1 1948, {Title}. « Cher lecteur britannique, je connais bien votre prudence… » (automne 1948)
1 parisiens, sympathiques au mouvement pour l’union de l’Europe : « Tout le monde pense que ces efforts sont méritoires, mai
2 t à leur succès prochain. Vous n’avez devant vous d’ autre ennemi sérieux que l’inertie, mais elle est lourde… » Ainsi dit
3 st lourde… » Ainsi dit l’un, qui est le directeur d’ un grand journal. Et l’autre, excellent sociologue : « Il manque à vos
4 d industriel suisse me dit : « En a-t-on vu assez de ces organisations internationales ! Il est bien difficile d’y croire
5 nisations internationales ! Il est bien difficile d’ y croire encore. Si vous voulez réveiller les foules, faites une actio
6 us voulez réveiller les foules, faites une action d’ éclat, prenez un ours en laisse, et allez parler sur les places. Ce qu
7 iez-vous pas le premier ? Diogène avait bien tort de chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en d
8 e avait bien tort de chercher un homme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’en devenir un lui-même. C’est le plu
9 omme à la lueur de sa lanterne. Il eût mieux fait d’ en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’en trouver. » Quoi q
10 d’en devenir un lui-même. C’est le plus sûr moyen d’ en trouver. » Quoi qu’il en soit, les propos que je viens de rapporter
11 rter vous donneront, je le crains, une idée juste de l’opinion continentale, au cours de cet automne 1948. Le bel élan imp
12 élan imprimé au mouvement européen par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop m
13 uropéen par le congrès de La Haye court le risque de s’enliser, provisoirement. On avait trop misé sur des réalisations im
14 n France, conflit insoluble en Allemagne, suspens de la politique américaine à la veille des élections présidentielles, et
15 mieux dire, cette bienveillance plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est nor
16 e plutôt sceptique de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de déta
17 de l’opinion… Dans ces moments de ralentissement de l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient
18 nt de l’action, il est normal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se rep
19 rmal que les difficultés de détail se multiplient de tous côtés, et qu’on voie chaque pays se replier sur ses intérêts à c
20 bitions à des objectifs immédiats. Comment sortir de cette impasse ? En nous rappelant d’abord, et en rappelant aux masses
21 rappelant aux masses les buts lointains et larges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait
22 s lointains et larges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces
23 rges de notre action, l’ensemble de la situation. De quoi s’agit-il ? disait Foch. Trois grandes menaces pèsent sur l’Euro
24 t les trois besoins que l’on découvre à l’origine de toutes les fédérations connues. Dans un important ouvrage sur la cons
25 s facteurs ont été déterminants pour la formation de la Confédération helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les
26 tion helvétique, il y a cent ans. Il est frappant de les retrouver, identiquement, dans le Message aux Européens qui termi
27 s le Message aux Européens qui termina le congrès de La Haye. Laissez-moi vous rappeler ses termes. Voici d’abord les troi
28 termes. Voici d’abord les trois menaces : Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
29 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
30 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
31 oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut d’ une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
32 n à l’unification forcée, soit par l’intervention d’ un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. Et v
33 tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’ un parti du dedans. Et voici la réponse à ces menaces : l’union, seul
34 a réponse à ces menaces : l’union, seule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, dema
35 menaces : l’union, seule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons
36 eule garantie de la sécurité, de la prospérité et de la liberté : Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les pe
37 le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’ outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
38 on politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
39 u monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’ hommes libres. Si ce grand but reste constamment présent à notre espr
40 déal actif dans notre cœur, les vraies dimensions de la lutte seront rétablies, et les difficultés réduites à leurs justes
41 urs justes proportions. Si nous comprenons bien «  de quoi il s’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou
42 ’agit », et que c’est pour nous tous une question de vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’a
43 t que c’est pour nous tous une question de vie ou de mort, nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’apparentes
44 nous ne nous laisserons pas arrêter longtemps par d’ apparentes impossibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de gu
45 ssibilités pratiques. Nous dirons, comme en temps de guerre : impossible ou non, il le faut. Cher lecteur britannique, je
46 c’est qu’à l’heure actuelle, nous ne ferons rien de pratique si nous n’avons pas devant nous une vision nette et puissant
47 ons pas devant nous une vision nette et puissante de notre but final. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notr
48 nal. C’est cette fin seule qui dictera les moyens de notre action, qui les orientera et qui nous forcera à les découvrir l
49 « Voici le secret. Ne pensez plus aux mouvements de votre main. Regardez le rond noir qui est au milieu de la cible, lais
50 ira tout seul. » Le lendemain, je gagnais le prix de tir du bataillon. Cette expérience garde pour moi une valeur symboliq
51 rd’hui, et toutes les mesures pratiques dépendent de cela. C’est dans cette conviction que la Section culturelle du Joint
52 re européen de la culture. Quelle sera la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun d
53 uelle sera la mission de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer,
54 ssion de ce Centre ? Précisément, de maintenir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre pl
55 enir et de vivifier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’é
56 fier l’idéal commun des Européens, de l’exprimer, de le rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’il
57 e rendre plus conscient. Ou, en d’autres termes : d’ éclairer et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effor
58 conscient. Ou, en d’autres termes : d’éclairer et d’ illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union
59 er et d’illustrer constamment le sens et l’esprit de notre effort vers l’union — de ramener l’attention vers son but. Cert
60 e sens et l’esprit de notre effort vers l’union —  de ramener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aur
61 mener l’attention vers son but. Certes, le Centre de la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter
62 e Centre de la culture aura tout d’abord quantité de tâches pratiques à exécuter (la résolution culturelle adoptée par le
63 (la résolution culturelle adoptée par le congrès de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’initiatives ont été pr
64 s de La Haye énumère les plus urgentes). Beaucoup d’ initiatives ont été prises, dans nos divers pays, qui ne demandent qu’
65 ns nos divers pays, qui ne demandent qu’un organe de coordination pour donner leur plein effet. Le Centre sera d’abord au
66 ur plein effet. Le Centre sera d’abord au service de la culture. Mais il ne la servira bien que s’il sert en même temps l’
67 ffort commun pour établir l’union européenne. Pas de culture, au sens européen du terme, si l’Europe se voit asservie, rui
68 s économistes ? a. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
69 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 453. Une note manuscrite indique que ce
2 1949, {Title}. Présentation du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)
70 on du Rapport général de la Conférence européenne de la culture à Lausanne (8 décembre 1949)b La condition profondément
71 e désespérée. Elle est aussi plus près que jamais de se résoudre en une synthèse. Il est vrai que l’Europe est en train de
72 t — , l’Europe est en train de se faire. Aux yeux d’ un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dan
73 yeux d’un esprit objectif, toutes les conditions de la ruine sont réunies dans notre ciel et dans nos données immédiates 
74 t les mêmes conditions qui pourraient être celles d’ une renaissance. Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s
75 Nos divisions absurdes, par exemple, n’ont cessé de s’aggraver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absu
76 ver depuis dix ans — mais nous prenons conscience de leur absurdité. L’avènement brusque et stupéfiant des deux empires ex
77 d’entre nous, mais il réveille aussi le sentiment d’ un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’aban
78 il réveille aussi le sentiment d’un destin commun de nos peuples. Enfin, l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités d
79 , l’indifférence écœurée, l’abandon aux fatalités de l’Histoire, se voient combattus par l’élan vers l’union, vers la fédé
80 lée de Strasbourg, — votre présence ici. Je parle d’ un espoir tremblant. Le sentiment le plus répandu, j’allais dire le pl
81 y a aujourd’hui une manière proprement européenne d’ avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres vi
82 ui une manière proprement européenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’une guerre que d’autres viendraient fai
83 éenne d’avoir peur de l’avenir : et c’est la peur d’ une guerre que d’autres viendraient faire sur notre sol, et sur le cor
84 viendraient faire sur notre sol, et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des
85 et sur le corps de nos enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’une guerre des autres, qui serait perdue par nou
86 s enfants, c’est l’angoisse de devenir les objets d’ une guerre des autres, qui serait perdue par nous, quelle que soit son
87 is, il y a, en même temps, une manière européenne d’ espérer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre
88 rer, un espoir proprement européen, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance c
89 en, qui est celui de réussir notre fédération, et de retrouver par là même une puissance capable d’imposer la paix. Telle
90 et de retrouver par là même une puissance capable d’ imposer la paix. Telle est la situation contradictoire dans laquelle
91 re dans laquelle nous sommes engagés. À son point de crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait r
92 int de crise, où nous sommes, il dépend en partie de nous que l’espoir ait raison du désespoir. Mais il faut aller vite, e
93 s’esquissent, à Strasbourg, les cadres politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée huma
94 s politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de l
95 rand temps de définir la visée, la portée humaine de cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but
96 e, la portée humaine de cette action, la vocation de la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence.
97 la communauté européenne. Tel est le but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une répo
98 but général de notre conférence. Ce qu’on attend de nous ici, c’est d’abord une réponse à la question dangereuse que pose
99 elles propres à garantir et développer l’exercice de la pensée libre, sans laquelle l’Europe n’est plus rien. On pourrait
100 rien. On pourrait discuter sans fin sur le titre de cette conférence. Les mots européen, culture, prêtent à des controver
101 à des controverses trop faciles. Dès qu’on parle d’ Europe, d’unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Eu
102 troverses trop faciles. Dès qu’on parle d’Europe, d’ unir l’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’Europe ! et
103 ’Europe, chacun commence par dire : Il n’y a plus d’ Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europ
104 Europe ! et finit par offrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à
105 ffrir une belle définition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialog
106 ition de ce qu’est l’Europe, de ce qu’elle a été, de ce qu’elle devrait être à son sens. Et ce dialogue à plusieurs voix r
107 s voix reste, à tout prendre, la vraie définition de l’Europe, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, cha
108 rope, une et diverse. De même, dès que l’on parle de culture, chacun donne à ce mot des contenus différents, — et cela enc
109 r certaines définitions obligatoires et uniformes de la culture ; mais par là même, les pays qui les adoptent ou les subis
110 ays qui les adoptent ou les subissent, s’écartent de la communauté européenne, — provisoirement, nous l’espérons. Il est v
111 rement, nous l’espérons. Il est vrai que le terme de culture évoque des réalités hétéroclites : inventions techniques et b
112 es et beaux-arts, hygiène, éducation, et procédés de construction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; con
113 truction ; littérature, philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité hu
114 philosophie, et doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique 
115 doctrines de l’État ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la v
116 tat ; conceptions de la liberté, de la justice et de la dignité humaine ; esprit critique ; et toute la vie des religions.
117 Culture peut signifier aussi prise de conscience de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’ex
118 i prise de conscience de la vie, besoin perpétuel d’ approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouv
119 ence de la vie, besoin perpétuel d’approfondir et d’ illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, t
120 in perpétuel d’approfondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que
121 pprofondir et d’illustrer le sens de l’existence, d’ augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses.
122 er le sens de l’existence, d’augmenter le pouvoir de l’homme, tant sur lui-même que sur les choses. Culture peut signifier
123 ure peut signifier enfin, l’ensemble des procédés de création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre
124 emble des procédés de création et la transmission de leurs principes. Je souhaite que notre conférence s’interdise les déb
125 s définitions. À toutes fins utiles, elle partira de l’idée que la culture, ce sont les réalités intellectuelles et spirit
126 ités intellectuelles et spirituelles qui ont fait de l’Europe autre chose et beaucoup plus que ce qu’elle est, dans sa réa
127 jours par la rendre folle, il se contente parfois de l’endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’occupations acc
128 endormir. Je veux dire qu’il surcharge ses élites d’ occupations accablantes et flatteuses, qui ne leur laissent plus une s
129 tastrophes. On demande à certains « grands noms » de venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils
130 « grands noms » de venir participer au sauvetage de l’Europe. Ils nous répondent qu’ils ont un rhume, qu’ils ont promis u
131 ne conférence. D’autres invoquent un besoin subit de se retirer pour méditer. Regrettons-le, pour eux surtout. S’ils sont
132 és, ce qu’à Dieu ne plaise, dans certains « camps de rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les r
133 rééducation sociale », ils auront enfin le temps de méditer sur les raisons urgentes qui motivaient un rassemblement comm
134 ôtre. Ils comprendront qu’il est certains moments de l’Histoire où l’on ne peut renverser les destins qu’en y allant tous
135 qui êtes ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous
136 ici, et l’on sait bien quels sacrifices de temps, d’ argent, et surtout d’énergie créatrice, représente pour vous tous un t
137 n quels sacrifices de temps, d’argent, et surtout d’ énergie créatrice, représente pour vous tous un tel effort. Pour être
138 Pour être juste, il faut reconnaître que beaucoup d’ intellectuels redoutent non sans raison l’atmosphère des congrès, inco
139 tmosphère des congrès, inconsidérément multipliés de nos jours. Je les comprends, et je comprends surtout ceux d’entre eux
140 hésite à s’engager dans une action où le meilleur de lui-même ne saurait s’exprimer. Il y a des gouffres, des abîmes, entr
141 férent — ou c’est un mauvais écrivain — au destin de la communauté dont il écrit la langue, où sa voix porte, qui peut le
142 congrès. Voyons maintenant comment il conviendra de l’organiser. Vous avez sous les yeux un Rapport général. Établi pour
143 i pour l’information des délégués, ce rapport n’a d’ autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont
144 des délégués, ce rapport n’a d’autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au
145 e rapport n’a d’autre ambition que de signaler et de classer les problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’une enq
146 s problèmes qui se sont révélés urgents, au terme d’ une enquête dans nos divers pays. Chacun des groupes nationaux du mouv
147 n questionnaire sur l’état des problèmes concrets de la culture dans son pays. Dix-sept groupes ont donné des réponses dét
148 û l’improviser avec des groupes en pleine période de formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y
149 n pleine période de formation. Elle nous a permis de mieux voir l’intérêt capital qu’il y aurait à dresser systématiquemen
150 aire aussi des lacunes, des obstacles, permettant de délimiter des zones critiques où concentrer l’effort. Puis, des étude
151 s concrets nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’ études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouve
152 s nous ont été remises. Enfin, le Bureau d’études de Genève a fourni plusieurs notes et documents que vous trouverez dans
153 que vous trouverez dans vos dossiers. Sur la base d’ une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéci
154 ez dans vos dossiers. Sur la base d’une quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des docu
155 ur la base d’une quinzaine de rapports nationaux, d’ une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapp
156 quinzaine de rapports nationaux, d’une trentaine de rapports spéciaux, et des documents précités, le Rapport général a te
157 es documents précités, le Rapport général a tenté d’ opérer une synthèse provisoire, en guise d’introduction à vos travaux.
158 n instant destiné à faire l’objet des discussions de la conférence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’exposé de
159 rence. Il en introduit les sujets. Il veut servir d’ exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain,
160 ts. Il veut servir d’exposé des motifs à la série de résolutions pratiques qui, dès demain, seront proposées et mises au p
161 niques restant, bien entendu, réservés aux débats de l’ensemble du congrès, siégeant en commission générale. Il nous appar
162 rale. Il nous apparaît aujourd’hui qu’il y a lieu de prévoir une nouvelle commission, consacrée à l’éducation et à l’ensei
163 à nous égarer. On parle beaucoup, par exemple, «  d’ organiser les échanges culturels ». Observons tout d’abord qu’il n’en
164 frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, prisonnières des cadres nationaux, n
165 res nationaux, ne doivent pas chercher des moyens de correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent
166 des moyens de correspondre un peu plus facilement de prison à prison. Elles doivent au contraire exiger leur « élargisseme
167 ment » immédiat, sans conditions. Le terme même «  d’ échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force
168 , avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force d’ avoir servi d’échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien mal
169 est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’ échappatoire facile aux fonctionnaires chargés (bien malgré eux, souve
170 x, souvent) des problèmes réputés « secondaires » de la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce p
171 éputés « secondaires » de la culture. Ils tentent de s’en tirer en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’échanges
172 r en consentant à la culture ce petit va-et-vient d’ échanges surveillés que leurs douaniers et leurs agents fiscaux sauron
173 ux quelques petits décrets concernant les voyages de quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bon
174 es de quelques professeurs bien vus des pouvoirs, de quelques boursiers bons élèves ; et quelques phrases bien plates sur
175 hrases bien plates sur l’indispensable solidarité de nos nations. Une hypocrisie ennuyeuse. Prétendre « organiser les écha
176 droits que l’État s’est arrogés, et qu’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’abaisser des obstac
177 ’il s’agit de lui dénier radicalement, — le droit d’ élever ou d’abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des id
178 e lui dénier radicalement, — le droit d’élever ou d’ abaisser des obstacles arbitraires à la circulation des idées, des per
179 nent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant,
180 ls ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits
181 es périodes de vitalité de la culture. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités a
182 ure. — échanges de découvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques
183 uvertes à l’état naissant, de produits originaux, de curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de p
184 ant, de produits originaux, de curiosités avides, d’ expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non p
185 de curiosités avides, d’expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements
186 es, d’expressions authentiques de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème —
187 s de la sensibilité, de passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre co
188 passions même, et non pas de simples déplacements de forts en thème — , nous devons, dans notre congrès : 1° abandonner, e
189 : 1° abandonner, et au besoin dénoncer la méthode de « l’organisation des échanges », 2° exiger la suppression pure et sim
190 ion des personnes, des œuvres, et des instruments de travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits
191 des instruments de travail, dans toute l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bé
192 l’étendue de l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, do
193 l’Europe. Supprimer tous ces droits de douane et de visas, dont le bénéfice est dérisoire pour les États, dont la charge
194 re. Et surtout ne proposons pas, dans ce domaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse d’esprit qui entraîne tant de
195 omaine, de nouveaux organismes ! C’est la paresse d’ esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines b
196 d’esprit qui entraîne tant de comités à proposer de nouvelles machines bureaucratiques. Restaurer la culture, c’est aussi
197 poids mort des organisations ! Qu’on n’essaie pas d’ organiser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’une respirat
198 ser la vie, qu’on la laisse libre : La seule idée d’ une respiration organisée, n’est-il pas vrai, vous coupe le souffle. Q
199 s vrai, vous coupe le souffle. Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était
200 . Qu’on n’essaie pas de créer par décrets l’unité de notre culture : elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé
201 e, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse lib
202 origines, elle n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifeste
203 n’a cessé depuis de se reformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe o
204 richir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins
205 er ! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voilà le remède pratique à presque tous les
206 un effort positif. Il serait insuffisant et vain de vouloir revenir simplement à la condition libérale qui était celle de
207 implement à la condition libérale qui était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je
208 était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914. C’était le beau temps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Ann
209 ps, je le sais. L’on pouvait lire dans l’Annuaire de la Compagnie européenne des wagons-lits, au chapitre sur les passepor
210 Pour l’entrée dans tous les autres pays, la carte de visite suffit » ! Mais cette liberté des échanges n’a pas suffi à ré
211 titutions qui garantissent et manifestent l’unité de nos cultures dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’instr
212 dans leur diversité. Il faut doter l’Europe unie d’ instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut au
213 ersité. Il faut doter l’Europe unie d’instruments de travail qui soient à l’échelle continentale. Il faut aussi former les
214 er les jeunes hommes qui deviendront les porteurs de l’idée fédérale, sans laquelle nos réformes techniques et matérielles
215 cuments et rapports spéciaux mis à la disposition de la conférence donnent le détail des projets à l’étude. Au premier ran
216 » que le xx e siècle a vu naître, il est frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour objet l’Europe c
217 s pays forment un ensemble, un complexe organique de culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-
218 omplexe organique de culture, facile à distinguer de ses voisins, et qu’en tout cas, ceux-ci distinguent souvent mieux que
219 mble n’ait pas encore été étudié en tant que tel, d’ une manière systématique ; et qu’il n’existe aucune institution capabl
220 ue ; et qu’il n’existe aucune institution capable de renseigner sur l’Europe en général, sur sa situation présente, sur l’
221 en général, sur sa situation présente, sur l’état de ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes.
222 a situation présente, sur l’état de ses forces et de ses faiblesses, sur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’
223 ur ses possibilités et ses lacunes. Que le besoin d’ une telle institution soit urgent, rien ne saurait mieux le faire sent
224 difficultés qu’a rencontrées la préparation même de notre conférence, et que ses insuffisances inévitables dans l’état ac
225 ses. Je tiens à vous rappeler que, dès le congrès de la Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’un Centre europé
226 a Haye, notre Mouvement avait demandé la création d’ un Centre européen de la culture, dont les attributions furent esquiss
227 par la résolution culturelle du congrès. Au mois de février 1949, le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’étud
228 le Mouvement européen ouvrait à Genève un Bureau d’ études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septem
229 opéen ouvrait à Genève un Bureau d’études, chargé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même an
230 rgé de préparer l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg vo
231 er l’œuvre du Centre. Enfin, au mois de septembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unan
232 tembre de la même année, l’Assemblée consultative de Strasbourg votait à l’unanimité une recommandation favorable à la cré
233 nimité une recommandation favorable à la création d’ un Centre européen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Gen
234 ntre européen de la culture. Le travail du Bureau d’ études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus prè
235 péen de la culture. Le travail du Bureau d’études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la ques
236 ’études de Genève, depuis quelques mois, a permis de serrer de plus près la question. Il a conduit aux conclusions pratiqu
237 t leur réserver. Il en va de même pour le Collège d’ Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commi
238 llège d’Europe, à Bruges, collège qui permettrait de former les « grands commis européens », dont les futures institutions
239 commis européens », dont les futures institutions de l’Europe unie auront évidemment besoin. Enfin, je mentionnerai, et sa
240 de commentaires, car l’heure s’avance, un projet d’ institut européen des sciences politiques et sociales ; et ce projet s
241 ces politiques et sociales ; et ce projet surtout d’ un Fonds européen pour les recherches scientifiques, dont l’importance
242 mission proposée tout à l’heure, qui s’occuperait de l’enseignement européen, deux mots seulement, mais importants. La pré
243 x mots seulement, mais importants. La préparation de notre conférence, l’abondance et la qualité des rapports reçus sur le
244 t la qualité des rapports reçus sur les questions d’ éducation, ont montré à quel point ce souci est général dans nos pays.
