerre, on va vite, ou bien l’on est battu. L’Europe se fera sans vous, tout le monde le voit maintenant.
160 découvertes, les révolutions, les amours. Elle ne sera pas plus socialiste, ou centriste, ou réactionnaire, ou anglaise, ou
161 ou anglaise, ou française, ou libérale, que ne le sont toutes les belles et bonnes choses que je viens de dire. Il ne vous r
162 e vous reste absolument qu’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à réd
163 tal, à rédiger le projet de sa constitution. Vous êtes politiciens, députés et juristes. Fonctionnez, c’est-à-dire fédérez,
164 dans les limites de votre autorité ! Sinon, nous serons tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés. De Ferney-Voltaire, le
4 1951, {Title}. Discours au congrès de Bombay (mars 1951)
165 s au congrès de Bombay (mars 1951)d Ce congrès est une manifestation culturelle, non pas politique. Il est important de
166 e manifestation culturelle, non pas politique. Il est important de le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a n
167 : — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous êtes tous des antistaliniens, donc votre congrès est politique ; ensuite,
168 êtes tous des antistaliniens, donc votre congrès est politique ; ensuite, c’est un congrès américain ; et enfin, c’est un
169 n attaquant le stalinisme. Je réponds : non, nous sommes d’abord contre le totalitarisme en général, quelle que soit sa couleu
170 rd contre le totalitarisme en général, quelle que soit sa couleur, parce que nous sommes des intellectuels en premier lieu,
171 néral, quelle que soit sa couleur, parce que nous sommes des intellectuels en premier lieu, et non point parce que nous pouvon
172 premier lieu, et non point parce que nous pouvons être secondairement des socialistes, des conservateurs, ou des libéraux. N
173 alistes, des conservateurs, ou des libéraux. Nous sommes contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’
174 cience pratique. D’autre part, dès que la culture est subordonnée à la politique, elle cesse d’être une méthode de libérati
175 ture est subordonnée à la politique, elle cesse d’ être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mental
176 avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disai
177 les droits que nous avons ou revendiquons peuvent être vidés d’un seul coup, si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs
178 ons peuvent être vidés d’un seul coup, si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons
179 ’il nous plaît, les autres droits que nous aurons seront nuls : nous ne les sentirons plus comme des droits. Or nous pouvons p
180 otalitaire contre la liberté de la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde cultu
181 , le totalitarisme le plus dangereux de nos jours est le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie unique, qui pe
182 ngisme, ou ce qu’on voudra ; mais dont les effets sont les mêmes puisqu’elle aboutit toujours à soumettre la pensée à la pol
183 rce même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. En second lieu, on a dit que nous sommes ici au servi
184 antistaliniens. En second lieu, on a dit que nous sommes ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons ja
185 it que nous sommes ici au service des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même ma
186 vice des Américains. Soyons bien clairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les staliniens sont
187 ’Amérique » de la même manière que les staliniens sont « pour la Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères de jugement
188 critères de jugement intellectuels et artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt du parti, intérêt confondu une fois pour tou
189 ien ni avec le vrai. Même si l’Amérique se trouve être actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne s
190 fenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, une fois pour toutes, à tout ce
191 tes la liberté avec les intérêts américains. Nous sommes amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. Et nous ne c
192 e liberté qu’elle représente officiellement, nous serions aussitôt, pour ce motif et dans cette mesure exacte, antiaméricains.
193 ns. Et tous nos amis américains, ici présents, le seraient aussi, j’en suis absolument sûr. En troisième lieu, on a prétendu que
194 américains, ici présents, le seraient aussi, j’en suis absolument sûr. En troisième lieu, on a prétendu que nous étions réun
195 nt sûr. En troisième lieu, on a prétendu que nous étions réunis à Bombay pour condamner la neutralité en général, et celle de
196 lle de l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une position extrêmement claire. Il me paraît capital d
197 re la neutralité et le neutralisme. La neutralité est une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même tr
198 . La neutralité est une mesure politique qui peut être très bonne, très utile, et même très nécessaire dans certaines situat
199 utralité de l’Inde : la première, c’est que je ne suis pas homme d’État ; la seconde, c’est que je ne suis pas Hindou ; la t
200 is pas homme d’État ; la seconde, c’est que je ne suis pas Hindou ; la troisième, c’est que je suis Suisse. Mais si je rentr
201 e ne suis pas Hindou ; la troisième, c’est que je suis Suisse. Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de l
202 e. Mais si je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y exi
203 olitique, et le « neutralisme » d’autre part, qui est une tentative pour justifier en théorie ou en doctrine une neutralité
204 octrine une neutralité temporaire dont les motifs sont en réalité d’ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je
205 st une politique défendable. Mais alors ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l
206 ais alors ce qui ne serait pas défendable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justifier sa
207 endable, ce qui serait une tricherie évidente, ce serait que l’agneau prétende justifier sa politique par des raisons morales
208 ales, et qu’il dise par exemple : — « Après tout, soyons objectif ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas
209 al, il a grand faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme pa
210 “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’ est pas un homme parfait, il boit souvent trop, et il ne lit que le Reade
211 est. Je refuse donc l’un et l’autre également, je suis neutre. » C’est contre ce mensonge-là que nous devons lutter, je veux
212 alitaire, par un penchant inexorable. Nous devons être ici non pas contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’est pas no
213 as contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’ est pas notre affaire — mais contre le mensonge neutraliste, parce qu’il
