1
s du monde occidental, le mouvement paneuropéen a
été
l’expression directe et immédiate d’une pensée politique qui se disti
2
selon ces lignes de force traditionnelles qui se
sont
de nos jours manifestées comme lignes du destin de la politique mondi
3
de la politique mondiale. Churchill parfois s’en
est
souvenu — relisez son discours de Zurich sur l’Europe. Clarté de l’ex
4
inon aux catastrophes que l’on sait ; et l’Europe
est
en train de s’unir. Une utopie qui réussit prouve par là même qu’elle
5
topie qui réussit prouve par là même qu’elle n’en
était
pas une. Encore fallait-il l’énoncer. Elle ne se serait jamais réalis
6
pas une. Encore fallait-il l’énoncer. Elle ne se
serait
jamais réalisée si personne ne l’avait dressée comme un but simple et
7
un but simple et grand devant nos volontés. Nous
sommes
tout près de ce but que Coudenhove fut le premier du siècle à désigne
8
s. Nous sommes tout près de ce but que Coudenhove
fut
le premier du siècle à désigner clairement. Mais il sait que ce n’est
9
ècle à désigner clairement. Mais il sait que ce n’
est
qu’une étape nécessaire. L’Occident tout entier, qu’il nous faut exig
10
iste pratique » que Coudenhove n’a jamais cessé d’
être
, et qui sera devant l’Histoire son plus beau titre. a. Édition réal
11
» que Coudenhove n’a jamais cessé d’être, et qui
sera
devant l’Histoire son plus beau titre. a. Édition réalisée sur la b
12
urope entière, ou la première force (1963)b Je
tiens
la crise de Bruxelles pour éphémère, sur le plan des manœuvres et nég
13
puissance, évitant pour l’instant que notre union
soit
réduite à un ensemble économique, dominé par les États-Unis pour les
14
é occidentale et le Marché commun). Désormais, il
sera
bien clair que si la Grande-Bretagne rejoint le Marché commun, comme
15
nt le Marché commun, comme tous le souhaitent, ce
sera
dans la volonté de s’intégrer à l’Europe politique, et non pas dans l
16
es virtuelles du coup d’arrêt de Bruxelles, il en
est
une que je tiens à souligner ici : elle concerne les pays de l’Est eu
17
u coup d’arrêt de Bruxelles, il en est une que je
tiens
à souligner ici : elle concerne les pays de l’Est européen. Nul n’ign
18
ens à souligner ici : elle concerne les pays de l’
Est
européen. Nul n’ignore que les intérêts transigent plus facilement qu
19
la transaction sauve en partie les intérêts, qui
sont
par nature relatifs et divisibles, mais dégrade à coup sûr les idéaux
20
visibles, mais dégrade à coup sûr les idéaux, qui
sont
entiers ou ne valent rien. Pour les Six, accepter l’Angleterre au pri
21
aucun doute un gain matériel immédiat, mais c’eût
été
vendre le droit d’aînesse de l’Europe. C’est ce droit que les peuples
22
ce droit que les peuples de l’Ouest et ceux de l’
Est
européen ont en commun, face aux US d’une part, à l’URSS de l’autre.
23
sens civique et les distinguent tous tant qu’ils
sont
, et dans ce qu’ils ont de meilleur, des grands ensembles unifiés par
24
raliste. Or cette union spécifiquement européenne
serait
compromise pour longtemps, voire à jamais, si nous acceptions de grev
25
. L’Europe de l’Ouest ne peut ouvrir à celle de l’
Est
qu’une possibilité purement européenne, et qui serait d’abord, osons
26
st qu’une possibilité purement européenne, et qui
serait
d’abord, osons le dire, d’idéal et non d’intérêt. Une fusion atlantiq
27
ernières chances d’union avec les satellites de l’
Est
. Peuples, communautés ou nations ne se fédèrent qu’autour d’un noyau
28
ous proposez une « troisième force » européenne ?
Seriez
-vous le seul à ignorer que ça ne se fait pas ? Qu’il y a là un tabou,
29
u, même et surtout dans les milieux européistes ?
Seriez
-vous devenu anti-américain, voire neutraliste ? Cessons de jouer sur
30
Si l’Europe doit s’unir, c’est une force, ou ce n’
est
rien ; et nécessairement une troisième, du seul fait que deux autres
31
ement une troisième, du seul fait que deux autres
sont
là. Mais pourquoi s’obstiner à croire qu’elle serait nécessairement u
32
ont là. Mais pourquoi s’obstiner à croire qu’elle
serait
nécessairement une force « neutre », au sens mesquin ou hypocrite du
33
e », au sens mesquin ou hypocrite du terme ? Elle
serait
simplement une force autonome et différente, et même la plus grande d
34
s deux moins Grands. L’Europe unie et autonome ne
serait
pas neutre, mais centrale. C’est dans cette perspective qu’il nous fa
35
de la commission exécutive de l’Institut, dont il
est
le président. Je dois excuser l’absence de M. le prof. J. Freymond, d
36
ce titre membre de notre commission exécutive. Il
est
représenté ici par M. Chatelanat, directeur administratif de l’Instit
37
péennes » : l’expression déjà a cessé de frapper,
est
passée dans les mœurs d’un grand nombre d’universités, et pourtant el
38
d’un grand nombre d’universités, et pourtant elle
est
très récente : les premiers instituts d’enseignement supérieur expres
39
, et comme une culture parmi d’autres, puisqu’ils
étaient
le foyer même de toute culture, et la norme de toute civilisation dig
40
Chine et l’Inde avaient toujours pensé de même, s’
étaient
toujours conçues comme la seule vraie culture, vraiment humaine, le r
41
ie culture, vraiment humaine, le reste du monde n’
étant
peuplé que de barbares. Mais il y avait entre ces grandes civilisatio
42
différence fondamentale : ni la Chine ni l’Inde n’
étaient
curieuses du reste du Monde. L’Europe seule l’était, et avec une pass
43
ent curieuses du reste du Monde. L’Europe seule l’
était
, et avec une passion qui a longtemps causé l’étonnement, puis l’indig
44
n : Pourquoi donc avez-vous fait ce long voyage ?
Êtes
-vous si malheureux chez vous ? Dès le xviiie siècle, les Européens, a
45
éation d’études européennes, en Europe d’abord, a
été
pris vers les années 1950, et il a coïncidé avec trois grands faits d
46
vie politique par le Congrès de l’Europe, qui se
tint
à La Haye en 1948, le mouvement pour unir nos pays devait aboutir rap
47
péen qu’elles tentaient de résoudre et dont elles
étaient
issues. C’est alors qu’on voit apparaître dans les universités de Nan
48
1957 à 1963, deux douzaines d’instituts nouveaux
sont
entrés en fonction. Au total, on compte 37 instituts d’études europée
49
l’Institut, foyer de recherches et d’initiatives,
est
l’ancêtre de tous les autres, puisqu’il s’est ouvert à Genève dès fév
50
es, est l’ancêtre de tous les autres, puisqu’il s’
est
ouvert à Genève dès février 1949.) La grande majorité de ces institut
51
rité de ces instituts universitaires ou assimilés
sont
consacrés essentiellement à l’étude des conditions de l’union europée
52
sciences économiques, surtout à partir de 1957, y
tiennent
une place prépondérante, suivies par les études juridiques et plus ré
53
ée de 1946 à 1961, a réduit l’Europe à ce qu’elle
est
en réalité, du point de vue géographique et démographique. Elle tend
54
s. Cette tendance à constituer une européologie s’
est
manifestée d’abord dans les études historiques (Mayence et Bruges). S
55
squ’elle consiste à additionner des victoires qui
sont
, pour le pays prochain, des défaites, — sans compter que toutes nos g
56
ans compter que toutes nos guerres intestines ont
été
des défaites pour l’ensemble européen. C’était aller dans la bonne di
57
er dans la bonne direction pour l’Europe : car ce
sont
en effet les études historiques qui avaient créé au xix e siècle l’il
58
les autres cultures — lesquelles en revanche ont
été
trop longtemps et sont encore trop souvent étudiées comme des déviati
59
lesquelles en revanche ont été trop longtemps et
sont
encore trop souvent étudiées comme des déviations de la norme occiden
60
e que la caractéristique de la culture européenne
est
d’avoir produit la civilisation technique, et ici nous en venons au t
61
ise de conscience de ce troisième fait dominant a
été
marquée récemment par la conférence culturelle qui s’est tenue à Bâle
62
(à Bruxelles et à Salzbourg, notamment). Mais il
est
clair que l’étude approfondie de la culture européenne, de sa spécifi
63
ficité, donc le développement d’une européologie,
est
la condition préalable de ces études comparatives. Tant il est vrai q
64
ion préalable de ces études comparatives. Tant il
est
vrai qu’on ne se connaît bien qu’en se comparant avec autrui, mais qu
65
ffit pas à nous faire prendre conscience de notre
être
intime, et à susciter la volonté d’assumer nos options fondamentales.
66
s européennes — si rapide en somme, puisqu’elle s’
est
dessinée au cours des 15 dernières années seulement — où se situe not
67
en cours. Montrer ses origines idéologiques — ce
fut
l’objet du cours que j’ai donné pendant les trois premiers semestres
68
l’économie. Les conséquences de l’union en cours
sont
en effet en train de modifier profondément le milieu réel où vous, ét
69
essaie d’imaginer mes lecteurs japonais… Comme il
est
difficile d’écrire pour des gens qui habitent tellement loin ! Leurs
70
ens qui habitent tellement loin ! Leurs problèmes
sont
tellement différents, m’assure-t-on, et puis nous n’avons pas les mêm
71
ux. « Comment, vous aussi ? s’écrie l’autre. Nous
sommes
donc frères ! » Pourtant, si je fais tourner lentement mon globe terr
72
Parce que les Japonais, tout comme les Européens,
sont
des hommes dont tous les réflexes, les sentiments, les idéaux, et le
73
épendent très largement de leurs traditions, mais
sont
aussi des hommes qui ont accepté les risques et les promesses de la t
74
des traditions et de la technique la plus moderne
soit
posé dans des termes aussi voisins, aussi facilement comparables qu’a
75
ntre campagne et ville, enracinement et mobilité,
est
l’un des plus gravement menacés dans nos deux régions. De même que l’
76
goureuses, ne pourra progresser longtemps si elle
est
coupée de ses sources culturelles. La technique n’est pas née de rien
77
coupée de ses sources culturelles. La technique n’
est
pas née de rien. Elle est le produit logique quoique imprévu d’un com
78
urelles. La technique n’est pas née de rien. Elle
est
le produit logique quoique imprévu d’un complexe très vaste, étiré su
79
type de civilisation ou de culture. La technique
est
née au xix e siècle et en Europe. Elle nous apparaît aujourd’hui comm
80
iaux et politiques. Il y a un individualisme, qui
est
né dans le conflit séculaire entre ces deux tendances fondamentales,
81
l’on essaie d’équilibrer en dynamismes créateurs,
sont
nées la science et la technique, et elles en vivent, au Japon comme e
82
chnique enchaîne l’individu ou le libère, si nous
sommes
les esclaves de nos machines ou si elles nous servent, et surtout — c
83
u Kremlin, la bombe nous anéantira… Ces questions
sont
très populaires, non seulement chez les publicistes à grand tirage, m
84
le qui fait que l’on bat la table à laquelle on s’
est
heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
85
table à laquelle on s’est heurté. La technique n’
est
pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
86
se tourner subitement contre lui. La technique n’
est
pas matérialiste : seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
87
ique n’est pas matérialiste : seul l’homme peut l’
être
, quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis. La technique n’e
88
e aller à ses instincts abâtardis. La technique n’
est
pas davantage utilitariste. Dans ses intentions primitives, dans sa g
89
ses intentions primitives, dans sa genèse, elle n’
est
même pas utilitaire ! L’histoire des grandes inventions, de celle du
90
, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’
est
pas l’histoire de nos « besoins ». C’est plutôt l’histoire de nos rêv
91
que de la technique aux premiers âges de l’homme,
est
aujourd’hui abandonnée au profit d’explications des premières inventi
92
es grandes inventions qui ont modifié nos vies ne
sont
pas nées pour satisfaire des besoins matériels que personne n’éprouva
93
nt elles, mais c’est généralement l’inverse qui s’
est
produit. Personne, à part quelques rêveurs un peu bizarres, n’avait b
94
nd il n’y en avait pas. C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion, et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’est née
95
et du rêve de partir au hasard sur les routes qu’
est
née l’auto : on en trouve le récit détaillé dans l’autobiographie de
96
Ford. Ce rêveur incurable, bricoleur sans génie,
était
obsédé par l’idée de construire une « locomotive routière », c’est-à-
97
outière », c’est-à-dire un véhicule rapide qui ne
fût
pas astreint à suivre la loi rigide des « voies ferrées » et des hora
98
