1
parisiens, sympathiques au mouvement pour l’union
de
l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mai
2
iens, sympathiques au mouvement pour l’union de l’
Europe
: « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mais bien pe
3
t à leur succès prochain. Vous n’avez devant vous
d’
autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle est lourde… » Ainsi dit
4
st lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur
d’
un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : « Il manque à vos
5
d industriel suisse me dit : « En a-t-on vu assez
de
ces organisations internationales ! Il est bien difficile d’y croire
6
nisations internationales ! Il est bien difficile
d’
y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules, faites une actio
7
us voulez réveiller les foules, faites une action
d’
éclat, prenez un ours en laisse, et allez parler sur les places. Ce qu
8
iez-vous pas le premier ? Diogène avait bien tort
de
chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en d
9
e avait bien tort de chercher un homme à la lueur
de
sa lanterne. Il eût mieux fait d’en devenir un lui-même. C’est le plu
10
omme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait
d’
en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi q
11
d’en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen
d’
en trouver. » Quoi qu’il en soit, les propos que je viens de rapporter
12
rter vous donneront, je le crains, une idée juste
de
l’opinion continentale, au cours de cet automne 1948. Le bel élan imp
13
et automne 1948. Le bel élan imprimé au mouvement
européen
par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoiremen
14
élan imprimé au mouvement européen par le congrès
de
La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop m
15
uropéen par le congrès de La Haye court le risque
de
s’enliser, provisoirement. On avait trop misé sur des réalisations im
16
n France, conflit insoluble en Allemagne, suspens
de
la politique américaine à la veille des élections présidentielles, et
17
mieux dire, cette bienveillance plutôt sceptique
de
l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est nor
18
e plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments
de
ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de déta
19
de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement
de
l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient
20
nt de l’action, il est normal que les difficultés
de
détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se rep
21
rmal que les difficultés de détail se multiplient
de
tous côtés, et qu’on voie chaque pays se replier sur ses intérêts à c
22
bitions à des objectifs immédiats. Comment sortir
de
cette impasse ? En nous rappelant d’abord, et en rappelant aux masses
23
rappelant aux masses les buts lointains et larges
de
notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait
24
s lointains et larges de notre action, l’ensemble
de
la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces
25
rges de notre action, l’ensemble de la situation.
De
quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’Euro
26
? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’
Europe
: la guerre, le désastre économique, l’asservissement totalitaire. El
27
ent totalitaire. Elles réveillent dans les masses
européennes
trois aspirations fondamentales : vers la sécurité, la prospérité, et
28
t les trois besoins que l’on découvre à l’origine
de
toutes les fédérations connues. Dans un important ouvrage sur la cons
29
s facteurs ont été déterminants pour la formation
de
la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les
30
tion helvétique, il y a cent ans. Il est frappant
de
les retrouver, identiquement, dans le Message aux Européens qui termi
31
les retrouver, identiquement, dans le Message aux
Européens
qui termina le congrès de La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses term
32
s le Message aux Européens qui termina le congrès
de
La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses termes. Voici d’abord les troi
33
termes. Voici d’abord les trois menaces : Aucun
de
nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
34
s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse
de
son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
35
à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun
de
nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
36
oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut
d’
une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
37
n à l’unification forcée, soit par l’intervention
d’
un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. Et v
38
tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation
d’
un parti du dedans. Et voici la réponse à ces menaces : l’union, seul
39
a réponse à ces menaces : l’union, seule garantie
de
la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, dema
40
menaces : l’union, seule garantie de la sécurité,
de
la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons
41
eule garantie de la sécurité, de la prospérité et
de
la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les pe
42
le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples
d’
outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
43
on politique et le plus vaste ensemble économique
de
notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
44
u monde n’aura connu un si puissant rassemblement
d’
hommes libres. Si ce grand but reste constamment présent à notre espr
45
déal actif dans notre cœur, les vraies dimensions
de
la lutte seront rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes
46
urs justes proportions. Si nous comprenons bien «
de
quoi il s’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou
47
’agit », et que c’est pour nous tous une question
de
vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’a
48
t que c’est pour nous tous une question de vie ou
de
mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’apparentes
49
nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par
d’
apparentes impossibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de gu
50
ssibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps
de
guerre : impossible ou non, il le faut. Cher lecteur britannique, je
51
c’est qu’à l’heure actuelle, nous ne ferons rien
de
pratique si nous n’avons pas devant nous une vision nette et puissant
52
ons pas devant nous une vision nette et puissante
de
notre but final. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notr
53
nal. C’est cette fin seule qui dictera les moyens
de
notre action, qui les orientera et qui nous forcera à les découvrir l
54
« Voici le secret. Ne pensez plus aux mouvements
de
votre main. Regardez le rond noir qui est au milieu de la cible, lais
55
ira tout seul. » Le lendemain, je gagnais le prix
de
tir du bataillon. Cette expérience garde pour moi une valeur symboliq
56
rd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent
de
cela. C’est dans cette conviction que la Section culturelle du Joint
57
re européen de la culture. Quelle sera la mission
de
ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun d
58
uelle sera la mission de ce Centre ? Précisément,
de
maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
59
ssion de ce Centre ? Précisément, de maintenir et
de
vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre pl
60
t, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des
Européens
, de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes :
61
enir et de vivifier l’idéal commun des Européens,
de
l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’é
62
fier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
de
le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’il
63
e rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes :
d’
éclairer et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effor
64
conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et
d’
illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union
65
er et d’illustrer constamment le sens et l’esprit
de
notre effort vers l’union — de ramener l’attention vers son but. Cert
66
e sens et l’esprit de notre effort vers l’union —
de
ramener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aur
67
mener l’attention vers son but. Certes, le Centre
de
la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter
68
e Centre de la culture aura tout d’abord quantité
de
tâches pratiques à exécuter (la résolution culturelle adoptée par le
69
(la résolution culturelle adoptée par le congrès
de
La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont été pr
70
s de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup
d’
initiatives ont été prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’
71
ns nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe
de
coordination pour donner leur plein effet. Le Centre sera d’abord au
72
ur plein effet. Le Centre sera d’abord au service
de
la culture. Mais il ne la servira bien que s’il sert en même temps l’
73
n même temps l’effort commun pour établir l’union
européenne
. Pas de culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asser
74
ffort commun pour établir l’union européenne. Pas
de
culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asservie, rui
75
ablir l’union européenne. Pas de culture, au sens
européen
du terme, si l’Europe se voit asservie, ruinée, colonisée. L’une ne v
76
. Pas de culture, au sens européen du terme, si l’
Europe
se voit asservie, ruinée, colonisée. L’une ne va pas sans l’autre. Im
77
pas sans l’autre. Imaginez alors, quelque part en
Europe
, un lieu où notre action puisse être méditée, clarifiée, où son orien
78
s économistes ? a. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
79
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 453. Une note manuscrite indique que ce
80
Présentation du Rapport général de la Conférence
européenne
de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondém
81
on du Rapport général de la Conférence européenne
de
la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondément
82
n profondément contradictoire dans laquelle vit l’
Europe
, depuis 10 ans, est entrée dans la phase critique. Elle est presque d
83
e désespérée. Elle est aussi plus près que jamais
de
se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de
84
de se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’
Europe
est en train de se défaire. Elle n’a jamais été plus menacée, plus di
85
ans toute sa longue histoire — consciemment — , l’
Europe
est en train de se faire. Aux yeux d’un esprit objectif, toutes les c
86
t — , l’Europe est en train de se faire. Aux yeux
d’
un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dan
87
yeux d’un esprit objectif, toutes les conditions
de
la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates
88
t les mêmes conditions qui pourraient être celles
d’
une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s
89
Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé
de
s’aggraver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absu
90
ver depuis dix ans — mais nous prenons conscience
de
leur absurdité. L’avènement brusque et stupéfiant des deux empires ex
91
d’entre nous, mais il réveille aussi le sentiment
d’
un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’aban
92
il réveille aussi le sentiment d’un destin commun
de
nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités d
93
, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités
de
l’Histoire, se voient combattus par l’élan vers l’union, vers la fédé
94
lée de Strasbourg, — votre présence ici. Je parle
d’
un espoir tremblant. Le sentiment le plus répandu, j’allais dire le pl
95
ndre. » Il y a aujourd’hui une manière proprement
européenne
d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres
96
y a aujourd’hui une manière proprement européenne
d’
avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres vi
97
ui une manière proprement européenne d’avoir peur
de
l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres viendraient fai
98
éenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur
d’
une guerre que d’autres viendraient faire sur notre sol, et sur le cor
99
viendraient faire sur notre sol, et sur le corps
de
nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des
100
et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse
de
devenir les objets d’une guerre des autres, qui serait perdue par nou
101
s enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets
d’
une guerre des autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son
102
n issue. Mais, il y a, en même temps, une manière
européenne
d’espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir no
103
is, il y a, en même temps, une manière européenne
d’
espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre
104
anière européenne d’espérer, un espoir proprement
européen
, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là mê
105
rer, un espoir proprement européen, qui est celui
de
réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance c
106
en, qui est celui de réussir notre fédération, et
de
retrouver par là même une puissance capable d’imposer la paix. Telle
107
et de retrouver par là même une puissance capable
d’
imposer la paix. Telle est la situation contradictoire dans laquelle
108
re dans laquelle nous sommes engagés. À son point
de
crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait r
109
int de crise, où nous sommes, il dépend en partie
de
nous que l’espoir ait raison du désespoir. Mais il faut aller vite, e
110
s’esquissent, à Strasbourg, les cadres politiques
de
l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée huma
111
uissent, à Strasbourg, les cadres politiques de l’
Europe
unie, il est grand temps de définir la visée, la portée humaine de ce
112
s politiques de l’Europe unie, il est grand temps
de
définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de l
113
rand temps de définir la visée, la portée humaine
de
cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but
114
e, la portée humaine de cette action, la vocation
de
la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence.
115
ine de cette action, la vocation de la communauté
européenne
. Tel est le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous
116
la communauté européenne. Tel est le but général
de
notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une répo
117
but général de notre conférence. Ce qu’on attend
de
nous ici, c’est d’abord une réponse à la question dangereuse que pose
118
posent nos circonstances historiques : Pourquoi l’
Europe
? qu’a-t-elle à dire aux hommes ? quels sont ses droits humains et sp
119
elles propres à garantir et développer l’exercice
de
la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’est plus rien. On pourrait
120
er l’exercice de la pensée libre, sans laquelle l’
Europe
n’est plus rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette
121
rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre
de
cette conférence. Les mots européen, culture, prêtent à des controver
122
ns fin sur le titre de cette conférence. Les mots
européen
, culture, prêtent à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’
123
à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle
d’
Europe, d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Eu
124
des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’
Europe
, d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe !
125
troverses trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe,
d’
unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et
126
trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe, d’unir l’
Europe
, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et finit par off
127
’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus
d’
Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europ
128
urope, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’
Europe
! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de
129
Europe ! et finit par offrir une belle définition
de
ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à
130
it par offrir une belle définition de ce qu’est l’
Europe
, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce di
131
ffrir une belle définition de ce qu’est l’Europe,
de
ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialog
132
ition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été,
de
ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix r
133
s voix reste, à tout prendre, la vraie définition
de
l’Europe, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, cha
134
x reste, à tout prendre, la vraie définition de l’
Europe
, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, chacun donne
135
rope, une et diverse. De même, dès que l’on parle
de
culture, chacun donne à ce mot des contenus différents, — et cela enc
136
es contenus différents, — et cela encore est très
européen
. Ailleurs, on le sait, peuvent régner certaines définitions obligatoi
137
r certaines définitions obligatoires et uniformes
de
la culture ; mais par là même, les pays qui les adoptent ou les subis
138
ays qui les adoptent ou les subissent, s’écartent
de
la communauté européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il est v
139
ent ou les subissent, s’écartent de la communauté
européenne
, — provisoirement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme de cultu
140
rement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme
de
culture évoque des réalités hétéroclites : inventions techniques et b
141
es et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédés
de
construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; con
142
truction ; littérature, philosophie, et doctrines
de
l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité hu
143
philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions
de
la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique
144
doctrines de l’État ; conceptions de la liberté,
de
la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la v
145
tat ; conceptions de la liberté, de la justice et
de
la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religions.
146
Culture peut signifier aussi prise de conscience
de
la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’ex
147
i prise de conscience de la vie, besoin perpétuel
d’
approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouv
148
ence de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et
d’
illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, t
149
in perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens
de
l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que
150
pprofondir et d’illustrer le sens de l’existence,
d’
augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses.
151
er le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir
de
l’homme, tant sur lui-même que sur les choses. Culture peut signifier
152
ure peut signifier enfin, l’ensemble des procédés
de
création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre
153
emble des procédés de création et la transmission
de
leurs principes. Je souhaite que notre conférence s’interdise les déb
154
s définitions. À toutes fins utiles, elle partira
de
l’idée que la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirit
155
ités intellectuelles et spirituelles qui ont fait
de
l’Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réa
156
intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’
Europe
autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réalité phys
157
colte. Il est tard, vous le savez, il est tard en
Europe
. C’est pour agir, mais à notre manière, pour instituer et pour créer,
158
jours par la rendre folle, il se contente parfois
de
l’endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’occupations acc
159
endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites
d’
occupations accablantes et flatteuses, qui ne leur laissent plus une s
160
tastrophes. On demande à certains « grands noms »
de
venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils
161
« grands noms » de venir participer au sauvetage
de
l’Europe. Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis u
162
ands noms » de venir participer au sauvetage de l’
Europe
. Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis une confér
163
ne conférence. D’autres invoquent un besoin subit
de
se retirer pour méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils sont
164
és, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps
de
rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les r
165
rééducation sociale », ils auront enfin le temps
de
méditer sur les raisons urgentes qui motivaient un rassemblement comm
166
ôtre. Ils comprendront qu’il est certains moments
de
l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins qu’en y allant tous
167
qui êtes ici, et l’on sait bien quels sacrifices
de
temps, d’argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous
168
ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps,
d’
argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous tous un t
169
n quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout
d’
énergie créatrice, représente pour vous tous un tel effort. Pour être
170
Pour être juste, il faut reconnaître que beaucoup
d’
intellectuels redoutent non sans raison l’atmosphère des congrès, inco
171
tmosphère des congrès, inconsidérément multipliés
de
nos jours. Je les comprends, et je comprends surtout ceux d’entre eux
172
hésite à s’engager dans une action où le meilleur
de
lui-même ne saurait s’exprimer. Il y a des gouffres, des abîmes, entr
173
férent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin
de
la communauté dont il écrit la langue, où sa voix porte, qui peut le
174
congrès. Voyons maintenant comment il conviendra
de
l’organiser. Vous avez sous les yeux un Rapport général. Établi pour
175
i pour l’information des délégués, ce rapport n’a
d’
autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont
176
des délégués, ce rapport n’a d’autre ambition que
de
signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au
177
e rapport n’a d’autre ambition que de signaler et
de
classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une enq
178
s problèmes qui se sont révélés urgents, au terme
d’
une enquête dans nos divers pays. Chacun des groupes nationaux du mouv
179
n questionnaire sur l’état des problèmes concrets
de
la culture dans son pays. Dix-sept groupes ont donné des réponses dét
180
û l’improviser avec des groupes en pleine période
de
formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y
181
n pleine période de formation. Elle nous a permis
de
mieux voir l’intérêt capital qu’il y aurait à dresser systématiquemen
182
un inventaire des forces culturelles dans toute l’
Europe
, un inventaire aussi des lacunes, des obstacles, permettant de délimi
183
aire aussi des lacunes, des obstacles, permettant
de
délimiter des zones critiques où concentrer l’effort. Puis, des étude
184
s concrets nous ont été remises. Enfin, le Bureau
d’
études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouve
185
s nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’études
de
Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouverez dans
186
que vous trouverez dans vos dossiers. Sur la base
d’
une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéci
187
ez dans vos dossiers. Sur la base d’une quinzaine
de
rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des docu
188
ur la base d’une quinzaine de rapports nationaux,
d’
une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapp
189
quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine
de
rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapport général a te
190
es documents précités, le Rapport général a tenté
d’
opérer une synthèse provisoire, en guise d’introduction à vos travaux.
191
n instant destiné à faire l’objet des discussions
de
la conférence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’exposé de
192
rence. Il en introduit les sujets. Il veut servir
d’
exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain,
193
ts. Il veut servir d’exposé des motifs à la série
de
résolutions pratiques qui, dès demain, seront proposées et mises au p
194
u problème des échanges, l’autre aux institutions
européennes
à développer ou à créer, les problèmes non techniques restant, bien e
195
niques restant, bien entendu, réservés aux débats
de
l’ensemble du congrès, siégeant en commission générale. Il nous appar
196
rale. Il nous apparaît aujourd’hui qu’il y a lieu
de
prévoir une nouvelle commission, consacrée à l’éducation et à l’ensei
197
sion, consacrée à l’éducation et à l’enseignement
européen
. J’en dirai tout à l’heure les raisons. Permettez-moi maintenant quel
198
à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, «
d’
organiser les échanges culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en
199
frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
de
l’Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, n
200
tières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’
Europe
réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, ne doivent
201
res nationaux, ne doivent pas chercher des moyens
de
correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent
202
des moyens de correspondre un peu plus facilement
de
prison à prison. Elles doivent au contraire exiger leur « élargisseme
203
ment » immédiat, sans conditions. Le terme même «
d’
échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
204
, avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
d’
avoir servi d’échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien mal
205
est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi
d’
échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien malgré eux, souve
206
x, souvent) des problèmes réputés « secondaires »
de
la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce p
207
éputés « secondaires » de la culture. Ils tentent
de
s’en tirer en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’échanges
208
r en consentant à la culture ce petit va-et-vient
d’
échanges surveillés que leurs douaniers et leurs agents fiscaux sauron
209
ux quelques petits décrets concernant les voyages
de
quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bon
210
es de quelques professeurs bien vus des pouvoirs,
de
quelques boursiers bons élèves ; et quelques phrases bien plates sur
211
hrases bien plates sur l’indispensable solidarité
de
nos nations. Une hypocrisie ennuyeuse. Prétendre « organiser les écha
212
droits que l’État s’est arrogés, et qu’il s’agit
de
lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’abaisser des obstac
213
’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit
d’
élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
214
e lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou
d’
abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées, des per
215
nent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes
de
vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant,
216
ls ont toujours été dans les périodes de vitalité
de
la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits
217
es périodes de vitalité de la culture. — échanges
de
découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités a
218
ure. — échanges de découvertes à l’état naissant,
de
produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques
219
uvertes à l’état naissant, de produits originaux,
de
curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de p
220
ant, de produits originaux, de curiosités avides,
d’
expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non p
221
de curiosités avides, d’expressions authentiques
de
la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements
222
es, d’expressions authentiques de la sensibilité,
de
passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème —
223
s de la sensibilité, de passions même, et non pas
de
simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre co
224
passions même, et non pas de simples déplacements
de
forts en thème — , nous devons, dans notre congrès : 1° abandonner, e
225
: 1° abandonner, et au besoin dénoncer la méthode
de
« l’organisation des échanges », 2° exiger la suppression pure et sim
226
ion des personnes, des œuvres, et des instruments
de
travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
227
des instruments de travail, dans toute l’étendue
de
l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bé
228
instruments de travail, dans toute l’étendue de l’
Europe
. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice es
229
l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
de
douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, do
230
l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et
de
visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, dont la charge
231
re. Et surtout ne proposons pas, dans ce domaine,
de
nouveaux organismes ! C’est la paresse d’esprit qui entraîne tant de
232
omaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse
d’
esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines b
233
d’esprit qui entraîne tant de comités à proposer
de
nouvelles machines bureaucratiques. Restaurer la culture, c’est aussi
234
poids mort des organisations ! Qu’on n’essaie pas
d’
organiser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’une respirat
235
ser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée
d’
une respiration organisée, n’est-il pas vrai, vous coupe le souffle. Q
236
s vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas
de
créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était
237
. Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité
de
notre culture : elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé
238
e, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis
de
se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse lib
239
origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et
de
s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifeste
240
n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir
de
mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe o
241
richir de mille diversités. Qu’on la laisse libre
de
se manifester ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins
242
sités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’
Europe
ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voil
243
er ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien
de
moins, voilà la solution, voilà le remède pratique à presque tous les
244
un effort positif. Il serait insuffisant et vain
de
vouloir revenir simplement à la condition libérale qui était celle de
245
implement à la condition libérale qui était celle
de
l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je
246
condition libérale qui était celle de l’esprit en
Europe
avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouv
247
était celle de l’esprit en Europe avant la guerre
de
1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Ann
248
ps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Annuaire
de
la Compagnie européenne des wagons-lits, au chapitre sur les passepor
249
L’on pouvait lire dans l’Annuaire de la Compagnie
européenne
des wagons-lits, au chapitre sur les passeports : « Le passeport n’es
250
Pour l’entrée dans tous les autres pays, la carte
de
visite suffit » ! Mais cette liberté des échanges n’a pas suffi à ré
251
titutions qui garantissent et manifestent l’unité
de
nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’instr
252
nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’
Europe
unie d’instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il
253
dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie
d’
instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut au
254
ersité. Il faut doter l’Europe unie d’instruments
de
travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut aussi former les
255
er les jeunes hommes qui deviendront les porteurs
de
l’idée fédérale, sans laquelle nos réformes techniques et matérielles
256
lles resteront lettre morte. Sur les institutions
européennes
à fonder, je serai bref : les documents et rapports spéciaux mis à la
257
cuments et rapports spéciaux mis à la disposition
de
la conférence donnent le détail des projets à l’étude. Au premier ran
258
» que le xx e siècle a vu naître, il est frappant
de
constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’Europe c
259
u’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’
Europe
comme unité. Les uns veulent embrasser le monde entier, tandis que le
260
s pays forment un ensemble, un complexe organique
de
culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-
261
omplexe organique de culture, facile à distinguer
de
ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-ci distinguent souvent mieux que
262
mble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
d’
une manière systématique ; et qu’il n’existe aucune institution capabl
263
ue ; et qu’il n’existe aucune institution capable
de
renseigner sur l’Europe en général, sur sa situation présente, sur l’
264
te aucune institution capable de renseigner sur l’
Europe
en général, sur sa situation présente, sur l’état de ses forces et de
265
en général, sur sa situation présente, sur l’état
de
ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes.