214  mais contre le mensonge neutraliste, parce qu’il est un mensonge, d’abord ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise
215 st un mensonge, d’abord ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise de parti politique en faveur des loups, par des mou
216 s loups, par des moutons qui désirent secrètement être mangés. Nous devons être ici fidèles à notre vocation d’intellectuels
217 qui désirent secrètement être mangés. Nous devons être ici fidèles à notre vocation d’intellectuels : ce sera notre efficaci
218 ici fidèles à notre vocation d’intellectuels : ce sera notre efficacité la plus certaine. Notre manière à nous de défendre l
219 . Notre manière à nous de défendre la liberté, ce sera d’opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessair
220 saires pour combattre la propagande des loups. Ce sera de nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même
221 rès pour la liberté de la culture, dont Rougemont est le président du comité exécutif. Des extraits de ce discours ont été
222 comité exécutif. Des extraits de ce discours ont été publiés dans Preuves et dans la brochure Les Libertés que nous pou
5 1952, {Title}. La vie religieuse aux États-Unis (1942-1945) (1952)
223 ricains. J’entends répéter partout que l’Amérique est une nation intégralement matérialiste, et qu’au fond sa vraie religio
224 ent matérialiste, et qu’au fond sa vraie religion est le culte du dieu Dollar. Qu’il y ait dans ce jugement courant un peu
225 remontant les grandes avenues de Manhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architec
226 aute que les gratte-ciel, évidemment, ces églises sont cependant beaucoup plus vastes que la plupart de nos édifices religie
227 met d’une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande cathédrale du monde, lorsque ses tours seront ach
228 lus grande cathédrale du monde, lorsque ses tours seront achevées. Allez maintenant dans les campagnes de la Nouvelle-Angleter
229 ans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre. Vous êtes accueilli à l’entrée des villages par des panneaux-réclame souhaitant
230 luthérien ou presbytérien. Et toutes ces églises sont pleines, chaque dimanche. Voici un petit trait bien significatif : ch
231 uide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. Je lis en tête : « Préservez votre privilège am
232 des soirées dansantes), annonces des services qui seront célébrés de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénom
233 e la religion dans la vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ?
234 N’oublions pas, en effet, que les États-Unis ont été peuplés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés d’Eur
235 ère social très accentué, et que leur vie civique fut étroitement déterminée par la théologie de leurs églises diverses. No
236 t de confessions différentes aux États-Unis, cela tient surtout aux origines très variées des colons : un luthérien parce qu’
237 ision entre le trône et l’autel. L’État américain est parfaitement laïc, mais la plupart des gouvernants sont inspirés par
238 arfaitement laïc, mais la plupart des gouvernants sont inspirés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence de l’indépenda
239 velt a tant tardé à entrer dans la guerre, et n’y est même entré que forcé par l’attaque japonaise à Pearl Harbour, ce fait
240 par l’attaque japonaise à Pearl Harbour, ce fait est dû en bonne partie à la résistance que l’Église méthodiste, la plus n
241 es, révisant leur position, l’y ont engagé. Il ne serait pas possible, aujourd’hui encore, de gouverner les États-Unis contre
242 e de la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civique, pl
243 n sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civique, plus qu’une mystique. L’Américain tend à ramener
244 nous faut reconnaître que cette piété américaine est mieux incarnée que la nôtre dans la vie quotidienne et dans la vie pu
245 acité morale, comment choisir ? Le mieux, certes, serait d’échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit
246 s exacte peut seule conduire à cette synthèse qui serait le salut de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapusc
6 1952, {Title}. L’Œuvre du xx e siècle (mai 1952)
247 ure. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en est pas un, au sens habituel du terme, qui évoque des discours, des banqu
248 rivains, des journalistes et des savants. Son but est simple : animer une action de résistance méthodique à toutes les form
249 se névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’ est en réalité l’État totalitaire. On nous a souvent dit : « C’est très b
250 ès bien de se défendre, mais la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soyez pas uniquement négatifs, ne soyez pas se
251 s la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soyez pas uniquement négatifs, ne soyez pas seulement anti ! » Il nous sera
252 l’offensive. Ne soyez pas uniquement négatifs, ne soyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile de répondre par l’exempl
253 négatifs, ne soyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile de répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la ma
254 cile de répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la maladie, ils sont anti ; mais peut-on dire que leur activit
255 le des médecins : ils sont contre la maladie, ils sont anti ; mais peut-on dire que leur activité demeure uniquement négativ
256 activité demeure uniquement négative ? Une chose est vraie cependant : dénoncer le mal ne suffit pas à le guérir. Le monde
257 e mal ne suffit pas à le guérir. Le monde moderne étant menacé par une espèce de maladie psychique, il convient avant tout de
258 l’espoir d’un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’ est pas tout. Notre époque a créé tant de formes, inventé tant de styles
259 du romantisme, du pleinairisme, du réalisme, qui furent les grandes révolutions du siècle dernier, on lui propose la peinture
260 e contraire d’un art, et c’est la preuve que nous sommes en pleine décadence. D’autres lui disent, bien au contraire : — jamai
261 ’autres merveilles contemporaines, c’est que vous êtes un affreux bourgeois, largement dépassé par le Progrès ! Décadence ou
262 Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine d’ être attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les grandes
263  ? Le sujet vaut la peine d’être attaqué, et il n’ est pas du tout abstrait : à l’heure où les grandes dictatures raillent n
264 e (sous peine de mort) du « réalisme socialiste » est notre avenir. C’est pourquoi nous avons convoqué les meilleurs écriva
265 ustrées par l’exposition. Deux grands thèmes ont été proposés, visant l’actualité la plus brûlante : Isolement et communic
266 accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen.
