1 1948, {Title}. « Cher lecteur britannique, je connais bien votre prudence… » (automne 1948)
1 parisiens, sympathiques au mouvement pour l’union de l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mai
2 iens, sympathiques au mouvement pour l’union de l’ Europe  : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mais bien pe
3 t à leur succès prochain. Vous n’avez devant vous d’ autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle est lourde… » Ainsi dit
4 st lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur d’ un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : « Il manque à vos
5 d industriel suisse me dit : « En a-t-on vu assez de ces organisations internationales ! Il est bien difficile d’y croire
6 nisations internationales ! Il est bien difficile d’ y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules, faites une actio
7 us voulez réveiller les foules, faites une action d’ éclat, prenez un ours en laisse, et allez parler sur les places. Ce qu
8 iez-vous pas le premier ? Diogène avait bien tort de chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en d
9 e avait bien tort de chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en devenir un lui-même. C’est le plu
10 omme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’ en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi q
11 d’en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’ en trouver. » Quoi qu’il en soit, les propos que je viens de rapporter
12 rter vous donneront, je le crains, une idée juste de l’opinion continentale, au cours de cet automne 1948. Le bel élan imp
13 et automne 1948. Le bel élan imprimé au mouvement européen par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoiremen
14 élan imprimé au mouvement européen par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop m
15 uropéen par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop misé sur des réalisations im
16 n France, conflit insoluble en Allemagne, suspens de la politique américaine à la veille des élections présidentielles, et
17 mieux dire, cette bienveillance plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est nor
18 e plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de déta
19 de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient
20 nt de l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se rep
21 rmal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se replier sur ses intérêts à c
22 bitions à des objectifs immédiats. Comment sortir de cette impasse ? En nous rappelant d’abord, et en rappelant aux masses
23 rappelant aux masses les buts lointains et larges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait
24 s lointains et larges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces
25 rges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’Euro
26 ? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’ Europe  : la guerre, le désastre économique, l’asservissement totalitaire. El
27 ent totalitaire. Elles réveillent dans les masses européennes trois aspirations fondamentales : vers la sécurité, la prospérité, et
28 t les trois besoins que l’on découvre à l’origine de toutes les fédérations connues. Dans un important ouvrage sur la cons
29 s facteurs ont été déterminants pour la formation de la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les
30 tion helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les retrouver, identiquement, dans le Message aux Européens qui termi
31 les retrouver, identiquement, dans le Message aux Européens qui termina le congrès de La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses term
32 s le Message aux Européens qui termina le congrès de La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses termes. Voici d’abord les troi
33 termes. Voici d’abord les trois menaces : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
34 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
35 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
36 oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut d’ une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
37 n à l’unification forcée, soit par l’intervention d’ un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. Et v
38 tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’ un parti du dedans. Et voici la réponse à ces menaces : l’union, seul
39 a réponse à ces menaces : l’union, seule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, dema
40 menaces : l’union, seule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons
41 eule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les pe
42 le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’ outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
43 on politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
44 u monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’ hommes libres. Si ce grand but reste constamment présent à notre espr
45 déal actif dans notre cœur, les vraies dimensions de la lutte seront rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes
46 urs justes proportions. Si nous comprenons bien «  de quoi il s’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou
47 ’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’a
48 t que c’est pour nous tous une question de vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’apparentes
49 nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’ apparentes impossibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de gu
50 ssibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de guerre : impossible ou non, il le faut. Cher lecteur britannique, je
51 c’est qu’à l’heure actuelle, nous ne ferons rien de pratique si nous n’avons pas devant nous une vision nette et puissant
52 ons pas devant nous une vision nette et puissante de notre but final. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notr
53 nal. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notre action, qui les orientera et qui nous forcera à les découvrir l
54 « Voici le secret. Ne pensez plus aux mouvements de votre main. Regardez le rond noir qui est au milieu de la cible, lais
55 ira tout seul. » Le lendemain, je gagnais le prix de tir du bataillon. Cette expérience garde pour moi une valeur symboliq
56 rd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent de cela. C’est dans cette conviction que la Section culturelle du Joint
57 re européen de la culture. Quelle sera la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun d
58 uelle sera la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
59 ssion de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre pl
60 t, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens , de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes :
61 enir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’é
62 fier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’il
63 e rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’ éclairer et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effor
64 conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’ illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union
65 er et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union — de ramener l’attention vers son but. Cert
66 e sens et l’esprit de notre effort vers l’union —  de ramener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aur
67 mener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter
68 e Centre de la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter (la résolution culturelle adoptée par le
69 (la résolution culturelle adoptée par le congrès de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont été pr
70 s de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’ initiatives ont été prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’
71 ns nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe de coordination pour donner leur plein effet. Le Centre sera d’abord au
72 ur plein effet. Le Centre sera d’abord au service de la culture. Mais il ne la servira bien que s’il sert en même temps l’
73 n même temps l’effort commun pour établir l’union européenne . Pas de culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asser
74 ffort commun pour établir l’union européenne. Pas de culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asservie, rui
75 ablir l’union européenne. Pas de culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asservie, ruinée, colonisée. L’une ne v
76 . Pas de culture, au sens européen du terme, si l’ Europe se voit asservie, ruinée, colonisée. L’une ne va pas sans l’autre. Im
77 pas sans l’autre. Imaginez alors, quelque part en Europe , un lieu où notre action puisse être méditée, clarifiée, où son orien
78 s économistes ? a. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
79 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 453. Une note manuscrite indique que ce
2 1949, {Title}. Présentation du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)
80 Présentation du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondém
81 on du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondément
82 n profondément contradictoire dans laquelle vit l’ Europe , depuis 10 ans, est entrée dans la phase critique. Elle est presque d
83 e désespérée. Elle est aussi plus près que jamais de se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de
84 de se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’ Europe est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plus menacée, plus di
85 ans toute sa longue histoire — consciemment — , l’ Europe est en train de se faire. Aux yeux d’un esprit objectif, toutes les c
86 t — , l’Europe est en train de se faire. Aux yeux d’ un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dan
87 yeux d’un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates 
88 t les mêmes conditions qui pourraient être celles d’ une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s
89 Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s’aggraver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absu
90 ver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absurdité. L’avènement brusque et stupéfiant des deux empires ex
91 d’entre nous, mais il réveille aussi le sentiment d’ un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’aban
92 il réveille aussi le sentiment d’un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités d
93 , l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités de l’Histoire, se voient combattus par l’élan vers l’union, vers la fédé
94 lée de Strasbourg, — votre présence ici. Je parle d’ un espoir tremblant. Le sentiment le plus répandu, j’allais dire le pl
95 ndre. » Il y a aujourd’hui une manière proprement européenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres
96 y a aujourd’hui une manière proprement européenne d’ avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres vi
97 ui une manière proprement européenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres viendraient fai
98 éenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’ une guerre que d’autres viendraient faire sur notre sol, et sur le cor
99 viendraient faire sur notre sol, et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des
100 et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des autres, qui serait perdue par nou
101 s enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’ une guerre des autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son
102 n issue. Mais, il y a, en même temps, une manière européenne d’espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir no
103 is, il y a, en même temps, une manière européenne d’ espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre
104 anière européenne d’espérer, un espoir proprement européen , qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là mê
105 rer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance c
106 en, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance capable d’imposer la paix. Telle
107 et de retrouver par là même une puissance capable d’ imposer la paix. Telle est la situation contradictoire dans laquelle
108 re dans laquelle nous sommes engagés. À son point de crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait r
109 int de crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait raison du désespoir. Mais il faut aller vite, e
110 s’esquissent, à Strasbourg, les cadres politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée huma
111 uissent, à Strasbourg, les cadres politiques de l’ Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée humaine de ce
112 s politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de l
113 rand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but
114 e, la portée humaine de cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence.
115 ine de cette action, la vocation de la communauté européenne . Tel est le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous
116 la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une répo
117 but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une réponse à la question dangereuse que pose
118 posent nos circonstances historiques : Pourquoi l’ Europe  ? qu’a-t-elle à dire aux hommes ? quels sont ses droits humains et sp
119 elles propres à garantir et développer l’exercice de la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’est plus rien. On pourrait
120 er l’exercice de la pensée libre, sans laquelle l’ Europe n’est plus rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette
121 rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette conférence. Les mots européen, culture, prêtent à des controver
122 ns fin sur le titre de cette conférence. Les mots européen , culture, prêtent à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’
123 à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’ Europe, d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Eu
124 des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’ Europe , d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe !
125 troverses trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe, d’ unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et
126 trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe, d’unir l’ Europe , chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et finit par off
127 ’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’ Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europ
128 urope, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’ Europe  ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de
129 Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à
130 it par offrir une belle définition de ce qu’est l’ Europe , de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce di
131 ffrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialog
132 ition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix r
133 s voix reste, à tout prendre, la vraie définition de l’Europe, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, cha
134 x reste, à tout prendre, la vraie définition de l’ Europe , une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, chacun donne
135 rope, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, chacun donne à ce mot des contenus différents, — et cela enc
136 es contenus différents, — et cela encore est très européen . Ailleurs, on le sait, peuvent régner certaines définitions obligatoi
137 r certaines définitions obligatoires et uniformes de la culture ; mais par là même, les pays qui les adoptent ou les subis
138 ays qui les adoptent ou les subissent, s’écartent de la communauté européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il est v
139 ent ou les subissent, s’écartent de la communauté européenne , — provisoirement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme de cultu
140 rement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme de culture évoque des réalités hétéroclites : inventions techniques et b
141 es et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédés de construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; con
142 truction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité hu
143 philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique 
144 doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la v
145 tat ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religions.
146 Culture peut signifier aussi prise de conscience de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’ex
147 i prise de conscience de la vie, besoin perpétuel d’ approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouv
148 ence de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’ illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, t
149 in perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que
150 pprofondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’ augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses.
151 er le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses. Culture peut signifier
152 ure peut signifier enfin, l’ensemble des procédés de création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre
153 emble des procédés de création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre conférence s’interdise les déb
154 s définitions. À toutes fins utiles, elle partira de l’idée que la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirit
155 ités intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réa
156 intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’ Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réalité phys
157 colte. Il est tard, vous le savez, il est tard en Europe . C’est pour agir, mais à notre manière, pour instituer et pour créer,
158 jours par la rendre folle, il se contente parfois de l’endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’occupations acc
159 endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’ occupations accablantes et flatteuses, qui ne leur laissent plus une s
160 tastrophes. On demande à certains « grands noms » de venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils
161 « grands noms » de venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis u
162 ands noms » de venir participer au sauvetage de l’ Europe . Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis une confér
163 ne conférence. D’autres invoquent un besoin subit de se retirer pour méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils sont
164 és, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps de rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les r
165 rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les raisons urgentes qui motivaient un rassemblement comm
166 ôtre. Ils comprendront qu’il est certains moments de l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins qu’en y allant tous
167 qui êtes ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous
168 ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’ argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous tous un t
169 n quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout d’ énergie créatrice, représente pour vous tous un tel effort. Pour être
170 Pour être juste, il faut reconnaître que beaucoup d’ intellectuels redoutent non sans raison l’atmosphère des congrès, inco
171 tmosphère des congrès, inconsidérément multipliés de nos jours. Je les comprends, et je comprends surtout ceux d’entre eux
172 hésite à s’engager dans une action où le meilleur de lui-même ne saurait s’exprimer. Il y a des gouffres, des abîmes, entr
173 férent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin de la communauté dont il écrit la langue, où sa voix porte, qui peut le
174 congrès. Voyons maintenant comment il conviendra de l’organiser. Vous avez sous les yeux un Rapport général. Établi pour
175 i pour l’information des délégués, ce rapport n’a d’ autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont
176 des délégués, ce rapport n’a d’autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au
177 e rapport n’a d’autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une enq
178 s problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’ une enquête dans nos divers pays. Chacun des groupes nationaux du mouv
179 n questionnaire sur l’état des problèmes concrets de la culture dans son pays. Dix-sept groupes ont donné des réponses dét
180 û l’improviser avec des groupes en pleine période de formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y
181 n pleine période de formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y aurait à dresser systématiquemen
182 un inventaire des forces culturelles dans toute l’ Europe , un inventaire aussi des lacunes, des obstacles, permettant de délimi
183 aire aussi des lacunes, des obstacles, permettant de délimiter des zones critiques où concentrer l’effort. Puis, des étude
184 s concrets nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’ études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouve
185 s nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouverez dans
186 que vous trouverez dans vos dossiers. Sur la base d’ une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéci
187 ez dans vos dossiers. Sur la base d’une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des docu
188 ur la base d’une quinzaine de rapports nationaux, d’ une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapp
189 quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapport général a te
190 es documents précités, le Rapport général a tenté d’ opérer une synthèse provisoire, en guise d’introduction à vos travaux.
191 n instant destiné à faire l’objet des discussions de la conférence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’exposé de
192 rence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’ exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain,
193 ts. Il veut servir d’exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain, seront proposées et mises au p
194 u problème des échanges, l’autre aux institutions européennes à développer ou à créer, les problèmes non techniques restant, bien e
195 niques restant, bien entendu, réservés aux débats de l’ensemble du congrès, siégeant en commission générale. Il nous appar
196 rale. Il nous apparaît aujourd’hui qu’il y a lieu de prévoir une nouvelle commission, consacrée à l’éducation et à l’ensei
197 sion, consacrée à l’éducation et à l’enseignement européen . J’en dirai tout à l’heure les raisons. Permettez-moi maintenant quel
198 à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, «  d’ organiser les échanges culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en
199 frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, n
200 tières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’ Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, ne doivent
201 res nationaux, ne doivent pas chercher des moyens de correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent
202 des moyens de correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent au contraire exiger leur « élargisseme
203 ment » immédiat, sans conditions. Le terme même «  d’ échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
204 , avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force d’ avoir servi d’échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien mal
205 est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’ échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien malgré eux, souve
206 x, souvent) des problèmes réputés « secondaires » de la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce p
207 éputés « secondaires » de la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’échanges
208 r en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’ échanges surveillés que leurs douaniers et leurs agents fiscaux sauron
209 ux quelques petits décrets concernant les voyages de quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bon
210 es de quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bons élèves ; et quelques phrases bien plates sur
211 hrases bien plates sur l’indispensable solidarité de nos nations. Une hypocrisie ennuyeuse. Prétendre « organiser les écha
212 droits que l’État s’est arrogés, et qu’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’abaisser des obstac
213 ’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’ élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
214 e lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’ abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées, des per
215 nent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant,
216 ls ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits
217 es périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités a
218 ure. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques
219 uvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de p
220 ant, de produits originaux, de curiosités avides, d’ expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non p
221 de curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements
222 es, d’expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème —
223 s de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre co
224 passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre congrès : 1° abandonner, e
225 : 1° abandonner, et au besoin dénoncer la méthode de « l’organisation des échanges », 2° exiger la suppression pure et sim
226 ion des personnes, des œuvres, et des instruments de travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
227 des instruments de travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bé
228 instruments de travail, dans toute l’étendue de l’ Europe . Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice es
229 l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, do
230 l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, dont la charge
231 re. Et surtout ne proposons pas, dans ce domaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse d’esprit qui entraîne tant de
232 omaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse d’ esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines b
233 d’esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines bureaucratiques. Restaurer la culture, c’est aussi
234 poids mort des organisations ! Qu’on n’essaie pas d’ organiser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’une respirat
235 ser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’ une respiration organisée, n’est-il pas vrai, vous coupe le souffle. Q
236 s vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était
237 . Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé
238 e, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse lib
239 origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifeste
240 n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe o
241 richir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins
242 sités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’ Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voil
243 er ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voilà le remède pratique à presque tous les
244 un effort positif. Il serait insuffisant et vain de vouloir revenir simplement à la condition libérale qui était celle de
245 implement à la condition libérale qui était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je
246 condition libérale qui était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouv
247 était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Ann
248 ps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Annuaire de la Compagnie européenne des wagons-lits, au chapitre sur les passepor
249 L’on pouvait lire dans l’Annuaire de la Compagnie européenne des wagons-lits, au chapitre sur les passeports : « Le passeport n’es
250 Pour l’entrée dans tous les autres pays, la carte de visite suffit » ! Mais cette liberté des échanges n’a pas suffi à ré
251 titutions qui garantissent et manifestent l’unité de nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’instr
252 nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’ Europe unie d’instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il
253 dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’ instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut au
254 ersité. Il faut doter l’Europe unie d’instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut aussi former les
255 er les jeunes hommes qui deviendront les porteurs de l’idée fédérale, sans laquelle nos réformes techniques et matérielles
256 lles resteront lettre morte. Sur les institutions européennes à fonder, je serai bref : les documents et rapports spéciaux mis à la
257 cuments et rapports spéciaux mis à la disposition de la conférence donnent le détail des projets à l’étude. Au premier ran
258 » que le xx e siècle a vu naître, il est frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’Europe c
259 u’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’ Europe comme unité. Les uns veulent embrasser le monde entier, tandis que le
260 s pays forment un ensemble, un complexe organique de culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-
261 omplexe organique de culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-ci distinguent souvent mieux que
262 mble n’ait pas encore été étudié en tant que tel, d’ une manière systématique ; et qu’il n’existe aucune institution capabl
263 ue ; et qu’il n’existe aucune institution capable de renseigner sur l’Europe en général, sur sa situation présente, sur l’
264 te aucune institution capable de renseigner sur l’ Europe en général, sur sa situation présente, sur l’état de ses forces et de
265 en général, sur sa situation présente, sur l’état de ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes.