, l’on entend de belles âmes soupirer que l’homme
est
devenu l’esclave de sa voiture, et c’est vrai dans ce sens que l’homm
99
ait plus se passer de cet objet, mais le fautif n’
est
pas la voiture, c’est la publicité, la mode, la vie sociale — c’est d
100
chnique. Je voudrais observer au surplus que s’il
est
bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
101
que s’il est bien certain que l’invention de Ford
est
née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, h
102
voque la liberté de l’individu, cette invention n’
était
certes pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée pour rép
103
et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux
être
libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
104
nt, rien de pareil : tout ce que je peux lire, ce
sont
des chiffres, des ordres de police routière ; si je mange, ce n’est g
105
des ordres de police routière ; si je mange, ce n’
est
guère qu’un sandwich, si je rêvasse un klaxon me réveille brutalement
106
66) Un changement d’équilibre L’histoire n’
est
pas faite seulement de catastrophes, traités, révolutions, avènements
107
si de la région européenne en 1966 : elle n’a pas
été
le théâtre d’événements très spectaculaires, mais d’une sorte de chan
108
t surtout aux « deux Grands ». Cette modification
est
devenue sensible à l’occasion de certains gestes accomplis par le che
109
t français, au nom de « l’Europe européenne ». Il
est
vrai que ces gestes, tout en traduisant bien une évolution générale s
110
on générale survenue dans nos pays à l’égard de l’
Est
d’une part et des USA de l’autre, obéissaient à des motifs d’intérêt
111
la réalité du problème de l’union de l’Europe se
sont
manifestées plus vivement que jamais en 1966. D’une part la crise du
112
s en 1966. D’une part la crise du Marché commun a
été
finalement résolue au printemps par des accords sur la politique agri
113
éral de Gaulle a signifié son congé à l’OTAN puis
est
allé se faire acclamer en URSS, et n’a cessé, avant et après, de rece
114
e recevoir à l’Élysée les ministres des pays de l’
Est
; enfin, il a dénoncé la politique américaine au Vietnam dans son dis
115
au Vietnam dans son discours de Phnom Penh. Il s’
est
fait ainsi le champion de « l’Europe européenne » aux yeux des États-
116
La portée des gestes qu’on vient de rappeler eût
été
considérable s’ils avaient été faits au nom de l’Europe entière et po
117
nt de rappeler eût été considérable s’ils avaient
été
faits au nom de l’Europe entière et pour affirmer son union ; mais fa
118
litique demeurée foncièrement nationaliste, ils n’
étaient
pas de nature à faciliter l’union — pourtant seule condition de leur
119
e « la nation reste la seule réalité » : ce qui n’
était
que trop vrai en 1939, on l’a bien vu, mais qui nous a conduits, aprè
120
inent divisé. Ainsi le mouvement de bascule qui s’
est
fait sentir en 1966 ne s’est opéré jusqu’ici que dans notre représent
121
ent de bascule qui s’est fait sentir en 1966 ne s’
est
opéré jusqu’ici que dans notre représentation du monde, non pas dans
122
On sait que les premiers efforts d’union avaient
été
motivés, au lendemain de la guerre, par les nécessités de la reconstr
123
évolué depuis lors. Aux premiers motifs, qui ont
été
suivis d’actions largement réussies (puisque l’Europe est désormais p
124
is d’actions largement réussies (puisque l’Europe
est
désormais pacifiée et rétablie dans sa prospérité) viennent s’en ajou
125
tionnels ou prospectifs. J’en retiendrai cinq qui
sont
apparus d’une brûlante actualité au cours de 1966. 1. Sauver l’indé
126
ien près de se réaliser, et l’ont voit pas que ce
soit
nécessairement au détriment de nos pays, rien d’autre que leurs divis
127
iers égal. Mais l’entente que redoute P.-H. Spaak
est
celle qui s’est déjà produite à Téhéran, puis à Yalta entre Roosevelt
128
l’entente que redoute P.-H. Spaak est celle qui s’
est
déjà produite à Téhéran, puis à Yalta entre Roosevelt et Staline, et
129
seul à la représenter, pût s’y opposer. Or ce qui
fut
refusé au chef incontesté d’une nation combattante — seule victorieus
130
’Europe ! — quel autre homme d’État d’aujourd’hui
serait
-il en mesure de l’obtenir dans une conjoncture analogue ? Aucun ne po
131
(ainsi dans l’affaire du Vietnam)2 et personne ne
serait
d’ailleurs habilité pour le dire et se faire écouter. Unie, elle sera
132
lité pour le dire et se faire écouter. Unie, elle
serait
l’un des Grands, et même, à bien des égards, le plus Grand3. Mais pas
133
e. L’indépendance, pour les Européens, ne saurait
être
qu’un attribut de leur union, et plus du tout de la « souveraineté »
134
de leur nation. 2. Renouer avec les pays de l’
Est
européen Au Congrès de l’Europe, à La Haye, en mai 1948, les fédér
135
es européens avaient demandé que des sièges vides
fussent
réservés, dans l’enceinte du futur Conseil de l’Europe, pour les nati
136
futur Conseil de l’Europe, pour les nations de l’
Est
momentanément empêchées de se faire représenter. On peut regretter qu
137
bâtir à l’Ouest un noyau dense d’Europe unie qui
fût
capable d’une part d’assurer une autonomie plus réelle à l’égard des
138
d’autre part d’attirer les peuples du glacis de l’
Est
à mesure que se relâcherait l’emprise soviétique. La stratégie du do
139
gagement préalable à une vaste union continentale
était
en général des plus mal vues des chroniqueurs politiques, pendant les
140
ceux (d’ailleurs très rares) qui la préconisaient
soit
des arrière-pensées « dangereusement neutralistes », soit une touchan
141
arrière-pensées « dangereusement neutralistes »,
soit
une touchante absence de réalisme. Et pourtant, l’année 1966 a vu se
142
e évolution dans ce sens4. Les gouvernements de l’
Est
desserrent un peu leur contrôle sur la vie culturelle, et tolèrent mi
143
hniques, spatiaux, nucléaires… Dans les pays de l’
Est
européen, où l’on suit de près toute cette évolution, un sourd espoir
144
« colonialiste-impérialiste », tandis que l’URSS
est
occupée ailleurs, contrainte d’affronter une menace orientale d’autan
145
nçaises portant ce nom par la General Electric) a
été
le signal d’alarme. Elle a montré que des gestes négatifs, comme se r
146
ciements massifs sur des ordres venus d’Amérique,
sont
de nature à faire comprendre à beaucoup que, faute d’appliquer sans d
147
tellisation politique, les unes par l’empire de l’
Est
, les autres par l’empire de l’Ouest. Face à ces menaces de plus en pl
148
le temps qu’ils en bénéficiaient, comme si elle n’
était
qu’hypocrisie. Elle pose ses conditions avec chaque subvention : c’es
149
es colonisateurs économiques qu’on les accusait d’
être
, à tort, quand ils tentaient seulement de nous remettre sur pieds.
150
4. Combler le « retard technologique » S’il
est
vrai que les usines que possèdent les Américains dans les pays europé
151
ent guère plus de 5 % de la production totale, il
est
remarquable que leur contrôle s’exerce sur les secteurs les plus déve
152
la Chine, parce que leur équipement électronique
est
américain. Les observateurs américains et européens sont d’accord pou
153
éricain. Les observateurs américains et européens
sont
d’accord pour attribuer la cause principale de notre dépendance écono
154
t récemment le directeur général d’Olivetti, « il
est
inconcevable que nous autres Européens soyons encore entravés par le
155
, « il est inconcevable que nous autres Européens
soyons
encore entravés par le concept d’État-nation. Si nous parvenons à nou
156
unauté technologique européenne », dont l’intérêt
serait
bien moins de concurrencer les États-Unis que de développer les possi
157
l’URSS, les chiffres absolus de l’aide européenne
sont
dérisoires. La tâche déborde notoirement les possibilités de chacun d
158
échelle continentale, permettrait de dégager les
sommes
et de former les hommes capables d’agir dans le tiers-monde et d’y ma
159
ccident et à l’URSS n’a cessé de s’accentuer et d’
être
publié sur tous les tons dans le monde entier. Que nous le méritions
160
le méritions ou non, nous autres Européens, nous
sommes
tenus pour responsables de la carence des riches à secourir les pauvr
161
itions ou non, nous autres Européens, nous sommes
tenus
pour responsables de la carence des riches à secourir les pauvres (hi
162
ande-Bretagne), et sans union économique, nous ne
serons
jamais assez riches pour ce que le tiers-monde attend de nous. Et pui
163
le tiers-monde attend de nous. Et puis enfin, ce
sont
les divisions nationalistes de l’Europe en 1914 et en 1939 qui ont je
164
nos pays et un tiers de leur population globale,
Est
et Ouest additionnés9. En 1966, le Marché commun a prouvé qu’il était
165
ionnés9. En 1966, le Marché commun a prouvé qu’il
était
assez souple et robuste pour surmonter la crise la plus sérieuse prov
166
t fort bien, mais le dynamisme de la Communauté a
été
atteint, les espoirs de développement au-delà de la lettre du traité
167
développement au-delà de la lettre du traité ont
été
vertement rabroués, et l’on s’est aperçu que Jean Monnet avait été tr
168
e du traité ont été vertement rabroués, et l’on s’
est
aperçu que Jean Monnet avait été trop optimiste en croyant que les né
169
roués, et l’on s’est aperçu que Jean Monnet avait
été
trop optimiste en croyant que les nécessités de l’union économique am
170
s plus concrètes d’union politique. La vérité qui
est
apparue en 1966, c’est qu’on ne fera pas l’Europe fédérale sans le vo
171
e le saut d’abord et le corps suivra. Mais quelle
est
la vision de l’union européenne qui pourrait entraîner l’opinion et l
172
saut de l’économique au politique ? Ce ne saurait
être
une super-nation-Europe unitaire et centralisée, telle que les nation
173
ais personne ne la veut en réalité. Ce ne saurait
être
davantage une nouvelle Sainte-Alliance des nations souveraines, même
174
probable autant qu’indésirable toute union qui ne
serait
pas de forme fédérale, c’est-à-dire qui ne respecterait pas ces diver
175
ette formule fédérale, seule possible, n’a encore
été
proposé. On a souvent parlé de « relance de l’Europe politique » en 1
176
êté au général de Gaulle de grands desseins qu’il
est
fort possible qu’il tienne en réserve. Mais rien de concret ne s’est
177
de grands desseins qu’il est fort possible qu’il
tienne
en réserve. Mais rien de concret ne s’est manifesté. L’opinion s’est
178
u’il tienne en réserve. Mais rien de concret ne s’
est
manifesté. L’opinion s’est donc contentée de spéculer sur le revireme
179
s rien de concret ne s’est manifesté. L’opinion s’
est
donc contentée de spéculer sur le revirement de l’attitude britanniqu
180
voyages d’exploration dans les capitales des Six
sont
suivis de près par les observateurs politiques. Et certes, l’éventual
181
l’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun
est
importante10, car elle entraînerait celle de la plupart des pays de l
182
er l’autonomie économique de l’Europe. Mais nul n’
est
en droit d’affirmer que l’union politique du continent serait facilit
183
oit d’affirmer que l’union politique du continent
serait
facilitée par l’entrée des Anglais dans le Marché commun. Plusieurs p
184
olitique économique commune. ⁂ La détente entre l’
Est
et l’Ouest européens, mais aussi entre la CEE et la Grande-Bretagne c
185
iré de concret d’une conjoncture si favorable. Ce
sont
au contraire les conséquences les plus inquiétantes de notre désunion
186
es les plus inquiétantes de notre désunion qui se
sont
manifestées : renaissance d’un certain nationalisme en Allemagne, fai
187
l’absence de l’Europe au plan mondial n’a jamais
été
plus flagrante, alors que la guerre au Vietnam, l’appauvrissement du
188
de l’intellectuel dans la vie publique ne saurait
être
que de dénonciation. Fustiger l’hypocrisie bourgeoise à l’échelle com
189
, disons entre Güllen et Washington ou Moscou, ce
serait
, paraît-il, « s’engager ». Ayant été le premier à parler de l’engagem
190
oscou, ce serait, paraît-il, « s’engager ». Ayant
été
le premier à parler de l’engagement de l’écrivain (cela remonte à 193
191
e Cuba, du Yémen, ou du Vietnam, ou d’Israël, qui
sont
très loin, ni même à propos du Jura, tout près de nous. Le rôle de l’
192
! Prenez l’exemple de l’intellectuel suisse. Ce n’
est
pas sa vertu qui peut intéresser, même si elle le porte à soutenir ré
193
e en flèche et non pas en retrait, dès lors qu’il
est
question d’unir l’Europe, de Gibraltar à Varsovie et d’Édimbourg à Bu
194
t 656. Une note manuscrite indique que le texte a
été
envoyé le 14 juillet 1967 à la « rédaction du feuilleton Weltwoche ».