267 disque et le digest, le cinéma et la télévision, sont -ils vraiment des moyens de culture, ou bien des servitudes intolérabl
268 confiance ou méfiance, ils triomphent partout. N’ est -il pas temps de discuter franchement cette question d’intérêt général
269 s de la révolte et de la communion nécessaire. Il est admis depuis cent cinquante ans que l’artiste, l’écrivain, le grand p
270 e ans que l’artiste, l’écrivain, le grand penseur est un accusateur public, un révolté, un révolutionnaire ou un bizarre, e
271 idéaux et nos réalités ? Ces questions capitales seront soumises à soixante hommes et femmes qui représentent la pensée créat
272 Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la sal
273 de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce sont André Malraux, William Faulkner, Ignazio Silone1, et Salvador de Mada
274 ir. 1. [NDE] Une note manuscrite indique : « Ce sera W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
7 1954, {Title}. L’Europe en crise : décadence ou progrès ? (fin août 1954)
275 édérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que fut prise la décision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Eur
276 alistes, et quelques bonnes têtes politiques : ce fut le congrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La
277 ésidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un succès retentissant. Des débats et des décisions de ce congrès san
278 ats et des décisions de ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’Europe à Bruges, le Centre européen de la culture
279 de l’homme, et celui d’un Conseil de l’Europe. Ce furent les commissions constituées à La Haye qui réalisèrent tous ces plans,
280 lans, dans des délais remarquablement réduits. Ce fut une délégation du congrès qui présenta aux gouvernements la requête t
281 olution dont je viens de retracer les étapes peut être résumée de deux manières très différentes, comme on va le voir. On pe
282 atale, ou progrès continu ? Les deux descriptions sont exactes, encore qu’elles apparaissent contradictoires. Le fait est qu
283 re qu’elles apparaissent contradictoires. Le fait est que le grand public et la grande presse parlent aujourd’hui de l’Euro
284 hui de l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements par quelques hommes d’État lucides et courageux e
285 ux et par les mouvements de militantsh. Mais ce n’ est pas le grand public et la grande presse qui ont imposé le problème eu
286 nt, et plus généralement, sans bien savoir ce qui est en jeu. Tout le monde prend position pour ou contre la CED, mais pres
287 ED, mais presque personne n’a lu le traité. Telle est la raison de la crise qui affecte non seulement la construction de l’
288 sens. Ils ont pensé que l’éducation et la culture étaient un luxe, une perte de temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’
289 urope a perdu l’hégémonie mondiale ; et qu’elle n’ est plus menacée par les uhlans de Bismarck, mais bien par l’empire commu
290 tion scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de cro
291 n, une inconscience, une inertie de l’esprit. Tel étant le premier et le plus grand obstacle, la seule politique réaliste ser
292 plus grand obstacle, la seule politique réaliste sera celle qui commencera par réduire cet obstacle ; celle donc qui commen
293  n’a voulu jusqu’ici prendre au sérieux. « La CED est morte ! Vive l’armée allemande ! » s’écrieront peut-être demain les c
294 l’Europe des marchandages politico-nationalistes est morte ? Vive notre chance de commencer l’Europe réelle ! g. Édition
295 ougemont au Forum européen d’Alpbach, auquel il s’ est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé
8 1955, {Title}. L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)
296 L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusi
297 , ou au moins par un manifeste. Et pourtant, ce n’ était pas notre but cette fois-ci. Nous l’avons expliqué sans équivoque dan
298 ues lignes : La conférence que nous organisons n’ est pas conçue comme une manifestation, mais plutôt comme un séminaire de
299 monde communiste et dans le monde libre, ils ont été , me semble-t-il, très remarquablement élucidés. Dans ce domaine, la c
300 la substance sinon la forme exacte : Quelles que soient vos institutions, vous n’aurez pas de liberté si vous n’avez pas des
301 nt aux meilleures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’
302 , et par suite, pas de liberté. La seconde raison est celle qu’indiquait Bernanos : c’est que les meilleures institutions d
303 monde libre ? J’en vois deux. La plus apparentée est celle qui a été illustrée par la Révolution française. La Déclaration
304 ’en vois deux. La plus apparentée est celle qui a été illustrée par la Révolution française. La Déclaration des droits de l
305 l s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’ est arrêtée dans son expansion naturelle que par les revendications égale
306 t enracinée dans l’homme. Pour elle, la liberté n’ est pas seulement un droit, mais l’essence même de l’homme en tant qu’hum
307 Dans la mesure où j’y crois, les autres hommes ne sont plus des « voisins inévitables » dont l’existence gène et limite ma l
308 t l’existence gène et limite ma liberté, mais ils sont au contraire des prochains, que je puis aider et qui peuvent m’aider
309 liberté parce que sans elle, ma propre liberté ne sera jamais que mon égoïsme, mon impérialisme déchaîné ou réfréné, c’est-à
310 sement. Selon cette seconde tradition, la liberté est quelque chose qui se démontre et se manifeste avant tout dans l’acte
311 ider les autres à devenir libres. Cette tradition est celle des plus hautes religions de nos différents continents. En elle
312 justifier les bûchers et les persécutions. Je ne suis pas non plus l’avocat d’une sacralisation de la société ni surtout de
313 urement rationaliste, mais dont l’appel, en fait, est de nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous
314 e, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous serions insensés de ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces
315 ion totalitaire au gouvernement des esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous s
316 voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des incroyants, que l’avenir de la liberté, s’il dépend vraiment des
317 beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux, tiennent pour la forme originelle et le but suprême de la recherche de la véri
318 déclarent incroyants. Cela ne signifie pas qu’ils soient sortis de l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pa
319 s devons accepter avec confiance, — cette passion sera plus forte que tous les arguments. Certes, les arguments de la raison
320 les arguments de la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et nous n’en manquerons pas — surtout aprè
321 arbares ; et que Byzance en avait tant qu’elle en est morte. i. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à la
9 1955, {Title}. Le vrai sens de nos vœux (décembre 1955)
322 ux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quand ce ne serait que cela, ce ne serait pas si mal. La courtoisie n’est pas fréquente
323 es-vous ? Hé ! quand ce ne serait que cela, ce ne serait pas si mal. La courtoisie n’est pas fréquente dans notre monde du xx
324 ue cela, ce ne serait pas si mal. La courtoisie n’ est pas fréquente dans notre monde du xx e siècle. Elle est tout aussi né
325 s fréquente dans notre monde du xx e siècle. Elle est tout aussi nécessaire à la vie en commun que l’huile à la machine. Ma
326 vous formulez pour vous-mêmes, aujourd’hui. Quels sont vos souhaits ? Qu’attendez-vous de l’année qui vient ? Vous me direz,
327 s de l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous êtes sincères — : la santé, une augmentation de salaire, un enfant de plus
328 ’on désire mieux vivre, c’est bien clair. Mais qu’ est -ce que cela, mieux vivre ? Vous me répondez sans doute : c’est avoir
329 , et un poste de télévision. Cercle vicieux. Vous êtes sincères. Et cependant je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fon
330 et vous en connaissez, pour qui le but de la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat,
331 elque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a,
332 ouveau, il ne sait quoi, mais qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il
333 eur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’i
334 plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est , à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’il veut faire.