266
a situation présente, sur l’état de ses forces et
de
ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’
267
ur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin
d’
une telle institution soit urgent, rien ne saurait mieux le faire sent
268
difficultés qu’a rencontrées la préparation même
de
notre conférence, et que ses insuffisances inévitables dans l’état ac
269
ses. Je tiens à vous rappeler que, dès le congrès
de
la Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’un Centre europé
270
a Haye, notre Mouvement avait demandé la création
d’
un Centre européen de la culture, dont les attributions furent esquiss
271
par la résolution culturelle du congrès. Au mois
de
février 1949, le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’étud
272
du congrès. Au mois de février 1949, le Mouvement
européen
ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé de préparer l’œuvre du Ce
273
le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau
d’
études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septem
274
opéen ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé
de
préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même an
275
rgé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois
de
septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg vo
276
er l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre
de
la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unan
277
tembre de la même année, l’Assemblée consultative
de
Strasbourg votait à l’unanimité une recommandation favorable à la cré
278
nimité une recommandation favorable à la création
d’
un Centre européen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Gen
279
ntre européen de la culture. Le travail du Bureau
d’
études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus prè
280
péen de la culture. Le travail du Bureau d’études
de
Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la ques
281
’études de Genève, depuis quelques mois, a permis
de
serrer de plus près la question. Il a conduit aux conclusions pratiqu
282
t leur réserver. Il en va de même pour le Collège
d’
Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commi
283
leur réserver. Il en va de même pour le Collège d’
Europe
, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commis euro
284
llège d’Europe, à Bruges, collège qui permettrait
de
former les « grands commis européens », dont les futures institutions
285
ège qui permettrait de former les « grands commis
européens
», dont les futures institutions de l’Europe unie auront évidemment b
286
commis européens », dont les futures institutions
de
l’Europe unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sa
287
s européens », dont les futures institutions de l’
Europe
unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sans plus d
288
de commentaires, car l’heure s’avance, un projet
d’
institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet s
289
aires, car l’heure s’avance, un projet d’institut
européen
des sciences politiques et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds
290
ces politiques et sociales ; et ce projet surtout
d’
un Fonds européen pour les recherches scientifiques, dont l’importance
291
ues et sociales ; et ce projet surtout d’un Fonds
européen
pour les recherches scientifiques, dont l’importance capitale ne saur
292
mission proposée tout à l’heure, qui s’occuperait
de
l’enseignement européen, deux mots seulement, mais importants. La pré
293
out à l’heure, qui s’occuperait de l’enseignement
européen
, deux mots seulement, mais importants. La préparation de notre confér
294
x mots seulement, mais importants. La préparation
de
notre conférence, l’abondance et la qualité des rapports reçus sur le
295
t la qualité des rapports reçus sur les questions
d’
éducation, ont montré à quel point ce souci est général dans nos pays.
296
le monde se rend parfaitement compte que l’avenir
de
l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite
297
rend parfaitement compte que l’avenir de l’union
européenne
dépend en premier lieu de la création d’une élite responsable de jeun
298
enir de l’union européenne dépend en premier lieu
de
la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un es
299
européenne dépend en premier lieu de la création
d’
une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranatio
300
emier lieu de la création d’une élite responsable
de
jeunes gens, formés dans un esprit supranational. Cette tâche, comme
301
l’écrit M. Jean Bayet, « exigera la bonne volonté
de
plusieurs générations, (mais) réclame aussi un départ extrêmement vif
302
aussi un départ extrêmement vif et net ». L’effet
de
choc que produira sur l’opinion publique l’institution rapide d’un en
303
duira sur l’opinion publique l’institution rapide
d’
un enseignement européen constituera la meilleure propagande pour notr
304
n publique l’institution rapide d’un enseignement
européen
constituera la meilleure propagande pour notre union, et peut-être la
305
nt facilement être créés par le blocage, au titre
européen
, d’une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouve
306
ent être créés par le blocage, au titre européen,
d’
une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernem
307
cage, au titre européen, d’une fraction du budget
de
l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernements et l’économie privée
308
és. Nous invoquerons le fait que, si le sentiment
d’
un destin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne so
309
stin spirituel commun, et l’énergie créatrice des
Européens
ne sont pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur
310
ettre nos gouvernements devant un choix. Un ordre
de
priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de r
311
s devant un choix. Un ordre de priorité doit être
d’
urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bom
312
tre d’urgence établi. Il est probable que le prix
de
revient d’une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel
313
ce établi. Il est probable que le prix de revient
d’
une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel des instit
314
institutions que nous venons de proposer. Le prix
d’
une seule bombe atomique couvrirait donc le budget global d’une renais
315
e bombe atomique couvrirait donc le budget global
d’
une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mor
316
ouvrirait donc le budget global d’une renaissance
de
la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des
317
le budget global d’une renaissance de la culture
européenne
. Construire des engins de mort qui coûtent des milliards, quand on re
318
e de la culture européenne. Construire des engins
de
mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millio
319
e mort qui coûtent des milliards, quand on refuse
de
trouver les millions qui permettraient de développer la recherche sci
320
refuse de trouver les millions qui permettraient
de
développer la recherche scientifique pour la paix et la vie, c’est la
321
ientifique pour la paix et la vie, c’est la folie
de
l’Occident moderne. À tel point, qu’on se demande parfois s’il ne vau
322
l ne vaudrait pas mieux être restés barbares, que
de
nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture
323
e de nous être aussi mal civilisés. La Conférence
européenne
de la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, c
324
tre aussi mal civilisés. La Conférence européenne
de
la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, cont
325
Pour quelles fins réelles voulons-nous ces moyens
de
culture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La
326
ns-nous ces moyens de culture, et cette éducation
d’
une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
327
ture, et cette éducation d’une conscience commune
de
l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiqu
328
et cette éducation d’une conscience commune de l’
Europe
? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « e
329
être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement «
européenne
». Qu’il soit bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nati
330
pas substituer aux nationalismes locaux une sorte
de
nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au mond
331
ux nationalismes locaux une sorte de nationalisme
européen
. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujo
332
smes locaux une sorte de nationalisme européen. L’
Europe
s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu
333
e sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est,
de
tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civilis
334
toujours conçu sa civilisation comme un ensemble
de
valeurs universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une
335
s universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous,
d’
opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Oue
336
s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une nation
européenne
aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « cult
337
opposer une nation européenne aux grandes nations
de
l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthé
338
nation européenne aux grandes nations de l’Est et
de
l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valab
339
e aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni
de
vouloir une « culture européenne » synthétique, valable pour nous seu
340
l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture
européenne
» synthétique, valable pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce s
341
fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie
de
l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre
342
ée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’
Europe
, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition
343
e serait trahir le génie de l’Europe, nous couper
de
ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contr
344
chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est
de
contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le mo
345
es. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union
de
nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de
346
nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen
d’
une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est l
347
a leur seul salut, par le moyen d’une renaissance
de
leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. E
348
d’une renaissance de leur culture dans la liberté
de
l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non pl
349
vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus
de
dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pouvons réformer qu
350
acceptons pas la scission que symbolise le rideau
de
fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occid
351
de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen
de
ramener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’i
352
amener vers l’Occident les peuples séparés, c’est
de
leur offrir l’image d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
353
les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image
d’
une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend
354
uples séparés, c’est de leur offrir l’image d’une
Europe
rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend au sérieu
355
d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
d’
une Europe qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde
356
Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une
Europe
qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde. Une Euro
357
rieux sa vocation particulière dans le monde. Une
Europe
affaiblie et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières d
358
blie et divisée par vingt nationalismes et autant
de
barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une
359
ée par vingt nationalismes et autant de barrières
de
douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe procla
360
arrières de douanes, ne saurait plus être un pôle
d’
attraction. Une Europe proclamant des principes sans les appliquer fer
361
s, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une
Europe
proclamant des principes sans les appliquer fermement, n’aurait bient
362
pliquer fermement, n’aurait bientôt plus le droit
de
parler. Prendre au sérieux la vocation européenne, c’est une mission
363
e droit de parler. Prendre au sérieux la vocation
européenne
, c’est une mission de vigilance dont les intellectuels des pays libre
364
sérieux la vocation européenne, c’est une mission
de
vigilance dont les intellectuels des pays libres doivent se sentir pl
365
tir plus que jamais responsables. Il leur incombe
de
rappeler sans relâche aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux
366
eurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre
de
principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que
367
uraient être négligés dans la pratique sans que l’
Europe
perde ses droits à l’existence et à l’autonomie. Si nous exerçons, à
368
nomie. Si nous exerçons, à Lausanne, cette action
de
vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’el
369
on de vigilance publique, on pourra dire vraiment
de
notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne.
370
aiment de notre conférence qu’elle fut le congrès
de
la conscience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, to
371
onférence qu’elle fut le congrès de la conscience
européenne
. Une conscience malheureuse, il est vrai, tourmentée, peut-être coupa
372
conscience, en dernière analyse. C’est notre lot
d’
Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la co
373
onscience, en dernière analyse. C’est notre lot d’
Européens
, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la conscience
374
lot d’Européens, et c’est notre passion profonde,
de
préférer toujours la conscience au bonheur. Vocation tragique et féco
375
à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles
de
la nôtre, dont l’une qui nous est chère, cultive un idéal eudémonique
376
est chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal
d’
un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait tro
377
onheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en
Europe
n’ait trouvé ses plus hautes expressions que dans quelques tableaux c
378
mes, quelques prières. C’est par la musique seule
de
Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous
379
es prières. C’est par la musique seule de Bach ou
de
Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous en respiro
380
, nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans
d’
innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de tr
381
s pas réunis pour tracer des plans d’innocence et
de
prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyen
382
prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement,
de
trouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations
383
ouver les moyens qui permettent le libre exercice
de
nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notr
384
xercice de nos vocations tourmentées ; des moyens
de
vivre, oui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. S
385
ui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons
de
vivre. Sauvons l’Europe tragique, pour que nos descendants puissent e
386
foi, sans renier nos raisons de vivre. Sauvons l’
Europe
tragique, pour que nos descendants puissent encore habiter en esprit,
387
t, par la grâce des chefs-d’œuvre futurs, au ciel
de
la musique — dans une Europe heureuse. b. Édition réalisée sur la b
388
-d’œuvre futurs, au ciel de la musique — dans une
Europe
heureuse. b. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à
389
urope heureuse. b. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
390
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date est celle du discours prono
391
Sixième lettre aux députés
européens
(décembre 1950)c Messieurs les députés consultatifs, Je vous souha
392
ngoissé que mes cinq premières lettres essayaient
de
traduire. On ne saurait dire pourtant que vous n’ayez rien fait : vou
393
ayez rien fait : vous avez démontré l’impuissance
d’
une formule, d’une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont
394
: vous avez démontré l’impuissance d’une formule,
d’
une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls,
395
ré l’impuissance d’une formule, d’une méthode, et
d’
un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls, mais négatifs. Il
396
donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent
d’
y voir plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui est la vôtre,
397
s nationaux, qui est la vôtre, il est clair que l’
Europe
ne sera jamais faite. Vous tenez cette base pour la seule réaliste. V
398
eraient rien qui puisse conduire à une fédération
de
l’Europe, vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le
399
nt rien qui puisse conduire à une fédération de l’
Europe
, vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le plus cher
400
qu’au point mort défini par le croisement fortuit
de
leurs résolutions contradictoires, elles-mêmes condamnées au néant pa
401
es condamnées au néant par un statut que le droit
de
veto rend inchangeable, aussi longtemps que le Nord restera froid. En
402
ter des résistances… ». Voilà qui donne la mesure
de
votre réalisme. Imaginez que les premiers apôtres soient partis sur l
403
tit à petit notre point de vue, mais gardons-nous
de
citer un nom dont l’usage est prématuré : il nuirait à la cause que n
404
ctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans
d’
un procédé pour faire l’Europe qu’ils appellent functional approach. C
405
parlent depuis deux ans d’un procédé pour faire l’
Europe
qu’ils appellent functional approach. Ceux qui ne savent pas très bie
406
ux qui ne savent pas très bien l’anglais, jugeant
de
la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’une antiphrase —
407
la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait
d’
une antiphrase — comme « démocratie populaire ». Abandonnés à leur ins
408
s à leur instinct, ces ignorants eussent continué
de
penser que functional signifie « qui fonctionne », et que approach ég
409
, et que approach égale « approche ». Cette façon
de
s’approcher du but en fonctionnant leur paraissait éminemment fédéral
410
fédéraliste. Mais voyant la conduite et les votes
de
ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que
411
la conduite et les votes de ceux qui se réclament
de
ce procédé, ils se sont figurés bientôt que ces messieurs désiraient
412
du but allégué en refusant tout ce qui fait mine
de
fonctionner. Soit dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens sembl
413
dre l’anglais. L’ayant fait, je me vois en mesure
de
dissiper le malentendu. Voici le problème que les fonctionnalistes pr
414
un but précis, qui est la fédération des peuples
de
l’Europe, n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement
415
ut précis, qui est la fédération des peuples de l’
Europe
, n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement pratique
416
un prétexte, exiger des moyens purement pratiques
de
l’approcher un jour ou l’autre, et les refuser lorsque quelqu’un les
417
. Le fait est que cette querelle est une histoire
de
fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maiso
418
ous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit
de
bâtir une maison, et deux partis sont en présence. Le premier dit : d
419
ient à construire un rez-de-chaussée, sans l’idée
d’
une maison. Que pensent alors les gens sensés ? Ils pensent qu’on ne b
420
guère. Ils pensent que les plans seuls permettent
de
commencer par les caves et le rez-de-chaussée, comme le veulent la ra
421
reproche qu’il faudrait donc leur adresser, c’est
de
n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de
422
donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie
de
fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfian
423
est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est
de
retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nati
424
vie de fonctionner, c’est de retarder l’action et
de
dissimuler leurs méfiances partisanes et nationales derrière un mot q
425
enfin soyons francs, voyons l’histoire récente :
d’
où viennent les « mesures pratiques » aujourd’hui discutées ? Qui veut
426
respect des autonomies ? Qui s’oppose à l’esprit
de
système, jacobin, stalinien, daltonien et totalitaire en fin de compt
427
n et totalitaire en fin de compte ? Qui a proposé
de
faire l’Europe en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’ar
428
taire en fin de compte ? Qui a proposé de faire l’
Europe
en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’armée, les transp
429
ontreux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès
de
l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque
430
ux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès de l’
Europe
, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque fois qu’i
431
l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets
d’
utopie, à chaque fois qu’ils ont vu le jour ? Ceux qui refusent la con
432
le jour ? Ceux qui refusent la condition première
de
leur mise en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il est bien cl
433
clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque
de
l’Europe, à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan
434
r qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’
Europe
, à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan vert, ou
435
échoueront. Je me déclare ici partisan convaincu
de
la méthode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthod
436
ode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe
de
la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare
437
ecte de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare
de
vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors
438
je me sépare de vous quand je me déclare partisan
de
sa mise en pratique. Et dès lors je me demande, Messieurs les députés
439
ce qu’il vous reste à faire, à Strasbourg, pour l’
Europe
. Vous venez d’émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spéc
440
à faire, à Strasbourg, pour l’Europe. Vous venez
d’
émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spécialisées, pensa
441
ez bien voulu permettre aux États qui le désirent
de
nouer des ententes. L’intention vous honore. Mais les États souverain
442
tats souverains ne s’attendaient guère à recevoir
de
vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous
443
ndaient guère à recevoir de vous cette permission
de
rester souverains ou non ! Et surtout, vous le savez mieux que moi :
444
le savez mieux que moi : le plan Schuman, l’armée
européenne
, les unions de paiements et tous les autres plans, ils se feront sans
445
: le plan Schuman, l’armée européenne, les unions
de
paiements et tous les autres plans, ils se feront sans vous, vous leu
446
quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien gardés
de
l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline est au
447
la guerre, on va vite, ou bien l’on est battu. L’
Europe
se fera sans vous, tout le monde le voit maintenant. Elle se fera com
448
lle se fera comme se font les tissus, les réseaux
de
résistance, les entreprises, les cultures, les grandes découvertes, l
449
us reste absolument qu’une chose à faire, qui est
de
ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédige
450
u’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher
de
se faire. Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa con
451
Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet
de
sa constitution. Vous êtes politiciens, députés et juristes. Fonction
452
fédérez, selon votre spécialité, dans les limites
de
votre autorité ! Sinon, nous serons tous, avant longtemps, satellisés
453
ns tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés.
De
Ferney-Voltaire, le 15 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la ba
454
décembre 1950. c. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
455
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 355. Publié également dans François Sain
456
Discours au congrès
de
Bombay (mars 1951)d Ce congrès est une manifestation culturelle, n
457
n culturelle, non pas politique. Il est important
de
le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a nié, ici même
458
taines personnes mal informées ont dit, ici et en
Europe
: — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous êtes tous des antis
459
rmées ont dit, ici et en Europe : — N’essayez pas
de
nous en faire accroire. Vous êtes tous des antistaliniens, donc votre
460
né à combattre la neutralité en général, et celle
de
l’Inde en particulier. Je vais m’expliquer très franchement sur ces t
461
ou des libéraux. Nous sommes contre toute espèce
de
totalitarisme, pour une raison très simple, d’ordre intellectuel et m
462
ce de totalitarisme, pour une raison très simple,
d’
ordre intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner l
463
e intellectuel et moral : parce que nous refusons
de
subordonner la culture à la politique, — à n’importe quelle politique
464
te quelle politique. La culture s’occupe des fins
de
la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens
465
La culture s’occupe des fins de la vie humaine et
de
son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réalise
466
la politique doit s’occuper des moyens pratiques
de
réaliser ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonne
467
er ces fins. C’est une grave faute de logique que
de
subordonner les fins aux moyens. C’est une grave faute pratique aussi
468
faute pratique aussi : parce que cela fait autant
de
mal aux fins qu’aux moyens. D’une part, la politique prise pour fin a
469
religions, en même temps qu’elle perd ses vertus
de
science pratique. D’autre part, dès que la culture est subordonnée à
470
ulture est subordonnée à la politique, elle cesse
d’
être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation me
471
née à la politique, elle cesse d’être une méthode
de
libération humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage
472
ment que nous pouvons perdre demain notre liberté
de
penser. J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis sou
473
jeunes et folles années, je me suis souvent moqué
de
cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde
474
is souvent moqué de cette expression : la liberté
de
la pensée. Je disais : rien au monde ne saurait nous en priver. Même
475
priver. Même en prison, l’homme garde la liberté
de
penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit qu
476
erté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on
de
lui garantir ce droit que personne ne pourrait lui ôter ? J’avais ent
477
, si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs
de
nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
478
s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir
de
penser ce qu’il nous plaît, les autres droits que nous aurons seront
479
litaire qui s’en empare. Ceux qui ont lu le livre
de
Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux
480
e livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien
de
quoi je parle ici. Ou ceux qui ont lu Darkness at Noon de Koestler, o
481
iologistes, qui prouvent qu’en pinçant le cerveau
d’
un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
482
pas seulement redécouvert, à la faveur des camps
de
concentration russes et des fours crématoires des nazis, la valeur pr
483
ours crématoires des nazis, la valeur primordiale
de
l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
484
l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit
de
chaque homme à son âme — habeas animam ! et nous pouvons le perdre. N
485
un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme
de
sa propre pensée. Je n’en veux pour preuve que la toute dernière paro
486
part donc la menace totalitaire contre la liberté
de
la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vi
487
e la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même
de
ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve
488
ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays
de
très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve qu’en fait
489
ve qu’en fait, le totalitarisme le plus dangereux
de
nos jours est le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie
490
ours est le stanilisme, variété la plus puissante
d’
une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangism
491
police politique, donc à corrompre la source même
de
notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. En secon
492
lairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique »
de
la même manière que les staliniens sont « pour la Russie ». Pour le s
493
a Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères
de
jugement intellectuels et artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt d
494
t confondu une fois pour toutes avec les intérêts
d’
une grande puissance bien définie. Pour le stalinien, le vrai égale l’
495
e être actuellement le défenseur le plus efficace
de
nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, un
496
our toutes, à tout ce que l’Amérique peut décider
de
faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la libe
497
sommes amis des Américains, mais plus encore amis
de
la vérité. Et nous ne confondons pas nos conclusions politiques actue
498
pour condamner la neutralité en général, et celle
de
l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une po
499
position extrêmement claire. Il me paraît capital
d’
établir une distinction nette entre la neutralité et le neutralisme. L
500
situations bien définies. C’est aux hommes d’État
d’
en juger. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juge
501
er. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures
de
ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne s
502
is raisons majeures de ne pas juger la neutralité
de
l’Inde : la première, c’est que je ne suis pas homme d’État ; la seco
503
je rentre dans mon domaine propre, qui est celui
de
la culture, je constate que la neutralité simplement n’y existe pas.