245 le monde se rend parfaitement compte que l’avenir de l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite
246 enir de l’union européenne dépend en premier lieu de la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un es
247 européenne dépend en premier lieu de la création d’ une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranatio
248 emier lieu de la création d’une élite responsable de jeunes gens, formés dans un esprit supranational. Cette tâche, comme
249 l’écrit M. Jean Bayet, « exigera la bonne volonté de plusieurs générations, (mais) réclame aussi un départ extrêmement vif
250 aussi un départ extrêmement vif et net ». L’effet de choc que produira sur l’opinion publique l’institution rapide d’un en
251 duira sur l’opinion publique l’institution rapide d’ un enseignement européen constituera la meilleure propagande pour notr
252 ent être créés par le blocage, au titre européen, d’ une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernem
253 cage, au titre européen, d’une fraction du budget de l’Éducation, dans chaque pays. Les gouvernements et l’économie privée
254 és. Nous invoquerons le fait que, si le sentiment d’ un destin spirituel commun, et l’énergie créatrice des Européens ne so
255 ettre nos gouvernements devant un choix. Un ordre de priorité doit être d’urgence établi. Il est probable que le prix de r
256 s devant un choix. Un ordre de priorité doit être d’ urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bom
257 tre d’urgence établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel
258 ce établi. Il est probable que le prix de revient d’ une seule bombe atomique dépasse largement le budget annuel des instit
259 institutions que nous venons de proposer. Le prix d’ une seule bombe atomique couvrirait donc le budget global d’une renais
260 e bombe atomique couvrirait donc le budget global d’ une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mor
261 ouvrirait donc le budget global d’une renaissance de la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des
262 e de la culture européenne. Construire des engins de mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millio
263 e mort qui coûtent des milliards, quand on refuse de trouver les millions qui permettraient de développer la recherche sci
264 refuse de trouver les millions qui permettraient de développer la recherche scientifique pour la paix et la vie, c’est la
265 ientifique pour la paix et la vie, c’est la folie de l’Occident moderne. À tel point, qu’on se demande parfois s’il ne vau
266 l ne vaudrait pas mieux être restés barbares, que de nous être aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture
267 tre aussi mal civilisés. La Conférence européenne de la culture faillirait à sa vraie mission, si elle n’élevait pas, cont
268 Pour quelles fins réelles voulons-nous ces moyens de culture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La
269 ns-nous ces moyens de culture, et cette éducation d’ une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
270 ture, et cette éducation d’une conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiqu
271 pas substituer aux nationalismes locaux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au mond
272 e sorte de nationalisme européen. L’Europe s’est, de tout temps, ouverte au monde entier. Elle a toujours conçu sa civilis
273 toujours conçu sa civilisation comme un ensemble de valeurs universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’opposer une
274 s universelles. Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’ opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Oue
275 opposer une nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthé
276 nation européenne aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valab
277 e aux grandes nations de l’Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique, valable pour nous seu
278 fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre
279 e serait trahir le génie de l’Europe, nous couper de ses sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contr
280 chrétiennes et humanistes. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le mo
281 es. Notre ambition, c’est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de
282 nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’ une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est l
283 a leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. E
284 d’une renaissance de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. Et notre objet ne sera pas non pl
285 vraie force. Et notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pouvons réformer qu
286 acceptons pas la scission que symbolise le rideau de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occid
287 de fer ; mais nous pensons que le meilleur moyen de ramener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’i
288 amener vers l’Occident les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté,
289 les peuples séparés, c’est de leur offrir l’image d’ une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’une Europe qui prend
290 d’une Europe rénovée par l’union dans la liberté, d’ une Europe qui prend au sérieux sa vocation particulière dans le monde
291 blie et divisée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une
292 ée par vingt nationalismes et autant de barrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe procla
293 arrières de douanes, ne saurait plus être un pôle d’ attraction. Une Europe proclamant des principes sans les appliquer fer
294 pliquer fermement, n’aurait bientôt plus le droit de parler. Prendre au sérieux la vocation européenne, c’est une mission
295 sérieux la vocation européenne, c’est une mission de vigilance dont les intellectuels des pays libres doivent se sentir pl
296 tir plus que jamais responsables. Il leur incombe de rappeler sans relâche aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux
297 eurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre de principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que
298 nomie. Si nous exerçons, à Lausanne, cette action de vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’el
299 on de vigilance publique, on pourra dire vraiment de notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne.
300 aiment de notre conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, to
301 conscience, en dernière analyse. C’est notre lot d’ Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la co
302 lot d’Européens, et c’est notre passion profonde, de préférer toujours la conscience au bonheur. Vocation tragique et féco
303 à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, dont l’une qui nous est chère, cultive un idéal eudémonique
304 est chère, cultive un idéal eudémonique, l’idéal d’ un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait tro
305 mes, quelques prières. C’est par la musique seule de Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous
306 es prières. C’est par la musique seule de Bach ou de Mozart que nous en possédons la substance idéale, que nous en respiro
307 , nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans d’ innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de tr
308 s pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyen
309 prospérité organisée. Nous tenterons, sobrement, de trouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations
310 ouver les moyens qui permettent le libre exercice de nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notr
311 xercice de nos vocations tourmentées ; des moyens de vivre, oui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. S
312 ui, mais selon notre foi, sans renier nos raisons de vivre. Sauvons l’Europe tragique, pour que nos descendants puissent e
313 t, par la grâce des chefs-d’œuvre futurs, au ciel de la musique — dans une Europe heureuse. b. Édition réalisée sur la b
314 urope heureuse. b. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
315 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 466. La date est celle du discours prono
3 1950, {Title}. Sixième lettre aux députés européens (décembre 1950)
316 ngoissé que mes cinq premières lettres essayaient de traduire. On ne saurait dire pourtant que vous n’ayez rien fait : vou
317 ayez rien fait : vous avez démontré l’impuissance d’ une formule, d’une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont
318 : vous avez démontré l’impuissance d’une formule, d’ une méthode, et d’un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls,
319 ré l’impuissance d’une formule, d’une méthode, et d’ un vocabulaire. Vos résultats ne sont donc pas nuls, mais négatifs. Il
320 donc pas nuls, mais négatifs. Ils nous permettent d’ y voir plus clair. Sur la base des partis nationaux, qui est la vôtre,
321 eraient rien qui puisse conduire à une fédération de l’Europe, vous appelez réaliste ce qui n’y conduit pas. Votre vœu le
322 qu’au point mort défini par le croisement fortuit de leurs résolutions contradictoires, elles-mêmes condamnées au néant pa
323 es condamnées au néant par un statut que le droit de veto rend inchangeable, aussi longtemps que le Nord restera froid. En
324 ter des résistances… ». Voilà qui donne la mesure de votre réalisme. Imaginez que les premiers apôtres soient partis sur l
325 tit à petit notre point de vue, mais gardons-nous de citer un nom dont l’usage est prématuré : il nuirait à la cause que n
326 ctionnalistes ». Ils nous parlent depuis deux ans d’ un procédé pour faire l’Europe qu’ils appellent functional approach. C
327 ux qui ne savent pas très bien l’anglais, jugeant de la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’une antiphrase — 
328 la chose par ses effets, ont cru qu’il s’agissait d’ une antiphrase — comme « démocratie populaire ». Abandonnés à leur ins
329 s à leur instinct, ces ignorants eussent continué de penser que functional signifie « qui fonctionne », et que approach ég
330 , et que approach égale « approche ». Cette façon de s’approcher du but en fonctionnant leur paraissait éminemment fédéral
331 fédéraliste. Mais voyant la conduite et les votes de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que
332 la conduite et les votes de ceux qui se réclament de ce procédé, ils se sont figurés bientôt que ces messieurs désiraient
333 du but allégué en refusant tout ce qui fait mine de fonctionner. Soit dit à leur décharge, les pamphlets daltoniens sembl
334 dre l’anglais. L’ayant fait, je me vois en mesure de dissiper le malentendu. Voici le problème que les fonctionnalistes pr
335 un but précis, qui est la fédération des peuples de l’Europe, n’en parler sous aucun prétexte, exiger des moyens purement
336 un prétexte, exiger des moyens purement pratiques de l’approcher un jour ou l’autre, et les refuser lorsque quelqu’un les
337 . Le fait est que cette querelle est une histoire de fous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maiso
338 ous. Une petite parabole va le montrer. Il s’agit de bâtir une maison, et deux partis sont en présence. Le premier dit : d
339 ient à construire un rez-de-chaussée, sans l’idée d’ une maison. Que pensent alors les gens sensés ? Ils pensent qu’on ne b
340 guère. Ils pensent que les plans seuls permettent de commencer par les caves et le rez-de-chaussée, comme le veulent la ra
341 reproche qu’il faudrait donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de
342 donc leur adresser, c’est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfian
343 est de n’avoir aucune envie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nati
344 vie de fonctionner, c’est de retarder l’action et de dissimuler leurs méfiances partisanes et nationales derrière un mot q
345 enfin soyons francs, voyons l’histoire récente : d’ où viennent les « mesures pratiques » aujourd’hui discutées ? Qui veut
346 respect des autonomies ? Qui s’oppose à l’esprit de système, jacobin, stalinien, daltonien et totalitaire en fin de compt
347 n et totalitaire en fin de compte ? Qui a proposé de faire l’Europe en créant des autorités pour le charbon, l’acier, l’ar
348 ontreux, dès l’année 1947 ; ou encore, au Congrès de l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’utopie, à chaque
349 l’Europe, à La Haye, 1948. Qui a taxé ces projets d’ utopie, à chaque fois qu’ils ont vu le jour ? Ceux qui refusent la con
350 le jour ? Ceux qui refusent la condition première de leur mise en pratique : j’entends, un pouvoir fédéral. Il est bien cl
351 clair qu’on se moque du monde, et qu’on se moque de l’Europe, à Strasbourg, lorsqu’on oppose le plan Schuman, ou le plan
352 échoueront. Je me déclare ici partisan convaincu de la méthode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthod
353 ode fonctionnaliste, en tant qu’émanation directe de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare
354 ecte de la méthode fédéraliste. Mais je me sépare de vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors
355 je me sépare de vous quand je me déclare partisan de sa mise en pratique. Et dès lors je me demande, Messieurs les députés
356 à faire, à Strasbourg, pour l’Europe. Vous venez d’ émettre un vœu majoritaire en faveur des autorités spécialisées, pensa
357 ez bien voulu permettre aux États qui le désirent de nouer des ententes. L’intention vous honore. Mais les États souverain
358 tats souverains ne s’attendaient guère à recevoir de vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous
359 ndaient guère à recevoir de vous cette permission de rester souverains ou non ! Et surtout, vous le savez mieux que moi :
360 : le plan Schuman, l’armée européenne, les unions de paiements et tous les autres plans, ils se feront sans vous, vous leu
361 quelque pouvoir — mais vous vous êtes bien gardés de l’exiger — , vous en retarderiez l’application. Quoi ! Staline est au
362 lle se fera comme se font les tissus, les réseaux de résistance, les entreprises, les cultures, les grandes découvertes, l
363 us reste absolument qu’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédige
364 u’une chose à faire, qui est de ne pas l’empêcher de se faire. Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa con
365 Il vous reste donc, au total, à rédiger le projet de sa constitution. Vous êtes politiciens, députés et juristes. Fonction
366 fédérez, selon votre spécialité, dans les limites de votre autorité ! Sinon, nous serons tous, avant longtemps, satellisés
367 ns tous, avant longtemps, satellisés ou évaporés. De Ferney-Voltaire, le 15 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la ba
368 décembre 1950. c. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
369 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 355. Publié également dans François Sain
4 1951, {Title}. Discours au congrès de Bombay (mars 1951)
370 Discours au congrès de Bombay (mars 1951)d Ce congrès est une manifestation culturelle, n
371 n culturelle, non pas politique. Il est important de le souligner fortement dès le premier jour. Car on l’a nié, ici même
372 rmées ont dit, ici et en Europe : — N’essayez pas de nous en faire accroire. Vous êtes tous des antistaliniens, donc votre
373 né à combattre la neutralité en général, et celle de l’Inde en particulier. Je vais m’expliquer très franchement sur ces t
374 ou des libéraux. Nous sommes contre toute espèce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’ordre intellectuel et m
375 ce de totalitarisme, pour une raison très simple, d’ ordre intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner l
376 e intellectuel et moral : parce que nous refusons de subordonner la culture à la politique, — à n’importe quelle politique
377 te quelle politique. La culture s’occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens
378 La culture s’occupe des fins de la vie humaine et de son sens, la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réalise
379 la politique doit s’occuper des moyens pratiques de réaliser ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonne
380 er ces fins. C’est une grave faute de logique que de subordonner les fins aux moyens. C’est une grave faute pratique aussi
381 faute pratique aussi : parce que cela fait autant de mal aux fins qu’aux moyens. D’une part, la politique prise pour fin a
382 religions, en même temps qu’elle perd ses vertus de science pratique. D’autre part, dès que la culture est subordonnée à
383 ulture est subordonnée à la politique, elle cesse d’ être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation me
384 née à la politique, elle cesse d’être une méthode de libération humaine pour devenir une préparation mentale à l’esclavage
385 ment que nous pouvons perdre demain notre liberté de penser. J’avoue que dans mes jeunes et folles années, je me suis sou
386 jeunes et folles années, je me suis souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde
387 is souvent moqué de cette expression : la liberté de la pensée. Je disais : rien au monde ne saurait nous en priver. Même
388 priver. Même en prison, l’homme garde la liberté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit qu
389 erté de penser ce qu’il veut. Pourquoi parle-t-on de lui garantir ce droit que personne ne pourrait lui ôter ? J’avais ent
390 , si nous ne sommes plus propriétaires ou auteurs de nos propres pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser
391 s pensées. Si nous perdons le droit et le pouvoir de penser ce qu’il nous plaît, les autres droits que nous aurons seront
392 litaire qui s’en empare. Ceux qui ont lu le livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux
393 e livre de Georges Orwell, 1984, savent très bien de quoi je parle ici. Ou ceux qui ont lu Darkness at Noon de Koestler, o
394 iologistes, qui prouvent qu’en pinçant le cerveau d’ un nouveau-né au bon endroit, on peut lui faire penser ou ne pas pense
395 pas seulement redécouvert, à la faveur des camps de concentration russes et des fours crématoires des nazis, la valeur pr
396 ours crématoires des nazis, la valeur primordiale de l’habeas corpus. Il découvre soudain que la liberté humaine par excel
397 l’a dit récemment Ignazio Silone, c’est le droit de chaque homme à son âme — habeas animam ! et nous pouvons le perdre. N
398 un plus grand effort vers la maîtrise par l’homme de sa propre pensée. Je n’en veux pour preuve que la toute dernière paro
399 part donc la menace totalitaire contre la liberté de la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vi
400 e la pensée ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve
401 ne doit être redoutée pour l’âme même de ce pays de très vieille et profonde culture. Maintenant, il se trouve qu’en fait
402 ve qu’en fait, le totalitarisme le plus dangereux de nos jours est le stanilisme, variété la plus puissante d’une maladie
403 ours est le stanilisme, variété la plus puissante d’ une maladie unique, qui peut s’appeler ailleurs fascisme ou phalangism
404 police politique, donc à corrompre la source même de notre liberté. Et voilà pourquoi nous sommes antistaliniens. En secon
405 lairs : nous ne serons jamais « pour l’Amérique » de la même manière que les staliniens sont « pour la Russie ». Pour le s
406 a Russie ». Pour le stalinien, les seuls critères de jugement intellectuels et artistiques sont ceux qu’impose l’intérêt d
407 t confondu une fois pour toutes avec les intérêts d’ une grande puissance bien définie. Pour le stalinien, le vrai égale l’
408 e être actuellement le défenseur le plus efficace de nos libertés, nous ne sommes pas prêts à souscrire sans condition, un
409 our toutes, à tout ce que l’Amérique peut décider de faire un jour ou l’autre, ni à assimiler une fois pour toutes la libe
410 sommes amis des Américains, mais plus encore amis de la vérité. Et nous ne confondons pas nos conclusions politiques actue
411 pour condamner la neutralité en général, et celle de l’Inde en particulier. Personnellement, je tiens à prendre ici une po
412 position extrêmement claire. Il me paraît capital d’ établir une distinction nette entre la neutralité et le neutralisme. L
413 situations bien définies. C’est aux hommes d’État d’ en juger. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juge
414 er. Et non pas à moi. J’ai trois raisons majeures de ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne s
415 is raisons majeures de ne pas juger la neutralité de l’Inde : la première, c’est que je ne suis pas homme d’État ; la seco
416 je rentre dans mon domaine propre, qui est celui de la culture, je constate que la neutralité simplement n’y existe pas.
417 ralité simplement n’y existe pas. Créer, ou faire de la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque
418 ire de la critique, c’est exactement le contraire de rester neutre, puisque créer, c’est opérer des choix perpétuellement,
419 t la maladie. Il n’existe, il ne peut pas exister de neutralité intellectuelle, artistique, scientifique, ou morale. Il im
420 ralité temporaire dont les motifs sont en réalité d’ ordre strictement politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de r
421 t politique. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général 
422 e. En tant qu’intellectuel, je n’ai pas de raison d’ approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’a
423 el, je n’ai pas de raison d’approuver ni non plus de condamner la neutralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de
424 tralité en général ; mais j’ai toutes les raisons de lutter contre le neutralisme moral. J’illustrerai ce point par une pe
425 un loup, un agneau, et un berger. L’agneau décide de rester neutre entre le loup qui menace et le berger qui le protège. J
426 rès tout, soyons objectif ! Voyons les deux côtés de la question. Ce loup ne pense pas à mal, il a grand faim, il a beauco
427 faim, il a beaucoup lu Marx, et il est “partisan de la paix” ; d’autre part, ce berger n’est pas un homme parfait, il boi
428 ons lutter, je veux dire : — contre cette manière de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle pol
429 tre cette manière de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même dém
430 de mettre la culture au service de la politique, de n’importe quelle politique, même neutre, et même démocratique : car d
431 Nous devons être ici non pas contre la neutralité de tel ou tel État — ce n’est pas notre affaire — mais contre le mensong
432 d ; et ensuite, parce qu’il est en fait une prise de parti politique en faveur des loups, par des moutons qui désirent sec
433 és. Nous devons être ici fidèles à notre vocation d’ intellectuels : ce sera notre efficacité la plus certaine. Notre maniè
434 efficacité la plus certaine. Notre manière à nous de défendre la liberté, ce sera d’opérer avec rigueur les distinctions e
435 re manière à nous de défendre la liberté, ce sera d’ opérer avec rigueur les distinctions et les dénonciations nécessaires
436 s pour combattre la propagande des loups. Ce sera de nous faire les gardiens vigilants du véritable sens des mots. Même si
437 ret du mot liberté, même si nous ne faisions rien d’ autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous
438 nous ne faisions rien d’autre en trois jours que de nous disputer librement sur ce sens, nous aurions réussi quelque chos
439 nous aurions démontré par le fait la réalité même de la liberté, réalité qui se manifeste au plus haut point dans la reche
440 ionnée du vrai. d. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
441 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 485. Il s’agit du discours prononcé à Bo
442 2e grande conférence internationale (après celle de juin 1950 à Berlin-Ouest) organisée du 28 au 31 mars 1951 par la bran
443 ar la branche indienne du Congrès pour la liberté de la culture, dont Rougemont est le président du comité exécutif. Des e
444 est le président du comité exécutif. Des extraits de ce discours ont été publiés dans Preuves et dans la brochure Les L
5 1952, {Title}. La vie religieuse aux États-Unis (1942-1945) (1952)
445 jugement courant un peu de vérité, mais beaucoup d’ erreurs et encore plus d’ignorance des faits, c’est ce que je voudrais
446 de vérité, mais beaucoup d’erreurs et encore plus d’ ignorance des faits, c’est ce que je voudrais vous faire voir, comme j
447 , pendant les six années que j’ai passées là-bas, de 1941 à 1947. Je recommencerai ma description par l’extérieur, par ce
448 ent. On m’avait dit que je trouverais à Manhattan de pauvres petites églises tout écrasées entre des gratte-ciel triomphan
449 phants, et que c’était là le symbole bien visible de la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j
450 était là le symbole bien visible de la suprématie de la matière sur l’esprit, en Amérique. Et en effet, j’ai vu cette viei
451 érique. Et en effet, j’ai vu cette vieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon d
452 ieille église de la Trinité, qui dresse sa flèche de brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien fi
453 esse sa flèche de brique noircie au bas du canyon de Wall Street, et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’immen
454 et qui paraît bien finie et bien modeste au pied d’ immenses parois luisantes des banques. Mais j’ai remarqué que les empl
455 j’ai remarqué que les employés et les directeurs de ces banques venaient nombreux aux offices célébrés chaque après-midi,
456 glican. Et puis, en remontant les grandes avenues de Manhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le l
457 anhattan, j’ai été frappé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du go
458 ppé par le nombre des lieux de culte, par le luxe de leur architecture — généralement inspirée du gothique — et par la cir
459 e nos édifices religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de gr
460 religieux. La cathédrale anglicane de Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine
461 Saint-Jean, de l’Apocalypse, construite au sommet d’ une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande c
462 l’Apocalypse, construite au sommet d’une colline de granit qui démine Manhattan, sera même la plus grande cathédrale du m
463 ont achevées. Allez maintenant dans les campagnes de la Nouvelle-Angleterre. Vous êtes accueilli à l’entrée des villages p
464 uhaitant la « bienvenue à tous » dans les églises de la localité. Dans un village d’un millier d’habitants, vous trouverez
465 dans les églises de la localité. Dans un village d’ un millier d’habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de cult
466 ises de la localité. Dans un village d’un millier d’ habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessi
467 habitants, vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dén
468 , vous trouverez en général 4 ou 5 lieux de culte de confessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénomination
469 nfessions différentes, ou comme on le dit là-bas, de « dénominations » différentes : l’un baptiste, l’autre méthodiste, le
470 onces du journal et je lis par exemple : « Maison de 6 pièces, confort, garage, métro, Église à proximité ». Je n’ai jamai
471 tro, Église à proximité ». Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quar
