1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’ Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
2 occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
3 nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
4 ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’ où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
5 raient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
6 pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
7 isions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
8 tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
9 paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
10 secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’ acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
11 aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
12 don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
13 thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
14 à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
15 habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
16 ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
17 ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
18 ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
19 l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
20 on des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
21 mulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
22 composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
23 précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
24 aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
25 araison valable qu’entre individus, et comme type d’ individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
26 ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
27 met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
28 ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
29 u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
30 r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
31 une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
32 e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
33 on fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
34 se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
35 à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
36 voulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
37 du volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
38 une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’ art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
39 t-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
40 ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
41 la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
42 s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
43 alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
44 igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
45  : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
46 don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
47 ’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
48 rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
49 e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
50 ’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
51 aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
52 eurs, que l’attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
53 t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
54 son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
55 lité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
56 me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
57 arder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’ où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
58 t à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
59 on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
60 parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d’ exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. R
61 iental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal
62 bert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal de Genève, Genève, 16 juillet 1926, p. 1.
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
63 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
64 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
65 Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’ express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
66 ’est, en six heures d’express, changer totalement d’ atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
67 ’express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
68 mosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
69 ’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
70 La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
71 sation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne 
72 on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
73 loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
74 tastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
75 nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
76 finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
77 spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
78 ent des après-midi entiers devant les deux verres d’ eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
79 nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
80 à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
81 oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
82 ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
83 s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
84 ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
85 sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
86 balum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
87 pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
88 « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
89 le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
90 n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
91 vie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
92 s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’ insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
93 Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’ affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
94 tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
95 jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
96 açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
97 grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’ or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
98 lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
99 turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
100 t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
101 olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
102 viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
103 glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
104 e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
105 de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
106 on amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’ or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
107 sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
108 a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
109 eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
110 e salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
111 s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
112 . Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
113 ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
114 finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
115 spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
116 voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panoram
117 sion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de , « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p.
118 n peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
119 emont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
120 le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Sei
121 « l’insondable Providence » mise en action au gré d’ un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce ser
122 n action au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
123 en sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le cr
124 en conséquence de quoi les romans des « païens », d’ un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carr
125 est pas du christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
126 e qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifian
127 an pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’ être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est
128 s’il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de
129 ile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sob
130 capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un v
131 aliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’ avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Ca
132 la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’ y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laiss
133 ps vous laissent quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La
134 quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélanc
135 sir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le ré
136 des réalités artificielles qui énervent nos vies de soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes condi
137 is dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroyances »,
138 lire ce livre à des gens de toutes conditions, «  de toutes croyances ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et d
139 ns de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me le renda
140 ui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où d
141 rofond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’ une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien
142 s simples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’art peut-être, j
143 a nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’ art peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
144 oudoie. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’ apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriét
145 x dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque p
146 vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vivement
147 nité vivement contrastée, et des paysages baignés d’ une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sain
148 . Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil
149 ubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’ elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désorm
150 et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants
151 voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’ une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers
152 n des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’ introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragme
153 des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’ une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journ
154 ste du drame.) Des fragments émouvants du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie
155 nal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à
156 ntent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle
157 u’on porte sur les choses. Le regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des d
158 ildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’o
159 ie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres,
160 iginalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’ un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belett
161 te des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son e
162 u’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la n
163 êque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innoc
164 i enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’ innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques
165 la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’ une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de
166 mineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire ». Cette chroniq
167 vous conterai pas « l’histoire ». Cette chronique d’ une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt
168 rai pas « l’histoire ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qu
169 e ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’êt
170 ésument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’ être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et
171 parition fait songer aux plus radieuses créations d’ Andersen. On a fait un succès depuis quelques années à tant de traduct
172 à tant de traductions qui ne valent pas dix pages de ce roman ! La mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez
173 elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d’ outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, i
174 , il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et plus durabl
175 Éditions « Je sers », Paris. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia  », Journal de Genève,
176 e rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia  », Journal de Genève, Genève, 25 mai 1934, p. 1-2.
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
177 Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis d
178 février 1937)d On n’ignore pas que les partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont adopté de
179 ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et re
180 rdre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivain
181 la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivains, dont certains
182 rer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’ écrivains, dont certains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi le
183 omptent parmi les célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étranger
184 té du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontiè
185 r l’explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifasci
186 déclaré une guerre sans merci à toutes les formes d’ intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Quelle que so
187 caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est pas chez n
188 merci, la culture française est malade elle aussi d’ une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en prem
189 fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’
190 frir ensuite, et peut-être plus gravement encore, de la condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes
191 s anarchique, et dominé par les seules nécessités de l’argent. En dehors des milieux directement intéressés, on ignore, je
192 ressés, on ignore, je crois bien, à peu près tout de cette condition des écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : l
193 le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait,
194 méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment enc
195 ans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment encore, le tim
196 succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un
197 cela… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour quelques f
198 peuvent donner une idée assez juste du sort réel de l’écrivain. Parmi ses confrères académiciens, disait-il, tous célèbre
199  », tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des re
200 dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bu
201 re des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit au moins deux articles par jour, un troisième
202 ème « fait les théâtres », besogne sans gloire et de maigre profit, un quatrième enfin, malgré ses quatre-vingts ans, en e
203 gré ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer !
204 est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la r
205 province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinair
206 ilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ ordinaire : que ne prennent-ils un second métier, ces écrivains ! La l
207 hamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daude
208 n’ont pratiqué la médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistiqu
209 médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes
210 la création artistique requiert toutes les forces d’ un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Com
211 es les forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait adme
212 n homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait admettre que seules l
213 tunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa p
214 il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devient impraticable ; ou si praticable,
215 ouche sur les livres que dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires
216 u produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel, cela fait un re
217 aires pour son volume annuel, cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes
218 , cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d
219 t loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ ascétisme farouche, — ou de surproduction maladive. Praticable mais né
220 les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de surproduction maladive. Praticable mais néfaste : les livres ne payan
221 les nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montre
222 sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’ écrivains des mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On retombe d’a
223 r, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit encore d’ écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du ph
224 si l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le trag
225 dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dé
226 rt. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutio
227 qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait
228 ue les meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore, habile
229 peu de la culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cel
230 d’abord que cela se sache ! d. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février
231 se sache ! d. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
232 Denis de, « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
233 Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e
234 Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, t
235 e de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier articl
236 mon premier article, a notablement empiré du fait de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le
237 it de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes.
238 ons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas
239 ndre ». Naguère encore, ils se faisaient un point d’ honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu
240 guère encore, ils se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables
241 s se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’ imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables au début. Aujou
242 bles au début. Aujourd’hui, ils se voient obligés de se soumettre aux goûts (supposés) du public. Ils renoncent à former c
243 s renoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau bais
244 vain : l’éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s
245 épond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraiment
246 r commande, comme s’il ne s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard :
247 omme s’il ne s’agissait vraiment que de commerce, d’ épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros,
248 s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros, ni trop min
249 ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait de ce Zarathoustra dont on vendit, lorsqu’il parut, 15 exemplaires ? Nul
250 parut, 15 exemplaires ? Nul ne peut plus se payer de telles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’un éditeur, bon gr
251 iteur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser les meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meille
252 il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bon
253 butant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coquine
254 ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coquines. (Il est certes des exceptions à ce
255 passionnés que vient de soulever le fameux projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du con
256 projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs
257 un autre aspect de la question : celui du contrat d’ édition. Depuis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédi
258 ge pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 an
259 assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les man
260 ’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trouveront di
261 , si la célébrité se dessine, se verra prisonnier d’ un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela v
262 rité se dessine, se verra prisonnier d’un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le
263 un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre un
264 bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10
265 ues, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’ édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrie
266 et on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices d
267 n technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui s
268 des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son
269 l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquo
270 leur. Pourquoi lit-on si peu ? Pourquoi, en temps de crise, a-t-on comme premier réflexe d’économiser sur les livres, plut
271 , en temps de crise, a-t-on comme premier réflexe d’ économiser sur les livres, plutôt que sur toute autre distraction, cin
272 autre distraction, cinéma ou meetings sportifs ? D’ où vient cette désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est-c
273 faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’ y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raison
274 t avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas s
275 au contraire qu’elles affectent les sources vives de notre civilisation. C’est pourquoi le problème apparemment secondaire
276 C’est pourquoi le problème apparemment secondaire de l’édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indiffé
277 ns, ne peut laisser indifférente notre conscience de citoyens. Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons
278 Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisserai
279 e c’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemo
280 lles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Jour
281 t à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, G
282 , « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
283 ain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
284 Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f
285 Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si
286 ent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au
287 blic ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivain
288 e nie pas que cela explique bien des choses. Mais d’ où vient cette paresse ? D’où vient que le public se défende aussi mal
289 bien des choses. Mais d’où vient cette paresse ? D’ où vient que le public se défende aussi mal contre les sollicitations
290 iales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce qu’on l
291 n le fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand
292 ure, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie
293 ène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer
294 il n’a fait qu’empirer depuis. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage e
295 s auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’ une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac
296 s sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent
297 ce même peuple se contenter du roman policier ou de quelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment
298 uelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand Proust, Gide o
299 ou Valéry ne paraissent rechercher l’audience que de très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, e
300 rechercher l’audience que de très petits cercles d’ élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits
301 r lui, et si les grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devi
302 re » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir
303 oucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensa
304 on compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’ offrir des paradis artificiels, des compensations illusoires au morne
305 des compensations illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains aut
306 -train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli », une dist
307 demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’ oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de bureau o
308 une distraction sans conséquence entre les heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus se
309 on sans conséquence entre les heures de bureau ou d’ usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au se
310 e qu’elle était au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme
311 it au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intell
312 e toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louab
313 onditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que te
314 , pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et
315 ont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est
316 st perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’il se perde en se « distingua
317 ontairement des préoccupations, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la
318 bord les écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à
319 point par quelque truc, loi nouvelle ou campagne de propagande. Il s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sen
320 bien plutôt que les écrivains reprennent le sens de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec une
321 une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on appelle l’oreille du peuple. Mais cela suppose une
322 st l’affaire des Églises), il faudrait se soucier d’ être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou
323 es Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer
324 e, de servir la communauté, et non plus seulement d’ amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en s
325 la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait :
326 que l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d’ un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écr
327 souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’ un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne trava
328 qu’il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressem
329 e et sa nature profonde. Mais un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le publ
330 is un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur
331 redressement de la culture n’aurait pas de chance d’ aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’y collab
332 , d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’ y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos jo
333 aborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’ un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lis
334 r. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent,
335 r les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’ attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importanc
336 lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique de ces probl
337 i sont du côté du public sur l’importance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loi
338 ance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ail
339 manquera pas de me dire que la situation est loin d’ être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si
340 l’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’ être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout
341 rès ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe h
342 ’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’ avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable.
343 à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’être des petites démocrat
344 tifs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’ être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais
345 mmunautaire qui anime la fédération. Or, la force d’ un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seuleme
346 re au niveau de la culture. (Et non pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nou
347 core la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Jou
348 e garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève,
349 , « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
350 in III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
351 deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âg
352 i, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps
353 doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne so
354 rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais
355 sé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais, tandis que s
356 , ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’ un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rê
357 rs, ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’ un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant
358 ameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant, grande i
359 ge collective exprimant le désir et l’inconscient d’ un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un
360 mbitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’ un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel
361 même en politique. Rien n’est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un
362 des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’approuver une étude du
363 né de son évolution. À cette raison très générale d’ approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuiv
364 on très générale d’approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’a
365 ’ajouter, en 1937, des opportunités plus précises d’ ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit
366 es d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit en débutant notre auteur, pourrait se définir,
367 it en débutant notre auteur, pourrait se définir, de façon suffisamment profonde, par les relations qu’elle établit entre
368 ’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague
369 et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de va
370 . Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philoso
371 endue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme.
372 domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du
373 sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient
374 t du coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’il faut remonter
375 remonter si l’on veut étudier la source véritable de préoccupations qui parurent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuv
376 urent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuvre de Freud. M. Béguin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis de la psy
377 vis-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que
378 savant viennois. Elles englobent tout le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirit
379 es lecteurs non spécialisés une découverte pleine d’ attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë d
380 eine d’attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus
381 œuvres sont pratiquement inaccessibles au public de langue française : en exposant leur contenu essentiel avec une clarté
382 t accessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des cor
383 tisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire d
384 ontemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présente
385 cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un
386 montrer l’analogie que présentent les recherches d’ un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce se
387 ogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’ un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion
388 echerches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’ un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préj
389 s d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préju
390 eut que les romantiques allemands n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des esprit
391 rs qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’ une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M
392 re. On saura gré, d’ailleurs, à M. Albert Béguin, d’ avoir su marquer avec tant de justesse le point précis où l’entreprise
393 ns sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’ un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympath
394 iées à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une t
395 es hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de
396 lemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’ une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vo
397 réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français da
398 tion européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont
399 s Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Jour
400 t Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
401 Veille d’ élection présidentielle (14 novembre 1940)h i New York, 25 octobre
402 es plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’ autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est plus confus, com
403 Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène de réformes sociales et économiques. Willkie représente Wall Street, c’e
404 isme traditionnel. Mais Willkie promet aux foules de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées p
405 is Willkie promet aux foules de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il
406 ew Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des
407 recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativeme
408 al totalitaire, et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie répli
409 ir pour un « third term » — une troisième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le v
410 troisième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peu
411 evelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui, les chances de Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48 
412 ssent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux
413 titude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les mas
414 passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’ une campagne violente. Cette épithète demande quelques explications. E
415 res et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle
416 injures, par une fanatique intolérance de part et d’ autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup p
417 érance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de fo
418 lque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’ un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques
419 qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur l
420 s ces manifestations somme toute peu dangereuses, de la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettab
421 e des tricheries regrettables, dénotant un manque d’ éducation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les démocrates s’
422 anque d’éducation civique très exceptionnel. Loin d’ exulter, les démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manife
423 éclare désolé… Car la règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son je
424 de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’un match. On peut
425 ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’ un match. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terra
426 s non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’ applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adversa
427 e meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’ exceptions près, soutienne Willkie — comme elle soutint Landon il y a
428 ancien secrétaire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la
429 taire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie pe
430 candidat contre lequel ils proposaient cependant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement déba
431 raîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d’ arguments idéologiques dans ce grand débat démocratique. Toute la polé
432 tique. Toute la polémique se ramène à deux séries d’ arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ai
433 e se ramène à deux séries d’arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ainsi que, dans chaque jou
434 s sur les défauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutant les opinions publiées les jours précédent
435 éfauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’ abonnés discutant les opinions publiées les jours précédents. À côté d
436 ls et non des idées — vous trouverez des articles d’ un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances personnelles
437 a campagne des républicains a porté, pendant plus d’ une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un
438 un incident minuscule : la promotion trop rapide d’ un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de f
439 inuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a é
440 n trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pou
441 oosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pour persuader l’Américain moyen de
442 ons « dictatoriales » du président. Les partisans de Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la devise : « Je vo
443 tif, et l’on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs.