266 a situation présente, sur l’état de ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’
267 ur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’ une telle institution soit urgent, rien ne saurait mieux le faire sent
268 difficultés qu’a rencontrées la préparation même de notre conférence, et que ses insuffisances inévitables dans l’état ac
269 ses. Je tiens à vous rappeler que, dès le congrès de la Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’un Centre europé
270 a Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’ un Centre européen de la culture, dont les attributions furent esquiss
271 par la résolution culturelle du congrès. Au mois de février 1949, le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’étud
272 du congrès. Au mois de février 1949, le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé de préparer l’œuvre du Ce
273 le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’ études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septem
274 opéen ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même an
275 rgé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg vo
276 er l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unan
277 tembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unanimité une recommandation favorable à la cré
278 nimité une recommandation favorable à la création d’ un Centre européen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Gen
279 ntre européen de la culture. Le travail du Bureau d’ études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus prè
280 péen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la ques
281 ’études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la question. Il a conduit aux conclusions pratiqu
282 t leur réserver. Il en va de même pour le Collège d’ Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commi
283 leur réserver. Il en va de même pour le Collège d’ Europe , à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commis euro
284 llège d’Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commis européens », dont les futures institutions
285 ège qui permettrait de former les « grands commis européens  », dont les futures institutions de l’Europe unie auront évidemment b
286 commis européens », dont les futures institutions de l’Europe unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sa
287 s européens », dont les futures institutions de l’ Europe unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sans plus d
288 de commentaires, car l’heure s’avance, un projet d’ institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet s
289 aires, car l’heure s’avance, un projet d’institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds
290 ces politiques et sociales ; et ce projet surtout d’ un Fonds européen pour les recherches scientifiques, dont l’importance
291 ues et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds européen pour les recherches scientifiques, dont l’importance capitale ne saur
292 mission proposée tout à l’heure, qui s’occuperait de l’enseignement européen, deux mots seulement, mais importants. La pré
293 out à l’heure, qui s’occuperait de l’enseignement européen , deux mots seulement, mais importants. La préparation de notre confér
294 x mots seulement, mais importants. La préparation de notre conférence, l’abondance et la qualité des rapports reçus sur le
295 t la qualité des rapports reçus sur les questions d’ éducation, ont montré à quel point ce souci est général dans nos pays.
296 le monde se rend parfaitement compte que l’avenir de l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite
297 rend parfaitement compte que l’avenir de l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite responsable de jeun
298 enir de l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un es
299 européenne dépend en premier lieu de la création d’ une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranatio
300 emier lieu de la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranational. Cette tâche, comme
301 l’écrit M. Jean Bayet, « exigera la bonne volonté de plusieurs générations, (mais) réclame aussi un départ extrêmement vif
302 aussi un départ extrêmement vif et net ». L’effet de choc que produira sur l’opinion publique l’institution rapide d’un en
303 duira sur l’opinion publique l’institution rapide d’ un enseignement européen constituera la meilleure propagande pour notr
304 n publique l’institution rapide d’un enseignement européen constituera la meilleure propagande pour notre union, et peut-être la
305 nt facilement être créés par le blocage, au titre européen , d’une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouve
306 ent être créés par le blocage, au titre européen, d’ une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernem
307 cage, au titre européen, d’une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernements et l’économie privée
308 és. Nous invoquerons le fait que, si le sentiment d’ un destin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne so
309 stin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne sont pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur
310 ettre nos gouvernements devant un choix. Un ordre de priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de r
311 s devant un choix. Un ordre de priorité doit être d’ urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bom
312 tre d’urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel
313 ce établi. Il est probable que le prix de revient d’ une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel des instit
314 institutions que nous venons de proposer. Le prix d’ une seule bombe atomique couvrirait donc le budget global d’une renais
315 e bombe atomique couvrirait donc le budget global d’ une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mor
316 ouvrirait donc le budget global d’une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des
317 le budget global d’une renaissance de la culture européenne . Construire des engins de mort qui coûtent des milliards, quand on re
318 e de la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millio
319 e mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millions qui permettraient de développer la recherche sci
320 refuse de trouver les millions qui permettraient de développer la recherche scientifique pour la paix et la vie, c’est la
321 ientifique pour la paix et la vie, c’est la folie de l’Occident moderne. À tel point, qu’on se demande parfois s’il ne vau
322 l ne vaudrait pas mieux être restés barbares, que de nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture
323 e de nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, c
324 tre aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, cont
325 Pour quelles fins réelles voulons-nous ces moyens de culture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La
326 ns-nous ces moyens de culture, et cette éducation d’ une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
327 ture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiqu
328 et cette éducation d’une conscience commune de l’ Europe  ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « e
329 être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement «  européenne  ». Qu’il soit bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nati
330 pas substituer aux nationalismes locaux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au mond
331 ux nationalismes locaux une sorte de nationalisme européen . L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujo
332 smes locaux une sorte de nationalisme européen. L’ Europe s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu
333 e sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civilis
334 toujours conçu sa civilisation comme un ensemble de valeurs universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une
335 s universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’ opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Oue
336 s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « cult
337 opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthé
338 nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valab
339 e aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valable pour nous seu
340 l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne  » synthétique, valable pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce s
341 fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre
342 ée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’ Europe , nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition
343 e serait trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contr
344 chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le mo
345 es. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de
346 nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’ une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est l
347 a leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. E
348 d’une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non pl
349 vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pouvons réformer qu
350 acceptons pas la scission que symbolise le rideau de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occid
351 de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’i
352 amener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
353 les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image d’ une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend
354 uples séparés, c’est de leur offrir l’image d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend au sérieu
355 d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’ une Europe qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde
356 Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde. Une Euro
357 rieux sa vocation particulière dans le monde. Une Europe affaiblie et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières d
358 blie et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une
359 ée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe procla
360 arrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’ attraction. Une Europe proclamant des principes sans les appliquer fer
361 s, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe proclamant des principes sans les appliquer fermement, n’aurait bient
362 pliquer fermement, n’aurait bientôt plus le droit de parler. Prendre au sérieux la vocation européenne, c’est une mission
363 e droit de parler. Prendre au sérieux la vocation européenne , c’est une mission de vigilance dont les intellectuels des pays libre
364 sérieux la vocation européenne, c’est une mission de vigilance dont les intellectuels des pays libres doivent se sentir pl
365 tir plus que jamais responsables. Il leur incombe de rappeler sans relâche aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux
366 eurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre de principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que
367 uraient être négligés dans la pratique sans que l’ Europe perde ses droits à l’existence et à l’autonomie. Si nous exerçons, à
368 nomie. Si nous exerçons, à Lausanne, cette action de vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’el
369 on de vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne.
370 aiment de notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, to
371 onférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne . Une conscience malheureuse, il est vrai, tourmentée, peut-être coupa
372 conscience, en dernière analyse. C’est notre lot d’ Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la co
373 onscience, en dernière analyse. C’est notre lot d’ Européens , et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la conscience
374 lot d’Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la conscience au bonheur. Vocation tragique et féco
375 à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, dont l’une qui nous est chère, cultive un idéal eudémonique
376 est chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal d’ un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait tro
377 onheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait trouvé ses plus hautes expressions que dans quelques tableaux c
378 mes, quelques prières. C’est par la musique seule de Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous
379 es prières. C’est par la musique seule de Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous en respiro
380 , nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans d’ innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de tr
381 s pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyen
382 prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations
383 ouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notr
384 xercice de nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. S
385 ui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. Sauvons l’Europe tragique, pour que nos descendants puissent e
386 foi, sans renier nos raisons de vivre. Sauvons l’ Europe tragique, pour que nos descendants puissent encore habiter en esprit,
387 t, par la grâce des chefs-d’œuvre futurs, au ciel de la musique — dans une Europe heureuse. b. Édition réalisée sur la b
388 -d’œuvre futurs, au ciel de la musique — dans une Europe heureuse. b. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à
389 urope heureuse. b. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
390 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date est celle du discours prono
3 1950, {Title}. Sixième lettre aux députés européens (décembre 1950)
391 Sixième lettre aux députés européens (décembre 1950)c Messieurs les députés consultatifs, Je vous souha
392 ngoissé que mes cinq premières lettres essayaient de traduire. On ne saurait dire pourtant que vous n’ayez rien fait : vou
393 ayez rien fait : vous avez démontré l’impuissance d’ une formule, d’une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont
394 : vous avez démontré l’impuissance d’une formule, d’ une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls,
395 ré l’impuissance d’une formule, d’une méthode, et d’ un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls, mais négatifs. Il
396 donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent d’ y voir plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui est la vôtre,
397 s nationaux, qui est la vôtre, il est clair que l’ Europe ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour la seule réaliste. V
398 eraient rien qui puisse conduire à une fédération de l’Europe, vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le
399 nt rien qui puisse conduire à une fédération de l’ Europe , vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le plus cher
400 qu’au point mort défini par le croisement fortuit de leurs résolutions contradictoires, elles-mêmes condamnées au néant pa
401 es condamnées au néant par un statut que le droit de veto rend inchangeable, aussi longtemps que le Nord restera froid. En
402 ter des résistances… ». Voilà qui donne la mesure de votre réalisme. Imaginez que les premiers apôtres soient partis sur l
403 tit à petit notre point de vue, mais gardons-nous de citer un nom dont l’usage est prématuré : il nuirait à la cause que n
404 ctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans d’ un procédé pour faire l’Europe qu’ils appellent functional approach. C
405 parlent depuis deux ans d’un procédé pour faire l’ Europe qu’ils appellent functional approach. Ceux qui ne savent pas très bie
406 ux qui ne savent pas très bien l’anglais, jugeant de la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’une antiphrase — 
407 la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’ une antiphrase — comme « démocratie populaire ». Abandonnés à leur ins
408 s à leur instinct, ces ignorants eussent continué de penser que functional signifie « qui fonctionne », et que approach ég
409 , et que approach égale « approche ». Cette façon de s’approcher du but en fonctionnant leur paraissait éminemment fédéral
410 fédéraliste. Mais voyant la conduite et les votes de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que
411 la conduite et les votes de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que ces messieurs désiraient
412 du but allégué en refusant tout ce qui fait mine de fonctionner. Soit dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens sembl
413 dre l’anglais. L’ayant fait, je me vois en mesure de dissiper le malentendu. Voici le problème que les fonctionnalistes pr
414 un but précis, qui est la fédération des peuples de l’Europe, n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement
415 ut précis, qui est la fédération des peuples de l’ Europe , n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement pratique
416 un prétexte, exiger des moyens purement pratiques de l’approcher un jour ou l’autre, et les refuser lorsque quelqu’un les
417 . Le fait est que cette querelle est une histoire de fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maiso
418 ous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maison, et deux partis sont en présence. Le premier dit : d
419 ient à construire un rez-de-chaussée, sans l’idée d’ une maison. Que pensent alors les gens sensés ? Ils pensent qu’on ne b
420 guère. Ils pensent que les plans seuls permettent de commencer par les caves et le rez-de-chaussée, comme le veulent la ra
421 reproche qu’il faudrait donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de
422 donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfian
423 est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nati
424 vie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nationales derrière un mot q
425 enfin soyons francs, voyons l’histoire récente : d’ où viennent les « mesures pratiques » aujourd’hui discutées ? Qui veut
426 respect des autonomies ? Qui s’oppose à l’esprit de système, jacobin, stalinien, daltonien et totalitaire en fin de compt
427 n et totalitaire en fin de compte ? Qui a proposé de faire l’Europe en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’ar
428 taire en fin de compte ? Qui a proposé de faire l’ Europe en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’armée, les transp
429 ontreux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès de l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque
430 ux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès de l’ Europe , à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque fois qu’i
431 l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’ utopie, à chaque fois qu’ils ont vu le jour ? Ceux qui refusent la con
432 le jour ? Ceux qui refusent la condition première de leur mise en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il est bien cl
433 clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’Europe, à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan
434 r qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’ Europe , à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan vert, ou
435 échoueront. Je me déclare ici partisan convaincu de la méthode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthod
436 ode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare
437 ecte de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors
438 je me sépare de vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors je me demande, Messieurs les députés
439 ce qu’il vous reste à faire, à Strasbourg, pour l’ Europe . Vous venez d’émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spéc
440 à faire, à Strasbourg, pour l’Europe. Vous venez d’ émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spécialisées, pensa
441 ez bien voulu permettre aux États qui le désirent de nouer des ententes. L’intention vous honore. Mais les États souverain
442 tats souverains ne s’attendaient guère à recevoir de vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous
443 ndaient guère à recevoir de vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous le savez mieux que moi :
444 le savez mieux que moi : le plan Schuman, l’armée européenne , les unions de paiements et tous les autres plans, ils se feront sans
445 : le plan Schuman, l’armée européenne, les unions de paiements et tous les autres plans, ils se feront sans vous, vous leu
446 quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien gardés de l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline est au
447 la guerre, on va vite, ou bien l’on est battu. L’ Europe se fera sans vous, tout le monde le voit maintenant. Elle se fera com
448 lle se fera comme se font les tissus, les réseaux de résistance, les entreprises, les cultures, les grandes découvertes, l
449 us reste absolument qu’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédige
450 u’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa con
451 Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa constitution. Vous êtes politiciens, députés et juristes. Fonction
452 fédérez, selon votre spécialité, dans les limites de votre autorité ! Sinon, nous serons tous, avant longtemps, satellisés
453 ns tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés. De Ferney-Voltaire, le 15 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la ba
454 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
455 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 355. Publié également dans François Sain
4 1951, {Title}. Discours au congrès de Bombay (mars 1951)
456 Discours au congrès de Bombay (mars 1951)d Ce congrès est une manifestation culturelle, n
457 n culturelle, non pas politique. Il est important de le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a nié, ici même
458 taines personnes mal informées ont dit, ici et en Europe  : — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous êtes tous des antis
459 rmées ont dit, ici et en Europe : — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous êtes tous des antistaliniens, donc votre
460 né à combattre la neutralité en général, et celle de l’Inde en particulier. Je vais m’expliquer très franchement sur ces t
461 ou des libéraux. Nous sommes contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’ordre intellectuel et m
462 ce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’ ordre intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner l
463 e intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner la culture à la politique, — à n’importe quelle politique
464 te quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens
465 La culture s’occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réalise
466 la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonne
467 er ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonner les fins aux moyens. C’est une grave faute pratique aussi
468 faute pratique aussi : parce que cela fait autant de mal aux fins qu’aux moyens. D’une part, la politique prise pour fin a
469 religions, en même temps qu’elle perd ses vertus de science pratique. D’autre part, dès que la culture est subordonnée à
470 ulture est subordonnée à la politique, elle cesse d’ être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation me
471 née à la politique, elle cesse d’être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage
472 ment que nous pouvons perdre demain notre liberté de penser. J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis sou
473 jeunes et folles années, je me suis souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde
474 is souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde ne saurait nous en priver. Même
475 priver. Même en prison, l’homme garde la liberté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit qu
476 erté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit que personne ne pourrait lui ôter ? J’avais ent
477 , si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
478 s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser ce qu’il nous plaît, les autres droits que nous aurons seront
479 litaire qui s’en empare. Ceux qui ont lu le livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux
480 e livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux qui ont lu Darkness at Noon de Koestler, o
481 iologistes, qui prouvent qu’en pinçant le cerveau d’ un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
482 pas seulement redécouvert, à la faveur des camps de concentration russes et des fours crématoires des nazis, la valeur pr
483 ours crématoires des nazis, la valeur primordiale de l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
484 l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit de chaque homme à son âme — habeas animam ! et nous pouvons le perdre. N
485 un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme de sa propre pensée. Je n’en veux pour preuve que la toute dernière paro
486 part donc la menace totalitaire contre la liberté de la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vi
487 e la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve
488 ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve qu’en fait
489 ve qu’en fait, le totalitarisme le plus dangereux de nos jours est le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie
490 ours est le stanilisme, variété la plus puissante d’ une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangism
491 police politique, donc à corrompre la source même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. En secon
492 lairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les staliniens sont « pour la Russie ». Pour le s
493 a Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères de jugement intellectuels et artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt d
494 t confondu une fois pour toutes avec les intérêts d’ une grande puissance bien définie. Pour le stalinien, le vrai égale l’
495 e être actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, un
496 our toutes, à tout ce que l’Amérique peut décider de faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la libe
497 sommes amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. Et nous ne confondons pas nos conclusions politiques actue
498 pour condamner la neutralité en général, et celle de l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une po
499 position extrêmement claire. Il me paraît capital d’ établir une distinction nette entre la neutralité et le neutralisme. L
500 situations bien définies. C’est aux hommes d’État d’ en juger. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juge
501 er. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne s
502 is raisons majeures de ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne suis pas homme d’État ; la seco
503 je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y existe pas.