195
ue j’aurais surtout le droit de me taire. Mais je
suis
également citoyen de l’Europe, et à ce titre j’ai le devoir de parler
196
us regarde tous : Car nous autres Européens, nous
sommes
tous Grecs ! Que nous le sachions ou non, quand nous parlons, quand n
197
evoirs civiques et notre droit d’opposition, nous
sommes
Grecs, héritiers d’Athènes, héritiers de Socrate, de Platon, d’Homère
198
ble qui élève hardiment la voix sur l’agora. Nous
sommes
tous Grecs dans le passé, dans notre commun héritage, mais tous Europ
199
le que nous donne la présente dictature militaire
est
justement celui d’une Grèce qui se sépare de l’Europe en esprit, qui
200
ec que ce jour-là — c’était Vinet), « la tyrannie
est
le souverain désordre ». Lugubre erreur de ceux qui au nom d’une légi
201
stalinisme, d’ailleurs en voie de liquidation à l’
Est
, qui soit plus scandaleux que ce qu’ils font eux-mêmes dans le même s
202
e, d’ailleurs en voie de liquidation à l’Est, qui
soit
plus scandaleux que ce qu’ils font eux-mêmes dans le même style ? Qua
203
temporain de Platon, l’orateur athénien Isocrate,
tenait
qu’il convient d’appeler Grecs « plutôt les gens qui participent à no
204
empêché la Grèce de résister à la conquête par l’
Est
macédonien et plus tard par l’Ouest romain, c’est la traditionnelle d
205
à détruire l’union des cités, cette union qui eût
été
leur seule et vraie sauvegarde contre la satellisation par les empire
206
arde contre la satellisation par les empires de l’
Est
et de l’Ouest. Mais nous autres Européens du xx e siècle, nous gardon
207
imposés par les militaires : Sparte aujourd’hui n’
est
plus qu’une bourgade poussiéreuse et vouée au plus juste oubli par le
208
e solidement fédérée, c’est-à-dire un pouvoir qui
soit
enfin capable de garantir les libertés civiques dans tous les peuples
209
esprit romand (années 1960)h La Suisse romande
est
l’expression moderne — elle ne date guère que de la seconde moitié du
210
ii e siècle. Au nord, la principauté de Neuchâtel
est
gouvernée au nom d’un prince français, Henry II d’Orléans-Longueville
211
urs, succéderont dès 1707 les rois de Prusse, qui
seront
princes de Neuchâtel jusqu’en 1848. Au sud, Genève, ville d’Empire, d
212
ement à Berne. (Une partie du canton, d’ailleurs,
est
de langue alémanique.) Quant au Valais, principauté épiscopale dont s
213
dont seule la moitié ouest parle français, elle s’
est
liée peu à peu aux ligues suisses, mais restera longtemps à l’écart d
214
e avec les seigneurs de la haute vallée. Ce cas n’
est
d’ailleurs pas exceptionnel. Neuchâtel est depuis des siècles en rela
215
cas n’est d’ailleurs pas exceptionnel. Neuchâtel
est
depuis des siècles en relations étroites avec la Franche-Comté (pourt
216
a République de Berne (pourtant germanophone) à l’
est
, beaucoup plus qu’avec les Vaudois « occupés » par les baillis de Leu
217
urs Excellences de Berne. Genève, cité du Refuge,
est
déjà tournée vers le monde plutôt que vers les Vaudois campagnards ou
218
e ces cinq pays, principautés et républiques : ce
sont
la Réforme (pour Genève, Neuchâtel et Vaud) et les liens de combourge
219
lendemain de la guerre civile du Sonderbund (qui
fut
littéralement, la guerre de Sécession des Suisses), pressés par la né
220
la géographie (point de frontières naturelles à l’
est
), ou l’histoire (intérêts divergents de nos cinq cantons au long des
221
e 1848, un « esprit romand » va se constituer. Il
sera
l’expression de ce que les cinq cantons — et surtout les trois protes
222
même économique. Les trois réformateurs décisifs
sont
français : Calvin, de Bèze à Genève, Guillaume Farel à Neuchâtel. Seu
223
es deux grands noms du siècle, en Suisse romande,
sont
Alexandre Vinet et Henri-Frédéric Amiel, c’est-à-dire le civisme à fo
224
nte de la pensée romande : Quand tous les périls
seraient
dans la liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférai
225
a vie, et la servitude c’est la mort. La tyrannie
est
le souverain désordre. Au xx e siècle, la Suisse romande va devenir
226
l’éducation, fondé par Jean Piaget à Genève, peut
être
considéré comme la capitale mondiale de la psychologie génétique et d
227
n le parle. Inutile d’insister : les deux clichés
sont
faux, ne sont rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois un
228
utile d’insister : les deux clichés sont faux, ne
sont
rien de plus que des clichés. Il y a chez le Vaudois une bonhommie un
229
rté (fin des années 1960) L’union de l’Europe n’
étant
pas encore faite — ni dans la liberté ni autrement — il va sans dire
230
va sans dire que le titre de ce chapitre ne peut
être
conçu comme la constatation satisfaite d’un phénomène historique qu’i
231
s dans la réalité historique, union et liberté se
sont
trouvées généralement alliées ou en interaction de fait, quoique de d
232
ction de l’ensemble constitué : elle ne peut donc
être
conclue qu’aux dépens d’une part importante de la liberté des constit
233
a liberté des constituants. Cette part de liberté
est
sacrifiée librement par une élite au profit du groupe initiateur, mai
234
uelle mesure ces deux types d’union politique ont
été
préconisés et ont donné lieu à des réalisations plus ou moins consist
235
fédérale de l’Europe L’idée d’union européenne
est
apparue dans le temps même où les premières nations (c’étaient la Fra
236
périeure aux intérêts des monarchies en formation
sont
ceux du légiste français Pierre Dubois (1306-1307) et du partisan pol
237
et l’autre de surmonter le risque de division qu’
est
en train de créer précisément le pouvoir même que servent leurs auteu
238
rs auteurs : on sait que le De Monarchia de Dante
est
écrit pour saluer la venue en Italie de l’empereur Henri VII, tandis
239
le De recuperatione terre sancte de Pierre Dubois
est
dédié en partie à Édouard Ier d’Angleterre, en partie à Philippe le B
240
’absence de toute « juridiction plus ample et qui
tienne
les princes en son pouvoir », le genre humain devient, selon Dante, «
241
possédant des « qualités différentes […] doivent
être
dirigées par des lois différentes », mais orientées par une seule vue
242
vue générale. Or, selon Dante, cette opération n’
est
possible qu’à un seul, sous peine de confusion dans les principes uni
243
iversels (De Monarchia, I, 14). Le même problème
est
posé par Dubois : comment rassembler, discipliner et ordonner en vue
244
guerre sainte contre l’islam, des princes qui se
tiennent
pour souverains absolus superiores in terris non recognoscentes ? Mai
245
is non recognoscentes ? Mais la solution proposée
est
bien différente. Au lieu d’exalter l’utopie d’un « monarque du monde
246
. « Projet trop réaliste pour une époque qui ne l’
était
guère », note avec raison Christian L. Lange.11 Au cours des siècles
247
des siècles qui vont suivre, jusqu’au nôtre, ce n’
est
pas la vision du poète ni sa logique sublime, mais l’empirisme sans v
248
Crucé et s’en souvient). Quelques idées générales
sont
communes à presque tous ces auteurs et à leurs plans redécouverts dep
249
ou un empire centralisé sur le modèle romain, qui
sera
mis en système par les jacobins et mis en œuvre par Napoléon. Paix, g
250
’a passé dans les faits, où pourtant sa nécessité
était
inscrite et bien lisible. Refusés par les princes, souvent ridiculisé
251
s philosophiques, sociales et religieuses. Car il
est
typiquement européen d’admettre que l’unité et la diversité sont non
252
t européen d’admettre que l’unité et la diversité
sont
non seulement compatibles mais vitalement corrélatives, à la manière
253
nt, non de géométries pesantes et figées, doivent
être
rappelées ici, de même qu’on attribuera principalement aux Grecs et a
254
ant les deux termes de base d’une dialectique qui
est
le ressort même de notre histoire européenne. Lorsque ces éléments ou
255
uropéenne. Lorsque ces éléments ou termes de base
sont
séparés, isolés l’un de l’autre, et que l’un triomphe intégralement d
256
» ou le « collectivisme totalitaire ». Lorsqu’ils
sont
en revanche mis en tension, comme deux pôles électriques, ils se modi
257
ne union de l’Europe selon la formule fédéraliste
serait
particulièrement européenne non seulement dans ses fins, mais dans se
258
Enfin, l’on constatera que la liberté et la paix
sont
les buts principaux qu’ils assignent à l’union et qu’elle a pour fonc
259
a trois siècles plus tard Hitler, dont l’ambition
était
d’unir tous les peuples européens sous la seule loi de son parti, tou
260
s d’évolution différents. La société d’ailleurs n’
est
plus imaginée comme un corps, mais comme un mécanisme. Les groupes so
261
, mais comme un mécanisme. Les groupes sociaux ne
sont
plus des organes assurant une fonction propre, mais doivent être rédu
262
rganes assurant une fonction propre, mais doivent
être
réduits à l’état substantiellement indifférencié de subdivisions terr
263
édérale l’avantage décisif de la simplicité. Elle
est
d’une application facile dès qu’on dispose de la force (militaire, po
264
ers le milieu du xx e siècle. Ses maximes lui ont
été
données par les penseurs politiques du xvi e siècle comme Jean Bodin,
265
e à cet égard). Le sentiment patriotique lui-même
est
« nationalisé » en attendant que ce soit le tour des grandes entrepri
266
lui-même est « nationalisé » en attendant que ce
soit
le tour des grandes entreprises, des banques, puis de certaines scien
267
a résultante d’une telle contradiction ne saurait
être
que la guerre : celle qui éclate en 1914 est la conséquence logique e
268
ait être que la guerre : celle qui éclate en 1914
est
la conséquence logique et pratique, rationnelle et affective, des pas
269
ule fédérale (dont nous disions plus haut qu’elle
était
spécifiquement européenne dans ses fins, ses motifs et ses méthodes),
270
éenne dans ses fins, ses motifs et ses méthodes),
est
celle qui a représenté, aux yeux des autres peuples de la terre, l’Eu
271
lisme telle que nous la dressions tout à l’heure,
est
une liste de grands esprits qui ont tous échoué à faire passer leur i
272
es et belliqueuses, donc divisives de l’Europe, n’
est
autre que la liste des plus grands souverains, capitaines ou meneurs
273
’action de leur État. Or la « liberté » des États
est
de celles que réclament les gangsters, non les honnêtes citoyens, et
274
et c’est même aux dépens de ces derniers qu’elle
est
généralement acquise. La liberté de l’État-nation X ou Y en Europe, c
275
at-nation X ou Y en Europe, c’est son « droit » d’
être
seul juge de ses droits, de résilier tout contrat ou alliance qui ces
276
tielle, tout sacrifice à une cause commune, qu’il
est
toujours facile de tourner en dérision au nom du « réalisme », c’est-
277
, nommée « indépendance » ou « souveraineté », ne
serait
, si elle existait vraiment telle qu’on l’invoque ou la revendique, qu
278
pour unir ces communautés. La formule fédéraliste
est
celle d’une composition organique des réseaux de relations qui se nou
279
. La formule nationaliste part d’un pouvoir qui s’
est
posé par la force (pouvoir personnel ou collectif, roi ou parti) et q
280
e, face à l’étranger, sa souveraineté, laquelle n’
est
limitée qu’en fait, par la seule force nécessairement antagoniste des
281
s deux formules. Ils doivent s’unir pour éviter d’
être
satellisés l’un après l’autre par l’un ou l’autre des deux Grands, il
282
rmule d’union la plus conforme à la fin qu’ils se
seront
assignée : la puissance ou la liberté, en d’autres termes : la domina
283
e d’un fédérateur tel qu’à l’Ouest tentèrent de l’
être
— chacun à sa façon — César et ses successeurs, Othon, Charles-Quint,
284
n, Charles-Quint, Napoléon, Hitler, et tel qu’à l’
Est
s’y essaya Staline, serait régie par quelque aréopage technocratique,
285
on, Hitler, et tel qu’à l’Est s’y essaya Staline,
serait
régie par quelque aréopage technocratique, apatride et irresponsable.