444 e le sort du pays dépendra certainement — quoique d’ une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jou
445 ent — quoique d’une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’i
446 ’ils pensent en tant que nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt l’emporte, les événements suivront leur cours ac
447 ments suivront leur cours actuel, et le programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste. En somme, l’op
448 en résumée par cette formule : C’est l’opposition d’ un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien,
449 ion d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’ un autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidé
450 n autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidémocratiques. La seule conclusion claire qui se dégage
451 atiques. La seule conclusion claire qui se dégage de ces paradoxes politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’il arri
452 usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seule
453 ait en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mai
454 synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. Roug
455 é humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’ espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection p
456 liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection présidentielle »
457 nt d’espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de , « Veille d’élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14
458 mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’ élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14 novembre 1940
459 de, « Veille d’élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : « 
460 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
461 Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)j k New York, décembre
462 w York, décembre J’étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous
463 ais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à o
464 Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policemen montés. On circulait sans nulle peine autour du
465 lequel passaient en rubans lumineux les résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la cr
466 mener. On vendait à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent
467 À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige d
468 es, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers
469 ortant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte-ciel, da
470 , dansant à travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentin
471 travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentins blancs, b
472 cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’ immenses serpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule é
473 Roosevelt entraîne New York City par 270 000 voix de majorité. » Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement des mass
474 s et revenait submerger le square comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés
475 nteries cordiales adressées aux derniers porteurs de boutons Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’un renver
476 Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’ un renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dan
477 ine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’ une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame mi
478 pangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me décl
479 ment : « Si Roosevelt gagne, je remplis mes caves de conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme !
480 s ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensem
481 r Willkie avec ensemble, et qui n’avait pas cessé de démontrer que Roosevelt signifiait ruine, division, guerre et inflati
482 la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’ augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de lo
483 e à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « opposition constr
484 on de loyauté au président et lui offrait l’appui d’ une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneau
485 ûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce
486 re aujourd’hui sans exagération que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xx
487 de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France.
488 é gagnée par l’Amérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que
489 roisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre le
490 lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme
491 e britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est ca
492 USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa circulation est bo
493 litiques les plus violentes laissent peu ou point de rancune et se résolvent si rapidement aux États-Unis, c’est en grande
494 grande partie à cause de la constante circulation d’ idées et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement
495 ie à cause de la constante circulation d’idées et d’ hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la popu
496 o lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet,
497 ojet, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les fina
498 s économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche
499 uvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est
500 avantage moral considérable : un nombre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’est plus
501 lle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun p
502 us l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéres
503 arce que chacun peut espérer qu’on tiendra compte de son avis ou de ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comm
504 peut espérer qu’on tiendra compte de son avis ou de ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comme ils disent. C
505 donnera sa chance », comme ils disent. Cet esprit de participation exerce une influence excellente à la fois sur le gouver
506 r à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème
507 activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fai
508 ui reste à faire. Le président et ses secrétaires d’ État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui on
509 égulières avec les journalistes, qui ont le droit de leur poser n’importe quelle question. Rien de plus frappant que l’abs
510 lle question. Rien de plus frappant que l’absence de démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communications pu
511 en de plus frappant que l’absence de démagogie et d’ effets oratoires qui caractérise ces communications publiques : un ton
512 : un ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réfl
513 et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiqu
514 pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers…
515 informée et formée, l’opinion se sent responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on sera pris au sérieux, on dit m
516 sait que l’on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davantage. Contrairement à ce qui se passe da
517 n pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’ un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de
518 propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui
519 d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement ave
520 et de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement avec les scléroses et
521 ement avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait
522 très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler
523 ux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’ assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux
524 llise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’ élection, d’une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des ci
525 core est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’ une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en de
526 deux masses à peu près égales, — je serais tenté de dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de la discuss
527 en deux teams — symbolise simplement le principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il
528 ns partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’ autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Américain ne possède lég
529 ue. L’Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’u
530 légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’ initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permanente, par
531 e droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’ une manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondammen
532 e en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’ une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée par des
533 uances par des lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des
534 es Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion pr
535 sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profonde se char
536 la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tou
537 de quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai e
538 démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une voix forte : « Ic
539 de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’ une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 million
540 ononcée d’une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la l
541 forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratiqu
542 unicipale de New York, cité de 7 millions et demi d’ habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas
543 té de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas sourire, quand on voit qu
544 and on voit que c’est vrai. j. Rougemont Denis de , « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17
545 que c’est vrai. j. Rougemont Denis de, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 194
546 e, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : « De
547 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
548 uverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plu
549 ut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien
550 ts-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Seceders (séparatis
551 uccessifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Seceders (séparatistes) de l’Église anglicane ou du luthéri
552 s pour cause de religion. Seceders (séparatistes) de l’Église anglicane ou du luthérianisme allemand, huguenots ou puritai
553 tous ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’ une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain
554 s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder
555 leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le
556  cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’ où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le c
557 rme à leurs convictions. D’où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le caractère religieux de leu
558 , dès le début, mais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis traduit aujourd’h
559 s-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe de ces apports religieux successifs. Ceux-ci se confondent souvent d’ail
560 appartient à l’Église réformée a bien des chances d’ être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; A
561 ise réformée a bien des chances d’être Hollandais d’ origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’il est pr
562 tholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’ origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe
563 t venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe : l’Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Égli
564 aire, tandis que l’Église protestante épiscopale ( de rite anglican) est surtout citadine et « fashionable ». Voilà qui exp
565 peut apprécier diversement cette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons
566 ette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont touj
567 uons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait,
568 a décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’ être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’est vu curieusem
569 fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’ autant plus qu’il s’est vu curieusement négligé par la presque totalit
570 ar la presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, d
571 s sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annonces
572 s et de nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annonces détaillées des services que célébreront les
573 ervices que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le l
574 cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’ églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec man
575 d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup mo
576 onférenciers les plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes
577 o : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix «  d’ hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvell
578 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religi
579 toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le
580 gues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes relayés par différentes stations. Vous passerez d’une liturgie
581 s relayés par différentes stations. Vous passerez d’ une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Ré
582 stations. Vous passerez d’une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans u
583 lennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine
584 Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche
585 vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y trouve d’autres professeurs e
586 professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y trouve d’autres professeurs et des étudiants, bien sûr
587 stes, des personnalités politiques, des écrivains d’ « avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à coll
588 s écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à collaborer aux magazines politiques à gros
589 ’étonne personne ici. Je songe à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonn
590 ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine p
591 ant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à loue
592 , je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de ce type : « Six pièces, confort, métro, Églises à proximité. » J’achè
593 , métro, Églises à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de c
594 ses à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’ aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête
595 ect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête : « Préservez votre privilège américain : allez au cul
596 servez votre privilège américain : allez au culte de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalen
597 te de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux
598 ut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plante
599 lent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et q
600 « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la
601 ’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises ca
602 qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplor
603 rieurs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église,
604 communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’ une Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des ami
605 els s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la
606 C’est un risque. Mais c’est aussi une possibilité d’ action spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaît
607 n pour donner tout leur sens à certains incidents de la vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’u
608 américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’ un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « missio
609 ands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. Imaginez Roosevel
610 rononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les serv
611 e ; les journaux décrivent en détail les services de communion auxquels ont participé les deux candidats, ce même jour. Wa
612 u’il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-U
613 pagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement ap
614 du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par de
615 religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont il répétait les phrases à haute voix av
616 avec tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son président.
617 dent y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des
618 sur les marches du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sé
619 hes du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le prés
620 résident jura, la main posée sur sa vieille Bible de famille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapit
621 amille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi d’ ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens : « Et mai
622 daise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens : « Et maintenant ces trois choses
623 its, c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont rée
624 esse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à
625 ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes
626 ion de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays,
627 que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays, aussi impressionnantes que les cérémonies totalitaires, se d
628 our la grande majorité des participants, créateur d’ un sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de
629 ime et profond, mais aussi différent que possible de ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs
630 mais aussi différent que possible de ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priai
631 ifférent que possible de ces passions de haine et d’ orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapela
632 t le chapelain, revêts notre président du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets
633 jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plus
634 e conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines d
635 ette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette
636 rnelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre.
637 ines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’ hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre. l. Rougemon
638 ère, pouvaient s’y joindre. l. Rougemont Denis de , « Religion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genè
639 eligion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genève, 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : « De
640 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
641 Journal d’ un retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu
642 milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur
643 eu de chose les avantages que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avions, par exemple, perm
644 ir décimés. Les avions, par exemple, permettaient de voyager vingt fois plus vite qu’en bateau. L’on décida en conséquence
645 ible et longue la préparation des voyages. Passer d’ Amérique en Europe ne demandait plus que quelques heures ? On y ajouta
646 quelques heures ? On y ajouta plusieurs semaines de démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi la longueur du voyag
647 atiquement, à ce qu’elle était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constell
648 ssis dans une Constellation qui vient de décoller d’ un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chie
649 ellation qui vient de décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une
650 mp neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’ un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute
651 quait des tempêtes magnétiques qui ont pour effet d’ aveugler les avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homm
652 s avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénoué
653 écrire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océan d’ un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce clic
654 ncore, une fois installé dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au
655 y descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à
656 0 mètres à la seconde, sans vibrations ni courant d’ air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autr
657 ions ni courant d’air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autres déjeunent. Je regarde par mon h
658 blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’ un coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mi
659 n coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleue, comme u
660 une surface bleue, comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paq
661 n quatre heures. Nous sommes partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contr
662 re. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’ un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolon
663 s survolons des profondeurs multipliées, cavernes d’ ombre et gonflements majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de
664 ts majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la
665 fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout
666 e tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais u
667 errière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le monde deva
668 e devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos t
669 ux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’ élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amériq
670 d’élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : «
671 e passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfi
672 le, je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment d’ être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces meubles blan
673 cs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’ une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oi
674 t-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’ où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un pet
675 laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers P
676 Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’ Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis que je l’ai quitté… Par quel
677 e cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’ un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissement — qu
678 ar nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on
679 tin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Cet hôtel n
680 hôtel ne leur plaît qu’à moitié. Je les décourage d’ aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce que Paris a été
681 nt immédiatement à ressembler à ce que l’on pense d’ eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais
682 Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arrive au rendez-vous
683 dez-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’ une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré,
684 oir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a sonné cinq
685 usieurs en écho. Je ne savais plus, après six ans de New York, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’acco
686 ité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes
687 t jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce
688 ette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce sont bien de
689 fflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’ une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres
690 et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait veni
691 eur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux
692 quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bru
693 qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés,
694 yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à
695 t de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’
696 ne femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur très gran
697 lés, ouvre une porte de service à côté du portail d’ un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalon
698 ’un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’un xi
699 ntalons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’ un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandai
700 ux longs souliers pointus, sort d’un xixe siècle d’ illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de gros
701 liers pointus, sort d’un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises,
702 mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’un
703 ortant de grosses valises, se hâtent vers la gare d’ Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’une beauté oubliée.
704 s, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’ un siècle, en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foul
705 d’Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’ une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemai
706 en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ?