335 pparemment « matérialistes ». Or, on n’aime guère être traité de matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin,
336 e être traité de matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’est pas seulement cela… Mais on ne sait
337 sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’ est pas seulement cela… Mais on ne sait pas le dire, on reste dans le vag
338 globale et finale. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà de toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà
339 le monde et l’inconnu. Et c’est pourquoi sa faim était inextinguible. Cette baleine est très russe, évidemment. Elle ne conn
340 urquoi sa faim était inextinguible. Cette baleine est très russe, évidemment. Elle ne connaît aucune mesure. Elle veut tout
341 and, à ne pas nous borner dans nos souhaits. (Ils sont déjà suffisamment déçus ou limités par la réalité !) « Demandez, et l
342 conomie mais bien plus encore pour nos âmes. Cela tient peut-être au fait que nous sommes trop serrés dans un pays où tout se
343 r nos âmes. Cela tient peut-être au fait que nous sommes trop serrés dans un pays où tout se touche, et par suite, trop préocc
344 rop préoccupés du voisin et de son jugement. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neutres. Saisissons l’occasio
345 ment. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neutres. Saisissons l’occasion de le répéter ici : la neutralité mili
346 souhaits trop courts et trop mesquins. Ah ! ce n’ est pas le rouge du sang et de la violence qui figure notre tentation ! C
347 de la violence qui figure notre tentation ! Ce n’ est pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes de l’Occident — nous
348 paraît, nous n’aurons jamais assez faim ! La faim est un tyran pour l’Asiatique, mais pour nous, ce doit être une vocation.
349 n tyran pour l’Asiatique, mais pour nous, ce doit être une vocation. Mais de quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parl
350 m de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais comblée par des nourritures abondantes, mais bien d’une faim q
351 berté, la plénitude du sens et de l’amour, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc assez « matérialiste
352 our, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était -elle donc assez « matérialiste » notre baleine, qui ne pensait qu’à m
353 l ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain — d’ être un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de comprendre
354 subsistance ou durée, un peu plus, si peu que ce soit , et si peu clair que cela paraisse — je dis qu’il attend tout, et qu’
355 s qu’il se souhaite un poste de radio. « Un poste est un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’en veux un moi aussi. C
356 que je ne sais pas ce que je veux. » Pourtant, il est bien clair qu’il ne le sait pas. Car un poste après tout, ce n’est qu
357 ’il ne le sait pas. Car un poste après tout, ce n’ est qu’une caisse en bois avec des bouts de métal dedans. Ce que notre ho
358 différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent réellement les
359 Le premier ne sait pas dire ce qu’il veut, car il est clair qu’il ne veut pas seulement une petite caisse. Le second sait c
360 , les deux veulent une seule et même chose, qui n’ est même pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but d
361 me pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vra
362 aines de millions d’hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se réaliser, nous promet un avenir où l’homme, enf
363 l mécanique et de ses servitudes inhumaines. Ce n’ est pas un rêve : de grands économistes ont calculé que les quantités éno
364 grand problème et le principal de la vie. Ceci n’ est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera donc réalisé. À une
365 ’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera donc réalisé. À une seule condition, toutefois : c’est que nous sauvi
366 tous la paix, nous avons faim de paix, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit de l
367 our prévenir le conflit latent entre le bloc de l’ Est et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe unie,
368 ès grand but, très difficile à réaliser, mais qui est la condition d’un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi l
369 rquoi les Suisses se diraient-ils toujours : nous sommes trop petits, nous ne pouvons rien y faire ? Oui, je le sais, nous som
370 s ne pouvons rien y faire ? Oui, je le sais, nous sommes neutres. Mais nous n’en faisons pas moins partie du genre humain, et
371 uples la voudront. Il ne faut pas que les Suisses soient les derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de
372 ifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte a été expédié le 9 décembre 1955 au journal Die Woche (Zurich).