472 Je n’ai jamais lu rien de pareil dans un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial.
473 un journal de nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. J
474 nos pays. J’achète ensuite un guide de quartier, d’ aspect commercial. Une page y est réservée aux églises. Je lis en tête
475 servez votre privilège américain : allez au culte de votre paroisse ! » Et quand j’ouvre les énormes journaux du dimanche
476 ciales des paroisses (qui comprennent des séances de loto, des cinémas, et des soirées dansantes), annonces des services q
477 antes), annonces des services qui seront célébrés de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » d
478 de 6 h du matin à 5 h du soir par une quarantaine de « dénominations » différentes. Comment expliquer cette présence si vi
479 pliquer cette présence si visible et si naturelle de la religion dans la vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse d
480 a vie quotidienne américaine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter
481 aine, soit qu’il s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des É
482 s’agisse de l’aspect des rues ou de la presse, ou de la radio ? Il faut remonter aux origines mêmes des États-Unis pour en
483 s-Unis ont été peuplés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils
484 s groupes successifs de colons, la plupart exilés d’ Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique
485 de colons, la plupart exilés d’Europe pour cause de religion. Ce qu’ils venaient chercher en Amérique, c’était la liberté
486 venaient chercher en Amérique, c’était la liberté de célébrer leur culte à leur manière et plus encore : la liberté de bât
487 culte à leur manière et plus encore : la liberté de bâtir une cité conforme à leurs doctrines morales et politiques. Et c
488 vique fut étroitement déterminée par la théologie de leurs églises diverses. Notons en passant que s’il y a tant de confes
489 ées des colons : un luthérien parce qu’il descend d’ ancêtres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ancêtres holla
490 tres scandinaves ou allemand ; un réformé descend d’ ancêtres hollandais, un presbytérien d’ancêtres anglais, un catholique
491 mé descend d’ancêtres hollandais, un presbytérien d’ ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ancêtres italiens ou irlanda
492 ytérien d’ancêtres anglais, un catholique-romain, d’ ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les
493 omain, d’ancêtres italiens ou irlandais, et ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se r
494 t ainsi de suite. C’est ainsi que les 60 millions de protestants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dé
495 estants américains se répartissent en une dizaine de grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romai
496 grandes « dénominations » à côté des 23 millions de catholiques romains. Mais il me tarde d’en venir au rôle social que j
497 millions de catholiques romains. Mais il me tarde d’ en venir au rôle social que joue la religion en Amérique. Le grand fai
498 que les États-Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à l
499 Unis n’ont jamais pratiqué l’union de l’Église et de l’État. Quoique mêlée, et bien plus que chez nous, à la vie publique
500 ociale, la religion en Amérique ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas d’argent, et garde donc une totale indépend
501 ue ne dépend en rien de pouvoirs, n’en reçoit pas d’ argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de
502 s d’argent, et garde donc une totale indépendance de jugement à l’égard de la politique nationale. Il en résulte deux cons
503 ais connu, et ne peut pas connaître, le phénomène de l’anticléricalisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la c
504 alisme, ce douloureux problème hérité, en Europe, de la collision entre le trône et l’autel. L’État américain est parfaite
505 rés par l’esprit chrétien. La seconde conséquence de l’indépendance des Églises en Amérique, c’est que ces Églises restent
506 Amérique, c’est que ces Églises restent en mesure de critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacit
507 de critiquer l’État et sa politique, avec autant de force et d’efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’
508 r l’État et sa politique, avec autant de force et d’ efficacité que nos syndicats, par exemple. C’est ainsi qu’à l’origine
509 le. C’est ainsi qu’à l’origine et au premier rang de la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis,
510 er rang de la lutte contre l’esclavage des noirs, de la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lu
511 clavage des noirs, de la lutte contre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travail
512 ntre les taudis, de la lutte pour la prohibition, de la lutte pour les droits des travailleurs, du pacifisme militant, bre
513 its des travailleurs, du pacifisme militant, bref de toutes les grandes causes publiques aux États-Unis, vous trouverez un
514 m de leur Bible qu’un démagogue au nom des droits d’ une classe. Il en résulte qu’on ne saurait surestimer la puissance des
515 méthodiste, la plus nombreuse, opposait à l’idée de guerre en général et au service militaire. Le peuple américain, duran
516 é. Il ne serait pas possible, aujourd’hui encore, de gouverner les États-Unis contre l’opinion des principales Églises. Le
517 lises protestantes, il a dû rapporter sa décision de nommer un ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’une parti
518 n ambassadeur au Vatican. De même la protestation d’ une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a
519 otestation d’une partie du clergé contre l’emploi de la bombe atomique, en 1945, a joué un rôle important dans l’évolution
520 ué un rôle important dans l’évolution subséquente de la politique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que
521 itique américaine. Certes, un Européen sera tenté de juger que la religion en Amérique est une morale civique, plus qu’une
522 ique. L’Américain tend à ramener la foi au niveau d’ un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu d
523 ricain tend à ramener la foi au niveau d’un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans
524 au d’un idéal de vie « décente », et les mystères de l’au-delà jouent peu de rôle dans sa piété. Mais en retour, il nous f
525 quotidienne et dans la vie publique. Nos Églises d’ Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais l
526 vie publique. Nos Églises d’Europe montrent plus d’ exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines
527 d’Europe montrent plus d’exigence dans le domaine de la doctrine, mais les Églises américaines se font mieux entendre des
528 orale, comment choisir ? Le mieux, certes, serait d’ échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réa
529  ? Le mieux, certes, serait d’échanger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américain
530 ger les leçons de la rigueur européenne et celles de l’esprit réalisateur des Américains. Une connaissance mutuelle plus e
531 ule conduire à cette synthèse qui serait le salut de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conservé
532 de l’Occident. e. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
533 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 1000.
6 1952, {Title}. L’Œuvre du xx e siècle (mai 1952)
534 récédent par son prestige et son ampleur, résulte d’ une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout d
535 sulte d’une initiative du Congrès pour la liberté de la culture. Disons tout de suite que ce « Congrès » n’en est pas un,
536 quets et des résolutions finales rarement suivies d’ effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’une organisation perm
537 d’effet. Il s’agit au contraire, dans notre cas, d’ une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans n
538 d’une organisation permanente et mondiale, dotée de secrétariats, dans nos grandes capitales, et groupant des artistes, d
539 s savants. Son but est simple : animer une action de résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des c
540 tion de résistance méthodique à toutes les formes de tyrannie des âmes, des corps et des esprits, que résume l’adjectif « 
541 ts, que résume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protes
542 ume l’adjectif « totalitaire ». Hommes de gauche, de droite ou du centre, tous démocrates ; catholiques, protestants ou ag
543 iques, protestants ou agnostiques, tous partisans de la liberté ; Européens, Américains ou Asiatiques, tous unis dans la v
544 éricains ou Asiatiques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fan
545 ques, tous unis dans la volonté de sauver l’homme de cette immense névrose tantôt glaciale et tantôt fanatique qu’est en r
546 itaire. On nous a souvent dit : « C’est très bien de se défendre, mais la meilleure défense est encore l’offensive. Ne soy
547 oyez pas seulement anti ! » Il nous serait facile de répondre par l’exemple des médecins : ils sont contre la maladie, ils
548 rir. Le monde moderne étant menacé par une espèce de maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance d
549 pèce de maladie psychique, il convient avant tout de restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette co
550 t de restaurer la confiance du patient, son amour de la vie. Sans cette confiance en soi, sans cet élan, comment aimer la
551 ositive, apaisante et libératrice aux propagandes de dictatures. C’est cette réponse qu’espère donner l’exposition que nou
552 intitulée l’Œuvre du xx e siècle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et
553 re du xx e siècle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Str
554 cle. Vaste panorama de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués
555 de la musique, de l’opéra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs o
556 éra et de la danse, allant de Ravel à Britten, et de Mahler à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe e
557 à Stravinsky, joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Marke
558 joués par les meilleurs orchestres de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de no
559 es de l’Europe et de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toi
560 de l’Amérique, sous la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fame
561 us la conduite de Bruno Walter, de Markevitch, et de notre Ansermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne e
562 nsermet. Exposition des toiles les plus fameuses, de Cézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’œuvres théâtrale
563 ézanne et Van Gogh à Braque et Picasso. Créations d’ œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier gran
564 tions d’œuvres théâtrales, dont la première pièce de Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédi
565 ère pièce de Faulkner, le premier grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol
566 grand romancier de l’Amérique, et un drame inédit de Lorca, le plus grand poète espagnol. Concerts, tableaux, statues, poè
567 rythmes et chœurs : avions-nous oublié ce peuple de beautés transfigurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’un
568 igurant sans les trahir les angoisses et l’espoir d’ un siècle, — notre siècle ? Mais ce n’est pas tout. Notre époque a cré
569 a créé tant de formes, inventé tant de styles et de techniques nouvelles, que le public s’essouffle à suivre cet essor. À
570  : si vous ne comprenez pas du premier coup l’art de l’époque, eh bien, c’est vous qui avez raison, car c’est le contraire
571 ’est vous qui avez raison, car c’est le contraire d’ un art, et c’est la preuve que nous sommes en pleine décadence. D’autr
572 , bien au contraire : — jamais on n’avait vu plus d’ audace créatrice. Si vous ne comprenez pas le cubisme, les nouvelles h
573 ou Renaissance accélérée ? Le sujet vaut la peine d’ être attaqué, et il n’est pas du tout abstrait : à l’heure où les gran
574 t notre « art dégénéré » et lui opposent un idéal de photographies en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de pré
575 en couleurs, il faut savoir si nous avons raison de préférer la liberté et tous ses risques, ou si la discipline (sous pe
576 les meilleurs écrivains, critiques et philosophes de notre temps, à venir commenter dans des débats publics les tendances
577 rd, et cela au moment même où des moyens modernes de diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul co
578 oment même où des moyens modernes de diffusion et de publication lui permettaient d’atteindre d’un seul coup des millions
579 s de diffusion et de publication lui permettaient d’ atteindre d’un seul coup des millions d’hommes qui accèdent enfin à la
580 mettaient d’atteindre d’un seul coup des millions d’ hommes qui accèdent enfin à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus i
581 à la culture. Jamais l’artiste ne fut plus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plu
582 lus isolé de la communauté des soucis et plaisirs de l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’un plus vaste pub
583 l’homme moyen. Jamais non plus il n’avait disposé d’ un plus vaste public potentiel. La presse et la radio, le disque et le
584 ma et la télévision, sont-ils vraiment des moyens de culture, ou bien des servitudes intolérables, forçant l’artiste à tra
585 iance, ils triomphent partout. N’est-il pas temps de discuter franchement cette question d’intérêt général, de confronter
586 pas temps de discuter franchement cette question d’ intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de recherc
587 ter franchement cette question d’intérêt général, de confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions n
588 néral, de confronter les expériences acquises, et de rechercher des solutions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité d
589 utions nouvelles, qui sauvent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à pr
590 vent à la fois la vérité de l’art et l’efficacité de ses messages ? Le même problème se pose à propos de la révolte et de
591 e même problème se pose à propos de la révolte et de la communion nécessaire. Il est admis depuis cent cinquante ans que l
592 ne, sans des prophètes qui lui montrent les voies de son avenir, sans des conteurs qui lui décrivent sa réalité, sans des
593 alité, sans des poètes qui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste e
594 ui lui suggèrent les mots de l’amour, du courage, de l’inquiétude… Comment réconcilier l’artiste et notre temps ? Comment
595 es et femmes qui représentent la pensée créatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’indiquer ceux des orateurs qu
596 réatrice de l’époque. Des noms ? Qu’il me suffise d’ indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions
597 ise d’indiquer ceux des orateurs qui sont chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau :
598 teurs qui sont chargés de résumer les conclusions de ces débats, le 30 mai, à la salle Gaveau : ce sont André Malraux, Wil
599 la fonction des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation
600 on des « jeux séculaires », mainteneurs de la foi d’ une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son a
601 mainteneurs de la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note
602 la foi d’une cité dans son âme et de la confiance d’ une civilisation dans son avenir. 1. [NDE] Une note manuscrite indiq
603 sera W. Auden ». f. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
604 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 950.
7 1954, {Title}. L’Europe en crise : décadence ou progrès ? (fin août 1954)
605 grès ? (fin août 1954)g Il y a dix ans, l’idée d’ une Europe fédérée appartenait encore à l’utopie. Quelques petits grou
606 tenait encore à l’utopie. Quelques petits groupes de résistants l’entretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de H
607 tretenaient dans le secret. En 1946, la rencontre de Hertenstein donna sa première expression non clandestine (mais à pein
608 destine (mais à peine publique !) à notre volonté d’ union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes
609 e publique !) à notre volonté d’union. Le congrès de Montreux, un an plus tard, définit les principes fondamentaux d’une d
610 an plus tard, définit les principes fondamentaux d’ une doctrine fédérale pour l’Europe. C’est à Montreux aussi que fut pr
611 C’est à Montreux aussi que fut prise la décision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour
612 cision de convoquer à bref délai un vaste Congrès de l’Europe, ralliant autour du petit noyau fédéraliste les forces vives
613 utour du petit noyau fédéraliste les forces vives de nos pays : intellectuels, industriels, syndicalistes, et quelques bon
614 lques bonnes têtes politiques : ce fut le congrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un s
615 ongrès de La Haye, présidé par Churchill, au mois de mai 1948. La Haye fut un succès retentissant. Des débats et des décis
616 succès retentissant. Des débats et des décisions de ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’Europe à Bruges, le
617 e ce congrès sans précédent sont nés : le Collège d’ Europe à Bruges, le Centre européen de la culture à Genève, le Mouveme
618 ulture à Genève, le Mouvement européen, le projet d’ une Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’un Conseil de
619 Charte européenne des droits de l’homme, et celui d’ un Conseil de l’Europe. Ce furent les commissions constituées à La Hay
620 James, à Londres. Le 10 août 1949, dans la ville de Strasbourg pavoisée, les cloches saluaient l’inauguration du Conseil
621 ent. Au lieu de continuer sur sa lancée, l’effort d’ intégration se divisa devant les résistances anglaise et scandinave. O
622 les résistances anglaise et scandinave. On essaya de tourner l’obstacle. Et l’on entra dans la période confuse des autorit
623 de confuse des autorités spécialisées, substituts de la fédération. Préparée dans l’ombre par Jean Monnet et son équipe, l
624 Monnet et son équipe, la Communauté du charbon et de l’acier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap de
625 cier (ou plan Schuman) réussit à passer sans trop de mal le cap des ratifications parlementaires. Pris par surprise, les d
626 ait, semble-t-il, à beaucoup. Mais la Communauté de défense, ou CED, touchant à des réalités plus passionnelles, devait r
627 nte des communistes, des nationalistes bornés, et de certains groupes économiques. Nous les voyons s’unir contre elle, en
628 ansports, après une brève apparition, ont disparu de la scène publique. Quant au projet d’Autorité politique, qui devait c
629 ont disparu de la scène publique. Quant au projet d’ Autorité politique, qui devait couronner l’édifice — ou lui donner au
630 x gouvernements, il n’a même pas atteint le stade de mise en discussion par un seul parlement. L’évolution dont je viens d
631 je viens de retracer les étapes peut être résumée de deux manières très différentes, comme on va le voir. On peut parler d
632 différentes, comme on va le voir. On peut parler d’ un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un
633 oir. On peut parler d’un départ en fanfare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’un ralentissement continuel, voi
634 fare, suivi de succès rapides et frappants ; puis d’ un ralentissement continuel, voire d’un enlisement progressif, aboutis
635 pants ; puis d’un ralentissement continuel, voire d’ un enlisement progressif, aboutissant à la crise présente, qui atteind
636 atteindra sa phase décisive à Paris, vers la fin de ce mois. On peut aussi rappeler qu’il y a six ans seulement, les pion
637 ppeler qu’il y a six ans seulement, les pionniers de la fédération considéraient comme un succès d’avoir pu faire passer u
638 rs de la fédération considéraient comme un succès d’ avoir pu faire passer un « papier » sur l’Europe dans un journal faibl
639 sur l’Europe dans un journal faiblement convaincu de l’intérêt du public pour la question. Aujourd’hui, toute la presse ne
640 estion. Aujourd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a
641 rd’hui, toute la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur
642 la presse ne parle que de l’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’il y a six ans a pris valeur électorale. E
643 ’Europe, de sa crise, de la CED. Notre « utopie » d’ il y a six ans a pris valeur électorale. Elle met en jeu le sort de pl
644 aleur électorale. Elle met en jeu le sort de plus d’ un ministère… Décadence fatale, ou progrès continu ? Les deux descript
645 nd public et la grande presse parlent aujourd’hui de l’Europe, parce que le problème européen a été posé aux parlements pa
646 d’État lucides et courageux et par les mouvements de militantsh. Mais ce n’est pas le grand public et la grande presse qui
647 vernants, comme le proposait M. Spaak. Il résulte de cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir v
648 ésulte de cette situation que tout le monde parle de l’Europe sans la vouloir vraiment, et plus généralement, sans bien sa
649 ue personne n’a lu le traité. Telle est la raison de la crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais
650 a crise qui affecte non seulement la construction de l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement fra
651 ent la construction de l’Europe, mais l’idée même de l’union nécessaire. Si le parlement français, demain, rejette la CED
652 émasculée, il portera un coup mortel au prestige de la France, plus encore qu’à l’Europe. Car pratiquement, il isolera la
653 ra la France dans une Europe livrée à l’expansion de l’Allemagne, seule soutenue désormais par l’Amérique, et seule intére
654 ophe française réveille in extremis la conscience de l’Europe, et provoque le sursaut salutaire. Peut-on construire l’unio
655 ut salutaire. Peut-on construire l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet
656 e l’union fédérale de l’Europe sans payer le prix de l’éducation des peuples en vue de cet acte historique ? Beaucoup de p
657 ducation et la culture étaient un luxe, une perte de temps, un à côté. Ce scepticisme a conduit à l’impasse. S’il aboutit,
658 , à l’échec dramatique, il faudra bien considérer d’ urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l
659 bien considérer d’urgence l’autre méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen ter
660 méthode : celle de la propagande éducative. Celle de l’action en profondeur, à moyen terme. Car derrière toutes les résist
661 rme. Car derrière toutes les résistances à l’idée de l’union européenne, à la CED, à l’Autorité politique commune, il y a
662 , à l’Autorité politique commune, il y a le refus de considérer que nous vivons au xx e siècle ; et que l’Europe a perdu l
663 le ; et qu’elle n’est plus menacée par les uhlans de Bismarck, mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie
664 mais bien par l’empire communiste, par la révolte de l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suiv
665 pire communiste, par la révolte de l’Asie (demain de l’Afrique), par l’asphyxie économique qui s’en suivra, et par la pert
666 hyxie économique qui s’en suivra, et par la perte de son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réali
667 te de son indépendance. Derrière le refus obstiné de voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux e
668 iné de voir en face ces réalités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de
669 ités, il y a cent ans de nationalisme vaniteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont
670 iteux et de mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, ce
671 mauvaise éducation scolaire, cent ans de manuels d’ histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de p
672 t ans de manuels d’histoire qui sont des faux, et d’ idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible qu
673 uels d’histoire qui sont des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de
674 t des faux, et d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que
675 d’idolâtrie de la nation, cent ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et
676 ans de préjugés et de croyance risible que chacun de nos pays vaut mieux que ses voisins et qu’il peut « s’en tirer » tout
677 et qu’il peut « s’en tirer » tout seul, cent ans de méfiances mutuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’un ver
678 utuelles inculquées dès l’enfance sous le couvert d’ un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre u
679 s l’enfance sous le couvert d’un vertueux « amour de la patrie ». Derrière les résistances à notre union, il y a donc, en
680 e contre-éducation, une inconscience, une inertie de l’esprit. Tel étant le premier et le plus grand obstacle, la seule po
681 itico-nationalistes est morte ? Vive notre chance de commencer l’Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’un ta
682 Europe réelle ! g. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
683 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’une conférence donnée p
684 re de Neuchâtel sous l’identifiant 527. Il s’agit d’ une conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’Alpbach, auque
685 conférence donnée par Rougemont au Forum européen d’ Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’août 1954. Voir auss
686 d’Alpbach, auquel il s’est rendu à la fin du mois d’ août 1954. Voir aussi le tapuscrit conservé sous l’identifiant 529, qu
687 servé sous l’identifiant 529, qui donne le résumé de cette conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les m
688 tte conférence. h. Ajout manuscrit dans la marge de « et par les mouvement de militants ».