707 iller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment to
708 n un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de mu
709 chemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’ effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes
710 hamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougem
711 et de multiplier les traits bizarres, les signes d’ anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal
712 s, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de , « Journal d’un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946,
713 d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
714 gemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
715 Journal d’ un retour (fin) (18-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que l
716 m’a paru proprement incroyable. Je ne trouve ici d’ autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout es
717 rement incroyable. Je ne trouve ici d’autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes
718 . Je ne trouve ici d’autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes souvenirs, à pei
719 reils pour tous », non point avec votre situation d’ usager perplexe ou anxieux. La bonhomie des mêmes employés intacte, un
720 és intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les mais
721 t-être, c’est le mythe helvétique par excellence, d’ une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la
722 eu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés
723 mes jugements, j’arrive à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’appara
724 Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétr
725 aît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que
726 lus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique e
727 meux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine,
728 e, c’était bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une
729 finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’ obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée
730 es délégués paraissaient regretter « l’atmosphère de Genève » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par l’ONU. Et, s
731 pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’un déménagement. Nous ne pourrons plu
732 euse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’ un déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe aux cygnes, comme d
733 es, comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’ une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En atten
734 ant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un clic
735 oyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’ un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admirati
736 e à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dern
737 ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne
738 l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’ une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre
739 ne chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe »
740 lus heureux que Moïse, nous nous sentons certains d’ entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux
741 e, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y tou
742 dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il ne s’e
743 uchons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’ un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîn
744 entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente
745 ne gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente minutes plus tard, emportant un espoir r
746 lus tard, emportant un espoir raisonnable : celui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retou
747 tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de , « Journal d’un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai
748 its Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
749 Denis de, « Journal d’un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
750 i pour faire l’Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas
751 ’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le monde se trom
752 allu neuf mois. En voici le récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cin
753 but de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’ alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoye
754 tre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange com
755 nt souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange commercial entre cantons, point
756 ns. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’ établissement ou d’échange commercial entre cantons, point d’unité mon
757 nneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’ échange commercial entre cantons, point d’unité monétaire, point de re
758 ment ou d’échange commercial entre cantons, point d’ unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe c
759 ial entre cantons, point d’unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de
760 s peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom de
761 la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares dé
762 là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regar
763 n au regard de celui que nous courons. Une partie de l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités,
764 l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait ass
765 rale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’ autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la D
766 tine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’ échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était
767 main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était répandre, aux utopistes qui
768 . C’était répandre, aux utopistes qui proposaient d’ éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une g
769 impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la fav
770 u Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette
771 ut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un p
772 ranle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
773 ciétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs
774 , de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit ad
775 . À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une
776 nthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’ une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait «
777 année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit
778 rs — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine se
779 rojet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’ août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète procl
780 on est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral,
781 temporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe d’ aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus d
782 rope d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’ alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou mêm
783  : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a
784 s de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’ Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour a
785 asbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou de
786 s qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deu
787 fisent. Vos Nations vivent ensemble depuis autant de siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont p
788 ez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l
789 s économies ne sont pas plus disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres pré
790 us disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quan
791 sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’ une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-troi
792 le non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certe
793 paraison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tra
794 ive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’ esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai
795 d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politi
796 le devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’ une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n
797 leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
798 ratique. C’est assez pour que j’ose vous supplier d’ y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il va
799 Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut aller tr
800 us n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été,
801 Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’ agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr q
802 méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps
803 yez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée
804 de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux dép
805 non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés europée
806 bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de , « Lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 15 août
807 nis de, « Lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 15 août 1950, p. 1.
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
808 rs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous d
809 Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je v
810 doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de m
811 donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions qu
812 s je vous écris au nom d’une centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions que le temps p
813 millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire
814 ans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun motif de croire qu’on leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loi
815 motif de croire qu’on leur laissera tout le temps d’ aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente nous dise
816 era tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’ être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’entendent
817 connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier
818 e vous le rappelait récemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres n
819 écemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres néglige donc son premi
820 nternes avec le comité ministériel. Permettez-moi de vous dire que l’opinion s’en moque, parce qu’elle a ses doutes motivé
821 véritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés d’ un instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’en
822 ontre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle
823 uver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’ un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiet
824 lle vous voit réticents pour la plupart, inquiets de ne pas vous avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins
825 plupart, inquiets de ne pas vous avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par un alinéa
826 niens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’ un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’a
827 sultative d’un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’ailleurs à transmettre vos consultations,
828 pinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’absence
829 u révèle au contraire, bien clairement, l’absence d’ idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien qu
830 ire, bien clairement, l’absence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien que l’opinion se tro
831 bsence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien que l’opinion se trompe et méconnaît vos sent
832 alysent jusqu’à votre éloquence et vous empêchent d’ articuler des intentions peut-être subversives (on chuchote que vous t
833 (on chuchote que vous tenez en réserve un projet de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les in
834 et de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant
835 de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis,
836 voirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les ex
837 es Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien ne pourra jamai
838 e coup, je trouve cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme un ministre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés
839 que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à no
840 ent à nos calamités. Ceci me rappelle un argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le to
841 argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut
842 commencer. Au reste, l’Europe existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement un toit. Pour tout dire en
843 les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première session consultative (au second degré) de quoi faire u
844 e première session consultative (au second degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina len
845 ond degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour,
846 faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’oi
847 à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va piano va sano, wait and see, step by step, und so weit
848 ait. Mais par deux ou trois décisions, dont celle d’ Haussmann, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fai
849 trois décisions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’ un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour —
850 sions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — toutes af
851 x pas, sauf franchir un abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré,
852 mieux ne rien faire, ou qu’on ne peut rien faire de sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’Europe ; allez-vous
853 z-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’ agir. Avouez que rien ne vous paraît possible, on comprendra que vous
854 dra que vous n’êtes plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’être là. Constater le néant représente un progrès su
855 s plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’ être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’un
856 er le néant représente un progrès sur l’entretien d’ une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d
857 but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’ une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougem
858 sage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de , « Deuxième lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève
859  Deuxième lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 16 août 1950, p. 1.
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
860 roisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai ten
861 )r Messieurs les députés européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée
862 ire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun
863 e attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais, s’en affligent. (On
864 us est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont, par avance, je vous salue. Vous êtes, Messie
865 nce, je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’E
866 us êtes, Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà q
867 utés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs,
868 ayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu
869 signifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit d’ être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, co
870 s avez perdu le droit d’être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l
871 re étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millén
872 s terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes
873 n de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capi
874 e nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la générat
875 lement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui,
876 villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions
877 de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les acc
878 s peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’ hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérê
879 ourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les pa
880 nt ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’ une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’es
881 l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’ une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les député
882 Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus
883 sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète q
884 non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme
885 s d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son de
886 nce la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’un
887 mme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu
888 es chances de le surmonter. Les députés non point d’ une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne d
889 surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4
890 ande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âge
891 nt guère 4 % de la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’un cap médiocre en dimensions ph
892 , mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’ un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’hu
893 re en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne s’offre à
894 mplacer, et qui a su remplacer toutes les autres. D’ où vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant
895 l’Asie ait dominé le monde pendant des siècles ? D’ où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont no
896 dominé le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’ un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons
897 de pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’ invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’ég
898 siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur la Planè
899 ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européen
900 re ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier
901 ès rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou pa
902 maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout entier peu
903 e à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’ art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie,
904 is nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médeci
905 os objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos arme
906 rocédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les
907 de construction, de transport et de gouvernement, d’ industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre no
908 on, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont
909 L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est né
910 ssie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants e
911 sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos phil
912 oduits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De
913 vin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes
914 de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On a
915 qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’inve
916 cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Euro
917 nouveau n’ose lui disputer sérieusement. Je viens d’ entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voi
918 endre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’Europe a su faire. Toute la musique est née
919 su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, de
920 nt de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de G
921 ope. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de
922 éra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Ein
923 honies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des
924 ns ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembran
925 a littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’ Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés a
926 et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de
927 peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des
928 nonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Pa
929 ommunes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un,
930 de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé ent
931 à l’autre députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très
932 e députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de
933 entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur d
934 isoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-
935 sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En vérité, j
936 sse et en dernier recours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui l
937 passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans
938 eulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’ Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets
939 a beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’ un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur
940 ur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette c
941 tte conscience inquiète aussi, et ce grand risque de la liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’his
942 ègue en ce lieu décisif, dans l’histoire concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamais si vous manquez à
943 mais si vous manquez à une mission précise, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la force du siècle. Messieurs le
944 opéens, saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondu
945 nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. P
946 pe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel de
947 Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’ un tel destin. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes pl
948 ui n’attendons qu’un signe. r. Rougemont Denis de , « Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe »,
949 roisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
950 utés européens : L’orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
951 hlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de l’Assemblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de M
952 sultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a p
953 lqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni d’ Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le
954 se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe,
955 le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien
956 ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien l’auteur du Manifest
957 e rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’ Europe, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour Party su
958 ifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y vo
959 ue ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs, qui d’une part ne font point partie du Commonwealth, d
960 est purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet, d’ une étrange arrogance. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il
961 . L’idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor d
962 une culture, une unité de civilisation, un foyer d’ inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréd
963 oyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi,
964 diversités souvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’ef
965 ouvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. I
966 ductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pou
967 mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’u
968 Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes soc
969 Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue politique des Dominions n’est
970 nt de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colom
971 nions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces p
972 r la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitude
973  voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On
974 ose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvell
975 abitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent un
976 nde-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même la
977 tremblons pour la famille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il s
978 mille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’ écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un p
979 . Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’ un peu d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit
980 lton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un peu d’ union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit en dolla
981 à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l
982 ui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-dire d’ action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites p
983 t-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit
984 aucun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera d’ être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fa
985 l cessera d’être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu
986 le que dans la mesure où elle reste impuissante — d’ où le refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un
987 mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’ un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéra
988 Parlement européen ; secundo : que les champions d’ un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comm
989 e considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique sup
990 mis les plus dangereux de l’unité européenne », —  d’ où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’
991 angereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité siège pa
992 toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des advers
993 suivent une logique non daltonienne : ils partent d’ un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradi
994 s négatives. Au Parlement européen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’elle ait v
995 utorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’
996 t vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que l
997 souffre donc point de veto, les Tories disent non d’ un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Oppo
998 recourt à ce mythe que pour garder quelque moyen d’ agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos sou
999 ien, écrit au Times qu’elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient
1000 . Personne ne sait très bien, en somme. On essaie de nous dire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? L
1001 nterrogés sur la question, seraient bien en peine d’ en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez e
1002 auraient accepté que leur monnaie perde un tiers de sa valeur, parce que Londres avait dévalué. Je cherche en vain : Où s
1003 herche en vain : Où sont encore les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour l
1004 riété ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc
1005 êché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’un p
1006 iens seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’ un État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur 
1007 ) Messieurs les députés, ce serait pure folie que d’ essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. L
1008 s les députés, ce serait pure folie que d’essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question
1009 yer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés ill
1010 de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce
1011 souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce qu’on n’a plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoq
1012 mment faire abandon de ce qu’on n’a plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en ca
1013 toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en cache de pires, pour arrêter l’élan vers notre union. N’attaquez pas les souve
1014 netés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et
1015 Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent. Le
1016 rains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun d’ eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’Utop
1017 d’eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe d’ Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les cou
1018 personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’ Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du prisme,
1019 e sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus
1020 fédérale. Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux déput
1021 . Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux députés europé
1022 , ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de , « Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du
1023 En lisant le pamphlet du Labour Party », Journal de Genève, Genève, 18 août 1950, p. 1.
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
1024 m ! » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou
1025 e, ou protestante, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit
1026 nte, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle
1027 elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l
1028 t que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’ amour-propre, sans replis stratégiques d’intérêts légitimes, sans comp
1029 crifices d’amour-propre, sans replis stratégiques d’ intérêts légitimes, sans compromis elle ne sera pas. C’est clair. Seul
1030 itaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perd
1031 regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire o
1032 ls se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’ écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent
1033 leurs arrière-pensées, dénonçant leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union,
1034 les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’ opinions, celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi
1035 lle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’ alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fai
1036 pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’ aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si
1037 rer pudiquement chaque année qu’il reste désireux d’ envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer l
1038 ue année qu’il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une so
1039 sures préalables tendant à renforcer le sentiment d’ une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus i
1040 e solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’ une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux
1041 membres ». Les manchettes des journaux parleront d’ un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne p
1042 ent s’associer à ces engagements téméraires avant d’ avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en
1043 ngagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’ étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne
1044 d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolumen
1045 des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se conte
1046 es, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affir
1047 cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’ affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de ma
1048 incipes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se
1049 européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatéliste
1050 e enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accou
1051 ce des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’ un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Vo
1052 les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délég
1053 es simplement délégués pour consultation. Décidez de vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion
1054 rmer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’in
1055 s une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne élector
1056 vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements
1057 les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’ intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résult
1058 . Il en résultera dans nos provinces une campagne d’ agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre métho
1059 tera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’ émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait
1060 provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer. L
1061 . La condition à la fois nécessaire et suffisante d’ une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
1062 essaire et suffisante d’une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort
1063 un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élabo
1064 er un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembr
1065 ion fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commissi
1066 s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jurer de rester où vos parlements vous envoient. (Les ministres dépendent auss
1067 nts vous envoient. (Les ministres dépendent aussi de vos parlements, qui restent les seuls juges d’un conflit éventuel.) S
1068 si de vos parlements, qui restent les seuls juges d’ un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’op
1069 s l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si
1070 a majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vou
1071 de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière v
1072 indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’ acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de dé
1073 me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela c
1074 moment, et sous quelles conditions, cela cessera d’ être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
1075 ut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites
1076 laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’e
1077 enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose
1078 ue le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un r
1079 la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en somm
1080 oix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur
1081 et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, al
1082 et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pou
1083 nant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe
1084 rester au contraire, de ne point se séparer avant d’ avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’e
1085 l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement,
1086 re. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas un
1087 qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les
1088 is légitimes, qui se révèlent contraires au salut de l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous
1089 s. Messieurs les députés européens, je vous salue d’ un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l
1090 je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d
1091 ait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom,
1092 nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’ angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fé
1093 ux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’ espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’Europe
1094 en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis de , « Cinquième lettre aux députés européens : “Méritez votre nom !” »,
1095 utés européens : “Méritez votre nom !” », Journal de Genève, Genève, 19–20 août 1950, p. 1.