504 ralité simplement n’y existe pas. Créer, ou faire de la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque
505 ire de la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque créer, c’est opérer des choix perpétuellement,
506 t la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistique, scientifique, ou morale. Il im
507 ralité temporaire dont les motifs sont en réalité d’ ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de r
508 t politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général 
509 e. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison d’ approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’a
510 el, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de
511 tralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de lutter contre le neutralisme moral. J’illustrerai ce point par une pe
512 un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide de rester neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. J
513 rès tout, soyons objectif ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand faim, il a beauco
514 faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme parfait, il boi
515 ons lutter, je veux dire : — contre cette manière de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle pol
516 tre cette manière de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même dém
517 de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même démocratique : car d
518 Nous devons être ici non pas contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’est pas notre affaire — mais contre le mensong
519 d ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise de parti politique en faveur des loups, par des moutons qui désirent sec
520 és. Nous devons être ici fidèles à notre vocation d’ intellectuels : ce sera notre efficacité la plus certaine. Notre maniè
521 efficacité la plus certaine. Notre manière à nous de défendre la liberté, ce sera d’opérer avec rigueur les distinctions e
522 re manière à nous de défendre la liberté, ce sera d’ opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessaires
523 s pour combattre la propagande des loups. Ce sera de nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même si
524 ret du mot liberté, même si nous ne faisions rien d’ autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous
525 nous ne faisions rien d’autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous aurions réussi quelque chos
526 nous aurions démontré par le fait la réalité même de la liberté, réalité qui se manifeste au plus haut point dans la reche
527 ionnée du vrai. d. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
528 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 485. Il s’agit du discours prononcé à Bo
529 2e grande conférence internationale (après celle de juin 1950 à Berlin-Ouest) organisée du 28 au 31 mars 1951 par la bran
530 ar la branche indienne du Congrès pour la liberté de la culture, dont Rougemont est le président du comité exécutif. Des e
531 est le président du comité exécutif. Des extraits de ce discours ont été publiés dans Preuves et dans la brochure Les L
5 1952, {Title}. La vie religieuse aux États-Unis (1942-1945) (1952)
532 jugement courant un peu de vérité, mais beaucoup d’ erreurs et encore plus d’ignorance des faits, c’est ce que je voudrais
533 de vérité, mais beaucoup d’erreurs et encore plus d’ ignorance des faits, c’est ce que je voudrais vous faire voir, comme j
534 , pendant les six années que j’ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Je recommencerai ma description par l’extérieur, par ce
535 ent. On m’avait dit que je trouverais à Manhattan de pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
536 phants, et que c’était là le symbole bien visible de la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j
537 était là le symbole bien visible de la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j’ai vu cette viei
538 érique. Et en effet, j’ai vu cette vieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon d
539 ieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien fi
540 esse sa flèche de brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’immen
541 et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’ immenses parois luisantes des banques. Mais j’ai remarqué que les empl
542 j’ai remarqué que les employés et les directeurs de ces banques venaient nombreux aux offices célébrés chaque après-midi,
543 glican. Et puis, en remontant les grandes avenues de Manhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le l
544 anhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du go
545 ppé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du gothique — et par la cir
546 e nos édifices religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de gr
547 religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine
548 Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’ une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande c
549 l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande cathédrale du m
550 ont achevées. Allez maintenant dans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre. Vous êtes accueilli à l’entrée des villages p
551 uhaitant la « bienvenue à tous » dans les églises de la localité. Dans un village d’un millier d’habitants, vous trouverez
552 dans les églises de la localité. Dans un village d’ un millier d’habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de cult
553 ises de la localité. Dans un village d’un millier d’ habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessi
554 habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dén
555 , vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénomination
556 nfessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénominations » différentes : l’un baptiste, l’autre méthodiste, le
557 onces du journal et je lis par exemple : « Maison de 6 pièces, confort, garage, métro, Église à proximité ». Je n’ai jamai
558 tro, Église à proximité ». Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quar
559 Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial.
560 un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. J
561 nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’ aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. Je lis en tête
562 servez votre privilège américain : allez au culte de votre paroisse ! » Et quand j’ouvre les énormes journaux du dimanche
563 ciales des paroisses (qui comprennent des séances de loto, des cinémas, et des soirées dansantes), annonces des services q
564 antes), annonces des services qui seront célébrés de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » d
565 de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » différentes. Comment expliquer cette présence si vi
566 pliquer cette présence si visible et si naturelle de la religion dans la vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse d
567 a vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter
568 aine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des É
569 s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des États-Unis pour en
570 s-Unis ont été peuplés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils
571 s groupes successifs de colons, la plupart exilés d’ Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique
572 groupes successifs de colons, la plupart exilés d’ Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’ét
573 de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
574 venaient chercher en Amérique, c’était la liberté de célébrer leur culte à leur manière et plus encore : la liberté de bât
575 culte à leur manière et plus encore : la liberté de bâtir une cité conforme à leurs doctrines morales et politiques. Et c
576 vique fut étroitement déterminée par la théologie de leurs églises diverses. Notons en passant que s’il y a tant de confes
577 ées des colons : un luthérien parce qu’il descend d’ ancêtres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ancêtres holla
578 tres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ ancêtres hollandais, un presbytérien d’ancêtres anglais, un catholique
579 mé descend d’ancêtres hollandais, un presbytérien d’ ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ancêtres italiens ou irlanda
580 ytérien d’ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les
581 omain, d’ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se r
582 t ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dé
583 estants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romai
584 grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romains. Mais il me tarde d’en venir au rôle social que j
585 millions de catholiques romains. Mais il me tarde d’ en venir au rôle social que joue la religion en Amérique. Le grand fai
586 que les États-Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à l
587 Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à la vie publique
588 ociale, la religion en Amérique ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas d’argent, et garde donc une totale indépend
589 ue ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas d’ argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de
590 s d’argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de la politique nationale. Il en résulte deux cons
591 ais connu, et ne peut pas connaître, le phénomène de l’anticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la c
592 ticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en Europe , de la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parf
593 alisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parfaite
594 rés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence de l’indépendance des Églises en Amérique, c’est que ces Églises restent
595 Amérique, c’est que ces Églises restent en mesure de critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacit
596 de critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’
597 r l’État et sa politique, avec autant de force et d’ efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’à l’origine
598 le. C’est ainsi qu’à l’origine et au premier rang de la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
599 er rang de la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lu
600 clavage des noirs, de la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travail
601 ntre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travailleurs, du pacifisme militant, bre
602 its des travailleurs, du pacifisme militant, bref de toutes les grandes causes publiques aux États-Unis, vous trouverez un
603 m de leur Bible qu’un démagogue au nom des droits d’ une classe. Il en résulte qu’on ne saurait surestimer la puissance des
604 méthodiste, la plus nombreuse, opposait à l’idée de guerre en général et au service militaire. Le peuple américain, duran
605 é. Il ne serait pas possible, aujourd’hui encore, de gouverner les États-Unis contre l’opinion des principales Églises. Le
606 lises protestantes, il a dû rapporter sa décision de nommer un ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’une parti
607 n ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’ une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a
608 otestation d’une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a joué un rôle important dans l’évolution
609 ué un rôle important dans l’évolution subséquente de la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que
610 ubséquente de la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civiqu
611 itique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civique, plus qu’une
612 ique. L’Américain tend à ramener la foi au niveau d’ un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu d
613 ricain tend à ramener la foi au niveau d’un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans
614 au d’un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans sa piété. Mais en retour, il nous f
615 quotidienne et dans la vie publique. Nos Églises d’ Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais l
616 uotidienne et dans la vie publique. Nos Églises d’ Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Égl
617 vie publique. Nos Églises d’Europe montrent plus d’ exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines
618 d’Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines se font mieux entendre des
619 orale, comment choisir ? Le mieux, certes, serait d’ échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réa
620  ? Le mieux, certes, serait d’échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américain
621 ertes, serait d’échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mu
622 ger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mutuelle plus e
623 ule conduire à cette synthèse qui serait le salut de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
624 de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
625 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 1000.
6 1952, {Title}. L’Œuvre du xx e siècle (mai 1952)
626 récédent par son prestige et son ampleur, résulte d’ une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout d
627 sulte d’une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en est pas un,
628 quets et des résolutions finales rarement suivies d’ effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’une organisation perm
629 d’effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’ une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans n
630 d’une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans nos grandes capitales, et groupant des artistes, d
631 s savants. Son but est simple : animer une action de résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des c
632 tion de résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des corps et des esprits, que résume l’adjectif « 
633 ts, que résume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protes
634 ume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protestants ou ag
635 iques, protestants ou agnostiques, tous partisans de la liberté ; Européens, Américains ou Asiatiques, tous unis dans la v
636 ts ou agnostiques, tous partisans de la liberté ; Européens , Américains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté de sauver l’homm
637 éricains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fan
638 ques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’est en r
639 itaire. On nous a souvent dit : « C’est très bien de se défendre, mais la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soy
640 oyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile de répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la maladie, ils
641 rir. Le monde moderne étant menacé par une espèce de maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance d
642 pèce de maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette co
643 t de restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette confiance en soi, sans cet élan, comment aimer la
644 ositive, apaisante et libératrice aux propagandes de dictatures. C’est cette réponse qu’espère donner l’exposition que nou
645 intitulée l’Œuvre du xx e siècle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
646 re du xx e siècle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Str
647 cle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués
648 de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs o
649 éra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe e
650 à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Marke
651 ravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’ Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et
652 joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de no
653 es de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toi
654 de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fame
655 us la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne e
656 nsermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’œuvres théâtrale
657 ézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’ œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier gran
658 tions d’œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédi
659 ère pièce de Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol
660 grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol. Concerts, tableaux, statues, poè
661 rythmes et chœurs : avions-nous oublié ce peuple de beautés transfigurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’un
662 igurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’ un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’est pas tout. Notre époque a cré
663 a créé tant de formes, inventé tant de styles et de techniques nouvelles, que le public s’essouffle à suivre cet essor. À
664  : si vous ne comprenez pas du premier coup l’art de l’époque, eh bien, c’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
665 ’est vous qui avez raison, car c’est le contraire d’ un art, et c’est la preuve que nous sommes en pleine décadence. D’autr
666 , bien au contraire : — jamais on n’avait vu plus d’ audace créatrice. Si vous ne comprenez pas le cubisme, les nouvelles h
667 ou Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine d’ être attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les gran
668 t notre « art dégénéré » et lui opposent un idéal de photographies en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de pré
669 en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de préférer la liberté et tous ses risques, ou si la discipline (sous pe
670 les meilleurs écrivains, critiques et philosophes de notre temps, à venir commenter dans des débats publics les tendances
671 rd, et cela au moment même où des moyens modernes de diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul co
672 oment même où des moyens modernes de diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
673 s de diffusion et de publication lui permettaient d’ atteindre d’un seul coup des millions d’hommes qui accèdent enfin à la
674 mettaient d’atteindre d’un seul coup des millions d’ hommes qui accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus i
675 à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plu
676 lus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’un plus vaste pub
677 l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’ un plus vaste public potentiel. La presse et la radio, le disque et le
678 ma et la télévision, sont-ils vraiment des moyens de culture, ou bien des servitudes intolérables, forçant l’artiste à tra
679 sa mission ? L’Amérique leur a fait confiance. L’ Europe s’en méfie davantage. Mais confiance ou méfiance, ils triomphent part
680 iance, ils triomphent partout. N’est-il pas temps de discuter franchement cette question d’intérêt général, de confronter
681 pas temps de discuter franchement cette question d’ intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de recherc
682 ter franchement cette question d’intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions n
683 néral, de confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité d
684 utions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à pr
685 vent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à propos de la révolte et de
686 e même problème se pose à propos de la révolte et de la communion nécessaire. Il est admis depuis cent cinquante ans que l
687 ne, sans des prophètes qui lui montrent les voies de son avenir, sans des conteurs qui lui décrivent sa réalité, sans des
688 alité, sans des poètes qui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste e
689 ui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste et notre temps ? Comment
690 es et femmes qui représentent la pensée créatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qu
691 réatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’ indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions
692 ise d’indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau :
693 teurs qui sont chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce sont André Malraux, Wil
694 la fonction des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation
695 on des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi d’ une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son a
696 mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note
697 la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’ une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note manuscrite indiq
698 sera W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
699 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 950.