10 1957, {Title}. [Préface] Europe and the Europeans, édité par Max Beloff (21 février 1957)
373 l’Europe, que le métier d’un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écouter tout ce
374 t de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits su
375 d’aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit,
376 r que celui de suggérer des noms — le choix final étant du ressort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque tr
377 illustrations de cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettais, le crayon lové, les propositions in
378 r cette grande prise de conscience de ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendr
379 idée européenne ». Tout autre chose se produisit. Était -ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissai
380 ns notre affaire, de propagande mais de science ; était -ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous le signe du pru
381 e sens dans le leur, et que les mesures proposées étaient au moins prématurées, à moins qu’elles ne fussent trop tardives. Tant
382 étaient au moins prématurées, à moins qu’elles ne fussent trop tardives. Tant qu’à la fin l’on se trouvait amené à se demander,
383 opéenne correspondait vraiment à une réalité ou n’ était qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus euro
384 t qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’ est rien de plus européen que ces doutes et ce scepticisme, cette manière
385 ultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel, quitte à négliger le banal, ce qui
386 r l’essentiel, quitte à négliger le banal, ce qui est admis par tous et qui va donc sans dire : j’entends par là ces éviden
387 t par là l’un de ces grands traits communs qu’ils étaient occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’est-il pas justemen
388 occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’ est -il pas justement ce que l’immense majorité des hommes d’Europe ont en
389 etiens, je notai cette définition : l’Européen ne serait -il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
390 opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit , et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel qu’
391 ’il le soit, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel qu’il imagine, soit avec l’une des composantes
392 tifier soit avec l’homme universel qu’il imagine, soit avec l’une des composantes locales du grand complexe européen, dont i
393 auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mysticisme européen » : il s
394 culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes assez sportifs pour nous féliciter d’un tel challenge, et l’on va voi
395 et les mesures d’union qu’elle permet, que s’il n’ est plus aucun moyen de les éviter. D’où, je l’espère, une force convainc
396 ur présente un dossier sobre et détaillé, et l’on est sûr par le souci de ne négliger aucune des objections possibles, loin
397 ais et les Suisses, les Suédois et les Castillans sont vus comme des Européens : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout
398 ent au regard des autres. Vue du dehors, l’Europe est évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précision qu
399 doute ambivalente, mais commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux
400 ien « dangereux » d’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que
401 e ou scientifique à l’Europe qu’il faudrait unir, sont bien souvent les mêmes qui, faisant demi-tour, déclarent qu’on ne peu
402 assant notre tâche créatrice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mai
403 nvoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’ est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cul
404 s. Or il se trouve que l’argument, précisément, n’ est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au pla
405 t pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait -il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes
406 es différences. (Encore que les écoles d’État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de p
407 rope, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle
408 refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que soient les contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’en reste pas
409 oirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan milléna
410 cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que par sa culture, qui ne l’est guère. Conclusion 
411 it donc définissable que par sa culture, qui ne l’ est guère. Conclusion : il n’y a pas d’Europe, et si l’on en veut une, il
412 t le lecteur s’inquiète : il sent vaguement qu’il est en train de se laisser prendre dans une problématique artificielle, s
413 Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’ est pas une entité, mais une pure et simple « expression ». En effet, sel
414 que dans l’espace… On a voulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenha
415 cluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient que l’Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celu
416 Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne serait-elle donc pas
417 t pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne serait -elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date d
418 ’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est -elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou
419 mande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où fut écrite la première page, posée la première touche, noté son premier a
420 uvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une inventio
421 congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus d
422 ssus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lend
423 ise de conscience d’une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 : les premier
424 cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté a
425 telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique d
426 uropa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius Piccolomini, puis
427 aguère avec éclat par Valéry. 6. Mais les nations sont venues se constituer, à partir du xviii e siècle. On nous rappelle, n
428 ppelle, non sans aigreur ni sans dédain, qu’elles sont la vraie réalité. Que dis-je, on les déclare même « éternelles » dans
429 guant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’im
430 tu n’aies reçu ? dit l’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la cultu
431 ement européenne ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-nati
432 emier coup que les réalités décisives ont cessé d’ être « nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques, se d
433 ier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien s
434 urope. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrai
435 riotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’ est pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation cu
436 me politique. La patrie n’est pas la nation, elle est en général beaucoup plus petite. La nation culturelle n’est pas l’Éta
437 éral beaucoup plus petite. La nation culturelle n’ est pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on conf
438 tite. La nation culturelle n’est pas l’État, elle est en général beaucoup plus grande. Et si l’on confond tout, patrie, Éta
439 ait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes ra
440 ur former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces n
441  ? J’ai mes racines, voilà qui est vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une
442 nes, voilà qui est vrai, le reste est mythe… ») N’ est -il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée
443 re voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en
444  sacrifierait » que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour aut
445 est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la féd
446 ui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soit désirable — qu’au niveau de la fédération : la souveraineté peut-être
447 a fédération : la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’e
448 abrutissant) ; l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout ce
449 ste, plus ancien, et plus fort désormais que ne l’ est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’h
450 t aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’ est encore, aujourd’hui, qu’un fait de « culture » au sens large. Prendre
451 ce qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donnée par d’autres efforts. 9. Nous débouchons ici dans le domaine p
452 s débouchons ici dans le domaine politique, qui n’ est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’un g
453 e d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un sys
454 comme on vient de l’indiquer, le rapport devrait être analogue au rapport entre forme et contenu. Une politique d’union ne
455 lle envisage d’unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y
456 une union authentiquement européenne, ne saurait être que fédéraliste. En effet, nos diversités constituant le ressort prin
457 e ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byzance.