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
1096 n département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit
1097 e Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de
1098 t sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de Genève pour lui vendre ses bœufs, mais s’arrête avant de toucher les
1099 découpant une contrée que la nature avait conçue d’ un seul tenant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine
1100 complets : la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le
1101 la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et
1102 s vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce rui
1103 x bois de très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde au
1104 chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps
1105 seau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureux ennui, méditant s
1106 rues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’ heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souven
1107 heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas
1108 sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mém
1109 mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà l’œuvre du Patriar
1110 r les marais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur natu
1111 ’est pas ce petit corps maigre, et ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous. Plutôt ces insc
1112 copie sur le socle : Face nord : Au bienfaiteur de Ferney Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à l
1113 faiteur de Ferney Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital
1114 hés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe Calas, Sirven, Montbailli, La
1115 tion des serfs du Jura Affranchissement du pays de Gex Essai sur les Mœurs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irèn
1116 s il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’ une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent
1117 reux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’ un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricana
1118 us. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, c
1119 ne, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit v
1120 la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’arti
1121 lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’ artisans, d’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécur
1122 it venir de Genève cinquante familles d’artisans, d’ horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix
1123 enève cinquante familles d’artisans, d’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix avec ceux qu’
1124 âques, non sans ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de fam
1125 bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait
1126 une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres
1127 uter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La premi
1128 tant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la
1129 suite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’à Genève… Donnez vos ordr
1130 Donnez vos ordres ; vous serez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » E
1131 erez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village pa
1132 il vous plaira. » En vingt ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétair
1133 ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétaires, par un système qu’on no
1134 ent propriétaires, par un système qu’on nommerait de nos jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme
1135 s à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tracta
1136 le tractations qu’il combine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul ind
1137 ine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que
1138 rtés réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre ho
1139 ple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de
1140 ire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présente
1141 de son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille
1142 eune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’ une corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. L
1143 e corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce
1144 « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j
1145 à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui cha
1146 que bien d’autres images entraînent, dans ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, en
1147 tre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’A
1148 es jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le t
1149 tte Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par
1150 tout survolé trente fois par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bo
1151 trente fois par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proch
1152 par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assour
1153 derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’ un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde
1154 centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’ un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au pays du Patriarche 
1155 jours d’un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de , « Au pays du Patriarche », Journal de Genève, Genève, 29–30 novembre
1156 mont Denis de, « Au pays du Patriarche », Journal de Genève, Genève, 29–30 novembre 1952, p. 3.
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
1157 retour (21 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’Europe, économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci
1158 le : rendre nos différentes nations indépendantes de l’aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est
1159 ne conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’ét
1160 des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union, appell
1161 à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre e
1162 llites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’ union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre en main le sort d
1163 ngereusement l’Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes
1164 ort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes et communistes s’unissent pour dénoncer « l’e
1165 ar le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dul
1166 ashington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’ études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion
1167  », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturell
1168 voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturelle » symbolisée par le succès des D
1169 par le succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui se branche sur le sentiment sponta
1170 e — mais qui se branche sur le sentiment spontané de larges masses, latines surtout —, les nations européennes seraient dé
1171 ations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède n
1172 nt déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette si
1173 Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi l
1174 ont désunis et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américaine, incapables d’assurer leur défense
1175 de soutenir la concurrence américaine, incapables d’ assurer leur défense, incapables enfin de retrouver, avec leur fierté
1176 capables d’assurer leur défense, incapables enfin de retrouver, avec leur fierté légitime, leur indépendance réelle. D’où
1177 c leur fierté légitime, leur indépendance réelle. D’ où vient, après tout, la puissance, non moins redoutée que sollicitée,
1178 d marché commun » qui est la condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait l’h
1179 ns notre monde du xxe siècle. On sait l’histoire de cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se libérer de
1180 1787, les treize États qui venaient de se libérer de la tutelle britannique décidèrent que leur simple alliance confédéral
1181 vait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadelphie. (Six
1182 urs délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 ma
1183 ns l’Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay e
1184 ns la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain
1185 milton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain de Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le proj
1186 adison, entreprirent au lendemain de Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le projet d’union et dé
1187 emain de Philadelphie de publier une longue série d’ articles discutant le projet d’union et démontrant ses avantages. Ces
1188 r une longue série d’articles discutant le projet d’ union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un nom bient
1189 t résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’ un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique
1190 a créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libér
1191 et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurispruden
1192 férer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au onzième
1193 institutionnels. Or, voici qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un pa
1194 , voici qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecte
1195 qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va co
1196 créé pour son utilité. Des hommes, admirés comme de grands philosophes, ont positivement attribué à ses habitants une sup
1197 érique ; que les chiens même perdaient la faculté d’ aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les f
1198 rrogantes prétentions des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à c
1199 des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d
1200 à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’ enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union no
1201 d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’ eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables. La désunion préparerait un
1202 leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin d’ être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États,
1203 Américains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroit
1204 et indissoluble union, concourent à la formation d’ un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute for
1205 système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de
1206 qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes
1207 toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde.
1208 cien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l
1209 , et même impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons
1210 impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans
1211 tre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! Nous y rec
1212 rs, mais aussi nos espoirs. (Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mes
1213 Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont
1214 s la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politiqu
1215 e à l’Europe une politique. v. Rougemont Denis de , « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
1216 Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
1217 nève, sont en opposition fondamentale avec celles de nos communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En
1218 alistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité européenne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de n
1219 enne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de notre union, dénoncée par les communistes comme une idée américaine.
1220 mme une idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou dés
1221 pays. En insistant enfin sur l’importance vitale d’ une reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement l
1222 , Moscou réintroduit implicitement la possibilité d’ une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui
1223 té sans discussion. Telles étant les implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les t
1224 de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si
1225 se, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si les Russes so
1226 t en effet trois principes qui n’ont jamais cessé d’ être les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons main
1227 re les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique
1228 de là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russ
1229 nt les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe de sécurité occidenta
1230 e ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe de sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le rattachement des p
1231 ’est demander et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empê
1232 le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’ union occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions
1233 n ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions d’ Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où i
1234 cherait les 435 millions d’Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’arm
1235 neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’armée commune sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’Amé
1236 la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communiste
1237 st par exemple décider que les partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enf
1238 e les partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enfin, prendre au sérieux le
1239 , des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de
1240 rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux p
1241 quivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hom
1242 ce sont elles seules qui permettent l’élaboration de l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, j
1243 ration de l’instrument sans lequel il n’est point d’ entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu
1244 s’envoler pour franchir le Rideau — ce mur du son de la politique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote p
1245 ilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est
1246 Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’ où l’accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d
1247 le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’ instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est l
1248 se rappelle qu’au moment où l’armée rouge tentait d’ envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière étai
1249 agresseur, « les événements ayant donné au terme d’ agression un contenu historique nouveau ». La franchise même de cette
1250 n contenu historique nouveau ». La franchise même de cette explication scandalisa : elle aurait dû, plutôt, donner à réflé
1251 s un langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu
1252 t imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors p
1253 ors par une ingérence qualifiée dans les affaires d’ un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de cultu
1254 ns les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’ une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas que
1255 autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’ un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter,
1256 s — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la
1257 t de culture ; mais comme il n’était pas question d’ en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer
1258 ter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’ instaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel su
1259 z les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’
1260 ir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’ intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’aut
1261 cre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le dési
1262 n le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’ être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le co
1263 e raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa pl
1264 l suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en q
1265 l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hy
1266 comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hypothèse, ses propres préjug
1267 othèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’ une recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monolo
1268 he commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monologues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’être accept
1269 gues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’ être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela
1270 d’être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela pour la première fois depuis la naissance du con
1271 qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite : D’ aucuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nou
1272 églée par la force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique e
1273 ette offre est aussi valable pour d’autres sujets de débats, plus actuels et moins rebattus que celui qu’on vient de menti
1274 is au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos
1275 uels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dan
1276 des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’a
1277 où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducatio
1278 ies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’ histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général.
1279 r groupes de professionnels ; parlons d’histoire, d’ arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons
1280 de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues
1281 nnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’ éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livr
1282 d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livres, nos points d
1283 ommes trop faibles sur nos positions trop variées d’ Occidentaux chrétiens ou humanistes, pour affronter la « redoutable di
1284 es Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuven
1285 e l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’en
1286 de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres cr
1287 la culture du voisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai
1288 au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’ échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène
1289 i rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite officielle e
1290 e, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon d’ exposition. On ne court plus que le risque normal d’une « compétition
1291 exposition. On ne court plus que le risque normal d’ une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la
1292 mal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’
1293 ion pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un chang
1294 Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’ un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoi
1295 tout cela repose sur l’hypothèse d’un changement d’ attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en
1296 essort est détendu, la pression tombe. Les effets d’ un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme
1297 e sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de , « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet
1298 Denis de, « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet 1955, p. 1.
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
1299 s, criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’ un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait p
1300 u secours dès qu’on tournait le bouton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas répondre
1301 s maintenant, non je n’oserai pas demander pardon d’ être resté paralysé devant leur appel, tant que je n’aurai pas fait to
1302 out ce que peut un homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les
1303 e la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Doub
1304 mptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ?
1305 u son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde enti
1306 l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitale
1307 isme russe peut encore écraser d’autres capitales de l’Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres é
1308 utres élites sans armes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obstinée, sans
1309 ’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des élection
1310 réponse qui ne dépende plus des élections locales d’ un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que po
1311 ne dépende plus des élections locales d’un peuple d’ outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pourra. Nous
1312 s élections locales d’un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pourra. Nous devons mettre le c
1313 pourra. Nous devons mettre le communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes r
1314 u dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés de Staline. Des rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y s
1315 fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’ esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui approuve,
1316 e qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’arrêter Nasser, s’il pré
1317 res de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’ arrêter Nasser, s’il prétend écraser Israël. On ne peut pas discuter a
1318 qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’ une action vigilante, obstinée. Nous vivons en démocratie, qui veut di
1319 inieux qui succède aux flagrants délits, exigeons de nos gouvernements une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la diss
1320 u. Exigeons la dissolution des partis communistes d’ Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refus
1321 tes d’Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces
1322 ute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux
1323 tball, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang v
1324 a paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du n
1325 st nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconqu
1326 son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’ab
1327 t jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’ homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiq
1328 du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, c
1329 ait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cet
1330  ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de , « Oserons-nous encore… », Journal de Genève, Genève, 6 novembre 1956
1331 emont Denis de, « Oserons-nous encore… », Journal de Genève, Genève, 6 novembre 1956, p. 1.
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
1332 à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain de l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heur
1333 passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’ écrivains ne se réveillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de
1334 veillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le mond
1335 ssitôt qu’il se passe quelque chose, qu’il s’agit d’ un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — e
1336 passe quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’ un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien
1337 s Pasternak. S’il s’est vu contraint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étra
1338 ès coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un
1339 s un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’at
1340 qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’attachement instinctif à sa terr
1341 on cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’ attachement instinctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la
1342 autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régime qui
1343 il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’ être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion pos
1344 ble encore avec son peuple. y. Rougemont Denis de , « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958,
1345 gemont Denis de, « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958, p. 1.
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
1346 cartes estimait qu’un athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup de physiciens après lui se sont dit athées
1347 ne change rien au fait que le mouvement créateur de la science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme
1348 t que le mouvement créateur de la science procède d’ une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppo
1349 e procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, «
1350 e une foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernes
1351 le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’ Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un a
1352 démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire de musique. Pas davantage que Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dog
1353 gétique confessionnelle. Pour développer en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénom
1354 sionnelle. Pour développer en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Di
1355 velopper en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en m
1356 de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une métho
1357 il a recours à une méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sartre (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfu
1358 il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu
1359 l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont
1360 du siècle. À partir de relations logarithmiques, de considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons,
1361 iques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assisto
1362 e des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute nature
1363 ités centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’His
1364 christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pa
1365 et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité
1366 es évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’ un théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou
1367 l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’ une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant
1368 uddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’objet d’ un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence
1369 problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, a
1370 t de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se trouve d’emb
1371 ourant et plat du terme, se trouve d’emblée vidée de sens. « Dieu n’est pas ce qui est vu, mais ce qui voit », écrit très
1372 justement J.-C. Piguet, commentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouv
1373 r et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les grandes noti
1374 Saint-Esprit, définis en termes de structures et de relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuit
1375 relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la
1376 primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyan
1377 hique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes,
1378 e ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. »
1379 is par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui es
1380 l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fon
1381 la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’ unité… modalité affective fondamentale ». Et le péché, hiatus irréduct
1382 ation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi,
1383 qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouvertur
1384 lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec une référence explicite à Calvin). Tout
1385 cela, sans aucun recours au vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le se
1386 vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eu
1387 les de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voi
1388 sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phé
1389 e quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménol
1390 la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’auteur n’a pas res
1391 se demande alors ce que l’auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est
1392 ’est à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’ un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la ré
1393 surrection du Christ interprétées comme promesses d’ une vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas mo
1394 elles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surp
1395 e de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’ une manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent »
1396 la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’ une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépe
1397 out la notion d’une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passi
1398 a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seu
1399 à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient rév
1400 en leur cœur ». Sur une telle phrase, on imagine d’ admirables disputations ! On voit bien ce qu’en diraient les barthiens
1401 ent les barthiens dont je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélie
1402 t de Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait Karl Barth lui-même, qui
1403 u’en dirait Karl Barth lui-même, qui n’a pas fini de nous surprendre ? C’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait
1404 rapport à Pascal qu’il serait le plus intéressant d’ évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraha
1405 intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place i
1406 garithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’ Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des sa
1407 de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », en
1408 que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’ un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducatio
1409 philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’ aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 231.) Or,
1410 me l’énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’ Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu
1411 ques, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc d’ être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment ab
1412 u. Elle cesse donc d’être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à la
1413 emporains qui ont sciemment abandonné « le projet d’ être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonal
1414 nt abandonné « le projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de D
1415 à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale 
1416 x, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la défini
1417 texte, une autre thèse me frappe : la musique est d’ Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts, s
1418 née, comme tous nos arts, sciences et techniques, de « la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la
1419 ue dans l’intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe. Mais surtout, condamner radicalement presque toute la m
1420 utre part, nos docteurs jugeront hérétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La qu
1421 rétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguèr
1422 s tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Er
1423 ion se pose, à la mode de naguère dans les revues d’ avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute q
1424  ? Nul doute que la Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une
1425 isqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’ aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait sa condam
1426 ns d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’ un bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres a
1427 tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’ adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités
1428 vons à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses.
