1
parisiens, sympathiques au mouvement pour l’union
de
l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mai
2
t à leur succès prochain. Vous n’avez devant vous
d’
autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle est lourde… » Ainsi dit
3
st lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur
d’
un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : « Il manque à vos
4
d industriel suisse me dit : « En a-t-on vu assez
de
ces organisations internationales ! Il est bien difficile d’y croire
5
nisations internationales ! Il est bien difficile
d’
y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules, faites une actio
6
us voulez réveiller les foules, faites une action
d’
éclat, prenez un ours en laisse, et allez parler sur les places. Ce qu
7
iez-vous pas le premier ? Diogène avait bien tort
de
chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en d
8
e avait bien tort de chercher un homme à la lueur
de
sa lanterne. Il eût mieux fait d’en devenir un lui-même. C’est le plu
9
omme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait
d’
en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi q
10
d’en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen
d’
en trouver. » Quoi qu’il en soit, les propos que je viens de rapporter
11
rter vous donneront, je le crains, une idée juste
de
l’opinion continentale, au cours de cet automne 1948. Le bel élan imp
12
élan imprimé au mouvement européen par le congrès
de
La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop m
13
uropéen par le congrès de La Haye court le risque
de
s’enliser, provisoirement. On avait trop misé sur des réalisations im
14
n France, conflit insoluble en Allemagne, suspens
de
la politique américaine à la veille des élections présidentielles, et
15
mieux dire, cette bienveillance plutôt sceptique
de
l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est nor
16
e plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments
de
ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de déta
17
de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement
de
l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient
18
nt de l’action, il est normal que les difficultés
de
détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se rep
19
rmal que les difficultés de détail se multiplient
de
tous côtés, et qu’on voie chaque pays se replier sur ses intérêts à c
20
bitions à des objectifs immédiats. Comment sortir
de
cette impasse ? En nous rappelant d’abord, et en rappelant aux masses
21
rappelant aux masses les buts lointains et larges
de
notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait
22
s lointains et larges de notre action, l’ensemble
de
la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces
23
rges de notre action, l’ensemble de la situation.
De
quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’Euro
24
t les trois besoins que l’on découvre à l’origine
de
toutes les fédérations connues. Dans un important ouvrage sur la cons
25
s facteurs ont été déterminants pour la formation
de
la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les
26
tion helvétique, il y a cent ans. Il est frappant
de
les retrouver, identiquement, dans le Message aux Européens qui termi
27
s le Message aux Européens qui termina le congrès
de
La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses termes. Voici d’abord les troi
28
termes. Voici d’abord les trois menaces : Aucun
de
nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
29
s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse
de
son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
30
à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun
de
nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
31
oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut
d’
une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
32
n à l’unification forcée, soit par l’intervention
d’
un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. Et v
33
tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation
d’
un parti du dedans. Et voici la réponse à ces menaces : l’union, seul
34
a réponse à ces menaces : l’union, seule garantie
de
la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, dema
35
menaces : l’union, seule garantie de la sécurité,
de
la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons
36
eule garantie de la sécurité, de la prospérité et
de
la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les pe
37
le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples
d’
outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
38
on politique et le plus vaste ensemble économique
de
notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
39
u monde n’aura connu un si puissant rassemblement
d’
hommes libres. Si ce grand but reste constamment présent à notre espr
40
déal actif dans notre cœur, les vraies dimensions
de
la lutte seront rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes
41
urs justes proportions. Si nous comprenons bien «
de
quoi il s’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou
42
’agit », et que c’est pour nous tous une question
de
vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’a
43
t que c’est pour nous tous une question de vie ou
de
mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’apparentes
44
nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par
d’
apparentes impossibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de gu
45
ssibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps
de
guerre : impossible ou non, il le faut. Cher lecteur britannique, je
46
c’est qu’à l’heure actuelle, nous ne ferons rien
de
pratique si nous n’avons pas devant nous une vision nette et puissant
47
ons pas devant nous une vision nette et puissante
de
notre but final. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notr
48
nal. C’est cette fin seule qui dictera les moyens
de
notre action, qui les orientera et qui nous forcera à les découvrir l
49
« Voici le secret. Ne pensez plus aux mouvements
de
votre main. Regardez le rond noir qui est au milieu de la cible, lais
50
ira tout seul. » Le lendemain, je gagnais le prix
de
tir du bataillon. Cette expérience garde pour moi une valeur symboliq
51
rd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent
de
cela. C’est dans cette conviction que la Section culturelle du Joint
52
re européen de la culture. Quelle sera la mission
de
ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun d
53
uelle sera la mission de ce Centre ? Précisément,
de
maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
54
ssion de ce Centre ? Précisément, de maintenir et
de
vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre pl
55
enir et de vivifier l’idéal commun des Européens,
de
l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’é
56
fier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
de
le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’il
57
e rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes :
d’
éclairer et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effor
58
conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et
d’
illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union
59
er et d’illustrer constamment le sens et l’esprit
de
notre effort vers l’union — de ramener l’attention vers son but. Cert
60
e sens et l’esprit de notre effort vers l’union —
de
ramener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aur
61
mener l’attention vers son but. Certes, le Centre
de
la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter
62
e Centre de la culture aura tout d’abord quantité
de
tâches pratiques à exécuter (la résolution culturelle adoptée par le
63
(la résolution culturelle adoptée par le congrès
de
La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont été pr
64
s de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup
d’
initiatives ont été prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’
65
ns nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe
de
coordination pour donner leur plein effet. Le Centre sera d’abord au
66
ur plein effet. Le Centre sera d’abord au service
de
la culture. Mais il ne la servira bien que s’il sert en même temps l’
67
ffort commun pour établir l’union européenne. Pas
de
culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asservie, rui
68
s économistes ? a. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
69
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 453. Une note manuscrite indique que ce
70
on du Rapport général de la Conférence européenne
de
la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondément
71
e désespérée. Elle est aussi plus près que jamais
de
se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de
72
t — , l’Europe est en train de se faire. Aux yeux
d’
un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dan
73
yeux d’un esprit objectif, toutes les conditions
de
la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates
74
t les mêmes conditions qui pourraient être celles
d’
une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s
75
Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé
de
s’aggraver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absu
76
ver depuis dix ans — mais nous prenons conscience
de
leur absurdité. L’avènement brusque et stupéfiant des deux empires ex
77
d’entre nous, mais il réveille aussi le sentiment
d’
un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’aban
78
il réveille aussi le sentiment d’un destin commun
de
nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités d
79
, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités
de
l’Histoire, se voient combattus par l’élan vers l’union, vers la fédé
80
lée de Strasbourg, — votre présence ici. Je parle
d’
un espoir tremblant. Le sentiment le plus répandu, j’allais dire le pl
81
y a aujourd’hui une manière proprement européenne
d’
avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres vi
82
ui une manière proprement européenne d’avoir peur
de
l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres viendraient fai
83
éenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur
d’
une guerre que d’autres viendraient faire sur notre sol, et sur le cor
84
viendraient faire sur notre sol, et sur le corps
de
nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des
85
et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse
de
devenir les objets d’une guerre des autres, qui serait perdue par nou
86
s enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets
d’
une guerre des autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son
87
is, il y a, en même temps, une manière européenne
d’
espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre
88
rer, un espoir proprement européen, qui est celui
de
réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance c
89
en, qui est celui de réussir notre fédération, et
de
retrouver par là même une puissance capable d’imposer la paix. Telle
90
et de retrouver par là même une puissance capable
d’
imposer la paix. Telle est la situation contradictoire dans laquelle
91
re dans laquelle nous sommes engagés. À son point
de
crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait r
92
int de crise, où nous sommes, il dépend en partie
de
nous que l’espoir ait raison du désespoir. Mais il faut aller vite, e
93
s’esquissent, à Strasbourg, les cadres politiques
de
l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée huma
94
s politiques de l’Europe unie, il est grand temps
de
définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de l
95
rand temps de définir la visée, la portée humaine
de
cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but
96
e, la portée humaine de cette action, la vocation
de
la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence.
97
la communauté européenne. Tel est le but général
de
notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une répo
98
but général de notre conférence. Ce qu’on attend
de
nous ici, c’est d’abord une réponse à la question dangereuse que pose
99
elles propres à garantir et développer l’exercice
de
la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’est plus rien. On pourrait
100
rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre
de
cette conférence. Les mots européen, culture, prêtent à des controver
101
à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle
d’
Europe, d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Eu
102
troverses trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe,
d’
unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et
103
’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus
d’
Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europ
104
Europe ! et finit par offrir une belle définition
de
ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à
105
ffrir une belle définition de ce qu’est l’Europe,
de
ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialog
106
ition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été,
de
ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix r
107
s voix reste, à tout prendre, la vraie définition
de
l’Europe, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, cha
108
rope, une et diverse. De même, dès que l’on parle
de
culture, chacun donne à ce mot des contenus différents, — et cela enc
109
r certaines définitions obligatoires et uniformes
de
la culture ; mais par là même, les pays qui les adoptent ou les subis
110
ays qui les adoptent ou les subissent, s’écartent
de
la communauté européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il est v
111
rement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme
de
culture évoque des réalités hétéroclites : inventions techniques et b
112
es et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédés
de
construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; con
113
truction ; littérature, philosophie, et doctrines
de
l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité hu
114
philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions
de
la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique
115
doctrines de l’État ; conceptions de la liberté,
de
la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la v
116
tat ; conceptions de la liberté, de la justice et
de
la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religions.
117
Culture peut signifier aussi prise de conscience
de
la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’ex
118
i prise de conscience de la vie, besoin perpétuel
d’
approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouv
119
ence de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et
d’
illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, t
120
in perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens
de
l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que
121
pprofondir et d’illustrer le sens de l’existence,
d’
augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses.
122
er le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir
de
l’homme, tant sur lui-même que sur les choses. Culture peut signifier
123
ure peut signifier enfin, l’ensemble des procédés
de
création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre
124
emble des procédés de création et la transmission
de
leurs principes. Je souhaite que notre conférence s’interdise les déb
125
s définitions. À toutes fins utiles, elle partira
de
l’idée que la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirit
126
ités intellectuelles et spirituelles qui ont fait
de
l’Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réa
127
jours par la rendre folle, il se contente parfois
de
l’endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’occupations acc
128
endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites
d’
occupations accablantes et flatteuses, qui ne leur laissent plus une s
129
tastrophes. On demande à certains « grands noms »
de
venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils
130
« grands noms » de venir participer au sauvetage
de
l’Europe. Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis u
131
ne conférence. D’autres invoquent un besoin subit
de
se retirer pour méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils sont
132
és, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps
de
rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les r
133
rééducation sociale », ils auront enfin le temps
de
méditer sur les raisons urgentes qui motivaient un rassemblement comm
134
ôtre. Ils comprendront qu’il est certains moments
de
l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins qu’en y allant tous
135
qui êtes ici, et l’on sait bien quels sacrifices
de
temps, d’argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous
136
ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps,
d’
argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous tous un t
137
n quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout
d’
énergie créatrice, représente pour vous tous un tel effort. Pour être
138
Pour être juste, il faut reconnaître que beaucoup
d’
intellectuels redoutent non sans raison l’atmosphère des congrès, inco
139
tmosphère des congrès, inconsidérément multipliés
de
nos jours. Je les comprends, et je comprends surtout ceux d’entre eux
140
hésite à s’engager dans une action où le meilleur
de
lui-même ne saurait s’exprimer. Il y a des gouffres, des abîmes, entr
141
férent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin
de
la communauté dont il écrit la langue, où sa voix porte, qui peut le
142
congrès. Voyons maintenant comment il conviendra
de
l’organiser. Vous avez sous les yeux un Rapport général. Établi pour
143
i pour l’information des délégués, ce rapport n’a
d’
autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont
144
des délégués, ce rapport n’a d’autre ambition que
de
signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au
145
e rapport n’a d’autre ambition que de signaler et
de
classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une enq
146
s problèmes qui se sont révélés urgents, au terme
d’
une enquête dans nos divers pays. Chacun des groupes nationaux du mouv
147
n questionnaire sur l’état des problèmes concrets
de
la culture dans son pays. Dix-sept groupes ont donné des réponses dét
148
û l’improviser avec des groupes en pleine période
de
formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y
149
n pleine période de formation. Elle nous a permis
de
mieux voir l’intérêt capital qu’il y aurait à dresser systématiquemen
150
aire aussi des lacunes, des obstacles, permettant
de
délimiter des zones critiques où concentrer l’effort. Puis, des étude
151
s concrets nous ont été remises. Enfin, le Bureau
d’
études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouve
152
s nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’études
de
Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouverez dans
153
que vous trouverez dans vos dossiers. Sur la base
d’
une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéci
154
ez dans vos dossiers. Sur la base d’une quinzaine
de
rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des docu
155
ur la base d’une quinzaine de rapports nationaux,
d’
une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapp
156
quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine
de
rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapport général a te
157
es documents précités, le Rapport général a tenté
d’
opérer une synthèse provisoire, en guise d’introduction à vos travaux.
158
n instant destiné à faire l’objet des discussions
de
la conférence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’exposé de
159
rence. Il en introduit les sujets. Il veut servir
d’
exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain,
160
ts. Il veut servir d’exposé des motifs à la série
de
résolutions pratiques qui, dès demain, seront proposées et mises au p
161
niques restant, bien entendu, réservés aux débats
de
l’ensemble du congrès, siégeant en commission générale. Il nous appar
162
rale. Il nous apparaît aujourd’hui qu’il y a lieu
de
prévoir une nouvelle commission, consacrée à l’éducation et à l’ensei
163
à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, «
d’
organiser les échanges culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en
164
frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
de
l’Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, n
165
res nationaux, ne doivent pas chercher des moyens
de
correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent
166
des moyens de correspondre un peu plus facilement
de
prison à prison. Elles doivent au contraire exiger leur « élargisseme
167
ment » immédiat, sans conditions. Le terme même «
d’
échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
168
, avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
d’
avoir servi d’échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien mal
169
est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi
d’
échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien malgré eux, souve
170
x, souvent) des problèmes réputés « secondaires »
de
la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce p
171
éputés « secondaires » de la culture. Ils tentent
de
s’en tirer en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’échanges
172
r en consentant à la culture ce petit va-et-vient
d’
échanges surveillés que leurs douaniers et leurs agents fiscaux sauron
173
ux quelques petits décrets concernant les voyages
de
quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bon
174
es de quelques professeurs bien vus des pouvoirs,
de
quelques boursiers bons élèves ; et quelques phrases bien plates sur
175
hrases bien plates sur l’indispensable solidarité
de
nos nations. Une hypocrisie ennuyeuse. Prétendre « organiser les écha
176
droits que l’État s’est arrogés, et qu’il s’agit
de
lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’abaisser des obstac
177
’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit
d’
élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
178
e lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou
d’
abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées, des per
179
nent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes
de
vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant,
180
ls ont toujours été dans les périodes de vitalité
de
la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits
181
es périodes de vitalité de la culture. — échanges
de
découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités a
182
ure. — échanges de découvertes à l’état naissant,
de
produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques
183
uvertes à l’état naissant, de produits originaux,
de
curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de p
184
ant, de produits originaux, de curiosités avides,
d’
expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non p
185
de curiosités avides, d’expressions authentiques
de
la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements
186
es, d’expressions authentiques de la sensibilité,
de
passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème —
187
s de la sensibilité, de passions même, et non pas
de
simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre co
188
passions même, et non pas de simples déplacements
de
forts en thème — , nous devons, dans notre congrès : 1° abandonner, e
189
: 1° abandonner, et au besoin dénoncer la méthode
de
« l’organisation des échanges », 2° exiger la suppression pure et sim
190
ion des personnes, des œuvres, et des instruments
de
travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
191
des instruments de travail, dans toute l’étendue
de
l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bé
192
l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
de
douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, do
193
l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et
de
visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, dont la charge
194
re. Et surtout ne proposons pas, dans ce domaine,
de
nouveaux organismes ! C’est la paresse d’esprit qui entraîne tant de
195
omaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse
d’
esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines b
196
d’esprit qui entraîne tant de comités à proposer
de
nouvelles machines bureaucratiques. Restaurer la culture, c’est aussi
197
poids mort des organisations ! Qu’on n’essaie pas
d’
organiser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’une respirat
198
ser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée
d’
une respiration organisée, n’est-il pas vrai, vous coupe le souffle. Q
199
s vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas
de
créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était
200
. Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité
de
notre culture : elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé
201
e, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis
de
se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse lib
202
origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et
de
s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifeste
203
n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir
de
mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe o
204
richir de mille diversités. Qu’on la laisse libre
de
se manifester ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins
205
er ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien
de
moins, voilà la solution, voilà le remède pratique à presque tous les
206
un effort positif. Il serait insuffisant et vain
de
vouloir revenir simplement à la condition libérale qui était celle de
207
implement à la condition libérale qui était celle
de
l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je
208
était celle de l’esprit en Europe avant la guerre
de
1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Ann
209
ps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Annuaire
de
la Compagnie européenne des wagons-lits, au chapitre sur les passepor
210
Pour l’entrée dans tous les autres pays, la carte
de
visite suffit » ! Mais cette liberté des échanges n’a pas suffi à ré
211
titutions qui garantissent et manifestent l’unité
de
nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’instr
212
dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie
d’
instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut au
213
ersité. Il faut doter l’Europe unie d’instruments
de
travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut aussi former les
214
er les jeunes hommes qui deviendront les porteurs
de
l’idée fédérale, sans laquelle nos réformes techniques et matérielles
215
cuments et rapports spéciaux mis à la disposition
de
la conférence donnent le détail des projets à l’étude. Au premier ran
216
» que le xx e siècle a vu naître, il est frappant
de
constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’Europe c
217
s pays forment un ensemble, un complexe organique
de
culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-
218
omplexe organique de culture, facile à distinguer
de
ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-ci distinguent souvent mieux que
219
mble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
d’
une manière systématique ; et qu’il n’existe aucune institution capabl
220
ue ; et qu’il n’existe aucune institution capable
de
renseigner sur l’Europe en général, sur sa situation présente, sur l’
221
en général, sur sa situation présente, sur l’état
de
ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes.