286
États… Seul ce plan lui paraît conforme à ce que
sont
effectivement les nations de notre continent. Ce texte est important
287
ivement les nations de notre continent. Ce texte
est
important en ce sens qu’il démontre qu’un des Européens les plus cons
288
nationale » aussi mal définie qu’inatteintes. Il
est
clair pourtant que c’est dans une Europe unitaire, formée précisément
289
lisme qui entend respecter cette personnalité. Il
est
clair aussi que les prétendus « fédérateurs » dont de Gaulle note l’a
290
t un mal — César, Napoléon, Hitler, Staline — ont
été
en réalité des dictateurs et unificateurs radicalement hostiles à tou
291
antes les plus typiques — États-Unis, Suisse — ne
sont
pas nées des œuvres d’un « fédérateur », mais au contraire de la libr
292
matiquement que le jugement gaullien sur « ce que
sont
effectivement les nations de notre continent » soit erroné. On a trop
293
nt effectivement les nations de notre continent »
soit
erroné. On a trop vite fait, trop souvent, dans les rangs des Européi
294
s militants, de déclarer que la formule nationale
est
dépassée, morte, enterrée. C’est prendre ses désirs pour des réalités
295
ficacité dans les pays neufs du tiers-monde. Il n’
est
pas lié à une patrie d’abord, mais à une novation sociale et politiqu
296
ême, le mot d’ordre « Les Soviets partout ! » qui
fut
populaire dans les manifestations communistes en France ou en Italie
297
e ! ». Ainsi le nationalisme dans le tiers-monde,
est
-il d’abord affirmation d’anti-occidentalisme, de « socialisme », c’es
298
ogique, par le mouvement naturel de sa polémique,
est
rapidement devenu missionnaire, donc impérialiste, et cela donne au x
299
es » et la Première Guerre mondiale. Tout n’a pas
été
mauvais, loin de là, dans le colonialisme conduit par les nations de
300
d’une race, d’une région, d’une fraternité jurée,
fût
-elle le Ku Klux Klan, la Mafia, ou plus innocemment un club, une équi
301
n club, une équipe sportive, un gang d’élèves. Il
serait
donc ridicule de ne pas tenir compte de ces réalités nationales, dont
302
, dont le tort des nationalistes d’ancienne école
est
de tenir compte exclusivement, sans nul espoir et nul désir d’une mod
303
désir d’une modification prochaine, « les choses
étant
ce qu’elles sont », ainsi que de Gaulle aime à le dire. Or, les chose
304
ication prochaine, « les choses étant ce qu’elles
sont
», ainsi que de Gaulle aime à le dire. Or, les choses ne changent pas
305
l’homme n’intervient pas. La formule nationale ne
serait
ni fausse ni rejetable en soi, et un philosophe de la politique n’aur
306
ion publique, pour peu que « l’intérêt national »
soit
invoqué ; 3. empêche toute espèce d’union européenne parce qu’elle pe
307
e, le régime centralisé d’un pays comme la France
est
débordé, dépassé, non payant, en cette seconde moitié du xx e siècle
308
ntre l’idée que l’on s’y fait de l’Occident. Ce n’
est
donc pas une caricature du nationalisme que l’on se permettrait ici d
309
que l’on se permettrait ici de condamner, mais on
est
contraint de reconnaître que la formule d’union nationale n’est plus
310
de reconnaître que la formule d’union nationale n’
est
plus à l’échelle de l’Europe et du monde en cette fin du xx e siècle,
311
rie, de la technique, et de la société mobile qui
est
la nôtre — en attendant que l’on prenne au sérieux, au-delà de la sta
312
édéralistes demandent que l’Europe s’unisse, ce n’
est
certes pas pour que nos plus petites nations se voient entraînées dan
313
. Accessoirement d’ailleurs, cette union fédérale
serait
en mesure — et elle seule — d’assurer l’indépendance des Européens et
314
dans des domaines bien définis ; que ces agences
soient
bien articulées et coopèrent dans une vue générale, c’est-à-dire prop
315
mbition de puissance sur l’Europe et le Monde qui
fut
celle de quelques souverains et dictateurs, mais de bien plus nombreu
316
ropéenne, j’entends la prétention hégémonique qui
fut
celle de tous les soi-disant « fédérateurs », en réalité dévastateurs
317
complexe à la fois et mieux coordonnée que ne le
sont
nos cabinets à la mode du siècle dernier, avec leurs ministères dont
318
sa prospérité et les libertés que j’ai dites, qui
sont
personnelles d’abord, mais ensuite, et non moins, pour le tiers-monde
319
non moins, pour le tiers-monde. Qui sait si ce ne
sera
pas là notre contribution la plus féconde au développement de l’human
320
-delà des calculs de technocrates politiciens qui
sont
parfois tentés de juger gratuite et littéraire toute considération su
321
olitique qui puisse servir demain le genre humain
sera
le modèle fédéraliste, dépassement de la formule nationale et du conc
322
es Européens. Essayons le modèle fédéraliste, qui
est
celui de l’union librement consentie des groupes, des cités, des État
323
es à mon sujet, et vous dire avec quel plaisir je
suis
ici ce matin — à peine rentré des États-Unis. Je sais à quel point il
324
ne rentré des États-Unis. Je sais à quel point il
est
important que des gens qui ont vos responsabilités se réunissent pour
325
. Je vais partir, selon la proposition qui m’en a
été
faite, de ce que j’avais exposé il y a sept ou huit ans, dans un peti
326
it livre intitulé Les Chances de l’Europe . Il y
est
question des bases durables, je dirais presque permanentes, de l’unio
327
omiques et technologiques de cette union. Je m’en
suis
tenu à un certain nombre de motifs qui, pour les uns existent depuis
328
es et technologiques de cette union. Je m’en suis
tenu
à un certain nombre de motifs qui, pour les uns existent depuis trois
329
eur actualité de sitôt, je le crains. Au fond, qu’
est
-ce qui a changé depuis que j’ai publié ces quatre conférences ? Hélas
330
ce de cette formation politique très particulière
est
assez récente puisque ce n’est qu’à partir de Napoléon que l’on peut
331
très particulière est assez récente puisque ce n’
est
qu’à partir de Napoléon que l’on peut vraiment parler d’État-nation,
332
c’est-à-dire de la confiscation de la nation, qui
est
un grand mythe, par l’État, qui est un appareil administratif. C’est
333
a nation, qui est un grand mythe, par l’État, qui
est
un appareil administratif. C’est l’étatisation de la nation. Formatio
334
e n’a guère que 170 ans d’âge, mais qui se trouve
être
devenue tellement naturelle à nos yeux que beaucoup d’entre vous sans
335
e s’imaginent qu’il n’y en a pas d’autre, qu’elle
est
le résultat normal de l’évolution historique, et qu’on devait en arri
336
a limite totalitaire — et nous découvrons qu’elle
est
très récente. Et si elle a été fabriquée et imposée récemment, c’est
337
découvrons qu’elle est très récente. Et si elle a
été
fabriquée et imposée récemment, c’est une raison de plus pour la mett
338
our la mettre en question et nous demander quelle
est
sa validité. Si l’on n’a pas avancé dans la construction de l’Europe
339
et là je plaide coupable, comme tous ceux qui se
sont
occupés de l’Europe à ce moment-là — parce que l’on est parti du mauv
340
On a voulu fonder l’union de l’Europe sur ce qui
était
précisément l’obstacle à cette union, c’est-à-dire sur les États-nati
341
n, c’est-à-dire sur les États-nations tels qu’ils
sont
. Lors des premiers congrès européens à Montreux, à La Haye, à Rome, à
342
quelque vingt-cinq États (si on prenait ceux de l’
Est
), et nous pensions qu’on arriverait à les grouper comme des cantons s
343
ne fédération de petits États. Car tous nos États
étaient
devenus petits, à l’échelle mondiale, avec l’apparition des deux ou t
344
rition des deux ou trois empires. Là sans doute a
été
l’erreur fondamentale : essayer de former une fédération sur ce qui f
345
des attributs classiques de la souveraineté, qui
étaient
comme vous le savez, depuis qu’on en a fait la théorie à la Renaissan
346
tre l’Égypte, au bout de quelques jours elles ont
été
stoppées par un froncement des sourcils des vrais maîtres du monde, c
347
, qui continuent à se dire souverains, mais ne le
sont
plus, la France et l’Angleterre, ont dû arrêter leur guerre à deux he
348
erre à deux heures de la prise du Caire. La leçon
est
absolument claire : la prétention à la souveraineté nationale n’exist
349
. Or c’est toujours d’une manière absolue qu’elle
est
revendiquée. Elle n’a plus d’autre efficacité que le pouvoir de refus
350
uveraineté prétendue des États-nations, à force d’
être
revendiquée, nous incite à une analyse plus serrée du concept, et l’o
351
de l’État-nation comme communauté. Cette critique
tient
en quelques mots — et vous la retrouverez identique chez au moins une
352
s une douzaine d’auteurs contemporains, qui ne se
sont
pas concertés : — L’État-nation, au xx e siècle, est à la fois trop p
353
pas concertés : — L’État-nation, au xx e siècle,
est
à la fois trop petit et trop grand pour les réalités d’aujourd’hui. I
354
et trop grand pour les réalités d’aujourd’hui. Il
est
trop petit parce que pas un seul de nos États-nations, même s’ils se
355
ns une politique qu’il préconiserait, parce qu’il
est
trop petit à l’échelle mondiale. Ceci n’a pas besoin d’être développé
356
petit à l’échelle mondiale. Ceci n’a pas besoin d’
être
développé beaucoup ; au point de vue économique, il saute aux yeux qu
357
pays, même les petits, se trouve trop grand pour
être
capable d’animer réellement toutes ses régions, toutes ses communes,
358
jours à cet égard, c’est celui de la France. Ce n’
est
pas par hasard. La France a donné le modèle même de l’État-nation cen
359
l’État-nation centralisé avec Napoléon. La France
est
beaucoup trop grande pour animer toutes ses régions, ce qui a amené m
360
pénitent comme le général de Gaulle — parce qu’il
est
tout de même réaliste — à constater qu’il fallait une régionalisation
361
à marcher et que les Français s’intéressent tant
soit
peu à leur vie politique et à leur vie publique autrement que d’une m
362
égions. Comme vous le savez, le général de Gaulle
est
tombé à l’occasion d’un référendum concernant les régions. Chacun sai
363
ions d’habitants. Mais, peu ou prou, la situation
est
la même dans les autres pays, avec la seule exception peut-être du nô
364
nistratives : la trop grande dimension des cadres
est
évitée.) Ces États-nations continuent à être juste assez forts pour s
365
adres est évitée.) Ces États-nations continuent à
être
juste assez forts pour se refuser à l’union, mais ils sont trop petit
366
e assez forts pour se refuser à l’union, mais ils
sont
trop petits et trop grands à la fois, ils sont donc en crise, ils se
367
ls sont trop petits et trop grands à la fois, ils
sont
donc en crise, ils se voient attaqués de tous les côtés, non seulemen
368
e Marché commun ou le Conseil de l’Europe, et ils
sont
imités dans d’autres parties du monde, d’abord dans le monde communis
369
agitation beaucoup moins virulente parce qu’elle
est
mieux reconnue, en Grande-Bretagne, du côté du pays de Galles et de l
370
lème du même ordre en Belgique, mais la situation
est
beaucoup plus violente puisqu’elle va presque jusqu’à l’éclatement du
371
s, plus petites que le cadre stato-national qui a
été
imposé à la plupart de nos pays au xix e siècle seulement. (Dites-vou
372
erre ou une partie de l’Espagne ; tous les autres
sont
de création beaucoup plus récente.) Double mouvement contradictoire,
373
Malraux, qui disait récemment : « Le xx e siècle
sera
le siècle des nations » — si l’on prend nation dans le sens ancien du
374
cle voit la renaissance de ces nations-là, qui ne
sont
pas du tout la nation telle que la Révolution française et Napoléon l
375
ion française et Napoléon l’ont définie, mais qui
sont
beaucoup plus petites. Ces deux réalités qui ont l’air contradictoire
376
re de triturer ou de dissoudre les États-nations,
soit
par en dessous (mouvement vers les régions), soit par en haut (mouvem
377
soit par en dessous (mouvement vers les régions),
soit
par en haut (mouvement de grandes convergences continentales). Donc,
378
ales. Tout semble pointer vers une résultante qui
est
le fédéralisme. Ici j’introduis une nouvelle idée, une nouvelle thèse
379
velle idée, une nouvelle thèse : — Le fédéralisme
est
le terme le plus mal compris du vocabulaire politique, et ceci pas se
380
tes les langues où on l’emploie aujourd’hui. Il n’
est
pas de terme qui donne lieu à pires malentendus. Je vais vous en donn
381
ada, où vous savez que la question du fédéralisme
est
très brûlante. J’avais proposé un certain nombre de sujets de confére
382
Parlez-nous d’amour, mais pas de fédéralisme ! J’
étais
extrêmement étonné et déçu, car le vrai but de mon voyage était de di
383
ent étonné et déçu, car le vrai but de mon voyage
était
de discuter le fédéralisme. J’ai réussi à le faire à l’occasion d’int
384
tale autour d’Ottawa, la capitale fédérale ! J’ai
été
obligé d’expliquer à mon tour que pour nous, Suisses, c’était à peu p
385
amais de subventions fédérales, parce qu’ici nous
sommes
fédéralistes ! » D’autres exemples : au cours des travaux de préparat
386
européen, j’avais demandé que la première journée
fût
consacrée à une discussion sur le fédéralisme. Sur quoi le représenta
387
e quitter le comité, parce que le mot fédéralisme
est
tabou à Strasbourg. » On finit par comprendre que pour ce haut foncti
388
lé d’un « défaut congénital du fédéralisme », qui
tient
au fait que le fédéralisme, c’est toujours la coexistence de deux cho
389
coexistence en tension. Le modèle le plus simple