7 1954, {Title}. L’Europe en crise : décadence ou progrès ? (fin août 1954)
700 L’ Europe en crise : décadence ou progrès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans,
701 grès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée d’ une Europe fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits grou
702 (fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée d’une Europe fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes de rés
703 tenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes de résistants l’entretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de H
704 tretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de Hertenstein donna sa première expression non clandestine (mais à pein
705 destine (mais à peine publique !) à notre volonté d’ union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes
706 e publique !) à notre volonté d’union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes fondamentaux d’une d
707 an plus tard, définit les principes fondamentaux d’ une doctrine fédérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que fut pr
708 cipes fondamentaux d’une doctrine fédérale pour l’ Europe . C’est à Montreux aussi que fut prise la décision de convoquer à bref
709 C’est à Montreux aussi que fut prise la décision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour
710 cision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives
711 n de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’ Europe , ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives de nos p
712 utour du petit noyau fédéraliste les forces vives de nos pays : intellectuels, industriels, syndicalistes, et quelques bon
713 lques bonnes têtes politiques : ce fut le congrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un s
714 ongrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un succès retentissant. Des débats et des décis
715 succès retentissant. Des débats et des décisions de ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’Europe à Bruges, le
716 e ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’ Europe à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouveme
717 ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’ Europe à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouvement eur
718 tre européen de la culture à Genève, le Mouvement européen , le projet d’une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’
719 ulture à Genève, le Mouvement européen, le projet d’ une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de
720 ve, le Mouvement européen, le projet d’une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de l’Europe. Ce furent l
721 Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’ un Conseil de l’Europe. Ce furent les commissions constituées à La Hay
722 rnements la requête tendant à créer une Assemblée européenne . Neuf mois plus tard, l’enfant naissait, au palais Saint James, à Lon
723 James, à Londres. Le 10 août 1949, dans la ville de Strasbourg pavoisée, les cloches saluaient l’inauguration du Conseil
724 ent. Au lieu de continuer sur sa lancée, l’effort d’ intégration se divisa devant les résistances anglaise et scandinave. O
725 les résistances anglaise et scandinave. On essaya de tourner l’obstacle. Et l’on entra dans la période confuse des autorit
726 de confuse des autorités spécialisées, substituts de la fédération. Préparée dans l’ombre par Jean Monnet et son équipe, l
727 Monnet et son équipe, la Communauté du charbon et de l’acier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap de
728 cier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap des ratifications parlementaires. Pris par surprise, les d
729 ait, semble-t-il, à beaucoup. Mais la Communauté de défense, ou CED, touchant à des réalités plus passionnelles, devait r
730 nte des communistes, des nationalistes bornés, et de certains groupes économiques. Nous les voyons s’unir contre elle, en
731 ansports, après une brève apparition, ont disparu de la scène publique. Quant au projet d’Autorité politique, qui devait c
732 ont disparu de la scène publique. Quant au projet d’ Autorité politique, qui devait couronner l’édifice — ou lui donner au
733 x gouvernements, il n’a même pas atteint le stade de mise en discussion par un seul parlement. L’évolution dont je viens d
734 je viens de retracer les étapes peut être résumée de deux manières très différentes, comme on va le voir. On peut parler d
735 différentes, comme on va le voir. On peut parler d’ un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un
736 oir. On peut parler d’un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un ralentissement continuel, voi
737 fare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’ un ralentissement continuel, voire d’un enlisement progressif, aboutis
738 pants ; puis d’un ralentissement continuel, voire d’ un enlisement progressif, aboutissant à la crise présente, qui atteind
739 atteindra sa phase décisive à Paris, vers la fin de ce mois. On peut aussi rappeler qu’il y a six ans seulement, les pion
740 ppeler qu’il y a six ans seulement, les pionniers de la fédération considéraient comme un succès d’avoir pu faire passer u
741 rs de la fédération considéraient comme un succès d’ avoir pu faire passer un « papier » sur l’Europe dans un journal faibl
742 uccès d’avoir pu faire passer un « papier » sur l’ Europe dans un journal faiblement convaincu de l’intérêt du public pour la q
743 sur l’Europe dans un journal faiblement convaincu de l’intérêt du public pour la question. Aujourd’hui, toute la presse ne
744 estion. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a
745 n. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que de l’ Europe , de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris val
746 rd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur
747 la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur électorale. E
748 ’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’ il y a six ans a pris valeur électorale. Elle met en jeu le sort de pl
749 aleur électorale. Elle met en jeu le sort de plus d’ un ministère… Décadence fatale, ou progrès continu ? Les deux descript
750 nd public et la grande presse parlent aujourd’hui de l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements pa
751 blic et la grande presse parlent aujourd’hui de l’ Europe , parce que le problème européen a été posé aux parlements par quelque
752 nt aujourd’hui de l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements par quelques hommes d’État lucides et coura
753 d’État lucides et courageux et par les mouvements de militantsh. Mais ce n’est pas le grand public et la grande presse qui
754 ic et la grande presse qui ont imposé le problème européen aux parlements, afin que ceux-ci « bousculent » les gouvernants, comm
755 vernants, comme le proposait M. Spaak. Il résulte de cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir v
756 ésulte de cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien sa
757 e de cette situation que tout le monde parle de l’ Europe sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien savoir ce q
758 ue personne n’a lu le traité. Telle est la raison de la crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais
759 a crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement fra
760 se qui affecte non seulement la construction de l’ Europe , mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement français, de
761 ent la construction de l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement français, demain, rejette la CED
762 émasculée, il portera un coup mortel au prestige de la France, plus encore qu’à l’Europe. Car pratiquement, il isolera la
763 rtel au prestige de la France, plus encore qu’à l’ Europe . Car pratiquement, il isolera la France dans une Europe livrée à l’ex
764 . Car pratiquement, il isolera la France dans une Europe livrée à l’expansion de l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’A
765 ra la France dans une Europe livrée à l’expansion de l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’Amérique, et seule intére
766 ophe française réveille in extremis la conscience de l’Europe, et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’unio
767 française réveille in extremis la conscience de l’ Europe , et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’union fédéral
768 ut salutaire. Peut-on construire l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet
769 lutaire. Peut-on construire l’union fédérale de l’ Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet acte hist
770 e l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet acte historique ? Beaucoup de p
771 beaucoup de grands managers. Ils ont pensé que l’ Europe pourrait se faire à court terme, pour ne pas dire « à la sauvette »,
772 ducation et la culture étaient un luxe, une perte de temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’impasse. S’il aboutit,
773 , à l’échec dramatique, il faudra bien considérer d’ urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l
774 bien considérer d’urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen ter
775 méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen terme. Car derrière toutes les résist
776 rme. Car derrière toutes les résistances à l’idée de l’union européenne, à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a
777 rrière toutes les résistances à l’idée de l’union européenne , à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a le refus de considé
778 , à l’Autorité politique commune, il y a le refus de considérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’Europe a perdu l
779 sidérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’ Europe a perdu l’hégémonie mondiale ; et qu’elle n’est plus menacée par les
780 le ; et qu’elle n’est plus menacée par les uhlans de Bismarck, mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie
781 mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suiv
782 pire communiste, par la révolte de l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suivra, et par la pert
783 hyxie économique qui s’en suivra, et par la perte de son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réali
784 te de son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux e
785 iné de voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de
786 ités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont
787 iteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, ce
788 mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’ histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de p
789 t ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et d’ idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible qu
790 uels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de
791 t des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que
792 d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et
793 ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et qu’il peut « s’en tirer » tout
794 et qu’il peut « s’en tirer » tout seul, cent ans de méfiances mutuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’un ver
795 utuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’ un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre u
796 s l’enfance sous le couvert d’un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre union, il y a donc, en
797 e contre-éducation, une inconscience, une inertie de l’esprit. Tel étant le premier et le plus grand obstacle, la seule po
798 ut-être demain les cyniques. Mais je penserai : l’ Europe des marchandages politico-nationalistes est morte ? Vive notre chance
799 itico-nationalistes est morte ? Vive notre chance de commencer l’Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un ta
800 stes est morte ? Vive notre chance de commencer l’ Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à
801 Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
802 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’une conférence donnée p
803 re de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’ une conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’Alpbach, auque
804 it d’une conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir a
805 conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’ Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir auss
806 d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’ août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé sous l’identifiant 529, qu
807 servé sous l’identifiant 529, qui donne le résumé de cette conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les m
808 tte conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les mouvement de militants ».
809 manuscrit dans la marge de « et par les mouvement de militants ».
8 1955, {Title}. L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)
810 L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter q
811 berté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusions concrètes »,
812 une manifestation, mais plutôt comme un séminaire de recherche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’action ou de p
813 herche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’ action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qu
814 ne vise pas à dégager des directives d’action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qui empoisonne
815 polémiques, puis à poser les vraies alternatives de la liberté dans ce siècle. Dans quelle mesure avons-nous réussi ? Po
816 ablement élucidés. Dans ce domaine, la conférence de Milan représente un progrès considérable. Mais dans le domaine philos
817 uestion qui dépasse sans nul doute l’objet précis de nos travaux. Une question que nous ne pouvions discuter — car on ne p
818 ne pouvions discuter — car on ne peut pas parler de tout à propos de n’importe quoi, c’est entendu — mais qui n’en subsis
819 laire à la fois les limites et l’horizon lointain de nos efforts. C’est cette question que je voudrais évoquer à l’aide de
820 s que je vais vous soumettre. On a cité, au début de nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance s
821 e. On a cité, au début de nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance sinon la forme exacte : Quel
822 les que soient vos institutions, vous n’aurez pas de liberté si vous n’avez pas des hommes libres ! Avouons que cette phr
823 libres ! Avouons que cette phrase ne manque pas d’ ironie au terme d’un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de
824 que cette phrase ne manque pas d’ironie au terme d’ un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en f
825 un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en faut bien — que les meilleures institutions économiqu
826 conomiques correspondent aux meilleures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent éto
827 ures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’en résulte p
828 vent étouffer la liberté, il n’en résulte pas que de bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour d
829 que de bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simp
830 é. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simple logique. En effet, la liberté ne peut pas résulter nécessai
831 t, la liberté ne peut pas résulter nécessairement d’ une situation quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix p
832 ion quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est c
833 aurait plus de choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est celle qu’indiquait Bernanos : c’est qu
834 réer ces hommes libres sans lesquels il n’y a pas de liberté vivante. Mais alors, si les institutions ne peuvent pas crée
835 irais soulever. Notre congrès ne se proposait pas de la discuter : il avait d’autres buts précis. Mais elle se pose en fai
836 — admettons-le — et l’une des plus fondamentales de notre temps : comment fait-on pour créer des hommes libres ? Je lis d
837 créer des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’ un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté
838 r des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit
839 libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit s’appuyer d’
840 ur doivent puiser leur courage dans une tradition d’ indépendance individuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’in
841 ividuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’ indépendance individuelle vivons-nous actuellement dans le monde libre
842 laration des droits de l’homme définit la liberté de l’individu comme totale, et n’admettant d’autres limites que celles p
843 d’autres limites que celles posées par la liberté d’ autrui. Il s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée
844 es posées par la liberté d’autrui. Il s’agit donc d’ une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée dans son expansion natur
845 ux sans cesse multipliés et précisés, une liberté de cette nature conduit nécessairement à des conflits amers, à des incid
846 essairement à des conflits amers, à des incidents de frontière quotidiennement renouvelés, et trop souvent enfin, au triom
847 ouvelés, et trop souvent enfin, au triomphe légal de la liberté du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liber
848 té du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liberté des personnes, une autre tradition bien plus ancienne et p
849 n’est pas seulement un droit, mais l’essence même de l’homme en tant qu’humain. Dans la mesure où j’y crois, les autres ho
850 ontre et se manifeste avant tout dans l’acte même d’ aider les autres à devenir libres. Cette tradition est celle des plus
851 tte tradition est celle des plus hautes religions de nos différents continents. En elle peuvent communier l’hindou et le b
852 t c’est elle qui inspire à l’esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule cré
853 ui inspire à l’esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes
854 esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes libres. C’est e
855 ifier la plus radicale résistance aux prétentions de l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’une réalité transc
856 l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’ une réalité transcendante à la société, au mouvement dialectique de l’
857 nscendante à la société, au mouvement dialectique de l’Histoire et à la raison d’État, elle pose, du même coup, une possib
858 ouvement dialectique de l’Histoire et à la raison d’ État, elle pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours c
859 d’État, elle pose, du même coup, une possibilité d’ appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de
860 le pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire
861 sibilité d’appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au
862 appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcenda
863 s contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcendant constitue à mes
864 e la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’ appel au transcendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la l
865 scendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la liberté individuelle dans notre temps. Qu’on ne pense pas pour aut
866 pense pas pour autant, que je propose au Congrès d’ annexer le Bon Dieu à sa cause ! Qu’on ne pense pas non plus que je pr
867 é plus ou moins idéalisé. Je n’ai pas l’intention de justifier les bûchers et les persécutions. Je ne suis pas non plus l’
868 es persécutions. Je ne suis pas non plus l’avocat d’ une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au c
869 ne suis pas non plus l’avocat d’une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudra
870 ocat d’une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudrais constater simplement l
871 rais constater simplement l’un des faits capitaux de notre époque : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quel
872  : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en
873 uelle de quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en Occident, et cela au moment précis où se dr
874 ent rationaliste, mais dont l’appel, en fait, est de nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous ser
875 mili-religieuse. Je dis que nous serions insensés de ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces vraiment re
876 utte commune, des forces vraiment religieuses, et de cette foi qui permet seule aux hommes un recours radical, je le répèt
877 u gouvernement des esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des in
878 esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des incroyants, que l’ave
879 même si nous sommes des incroyants, que l’avenir de la liberté, s’il dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de c
880 l dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de ce qui forme et qui inspire la conviction la plus profonde des hommes
881 conviction la plus profonde des hommes. L’avenir de la liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud no
882 a liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèren
883 à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de
884 une illusion, de ce que les communistes tentèrent d’ éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce q
885 nistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orienta
886 entent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux, tiennent pour
887 ennent pour la forme originelle et le but suprême de la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libre
888 orme originelle et le but suprême de la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libres. Un dernier m
889 ra libres. Un dernier mot. Parmi les combattants de la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meill
890 es combattants de la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meilleurs, se déclarent incroyants. Cela
891 oyants. Cela ne signifie pas qu’ils soient sortis de l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité d
892 ctuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité de ses structures mentales et des attitudes affectives élaborées par tan
893 ttitudes affectives élaborées par tant de siècles de pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-
894 ctives élaborées par tant de siècles de pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-chrétienne. L
895 déo-helléno-chrétienne. L’appel aux sources vives de cette grande tradition ne saurait constituer à leurs yeux un danger d
896 tion ne saurait constituer à leurs yeux un danger de « réaction » quelconque. C’est en fait un appel à la passion première
897 emière qui a porté, avant toute raison, les élans de la liberté. Face aux totalitaires, dans le dialogue qu’ils nous offre
898 ogue qu’ils nous offrent (ou feignent en tout cas de nous offrir) et que nous devons accepter avec confiance, — cette pass
899 rte que tous les arguments. Certes, les arguments de la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et no
900 arguments. Certes, les arguments de la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et nous n’en manquero
901 e en est morte. i. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
902 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, l
903 tel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Ave
904 cours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les
905 7 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les cinq ans du Congrès pour la libe
906 ilan pour les cinq ans du Congrès pour la liberté de la culture. On a intégré sans signalement les quelques corrections ma
9 1955, {Title}. Le vrai sens de nos vœux (décembre 1955)
907 Le vrai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœu
908 rai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quan
909 d’hui. Quels sont vos souhaits ? Qu’attendez-vous de l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous êtes sincères — : la san
910 vous êtes sincères — : la santé, une augmentation de salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voitu
911 ation de salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de
912 une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? P
913 de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? Parce qu’on désire mieux vivre, c’est bien clair. M
914 une voiture, un jardin, des vacances, et un poste de télévision. Cercle vicieux. Vous êtes sincères. Et cependant je ne vo
915 t je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fond de vous-mêmes. Car vivre mieux, c’est beaucoup plus que cela. C’est bien
916 econnais. C’est sans doute un mystère pour chacun de nous, et pourtant nous essayons tous… Il y a des hommes, je le sais e
917 je le sais et vous en connaissez, pour qui le but de la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition
918 nnaissez, pour qui le but de la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat, qu’un mousti
919 st seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme
920 d’ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom d’humain cherche autre chose. Il att
921 que ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom d’ humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de n
922 ne du nom d’humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui soit m
923 qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime.
924 à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-mêm
925 de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-même. Ainsi nous cherchons tous. Mais si l’on nous d
926 n nous demandait : que cherches-tu, qu’attends-tu de la vie ? Peu, très peu d’entre nous sauraient répondre. C’est pourquo
927  matérialistes ». Or, on n’aime guère être traité de matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’es
928 te dans le vague, un peu honteux… C’est très bien de condamner, avec tous les pasteurs et les curés, le « matérialisme env
929 nstincts à satisfaire. Et c’est le fameux progrès de la civilisation qui multiplie sans relâche autour de nous les objets
930 re bonheur… Peut-on se forcer à n’avoir pas envie de toutes ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine,
931 s ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confi
932 nc l’histoire de la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il
933 e la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans un
934 écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
935 l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la balei
936 souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une
937 , dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une grande baleine que les habitan
938 ce publique, on lui apporta des quantités énormes de nourriture, elle mangea tout, et dit qu’elle avait encore faim, aussi
939 veux Dieu ! Cette légende marque le but extrême de toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La b
940 le but extrême de toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la répons
941 e toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la réponse globale et fina
942 inale. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà de toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce
943 tisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoi
944 ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoisse fondamentale devant la vie, le monde et l’inconnu. Et
945 ouche, et par suite, trop préoccupés du voisin et de son jugement. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neut
946 it que nous sommes neutres. Saisissons l’occasion de le répéter ici : la neutralité militaire ne doit jamais se traduire p
947 p mesquins. Ah ! ce n’est pas le rouge du sang et de la violence qui figure notre tentation ! Ce n’est pas le rouge, c’est
948 pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes de l’Occident — nous autres Suisses déjà trop bien nourris, à ce qu’il p
949 , mais pour nous, ce doit être une vocation. Mais de quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la gra
950 quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais
951 m parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais comblée pa
952 Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’ une faim qui ne serait jamais comblée par des nourritures abondantes,
953 comblée par des nourritures abondantes, mais bien d’ une faim qui, même comblée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-d
954 ée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-delà de toutes les choses, physiques, matérielles et charnelles, à travers el
955 ge : la joie, la liberté, la plénitude du sens et de l’amour, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc
956 toujours plus ! On peut le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui
957 t le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout d’ un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec
958 e de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de t
959 im qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits.