222
a situation présente, sur l’état de ses forces et
de
ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’
223
ur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin
d’
une telle institution soit urgent, rien ne saurait mieux le faire sent
224
difficultés qu’a rencontrées la préparation même
de
notre conférence, et que ses insuffisances inévitables dans l’état ac
225
ses. Je tiens à vous rappeler que, dès le congrès
de
la Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’un Centre europé
226
a Haye, notre Mouvement avait demandé la création
d’
un Centre européen de la culture, dont les attributions furent esquiss
227
par la résolution culturelle du congrès. Au mois
de
février 1949, le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’étud
228
le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau
d’
études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septem
229
opéen ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé
de
préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même an
230
rgé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois
de
septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg vo
231
er l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre
de
la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unan
232
tembre de la même année, l’Assemblée consultative
de
Strasbourg votait à l’unanimité une recommandation favorable à la cré
233
nimité une recommandation favorable à la création
d’
un Centre européen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Gen
234
ntre européen de la culture. Le travail du Bureau
d’
études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus prè
235
péen de la culture. Le travail du Bureau d’études
de
Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la ques
236
’études de Genève, depuis quelques mois, a permis
de
serrer de plus près la question. Il a conduit aux conclusions pratiqu
237
t leur réserver. Il en va de même pour le Collège
d’
Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commi
238
llège d’Europe, à Bruges, collège qui permettrait
de
former les « grands commis européens », dont les futures institutions
239
commis européens », dont les futures institutions
de
l’Europe unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sa
240
de commentaires, car l’heure s’avance, un projet
d’
institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet s
241
ces politiques et sociales ; et ce projet surtout
d’
un Fonds européen pour les recherches scientifiques, dont l’importance
242
mission proposée tout à l’heure, qui s’occuperait
de
l’enseignement européen, deux mots seulement, mais importants. La pré
243
x mots seulement, mais importants. La préparation
de
notre conférence, l’abondance et la qualité des rapports reçus sur le
244
t la qualité des rapports reçus sur les questions
d’
éducation, ont montré à quel point ce souci est général dans nos pays.
245
le monde se rend parfaitement compte que l’avenir
de
l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite
246
enir de l’union européenne dépend en premier lieu
de
la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un es
247
européenne dépend en premier lieu de la création
d’
une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranatio
248
emier lieu de la création d’une élite responsable
de
jeunes gens, formés dans un esprit supranational. Cette tâche, comme
249
l’écrit M. Jean Bayet, « exigera la bonne volonté
de
plusieurs générations, (mais) réclame aussi un départ extrêmement vif
250
aussi un départ extrêmement vif et net ». L’effet
de
choc que produira sur l’opinion publique l’institution rapide d’un en
251
duira sur l’opinion publique l’institution rapide
d’
un enseignement européen constituera la meilleure propagande pour notr
252
ent être créés par le blocage, au titre européen,
d’
une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernem
253
cage, au titre européen, d’une fraction du budget
de
l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernements et l’économie privée
254
és. Nous invoquerons le fait que, si le sentiment
d’
un destin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne so
255
ettre nos gouvernements devant un choix. Un ordre
de
priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de r
256
s devant un choix. Un ordre de priorité doit être
d’
urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bom
257
tre d’urgence établi. Il est probable que le prix
de
revient d’une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel
258
ce établi. Il est probable que le prix de revient
d’
une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel des instit
259
institutions que nous venons de proposer. Le prix
d’
une seule bombe atomique couvrirait donc le budget global d’une renais
260
e bombe atomique couvrirait donc le budget global
d’
une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mor
261
ouvrirait donc le budget global d’une renaissance
de
la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des
262
e de la culture européenne. Construire des engins
de
mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millio
263
e mort qui coûtent des milliards, quand on refuse
de
trouver les millions qui permettraient de développer la recherche sci
264
refuse de trouver les millions qui permettraient
de
développer la recherche scientifique pour la paix et la vie, c’est la
265
ientifique pour la paix et la vie, c’est la folie
de
l’Occident moderne. À tel point, qu’on se demande parfois s’il ne vau
266
l ne vaudrait pas mieux être restés barbares, que
de
nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture
267
tre aussi mal civilisés. La Conférence européenne
de
la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, cont
268
Pour quelles fins réelles voulons-nous ces moyens
de
culture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La
269
ns-nous ces moyens de culture, et cette éducation
d’
une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
270
ture, et cette éducation d’une conscience commune
de
l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiqu
271
pas substituer aux nationalismes locaux une sorte
de
nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au mond
272
e sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est,
de
tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civilis
273
toujours conçu sa civilisation comme un ensemble
de
valeurs universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une
274
s universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous,
d’
opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Oue
275
opposer une nation européenne aux grandes nations
de
l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthé
276
nation européenne aux grandes nations de l’Est et
de
l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valab
277
e aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni
de
vouloir une « culture européenne » synthétique, valable pour nous seu
278
fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie
de
l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre
279
e serait trahir le génie de l’Europe, nous couper
de
ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contr
280
chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est
de
contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le mo
281
es. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union
de
nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de
282
nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen
d’
une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est l
283
a leur seul salut, par le moyen d’une renaissance
de
leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. E
284
d’une renaissance de leur culture dans la liberté
de
l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non pl
285
vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus
de
dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pouvons réformer qu
286
acceptons pas la scission que symbolise le rideau
de
fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occid
287
de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen
de
ramener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’i
288
amener vers l’Occident les peuples séparés, c’est
de
leur offrir l’image d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
289
les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image
d’
une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend
290
d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
d’
une Europe qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde
291
blie et divisée par vingt nationalismes et autant
de
barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une
292
ée par vingt nationalismes et autant de barrières
de
douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe procla
293
arrières de douanes, ne saurait plus être un pôle
d’
attraction. Une Europe proclamant des principes sans les appliquer fer
294
pliquer fermement, n’aurait bientôt plus le droit
de
parler. Prendre au sérieux la vocation européenne, c’est une mission
295
sérieux la vocation européenne, c’est une mission
de
vigilance dont les intellectuels des pays libres doivent se sentir pl
296
tir plus que jamais responsables. Il leur incombe
de
rappeler sans relâche aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux
297
eurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre
de
principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que
298
nomie. Si nous exerçons, à Lausanne, cette action
de
vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’el
299
on de vigilance publique, on pourra dire vraiment
de
notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne.
300
aiment de notre conférence qu’elle fut le congrès
de
la conscience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, to
301
conscience, en dernière analyse. C’est notre lot
d’
Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la co
302
lot d’Européens, et c’est notre passion profonde,
de
préférer toujours la conscience au bonheur. Vocation tragique et féco
303
à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles
de
la nôtre, dont l’une qui nous est chère, cultive un idéal eudémonique
304
est chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal
d’
un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait tro
305
mes, quelques prières. C’est par la musique seule
de
Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous
306
es prières. C’est par la musique seule de Bach ou
de
Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous en respiro
307
, nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans
d’
innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de tr
308
s pas réunis pour tracer des plans d’innocence et
de
prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyen
309
prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement,
de
trouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations
310
ouver les moyens qui permettent le libre exercice
de
nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notr
311
xercice de nos vocations tourmentées ; des moyens
de
vivre, oui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. S
312
ui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons
de
vivre. Sauvons l’Europe tragique, pour que nos descendants puissent e
313
t, par la grâce des chefs-d’œuvre futurs, au ciel
de
la musique — dans une Europe heureuse. b. Édition réalisée sur la b
314
urope heureuse. b. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
315
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date est celle du discours prono
316
ngoissé que mes cinq premières lettres essayaient
de
traduire. On ne saurait dire pourtant que vous n’ayez rien fait : vou
317
ayez rien fait : vous avez démontré l’impuissance
d’
une formule, d’une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont
318
: vous avez démontré l’impuissance d’une formule,
d’
une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls,
319
ré l’impuissance d’une formule, d’une méthode, et
d’
un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls, mais négatifs. Il
320
donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent
d’
y voir plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui est la vôtre,
321
eraient rien qui puisse conduire à une fédération
de
l’Europe, vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le
322
qu’au point mort défini par le croisement fortuit
de
leurs résolutions contradictoires, elles-mêmes condamnées au néant pa
323
es condamnées au néant par un statut que le droit
de
veto rend inchangeable, aussi longtemps que le Nord restera froid. En
324
ter des résistances… ». Voilà qui donne la mesure
de
votre réalisme. Imaginez que les premiers apôtres soient partis sur l
325
tit à petit notre point de vue, mais gardons-nous
de
citer un nom dont l’usage est prématuré : il nuirait à la cause que n
326
ctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans
d’
un procédé pour faire l’Europe qu’ils appellent functional approach. C
327
ux qui ne savent pas très bien l’anglais, jugeant
de
la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’une antiphrase —
328
la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait
d’
une antiphrase — comme « démocratie populaire ». Abandonnés à leur ins
329
s à leur instinct, ces ignorants eussent continué
de
penser que functional signifie « qui fonctionne », et que approach ég
330
, et que approach égale « approche ». Cette façon
de
s’approcher du but en fonctionnant leur paraissait éminemment fédéral
331
fédéraliste. Mais voyant la conduite et les votes
de
ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que
332
la conduite et les votes de ceux qui se réclament
de
ce procédé, ils se sont figurés bientôt que ces messieurs désiraient
333
du but allégué en refusant tout ce qui fait mine
de
fonctionner. Soit dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens sembl
334
dre l’anglais. L’ayant fait, je me vois en mesure
de
dissiper le malentendu. Voici le problème que les fonctionnalistes pr
335
un but précis, qui est la fédération des peuples
de
l’Europe, n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement
336
un prétexte, exiger des moyens purement pratiques
de
l’approcher un jour ou l’autre, et les refuser lorsque quelqu’un les
337
. Le fait est que cette querelle est une histoire
de
fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maiso
338
ous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit
de
bâtir une maison, et deux partis sont en présence. Le premier dit : d
339
ient à construire un rez-de-chaussée, sans l’idée
d’
une maison. Que pensent alors les gens sensés ? Ils pensent qu’on ne b
340
guère. Ils pensent que les plans seuls permettent
de
commencer par les caves et le rez-de-chaussée, comme le veulent la ra
341
reproche qu’il faudrait donc leur adresser, c’est
de
n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de
342
donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie
de
fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfian
343
est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est
de
retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nati
344
vie de fonctionner, c’est de retarder l’action et
de
dissimuler leurs méfiances partisanes et nationales derrière un mot q
345
enfin soyons francs, voyons l’histoire récente :
d’
où viennent les « mesures pratiques » aujourd’hui discutées ? Qui veut
346
respect des autonomies ? Qui s’oppose à l’esprit
de
système, jacobin, stalinien, daltonien et totalitaire en fin de compt
347
n et totalitaire en fin de compte ? Qui a proposé
de
faire l’Europe en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’ar
348
ontreux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès
de
l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque
349
l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets
d’
utopie, à chaque fois qu’ils ont vu le jour ? Ceux qui refusent la con
350
le jour ? Ceux qui refusent la condition première
de
leur mise en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il est bien cl
351
clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque
de
l’Europe, à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan
352
échoueront. Je me déclare ici partisan convaincu
de
la méthode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthod
353
ode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe
de
la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare
354
ecte de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare
de
vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors
355
je me sépare de vous quand je me déclare partisan
de
sa mise en pratique. Et dès lors je me demande, Messieurs les députés
356
à faire, à Strasbourg, pour l’Europe. Vous venez
d’
émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spécialisées, pensa
357
ez bien voulu permettre aux États qui le désirent
de
nouer des ententes. L’intention vous honore. Mais les États souverain
358
tats souverains ne s’attendaient guère à recevoir
de
vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous
359
ndaient guère à recevoir de vous cette permission
de
rester souverains ou non ! Et surtout, vous le savez mieux que moi :
360
: le plan Schuman, l’armée européenne, les unions
de
paiements et tous les autres plans, ils se feront sans vous, vous leu
361
quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien gardés
de
l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline est au
362
lle se fera comme se font les tissus, les réseaux
de
résistance, les entreprises, les cultures, les grandes découvertes, l
363
us reste absolument qu’une chose à faire, qui est
de
ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédige
364
u’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher
de
se faire. Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa con
365
Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet
de
sa constitution. Vous êtes politiciens, députés et juristes. Fonction
366
fédérez, selon votre spécialité, dans les limites
de
votre autorité ! Sinon, nous serons tous, avant longtemps, satellisés
367
ns tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés.
De
Ferney-Voltaire, le 15 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la ba
368
décembre 1950. c. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
369
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 355. Publié également dans François Sain
370
Discours au congrès
de
Bombay (mars 1951)d Ce congrès est une manifestation culturelle, n
371
n culturelle, non pas politique. Il est important
de
le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a nié, ici même
372
rmées ont dit, ici et en Europe : — N’essayez pas
de
nous en faire accroire. Vous êtes tous des antistaliniens, donc votre
373
né à combattre la neutralité en général, et celle
de
l’Inde en particulier. Je vais m’expliquer très franchement sur ces t
374
ou des libéraux. Nous sommes contre toute espèce
de
totalitarisme, pour une raison très simple, d’ordre intellectuel et m
375
ce de totalitarisme, pour une raison très simple,
d’
ordre intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner l
376
e intellectuel et moral : parce que nous refusons
de
subordonner la culture à la politique, — à n’importe quelle politique
377
te quelle politique. La culture s’occupe des fins
de
la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens
378
La culture s’occupe des fins de la vie humaine et
de
son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réalise
379
la politique doit s’occuper des moyens pratiques
de
réaliser ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonne
380
er ces fins. C’est une grave faute de logique que
de
subordonner les fins aux moyens. C’est une grave faute pratique aussi
381
faute pratique aussi : parce que cela fait autant
de
mal aux fins qu’aux moyens. D’une part, la politique prise pour fin a
382
religions, en même temps qu’elle perd ses vertus
de
science pratique. D’autre part, dès que la culture est subordonnée à
383
ulture est subordonnée à la politique, elle cesse
d’
être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation me
384
née à la politique, elle cesse d’être une méthode
de
libération humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage
385
ment que nous pouvons perdre demain notre liberté
de
penser. J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis sou
386
jeunes et folles années, je me suis souvent moqué
de
cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde
387
is souvent moqué de cette expression : la liberté
de
la pensée. Je disais : rien au monde ne saurait nous en priver. Même
388
priver. Même en prison, l’homme garde la liberté
de
penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit qu
389
erté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on
de
lui garantir ce droit que personne ne pourrait lui ôter ? J’avais ent
390
, si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs
de
nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
391
s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir
de
penser ce qu’il nous plaît, les autres droits que nous aurons seront
392
litaire qui s’en empare. Ceux qui ont lu le livre
de
Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux
393
e livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien
de
quoi je parle ici. Ou ceux qui ont lu Darkness at Noon de Koestler, o
394
iologistes, qui prouvent qu’en pinçant le cerveau
d’
un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
395
pas seulement redécouvert, à la faveur des camps
de
concentration russes et des fours crématoires des nazis, la valeur pr
396
ours crématoires des nazis, la valeur primordiale
de
l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
397
l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit
de
chaque homme à son âme — habeas animam ! et nous pouvons le perdre. N
398
un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme
de
sa propre pensée. Je n’en veux pour preuve que la toute dernière paro
399
part donc la menace totalitaire contre la liberté
de
la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vi
400
e la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même
de
ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve
401
ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays
de
très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve qu’en fait
402
ve qu’en fait, le totalitarisme le plus dangereux
de
nos jours est le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie
403
ours est le stanilisme, variété la plus puissante
d’
une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangism
404
police politique, donc à corrompre la source même
de
notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. En secon
405
lairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique »
de
la même manière que les staliniens sont « pour la Russie ». Pour le s
406
a Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères
de
jugement intellectuels et artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt d
407
t confondu une fois pour toutes avec les intérêts
d’
une grande puissance bien définie. Pour le stalinien, le vrai égale l’
408
e être actuellement le défenseur le plus efficace
de
nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, un
409
our toutes, à tout ce que l’Amérique peut décider
de
faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la libe
410
sommes amis des Américains, mais plus encore amis
de
la vérité. Et nous ne confondons pas nos conclusions politiques actue
411
pour condamner la neutralité en général, et celle
de
l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une po
412
position extrêmement claire. Il me paraît capital
d’
établir une distinction nette entre la neutralité et le neutralisme. L
413
situations bien définies. C’est aux hommes d’État
d’
en juger. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juge
414
er. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures
de
ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne s
415
is raisons majeures de ne pas juger la neutralité
de
l’Inde : la première, c’est que je ne suis pas homme d’État ; la seco
416
je rentre dans mon domaine propre, qui est celui
de
la culture, je constate que la neutralité simplement n’y existe pas.
