1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 us méconnaître l’urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés — nous annoncent le « cr
2 rts de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visi
3 it l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de p
4 avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement une sensi
5 moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une p
6 rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’ à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ils désirent. Du diff
7 ’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence et celle de
8 ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si t
9 — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher
10 oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulman
11 s à chercher là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous
12 aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orien
13 ianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mê
14 t que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines pour garder dans ses dépaysements un point de vue fixe,
15 mparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique do
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
16 ma de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement d’atmosp
17 r totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’u
18 assitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agres
19 à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’
20 fés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le rest
21 imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettr
22 peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel semble d’ailleurs corresp
23 au chômage, lequel semble d’ailleurs correspondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois
24 ux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème foue
25 d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Bu
26 mporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’a
27 notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le v
28 rauques… Sortez pour en suivre une, arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin aux curieux dess
29 s rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi).
30 oici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, v
31 encieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles dém
32 is le charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande arti
33 rtiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le
34 mme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
35 934)c Il y a une chose au monde plus difficile à réussir qu’un beau roman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu
36 rait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque ha
37 promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courag
38 naître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vo
39 ies de soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes inc
40 ix fois, en me le rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je l’ai terminé cette nuit ». — « Des livres comme celui
41 te nuit ». — « Des livres comme celui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces pei
42 ling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à
43 a vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est le terne
44 tout au moins pour leur compte, ajouterons-nous. À chacun sa réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur les choses.
45 ersen. On a fait un succès depuis quelques années à tant de traductions qui ne valent pas dix pages de ce roman ! La mode
46 stice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carrière plus discrè
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
47 s la primauté du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà
48 comme chacun sait, déclaré une guerre sans merci à toutes les formes d’intelligence réfractaires à la caporalisation int
49 i à toutes les formes d’intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que co
50 econnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture fr
51 ls en chômage ». Ou bien l’on s’imagine un auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes les fortun
52 adémiciens, disait-il, tous célèbres et « auteurs à succès », tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge de la retrait
53 nfin, malgré ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer s
54 s ! La littérature n’est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire !
55 eules les personnes fortunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que
56 de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel, cela fait un revenu de
57 ur son volume annuel, cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les
58 graves, pour la plupart. Tout cela, que je résume à grands traits, me paraît tendre vers la même limite, et à bon train s
59 traits, me paraît tendre vers la même limite, et à bon train si l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’inte
60 utions. Ce qui oblige en fin de compte l’écrivain à déclarer pathétiquement que c’est la société qui est mal faite dans s
61 ’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait à expliquer que les meilleures œuvres du temps soient des cris de prote
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
62 e le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute leur b
63 as, ils ne peuvent plus l’être. Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se faisaient un point d’honneur
64 tre aux goûts (supposés) du public. Ils renoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comm
65 histoires coquines. (Il est certes des exceptions à cette règle déplorable. Elles se font excessivement rares.) Les débat
66 epuis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédient suivant. Lorsqu’un jeune auteur vient proposer son manusc
67 un contrat qui l’engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à
68 té de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se ré
69 se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’ à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le
70 ui plaisent pas. (Et qui trouveront difficilement à se faire accepter par un confrère, on l’imagine.) On escompte ainsi l
71 . Le projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’édition
72 ntend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’édition. Tous les écrivains applaudi
73 . J’entends que nulle réforme légale ne suffirait à l’assainir. Et l’on pressent déjà que le problème déborde infiniment
74 lles disposent des meilleures armes ? Je persiste à croire, malgré tout, que c’est elles qui résoudront le mieux le probl
75 de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain II : La g
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
76 pas compte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivains ? On objecter
77 ès ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inv
78 ècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’u
79 rciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir des parad
80 at, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu.