504
ralité simplement n’y existe pas. Créer, ou faire
de
la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque
505
ire de la critique, c’est exactement le contraire
de
rester neutre, puisque créer, c’est opérer des choix perpétuellement,
506
t la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister
de
neutralité intellectuelle, artistique, scientifique, ou morale. Il im
507
ralité temporaire dont les motifs sont en réalité
d’
ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de r
508
t politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas
de
raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général
509
e. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison
d’
approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’a
510
el, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus
de
condamner la neutralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de
511
tralité en général ; mais j’ai toutes les raisons
de
lutter contre le neutralisme moral. J’illustrerai ce point par une pe
512
un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide
de
rester neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. J
513
rès tout, soyons objectif ! Voyons les deux côtés
de
la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand faim, il a beauco
514
faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan
de
la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme parfait, il boi
515
ons lutter, je veux dire : — contre cette manière
de
mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle pol
516
tre cette manière de mettre la culture au service
de
la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même dém
517
de mettre la culture au service de la politique,
de
n’importe quelle politique, même neutre, et même démocratique : car d
518
Nous devons être ici non pas contre la neutralité
de
tel ou tel État — ce n’est pas notre affaire — mais contre le mensong
519
d ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise
de
parti politique en faveur des loups, par des moutons qui désirent sec
520
és. Nous devons être ici fidèles à notre vocation
d’
intellectuels : ce sera notre efficacité la plus certaine. Notre maniè
521
efficacité la plus certaine. Notre manière à nous
de
défendre la liberté, ce sera d’opérer avec rigueur les distinctions e
522
re manière à nous de défendre la liberté, ce sera
d’
opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessaires
523
s pour combattre la propagande des loups. Ce sera
de
nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même si
524
ret du mot liberté, même si nous ne faisions rien
d’
autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous
525
nous ne faisions rien d’autre en trois jours que
de
nous disputer librement sur ce sens, nous aurions réussi quelque chos
526
nous aurions démontré par le fait la réalité même
de
la liberté, réalité qui se manifeste au plus haut point dans la reche
527
ionnée du vrai. d. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
528
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 485. Il s’agit du discours prononcé à Bo
529
2e grande conférence internationale (après celle
de
juin 1950 à Berlin-Ouest) organisée du 28 au 31 mars 1951 par la bran
530
ar la branche indienne du Congrès pour la liberté
de
la culture, dont Rougemont est le président du comité exécutif. Des e
531
est le président du comité exécutif. Des extraits
de
ce discours ont été publiés dans Preuves et dans la brochure Les L
532
jugement courant un peu de vérité, mais beaucoup
d’
erreurs et encore plus d’ignorance des faits, c’est ce que je voudrais
533
de vérité, mais beaucoup d’erreurs et encore plus
d’
ignorance des faits, c’est ce que je voudrais vous faire voir, comme j
534
, pendant les six années que j’ai passées là-bas,
de
1941 à 1947. Je recommencerai ma description par l’extérieur, par ce
535
ent. On m’avait dit que je trouverais à Manhattan
de
pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
536
phants, et que c’était là le symbole bien visible
de
la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j
537
était là le symbole bien visible de la suprématie
de
la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j’ai vu cette viei
538
érique. Et en effet, j’ai vu cette vieille église
de
la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon d
539
ieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche
de
brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien fi
540
esse sa flèche de brique noircie au bas du canyon
de
Wall Street, et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’immen
541
et qui paraît bien finie et bien modeste au pied
d’
immenses parois luisantes des banques. Mais j’ai remarqué que les empl
542
j’ai remarqué que les employés et les directeurs
de
ces banques venaient nombreux aux offices célébrés chaque après-midi,
543
glican. Et puis, en remontant les grandes avenues
de
Manhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le l
544
anhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux
de
culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du go
545
ppé par le nombre des lieux de culte, par le luxe
de
leur architecture — généralement inspirée du gothique — et par la cir
546
e nos édifices religieux. La cathédrale anglicane
de
Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de gr
547
religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean,
de
l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine
548
Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet
d’
une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande c
549
l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline
de
granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande cathédrale du m
550
ont achevées. Allez maintenant dans les campagnes
de
la Nouvelle-Angleterre. Vous êtes accueilli à l’entrée des villages p
551
uhaitant la « bienvenue à tous » dans les églises
de
la localité. Dans un village d’un millier d’habitants, vous trouverez
552
dans les églises de la localité. Dans un village
d’
un millier d’habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de cult
553
ises de la localité. Dans un village d’un millier
d’
habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessi
554
habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux
de
culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dén
555
, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte
de
confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénomination
556
nfessions différentes, ou comme on le dit là-bas,
de
« dénominations » différentes : l’un baptiste, l’autre méthodiste, le
557
onces du journal et je lis par exemple : « Maison
de
6 pièces, confort, garage, métro, Église à proximité ». Je n’ai jamai
558
tro, Église à proximité ». Je n’ai jamais lu rien
de
pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quar
559
Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal
de
nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial.
560
un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide
de
quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. J
561
nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier,
d’
aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. Je lis en tête
562
servez votre privilège américain : allez au culte
de
votre paroisse ! » Et quand j’ouvre les énormes journaux du dimanche
563
ciales des paroisses (qui comprennent des séances
de
loto, des cinémas, et des soirées dansantes), annonces des services q
564
antes), annonces des services qui seront célébrés
de
6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » d
565
de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine
de
« dénominations » différentes. Comment expliquer cette présence si vi
566
pliquer cette présence si visible et si naturelle
de
la religion dans la vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse d
567
a vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse
de
l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter
568
aine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou
de
la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des É
569
s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou
de
la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des États-Unis pour en
570
s-Unis ont été peuplés par des groupes successifs
de
colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils
571
s groupes successifs de colons, la plupart exilés
d’
Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique
572
groupes successifs de colons, la plupart exilés d’
Europe
pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’ét
573
de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause
de
religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
574
venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
de
célébrer leur culte à leur manière et plus encore : la liberté de bât
575
culte à leur manière et plus encore : la liberté
de
bâtir une cité conforme à leurs doctrines morales et politiques. Et c
576
vique fut étroitement déterminée par la théologie
de
leurs églises diverses. Notons en passant que s’il y a tant de confes
577
ées des colons : un luthérien parce qu’il descend
d’
ancêtres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ancêtres holla
578
tres scandinaves ou allemand ; un réformé descend
d’
ancêtres hollandais, un presbytérien d’ancêtres anglais, un catholique
579
mé descend d’ancêtres hollandais, un presbytérien
d’
ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ancêtres italiens ou irlanda
580
ytérien d’ancêtres anglais, un catholique-romain,
d’
ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les
581
omain, d’ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi
de
suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se r
582
t ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions
de
protestants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dé
583
estants américains se répartissent en une dizaine
de
grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romai
584
grandes « dénominations » à côté des 23 millions
de
catholiques romains. Mais il me tarde d’en venir au rôle social que j
585
millions de catholiques romains. Mais il me tarde
d’
en venir au rôle social que joue la religion en Amérique. Le grand fai
586
que les États-Unis n’ont jamais pratiqué l’union
de
l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à l
587
Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et
de
l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à la vie publique
588
ociale, la religion en Amérique ne dépend en rien
de
pouvoirs, n’en reçoit pas d’argent, et garde donc une totale indépend
589
ue ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas
d’
argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de
590
s d’argent, et garde donc une totale indépendance
de
jugement à l’égard de la politique nationale. Il en résulte deux cons
591
ais connu, et ne peut pas connaître, le phénomène
de
l’anticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la c
592
ticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en
Europe
, de la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parf
593
alisme, ce douloureux problème hérité, en Europe,
de
la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parfaite
594
rés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence
de
l’indépendance des Églises en Amérique, c’est que ces Églises restent
595
Amérique, c’est que ces Églises restent en mesure
de
critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacit
596
de critiquer l’État et sa politique, avec autant
de
force et d’efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’
597
r l’État et sa politique, avec autant de force et
d’
efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’à l’origine
598
le. C’est ainsi qu’à l’origine et au premier rang
de
la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
599
er rang de la lutte contre l’esclavage des noirs,
de
la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lu
600
clavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
de
la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travail
601
ntre les taudis, de la lutte pour la prohibition,
de
la lutte pour les droits des travailleurs, du pacifisme militant, bre
602
its des travailleurs, du pacifisme militant, bref
de
toutes les grandes causes publiques aux États-Unis, vous trouverez un
603
m de leur Bible qu’un démagogue au nom des droits
d’
une classe. Il en résulte qu’on ne saurait surestimer la puissance des
604
méthodiste, la plus nombreuse, opposait à l’idée
de
guerre en général et au service militaire. Le peuple américain, duran
605
é. Il ne serait pas possible, aujourd’hui encore,
de
gouverner les États-Unis contre l’opinion des principales Églises. Le
606
lises protestantes, il a dû rapporter sa décision
de
nommer un ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’une parti
607
n ambassadeur au Vatican. De même la protestation
d’
une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a
608
otestation d’une partie du clergé contre l’emploi
de
la bombe atomique, en 1945, a joué un rôle important dans l’évolution
609
ué un rôle important dans l’évolution subséquente
de
la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que
610
ubséquente de la politique américaine. Certes, un
Européen
sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civiqu
611
itique américaine. Certes, un Européen sera tenté
de
juger que la religion en Amérique est une morale civique, plus qu’une
612
ique. L’Américain tend à ramener la foi au niveau
d’
un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu d
613
ricain tend à ramener la foi au niveau d’un idéal
de
vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans
614
au d’un idéal de vie « décente », et les mystères
de
l’au-delà jouent peu de rôle dans sa piété. Mais en retour, il nous f
615
quotidienne et dans la vie publique. Nos Églises
d’
Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais l
616
uotidienne et dans la vie publique. Nos Églises d’
Europe
montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Égl
617
vie publique. Nos Églises d’Europe montrent plus
d’
exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines
618
d’Europe montrent plus d’exigence dans le domaine
de
la doctrine, mais les Églises américaines se font mieux entendre des
619
orale, comment choisir ? Le mieux, certes, serait
d’
échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réa
620
? Le mieux, certes, serait d’échanger les leçons
de
la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américain
621
ertes, serait d’échanger les leçons de la rigueur
européenne
et celles de l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mu
622
ger les leçons de la rigueur européenne et celles
de
l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mutuelle plus e
623
ule conduire à cette synthèse qui serait le salut
de
l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
624
de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
625
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 1000.
626
récédent par son prestige et son ampleur, résulte
d’
une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout d
627
sulte d’une initiative du Congrès pour la liberté
de
la culture. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en est pas un,
628
quets et des résolutions finales rarement suivies
d’
effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’une organisation perm
629
d’effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas,
d’
une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans n
630
d’une organisation permanente et mondiale, dotée
de
secrétariats, dans nos grandes capitales, et groupant des artistes, d
631
s savants. Son but est simple : animer une action
de
résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des c
632
tion de résistance méthodique à toutes les formes
de
tyrannie des âmes, des corps et des esprits, que résume l’adjectif «
633
ts, que résume l’adjectif « totalitaire ». Hommes
de
gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protes
634
ume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche,
de
droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protestants ou ag
635
iques, protestants ou agnostiques, tous partisans
de
la liberté ; Européens, Américains ou Asiatiques, tous unis dans la v
636
ts ou agnostiques, tous partisans de la liberté ;
Européens
, Américains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté de sauver l’homm
637
éricains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté
de
sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fan
638
ques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme
de
cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’est en r
639
itaire. On nous a souvent dit : « C’est très bien
de
se défendre, mais la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soy
640
oyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile
de
répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la maladie, ils
641
rir. Le monde moderne étant menacé par une espèce
de
maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance d
642
pèce de maladie psychique, il convient avant tout
de
restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette co
643
t de restaurer la confiance du patient, son amour
de
la vie. Sans cette confiance en soi, sans cet élan, comment aimer la
644
ositive, apaisante et libératrice aux propagandes
de
dictatures. C’est cette réponse qu’espère donner l’exposition que nou
645
intitulée l’Œuvre du xx e siècle. Vaste panorama
de
la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
646
re du xx e siècle. Vaste panorama de la musique,
de
l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Str
647
cle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et
de
la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués
648
de la musique, de l’opéra et de la danse, allant
de
Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs o
649
éra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
de
Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe e
650
à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres
de
l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Marke
651
ravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’
Europe
et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et
652
joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et
de
l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de no
653
es de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite
de
Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toi
654
de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter,
de
Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fame
655
us la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et
de
notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne e
656
nsermet. Exposition des toiles les plus fameuses,
de
Cézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’œuvres théâtrale
657
ézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations
d’
œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier gran
658
tions d’œuvres théâtrales, dont la première pièce
de
Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédi
659
ère pièce de Faulkner, le premier grand romancier
de
l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol
660
grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit
de
Lorca, le plus grand poète espagnol. Concerts, tableaux, statues, poè
661
rythmes et chœurs : avions-nous oublié ce peuple
de
beautés transfigurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’un
662
igurant sans les trahir les angoisses et l’espoir
d’
un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’est pas tout. Notre époque a cré
663
a créé tant de formes, inventé tant de styles et
de
techniques nouvelles, que le public s’essouffle à suivre cet essor. À
664
: si vous ne comprenez pas du premier coup l’art
de
l’époque, eh bien, c’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
665
’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
d’
un art, et c’est la preuve que nous sommes en pleine décadence. D’autr
666
, bien au contraire : — jamais on n’avait vu plus
d’
audace créatrice. Si vous ne comprenez pas le cubisme, les nouvelles h
667
ou Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine
d’
être attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les gran
668
t notre « art dégénéré » et lui opposent un idéal
de
photographies en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de pré
669
en couleurs, il faut savoir si nous avons raison
de
préférer la liberté et tous ses risques, ou si la discipline (sous pe
670
les meilleurs écrivains, critiques et philosophes
de
notre temps, à venir commenter dans des débats publics les tendances
671
rd, et cela au moment même où des moyens modernes
de
diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul co
672
oment même où des moyens modernes de diffusion et
de
publication lui permettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
673
s de diffusion et de publication lui permettaient
d’
atteindre d’un seul coup des millions d’hommes qui accèdent enfin à la
674
mettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
d’
hommes qui accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus i
675
à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus isolé
de
la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plu
676
lus isolé de la communauté des soucis et plaisirs
de
l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’un plus vaste pub
677
l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé
d’
un plus vaste public potentiel. La presse et la radio, le disque et le
678
ma et la télévision, sont-ils vraiment des moyens
de
culture, ou bien des servitudes intolérables, forçant l’artiste à tra
679
sa mission ? L’Amérique leur a fait confiance. L’
Europe
s’en méfie davantage. Mais confiance ou méfiance, ils triomphent part
680
iance, ils triomphent partout. N’est-il pas temps
de
discuter franchement cette question d’intérêt général, de confronter
681
pas temps de discuter franchement cette question
d’
intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de recherc
682
ter franchement cette question d’intérêt général,
de
confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions n
683
néral, de confronter les expériences acquises, et
de
rechercher des solutions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité d
684
utions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité
de
l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à pr
685
vent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité
de
ses messages ? Le même problème se pose à propos de la révolte et de
686
e même problème se pose à propos de la révolte et
de
la communion nécessaire. Il est admis depuis cent cinquante ans que l
687
ne, sans des prophètes qui lui montrent les voies
de
son avenir, sans des conteurs qui lui décrivent sa réalité, sans des
688
alité, sans des poètes qui lui suggèrent les mots
de
l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste e
689
ui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage,
de
l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste et notre temps ? Comment
690
es et femmes qui représentent la pensée créatrice
de
l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qu
691
réatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise
d’
indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions
692
ise d’indiquer ceux des orateurs qui sont chargés
de
résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau :
693
teurs qui sont chargés de résumer les conclusions
de
ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce sont André Malraux, Wil
694
la fonction des « jeux séculaires », mainteneurs
de
la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation
695
on des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi
d’
une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son a
696
mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et
de
la confiance d’une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note
697
la foi d’une cité dans son âme et de la confiance
d’
une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note manuscrite indiq
698
sera W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
699
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 950.