417
ralité simplement n’y existe pas. Créer, ou faire
de
la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque
418
ire de la critique, c’est exactement le contraire
de
rester neutre, puisque créer, c’est opérer des choix perpétuellement,
419
t la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister
de
neutralité intellectuelle, artistique, scientifique, ou morale. Il im
420
ralité temporaire dont les motifs sont en réalité
d’
ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de r
421
t politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas
de
raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général
422
e. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison
d’
approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’a
423
el, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus
de
condamner la neutralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de
424
tralité en général ; mais j’ai toutes les raisons
de
lutter contre le neutralisme moral. J’illustrerai ce point par une pe
425
un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide
de
rester neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. J
426
rès tout, soyons objectif ! Voyons les deux côtés
de
la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand faim, il a beauco
427
faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan
de
la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme parfait, il boi
428
ons lutter, je veux dire : — contre cette manière
de
mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle pol
429
tre cette manière de mettre la culture au service
de
la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même dém
430
de mettre la culture au service de la politique,
de
n’importe quelle politique, même neutre, et même démocratique : car d
431
Nous devons être ici non pas contre la neutralité
de
tel ou tel État — ce n’est pas notre affaire — mais contre le mensong
432
d ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise
de
parti politique en faveur des loups, par des moutons qui désirent sec
433
és. Nous devons être ici fidèles à notre vocation
d’
intellectuels : ce sera notre efficacité la plus certaine. Notre maniè
434
efficacité la plus certaine. Notre manière à nous
de
défendre la liberté, ce sera d’opérer avec rigueur les distinctions e
435
re manière à nous de défendre la liberté, ce sera
d’
opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessaires
436
s pour combattre la propagande des loups. Ce sera
de
nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même si
437
ret du mot liberté, même si nous ne faisions rien
d’
autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous
438
nous ne faisions rien d’autre en trois jours que
de
nous disputer librement sur ce sens, nous aurions réussi quelque chos
439
nous aurions démontré par le fait la réalité même
de
la liberté, réalité qui se manifeste au plus haut point dans la reche
440
ionnée du vrai. d. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
441
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 485. Il s’agit du discours prononcé à Bo
442
2e grande conférence internationale (après celle
de
juin 1950 à Berlin-Ouest) organisée du 28 au 31 mars 1951 par la bran
443
ar la branche indienne du Congrès pour la liberté
de
la culture, dont Rougemont est le président du comité exécutif. Des e
444
est le président du comité exécutif. Des extraits
de
ce discours ont été publiés dans Preuves et dans la brochure Les L
445
jugement courant un peu de vérité, mais beaucoup
d’
erreurs et encore plus d’ignorance des faits, c’est ce que je voudrais
446
de vérité, mais beaucoup d’erreurs et encore plus
d’
ignorance des faits, c’est ce que je voudrais vous faire voir, comme j
447
, pendant les six années que j’ai passées là-bas,
de
1941 à 1947. Je recommencerai ma description par l’extérieur, par ce
448
ent. On m’avait dit que je trouverais à Manhattan
de
pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
449
phants, et que c’était là le symbole bien visible
de
la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j
450
était là le symbole bien visible de la suprématie
de
la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j’ai vu cette viei
451
érique. Et en effet, j’ai vu cette vieille église
de
la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon d
452
ieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche
de
brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien fi
453
esse sa flèche de brique noircie au bas du canyon
de
Wall Street, et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’immen
454
et qui paraît bien finie et bien modeste au pied
d’
immenses parois luisantes des banques. Mais j’ai remarqué que les empl
455
j’ai remarqué que les employés et les directeurs
de
ces banques venaient nombreux aux offices célébrés chaque après-midi,
456
glican. Et puis, en remontant les grandes avenues
de
Manhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le l
457
anhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux
de
culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du go
458
ppé par le nombre des lieux de culte, par le luxe
de
leur architecture — généralement inspirée du gothique — et par la cir
459
e nos édifices religieux. La cathédrale anglicane
de
Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de gr
460
religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean,
de
l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine
461
Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet
d’
une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande c
462
l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline
de
granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande cathédrale du m
463
ont achevées. Allez maintenant dans les campagnes
de
la Nouvelle-Angleterre. Vous êtes accueilli à l’entrée des villages p
464
uhaitant la « bienvenue à tous » dans les églises
de
la localité. Dans un village d’un millier d’habitants, vous trouverez
465
dans les églises de la localité. Dans un village
d’
un millier d’habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de cult
466
ises de la localité. Dans un village d’un millier
d’
habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessi
467
habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux
de
culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dén
468
, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte
de
confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénomination
469
nfessions différentes, ou comme on le dit là-bas,
de
« dénominations » différentes : l’un baptiste, l’autre méthodiste, le
470
onces du journal et je lis par exemple : « Maison
de
6 pièces, confort, garage, métro, Église à proximité ». Je n’ai jamai
471
tro, Église à proximité ». Je n’ai jamais lu rien
de
pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quar
472
Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal
de
nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial.
473
un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide
de
quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. J
474
nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier,
d’
aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. Je lis en tête
475
servez votre privilège américain : allez au culte
de
votre paroisse ! » Et quand j’ouvre les énormes journaux du dimanche
476
ciales des paroisses (qui comprennent des séances
de
loto, des cinémas, et des soirées dansantes), annonces des services q
477
antes), annonces des services qui seront célébrés
de
6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » d
478
de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine
de
« dénominations » différentes. Comment expliquer cette présence si vi
479
pliquer cette présence si visible et si naturelle
de
la religion dans la vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse d
480
a vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse
de
l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter
481
aine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou
de
la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des É
482
s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou
de
la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des États-Unis pour en
483
s-Unis ont été peuplés par des groupes successifs
de
colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils
484
s groupes successifs de colons, la plupart exilés
d’
Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique
485
de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause
de
religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
486
venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
de
célébrer leur culte à leur manière et plus encore : la liberté de bât
487
culte à leur manière et plus encore : la liberté
de
bâtir une cité conforme à leurs doctrines morales et politiques. Et c
488
vique fut étroitement déterminée par la théologie
de
leurs églises diverses. Notons en passant que s’il y a tant de confes
489
ées des colons : un luthérien parce qu’il descend
d’
ancêtres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ancêtres holla
490
tres scandinaves ou allemand ; un réformé descend
d’
ancêtres hollandais, un presbytérien d’ancêtres anglais, un catholique
491
mé descend d’ancêtres hollandais, un presbytérien
d’
ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ancêtres italiens ou irlanda
492
ytérien d’ancêtres anglais, un catholique-romain,
d’
ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les
493
omain, d’ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi
de
suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se r
494
t ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions
de
protestants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dé
495
estants américains se répartissent en une dizaine
de
grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romai
496
grandes « dénominations » à côté des 23 millions
de
catholiques romains. Mais il me tarde d’en venir au rôle social que j
497
millions de catholiques romains. Mais il me tarde
d’
en venir au rôle social que joue la religion en Amérique. Le grand fai
498
que les États-Unis n’ont jamais pratiqué l’union
de
l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à l
499
Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et
de
l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à la vie publique
500
ociale, la religion en Amérique ne dépend en rien
de
pouvoirs, n’en reçoit pas d’argent, et garde donc une totale indépend
501
ue ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas
d’
argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de
502
s d’argent, et garde donc une totale indépendance
de
jugement à l’égard de la politique nationale. Il en résulte deux cons
503
ais connu, et ne peut pas connaître, le phénomène
de
l’anticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la c
504
alisme, ce douloureux problème hérité, en Europe,
de
la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parfaite
505
rés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence
de
l’indépendance des Églises en Amérique, c’est que ces Églises restent
506
Amérique, c’est que ces Églises restent en mesure
de
critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacit
507
de critiquer l’État et sa politique, avec autant
de
force et d’efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’
508
r l’État et sa politique, avec autant de force et
d’
efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’à l’origine
509
le. C’est ainsi qu’à l’origine et au premier rang
de
la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
510
er rang de la lutte contre l’esclavage des noirs,
de
la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lu
511
clavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
de
la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travail
512
ntre les taudis, de la lutte pour la prohibition,
de
la lutte pour les droits des travailleurs, du pacifisme militant, bre
513
its des travailleurs, du pacifisme militant, bref
de
toutes les grandes causes publiques aux États-Unis, vous trouverez un
514
m de leur Bible qu’un démagogue au nom des droits
d’
une classe. Il en résulte qu’on ne saurait surestimer la puissance des
515
méthodiste, la plus nombreuse, opposait à l’idée
de
guerre en général et au service militaire. Le peuple américain, duran
516
é. Il ne serait pas possible, aujourd’hui encore,
de
gouverner les États-Unis contre l’opinion des principales Églises. Le
517
lises protestantes, il a dû rapporter sa décision
de
nommer un ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’une parti
518
n ambassadeur au Vatican. De même la protestation
d’
une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a
519
otestation d’une partie du clergé contre l’emploi
de
la bombe atomique, en 1945, a joué un rôle important dans l’évolution
520
ué un rôle important dans l’évolution subséquente
de
la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que
521
itique américaine. Certes, un Européen sera tenté
de
juger que la religion en Amérique est une morale civique, plus qu’une
522
ique. L’Américain tend à ramener la foi au niveau
d’
un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu d
523
ricain tend à ramener la foi au niveau d’un idéal
de
vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans
524
au d’un idéal de vie « décente », et les mystères
de
l’au-delà jouent peu de rôle dans sa piété. Mais en retour, il nous f
525
quotidienne et dans la vie publique. Nos Églises
d’
Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais l
526
vie publique. Nos Églises d’Europe montrent plus
d’
exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines
527
d’Europe montrent plus d’exigence dans le domaine
de
la doctrine, mais les Églises américaines se font mieux entendre des
528
orale, comment choisir ? Le mieux, certes, serait
d’
échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réa
529
? Le mieux, certes, serait d’échanger les leçons
de
la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américain
530
ger les leçons de la rigueur européenne et celles
de
l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mutuelle plus e
531
ule conduire à cette synthèse qui serait le salut
de
l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
532
de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
533
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 1000.
534
récédent par son prestige et son ampleur, résulte
d’
une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout d
535
sulte d’une initiative du Congrès pour la liberté
de
la culture. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en est pas un,
536
quets et des résolutions finales rarement suivies
d’
effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’une organisation perm
537
d’effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas,
d’
une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans n
538
d’une organisation permanente et mondiale, dotée
de
secrétariats, dans nos grandes capitales, et groupant des artistes, d
539
s savants. Son but est simple : animer une action
de
résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des c
540
tion de résistance méthodique à toutes les formes
de
tyrannie des âmes, des corps et des esprits, que résume l’adjectif «
541
ts, que résume l’adjectif « totalitaire ». Hommes
de
gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protes
542
ume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche,
de
droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protestants ou ag
543
iques, protestants ou agnostiques, tous partisans
de
la liberté ; Européens, Américains ou Asiatiques, tous unis dans la v
544
éricains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté
de
sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fan
545
ques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme
de
cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’est en r
546
itaire. On nous a souvent dit : « C’est très bien
de
se défendre, mais la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soy
547
oyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile
de
répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la maladie, ils
548
rir. Le monde moderne étant menacé par une espèce
de
maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance d
549
pèce de maladie psychique, il convient avant tout
de
restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette co
550
t de restaurer la confiance du patient, son amour
de
la vie. Sans cette confiance en soi, sans cet élan, comment aimer la
551
ositive, apaisante et libératrice aux propagandes
de
dictatures. C’est cette réponse qu’espère donner l’exposition que nou
552
intitulée l’Œuvre du xx e siècle. Vaste panorama
de
la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
553
re du xx e siècle. Vaste panorama de la musique,
de
l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Str
554
cle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et
de
la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués
555
de la musique, de l’opéra et de la danse, allant
de
Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs o
556
éra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
de
Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe e
557
à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres
de
l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Marke
558
joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et
de
l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de no
559
es de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite
de
Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toi
560
de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter,
de
Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fame
561
us la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et
de
notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne e
562
nsermet. Exposition des toiles les plus fameuses,
de
Cézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’œuvres théâtrale
563
ézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations
d’
œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier gran
564
tions d’œuvres théâtrales, dont la première pièce
de
Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédi
565
ère pièce de Faulkner, le premier grand romancier
de
l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol
566
grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit
de
Lorca, le plus grand poète espagnol. Concerts, tableaux, statues, poè
567
rythmes et chœurs : avions-nous oublié ce peuple
de
beautés transfigurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’un
568
igurant sans les trahir les angoisses et l’espoir
d’
un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’est pas tout. Notre époque a cré
569
a créé tant de formes, inventé tant de styles et
de
techniques nouvelles, que le public s’essouffle à suivre cet essor. À
570
: si vous ne comprenez pas du premier coup l’art
de
l’époque, eh bien, c’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
571
’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
d’
un art, et c’est la preuve que nous sommes en pleine décadence. D’autr
572
, bien au contraire : — jamais on n’avait vu plus
d’
audace créatrice. Si vous ne comprenez pas le cubisme, les nouvelles h
573
ou Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine
d’
être attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les gran
574
t notre « art dégénéré » et lui opposent un idéal
de
photographies en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de pré
575
en couleurs, il faut savoir si nous avons raison
de
préférer la liberté et tous ses risques, ou si la discipline (sous pe
576
les meilleurs écrivains, critiques et philosophes
de
notre temps, à venir commenter dans des débats publics les tendances
577
rd, et cela au moment même où des moyens modernes
de
diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul co
578
oment même où des moyens modernes de diffusion et
de
publication lui permettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
579
s de diffusion et de publication lui permettaient
d’
atteindre d’un seul coup des millions d’hommes qui accèdent enfin à la
580
mettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
d’
hommes qui accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus i
581
à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus isolé
de
la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plu
582
lus isolé de la communauté des soucis et plaisirs
de
l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’un plus vaste pub
583
l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé
d’
un plus vaste public potentiel. La presse et la radio, le disque et le
584
ma et la télévision, sont-ils vraiment des moyens
de
culture, ou bien des servitudes intolérables, forçant l’artiste à tra
585
iance, ils triomphent partout. N’est-il pas temps
de
discuter franchement cette question d’intérêt général, de confronter
586
pas temps de discuter franchement cette question
d’
intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de recherc
587
ter franchement cette question d’intérêt général,
de
confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions n
588
néral, de confronter les expériences acquises, et
de
rechercher des solutions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité d
589
utions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité
de
l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à pr
590
vent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité
de
ses messages ? Le même problème se pose à propos de la révolte et de
591
e même problème se pose à propos de la révolte et
de
la communion nécessaire. Il est admis depuis cent cinquante ans que l
592
ne, sans des prophètes qui lui montrent les voies
de
son avenir, sans des conteurs qui lui décrivent sa réalité, sans des
593
alité, sans des poètes qui lui suggèrent les mots
de
l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste e
594
ui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage,
de
l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste et notre temps ? Comment
595
es et femmes qui représentent la pensée créatrice
de
l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qu
596
réatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise
d’
indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions
597
ise d’indiquer ceux des orateurs qui sont chargés
de
résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau :
598
teurs qui sont chargés de résumer les conclusions
de
ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce sont André Malraux, Wil
599
la fonction des « jeux séculaires », mainteneurs
de
la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation
600
on des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi
d’
une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son a
601
mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et
de
la confiance d’une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note
602
la foi d’une cité dans son âme et de la confiance
d’
une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note manuscrite indiq
603
sera W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
604
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 950.
605
grès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée
d’
une Europe fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits grou
606
tenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes
de
résistants l’entretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de H
607
tretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre
de
Hertenstein donna sa première expression non clandestine (mais à pein
608
destine (mais à peine publique !) à notre volonté
d’
union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes
609
e publique !) à notre volonté d’union. Le congrès
de
Montreux, un an plus tard, définit les principes fondamentaux d’une d
610
an plus tard, définit les principes fondamentaux
d’
une doctrine fédérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que fut pr
611
C’est à Montreux aussi que fut prise la décision
de
convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour
612
cision de convoquer à bref délai un vaste Congrès
de
l’Europe, ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives
613
utour du petit noyau fédéraliste les forces vives
de
nos pays : intellectuels, industriels, syndicalistes, et quelques bon
614
lques bonnes têtes politiques : ce fut le congrès
de
La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un s
615
ongrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois
de
mai 1948. La Haye fut un succès retentissant. Des débats et des décis
616
succès retentissant. Des débats et des décisions
de
ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’Europe à Bruges, le
617
e ce congrès sans précédent sont nés : le Collège
d’
Europe à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouveme
618
ulture à Genève, le Mouvement européen, le projet
d’
une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de
619
Charte européenne des droits de l’homme, et celui
d’
un Conseil de l’Europe. Ce furent les commissions constituées à La Hay
620
James, à Londres. Le 10 août 1949, dans la ville
de
Strasbourg pavoisée, les cloches saluaient l’inauguration du Conseil
621
ent. Au lieu de continuer sur sa lancée, l’effort
d’
intégration se divisa devant les résistances anglaise et scandinave. O
622
les résistances anglaise et scandinave. On essaya
de
tourner l’obstacle. Et l’on entra dans la période confuse des autorit
623
de confuse des autorités spécialisées, substituts
de
la fédération. Préparée dans l’ombre par Jean Monnet et son équipe, l
624
Monnet et son équipe, la Communauté du charbon et
de
l’acier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap de
625
cier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop
de
mal le cap des ratifications parlementaires. Pris par surprise, les d
626
ait, semble-t-il, à beaucoup. Mais la Communauté
de
défense, ou CED, touchant à des réalités plus passionnelles, devait r
627
nte des communistes, des nationalistes bornés, et
de
certains groupes économiques. Nous les voyons s’unir contre elle, en
628
ansports, après une brève apparition, ont disparu
de
la scène publique. Quant au projet d’Autorité politique, qui devait c
629
ont disparu de la scène publique. Quant au projet
d’
Autorité politique, qui devait couronner l’édifice — ou lui donner au
630
x gouvernements, il n’a même pas atteint le stade
de
mise en discussion par un seul parlement. L’évolution dont je viens d
631
je viens de retracer les étapes peut être résumée
de
deux manières très différentes, comme on va le voir. On peut parler d
632
différentes, comme on va le voir. On peut parler
d’
un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un
633
oir. On peut parler d’un départ en fanfare, suivi
de
succès rapides et frappants ; puis d’un ralentissement continuel, voi
634
fare, suivi de succès rapides et frappants ; puis
d’
un ralentissement continuel, voire d’un enlisement progressif, aboutis
635
pants ; puis d’un ralentissement continuel, voire
d’
un enlisement progressif, aboutissant à la crise présente, qui atteind
636
atteindra sa phase décisive à Paris, vers la fin
de
ce mois. On peut aussi rappeler qu’il y a six ans seulement, les pion
637
ppeler qu’il y a six ans seulement, les pionniers
de
la fédération considéraient comme un succès d’avoir pu faire passer u
638
rs de la fédération considéraient comme un succès
d’
avoir pu faire passer un « papier » sur l’Europe dans un journal faibl
639
sur l’Europe dans un journal faiblement convaincu
de
l’intérêt du public pour la question. Aujourd’hui, toute la presse ne
640
estion. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que
de
l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a
641
rd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe,
de
sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur
642
la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise,
de
la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur électorale. E
643
’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie »
d’
il y a six ans a pris valeur électorale. Elle met en jeu le sort de pl
644
aleur électorale. Elle met en jeu le sort de plus
d’
un ministère… Décadence fatale, ou progrès continu ? Les deux descript
645
nd public et la grande presse parlent aujourd’hui
de
l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements pa
646
d’État lucides et courageux et par les mouvements
de
militantsh. Mais ce n’est pas le grand public et la grande presse qui
647
vernants, comme le proposait M. Spaak. Il résulte
de
cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir v
648
ésulte de cette situation que tout le monde parle
de
l’Europe sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien sa
649
ue personne n’a lu le traité. Telle est la raison
de
la crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais
650
a crise qui affecte non seulement la construction
de
l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement fra
651
ent la construction de l’Europe, mais l’idée même
de
l’union nécessaire. Si le parlement français, demain, rejette la CED
652
émasculée, il portera un coup mortel au prestige
de
la France, plus encore qu’à l’Europe. Car pratiquement, il isolera la
653
ra la France dans une Europe livrée à l’expansion
de
l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’Amérique, et seule intére
654
ophe française réveille in extremis la conscience
de
l’Europe, et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’unio
655
ut salutaire. Peut-on construire l’union fédérale
de
l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet
656
e l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix
de
l’éducation des peuples en vue de cet acte historique ? Beaucoup de p
657
ducation et la culture étaient un luxe, une perte
de
temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’impasse. S’il aboutit,
658
, à l’échec dramatique, il faudra bien considérer
d’
urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l
659
bien considérer d’urgence l’autre méthode : celle
de
la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen ter
660
méthode : celle de la propagande éducative. Celle
de
l’action en profondeur, à moyen terme. Car derrière toutes les résist
661
rme. Car derrière toutes les résistances à l’idée
de
l’union européenne, à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a
662
, à l’Autorité politique commune, il y a le refus
de
considérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’Europe a perdu l
663
le ; et qu’elle n’est plus menacée par les uhlans
de
Bismarck, mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie
664
mais bien par l’empire communiste, par la révolte
de
l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suiv
665
pire communiste, par la révolte de l’Asie (demain
de
l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suivra, et par la pert
666
hyxie économique qui s’en suivra, et par la perte
de
son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réali
667
te de son indépendance. Derrière le refus obstiné
de
voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux e
668
iné de voir en face ces réalités, il y a cent ans
de
nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de
669
ités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et
de
mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont
670
iteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans
de
manuels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, ce
671
mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels
d’
histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de p
672
t ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et
d’
idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible qu
673
uels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie
de
la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de
674
t des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans
de
préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que
675
d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et
de
croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et
676
ans de préjugés et de croyance risible que chacun
de
nos pays vaut mieux que ses voisins et qu’il peut « s’en tirer » tout
677
et qu’il peut « s’en tirer » tout seul, cent ans
de
méfiances mutuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’un ver
678
utuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert
d’
un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre u
679
s l’enfance sous le couvert d’un vertueux « amour
de
la patrie ». Derrière les résistances à notre union, il y a donc, en
680
e contre-éducation, une inconscience, une inertie
de
l’esprit. Tel étant le premier et le plus grand obstacle, la seule po
681
itico-nationalistes est morte ? Vive notre chance
de
commencer l’Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un ta
682
Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
683
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’une conférence donnée p
684
re de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit
d’
une conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’Alpbach, auque
685
conférence donnée par Rougemont au Forum européen
d’
Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir auss
686
d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois
d’
août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé sous l’identifiant 529, qu
687
servé sous l’identifiant 529, qui donne le résumé
de
cette conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les m
688
tte conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge
de
« et par les mouvement de militants ».