1429 nique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’ appropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves
1430 que soient les réserves qu’inspirent parfois tant d’ assurance intellectuelle et un vocabulaire trop spécifique, cette tent
1431 ulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’ une manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérit
1432 porte à l’extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes rais
1433 des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre
1434 qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeu
1435 nt intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeunesse étonnante, do
1436 isons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’ une jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables p
1437 les véritables proportions. z. Rougemont Denis de , « “Le Dieu immanent, qui s’annonce en leur cœur” (À propos d’Ernest
1438 eur cœur” (À propos d’Ernest Ansermet) », Journal de Genève, Genève, 9–10 novembre 1963, p. III.
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
1439 edi littéraire, 22 juin 1968) que pendant six ans d’ Amérique je n’ai fait que « papoter avec des milliardaires nyouorkaise
1440 rlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle d’ autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversatio
1441 ivre parle d’autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversations avec Jacques Maritain, André Breton
1442 et Saint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut
1443 péry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformat
1444 itique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’ affirmer que j’ai « jeté mon sac (militaire) aux orties » avant de « d
1445 ître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’ un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les q
1446 alu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un artic
1447 ait condamné en juin pour un article sur l’entrée d’ Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la
1448 récis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’ août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est
1449 un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoure
1450 Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’ un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jet
1451 ’août de 1940 en mission et muni d’un passeport «  de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme au
1452 ui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, lequel n’adm
1453 bunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’ une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout
1454 lequel n’admettrait pas l’excuse d’une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à fait superflue
1455 au point, tout à fait superflue pour les lecteurs de mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que l’arti
1456 icle du Samedi littéraire. aa. Rougemont Denis de , « Denis de Rougemont nous écrit », Journal de Genève, Genève, 6–7 ju
1457 is de, « Denis de Rougemont nous écrit », Journal de Genève, Genève, 6–7 juillet 1968, p. 17.
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
1458 Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président, Un étudiant
1459 ibunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup d’ estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître de soi, convaincu mais sans f
1460 aucoup d’estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître de soi, convaincu mais sans fanatisme, il n’est ni subversif, ni anarchi
1461 e farfelu. C’est un homme sérieux et ouvert, doué d’ esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indign
1462 ux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection
1463 itique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa
1464 nthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils r
1465 s motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien
1466 s que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des pri
1467 elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opp
1468 spect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut certes discu
1469 in et de sa différence, la liberté de jugement et d’ expression, le droit d’opposition. On peut certes discuter, contester
1470 la liberté de jugement et d’expression, le droit d’ opposition. On peut certes discuter, contester certaines applications
1471 r et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons de ces idéaux, ou si nous condamnons à la prison ceux qui se réclament e
1472 encore à défendre en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prend
1473 eux que nous. En tout cas, il n’y aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une sociét
1474 aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une société préalablement amputée de son id
1475 administrerait une société préalablement amputée de son idéal, j’entends une société capable de condamner par une applica
1476 putée de son idéal, j’entends une société capable de condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commett
1477 pable de condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commettent la faute de croire à ses fondements mora
1478 lement exigeants, civiquement alertés, préoccupés de mettre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, c
1479 munauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’ aussi bons Suisses que ceux qui, trop souvent, en toute indifférence e
1480 e indifférence et ignorance quant aux bases mêmes de notre civisme, ne font leur service que pour faire comme les autres ?
1481 les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’ être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’
1482 illeurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasem
1483 amner « pour la forme », en saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays
1484 andaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en
1485 teuse pour notre pays — l’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un
1486 ’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La
1487 te espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La véritable util
1488 légale de l’objection de conscience en Suisse et d’ un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur
1489 d’un statut correspondant ? La véritable utilité d’ un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le
1490 correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’ objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de
1491 s d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les p
1492 aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J
1493 exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudrez bien exc
1494 nt et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convicti
1495 u’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous
1496 lité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux eff
1497 m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits
1498 nsant aux efforts que j’ai faits — et ne cesserai de faire — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un
1499 cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’autorise pour vous communiquer mes réflexio
1500 e pour vous communiquer mes réflexions sur ce cas de conscience difficile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de
1501 ile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont De
1502 distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis de , « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genè
1503 ont Denis de, « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le
1504 Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le texte est précédé du chap
1505 ivant : « Vendredi dernier, le tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, p
1506 Bugnot, pour avoir refusé, pour la seconde fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnem
1507 fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répress
1508 senter au recrutement, à une peine de quatre mois d’ emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’a
1509 nt la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militai
1510 à une récente jurisprudence du tribunal militaire de cassation qui permet désormais également l’exclusion pour les objecte
1511 sormais également l’exclusion pour les objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine est identique à cette qu’a déjà
1512 être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’ aggraver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive
1513 ver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependan
1514 n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’ objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la se
1515 tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la seconde condam
1516 première. Au cours de cette audience, une lettre de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le présiden
1517 d. Cette lettre est suivie du commentaire suivant de Bernard Béguin, intitulé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au coura
1518 lé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant de la vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nie
1519 suisse des trente dernières années, n’osera nier [ de ] Denis de Rougemont les titres dont il se réclame pour parler de miss
1520 ugemont les titres dont il se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de conte
1521 il se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de mo
1522 démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur u
1523 non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît per
1524 e droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement la
1525 es mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’ admettre que la prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est
1526 uitablement à l’aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle
1527 le des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de
1528 as de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne s
1529 y a donc bien un problème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui étayent son patriotisme, que ce prob
1530 e dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’ un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État
1531 i voudrait qu’à défaut d’un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des ê
1532 ier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités du citoyen-soldat une garantie d
1533 ux responsabilités du citoyen-soldat une garantie de légitime défense que personne ne peut contester, et qui rassure valab
1534 it armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement respectable, o
1535 norité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de la mission morale du pays, non. »
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
1536 Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)ae af Monsi
1537 Monsieur le rédacteur en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au président d’u
1538 re à une lettre que j’avais adressée au président d’ un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre tr
1539 le crains. Car ce titre semble annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte
1540 ar ce titre semble annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste
1541 une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple
1542 e sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins pré
1543 tion, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’ un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause
1544 président. Si j’avais voulu traiter publiquement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en pa
1545 j’avais voulu traiter publiquement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en particulier, il m
1546 aucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout da
1547 eser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le p
1548 as de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plu
1549 difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sér
1550 cile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, néc
1551 utefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot.
1552 pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot. Si je me relis bien, j
1553 je me relis bien, je n’ai pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas dema
1554 i pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mai
1555 ore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est
1556 s au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses
1557 lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le crois
1558 s pas justifié par mon texte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à ent
1559 fié par mon texte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner pers
1560 e pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’ un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J
1561 ier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des oppo
1562 que nous. Cela dit, il me reste à vous remercier d’ avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur l
1563 ’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée : c’est ce pro
1564 lème qui importe seul, et qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieu
1565 à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis de , « Objection de conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de
1566 s dévoués. ae. Rougemont Denis de, « Objection de conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de Genève, Genève,
1567 conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de Genève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af. Le texte est précédé du c
1568 redi précédent au président du tribunal militaire de 1re Division devant lequel comparaissait un jeune objecteur de consci
1569 on devant lequel comparaissait un jeune objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de l’audience publique du Tribunal,
1570 blique du Tribunal, cette lettre, ou plutôt l’une de ses copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bern
1571 copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançai
1572 un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alternative de la part de Denis de Rou
1573 ci répond aujourd’hui. » Un débat sur l’objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera organisé et
1574 dra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève,
1575 octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
1576 us qu’il existe une culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes d
1577 se » a été largement employé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture
1578 yé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une cult
1579 Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est la plus petite
1580 anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité d’ étude intelligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimens
1581 ligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture française, de culture
1582 ilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture française, de culture allemande, cela n’existe pas. Il y a se
1583 continentale. Nous parlons de culture française, de culture allemande, cela n’existe pas. Il y a seulement des différence
1584 as. Il y a seulement des différences, des nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes les
1585 ont parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont commu
1586 s formes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous
1587 te l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehor
1588 vez pas en dehors de l’Europe. Les grandes écoles d’ art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le bar
1589 gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou cel
1590 baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtique. Ainsi
1591 produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté i
1592 que. Ainsi nous avons une communauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoi
1593 e communauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fa
1594 au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’École de Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigliani, Sou
1595 se par des moines au Moyen Âge. On ne peut parler de culture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs de cette culture.
1596 ulture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs de cette culture. Bien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement des
1597 des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’ avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-gar
1598 geois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne
1599 oujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les pr
1600 sses. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante a
1601 . Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient de cette
1602 utionnaire qui vient de cette mauvaise adaptation de nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Com
1603 vient de cette mauvaise adaptation de nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les
1604 quoi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse de la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’Université »,
1605 uprès de leurs petits enfants en leur conseillant de casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvel
1606 casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va
1607 e de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique que spiritu
1608 es risques humains, c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (
1609 it (absolument invérifiable et très peu probable) d’ un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de c
1610 eilleur mais dans l’augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation oc
1611 e choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a écrit :
1612 ntale prolonge les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu
1613 les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilisati
1614 a mourir, cela revient à dire qu’il n’y aura plus de civilisation du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait des indice
1615 une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures solutions que les nôtres. Or nous constatons un gigantesqu
1616 tesque effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-v
1617 tend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralism
1618 e. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralisme utilitaire des plus sim
1619 me-léninisme et de certaines traditions chinoises d’ un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge
1620 illeuses. Il y a probablement alors des centaines de morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun g
1621 rle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun germe de civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au succès des révolutions que
1622 tion aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements doctrinaux, philosophiques, religieux acceptés et assumés
1623 outi à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la
1624 en ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel
1625 limente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimist
1626 même. Elle est devenue une force de production et d’ autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, ma
1627 et, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette c
1628 erne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l
1629 mme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent.
1630 sclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent. L’homme n’est
1631 achines comme paravent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un
1632 e n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’ai écrit en
1633 si l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absur
1634 une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous fau
1635 her d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de
1636 absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. 
1637 oyce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la responsabili
1638 e s’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’ag
1639 ndit follement, qui perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles ef
1640 d ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’ illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibi
1641 ches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’ un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèle
1642 es d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. M
1643 es romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artist
1644 Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils
1645 ectifs passionnels, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en tra
1646 t aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants,
1647 , au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des
1648 sophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d’ agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des
1649 st guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins aux esprits
1650 core faut-il sentir l’époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous
1651 jours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie d’ étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni
1652 je n’ai pas envie d’étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse
1653 cation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire
1654 se, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus h
1655 ssé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’ en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je ve
1656 s de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne
1657 réussira : car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste,
1658 r de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’ une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une
1659 aire, disons d’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans m
1660 es que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif
1661 ées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que
1662 ire ? C’est en somme une morale du risque assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’
1663 ue assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pou
1664 époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-
1665 à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phrase mystérieuse pour peu qu’on y réfléchisse : « Tu aimeras
1666 prochain comme toi-même. » ag. Rougemont Denis de , « [Entretien] Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! », Journa
1667 otre civilisation n’est pas mortelle ! », Journal de Genève, Genève, 30–31 août 1969, p. 29. ah. Interview par Anouchka V
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
1668 Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin d
1669 eur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’ un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal milit
1670 ugemont intervenait dans le procès d’un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal militaire un témoign
1671 bat que nous présentons ici n’a pas la prétention d’ apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclairci
1672 r une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscie
1673 ut de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problèm
1674 ir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problème existe. Non p
1675 oblème existe. Non pas par l’importance du nombre de ceux qui professent l’objection et en portent témoignage, mais par la
1676 ose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème
1677 Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est d
1678 on de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être env
1679 science, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et
1680 oge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-robot » des
1681 « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs de conscience que les tribunaux militaires suisses ont condamnés en 1967
1682 apidement esquissé : l’objecteur est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est prop
1683 r est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux e
1684 ent plus nombreux en Suisse romande. Si la notion d’ objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre p
1685 breux en Suisse romande. Si la notion d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique
1686 e conscience a été récemment étendue à des motifs d’ ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des mo
1687 e. — Nous examinerons au premier chef l’objection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait
1688 reint au service militaire, alors que l’objecteur de conscience religieux se réfère à cette même Constitution, dont le pré
1689  ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — L’article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais
1690 la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut,
1691 religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’opinion religieuse, s’a
1692 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’ opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civi
1693 ut, pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique
1694 ion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’ un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Const
1695 clair : la Constitution ne permet pas l’objection de conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre
1696 a donc aucun conflit entre l’armée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et non pas anti
1697 anction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’ une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. —
1698 e croire qu’il s’agit uniquement d’une opposition d’ intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de
1699 rmée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur l
1700 Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il y ait de différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs
1701 pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteur
1702 ce. Les questions posées sont communes à beaucoup d’ objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Bernard Béguin
1703 d Béguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autr
1704 n Schaller. — Non. Je ne fais personnellement pas de différence entre les diverses catégories d’objecteurs. Je pense que c
1705 t pas de différence entre les diverses catégories d’ objecteurs. Je pense que ce qui est important, c’est ce qu’ils demande
1706 t que leurs motivations personnelles peuvent être d’ ordre religieux, humanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu le
1707 Barde. — Avez-vous eu le sentiment, en objectant, de faire une œuvre antimilitariste — je précise que ceux qui font du ser
1708 itutionnelle. L’objecteur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque cho
1709 un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’ une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une oppos
1710 ni de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une opposition au syst
1711 t de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’ une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’
1712 opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre p
1713 système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’ une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accep
1714 des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation
1715 si je puis dire. L’objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problè
1716 es moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un mo
1717 à l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’ une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est-il pas
1718 nis de Rougemont. — Je suis frappé par la lecture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit en
1719 article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’ un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme s
1720 nom du Dieu Tout-Puissant », inscrit au portique de cette Constitution ? Cela ne veut absolument rien dire. C’est une cou
1721 ise et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’ histoires, c’est la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce
1722 transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocri
1723 hose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au n
1724 tat. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au nom du Dieu Tout-Puissant », entendant le Dieu chrétien,
1725 t-Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête d’ une Constitution qui n’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin.