est
fourni par la coexistence entre les autonomies locales et l’union féd
390
s autonomies locales et l’union fédérale, l’union
étant
le moyen de sauvegarder les autonomies, qui mettent en commun certain
391
ire que par exemple le mariage, le couple humain,
est
le premier stade du fédéralisme. Vous y retrouvez tous les caractères
392
qu’il ne faut pas du tout unifier et qui doivent
être
égales, peser du même poids dans le mariage, qui ne doivent pas être
393
du même poids dans le mariage, qui ne doivent pas
être
subordonnées l’une à l’autre. Donc, si vous voulez, en termes théolog
394
e seule personne », en une seule institution, qui
est
le mariage. Vous retrouverez ce même genre d’antinomie à tous les deg
395
inomie à tous les degrés de la réalité. Voilà qui
est
tout à fait fondamental pour la forme de pensée européenne. Le plus a
396
retrouverez dans la pensée fédéraliste, laquelle
est
à mon sens la plus ancienne tradition ou forme de pensée de l’esprit
397
ou forme de pensée de l’esprit humain tel qu’il s’
est
manifesté en Occident. Ceci explique aussi tous les malentendus qui p
398
dus qui peuvent toujours se produire, parce qu’il
est
presque fatal que l’esprit humain ait de la peine à maintenir ensembl
399
tions logiquement exclusives l’une de l’autre. Il
est
toujours tenté soit de subordonner l’une à l’autre, soit de les fusio
400
xclusives l’une de l’autre. Il est toujours tenté
soit
de subordonner l’une à l’autre, soit de les fusionner complètement, d
401
ujours tenté soit de subordonner l’une à l’autre,
soit
de les fusionner complètement, de manière qu’il n’y ait plus de diffi
402
ut comprendre la vraie nature du fédéralisme, qui
est
la seule manière d’unir les Européens, divers comme ils sont, il faut
403
le manière d’unir les Européens, divers comme ils
sont
, il faut se rappeler d’abord que le fédéralisme est une pensée dialec
404
t, il faut se rappeler d’abord que le fédéralisme
est
une pensée dialectique, qui veut faire coexister des réalités antinom
405
des concepts de base de toute pensée fédéraliste
est
le concept de dimension — dimension des cadres et dimension des tâche
406
cadres et dimension des tâches communautaires. Il
est
évident que si vous avez un cadre trop vaste, comme celui de la Franc
407
troisième, c’est participation, tous ces concepts
étant
d’ailleurs interdépendants : vous ne pouvez pas en avoir un si vous n
408
ys centralisé de 50 millions d’habitants, il n’en
est
pas question. Voter tous les sept ans en principe, pour un président,
409
’on ne peut pas connaître personnellement, cela n’
est
pas de la participation civique, cela n’est rien du tout, c’est une l
410
ela n’est pas de la participation civique, cela n’
est
rien du tout, c’est une loterie, c’est de l’ordre du tiercé : on pari
411
de retrouver des communautés dont les dimensions
soient
telles que les citoyens puissent être des citoyens, donc des communau
412
imensions soient telles que les citoyens puissent
être
des citoyens, donc des communautés assez petites. Le concept de dimen
413
e. Prenez l’exemple de l’université. L’université
est
définie par une certaine dimension, dimension culturelle, dimension d
414
ander que chaque commune ait son université. Elle
est
déjà trop grande pour nos cantons, on commence à s’en apercevoir. Cel
415
ade supérieur. Allons encore plus loin. Nous nous
sommes
aperçus tout au début de la construction européenne, en 1949, qu’aucu
416
sur mesure, à la mesure de cette tâche énorme qu’
était
la recherche nucléaire. Donc, dimensions des tâches, dimension des ca
417
e ainsi conçu comme méthode d’union de l’Europe n’
est
pas du tout limité au genre de relations qui existent, en Suisse, ent
418
stes l’ont étudié au xix e siècle, qui lui-même n’
est
qu’un cas particulier de la méthode fédéraliste. Celle-ci, à mon sens
419
e une antinomie : la personne, c’est un homme qui
est
à la fois libre et responsable, qui est à la fois distingué de la mas
420
homme qui est à la fois libre et responsable, qui
est
à la fois distingué de la masse par sa vocation même. C’est déjà quel
421
déralisme aux relations entre nos cantons, qui ne
sont
pas nécessairement restés à la bonne mesure ou à la bonne taille au x
422
dhérer par exemple au Marché commun, comme cela a
été
un prétexte pendant longtemps de ne pas même adhérer au Conseil de l’
423
dhérer au Conseil de l’Europe — et Dieu sait s’il
est
anodin, le Conseil de l’Europe. Notre fédéralisme doit continuer au-d
424
continuer au-delà de nos frontières, comme cela s’
est
fait dans le cas du CERN que je citais tout à l’heure ; tout naturell
425
’ai publié mon petit ouvrage, c’est parce qu’on s’
est
trompé en essayant de faire l’Europe sur la base des États-nations te
426
e fait pas d’omelette sans casser des œufs, et je
suis
parfaitement persuadé qu’on ne fera jamais l’Europe sans casser des É
427
ser des États-nations, sans les dissocier, ce qui
est
d’ailleurs un processus en train de se faire. Je ne prône pas une rév
428
dit à la Sorbonne : « Cassez la baraque ! » Il n’
est
pas question de cela, car c’est toujours la police qui gagne dans ces
429
t d’État-nation, que nous voyions à quel point il
est
en crise aujourd’hui, à quel point il faut le dépasser, par en haut e
430
version, changer de direction. Une révolution qui
sera
celle de la mesure européenne. Chaque fois que je retourne aux États-
431
. Questions I. La discussion du groupe I s’
est
centrée sur le thème des régions. 1. L’idée de région dans le cadre e
432
gions. 1. L’idée de région dans le cadre européen
est
-elle suffisamment avancée pour pouvoir être proposée ? 2. Quelles ser
433
ropéen est-elle suffisamment avancée pour pouvoir
être
proposée ? 2. Quelles seraient ces régions ? Devraient-elles se const
434
t avancée pour pouvoir être proposée ? 2. Quelles
seraient
ces régions ? Devraient-elles se constituer sur une définition géogra
435
uels devraient-elles disparaître, ou au contraire
être
maintenues ? 4. Quelle conception M. de Rougemont a-t-il des frontièr
436
de leur passé culturel ? II. 1. Notre neutralité
est
-elle une entrave à notre participation sur le plan européen ? Quel es
437
à notre participation sur le plan européen ? Quel
est
l’avenir de notre neutralité ? 2. Puisqu’il s’agit de définir les rég
438
e la région. Les questions qu’il se pose ont déjà
été
exposées par les deux premiers groupes. Il aimerait néanmoins avoir u
439
uvelle, comme base nouvelle d’union, qui pourrait
être
à la taille de l’homme et en même temps la dépasser. Mais la régional
440
rer en régionalisme étroit, repli qui ne pourrait
être
que négatif pour la création de l’Europe ? IV. 1. Après une telle cri
441
les moyens d’y parvenir. 1. La solution régionale
est
très séduisante, parce que humaine. Mais dans le monde actuel, où l’é
442
ise de plus en plus grande, la solution régionale
est
-elle la seule et la meilleure ? 2. La solution de l’Europe économique
443
Europe économique conduisant à l’Europe politique
est
-elle opposée à l’idée de M. de Rougemont, ou peut-elle la rejoindre ?
444
és par l’exposé de M. de Rougemont et qui peuvent
être
résumés sous la forme de deux questions fondamentales : 1. L’Europe d
445
de Rougemont Dans chacun de vos groupes, vous
êtes
revenus sur l’idée de région et sur les difficultés que soulève ce no
446
exactement le cas, ce qui prouve que le dialogue
est
bien engagé, qu’il est bien centré. Je voudrais essayer de répondre à
447
qui prouve que le dialogue est bien engagé, qu’il
est
bien centré. Je voudrais essayer de répondre à quelques grandes quest
448
au point. Il y a un autre groupe de questions qui
sont
me semble-t-il beaucoup plus générales, qui sont des questions de pol
449
sont me semble-t-il beaucoup plus générales, qui
sont
des questions de politique générale ou mondiale, savoir par exemple s
450
e revenir à la fin, si j’ai le temps et si vous n’
êtes
pas trop fatigués. Troisième ordre de questions : la neutralité suiss
451
directement à l’un ou à l’autre de ces problèmes.
Est
-ce qu’il y aurait un quatrième ordre de questions, sur lequel vous in
452
édagogique de la présentation de l’Europe ? Je ne
suis
pas sûr que je puisse entrer dans beaucoup de détails. On me dit que
453
s aurez une matinée entière, celle de samedi, qui
sera
consacrée à ce genre de questions et d’application. Mais j’aurai prob
454
régions, tout d’abord. On m’a demandé si la chose
était
suffisamment avancée, si je n’étais pas trop optimiste, si je n’avais
455
é si la chose était suffisamment avancée, si je n’
étais
pas trop optimiste, si je n’avais pas une vision idyllique de la réal
456
n idyllique de la réalité, si les États-nations n’
étaient
pas encore assez solides tout de même, si je n’avais pas exagéré ma c
457
z-vous les “découper” ? » Ici, on a dit : comment
est
-ce qu’elles se répartiraient, quelles seraient leurs relations avec l
458
comment est-ce qu’elles se répartiraient, quelles
seraient
leurs relations avec les ensembles déjà existants, et les déborderaie
459
une meilleure manière de poser la question. Quel
est
l’état actuel du problème ? Il est évident que c’est nouveau, ce conc
460
question. Quel est l’état actuel du problème ? Il
est
évident que c’est nouveau, ce concept de région comme élément de base
461
d’études assez développées. Des revues entières y
sont
consacrées, comme celles qui sont publiées en France par l’Institut d
462
vues entières y sont consacrées, comme celles qui
sont
publiées en France par l’Institut de science économique appliquée de
463
estion des régions, et j’ai l’impression que ce n’
est
qu’un début. Comme le problème, je vous le rappelais tout à l’heure,
464
le problème, je vous le rappelais tout à l’heure,
est
posé en réalité d’une manière très concrète, politique et économique,
465
en plus urgent, à mesure qu’on décidera que ça l’
est
. J’ai l’impression qu’en parlant de régions je ne parle pas d’une uto
466
utopie, mais j’essaie d’épouser un mouvement qui
est
en train de se prononcer partout, qu’on le veuille ou non, qu’on l’ap
467
che concrète proposée à cette génération. Quelles
sont
les chances des régions de se substituer peu à peu aux États-nations
468
les choses dans le mouvement d’une évolution qui
est
assez lent, au gré de nos impatiences naturelles. Je pense à ce que n
469
ien, nous n’avons eu ni l’une ni l’autre. Nous ne
sommes
pas encore morts, mais nous sommes loin d’être unis. Et je crois qu’i
470
autre. Nous ne sommes pas encore morts, mais nous
sommes
loin d’être unis. Et je crois qu’il faut en rabattre sur ces enthousi
471
sommes pas encore morts, mais nous sommes loin d’
être
unis. Et je crois qu’il faut en rabattre sur ces enthousiasmes de mil
472
va vous tomber sur la tête, vers 1985, et vous ne
serez
absolument pas préparés, parce que vous la cherchez toujours du côté
473
rchez toujours du côté des États-nations. Elle ne
sera
pas formée sur la base des États-nations, encore moins sur celle de v
474
u’elles nouent entre elles des liens, ce qu’elles
sont
déjà en train de faire dans beaucoup de cas par-dessus les frontières
475
ières. Donc, une espèce de coagulation — le mot n’
est
peut-être pas très bon — ou constitution de régions un peu partout en
476
millions d’habitants), ne peuvent pas prétendre à
être
complètes, ce qu’ont prétendu les États-nations au xix e siècle. Il n
477
prétendu les États-nations au xix e siècle. Il n’
est
pas question qu’elles se rêvent autarciques. Elles sont faites pour ê
478
as question qu’elles se rêvent autarciques. Elles
sont
faites pour être complémentaires, les unes ayant certaines qualités s
479
les se rêvent autarciques. Elles sont faites pour
être
complémentaires, les unes ayant certaines qualités spécifiques bien p
480
On peut imaginer que d’ici dix à douze ans, elles
soient
suffisamment constituées, et que le tissu, le réseau de leurs interre
481
x mots : La Regio Basiliensis, ou région bâloise,
est
une conception qui est née dans l’esprit de jeunes économistes et pro
482
iensis, ou région bâloise, est une conception qui
est
née dans l’esprit de jeunes économistes et professeurs de Bâle, qui o
483
ns égards, jusqu’à Strasbourg. Plusieurs réalités
sont
à la base de ce projet. D’abord une réalité historique : cette région
484
. D’abord une réalité historique : cette région a
été
historiquement unie. Liens politiques et sociaux, intermariages fréqu
485
lgré la présence du français en Alsace, la langue
est
en grande majorité germanique ; il y a trois dialectes, mais les gens
486
Quand vous regardez ce pays, vous voyez que Bâle
est
ultra-industrialisé et bâti, et puis il y a la frontière française, e
487
elle à constituer. Or, cette région qui se trouve
être
au cœur de l’Europe, géographiquement, est en même temps située entre
488
rouve être au cœur de l’Europe, géographiquement,
est
en même temps située entre trois pays, et dans chacun de ces pays, su
489
surtout en France et en Allemagne, elle se trouve
être
périphérique. C’est un grand paradoxe. Ce coude du Rhin, c’est vraime
490
du lieu. Je ne veux pas en dire plus qu’eux ! Ils
sont
souvent amers sur la manière dont on les traite dans la capitale. On
491
x : des appareils pour une école de dentistes ont
été
mis en commun entre les trois universités. Mais on cherche à aller be
492
tion politique : de qui relèverait cette région ?