960 le sens dernier de toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’essayer — tou
961 nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’ essayer — toujours en vain — d’être un peu moins matérialiste. Bien au
962 Il ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain —  d’ être un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de compre
963 moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de comprendre vers quoi tendent en réalité nos désirs jamais satisfaits.
964 n réalité nos désirs jamais satisfaits. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir
965 s. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vra
966 s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoi
967 uloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un ho
968 u’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose q
969 erme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule
970 de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule subsistance ou durée, un peu plus, si
971 je dis qu’il attend tout, et qu’il n’a pas raison d’ attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer.
972 end tout, et qu’il n’a pas raison d’attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer. Supposons qu’il
973 se l’avouer. Supposons qu’il se souhaite un poste de radio. « Un poste est un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’e
974 ne pas me raconter des histoires — cette histoire de baleine, par exemple ! — pour me faire croire que je ne sais pas ce q
975 ut, ce n’est qu’une caisse en bois avec des bouts de métal dedans. Ce que notre homme veut donc vraiment, c’est ce qui pas
976 u travers : nouvelles, musique, chansons — autant d’ ouvertures sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’opposer, s
977 es sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’ opposer, sans profit pour personne, je le crains, la vilain matérialis
978 ste et le bon idéaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux ty
979 éaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces d’ animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Ét
980 ces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’
981 totalement différents. Or il s’agit de deux types d’ hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent ré
982 il veut, mais paraît oublier les moyens matériels de l’obtenir, car sans la caisse et le prix qu’elle coûte, il n’aurait p
983 ose, qui n’est même pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de
984 , et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plu
985 le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu
986 e tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-un
987 uloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nomm
988 de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nommer ainsi. Mai
989 assister aux plus extraordinaires transformations de la vie que l’espèce humaine aura jamais connues. La science va nous d
990 nues. La science va nous donner des moyens inouïs de maîtriser la nature et la matière. Énergie nucléaire sans limites ; é
991 oniques remplaçant l’homme ; culture artificielle de la chlorella, cette algue minuscule qu’on trouve dans toutes les mers
992 toutes les mers, lacs, marais et simples flaques d’ eau, et dont on peut tirer une nourriture complète, pour des dizaines
993 tirer une nourriture complète, pour des dizaines de millions d’hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se ré
994 ourriture complète, pour des dizaines de millions d’ hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se réaliser, nous
995 n, pourra se voir délivré du travail mécanique et de ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économist
996 ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économistes ont calculé que les quantités énormes d’énergie, m
997 économistes ont calculé que les quantités énormes d’ énergie, mises à notre disposition grâce aux plus récentes découvertes
998 ntes découvertes, permettraient par an le travail d’ un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénét
999 ravail d’un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir
1000 homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’ esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peu
1001 tion de milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peut-être assez prochain, à nous lib
1002 un jour, peut-être assez prochain, à nous libérer de la matière. Alors, la faim des hommes, physiquement rassasiée, pourra
1003 re, deviendront le grand problème et le principal de la vie. Ceci n’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera
1004 iècle. Nous voulons tous la paix, nous avons faim de paix, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime
1005 x, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’ hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous fau
1006 lus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous faut vouloir les conditions pratique
1007 ais il nous faut vouloir les conditions pratiques de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la pr
1008 s de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la principale peut-être, pour prévenir le conflit lat
1009 re, pour prévenir le conflit latent entre le bloc de l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe
1010 l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’ une grande Europe unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensi
1011 loc américain, c’est la constitution d’une grande Europe unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensive comme la Suiss
1012 souhaits faciles et à des ambitions mesquines. L’ Europe unie me paraît un très grand but, très difficile à réaliser, mais qui
1013 s difficile à réaliser, mais qui est la condition d’ un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi les Suisses se di
1014 n’en faisons pas moins partie du genre humain, et de l’Europe. Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la
1015 faisons pas moins partie du genre humain, et de l’ Europe . Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la guerre e
1016 ent pourrions-nous rester neutres entre le danger de la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à
1017 eutres entre le danger de la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à des souhaits un peu courts
1018 s souhaits un peu courts, et par là-même indignes de nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’Europe se fera quand
1019 nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’ Europe se fera quand tous ses peuples la voudront. Il ne faut pas que les Su
1020 s derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élar
1021 qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon d
1022 cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’es
1023 oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’est la grâce que je vous souhaite ! (Et pensez quelquefois
1024 te ! (Et pensez quelquefois à ma baleine, au long de cette année qui s’ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret d
1025 ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret de cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conse
1026 cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1027 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte
10 1957, {Title}. [Préface] Europe and the Europeans, édité par Max Beloff (21 février 1957)
1028 [Préface] Europe and the Europeans, édité par Max Beloff (21 février 1957)k Il m’ar
1029 ar Max Beloff (21 février 1957)k Il m’arrivait de penser, durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobr
1030 durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobrandini, autour des tapis verts du Conseil de l’Europe, que le
1031 tapis verts du Conseil de l’Europe, que le métier d’ un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contr
1032 Conseil de l’Europe, que le métier d’un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écou
1033 ssi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’ écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands su
1034 t contre nature d’écouter tout ce que disent tant d’ éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrête
1035 er tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrêter pour réfléchir ou réa
1036 léchir ou réagir à leur propos, ni jamais changer de place pour aller prendre à part celui qui vient de vous combler d’ais
1037 er prendre à part celui qui vient de vous combler d’ aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enre
1038 à part celui qui vient de vous combler d’aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enregistrer me
1039 s faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’ enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer l
1040 trer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c
1041 n orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l
1042 ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de
1043 c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu
1044 un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu’on l’attendait dire. Si j’
1045 beaucoup appris à ce jeu-là — moins pourtant que de la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux gr
1046 is à ce jeu-là — moins pourtant que de la science d’ illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’
1047 ant que de la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’
1048 e d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome e
1049 s hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Aya
1050 État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de
1051 e de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’ Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que ce
1052 de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’ Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de s
1053 issé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le cho
1054 suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le choix final étant du ressort des gouvernements
1055 étant du ressort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une gra
1056 sort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une grande majorité
1057 cipants, voyant qu’y figurait une grande majorité d’ Européistes convaincus et chevronnés, je pouvais et devais m’attendre
1058 et devais m’attendre que chacun apporte à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture
1059 à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettai
1060 s et frappantes illustrations de cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettais, le crayon lové, l
1061 ses, sages ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de consci
1062 s ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de conscience de c
1063 dant à provoquer cette grande prise de conscience de ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sa
1064 de prise de conscience de ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illust
1065 ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illustrer par l’union des esprit
1066 rer par l’union des esprits les plus divers, bref de ce qu’on nomme « l’idée européenne ». Tout autre chose se produisit.
1067 les plus divers, bref de ce qu’on nomme « l’idée européenne  ». Tout autre chose se produisit. Était-ce par scrupule de savants, s
1068 t autre chose se produisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre a
1069 uisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande
1070 voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de renc
1071 ssait pas, dans notre affaire, de propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous
1072 ais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous le signe du prudent Conseil de l’Europe ; ou
1073  ; ou enfin le désir très sensible, à Strasbourg, de serrer de plus près les « généralités » largement formulées à Rome, j
1074 eux ou trois exceptions près. La plupart de ces «  Européens  », pourtant partisans de l’union, et chargés d’en examiner la base la
1075 plupart de ces « Européens », pourtant partisans de l’union, et chargés d’en examiner la base la plus ferme à mon sens — 
1076 éens », pourtant partisans de l’union, et chargés d’ en examiner la base la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de c
1077 ase la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de culture — , multipliaient les objections, d’ailleurs valables, les re
1078 tiques, les mises en garde contre les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et
1079 les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et locales, qui leur paraissaient le
1080 saient tantôt avec ferveur, tantôt avec une sorte d’ irritation morale à l’endroit de ceux — je ne sais lesquels d’ailleurs
1081 uhaitable dans les autres domaines, n’avait guère de sens dans le leur, et que les mesures proposées étaient au moins prém
1082 r, et l’on se demandait en effet, si l’expression de culture européenne correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu
1083 se demandait en effet, si l’expression de culture européenne correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan de prima
1084 it vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus européen que ces dou
1085 primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus européen que ces doutes et ce scepticisme, cette manière de se remettre en que
1086 n que ces doutes et ce scepticisme, cette manière de se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister s
1087 icisme, cette manière de se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister sur ce qui diffère. Rien de p
1088 ttre en question, de se distancer du lieu commun, d’ insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’une civilisation q
1089 insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’ une civilisation qui n’a pas développé par hasard les notions parallèl
1090 a pas développé par hasard les notions parallèles d’ originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont tou
1091 ar hasard les notions parallèles d’originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont toujours cultivé une
1092 les bons esprits ont toujours cultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel,
1093 sprits ont toujours cultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel, quitte à né
1094 s communes qu’il s’agissait précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète,
1095 u’il s’agissait précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle
1096 t précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l
1097 s de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen , je le répète, qu’une telle attitude de l’esprit. Mais ceux qui l’ado
1098 lus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l’esprit. Mais ceux qui l’adoptaient se rendaient-ils bien compte qu’
1099 t-ils bien compte qu’ils illustraient par là l’un de ces grands traits communs qu’ils étaient occupés à mettre en doute ?
1100 u’ils étaient occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’est-il pas justement ce que l’immense majorité des hommes
1101 as justement ce que l’immense majorité des hommes d’ Europe ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non s
1102 justement ce que l’immense majorité des hommes d’ Europe ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non seuleme
1103 qui les distingue, à première vue, non seulement de l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ?
1104 t de l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette d
1105 asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette définition : l’Européen ne serait-il p
1106 de nos entretiens, je notai cette définition : l’ Européen ne serait-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen da
1107 t-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesure précise où il doute qu’il le soit, et prétend au contr
1108 c l’une des composantes locales du grand complexe européen , dont il révèle ainsi qu’il fait partie par le seul fait qu’il le con
1109 ul fait qu’il le conteste ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisa
1110 te ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisant les chapitres qui su
1111 qui suivent : son sourire me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une m
1112 re me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances —  de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une manière simplifiée — le
1113 ances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’ une manière simplifiée — le bel et dense ouvrage que l’on va lire port
1114 que l’on va lire porte les marques très sensibles de l’humeur jalousement objective qui prévalent dans nos derniers débats
1115 alent dans nos derniers débats, et du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin d
1116 t du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara d’ entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mys
1117 érament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mysticisme e
1118 rt loin de partager les illusions du « mysticisme européen  » : il s’agissait en somme de le convaincre que les termes d’Europe,
1119 « mysticisme européen » : il s’agissait en somme de le convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis en
1120 agissait en somme de le convaincre que les termes d’ Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. No
1121 issait en somme de le convaincre que les termes d’ Europe , d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûm
1122 n somme de le convaincre que les termes d’Europe, d’ union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes a
1123 e convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes assez sportif
1124 se. Nous fûmes assez sportifs pour nous féliciter d’ un tel challenge, et l’on va voir, je crois que nous n’eûmes pas tort.
1125 re sa force aux yeux des autres. Nul parti pris «  européen  », bien au contraire ! Plutôt un parti pris de ne céder jamais qu’aux
1126 opéen », bien au contraire ! Plutôt un parti pris de ne céder jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admet
1127 jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’union qu’elle permet,
1128 s les mieux documentées, et de n’admettre l’unité européenne , et les mesures d’union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moy
1129 de n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’ union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D
1130 n qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D’où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurai
1131 t, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D’ où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’au
1132 une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’ aucune prédication. On s’adresse au vaste public des hésitants et des
1133 c des hésitants et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les
1134 et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgr
1135 de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leu
1136 ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leur présente un dossier sobre et dé
1137 r sobre et détaillé, et l’on est sûr par le souci de ne négliger aucune des objections possibles, loin de vouloir les mini
1138 possibles, loin de vouloir les minimiser ou même d’ y répondre à tout prix. Quant au lecteur qui ne partagerait pas certai
1139 eur qui ne partagerait pas certains des jugements de l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne
1140 gements de l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œ
1141 ette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me
1142 tifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’ une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’agiter ma sonne
1143 œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’ agiter ma sonnette une dernière fois : je voudrais dire ici ce que je
1144 e je n’ai pas pu dire, pas pu défendre avec assez de partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénonc
1145 avec assez de partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénoncer les chicanes inutiles et les objecti
1146 s que multiplient les adversaires, avoués ou non, de notre union, partisans d’un nationalisme qui se déguise souvent en mo
1147 rsaires, avoués ou non, de notre union, partisans d’ un nationalisme qui se déguise souvent en mondialisme. Ce faisant, je
1148 ialisme. Ce faisant, je penserai moins aux débats de Strasbourg qu’aux écrits et discours qui nourrissent aujourd’hui la p
1149 urrissent aujourd’hui la polémique générale sur l’ Europe et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe
1150 a polémique générale sur l’Europe et sur « l’idée européenne  ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direc
1151 Europe et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
1152 « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
1153 dée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’ Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité
1154 n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
1155 e direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
1156 x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
1157 les Suédois et les Castillans sont vus comme des Européens  : il doit y avoir à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’en
1158 e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
1159 uve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
1160 ficilement au regard des autres. Vue du dehors, l’ Europe est évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précisio
1161 sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
1162 ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
1163 de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
1164 commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’ écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
1165 ’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
1166 norer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’emphase sur la nature universelle de nos
1167 que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’ emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
1168 avec le plus d’emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
1169 a nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
1170 sonnalité économique, sociale ou scientifique à l’ Europe qu’il faudrait unir, sont bien souvent les mêmes qui, faisant demi-to
1171 siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
1172 pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
1173 bles (dans le domaine de leur spécialité) entre l’ Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’insurmontable
1174 e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’ insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
1175 ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement de ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
1176 trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes
1177 dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’ Europe . (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit
1178 union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
1179 (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argu
1180 rle pas là de politique, mais seulement de formes d’ esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des c
1181 e politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes sé
1182 ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’ évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, invo
1183 s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
1184 ulaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’ Europe , n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur
1185 ’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
1186 gument, précisément, n’est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
1187 n de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et
1188 la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’ Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et Français,
1189 ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
1190 édois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’ histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
1191 e parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
1192 ent toute union politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. L
1193 nion politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. Les différen
1194 ne assise à cette union. Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
1195 cette union. Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
1196 Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
1197 différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
1198 langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
1199 rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
1200 tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
1201 Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas
1202 pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette
1203 ification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette unification, d’
1204 supprimé ces différences. (Encore que les écoles d’ État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
1205 s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
1206 e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’ un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
1207 a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen .) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers q
1208 européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
1209 péen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’ Europe , et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginair
1210 l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
1211 alement imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
1212 , et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
1213 -plan millénaire sur lequel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
1214 el se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
1215 couvrent — et cela dure depuis des années — que l’ Europe n’exista pas comme entité géographique et historique, car ses frontiè
1216 et historique, car ses frontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
1217 re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’ Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
1218 , qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’ Europe , et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guè
1219 udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’ union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
1220 t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a de sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
1221 . Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet d’ un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
1222 ues devient chez les écrivains libres une méthode d’ obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
1223 ’obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’ une définition historique et géographique, occasion de discours permet
1224 e définition historique et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
1225 et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
1226 ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
1227 t de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’ Europe , fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parlementaire co
1228 valent du procédé parlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
1229 ous les yeux pendant que j’écris2. Bien qu’auteur d’ une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
1230 ndant que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