1726 lle antichrétienne ? Denis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans le cas du conflit prévu par cet article 49, paragr
1727 tienne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’ un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triom
1728 étation personnelle du christianisme face à celui d’ une collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec l
1729 e militaire du citoyen. Moyen légal ou ferment d’ anarchie ? Denis de Rougemont. — Voilà le dilemme. Colonel division
1730 lonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils de nos plus petites communes, chaque séance débute en plaçant cette réun
1731 es, chaque séance débute en plaçant cette réunion d’ une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian
1732 ébute en plaçant cette réunion d’une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian Schaller. — Mais qu
1733 ne ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de cette protection divine que l’on utilise pour la religion du civisme 
1734 civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’ être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois,
1735 c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’ être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l
1736 même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’ être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. J
1737 Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plu
1738 emps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’objection de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puiss
1739 objection de conscience n’est que l’un des moyens d’ amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre
1740 que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évidence certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’ha
1741 nce certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’ habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’être ch
1742 ar exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’ être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position partic
1743 que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’ être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mettre
1744 tion particulière pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferm
1745 narchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’ anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christi
1746 archie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, mais êtes-vous conscient aussi du danger inverse, qui e
1747 scient aussi du danger inverse, qui est le danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice milita
1748 l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les
1749 naissez pas les troupes genevoises si vous parlez d’ obéissance inconditionnelle… Denis de Rougemont. — Au point de vue des
1750 s dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’ une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il f
1751 l ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui
1752 . — J’aimerais rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il
1753 rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clair
1754 nnée. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une
1755 nviron 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’ objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l
1756 pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’
1757 de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’armée et accept
1758 titude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’ être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductib
1759 ée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins
1760 orporés dans le service de santé. Sur la centaine d’ irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaiss
1761 ne d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie : il y a le roy
1762 leur doctrine — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou
1763 plifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la
1764 me de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ?
1765 an. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans
1766 tan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’ incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous av
1767 ves ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela mon
1768 anté tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’ eux, et cela montre que si nous n’avons pas en droit un statut pour le
1769 sa propre conscience. Pour les autres, l’officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis il les inco
1770 les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. Bernard Béguin.
1771 nstitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens, pas encore soldats, et qu
1772 dats, et qu’on lui envoie pour leur premier refus de servir ? Colonel Vaucher. — La justice militaire est compétente parce
1773 mpétente parce que la loi le dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les o
1774 rrions aucun inconvénient à ce que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je pr
1775 Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qui se prése
1776 nt à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténuantes. Colonel
1777 inir la punition ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs morau
1778 n ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs moraux, philosophiqu
1779 arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressi
1780 olument pas. Les arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les object
1781 ns des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des ét
1782 d Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez dit que c’es
1783 t, qu’un garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez dit que c’est un honnête homme — va loger troi
1784 er trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exéc
1785 un. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons
1786 chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu de plainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Mic
1787 ainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne peut éviter tou
1788 eut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin
1789 uité, mais les objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout
1790 des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militaires jugent en m
1791 rai ; et je ne pense pas seulement aux objecteurs de conscience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’in
1792 pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’ indiscipline, qui n’ont pas fait leur service par négligence, ou parce
1793 rvice par négligence, ou parce que les conditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudice financier. J
1794 es gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christian Schaller
1795 ribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux
1796 line. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. B
1797 classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a un
1798 — Depuis 1950, le Code militaire n’autorise plus de prononcer comme peine accessoire la privation des droits civiques, à
1799 des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéficier, sauf s’ils
1800 a conviction que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont
1801 que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont essayé de di
1802 actions. Quelques tribunaux militaires ont essayé de dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune h
1803 ugements ont été cassés par le tribunal militaire de cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pén
1804 re de cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que
1805 ément condamné, puisque les conditions objectives d’ une infraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) son
1806 fraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) sont réalisées. Mais avec les atténuations dont nous avons pa
1807 . — Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues d’ un malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ?
1808 ations, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’ un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’e
1809 était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vauc
1810 loi, à la suite de débats concernant l’objection de conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnatio
1811 -vous ? Colonel Vaucher. — L’intention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalisée. Denis de Rougemont.
1812 de Rougemont. — Je ne suis pas du tout objecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais j
1813 jecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étud
1814 dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà ét
1815 u à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les ch
1816 e fois, et que les choses semblaient se présenter de telle manière qu’il serait certainement condamné une seconde fois à l
1817 uisqu’il ne changerait certainement pas son fusil d’ épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les
1818 ement pas son fusil d’épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours p
1819 ient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’ autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’object
1820 s, et que le procès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience
1821 et que de déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se pa
1822 miner si les conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passait au Moyen
1823 e cela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les mot
1824 i été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquem
1825 andalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on
1826 r. — Ce n’est pas exact. Si l’objecteur bénéficie de circonstances atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meu
1827 que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce
1828 des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce sens-là. Ils ne plaidai
1829 , alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice d’ un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Be
1830 juge Vaucher que le tribunal apprécie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunau
1831 récie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont r
1832 ns ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’ avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre pa
1833 sé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’objecteur cherche
1834 la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peu
1835 éciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des obje
1836 ans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’ importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs p
1837 deuxième condamnation au plus tard, nous excluons de l’armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez
1838 ni. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre
1839 énéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple
1840 s deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges militaires, ce sont des m
1841 tre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exactement le c
1842 , et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le fasse. Bern
1843 tenant une division mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admett
1844 st-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’ admettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au
1845 mettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objection chevi
1846 . — Le Tribunal militaire ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il e
1847 me chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. To
1848 s de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre se
1849 itiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en ê
1850 e faire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur d
1851 ervice. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’ en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’
1852 tre partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite.
1853 uin. — Quand vous dites que l’objection n’est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un st
1854 ut bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui déf
1855 et militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre mond
1856 i discuter l’efficacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bo
1857 cacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bombe atomique comm
1858 Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce que n
1859 où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons d’ appliquer les recettes du passé — qui ont toujours si bien marché — ou
1860 e que la Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ? Colonel divisio
1861 s que tout cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des
1862 eux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible
1863 nt. Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse d’ Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire pe
1864 plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christian Schaller. — Pas
1865 vienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute,
1866 rvice militaire, voulu par le peuple, et accepter d’ instaurer un service civil. Numériquement, cela ne jouerait aucun rôle
1867 riquement, cela ne jouerait aucun rôle. Mais pour d’ aucuns, il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et
1868 erait aucun rôle. Mais pour d’aucuns, il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens
1869 e bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attention
1870 qu’il ne peut assumer par la suite aucune charge d’ État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà
1871 ifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs de conscience ? oui, mais pas en Suisse. Pour quelle raison en Suisse ?
1872 e. Pour quelle raison en Suisse ? Nous ne voulons de mal à personne, sinon défendre ce que nous avons reçu. » Colonel Vauc
1873 nous avons reçu. » Colonel Vaucher. — Sur le plan de la justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions
1874 vice civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’ objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pose la question comm
1875 citoyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs de la faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable
1876 obligatoire paraît la forme la plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou s
1877 ser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cette défense
1878 pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’ être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Berna
1879 ésenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est
1880 — Est-ce qu’un service civil affaiblirait l’armée de milice ? Colonel Vaucher. — Probablement… Beaucoup de nos concitoyens
1881 naire Dénéréaz. — Nous pourrions faire l’économie d’ abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous le par
1882 atoire, nous passerions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des conces
1883 métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, supranational
1884 s avons actuellement en propre nous permet en cas de conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en to
1885 uellement en propre nous permet en cas de conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en toute indépen
1886 e conflit de faire entendre notre propre voix, et d’ oser dire non en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais la que
1887 de Rougemont. — La défense suisse nous a épargné d’ être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais mainten
1888 ndre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé d’ avis à cause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur hu
1889 ause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille les destructions physiques et morales qu’en
1890 ys. Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de consci
1891 aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de conscience sur la guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse
1892 t que notre jeunesse vit actuellement sont venues de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre
1893 de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’ Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomi
1894 érie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolér
1895 pendant la dernière guerre, comme le bombardement de Dresde… Christian Schaller. — On peut précisément s’étonner que vous
1896 que vous ayez pu le tolérer si bien sans changer de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi nous l’avons toléré ? Parce que
1897 enne nous aurait définitivement enlevé tout droit de poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — M
1898 evé tout droit de poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fait d’accord. B
1899 ntières, des forces peuvent menacer notre liberté d’ exprimer cette solidarité. Christian Schaller. — C’est au nom des vale
1900 é. Christian Schaller. — C’est au nom des valeurs de ce système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un élargisseme
1901 pelons, en tant qu’objecteurs, à un élargissement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en Suisse. Nous ne p
1902 t, que si la neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préfér
1903 l’on constate qu’on a toujours consacré beaucoup d’ énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. —
1904 ouvez pas être solidaire si vous courez le risque de l’anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les fronti
1905 ian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous
1906 du fait que nos frontières actuelles sont celles de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particuliè
1907 les de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situat
1908 ougemont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs p
1909 prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu’il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut
1910 se référer à notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité oblige, allez
1911 ue je voudrais dire ici, en faveur des objecteurs de conscience, c’est qu’ils posent cette question d’une manière dramatiq
1912 de conscience, c’est qu’ils posent cette question d’ une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des que
1913 une fonction civique irremplaçable aux objecteurs de conscience.   Nos invités : M. Denis de Rougemont, écrivain, direct
1914 tés : M. Denis de Rougemont, écrivain, directeur de l’Institut universitaire d’études européennes. Colonel divisionnaire
1915 , écrivain, directeur de l’Institut universitaire d’ études européennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la d
1916 ennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la division mécanisée 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédér
1917 des assurances, grand juge du Tribunal militaire de division 1. M. Christian Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du
1918 Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du Sens de notre refus (Éditions La Baconnière). Direction technique : Michel Ba
1919 daction : Bernard Béguin. ai. Rougemont Denis de , « Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », J
1920 . Rougemont Denis de, « Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 oct
1921 n de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
1922 r est-il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question po
1923 e plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et comment vous imaginez que j’a
1924  ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’ Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander…
1925 pe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasion » à ses justes proporti
1926 r et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une
1927 omme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans
1928 Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , su
1929 olémiques, où il n’est, hélas, nullement question d’ amour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j
1930 our ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre de ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophique et civ
1931 te le mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustr
1932 uple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . S
1933 Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutef
1934 ation. J’ai voulu faireal, par des exemples tirés de romans contemporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vi
1935 emporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectiq
1936 l, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, e
1937 s aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstac
1938 e Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans l
1939 même du mariage accepté ? L’étrangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La j
1940 lement ce que nous pourrions appeler l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion
1941 l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’a
1942 l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains v
1943 de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains vont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident
1944 ont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire
1945 ut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnal
1946 vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que
1947 ort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvr
1948 , il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dan
1949 raît vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un l
1950 ontre une persistance très remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase
1951 la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’ adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée ». Mais
1952 il y a sûrement un changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adul
1953 ns ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagin
1954 comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de t
1955 s de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’ un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. R
1956 u plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de
1957 ndition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que
1958 n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que le couple, fondement du rapport hum
1959 rapport humain le plus total, survivra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours e
1960 La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’ad
1961 la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de Willia
1962 domine encore, dans la proportion de dix millions d’ adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à
1963 ns d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme « l’usage non
1964 non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de l’espèce contre la démographie galopante. Quand la populat
1965 omosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin de philosopher à son propos, comme l’a fait avec tant de talent Georges
1966 nt Georges Bataille. Fasciné par la problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, cultur
1967 par la problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre c
1968 ux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre civilisation, vous avez parallèlement développé vos propres thè
1969 r l’Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’ attraction que sont pour vous l’amour d’une part, l’Europe d’autre par
1970 répond : L’Amour et l’Occident . On m’a reproché d’ avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien As
1971 é trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le
1972 -amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou
1973 e de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’ Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le roman
1974 venu sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est ri
1975 L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion
1976 de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au niveau col
1977 de montrer que la notion de révolution n’est rien d’ autre que la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de r
1978 sion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu’européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source : le so
1979 ture tel que vous vouliez le faire à votre retour d’ Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif
1980 premier livre, publié à Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui e
1981 s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1
1982 é, mais pratiquement je me suis engagé au service de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui t
1983 quement je me suis engagé au service de l’Europe, d’ une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir es
1984 cer le centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensembl
1985 port entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publ
1986 e jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publique  ? Il y a sans doute une convergence, mais la
1987 qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissa
1988 nalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie d’ autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui
1989 ’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’ exaspérer ceux qui aujourd’hui encore justifient ses injustes sévérité
1990 l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de , « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de
1991 enis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos recueillis par Gene
1992 mont a réédité quatre ouvrages anciens, augmentés de préfaces inédites et il a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrag
1993 en. C’est dire que 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouvert
1994 e 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’ une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir
1995 pour lui “une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de notre soci
1996 nt d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici m
1997 vre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir / comprendr
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
1998 e problème : Genève, ville internationale, manque d’ hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges av
1999 and, et les zones voisines voient leurs relations d’ échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un c
2000 de territoire. Il y a autour de Genève une région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs fra
2001 oir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’ une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Lé
2002 te région s’étend dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman, une région éc
2003 u lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie
2004 ome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie déborde très largement celle de la région de m
2005 rbois. Sa superficie déborde très largement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges
2006 erficie déborde très largement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens ind
2007 œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouv
2008 es échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuv
2009 et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a e
2010 es, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une régi
2011 e ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va d
2012 ue. Il y a enfin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribo
2013 ersitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’ Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon
2014 ève au centre. Elle comprend seize établissements d’ enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesq
2015 spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini
2016 pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défa
2017 r de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisa
2018 i-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’
2019 ites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « m
2020 t simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « mérite », c’est-à-dire leur nature et
2021 es héritées d’autres âges. am. Rougemont Denis de , « Genève, exemple européen ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 nov