689 manuscrit dans la marge de « et par les mouvement de militants ».
8 1955, {Title}. L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)
690 L’avenir de la liberté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter q
691 berté (17 septembre 1955)i Il est bien naturel de souhaiter qu’un congrès se termine par des « conclusions concrètes »,
692 une manifestation, mais plutôt comme un séminaire de recherche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’action ou de p
693 herche. Elle ne vise pas à dégager des directives d’ action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qu
694 ne vise pas à dégager des directives d’action ou de propagande, mais d’abord à détecter les faux problèmes qui empoisonne
695 polémiques, puis à poser les vraies alternatives de la liberté dans ce siècle. Dans quelle mesure avons-nous réussi ? Po
696 ablement élucidés. Dans ce domaine, la conférence de Milan représente un progrès considérable. Mais dans le domaine philos
697 uestion qui dépasse sans nul doute l’objet précis de nos travaux. Une question que nous ne pouvions discuter — car on ne p
698 ne pouvions discuter — car on ne peut pas parler de tout à propos de n’importe quoi, c’est entendu — mais qui n’en subsis
699 laire à la fois les limites et l’horizon lointain de nos efforts. C’est cette question que je voudrais évoquer à l’aide de
700 s que je vais vous soumettre. On a cité, au début de nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance s
701 e. On a cité, au début de nos travaux, une pensée de Georges Bernanos dont voici la substance sinon la forme exacte : Quel
702 les que soient vos institutions, vous n’aurez pas de liberté si vous n’avez pas des hommes libres ! Avouons que cette phr
703 libres ! Avouons que cette phrase ne manque pas d’ ironie au terme d’un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de
704 que cette phrase ne manque pas d’ironie au terme d’ un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en f
705 un congrès qui semble avoir admis comme hypothèse de travail — il en faut bien — que les meilleures institutions économiqu
706 conomiques correspondent aux meilleures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent éto
707 ures garanties de liberté. Or, s’il est vrai que de mauvaises institutions peuvent étouffer la liberté, il n’en résulte p
708 vent étouffer la liberté, il n’en résulte pas que de bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour d
709 que de bonnes institutions créent automatiquement de la liberté. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simp
710 é. Ceci pour deux raisons dont la première relève de la simple logique. En effet, la liberté ne peut pas résulter nécessai
711 t, la liberté ne peut pas résulter nécessairement d’ une situation quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix p
712 ion quelconque car dans ce cas il n’y aurait plus de choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est c
713 aurait plus de choix possible, et par suite, pas de liberté. La seconde raison est celle qu’indiquait Bernanos : c’est qu
714 réer ces hommes libres sans lesquels il n’y a pas de liberté vivante. Mais alors, si les institutions ne peuvent pas crée
715 irais soulever. Notre congrès ne se proposait pas de la discuter : il avait d’autres buts précis. Mais elle se pose en fai
716 — admettons-le — et l’une des plus fondamentales de notre temps : comment fait-on pour créer des hommes libres ? Je lis d
717 créer des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’ un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté
718 r des hommes libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit
719 libres ? Je lis dans le rapport d’un de nos amis de l’Inde, Eric da Costa, que la lutte pour la liberté doit s’appuyer d’
720 ur doivent puiser leur courage dans une tradition d’ indépendance individuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’in
721 ividuelle. Fort bien. Mais sur quelles traditions d’ indépendance individuelle vivons-nous actuellement dans le monde libre
722 laration des droits de l’homme définit la liberté de l’individu comme totale, et n’admettant d’autres limites que celles p
723 d’autres limites que celles posées par la liberté d’ autrui. Il s’agit donc d’une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée
724 es posées par la liberté d’autrui. Il s’agit donc d’ une liberté revendicatrice, qui n’est arrêtée dans son expansion natur
725 ux sans cesse multipliés et précisés, une liberté de cette nature conduit nécessairement à des conflits amers, à des incid
726 essairement à des conflits amers, à des incidents de frontière quotidiennement renouvelés, et trop souvent enfin, au triom
727 ouvelés, et trop souvent enfin, au triomphe légal de la liberté du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liber
728 té du plus fort ? Mais il existe une autre source de la liberté des personnes, une autre tradition bien plus ancienne et p
729 n’est pas seulement un droit, mais l’essence même de l’homme en tant qu’humain. Dans la mesure où j’y crois, les autres ho
730 ontre et se manifeste avant tout dans l’acte même d’ aider les autres à devenir libres. Cette tradition est celle des plus
731 tte tradition est celle des plus hautes religions de nos différents continents. En elle peuvent communier l’hindou et le b
732 t c’est elle qui inspire à l’esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule cré
733 ui inspire à l’esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes
734 esprit cette passion de se libérer de soi-même et de ses propres entraves, qui peut seule créer des hommes libres. C’est e
735 ifier la plus radicale résistance aux prétentions de l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’une réalité transc
736 l’État totalitaire. Car en affirmant l’existence d’ une réalité transcendante à la société, au mouvement dialectique de l’
737 nscendante à la société, au mouvement dialectique de l’Histoire et à la raison d’État, elle pose, du même coup, une possib
738 ouvement dialectique de l’Histoire et à la raison d’ État, elle pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours c
739 d’État, elle pose, du même coup, une possibilité d’ appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de
740 le pose, du même coup, une possibilité d’appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire
741 sibilité d’appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au
742 appel et de recours contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcenda
743 s contre les décrets de l’État, de la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’appel au transcendant constitue à mes
744 e la société, et de l’Histoire. Cette possibilité d’ appel au transcendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la l
745 scendant constitue à mes yeux la suprême garantie de la liberté individuelle dans notre temps. Qu’on ne pense pas pour aut
746 pense pas pour autant, que je propose au Congrès d’ annexer le Bon Dieu à sa cause ! Qu’on ne pense pas non plus que je pr
747 é plus ou moins idéalisé. Je n’ai pas l’intention de justifier les bûchers et les persécutions. Je ne suis pas non plus l’
748 es persécutions. Je ne suis pas non plus l’avocat d’ une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au c
749 ne suis pas non plus l’avocat d’une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudra
750 ocat d’une sacralisation de la société ni surtout de la vie politique, — au contraire ! Je voudrais constater simplement l
751 rais constater simplement l’un des faits capitaux de notre époque : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quel
752  : nous assistons à la renaissance intellectuelle de quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en
753 uelle de quelques-unes des plus grandes religions de l’humanité, en Asie et en Occident, et cela au moment précis où se dr
754 ent rationaliste, mais dont l’appel, en fait, est de nature religieuse, ou au moins simili-religieuse. Je dis que nous ser
755 mili-religieuse. Je dis que nous serions insensés de ne pas tenir compte, dans notre lutte commune, des forces vraiment re
756 utte commune, des forces vraiment religieuses, et de cette foi qui permet seule aux hommes un recours radical, je le répèt
757 u gouvernement des esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des in
758 esprits. Nous serions insensés de ne pas voir, et de ne pas reconnaître ici, même si nous sommes des incroyants, que l’ave
759 même si nous sommes des incroyants, que l’avenir de la liberté, s’il dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de c
760 l dépend vraiment des hommes libres, dépend aussi de ce qui forme et qui inspire la conviction la plus profonde des hommes
761 conviction la plus profonde des hommes. L’avenir de la liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud no
762 a liberté, je le vois pratiquement lié à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèren
763 à l’avenir de ce que Freud nommait une illusion, de ce que les communistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de
764 une illusion, de ce que les communistes tentèrent d’ éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce q
765 nistes tentèrent d’éliminer et tentent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orienta
766 entent maintenant de confisquer à leur profit, et de ce que beaucoup d’entre nous, Orientaux et Occidentaux, tiennent pour
767 ennent pour la forme originelle et le but suprême de la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libre
768 orme originelle et le but suprême de la recherche de la vérité, — cette vérité qui seule nous rendra libres. Un dernier m
769 ra libres. Un dernier mot. Parmi les combattants de la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meill
770 es combattants de la liberté, et je parle surtout de l’Occident, beaucoup, et des meilleurs, se déclarent incroyants. Cela
771 oyants. Cela ne signifie pas qu’ils soient sortis de l’héritage intellectuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité d
772 ctuel du christianisme, qu’ils n’aient pas hérité de ses structures mentales et des attitudes affectives élaborées par tan
773 ttitudes affectives élaborées par tant de siècles de pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-
774 ctives élaborées par tant de siècles de pensée et de foi chrétienne, ou disons plus exactement judéo-helléno-chrétienne. L
775 déo-helléno-chrétienne. L’appel aux sources vives de cette grande tradition ne saurait constituer à leurs yeux un danger d
776 tion ne saurait constituer à leurs yeux un danger de « réaction » quelconque. C’est en fait un appel à la passion première
777 emière qui a porté, avant toute raison, les élans de la liberté. Face aux totalitaires, dans le dialogue qu’ils nous offre
778 ogue qu’ils nous offrent (ou feignent en tout cas de nous offrir) et que nous devons accepter avec confiance, — cette pass
779 rte que tous les arguments. Certes, les arguments de la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et no
780 arguments. Certes, les arguments de la raison et de la science nous sont absolument indispensables, et nous n’en manquero
781 e en est morte. i. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
782 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, l
783 tel sous l’identifiant 544. Il s’agit du discours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Ave
784 cours de clôture, lu le samedi 17 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les
785 7 septembre 1955, de la conférence sur « L’Avenir de la liberté », tenue à Milan pour les cinq ans du Congrès pour la libe
786 ilan pour les cinq ans du Congrès pour la liberté de la culture. On a intégré sans signalement les quelques corrections ma
9 1955, {Title}. Le vrai sens de nos vœux (décembre 1955)
787 Le vrai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœu
788 rai sens de nos vœux (décembre 1955)j Au début de l’an nous échangeons des vœux. Pure politesse, dites-vous ? Hé ! quan
789 d’hui. Quels sont vos souhaits ? Qu’attendez-vous de l’année qui vient ? Vous me direz, — si vous êtes sincères — : la san
790 vous êtes sincères — : la santé, une augmentation de salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voitu
791 ation de salaire, un enfant de plus peut-être, et de quoi l’éduquer, une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de
792 une voiture, un jardin, des vacances, ou un poste de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? P
793 de télévision. Pourquoi veut-on ces améliorations de la vie courante ? Parce qu’on désire mieux vivre, c’est bien clair. M
794 une voiture, un jardin, des vacances, et un poste de télévision. Cercle vicieux. Vous êtes sincères. Et cependant je ne vo
795 t je ne vous crois pas. Ni vous non plus, au fond de vous-mêmes. Car vivre mieux, c’est beaucoup plus que cela. C’est bien
796 econnais. C’est sans doute un mystère pour chacun de nous, et pourtant nous essayons tous… Il y a des hommes, je le sais e
797 je le sais et vous en connaissez, pour qui le but de la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition
798 nnaissez, pour qui le but de la vie est seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ambition qu’un chat, qu’un mousti
799 st seulement de survivre. Ils n’ont donc pas plus d’ ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme
800 d’ambition qu’un chat, qu’un moustique ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom d’humain cherche autre chose. Il att
801 que ou un ver de terre. Mais l’homme digne du nom d’ humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de n
802 ne du nom d’humain cherche autre chose. Il attend de son avenir quelque chose de nouveau, il ne sait quoi, mais qui soit m
803 qui soit mieux, qui soit meilleur. Il attend plus de joie à avoir ce qu’il a, à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime.
804 à être ce qu’il est, à aimer ce qu’il aime. Plus de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-mêm
805 de facilité à faire ce qu’il veut faire. Et plus de confiance en soi-même. Ainsi nous cherchons tous. Mais si l’on nous d
806 n nous demandait : que cherches-tu, qu’attends-tu de la vie ? Peu, très peu d’entre nous sauraient répondre. C’est pourquo
807  matérialistes ». Or, on n’aime guère être traité de matérialiste. On sent bien qu’on est autre chose, — enfin, qu’on n’es
808 te dans le vague, un peu honteux… C’est très bien de condamner, avec tous les pasteurs et les curés, le « matérialisme env
809 nstincts à satisfaire. Et c’est le fameux progrès de la civilisation qui multiplie sans relâche autour de nous les objets
810 re bonheur… Peut-on se forcer à n’avoir pas envie de toutes ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine,
811 s ces choses ? Je vous raconterai donc l’histoire de la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confi
812 nc l’histoire de la baleine, une vieille histoire de la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il
813 e la Russie mystique, que m’a confiée un écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans un
814 écrivain de l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire
815 l’émigration. (Il se nourrit souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la balei
816 souvent de morceaux de pain sec, dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une
817 , dans une chambre de bonne, à Paris.) Histoire de la baleine Il y avait une fois une grande baleine que les habitan
818 ce publique, on lui apporta des quantités énormes de nourriture, elle mangea tout, et dit qu’elle avait encore faim, aussi
819 veux Dieu ! Cette légende marque le but extrême de toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La b
820 le but extrême de toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la répons
821 e toute la recherche des hommes, de leurs vœux et de leurs désirs. La baleine voulait l’absolu, la réponse globale et fina
822 inale. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà de toute satisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce
823 tisfaction partielle, précise, concrète : au-delà de tout ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoi
824 ce qu’on peut avoir ou même savoir ; au-delà même de notre angoisse fondamentale devant la vie, le monde et l’inconnu. Et
825 ouche, et par suite, trop préoccupés du voisin et de son jugement. Cela tient peut-être aussi au fait que nous sommes neut
826 it que nous sommes neutres. Saisissons l’occasion de le répéter ici : la neutralité militaire ne doit jamais se traduire p
827 p mesquins. Ah ! ce n’est pas le rouge du sang et de la violence qui figure notre tentation ! Ce n’est pas le rouge, c’est
828 pas le rouge, c’est le gris ! Nous autres hommes de l’Occident — nous autres Suisses déjà trop bien nourris, à ce qu’il p
829 , mais pour nous, ce doit être une vocation. Mais de quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la gra
830 quelle faim parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais
831 m parlez-vous ? me dira-t-on. Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’une faim qui ne serait jamais comblée pa
832 Je parle de la faim de la grande baleine. Non pas d’ une faim qui ne serait jamais comblée par des nourritures abondantes,
833 comblée par des nourritures abondantes, mais bien d’ une faim qui, même comblée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-d
834 ée, ne s’avoue jamais rassasiée, parce qu’au-delà de toutes les choses, physiques, matérielles et charnelles, à travers el
835 ge : la joie, la liberté, la plénitude du sens et de l’amour, qui ne sont pas des choses mais la réalité ! Était-elle donc
836 toujours plus ! On peut le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui
837 t le croire jusqu’au terme de l’histoire. Et tout d’ un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec
838 e de l’histoire. Et tout d’un coup, voici le sens de cette énorme faim qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de t
839 im qui se démasque ! Et avec lui, le sens dernier de toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits.
840 le sens dernier de toutes nos faims, le but final de tous nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’essayer — tou
841 nos souhaits grands ou petits. Il ne s’agit plus d’ essayer — toujours en vain — d’être un peu moins matérialiste. Bien au
842 Il ne s’agit plus d’essayer — toujours en vain —  d’ être un peu moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de compre
843 moins matérialiste. Bien au contraire, il s’agit de comprendre vers quoi tendent en réalité nos désirs jamais satisfaits.
844 n réalité nos désirs jamais satisfaits. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir
845 s. Il s’agit de ne jamais s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vra
846 s’arrêter à l’apparence de nos satisfactions, et de vouloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoi
847 uloir toujours plus sans fin, jusqu’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un ho
848 u’au vrai terme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose q
849 erme de toute l’histoire des hommes et de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule
850 de chacune de nos vies. ⁂ Dès qu’un homme attend de sa vie autre chose que sa seule subsistance ou durée, un peu plus, si
851 je dis qu’il attend tout, et qu’il n’a pas raison d’ attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer.
852 end tout, et qu’il n’a pas raison d’attendre rien de moins que tout. Simplement, il n’ose pas se l’avouer. Supposons qu’il
853 se l’avouer. Supposons qu’il se souhaite un poste de radio. « Un poste est un poste, pensera-t-il. Tout le monde en a, j’e
854 ne pas me raconter des histoires — cette histoire de baleine, par exemple ! — pour me faire croire que je ne sais pas ce q
855 ut, ce n’est qu’une caisse en bois avec des bouts de métal dedans. Ce que notre homme veut donc vraiment, c’est ce qui pas
856 u travers : nouvelles, musique, chansons — autant d’ ouvertures sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’opposer, s
857 es sur le monde ! Depuis des siècles, on ne cesse d’ opposer, sans profit pour personne, je le crains, la vilain matérialis
858 ste et le bon idéaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux ty
859 éaliste, comme s’il s’agissait là de deux espèces d’ animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Ét
860 ces d’animaux totalement différents. Or il s’agit de deux types d’hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’
861 totalement différents. Or il s’agit de deux types d’ hommes. Étant hommes tous les deux, je sais bien sûr qu’ils veulent ré
862 il veut, mais paraît oublier les moyens matériels de l’obtenir, car sans la caisse et le prix qu’elle coûte, il n’aurait p
863 ose, qui n’est même pas une chose, et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de
864 , et qui n’a pas de nom, mais qui est le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plu
865 le vrai but de tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu
866 e tout ce qu’on peut vouloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-un
867 uloir : plus de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nomm
868 de sens, plus de vraie liberté, plus de vie, plus de joie. Et c’est Dieu. (Quelques-uns se refusent à le nommer ainsi. Mai
869 assister aux plus extraordinaires transformations de la vie que l’espèce humaine aura jamais connues. La science va nous d
870 nues. La science va nous donner des moyens inouïs de maîtriser la nature et la matière. Énergie nucléaire sans limites ; é
871 oniques remplaçant l’homme ; culture artificielle de la chlorella, cette algue minuscule qu’on trouve dans toutes les mers
872 toutes les mers, lacs, marais et simples flaques d’ eau, et dont on peut tirer une nourriture complète, pour des dizaines
873 tirer une nourriture complète, pour des dizaines de millions d’hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se ré
874 ourriture complète, pour des dizaines de millions d’ hommes affamés. Tout cela qui est presque mûr, et va se réaliser, nous
875 n, pourra se voir délivré du travail mécanique et de ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économist
876 ses servitudes inhumaines. Ce n’est pas un rêve : de grands économistes ont calculé que les quantités énormes d’énergie, m
877 économistes ont calculé que les quantités énormes d’ énergie, mises à notre disposition grâce aux plus récentes découvertes
878 ntes découvertes, permettraient par an le travail d’ un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénét
879 ravail d’un homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir
880 homme à l’usine. Ainsi, l’application de milliers d’ esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peu
881 tion de milliers d’esprits à pénétrer les secrets de la matière doit aboutir un jour, peut-être assez prochain, à nous lib
882 un jour, peut-être assez prochain, à nous libérer de la matière. Alors, la faim des hommes, physiquement rassasiée, pourra
883 re, deviendront le grand problème et le principal de la vie. Ceci n’est pas un rêve, je le répété sérieusement. Ceci sera
884 iècle. Nous voulons tous la paix, nous avons faim de paix, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’hommes exprime
885 x, et la paix est le vœu que le plus grand nombre d’ hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous fau
886 lus grand nombre d’hommes exprime pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Mais il nous faut vouloir les conditions pratique
887 ais il nous faut vouloir les conditions pratiques de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la pr
888 s de ce que nous souhaitons dans nos cœurs. L’une de ces conditions, la principale peut-être, pour prévenir le conflit lat
889 re, pour prévenir le conflit latent entre le bloc de l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’une grande Europe
890 l’Est et le bloc américain, c’est la constitution d’ une grande Europe unie, fédérée sur le modèle suisse, purement défensi
891 s difficile à réaliser, mais qui est la condition d’ un but plus vaste encore, la paix du monde. Pourquoi les Suisses se di
892 n’en faisons pas moins partie du genre humain, et de l’Europe. Comment pourrions-nous rester neutres entre le danger de la
893 ent pourrions-nous rester neutres entre le danger de la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à
894 eutres entre le danger de la guerre et les moyens de la paix ? Pensons-y. Ne nous bornons pas à des souhaits un peu courts
895 s souhaits un peu courts, et par là-même indignes de nos grands privilèges dans ce siècle tragique. L’Europe se fera quand
896 s derniers, et qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élar
897 qu’ils perdent cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon d
898 cette rare occasion de voir grand, de voir loin, de dire oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’es
899 oui sans réserve à ce qui peut élargir l’horizon de demain. C’est la grâce que je vous souhaite ! (Et pensez quelquefois
900 te ! (Et pensez quelquefois à ma baleine, au long de cette année qui s’ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret d
901 ouvre à votre faim. Vous combleriez le vœu secret de cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit conse
902 cet article.) j. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
903 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 538. Selon une note manuscrite, ce texte
10 1957, {Title}. [Préface] Europe and the Europeans, édité par Max Beloff (21 février 1957)
904 ar Max Beloff (21 février 1957)k Il m’arrivait de penser, durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobr
905 durant nos tables rondes, sous les plafonds dorés de l’Aldobrandini, autour des tapis verts du Conseil de l’Europe, que le
906 tapis verts du Conseil de l’Europe, que le métier d’ un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contr
907 Conseil de l’Europe, que le métier d’un président de séance est aussi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’écou
908 ssi passionnant qu’inhumain. Il est contre nature d’ écouter tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands su
909 t contre nature d’écouter tout ce que disent tant d’ éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrête
910 er tout ce que disent tant d’éminents esprits sur de si grands sujets, sans pouvoir jamais s’arrêter pour réfléchir ou réa
911 léchir ou réagir à leur propos, ni jamais changer de place pour aller prendre à part celui qui vient de vous combler d’ais
912 er prendre à part celui qui vient de vous combler d’ aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enre
913 à part celui qui vient de vous combler d’aise ou de vous faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’enregistrer me
914 s faire si poliment souffrir. Il est plus amusant d’ enregistrer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer l
915 trer mentalement ce qu’un orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c
916 n orateur n’a pas dit, et de supputer les raisons de ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l
917 ses oublis voulus ou non. Mais le vrai jeu, c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de
918 c’est de prévoir ce que l’un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu
919 un ou l’autre va dire, de l’inciter à le dire, et de comparer ensuite ce qu’il a dit avec ce qu’on l’attendait dire. Si j’
920 beaucoup appris à ce jeu-là — moins pourtant que de la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux gr
921 is à ce jeu-là — moins pourtant que de la science d’ illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’
922 ant que de la science d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’
923 e d’illustres spécialistes et de la sagesse vécue de deux grands hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome e
924 s hommes d’État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Aya
925 État — puis-je avouer que l’expérience de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de
926 e de Rome et de Strasbourg m’a laissé sur ma faim d’ Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que ce
927 issé sur ma faim d’Européen partial ? Ayant suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le cho
928 suivi de près (mais sans autre pouvoir que celui de suggérer des noms — le choix final étant du ressort des gouvernements
929 étant du ressort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une gra
930 sort des gouvernements) l’élaboration de la liste de quelque trente participants, voyant qu’y figurait une grande majorité
931 cipants, voyant qu’y figurait une grande majorité d’ Européistes convaincus et chevronnés, je pouvais et devais m’attendre
932 et devais m’attendre que chacun apporte à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture
933 à l’envi de nouvelles et frappantes illustrations de cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettai
934 s et frappantes illustrations de cette communauté de culture qui était notre thème général. Je guettais, le crayon lové, l
935 ses, sages ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de consci
936 s ou hardies, qui n’allaient pas manquer de fuser de tous côtés, tendant à provoquer cette grande prise de conscience de c
937 dant à provoquer cette grande prise de conscience de ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sa
938 de prise de conscience de ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illust
939 ce qui nous est commun, de ce qui se voit menacé, de ce qu’il faut sans délai défendre et illustrer par l’union des esprit
940 rer par l’union des esprits les plus divers, bref de ce qu’on nomme « l’idée européenne ». Tout autre chose se produisit.