1231 que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’ Europe , M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entité, mais u
1232 ire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’ Europe n’est pas une entité, mais une pure et simple « expression ». En effe
1233 oulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
1234 que l’Empire romain fût une première ébauche de l’ Europe . Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient qu
1235 fort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient que l’ Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celui-ci excluait
1236 es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne
1237 lkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’ Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne serait-el
1238 ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’ Europe ne serait-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur
1239 du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
1240 e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
1241 e raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
1242 lliance « excluait » à peu près les neuf dixièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe-Auguste « e
1243 ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’ avant Philippe-Auguste « excluait » la Bretagne, l’Alsace, le Languedo
1244 re correspondre au réel, car il s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
1245 l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
1246 ’ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’
1247 r sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
1248 le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
1249 ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté de sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
1250 a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
1251 science commune. 5. Au sujet de la naissance de l’ Europe , vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car il en va d
1252 affrontent inutilement je le crains, car il en va d’ une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
1253 nt je le crains, car il en va d’une civilisation, d’ une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
1254 l en va d’une civilisation, d’une culture et même d’ une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
1255 ne culture et même d’une nation, à peu près comme d’ une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
1256 à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
1257 an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où fut écrite la première page, posée la première touche,
1258 mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
1259 noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’ une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
1260 chemin du travail entrepris, qui a soudain changé de sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
1261 ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
1262 peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’ Europe  ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes
1263 epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’ une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
1264 e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
1265 invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
1266 s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
1267 peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
1268 our le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’ Europe est née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dess
1269 ée ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’ Europe au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage
1270 et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus an
1271 ope au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au
1272 de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’ un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lendema
1273 en : il paraît pour la première fois au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
1274 pour la première fois au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
1275 ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’ un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
1276 œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique d’ Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
1277 chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’ Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
1278 . L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
1279 pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’ un sentiment nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’une entit
1280 ent nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’ une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
1281 3. Cependant, la prise de conscience d’une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300 
1282 s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
1283 rit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’ Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient
1284 encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
1285 aient les côtes »4. Mais pour voir les vocables «  Europe  » et « européen » entrer dans le vocabulaire courant, il faut attendr
1286 s »4. Mais pour voir les vocables « Europe » et «  européen  » entrer dans le vocabulaire courant, il faut attendre les xiv e et x
1287 ar les Turcs, et tend ainsi à se confondre avec l’ Europe géographique, cependant qu’à l’inverse les premiers humanistes commen
1288 anistes commencent à distinguer les deux concepts de Christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
1289 distinguer les deux concepts de Christianitas et d’ Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
1290 istinguer les deux concepts de Christianitas et d’ Europa . C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand humanis
1291 tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’ un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
1292 homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’ Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
1293 Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, c
1294 ini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que l’ Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, comme l’héritière chré
1295 II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
1296 Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
1297 homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
1298 la fortune que devait connaître cette définition de l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
1299 ortune que devait connaître cette définition de l’ Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec éclat par Val
1300 poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
1301 e implique sur la « réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence d’une vraie « culture européenne », en arguant non s
1302 réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence d’ une vraie « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’un
1303 t tenté de nier l’existence d’une vraie « culture européenne  », en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est diffici
1304 « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
1305 ne pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
1306 re est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
1307 définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
1308 ments prennent toute leur force contre le concept de « cultures nationales », apparu au xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’ai
1309 xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? dit l’ Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement
1310 ’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
1311 eraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que n
1312 Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-
1313 encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie de leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
1314 es limites accidentelles et souvent fort récentes d’ un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
1315 mites accidentelles et souvent fort récentes d’un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
1316 premier coup que les réalités décisives ont cessé d’ être « nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques,
1317 en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir de les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique : on
1318 » que nos ci-devant grandes puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
1319 es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
1320 issances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’ Europe . Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le cont
1321 ée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
1322 ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
1323 nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
1324 nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
1325 confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’ émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
1326 s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’ orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
1327 et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
1328 spirituel, culturel et politique dans les limites d’ un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
1329 s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’ une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
1330 litaire. Il reste, hélas, qu’aux yeux de beaucoup d’ intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
1331 ux de beaucoup d’intellectuels, la nation cache l’ Europe comme l’arbre la forêt. Je dirai plus : l’Européen demeuré nationalis
1332 ’Europe comme l’arbre la forêt. Je dirai plus : l’ Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un a
1333 ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
1334 s’obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forêt. (« Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est n
1335 ’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’ arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
1336 t vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on
1337 as temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies natio
1338 stes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » qu
1339 dérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » que l’illusoire, j’ente
1340 que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
1341 : la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’ un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
1342 vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’ un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
1343 l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
1344 nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’ une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
1345 … Tout cela suppose le développement ou le réveil d’ un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
1346 trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’ appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
1347 ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
1348 mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait de « culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à
1349 de « culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
1350 nscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et d
1351 munauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la c
1352 condition nécessaire de l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
1353 qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
1354 sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’ un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
1355 i par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
1356 titutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
1357 système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
1358 au rapport entre forme et contenu. Une politique d’ union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
1359 ent possible que s’il y a tout d’abord communauté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
1360 auté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’ unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
1361 xprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
1362 que que devrait revêtir une union authentiquement européenne , ne saurait être que fédéraliste. En effet, nos diversités constituan
1363 , nos diversités constituant le ressort principal de notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
1364 que, toujours risqué, cet art empirique et subtil de louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
1365 e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret de la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
1366 centralisme niveleur, c’est le secret de la santé européenne . Ici, culture et politique se joignent dans la seule et même exigence
1367 itique se joignent dans la seule et même exigence d’ une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’E
1368 ns la seule et même exigence d’une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’Européen partial : fau
1369 e de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’ Européen partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôtu
1370 de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’ Européen partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la
1371 tial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de t
1372 -il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le pro
1373  ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : O
1374 able ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byz
1375 e propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byzance. Cet empire qui sombra pour toujours il y a cinq siècles ex
1376 jours il y a cinq siècles exactement, avait cessé de vivre son grand rôle historique dès l’an 1204, où l’armée des croisés
1377 Chute immense, dont la cause directe fut le refus d’ un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constantinople, ex
1378 aient un tribut avant de s’éloigner : 10 millions de francs-or, environ. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleu
1379 idèrent point, se disant tous ruinés, et refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui iraient assurer leur
1380 er leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’ attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent a
1381 s du pillage s’élevèrent après trois jours à plus de 100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d’art et
1382 s, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses de Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. I
1383 mmun » furent emportées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre
1384 tées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous
1385 d de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’ efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une
1386 de, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouv
1387 d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens , d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors d
1388 comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’ écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors du ré
1389 s Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors du réel », par Emmanuel Berl, dans la revue La
1390 , dans la revue La Table Ronde, janvier 1957. 3. D’ une lettre que m’écrit à ce sujet le conte Jean de Fange. La référence
1391 enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’ une communication au 10e congrès international des sciences historique
1392 me, sept. 1955). k. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1393 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 371. La page 3 du tapuscrit manquant, no
1394 te du manuscrit également présent dans le dossier d’ archives.
11 1958, {Title}. Liberté et littérature (août 1958)
1395 8)l 1. La liberté est un problème pour l’homme d’ aujourd’hui : a) parce que, dans son sens philosophique, elle est mise
1396 ientiste et parfois même scientifique du monde et de l’homme : déterminisme statistique, psychanalyse, cybernétique, condi
1397 se, cybernétique, conditionnement des réflexes et de la pensée. b) parce que, dans son sens politique, elle est brutalemen
1398 en même temps développée au maximum par les pays de l’Ouest européen et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le dé
1399 mps développée au maximum par les pays de l’Ouest européen et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le débat sur le libre
1400 at sur le libre arbitre (la liberté philosophique de l’homme). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de
1401 est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour sa
1402 s ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour savoir si l’homme des
1403 b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté d’ expression et la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la cu
1404 t la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les pér
1405 culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les
1406 n voit se dégager une sorte de loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les plus basses de la litt
1407 maxima correspondent aux périodes les plus basses de la littérature. Exemples modernes : la terreur jacobine, Napoléon, Hi
1408 rreur jacobine, Napoléon, Hitler, Staline. Durant de telles périodes, tout ce qui reste vivant parmi les écrivains se tait
1409 ression et la censure équivalent alors à la peine de mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas
1410 uivalent alors à la peine de mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement vrai : on
1411 t vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes de liberté maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la litté
1412 maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la littérature. Je mets en fait que notre époque connaît un degré de
1413 Je mets en fait que notre époque connaît un degré de liberté politique et sociale jamais connu dans toute l’histoire humai
1414 écrivains contemporains, à l’Ouest, ont le droit de tout dire, en usent et en abusent. Pratiquement, ils peuvent défendre
1415 font. Cependant, ces mêmes écrivains nous parlent d’ une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justeme
1416 ant, ces mêmes écrivains nous parlent d’une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justement le genre
1417 vains nous parlent d’une crise de la littérature, d’ un épuisement du roman (qui est justement le genre le plus « libre »),
1418 n (qui est justement le genre le plus « libre »), de la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc 
1419 le plus « libre »), de la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expr
1420 évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expression qui ait jamais été atteint par l’humanité corres
1421 ent des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’ expression qui ait jamais été atteint par l’humanité correspond le max
1422 été atteint par l’humanité correspond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se
1423 té correspond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalit
1424 ond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalité et l’obj
1425 Tout se passe comme si la réalité et l’objet même de la littérature s’affaiblissaient, disparaissaient, en même temps que
1426 la libre expression. 3. Entre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que
1427 ntre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que les hautes périodes de la l
1428 frein légal, on constate que les hautes périodes de la littérature ont presque toujours correspondu à des périodes de tyr
1429 e ont presque toujours correspondu à des périodes de tyrannie tempérée, mitigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
1430 itigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes de censure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on
1431 sure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on pouvait encore tromper et tourner. Exemples : le siècl
1432 encore tromper et tourner. Exemples : le siècle de Louis XIV, les principautés allemandes (très peu « démocratiques »),
1433 eu « démocratiques »), l’ère victorienne. Chacune de ces époques a créé son style (classique, romantique, romanesque). Les
1434 s mis en question la réalité, l’objet et le sujet de la littérature. La liberté n’y était pas un problème ; chacun savait
1435 n essai (qui reste à écrire) sur le rôle créateur de la censure. Quelques exemples. a) La poésie européenne vient des trou
1436 ur de la censure. Quelques exemples. a) La poésie européenne vient des troubadours, qui empruntèrent formes et thèmes aux poètes a
1437 i empruntèrent formes et thèmes aux poètes arabes d’ Espagne, inspirés par la mystique des soufis (ix e-xii e siècles). Les
1438 ècles). Les soufis croyaient, contre l’orthodoxie de l’islam, que l’homme (fini) peut aimer Dieu (infini). Dans leurs poèm
1439 imée représente la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure
1440 la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure religieuse. b)
1441 l et Gargantua, en se cachant derrière une façade de grosses plaisanteries : fantaisies verbales qui « tirent l’œil », et
1442 t l’œil », et en désignant les grands personnages de l’époque par des noms qui sont des « mots porte-manteau » à la Lewis
1443 hébreux et en grec. c) Swift déguise en aventures de « science-fiction » avant la lettre un pamphlet politique sur l’Angle
1444 terre et son temps. d) Voltaire, dans la centaine de ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de so
1445 its anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans
1446 on œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst
1447 omplet des moyens de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklipp
1448 de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklippen, réussit à dir
1449 den Marmorklippen, réussit à dire ce qu’il pense de Göring et du régime hitlérien sans se faire exécuter. On pourrait cit
1450 ire ; elle oblige donc à y croire plus fermement, d’ une manière plus militante ; elle oblige au courage et à l’invention.
1451 bien en venir au mot courage si l’on veut parler d’ une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablis
1452 d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : ca
1453 intention n’est pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération
1454 as de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’
1455 nsure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’hui, vu les moyens techniques dont dispos
1456 te la dictature. Mais je constate que la vitalité de la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoq
1457 vitalité de la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoquant au courage, à l’invention, au combat
1458 rateur. Je constate qu’aujourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la libe
1459 ourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la liberté d’expression. Et que l
1460 de résistances extérieures sérieuses à la liberté d’ expression. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette libert
1461 ssion. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette liberté, se demande si elle a encore quelque chose à dire, si e
1462 le dire avec les mots, les phrases, les procédés de composition utilisés jusqu’ici, si elle a encore un objet et des suje
1463 a encore un objet et des sujets. (Grand problème de l’avant-garde littéraire en France, pour les romanciers surtout.) J’
1464 ement comme libératrice, et non pas comme « libre d’ entraves » ; se définit par une action libératrice militante, et non p
1465 ibératrice militante, et non pas comme jouissance de libertés toutes faites. Elle est libre non pas dans la mesure où elle
1466 t libre non pas dans la mesure où elle a le droit de dire n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur,
1467 n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur, mais dans la mesure où elle se donne elle-même le droit
1468 onne elle-même le droit (à ses risques et périls) de dire certaines choses, à un certain moment historique, sur un certain
1469 ge dont elle est née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quell
1470 t née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances
1471 te même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais quelles
1472 ugés sociaux et moraux qui subsistent encore dans de larges milieux, ne peut plus donner qu’une littérature traditionnelle
1473 peut s’appuyer. La plus immédiatement visible est de nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons tout
1474 ous rappellent nos éditeurs. Ils nous conseillent d’ écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’écrire un roman du ge
1475 d’écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’ écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes roman
1476 , le courage redevient nécessaire. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage d’écrire selon sa vocation, et non pas s
1477 e. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage d’ écrire selon sa vocation, et non pas selon la conjoncture commerciale
1478 n pas selon la conjoncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les
1479 ncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les conditions actuelles
1480 non pas selon les conditions actuelles du succès de vente ou du prestige (politique) immédiat. 7. Mais surtout : dans une
1481 e époque où tout est permis, l’action libératrice de la littérature consistera à recréer un ordre, c’est-à-dire des limita
1482 domasochiste des existentialistes et néoréalistes d’ hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la litté
1483 te des existentialistes et néoréalistes d’hier et d’ avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, co
1484 tes d’hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer
1485 ’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer, à illustrer,
1486 ire, à montrer, à illustrer, ce qu’il faut exiger de l’homme, ce qui peut surmonter l’humain (Nietzsche) ou mieux : ce qui
1487 ce qui le défait. ⁂ En résumé : la vraie liberté de la littérature ne peut lui être donnée ou garantie utilement par l’Ét
1488 et automatiquement les résistances et le pouvoir de scandale dont elle a vitalement besoin ; par suite elle retrouvera un
1489 e forme (toute forme étant la résultante incarnée d’ une poussée et d’une résistance), par suite encore elle retrouvera cet
1490 rme étant la résultante incarnée d’une poussée et d’ une résistance), par suite encore elle retrouvera cette innocence créa
1491 rdonnatrice, tantôt libératrice, aurait vite fait de nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réali
1492 e, aurait vite fait de nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1493 opre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1494 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 587. Selon plusieurs notes manuscrites,
1495 plusieurs notes manuscrites, il s’agit du résumé d’ une conférence prononcée lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougem
1496 u résumé d’une conférence prononcée lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du
1497 d’une conférence prononcée lors du Forum européen d’ Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du moi
1498 t était un participant régulier, à la fin du mois d’ août 1958.