Est
-ce que Bâle va se séparer de la Suisse ? Le pays de Bade de l’Allemag
493
r de la Suisse ? Le pays de Bade de l’Allemagne ?
Est
-ce que l’Alsace va devenir autonome ? Il n’est absolument pas nécessa
494
? Est-ce que l’Alsace va devenir autonome ? Il n’
est
absolument pas nécessaire d’aller jusque là. On peut très bien imagin
495
el point que nous la croyons naturelle, mais elle
est
absolument monstrueuse, si on y réfléchit : poser les mêmes frontière
496
ol, la religion dans certains cas — maintenant on
est
en train de dépasser cela, mais pendant longtemps cela a joué un rôle
497
’est de la folie, et on le voit aujourd’hui, ce n’
est
pas tenable. On a été obligé de commencer le Marché commun. Pourquoi
498
n le voit aujourd’hui, ce n’est pas tenable. On a
été
obligé de commencer le Marché commun. Pourquoi ? Parce que vous aviez
499
allemand comme ils le veulent, à la surface, ce n’
est
pas une raison pour diviser le sous-sol, jusqu’à je ne sais pas combi
500
octorat, mettre tout le monde en uniforme (il n’y
est
pas arrivé tout à fait, il n’a réussi qu’avec les lycéens et les gran
501
académie, comme ils s’appellent en France — qui n’
est
pas du tout un recteur élu par ses pairs, comme dans les autres pays,
502
me dans les autres pays, mais nommé par Paris — ,
tient
à dire qu’il a le même rang qu’un général de division ou qu’un préfet
503
’un général de division ou qu’un préfet. Cela m’a
été
rappelé à maintes reprises par des recteurs français, qui me disaient
504
étudiants et beaucoup de professeurs français se
sont
révoltés l’année dernière. Contre cette concentration, les régionalis
505
bitude de donner l’exemple suivant, parce qu’il m’
est
personnel et que je le connais bien. À des Français, par exemple, qui
506
ques, culturelles différentes, je dis ceci : — Je
suis
Neuchâtelois, né dans un canton qui eut son histoire séparée de celle
507
qu’il n’a rejoint la Confédération qu’en 1848. Là
est
ma patrie, ma tradition, c’est là que je suis né, c’est de là que j’a
508
. Là est ma patrie, ma tradition, c’est là que je
suis
né, c’est de là que j’ai mon accent. C’est ma première allégeance pat
509
légeance patriotique. Mais comme Neuchâtelois, je
suis
Suisse de passeport, c’est là mon allégeance nationale. Ensuite, je s
510
t, c’est là mon allégeance nationale. Ensuite, je
suis
écrivain français, et là mon allégeance est à la francophonie, à l’en
511
, je suis écrivain français, et là mon allégeance
est
à la francophonie, à l’ensemble de la langue française, qui recouvre
512
’allégeance : religieusement, il se trouve que je
suis
né protestant, mais si j’étais né catholique ou communiste ce serait
513
il se trouve que je suis né protestant, mais si j’
étais
né catholique ou communiste ce serait la même chose : je fais partie
514
t, mais si j’étais né catholique ou communiste ce
serait
la même chose : je fais partie religieusement — si j’étais communiste
515
même chose : je fais partie religieusement — si j’
étais
communiste, je dirais : idéologiquement — d’un ensemble qui ne recouv
516
qui n’ont pas du tout de frontières communes, qui
sont
répandues n’importe comment sur toute la surface de la Terre. Et je s
517
x voter ! où je dois payer mes impôts ! Tout cela
est
parfaitement clair, il n’est pas du tout difficile de s’en souvenir !
518
s impôts ! Tout cela est parfaitement clair, il n’
est
pas du tout difficile de s’en souvenir ! Donc on peut parfaitement —
519
les mouvements totalitaires d’aujourd’hui, que ce
soit
le totalitarisme de Staline ou celui de Hitler, dont la devise était
520
sme de Staline ou celui de Hitler, dont la devise
était
presque la même que celle de la Ligue : « Ein Volk, ein Reich, ein Fü
521
il faut correspondre à la réalité de l’homme, qui
est
multiple. L’homme relève de toutes sortes de niveaux différents, et i
522
ève de toutes sortes de niveaux différents, et il
est
normal qu’il y ait des autorités différentes qui y correspondent. J’e
523
de tort à la notion nouvelle de région. Tout cela
serait
vrai, s’il n’y avait pas un pouvoir — j’allais dire central, il faut
524
rif, un politicien local. La tyrannie du « boss »
est
bien pire encore que celle du centre, parce qu’elle s’exerce à bout p
525
terrible. Alors, pour lutter contre ce danger qui
est
très réel, il faut absolument maintenir des pouvoirs fédéraux, mainte
526
cela se complique un peu : Il ne faut pas que ce
soit
le même État, siégeant avec tous ses ministères dans la même capitale
527
ion de l’Europe qui aurait une seule capitale, où
seraient
réunis tous les gouvernements : économique, politique, culturel, soci
528
avons déjà en puissance dans le Marché commun. Qu’
est
-ce que le Marché commun ? Une agence qui n’a d’autorité que sur le pl
529
nationaux. On peut imaginer d’autres régions, qui
seraient
des régions culturelles, ethniques, qui auraient d’autres centres qui
530
ues, qui auraient d’autres centres qui pourraient
être
situés dans d’autres villes. Je suis en train de vous parler maintena
531
i pourraient être situés dans d’autres villes. Je
suis
en train de vous parler maintenant de la partie la plus difficile, de
532
dont vous avez une petite idée, cette fédération
serait
amenée à prendre une position neutre à l’échelle mondiale. Simplement
533
verses et qu’on veut respecter ces diversités, on
est
amené à prendre une position neutre. J’imagine que l’Europe, qui a te
534
e position politique commune sur le plan mondial,
serait
amenée, si elle avait un organe fédéral politique commun, à prendre d
535
là, contrairement à ce que certains disent, elle
serait
un élément d’équilibre et de pacification à l’échelle du monde, ce qu
536
tion à l’échelle du monde, ce qu’elle ne peut pas
être
aujourd’hui. Elle a été, et vous le savez bien, exactement le contrai
537
, ce qu’elle ne peut pas être aujourd’hui. Elle a
été
, et vous le savez bien, exactement le contraire : à deux reprises, el
538
exactement le contraire : à deux reprises, elle a
été
déséquilibrée et a mis le monde entier à feu et à sang à cause des Ét
539
et en 1939. Alors, quand on dit : « L’État-nation
était
une étape nécessaire, cela a tout de même rendu des services », moi j
540
toujours dit que c’était nécessaire quand cela s’
était
fait… Mais qu’est-ce que cela a donné ? Cela a donné 38 millions de m
541
était nécessaire quand cela s’était fait… Mais qu’
est
-ce que cela a donné ? Cela a donné 38 millions de morts en deux guerr
542
donné 38 millions de morts en deux guerres. Ce n’
est
pas mal. Je trouve qu’il suffit bien à juger la formule de l’État-nat
543
er la formule de l’État-nation, ce résultat qui n’
est
pas attribuable à autre chose. Car s’il n’y avait pas eu les États-na
544
res — en tout cas pas dans ces proportions-là. Je
suis
donc pour une Suisse qui continuerait à être neutre en tant que modèl
545
. Je suis donc pour une Suisse qui continuerait à
être
neutre en tant que modèle d’une fédération européenne, mais qui ne pr
546
qui ne deviendrait possible qu’au moment où elle
serait
unie. Ce qui n’est pas du tout possible aujourd’hui. g. Édition ré
547
ssible qu’au moment où elle serait unie. Ce qui n’
est
pas du tout possible aujourd’hui. g. Édition réalisée sur la base
548
ntôt antagonistes et tantôt complices, qu’il nous
est
devenu facile de distinguer et de nommer après coup : — le nationalis
549
despotique infligée à des masses traumatisées. Il
est
plus que probable que ces quatre facteurs principaux, successivement
550
7 que ces courants de forces ont fait un nœud, se
sont
noués d’une manière décisive, fatidique, justifiant le titre d’années
551
ler, ou le facteur nationaliste Le xx e siècle
est
né en 1919, des œuvres d’une des guerres les plus absurdes de l’histo
552
ries du siècle précédent, dans la mesure où elles
étaient
communes aux socialistes et aux capitalistes ; théories jacobines de
553
s centraux par les démocraties de l’Ouest avaient
été
nommés « traités de banlieue » parce que Paris était encore centre du
554
té nommés « traités de banlieue » parce que Paris
était
encore centre du monde et que ses villes de banlieue avaient offert a
555
s et non moins erronés des « puissances ». Tout y
était
faux, dans le détail et le principe. Les frontières des langues passa
556
haleur, mais aussi de leurs voisins slovaques à l’
Est
, et germanophones à l’Ouest ? Qui peut nier que l’une des causes dire
557
Tous les « traités de banlieue » de 1919 avaient
été
fondés sur les dogmes et les clichés stato-nationalistes inventés par
558
t partout répétés. Or pas un de ces miracles ne s’
est
jamais produit, nulle part. Le Danube, le Rhône et le Rhin, la Vistul
559
le Vardar ou le Pô, les Alpes et les Pyrénées ne
sont
ni des séparations ni des « limites naturelles », mais au contraire d
560
des Pyrénées le basque à l’ouest, le catalan à l’
est
, et que sur les deux versants des Alpes on parle tantôt l’italien (co
561
main, allemand ou hongrois selon les villages. Il
est
faux que le Rhin divise Français et Allemands tandis que le Rhône uni
562
Rhône unirait Provençaux et Languedociens. Et il
est
aberrant de vouloir faire coïncider les frontières linguistiques avec
563
les nécessités de la mobilisation militaire) ne s’
est
totalement épanouie en Europe qu’au lendemain de la victoire franco-a
564
— celle du Duce déjà, celle du Führer demain — n’
est
donc nullement nouveau ni scandaleux : il figure dans tous les préamb
565
sés par les vainqueurs « démocrates » de 1918. Il
est
absolument conforme à l’esprit des manuels scolaires de tous les pays
566
eté absolue » et à ses « limites naturelles ». Ce
sont
les lois, les surprises et les crises de l’économie capitaliste qui v
567
all Street, le « jeudi noir » du 24 octobre 1929,
fut
une sorte de fulgurante pneumonie double, quasi mortelle pour les Éta
568
r, le roi des allumettes. La crise, d’ailleurs, n’
est
pas seulement financière. Faute de profit et non de besoins humains,
569
er. Dans tous les pays développés ou en voie de l’
être
(sauf l’URSS, restée hors des circuits capitalistes), la production i
570
ainsi que leurs dépendances coloniales ; mais ce
sont
les pays décisifs. ⁂ Échec des institutions internationales À c
571
és, les seules réponses valables, à première vue,
seraient
celles qui résulteraient d’une concertation internationale et qui pou
572
une concertation internationale et qui pourraient
être
appliquées à une échelle internationale. Or on assiste au cours des a
573
Plan d’union des États européens. Ce plan allait
être
rédigé par le plus proche conseiller de Briand, Alexis Léger — plus t
574
rs sacro-saintes souverainetés nationales (ce qui
est
une faiblesse), mais aussi et surtout des tâches communes, créant des
575
munes, créant des « solidarités de fait », et qui
seraient
propres à surmonter progressivement les conflits nationaux d’intérêts
576
stige. Les réponses des États, parvenues en 1930,
étaient
très en retrait sur l’enthousiasme qui avait accueilli le discours Br
577
ne suffit à faire enterrer le seul projet qui eût
été
susceptible de barrer la route au national-socialisme, justement ! Dè
578
e poste de délégué à la Conférence du désarmement
soit
déclaré héréditaire… L’année suivante, Hitler déchire le traité de Ve
579
harte non seulement se révèlent inopérantes, mais
sont
très vite ridiculisées par la sortie des États condamnés, qui se drap
580
lancer de la sorte leurs industries lourdes. Il n’
est
pas une année, de 1930 à 1937, qui ne marque une nouvelle étape de la
581
u éloquents, mais hypocrites, sapées avant même d’
être
mises en œuvre, ridiculisées à l’envi, puis éliminées, qu’il s’agisse
582
en commun vraiment réussie des années 1931 à 1934
est
celle des crises financières, économiques et sociales. Et le seul pac
583
es, économiques et sociales. Et le seul pacte qui
sera
respecté, le fameux « pacte d’acier » conclu en 1936 entre Hitler et
584
ussolini, rejoints l’année suivante par le Japon,
sera
conclu en vue de la guerre, pour justifier la guerre d’Éthiopie, l’ag
585
e la défaite militaire ou de la crise économique,
seront
les premières à se redresser, et de la manière la plus radicale. La g
586
tionale, va-t-elle aggraver les nationalismes qui
sont
à sa source. Les causes immédiates de la Seconde Guerre mondiale sont
587