689
manuscrit dans la marge de « et par les mouvement
de
militants ».
690
L’avenir
de
la liberté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter q
691
berté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel
de
souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusions concrètes »,
692
une manifestation, mais plutôt comme un séminaire
de
recherche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’action ou de p
693
herche. Elle ne vise pas à dégager des directives
d’
action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qu
694
ne vise pas à dégager des directives d’action ou
de
propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qui empoisonne
695
polémiques, puis à poser les vraies alternatives
de
la liberté dans ce siècle. Dans quelle mesure avons-nous réussi ? Po
696
ablement élucidés. Dans ce domaine, la conférence
de
Milan représente un progrès considérable. Mais dans le domaine philos
697
uestion qui dépasse sans nul doute l’objet précis
de
nos travaux. Une question que nous ne pouvions discuter — car on ne p
698
ne pouvions discuter — car on ne peut pas parler
de
tout à propos de n’importe quoi, c’est entendu — mais qui n’en subsis
699
laire à la fois les limites et l’horizon lointain
de
nos efforts. C’est cette question que je voudrais évoquer à l’aide de
700
s que je vais vous soumettre. On a cité, au début
de
nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance s
701
e. On a cité, au début de nos travaux, une pensée
de
Georges Bernanos dont voici la substance sinon la forme exacte : Quel
702
les que soient vos institutions, vous n’aurez pas
de
liberté si vous n’avez pas des hommes libres ! Avouons que cette phr
703
libres ! Avouons que cette phrase ne manque pas
d’
ironie au terme d’un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de
704
que cette phrase ne manque pas d’ironie au terme
d’
un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en f
705
un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse
de
travail — il en faut bien — que les meilleures institutions économiqu
706
conomiques correspondent aux meilleures garanties
de
liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent éto
707
ures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que
de
mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’en résulte p
708
vent étouffer la liberté, il n’en résulte pas que
de
bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour d
709
que de bonnes institutions créent automatiquement
de
la liberté. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simp
710
é. Ceci pour deux raisons dont la première relève
de
la simple logique. En effet, la liberté ne peut pas résulter nécessai
711
t, la liberté ne peut pas résulter nécessairement
d’
une situation quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix p
712
ion quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus
de
choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est c
713
aurait plus de choix possible, et par suite, pas
de
liberté. La seconde raison est celle qu’indiquait Bernanos : c’est qu
714
réer ces hommes libres sans lesquels il n’y a pas
de
liberté vivante. Mais alors, si les institutions ne peuvent pas crée
715
irais soulever. Notre congrès ne se proposait pas
de
la discuter : il avait d’autres buts précis. Mais elle se pose en fai
716
— admettons-le — et l’une des plus fondamentales
de
notre temps : comment fait-on pour créer des hommes libres ? Je lis d
717
créer des hommes libres ? Je lis dans le rapport
d’
un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté
718
r des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’un
de
nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit
719
libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis
de
l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit s’appuyer d’
720
ur doivent puiser leur courage dans une tradition
d’
indépendance individuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’in
721
ividuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions
d’
indépendance individuelle vivons-nous actuellement dans le monde libre
722
laration des droits de l’homme définit la liberté
de
l’individu comme totale, et n’admettant d’autres limites que celles p
723
d’autres limites que celles posées par la liberté
d’
autrui. Il s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée
724
es posées par la liberté d’autrui. Il s’agit donc
d’
une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée dans son expansion natur
725
ux sans cesse multipliés et précisés, une liberté
de
cette nature conduit nécessairement à des conflits amers, à des incid
726
essairement à des conflits amers, à des incidents
de
frontière quotidiennement renouvelés, et trop souvent enfin, au triom
727
ouvelés, et trop souvent enfin, au triomphe légal
de
la liberté du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liber
728
té du plus fort ? Mais il existe une autre source
de
la liberté des personnes, une autre tradition bien plus ancienne et p
729
n’est pas seulement un droit, mais l’essence même
de
l’homme en tant qu’humain. Dans la mesure où j’y crois, les autres ho
730
ontre et se manifeste avant tout dans l’acte même
d’
aider les autres à devenir libres. Cette tradition est celle des plus
731
tte tradition est celle des plus hautes religions
de
nos différents continents. En elle peuvent communier l’hindou et le b
732
t c’est elle qui inspire à l’esprit cette passion
de
se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule cré
733
ui inspire à l’esprit cette passion de se libérer
de
soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes
734
esprit cette passion de se libérer de soi-même et
de
ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes libres. C’est e
735
ifier la plus radicale résistance aux prétentions
de
l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’une réalité transc
736
l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence
d’
une réalité transcendante à la société, au mouvement dialectique de l’
737
nscendante à la société, au mouvement dialectique
de
l’Histoire et à la raison d’État, elle pose, du même coup, une possib
738
ouvement dialectique de l’Histoire et à la raison
d’
État, elle pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours c
739
d’État, elle pose, du même coup, une possibilité
d’
appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de
740
le pose, du même coup, une possibilité d’appel et
de
recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire
741
sibilité d’appel et de recours contre les décrets
de
l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au
742
appel et de recours contre les décrets de l’État,
de
la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcenda
743
s contre les décrets de l’État, de la société, et
de
l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcendant constitue à mes
744
e la société, et de l’Histoire. Cette possibilité
d’
appel au transcendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la l
745
scendant constitue à mes yeux la suprême garantie
de
la liberté individuelle dans notre temps. Qu’on ne pense pas pour aut
746
pense pas pour autant, que je propose au Congrès
d’
annexer le Bon Dieu à sa cause ! Qu’on ne pense pas non plus que je pr
747
é plus ou moins idéalisé. Je n’ai pas l’intention
de
justifier les bûchers et les persécutions. Je ne suis pas non plus l’
748
es persécutions. Je ne suis pas non plus l’avocat
d’
une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au c
749
ne suis pas non plus l’avocat d’une sacralisation
de
la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudra
750
ocat d’une sacralisation de la société ni surtout
de
la vie politique, — au contraire ! Je voudrais constater simplement l
751
rais constater simplement l’un des faits capitaux
de
notre époque : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quel
752
: nous assistons à la renaissance intellectuelle
de
quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en
753
uelle de quelques-unes des plus grandes religions
de
l’humanité, en Asie et en Occident, et cela au moment précis où se dr
754
ent rationaliste, mais dont l’appel, en fait, est
de
nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous ser
755
mili-religieuse. Je dis que nous serions insensés
de
ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces vraiment re
756
utte commune, des forces vraiment religieuses, et
de
cette foi qui permet seule aux hommes un recours radical, je le répèt
757
u gouvernement des esprits. Nous serions insensés
de
ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des in
758
esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et
de
ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des incroyants, que l’ave
759
même si nous sommes des incroyants, que l’avenir
de
la liberté, s’il dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de c
760
l dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi
de
ce qui forme et qui inspire la conviction la plus profonde des hommes
761
conviction la plus profonde des hommes. L’avenir
de
la liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud no
762
a liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir
de
ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèren
763
à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion,
de
ce que les communistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de
764
une illusion, de ce que les communistes tentèrent
d’
éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce q
765
nistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant
de
confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orienta
766
entent maintenant de confisquer à leur profit, et
de
ce que beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux, tiennent pour
767
ennent pour la forme originelle et le but suprême
de
la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libre
768
orme originelle et le but suprême de la recherche
de
la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libres. Un dernier m
769
ra libres. Un dernier mot. Parmi les combattants
de
la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meill
770
es combattants de la liberté, et je parle surtout
de
l’Occident, beaucoup, et des meilleurs, se déclarent incroyants. Cela
771
oyants. Cela ne signifie pas qu’ils soient sortis
de
l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité d
772
ctuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité
de
ses structures mentales et des attitudes affectives élaborées par tan
773
ttitudes affectives élaborées par tant de siècles
de
pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-
774
ctives élaborées par tant de siècles de pensée et
de
foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-chrétienne. L
775
déo-helléno-chrétienne. L’appel aux sources vives
de
cette grande tradition ne saurait constituer à leurs yeux un danger d
776
tion ne saurait constituer à leurs yeux un danger
de
« réaction » quelconque. C’est en fait un appel à la passion première
777
emière qui a porté, avant toute raison, les élans
de
la liberté. Face aux totalitaires, dans le dialogue qu’ils nous offre
778
ogue qu’ils nous offrent (ou feignent en tout cas
de
nous offrir) et que nous devons accepter avec confiance, — cette pass
779
rte que tous les arguments. Certes, les arguments
de
la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et no
780
arguments. Certes, les arguments de la raison et
de
la science nous sont absolument indispensables, et nous n’en manquero
781
e en est morte. i. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
782
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, l
783
tel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours
de
clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Ave
784
cours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955,
de
la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les
785
7 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir
de
la liberté », tenue à Milan pour les cinq ans du Congrès pour la libe
786
ilan pour les cinq ans du Congrès pour la liberté
de
la culture. On a intégré sans signalement les quelques corrections ma
787
Le vrai sens
de
nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœu
788
rai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début
de
l’an nous échangeons des vœux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quan
789
d’hui. Quels sont vos souhaits ? Qu’attendez-vous
de
l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous êtes sincères — : la san
790
vous êtes sincères — : la santé, une augmentation
de
salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voitu
791
ation de salaire, un enfant de plus peut-être, et
de
quoi l’éduquer, une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de
792
une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste
de
télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? P
793
de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations
de
la vie courante ? Parce qu’on désire mieux vivre, c’est bien clair. M
794
une voiture, un jardin, des vacances, et un poste
de
télévision. Cercle vicieux. Vous êtes sincères. Et cependant je ne vo
795
t je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fond
de
vous-mêmes. Car vivre mieux, c’est beaucoup plus que cela. C’est bien
796
econnais. C’est sans doute un mystère pour chacun
de
nous, et pourtant nous essayons tous… Il y a des hommes, je le sais e
797
je le sais et vous en connaissez, pour qui le but
de
la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition
798
nnaissez, pour qui le but de la vie est seulement
de
survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat, qu’un mousti
799
st seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus
d’
ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme
800
d’ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver
de
terre. Mais l’homme digne du nom d’humain cherche autre chose. Il att
801
que ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom
d’
humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de n
802
ne du nom d’humain cherche autre chose. Il attend
de
son avenir quelque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui soit m
803
qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus
de
joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime.
804
à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus
de
facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-mêm
805
de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus
de
confiance en soi-même. Ainsi nous cherchons tous. Mais si l’on nous d
806
n nous demandait : que cherches-tu, qu’attends-tu
de
la vie ? Peu, très peu d’entre nous sauraient répondre. C’est pourquo
807
matérialistes ». Or, on n’aime guère être traité
de
matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’es
808
te dans le vague, un peu honteux… C’est très bien
de
condamner, avec tous les pasteurs et les curés, le « matérialisme env
809
nstincts à satisfaire. Et c’est le fameux progrès
de
la civilisation qui multiplie sans relâche autour de nous les objets
810
re bonheur… Peut-on se forcer à n’avoir pas envie
de
toutes ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine,
811
s ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire
de
la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confi
812
nc l’histoire de la baleine, une vieille histoire
de
la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il
813
e la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain
de
l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans un
814
écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent
de
morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
815
l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux
de
pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la balei
816
souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre
de
bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une
817
, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
de
la baleine Il y avait une fois une grande baleine que les habitan
818
ce publique, on lui apporta des quantités énormes
de
nourriture, elle mangea tout, et dit qu’elle avait encore faim, aussi
819
veux Dieu ! Cette légende marque le but extrême
de
toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La b
820
le but extrême de toute la recherche des hommes,
de
leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la répons
821
e toute la recherche des hommes, de leurs vœux et
de
leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la réponse globale et fina
822
inale. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà
de
toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce
823
tisfaction partielle, précise, concrète : au-delà
de
tout ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoi
824
ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même
de
notre angoisse fondamentale devant la vie, le monde et l’inconnu. Et
825
ouche, et par suite, trop préoccupés du voisin et
de
son jugement. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neut
826
it que nous sommes neutres. Saisissons l’occasion
de
le répéter ici : la neutralité militaire ne doit jamais se traduire p
827
p mesquins. Ah ! ce n’est pas le rouge du sang et
de
la violence qui figure notre tentation ! Ce n’est pas le rouge, c’est
828
pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes
de
l’Occident — nous autres Suisses déjà trop bien nourris, à ce qu’il p
829
, mais pour nous, ce doit être une vocation. Mais
de
quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la gra
830
quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle
de
la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais
831
m parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim
de
la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais comblée pa
832
Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas
d’
une faim qui ne serait jamais comblée par des nourritures abondantes,
833
comblée par des nourritures abondantes, mais bien
d’
une faim qui, même comblée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-d
834
ée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-delà
de
toutes les choses, physiques, matérielles et charnelles, à travers el
835
ge : la joie, la liberté, la plénitude du sens et
de
l’amour, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc
836
toujours plus ! On peut le croire jusqu’au terme
de
l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui
837
t le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout
d’
un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec
838
e de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens
de
cette énorme faim qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de t
839
im qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier
de
toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits.
840
le sens dernier de toutes nos faims, le but final
de
tous nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’essayer — tou
841
nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus
d’
essayer — toujours en vain — d’être un peu moins matérialiste. Bien au
842
Il ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain —
d’
être un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de compre
843
moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit
de
comprendre vers quoi tendent en réalité nos désirs jamais satisfaits.
844
n réalité nos désirs jamais satisfaits. Il s’agit
de
ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir
845
s. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence
de
nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vra
846
s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et
de
vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoi
847
uloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme
de
toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un ho
848
u’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et
de
chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose q
849
erme de toute l’histoire des hommes et de chacune
de
nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule
850
de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend
de
sa vie autre chose que sa seule subsistance ou durée, un peu plus, si
851
je dis qu’il attend tout, et qu’il n’a pas raison
d’
attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer.