12 1959, {Title}. La Suisse, microcosme culturel de l’Europe (1959)
1499 La Suisse, microcosme culturel de l’Europe (1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette cau
1500 La Suisse, microcosme culturel de l’ Europe (1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette causerie est
1501 Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit de mes auditeurs, une image très simple — et fausse : l’image d’une Suis
1502 eurs, une image très simple — et fausse : l’image d’ une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultur
1503 mage d’une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe s
1504 sse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe serait une addi
1505 de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’ Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or
1506 ou régionales, comme l’Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette
1507 e l’Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me para
1508 s, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me paraissent également erronés, pour les raisons s
1509 pas un phénomène cantonal, et secundo, la culture européenne n’est pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vo
1510 , et secundo, la culture européenne n’est pas née d’ on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai pe
1511 uropéenne n’est pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai peut-être en affirmant clair
1512 mant clairement que je ne crois pas à l’existence de ces soi-disant « cultures nationales » dont nous parlaient nos manuel
1513 les journaux. Je ne crois pas que pour obtenir l’ Europe unie, pour obtenir une culture européenne il suffise de brasser ensem
1514 r obtenir l’Europe unie, pour obtenir une culture européenne il suffise de brasser ensemble une culture française, une culture all
1515 e, pour obtenir une culture européenne il suffise de brasser ensemble une culture française, une culture allemande, une cu
1516 ure suisse, par exemple, pour la bonne raison que de telles cultures nationales n’existent pas. Ce qu’on appelle courammen
1517 sin des frontières étatiques) dans le grand corps de la culture européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes
1518 ères étatiques) dans le grand corps de la culture européenne , laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes nos nations, sans exc
1519 os nations, sans exception, étant l’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord
1520 sans exception, étant l’œuvre commune de tous les Européens , depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point,
1521 ’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point, à l’aide de quel
1522 ques exemples qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’
1523 qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’est un ensemb
1524 apparence. Une culture, c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auqu
1525 Une culture, c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concouren
1526 , c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exem
1527 nsemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exemple, la musi
1528 , le folklore et les coutumes sociales. Or, aucun de ces éléments qui composent la culture n’est national, par quoi je veu
1529 re n’est national, par quoi je veux dire qu’aucun d’ eux ne peut être étudié en soi et dans son évolution historique, à l’i
1530 istorique, à l’intérieur des frontières actuelles d’ un seul des 26 pays qui forment l’Europe. Je sais bien que sur la bas
1531 res actuelles d’un seul des 26 pays qui forment l’ Europe . Je sais bien que sur la base des manuels d’histoire et de géographi
1532 Europe. Je sais bien que sur la base des manuels d’ histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peintu
1533 is bien que sur la base des manuels d’histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française,
1534 et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe,
1535 aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklor
1536 e la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklore danois, bâlois ou holla
1537 musique, la littérature même — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou s
1538 dans plusieurs foyers simultanés ou successifs en Europe , se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’
1539 nés ou successifs en Europe, se sont transportées d’ un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à trav
1540 u successifs en Europe, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à travers t
1541 e sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’ une région à l’autre, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
1542 e région à l’autre, ont circulé à travers toute l’ Europe , et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïnci
1543 , ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les fr
1544 ravers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’ un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
1545 s toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de n
1546 ts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’ aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’hi
1547 en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de
1548 ncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’ aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dan
1549 ourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dans ses grands traits, vous voyez qu’elle commence simult
1550 ce simultanément à Paris et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui
1551 is et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord —  de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie —
1552 ivant les grands axes du commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se tr
1553 commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se transformant ; que ces tra
1554 nent apprendre leur métier ; qu’ensuite, le foyer de la musique devient l’Allemagne, au xix e siècle seulement ; que c’est
1555 sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui reviennent apporter un nouveau style musical à notre E
1556 yle musical à notre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas
1557 me. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’au
1558 de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire
1559 lement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à m
1560 t qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à moi, et je te laisse la musique si tu v
1561 Quant aux sciences, il serait simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La science, par définition
1562 s universelles. Mais, me direz-vous, qu’en est-il de nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels nation
1563 s s’imaginent en effet que nous parlons, nous les Européens , autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la
1564 ffet que nous parlons, nous les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est
1565 s les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une la
1566 y a identité entre langue et culture. Il suffit de répondre, sur ce point, par quelques observations absolument élémenta
1567 ons absolument élémentaires que vous pouvez tirer de n’importe quel dictionnaire. En France, par exemple — et la France es
1568 ance, par exemple — et la France est le type même de la nation — , on parle au moins sept langues différentes. On parle le
1569 ns sept langues différentes. On parle le français de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seule
1570 çais de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on
1571 le de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on parle aussi l’allemand, le flamand, le breton,
1572 xembourg, en Alsace, en Autriche, dans une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie
1573 une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie
1574 dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurai
1575 ie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurait donc observer aucune coïncidence nécessaire,
1576 ier point bien établi, je crois : il n’y a pas en Europe de cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous
1577 nt bien établi, je crois : il n’y a pas en Europe de cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous le
1578 il n’y a qu’une seule culture commune à tous les Européens , commune par ses grandes origines, qui sont gréco-latines et chrétien
1579 ment, j’ai toujours eu naturellement cette notion de la culture européenne, une et diverse, variée, mais cependant commune
1580 jours eu naturellement cette notion de la culture européenne , une et diverse, variée, mais cependant commune — si je n’ai jamais é
1581 cependant commune — si je n’ai jamais été victime de l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultures nationa
1582 victime de l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultures nationales, autant de cultures que de nations marqué
1583 ste en Europe que des cultures nationales, autant de cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce
1584 e des cultures nationales, autant de cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce pas tout simple
1585 pas une culture suisse définie par les frontières de notre Confédération, telles qu’elles ont été établies en 1848. Nous s
1586 qui n’a que 111 ans. Politiquement, nous relevons d’ un même État suisse, quelle que soit notre langue. Culturellement, nou
1587 langue. Culturellement, nous relevons directement de cet ensemble varié qui constitue la culture européenne. On ne peut do
1588 nt de cet ensemble varié qui constitue la culture européenne . On ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger d’une manière imp
1589 n ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger d’ une manière importante le titre qu’on m’a proposé — on ne peut donc pa
1590 tant qu’État, représente en réduction la culture européenne , mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, est tout n
1591 ne, mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, est tout naturellement Européen, résume en lui les héritages
1592 tant qu’homme de culture, est tout naturellement Européen , résume en lui les héritages variés qui composent la culture de notre
1593 lui les héritages variés qui composent la culture de notre continent. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de cul
1594 nt. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, — ce que chaque Suisse doit être, bien entendu ! Je devrais
1595 ert de Traz, un Francesco Chiesa, ont été nourris de plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils ét
1596 combinées, parce qu’ils étaient nés au confluent de diverses écoles, tendances et styles, qui les reliaient naturellement
1597 ances et styles, qui les reliaient naturellement, de proche en proche, à tout l’ensemble européen. Si vous me le permettez
1598 rellement, de proche en proche, à tout l’ensemble européen . Si vous me le permettez, je me bornerai à un seul exemple, le mien,
1599 uses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une
1600 serait excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une culture propre et qui forme un t
1601 qui forme un tout cohérent dans le vaste ensemble européen  ! Non, Neuchâtel est proche de la France et de l’Allemagne, et partic
1602 opéen ! Non, Neuchâtel est proche de la France et de l’Allemagne, et participe des courants les plus variés de la culture
1603 emagne, et participe des courants les plus variés de la culture européenne. Les premières influences que j’ai subies, comm
1604 ticipe des courants les plus variés de la culture européenne . Les premières influences que j’ai subies, comme écrivain, étaient év
1605 y et les moralistes français ont formé mes moyens d’ expression. Quant aux idées, je constate aujourd’hui que les influence
1606 je dépendais du domaine protestant, qui n’est pas d’ origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène europ
1607 eloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène européen . Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth,
1608 ais qui est un phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand.
1609 phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je
1610 allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvres d’ Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme
1611 suis nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno, d’ Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiq
1612 gnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japo
1613 me T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japonais. Je crois donc pouvoir dire,
1614 dire, aujourd’hui, que je me sens typique non pas d’ une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut
1615 as d’une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut produire dans le domaine culturel : des hommes
1616 des hommes nourris aux sources les plus diverses de l’héritage européen commun. J’oserai dire que je vois là, précisément
1617 urris aux sources les plus diverses de l’héritage européen commun. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands pr
1618 ns être, dans ce pays, quel que soit notre canton d’ origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe tout entière. Le
1619 d’origine, ou notre langue, directement liés à l’ Europe tout entière. Les premiers cantons suisses reçurent leurs libertés no
1620 ulturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à l’ Europe , nous ne pouvons être que des Européens, quand il s’agit de culture e
1621 mmédiats à l’Europe, nous ne pouvons être que des Européens , quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vo
1622 e pouvons être que des Européens, quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport.
1623 uropéens, quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatemen
1624 d il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, e
1625 it de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme c
1626 re et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme condamnés à
1627 e vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens , et comme condamnés à l’Europe, n’étant pas enfermés dès la naissance
1628 s immédiatement européens, et comme condamnés à l’ Europe , n’étant pas enfermés dès la naissance dans les illusions et les myth
1629 dès la naissance dans les illusions et les mythes de ce qu’on nomme ailleurs une « culture nationale ». Et dans ce sens, n
1630 res Suisses, nous sommes vraiment des microcosmes de la culture européenne — de même que nous pouvons et devons espérer qu
1631 ous sommes vraiment des microcosmes de la culture européenne — de même que nous pouvons et devons espérer qu’un jour prochain, not
1632 tions, apparaitra comme le résumé, le microcosme, d’ une Europe renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités.
1633 apparaitra comme le résumé, le microcosme, d’une Europe renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités. m. Édit
1634 des diversités. m. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1635 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 985.
13 1961, {Title}. L’automation et l’avenir de l’Europe (juin 1961)
1636 L’automation et l’avenir de l’Europe (juin 1961)n La plupart des études sur la technique décri
1637 L’automation et l’avenir de l’ Europe (juin 1961)n La plupart des études sur la technique décrivent des
1638 s, puis se préoccupent du rendement industriel et de ses incidences économiques et sociales, calculent les délais prévisib
1639 ues et sociales, calculent les délais prévisibles de réalisation (presque toujours démentis par les faits) et parfois étud
1640 parfois étudient les effets psychophysiologiques d’ une technique sur les techniciens. Bref : ils se demandent comment, qu
1641 ’envisagerai est celle des conséquences à prévoir de l’automation idéalement réalisée dans tous les domaines où elle peut
1642 ela revient à poser la question des fins humaines de la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation
1643 er la question des fins humaines de la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation poussée au maxim
1644 ation poussée au maximum aboutit à la suppression de la condition prolétarienne, puisqu’elle laisse les occupations mécani
1645 ions mécaniques aux machines, et libère l’ouvrier de « l’esclavage machinique ». Une technique imparfaite a créé le prolét
1646 xix e siècle, définissait à juste titre l’ouvrier d’ usine comme « le complément vivant d’un mécanisme mort ». Il espérait
1647 re l’ouvrier d’usine comme « le complément vivant d’ un mécanisme mort ». Il espérait que la lutte des classes, le jeu des
1648 e révolutionnaire conduiraient, après une période de dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarie
1649 ode de dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarienne. Nous voyons que c’est au contraire la tec
1650 ra été dissoute en tant que classe par les effets de l’automation (une partie des emplois étant supprimée, une autre passa
1651 autre passant au secteur tertiaire, une minorité de travailleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant être d’ailleu
1652 au service militaire), la base du schéma évolutif de Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne sera plus un mythe e
1653 steront plus — mais un souvenir historique, objet de thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée ser
1654 e, objet de thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine d
1655 final de la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures d
1656 atisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de
1657 ir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heu
1658 de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis
1659 s à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis que la prod
1660 emins de fer, tandis que la production ne cessait d’ augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe So
1661 ne cessait d’augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée d
1662 augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loi
1663 . Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique,
1664 .) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique, dont le but immédiat était d’accroître la productivité 
1665 oduit de la technique, dont le but immédiat était d’ accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant nota
1666 isir apparaîtra de plus en plus comme le vrai but de l’aventure technique, en Occident. Ce loisir quantitatif ne peut sign
1667 ômage) que pour des hommes et des femmes capables de remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-
1668 capables de remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-mêmes : soit par un travail créateur (art
1669 ns libérales) d’une part toujours plus importante de la population active nécessite une extension et une intensification d
1670 ve nécessite une extension et une intensification de la formation professionnelle, technique et scientifique. Alors de deu
1671 professionnelle, technique et scientifique. Alors de deux choses l’une. 1° Si l’on néglige la culture générale au profit d
1672 1° Si l’on néglige la culture générale au profit de la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y
1673 profit de la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs),
1674 lus il y aura de bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs), mais moins les hommes seront prépar
1675 spécialisée, aux dépens de la culture simultanée de toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tar
1676 s de la culture simultanée de toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de
1677 cultés de l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civil
1678 dite générale), risque de tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention te
1679 les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention technique est moins le fait des t
1680 , s’inspirant des spéculations les plus gratuites de la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour
1681 spéculations les plus gratuites de la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour par l’ensemble de
1682 à leur tour par l’ensemble des forces créatrices de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanism
1683 s de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si
1684 s-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme d’ auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation t
1685 , de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation technique à l’éducation
1686 ion pratique et professionnelle ; puis la période de travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux ext
1687 uis la période de travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tend
1688 loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tendant à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
1689 à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans).
1690 de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière d’un travailleur au xix e siècle éta
1691 n pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière d’ un travailleur au xix e siècle était à peu près la suivante : période
1692 x e siècle était à peu près la suivante : période d’ éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans.
1693 t à peu près la suivante : période d’éducation et d’ instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de
1694 ériode d’éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que
1695 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que les tendances actuelles se confirment (c
1696 on aurait à peu près, pour une longévité moyenne de 80 ans :   Période d’éducation et de formation professionnelle 20 a
1697 our une longévité moyenne de 80 ans :   Période d’ éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail
1698 té moyenne de 80 ans :   Période d’éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans
1699 et de formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et
1700 de de travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et d’activité différente) 30 ans   Les problèmes
1701 s Retraite (ou période de nouvelle formation et d’ activité différente) 30 ans   Les problèmes d’éducation (scolaire et
1702 t d’activité différente) 30 ans   Les problèmes d’ éducation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au s
1703 ation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au sens le plus large du terme) seront alors les plus import
1704 importants, ils intéresseront la plus large part de la vie, et ils se poseront en termes fondamentalement renouvelés, le
1705 énible et sa nécessité pour subsister ayant cessé de représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existenc
1706 subsister ayant cessé de représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des homme
1707 enter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des hommes. Obstacle majeur à la soluti
1708 ommes. Obstacle majeur à la solution raisonnable de ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économique
1709 tion raisonnable de ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économiques et éducatives, conditionnées pa
1710 ques et éducatives, conditionnées par des siècles d’ effort acharné, durant lesquels le travail figurait à la fois la néces
1711 ait à la fois la nécessité fondamentale et le but de l’existence. III. La technique, étant le produit le plus facilement e
1712 e, étant le produit le plus facilement exportable de notre civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’une manière t
1713 e civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’ une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radic
1714 orts mondiaux d’une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux co
1715 mondiaux d’une manière telle que la fonction de l’ Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux constatatio
1716 question. Deux constatations préalables : 1° En Europe , le niveau de vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès de la
1717 vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès de la technique aient pour résultat principal la création des loisirs ;
1718 ltat principal la création des loisirs ; mais les Européens , conditionnés par une longue hérédité de travail acharné, sont les mo
1719 s Européens, conditionnés par une longue hérédité de travail acharné, sont les moins faits pour supporter l’inaction, ou s
1720 Leurs valeurs morales les plus courantes relèvent d’ une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplat
1721 courantes relèvent d’une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie,
1722 éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie est si b
1723 as, relativement à l’Occident, et l’accroissement de la population si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lut
1724 si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le p
1725 tter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — o
1726 e moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans l
1727 dataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellis
1728 Que les pays du tiers-monde se mettent à l’école de l’Occident, ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils sont tou
1729 e, ils sont tous destinés à traverser une période d’ industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique da
1730 és à traverser une période d’industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce
1731 dustrialisation et de technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce aux progrès accomplis par l’Occ
1732 nt passer du stade arriéré où ils sont à un stade de productivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix
1733 ivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix e siècle (grandes villes aux banlieues insalubres, corons d
1734 x des machines automatisées que du travail direct de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « 
1735 irect de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamie
1736 la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamiens par exemple). 2° Le
1737 Les peuples du tiers-monde veulent les résultats de la technique, non ses conditions. Ils ne sont pas prêts à l’effort qu
1738 aux durant des siècles, et n’ont pas notre morale de travail. Il semble que leur adaptation au monde technique ne pourra ê
1739 ne pourra être obtenue que par la force (régimes de dictature communiste), ou en plusieurs générations (éducation à l’occ
1740 dentale). Dans les deux cas, ces peuples risquent de perdre leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’avoir pu s’as
1741 re leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’ avoir pu s’assimiler les nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si
1742 s nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si l’ Europe ne se préoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résou
1743 peut en résulter. Si l’Europe ne se préoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atté
1744 réoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atténuer les crises profondes créées par
1745 , la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’ atténuer les crises profondes créées par notre technique, sera perdue.