700
L’
Europe
en crise : décadence ou progrès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans,
701
grès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée
d’
une Europe fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits grou
702
(fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée d’une
Europe
fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes de rés
703
tenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes
de
résistants l’entretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de H
704
tretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre
de
Hertenstein donna sa première expression non clandestine (mais à pein
705
destine (mais à peine publique !) à notre volonté
d’
union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes
706
e publique !) à notre volonté d’union. Le congrès
de
Montreux, un an plus tard, définit les principes fondamentaux d’une d
707
an plus tard, définit les principes fondamentaux
d’
une doctrine fédérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que fut pr
708
cipes fondamentaux d’une doctrine fédérale pour l’
Europe
. C’est à Montreux aussi que fut prise la décision de convoquer à bref
709
C’est à Montreux aussi que fut prise la décision
de
convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour
710
cision de convoquer à bref délai un vaste Congrès
de
l’Europe, ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives
711
n de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’
Europe
, ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives de nos p
712
utour du petit noyau fédéraliste les forces vives
de
nos pays : intellectuels, industriels, syndicalistes, et quelques bon
713
lques bonnes têtes politiques : ce fut le congrès
de
La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un s
714
ongrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois
de
mai 1948. La Haye fut un succès retentissant. Des débats et des décis
715
succès retentissant. Des débats et des décisions
de
ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’Europe à Bruges, le
716
e ce congrès sans précédent sont nés : le Collège
d’
Europe à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouveme
717
ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’
Europe
à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouvement eur
718
tre européen de la culture à Genève, le Mouvement
européen
, le projet d’une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’
719
ulture à Genève, le Mouvement européen, le projet
d’
une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de
720
ve, le Mouvement européen, le projet d’une Charte
européenne
des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de l’Europe. Ce furent l
721
Charte européenne des droits de l’homme, et celui
d’
un Conseil de l’Europe. Ce furent les commissions constituées à La Hay
722
rnements la requête tendant à créer une Assemblée
européenne
. Neuf mois plus tard, l’enfant naissait, au palais Saint James, à Lon
723
James, à Londres. Le 10 août 1949, dans la ville
de
Strasbourg pavoisée, les cloches saluaient l’inauguration du Conseil
724
ent. Au lieu de continuer sur sa lancée, l’effort
d’
intégration se divisa devant les résistances anglaise et scandinave. O
725
les résistances anglaise et scandinave. On essaya
de
tourner l’obstacle. Et l’on entra dans la période confuse des autorit
726
de confuse des autorités spécialisées, substituts
de
la fédération. Préparée dans l’ombre par Jean Monnet et son équipe, l
727
Monnet et son équipe, la Communauté du charbon et
de
l’acier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap de
728
cier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop
de
mal le cap des ratifications parlementaires. Pris par surprise, les d
729
ait, semble-t-il, à beaucoup. Mais la Communauté
de
défense, ou CED, touchant à des réalités plus passionnelles, devait r
730
nte des communistes, des nationalistes bornés, et
de
certains groupes économiques. Nous les voyons s’unir contre elle, en
731
ansports, après une brève apparition, ont disparu
de
la scène publique. Quant au projet d’Autorité politique, qui devait c
732
ont disparu de la scène publique. Quant au projet
d’
Autorité politique, qui devait couronner l’édifice — ou lui donner au
733
x gouvernements, il n’a même pas atteint le stade
de
mise en discussion par un seul parlement. L’évolution dont je viens d
734
je viens de retracer les étapes peut être résumée
de
deux manières très différentes, comme on va le voir. On peut parler d
735
différentes, comme on va le voir. On peut parler
d’
un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un
736
oir. On peut parler d’un départ en fanfare, suivi
de
succès rapides et frappants ; puis d’un ralentissement continuel, voi
737
fare, suivi de succès rapides et frappants ; puis
d’
un ralentissement continuel, voire d’un enlisement progressif, aboutis
738
pants ; puis d’un ralentissement continuel, voire
d’
un enlisement progressif, aboutissant à la crise présente, qui atteind
739
atteindra sa phase décisive à Paris, vers la fin
de
ce mois. On peut aussi rappeler qu’il y a six ans seulement, les pion
740
ppeler qu’il y a six ans seulement, les pionniers
de
la fédération considéraient comme un succès d’avoir pu faire passer u
741
rs de la fédération considéraient comme un succès
d’
avoir pu faire passer un « papier » sur l’Europe dans un journal faibl
742
uccès d’avoir pu faire passer un « papier » sur l’
Europe
dans un journal faiblement convaincu de l’intérêt du public pour la q
743
sur l’Europe dans un journal faiblement convaincu
de
l’intérêt du public pour la question. Aujourd’hui, toute la presse ne
744
estion. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que
de
l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a
745
n. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que de l’
Europe
, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris val
746
rd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe,
de
sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur
747
la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise,
de
la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur électorale. E
748
’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie »
d’
il y a six ans a pris valeur électorale. Elle met en jeu le sort de pl
749
aleur électorale. Elle met en jeu le sort de plus
d’
un ministère… Décadence fatale, ou progrès continu ? Les deux descript
750
nd public et la grande presse parlent aujourd’hui
de
l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements pa
751
blic et la grande presse parlent aujourd’hui de l’
Europe
, parce que le problème européen a été posé aux parlements par quelque
752
nt aujourd’hui de l’Europe, parce que le problème
européen
a été posé aux parlements par quelques hommes d’État lucides et coura
753
d’État lucides et courageux et par les mouvements
de
militantsh. Mais ce n’est pas le grand public et la grande presse qui
754
ic et la grande presse qui ont imposé le problème
européen
aux parlements, afin que ceux-ci « bousculent » les gouvernants, comm
755
vernants, comme le proposait M. Spaak. Il résulte
de
cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir v
756
ésulte de cette situation que tout le monde parle
de
l’Europe sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien sa
757
e de cette situation que tout le monde parle de l’
Europe
sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien savoir ce q
758
ue personne n’a lu le traité. Telle est la raison
de
la crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais
759
a crise qui affecte non seulement la construction
de
l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement fra
760
se qui affecte non seulement la construction de l’
Europe
, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement français, de
761
ent la construction de l’Europe, mais l’idée même
de
l’union nécessaire. Si le parlement français, demain, rejette la CED
762
émasculée, il portera un coup mortel au prestige
de
la France, plus encore qu’à l’Europe. Car pratiquement, il isolera la
763
rtel au prestige de la France, plus encore qu’à l’
Europe
. Car pratiquement, il isolera la France dans une Europe livrée à l’ex
764
. Car pratiquement, il isolera la France dans une
Europe
livrée à l’expansion de l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’A
765
ra la France dans une Europe livrée à l’expansion
de
l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’Amérique, et seule intére
766
ophe française réveille in extremis la conscience
de
l’Europe, et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’unio
767
française réveille in extremis la conscience de l’
Europe
, et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’union fédéral
768
ut salutaire. Peut-on construire l’union fédérale
de
l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet
769
lutaire. Peut-on construire l’union fédérale de l’
Europe
sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet acte hist
770
e l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix
de
l’éducation des peuples en vue de cet acte historique ? Beaucoup de p
771
beaucoup de grands managers. Ils ont pensé que l’
Europe
pourrait se faire à court terme, pour ne pas dire « à la sauvette »,
772
ducation et la culture étaient un luxe, une perte
de
temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’impasse. S’il aboutit,
773
, à l’échec dramatique, il faudra bien considérer
d’
urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l
774
bien considérer d’urgence l’autre méthode : celle
de
la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen ter
775
méthode : celle de la propagande éducative. Celle
de
l’action en profondeur, à moyen terme. Car derrière toutes les résist
776
rme. Car derrière toutes les résistances à l’idée
de
l’union européenne, à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a
777
rrière toutes les résistances à l’idée de l’union
européenne
, à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a le refus de considé
778
, à l’Autorité politique commune, il y a le refus
de
considérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’Europe a perdu l
779
sidérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’
Europe
a perdu l’hégémonie mondiale ; et qu’elle n’est plus menacée par les
780
le ; et qu’elle n’est plus menacée par les uhlans
de
Bismarck, mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie
781
mais bien par l’empire communiste, par la révolte
de
l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suiv
782
pire communiste, par la révolte de l’Asie (demain
de
l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suivra, et par la pert
783
hyxie économique qui s’en suivra, et par la perte
de
son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réali
784
te de son indépendance. Derrière le refus obstiné
de
voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux e
785
iné de voir en face ces réalités, il y a cent ans
de
nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de
786
ités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et
de
mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont
787
iteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans
de
manuels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, ce
788
mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels
d’
histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de p
789
t ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et
d’
idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible qu
790
uels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie
de
la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de
791
t des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans
de
préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que
792
d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et
de
croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et
793
ans de préjugés et de croyance risible que chacun
de
nos pays vaut mieux que ses voisins et qu’il peut « s’en tirer » tout
794
et qu’il peut « s’en tirer » tout seul, cent ans
de
méfiances mutuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’un ver
795
utuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert
d’
un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre u
796
s l’enfance sous le couvert d’un vertueux « amour
de
la patrie ». Derrière les résistances à notre union, il y a donc, en
797
e contre-éducation, une inconscience, une inertie
de
l’esprit. Tel étant le premier et le plus grand obstacle, la seule po
798
ut-être demain les cyniques. Mais je penserai : l’
Europe
des marchandages politico-nationalistes est morte ? Vive notre chance
799
itico-nationalistes est morte ? Vive notre chance
de
commencer l’Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un ta
800
stes est morte ? Vive notre chance de commencer l’
Europe
réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé à
801
Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
802
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’une conférence donnée p
803
re de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit
d’
une conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’Alpbach, auque
804
it d’une conférence donnée par Rougemont au Forum
européen
d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir a
805
conférence donnée par Rougemont au Forum européen
d’
Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir auss
806
d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois
d’
août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé sous l’identifiant 529, qu
807
servé sous l’identifiant 529, qui donne le résumé
de
cette conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les m
808
tte conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge
de
« et par les mouvement de militants ».
809
manuscrit dans la marge de « et par les mouvement
de
militants ».
810
L’avenir
de
la liberté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter q
811
berté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel
de
souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusions concrètes »,
812
une manifestation, mais plutôt comme un séminaire
de
recherche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’action ou de p
813
herche. Elle ne vise pas à dégager des directives
d’
action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qu
814
ne vise pas à dégager des directives d’action ou
de
propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qui empoisonne
815
polémiques, puis à poser les vraies alternatives
de
la liberté dans ce siècle. Dans quelle mesure avons-nous réussi ? Po
816
ablement élucidés. Dans ce domaine, la conférence
de
Milan représente un progrès considérable. Mais dans le domaine philos
817
uestion qui dépasse sans nul doute l’objet précis
de
nos travaux. Une question que nous ne pouvions discuter — car on ne p
818
ne pouvions discuter — car on ne peut pas parler
de
tout à propos de n’importe quoi, c’est entendu — mais qui n’en subsis
819
laire à la fois les limites et l’horizon lointain
de
nos efforts. C’est cette question que je voudrais évoquer à l’aide de
820
s que je vais vous soumettre. On a cité, au début
de
nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance s
821
e. On a cité, au début de nos travaux, une pensée
de
Georges Bernanos dont voici la substance sinon la forme exacte : Quel
822
les que soient vos institutions, vous n’aurez pas
de
liberté si vous n’avez pas des hommes libres ! Avouons que cette phr
823
libres ! Avouons que cette phrase ne manque pas
d’
ironie au terme d’un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de
824
que cette phrase ne manque pas d’ironie au terme
d’
un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en f
825
un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse
de
travail — il en faut bien — que les meilleures institutions économiqu
826
conomiques correspondent aux meilleures garanties
de
liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent éto
827
ures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que
de
mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’en résulte p
828
vent étouffer la liberté, il n’en résulte pas que
de
bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour d
829
que de bonnes institutions créent automatiquement
de
la liberté. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simp
830
é. Ceci pour deux raisons dont la première relève
de
la simple logique. En effet, la liberté ne peut pas résulter nécessai
831
t, la liberté ne peut pas résulter nécessairement
d’
une situation quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix p
832
ion quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus
de
choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est c
833
aurait plus de choix possible, et par suite, pas
de
liberté. La seconde raison est celle qu’indiquait Bernanos : c’est qu
834
réer ces hommes libres sans lesquels il n’y a pas
de
liberté vivante. Mais alors, si les institutions ne peuvent pas crée
835
irais soulever. Notre congrès ne se proposait pas
de
la discuter : il avait d’autres buts précis. Mais elle se pose en fai
836
— admettons-le — et l’une des plus fondamentales
de
notre temps : comment fait-on pour créer des hommes libres ? Je lis d
837
créer des hommes libres ? Je lis dans le rapport
d’
un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté
838
r des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’un
de
nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit
839
libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis
de
l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit s’appuyer d’
840
ur doivent puiser leur courage dans une tradition
d’
indépendance individuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’in
841
ividuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions
d’
indépendance individuelle vivons-nous actuellement dans le monde libre
842
laration des droits de l’homme définit la liberté
de
l’individu comme totale, et n’admettant d’autres limites que celles p
843
d’autres limites que celles posées par la liberté
d’
autrui. Il s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée
844
es posées par la liberté d’autrui. Il s’agit donc
d’
une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée dans son expansion natur
845
ux sans cesse multipliés et précisés, une liberté
de
cette nature conduit nécessairement à des conflits amers, à des incid
846
essairement à des conflits amers, à des incidents
de
frontière quotidiennement renouvelés, et trop souvent enfin, au triom
847
ouvelés, et trop souvent enfin, au triomphe légal
de
la liberté du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liber
848
té du plus fort ? Mais il existe une autre source
de
la liberté des personnes, une autre tradition bien plus ancienne et p
849
n’est pas seulement un droit, mais l’essence même
de
l’homme en tant qu’humain. Dans la mesure où j’y crois, les autres ho
850
ontre et se manifeste avant tout dans l’acte même
d’
aider les autres à devenir libres. Cette tradition est celle des plus
851
tte tradition est celle des plus hautes religions
de
nos différents continents. En elle peuvent communier l’hindou et le b
852
t c’est elle qui inspire à l’esprit cette passion
de
se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule cré
853
ui inspire à l’esprit cette passion de se libérer
de
soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes
854
esprit cette passion de se libérer de soi-même et
de
ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes libres. C’est e
855
ifier la plus radicale résistance aux prétentions
de
l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’une réalité transc
856
l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence
d’
une réalité transcendante à la société, au mouvement dialectique de l’
857
nscendante à la société, au mouvement dialectique
de
l’Histoire et à la raison d’État, elle pose, du même coup, une possib
858
ouvement dialectique de l’Histoire et à la raison
d’
État, elle pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours c
859
d’État, elle pose, du même coup, une possibilité
d’
appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de
860
le pose, du même coup, une possibilité d’appel et
de
recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire
861
sibilité d’appel et de recours contre les décrets
de
l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au
862
appel et de recours contre les décrets de l’État,
de
la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcenda
863
s contre les décrets de l’État, de la société, et
de
l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcendant constitue à mes
864
e la société, et de l’Histoire. Cette possibilité
d’
appel au transcendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la l
865
scendant constitue à mes yeux la suprême garantie
de
la liberté individuelle dans notre temps. Qu’on ne pense pas pour aut
866
pense pas pour autant, que je propose au Congrès
d’
annexer le Bon Dieu à sa cause ! Qu’on ne pense pas non plus que je pr
867
é plus ou moins idéalisé. Je n’ai pas l’intention
de
justifier les bûchers et les persécutions. Je ne suis pas non plus l’
868
es persécutions. Je ne suis pas non plus l’avocat
d’
une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au c
869
ne suis pas non plus l’avocat d’une sacralisation
de
la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudra
870
ocat d’une sacralisation de la société ni surtout
de
la vie politique, — au contraire ! Je voudrais constater simplement l
871
rais constater simplement l’un des faits capitaux
de
notre époque : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quel
872
: nous assistons à la renaissance intellectuelle
de
quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en
873
uelle de quelques-unes des plus grandes religions
de
l’humanité, en Asie et en Occident, et cela au moment précis où se dr
874
ent rationaliste, mais dont l’appel, en fait, est
de
nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous ser
875
mili-religieuse. Je dis que nous serions insensés
de
ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces vraiment re
876
utte commune, des forces vraiment religieuses, et
de
cette foi qui permet seule aux hommes un recours radical, je le répèt
877
u gouvernement des esprits. Nous serions insensés
de
ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des in
878
esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et
de
ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des incroyants, que l’ave
879
même si nous sommes des incroyants, que l’avenir
de
la liberté, s’il dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de c
880
l dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi
de
ce qui forme et qui inspire la conviction la plus profonde des hommes
881
conviction la plus profonde des hommes. L’avenir
de
la liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud no
882
a liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir
de
ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèren
883
à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion,
de
ce que les communistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de
884
une illusion, de ce que les communistes tentèrent
d’
éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce q
885
nistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant
de
confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orienta
886
entent maintenant de confisquer à leur profit, et
de
ce que beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux, tiennent pour
887
ennent pour la forme originelle et le but suprême
de
la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libre
888
orme originelle et le but suprême de la recherche
de
la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libres. Un dernier m
889
ra libres. Un dernier mot. Parmi les combattants
de
la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meill
890
es combattants de la liberté, et je parle surtout
de
l’Occident, beaucoup, et des meilleurs, se déclarent incroyants. Cela
891
oyants. Cela ne signifie pas qu’ils soient sortis
de
l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité d
892
ctuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité
de
ses structures mentales et des attitudes affectives élaborées par tan
893
ttitudes affectives élaborées par tant de siècles
de
pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-
894
ctives élaborées par tant de siècles de pensée et
de
foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-chrétienne. L
895
déo-helléno-chrétienne. L’appel aux sources vives
de
cette grande tradition ne saurait constituer à leurs yeux un danger d
896
tion ne saurait constituer à leurs yeux un danger
de
« réaction » quelconque. C’est en fait un appel à la passion première
897
emière qui a porté, avant toute raison, les élans
de
la liberté. Face aux totalitaires, dans le dialogue qu’ils nous offre
898
ogue qu’ils nous offrent (ou feignent en tout cas
de
nous offrir) et que nous devons accepter avec confiance, — cette pass
899
rte que tous les arguments. Certes, les arguments
de
la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et no
900
arguments. Certes, les arguments de la raison et
de
la science nous sont absolument indispensables, et nous n’en manquero
901
e en est morte. i. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
902
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, l
903
tel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours
de
clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Ave
904
cours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955,
de
la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les
905
7 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir
de
la liberté », tenue à Milan pour les cinq ans du Congrès pour la libe
906
ilan pour les cinq ans du Congrès pour la liberté
de
la culture. On a intégré sans signalement les quelques corrections ma
907
Le vrai sens
de
nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœu
908
rai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début
de
l’an nous échangeons des vœux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quan
909
d’hui. Quels sont vos souhaits ? Qu’attendez-vous
de
l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous êtes sincères — : la san
910
vous êtes sincères — : la santé, une augmentation
de
salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voitu
911
ation de salaire, un enfant de plus peut-être, et
de
quoi l’éduquer, une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de
912
une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste
de
télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? P
913
de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations
de
la vie courante ? Parce qu’on désire mieux vivre, c’est bien clair. M
914
une voiture, un jardin, des vacances, et un poste
de
télévision. Cercle vicieux. Vous êtes sincères. Et cependant je ne vo
915
t je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fond
de
vous-mêmes. Car vivre mieux, c’est beaucoup plus que cela. C’est bien
916
econnais. C’est sans doute un mystère pour chacun
de
nous, et pourtant nous essayons tous… Il y a des hommes, je le sais e
917
je le sais et vous en connaissez, pour qui le but
de
la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition
918
nnaissez, pour qui le but de la vie est seulement
de
survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat, qu’un mousti
919
st seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus
d’
ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme
920
d’ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver
de
terre. Mais l’homme digne du nom d’humain cherche autre chose. Il att
921
que ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom
d’
humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de n
922
ne du nom d’humain cherche autre chose. Il attend
de
son avenir quelque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui soit m
923
qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus
de
joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime.
924
à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus
de
facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-mêm
925
de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus
de
confiance en soi-même. Ainsi nous cherchons tous. Mais si l’on nous d
926
n nous demandait : que cherches-tu, qu’attends-tu
de
la vie ? Peu, très peu d’entre nous sauraient répondre. C’est pourquo
927
matérialistes ». Or, on n’aime guère être traité
de
matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’es
928
te dans le vague, un peu honteux… C’est très bien
de
condamner, avec tous les pasteurs et les curés, le « matérialisme env
929
nstincts à satisfaire. Et c’est le fameux progrès
de
la civilisation qui multiplie sans relâche autour de nous les objets
930
re bonheur… Peut-on se forcer à n’avoir pas envie
de
toutes ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine,
931
s ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire
de
la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confi
932
nc l’histoire de la baleine, une vieille histoire
de
la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il
933
e la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain
de
l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans un
934
écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent
de
morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
935
l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux
de
pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la balei
936
souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre
de
bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une
937
, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
de
la baleine Il y avait une fois une grande baleine que les habitan
938
ce publique, on lui apporta des quantités énormes
de
nourriture, elle mangea tout, et dit qu’elle avait encore faim, aussi
939
veux Dieu ! Cette légende marque le but extrême
de
toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La b
940
le but extrême de toute la recherche des hommes,
de
leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la répons
941
e toute la recherche des hommes, de leurs vœux et
de
leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la réponse globale et fina
942
inale. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà
de
toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce
943
tisfaction partielle, précise, concrète : au-delà
de
tout ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoi
944
ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même
de
notre angoisse fondamentale devant la vie, le monde et l’inconnu. Et
945
ouche, et par suite, trop préoccupés du voisin et
de
son jugement. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neut
946
it que nous sommes neutres. Saisissons l’occasion
de
le répéter ici : la neutralité militaire ne doit jamais se traduire p
947
p mesquins. Ah ! ce n’est pas le rouge du sang et
de
la violence qui figure notre tentation ! Ce n’est pas le rouge, c’est
948
pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes
de
l’Occident — nous autres Suisses déjà trop bien nourris, à ce qu’il p
949
, mais pour nous, ce doit être une vocation. Mais
de
quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la gra
950
quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle
de
la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais
951
m parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim
de
la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais comblée pa
952
Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas
d’
une faim qui ne serait jamais comblée par des nourritures abondantes,
953
comblée par des nourritures abondantes, mais bien
d’
une faim qui, même comblée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-d
954
ée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-delà
de
toutes les choses, physiques, matérielles et charnelles, à travers el
955
ge : la joie, la liberté, la plénitude du sens et
de
l’amour, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc
956
toujours plus ! On peut le croire jusqu’au terme
de
l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui
957
t le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout
d’
un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec
958
e de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens
de
cette énorme faim qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de t
959
im qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier
de
toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits.
960
le sens dernier de toutes nos faims, le but final
de
tous nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’essayer — tou
961
nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus
d’
essayer — toujours en vain — d’être un peu moins matérialiste. Bien au
962
Il ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain —
d’
être un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de compre
963
moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit
de
comprendre vers quoi tendent en réalité nos désirs jamais satisfaits.
964
n réalité nos désirs jamais satisfaits. Il s’agit
de
ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir
965
s. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence
de
nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vra
966
s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et
de
vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoi
967
uloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme
de
toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un ho
968
u’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et
de
chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose q
969
erme de toute l’histoire des hommes et de chacune
de
nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule
970
de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend
de
sa vie autre chose que sa seule subsistance ou durée, un peu plus, si
971
je dis qu’il attend tout, et qu’il n’a pas raison
d’
attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer.