941 t autre chose se produisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre a
942 uisit. Était-ce par scrupule de savants, soucieux de faire voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande
943 voir qu’il ne s’agissait pas, dans notre affaire, de propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de renc
944 ssait pas, dans notre affaire, de propagande mais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous
945 ais de science ; était-ce l’atmosphère officielle de rencontres placées sous le signe du prudent Conseil de l’Europe ; ou
946  ; ou enfin le désir très sensible, à Strasbourg, de serrer de plus près les « généralités » largement formulées à Rome, j
947 plupart de ces « Européens », pourtant partisans de l’union, et chargés d’en examiner la base la plus ferme à mon sens — 
948 éens », pourtant partisans de l’union, et chargés d’ en examiner la base la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de c
949 ase la plus ferme à mon sens — notre fonds commun de culture — , multipliaient les objections, d’ailleurs valables, les re
950 tiques, les mises en garde contre les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et
951 les « mystiques de l’union ». Ils nous adjuraient de respecter nos valeurs nationales et locales, qui leur paraissaient le
952 saient tantôt avec ferveur, tantôt avec une sorte d’ irritation morale à l’endroit de ceux — je ne sais lesquels d’ailleurs
953 uhaitable dans les autres domaines, n’avait guère de sens dans le leur, et que les mesures proposées étaient au moins prém
954 r, et l’on se demandait en effet, si l’expression de culture européenne correspondait vraiment à une réalité ou n’était qu
955 it vraiment à une réalité ou n’était qu’un slogan de primaires exaltés. Certes, il n’est rien de plus européen que ces dou
956 n que ces doutes et ce scepticisme, cette manière de se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister s
957 icisme, cette manière de se remettre en question, de se distancer du lieu commun, d’insister sur ce qui diffère. Rien de p
958 ttre en question, de se distancer du lieu commun, d’ insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’une civilisation q
959 insister sur ce qui diffère. Rien de plus typique d’ une civilisation qui n’a pas développé par hasard les notions parallèl
960 a pas développé par hasard les notions parallèles d’ originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont tou
961 ar hasard les notions parallèles d’originalité et de caractère national, et dont les bons esprits ont toujours cultivé une
962 les bons esprits ont toujours cultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel,
963 sprits ont toujours cultivé une espèce de passion de différer, jusqu’à tenir leur différence pour l’essentiel, quitte à né
964 s communes qu’il s’agissait précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète,
965 u’il s’agissait précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle
966 t précisément pour nous de dégager, de souligner, de dire… Rien de plus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l
967 lus européen, je le répète, qu’une telle attitude de l’esprit. Mais ceux qui l’adoptaient se rendaient-ils bien compte qu’
968 t-ils bien compte qu’ils illustraient par là l’un de ces grands traits communs qu’ils étaient occupés à mettre en doute ?
969 u’ils étaient occupés à mettre en doute ? Le goût de différer n’est-il pas justement ce que l’immense majorité des hommes
970 as justement ce que l’immense majorité des hommes d’ Europe ont en commun, — et ce qui les distingue, à première vue, non s
971 qui les distingue, à première vue, non seulement de l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ?
972 t de l’homme soviétique mais du sage asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette d
973 asiatique et de l’Africain magique ? Vers la fin de nos entretiens, je notai cette définition : l’Européen ne serait-il p
974 ul fait qu’il le conteste ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisa
975 te ? Je suggère au lecteur de se souvenir parfois de cette définition à peine impertinente, en lisant les chapitres qui su
976 qui suivent : son sourire me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une m
977 re me donnera raison. ⁂ Né de ces circonstances —  de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’une manière simplifiée — le
978 ances — de Strasbourg contre Rome, pour tout dire d’ une manière simplifiée — le bel et dense ouvrage que l’on va lire port
979 que l’on va lire porte les marques très sensibles de l’humeur jalousement objective qui prévalent dans nos derniers débats
980 alent dans nos derniers débats, et du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin d
981 t du tempérament de l’auteur : ce dernier déclara d’ entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mys
982 érament de l’auteur : ce dernier déclara d’entrée de jeu qu’il était fort loin de partager les illusions du « mysticisme e
983 « mysticisme européen » : il s’agissait en somme de le convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis en
984 agissait en somme de le convaincre que les termes d’ Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. No
985 n somme de le convaincre que les termes d’Europe, d’ union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes a
986 e convaincre que les termes d’Europe, d’union, et de culture, mis ensemble, pouvaient make sense. Nous fûmes assez sportif
987 se. Nous fûmes assez sportifs pour nous féliciter d’ un tel challenge, et l’on va voir, je crois que nous n’eûmes pas tort.
988 opéen », bien au contraire ! Plutôt un parti pris de ne céder jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admet
989 jamais qu’aux évidences les mieux documentées, et de n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’union qu’elle permet,
990 de n’admettre l’unité européenne, et les mesures d’ union qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D
991 n qu’elle permet, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D’où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurai
992 t, que s’il n’est plus aucun moyen de les éviter. D’ où, je l’espère, une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’au
993 une force convaincante qu’on ne saurait attendre d’ aucune prédication. On s’adresse au vaste public des hésitants et des
994 c des hésitants et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les
995 et des méfiants : on n’essaye pas de les pousser, de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgr
996 de les « avoir » par l’éloquence ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leu
997 ou le sentiment, de les entraîner malgré eux ; ni de les duper « pour leur bien ». On leur présente un dossier sobre et dé
998 r sobre et détaillé, et l’on est sûr par le souci de ne négliger aucune des objections possibles, loin de vouloir les mini
999 possibles, loin de vouloir les minimiser ou même d’ y répondre à tout prix. Quant au lecteur qui ne partagerait pas certai
1000 eur qui ne partagerait pas certains des jugements de l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne
1001 gements de l’auteur, il trouvera dans cette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œ
1002 ette somme de quoi les rectifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me
1003 tifier : je ne vois pas de meilleur éloge à faire d’ une œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’agiter ma sonne
1004 œuvre scientifique. Ceci dit, qu’on me permette d’ agiter ma sonnette une dernière fois : je voudrais dire ici ce que je
1005 e je n’ai pas pu dire, pas pu défendre avec assez de partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénonc
1006 avec assez de partialité pendant les dix journées de nos débats. Je voudrais dénoncer les chicanes inutiles et les objecti
1007 s que multiplient les adversaires, avoués ou non, de notre union, partisans d’un nationalisme qui se déguise souvent en mo
1008 rsaires, avoués ou non, de notre union, partisans d’ un nationalisme qui se déguise souvent en mondialisme. Ce faisant, je
1009 ialisme. Ce faisant, je penserai moins aux débats de Strasbourg qu’aux écrits et discours qui nourrissent aujourd’hui la p
1010 Europe et sur « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la
1011 « l’idée européenne ». 1. Il suffit de s’éloigner de l’Europe dans n’importe quelle direction pour sentir la réalité de no
1012 n’importe quelle direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie a
1013 e direction pour sentir la réalité de notre unité de culture. Aux USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous
1014 x USA déjà, en URSS sans hésiter, en Asie au-delà de tous les doutes possibles, les Français et les Grecs, les Anglais et
1015 e raison. Tout bien considéré, je n’en trouve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si faci
1016 uve pas de meilleure que cette fameuse communauté de culture qui échappe si facilement à nos définitions, mais si difficil
1017 sion qui ne pardonne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l
1018 ne pas : celle du ressentiment, de l’envie, voire de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-A
1019 de la haine, plus souvent je le crains, que celle de l’amour. Les Afro-Asiatiques et les Arabes savent trop bien ce qu’ell
1020 commune. On me dira qu’il est bien « dangereux » d’ écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Ba
1021 ’écrire cela, je réponds qu’il est plus dangereux de vouloir ignorer Bandung. 2. J’ai cru remarquer que ceux des Européens
1022 que ceux des Européens qui insistent avec le plus d’ emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là,
1023 avec le plus d’emphase sur la nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économiqu
1024 a nature universelle de nos problèmes, et partant de là, dénient toute personnalité économique, sociale ou scientifique à
1025 siècles. Il n’y aurait donc, à les en croire, pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre
1026 pas de différences bien notables (dans le domaine de leur spécialité) entre l’Europe et le Congo ou le Cachemire, tandis q
1027 e Congo ou le Cachemire, tandis qu’il y en aurait d’ insurmontables entre les Britanniques et les Français, entre ceux-ci e
1028 ceux-ci et les Allemands, etc. Un même mouvement de ces esprits les porte à effacer les différences continentales, mais à
1029 trice dans l’histoire, qui est l’union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes
1030 union nécessaire de l’Europe. (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasi
1031 (Je ne parle pas là de politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argu
1032 rle pas là de politique, mais seulement de formes d’ esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des c
1033 e politique, mais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes sé
1034 ais seulement de formes d’esprit et de mécanismes d’ évasion intellectuelle.) 3. L’argument des contrastes séculaires, invo
1035 s séculaires, invoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’obs
1036 ’est qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cultures, mais c’est un dernier refuge pour les nat
1037 gument, précisément, n’est pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On
1038 n de la nation. Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes entre Allemande et
1039 ontinentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les re
1040 édois et Grecs (pour ne parler que de géographie, d’ histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’écon
1041 e parler que de géographie, d’histoire récente et de modes de vie, mais il y a les religions, l’économie, les formes polit
1042 ent toute union politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. L
1043 nion politique, et font douter d’abord de l’unité de culture qui donnerait une assise à cette union. Mais 1°. Les différen
1044 ne assise à cette union. Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie ent
1045 cette union. Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons
1046 Mais 1°. Les différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedoci
1047 différences de langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons
1048 langue, de religion, de « race », de coutumes et de niveau de vie entre Bretons et Languedociens, Frisons et Bavarois, Pi
1049 rois, Piémontais et Siciliens, pâtres catholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’u
1050 tholiques de l’Appenzell et banquiers protestants de Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’
1051 Genève, n’ont pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas
1052 pas empêché l’unification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette
1053 ification nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses, — pas plus que cette unification, d’
1054 supprimé ces différences. (Encore que les écoles d’ État s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais at
1055 s un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’u
1056 e : or personne n’a jamais attendu rien de pareil d’ un État fédéral européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’
1057 européen.) Ainsi l’obstacle qu’on pose à l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également
1058 l’union de l’Europe, et les dangers qu’on redoute de cette union sont également imaginaires, comme le prouve l’expérience
1059 alement imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pitt
1060 , et malgré tout ce qu’il serait tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan millénaire sur lequel se dé
1061 -plan millénaire sur lequel se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis
1062 el se détache la dignité de l’homme. 4. Quantité de publicistes découvrent — et cela dure depuis des années — que l’Europ
1063 et historique, car ses frontières n’ont pas cessé de se déplacer au cours des temps. Elle ne serait donc définissable que
1064 re, qui ne l’est guère. Conclusion : il n’y a pas d’ Europe, et si l’on en veut une, il faudra l’inventer. Ce qui ne facili
1065 udra l’inventer. Ce qui ne facilite guère l’œuvre d’ union… Ainsi jouent les sophistes, et le lecteur s’inquiète : il sent
1066 t avec le drame qui vient. Au vrai, tout cela n’a de sens que pour les professeurs. Ceux-ci doivent circonscrire exactemen
1067 . Ceux-ci doivent circonscrire exactement l’objet d’ un éventuel enseignement ; s’ils n’arrivent pas à le définir, ils le r
1068 ues devient chez les écrivains libres une méthode d’ obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’une définition hist
1069 ’obstruction, consciente ou non. Le « préalable » d’ une définition historique et géographique, occasion de discours permet
1070 e définition historique et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’E
1071 et géographique, occasion de discours permettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos in
1072 ettant de surseoir au débat sur l’avenir immédiat de l’Europe, fournit à nos intellectuels l’équivalent du procédé parleme
1073 valent du procédé parlementaire connu sous le nom de filibuster. Je n’en citerai qu’un exemple qui me tombe sous les yeux
1074 ous les yeux pendant que j’écris2. Bien qu’auteur d’ une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’es
1075 ndant que j’écris2. Bien qu’auteur d’une Histoire de l’Europe, M. Berl estime aujourd’hui que l’Europe n’est pas une entit
1076 oulu que l’Empire romain fût une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
1077 es Balkans, toute l’Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous est pas mieux connue que ses limites ». L’Europe ne
1078 du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date de naissance ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existe
1079 e ? Mais le même raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter s
1080 e raisonnement conduirait à douter de l’existence de la Suisse, par exemple. Les historiens font remonter sa naissance au
1081 lliance « excluait » à peu près les neuf dixièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe-Auguste « e
1082 ièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’ avant Philippe-Auguste « excluait » la Bretagne, l’Alsace, le Languedo
1083 re correspondre au réel, car il s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ergoter sur sa définition. En privant le
1084 l s’agit maintenant de sauver ce réel, et non pas d’ ergoter sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé,
1085 r sur sa définition. En privant le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on
1086 le concept Europe de son passé, on ne tend à rien de moins qu’à miner son avenir, et l’on déprime l’élan vers l’union néce
1087 ontrer ses fondements légitimes dans l’ancienneté de sa conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt
1088 a conscience commune. 5. Au sujet de la naissance de l’Europe, vingt théories s’affrontent inutilement je le crains, car i
1089 affrontent inutilement je le crains, car il en va d’ une civilisation, d’une culture et même d’une nation, à peu près comme
1090 nt je le crains, car il en va d’une civilisation, d’ une culture et même d’une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art :
1091 l en va d’une civilisation, d’une culture et même d’ une nation, à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jo
1092 ne culture et même d’une nation, à peu près comme d’ une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou
1093 à peu près comme d’une œuvre d’art : est-elle née de ce jour où l’on a fait son plan, ou reçu sa commande, ou senti son cl
1094 an, ou reçu sa commande, ou senti son climat ? Ou de cette heure où fut écrite la première page, posée la première touche,
1095 mière touche, noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n
1096 noté son premier accord ? Ou plutôt de l’instant d’ une intuition précise, plusieurs années auparavant ? Ou n’aurait-elle
1097 chemin du travail entrepris, qui a soudain changé de sens et trouvé son vrai sens ? Il importe assez peu, l’œuvre est là.
1098 ssez peu, l’œuvre est là. Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des féd
1099 epuis quand parle-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’ une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, c
1100 e-t-on de l’Europe ? S’agirait-il d’une invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’
1101 invention de Victor Hugo, voire des fédéralistes de notre temps, comme certains l’ont finement supposé ? Une cantate peu
1102 s l’ont finement supposé ? Une cantate peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant
1103 peu connue de Beethoven, composée pour le congrès de Vienne, s’intitulait pourtant L’Europe est née ! Montesquieu, et Leib
1104 et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’un usage bien plus an
1105 de leur « nation ». Mais l’adjectif Européen est d’ un usage bien plus ancien : il paraît pour la première fois au lendema
1106 en : il paraît pour la première fois au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol contin
1107 pour la première fois au lendemain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’un clerc espagnol continuant la chroniq
1108 ain de la bataille de Poitiers (732) dans l’œuvre d’ un clerc espagnol continuant la chronique d’Isidore de Beja. L’auteur
1109 œuvre d’un clerc espagnol continuant la chronique d’ Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ce
1110 chronique d’Isidore de Beja. L’auteur y qualifie d’ Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec co
1111 . L’auteur y qualifie d’Europenses les vainqueurs de ces grandes journées, et « répète avec complaisance ce nom qui indiqu
1112 pète avec complaisance ce nom qui indique l’éveil d’ un sentiment nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’une entit
1113 ent nouveau »3. Cependant, la prise de conscience d’ une entité européenne ne peut être attestée à l’aide de documents qu’à
1114 s, écrit M. Denys Hay, « constituaient des cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui est encore plus important) ils
1115 encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique des terres dont il
1116 anistes commencent à distinguer les deux concepts de Christianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
1117 distinguer les deux concepts de Christianitas et d’ Europa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui fut d’abord grand h
1118 tianitas et d’Europa. C’est enfin dans les œuvres d’ un homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Silvius P
1119 homme qui fut d’abord grand humaniste sous le nom d’ Æneas Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que
1120 Silvius Piccolomini, puis grand pape sous le nom de Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, c
1121 II, que l’Europe se voit définie, face à l’Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chac
1122 Islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cett
1123 homet II, comme l’héritière chrétienne de Rome et de la Grèce. Chacun sait la fortune que devait connaître cette définitio
1124 la fortune que devait connaître cette définition de l’Europe par ses trois sources principales, reprise naguère avec écla
1125 poétique des banquets et des éditoriaux du temps de guerre. Passons sur ces excès, voyons la thèse elle-même, et le jugem
1126 e implique sur la « réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence d’une vraie « culture européenne », en arguant non s
1127 réalité ». On a souvent tenté de nier l’existence d’ une vraie « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’un
1128 « culture européenne », en arguant non seulement de ce qu’une pareille culture est difficile à définir, mais de la comple
1129 ne pareille culture est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extra
1130 re est difficile à définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’
1131 définir, mais de la complexité de ses origines et de l’importance des influences extracontinentales qu’elle a subies. Ces
1132 ments prennent toute leur force contre le concept de « cultures nationales », apparu au xix e siècle. Qu’as-tu que tu n’ai
1133 ’Europe aux nations. Elles seraient bien en peine de répondre. Spécifiquement européenne ou non, la culture des Européens
1134 encore qu’ils définissent la soi-disant autonomie de leur culture. En vérité, sur ce plan-là, nulle réalité créatrice ne s
1135 es limites accidentelles et souvent fort récentes d’ un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier cou
1136 mites accidentelles et souvent fort récentes d’un de nos États. Mais sur les autres plans, qui ne voit du premier coup que
1137 premier coup que les réalités décisives ont cessé d’ être « nationales » au xx e siècle ? Notre économie, nos techniques,
1138 en dépit des nations, qui ont au plus le pouvoir de les freiner en paralysant les échanges. Quant au plan politique : on
1139 » que nos ci-devant grandes puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte en
1140 es puissances refusaient de sacrifier sur l’autel de l’Europe. Que l’idée nationale soit forte encore, il serait absurde d
1141 ée nationale soit forte encore, il serait absurde de le contester : elle ne peut rien sauver, mais elle pourrait tout perd
1142 ver, mais elle pourrait tout perdre. Gardons-nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps
1143 nous de la sous-estimer ! Mais gardons-nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souveni
1144 nous aussi de confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai pat
1145 confondre plus longtemps ce mélange de lyrisme et d’ émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec
1146 s ce mélange de lyrisme et d’émouvants souvenirs, d’ orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique.