2022 Denis de, « Genève, exemple européen ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 novembre 1973, p. 17.
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
2023 a société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capit
2024 avant le printemps redevient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de
2025 le de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’ être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous l
2026 s la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politi
2027 e un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politiques. Rien que pour les votation
2028 ts sur six la concernent directement (aménagement de la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménag
2029 rnavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’ aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construc
2030 ber). Que l’on parle d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes
2031 le d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de ch
2032 nt du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en vill
2033 , de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture es
2034 ruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec s
2035 artiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans
2036 construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détra
2037 arvient plus. « C’est devenu une véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que nous avions conviée
2038 tés que nous avions conviées à notre table ronde. De toute évidence, que l’on y soit favorable ou non, il faut reconnaître
2039 erne », nous avons demandé à quatre personnalités de venir à notre rédaction débattre du sujet, qu’elles connaissent toute
2040 la culture, professeur à l’Institut universitaire d’ études européennes, parallèlement à une œuvre extrêmement importante,
2041 œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre
2042 étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire
2043 nsacré un chapitre intitulé : « Première histoire de fous : la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’État, prési
2044 la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’ État, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout
2045 nseiller d’État, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients q
2046 président du Salon international de l’automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients qui se rattachent
2047 parce qu’elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève.
2048 ions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il
2049 notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’ être pour ou contre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’orga
2050 ontre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’ organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de t
2051 a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer
2052 fic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étu
2053 e développement des divers modes de transports et d’ élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médecine
2054 en médecine, a participé en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagemen
2055 anisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant
2056 un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, il s’est bien s
2057 n sûr penché plus particulièrement sur les effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarcle
2058 re affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’ une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry
2059 n pas d’une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites
2060 sité économique quelconque, mais de l’imagination d’ un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est pa
2061 u à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits fermés « producteur-consommateur », tout en s’aidant de slog
2062 més « producteur-consommateur », tout en s’aidant de slogans publicitaires habiles. Mais si la voiture avait été, dès le d
2063 iture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est la sienne depuis b
2064 nne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’ entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automo
2065 s bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automobile. D’a
2066 obile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’a
2067 ais pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trou
2068 ’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — com
2069 sidère — son titre l’indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiq
2070 indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’au
2071 histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fou
2072 sastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme
2073 ntrales nucléaires… La première grande entreprise de construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création
2074 es… La première grande entreprise de construction d’ automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry
2075 nde entreprise de construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’est lanc
2076 e monde me mettait en garde, car il n’y avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet ré
2077 evaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitess
2078 ule manière de surmonter cette répugnance c’était d’ organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens pa
2079 cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté enfantin. Cel
2080 r côté enfantin. Cela a très bien marché. Ensuite de quoi il a mis sur pied une fantastique publicité, d’ailleurs avec bea
2081 t. Dans une des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous p
2082 to peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’ aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand
2083 plaira d’aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce
2084 l’humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut
2085 os villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant.
2086 que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’ un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années, Ford n’a ven
2087 ujourd’hui, les États-Unis produisent 12 millions de voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait ac
2088 ses petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus
2089 e l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètem
2090 n absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hub
2091 our les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hubert de Sena
2092 de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’ avis. Hubert de Senarclens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot,
2093 ilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez v
2094 action assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’ invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des anné
2095 e sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part con
2096 triel vous le confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondame
2097 — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisat
2098 abrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication
2099 civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que
2100 e soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas
2101 se de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas une démons
2102 nciers qui mettent des capitaux à la construction d’ une usine, demandent bien évidemment que cette usine puisse fonctionne
2103 l aura donc fait cette déclaration dans un moment d’ angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’autres domain
2104 n’était pas lui qui a affirmé qu’il n’y avait pas de besoin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Ja
2105 opuli. Jacob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer des besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers don
2106 nt aujourd’hui, au niveau social, créer le besoin d’ utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que
2107 ugemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Da
2108 Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture,
2109 ction possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérienc
2110 ible sans besoin. François Peyrot : Permettez-moi d’ observer que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la
2111 rmettez-moi d’observer que l’on ne peut pas tirer d’ une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses e
2112 rver que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’ un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour l
2113 t pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité a
2114 ion d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas in
2115 ’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougem
2116 ier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’
2117 Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’ inventeurs qui ont fait à peu près soixante voitures en tout… Il n’y a
2118 e voitures en tout… Il n’y avait presque pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de
2119 ut… Il n’y avait presque pas plus de voitures que d’ inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie auto
2120 e pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Huber
2121 nventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Hubert de Senarclens : On parle de
2122 mobile. II Hubert de Senarclens : On parle de la voiture qui rapproche, qui libère, qui rend indépendant. Aujourd’h
2123 nt. Aujourd’hui pourtant le développement effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de tran
2124 a voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacem
2125 ’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacement de port
2126 rançois Peyrot : La voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mod
2127 lacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner. Vous sorte
2128 onne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans
2129 tre mode de transport ne peut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de d
2130 entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre
2131 ivez au point de destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de pl
2132 nation. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de
2133 rmet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent
2134 rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure
2135 re bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvren
2136 ent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autremen
2137 quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la
2138 spect qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’es
2139 re signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez l
2140 t un point primordial. Si vous comparez le nombre de véhicules par habitant en Occident par rapport à l’Union soviétique,
2141 oviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la population en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, v
2142 si se déplacer en voiture, ils n’accepteront plus d’ être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler 
2143 n’accepteront plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantag
2144 plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’ habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voit
2145 . Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous savez très bien q
2146 Vous avez évoqué la culture. Je parlerais plutôt d’ anti-culture, car quoi de plus abrutissant que les conditions de condu
2147 , car quoi de plus abrutissant que les conditions de conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire un bil
2148 vantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensém
2149 , c’est tout ! Denis de Rougemont : Permettez-moi de signaler quelques-uns des côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — co
2150 rait nous le faire croire dans certains milieux —  d’ être pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le pro
2151 re dans certains milieux — d’être pour ou contre, d’ en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension a
2152 orale des gens. La voiture est un exemple parfait d’ absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford
2153 a voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’il avait douz
2154 arfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’il avait douze ans, lorsqu’il a rencont
2155 routière à vapeur. Cela a été pour lui son chemin de Damas. On voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont le fantasme
2156 ien le préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents
2157 r. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait
2158 cents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au che
2159 assé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de fer
2160 r qui lui est réglé et n’offre aucune possibilité de détour. Mais à partir de ce fantasme, qu’est-ce que cela a donné ? Qu
2161 t à aller travailler. Autre aspect : le rendement de l’automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’un succès. C’e
2162 utomobile — sur le plan technique — est l’inverse d’ un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qu
2163 ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenn
2164 automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitem
2165 qu’il faudrait davantage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que tel
2166 d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les
2167 considération l’individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme. Au niveau du comportement, il faut
2168 comportement, il faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense perme
2169 faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d
2170 e abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’ accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au
2171 r exemple, d’accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé,
2172 t que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installe
2173 ’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’ un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’e
2174 à se servir de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour v
2175 ler : Ce que je déplore dans l’évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture e
2176 l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment des besoi
2177 que des zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment des besoins fondamentaux des familles. Regar
2178 çois Peyrot : M. Kräyenbühl a parfaitement raison de mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la v
2179 aitement raison de mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, com
2180 idence le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vou
2181 de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire u
2182 celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou une mauvaise
2183 a voiture et très importante. Il faut faire façon d’ elle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous
2184 me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation
2185 oute que l’extraordinaire prolifération du nombre de véhicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. C
2186 st possible. Mais on ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela pe
2187 ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’a dit. M
2188 e voudrais reprendre mon propos initial. En moins de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mond
2189 cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véri
2190 nue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et en
2191 sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui
2192 ou contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de boulevers
2193 lade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de bouleversements. C’est en raison de l’auto que le pétrole est devenu
2194 it compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté de rendre toute l’économie occidentale dépendante des caprices de quelqu
2195 te l’économie occidentale dépendante des caprices de quelques émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire que l’on ne pe
2196 ue ? Tout cela pour dire que l’on ne peut traiter d’ une question aussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont p
2197 ement aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de l’industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 1
2198 rie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « Mais Monsieu
2199 avez-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est de l’enfantillage. III Hubert de Senarclens : Entraver le dévelop
2200 Hubert de Senarclens : Entraver le développement de la voiture ou son utilisation, affirment ses partisans, c’est porter
2201 inte aux libertés. Mais les opposants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension
2202 ants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en pl
2203 ervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des in
2204 le choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni d’ un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent
2205 François Peyrot : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents.
2206 fait allusion à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocra
2207 t sa représentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système
2208 ystème démocratique. Prenez l’exemple très actuel de l’initiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs co
2209 parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle cette prise
2210 idère comme essentielle cette prise de conscience de la menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’auto
2211 qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à c
2212 nce. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’
2213 ures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vici
2214  ; donc il faut construire davantage de routes et d’ autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’il nou
2215 le vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que les expropriations sont de plus en plus fréquentes et
2216 plus brutales. Elles se font au nom de la raison d’ État. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire, selon des
2217 des centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messi
2218 éaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui forment ce
2219 ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de la
2220 Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber
2221 atique, c’est de laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien d’autre. J’ai peur que
2222 de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien d’ autre. J’ai peur que lorsque vous dites, M. Peyrot, que la démocratie
2223 ocratie dépend des corps constitués, vous parliez d’ oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédé
2224 ous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part d’ en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les commun
2225 s trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nul
2226 du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin !
2227 ps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur
2228 ise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber
2229 ent conformément aux lois voulues par la majorité de la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfai
2230 ques consiste à dire : il faut délester les zones d’ habitation d’un trafic trop intense, en particulier du trafic commerci
2231 à dire : il faut délester les zones d’habitation d’ un trafic trop intense, en particulier du trafic commercial des poids
2232 commercial des poids lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routi
2233 ds lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’ un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas c
2234 turne de transit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de traf
2235 réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de trafic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement
2236 fic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, e
2237 construire des routes de contournement, qui sont d’ un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances
2238 des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances bien moind
2239 uisances bien moindres, alors on crie au massacre de notre environnement, il y a là une énorme contradiction. Denis de Rou
2240 evenir à l’initiative Weber, elle ne demande rien d’ impossible. Elle demande simplement que le peuple puisse se prononcer.