1746 es créées par notre technique, sera perdue. IV. L’ Europe , qui a créé la technique grâce à son éthique du travail et de l’avent
1747 éé la technique grâce à son éthique du travail et de l’aventure, doit créer maintenant une éthique nouvelle intégrant trav
1748 intégrant travail et loisir, productivité et art de vivre (ou consommation). Elle le doit d’abord à elle-même et à ses p
1749 rouver et maintenir un équilibre psychologique, l’ Européen doit apprendre à ne plus dissocier travail et loisir. Plus le travail
1750 nnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas de l’artiste ; plus il est machinal, plus il contraste avec le loisir, e
1751 loisir, et plus il rend l’individu inapte à jouir de son temps libre. L’automation fournit donc les moyens techniques d’un
1752 . L’automation fournit donc les moyens techniques d’ un nouvel équilibre humain, mais l’éducation seule pourra le promouvoi
1753 ’éducation seule pourra le promouvoir. La culture européenne est faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, c
1754 ra le promouvoir. La culture européenne est faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conservatisme
1755 rationalisme, centralisme et régionalisme, esprit de système et individualisme. C’est pourquoi la technique industrielle,
1756 C’est pourquoi la technique industrielle, née en Europe — et ce n’est pas un hasard — , n’a jamais pu s’y développer sur tabl
1757 et politiques. Ce fait fondamental différencia l’ Europe de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’
1758 itiques. Ce fait fondamental différencia l’Europe de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Eur
1759 différencia l’Europe de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la
1760 s régions de la planète ; — et doit permettre à l’ Europe de trouver la première la formule d’équilibre humain entre la product
1761 ns de la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la formule d’équilibre humain entre la productivi
1762 ttre à l’Europe de trouver la première la formule d’ équilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qu
1763 ilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification
1764 main entre la productivité et la faculté de jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification et la sp
1765 la spontanéité, l’action et la méditation. Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela sup
1766 tion et la méditation. Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sa
1767 Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sans cesse rétabli entre
1768 entre le corporel, l’animique et le spirituel. L’ Europe étant la mieux placée pour intégrer la technique et ses dons, doit au
1769 intégrer la technique et ses dons, doit au monde d’ illustrer pour lui cette formule d’équilibre humain. Nous avons donné
1770 doit au monde d’illustrer pour lui cette formule d’ équilibre humain. Nous avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
1771 us avons donné au monde le nationalisme, l’esprit de révolution, l’idéal libertaire, et la technique. Il nous reste à donn
1772 ique. Il nous reste à donner au monde les « modes d’ emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n
1773 us reste à donner au monde les « modes d’emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n’ai fait qu
1774 er le problème. n. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1775 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 602. Une note manuscrite indique : « Eur
14 1961, {Title}. Découvrons l’Europe (août 1961)
1776 Découvrons l’ Europe (août 1961)o Je vais parler d’un continent bien plus mystérieux qu
1777 écouvrons l’Europe (août 1961)o Je vais parler d’ un continent bien plus mystérieux que l’Asie. Ses habitants eux-mêmes
1778 rieuses contradictions. Il n’est qu’une péninsule de médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme le constatent les g
1779 rsonne n’est venu le découvrir. Il est donc temps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’
1780 emps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis
1781 de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu r
1782 toire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe , depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et d’
1783 notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’ un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde.
1784 lénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et d’ un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fil
1785 té, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lu
1786 ’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la f
1787 centre du monde. Europe était le nom de la fille d’ un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un ta
1788 , qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’ un taureau blanc. Conduite en Crète, elle y fonda la dynastie des Mino
1789 et c’était bien le nom qui leur convenait, puisqu’ Europe vient sans doute du mot Ereb qui, dans la langue sémitique des Tyrien
1790 e légende traduit fidèlement le mouvement général d’ une civilisation qui se répandit du Proche-Orient vers l’ouest, par le
1791 toise et grecque, puis dans tout l’Empire romain. De la conquête des Gaules par Jules César jusqu’aux invasions des Barbar
1792 es, lentement éduqués par l’Église après la chute de l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme
1793 t éduqués par l’Église après la chute de l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme entité disti
1794 après la chute de l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme entité distincte, séparée de l’Orient 
1795 ntale se dessine, comme entité distincte, séparée de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse
1796 e entité distincte, séparée de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure e
1797 de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’elle-m
1798 l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’ elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, relatant la victoire d
1799 ans une chronique espagnole, relatant la victoire de Poitiers remportée par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’
1800 e par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’ Européens apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des s
1801 par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’ Européens apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des soldats du
1802 e des soldats du roi franc, venus de la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous somm
1803 la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous sommes à la fin du viii e siècle. Peu apr
1804 nt le premier empereur du continent : les annales de l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant
1805  : les annales de l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant les siècles qui suivront, le couran
1806 iècles qui suivront, le courant civilisateur venu d’ Orient vers l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam
1807 s l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam. Sur la péninsule enfermée entre les Slaves et les Arabes, en
1808 isateurs si différents, voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, diffi
1809 ifférents, voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, ave
1810 voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, avec les coutu
1811 utumes germaniques, dans une longue effervescence d’ hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes
1812 niques, dans une longue effervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs
1813 ervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs, communes urbaines et seig
1814 ommunes urbaines et seigneurs féodaux. Du creuset d’ alchimiste où s’opère cette synthèse d’une culture originale, des éner
1815 Du creuset d’alchimiste où s’opère cette synthèse d’ une culture originale, des énergies incalculables vont se dégager. Il
1816 alculables vont se dégager. Il devient impossible de les comprimer sur le petit cap européen. L’Orient interdit par l’isla
1817 ient impossible de les comprimer sur le petit cap européen . L’Orient interdit par l’islam, elles ne trouvent pour se déployer qu
1818 ne trouvent pour se déployer que l’espace inconnu de l’Océan. Elles y frayent des voies idéales, où l’imagination s’élance
1819 sera le départ pour l’aventure mondiale, au matin de Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, t
1820 de Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, tour du monde, colonisation pénétrant par les côte
1821 les côtes dans tous les continents. Au mouvement de systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissan
1822 ment de systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents an
1823 ole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
1824 iastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’E
1825 s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’Europe dominent sur toute l’Afr
1826 . Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’ Europe dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’A
1827 Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’ Europe dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’Austral
1828 deux Amériques, l’Australasie et les trois-quarts de l’Asie. La Chine elle-même et le Japon n’ont sauvé leur indépendance
1829 ’ouvrant au commerce, aux techniques et aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’uni
1830 t aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au
1831 idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’ Europe semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur mêm
1832 expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’ unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mond
1833 ifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque
1834 Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’un
1835 vifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’ un mal qui couvait depuis longtemps, qui se nomme le nationalisme, et
1836 qui se traduit par un délire soudain : la guerre de 1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intéri
1837 re soudain : la guerre de 1914. Dès cette date, l’ Europe épuisée, encombrée de barrières intérieures qui paralysent le libre j
1838 1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne
1839 barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable d’animer son empire. Çà et là, l
1840 libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable d’ animer son empire. Çà et là, les peuples commencent à contester les dr
1841 de vitalité. Divisée contre elle-même, elle cesse d’ en imposer. Encore une crise sanglante et convulsive, la guerre d’Hitl
1842 core une crise sanglante et convulsive, la guerre d’ Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade
1843 et convulsive, la guerre d’Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité to
1844 folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économiqu
1845 ime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, elle a pe
1846 d, elle a perdu ses colonies, protectorats, zones d’ influence, bases et comptoirs, en Afrique, en Asie, et dans le Proche-
1847 a voilà donc réduite à ce qu’elle était au départ de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la carte et même à m
1848 moins : car elle a perdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
1849 e a perdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice u
1850 dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le cr
1851 ons de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de
1852 . Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’ animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de ses meilleur
1853 coup de ses meilleurs esprits parlent éloquemment de sa décadence fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la g
1854 fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’
1855 ! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la
1856 vement de renouveau se prononce, sous la conduite d’ hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos
1857 prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos patries, éliminer le v
1858 atries, éliminer le virus nationaliste qui a fait de nos fécondes diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’en
1859 diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’ensemble. Churchill prête au mouvement son prestige et sa voix. Un
1860 au mouvement son prestige et sa voix. Un Congrès de l’Europe, réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Asse
1861 ouvement son prestige et sa voix. Un Congrès de l’ Europe , réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Assemblée et
1862 réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’ une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action
1863 la création d’une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État e
1864 mmun de nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Con
1865 à l’action prudente de quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à
1866 e quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à Strasbourg, puis un p
1867 institue à Strasbourg, puis un pool du charbon et de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industri
1868 de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industrie, les finances et le commerce des pays ruinés pa
1869 ites, qui forment à elles seules une bonne moitié de la population du continent. D’autres pays — sept jusqu’ici — sollicit
1870 on doit nous conduire, sans guerre, à refaire une Europe capable d’assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui c
1871 nduire, sans guerre, à refaire une Europe capable d’ assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui cette foncti
1872 Quelle est aujourd’hui cette fonction ? Certes, l’ Europe ne prétend pas recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur d’une
1873 recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur d’ une civilisation qui, pour la première fois dans toute l’histoire, éte
1874 on influence à toute la Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses
1875 Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes d’ emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, so
1876 le doit au monde de lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine
1877 s modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine de voir ces découvertes et ces co
1878 mal préparées à les recevoir. Elle doit au monde d’ animer les échanges économiques et culturels dont elle fut, dès la Ren
1879 issance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est
1880 rice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourquoi son union
1881 moins nécessaire aux autres qu’à elle-même. Cette Europe qui a perdu le monde après l’avoir révélé à lui-même n’en demeure pas
1882 ce fait est démontrable. C’est la terre décisive de la planète. Plus petite, mais plus dense et plus complexe que tous le
1883 us complexe que tous les autres continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trés
1884 tous les autres continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonné
1885 s continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveau
1886 astes, de tensions et de contradictions fécondes, d’ anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle atten
1887 tions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’être découverte par des millio
1888 çonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’ être découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infinime
1889 s, elle attend d’être découverte par des millions d’ Européens. Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond pas
1890 elle attend d’être découverte par des millions d’ Européens . Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond passé et les
1891 varié, ils liront un profond passé et les signes d’ un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée
1892 ond passé et les signes d’un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1893 patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1894 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 605. Une note manuscrite indique la date
15 1961, {Title}. Imagination de New York (novembre 1961)
1895 Imagination de New York (novembre 1961)p Toute ville est un piège… plus ou moins
1896 olitaires, errants des rues, claustrés, imaginant de loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’est pas sans agrément pour
1897 au surplus n’est pas sans agrément pour les gens de passage, ou ceux du petit commerce et des spectacles.) Toute ville es
1898 s villes. Mais les villes en nous sont l’histoire d’ une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision
1899 les villes en nous sont l’histoire d’une vision, d’ une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un
1900 ous sont l’histoire d’une vision, d’une approche, d’ un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin sep
1901 oire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et d’ un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin septembre 1940).
1902 un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’ un bateau, fin septembre 1940). Dans la brume épaissie, mais lumine
1903 us défilons lentement près de leur base. Des pans de brique rosée, ocrée, légère, s’éclairent dans les profondeurs embuées
1904 comme des orgues, de toutes parts. La « sensation de reconnaissance » m’a saisi. Cette rumeur, cet élan vertical, cet élan
1905 t New York identique à son rêve. Premiers accords d’ une symphonie dont on savait les thèmes par cœur pour avoir étudié la
1906 du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren
1907 parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense
1908 nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs d’ un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à
1909 e rues coupant les avenues à angle droit : autant d’ étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c
1910 al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River
1911 la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e
1912 attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu
1913 es, îles et plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit,
1914 t plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus,
1915 liées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’ autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
1916 ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’ octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie
1917 il couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel de cette couleur orangée, aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roch
1918 des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’ une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
1919 mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’ une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
1920 j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
1921 e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi
1922 Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’ aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,
1923 venture, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d
1924 Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign
1925 Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su
1926 ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici 
1927 s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
1928 s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
1929 ’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capab
1930 plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporte
1931 de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
1932 n : seules ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
1933 étaient capables de supporter le formidable poids d’ un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
1934 de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
1935 ules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’ une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis au contraire, sur
1936 cago et Saint-Louis au contraire, sur les plaines d’ alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, men
1937 cages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe
1938 e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c
1939 de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’
1940 our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
1941 . Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
1942 imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’ extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
1943 sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’ extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl
1944 diablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
1945 laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
1946 st, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d
1947 , dans leur ignorance, que c’est une ville « trop européenne  »… Mais moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque ave
1948 p européenne »… Mais moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pu
1949 is moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pure (3 novembre 194
1950 a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m
1951 regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm
1952 s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con
1953 ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u
1954 f un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’ homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas
1955 un usage massif, exactement prévu. Plus une trace de campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p
1956 campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu
1957 oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’ eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de c
1958 t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversem
1959 i d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphal
1960 i de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de
1961 ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois de verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi
1962 ation horizontale et verticale, intensité suprême de la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè
1963 a première fois, je vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome,
1964 vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
1965 si purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs
1966 iée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de
1967 ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’ immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y
1968 Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles.
1969 mparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m
1970 iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’ herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to
1971 mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat d’ avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait
1972 ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Usage : Beekman Place la nuit (août 1943) Parallèle à l’
1973 arallèle à l’East River dont la sépare une rangée d’ hôtels particuliers aux façades étroites, cette rue très courte est l’
1974 ois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod
1975 int les avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
1976 it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’ arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
1977 érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
1978 e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
1979 , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’
1980 ts de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux o
1981 ique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mai
1982 res dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’il y tr
1983 un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’ Europe  ! parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois d
1984 charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
1985 mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’ asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
1986 étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
1987 urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La
1988 e de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
1989 usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’ eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
1990 mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
1991 vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’ un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
1992 onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’ étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
1993 ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’ un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
1994 éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
1995 ’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares
1996 — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli
1997 otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
1998 es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écono
1999 ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’ homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques e
2000 s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
2001 leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’ un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
2002 et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
2003 ons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
2004 t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
2005 Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
2006 uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
2007 qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
2008 le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
2009 comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe . J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe amé
2010 a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
2011 ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
2012 r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’ argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
2013 un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’ éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
2014 méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’ or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
2015 ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’ heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
2016 Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches posées sur le onzième étage et festonnées de tu
2017 lanches posées sur le onzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
2018 coup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond, mais étroit, je vois des couples
2019 tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
2020 peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’ une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
2021 res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
2022 ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
2023 s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
2024 r qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’ hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
2025 nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
2026 oses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
2027 orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
2028 a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
2029 r le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
2030 les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
2031 des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
2032 saient leur solo de désastre, de faux désastre et d’ appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
2033 tre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
2034 u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’ un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
2035 . Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
2036 éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York d’ adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
2037 t New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’ Europe et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pen
2038 s au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? dem
2039 e et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusie
2040 Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusier les journalistes et les arch
2041 it raison à cette époque : pour quelques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de
2042 elques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizain
2043 és à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques
2044 ’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela ch
2045 e grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidem
2046 tendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidement. On dém
2047 change rapidement. On démolit des rues entières, d’ un coup, pour les rebâtir en vingt étages transparents et resplendissa
2048 r en vingt étages transparents et resplendissants de tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui
2049 transparents et resplendissants de tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui deviennent trop é
2050 n jour l’embouteillage sera définitif. Un million de voitures abandonnées par leurs propriétaires d’abord seulement pressé
2051 ement pressés, puis un peu affamés, et enfin pris de panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctu
2052 ris de panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctus ! Comment les déplacer ? Il y faudra des sem
2053 . Il faut projeter autre chose. Idée nouvelle de New York (novembre 1961) Le Lever House, Park Avenue, inaugure à m
2054 ’un rez-de-chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des pilier
2055 -chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces,
2056 ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces, des maisons basses
2057 piliers minces, des maisons basses, des terrasses de cafés, des étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures
2058 es étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures ! On se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon
2059 n se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon temps, qu’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New
2060 u’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New York ne pouvait « entraîner vers la hauteur » que les regards de
2061 ait « entraîner vers la hauteur » que les regards de corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici,
2062 ards de corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui est la dimension sociale
2063 ttan sur pilotis. Les huit avenues longitudinales de vingt-cinq kilomètres, reliées par une sur deux des cent-cinquante-si
2064 ur deux des cent-cinquante-six rues transversales de quatre à cinq kilomètres sont livrées à la circulation des petits tax
2065 ectriques à deux places que l’on prend aux abords de la Cité et que l’on range après usage gratuit à peu près n’importe où
2066 e gratuit à peu près n’importe où, dans les zones de parcage. Mais entre ces rivières au flot facile et au ronronnement mo
2067 agés sous les buildings, j’imagine la renaissance d’ une ville horizontale. Ville des piétons, des échoppes et des kiosques
2068 les spectacles dans les profondeurs, labyrinthes de sombres passages, ou sur les terrasses des sommets…) J’imagine la re
2069 terrasses des sommets…) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc
2070 ) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc ou deux et leurs ruel
2071 u forum, de la place ou du square. Mille villages d’ un bloc ou deux et leurs ruelles ; des espaces verts et des bosquets ;
2072 une ethnie, puis une autre à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien sépa
2073 à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien séparée, mais très proche des a
2074 utres, quelques minutes… J’imagine la renaissance d’ une Communauté, par un nouvel agencement des Formes. p. Édition réa
2075 nt des Formes. p. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
2076 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 933.