852
end tout, et qu’il n’a pas raison d’attendre rien
de
moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer. Supposons qu’il
853
se l’avouer. Supposons qu’il se souhaite un poste
de
radio. « Un poste est un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’e
854
ne pas me raconter des histoires — cette histoire
de
baleine, par exemple ! — pour me faire croire que je ne sais pas ce q
855
ut, ce n’est qu’une caisse en bois avec des bouts
de
métal dedans. Ce que notre homme veut donc vraiment, c’est ce qui pas
856
u travers : nouvelles, musique, chansons — autant
d’
ouvertures sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’opposer, s
857
es sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse
d’
opposer, sans profit pour personne, je le crains, la vilain matérialis
858
ste et le bon idéaliste, comme s’il s’agissait là
de
deux espèces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux ty
859
éaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces
d’
animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Ét
860
ces d’animaux totalement différents. Or il s’agit
de
deux types d’hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’
861
totalement différents. Or il s’agit de deux types
d’
hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent ré
862
il veut, mais paraît oublier les moyens matériels
de
l’obtenir, car sans la caisse et le prix qu’elle coûte, il n’aurait p
863
ose, qui n’est même pas une chose, et qui n’a pas
de
nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de
864
, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but
de
tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plu
865
le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus
de
sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu
866
e tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus
de
vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-un
867
uloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus
de
vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nomm
868
de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus
de
joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nommer ainsi. Mai
869
assister aux plus extraordinaires transformations
de
la vie que l’espèce humaine aura jamais connues. La science va nous d
870
nues. La science va nous donner des moyens inouïs
de
maîtriser la nature et la matière. Énergie nucléaire sans limites ; é
871
oniques remplaçant l’homme ; culture artificielle
de
la chlorella, cette algue minuscule qu’on trouve dans toutes les mers
872
toutes les mers, lacs, marais et simples flaques
d’
eau, et dont on peut tirer une nourriture complète, pour des dizaines
873
tirer une nourriture complète, pour des dizaines
de
millions d’hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se ré
874
ourriture complète, pour des dizaines de millions
d’
hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se réaliser, nous
875
n, pourra se voir délivré du travail mécanique et
de
ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économist
876
ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve :
de
grands économistes ont calculé que les quantités énormes d’énergie, m
877
économistes ont calculé que les quantités énormes
d’
énergie, mises à notre disposition grâce aux plus récentes découvertes
878
ntes découvertes, permettraient par an le travail
d’
un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénét
879
ravail d’un homme à l’usine. Ainsi, l’application
de
milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir
880
homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers
d’
esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peu
881
tion de milliers d’esprits à pénétrer les secrets
de
la matière doit aboutir un jour, peut-être assez prochain, à nous lib
882
un jour, peut-être assez prochain, à nous libérer
de
la matière. Alors, la faim des hommes, physiquement rassasiée, pourra
883
re, deviendront le grand problème et le principal
de
la vie. Ceci n’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera
884
iècle. Nous voulons tous la paix, nous avons faim
de
paix, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime
885
x, et la paix est le vœu que le plus grand nombre
d’
hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous fau
886
lus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit
de
la Saint-Sylvestre. Mais il nous faut vouloir les conditions pratique
887
ais il nous faut vouloir les conditions pratiques
de
ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la pr
888
s de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une
de
ces conditions, la principale peut-être, pour prévenir le conflit lat
889
re, pour prévenir le conflit latent entre le bloc
de
l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe
890
l’Est et le bloc américain, c’est la constitution
d’
une grande Europe unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensi
891
s difficile à réaliser, mais qui est la condition
d’
un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi les Suisses se di
892
n’en faisons pas moins partie du genre humain, et
de
l’Europe. Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la
893
ent pourrions-nous rester neutres entre le danger
de
la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à
894
eutres entre le danger de la guerre et les moyens
de
la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à des souhaits un peu courts
895
s souhaits un peu courts, et par là-même indignes
de
nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’Europe se fera quand
896
s derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion
de
voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élar
897
qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand,
de
voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon d
898
cette rare occasion de voir grand, de voir loin,
de
dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’es
899
oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon
de
demain. C’est la grâce que je vous souhaite ! (Et pensez quelquefois
900
te ! (Et pensez quelquefois à ma baleine, au long
de
cette année qui s’ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret d
901
ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret
de
cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conse
902
cet article.) j. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
903
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte
904
ar Max Beloff (21 février 1957)k Il m’arrivait
de
penser, durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobr
905
durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés
de
l’Aldobrandini, autour des tapis verts du Conseil de l’Europe, que le
906
tapis verts du Conseil de l’Europe, que le métier
d’
un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contr
907
Conseil de l’Europe, que le métier d’un président
de
séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écou
908
ssi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature
d’
écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands su
909
t contre nature d’écouter tout ce que disent tant
d’
éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrête
910
er tout ce que disent tant d’éminents esprits sur
de
si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrêter pour réfléchir ou réa
911
léchir ou réagir à leur propos, ni jamais changer
de
place pour aller prendre à part celui qui vient de vous combler d’ais
912
er prendre à part celui qui vient de vous combler
d’
aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enre
913
à part celui qui vient de vous combler d’aise ou
de
vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enregistrer me
914
s faire si poliment souffrir. Il est plus amusant
d’
enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer l
915
trer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et
de
supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c
916
n orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons
de
ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l
917
ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est
de
prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de
918
c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire,
de
l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu
919
un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et
de
comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu’on l’attendait dire. Si j’
920
beaucoup appris à ce jeu-là — moins pourtant que
de
la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux gr
921
is à ce jeu-là — moins pourtant que de la science
d’
illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’
922
ant que de la science d’illustres spécialistes et
de
la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’
923
e d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue
de
deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome e
924
s hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience
de
Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Aya
925
État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et
de
Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de
926
e de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim
d’
Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que ce
927
issé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi
de
près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le cho
928
suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui
de
suggérer des noms — le choix final étant du ressort des gouvernements
929
étant du ressort des gouvernements) l’élaboration
de
la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une gra
930
sort des gouvernements) l’élaboration de la liste
de
quelque trente participants, voyant qu’y figurait une grande majorité
931
cipants, voyant qu’y figurait une grande majorité
d’
Européistes convaincus et chevronnés, je pouvais et devais m’attendre
932
et devais m’attendre que chacun apporte à l’envi
de
nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture
933
à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations
de
cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettai
934
s et frappantes illustrations de cette communauté
de
culture qui était notre thème général. Je guettais, le crayon lové, l
935
ses, sages ou hardies, qui n’allaient pas manquer
de
fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de consci
936
s ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser
de
tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de conscience de c
937
dant à provoquer cette grande prise de conscience
de
ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sa
938
de prise de conscience de ce qui nous est commun,
de
ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illust
939
ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé,
de
ce qu’il faut sans délai défendre et illustrer par l’union des esprit
940
rer par l’union des esprits les plus divers, bref
de
ce qu’on nomme « l’idée européenne ». Tout autre chose se produisit.
941
t autre chose se produisit. Était-ce par scrupule
de
savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre a
942
uisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux
de
faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande
943
voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire,
de
propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de renc
944
ssait pas, dans notre affaire, de propagande mais
de
science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous
945
ais de science ; était-ce l’atmosphère officielle
de
rencontres placées sous le signe du prudent Conseil de l’Europe ; ou
946
; ou enfin le désir très sensible, à Strasbourg,
de
serrer de plus près les « généralités » largement formulées à Rome, j
947
plupart de ces « Européens », pourtant partisans
de
l’union, et chargés d’en examiner la base la plus ferme à mon sens —
948
éens », pourtant partisans de l’union, et chargés
d’
en examiner la base la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de c
949
ase la plus ferme à mon sens — notre fonds commun
de
culture — , multipliaient les objections, d’ailleurs valables, les re
950
tiques, les mises en garde contre les « mystiques
de
l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et
951
les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient
de
respecter nos valeurs nationales et locales, qui leur paraissaient le
952
saient tantôt avec ferveur, tantôt avec une sorte
d’
irritation morale à l’endroit de ceux — je ne sais lesquels d’ailleurs
953
uhaitable dans les autres domaines, n’avait guère
de
sens dans le leur, et que les mesures proposées étaient au moins prém
954
r, et l’on se demandait en effet, si l’expression
de
culture européenne correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu
955
it vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan
de
primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus européen que ces dou
956
n que ces doutes et ce scepticisme, cette manière
de
se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister s
957
icisme, cette manière de se remettre en question,
de
se distancer du lieu commun, d’insister sur ce qui diffère. Rien de p
958
ttre en question, de se distancer du lieu commun,
d’
insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’une civilisation q
959
insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique
d’
une civilisation qui n’a pas développé par hasard les notions parallèl
960
a pas développé par hasard les notions parallèles
d’
originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont tou
961
ar hasard les notions parallèles d’originalité et
de
caractère national, et dont les bons esprits ont toujours cultivé une
962
les bons esprits ont toujours cultivé une espèce
de
passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel,
963
sprits ont toujours cultivé une espèce de passion
de
différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel, quitte à né
964
s communes qu’il s’agissait précisément pour nous
de
dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète,
965
u’il s’agissait précisément pour nous de dégager,
de
souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle
966
t précisément pour nous de dégager, de souligner,
de
dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l
967
lus européen, je le répète, qu’une telle attitude
de
l’esprit. Mais ceux qui l’adoptaient se rendaient-ils bien compte qu’
968
t-ils bien compte qu’ils illustraient par là l’un
de
ces grands traits communs qu’ils étaient occupés à mettre en doute ?
969
u’ils étaient occupés à mettre en doute ? Le goût
de
différer n’est-il pas justement ce que l’immense majorité des hommes
970
as justement ce que l’immense majorité des hommes
d’
Europe ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non s
971
qui les distingue, à première vue, non seulement
de
l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ?
972
t de l’homme soviétique mais du sage asiatique et
de
l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette d
973
asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin
de
nos entretiens, je notai cette définition : l’Européen ne serait-il p
974
ul fait qu’il le conteste ? Je suggère au lecteur
de
se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisa
975
te ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois
de
cette définition à peine impertinente, en lisant les chapitres qui su
976
qui suivent : son sourire me donnera raison. ⁂ Né
de
ces circonstances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une m
977
re me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances —
de
Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une manière simplifiée — le
978
ances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire
d’
une manière simplifiée — le bel et dense ouvrage que l’on va lire port
979
que l’on va lire porte les marques très sensibles
de
l’humeur jalousement objective qui prévalent dans nos derniers débats
980
alent dans nos derniers débats, et du tempérament
de
l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin d
981
t du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara
d’
entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mys
982
érament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée
de
jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mysticisme e
983
« mysticisme européen » : il s’agissait en somme
de
le convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis en
984
agissait en somme de le convaincre que les termes
d’
Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. No
985
n somme de le convaincre que les termes d’Europe,
d’
union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes a
986
e convaincre que les termes d’Europe, d’union, et
de
culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes assez sportif
987
se. Nous fûmes assez sportifs pour nous féliciter
d’
un tel challenge, et l’on va voir, je crois que nous n’eûmes pas tort.
988
opéen », bien au contraire ! Plutôt un parti pris
de
ne céder jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admet
989
jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et
de
n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’union qu’elle permet,
990
de n’admettre l’unité européenne, et les mesures
d’
union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D
991
n qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen
de
les éviter. D’où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurai
992
t, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter.
D’
où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’au
993
une force convaincante qu’on ne saurait attendre
d’
aucune prédication. On s’adresse au vaste public des hésitants et des
994
c des hésitants et des méfiants : on n’essaye pas
de
les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les
995
et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser,
de
les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgr
996
de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment,
de
les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leu
997
ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni
de
les duper « pour leur bien ». On leur présente un dossier sobre et dé
998
r sobre et détaillé, et l’on est sûr par le souci
de
ne négliger aucune des objections possibles, loin de vouloir les mini
999
possibles, loin de vouloir les minimiser ou même
d’
y répondre à tout prix. Quant au lecteur qui ne partagerait pas certai
1000
eur qui ne partagerait pas certains des jugements
de
l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne
1001
gements de l’auteur, il trouvera dans cette somme
de
quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œ
1002
ette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas
de
meilleur éloge à faire d’une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me
1003
tifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire
d’
une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’agiter ma sonne
1004
œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette
d’
agiter ma sonnette une dernière fois : je voudrais dire ici ce que je
1005
e je n’ai pas pu dire, pas pu défendre avec assez
de
partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénonc
1006
avec assez de partialité pendant les dix journées
de
nos débats. Je voudrais dénoncer les chicanes inutiles et les objecti
1007
s que multiplient les adversaires, avoués ou non,
de
notre union, partisans d’un nationalisme qui se déguise souvent en mo
1008
rsaires, avoués ou non, de notre union, partisans
d’
un nationalisme qui se déguise souvent en mondialisme. Ce faisant, je
1009
ialisme. Ce faisant, je penserai moins aux débats
de
Strasbourg qu’aux écrits et discours qui nourrissent aujourd’hui la p
1010
Europe et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit
de
s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
1011
« l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner
de
l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
1012
n’importe quelle direction pour sentir la réalité
de
notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
1013
e direction pour sentir la réalité de notre unité
de
culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
1014
x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà
de
tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
1015
e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas
de
meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
1016
uve pas de meilleure que cette fameuse communauté
de
culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
1017
sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment,
de
l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
1018
ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire
de
la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
1019
de la haine, plus souvent je le crains, que celle
de
l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
1020
commune. On me dira qu’il est bien « dangereux »
d’
écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
1021
’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux
de
vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
1022
que ceux des Européens qui insistent avec le plus
d’
emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
1023
avec le plus d’emphase sur la nature universelle
de
nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
1024
a nature universelle de nos problèmes, et partant
de
là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
1025
siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas
de
différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
1026
pas de différences bien notables (dans le domaine
de
leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
1027
e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait
d’
insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
1028
ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement
de
ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
1029
trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire
de
l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes
1030
union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là
de
politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
1031
(Je ne parle pas là de politique, mais seulement
de
formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argu
1032
rle pas là de politique, mais seulement de formes
d’
esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des c
1033
e politique, mais seulement de formes d’esprit et
de
mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes sé
1034
ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes
d’
évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, invo
1035
s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union
de
l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
1036
’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et
de
l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
1037
gument, précisément, n’est pas soutenable au plan
de
la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
1038
n de la nation. Comment le serait-il donc au plan
de
l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et
1039
ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que
de
géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
1040
édois et Grecs (pour ne parler que de géographie,
d’
histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
1041
e parler que de géographie, d’histoire récente et
de
modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
1042
ent toute union politique, et font douter d’abord
de
l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. L
1043
nion politique, et font douter d’abord de l’unité
de
culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. Les différen
1044
ne assise à cette union. Mais 1°. Les différences
de
langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
1045
cette union. Mais 1°. Les différences de langue,
de
religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
1046
Mais 1°. Les différences de langue, de religion,
de
« race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
1047
différences de langue, de religion, de « race »,
de
coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
1048
langue, de religion, de « race », de coutumes et
de
niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
1049
rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques
de
l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
1050
tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants
de
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
1051
Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale
de
la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas
1052
pas empêché l’unification nationale de la France,
de
l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette
1053
ification nationale de la France, de l’Allemagne,
de
l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette unification, d’
1054
supprimé ces différences. (Encore que les écoles
d’
État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
1055
s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien
de
pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
1056
e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil
d’
un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
1057
européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union
de
l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
1058
l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute
de
cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
1059
alement imaginaires, comme le prouve l’expérience
de
la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
1060
, et malgré tout ce qu’il serait tellement facile
de
dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
1061
-plan millénaire sur lequel se détache la dignité
de
l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
1062
el se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité
de
publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
1063
et historique, car ses frontières n’ont pas cessé
de
se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
1064
re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas
d’
Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
1065
udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre
d’
union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
1066
t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a
de
sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
1067
. Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet
d’
un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
1068
ues devient chez les écrivains libres une méthode
d’
obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
1069
’obstruction, consciente ou non. Le « préalable »
d’
une définition historique et géographique, occasion de discours permet
1070
e définition historique et géographique, occasion
de
discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
1071
et géographique, occasion de discours permettant
de
surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
1072
ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat
de
l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
1073
valent du procédé parlementaire connu sous le nom
de
filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
1074
ous les yeux pendant que j’écris2. Bien qu’auteur
d’
une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
1075
ndant que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire
de
l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
1076
oulu que l’Empire romain fût une première ébauche
de
l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
1077
es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance
de
l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne
1078
du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date
de
naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
1079
e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter
de
l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
1080
e raisonnement conduirait à douter de l’existence
de
la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
1081
lliance « excluait » à peu près les neuf dixièmes
de
la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe-Auguste « e
1082
ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France
d’
avant Philippe-Auguste « excluait » la Bretagne, l’Alsace, le Languedo
1083
re correspondre au réel, car il s’agit maintenant
de
sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
1084
l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas
d’
ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
1085
r sur sa définition. En privant le concept Europe
de
son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
1086
le concept Europe de son passé, on ne tend à rien
de
moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
1087
ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté
de
sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
1088
a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance
de
l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
1089
affrontent inutilement je le crains, car il en va
d’
une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
1090
nt je le crains, car il en va d’une civilisation,
d’
une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
1091
l en va d’une civilisation, d’une culture et même
d’
une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
1092
ne culture et même d’une nation, à peu près comme
d’
une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
1093
à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née
de
ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
1094
an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou
de
cette heure où fut écrite la première page, posée la première touche,
1095
mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt
de
l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
1096
noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant
d’
une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
1097
chemin du travail entrepris, qui a soudain changé
de
sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
1098
ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on
de
l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
1099
epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il
d’
une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
1100
e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention
de
Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
1101
invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes
de
notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
1102
s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue
de
Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
1103
peu connue de Beethoven, composée pour le congrès
de
Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
1104
et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus
de
leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus an
1105
de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est
d’
un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lendema
1106
en : il paraît pour la première fois au lendemain
de
la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
1107
pour la première fois au lendemain de la bataille
de
Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
1108
ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre
d’
un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
1109
œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique
d’
Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
1110
chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie
d’
Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
1111
. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs
de
ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
1112
pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil
d’
un sentiment nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’une entit
1113
ent nouveau »3. Cependant, la prise de conscience
d’
une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
1114
s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes
de
l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
1115
encore plus important) ils étaient le témoignage
de
l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
1116
anistes commencent à distinguer les deux concepts
de
Christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
1117
distinguer les deux concepts de Christianitas et
d’
Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
1118
tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres
d’
un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
1119
homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom
d’
Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
1120
Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom
de
Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, c
1121
II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam
de
Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
1122
Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne
de
Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
1123
homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et
de
la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
1124
la fortune que devait connaître cette définition
de
l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
1125
poétique des banquets et des éditoriaux du temps
de
guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
1126
e implique sur la « réalité ». On a souvent tenté
de
nier l’existence d’une vraie « culture européenne », en arguant non s
1127
réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence
d’
une vraie « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’un
1128
« culture européenne », en arguant non seulement
de
ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
1129
ne pareille culture est difficile à définir, mais
de
la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
1130
re est difficile à définir, mais de la complexité
de
ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
1131
définir, mais de la complexité de ses origines et
de
l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
1132
ments prennent toute leur force contre le concept
de
« cultures nationales », apparu au xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’ai
1133
’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine
de
répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
1134
encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie
de
leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
1135
es limites accidentelles et souvent fort récentes
d’
un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
1136
mites accidentelles et souvent fort récentes d’un
de
nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
1137
premier coup que les réalités décisives ont cessé
d’
être « nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques,
1138
en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir
de
les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique : on
1139
» que nos ci-devant grandes puissances refusaient
de
sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
1140
es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel
de
l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
1141
ée nationale soit forte encore, il serait absurde
de
le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
1142
ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous
de
la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
1143
nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi
de
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
1144
nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange
de
lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
1145
confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et
d’
émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
1146
s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs,
d’
orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
1147
et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et
de
vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
1148
spirituel, culturel et politique dans les limites
d’
un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
1149
s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir
d’
une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
1150
litaire. Il reste, hélas, qu’aux yeux de beaucoup
d’
intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
1151
ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond
de
son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
1152
s’obstinerait à mettre en doute l’existence même
de
la forêt. (« Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est n
1153
’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien
d’
arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
1154
t vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps
de
faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on
1155
stes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure
de
sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » qu
1156
dérée serait seule on mesure de sauver le concret
de
nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » que l’illusoire, j’ente
1157
que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu
de
toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
1158
: la souveraineté peut-être (si elle est le droit
d’
un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
1159
vivre, et non pas simplement le résultat matériel
d’
un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
1160
l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir
de
ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
1161
nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi
d’
une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
1162
… Tout cela suppose le développement ou le réveil
d’
un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
1163
trop faible encore dans tous nos peuples : celui
d’
appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
1164
ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune
de
nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
1165
mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait
de
« culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à
1166
de « culture » au sens large. Prendre conscience
de
notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
1167
nscience de notre appartenance à cette communauté
de
culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et d
1168
munauté de culture, c’est la condition nécessaire
de
l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la c
1169
condition nécessaire de l’union supranationale et
de
l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
1170
qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens
d’
ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
1171
sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence
d’
un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
1172
i par son cadre institutionnel, mais par un style
de
vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
1173
titutionnel, mais par un style de vie, un système
de
valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
1174
système de valeurs, un certain sens donné au fait
de
vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
1175
au rapport entre forme et contenu. Une politique
d’
union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
1176
ent possible que s’il y a tout d’abord communauté
de
culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
1177
auté de culture entre les hommes qu’elle envisage
d’
unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
1178
xprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y a
de
créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
1179
, nos diversités constituant le ressort principal
de
notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
1180
que, toujours risqué, cet art empirique et subtil
de
louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
1181
e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret
de
la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
1182
itique se joignent dans la seule et même exigence
d’
une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’E
1183
ns la seule et même exigence d’une union fédérale
de
nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’Européen partial : fau
1184
e de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début
d’
Européen partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôtu
1185
tial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance
de
clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de t
1186
-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture
de
la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le pro
1187
? Pendant la séance de clôture de la table ronde
de
Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : O
1188
able ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion
de
tenir le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byz
1189
jours il y a cinq siècles exactement, avait cessé
de
vivre son grand rôle historique dès l’an 1204, où l’armée des croisés
1190
Chute immense, dont la cause directe fut le refus
d’
un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constantinople, ex
1191
aient un tribut avant de s’éloigner : 10 millions
de
francs-or, environ. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleu
1192
idèrent point, se disant tous ruinés, et refusant
de
faire le pool patriotique des faibles sommes qui iraient assurer leur
1193
er leur salut. L’assaut fut décidé après des mois
d’
attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent a
1194
s du pillage s’élevèrent après trois jours à plus
de
100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d’art et
1195
s, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses
de
Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. I
1196
mmun » furent emportées par l’occupant. Il dépend
de
vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre
1197
tées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs
de
la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous
1198
d de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend
d’
efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une
1199
de, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend
de
nous tous Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouv
1200
comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens,
d’
écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors du ré
1201
, dans la revue La Table Ronde, janvier 1957. 3.