1147 et d’émouvants souvenirs, d’orgueil injustifié et de vrai patriotisme, avec le réalisme politique. La patrie n’est pas la
1148 spirituel, culturel et politique dans les limites d’ un même cordon douanier et du pouvoir d’une même police, on obtient fi
1149 s limites d’un même cordon douanier et du pouvoir d’ une même police, on obtient finalement ce qu’on mérite, j’entends l’Ét
1150 litaire. Il reste, hélas, qu’aux yeux de beaucoup d’ intellectuels, la nation cache l’Europe comme l’arbre la forêt. Je dir
1151 ai plus : l’Européen demeuré nationaliste au fond de son cœur, me paraît comparable à un arbre qui s’obstinerait à mettre
1152 s’obstinerait à mettre en doute l’existence même de la forêt. (« Sait-on bien où elle s’arrête ? Sait-on quand elle est n
1153 ’arrête ? Sait-on quand elle est née ? Et combien d’ arbres il faut pour former une forêt ? J’ai mes racines, voilà qui est
1154 t vrai, le reste est mythe… ») N’est-il pas temps de faire voir à ces nationalistes qu’une Europe fédérée serait seule on
1155 stes qu’une Europe fédérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » qu
1156 dérée serait seule on mesure de sauver le concret de nos vies nationales, et n’en « sacrifierait » que l’illusoire, j’ente
1157 que l’illusoire, j’entends ce qui est déjà perdu de toute façon et qui ne pourrait être récupéré — pour autant que ce soi
1158 : la souveraineté peut-être (si elle est le droit d’ un groupe à faire ou à ne pas faire la guerre quand il l’entend) ; la
1159 vivre, et non pas simplement le résultat matériel d’ un effort humainement abrutissant) ; l’indépendance assurément (si ell
1160 l’indépendance assurément (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’une puissance étrangère)… Tout cela suppose le
1161 nt (si elle est le pouvoir de ne pas subir la loi d’ une puissance étrangère)… Tout cela suppose le développement ou le rév
1162 … Tout cela suppose le développement ou le réveil d’ un sentiment trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’appart
1163 trop faible encore dans tous nos peuples : celui d’ appartenir à un ensemble humain plus vaste, plus ancien, et plus fort
1164 ncien, et plus fort désormais que ne l’est aucune de nos nations. Or cet ensemble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un
1165 mble humain n’est encore, aujourd’hui, qu’un fait de « culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à
1166 de « culture » au sens large. Prendre conscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition
1167 nscience de notre appartenance à cette communauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et d
1168 munauté de culture, c’est la condition nécessaire de l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la c
1169 condition nécessaire de l’union supranationale et de l’allégeance qu’elle requiert. Mais la condition suffisante sera donn
1170 qui n’est autre, à mon sens, que celui des moyens d’ ordonner l’existence d’un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait ê
1171 sens, que celui des moyens d’ordonner l’existence d’ un groupe humain. Or un tel groupe ne saurait être défini par son cadr
1172 i par son cadre institutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à
1173 titutionnel, mais par un style de vie, un système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort
1174 système de valeurs, un certain sens donné au fait de vivre, à l’amour, à la mort, aux relations entre humains, à la matièr
1175 au rapport entre forme et contenu. Une politique d’ union ne devient possible que s’il y a tout d’abord communauté de cult
1176 ent possible que s’il y a tout d’abord communauté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’unir. Cette politique, en
1177 auté de culture entre les hommes qu’elle envisage d’ unir. Cette politique, ensuite, ne sera valable que si elle exprime, t
1178 xprime, traduit, et tend à préserver ce qu’il y a de créateur dans cette communauté. J’en conclus que la forme politique q
1179 , nos diversités constituant le ressort principal de notre créativité, dans la mesure toutefois où elles ne s’isolent pas
1180 que, toujours risqué, cet art empirique et subtil de louvoyer entre le Charybde du particularisme étroit et le Scylla du c
1181 e Scylla du centralisme niveleur, c’est le secret de la santé européenne. Ici, culture et politique se joignent dans la se
1182 itique se joignent dans la seule et même exigence d’ une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’E
1183 ns la seule et même exigence d’une union fédérale de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’Européen partial : fau
1184 e de nos peuples. ⁂ J’osais me qualifier au début d’ Européen partial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôtu
1185 tial : faut-il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de t
1186 -il m’en expliquer ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le pro
1187  ? Pendant la séance de clôture de la table ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : O
1188 able ronde de Rome, au Capitole, j’eus l’occasion de tenir le propos que voici : On compare volontiers notre Europe à Byz
1189 jours il y a cinq siècles exactement, avait cessé de vivre son grand rôle historique dès l’an 1204, où l’armée des croisés
1190 Chute immense, dont la cause directe fut le refus d’ un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constantinople, ex
1191 aient un tribut avant de s’éloigner : 10 millions de francs-or, environ. L’empereur en versa la moitié, puis se mit à pleu
1192 idèrent point, se disant tous ruinés, et refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui iraient assurer leur
1193 er leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’ attente. Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent a
1194 s du pillage s’élevèrent après trois jours à plus de 100 millions, sans compter le trésor inestimable des œuvres d’art et
1195 s, dilapidés ou « réquisitionnés ». Les richesses de Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. I
1196 mmun » furent emportées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre
1197 tées par l’occupant. Il dépend de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous
1198 d de vous, Messieurs de la Table ronde, il dépend d’ efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une
1199 de, il dépend d’efforts comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’écrire une autre Histoire pour une Europe nouv
1200 comme le vôtre, il dépend de nous tous Européens, d’ écrire une autre Histoire pour une Europe nouvelle. 2. « Hors du ré
1201 , dans la revue La Table Ronde, janvier 1957. 3. D’ une lettre que m’écrit à ce sujet le conte Jean de Fange. La référence
1202 enys Hay, dans Diogène, n° 17, 1957 (article tiré d’ une communication au 10e congrès international des sciences historique
1203 me, sept. 1955). k. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1204 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 371. La page 3 du tapuscrit manquant, no
1205 te du manuscrit également présent dans le dossier d’ archives.
11 1958, {Title}. Liberté et littérature (août 1958)
1206 8)l 1. La liberté est un problème pour l’homme d’ aujourd’hui : a) parce que, dans son sens philosophique, elle est mise
1207 ientiste et parfois même scientifique du monde et de l’homme : déterminisme statistique, psychanalyse, cybernétique, condi
1208 se, cybernétique, conditionnement des réflexes et de la pensée. b) parce que, dans son sens politique, elle est brutalemen
1209 en même temps développée au maximum par les pays de l’Ouest européen et américain. Je mettrai ici entre parenthèses le dé
1210 at sur le libre arbitre (la liberté philosophique de l’homme). Rien n’est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de
1211 est démontrable dans ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour sa
1212 s ce domaine. Tout est affaire de pari, ou mieux, de choix. Léon Chestov disait : on se dispute pour savoir si l’homme des
1213 b), c’est-à-dire : les relations entre la liberté d’ expression et la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la cu
1214 t la littérature. 2. Si l’on considère l’histoire de la culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les pér
1215 culture occidentale, on voit se dégager une sorte de loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les
1216 n voit se dégager une sorte de loi : les périodes de tyrannie maxima correspondent aux périodes les plus basses de la litt
1217 maxima correspondent aux périodes les plus basses de la littérature. Exemples modernes : la terreur jacobine, Napoléon, Hi
1218 rreur jacobine, Napoléon, Hitler, Staline. Durant de telles périodes, tout ce qui reste vivant parmi les écrivains se tait
1219 ression et la censure équivalent alors à la peine de mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas
1220 uivalent alors à la peine de mort, qui est la fin de l’espoir humain. Mais le contraire n’est pas nécessairement vrai : on
1221 t vrai : on ne peut pas affirmer que les périodes de liberté maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la litté
1222 maxima correspondent aux périodes les plus hautes de la littérature. Je mets en fait que notre époque connaît un degré de
1223 Je mets en fait que notre époque connaît un degré de liberté politique et sociale jamais connu dans toute l’histoire humai
1224 écrivains contemporains, à l’Ouest, ont le droit de tout dire, en usent et en abusent. Pratiquement, ils peuvent défendre
1225 font. Cependant, ces mêmes écrivains nous parlent d’ une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justeme
1226 ant, ces mêmes écrivains nous parlent d’une crise de la littérature, d’un épuisement du roman (qui est justement le genre
1227 vains nous parlent d’une crise de la littérature, d’ un épuisement du roman (qui est justement le genre le plus « libre »),
1228 n (qui est justement le genre le plus « libre »), de la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc 
1229 le plus « libre »), de la dissolution des formes, de l’évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expr
1230 évanouissement des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’expression qui ait jamais été atteint par l’humanité corres
1231 ent des sujets, etc. Donc : au maximum de liberté d’ expression qui ait jamais été atteint par l’humanité correspond le max
1232 été atteint par l’humanité correspond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se
1233 té correspond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalit
1234 ond le maximum de décadence des formes, de l’idée de forme en soi, et du style. Tout se passe comme si la réalité et l’obj
1235 Tout se passe comme si la réalité et l’objet même de la littérature s’affaiblissaient, disparaissaient, en même temps que
1236 la libre expression. 3. Entre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que
1237 ntre ces deux extrêmes de tyrannie totalitaire et de liberté sans frein légal, on constate que les hautes périodes de la l
1238 frein légal, on constate que les hautes périodes de la littérature ont presque toujours correspondu à des périodes de tyr
1239 e ont presque toujours correspondu à des périodes de tyrannie tempérée, mitigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes
1240 itigée, « éclairée », c’est-à-dire à des périodes de censure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on
1241 sure politique, religieuse, morale, sociale, mais de censure qu’on pouvait encore tromper et tourner. Exemples : le siècl
1242 encore tromper et tourner. Exemples : le siècle de Louis XIV, les principautés allemandes (très peu « démocratiques »),
1243 eu « démocratiques »), l’ère victorienne. Chacune de ces époques a créé son style (classique, romantique, romanesque). Les
1244 s mis en question la réalité, l’objet et le sujet de la littérature. La liberté n’y était pas un problème ; chacun savait
1245 n essai (qui reste à écrire) sur le rôle créateur de la censure. Quelques exemples. a) La poésie européenne vient des trou
1246 i empruntèrent formes et thèmes aux poètes arabes d’ Espagne, inspirés par la mystique des soufis (ix e-xii e siècles). Les
1247 ècles). Les soufis croyaient, contre l’orthodoxie de l’islam, que l’homme (fini) peut aimer Dieu (infini). Dans leurs poèm
1248 imée représente la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure
1249 la divinité. Notre poésie est née de cet ensemble de procédés rhétoriques inventés pour tromper la censure religieuse. b)
1250 l et Gargantua, en se cachant derrière une façade de grosses plaisanteries : fantaisies verbales qui « tirent l’œil », et
1251 t l’œil », et en désignant les grands personnages de l’époque par des noms qui sont des « mots porte-manteau » à la Lewis
1252 hébreux et en grec. c) Swift déguise en aventures de « science-fiction » avant la lettre un pamphlet politique sur l’Angle
1253 terre et son temps. d) Voltaire, dans la centaine de ses petits écrits anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de so
1254 its anonymes et pseudonymes, qui sont le meilleur de son œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans
1255 on œuvre, fournit un catalogue complet des moyens de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst
1256 omplet des moyens de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklipp
1257 de tout dire sans être passible de la censure et de la prison. e) Ernst Jünger, dans Auf den Marmorklippen, réussit à dir
1258 den Marmorklippen, réussit à dire ce qu’il pense de Göring et du régime hitlérien sans se faire exécuter. On pourrait cit
1259 ire ; elle oblige donc à y croire plus fermement, d’ une manière plus militante ; elle oblige au courage et à l’invention.
1260 bien en venir au mot courage si l’on veut parler d’ une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablis
1261 d’une liberté réelle. 5. Mon intention n’est pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : ca
1262 intention n’est pas de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération
1263 as de demander le rétablissement de la censure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’
1264 nsure ou de tyrannies modérés : car il n’y a plus de modération possible aujourd’hui, vu les moyens techniques dont dispos
1265 te la dictature. Mais je constate que la vitalité de la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoq
1266 vitalité de la littérature est liée à l’existence de certaines résistances provoquant au courage, à l’invention, au combat
1267 rateur. Je constate qu’aujourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la libe
1268 ourd’hui, dans nos pays de l’Ouest, il n’y a plus de résistances extérieures sérieuses à la liberté d’expression. Et que l
1269 de résistances extérieures sérieuses à la liberté d’ expression. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette libert
1270 ssion. Et que la littérature, au lieu de profiter de cette liberté, se demande si elle a encore quelque chose à dire, si e
1271 le dire avec les mots, les phrases, les procédés de composition utilisés jusqu’ici, si elle a encore un objet et des suje
1272 a encore un objet et des sujets. (Grand problème de l’avant-garde littéraire en France, pour les romanciers surtout.) J’
1273 ement comme libératrice, et non pas comme « libre d’ entraves » ; se définit par une action libératrice militante, et non p
1274 ibératrice militante, et non pas comme jouissance de libertés toutes faites. Elle est libre non pas dans la mesure où elle
1275 t libre non pas dans la mesure où elle a le droit de dire n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur,
1276 n’importe quoi, en vertu d’une permission donnée de l’extérieur, mais dans la mesure où elle se donne elle-même le droit
1277 onne elle-même le droit (à ses risques et périls) de dire certaines choses, à un certain moment historique, sur un certain
1278 ge dont elle est née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quell
1279 t née, et la contagion libératrice de l’acte même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances
1280 te même de sa création. 6. La question n’est plus de savoir quelles résistances la littérature doit abattre, mais quelles
1281 ugés sociaux et moraux qui subsistent encore dans de larges milieux, ne peut plus donner qu’une littérature traditionnelle
1282 peut s’appuyer. La plus immédiatement visible est de nature économique. Nous autres écrivains modernes, nous pouvons tout
1283 ous rappellent nos éditeurs. Ils nous conseillent d’ écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’écrire un roman du ge
1284 d’écrire un roman, si nous sommes essayistes, ou d’ écrire un roman du genre qui est censé se vendre, si nous sommes roman
1285 , le courage redevient nécessaire. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage d’écrire selon sa vocation, et non pas s
1286 e. Car la liberté de l’écrivain, c’est le courage d’ écrire selon sa vocation, et non pas selon la conjoncture commerciale
1287 n pas selon la conjoncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les
1288 ncture commerciale ou la mode de l’intelligentsia de telle année ; selon sa vérité, non pas selon les conditions actuelles
1289 non pas selon les conditions actuelles du succès de vente ou du prestige (politique) immédiat. 7. Mais surtout : dans une
1290 e époque où tout est permis, l’action libératrice de la littérature consistera à recréer un ordre, c’est-à-dire des limita
1291 domasochiste des existentialistes et néoréalistes d’ hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la litté
1292 te des existentialistes et néoréalistes d’hier et d’ avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, co
1293 tes d’hier et d’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer
1294 ’avant-hier. Le courage, condition de la vitalité de la littérature, consistera désormais à dire, à montrer, à illustrer,
1295 ire, à montrer, à illustrer, ce qu’il faut exiger de l’homme, ce qui peut surmonter l’humain (Nietzsche) ou mieux : ce qui
1296 ce qui le défait. ⁂ En résumé : la vraie liberté de la littérature ne peut lui être donnée ou garantie utilement par l’Ét
1297 et automatiquement les résistances et le pouvoir de scandale dont elle a vitalement besoin ; par suite elle retrouvera un
1298 e forme (toute forme étant la résultante incarnée d’ une poussée et d’une résistance), par suite encore elle retrouvera cet
1299 rme étant la résultante incarnée d’une poussée et d’ une résistance), par suite encore elle retrouvera cette innocence créa
1300 rdonnatrice, tantôt libératrice, aurait vite fait de nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réali
1301 e, aurait vite fait de nous écraser sous le poids de sa propre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1302 opre décadence. l. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1303 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 587. Selon plusieurs notes manuscrites,
1304 plusieurs notes manuscrites, il s’agit du résumé d’ une conférence prononcée lors du Forum européen d’Alpbach, dont Rougem
1305 d’une conférence prononcée lors du Forum européen d’ Alpbach, dont Rougemont était un participant régulier, à la fin du moi
1306 t était un participant régulier, à la fin du mois d’ août 1958.
12 1959, {Title}. La Suisse, microcosme culturel de l’Europe (1959)
1307 La Suisse, microcosme culturel de l’Europe (1959)m Le titre même que l’on m’a proposé pour cette cau
1308 Car il peut évoquer tout de suite, dans l’esprit de mes auditeurs, une image très simple — et fausse : l’image d’une Suis
1309 eurs, une image très simple — et fausse : l’image d’ une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultur
1310 mage d’une Suisse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe s
1311 sse dont la culture serait composée de l’addition de ses cultures cantonales ou régionales, comme l’Europe serait une addi
1312 ou régionales, comme l’Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette
1313 e l’Europe serait une addition de ses nations, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me para
1314 s, et de ses cultures nationales. Or les 2 termes de cette proposition me paraissent également erronés, pour les raisons s
1315 , et secundo, la culture européenne n’est pas née d’ on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai pe
1316 uropéenne n’est pas née d’on ne sait quel mélange de cultures nationales. Je vous surprendrai peut-être en affirmant clair
1317 mant clairement que je ne crois pas à l’existence de ces soi-disant « cultures nationales » dont nous parlaient nos manuel
1318 e, pour obtenir une culture européenne il suffise de brasser ensemble une culture française, une culture allemande, une cu
1319 ure suisse, par exemple, pour la bonne raison que de telles cultures nationales n’existent pas. Ce qu’on appelle courammen
1320 sin des frontières étatiques) dans le grand corps de la culture européenne, laquelle est beaucoup plus ancienne que toutes
1321 os nations, sans exception, étant l’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord
1322 ’œuvre commune de tous les Européens, depuis plus de 2000 ans. Je voudrais tout d’abord établir ce point, à l’aide de quel
1323 ques exemples qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’
1324 qui, je l’espère, vous convaincront de la vérité de mon affirmation paradoxale en apparence. Une culture, c’est un ensemb
1325 apparence. Une culture, c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auqu
1326 Une culture, c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concouren
1327 , c’est un ensemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exem
1328 nsemble vivant de manières de penser, de vivre et de s’exprimer. C’est un ensemble auquel concourent, par exemple, la musi
1329 , le folklore et les coutumes sociales. Or, aucun de ces éléments qui composent la culture n’est national, par quoi je veu
1330 re n’est national, par quoi je veux dire qu’aucun d’ eux ne peut être étudié en soi et dans son évolution historique, à l’i
1331 istorique, à l’intérieur des frontières actuelles d’ un seul des 26 pays qui forment l’Europe. Je sais bien que sur la bas
1332 Europe. Je sais bien que sur la base des manuels d’ histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peintu
1333 is bien que sur la base des manuels d’histoire et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française,
1334 et de géographie on parle aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe,
1335 aujourd’hui couramment de la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklor
1336 e la peinture française, de la musique allemande, de la science russe, ou que sais-je, du folklore danois, bâlois ou holla
1337 musique, la littérature même — qui tient pourtant de si près aux langues — sont nées dans plusieurs foyers simultanés ou s
1338 nés ou successifs en Europe, se sont transportées d’ un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à trav
1339 u successifs en Europe, se sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’une région à l’autre, ont circulé à travers t
1340 e sont transportées d’un de ces foyers à l’autre, d’ une région à l’autre, ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune
1341 , ont circulé à travers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les fr
1342 ravers toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’ un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune
1343 s toute l’Europe, et aucune de ces histoires d’un de nos arts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de n
1344 ts, prise en soi, ne coïncide avec les frontières d’ aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’hi
1345 en soi, ne coïncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de
1346 ncide avec les frontières d’aucune de nos nations d’ aujourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dan
1347 ourd’hui. Si vous prenez, par exemple, l’histoire de la musique dans ses grands traits, vous voyez qu’elle commence simult
1348 ce simultanément à Paris et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord — de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui
1349 is et dans plusieurs foyers de l’Italie du Nord —  de ce qui est aujourd’hui l’Italie du Nord et qui n’était pas l’Italie —
1350 ivant les grands axes du commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se tr
1351 commerce du Moyen Âge et de la Renaissance ; que de là, elle redescend vers la Bourgogne en se transformant ; que ces tra
1352 nent apprendre leur métier ; qu’ensuite, le foyer de la musique devient l’Allemagne, au xix e siècle seulement ; que c’est
1353 sont des Russes comme Stravinsky (et les ballets de Diaghilev) qui reviennent apporter un nouveau style musical à notre E
1354 yle musical à notre Europe de l’Ouest. Le périple de la peinture est à peu près le même. Vous voyez que, dans ces deux cas
1355 me. Vous voyez que, dans ces deux cas, l’histoire de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’au
1356 de nos arts ne coïncide nullement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire
1357 lement avec l’histoire de la nation, et qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à m
1358 t qu’aucune de nos nations actuelles n’a le droit de dire : « La peinture, c’est à moi, et je te laisse la musique si tu v
1359 Quant aux sciences, il serait simplement absurde de vouloir leur accoler un adjectif national. La science, par définition
1360 s universelles. Mais, me direz-vous, qu’en est-il de nos langues ? Ne définissent-elles pas des ensembles culturels nation
1361 ffet que nous parlons, nous les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est
1362 s les Européens, autant de langues que nous avons de nations, ou à peu près ; que la nation est définie d’abord par une la
1363 y a identité entre langue et culture. Il suffit de répondre, sur ce point, par quelques observations absolument élémenta
1364 ons absolument élémentaires que vous pouvez tirer de n’importe quel dictionnaire. En France, par exemple — et la France es
1365 ance, par exemple — et la France est le type même de la nation — , on parle au moins sept langues différentes. On parle le
1366 ns sept langues différentes. On parle le français de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seule
1367 çais de l’Île-de-France, devenu langue officielle de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on
1368 le de l’État depuis 1539 seulement, par un décret de François Ier ; mais on parle aussi l’allemand, le flamand, le breton,
1369 xembourg, en Alsace, en Autriche, dans une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie
1370 une partie de la Tchécoslovaquie, dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie
1371 dans une partie de la Roumanie et dans une partie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurai
1372 ie de la Pologne, sans oublier une partie du nord de l’Italie. On ne saurait donc observer aucune coïncidence nécessaire,
1373 nt bien établi, je crois : il n’y a pas en Europe de cultures nationales ; il n’y a qu’une seule culture commune à tous le
1374 ment, j’ai toujours eu naturellement cette notion de la culture européenne, une et diverse, variée, mais cependant commune
1375 cependant commune — si je n’ai jamais été victime de l’illusion courante qu’il n’existe en Europe que des cultures nationa
1376 ste en Europe que des cultures nationales, autant de cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce
1377 e des cultures nationales, autant de cultures que de nations marquées en couleur sur la carte — , n’est-ce pas tout simple
1378 pas une culture suisse définie par les frontières de notre Confédération, telles qu’elles ont été établies en 1848. Nous s
1379 qui n’a que 111 ans. Politiquement, nous relevons d’ un même État suisse, quelle que soit notre langue. Culturellement, nou
1380 langue. Culturellement, nous relevons directement de cet ensemble varié qui constitue la culture européenne. On ne peut do
1381 n ne peut donc pas dire — et ici je dois corriger d’ une manière importante le titre qu’on m’a proposé — on ne peut donc pa
1382 ne, mais bien que chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, est tout naturellement Européen, résume en lui les héritages
1383 lui les héritages variés qui composent la culture de notre continent. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de cul
1384 nt. Je dis bien : chaque Suisse, en tant qu’homme de culture, — ce que chaque Suisse doit être, bien entendu ! Je devrais
1385 ert de Traz, un Francesco Chiesa, ont été nourris de plusieurs traditions culturelles mêlées et combinées, parce qu’ils ét
1386 combinées, parce qu’ils étaient nés au confluent de diverses écoles, tendances et styles, qui les reliaient naturellement
1387 ances et styles, qui les reliaient naturellement, de proche en proche, à tout l’ensemble européen. Si vous me le permettez
1388 uses sont neuchâteloises. Mais il serait excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une
1389 serait excessif de prétendre que le petit canton de Neuchâtel ait produit à lui seul une culture propre et qui forme un t
1390 opéen ! Non, Neuchâtel est proche de la France et de l’Allemagne, et participe des courants les plus variés de la culture
1391 emagne, et participe des courants les plus variés de la culture européenne. Les premières influences que j’ai subies, comm
1392 y et les moralistes français ont formé mes moyens d’ expression. Quant aux idées, je constate aujourd’hui que les influence
1393 je dépendais du domaine protestant, qui n’est pas d’ origine neuchâteloise, ni même suisse, mais qui est un phénomène europ
1394 ais qui est un phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand.