458 sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe fut le refus d’un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Consta
459 refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui iraient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’
460 s sommes qui iraient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits
461 saut fut décidé après des mois d’attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à p
462 s richesses de Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ro
11 1958, {Title}. Liberté et littérature (août 1958)
463 erté et littérature (août 1958)l 1. La liberté est un problème pour l’homme d’aujourd’hui : a) parce que, dans son sens
464 : a) parce que, dans son sens philosophique, elle est mise en question par une conception généralement scientiste et parfoi
465 nsée. b) parce que, dans son sens politique, elle est brutalement reniée par les régimes totalitaires, mais en même temps d
466 tre (la liberté philosophique de l’homme). Rien n’ est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de c
467 me). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se disp
468 pour savoir si l’homme descend du singe ou s’il a été créé par Dieu : on a raison des deux côtés. Ceux qui prétendent qu’il
469 descendent réellement. Ceux qui prétendent avoir été créés par Dieu, ont été créés par Dieu. Mon sujet sera b), c’est-à-di
470 Ceux qui prétendent avoir été créés par Dieu, ont été créés par Dieu. Mon sujet sera b), c’est-à-dire : les relations entre
471 créés par Dieu, ont été créés par Dieu. Mon sujet sera b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté d’expression et la
472 censure équivalent alors à la peine de mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement
473 st la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’ est pas nécessairement vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes de
474 de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justement le genre le plus « libre »), de la dissolution des formes,
475 au maximum de liberté d’expression qui ait jamais été atteint par l’humanité correspond le maximum de décadence des formes,
476 jet et le sujet de la littérature. La liberté n’y était pas un problème ; chacun savait qu’elle consistait à lutter contre de
477 ntre des entraves réelles, dogmes et tabous. Elle était donc une activité libératrice autant qu’ordonnatrice. Elle était atta
478 activité libératrice autant qu’ordonnatrice. Elle était attaquée ou aimée comme telle. 4. Ici pourrait se placer un essai (qu
479 a Dame aimée représente la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la
480 s grands personnages de l’époque par des noms qui sont des « mots porte-manteau » à la Lewis Carroll et à la Joyce, jouant s
481 de ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de
482 un catalogue complet des moyens de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den
483 t parler d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’ est pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modér
484 i au pouvoir). Et dès que l’on cède si peu que ce soit des libertés conquises, on accepte la dictature. Mais je constate que
485 ais je constate que la vitalité de la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoquant au courage, à
486 comme jouissance de libertés toutes faites. Elle est libre non pas dans la mesure où elle a le droit de dire n’importe quo
487 niquant ainsi à ses lecteurs le courage dont elle est née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La
488 e de l’acte même de sa création. 6. La question n’ est plus de savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais
489 , que rencontre la création, et qui la stimulent, sont nouvelles. Nous devons d’abord les déceler et les définir, et c’est s
490 et peut s’appuyer. La plus immédiatement visible est de nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons to
491 . Ils nous conseillent d’écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si
492 mes essayistes, ou d’écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes romanciers. Or nous avons d’autres su
493 n roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes romanciers. Or nous avons d’autres sujets en tête et un autre style.
494 médiat. 7. Mais surtout : dans une époque où tout est permis, l’action libératrice de la littérature consistera à recréer u
495  : la vraie liberté de la littérature ne peut lui être donnée ou garantie utilement par l’État. Elle consiste à inventer l’h
496 elle retrouvera un style, une forme (toute forme étant la résultante incarnée d’une poussée et d’une résistance), par suite
497 ué les grandes époques. Écrivons donc ce que nous sommes le seul à pouvoir dire : ce sera notre engagement le plus valable, et
498 nc ce que nous sommes le seul à pouvoir dire : ce sera notre engagement le plus valable, et le meilleur service que nous aur
499 nauté locale ou idéologique sans laquelle nous ne serions pas, mais qui, sans notre action tantôt ordonnatrice, tantôt libératr
500 lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du mois d’août 1958.
12 1959, {Title}. La Suisse, microcosme culturel de l’Europe (1959)
501 tre même que l’on m’a proposé pour cette causerie est dangereux. Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit de mes au
502  et fausse : l’image d’une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comm
503 cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2
504 raisons suivantes : primo, la culture en Suisse n’ est pas un phénomène cantonal, et secundo, la culture européenne n’est pa
505 ène cantonal, et secundo, la culture européenne n’ est pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous sur
506 Ce qu’on appelle couramment « culture nationale » est un mythe purement verbal. C’est un découpage abstrait pratiqué (selon
507 le grand corps de la culture européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes nos nations, sans exception, étant
508 ancienne que toutes nos nations, sans exception, étant l’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je vo
509 aucun de ces éléments qui composent la culture n’ est national, par quoi je veux dire qu’aucun d’eux ne peut être étudié en
510 nal, par quoi je veux dire qu’aucun d’eux ne peut être étudié en soi et dans son évolution historique, à l’intérieur des fro
511 a peinture, la musique, la littérature même — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers sim
512 ême — qui tient pourtant de si près aux langues —  sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou successifs en Europe, se son
513 urs foyers simultanés ou successifs en Europe, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, on
514 plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie — , qu’elle
515 ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’ était pas l’Italie — , qu’elle se transporte dans les Flandres en suivant l
516 mposition ; et que finalement, au xx e siècle, ce sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui revienn
517 otre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de
518 e la musique si tu veux. » Quant aux sciences, il serait simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La s
519 ications universelles. Mais, me direz-vous, qu’en est -il de nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels
520 s avons de nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une langue ; et que d’autre part, il y a identité
521 ctionnaire. En France, par exemple — et la France est le type même de la nation — , on parle au moins sept langues différen
522 l, l’arabe et l’italien. En revanche, le français est parlé dans trois ou quatre autres pays que la France. Et l’allemand n