D’
une lettre que m’écrit à ce sujet le conte Jean de Fange. La référence
1202
enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré
d’
une communication au 10e congrès international des sciences historique
1203
me, sept. 1955). k. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1204
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 371. La page 3 du tapuscrit manquant, no
1205
te du manuscrit également présent dans le dossier
d’
archives.
1206
8)l 1. La liberté est un problème pour l’homme
d’
aujourd’hui : a) parce que, dans son sens philosophique, elle est mise
1207
ientiste et parfois même scientifique du monde et
de
l’homme : déterminisme statistique, psychanalyse, cybernétique, condi
1208
se, cybernétique, conditionnement des réflexes et
de
la pensée. b) parce que, dans son sens politique, elle est brutalemen
1209
en même temps développée au maximum par les pays
de
l’Ouest européen et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le dé
1210
at sur le libre arbitre (la liberté philosophique
de
l’homme). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de
1211
est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire
de
pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour sa
1212
s ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux,
de
choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour savoir si l’homme des
1213
b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté
d’
expression et la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la cu
1214
t la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire
de
la culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les pér
1215
culture occidentale, on voit se dégager une sorte
de
loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les
1216
n voit se dégager une sorte de loi : les périodes
de
tyrannie maxima correspondent aux périodes les plus basses de la litt
1217
maxima correspondent aux périodes les plus basses
de
la littérature. Exemples modernes : la terreur jacobine, Napoléon, Hi
1218
rreur jacobine, Napoléon, Hitler, Staline. Durant
de
telles périodes, tout ce qui reste vivant parmi les écrivains se tait
1219
ression et la censure équivalent alors à la peine
de
mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas
1220
uivalent alors à la peine de mort, qui est la fin
de
l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement vrai : on
1221
t vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes
de
liberté maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la litté
1222
maxima correspondent aux périodes les plus hautes
de
la littérature. Je mets en fait que notre époque connaît un degré de
1223
Je mets en fait que notre époque connaît un degré
de
liberté politique et sociale jamais connu dans toute l’histoire humai
1224
écrivains contemporains, à l’Ouest, ont le droit
de
tout dire, en usent et en abusent. Pratiquement, ils peuvent défendre
1225
font. Cependant, ces mêmes écrivains nous parlent
d’
une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justeme
1226
ant, ces mêmes écrivains nous parlent d’une crise
de
la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justement le genre
1227
vains nous parlent d’une crise de la littérature,
d’
un épuisement du roman (qui est justement le genre le plus « libre »),
1228
n (qui est justement le genre le plus « libre »),
de
la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc
1229
le plus « libre »), de la dissolution des formes,
de
l’évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expr
1230
évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum
de
liberté d’expression qui ait jamais été atteint par l’humanité corres
1231
ent des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté
d’
expression qui ait jamais été atteint par l’humanité correspond le max
1232
été atteint par l’humanité correspond le maximum
de
décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se
1233
té correspond le maximum de décadence des formes,
de
l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalit
1234
ond le maximum de décadence des formes, de l’idée
de
forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalité et l’obj
1235
Tout se passe comme si la réalité et l’objet même
de
la littérature s’affaiblissaient, disparaissaient, en même temps que
1236
la libre expression. 3. Entre ces deux extrêmes
de
tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que
1237
ntre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et
de
liberté sans frein légal, on constate que les hautes périodes de la l
1238
frein légal, on constate que les hautes périodes
de
la littérature ont presque toujours correspondu à des périodes de tyr
1239
e ont presque toujours correspondu à des périodes
de
tyrannie tempérée, mitigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
1240
itigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
de
censure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on
1241
sure politique, religieuse, morale, sociale, mais
de
censure qu’on pouvait encore tromper et tourner. Exemples : le siècl
1242
encore tromper et tourner. Exemples : le siècle
de
Louis XIV, les principautés allemandes (très peu « démocratiques »),
1243
eu « démocratiques »), l’ère victorienne. Chacune
de
ces époques a créé son style (classique, romantique, romanesque). Les
1244
s mis en question la réalité, l’objet et le sujet
de
la littérature. La liberté n’y était pas un problème ; chacun savait
1245
n essai (qui reste à écrire) sur le rôle créateur
de
la censure. Quelques exemples. a) La poésie européenne vient des trou
1246
i empruntèrent formes et thèmes aux poètes arabes
d’
Espagne, inspirés par la mystique des soufis (ix e-xii e siècles). Les
1247
ècles). Les soufis croyaient, contre l’orthodoxie
de
l’islam, que l’homme (fini) peut aimer Dieu (infini). Dans leurs poèm
1248
imée représente la divinité. Notre poésie est née
de
cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure
1249
la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble
de
procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure religieuse. b)
1250
l et Gargantua, en se cachant derrière une façade
de
grosses plaisanteries : fantaisies verbales qui « tirent l’œil », et
1251
t l’œil », et en désignant les grands personnages
de
l’époque par des noms qui sont des « mots porte-manteau » à la Lewis
1252
hébreux et en grec. c) Swift déguise en aventures
de
« science-fiction » avant la lettre un pamphlet politique sur l’Angle
1253
terre et son temps. d) Voltaire, dans la centaine
de
ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de so
1254
its anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur
de
son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans
1255
on œuvre, fournit un catalogue complet des moyens
de
tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst
1256
omplet des moyens de tout dire sans être passible
de
la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklipp
1257
de tout dire sans être passible de la censure et
de
la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklippen, réussit à dir
1258
den Marmorklippen, réussit à dire ce qu’il pense
de
Göring et du régime hitlérien sans se faire exécuter. On pourrait cit
1259
ire ; elle oblige donc à y croire plus fermement,
d’
une manière plus militante ; elle oblige au courage et à l’invention.
1260
bien en venir au mot courage si l’on veut parler
d’
une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablis
1261
d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas
de
demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : ca
1262
intention n’est pas de demander le rétablissement
de
la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération
1263
as de demander le rétablissement de la censure ou
de
tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’
1264
nsure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus
de
modération possible aujourd’hui, vu les moyens techniques dont dispos
1265
te la dictature. Mais je constate que la vitalité
de
la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoq
1266
vitalité de la littérature est liée à l’existence
de
certaines résistances provoquant au courage, à l’invention, au combat
1267
rateur. Je constate qu’aujourd’hui, dans nos pays
de
l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la libe
1268
ourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus
de
résistances extérieures sérieuses à la liberté d’expression. Et que l
1269
de résistances extérieures sérieuses à la liberté
d’
expression. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette libert
1270
ssion. Et que la littérature, au lieu de profiter
de
cette liberté, se demande si elle a encore quelque chose à dire, si e
1271
le dire avec les mots, les phrases, les procédés
de
composition utilisés jusqu’ici, si elle a encore un objet et des suje
1272
a encore un objet et des sujets. (Grand problème
de
l’avant-garde littéraire en France, pour les romanciers surtout.) J’
1273
ement comme libératrice, et non pas comme « libre
d’
entraves » ; se définit par une action libératrice militante, et non p
1274
ibératrice militante, et non pas comme jouissance
de
libertés toutes faites. Elle est libre non pas dans la mesure où elle
1275
t libre non pas dans la mesure où elle a le droit
de
dire n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur,
1276
n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée
de
l’extérieur, mais dans la mesure où elle se donne elle-même le droit
1277
onne elle-même le droit (à ses risques et périls)
de
dire certaines choses, à un certain moment historique, sur un certain
1278
ge dont elle est née, et la contagion libératrice
de
l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quell
1279
t née, et la contagion libératrice de l’acte même
de
sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances
1280
te même de sa création. 6. La question n’est plus
de
savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais quelles
1281
ugés sociaux et moraux qui subsistent encore dans
de
larges milieux, ne peut plus donner qu’une littérature traditionnelle
1282
peut s’appuyer. La plus immédiatement visible est
de
nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons tout
1283
ous rappellent nos éditeurs. Ils nous conseillent
d’
écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’écrire un roman du ge
1284
d’écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou
d’
écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes roman
1285
, le courage redevient nécessaire. Car la liberté
de
l’écrivain, c’est le courage d’écrire selon sa vocation, et non pas s
1286
e. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage
d’
écrire selon sa vocation, et non pas selon la conjoncture commerciale
1287
n pas selon la conjoncture commerciale ou la mode
de
l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les
1288
ncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia
de
telle année ; selon sa vérité, non pas selon les conditions actuelles
1289
non pas selon les conditions actuelles du succès
de
vente ou du prestige (politique) immédiat. 7. Mais surtout : dans une
1290
e époque où tout est permis, l’action libératrice
de
la littérature consistera à recréer un ordre, c’est-à-dire des limita
1291
domasochiste des existentialistes et néoréalistes
d’
hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la litté
1292
te des existentialistes et néoréalistes d’hier et
d’
avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, co
1293
tes d’hier et d’avant-hier. Le courage, condition
de
la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer
1294
’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité
de
la littérature, consistera désormais à dire, à montrer, à illustrer,
1295
ire, à montrer, à illustrer, ce qu’il faut exiger
de
l’homme, ce qui peut surmonter l’humain (Nietzsche) ou mieux : ce qui
1296
ce qui le défait. ⁂ En résumé : la vraie liberté
de
la littérature ne peut lui être donnée ou garantie utilement par l’Ét
1297
et automatiquement les résistances et le pouvoir
de
scandale dont elle a vitalement besoin ; par suite elle retrouvera un
1298
e forme (toute forme étant la résultante incarnée
d’
une poussée et d’une résistance), par suite encore elle retrouvera cet
1299
rme étant la résultante incarnée d’une poussée et
d’
une résistance), par suite encore elle retrouvera cette innocence créa
1300
rdonnatrice, tantôt libératrice, aurait vite fait
de
nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réali
1301
e, aurait vite fait de nous écraser sous le poids
de
sa propre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1302
opre décadence. l. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1303
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 587. Selon plusieurs notes manuscrites,
1304
plusieurs notes manuscrites, il s’agit du résumé
d’
une conférence prononcée lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougem
1305
d’une conférence prononcée lors du Forum européen
d’
Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du moi
1306
t était un participant régulier, à la fin du mois
d’
août 1958.