972
end tout, et qu’il n’a pas raison d’attendre rien
de
moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer. Supposons qu’il
973
se l’avouer. Supposons qu’il se souhaite un poste
de
radio. « Un poste est un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’e
974
ne pas me raconter des histoires — cette histoire
de
baleine, par exemple ! — pour me faire croire que je ne sais pas ce q
975
ut, ce n’est qu’une caisse en bois avec des bouts
de
métal dedans. Ce que notre homme veut donc vraiment, c’est ce qui pas
976
u travers : nouvelles, musique, chansons — autant
d’
ouvertures sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’opposer, s
977
es sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse
d’
opposer, sans profit pour personne, je le crains, la vilain matérialis
978
ste et le bon idéaliste, comme s’il s’agissait là
de
deux espèces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux ty
979
éaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces
d’
animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Ét
980
ces d’animaux totalement différents. Or il s’agit
de
deux types d’hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’
981
totalement différents. Or il s’agit de deux types
d’
hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent ré
982
il veut, mais paraît oublier les moyens matériels
de
l’obtenir, car sans la caisse et le prix qu’elle coûte, il n’aurait p
983
ose, qui n’est même pas une chose, et qui n’a pas
de
nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de
984
, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but
de
tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plu
985
le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus
de
sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu
986
e tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus
de
vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-un
987
uloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus
de
vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nomm
988
de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus
de
joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nommer ainsi. Mai
989
assister aux plus extraordinaires transformations
de
la vie que l’espèce humaine aura jamais connues. La science va nous d
990
nues. La science va nous donner des moyens inouïs
de
maîtriser la nature et la matière. Énergie nucléaire sans limites ; é
991
oniques remplaçant l’homme ; culture artificielle
de
la chlorella, cette algue minuscule qu’on trouve dans toutes les mers
992
toutes les mers, lacs, marais et simples flaques
d’
eau, et dont on peut tirer une nourriture complète, pour des dizaines
993
tirer une nourriture complète, pour des dizaines
de
millions d’hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se ré
994
ourriture complète, pour des dizaines de millions
d’
hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se réaliser, nous
995
n, pourra se voir délivré du travail mécanique et
de
ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économist
996
ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve :
de
grands économistes ont calculé que les quantités énormes d’énergie, m
997
économistes ont calculé que les quantités énormes
d’
énergie, mises à notre disposition grâce aux plus récentes découvertes
998
ntes découvertes, permettraient par an le travail
d’
un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénét
999
ravail d’un homme à l’usine. Ainsi, l’application
de
milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir
1000
homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers
d’
esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peu
1001
tion de milliers d’esprits à pénétrer les secrets
de
la matière doit aboutir un jour, peut-être assez prochain, à nous lib
1002
un jour, peut-être assez prochain, à nous libérer
de
la matière. Alors, la faim des hommes, physiquement rassasiée, pourra
1003
re, deviendront le grand problème et le principal
de
la vie. Ceci n’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera
1004
iècle. Nous voulons tous la paix, nous avons faim
de
paix, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime
1005
x, et la paix est le vœu que le plus grand nombre
d’
hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous fau
1006
lus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit
de
la Saint-Sylvestre. Mais il nous faut vouloir les conditions pratique
1007
ais il nous faut vouloir les conditions pratiques
de
ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la pr
1008
s de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une
de
ces conditions, la principale peut-être, pour prévenir le conflit lat
1009
re, pour prévenir le conflit latent entre le bloc
de
l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe
1010
l’Est et le bloc américain, c’est la constitution
d’
une grande Europe unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensi
1011
loc américain, c’est la constitution d’une grande
Europe
unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensive comme la Suiss
1012
souhaits faciles et à des ambitions mesquines. L’
Europe
unie me paraît un très grand but, très difficile à réaliser, mais qui
1013
s difficile à réaliser, mais qui est la condition
d’
un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi les Suisses se di
1014
n’en faisons pas moins partie du genre humain, et
de
l’Europe. Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la
1015
faisons pas moins partie du genre humain, et de l’
Europe
. Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la guerre e
1016
ent pourrions-nous rester neutres entre le danger
de
la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à
1017
eutres entre le danger de la guerre et les moyens
de
la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à des souhaits un peu courts
1018
s souhaits un peu courts, et par là-même indignes
de
nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’Europe se fera quand
1019
nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’
Europe
se fera quand tous ses peuples la voudront. Il ne faut pas que les Su
1020
s derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion
de
voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élar
1021
qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand,
de
voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon d
1022
cette rare occasion de voir grand, de voir loin,
de
dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’es
1023
oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon
de
demain. C’est la grâce que je vous souhaite ! (Et pensez quelquefois
1024
te ! (Et pensez quelquefois à ma baleine, au long
de
cette année qui s’ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret d
1025
ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret
de
cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conse
1026
cet article.) j. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1027
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte
1028
[Préface]
Europe
and the Europeans, édité par Max Beloff (21 février 1957)k Il m’ar
1029
ar Max Beloff (21 février 1957)k Il m’arrivait
de
penser, durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobr
1030
durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés
de
l’Aldobrandini, autour des tapis verts du Conseil de l’Europe, que le
1031
tapis verts du Conseil de l’Europe, que le métier
d’
un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contr
1032
Conseil de l’Europe, que le métier d’un président
de
séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écou
1033
ssi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature
d’
écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands su
1034
t contre nature d’écouter tout ce que disent tant
d’
éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrête
1035
er tout ce que disent tant d’éminents esprits sur
de
si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrêter pour réfléchir ou réa
1036
léchir ou réagir à leur propos, ni jamais changer
de
place pour aller prendre à part celui qui vient de vous combler d’ais
1037
er prendre à part celui qui vient de vous combler
d’
aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enre
1038
à part celui qui vient de vous combler d’aise ou
de
vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enregistrer me
1039
s faire si poliment souffrir. Il est plus amusant
d’
enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer l
1040
trer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et
de
supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c
1041
n orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons
de
ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l
1042
ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est
de
prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de
1043
c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire,
de
l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu
1044
un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et
de
comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu’on l’attendait dire. Si j’
1045
beaucoup appris à ce jeu-là — moins pourtant que
de
la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux gr
1046
is à ce jeu-là — moins pourtant que de la science
d’
illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’
1047
ant que de la science d’illustres spécialistes et
de
la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’
1048
e d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue
de
deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome e
1049
s hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience
de
Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Aya
1050
État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et
de
Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de
1051
e de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim
d’
Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que ce
1052
de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’
Européen
partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de s
1053
issé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi
de
près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le cho
1054
suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui
de
suggérer des noms — le choix final étant du ressort des gouvernements
1055
étant du ressort des gouvernements) l’élaboration
de
la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une gra
1056
sort des gouvernements) l’élaboration de la liste
de
quelque trente participants, voyant qu’y figurait une grande majorité
1057
cipants, voyant qu’y figurait une grande majorité
d’
Européistes convaincus et chevronnés, je pouvais et devais m’attendre
1058
et devais m’attendre que chacun apporte à l’envi
de
nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture
1059
à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations
de
cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettai
1060
s et frappantes illustrations de cette communauté
de
culture qui était notre thème général. Je guettais, le crayon lové, l
1061
ses, sages ou hardies, qui n’allaient pas manquer
de
fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de consci
1062
s ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser
de
tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de conscience de c
1063
dant à provoquer cette grande prise de conscience
de
ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sa
1064
de prise de conscience de ce qui nous est commun,
de
ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illust
1065
ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé,
de
ce qu’il faut sans délai défendre et illustrer par l’union des esprit
1066
rer par l’union des esprits les plus divers, bref
de
ce qu’on nomme « l’idée européenne ». Tout autre chose se produisit.
1067
les plus divers, bref de ce qu’on nomme « l’idée
européenne
». Tout autre chose se produisit. Était-ce par scrupule de savants, s
1068
t autre chose se produisit. Était-ce par scrupule
de
savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre a
1069
uisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux
de
faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande
1070
voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire,
de
propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de renc
1071
ssait pas, dans notre affaire, de propagande mais
de
science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous
1072
ais de science ; était-ce l’atmosphère officielle
de
rencontres placées sous le signe du prudent Conseil de l’Europe ; ou
1073
; ou enfin le désir très sensible, à Strasbourg,
de
serrer de plus près les « généralités » largement formulées à Rome, j
1074
eux ou trois exceptions près. La plupart de ces «
Européens
», pourtant partisans de l’union, et chargés d’en examiner la base la
1075
plupart de ces « Européens », pourtant partisans
de
l’union, et chargés d’en examiner la base la plus ferme à mon sens —
1076
éens », pourtant partisans de l’union, et chargés
d’
en examiner la base la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de c
1077
ase la plus ferme à mon sens — notre fonds commun
de
culture — , multipliaient les objections, d’ailleurs valables, les re
1078
tiques, les mises en garde contre les « mystiques
de
l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et
1079
les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient
de
respecter nos valeurs nationales et locales, qui leur paraissaient le
1080
saient tantôt avec ferveur, tantôt avec une sorte
d’
irritation morale à l’endroit de ceux — je ne sais lesquels d’ailleurs
1081
uhaitable dans les autres domaines, n’avait guère
de
sens dans le leur, et que les mesures proposées étaient au moins prém
1082
r, et l’on se demandait en effet, si l’expression
de
culture européenne correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu
1083
se demandait en effet, si l’expression de culture
européenne
correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan de prima
1084
it vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan
de
primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus européen que ces dou
1085
primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus
européen
que ces doutes et ce scepticisme, cette manière de se remettre en que
1086
n que ces doutes et ce scepticisme, cette manière
de
se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister s
1087
icisme, cette manière de se remettre en question,
de
se distancer du lieu commun, d’insister sur ce qui diffère. Rien de p
1088
ttre en question, de se distancer du lieu commun,
d’
insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’une civilisation q
1089
insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique
d’
une civilisation qui n’a pas développé par hasard les notions parallèl
1090
a pas développé par hasard les notions parallèles
d’
originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont tou
1091
ar hasard les notions parallèles d’originalité et
de
caractère national, et dont les bons esprits ont toujours cultivé une
1092
les bons esprits ont toujours cultivé une espèce
de
passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel,
1093
sprits ont toujours cultivé une espèce de passion
de
différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel, quitte à né
1094
s communes qu’il s’agissait précisément pour nous
de
dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète,
1095
u’il s’agissait précisément pour nous de dégager,
de
souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle
1096
t précisément pour nous de dégager, de souligner,
de
dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l
1097
s de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus
européen
, je le répète, qu’une telle attitude de l’esprit. Mais ceux qui l’ado
1098
lus européen, je le répète, qu’une telle attitude
de
l’esprit. Mais ceux qui l’adoptaient se rendaient-ils bien compte qu’
1099
t-ils bien compte qu’ils illustraient par là l’un
de
ces grands traits communs qu’ils étaient occupés à mettre en doute ?
1100
u’ils étaient occupés à mettre en doute ? Le goût
de
différer n’est-il pas justement ce que l’immense majorité des hommes
1101
as justement ce que l’immense majorité des hommes
d’
Europe ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non s
1102
justement ce que l’immense majorité des hommes d’
Europe
ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non seuleme
1103
qui les distingue, à première vue, non seulement
de
l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ?
1104
t de l’homme soviétique mais du sage asiatique et
de
l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette d
1105
asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin
de
nos entretiens, je notai cette définition : l’Européen ne serait-il p
1106
de nos entretiens, je notai cette définition : l’
Européen
ne serait-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen da
1107
t-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme
Européen
dans la mesure précise où il doute qu’il le soit, et prétend au contr
1108
c l’une des composantes locales du grand complexe
européen
, dont il révèle ainsi qu’il fait partie par le seul fait qu’il le con
1109
ul fait qu’il le conteste ? Je suggère au lecteur
de
se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisa
1110
te ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois
de
cette définition à peine impertinente, en lisant les chapitres qui su
1111
qui suivent : son sourire me donnera raison. ⁂ Né
de
ces circonstances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une m
1112
re me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances —
de
Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une manière simplifiée — le
1113
ances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire
d’
une manière simplifiée — le bel et dense ouvrage que l’on va lire port
1114
que l’on va lire porte les marques très sensibles
de
l’humeur jalousement objective qui prévalent dans nos derniers débats
1115
alent dans nos derniers débats, et du tempérament
de
l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin d
1116
t du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara
d’
entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mys
1117
érament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée
de
jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mysticisme e
1118
rt loin de partager les illusions du « mysticisme
européen
» : il s’agissait en somme de le convaincre que les termes d’Europe,
1119
« mysticisme européen » : il s’agissait en somme
de
le convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis en
1120
agissait en somme de le convaincre que les termes
d’
Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. No
1121
issait en somme de le convaincre que les termes d’
Europe
, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûm
1122
n somme de le convaincre que les termes d’Europe,
d’
union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes a
1123
e convaincre que les termes d’Europe, d’union, et
de
culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes assez sportif
1124
se. Nous fûmes assez sportifs pour nous féliciter
d’
un tel challenge, et l’on va voir, je crois que nous n’eûmes pas tort.
1125
re sa force aux yeux des autres. Nul parti pris «
européen
», bien au contraire ! Plutôt un parti pris de ne céder jamais qu’aux
1126
opéen », bien au contraire ! Plutôt un parti pris
de
ne céder jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admet
1127
jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et
de
n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’union qu’elle permet,
1128
s les mieux documentées, et de n’admettre l’unité
européenne
, et les mesures d’union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moy
1129
de n’admettre l’unité européenne, et les mesures
d’
union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D
1130
n qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen
de
les éviter. D’où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurai
1131
t, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter.
D’
où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’au
1132
une force convaincante qu’on ne saurait attendre
d’
aucune prédication. On s’adresse au vaste public des hésitants et des
1133
c des hésitants et des méfiants : on n’essaye pas
de
les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les
1134
et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser,
de
les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgr
1135
de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment,
de
les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leu
1136
ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni
de
les duper « pour leur bien ». On leur présente un dossier sobre et dé
1137
r sobre et détaillé, et l’on est sûr par le souci
de
ne négliger aucune des objections possibles, loin de vouloir les mini
1138
possibles, loin de vouloir les minimiser ou même
d’
y répondre à tout prix. Quant au lecteur qui ne partagerait pas certai
1139
eur qui ne partagerait pas certains des jugements
de
l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne
1140
gements de l’auteur, il trouvera dans cette somme
de
quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œ
1141
ette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas
de
meilleur éloge à faire d’une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me
1142
tifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire
d’
une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’agiter ma sonne
1143
œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette
d’
agiter ma sonnette une dernière fois : je voudrais dire ici ce que je
1144
e je n’ai pas pu dire, pas pu défendre avec assez
de
partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénonc
1145
avec assez de partialité pendant les dix journées
de
nos débats. Je voudrais dénoncer les chicanes inutiles et les objecti
1146
s que multiplient les adversaires, avoués ou non,
de
notre union, partisans d’un nationalisme qui se déguise souvent en mo
1147
rsaires, avoués ou non, de notre union, partisans
d’
un nationalisme qui se déguise souvent en mondialisme. Ce faisant, je
1148
ialisme. Ce faisant, je penserai moins aux débats
de
Strasbourg qu’aux écrits et discours qui nourrissent aujourd’hui la p
1149
urrissent aujourd’hui la polémique générale sur l’
Europe
et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe
1150
a polémique générale sur l’Europe et sur « l’idée
européenne
». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direc
1151
Europe et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit
de
s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
1152
« l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner
de
l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
1153
dée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’
Europe
dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité
1154
n’importe quelle direction pour sentir la réalité
de
notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
1155
e direction pour sentir la réalité de notre unité
de
culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
1156
x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà
de
tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
1157
les Suédois et les Castillans sont vus comme des
Européens
: il doit y avoir à cela quelque raison. Tout bien considéré, je n’en
1158
e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas
de
meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
1159
uve pas de meilleure que cette fameuse communauté
de
culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
1160
ficilement au regard des autres. Vue du dehors, l’
Europe
est évidente. L’histoire que nous vivons la définit avec une précisio
1161
sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment,
de
l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
1162
ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire
de
la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
1163
de la haine, plus souvent je le crains, que celle
de
l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
1164
commune. On me dira qu’il est bien « dangereux »
d’
écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
1165
’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux
de
vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
1166
norer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des
Européens
qui insistent avec le plus d’emphase sur la nature universelle de nos
1167
que ceux des Européens qui insistent avec le plus
d’
emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
1168
avec le plus d’emphase sur la nature universelle
de
nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
1169
a nature universelle de nos problèmes, et partant
de
là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
1170
sonnalité économique, sociale ou scientifique à l’
Europe
qu’il faudrait unir, sont bien souvent les mêmes qui, faisant demi-to
1171
siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas
de
différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
1172
pas de différences bien notables (dans le domaine
de
leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
1173
bles (dans le domaine de leur spécialité) entre l’
Europe
et le Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’insurmontable
1174
e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait
d’
insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
1175
ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement
de
ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
1176
trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire
de
l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes
1177
dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’
Europe
. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit
1178
union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là
de
politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
1179
(Je ne parle pas là de politique, mais seulement
de
formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argu
1180
rle pas là de politique, mais seulement de formes
d’
esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des c
1181
e politique, mais seulement de formes d’esprit et
de
mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes sé
1182
ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes
d’
évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, invo
1183
s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union
de
l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
1184
ulaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’
Europe
, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur
1185
’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et
de
l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
1186
gument, précisément, n’est pas soutenable au plan
de
la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
1187
n de la nation. Comment le serait-il donc au plan
de
l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et
1188
la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’
Europe
entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et Français,
1189
ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que
de
géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
1190
édois et Grecs (pour ne parler que de géographie,
d’
histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
1191
e parler que de géographie, d’histoire récente et
de
modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
1192
ent toute union politique, et font douter d’abord
de
l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. L
1193
nion politique, et font douter d’abord de l’unité
de
culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. Les différen
1194
ne assise à cette union. Mais 1°. Les différences
de
langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
1195
cette union. Mais 1°. Les différences de langue,
de
religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
1196
Mais 1°. Les différences de langue, de religion,
de
« race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
1197
différences de langue, de religion, de « race »,
de
coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
1198
langue, de religion, de « race », de coutumes et
de
niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
1199
rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques
de
l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
1200
tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants
de
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
1201
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale
de
la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas
1202
pas empêché l’unification nationale de la France,
de
l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette
1203
ification nationale de la France, de l’Allemagne,
de
l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette unification, d’
1204
supprimé ces différences. (Encore que les écoles
d’
État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
1205
s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien
de
pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
1206
e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil
d’
un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
1207
a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral
européen
.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers q
1208
européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union
de
l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
1209
péen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
Europe
, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginair
1210
l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute
de
cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
1211
alement imaginaires, comme le prouve l’expérience
de
la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
1212
, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile
de
dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
1213
-plan millénaire sur lequel se détache la dignité
de
l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
1214
el se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité
de
publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
1215
couvrent — et cela dure depuis des années — que l’
Europe
n’exista pas comme entité géographique et historique, car ses frontiè
1216
et historique, car ses frontières n’ont pas cessé
de
se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
1217
re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas
d’
Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
1218
, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’
Europe
, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facilite guè
1219
udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre
d’
union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
1220
t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a
de
sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
1221
. Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet
d’
un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
1222
ues devient chez les écrivains libres une méthode
d’
obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
1223
’obstruction, consciente ou non. Le « préalable »
d’
une définition historique et géographique, occasion de discours permet
1224
e définition historique et géographique, occasion
de
discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
1225
et géographique, occasion de discours permettant
de
surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
1226
ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat
de
l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
1227
t de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’
Europe
, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parlementaire co
1228
valent du procédé parlementaire connu sous le nom
de
filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
1229
ous les yeux pendant que j’écris2. Bien qu’auteur
d’
une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
1230
ndant que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire
de
l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
1231
que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’
Europe
, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entité, mais u
1232
ire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’
Europe
n’est pas une entité, mais une pure et simple « expression ». En effe
1233
oulu que l’Empire romain fût une première ébauche
de
l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