523 définit nullement la nation allemande, puisqu’il est parlé dans au moins sept autres pays que la République fédérale allem
524 res pays que la République fédérale allemande. Il est parlé naturellement dans l’Allemagne de l’Est, mais aussi en Suisse,
525 Européens, commune par ses grandes origines, qui sont gréco-latines et chrétiennes, et auxquelles se sont mêlés plus tard,
526 nt gréco-latines et chrétiennes, et auxquelles se sont mêlés plus tard, dès avant notre Moyen Âge, des éléments celtes, germ
527 on les régions et selon les époques, et dont nous sommes tous nourris, et dans laquelle nous pouvons tous puiser librement ce
528 ariée, mais cependant commune — si je n’ai jamais été victime de l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultu
529 de nations marquées en couleur sur la carte — , n’ est -ce pas tout simplement parce que je suis né en Suisse, — et parce que
530 rte — , n’est-ce pas tout simplement parce que je suis né en Suisse, — et parce que c’est en Suisse que j’ai commencé à déco
531 ières de notre Confédération, telles qu’elles ont été établies en 1848. Nous savons bien que la culture que nous avons reçu
532 ue nous avons reçue et dans laquelle nous vivons, est beaucoup plus ancienne que notre État fédéral, qui n’a que 111 ans. P
533 , nous relevons d’un même État suisse, quelle que soit notre langue. Culturellement, nous relevons directement de cet ensemb
534 n que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, est tout naturellement Européen, résume en lui les héritages variés qui c
535 qu’homme de culture, — ce que chaque Suisse doit être , bien entendu ! Je devrais ici vous donner des exemples pris dans nos
536 nt ou un Robert de Traz, un Francesco Chiesa, ont été nourris de plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parc
537 ons culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils étaient nés au confluent de diverses écoles, tendances et styles, qui les rel
538 e que c’est celui que je connais le moins mal. Je suis né à Neuchâtel, et toutes mes traditions familiales, civiques et reli
539 es traditions familiales, civiques et religieuses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif de prétendre que le petit can
540 iques et religieuses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à
541 dans le vaste ensemble européen ! Non, Neuchâtel est proche de la France et de l’Allemagne, et participe des courants les
542 ières influences que j’ai subies, comme écrivain, étaient évidemment françaises pour ce qui a trait à la langue : Arthur Rimbau
543 igieux, je dépendais du domaine protestant, qui n’ est pas d’origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomèn
544 d’origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon m
545 ns cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvr
546 Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. El
547 grands privilèges des Suisses. Nous nous trouvons être , dans ce pays, quel que soit notre canton d’origine, ou notre langue,
548 . Nous nous trouvons être, dans ce pays, quel que soit notre canton d’origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe
549 , il en va de même dans le domaine culturel. Nous sommes , nous Suisses, immédiats à l’Europe, nous ne pouvons être que des Eur
550 us Suisses, immédiats à l’Europe, nous ne pouvons être que des Européens, quand il s’agit de culture et non point de politiq
551 politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme condamnés à l’Europe, n’étant pas e
552 ement européens, et comme condamnés à l’Europe, n’ étant pas enfermés dès la naissance dans les illusions et les mythes de ce
553 ale ». Et dans ce sens, nous autres Suisses, nous sommes vraiment des microcosmes de la culture européenne — de même que nous
13 1961, {Title}. L’automation et l’avenir de l’Europe (juin 1961)
554 se réalisera. La seule question que j’envisagerai est celle des conséquences à prévoir de l’automation idéalement réalisée
555 nt réalisée dans tous les domaines où elle peut l’ être . Cela revient à poser la question des fins humaines de la technique,
556 pris son essor. Quand la « classe ouvrière » aura été dissoute en tant que classe par les effets de l’automation (une parti
557 es effets de l’automation (une partie des emplois étant supprimée, une autre passant au secteur tertiaire, une minorité de tr
558 lleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant être d’ailleurs relevée par un service du travail temporaire, analogue au
559 Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne sera plus un mythe exaltant pour les « masses ouvrières » — qui n’existero
560 II. Le produit final de la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures
561 ous-produit de la technique, dont le but immédiat était d’accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant n
562 n-travail, de l’occuper en s’occupant eux-mêmes : soit par un travail créateur (artisanal ou artistique), par une seconde pr
563 par une seconde profession, ou par un « hobby », soit en vivant une vie intérieure, intellectuelle et émotive plus riche et
564 s possibles (quantitatifs), mais moins les hommes seront préparés à en user. Et d’autre part, la formation de plus en plus spé
565 de notre civilisation. Car l’invention technique est moins le fait des techniciens purs que des « amateurs », des esprits
566 tes de la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour par l’ensemble des forces créatrices de notre cu
567 deux extrémités : l’âge de la retraite tendant à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne de vie s’élève rapidement (
568 ns). La carrière d’un travailleur au xix e siècle était à peu près la suivante : période d’éducation et d’instruction : 15 an
569 e les tendances actuelles se confirment (ce qui n’ est d’ailleurs pas certain — à cause du tiers-monde à équiper et à nourri
570 lèmes de culture (au sens le plus large du terme) seront alors les plus importants, ils intéresseront la plus large part de la
571 tale et le but de l’existence. III. La technique, étant le produit le plus facilement exportable de notre civilisation, va mo
572 e telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux constatations préalables : 1°
573 tions préalables : 1° En Europe, le niveau de vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès de la technique aient pour
574 onnés par une longue hérédité de travail acharné, sont les moins faits pour supporter l’inaction, ou s’y résigner facilement
575 n, ou s’y résigner facilement. À leurs yeux, elle est bonne pour les vieux, les incapables, les fainéants, ou les jouisseur
576 ation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie est si bas, relativement à l’Occident, et l’accroissement de la populatio
577 ment de la population si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moy
578 d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’écono
579 aires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellisés par
580 ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils sont tous destinés à traverser une période d’industrialisation et de techn
581 s-monde pourraient passer du stade arriéré où ils sont à un stade de productivité très haute, en sautant le stade ouvriérist
582 ltats de la technique, non ses conditions. Ils ne sont pas prêts à l’effort qu’ont fourni les travailleurs occidentaux duran
583 que leur adaptation au monde technique ne pourra être obtenue que par la force (régimes de dictature communiste), ou en plu
584 les crises profondes créées par notre technique, sera perdue. IV. L’Europe, qui a créé la technique grâce à son éthique du
585 plus dissocier travail et loisir. Plus le travail est personnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas de l’artiste ;