1395 phénomène européen. Dans cet ordre de choses, ou de pensées, mon maître fut Karl Barth, un Suisse allemand. Plus tard, je
1396 allemand. Plus tard, je me suis nourri des œuvres d’ Espagnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme
1397 suis nourri des œuvres d’Espagnols comme Unamuno, d’ Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiq
1398 gnols comme Unamuno, d’Anglais comme T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japo
1399 me T. S. Eliot, de Russes comme Dostoïevski, puis de mystiques iraniens, hindous ou japonais. Je crois donc pouvoir dire,
1400 dire, aujourd’hui, que je me sens typique non pas d’ une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut
1401 as d’une culture suisse — qui n’existe pas — mais de ce que la Suisse peut produire dans le domaine culturel : des hommes
1402 des hommes nourris aux sources les plus diverses de l’héritage européen commun. J’oserai dire que je vois là, précisément
1403 ns être, dans ce pays, quel que soit notre canton d’ origine, ou notre langue, directement liés à l’Europe tout entière. Le
1404 e pouvons être que des Européens, quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport.
1405 uropéens, quand il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatemen
1406 d il s’agit de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, e
1407 it de culture et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme c
1408 re et non point de politique, de droit de vote ou de passeport. Nous sommes immédiatement européens, et comme condamnés à
1409 dès la naissance dans les illusions et les mythes de ce qu’on nomme ailleurs une « culture nationale ». Et dans ce sens, n
1410 res Suisses, nous sommes vraiment des microcosmes de la culture européenne — de même que nous pouvons et devons espérer qu
1411 tions, apparaitra comme le résumé, le microcosme, d’ une Europe renaissante et fortement unie dans ses fécondes diversités.
1412 des diversités. m. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1413 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 985.
13 1961, {Title}. L’automation et l’avenir de l’Europe (juin 1961)
1414 L’automation et l’avenir de l’Europe (juin 1961)n La plupart des études sur la technique décri
1415 s, puis se préoccupent du rendement industriel et de ses incidences économiques et sociales, calculent les délais prévisib
1416 ues et sociales, calculent les délais prévisibles de réalisation (presque toujours démentis par les faits) et parfois étud
1417 parfois étudient les effets psychophysiologiques d’ une technique sur les techniciens. Bref : ils se demandent comment, qu
1418 ’envisagerai est celle des conséquences à prévoir de l’automation idéalement réalisée dans tous les domaines où elle peut
1419 ela revient à poser la question des fins humaines de la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation
1420 er la question des fins humaines de la technique, de ses causes finales, — du pour quoi ? I. L’automation poussée au maxim
1421 ation poussée au maximum aboutit à la suppression de la condition prolétarienne, puisqu’elle laisse les occupations mécani
1422 ions mécaniques aux machines, et libère l’ouvrier de « l’esclavage machinique ». Une technique imparfaite a créé le prolét
1423 xix e siècle, définissait à juste titre l’ouvrier d’ usine comme « le complément vivant d’un mécanisme mort ». Il espérait
1424 re l’ouvrier d’usine comme « le complément vivant d’ un mécanisme mort ». Il espérait que la lutte des classes, le jeu des
1425 e révolutionnaire conduiraient, après une période de dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarie
1426 ode de dictature du prolétariat, à la suppression de la condition prolétarienne. Nous voyons que c’est au contraire la tec
1427 ra été dissoute en tant que classe par les effets de l’automation (une partie des emplois étant supprimée, une autre passa
1428 autre passant au secteur tertiaire, une minorité de travailleurs non qualifiés subsistant seule, et pouvant être d’ailleu
1429 au service militaire), la base du schéma évolutif de Marx aura disparu. Le messianisme prolétarien ne sera plus un mythe e
1430 steront plus — mais un souvenir historique, objet de thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée ser
1431 e, objet de thèses érudites. II. Le produit final de la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine d
1432 final de la technique automatisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures d
1433 atisée sera le loisir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de
1434 ir. De 1890 à 1950, la semaine de travail a passé de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heu
1435 de 65 heures à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis
1436 s à 40 heures dans le textile, l’année de travail de 5900 heures à 2000 heures dans les chemins de fer, tandis que la prod
1437 emins de fer, tandis que la production ne cessait d’ augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe So
1438 ne cessait d’augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée d
1439 augmenter. (Déjà, aux USA, on parle de la semaine de 30 h. Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loi
1440 . Le Russe Sobolev annonçait récemment la journée de 3 h.) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique,
1441 .) Le loisir apparaît ainsi comme un sous-produit de la technique, dont le but immédiat était d’accroître la productivité 
1442 oduit de la technique, dont le but immédiat était d’ accroître la productivité ; mais en se généralisant et s’étendant nota
1443 isir apparaîtra de plus en plus comme le vrai but de l’aventure technique, en Occident. Ce loisir quantitatif ne peut sign
1444 ômage) que pour des hommes et des femmes capables de remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-
1445 capables de remplir le temps vide du non-travail, de l’occuper en s’occupant eux-mêmes : soit par un travail créateur (art
1446 ns libérales) d’une part toujours plus importante de la population active nécessite une extension et une intensification d
1447 ve nécessite une extension et une intensification de la formation professionnelle, technique et scientifique. Alors de deu
1448 professionnelle, technique et scientifique. Alors de deux choses l’une. 1° Si l’on néglige la culture générale au profit d
1449 1° Si l’on néglige la culture générale au profit de la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y
1450 profit de la formation technique, plus il y aura de bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs),
1451 lus il y aura de bons techniciens, plus il y aura de loisirs possibles (quantitatifs), mais moins les hommes seront prépar
1452 spécialisée, aux dépens de la culture simultanée de toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tar
1453 s de la culture simultanée de toutes les facultés de l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de
1454 cultés de l’homme (culture dite générale), risque de tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civil
1455 dite générale), risque de tarir les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention te
1456 les sources vives de l’invention et le dynamisme de notre civilisation. Car l’invention technique est moins le fait des t
1457 , s’inspirant des spéculations les plus gratuites de la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour
1458 spéculations les plus gratuites de la science et de l’imagination, lesquelles sont nourries à leur tour par l’ensemble de
1459 à leur tour par l’ensemble des forces créatrices de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanism
1460 s de notre culture. Verrons-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si
1461 s-nous entrer en œuvre, de la sorte, un mécanisme d’ auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation t
1462 , de la sorte, un mécanisme d’auto-neutralisation de la technique ? 2° Si l’on ajoute la formation technique à l’éducation
1463 ion pratique et professionnelle ; puis la période de travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux ext
1464 uis la période de travail actif, puis une période de loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tend
1465 loisirs prolongée par les deux extrémités : l’âge de la retraite tendant à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne
1466 à être abaissé sans cesse, tandis que la moyenne de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans).
1467 de vie s’élève rapidement (prévision pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière d’un travailleur au xix e siècle éta
1468 n pour la fin de ce siècle : 80 ans). La carrière d’ un travailleur au xix e siècle était à peu près la suivante : période
1469 x e siècle était à peu près la suivante : période d’ éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans.
1470 t à peu près la suivante : période d’éducation et d’ instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de
1471 ériode d’éducation et d’instruction : 15 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que
1472 ans. Vie de travail continu : 35 ans. Vers la fin de ce siècle, et à supposer que les tendances actuelles se confirment (c
1473 on aurait à peu près, pour une longévité moyenne de 80 ans :   Période d’éducation et de formation professionnelle 20 a
1474 our une longévité moyenne de 80 ans :   Période d’ éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail
1475 té moyenne de 80 ans :   Période d’éducation et de formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans
1476 et de formation professionnelle 20 ans Période de travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et
1477 de de travail actif 30 ans Retraite (ou période de nouvelle formation et d’activité différente) 30 ans   Les problèmes
1478 s Retraite (ou période de nouvelle formation et d’ activité différente) 30 ans   Les problèmes d’éducation (scolaire et
1479 t d’activité différente) 30 ans   Les problèmes d’ éducation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au s
1480 ation (scolaire et postscolaire) et les problèmes de culture (au sens le plus large du terme) seront alors les plus import
1481 importants, ils intéresseront la plus large part de la vie, et ils se poseront en termes fondamentalement renouvelés, le
1482 énible et sa nécessité pour subsister ayant cessé de représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existenc
1483 subsister ayant cessé de représenter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des homme
1484 enter le « sérieux de la vie » et le but pratique de l’existence pour la majorité des hommes. Obstacle majeur à la soluti
1485 ommes. Obstacle majeur à la solution raisonnable de ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économique
1486 tion raisonnable de ces problèmes : nos habitudes de pensée morales, sociales, économiques et éducatives, conditionnées pa
1487 ques et éducatives, conditionnées par des siècles d’ effort acharné, durant lesquels le travail figurait à la fois la néces
1488 ait à la fois la nécessité fondamentale et le but de l’existence. III. La technique, étant le produit le plus facilement e
1489 e, étant le produit le plus facilement exportable de notre civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’une manière t
1490 e civilisation, va modifier les rapports mondiaux d’ une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radic
1491 orts mondiaux d’une manière telle que la fonction de l’Europe dans le monde sera radicalement remise en question. Deux co
1492 vie est assez élevé pour que les nouveaux progrès de la technique aient pour résultat principal la création des loisirs ;
1493 s Européens, conditionnés par une longue hérédité de travail acharné, sont les moins faits pour supporter l’inaction, ou s
1494 Leurs valeurs morales les plus courantes relèvent d’ une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplat
1495 courantes relèvent d’une éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie,
1496 éthique du travail, non de la sagesse détachée ni de la contemplation. 2° En Afrique et en Asie, le niveau de vie est si b
1497 as, relativement à l’Occident, et l’accroissement de la population si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lut
1498 si rapide, que la technique est d’abord le moyen de lutter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le p
1499 tter contre la famine. Elle sera ensuite le moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — o
1500 e moyen de rejoindre le peloton des retardataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans l
1501 dataires de l’économie capitaliste, — ou le moyen de tenir un rôle assigné dans le monde des États productivistes satellis
1502 Que les pays du tiers-monde se mettent à l’école de l’Occident, ou qu’ils basculent dans le camp communiste, ils sont tou
1503 e, ils sont tous destinés à traverser une période d’ industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique da
1504 és à traverser une période d’industrialisation et de technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce
1505 dustrialisation et de technique virulente. Effets de la technique dans ces pays : 1° Grâce aux progrès accomplis par l’Occ
1506 nt passer du stade arriéré où ils sont à un stade de productivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix
1507 ivité très haute, en sautant le stade ouvriériste de notre xix e siècle (grandes villes aux banlieues insalubres, corons d
1508 x des machines automatisées que du travail direct de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « 
1509 irect de l’ouvrier sur la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamie
1510 la nature (mines, creusage de puits, qui risquent de « libérer des dragons » aux yeux des Vietnamiens par exemple). 2° Le
1511 Les peuples du tiers-monde veulent les résultats de la technique, non ses conditions. Ils ne sont pas prêts à l’effort qu
1512 aux durant des siècles, et n’ont pas notre morale de travail. Il semble que leur adaptation au monde technique ne pourra ê
1513 ne pourra être obtenue que par la force (régimes de dictature communiste), ou en plusieurs générations (éducation à l’occ
1514 dentale). Dans les deux cas, ces peuples risquent de perdre leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’avoir pu s’as
1515 re leur éthos et leur pathos traditionnels, avant d’ avoir pu s’assimiler les nôtres. Un chaos barbare peut en résulter. Si
1516 peut en résulter. Si l’Europe ne se préoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atté
1517 réoccupe pas de ces problèmes, la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’atténuer les crises profondes créées par
1518 , la dernière chance de les résoudre, ou au moins d’ atténuer les crises profondes créées par notre technique, sera perdue.
1519 éé la technique grâce à son éthique du travail et de l’aventure, doit créer maintenant une éthique nouvelle intégrant trav
1520 intégrant travail et loisir, productivité et art de vivre (ou consommation). Elle le doit d’abord à elle-même et à ses p
1521 nnel, moins il se distingue du jeu créateur : cas de l’artiste ; plus il est machinal, plus il contraste avec le loisir, e
1522 loisir, et plus il rend l’individu inapte à jouir de son temps libre. L’automation fournit donc les moyens techniques d’un
1523 . L’automation fournit donc les moyens techniques d’ un nouvel équilibre humain, mais l’éducation seule pourra le promouvoi
1524 ra le promouvoir. La culture européenne est faite de tensions innombrables : effort méthodique et aventure, conservatisme
1525 rationalisme, centralisme et régionalisme, esprit de système et individualisme. C’est pourquoi la technique industrielle,
1526 itiques. Ce fait fondamental différencia l’Europe de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Eur
1527 différencia l’Europe de toutes les autres régions de la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la
1528 ns de la planète ; — et doit permettre à l’Europe de trouver la première la formule d’équilibre humain entre la productivi
1529 ttre à l’Europe de trouver la première la formule d’ équilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qu
1530 ilibre humain entre la productivité et la faculté de jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification
1531 main entre la productivité et la faculté de jouir de ce qui est produit, l’effort et la détente, la planification et la sp
1532 la spontanéité, l’action et la méditation. Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela sup
1533 tion et la méditation. Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sa
1534 Le but de la vie n’est pas de « produire », mais de « bien vivre », et cela suppose un équilibre sans cesse rétabli entre
1535 intégrer la technique et ses dons, doit au monde d’ illustrer pour lui cette formule d’équilibre humain. Nous avons donné
1536 doit au monde d’illustrer pour lui cette formule d’ équilibre humain. Nous avons donné au monde le nationalisme, l’esprit
1537 us avons donné au monde le nationalisme, l’esprit de révolution, l’idéal libertaire, et la technique. Il nous reste à donn
1538 ique. Il nous reste à donner au monde les « modes d’ emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n
1539 us reste à donner au monde les « modes d’emploi » de ces produits dangereux, et les remèdes à ces poisons. Je n’ai fait qu
1540 er le problème. n. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1541 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 602. Une note manuscrite indique : « Eur
14 1961, {Title}. Découvrons l’Europe (août 1961)
1542 écouvrons l’Europe (août 1961)o Je vais parler d’ un continent bien plus mystérieux que l’Asie. Ses habitants eux-mêmes
1543 rieuses contradictions. Il n’est qu’une péninsule de médiocre étendue : 4 % des terres du globe, comme le constatent les g
1544 rsonne n’est venu le découvrir. Il est donc temps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’
1545 emps de nous mettre à sa recherche, dans le temps de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis
1546 de l’histoire comme dans l’espace. ⁂ L’histoire de notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’un mythe devenu r
1547 notre Europe, depuis trois millénaires, est celle d’ un mythe devenu réalité, et d’un cap de l’Asie devenu centre du monde.