1234
que l’Empire romain fût une première ébauche de l’
Europe
. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient qu
1235
fort, Copenhague, Amsterdam. Spengler tient que l’
Europe
débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celui-ci excluait
1236
es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance
de
l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne
1237
lkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’
Europe
ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne serait-el
1238
ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’
Europe
ne serait-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur
1239
du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date
de
naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
1240
e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter
de
l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
1241
e raisonnement conduirait à douter de l’existence
de
la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
1242
lliance « excluait » à peu près les neuf dixièmes
de
la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe-Auguste « e
1243
ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France
d’
avant Philippe-Auguste « excluait » la Bretagne, l’Alsace, le Languedo
1244
re correspondre au réel, car il s’agit maintenant
de
sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
1245
l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas
d’
ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
1246
’ergoter sur sa définition. En privant le concept
Europe
de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’
1247
r sur sa définition. En privant le concept Europe
de
son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
1248
le concept Europe de son passé, on ne tend à rien
de
moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
1249
ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté
de
sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
1250
a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance
de
l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
1251
science commune. 5. Au sujet de la naissance de l’
Europe
, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car il en va d
1252
affrontent inutilement je le crains, car il en va
d’
une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
1253
nt je le crains, car il en va d’une civilisation,
d’
une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
1254
l en va d’une civilisation, d’une culture et même
d’
une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
1255
ne culture et même d’une nation, à peu près comme
d’
une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
1256
à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née
de
ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
1257
an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou
de
cette heure où fut écrite la première page, posée la première touche,
1258
mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt
de
l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
1259
noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant
d’
une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
1260
chemin du travail entrepris, qui a soudain changé
de
sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
1261
ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on
de
l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
1262
peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’
Europe
? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes
1263
epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il
d’
une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
1264
e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention
de
Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
1265
invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes
de
notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
1266
s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue
de
Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
1267
peu connue de Beethoven, composée pour le congrès
de
Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
1268
our le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’
Europe
est née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dess
1269
ée ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’
Europe
au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage
1270
et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus
de
leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus an
1271
ope au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif
Européen
est d’un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au
1272
de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est
d’
un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lendema
1273
en : il paraît pour la première fois au lendemain
de
la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
1274
pour la première fois au lendemain de la bataille
de
Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
1275
ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre
d’
un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
1276
œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique
d’
Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
1277
chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie
d’
Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
1278
. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs
de
ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
1279
pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil
d’
un sentiment nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’une entit
1280
ent nouveau »3. Cependant, la prise de conscience
d’
une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
1281
3. Cependant, la prise de conscience d’une entité
européenne
ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à partir de l’an 1300
1282
s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes
de
l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
1283
rit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’
Europe
en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils étaient
1284
encore plus important) ils étaient le témoignage
de
l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
1285
aient les côtes »4. Mais pour voir les vocables «
Europe
» et « européen » entrer dans le vocabulaire courant, il faut attendr
1286
s »4. Mais pour voir les vocables « Europe » et «
européen
» entrer dans le vocabulaire courant, il faut attendre les xiv e et x
1287
ar les Turcs, et tend ainsi à se confondre avec l’
Europe
géographique, cependant qu’à l’inverse les premiers humanistes commen
1288
anistes commencent à distinguer les deux concepts
de
Christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
1289
distinguer les deux concepts de Christianitas et
d’
Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
1290
istinguer les deux concepts de Christianitas et d’
Europa
. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand humanis
1291
tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres
d’
un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
1292
homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom
d’
Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
1293
Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom
de
Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, c
1294
ini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que l’
Europe
se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, comme l’héritière chré
1295
II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam
de
Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
1296
Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne
de
Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
1297
homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et
de
la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
1298
la fortune que devait connaître cette définition
de
l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
1299
ortune que devait connaître cette définition de l’
Europe
par ses trois sources principales, reprise naguère avec éclat par Val
1300
poétique des banquets et des éditoriaux du temps
de
guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
1301
e implique sur la « réalité ». On a souvent tenté
de
nier l’existence d’une vraie « culture européenne », en arguant non s
1302
réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence
d’
une vraie « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’un
1303
t tenté de nier l’existence d’une vraie « culture
européenne
», en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est diffici
1304
« culture européenne », en arguant non seulement
de
ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
1305
ne pareille culture est difficile à définir, mais
de
la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
1306
re est difficile à définir, mais de la complexité
de
ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
1307
définir, mais de la complexité de ses origines et
de
l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
1308
ments prennent toute leur force contre le concept
de
« cultures nationales », apparu au xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’ai
1309
xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? dit l’
Europe
aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement
1310
’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine
de
répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
1311
eraient bien en peine de répondre. Spécifiquement
européenne
ou non, la culture des Européens est tout de même plus ancienne que n
1312
Spécifiquement européenne ou non, la culture des
Européens
est tout de même plus ancienne que notre découpage en 26 ou 27 États-
1313
encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie
de
leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
1314
es limites accidentelles et souvent fort récentes
d’
un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
1315
mites accidentelles et souvent fort récentes d’un
de
nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
1316
premier coup que les réalités décisives ont cessé
d’
être « nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques,
1317
en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir
de
les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique : on
1318
» que nos ci-devant grandes puissances refusaient
de
sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
1319
es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel
de
l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
1320
issances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’
Europe
. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde de le cont
1321
ée nationale soit forte encore, il serait absurde
de
le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
1322
ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous
de
la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
1323
nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi
de
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
1324
nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange
de
lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
1325
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et
d’
émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
1326
s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs,
d’
orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
1327
et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et
de
vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
1328
spirituel, culturel et politique dans les limites
d’
un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
1329
s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir
d’
une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
1330
litaire. Il reste, hélas, qu’aux yeux de beaucoup
d’
intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
1331
ux de beaucoup d’intellectuels, la nation cache l’
Europe
comme l’arbre la forêt. Je dirai plus : l’Européen demeuré nationalis
1332
’Europe comme l’arbre la forêt. Je dirai plus : l’
Européen
demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un a
1333
ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond
de
son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
1334
s’obstinerait à mettre en doute l’existence même
de
la forêt. (« Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est n
1335
’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien
d’
arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
1336
t vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps
de
faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on
1337
as temps de faire voir à ces nationalistes qu’une
Europe
fédérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies natio
1338
stes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure
de
sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » qu
1339
dérée serait seule on mesure de sauver le concret
de
nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » que l’illusoire, j’ente
1340
que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu
de
toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
1341
: la souveraineté peut-être (si elle est le droit
d’
un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
1342
vivre, et non pas simplement le résultat matériel
d’
un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
1343
l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir
de
ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
1344
nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi
d’
une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
1345
… Tout cela suppose le développement ou le réveil
d’
un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
1346
trop faible encore dans tous nos peuples : celui
d’
appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
1347
ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune
de
nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
1348
mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait
de
« culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à
1349
de « culture » au sens large. Prendre conscience
de
notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
1350
nscience de notre appartenance à cette communauté
de
culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et d
1351
munauté de culture, c’est la condition nécessaire
de
l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la c
1352
condition nécessaire de l’union supranationale et
de
l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
1353
qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens
d’
ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
1354
sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence
d’
un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
1355
i par son cadre institutionnel, mais par un style
de
vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
1356
titutionnel, mais par un style de vie, un système
de
valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
1357
système de valeurs, un certain sens donné au fait
de
vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
1358
au rapport entre forme et contenu. Une politique
d’
union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
1359
ent possible que s’il y a tout d’abord communauté
de
culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
1360
auté de culture entre les hommes qu’elle envisage
d’
unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
1361
xprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y a
de
créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
1362
que que devrait revêtir une union authentiquement
européenne
, ne saurait être que fédéraliste. En effet, nos diversités constituan
1363
, nos diversités constituant le ressort principal
de
notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
1364
que, toujours risqué, cet art empirique et subtil
de
louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
1365
e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret
de
la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
1366
centralisme niveleur, c’est le secret de la santé
européenne
. Ici, culture et politique se joignent dans la seule et même exigence
1367
itique se joignent dans la seule et même exigence
d’
une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’E
1368
ns la seule et même exigence d’une union fédérale
de
nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’Européen partial : fau
1369
e de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début
d’
Européen partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôtu
1370
de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’
Européen
partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la
1371
tial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance
de
clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de t
1372
-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture
de
la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le pro
1373
? Pendant la séance de clôture de la table ronde
de
Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : O
1374
able ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion
de
tenir le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byz
1375
e propos que voici : On compare volontiers notre
Europe
à Byzance. Cet empire qui sombra pour toujours il y a cinq siècles ex
1376
jours il y a cinq siècles exactement, avait cessé
de
vivre son grand rôle historique dès l’an 1204, où l’armée des croisés
1377
Chute immense, dont la cause directe fut le refus
d’
un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constantinople, ex
1378
aient un tribut avant de s’éloigner : 10 millions
de
francs-or, environ. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleu
1379
idèrent point, se disant tous ruinés, et refusant
de
faire le pool patriotique des faibles sommes qui iraient assurer leur
1380
er leur salut. L’assaut fut décidé après des mois
d’
attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent a
1381
s du pillage s’élevèrent après trois jours à plus
de
100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d’art et
1382
s, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses
de
Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. I
1383
mmun » furent emportées par l’occupant. Il dépend
de
vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre
1384
tées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs
de
la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous
1385
d de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend
d’
efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une
1386
de, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend
de
nous tous Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouv
1387
d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous
Européens
, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors d
1388
comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens,
d’
écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors du ré
1389
s Européens, d’écrire une autre Histoire pour une
Europe
nouvelle. 2. « Hors du réel », par Emmanuel Berl, dans la revue La
1390
, dans la revue La Table Ronde, janvier 1957. 3.
D’
une lettre que m’écrit à ce sujet le conte Jean de Fange. La référence
1391
enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré
d’
une communication au 10e congrès international des sciences historique
1392
me, sept. 1955). k. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1393
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 371. La page 3 du tapuscrit manquant, no
1394
te du manuscrit également présent dans le dossier
d’
archives.
1395
8)l 1. La liberté est un problème pour l’homme
d’
aujourd’hui : a) parce que, dans son sens philosophique, elle est mise
1396
ientiste et parfois même scientifique du monde et
de
l’homme : déterminisme statistique, psychanalyse, cybernétique, condi
1397
se, cybernétique, conditionnement des réflexes et
de
la pensée. b) parce que, dans son sens politique, elle est brutalemen
1398
en même temps développée au maximum par les pays
de
l’Ouest européen et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le dé
1399
mps développée au maximum par les pays de l’Ouest
européen
et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le débat sur le libre
1400
at sur le libre arbitre (la liberté philosophique
de
l’homme). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de
1401
est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire
de
pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour sa
1402
s ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux,
de
choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour savoir si l’homme des
1403
b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté
d’
expression et la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la cu
1404
t la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire
de
la culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les pér
1405
culture occidentale, on voit se dégager une sorte
de
loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les
1406
n voit se dégager une sorte de loi : les périodes
de
tyrannie maxima correspondent aux périodes les plus basses de la litt
1407
maxima correspondent aux périodes les plus basses
de
la littérature. Exemples modernes : la terreur jacobine, Napoléon, Hi
1408
rreur jacobine, Napoléon, Hitler, Staline. Durant
de
telles périodes, tout ce qui reste vivant parmi les écrivains se tait
1409
ression et la censure équivalent alors à la peine
de
mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas
1410
uivalent alors à la peine de mort, qui est la fin
de
l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement vrai : on
1411
t vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes
de
liberté maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la litté
1412
maxima correspondent aux périodes les plus hautes
de
la littérature. Je mets en fait que notre époque connaît un degré de
1413
Je mets en fait que notre époque connaît un degré
de
liberté politique et sociale jamais connu dans toute l’histoire humai
1414
écrivains contemporains, à l’Ouest, ont le droit
de
tout dire, en usent et en abusent. Pratiquement, ils peuvent défendre
1415
font. Cependant, ces mêmes écrivains nous parlent
d’
une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justeme
1416
ant, ces mêmes écrivains nous parlent d’une crise
de
la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justement le genre
1417
vains nous parlent d’une crise de la littérature,
d’
un épuisement du roman (qui est justement le genre le plus « libre »),
1418
n (qui est justement le genre le plus « libre »),
de
la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc
1419
le plus « libre »), de la dissolution des formes,
de
l’évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expr
1420
évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum
de
liberté d’expression qui ait jamais été atteint par l’humanité corres
1421
ent des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté
d’
expression qui ait jamais été atteint par l’humanité correspond le max
1422
été atteint par l’humanité correspond le maximum
de
décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se
1423
té correspond le maximum de décadence des formes,
de
l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalit
1424
ond le maximum de décadence des formes, de l’idée
de
forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalité et l’obj
1425
Tout se passe comme si la réalité et l’objet même
de
la littérature s’affaiblissaient, disparaissaient, en même temps que
1426
la libre expression. 3. Entre ces deux extrêmes
de
tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que
1427
ntre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et
de
liberté sans frein légal, on constate que les hautes périodes de la l
1428
frein légal, on constate que les hautes périodes
de
la littérature ont presque toujours correspondu à des périodes de tyr
1429
e ont presque toujours correspondu à des périodes
de
tyrannie tempérée, mitigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
1430
itigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
de
censure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on
1431
sure politique, religieuse, morale, sociale, mais
de
censure qu’on pouvait encore tromper et tourner. Exemples : le siècl
1432
encore tromper et tourner. Exemples : le siècle
de
Louis XIV, les principautés allemandes (très peu « démocratiques »),
1433
eu « démocratiques »), l’ère victorienne. Chacune
de
ces époques a créé son style (classique, romantique, romanesque). Les
1434
s mis en question la réalité, l’objet et le sujet
de
la littérature. La liberté n’y était pas un problème ; chacun savait
1435
n essai (qui reste à écrire) sur le rôle créateur
de
la censure. Quelques exemples. a) La poésie européenne vient des trou
1436
ur de la censure. Quelques exemples. a) La poésie
européenne
vient des troubadours, qui empruntèrent formes et thèmes aux poètes a
1437
i empruntèrent formes et thèmes aux poètes arabes
d’
Espagne, inspirés par la mystique des soufis (ix e-xii e siècles). Les
1438
ècles). Les soufis croyaient, contre l’orthodoxie
de
l’islam, que l’homme (fini) peut aimer Dieu (infini). Dans leurs poèm
1439
imée représente la divinité. Notre poésie est née
de
cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure
1440
la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble
de
procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure religieuse. b)
1441
l et Gargantua, en se cachant derrière une façade
de
grosses plaisanteries : fantaisies verbales qui « tirent l’œil », et
1442
t l’œil », et en désignant les grands personnages
de
l’époque par des noms qui sont des « mots porte-manteau » à la Lewis
1443
hébreux et en grec. c) Swift déguise en aventures
de
« science-fiction » avant la lettre un pamphlet politique sur l’Angle
1444
terre et son temps. d) Voltaire, dans la centaine
de
ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de so
1445
its anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur
de
son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans
1446
on œuvre, fournit un catalogue complet des moyens
de
tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst
1447
omplet des moyens de tout dire sans être passible
de
la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklipp
1448
de tout dire sans être passible de la censure et
de
la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklippen, réussit à dir
1449
den Marmorklippen, réussit à dire ce qu’il pense
de
Göring et du régime hitlérien sans se faire exécuter. On pourrait cit
1450
ire ; elle oblige donc à y croire plus fermement,
d’
une manière plus militante ; elle oblige au courage et à l’invention.
1451
bien en venir au mot courage si l’on veut parler
d’
une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablis
1452
d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas
de
demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : ca
1453
intention n’est pas de demander le rétablissement
de
la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération
1454
as de demander le rétablissement de la censure ou
de
tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’
1455
nsure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus
de
modération possible aujourd’hui, vu les moyens techniques dont dispos
1456
te la dictature. Mais je constate que la vitalité
de
la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoq
1457
vitalité de la littérature est liée à l’existence
de
certaines résistances provoquant au courage, à l’invention, au combat
1458
rateur. Je constate qu’aujourd’hui, dans nos pays
de
l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la libe
1459
ourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus
de
résistances extérieures sérieuses à la liberté d’expression. Et que l
1460
de résistances extérieures sérieuses à la liberté
d’
expression. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette libert
1461
ssion. Et que la littérature, au lieu de profiter
de
cette liberté, se demande si elle a encore quelque chose à dire, si e
1462
le dire avec les mots, les phrases, les procédés
de
composition utilisés jusqu’ici, si elle a encore un objet et des suje
1463
a encore un objet et des sujets. (Grand problème
de
l’avant-garde littéraire en France, pour les romanciers surtout.) J’
1464
ement comme libératrice, et non pas comme « libre
d’
entraves » ; se définit par une action libératrice militante, et non p
1465
ibératrice militante, et non pas comme jouissance
de
libertés toutes faites. Elle est libre non pas dans la mesure où elle
1466
t libre non pas dans la mesure où elle a le droit
de
dire n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur,
1467
n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée
de
l’extérieur, mais dans la mesure où elle se donne elle-même le droit
1468
onne elle-même le droit (à ses risques et périls)
de
dire certaines choses, à un certain moment historique, sur un certain
1469
ge dont elle est née, et la contagion libératrice
de
l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quell
1470
t née, et la contagion libératrice de l’acte même
de
sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances
1471
te même de sa création. 6. La question n’est plus
de
savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais quelles
1472
ugés sociaux et moraux qui subsistent encore dans
de
larges milieux, ne peut plus donner qu’une littérature traditionnelle
1473
peut s’appuyer. La plus immédiatement visible est
de
nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons tout
1474
ous rappellent nos éditeurs. Ils nous conseillent
d’
écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’écrire un roman du ge
1475
d’écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou
d’
écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes roman
1476
, le courage redevient nécessaire. Car la liberté
de
l’écrivain, c’est le courage d’écrire selon sa vocation, et non pas s
1477
e. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage
d’
écrire selon sa vocation, et non pas selon la conjoncture commerciale
1478
n pas selon la conjoncture commerciale ou la mode
de
l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les
1479
ncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia
de
telle année ; selon sa vérité, non pas selon les conditions actuelles
1480
non pas selon les conditions actuelles du succès
de
vente ou du prestige (politique) immédiat. 7. Mais surtout : dans une
1481
e époque où tout est permis, l’action libératrice
de
la littérature consistera à recréer un ordre, c’est-à-dire des limita
1482
domasochiste des existentialistes et néoréalistes
d’
hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la litté
1483
te des existentialistes et néoréalistes d’hier et
d’
avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, co
1484
tes d’hier et d’avant-hier. Le courage, condition
de
la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer
1485
’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité
de
la littérature, consistera désormais à dire, à montrer, à illustrer,
1486
ire, à montrer, à illustrer, ce qu’il faut exiger
de
l’homme, ce qui peut surmonter l’humain (Nietzsche) ou mieux : ce qui
1487
ce qui le défait. ⁂ En résumé : la vraie liberté
de
la littérature ne peut lui être donnée ou garantie utilement par l’Ét
1488
et automatiquement les résistances et le pouvoir
de
scandale dont elle a vitalement besoin ; par suite elle retrouvera un
1489
e forme (toute forme étant la résultante incarnée
d’
une poussée et d’une résistance), par suite encore elle retrouvera cet
1490
rme étant la résultante incarnée d’une poussée et
d’
une résistance), par suite encore elle retrouvera cette innocence créa
1491
rdonnatrice, tantôt libératrice, aurait vite fait
de
nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réali
1492
e, aurait vite fait de nous écraser sous le poids
de
sa propre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1493
opre décadence. l. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1494
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 587. Selon plusieurs notes manuscrites,
1495
plusieurs notes manuscrites, il s’agit du résumé
d’
une conférence prononcée lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougem
1496
u résumé d’une conférence prononcée lors du Forum
européen
d’Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du
1497
d’une conférence prononcée lors du Forum européen
d’
Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du moi
1498
t était un participant régulier, à la fin du mois
d’
août 1958.