2241 à faire attention avant de multiplier les permis de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est
2242 eur que l’on commet avec le trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait
2243 rafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait davantage utiliser le chemin
2244 aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’ un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit
2245 l’avantage est également démontré. On bâtit trop d’ autoroutes en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien les problème
2246 ais bien les problèmes qu’apporte la construction d’ une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terri
2247 struction d’une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer
2248 ter que l’on nous construit une seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fera gagner 3,5 kilomètres aux automobilistes
2249 r 3,5 kilomètres aux automobilistes… Alors face à de telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obsti
2250 Alors face à de telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être
2251 de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de R
2252 hl : L’urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les ge
2253 du centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’ un véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la
2254 tte tendance a considérablement modifié le visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que repr
2255 e danger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceintu
2256 a voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil
2257 « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’ État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du
2258 e objectifs : enlever du centre tous les courants de transit ; accorder une préférence aux transports publics, surtout dan
2259 a « petite ceinture » ; interdire la construction de parkings au centre en favorisant leur implantation autour de cette pe
2260 petite ceinture, de manière à permettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace
2261 e centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de
2262 Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’accord sur l
2263 nisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’ habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouveme
2264 bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne les parking
2265 qui concerne les parkings périphériques un point d’ interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qui va fair
2266 le conducteur qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings,
2267 qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous
2268 extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des cen
2269 parkings autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roff
2270 de créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roffler : Si beaucoup de personnes désirent aller hab
2271 sse en Occident, à cet égard, est juste l’inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas v
2272 rse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers
2273 ment l’animation. On ne peut pas couper les lieux d’ activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à c
2274 ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets c
2275 ansformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les
2276 grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se renc
2277 es mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître
2278 formait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge
2279 rôle si important. Voilà encore un certain nombre d’ effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose le pro
2280 nne n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un p
2281 révoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui d
2282 lobale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frai
2283 sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’ administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il
2284 puis — dit que le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substa
2285 ue le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce
2286 la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseigne
2287 que Sauvy est non seulement professeur au Collège de France mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. Franç
2288 France mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans de
2289 clair, des problèmes presque insolubles. Je suis d’ avis que des règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes i
2290 , tous d’accord pour penser que cette déclaration de feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des
2291 Pompidou est une monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». Franço
2292 ille doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’ authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de S
2293 à propos de l’industrie automobile : 30 millions d’ emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute
2294 d’emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute réflexion philosophique, sociale ou politique sur
2295 ois Peyrot : En effet, si vous avez eu l’occasion de visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d
2296 , si vous avez eu l’occasion de visiter une usine d’ automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’un nombre considérab
2297 d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’ un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fourni
2298 constaté qu’elle dépend d’un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres i
2299 ous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’armement, en passa
2300 onautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour
2301 s de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’ emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabrique pas direct
2302 Suisse — qui pourtant ne fabrique pas directement d’ automobiles — , cela représente 80 000 emplois. C’est considérable ! V
2303 ui brancher votre télévision sans entendre parler d’ emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très impo
2304 otre télévision sans entendre parler d’emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ail
2305 plois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ailleurs cet aspect du niveau de vie, person
2306 nnellement, m’enthousiasme. Je trouve merveilleux de penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hu
2307 mille personnes travaillent à l’hôpital cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies chroniques, mais auss
2308 i des accidentés. Lorsque votre voiture va sortir de son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par
2309 son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaqu
2310 qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur les routes, sans compt
2311 e année sur les routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais q
2312 strictement économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins
2313 économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager d
2314 res. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager de mettre au point des véhicules qui au lieu de durer cinq ans, si tout
2315 nnellement scandaleux — c’est un pur gaspillage —  de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuel
2316 articulier l’industrie automobile à cette affaire d’ emploi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des empl
2317 loi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des acci
2318 e créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie
2319 ie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas mo
2320 i pousse à sa multiplication ou à la construction d’ autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de
2321 Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’ éviter les autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-
2322 urs « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de Courteline : on a
2323 ’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’ un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autorout
2324 campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autoroutes pour rendre la circulation plu
2325 La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydroc
2326 e de graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydrocarbures, trouble du comportement dû au plomb, da
2327 ures, trouble du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, et
2328 le du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde d’ azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chos
2329 milieux médicaux marginaux. Alors doit-on parler de « conspiration du silence » de la part de la grande majorité des méde
2330 Roffler : Je ne pense pas que l’on puisse parler de conspiration du silence. En fait même si certains phénomènes sont con
2331 i se soient véritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la s
2332 ablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’
2333 de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on comme
2334 t les effets de la voiture sur la santé sont loin d’ être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences d
2335 Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cin
2336 mmence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’ azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix an
2337 y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’un groupe d’ ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont d
2338 ix ans. Je vous signale qu’un groupe d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont déposées chaqu
2339 d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’ hydrocarbures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Un
2340 bures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les ef
2341 route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste par le v
2342 . Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsables du cancer
2343 ponsables du cancer. On connaît également le taux de plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’ai
2344 sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que d
2345 ment prouvé que des écoliers étudiant à proximité de routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement
2346 routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable
2347 a pollution des voitures est en outre responsable d’ un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique pren
2348 ures est en outre responsable d’un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend une forte expansio
2349 e expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part en ce qui conce
2350 is l’ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion profession
2351 es suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte
2352 de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur,
2353 es chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture don
2354 de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une cert
2355 paie celle-ci horriblement cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales.
2356 ent cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : U
2357 e morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’es
2358 ugemont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsa
2359 vident que nos outils ne sont jamais responsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme. La bombe atomique seu
2360 dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’ une manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vou
2361 s on vend des centrales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine
2362 urent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François Peyrot : P
2363 Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et le
2364 fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est attaquée t
2365 au cours de ce débat, minimisé les inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemo
2366 : Et vous, ses avantages… an. Rougemont Denis de , « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève,
2367 sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 février 1978, p. 19, 22, 21, 16.
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
2368 ns ma jeunesse, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de N
2369 gtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimai
2370 but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans
2371 uipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce rôle, c’étai
2372 particulièrement dans ce rôle, c’était le moment de crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’une gr
2373 devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’ une gravité extrême. Curieusement, d’ailleurs, mon premier article, qu
2374 publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Par
2375 alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’ un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et don
2376 eu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème
2377 ent le football. J’avais beaucoup aimé ce recueil d’ essais : autant pour la manière dont Montherlant parlait du football q
2378 ort et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’ un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla m
2379 suites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla même jusqu’à m
2380 ne photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écri
2381 ien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis
2382 uer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la
2383 iture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la défense, son camarade, Montherlant. » J’étais bien entendu très fi
2384 de, Montherlant. » J’étais bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux
2385 is bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Mes débuts li
2386 our le football. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai beaucoup par
2387 up parlé football. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de l
2388 otball. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même géné
2389 dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en
2390 trois écrivains de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est
2391 nés de football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir
2392 all et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir le rôle du s
2393 que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre.
2394 être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de
2395 ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette mora
2396 fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette morale est en train de fortemen
2397 in de fortement se dégrader en raison, selon moi, de deux facteurs particulièrement néfastes : la commercialisation à outr
2398 rement néfastes : la commercialisation à outrance de certains sports, dont certains méritent à peine ce nom, et bien évide
2399 nt le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la grande majorité des compétitions internationales, des JO en partic
2400 t cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute faço
2401 ne effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pa
2402 it olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre la p
2403 nt pas le rapport qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles en
2404 iste entre la performance de l’athlète et le pays d’ où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de
2405 ains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les
2406 émocraties occidentales ont eu le plus grand tort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y aller tout en expriman
2407 ort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’ y aller tout en exprimant clairement leurs raisons, à savoir qu’elles
2408 oir qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’ un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais s
2409 é à remettre en cause très sérieusement la valeur de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’ap
2410 raisons, j’approuve totalement ceux qui refusent d’ aller à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l
2411 t été choisi comme siège des JO est un témoignage d’ admiration du monde entier à l’égard du régime communiste soviétique.
2412 l’égard du régime communiste soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant p
2413 nt nouvelle, qui élimine expressément toute forme de nationalisme. Mais certains ne seraient sans doute pas du tout d’acco
2414 lleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à
2415 e nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des d
2416 ut m’arracher mon drapeau, on en veut à l’honneur de mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est plus questio
2417 en arrive là, je crois qu’il n’est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout ce
2418 je crois qu’il n’est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense q
2419 leur ensemble, sont en grande partie responsables de la dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le
2420 e des phrases telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si
2421 s adversaires. Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan.
2422 . Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’ affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan. Et tout cela
2423 ait bien entendu régner autour du sport un climat de violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner.
2424 peuvent se déchaîner. Ne serait-il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je l’admirais comme ado
2425 dmirais comme adolescent dans les premiers livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis de, « [Entretien] Les journalist
2426 rs livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis de , « [Entretien] Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment le
2427 s ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal de Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p. 24. ap. Propos recueillis par
2428 s mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’O
2429 us célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, sa voca
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
2430 je suis parti en vacances avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’ami
2431 avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois,
2432 train et de livres « à lire en vacances », livres d’ amis, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comm
2433 comme la série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le s
2434 érie des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu
2435 its volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’ar
2436 exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul
2437 lu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’ amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir const
2438 , avec le plaisir constant, finalement envoûtant, d’ une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; u
2439 constant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’ une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne d
2440 ent envoûtant, d’une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du nom, c’est deve
2441 s pour le reste, hélas, je n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductions
2442 n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductions nouvelles en anglais, rouma
2443 our des rééditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et
2444 tout, écriture et lectures. À la seule exception d’ une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma hon
2445 e et lectures. À la seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte que je ne s
2446 s Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, G
2447 onse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
2448 tobre 1982)as Mardi dernier, au Conservatoire de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller,
2449 as Mardi dernier, au Conservatoire de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plu
2450 ler, une des plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’introduction d
2451 tions littéraires de notre pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Le
2452 ette année de 25 000 francs. Après l’introduction d’ Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente
2453 rancs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente et président de la Fo
2454 iler (respectivement vice-présidente et président de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État A
2455 n Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’ État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du cit
2456 eiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant d
2457 en engagé. Dans son remerciement, avant de parler de cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réa
2458 qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en fer
2459 es origines à la fois historiques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix lon
2460 ques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut, pui
2461 n effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce d’ écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine littéraire, qu
2462 init aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’ une manière négative : c’est quelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a p
2463 ais n’a pas publié un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie d
2464 n seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute
2465 e seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix v
2466 ranchez en faveur de l’essai comme genre légitime de la littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c
2467 s grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’ un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rig
2468 la rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on le dit, dès ce
2469 ur place aux essayistes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai q
2470 istes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brève
2471 sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brèves remarques. Dep
2472 , théâtre, et création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la l
2473 là qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la flora
2474 re de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et le
2475 . Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voien
2476 Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essai
2477 et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’ outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix,
2478 er, et tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupér
2479 omme toute préférence quelque injustice. Le style d’ un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans
2480 ue injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’o
2481 s dans toute littérature digne du nom, et surtout d’ expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan gén
2482 nom, et surtout d’expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personn
2483 l’on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire
2484 donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédéré
2485 ence pendant seize ans du Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européenne
2486 Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans
2487 la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’ études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association eur
2488 études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association d
2489 parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la C
2490 ’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éd
2491 tivals de musique, de l’Association des instituts d’ études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizain
2492 l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Av
2493 es instituts d’études européennes, de la Campagne d’ éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que
2494 uropéennes, de la Campagne d’éducation civique et d’ une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâche
2495 d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’administration,
2496 out ce que cela nécessite de tâches quotidiennes, d’ animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de co
2497 la nécessite de tâches quotidiennes, d’animation, d’ organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’
2498 ches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’ administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire
2499 animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente
2500 ganisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente ans, plusieurs
2501 is trente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’ où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espa
2502 plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos d’ André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est
2503 e propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il s
2504 nsmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien
2505 ement réfute ces propos, mais me donne l’occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. Tout s’
2506 osent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’ Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de paci
2507 et : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je pass
2508 uoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’ écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux a
2509 de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, fau
2510 plets, faute de temps, mais candides. Deux séries de motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Hist
2511 rraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre
2512 ors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans
2513 ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon act
2514 faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de cit
2515 ion de ces deux séries de motifs dans mon travail d’ écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abor
2516 fs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’ homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma gén
2517 on travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération e
2518 par le centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions c
2519 s de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée en maju
2520 ctivistes, nous sommes personnalistes ». Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux ques
2521 ntes que me posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’en
2522 Marc, j’entrai en relation avec quelques dizaines de jeunes intellectuels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après une
2523 nglais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d’ une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’It
2524 s le Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à
2525 et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l
2526 C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 ju
2527 à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’ Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoi
2528 d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaul
2529 rut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet articl
2530 emain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une conda
2531 article me valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni courrier », pour « i
2532 , pour « insultes à chef d’État étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa.
2533 étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gent
2534 de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une
2535 s gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’ une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et m
2536 ussé à partir pour New York, chargé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile
2537 . Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’ une constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Eu
2538 e, j’ai découvert l’Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès m
2539 on union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’ Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans
2540 engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité av
2541 t que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y s
2542 estantisme totalement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très ca
2543 fférente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne
2544 cole du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’une vocation unique
2545 dée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’ un individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté.
2546 de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’ une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous con
2547 elie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous
2548 e que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu
2549 n, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en reva
2550 des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une soci
2551 ialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et
2552 ent démocratique et libertaire, supposait un type d’ homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable
2553 a fois pleinement libre et pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est ten
2554 re et pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de
2555 ionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (les juristes
2556 la) et à l’inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles-ci ne peuvent entraîner aucun effort concret.
2557 porte qui puisse lui répondre sans avoir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Pol
2558 oir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’ Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même cou
2559 ’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait
2560 que, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant aux citoyen
2561 eau devait reprendre en l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée,
2562 réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’ où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée su
2563 rale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les communes, s’ass
2564 D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’ une société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les t
2565 e ; ces régions à leur tour se fédérant, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’idé
2566 nt, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’ une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une p
2567 uite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle
2568 dération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de
2569 nce nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’a
2570 ns le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées
2571 pe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’ assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse
2572 minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette
2573 s régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique — voir la Suisse justement — un
2574 nt utopique — voir la Suisse justement — une idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la
2575 un individu à la fois libre et engagé ; distingué de tout autre par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cit
2576 é de tout autre par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même pl
2577 me relié à la communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences q
2578 perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart
2579 on européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’ un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de,
2580 ne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, « Suis-je p
2581 ue j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de , « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève,
2582 « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève, 30 octobre 1982, p. I, IV.