1307
La Suisse, microcosme culturel
de
l’Europe (1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette cau
1308
Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit
de
mes auditeurs, une image très simple — et fausse : l’image d’une Suis
1309
eurs, une image très simple — et fausse : l’image
d’
une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultur
1310
mage d’une Suisse dont la culture serait composée
de
l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe s
1311
sse dont la culture serait composée de l’addition
de
ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe serait une addi
1312
ou régionales, comme l’Europe serait une addition
de
ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette
1313
e l’Europe serait une addition de ses nations, et
de
ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me para
1314
s, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes
de
cette proposition me paraissent également erronés, pour les raisons s
1315
, et secundo, la culture européenne n’est pas née
d’
on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai pe
1316
uropéenne n’est pas née d’on ne sait quel mélange
de
cultures nationales. Je vous surprendrai peut-être en affirmant clair
1317
mant clairement que je ne crois pas à l’existence
de
ces soi-disant « cultures nationales » dont nous parlaient nos manuel
1318
e, pour obtenir une culture européenne il suffise
de
brasser ensemble une culture française, une culture allemande, une cu
1319
ure suisse, par exemple, pour la bonne raison que
de
telles cultures nationales n’existent pas. Ce qu’on appelle courammen
1320
sin des frontières étatiques) dans le grand corps
de
la culture européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes
1321
os nations, sans exception, étant l’œuvre commune
de
tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord
1322
’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus
de
2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point, à l’aide de quel
1323
ques exemples qui, je l’espère, vous convaincront
de
la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’
1324
qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité
de
mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’est un ensemb
1325
apparence. Une culture, c’est un ensemble vivant
de
manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auqu
1326
Une culture, c’est un ensemble vivant de manières
de
penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concouren
1327
, c’est un ensemble vivant de manières de penser,
de
vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exem
1328
nsemble vivant de manières de penser, de vivre et
de
s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exemple, la musi
1329
, le folklore et les coutumes sociales. Or, aucun
de
ces éléments qui composent la culture n’est national, par quoi je veu
1330
re n’est national, par quoi je veux dire qu’aucun
d’
eux ne peut être étudié en soi et dans son évolution historique, à l’i
1331
istorique, à l’intérieur des frontières actuelles
d’
un seul des 26 pays qui forment l’Europe. Je sais bien que sur la bas
1332
Europe. Je sais bien que sur la base des manuels
d’
histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peintu
1333
is bien que sur la base des manuels d’histoire et
de
géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française,
1334
et de géographie on parle aujourd’hui couramment
de
la peinture française, de la musique allemande, de la science russe,
1335
aujourd’hui couramment de la peinture française,
de
la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklor
1336
e la peinture française, de la musique allemande,
de
la science russe, ou que sais-je, du folklore danois, bâlois ou holla
1337
musique, la littérature même — qui tient pourtant
de
si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou s
1338
nés ou successifs en Europe, se sont transportées
d’
un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à trav
1339
u successifs en Europe, se sont transportées d’un
de
ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à travers t
1340
e sont transportées d’un de ces foyers à l’autre,
d’
une région à l’autre, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
1341
, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
de
ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les fr
1342
ravers toute l’Europe, et aucune de ces histoires
d’
un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
1343
s toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un
de
nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de n
1344
ts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières
d’
aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’hi
1345
en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
de
nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de
1346
ncide avec les frontières d’aucune de nos nations
d’
aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dan
1347
ourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire
de
la musique dans ses grands traits, vous voyez qu’elle commence simult
1348
ce simultanément à Paris et dans plusieurs foyers
de
l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui
1349
is et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord —
de
ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie —
1350
ivant les grands axes du commerce du Moyen Âge et
de
la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se tr
1351
commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que
de
là, elle redescend vers la Bourgogne en se transformant ; que ces tra
1352
nent apprendre leur métier ; qu’ensuite, le foyer
de
la musique devient l’Allemagne, au xix e siècle seulement ; que c’est
1353
sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets
de
Diaghilev) qui reviennent apporter un nouveau style musical à notre E
1354
yle musical à notre Europe de l’Ouest. Le périple
de
la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas
1355
me. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire
de
nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’au
1356
de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire
de
la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire
1357
lement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune
de
nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à m
1358
t qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit
de
dire : « La peinture, c’est à moi, et je te laisse la musique si tu v
1359
Quant aux sciences, il serait simplement absurde
de
vouloir leur accoler un adjectif national. La science, par définition
1360
s universelles. Mais, me direz-vous, qu’en est-il
de
nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels nation
1361
ffet que nous parlons, nous les Européens, autant
de
langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est
1362
s les Européens, autant de langues que nous avons
de
nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une la
1363
y a identité entre langue et culture. Il suffit
de
répondre, sur ce point, par quelques observations absolument élémenta
1364
ons absolument élémentaires que vous pouvez tirer
de
n’importe quel dictionnaire. En France, par exemple — et la France es
1365
ance, par exemple — et la France est le type même
de
la nation — , on parle au moins sept langues différentes. On parle le
1366
ns sept langues différentes. On parle le français
de
l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seule
1367
çais de l’Île-de-France, devenu langue officielle
de
l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on
1368
le de l’État depuis 1539 seulement, par un décret
de
François Ier ; mais on parle aussi l’allemand, le flamand, le breton,
1369
xembourg, en Alsace, en Autriche, dans une partie
de
la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie
1370
une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie
de
la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie
1371
dans une partie de la Roumanie et dans une partie
de
la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurai
1372
ie de la Pologne, sans oublier une partie du nord
de
l’Italie. On ne saurait donc observer aucune coïncidence nécessaire,
1373
nt bien établi, je crois : il n’y a pas en Europe
de
cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous le
1374
ment, j’ai toujours eu naturellement cette notion
de
la culture européenne, une et diverse, variée, mais cependant commune
1375
cependant commune — si je n’ai jamais été victime
de
l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultures nationa
1376
ste en Europe que des cultures nationales, autant
de
cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce
1377
e des cultures nationales, autant de cultures que
de
nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce pas tout simple
1378
pas une culture suisse définie par les frontières
de
notre Confédération, telles qu’elles ont été établies en 1848. Nous s
1379
qui n’a que 111 ans. Politiquement, nous relevons
d’
un même État suisse, quelle que soit notre langue. Culturellement, nou
1380
langue. Culturellement, nous relevons directement
de
cet ensemble varié qui constitue la culture européenne. On ne peut do
1381
n ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger
d’
une manière importante le titre qu’on m’a proposé — on ne peut donc pa
1382
ne, mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme
de
culture, est tout naturellement Européen, résume en lui les héritages
1383
lui les héritages variés qui composent la culture
de
notre continent. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de cul
1384
nt. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme
de
culture, — ce que chaque Suisse doit être, bien entendu ! Je devrais
1385
ert de Traz, un Francesco Chiesa, ont été nourris
de
plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils ét
1386
combinées, parce qu’ils étaient nés au confluent
de
diverses écoles, tendances et styles, qui les reliaient naturellement
1387
ances et styles, qui les reliaient naturellement,
de
proche en proche, à tout l’ensemble européen. Si vous me le permettez
1388
uses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif
de
prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une
1389
serait excessif de prétendre que le petit canton
de
Neuchâtel ait produit à lui seul une culture propre et qui forme un t
1390
opéen ! Non, Neuchâtel est proche de la France et
de
l’Allemagne, et participe des courants les plus variés de la culture
1391
emagne, et participe des courants les plus variés
de
la culture européenne. Les premières influences que j’ai subies, comm
1392
y et les moralistes français ont formé mes moyens
d’
expression. Quant aux idées, je constate aujourd’hui que les influence
1393
je dépendais du domaine protestant, qui n’est pas
d’
origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène europ
1394
ais qui est un phénomène européen. Dans cet ordre
de
choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand.
1395
phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou
de
pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je
1396
allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvres
d’
Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme
1397
suis nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno,
d’
Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiq
1398
gnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot,
de
Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japo
1399
me T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis
de
mystiques iraniens, hindous ou japonais. Je crois donc pouvoir dire,
1400
dire, aujourd’hui, que je me sens typique non pas
d’
une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut
1401
as d’une culture suisse — qui n’existe pas — mais
de
ce que la Suisse peut produire dans le domaine culturel : des hommes
1402
des hommes nourris aux sources les plus diverses
de
l’héritage européen commun. J’oserai dire que je vois là, précisément
1403
ns être, dans ce pays, quel que soit notre canton
d’
origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe tout entière. Le
1404
e pouvons être que des Européens, quand il s’agit
de
culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport.
1405
uropéens, quand il s’agit de culture et non point
de
politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatemen
1406
d il s’agit de culture et non point de politique,
de
droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, e
1407
it de culture et non point de politique, de droit
de
vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme c
1408
re et non point de politique, de droit de vote ou
de
passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme condamnés à
1409
dès la naissance dans les illusions et les mythes
de
ce qu’on nomme ailleurs une « culture nationale ». Et dans ce sens, n
1410
res Suisses, nous sommes vraiment des microcosmes
de
la culture européenne — de même que nous pouvons et devons espérer qu
1411
tions, apparaitra comme le résumé, le microcosme,
d’
une Europe renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités.
1412
des diversités. m. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1413
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 985.
1414
L’automation et l’avenir
de
l’Europe (juin 1961)n La plupart des études sur la technique décri
1415
s, puis se préoccupent du rendement industriel et
de
ses incidences économiques et sociales, calculent les délais prévisib
1416
ues et sociales, calculent les délais prévisibles
de
réalisation (presque toujours démentis par les faits) et parfois étud
1417
parfois étudient les effets psychophysiologiques
d’
une technique sur les techniciens. Bref : ils se demandent comment, qu
1418
’envisagerai est celle des conséquences à prévoir
de
l’automation idéalement réalisée dans tous les domaines où elle peut
1419
ela revient à poser la question des fins humaines
de
la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation
1420
er la question des fins humaines de la technique,
de
ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation poussée au maxim
1421
ation poussée au maximum aboutit à la suppression
de
la condition prolétarienne, puisqu’elle laisse les occupations mécani
1422
ions mécaniques aux machines, et libère l’ouvrier
de
« l’esclavage machinique ». Une technique imparfaite a créé le prolét
1423
xix e siècle, définissait à juste titre l’ouvrier
d’
usine comme « le complément vivant d’un mécanisme mort ». Il espérait
1424
re l’ouvrier d’usine comme « le complément vivant
d’
un mécanisme mort ». Il espérait que la lutte des classes, le jeu des
1425
e révolutionnaire conduiraient, après une période
de
dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarie
1426
ode de dictature du prolétariat, à la suppression
de
la condition prolétarienne. Nous voyons que c’est au contraire la tec
1427
ra été dissoute en tant que classe par les effets
de
l’automation (une partie des emplois étant supprimée, une autre passa
1428
autre passant au secteur tertiaire, une minorité
de
travailleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant être d’ailleu
1429
au service militaire), la base du schéma évolutif
de
Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne sera plus un mythe e
1430
steront plus — mais un souvenir historique, objet
de
thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée ser
1431
e, objet de thèses érudites. II. Le produit final
de
la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine d
1432
final de la technique automatisée sera le loisir.
De
1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures d
1433
atisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine
de
travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de
1434
ir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé
de
65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heu
1435
de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année
de
travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis
1436
s à 40 heures dans le textile, l’année de travail
de
5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis que la prod
1437
emins de fer, tandis que la production ne cessait
d’
augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe So
1438
ne cessait d’augmenter. (Déjà, aux USA, on parle
de
la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée d
1439
augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine
de
30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loi
1440
. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée
de
3 h.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique,
1441
.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit
de
la technique, dont le but immédiat était d’accroître la productivité
1442
oduit de la technique, dont le but immédiat était
d’
accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant nota
1443
isir apparaîtra de plus en plus comme le vrai but
de
l’aventure technique, en Occident. Ce loisir quantitatif ne peut sign
1444
ômage) que pour des hommes et des femmes capables
de
remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-
1445
capables de remplir le temps vide du non-travail,
de
l’occuper en s’occupant eux-mêmes : soit par un travail créateur (art
1446
ns libérales) d’une part toujours plus importante
de
la population active nécessite une extension et une intensification d
1447
ve nécessite une extension et une intensification
de
la formation professionnelle, technique et scientifique. Alors de deu
1448
professionnelle, technique et scientifique. Alors
de
deux choses l’une. 1° Si l’on néglige la culture générale au profit d
1449
1° Si l’on néglige la culture générale au profit
de
la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y
1450
profit de la formation technique, plus il y aura
de
bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs),
1451
lus il y aura de bons techniciens, plus il y aura
de
loisirs possibles (quantitatifs), mais moins les hommes seront prépar
1452
spécialisée, aux dépens de la culture simultanée
de
toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tar
1453
s de la culture simultanée de toutes les facultés
de
l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de
1454
cultés de l’homme (culture dite générale), risque
de
tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civil
1455
dite générale), risque de tarir les sources vives
de
l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention te
1456
les sources vives de l’invention et le dynamisme
de
notre civilisation. Car l’invention technique est moins le fait des t
1457
, s’inspirant des spéculations les plus gratuites
de
la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour
1458
spéculations les plus gratuites de la science et
de
l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour par l’ensemble de
1459
à leur tour par l’ensemble des forces créatrices
de
notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanism
1460
s de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre,
de
la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si
1461
s-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme
d’
auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation t
1462
, de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation
de
la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation technique à l’éducation
1463
ion pratique et professionnelle ; puis la période
de
travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux ext
1464
uis la période de travail actif, puis une période
de
loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tend
1465
loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge
de
la retraite tendant à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
1466
à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
de
vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans).
1467
de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin
de
ce siècle : 80 ans). La carrière d’un travailleur au xix e siècle éta
1468
n pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière
d’
un travailleur au xix e siècle était à peu près la suivante : période
1469
x e siècle était à peu près la suivante : période
d’
éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans.
1470
t à peu près la suivante : période d’éducation et
d’
instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de
1471
ériode d’éducation et d’instruction : 15 ans. Vie
de
travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que
1472
ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin
de
ce siècle, et à supposer que les tendances actuelles se confirment (c
1473
on aurait à peu près, pour une longévité moyenne
de
80 ans : Période d’éducation et de formation professionnelle 20 a
1474
our une longévité moyenne de 80 ans : Période
d’
éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail
1475
té moyenne de 80 ans : Période d’éducation et
de
formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans
1476
et de formation professionnelle 20 ans Période
de
travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et
1477
de de travail actif 30 ans Retraite (ou période
de
nouvelle formation et d’activité différente) 30 ans Les problèmes
1478
s Retraite (ou période de nouvelle formation et
d’
activité différente) 30 ans Les problèmes d’éducation (scolaire et
1479
t d’activité différente) 30 ans Les problèmes
d’
éducation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au s
1480
ation (scolaire et postscolaire) et les problèmes
de
culture (au sens le plus large du terme) seront alors les plus import
1481
importants, ils intéresseront la plus large part
de
la vie, et ils se poseront en termes fondamentalement renouvelés, le
1482
énible et sa nécessité pour subsister ayant cessé
de
représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existenc
1483
subsister ayant cessé de représenter le « sérieux
de
la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des homme
1484
enter le « sérieux de la vie » et le but pratique
de
l’existence pour la majorité des hommes. Obstacle majeur à la soluti
1485
ommes. Obstacle majeur à la solution raisonnable
de
ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économique
1486
tion raisonnable de ces problèmes : nos habitudes
de
pensée morales, sociales, économiques et éducatives, conditionnées pa
1487
ques et éducatives, conditionnées par des siècles
d’
effort acharné, durant lesquels le travail figurait à la fois la néces
1488
ait à la fois la nécessité fondamentale et le but
de
l’existence. III. La technique, étant le produit le plus facilement e
1489
e, étant le produit le plus facilement exportable
de
notre civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’une manière t
1490
e civilisation, va modifier les rapports mondiaux
d’
une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radic
1491
orts mondiaux d’une manière telle que la fonction
de
l’Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux co
1492
vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès
de
la technique aient pour résultat principal la création des loisirs ;
1493
s Européens, conditionnés par une longue hérédité
de
travail acharné, sont les moins faits pour supporter l’inaction, ou s
1494
Leurs valeurs morales les plus courantes relèvent
d’
une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplat
1495
courantes relèvent d’une éthique du travail, non
de
la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie,
1496
éthique du travail, non de la sagesse détachée ni
de
la contemplation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie est si b
1497
as, relativement à l’Occident, et l’accroissement
de
la population si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lut
1498
si rapide, que la technique est d’abord le moyen
de
lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le p
1499
tter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen
de
rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — o
1500
e moyen de rejoindre le peloton des retardataires
de
l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans l
1501
dataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen
de
tenir un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellis
1502
Que les pays du tiers-monde se mettent à l’école
de
l’Occident, ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils sont tou
1503
e, ils sont tous destinés à traverser une période
d’
industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique da
1504
és à traverser une période d’industrialisation et
de
technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce
1505
dustrialisation et de technique virulente. Effets
de
la technique dans ces pays : 1° Grâce aux progrès accomplis par l’Occ
1506
nt passer du stade arriéré où ils sont à un stade
de
productivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix
1507
ivité très haute, en sautant le stade ouvriériste
de
notre xix e siècle (grandes villes aux banlieues insalubres, corons d
1508
x des machines automatisées que du travail direct
de
l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de «
1509
irect de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage
de
puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamie
1510
la nature (mines, creusage de puits, qui risquent
de
« libérer des dragons » aux yeux des Vietnamiens par exemple). 2° Le
1511
Les peuples du tiers-monde veulent les résultats
de
la technique, non ses conditions. Ils ne sont pas prêts à l’effort qu
1512
aux durant des siècles, et n’ont pas notre morale
de
travail. Il semble que leur adaptation au monde technique ne pourra ê
1513
ne pourra être obtenue que par la force (régimes
de
dictature communiste), ou en plusieurs générations (éducation à l’occ
1514
dentale). Dans les deux cas, ces peuples risquent
de
perdre leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’avoir pu s’as
1515
re leur éthos et leur pathos traditionnels, avant
d’
avoir pu s’assimiler les nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si
1516
peut en résulter. Si l’Europe ne se préoccupe pas
de
ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atté
1517
réoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance
de
les résoudre, ou au moins d’atténuer les crises profondes créées par
1518
, la dernière chance de les résoudre, ou au moins
d’
atténuer les crises profondes créées par notre technique, sera perdue.
1519
éé la technique grâce à son éthique du travail et
de
l’aventure, doit créer maintenant une éthique nouvelle intégrant trav
1520
intégrant travail et loisir, productivité et art
de
vivre (ou consommation). Elle le doit d’abord à elle-même et à ses p
1521
nnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas
de
l’artiste ; plus il est machinal, plus il contraste avec le loisir, e
1522
loisir, et plus il rend l’individu inapte à jouir
de
son temps libre. L’automation fournit donc les moyens techniques d’un
1523
. L’automation fournit donc les moyens techniques
d’
un nouvel équilibre humain, mais l’éducation seule pourra le promouvoi
1524
ra le promouvoir. La culture européenne est faite
de
tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conservatisme
1525
rationalisme, centralisme et régionalisme, esprit
de
système et individualisme. C’est pourquoi la technique industrielle,
1526
itiques. Ce fait fondamental différencia l’Europe
de
toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Eur
1527
différencia l’Europe de toutes les autres régions
de
la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la
1528
ns de la planète ; — et doit permettre à l’Europe
de
trouver la première la formule d’équilibre humain entre la productivi
1529
ttre à l’Europe de trouver la première la formule
d’
équilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qu
1530
ilibre humain entre la productivité et la faculté
de
jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification
1531
main entre la productivité et la faculté de jouir
de
ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification et la sp
1532
la spontanéité, l’action et la méditation. Le but
de
la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela sup
1533
tion et la méditation. Le but de la vie n’est pas
de
« produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sa
1534
Le but de la vie n’est pas de « produire », mais
de
« bien vivre », et cela suppose un équilibre sans cesse rétabli entre
1535
intégrer la technique et ses dons, doit au monde
d’
illustrer pour lui cette formule d’équilibre humain. Nous avons donné
1536
doit au monde d’illustrer pour lui cette formule
d’
équilibre humain. Nous avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
1537
us avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
de
révolution, l’idéal libertaire, et la technique. Il nous reste à donn
1538
ique. Il nous reste à donner au monde les « modes
d’
emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n
1539
us reste à donner au monde les « modes d’emploi »
de
ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n’ai fait qu
1540
er le problème. n. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1541
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 602. Une note manuscrite indique : « Eur
1542
écouvrons l’Europe (août 1961)o Je vais parler
d’
un continent bien plus mystérieux que l’Asie. Ses habitants eux-mêmes
1543
rieuses contradictions. Il n’est qu’une péninsule
de
médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme le constatent les g
1544
rsonne n’est venu le découvrir. Il est donc temps
de
nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’
1545
emps de nous mettre à sa recherche, dans le temps
de
l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis
1546
de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire
de
notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu r
1547
notre Europe, depuis trois millénaires, est celle
d’
un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde.
1548
lénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et
d’
un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fil
1549
’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom
de
la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la f
1550
centre du monde. Europe était le nom de la fille
d’
un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un ta
1551
, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme
d’
un taureau blanc. Conduite en Crète, elle y fonda la dynastie des Mino
1552
e légende traduit fidèlement le mouvement général
d’
une civilisation qui se répandit du Proche-Orient vers l’ouest, par le
1553
toise et grecque, puis dans tout l’Empire romain.