s causes immédiates de la Seconde Guerre mondiale
sont
nouées dès 1936-1937, années où l’on voit s’annoncer le pacte germano
588
ite par Prague. Quant aux causes profondes, elles
tiennent
aux solutions que les différentes nations prétendent donner ou se rév
589
e peut, voilà le seul but « concret » et le reste
est
« chimères »… Mais à l’Est, ces « chimères » ont pris le pouvoir ! Po
590
concret » et le reste est « chimères »… Mais à l’
Est
, ces « chimères » ont pris le pouvoir ! Pouvoir brutal, terriblement
591
les plus simples et les plus jeunes. Le reste qui
est
« chimères », c’est simplement Staline, Mussolini, Hitler, bientôt Fr
592
résident tout entières dans ce seul fait : que ce
sont
là deux tentatives colossales pour restaurer une mesure commune. Le s
593
lutions, suffirait à prouver ma thèse. Quelle que
soit
la haine violente qui oppose un Staline et un Hitler, ils se ressembl
594
Hitler, ils se ressemblent au moins en ceci, qui
est
décisif : c’est qu’ils veulent l’un et l’autre imposer à leur peuple
595
e à l’action et à la pensée. Et dans ce sens, ils
sont
les vrais génies du siècle, dès lors qu’il s’agit de construire. Mais
596
re. Mais que valent ces mesures imposées ? Quelle
est
la vérité des fins qu’elles servent ? Et si ces fins se réalisent, éc
597
meilleurs et des plus humains des hommes, qui s’y
seront
d’abord sacrifiés, de gré ou de force ? Les sauveront-elles vraiment
598
s haute vérité ? ⁂ La commune mesure soviétique
est
représentée par les fameux « plans quinquennaux », dont le deuxième c
599
rxiste du matérialisme dialectique ou « diamat »,
sont
en réalité des ensembles de mesures autoritaires dictant à l’industri
600
ournal moscovite de 1935 : « Le niveau culturel a
été
élevé par le Torgsin (magasin offrant des produits étrangers). Le Tor
601
on accélérée dites « stakhanovistes » (dès 1935),
sont
donc données comme autant de progrès culturels et de « conquêtes popu
602
octrine) du deuxième plan. Les « grandes purges »
sont
inaugurées en 1934, et vont conduire aux trop fameux « procès de Mosc
603
nt analogues à celles du dictateur géorgien qui s’
est
emparé de tous les pouvoirs sur toutes les Russies, en 1924, se sont
604
les pouvoirs sur toutes les Russies, en 1924, se
sont
manifestées dès la même année, avec une intensité plus grande, sur un
605
période qui nous intéresse. Sa doctrine politique
tient
tout entière en deux lignes, voire en un mot : « Rien hors de l’État,
606
le succès littéralement vertigineux — le vertige
étant
l’attrait de ce qu’on redoute — des appels du Duce à « combattre, obé
607
et dynamique. Seulement, croire, obéir, combattre
sont
des verbes qui exigent leur tribut de réalités concrètes et actives :
608
e tente ici de restituer les dynamismes. Hitler a
été
le dictateur totalitaire par excellence. Il a réussi à surpasser — et
609
ouvrir, après coup, avec quelle rapidité Hitler s’
est
révélé, manifesté et imposé, dans toutes les dimensions de son projet
610
, de son complot mégalomane. De 1933 à 1937, tout
est
fait ou noué, il n’y aura plus — en 1938 et 1939 — qu’à laisser faire
611
e vote librement pour Hitler. Le Front du travail
est
créé. Le chômage est en baisse rapide. Les lois de Nuremberg légitime
612
Hitler. Le Front du travail est créé. Le chômage
est
en baisse rapide. Les lois de Nuremberg légitiment et déchaînent l’an
613
s d’Hitler annoncent en réalité que les décisions
sont
prises et les plans élaborés pour l’Anschluss et la satellisation des
614
passais une année de lectorat à Francfort), ce n’
était
pas seulement la guerre, seul but visible et seule justification poss
615
qui me donnait le frisson de l’horreur sacrée, ce
fut
la certitude, éprouvée jusqu’aux moelles pendant que, pressé dans une
616
rande cérémonie sacrale d’une religion dont je ne
suis
pas, et qui m’écrase et me repousse avec bien plus de puissance, même
617
blement tendus et hurlant leur salut au héros. Je
suis
seul, et ils sont tous ensemble. ( Journal d’une époque ) Tous ensem
618
hurlant leur salut au héros. Je suis seul, et ils
sont
tous ensemble. ( Journal d’une époque ) Tous ensemble : liés par une
619
hoix d’une profession, idéologie et costume, tout
est
prescrit par le Parti qui est le porte-voix du dictateur, lequel n’es
620
ie et costume, tout est prescrit par le Parti qui
est
le porte-voix du dictateur, lequel n’est à son tour que l’âme de son
621
arti qui est le porte-voix du dictateur, lequel n’
est
à son tour que l’âme de son peuple faite homme. Alors que Staline vou
622
t l’infaillibilité. Toutes ces vertus religieuses
sont
chantées à l’envi par les slogans du parti au pouvoir et les poètes p
623
l’Azerbaïdjan et du Caucase) ; quant à Hitler, il
est
non seulement infaillible, mais invincible et intouchable : tous les
624
nt échoué. Chacun se sent seul, à l’Ouest, et ils
sont
tous ensemble. C’est cela qui fait l’attrait et la fascination des di
625
le « Une Foi, une Loi, un Roi ». Mais la devise n’
était
qu’un vœu et le slogan est une réalité. Cette espèce de paralysie de
626
». Mais la devise n’était qu’un vœu et le slogan
est
une réalité. Cette espèce de paralysie des hommes politiques libérau
627
itler et Mussolini d’un côté, Staline de l’autre,
sont
dès lors convaincus que les démocraties, par amour de la paix à tout
628
ront les mains libres quoi qu’ils fassent — et ce
sera
l’une des causes de la guerre de 1939. À l’autre extrême, les États-U
629
uivante — 13 millions de chômeurs ! — , Roosevelt
est
élu, au moment même où Hitler prend un pouvoir dictatorial, suivi par
630
Portugal et le caporal Batista à Cuba. Roosevelt
est
un grand bourgeois capitaliste. Il esquisse et fait appliquer avec l’
631
a son programme. La droite échoue parce qu’elle s’
est
liée aux ligues. Or ces ligues n’ont pas compris que le fascisme et l
632
pris que le fascisme et le national-socialisme ne
sont
pas des mouvements de droite, des partis de l’ordre, mais des religio
633
perser sans avoir osé renverser le Parlement, qui
est
à 200 mètres. Ce jour-là, le fascisme est mort en France. Un an plus
634
nt, qui est à 200 mètres. Ce jour-là, le fascisme
est
mort en France. Un an plus tard, après une vague de grèves et de scan
635
s unis), qui accède au pouvoir en 1936, Léon Blum
étant
président du Conseil. Mais la gauche ne réalisera pas mieux que la dr
636
tes les pressions politiques et financières, n’en
sera
pas moins le premier en Europe à instaurer des lois du travail réelle
637
socialistes, alors que les communistes russes en
sont
à caporaliser la classe ouvrière au service du prestige national, de
638
a production d’acier pour les canons. ⁂ 1935 peut
être
considérée comme « l’année tournante » parce qu’on y assiste à une sé
639
national-socialisme (ou national-communisme) à l’
Est
, pointe vers la catastrophe majeure que sera la guerre. Elle opposera
640
) à l’Est, pointe vers la catastrophe majeure que
sera
la guerre. Elle opposera nécessairement les groupes de nations qui se
641
sera nécessairement les groupes de nations qui se
sont
définis entre les années 1931 et 1935 : celui des nantis, mais qui n’
642
trouvé le secret d’une nouvelle fraternité. (Ce n’
est
pas vrai : il ne s’agit que d’une discipline militaire.) ⁂ Cette desc
643
aître uniformément pessimiste et négative. Elle l’
est
en fait, puisque tous les faits bruts et tous les dogmes politiques d
644
a sauvé l’honneur de l’Europe, en ces années, ce
sont
quelques intellectuels, savants, théologiens, écrivains et philosophe
645
ges de l’anarchie « porteuse de flambeaux » qu’il
est
paradoxal de voir naître au pays du rationalisme, des lois laïques et
646
ne. Ce très beau cri contre la tyrannie n’a hélas
été
poussé que dans les pays libéraux, où il m’entraînait ni la prison —
647
e vrai moment de conscience des années 1930, ce n’
est
évidemment ni chez les totalitaires ni chez les artistes anarchisants
648
ussi (clandestinement) dans les pays de l’Axe, il
est
demeuré beaucoup moins voyant que ne l’était alors le surréalisme (ou
649
xe, il est demeuré beaucoup moins voyant que ne l’
était
alors le surréalisme (ou que ne le serait plus tard l’existentialisme
650
que ne l’était alors le surréalisme (ou que ne le
serait
plus tard l’existentialisme) ; il n’a pas entraîné ou violenté les ma
651
hypocrites ou larvées de l’État totalitaire (qui
est
« l’état de guerre en permanence »), antifascistes et anticommunistes
652
rofit d’institutions régionales et continentales,
était
capable d’éviter la guerre et de changer les destins de l’Europe. Ces
653
de changer les destins de l’Europe. Ces doctrines
étaient
faites littéralement pour inspirer les groupes non communistes de la
654
r de cette génération. Entretemps, on le sait, ce
fut
d’un autre prophète, mais sans message celui-là, d’un prophète de l’a
655
oudain se révèle à l’Européen comme le sien, quel
est
l’homme tant soit peu cultivé qui s’est écrié : « C’est du Kafka ! »
656
à l’Européen comme le sien, quel est l’homme tant
soit
peu cultivé qui s’est écrié : « C’est du Kafka ! » Telle fut la gloir
657
ien, quel est l’homme tant soit peu cultivé qui s’
est
écrié : « C’est du Kafka ! » Telle fut la gloire posthume de l’écriva
658
tivé qui s’est écrié : « C’est du Kafka ! » Telle
fut
la gloire posthume de l’écrivain qui seul peut-être se savait justifi
659
ssamment assumé la négativité de mon temps, qui m’
est
du reste très proche, que je n’ai pas le droit de combattre, mais que
660
re 1970)j Mesdames, Messieurs, Je me propose d’
être
devant vous, ce soir, pendant une quinzaine de minutes, délibérément
661
et m’attacher à un thème de réflexion unique, qui
sera
le contraire de toute espèce de propagande pour une cause quelconque
662
de propagande pour une cause quelconque puisqu’il
sera
interrogatif, et que voici : — Pourquoi un écrivain, comme j’en suis
663
et que voici : — Pourquoi un écrivain, comme j’en
suis
un essentiellement, s’occupe-t-il de l’Europe comme je le fais depuis
664
e le fais depuis 22 ans ? — Combien de fois ne me
suis
-je pas entendu reprocher d’aller me « perdre » dans la politique et d
665
nt l’esprit, c’est-à-dire après ses études, je me
suis
trouvé jeté dans un Paris qui était alors le vrai centre du monde int
666
études, je me suis trouvé jeté dans un Paris qui
était
alors le vrai centre du monde intellectuel, le carrefour des inquiétu
667
, le carrefour des inquiétudes du temps. Et je me
suis
vu mis au défi tout à la fois de gagner ma vie, de justifier mon beso
668
e en grattant du papier — , enfin de savoir qui j’
étais
. Car plus grand-chose, alors, n’allait de soi, dans un monde où les d
669
e et le Père des peuples : la guerre venait, nous
étions
quelques jeunes à la prévoir inévitable. Il s’agissait de savoir pour
670
maines, quel idéal, ou quel type d’homme — qui ne
fût
ni cet individualiste politiquement irresponsable que préparait l’éco
671
par les trois grands régimes totalitaires. Je me
suis
donc vu contraint de commencer mon œuvre d’écrivain par une réflexion
672
ain par une réflexion sur ce qui fait qu’un homme
est
ou devient lui-même et pas un autre, et se sent justifié d’exister pa
673
leur ressemble assez pour les aimer, tels qu’ils
sont
— c’est-à-dire en tant qu’autres. Réflexion à la fois religieuse au s
674
tion somme toute assez simple de la personne, qui
est
pour moi le contraire d’une abstraction, qui est l’homme réel, agissa
675
est pour moi le contraire d’une abstraction, qui
est
l’homme réel, agissant, créateur — même s’il n’est créateur d’aucune
676
st l’homme réel, agissant, créateur — même s’il n’
est
créateur d’aucune autre œuvre d’art que de lui-même, précisément : la
677
la fois libre et responsable — libre parce qu’il
est
responsable et donc capable d’agir selon son choix — responsable parc
678
d’agir selon son choix — responsable parce qu’il
est
libre et donc capable d’assumer son choix. (Un tribunal ne tient jama
679
donc capable d’assumer son choix. (Un tribunal ne
tient
jamais pour responsable un homme dont il est établi qu’il n’était pas
680
ne tient jamais pour responsable un homme dont il
est
établi qu’il n’était pas libre en commettant l’acte incriminé.) L’hom
681
r responsable un homme dont il est établi qu’il n’
était
pas libre en commettant l’acte incriminé.) L’homme à la fois libre et