1548 lénaires, est celle d’un mythe devenu réalité, et d’ un cap de l’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fil
1549 ’Asie devenu centre du monde. Europe était le nom de la fille d’un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la f
1550 centre du monde. Europe était le nom de la fille d’ un roi de Tyr, qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’un ta
1551 , qui fut enlevée par Zeus lui-même sous la forme d’ un taureau blanc. Conduite en Crète, elle y fonda la dynastie des Mino
1552 e légende traduit fidèlement le mouvement général d’ une civilisation qui se répandit du Proche-Orient vers l’ouest, par le
1553 toise et grecque, puis dans tout l’Empire romain. De la conquête des Gaules par Jules César jusqu’aux invasions des Barbar
1554 es, lentement éduqués par l’Église après la chute de l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme
1555 t éduqués par l’Église après la chute de l’Empire de Rome, une première Europe continentale se dessine, comme entité disti
1556 ntale se dessine, comme entité distincte, séparée de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse
1557 e entité distincte, séparée de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure e
1558 de l’Orient : elle va de l’Espagne à la Saxe, et de la Sicile à l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’elle-m
1559 l’Écosse. Dans quelle mesure est-elle consciente d’ elle-même ? C’est dans une chronique espagnole, relatant la victoire d
1560 ans une chronique espagnole, relatant la victoire de Poitiers remportée par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’
1561 e par Charles Martel sur les Arabes, que le terme d’ Européens apparaît pour la première fois : il désigne l’ensemble des s
1562 e des soldats du roi franc, venus de la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous somm
1563 la Germanie, de l’Italie du Nord, des Pays-Bas et de la France actuelle. Et nous sommes à la fin du viii e siècle. Peu apr
1564 nt le premier empereur du continent : les annales de l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant
1565  : les annales de l’époque le saluent sous le nom de « Roi, père de l’Europe ». Durant les siècles qui suivront, le couran
1566 iècles qui suivront, le courant civilisateur venu d’ Orient vers l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam
1567 s l’Occident sera filtré ou arrêté par le barrage de l’islam. Sur la péninsule enfermée entre les Slaves et les Arabes, en
1568 isateurs si différents, voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, diffi
1569 ifférents, voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, ave
1570 voire si contradictoires, de la Grèce, de Rome et de la Palestine, se combineront lentement, difficilement, avec les coutu
1571 utumes germaniques, dans une longue effervescence d’ hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes
1572 niques, dans une longue effervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs
1573 ervescence d’hérésies, de doctrines antagonistes, de luttes sanglantes entre papes et empereurs, communes urbaines et seig
1574 ommunes urbaines et seigneurs féodaux. Du creuset d’ alchimiste où s’opère cette synthèse d’une culture originale, des éner
1575 Du creuset d’alchimiste où s’opère cette synthèse d’ une culture originale, des énergies incalculables vont se dégager. Il
1576 alculables vont se dégager. Il devient impossible de les comprimer sur le petit cap européen. L’Orient interdit par l’isla
1577 ne trouvent pour se déployer que l’espace inconnu de l’Océan. Elles y frayent des voies idéales, où l’imagination s’élance
1578 sera le départ pour l’aventure mondiale, au matin de Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, t
1579 de Palos de Moguer : découverte des Amériques et de l’océan Pacifique, tour du monde, colonisation pénétrant par les côte
1580 les côtes dans tous les continents. Au mouvement de systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissan
1581 ment de systole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents an
1582 ole du Moyen Âge succède le mouvement de diastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début
1583 iastole de la Renaissance : il s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’E
1584 s’étendra sur plus de quatre-cents ans. Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’Europe dominent sur toute l’Afr
1585 . Au début de notre xx e siècle, les hommes venus d’ Europe dominent sur toute l’Afrique, l’Arabie, les deux Amériques, l’A
1586 deux Amériques, l’Australasie et les trois-quarts de l’Asie. La Chine elle-même et le Japon n’ont sauvé leur indépendance
1587 ’ouvrant au commerce, aux techniques et aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’uni
1588 t aux idées de l’Occident. L’expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’unifier le genre humain… Mais voici qu’au
1589 expansion planétaire de l’Europe semble tout près d’ unifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mond
1590 ifier le genre humain… Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque
1591 Mais voici qu’au cœur même de ce système mondial de circulation vivifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’un
1592 vifiante éclate une crise presque mortelle. Crise d’ un mal qui couvait depuis longtemps, qui se nomme le nationalisme, et
1593 qui se traduit par un délire soudain : la guerre de 1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intéri
1594 1914. Dès cette date, l’Europe épuisée, encombrée de barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne
1595 barrières intérieures qui paralysent le libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable d’animer son empire. Çà et là, l
1596 libre jeu de ses échanges, ne paraît plus capable d’ animer son empire. Çà et là, les peuples commencent à contester les dr
1597 de vitalité. Divisée contre elle-même, elle cesse d’ en imposer. Encore une crise sanglante et convulsive, la guerre d’Hitl
1598 core une crise sanglante et convulsive, la guerre d’ Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade
1599 et convulsive, la guerre d’Hitler, suprême accès de la folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité to
1600 folie nationaliste évoluant vers le stade ultime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économiqu
1601 ime de la rigidité totalitaire, et c’en sera fait de son hégémonie économique et politique. Vingt ans plus tard, elle a pe
1602 d, elle a perdu ses colonies, protectorats, zones d’ influence, bases et comptoirs, en Afrique, en Asie, et dans le Proche-
1603 a voilà donc réduite à ce qu’elle était au départ de sa grande aventure, réduite à ce qu’elle est sur la carte et même à m
1604 moins : car elle a perdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle
1605 e a perdu la Russie et une dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice u
1606 dizaine de ses nations de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le cr
1607 ons de l’Est. Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de
1608 . Serait-ce la fin de son histoire et de son rôle d’ animatrice universelle ? Beaucoup le croient, beaucoup de ses meilleur
1609 coup de ses meilleurs esprits parlent éloquemment de sa décadence fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la g
1610 fatale. Mais non pas tous ! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’
1611 ! Car dès le lendemain de la guerre, un mouvement de renouveau se prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la
1612 vement de renouveau se prononce, sous la conduite d’ hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos
1613 prononce, sous la conduite d’hommes jeunes, issus de la Résistance. Objectif immédiat : fédérer nos patries, éliminer le v
1614 atries, éliminer le virus nationaliste qui a fait de nos fécondes diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’en
1615 diversités des divisions ruineuses pour la santé de l’ensemble. Churchill prête au mouvement son prestige et sa voix. Un
1616 au mouvement son prestige et sa voix. Un Congrès de l’Europe, réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’une Asse
1617 réuni à La Haye en mai 1948, demande la création d’ une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action
1618 la création d’une Assemblée et la mise en commun de nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État e
1619 mmun de nos ressources. Grâce à l’action prudente de quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Con
1620 à l’action prudente de quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à
1621 e quelques hommes d’État et de grands techniciens de l’économie, un Conseil de l’Europe s’institue à Strasbourg, puis un p
1622 institue à Strasbourg, puis un pool du charbon et de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industri
1623 de l’acier à Luxembourg. Le plan Marshall permet de redresser l’industrie, les finances et le commerce des pays ruinés pa
1624 ites, qui forment à elles seules une bonne moitié de la population du continent. D’autres pays — sept jusqu’ici — sollicit
1625 nduire, sans guerre, à refaire une Europe capable d’ assumer sa fonction dans le monde. Quelle est aujourd’hui cette foncti
1626 recouvrer son hégémonie. Mais elle reste le cœur d’ une civilisation qui, pour la première fois dans toute l’histoire, éte
1627 on influence à toute la Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses
1628 Terre. Elle doit au monde de lui donner les modes d’ emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, so
1629 le doit au monde de lui donner les modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine
1630 s modes d’emploi de ses découvertes techniques et de ses coutumes politiques, sous peine de voir ces découvertes et ces co
1631 mal préparées à les recevoir. Elle doit au monde d’ animer les échanges économiques et culturels dont elle fut, dès la Ren
1632 issance, l’initiatrice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est
1633 rice. Enfin, elle doit au monde de tenir son rang de grande puissance intellectuelle et libérale. C’est pourquoi son union
1634 ce fait est démontrable. C’est la terre décisive de la planète. Plus petite, mais plus dense et plus complexe que tous le
1635 us complexe que tous les autres continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trés
1636 tous les autres continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonné
1637 s continents, riche de contrastes, de tensions et de contradictions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveau
1638 astes, de tensions et de contradictions fécondes, d’ anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle atten
1639 tions fécondes, d’anciens trésors insoupçonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’être découverte par des millio
1640 çonnés et de nouveautés stupéfiantes, elle attend d’ être découverte par des millions d’Européens. Dans son visage infinime
1641 s, elle attend d’être découverte par des millions d’ Européens. Dans son visage infiniment varié, ils liront un profond pas
1642 varié, ils liront un profond passé et les signes d’ un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée
1643 ond passé et les signes d’un grand avenir : celui de leur patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’un tapuscrit
1644 patrie commune. o. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1645 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 605. Une note manuscrite indique la date
15 1961, {Title}. Imagination de New York (novembre 1961)
1646 Imagination de New York (novembre 1961)p Toute ville est un piège… plus ou moins
1647 olitaires, errants des rues, claustrés, imaginant de loin. (Qu’elle soit habitable au surplus n’est pas sans agrément pour
1648 au surplus n’est pas sans agrément pour les gens de passage, ou ceux du petit commerce et des spectacles.) Toute ville es
1649 s villes. Mais les villes en nous sont l’histoire d’ une vision, d’une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision
1650 les villes en nous sont l’histoire d’une vision, d’ une approche, d’un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un
1651 ous sont l’histoire d’une vision, d’une approche, d’ un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin sep
1652 oire d’une vision, d’une approche, d’un usage, et d’ un amour ou non. Vision (du pont d’un bateau, fin septembre 1940).
1653 un usage, et d’un amour ou non. Vision (du pont d’ un bateau, fin septembre 1940). Dans la brume épaissie, mais lumine
1654 us défilons lentement près de leur base. Des pans de brique rosée, ocrée, légère, s’éclairent dans les profondeurs embuées
1655 comme des orgues, de toutes parts. La « sensation de reconnaissance » m’a saisi. Cette rumeur, cet élan vertical, cet élan
1656 t New York identique à son rêve. Premiers accords d’ une symphonie dont on savait les thèmes par cœur pour avoir étudié la
1657 du monde. Douze avenues parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figuren
1658 parallèles, dans le sens de la longueur, qui est de vingt-cinq kilomètres environ — elles figurent assez bien les ascense
1659 nviron — elles figurent assez bien les ascenseurs d’ un grand building — et deux-cent-cinquante rues coupant les avenues à
1660 e rues coupant les avenues à angle droit : autant d’ étages. Au milieu, Central Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la c
1661 al Park, rectangulaire. C’est tout, c’est la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River
1662 la cité de Manhattan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des e
1663 attan. Mais les faubourgs, au-delà de l’Hudson et de l’East River qui entourent l’île, s’étendent sur des espaces bien plu
1664 es, îles et plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit,
1665 t plaines reliées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus,
1666 liées par un immense réseau de ponts, de tunnels, d’ autostrades surélevées. Personne ne m’avait dit, non plus, que New Yor
1667 ne ville alpestre ! Je l’ai senti le premier soir d’ octobre, quand le soleil couchant flambait les hauteurs des gratte-cie
1668 il couchant flambait les hauteurs des gratte-ciel de cette couleur orangée, aérienne qu’on voit aux crêtes des parois roch
1669 des parois rocheuses alors que la vallée s’emplit d’ une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue
1670 mplit d’une ombre froide. Et j’étais bien au fond d’ une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpr
1671 j’étais bien au fond d’une gorge, dans cette rue de briques noircies où circulait un vent âpre et salubre. La mer et la m
1672 e mêlent. Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empi
1673 Les grands souffles océaniques, chargés de sel et d’ aventure, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State,
1674 venture, viennent frapper les « faces » argentées de l’Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres d
1675 Empire State, du Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désign
1676 Chrysler, du Centre Rockefeller, de vingt autres de ces sommités célèbres que les New-Yorkais vous désignent comme les Su
1677 ark, au milieu des prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici 
1678 s prairies, vous voyez affleurer de larges dalles de granit. Autrefois les glaciers sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient
1679 s sont venus jusqu’ici ! Ils couvraient la moitié de l’île, et la moraine s’étendait bien plus avant. Voici l’un des secre
1680 ’étendait bien plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capab
1681 plus avant. Voici l’un des secrets de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporte
1682 de la démesure de Manhattan : seules ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-
1683 n : seules ces assises de granit étaient capables de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les
1684 étaient capables de supporter le formidable poids d’ un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tra
1685 de supporter le formidable poids d’un gratte-ciel de cent étages. Et les blocs erratiques, débités en tranches, polis et l
1686 ules des plus riches bâtiments, reliques scellées d’ une antiquité souterraine. À Chicago et Saint-Louis au contraire, sur
1687 cago et Saint-Louis au contraire, sur les plaines d’ alluvions ou dans les marécages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, men
1688 cages, les gratte-ciel, déjà, me dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspe
1689 e dit-on, menacent de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la c
1690 de suivre l’inquiétant exemple de la célèbre tour de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’
1691 our de Pise. Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la P
1692 . Bien des aspects physiques et moraux de la cité de Manhattan s’expliquent par ce sol et ce climat. Entre la Prairie proc
1693 imat. Entre la Prairie proche et l’Océan, ce lieu d’ extrême civilisation matérielle demeure hanté par on ne sait quelle sa
1694 sait quelle sauvagerie des hauteurs ; et ce lieu d’ extrême densité humaine demeure baigné dans une atmosphère irrémédiabl
1695 diablement désertique. Les Américains des plaines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanit
1696 laines de l’Ouest, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens.
1697 st, venant à New York, ont coutume de se plaindre de l’inhumanité que revêtent ici les rapports quotidiens. Ils pensent, d
1698 p européenne »… Mais moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pu
1699 is moi je m’y sens contemporain de la préhistoire de quelque avenir démesuré. Approche II : Ville pure (3 novembre 194
1700 a Trente-troisième et la Soixantième rue, le cœur de Manhattan c’est la ville pure. Ici, tout ce que le regard touche et m
1701 regard touche et mesure dans les trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homm
1702 s trois dimensions de l’espace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, con
1703 ace, sauf un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un u
1704 f un découpage de ciel mat, tout est fait de main d’ homme sur table rase, imbriqué, condensé, superposé, pour un usage mas
1705 un usage massif, exactement prévu. Plus une trace de campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et p
1706 campagne primitive ne subsiste, plus un seul coin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feu
1707 oin de terre à nu, et plus une ligne indécise, ni d’ eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de c
1708 t plus une ligne indécise, ni d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversem
1709 i d’eau qui court, ni de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphal
1710 i de feuillage. Tout est pans de brique peinte et de ciment armé, diversement coupés et étagés, asphalte plane, parois de
1711 ersement coupés et étagés, asphalte plane, parois de verre et angles droits, circulation horizontale et verticale, intensi
1712 ation horizontale et verticale, intensité suprême de la présence humaine jusqu’à trois-cents mètres du sol. Pour la premiè
1713 a première fois, je vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome,
1714 vois une ville aussi purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont
1715 si purifiée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs
1716 iée de nature que l’est de prose un objet de mots de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de
1717 ts de Mallarmé. Paris, Rome, en comparaison, sont d’ immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y
1718 Rome, en comparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles.
1719 mparaison, sont d’immenses parcs semés de groupes de monuments. Le site et le paysage y sont partout sensibles. Les rues m
1720 iaux, aux esplanades, aux terrains vagues envahis d’ herbes. Les arbres cachent les façades, moutonnent à la hauteur des to
1721 mmet des buildings, se perd dans un dernier éclat d’ avion fuyant, et c’est la ville alors qui s’empare du ciel, s’en fait
1722 ait un dôme à sa mesure et le referme sur sa nuit de ville. Usage : Beekman Place la nuit (août 1943) Parallèle à l’
1723 arallèle à l’East River dont la sépare une rangée d’ hôtels particuliers aux façades étroites, cette rue très courte est l’
1724 ois dans Manhattan — qui à la fois ne portent pas de numéro et ne coupent point les avenues à angle droit. Hors série, mod
1725 int les avenues à angle droit. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers ga
1726 it. Hors série, modèle de grand luxe, elle s’orne d’ arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pen
1727 érie, modèle de grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été
1728 e grand luxe, elle s’orne d’arbres, de silence et de grands portiers galonnés. Une buée bleue, pendant l’été, emplit cet e
1729 , emplit cet espace fermé par les hauts bâtiments de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’
1730 ts de la 51e rue, en brique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux o
1731 ique vernie, tous luisants de fenêtres dépourvues d’ ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mai
1732 res dépourvues d’ornements. Beekman Place est un de ces lieux où l’exilé s’écrie : mais c’est l’Europe ! parce qu’il y tr
1733 charme, simplement. Mais quand je la vois du haut de mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de bri
1734 mon douzième étage, en enfilade, petite tranchée d’ asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est b
1735 étage, en enfilade, petite tranchée d’asphalte et de brique jaune et rose dans un chaos géométrique, c’est bien New York…
1736 urne un peu sur ma terrasse, voici la perspective de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La
1737 e de l’hiver jusqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, l
1738 usqu’à Brooklyn. Un paysage immense de minéral et d’ eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat
1739 mmense de minéral et d’eau. La rivière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’étain pâli. Les ponts imme
1740 vière, sillonnée de remorqueurs toussotants, luit d’ un éclat d’étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une den
1741 onnée de remorqueurs toussotants, luit d’un éclat d’ étain pâli. Les ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’un
1742 ponts immenses, vers Brooklyn, font une dentelle d’ un kilomètre, toute menue dans la distance. Cheminées, mâts, clochers,
1743 éclames lumineuses en plein jour. Le seul vestige de nature — car l’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de gr
1744 ’eau même est canalisée — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares
1745 — ce sont ces trois îlots de granit noir couverts de mouettes, et signalés par deux petits phares dont clignotent irréguli
1746 otent irrégulièrement le feu vert — cinq secondes de révolution — et le feu rouge — six ou sept secondes. Tout ce qu’embra
1747 es. Tout ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois écono
1748 ce qu’embrasse mon regard, tout est fait de main d’ homme sauf les mouettes. Qu’on ne me parle plus des lois économiques e
1749 s. Qu’on ne me parle plus des lois économiques et de leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’un monde tout art
1750 leurs fatales réalités : car ce sont les réalités d’ un monde tout artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos ca
1751 et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne ve
1752 ons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ ambition, ce paysage se transformerait. Si je me tourne vers le nord,
1753 t. Si je me tourne vers le nord, je vois un monde de terrasses, du dixième au trentième étage du River Club, où vivent les
1754 Et tout près, ces jardins suspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniu
1755 uspendus où circulent de jeunes femmes en maillot de bain. Elles se penchent sur leurs géraniums, elles ajustent des lunet
1756 qu’on entend siffler dans la rue… Je me souviens de ce que j’ai sous les yeux : je le vois déjà comme je me le rappellera
1757 le vois déjà comme je me le rappellerai, une fois de retour en Europe. J’en connais par avance la nostalgie. Le soir vient
1758 a nostalgie. Le soir vient dans un luxe américain d’ ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usine
1759 ie. Le soir vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fu
1760 r vient dans un luxe américain d’ocres, de roses, d’ argents et d’éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traîn
1761 un luxe américain d’ocres, de roses, d’argents et d’ éclats d’or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les pont
1762 méricain d’ocres, de roses, d’argents et d’éclats d’ or sur les fenêtres des usines. Des fumées traînent, les ponts s’éteig
1763 ges. Une grande nuit s’ouvre au travail paisible. D’ heure en heure, je me lève et sors. Je me promène sur cette terrasse q
1764 Je me promène sur cette terrasse qui fait le tour de mes chambres blanches posées sur le onzième étage et festonnées de tu
1765 lanches posées sur le onzième étage et festonnées de tuiles provençales. La brique est chaude encore sous mes pieds nus. À
1766 coup plus bas, dans les buildings voisins séparés de ma terrasse par un gouffre profond, mais étroit, je vois des couples
1767 tinée en peignoir rose ouvre son frigidaire, sort de la glace, ôte enfin le peignoir, il fait trop chaud. Des rires vienne
1768 peignoir, il fait trop chaud. Des rires viennent d’ une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highball
1769 res viennent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Pe
1770 ent d’une terrasse obscure, un cliquetis de tiges de verre dans les highballs. Je rentre et j’aligne mes mots. Petits mati
1771 s déjà doux des terrasses, moments les plus aigus de la vie, au jour qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’hie
1772 r qui point, quand toutes choses et les souvenirs d’ hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du
1773 nd toutes choses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand l
1774 oses et les souvenirs d’hier changent de poids et de millésime, quand les mouettes éclosent du rocher, quand les premiers
1775 orqueurs se mettent à souffler fort dans la brume d’ été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper
1776 a brume d’été flottant sur la rivière… Une langue de lumière orangée vient râper doucement le crépi des murs bas, sur la t
1777 r le grand fond sonore à bouche fermée des usines de l’autre rive, les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de dés
1778 les sirènes des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strid
1779 des ferry-boats poussaient leur solo de désastre, de faux désastre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East
1780 saient leur solo de désastre, de faux désastre et d’ appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimot
1781 tre et d’appel commercial, dans le matin strident de l’East River. Un quadrimoteur argenté passait très haut entre deux to
1782 u ses arbustes. Soudain, passant la tranche ocrée d’ un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue
1783 . Soudain, passant la tranche ocrée d’un bâtiment de trente étages, à mi-hauteur, sur la rivière, une proue grise et ses c
1784 éfilait, tout l’équipage en fête saluant New York d’ adieux, filant pavois au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion
1785 s au vent vers l’Europe et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? dem
1786 e et la guerre… Opinion de Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusie
1787 Le Corbusier (note de 1953) — Que pensez-vous de notre ville ? demandèrent à Le Corbusier les journalistes et les arch
1788 it raison à cette époque : pour quelques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de
1789 elques dizaines de gratte-ciel groupés à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizain
1790 és à la proue de Manhattan, New York, c’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques
1791 ’était sur de grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela ch
1792 e grandes étendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidem
1793 tendues plusieurs dizaines de milliers de maisons de briques à trois ou quatre étages. Tout cela change rapidement. On dém
1794 change rapidement. On démolit des rues entières, d’ un coup, pour les rebâtir en vingt étages transparents et resplendissa
1795 r en vingt étages transparents et resplendissants de tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui
1796 transparents et resplendissants de tous les feux de la ville et du ciel réfléchis. Ce sont les rues qui deviennent trop é
1797 n jour l’embouteillage sera définitif. Un million de voitures abandonnées par leurs propriétaires d’abord seulement pressé
1798 ement pressés, puis un peu affamés, et enfin pris de panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctu
1799 ris de panique boucheront les artères principales de Manhattan, bel infarctus ! Comment les déplacer ? Il y faudra des sem
1800 . Il faut projeter autre chose. Idée nouvelle de New York (novembre 1961) Le Lever House, Park Avenue, inaugure à m
1801 ’un rez-de-chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des pilier
1802 -chaussée opaque, ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces,
1803 ces fuites lumineuses de gazon, de chemins dallés de granit et qui serpentent entre des piliers minces, des maisons basses
1804 piliers minces, des maisons basses, des terrasses de cafés, des étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures
1805 es étangs et du ciel par larges échappées. Et pas de voitures ! On se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon
1806 n se promène en toute sécurité ! Cela n’arrivait, de mon temps, qu’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New
1807 u’en rêve. La verticalité sublime des gratte-ciel de New York ne pouvait « entraîner vers la hauteur » que les regards de
1808 ait « entraîner vers la hauteur » que les regards de corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici,
1809 ards de corps emprisonnés au niveau de la boue et de l’odeur du mazout. Ici, l’horizontalité, qui est la dimension sociale
1810 ttan sur pilotis. Les huit avenues longitudinales de vingt-cinq kilomètres, reliées par une sur deux des cent-cinquante-si
1811 ur deux des cent-cinquante-six rues transversales de quatre à cinq kilomètres sont livrées à la circulation des petits tax
1812 ectriques à deux places que l’on prend aux abords de la Cité et que l’on range après usage gratuit à peu près n’importe où
1813 e gratuit à peu près n’importe où, dans les zones de parcage. Mais entre ces rivières au flot facile et au ronronnement mo
1814 agés sous les buildings, j’imagine la renaissance d’ une ville horizontale. Ville des piétons, des échoppes et des kiosques
1815 les spectacles dans les profondeurs, labyrinthes de sombres passages, ou sur les terrasses des sommets…) J’imagine la re
1816 terrasses des sommets…) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc
1817 ) J’imagine la renaissance de l’agora, du forum, de la place ou du square. Mille villages d’un bloc ou deux et leurs ruel
1818 u forum, de la place ou du square. Mille villages d’ un bloc ou deux et leurs ruelles ; des espaces verts et des bosquets ;
1819 une ethnie, puis une autre à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien sépa
1820 à un stylo, sans trop de rigueur, ou à un groupe de professions apparentées… Chacune bien séparée, mais très proche des a
1821 utres, quelques minutes… J’imagine la renaissance d’ une Communauté, par un nouvel agencement des Formes. p. Édition réa
1822 nt des Formes. p. Édition réalisée sur la base d’ un tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de N
1823 servé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel sous l’identifiant 933.