1499
La Suisse, microcosme culturel
de
l’Europe (1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette cau
1500
La Suisse, microcosme culturel de l’
Europe
(1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette causerie est
1501
Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit
de
mes auditeurs, une image très simple — et fausse : l’image d’une Suis
1502
eurs, une image très simple — et fausse : l’image
d’
une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultur
1503
mage d’une Suisse dont la culture serait composée
de
l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe s
1504
sse dont la culture serait composée de l’addition
de
ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe serait une addi
1505
de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’
Europe
serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or
1506
ou régionales, comme l’Europe serait une addition
de
ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette
1507
e l’Europe serait une addition de ses nations, et
de
ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me para
1508
s, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes
de
cette proposition me paraissent également erronés, pour les raisons s
1509
pas un phénomène cantonal, et secundo, la culture
européenne
n’est pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vo
1510
, et secundo, la culture européenne n’est pas née
d’
on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai pe
1511
uropéenne n’est pas née d’on ne sait quel mélange
de
cultures nationales. Je vous surprendrai peut-être en affirmant clair
1512
mant clairement que je ne crois pas à l’existence
de
ces soi-disant « cultures nationales » dont nous parlaient nos manuel
1513
les journaux. Je ne crois pas que pour obtenir l’
Europe
unie, pour obtenir une culture européenne il suffise de brasser ensem
1514
r obtenir l’Europe unie, pour obtenir une culture
européenne
il suffise de brasser ensemble une culture française, une culture all
1515
e, pour obtenir une culture européenne il suffise
de
brasser ensemble une culture française, une culture allemande, une cu
1516
ure suisse, par exemple, pour la bonne raison que
de
telles cultures nationales n’existent pas. Ce qu’on appelle courammen
1517
sin des frontières étatiques) dans le grand corps
de
la culture européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes
1518
ères étatiques) dans le grand corps de la culture
européenne
, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes nos nations, sans exc
1519
os nations, sans exception, étant l’œuvre commune
de
tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord
1520
sans exception, étant l’œuvre commune de tous les
Européens
, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point,
1521
’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus
de
2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point, à l’aide de quel
1522
ques exemples qui, je l’espère, vous convaincront
de
la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’
1523
qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité
de
mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’est un ensemb
1524
apparence. Une culture, c’est un ensemble vivant
de
manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auqu
1525
Une culture, c’est un ensemble vivant de manières
de
penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concouren
1526
, c’est un ensemble vivant de manières de penser,
de
vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exem
1527
nsemble vivant de manières de penser, de vivre et
de
s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exemple, la musi
1528
, le folklore et les coutumes sociales. Or, aucun
de
ces éléments qui composent la culture n’est national, par quoi je veu
1529
re n’est national, par quoi je veux dire qu’aucun
d’
eux ne peut être étudié en soi et dans son évolution historique, à l’i
1530
istorique, à l’intérieur des frontières actuelles
d’
un seul des 26 pays qui forment l’Europe. Je sais bien que sur la bas
1531
res actuelles d’un seul des 26 pays qui forment l’
Europe
. Je sais bien que sur la base des manuels d’histoire et de géographi
1532
Europe. Je sais bien que sur la base des manuels
d’
histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peintu
1533
is bien que sur la base des manuels d’histoire et
de
géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française,
1534
et de géographie on parle aujourd’hui couramment
de
la peinture française, de la musique allemande, de la science russe,
1535
aujourd’hui couramment de la peinture française,
de
la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklor
1536
e la peinture française, de la musique allemande,
de
la science russe, ou que sais-je, du folklore danois, bâlois ou holla
1537
musique, la littérature même — qui tient pourtant
de
si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou s
1538
dans plusieurs foyers simultanés ou successifs en
Europe
, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’
1539
nés ou successifs en Europe, se sont transportées
d’
un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à trav
1540
u successifs en Europe, se sont transportées d’un
de
ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à travers t
1541
e sont transportées d’un de ces foyers à l’autre,
d’
une région à l’autre, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
1542
e région à l’autre, ont circulé à travers toute l’
Europe
, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïnci
1543
, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
de
ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les fr
1544
ravers toute l’Europe, et aucune de ces histoires
d’
un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
1545
s toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un
de
nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de n
1546
ts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières
d’
aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’hi
1547
en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
de
nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de
1548
ncide avec les frontières d’aucune de nos nations
d’
aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dan
1549
ourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire
de
la musique dans ses grands traits, vous voyez qu’elle commence simult
1550
ce simultanément à Paris et dans plusieurs foyers
de
l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui
1551
is et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord —
de
ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie —
1552
ivant les grands axes du commerce du Moyen Âge et
de
la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se tr
1553
commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que
de
là, elle redescend vers la Bourgogne en se transformant ; que ces tra
1554
nent apprendre leur métier ; qu’ensuite, le foyer
de
la musique devient l’Allemagne, au xix e siècle seulement ; que c’est
1555
sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets
de
Diaghilev) qui reviennent apporter un nouveau style musical à notre E
1556
yle musical à notre Europe de l’Ouest. Le périple
de
la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas
1557
me. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire
de
nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’au
1558
de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire
de
la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire
1559
lement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune
de
nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à m
1560
t qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit
de
dire : « La peinture, c’est à moi, et je te laisse la musique si tu v
1561
Quant aux sciences, il serait simplement absurde
de
vouloir leur accoler un adjectif national. La science, par définition
1562
s universelles. Mais, me direz-vous, qu’en est-il
de
nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels nation
1563
s s’imaginent en effet que nous parlons, nous les
Européens
, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la
1564
ffet que nous parlons, nous les Européens, autant
de
langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est
1565
s les Européens, autant de langues que nous avons
de
nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une la
1566
y a identité entre langue et culture. Il suffit
de
répondre, sur ce point, par quelques observations absolument élémenta
1567
ons absolument élémentaires que vous pouvez tirer
de
n’importe quel dictionnaire. En France, par exemple — et la France es
1568
ance, par exemple — et la France est le type même
de
la nation — , on parle au moins sept langues différentes. On parle le
1569
ns sept langues différentes. On parle le français
de
l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seule
1570
çais de l’Île-de-France, devenu langue officielle
de
l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on
1571
le de l’État depuis 1539 seulement, par un décret
de
François Ier ; mais on parle aussi l’allemand, le flamand, le breton,
1572
xembourg, en Alsace, en Autriche, dans une partie
de
la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie
1573
une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie
de
la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie
1574
dans une partie de la Roumanie et dans une partie
de
la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurai
1575
ie de la Pologne, sans oublier une partie du nord
de
l’Italie. On ne saurait donc observer aucune coïncidence nécessaire,
1576
ier point bien établi, je crois : il n’y a pas en
Europe
de cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous
1577
nt bien établi, je crois : il n’y a pas en Europe
de
cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous le
1578
il n’y a qu’une seule culture commune à tous les
Européens
, commune par ses grandes origines, qui sont gréco-latines et chrétien
1579
ment, j’ai toujours eu naturellement cette notion
de
la culture européenne, une et diverse, variée, mais cependant commune
1580
jours eu naturellement cette notion de la culture
européenne
, une et diverse, variée, mais cependant commune — si je n’ai jamais é
1581
cependant commune — si je n’ai jamais été victime
de
l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultures nationa
1582
victime de l’illusion courante qu’il n’existe en
Europe
que des cultures nationales, autant de cultures que de nations marqué
1583
ste en Europe que des cultures nationales, autant
de
cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce
1584
e des cultures nationales, autant de cultures que
de
nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce pas tout simple
1585
pas une culture suisse définie par les frontières
de
notre Confédération, telles qu’elles ont été établies en 1848. Nous s
1586
qui n’a que 111 ans. Politiquement, nous relevons
d’
un même État suisse, quelle que soit notre langue. Culturellement, nou
1587
langue. Culturellement, nous relevons directement
de
cet ensemble varié qui constitue la culture européenne. On ne peut do
1588
nt de cet ensemble varié qui constitue la culture
européenne
. On ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger d’une manière imp
1589
n ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger
d’
une manière importante le titre qu’on m’a proposé — on ne peut donc pa
1590
tant qu’État, représente en réduction la culture
européenne
, mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, est tout n
1591
ne, mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme
de
culture, est tout naturellement Européen, résume en lui les héritages
1592
tant qu’homme de culture, est tout naturellement
Européen
, résume en lui les héritages variés qui composent la culture de notre
1593
lui les héritages variés qui composent la culture
de
notre continent. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de cul
1594
nt. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme
de
culture, — ce que chaque Suisse doit être, bien entendu ! Je devrais
1595
ert de Traz, un Francesco Chiesa, ont été nourris
de
plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils ét
1596
combinées, parce qu’ils étaient nés au confluent
de
diverses écoles, tendances et styles, qui les reliaient naturellement
1597
ances et styles, qui les reliaient naturellement,
de
proche en proche, à tout l’ensemble européen. Si vous me le permettez
1598
rellement, de proche en proche, à tout l’ensemble
européen
. Si vous me le permettez, je me bornerai à un seul exemple, le mien,
1599
uses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif
de
prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une
1600
serait excessif de prétendre que le petit canton
de
Neuchâtel ait produit à lui seul une culture propre et qui forme un t
1601
qui forme un tout cohérent dans le vaste ensemble
européen
! Non, Neuchâtel est proche de la France et de l’Allemagne, et partic
1602
opéen ! Non, Neuchâtel est proche de la France et
de
l’Allemagne, et participe des courants les plus variés de la culture
1603
emagne, et participe des courants les plus variés
de
la culture européenne. Les premières influences que j’ai subies, comm
1604
ticipe des courants les plus variés de la culture
européenne
. Les premières influences que j’ai subies, comme écrivain, étaient év
1605
y et les moralistes français ont formé mes moyens
d’
expression. Quant aux idées, je constate aujourd’hui que les influence
1606
je dépendais du domaine protestant, qui n’est pas
d’
origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène europ
1607
eloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène
européen
. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth,
1608
ais qui est un phénomène européen. Dans cet ordre
de
choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand.
1609
phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou
de
pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je
1610
allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvres
d’
Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme
1611
suis nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno,
d’
Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiq
1612
gnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot,
de
Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japo
1613
me T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis
de
mystiques iraniens, hindous ou japonais. Je crois donc pouvoir dire,
1614
dire, aujourd’hui, que je me sens typique non pas
d’
une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut
1615
as d’une culture suisse — qui n’existe pas — mais
de
ce que la Suisse peut produire dans le domaine culturel : des hommes
1616
des hommes nourris aux sources les plus diverses
de
l’héritage européen commun. J’oserai dire que je vois là, précisément
1617
urris aux sources les plus diverses de l’héritage
européen
commun. J’oserai dire que je vois là, précisément, l’un des grands pr
1618
ns être, dans ce pays, quel que soit notre canton
d’
origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe tout entière. Le
1619
d’origine, ou notre langue, directement liés à l’
Europe
tout entière. Les premiers cantons suisses reçurent leurs libertés no
1620
ulturel. Nous sommes, nous Suisses, immédiats à l’
Europe
, nous ne pouvons être que des Européens, quand il s’agit de culture e
1621
mmédiats à l’Europe, nous ne pouvons être que des
Européens
, quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vo
1622
e pouvons être que des Européens, quand il s’agit
de
culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport.
1623
uropéens, quand il s’agit de culture et non point
de
politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatemen
1624
d il s’agit de culture et non point de politique,
de
droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, e
1625
it de culture et non point de politique, de droit
de
vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme c
1626
re et non point de politique, de droit de vote ou
de
passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme condamnés à
1627
e vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement
européens
, et comme condamnés à l’Europe, n’étant pas enfermés dès la naissance
1628
s immédiatement européens, et comme condamnés à l’
Europe
, n’étant pas enfermés dès la naissance dans les illusions et les myth
1629
dès la naissance dans les illusions et les mythes
de
ce qu’on nomme ailleurs une « culture nationale ». Et dans ce sens, n
1630
res Suisses, nous sommes vraiment des microcosmes
de
la culture européenne — de même que nous pouvons et devons espérer qu
1631
ous sommes vraiment des microcosmes de la culture
européenne
— de même que nous pouvons et devons espérer qu’un jour prochain, not
1632
tions, apparaitra comme le résumé, le microcosme,
d’
une Europe renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités.
1633
apparaitra comme le résumé, le microcosme, d’une
Europe
renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités. m. Édit
1634
des diversités. m. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1635
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 985.
1636
L’automation et l’avenir
de
l’Europe (juin 1961)n La plupart des études sur la technique décri
1637
L’automation et l’avenir de l’
Europe
(juin 1961)n La plupart des études sur la technique décrivent des
1638
s, puis se préoccupent du rendement industriel et
de
ses incidences économiques et sociales, calculent les délais prévisib
1639
ues et sociales, calculent les délais prévisibles
de
réalisation (presque toujours démentis par les faits) et parfois étud
1640
parfois étudient les effets psychophysiologiques
d’
une technique sur les techniciens. Bref : ils se demandent comment, qu
1641
’envisagerai est celle des conséquences à prévoir
de
l’automation idéalement réalisée dans tous les domaines où elle peut
1642
ela revient à poser la question des fins humaines
de
la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation
1643
er la question des fins humaines de la technique,
de
ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation poussée au maxim
1644
ation poussée au maximum aboutit à la suppression
de
la condition prolétarienne, puisqu’elle laisse les occupations mécani
1645
ions mécaniques aux machines, et libère l’ouvrier
de
« l’esclavage machinique ». Une technique imparfaite a créé le prolét
1646
xix e siècle, définissait à juste titre l’ouvrier
d’
usine comme « le complément vivant d’un mécanisme mort ». Il espérait
1647
re l’ouvrier d’usine comme « le complément vivant
d’
un mécanisme mort ». Il espérait que la lutte des classes, le jeu des
1648
e révolutionnaire conduiraient, après une période
de
dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarie
1649
ode de dictature du prolétariat, à la suppression
de
la condition prolétarienne. Nous voyons que c’est au contraire la tec
1650
ra été dissoute en tant que classe par les effets
de
l’automation (une partie des emplois étant supprimée, une autre passa
1651
autre passant au secteur tertiaire, une minorité
de
travailleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant être d’ailleu
1652
au service militaire), la base du schéma évolutif
de
Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne sera plus un mythe e
1653
steront plus — mais un souvenir historique, objet
de
thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée ser
1654
e, objet de thèses érudites. II. Le produit final
de
la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine d
1655
final de la technique automatisée sera le loisir.
De
1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures d
1656
atisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine
de
travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de
1657
ir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé
de
65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heu
1658
de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année
de
travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis
1659
s à 40 heures dans le textile, l’année de travail
de
5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis que la prod
1660
emins de fer, tandis que la production ne cessait
d’
augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe So
1661
ne cessait d’augmenter. (Déjà, aux USA, on parle
de
la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée d
1662
augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine
de
30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loi
1663
. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée
de
3 h.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique,
1664
.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit
de
la technique, dont le but immédiat était d’accroître la productivité
1665
oduit de la technique, dont le but immédiat était
d’
accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant nota
1666
isir apparaîtra de plus en plus comme le vrai but
de
l’aventure technique, en Occident. Ce loisir quantitatif ne peut sign
1667
ômage) que pour des hommes et des femmes capables
de
remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-
1668
capables de remplir le temps vide du non-travail,
de
l’occuper en s’occupant eux-mêmes : soit par un travail créateur (art
1669
ns libérales) d’une part toujours plus importante
de
la population active nécessite une extension et une intensification d
1670
ve nécessite une extension et une intensification
de
la formation professionnelle, technique et scientifique. Alors de deu
1671
professionnelle, technique et scientifique. Alors
de
deux choses l’une. 1° Si l’on néglige la culture générale au profit d
1672
1° Si l’on néglige la culture générale au profit
de
la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y
1673
profit de la formation technique, plus il y aura
de
bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs),
1674
lus il y aura de bons techniciens, plus il y aura
de
loisirs possibles (quantitatifs), mais moins les hommes seront prépar
1675
spécialisée, aux dépens de la culture simultanée
de
toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tar
1676
s de la culture simultanée de toutes les facultés
de
l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de
1677
cultés de l’homme (culture dite générale), risque
de
tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civil
1678
dite générale), risque de tarir les sources vives
de
l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention te
1679
les sources vives de l’invention et le dynamisme
de
notre civilisation. Car l’invention technique est moins le fait des t
1680
, s’inspirant des spéculations les plus gratuites
de
la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour
1681
spéculations les plus gratuites de la science et
de
l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour par l’ensemble de
1682
à leur tour par l’ensemble des forces créatrices
de
notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanism
1683
s de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre,
de
la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si
1684
s-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme
d’
auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation t
1685
, de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation
de
la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation technique à l’éducation
1686
ion pratique et professionnelle ; puis la période
de
travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux ext
1687
uis la période de travail actif, puis une période
de
loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tend
1688
loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge
de
la retraite tendant à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
1689
à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
de
vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans).
1690
de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin
de
ce siècle : 80 ans). La carrière d’un travailleur au xix e siècle éta
1691
n pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière
d’
un travailleur au xix e siècle était à peu près la suivante : période
1692
x e siècle était à peu près la suivante : période
d’
éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans.
1693
t à peu près la suivante : période d’éducation et
d’
instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de
1694
ériode d’éducation et d’instruction : 15 ans. Vie
de
travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que
1695
ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin
de
ce siècle, et à supposer que les tendances actuelles se confirment (c
1696
on aurait à peu près, pour une longévité moyenne
de
80 ans : Période d’éducation et de formation professionnelle 20 a
1697
our une longévité moyenne de 80 ans : Période
d’
éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail
1698
té moyenne de 80 ans : Période d’éducation et
de
formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans
1699
et de formation professionnelle 20 ans Période
de
travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et
1700
de de travail actif 30 ans Retraite (ou période
de
nouvelle formation et d’activité différente) 30 ans Les problèmes
1701
s Retraite (ou période de nouvelle formation et
d’
activité différente) 30 ans Les problèmes d’éducation (scolaire et
1702
t d’activité différente) 30 ans Les problèmes
d’
éducation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au s
1703
ation (scolaire et postscolaire) et les problèmes
de
culture (au sens le plus large du terme) seront alors les plus import
1704
importants, ils intéresseront la plus large part
de
la vie, et ils se poseront en termes fondamentalement renouvelés, le
1705
énible et sa nécessité pour subsister ayant cessé
de
représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existenc
1706
subsister ayant cessé de représenter le « sérieux
de
la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des homme
1707
enter le « sérieux de la vie » et le but pratique
de
l’existence pour la majorité des hommes. Obstacle majeur à la soluti
1708
ommes. Obstacle majeur à la solution raisonnable
de
ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économique
1709
tion raisonnable de ces problèmes : nos habitudes
de
pensée morales, sociales, économiques et éducatives, conditionnées pa
1710
ques et éducatives, conditionnées par des siècles
d’
effort acharné, durant lesquels le travail figurait à la fois la néces
1711
ait à la fois la nécessité fondamentale et le but
de
l’existence. III. La technique, étant le produit le plus facilement e
1712
e, étant le produit le plus facilement exportable
de
notre civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’une manière t
1713
e civilisation, va modifier les rapports mondiaux
d’
une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radic
1714
orts mondiaux d’une manière telle que la fonction
de
l’Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux co
1715
mondiaux d’une manière telle que la fonction de l’
Europe
dans le monde sera radicalement remise en question. Deux constatatio
1716
question. Deux constatations préalables : 1° En
Europe
, le niveau de vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès de la
1717
vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès
de
la technique aient pour résultat principal la création des loisirs ;
1718
ltat principal la création des loisirs ; mais les
Européens
, conditionnés par une longue hérédité de travail acharné, sont les mo
1719
s Européens, conditionnés par une longue hérédité
de
travail acharné, sont les moins faits pour supporter l’inaction, ou s
1720
Leurs valeurs morales les plus courantes relèvent
d’
une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplat
1721
courantes relèvent d’une éthique du travail, non
de
la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie,
1722
éthique du travail, non de la sagesse détachée ni
de
la contemplation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie est si b
1723
as, relativement à l’Occident, et l’accroissement
de
la population si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lut
1724
si rapide, que la technique est d’abord le moyen
de
lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le p
1725
tter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen
de
rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — o
1726
e moyen de rejoindre le peloton des retardataires
de
l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans l
1727
dataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen
de
tenir un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellis
1728
Que les pays du tiers-monde se mettent à l’école
de
l’Occident, ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils sont tou
1729
e, ils sont tous destinés à traverser une période
d’
industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique da
1730
és à traverser une période d’industrialisation et
de
technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce
1731
dustrialisation et de technique virulente. Effets
de
la technique dans ces pays : 1° Grâce aux progrès accomplis par l’Occ
1732
nt passer du stade arriéré où ils sont à un stade
de
productivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix
1733
ivité très haute, en sautant le stade ouvriériste
de
notre xix e siècle (grandes villes aux banlieues insalubres, corons d
1734
x des machines automatisées que du travail direct
de
l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de «
1735
irect de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage
de
puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamie
1736
la nature (mines, creusage de puits, qui risquent
de
« libérer des dragons » aux yeux des Vietnamiens par exemple). 2° Le
1737
Les peuples du tiers-monde veulent les résultats
de
la technique, non ses conditions. Ils ne sont pas prêts à l’effort qu
1738
aux durant des siècles, et n’ont pas notre morale
de
travail. Il semble que leur adaptation au monde technique ne pourra ê
1739
ne pourra être obtenue que par la force (régimes
de
dictature communiste), ou en plusieurs générations (éducation à l’occ
1740
dentale). Dans les deux cas, ces peuples risquent
de
perdre leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’avoir pu s’as
1741
re leur éthos et leur pathos traditionnels, avant
d’
avoir pu s’assimiler les nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si
1742
s nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si l’
Europe
ne se préoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résou
1743
peut en résulter. Si l’Europe ne se préoccupe pas
de
ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atté
1744
réoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance
de
les résoudre, ou au moins d’atténuer les crises profondes créées par
1745
, la dernière chance de les résoudre, ou au moins
d’
atténuer les crises profondes créées par notre technique, sera perdue.
1746
es créées par notre technique, sera perdue. IV. L’
Europe
, qui a créé la technique grâce à son éthique du travail et de l’avent
1747
éé la technique grâce à son éthique du travail et
de
l’aventure, doit créer maintenant une éthique nouvelle intégrant trav
1748
intégrant travail et loisir, productivité et art
de
vivre (ou consommation). Elle le doit d’abord à elle-même et à ses p
1749
rouver et maintenir un équilibre psychologique, l’
Européen
doit apprendre à ne plus dissocier travail et loisir. Plus le travail
1750
nnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas
de
l’artiste ; plus il est machinal, plus il contraste avec le loisir, e
1751
loisir, et plus il rend l’individu inapte à jouir
de
son temps libre. L’automation fournit donc les moyens techniques d’un
1752
. L’automation fournit donc les moyens techniques
d’
un nouvel équilibre humain, mais l’éducation seule pourra le promouvoi
1753
’éducation seule pourra le promouvoir. La culture
européenne
est faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, c
1754
ra le promouvoir. La culture européenne est faite
de
tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conservatisme
1755
rationalisme, centralisme et régionalisme, esprit
de
système et individualisme. C’est pourquoi la technique industrielle,
1756
C’est pourquoi la technique industrielle, née en
Europe
— et ce n’est pas un hasard — , n’a jamais pu s’y développer sur tabl
1757
et politiques. Ce fait fondamental différencia l’
Europe
de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’
1758
itiques. Ce fait fondamental différencia l’Europe
de
toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Eur
1759
différencia l’Europe de toutes les autres régions
de
la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la
1760
s régions de la planète ; — et doit permettre à l’
Europe
de trouver la première la formule d’équilibre humain entre la product
1761
ns de la planète ; — et doit permettre à l’Europe
de
trouver la première la formule d’équilibre humain entre la productivi
1762
ttre à l’Europe de trouver la première la formule
d’
équilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qu
1763
ilibre humain entre la productivité et la faculté
de
jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification
1764
main entre la productivité et la faculté de jouir
de
ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification et la sp
1765
la spontanéité, l’action et la méditation. Le but
de
la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela sup
1766
tion et la méditation. Le but de la vie n’est pas
de
« produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sa
1767
Le but de la vie n’est pas de « produire », mais
de
« bien vivre », et cela suppose un équilibre sans cesse rétabli entre
1768
entre le corporel, l’animique et le spirituel. L’
Europe
étant la mieux placée pour intégrer la technique et ses dons, doit au
1769
intégrer la technique et ses dons, doit au monde
d’
illustrer pour lui cette formule d’équilibre humain. Nous avons donné
1770
doit au monde d’illustrer pour lui cette formule
d’
équilibre humain. Nous avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
1771
us avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
de
révolution, l’idéal libertaire, et la technique. Il nous reste à donn
1772
ique. Il nous reste à donner au monde les « modes
d’
emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n
1773
us reste à donner au monde les « modes d’emploi »
de
ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n’ai fait qu
1774
er le problème. n. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1775
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 602. Une note manuscrite indique : « Eur
1776
Découvrons l’
Europe
(août 1961)o Je vais parler d’un continent bien plus mystérieux qu
1777
écouvrons l’Europe (août 1961)o Je vais parler
d’
un continent bien plus mystérieux que l’Asie. Ses habitants eux-mêmes
1778
rieuses contradictions. Il n’est qu’une péninsule
de
médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme le constatent les g
1779
rsonne n’est venu le découvrir. Il est donc temps
de
nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’
1780
emps de nous mettre à sa recherche, dans le temps
de
l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis
1781
de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire
de
notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu r
1782
toire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre
Europe
, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et d’
1783
notre Europe, depuis trois millénaires, est celle
d’
un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde.