682
les mains . Or, cette formule de la personne, il
est
clair qu’elle ne peut se traduire, sur le plan politique, que par la
683
oi et comment ? C’est très simple. Si la personne
est
la co-existence, dans un individu, de sa vocation unique (mystérieuse
684
évident et contraignant) — de même le fédéralisme
est
la co-existence, dans une communauté, de l’autonomie de chacun et de
685
omme les pôles positif et négatif. Mais voici qui
est
plus remarquable : ces mêmes définitions s’appliquent exactement à la
686
exactement à la plus petite cellule sociale, qui
est
le couple. Couple de l’homme et de la femme qui ont chacun sa loi dis
687
acceptation de la liberté de l’autre. L’égalité n’
est
qu’un mensonge, une tyrannie, un lit de Procuste si elle n’est pas un
688
songe, une tyrannie, un lit de Procuste si elle n’
est
pas un mystère de l’amour. Dans ces mêmes termes, et c’est assez extr
689
e en traduisant Karl Barth, du temps béni où je n’
étais
encore qu’un « intellectuel en chômage », c’est-à-dire quelqu’un qui
690
antérieure de six siècles au christianisme et qui
est
, je crois, celle que j’ai le plus souvent citée dans mes écrits : « C
691
é en Suisse pendant un an, puis envoyé (catapulté
serait
plus juste) en Amérique. Et qu’est-ce que je découvre là-bas, pendant
692
(catapulté serait plus juste) en Amérique. Et qu’
est
-ce que je découvre là-bas, pendant un séjour de six ans ? L’Europe, b
693
’ils ont tous — une convenance profonde entre les
êtres
, les façades et les paysages, cette harmonie follement douce et viole
694
se souvient, là-bas — ou qui revient. … Comme je
suis
revenu un beau jour de 1947, pour atterrir près de Genève, mais en Fr
695
ains où avait vécu Emmanuel Mounier, et qui avait
été
au xviii e siècle la maison du garde-chasse de Voltaire : constellati
696
éfini par des pourcentages, mais cette Europe qui
est
un mode de vie et de pensée, un mode de sentir et d’exclure, une aven
697
ans fin d’une société nouvelle dont l’ambition ne
soit
plus la puissance collective, mais la liberté des personnes adonnées
698
données à leur vocation, ou à sa recherche… Je me
suis
donc engagé dans l’œuvre européenne, et quand quelques amis sont venu
699
é dans l’œuvre européenne, et quand quelques amis
sont
venus me chercher le deuxième jour de mon retour en Europe pour m’off
700
urelle du Mouvement européen, j’ai dit « Bon ; je
suis
prêt à donner à la cause deux ans de ma vie » — et me voilà : cela fa
701
a vie » — et me voilà : cela fait 22 ans, et ce n’
est
pas fini, je le crains — et trois des responsables de ce détournement
702
es fieffés pirates non de l’air, mais de l’esprit
sont
dans cette salle ce soir, mes amis Alexandre Marc, Raymond Silva et H
703
me résume : parti d’une idée de la personne, j’ai
été
conduit à la doctrine de l’engagement et du fédéralisme, et puis en A
704
e forme de vie politique. Et comme cette croyance
est
inculquée dans nos esprits par l’école, à ses trois degrés, c’est à l
705
olitique des grands hommes d’État d’aujourd’hui a
été
déterminée par les manuels d’histoire qu’on pratiquait au degré secon
706
ellent écrivain français, qui bien plus que moi s’
est
« perdu » dans la politique et l’administration, je veux parler du gé
707
de demain. Et voilà par quels cheminements je me
suis
trouvé pris dans les réseaux de l’action pour l’Europe par la culture
708
re. Faut-il avouer que cette forme d’engagement n’
est
pas trop romantique en réalité, et comporte un peu plus de servitudes
709
e vous peut l’imaginer, je n’insiste pas, et ce n’
est
pas un propos de soir de fête. Nous sommes un institut privé, libre
710
et ce n’est pas un propos de soir de fête. Nous
sommes
un institut privé, libre comme l’air, et cela signifie pratiquement :
711
ix. Si l’argent fait défaut, c’est que l’esprit n’
est
pas mûr. Tout se ramène donc à des problèmes d’éducation, d’informati
712
t vivre, et tout d’abord survivre matériellement,
fût
-ce au prix de perpétuelles acrobaties, comme il a bien fallu le faire
713
omme il a bien fallu le faire depuis vingt ans. J’
étais
à Strasbourg, en 1950, attendant un peu anxieusement le vote par l’As
714
deux : renoncez appui moral. » Ah ! si les choses
étaient
aussi faciles ! Mais j’ai appris, depuis ce temps-là, que si un État
715
moral. Et j’ai appris qu’en fin de compte rien n’
est
plus précieux dans la vie que l’appui moral des amis et des camarades
716
xelles et du Conseil de l’Europe, à tous ceux qui
sont
venus de loin nous entourer, nous le petit groupe de Genève, renouvel
717
ères années de luttes. Il se peut que le plus dur
soit
fait. Et maintenant tournons-nous ensemble, avec une confiance renouv
718
tre espoir, vers cette Europe unie et fédérée qui
sera
faite dans les vingt ans qui viennent, cette Europe dont j’aime à rép
719
nt, cette Europe dont j’aime à répéter qu’elle ne
sera
pas nécessairement et à tout prix la plus puissante ou la plus riche,
720
en Amérique. Quelques années. La route américaine
est
exaltante à travers les forêts de « l’été indien », comme le sont les
721
ricaine est exaltante à travers les forêts de « l’
été
indien », comme le sont les gratte-ciel de Manhattan sur un fond d’or
722
travers les forêts de « l’été indien », comme le
sont
les gratte-ciel de Manhattan sur un fond d’or pollué, quand on passe
723
tinent, qu’il y manquait un je ne sais quoi… Ce n’
étaient
ni grandeur ni beautés éclatantes, ni fascinants bas-fonds de villes
724
d’Ortega y Gasset intitulées « Notes de l’errant
été
». Il s’agit des châteaux de Castille et Léon, mais cela vaut pour to
725
âme au réactif des châteaux… Comment faut-il que
soit
une vie, pour que son logis soit un château ? » Admirable question !
726
ment faut-il que soit une vie, pour que son logis
soit
un château ? » Admirable question ! À quoi j’oserai répondre : il fau
727
À quoi j’oserai répondre : il faut que cette vie
soit
européenne. Voilà qui définit l’Europe mieux que toute autre descrip
728
ystique de sainte Thérèse d’Avila. Château et âme
sont
si profondément liés, qu’un pays sans château me semble privé d’âme.
729
s sans château me semble privé d’âme. Quelles que
soient
ses beautés visibles, elles font décor. Les vraies beautés de l’Europ
730
elles font décor. Les vraies beautés de l’Europe
sont
intérieures, et c’est pourquoi Versailles me laisse indifférent, vagu
731
aucune profondeur. Les vraies beautés de l’Europe
sont
dans les formes qui enclosent et protègent une aventure secrète, burg
732
politique de l’administration, etc., etc. Mais il
est
clair que c’est de tout autre problème que parlait le journal cité. I
733
ue je devrais entendre — par une politique qui ne
serait
celle d’aucun des domaines que je viens d’énumérer, qui serait la pol
734
d’aucun des domaines que je viens d’énumérer, qui
serait
la politique, sans qualification, la politique par excellence. Serait
735
sans qualification, la politique par excellence.
Serait
-ce un être d’abstraction pure ? Si je posais la question au journalis
736
cation, la politique par excellence. Serait-ce un
être
d’abstraction pure ? Si je posais la question au journaliste auteur d
737
aisant. Il se dirait que je fais la bête. Tant il
est
clair pour lui, évident, aveuglant, que la politique — au niveau de l
738
it de cette politique proprement dite tout ce qui
est
économique, monétaire, culturel, social, écologique, etc., à quoi se
739
il, si l’on écarte, une fois de plus, tout ce qui
est
puissance économique, monétaire, intellectuelle, etc. ? À des questio
740
ilitaire15. Le problème politique suisse numéro 1
est
le problème de la neutralité, qui est, au fait et au prendre, en dern
741
se numéro 1 est le problème de la neutralité, qui
est
, au fait et au prendre, en dernière analyse, un problème militaire, u
742
la politique de puissance des États-nations, qui
est
militaire en dernier ressort, la coopération ne peut être qu’un pis-a
743
itaire en dernier ressort, la coopération ne peut
être
qu’un pis-aller. (Comme l’union franco-britannique proposée à l’heure
744
du désastre de 1940.) Le but normal d’une armée n’
est
pas de coopérer avec les armées voisines, mais au contraire d’assurer
745
pelé cela : une « amicale des misanthropes ». (Ce
sont
de ces choses qu’on peut écrire ou dire, mais non pas faire.) Une pol
746
actuel du terme — dont nous venons de voir qu’il
est
militaire en fin de compte. De même qu’une politique de la Suisse féd
747
ilitaire, non économique). Si de telles finalités
étaient
solennellement affirmées dans le préambule et réitérées dans le corps
748
u sens que la Suisse déclarait inacceptable. Il y
est
question de politique économique, commerciale, monétaire, sociale, sc
749
, scientifique, etc., mais on sait assez que ce n’
est
pas cela que nos États et l’opinion nomment « politique ». On sait qu
750
a Haye en 1969, rapport Davignon en 1970 — , il a
été
proposé d’étendre au domaine politique les compétences de la CEE. On
751
EE. On sait aussi que toutes ces propositions ont
été
repoussées ou différées sine die. Et que, comme l’écrivait Le Monde
752
s et les grandes constructions supranationales ne
sont
plus de mise aujourd’hui, non seulement en France où le gaullisme a l
753
clus que l’objection suisse, qui déjà se trouvait
être
sans objet quand il n’y avait que le traité de Rome, ne porte que sur
754
, des « rêves » ou des « arrière-pensées » qui ne
sont
« plus de mise aujourd’hui ». 3. La CEE doit-elle « s’élargir au d
755
t. Nous avons vu, depuis 1955, que le contraire s’
est
produit : les prétentions « politiques » de certains des États membre
756
élargissement, outre qu’il demeure improbable, n’
est
pas souhaitable. Imagine-t-on, en Suisse, que le Département fédéral
757
ents ? La prétention que l’on attribue à la CEE n’
est
pas seulement inavouable (même si elle existe !), elle est irréalisab
758
eulement inavouable (même si elle existe !), elle
est
irréalisable, quel que soit le niveau considéré, régional, national o
759
i elle existe !), elle est irréalisable, quel que
soit
le niveau considéré, régional, national ou continental — si toutefois
760
itiques » attribuées à la CEE ? Ce qui précède
étant
posé, quelles conclusions en tirer aujourd’hui pour l’Europe, et pour
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ope : la CEE doit devenir (à mon sens) ce qu’elle
est
en puissance et très partiellement en fait : l’agence fédérale de l’é
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continentales. D’autres agences fédérales doivent
être
créées, dans tous les autres domaines où une politique continentale s
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résident nommé par roulement). Or ce système, qui
est
à mes yeux non seulement le seul possible, mais le seul souhaitable,
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eul possible, mais le seul souhaitable, se trouve
être
précisément le système du gouvernement fédéral suisse. Le problème ma
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e problème majeur, pour la Suisse, aujourd’hui, n’
est
donc pas de savoir : — comment adhérer à la CEE, nonobstant ses final
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ne sauraient qu’approuver sans réserve, puisqu’il
est
le leur. Vous me direz que c’est difficile. Je ne suis pas ici pour e
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le leur. Vous me direz que c’est difficile. Je ne
suis
pas ici pour essayer de formuler la solution la plus facile, mais bie
768
e ressemble une dernière fois mes arguments. Si j’
étais
le négociateur,si j’étais la Suisse à Bruxelles, je dirais : 1° Le tr
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ois mes arguments. Si j’étais le négociateur,si j’
étais
la Suisse à Bruxelles, je dirais : 1° Le traité de Rome n’a pas de fi
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donc d’adhérer à ses institutions économiques, 3°
étant
entendu que les « développements politiques ultérieurs », dont parfoi
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engagements « politiques » chacune de vos nations
est
prête, en principe, à assumer elle-même. (Je ne puis admettre que vou
772
) cette citation de Michel Debré : « La politique
est
affaire de puissance, et la première marque de la puissance, c’est la