De
la conquête des Gaules par Jules César jusqu’aux invasions des Barbar
1554
es, lentement éduqués par l’Église après la chute
de
l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme
1555
t éduqués par l’Église après la chute de l’Empire
de
Rome, une première Europe continentale se dessine, comme entité disti
1556
ntale se dessine, comme entité distincte, séparée
de
l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse
1557
e entité distincte, séparée de l’Orient : elle va
de
l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure e
1558
de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et
de
la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’elle-m
1559
l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente
d’
elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, relatant la victoire d
1560
ans une chronique espagnole, relatant la victoire
de
Poitiers remportée par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’
1561
e par Charles Martel sur les Arabes, que le terme
d’
Européens apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des s
1562
e des soldats du roi franc, venus de la Germanie,
de
l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous somm
1563
la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et
de
la France actuelle. Et nous sommes à la fin du viii e siècle. Peu apr
1564
nt le premier empereur du continent : les annales
de
l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant
1565
: les annales de l’époque le saluent sous le nom
de
« Roi, père de l’Europe ». Durant les siècles qui suivront, le couran
1566
iècles qui suivront, le courant civilisateur venu
d’
Orient vers l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam
1567
s l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage
de
l’islam. Sur la péninsule enfermée entre les Slaves et les Arabes, en
1568
isateurs si différents, voire si contradictoires,
de
la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, diffi
1569
ifférents, voire si contradictoires, de la Grèce,
de
Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, ave
1570
voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et
de
la Palestine, se combineront lentement, difficilement, avec les coutu
1571
utumes germaniques, dans une longue effervescence
d’
hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes
1572
niques, dans une longue effervescence d’hérésies,
de
doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs
1573
ervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes,
de
luttes sanglantes entre papes et empereurs, communes urbaines et seig
1574
ommunes urbaines et seigneurs féodaux. Du creuset
d’
alchimiste où s’opère cette synthèse d’une culture originale, des éner
1575
Du creuset d’alchimiste où s’opère cette synthèse
d’
une culture originale, des énergies incalculables vont se dégager. Il
1576
alculables vont se dégager. Il devient impossible
de
les comprimer sur le petit cap européen. L’Orient interdit par l’isla
1577
ne trouvent pour se déployer que l’espace inconnu
de
l’Océan. Elles y frayent des voies idéales, où l’imagination s’élance
1578
sera le départ pour l’aventure mondiale, au matin
de
Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, t
1579
de Palos de Moguer : découverte des Amériques et
de
l’océan Pacifique, tour du monde, colonisation pénétrant par les côte
1580
les côtes dans tous les continents. Au mouvement
de
systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissan
1581
ment de systole du Moyen Âge succède le mouvement
de
diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents an
1582
ole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole
de
la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
1583
iastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus
de
quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’E
1584
s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
de
notre xx e siècle, les hommes venus d’Europe dominent sur toute l’Afr
1585
. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus
d’
Europe dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’A
1586
deux Amériques, l’Australasie et les trois-quarts
de
l’Asie. La Chine elle-même et le Japon n’ont sauvé leur indépendance
1587
’ouvrant au commerce, aux techniques et aux idées
de
l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’uni
1588
t aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire
de
l’Europe semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au
1589
expansion planétaire de l’Europe semble tout près
d’
unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mond
1590
ifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même
de
ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque
1591
Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial
de
circulation vivifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’un
1592
vifiante éclate une crise presque mortelle. Crise
d’
un mal qui couvait depuis longtemps, qui se nomme le nationalisme, et
1593
qui se traduit par un délire soudain : la guerre
de
1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intéri
1594
1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée
de
barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne
1595
barrières intérieures qui paralysent le libre jeu
de
ses échanges, ne paraît plus capable d’animer son empire. Çà et là, l
1596
libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable
d’
animer son empire. Çà et là, les peuples commencent à contester les dr
1597
de vitalité. Divisée contre elle-même, elle cesse
d’
en imposer. Encore une crise sanglante et convulsive, la guerre d’Hitl
1598
core une crise sanglante et convulsive, la guerre
d’
Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade
1599
et convulsive, la guerre d’Hitler, suprême accès
de
la folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité to
1600
folie nationaliste évoluant vers le stade ultime
de
la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économiqu
1601
ime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait
de
son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, elle a pe
1602
d, elle a perdu ses colonies, protectorats, zones
d’
influence, bases et comptoirs, en Afrique, en Asie, et dans le Proche-
1603
a voilà donc réduite à ce qu’elle était au départ
de
sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la carte et même à m
1604
moins : car elle a perdu la Russie et une dizaine
de
ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
1605
e a perdu la Russie et une dizaine de ses nations
de
l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice u
1606
dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin
de
son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le cr
1607
ons de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et
de
son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de
1608
. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
d’
animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de ses meilleur
1609
coup de ses meilleurs esprits parlent éloquemment
de
sa décadence fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la g
1610
fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain
de
la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’
1611
! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement
de
renouveau se prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la
1612
vement de renouveau se prononce, sous la conduite
d’
hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos
1613
prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus
de
la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos patries, éliminer le v
1614
atries, éliminer le virus nationaliste qui a fait
de
nos fécondes diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’en
1615
diversités des divisions ruineuses pour la santé
de
l’ensemble. Churchill prête au mouvement son prestige et sa voix. Un
1616
au mouvement son prestige et sa voix. Un Congrès
de
l’Europe, réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Asse
1617
réuni à La Haye en mai 1948, demande la création
d’
une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action
1618
la création d’une Assemblée et la mise en commun
de
nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État e
1619
mmun de nos ressources. Grâce à l’action prudente
de
quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Con
1620
à l’action prudente de quelques hommes d’État et
de
grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à
1621
e quelques hommes d’État et de grands techniciens
de
l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à Strasbourg, puis un p
1622
institue à Strasbourg, puis un pool du charbon et
de
l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industri
1623
de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet
de
redresser l’industrie, les finances et le commerce des pays ruinés pa
1624
ites, qui forment à elles seules une bonne moitié
de
la population du continent. D’autres pays — sept jusqu’ici — sollicit
1625
nduire, sans guerre, à refaire une Europe capable
d’
assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui cette foncti
1626
recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur
d’
une civilisation qui, pour la première fois dans toute l’histoire, éte
1627
on influence à toute la Terre. Elle doit au monde
de
lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses
1628
Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes
d’
emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, so
1629
le doit au monde de lui donner les modes d’emploi
de
ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine
1630
s modes d’emploi de ses découvertes techniques et
de
ses coutumes politiques, sous peine de voir ces découvertes et ces co
1631
mal préparées à les recevoir. Elle doit au monde
d’
animer les échanges économiques et culturels dont elle fut, dès la Ren
1632
issance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde
de
tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est
1633
rice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang
de
grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourquoi son union
1634
ce fait est démontrable. C’est la terre décisive
de
la planète. Plus petite, mais plus dense et plus complexe que tous le
1635
us complexe que tous les autres continents, riche
de
contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trés
1636
tous les autres continents, riche de contrastes,
de
tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonné
1637
s continents, riche de contrastes, de tensions et
de
contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveau
1638
astes, de tensions et de contradictions fécondes,
d’
anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle atten
1639
tions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et
de
nouveautés stupéfiantes, elle attend d’être découverte par des millio
1640
çonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend
d’
être découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infinime
1641
s, elle attend d’être découverte par des millions
d’
Européens. Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond pas
1642
varié, ils liront un profond passé et les signes
d’
un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée
1643
ond passé et les signes d’un grand avenir : celui
de
leur patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1644
patrie commune. o. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1645
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 605. Une note manuscrite indique la date
1646
Imagination
de
New York (novembre 1961)p Toute ville est un piège… plus ou moins
1647
olitaires, errants des rues, claustrés, imaginant
de
loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’est pas sans agrément pour
1648
au surplus n’est pas sans agrément pour les gens
de
passage, ou ceux du petit commerce et des spectacles.) Toute ville es
1649
s villes. Mais les villes en nous sont l’histoire
d’
une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision
1650
les villes en nous sont l’histoire d’une vision,
d’
une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un
1651
ous sont l’histoire d’une vision, d’une approche,
d’
un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin sep
1652
oire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et
d’
un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin septembre 1940).
1653
un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont
d’
un bateau, fin septembre 1940). Dans la brume épaissie, mais lumine
1654
us défilons lentement près de leur base. Des pans
de
brique rosée, ocrée, légère, s’éclairent dans les profondeurs embuées
1655
comme des orgues, de toutes parts. La « sensation
de
reconnaissance » m’a saisi. Cette rumeur, cet élan vertical, cet élan
1656
t New York identique à son rêve. Premiers accords
d’
une symphonie dont on savait les thèmes par cœur pour avoir étudié la
1657
du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens
de
la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren
1658
parallèles, dans le sens de la longueur, qui est
de
vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense
1659
nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs
d’
un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à
1660
e rues coupant les avenues à angle droit : autant
d’
étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c
1661
al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité
de
Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River
1662
la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà
de
l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e
1663
attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et
de
l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu
1664
es, îles et plaines reliées par un immense réseau
de
ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit,
1665
t plaines reliées par un immense réseau de ponts,
de
tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus,
1666
liées par un immense réseau de ponts, de tunnels,
d’
autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
1667
ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir
d’
octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie
1668
il couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel
de
cette couleur orangée, aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roch
1669
des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit
d’
une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
1670
mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond
d’
une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
1671
j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
de
briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
1672
e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés
de
sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi
1673
Les grands souffles océaniques, chargés de sel et
d’
aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,
1674
venture, viennent frapper les « faces » argentées
de
l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d
1675
Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller,
de
vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign
1676
Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres
de
ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su
1677
ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer
de
larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici
1678
s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles
de
granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
1679
s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié
de
l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
1680
’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets
de
la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capab
1681
plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure
de
Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporte
1682
de la démesure de Manhattan : seules ces assises
de
granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
1683
n : seules ces assises de granit étaient capables
de
supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
1684
étaient capables de supporter le formidable poids
d’
un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
1685
de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel
de
cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
1686
ules des plus riches bâtiments, reliques scellées
d’
une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis au contraire, sur
1687
cago et Saint-Louis au contraire, sur les plaines
d’
alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, men
1688
cages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, menacent
de
suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe
1689
e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple
de
la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c
1690
de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour
de
Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’
1691
our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux
de
la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
1692
. Bien des aspects physiques et moraux de la cité
de
Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
1693
imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu
d’
extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
1694
sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu
d’
extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl
1695
diablement désertique. Les Américains des plaines
de
l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
1696
laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume
de
se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
1697
st, venant à New York, ont coutume de se plaindre
de
l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d
1698
p européenne »… Mais moi je m’y sens contemporain
de
la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pu
1699
is moi je m’y sens contemporain de la préhistoire
de
quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pure (3 novembre 194
1700
a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur
de
Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m
1701
regard touche et mesure dans les trois dimensions
de
l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm
1702
s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage
de
ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con
1703
ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait
de
main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u
1704
f un découpage de ciel mat, tout est fait de main
d’
homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas
1705
un usage massif, exactement prévu. Plus une trace
de
campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p
1706
campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin
de
terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu
1707
oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni
d’
eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de c
1708
t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni
de
feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversem
1709
i d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans
de
brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphal
1710
i de feuillage. Tout est pans de brique peinte et
de
ciment armé, diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de
1711
ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois
de
verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi
1712
ation horizontale et verticale, intensité suprême
de
la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè
1713
a première fois, je vois une ville aussi purifiée
de
nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome,
1714
vois une ville aussi purifiée de nature que l’est
de
prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
1715
si purifiée de nature que l’est de prose un objet
de
mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs
1716
iée de nature que l’est de prose un objet de mots
de
Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de
1717
ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
d’
immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y
1718
Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés
de
groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles.
1719
mparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes
de
monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m
1720
iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis
d’
herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to
1721
mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat
d’
avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait
1722
ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit
de
ville. Usage : Beekman Place la nuit (août 1943) Parallèle à l’
1723
arallèle à l’East River dont la sépare une rangée
d’
hôtels particuliers aux façades étroites, cette rue très courte est l’
1724
ois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas
de
numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod
1725
int les avenues à angle droit. Hors série, modèle
de
grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
1726
it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne
d’
arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
1727
érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres,
de
silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
1728
e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et
de
grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
1729
, emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments
de
la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’
1730
ts de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants
de
fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux o
1731
ique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues
d’
ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mai
1732
res dépourvues d’ornements. Beekman Place est un
de
ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’il y tr
1733
charme, simplement. Mais quand je la vois du haut
de
mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
1734
mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée
d’
asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
1735
étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et
de
brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
1736
urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective
de
l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La
1737
e de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense
de
minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
1738
usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et
d’
eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
1739
mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée
de
remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
1740
vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit
d’
un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
1741
onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
d’
étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
1742
ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle
d’
un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
1743
éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige
de
nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
1744
’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots
de
granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares
1745
— ce sont ces trois îlots de granit noir couverts
de
mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli
1746
otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes
de
révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
1747
es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait
de
main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écono
1748
ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main
d’
homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques e
1749
s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et
de
leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
1750
leurs fatales réalités : car ce sont les réalités
d’
un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
1751
et nos raisons folles. Si nous changions un jour
de
goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
1752
ons folles. Si nous changions un jour de goûts et
d’
ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
1753
t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde
de
terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
1754
Et tout près, ces jardins suspendus où circulent
de
jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
1755
uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot
de
bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
1756
qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens
de
ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
1757
le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois
de
retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
1758
a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain
d’
ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
1759
ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres,
de
roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
1760
r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses,
d’
argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
1761
un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et
d’
éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
1762
méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats
d’
or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
1763
ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible.
D’
heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
1764
Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour
de
mes chambres blanches posées sur le onzième étage et festonnées de tu
1765
lanches posées sur le onzième étage et festonnées
de
tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
1766
coup plus bas, dans les buildings voisins séparés
de
ma terrasse par un gouffre profond, mais étroit, je vois des couples
1767
tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort
de
la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
1768
peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent
d’
une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
1769
res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis
de
tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
1770
ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges
de
verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
1771
s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus
de
la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
1772
r qui point, quand toutes choses et les souvenirs
d’
hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
1773
nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent
de
poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
1774
oses et les souvenirs d’hier changent de poids et
de
millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
1775
orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume
d’
été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
1776
a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue
de
lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
1777
r le grand fond sonore à bouche fermée des usines
de
l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
1778
les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo
de
désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
1779
des ferry-boats poussaient leur solo de désastre,
de
faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
1780
saient leur solo de désastre, de faux désastre et
d’
appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
1781
tre et d’appel commercial, dans le matin strident
de
l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
1782
u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée
d’
un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
1783
. Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment
de
trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
1784
éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York
d’
adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
1785
s au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
de
Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? dem
1786
e et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note
de
1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusie
1787
Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous
de
notre ville ? demandèrent à Le Corbusier les journalistes et les arch
1788
it raison à cette époque : pour quelques dizaines
de
gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de
1789
elques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue
de
Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizain
1790
és à la proue de Manhattan, New York, c’était sur
de
grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques
1791
’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines
de
milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela ch
1792
e grandes étendues plusieurs dizaines de milliers
de
maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidem
1793
tendues plusieurs dizaines de milliers de maisons
de
briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidement. On dém
1794
change rapidement. On démolit des rues entières,
d’
un coup, pour les rebâtir en vingt étages transparents et resplendissa
1795
r en vingt étages transparents et resplendissants
de
tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui
1796
transparents et resplendissants de tous les feux
de
la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui deviennent trop é
1797
n jour l’embouteillage sera définitif. Un million
de
voitures abandonnées par leurs propriétaires d’abord seulement pressé
1798
ement pressés, puis un peu affamés, et enfin pris
de
panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctu
1799
ris de panique boucheront les artères principales
de
Manhattan, bel infarctus ! Comment les déplacer ? Il y faudra des sem
1800
. Il faut projeter autre chose. Idée nouvelle
de
New York (novembre 1961) Le Lever House, Park Avenue, inaugure à m
1801
’un rez-de-chaussée opaque, ces fuites lumineuses
de
gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des pilier
1802
-chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon,
de
chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces,
1803
ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés
de
granit et qui serpentent entre des piliers minces, des maisons basses
1804
piliers minces, des maisons basses, des terrasses
de
cafés, des étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures
1805
es étangs et du ciel par larges échappées. Et pas
de
voitures ! On se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon
1806
n se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait,
de
mon temps, qu’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New
1807
u’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel
de
New York ne pouvait « entraîner vers la hauteur » que les regards de
1808
ait « entraîner vers la hauteur » que les regards
de
corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici,
1809
ards de corps emprisonnés au niveau de la boue et
de
l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui est la dimension sociale
1810
ttan sur pilotis. Les huit avenues longitudinales
de
vingt-cinq kilomètres, reliées par une sur deux des cent-cinquante-si
1811
ur deux des cent-cinquante-six rues transversales
de
quatre à cinq kilomètres sont livrées à la circulation des petits tax
1812
ectriques à deux places que l’on prend aux abords
de
la Cité et que l’on range après usage gratuit à peu près n’importe où
1813
e gratuit à peu près n’importe où, dans les zones
de
parcage. Mais entre ces rivières au flot facile et au ronronnement mo
1814
agés sous les buildings, j’imagine la renaissance
d’
une ville horizontale. Ville des piétons, des échoppes et des kiosques
1815
les spectacles dans les profondeurs, labyrinthes
de
sombres passages, ou sur les terrasses des sommets…) J’imagine la re
1816
terrasses des sommets…) J’imagine la renaissance
de
l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc
1817
) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum,
de
la place ou du square. Mille villages d’un bloc ou deux et leurs ruel
1818
u forum, de la place ou du square. Mille villages
d’
un bloc ou deux et leurs ruelles ; des espaces verts et des bosquets ;
1819
une ethnie, puis une autre à un stylo, sans trop
de
rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien sépa
1820
à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe
de
professions apparentées… Chacune bien séparée, mais très proche des a
1821
utres, quelques minutes… J’imagine la renaissance
d’
une Communauté, par un nouvel agencement des Formes. p. Édition réa
1822
nt des Formes. p. Édition réalisée sur la base
d’
un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1823
servé à la Bibliothèque publique et universitaire
de
Neuchâtel sous l’identifiant 933.