586 ngue du jeu créateur : cas de l’artiste ; plus il est machinal, plus il contraste avec le loisir, et plus il rend l’individ
587 seule pourra le promouvoir. La culture européenne est faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conse
588 a technique industrielle, née en Europe — et ce n’ est pas un hasard — , n’a jamais pu s’y développer sur table rase, comme
589 Elle a dû surmonter beaucoup de résistances, et s’ est donc intégrée lentement aux mœurs, aux structures sociales et politiq
590 la productivité et la faculté de jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification et la spontanéité,
591 té, l’action et la méditation. Le but de la vie n’ est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équil
592 le corporel, l’animique et le spirituel. L’Europe étant la mieux placée pour intégrer la technique et ses dons, doit au monde
14 1961, {Title}. Découvrons l’Europe (août 1961)
593 mber dans les plus curieuses contradictions. Il n’ est qu’une péninsule de médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme
594 empires, comme le répètent les journaux. Mais il est , à lui seul, plus peuplé que les deux Grands additionnés. Il est en t
595 , plus peuplé que les deux Grands additionnés. Il est en train de se faire, comme on le dit à Strasbourg, à Luxembourg et à
596 i qui a découvert la Terre entière, et personne n’ est venu le découvrir. Il est donc temps de nous mettre à sa recherche, d
597 entière, et personne n’est venu le découvrir. Il est donc temps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire
598 stoire de notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre
599 d’un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même
600 ope était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un taureau blanc. Conduite
601 lle y fonda la dynastie des Minoens. Puis son nom fut donné par les Grecs aux terres mal connues du Couchant, et c’était bi
602 e, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure est -elle consciente d’elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, rel
603 d, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous sommes à la fin du viii e siècle. Peu après, Charlemagne se fait sacrer à Ro
604 ourant civilisateur venu d’Orient vers l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam. Sur la péninsule enfermée
605 élance. Les hommes et les bateaux suivront. Et ce sera le départ pour l’aventure mondiale, au matin de Palos de Moguer : déc
606 mencent à contester les droits mondiaux qu’elle s’ était arrogés sans scrupules au temps de sa plus grande vitalité. Divisée c
607 stade ultime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, e
608 Proche-Orient. La voilà donc réduite à ce qu’elle était au départ de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la cart
609 épart de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la carte et même à moins : car elle a perdu la Russie et une diza
610 erdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’ Est . Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice univers
611 la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est. Serait -ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? B
612 icitent leur entrée dans cette Communauté. L’élan est pris, la marche vers l’union doit nous conduire, sans guerre, à refai
613 pable d’assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui cette fonction ? Certes, l’Europe ne prétend pas recouvre
614 r les échanges économiques et culturels dont elle fut , dès la Renaissance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de teni
615 ance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourqu
616 et libérale. C’est pourquoi son union fédérale n’ est pas moins nécessaire aux autres qu’à elle-même. Cette Europe qui a pe
617 e compte vous dire une autre fois comment ce fait est démontrable. C’est la terre décisive de la planète. Plus petite, mais
618 nnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’ être découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infiniment v
15 1961, {Title}. Imagination de New York (novembre 1961)
619 ation de New York (novembre 1961)p Toute ville est un piège… plus ou moins efficace, où se prend l’inconscient collectif
620 des rues, claustrés, imaginant de loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’est pas sans agrément pour les gens de passage
621 ant de loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’ est pas sans agrément pour les gens de passage, ou ceux du petit commerce
622 du petit commerce et des spectacles.) Toute ville est histoire autant que mythe et formes. L’histoire commence avec les vil
623 commence avec les villes. Mais les villes en nous sont l’histoire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou
624 bre 1940) Personne ne m’avait dit que New York est une île en forme de gratte-ciel couché. C’est la ville la plus simple
625 nues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les asce
626 . Personne ne m’avait dit, non plus, que New York est une ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’octobre, quand l
627 s que la vallée s’emplit d’une ombre froide. Et j’ étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circu
628 e je connais… Mais il y a plus. Il y a le sol qui est alpestre dans sa profondeur. À Central Park, au milieu des prairies,
629 e larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’
630 esure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent ét
631 tranches, polis et luisants comme du marbre, ont été plaqués sur les façades et dans les vestibules des plus riches bâtime
632 de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, p
633 décise, ni d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés
634 je vois une ville aussi purifiée de nature que l’ est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, s
635 de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage
636 de groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues montent et tournent, épousant les colline
637 liers aux façades étroites, cette rue très courte est l’une des rares — j’en connais trois dans Manhattan — qui à la fois n
638 ands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’ été , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en br
639 e fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’i
640 jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouett
641 ige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par
642 pt secondes. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lo
643 économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons b
644 ge et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À ma hauteur, et un peu plus bas, e
645 queurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper do
646 our, le même amour, mais le cœur s’ouvre — l’aube est l’heure du pardon délivrant — et je me donne au jour américain ! Sur
647 ient de le promener dans Manhattan. — Les maisons sont trop basses ! dit sobrement ce Suisse. C’était sa première visite, da
648 ous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui deviennent trop étroites : un jour l’embouteillage sera
649 eviennent trop étroites : un jour l’embouteillage sera définitif. Un million de voitures abandonnées par leurs propriétaires
650 t de l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui est la dimension sociale, reprend ses droits, que dis-je, ses séductions
651 ix rues transversales de quatre à cinq kilomètres sont livrées à la circulation des petits taxis électriques à deux places q
652 prêcheurs, et Noirs professionnels… (L’habitation est dans la verticale, on y accède par les ascenseurs. Les jeux et les sp