1784
lénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et
d’
un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fil
1785
té, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde.
Europe
était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lu
1786
’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom
de
la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la f
1787
centre du monde. Europe était le nom de la fille
d’
un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un ta
1788
, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme
d’
un taureau blanc. Conduite en Crète, elle y fonda la dynastie des Mino
1789
et c’était bien le nom qui leur convenait, puisqu’
Europe
vient sans doute du mot Ereb qui, dans la langue sémitique des Tyrien
1790
e légende traduit fidèlement le mouvement général
d’
une civilisation qui se répandit du Proche-Orient vers l’ouest, par le
1791
toise et grecque, puis dans tout l’Empire romain.
De
la conquête des Gaules par Jules César jusqu’aux invasions des Barbar
1792
es, lentement éduqués par l’Église après la chute
de
l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme
1793
t éduqués par l’Église après la chute de l’Empire
de
Rome, une première Europe continentale se dessine, comme entité disti
1794
après la chute de l’Empire de Rome, une première
Europe
continentale se dessine, comme entité distincte, séparée de l’Orient
1795
ntale se dessine, comme entité distincte, séparée
de
l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse
1796
e entité distincte, séparée de l’Orient : elle va
de
l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure e
1797
de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et
de
la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’elle-m
1798
l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente
d’
elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, relatant la victoire d
1799
ans une chronique espagnole, relatant la victoire
de
Poitiers remportée par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’
1800
e par Charles Martel sur les Arabes, que le terme
d’
Européens apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des s
1801
par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’
Européens
apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des soldats du
1802
e des soldats du roi franc, venus de la Germanie,
de
l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous somm
1803
la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et
de
la France actuelle. Et nous sommes à la fin du viii e siècle. Peu apr
1804
nt le premier empereur du continent : les annales
de
l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant
1805
: les annales de l’époque le saluent sous le nom
de
« Roi, père de l’Europe ». Durant les siècles qui suivront, le couran
1806
iècles qui suivront, le courant civilisateur venu
d’
Orient vers l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam
1807
s l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage
de
l’islam. Sur la péninsule enfermée entre les Slaves et les Arabes, en
1808
isateurs si différents, voire si contradictoires,
de
la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, diffi
1809
ifférents, voire si contradictoires, de la Grèce,
de
Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, ave
1810
voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et
de
la Palestine, se combineront lentement, difficilement, avec les coutu
1811
utumes germaniques, dans une longue effervescence
d’
hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes
1812
niques, dans une longue effervescence d’hérésies,
de
doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs
1813
ervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes,
de
luttes sanglantes entre papes et empereurs, communes urbaines et seig
1814
ommunes urbaines et seigneurs féodaux. Du creuset
d’
alchimiste où s’opère cette synthèse d’une culture originale, des éner
1815
Du creuset d’alchimiste où s’opère cette synthèse
d’
une culture originale, des énergies incalculables vont se dégager. Il
1816
alculables vont se dégager. Il devient impossible
de
les comprimer sur le petit cap européen. L’Orient interdit par l’isla
1817
ient impossible de les comprimer sur le petit cap
européen
. L’Orient interdit par l’islam, elles ne trouvent pour se déployer qu
1818
ne trouvent pour se déployer que l’espace inconnu
de
l’Océan. Elles y frayent des voies idéales, où l’imagination s’élance
1819
sera le départ pour l’aventure mondiale, au matin
de
Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, t
1820
de Palos de Moguer : découverte des Amériques et
de
l’océan Pacifique, tour du monde, colonisation pénétrant par les côte
1821
les côtes dans tous les continents. Au mouvement
de
systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissan
1822
ment de systole du Moyen Âge succède le mouvement
de
diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents an
1823
ole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole
de
la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
1824
iastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus
de
quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’E
1825
s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
de
notre xx e siècle, les hommes venus d’Europe dominent sur toute l’Afr
1826
. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus
d’
Europe dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’A
1827
Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’
Europe
dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’Austral
1828
deux Amériques, l’Australasie et les trois-quarts
de
l’Asie. La Chine elle-même et le Japon n’ont sauvé leur indépendance
1829
’ouvrant au commerce, aux techniques et aux idées
de
l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’uni
1830
t aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire
de
l’Europe semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au
1831
idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’
Europe
semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur mêm
1832
expansion planétaire de l’Europe semble tout près
d’
unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mond
1833
ifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même
de
ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque
1834
Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial
de
circulation vivifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’un
1835
vifiante éclate une crise presque mortelle. Crise
d’
un mal qui couvait depuis longtemps, qui se nomme le nationalisme, et
1836
qui se traduit par un délire soudain : la guerre
de
1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intéri
1837
re soudain : la guerre de 1914. Dès cette date, l’
Europe
épuisée, encombrée de barrières intérieures qui paralysent le libre j
1838
1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée
de
barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne
1839
barrières intérieures qui paralysent le libre jeu
de
ses échanges, ne paraît plus capable d’animer son empire. Çà et là, l
1840
libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable
d’
animer son empire. Çà et là, les peuples commencent à contester les dr
1841
de vitalité. Divisée contre elle-même, elle cesse
d’
en imposer. Encore une crise sanglante et convulsive, la guerre d’Hitl
1842
core une crise sanglante et convulsive, la guerre
d’
Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade
1843
et convulsive, la guerre d’Hitler, suprême accès
de
la folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité to
1844
folie nationaliste évoluant vers le stade ultime
de
la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économiqu
1845
ime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait
de
son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, elle a pe
1846
d, elle a perdu ses colonies, protectorats, zones
d’
influence, bases et comptoirs, en Afrique, en Asie, et dans le Proche-
1847
a voilà donc réduite à ce qu’elle était au départ
de
sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la carte et même à m
1848
moins : car elle a perdu la Russie et une dizaine
de
ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
1849
e a perdu la Russie et une dizaine de ses nations
de
l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice u
1850
dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin
de
son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le cr
1851
ons de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et
de
son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de
1852
. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
d’
animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de ses meilleur
1853
coup de ses meilleurs esprits parlent éloquemment
de
sa décadence fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la g
1854
fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain
de
la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’
1855
! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement
de
renouveau se prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la
1856
vement de renouveau se prononce, sous la conduite
d’
hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos
1857
prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus
de
la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos patries, éliminer le v
1858
atries, éliminer le virus nationaliste qui a fait
de
nos fécondes diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’en
1859
diversités des divisions ruineuses pour la santé
de
l’ensemble. Churchill prête au mouvement son prestige et sa voix. Un
1860
au mouvement son prestige et sa voix. Un Congrès
de
l’Europe, réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Asse
1861
ouvement son prestige et sa voix. Un Congrès de l’
Europe
, réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Assemblée et
1862
réuni à La Haye en mai 1948, demande la création
d’
une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action
1863
la création d’une Assemblée et la mise en commun
de
nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État e
1864
mmun de nos ressources. Grâce à l’action prudente
de
quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Con
1865
à l’action prudente de quelques hommes d’État et
de
grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à
1866
e quelques hommes d’État et de grands techniciens
de
l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à Strasbourg, puis un p
1867
institue à Strasbourg, puis un pool du charbon et
de
l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industri
1868
de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet
de
redresser l’industrie, les finances et le commerce des pays ruinés pa
1869
ites, qui forment à elles seules une bonne moitié
de
la population du continent. D’autres pays — sept jusqu’ici — sollicit
1870
on doit nous conduire, sans guerre, à refaire une
Europe
capable d’assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui c
1871
nduire, sans guerre, à refaire une Europe capable
d’
assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui cette foncti
1872
Quelle est aujourd’hui cette fonction ? Certes, l’
Europe
ne prétend pas recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur d’une
1873
recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur
d’
une civilisation qui, pour la première fois dans toute l’histoire, éte
1874
on influence à toute la Terre. Elle doit au monde
de
lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses
1875
Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes
d’
emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, so
1876
le doit au monde de lui donner les modes d’emploi
de
ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine
1877
s modes d’emploi de ses découvertes techniques et
de
ses coutumes politiques, sous peine de voir ces découvertes et ces co
1878
mal préparées à les recevoir. Elle doit au monde
d’
animer les échanges économiques et culturels dont elle fut, dès la Ren
1879
issance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde
de
tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est
1880
rice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang
de
grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourquoi son union
1881
moins nécessaire aux autres qu’à elle-même. Cette
Europe
qui a perdu le monde après l’avoir révélé à lui-même n’en demeure pas
1882
ce fait est démontrable. C’est la terre décisive
de
la planète. Plus petite, mais plus dense et plus complexe que tous le
1883
us complexe que tous les autres continents, riche
de
contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trés
1884
tous les autres continents, riche de contrastes,
de
tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonné
1885
s continents, riche de contrastes, de tensions et
de
contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveau
1886
astes, de tensions et de contradictions fécondes,
d’
anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle atten
1887
tions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et
de
nouveautés stupéfiantes, elle attend d’être découverte par des millio
1888
çonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend
d’
être découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infinime
1889
s, elle attend d’être découverte par des millions
d’
Européens. Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond pas
1890
elle attend d’être découverte par des millions d’
Européens
. Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond passé et les
1891
varié, ils liront un profond passé et les signes
d’
un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée
1892
ond passé et les signes d’un grand avenir : celui
de
leur patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1893
patrie commune. o. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1894
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 605. Une note manuscrite indique la date
1895
Imagination
de
New York (novembre 1961)p Toute ville est un piège… plus ou moins
1896
olitaires, errants des rues, claustrés, imaginant
de
loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’est pas sans agrément pour
1897
au surplus n’est pas sans agrément pour les gens
de
passage, ou ceux du petit commerce et des spectacles.) Toute ville es
1898
s villes. Mais les villes en nous sont l’histoire
d’
une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision
1899
les villes en nous sont l’histoire d’une vision,
d’
une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un
1900
ous sont l’histoire d’une vision, d’une approche,
d’
un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin sep
1901
oire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et
d’
un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin septembre 1940).
1902
un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont
d’
un bateau, fin septembre 1940). Dans la brume épaissie, mais lumine
1903
us défilons lentement près de leur base. Des pans
de
brique rosée, ocrée, légère, s’éclairent dans les profondeurs embuées
1904
comme des orgues, de toutes parts. La « sensation
de
reconnaissance » m’a saisi. Cette rumeur, cet élan vertical, cet élan
1905
t New York identique à son rêve. Premiers accords
d’
une symphonie dont on savait les thèmes par cœur pour avoir étudié la
1906
du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
de
la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren
1907
parallèles, dans le sens de la longueur, qui est
de
vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense
1908
nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs
d’
un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à
1909
e rues coupant les avenues à angle droit : autant
d’
étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c
1910
al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité
de
Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River
1911
la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà
de
l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e
1912
attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et
de
l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu
1913
es, îles et plaines reliées par un immense réseau
de
ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit,
1914
t plaines reliées par un immense réseau de ponts,
de
tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus,
1915
liées par un immense réseau de ponts, de tunnels,
d’
autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
1916
ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir
d’
octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie
1917
il couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel
de
cette couleur orangée, aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roch
1918
des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit
d’
une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
1919
mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond
d’
une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
1920
j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
de
briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
1921
e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés
de
sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi
1922
Les grands souffles océaniques, chargés de sel et
d’
aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,
1923
venture, viennent frapper les « faces » argentées
de
l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d
1924
Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller,
de
vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign
1925
Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres
de
ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su
1926
ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer
de
larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici
1927
s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles
de
granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
1928
s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié
de
l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
1929
’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
de
la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capab
1930
plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure
de
Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporte
1931
de la démesure de Manhattan : seules ces assises
de
granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
1932
n : seules ces assises de granit étaient capables
de
supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
1933
étaient capables de supporter le formidable poids
d’
un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
1934
de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel
de
cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
1935
ules des plus riches bâtiments, reliques scellées
d’
une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis au contraire, sur
1936
cago et Saint-Louis au contraire, sur les plaines
d’
alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, men
1937
cages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, menacent
de
suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe
1938
e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple
de
la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c
1939
de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour
de
Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’
1940
our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux
de
la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
1941
. Bien des aspects physiques et moraux de la cité
de
Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
1942
imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu
d’
extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
1943
sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu
d’
extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl
1944
diablement désertique. Les Américains des plaines
de
l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
1945
laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume
de
se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
1946
st, venant à New York, ont coutume de se plaindre
de
l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d
1947
, dans leur ignorance, que c’est une ville « trop
européenne
»… Mais moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque ave
1948
p européenne »… Mais moi je m’y sens contemporain
de
la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pu
1949
is moi je m’y sens contemporain de la préhistoire
de
quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pure (3 novembre 194
1950
a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur
de
Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m
1951
regard touche et mesure dans les trois dimensions
de
l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm
1952
s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage
de
ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con
1953
ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait
de
main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u
1954
f un découpage de ciel mat, tout est fait de main
d’
homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas
1955
un usage massif, exactement prévu. Plus une trace
de
campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p
1956
campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin
de
terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu
1957
oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni
d’
eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de c
1958
t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni
de
feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversem
1959
i d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans
de
brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphal
1960
i de feuillage. Tout est pans de brique peinte et
de
ciment armé, diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de
1961
ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois
de
verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi
1962
ation horizontale et verticale, intensité suprême
de
la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè
1963
a première fois, je vois une ville aussi purifiée
de
nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome,
1964
vois une ville aussi purifiée de nature que l’est
de
prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
1965
si purifiée de nature que l’est de prose un objet
de
mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs
1966
iée de nature que l’est de prose un objet de mots
de
Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de
1967
ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
d’
immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y
1968
Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés
de
groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles.
1969
mparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes
de
monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m
1970
iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis
d’
herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to
1971
mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat
d’
avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait
1972
ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit
de
ville. Usage : Beekman Place la nuit (août 1943) Parallèle à l’
1973
arallèle à l’East River dont la sépare une rangée
d’
hôtels particuliers aux façades étroites, cette rue très courte est l’
1974
ois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas
de
numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod
1975
int les avenues à angle droit. Hors série, modèle
de
grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
1976
it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne
d’
arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
1977
érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres,
de
silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
1978
e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et
de
grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
1979
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments
de
la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’
1980
ts de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants
de
fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux o
1981
ique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues
d’
ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mai
1982
res dépourvues d’ornements. Beekman Place est un
de
ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’il y tr
1983
un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’
Europe
! parce qu’il y trouve un charme, simplement. Mais quand je la vois d
1984
charme, simplement. Mais quand je la vois du haut
de
mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
1985
mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée
d’
asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
1986
étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et
de
brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
1987
urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective
de
l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La
1988
e de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense
de
minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
1989
usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et
d’
eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
1990
mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée
de
remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
1991
vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit
d’
un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
1992
onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
d’
étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
1993
ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle
d’
un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
1994
éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige
de
nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
1995
’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots
de
granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares
1996
— ce sont ces trois îlots de granit noir couverts
de
mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli
1997
otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes
de
révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
1998
es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait
de
main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écono
1999
ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main
d’
homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques e
2000
s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et
de
leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
2001
leurs fatales réalités : car ce sont les réalités
d’
un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
2002
et nos raisons folles. Si nous changions un jour
de
goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
2003
ons folles. Si nous changions un jour de goûts et
d’
ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
2004
t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde
de
terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
2005
Et tout près, ces jardins suspendus où circulent
de
jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
2006
uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot
de
bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
2007
qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens
de
ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
2008
le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois
de
retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
2009
comme je me le rappellerai, une fois de retour en
Europe
. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient dans un luxe amé
2010
a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain
d’
ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
2011
ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres,
de
roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
2012
r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses,
d’
argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
2013
un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et
d’
éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
2014
méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats
d’
or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
2015
ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible.
D’
heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
2016
Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour
de
mes chambres blanches posées sur le onzième étage et festonnées de tu
2017
lanches posées sur le onzième étage et festonnées
de
tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
2018
coup plus bas, dans les buildings voisins séparés
de
ma terrasse par un gouffre profond, mais étroit, je vois des couples
2019
tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort
de
la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
2020
peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
d’
une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
2021
res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis
de
tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
2022
ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges
de
verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
2023
s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus
de
la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
2024
r qui point, quand toutes choses et les souvenirs
d’
hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
2025
nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent
de
poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
2026
oses et les souvenirs d’hier changent de poids et
de
millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
2027
orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume
d’
été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
2028
a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue
de
lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
2029
r le grand fond sonore à bouche fermée des usines
de
l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
2030
les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo
de
désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
2031
des ferry-boats poussaient leur solo de désastre,
de
faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
2032
saient leur solo de désastre, de faux désastre et
d’
appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
2033
tre et d’appel commercial, dans le matin strident
de
l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
2034
u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée
d’
un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
2035
. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment
de
trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
2036
éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York
d’
adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
2037
t New York d’adieux, filant pavois au vent vers l’
Europe
et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pen
2038
s au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
de
Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? dem
2039
e et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note
de
1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusie
2040
Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous
de
notre ville ? demandèrent à Le Corbusier les journalistes et les arch
2041
it raison à cette époque : pour quelques dizaines
de
gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de
2042
elques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue
de
Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizain
2043
és à la proue de Manhattan, New York, c’était sur
de
grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques
2044
’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines
de
milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela ch
2045
e grandes étendues plusieurs dizaines de milliers
de
maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidem
2046
tendues plusieurs dizaines de milliers de maisons
de
briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidement. On dém
2047
change rapidement. On démolit des rues entières,
d’
un coup, pour les rebâtir en vingt étages transparents et resplendissa
2048
r en vingt étages transparents et resplendissants
de
tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui
2049
transparents et resplendissants de tous les feux
de
la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui deviennent trop é
2050
n jour l’embouteillage sera définitif. Un million
de
voitures abandonnées par leurs propriétaires d’abord seulement pressé
2051
ement pressés, puis un peu affamés, et enfin pris
de
panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctu
2052
ris de panique boucheront les artères principales
de
Manhattan, bel infarctus ! Comment les déplacer ? Il y faudra des sem
2053
. Il faut projeter autre chose. Idée nouvelle
de
New York (novembre 1961) Le Lever House, Park Avenue, inaugure à m
2054
’un rez-de-chaussée opaque, ces fuites lumineuses
de
gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des pilier
2055
-chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon,
de
chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces,
2056
ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés
de
granit et qui serpentent entre des piliers minces, des maisons basses
2057
piliers minces, des maisons basses, des terrasses
de
cafés, des étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures
2058
es étangs et du ciel par larges échappées. Et pas
de
voitures ! On se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon
2059
n se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait,
de
mon temps, qu’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New
2060
u’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel
de
New York ne pouvait « entraîner vers la hauteur » que les regards de
2061
ait « entraîner vers la hauteur » que les regards
de
corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici,
2062
ards de corps emprisonnés au niveau de la boue et
de
l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui est la dimension sociale
2063
ttan sur pilotis. Les huit avenues longitudinales
de
vingt-cinq kilomètres, reliées par une sur deux des cent-cinquante-si
2064
ur deux des cent-cinquante-six rues transversales
de
quatre à cinq kilomètres sont livrées à la circulation des petits tax
2065
ectriques à deux places que l’on prend aux abords
de
la Cité et que l’on range après usage gratuit à peu près n’importe où
2066
e gratuit à peu près n’importe où, dans les zones
de
parcage. Mais entre ces rivières au flot facile et au ronronnement mo
2067
agés sous les buildings, j’imagine la renaissance
d’
une ville horizontale. Ville des piétons, des échoppes et des kiosques
2068
les spectacles dans les profondeurs, labyrinthes
de
sombres passages, ou sur les terrasses des sommets…) J’imagine la re
2069
terrasses des sommets…) J’imagine la renaissance
de
l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc
2070
) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum,
de
la place ou du square. Mille villages d’un bloc ou deux et leurs ruel
2071
u forum, de la place ou du square. Mille villages
d’
un bloc ou deux et leurs ruelles ; des espaces verts et des bosquets ;
2072
une ethnie, puis une autre à un stylo, sans trop
de
rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien sépa
2073
à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe
de
professions apparentées… Chacune bien séparée, mais très proche des a
2074
utres, quelques minutes… J’imagine la renaissance
d’
une Communauté, par un nouvel agencement des Formes. p. Édition réa
2075
nt des Formes. p. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
2076
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 933.