81 cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont
82 , et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais la société en pâtit, plus gravement qu’elle ne le c
83 le des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne travaille mieux que lorsq
84 utir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un d
85 cœur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écriv
86 urs. C’est vrai sans doute. Mais si l’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’être vrai : nous suivrons le cours
87 vrons le cours fatal des choses. J’observais tout à l’heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais
88 es auteurs qu’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa for
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
89 ité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’appr
90 ent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’approuver une étude du rêve et de l’inco
91 plus que toute autre semble-t-il, s’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre
92 ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient de nous le donner, avec une maîtrise qu
93 s. Tout le premier volume est d’ailleurs consacré à l’examen des théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la
94 larté et une précision admirables, M. Béguin rend à notre littérature un service dont on ne saurait exagérer l’importance
95 ne saurait exagérer l’importance. Je n’hésite pas à affirmer que cette thèse fera date dans l’évolution naturelle du « do
96 sante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M. Albert Béguin, d’avoir su marquer avec tant de justesse le point p
97 esque du romantisme déborde les limites assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressourc
98 d’un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
99 te la plus « rouge » des États-Unis. Relativement à la politique extérieure, l’opposition des deux candidats n’est guère
100 resque unanimes donnaient Roosevelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui, les chances de Willkie paraissent augmenter rapidemen
101 apidement : les journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux candidats socia
102 ux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux candidats socialiste et communiste. Q
103 stique des passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’une campagne violente. Cette épithète demande quelques expl
104 lé… Car la règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son jeu davantag
105 ’est le meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’exceptions près, soutienne Willkie — comme elle soutint Landon
106 débat démocratique. Toute la polémique se ramène à deux séries d’arguments : arguments de techniciens et arguments perso
107 ussi, être nommé capitaine. » La mode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’Américain n’aime guère discuter, ma
108 re connaître son opinion. Il délègue donc ce soin à un bouton tricolore qui proclame sur sa poitrine, avec une sobre éloq
109 -publicitaire mi-sportif, et l’on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au séri
110 croire que l’enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs. Pourtant personne n’ignore qu
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
111 janvier 1941)j k New York, décembre J’étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentie
112 Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à onze heures, un demi-million.
113 dentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œ
114 t en rubans lumineux les résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la criée les dernie
115 À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix h
116 derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier p
117 andidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! »
118 it d’immenses serpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule épela ces mots courant sur les murailles du Tim
119 rai pas la rumeur qui monta lentement des masses, à mesure que la nouvelle faisait le tour du bâtiment, se transmettait d
120 esque déserté, cette femme du peuple qui chantait à pleine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’une évangélist
121 s’occupe aujourd’hui, comme toutes ses pareilles, à réunir des conserves, mais pour l’Angleterre, à présider des comités
122 , à réunir des conserves, mais pour l’Angleterre, à présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’Angl
123 eterre, à présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angl
124 ’Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’électi
125 e gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président
126 le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à son tour. N’importe quel citoyen peut critiquer publiquement telle ou
127 offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet, et il a
128 quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet, et il arrive qu’on le charge offic
129 ombre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques
130 nement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien entreprendre s
131 ts à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui. Les plus hauts fonctionnaires n’
132 pui. Les plus hauts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur dé
133 hauts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur département dev
134 ésitent pas à participer à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur département devant les auditeurs de la r
135 voilà ce que nous avons fait, voilà ce qui reste à faire. Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférence
136 solennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant
137 ment les problèmes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout pro
138 les résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de ce
139 dre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souple
140 ler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateurs, libéraux et socialistes. Ni les républic
141 ement le principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il n’y a que deux partis, et que c
142 zines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on asse
143 rge ici le terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
144 ilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le caractère social de leur religion, dès le
145 les apports raciaux. Un Américain qui appartient à l’Église réformée a bien des chances d’être Hollandais d’origine ; Al
146 n ; et s’il est catholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’origine sont venues s’ajouter, par la suite, des di
147 arées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et mé
148 plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes les Ég
149 d’une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, d
150 l ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche bapti
151 r miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à u
152 e neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un prof
153 en, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante d
154 »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à collaborer aux magazines politiques à gros tirages qui forment l’opin
155 ésitent pas à collaborer aux magazines politiques à gros tirages qui forment l’opinion moyenne du pays. Ce qui est étonna
156 cisément que cela n’étonne personne ici. Je songe à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de ti
157 nge à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de pr
158 ce laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi
159 si, que l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à louer une maison, je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de
160 e ce type : « Six pièces, confort, métro, Églises à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’aspect commercial. Une
161 s de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent
162 anneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi s
163 aître cet arrière-plan pour donner tout leur sens à certains incidents de la vie politique américaine. Imaginez, par exem
164 eur d’un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. I
165 . Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décri
166 larant après son installation qu’il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halif
167 sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des centaines d
168 endemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de sav
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
169 xe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur procurer,
170 menant ainsi la longueur du voyage, pratiquement, à ce qu’elle était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant
171 uteurs du ciel arctique, nous montâmes en spirale à 5000 mètres. J’allais écrire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océ
172 pour franchir l’Océan d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce cliché et ces jolies syllabes d
173 mobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à la seconde, sans vibrations ni courant d’air, et sans nu
174 e ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à la seconde, sans vibrations ni courant d’air, et sans nul signe appar
175 r y traîne sa fumée, c’est un paquebot qui en est à la troisième journée du trajet que nous ferons à rebours en quatre he
176 les grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste
177 convoi m’interrogent. Cet hôtel ne leur plaît qu’ à moitié. Je les décourage d’aller chercher ailleurs. Crise des logemen
178 izarres, ici ! Comme ils se mettent immédiatement à ressembler à ce que l’on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres
179 ! Comme ils se mettent immédiatement à ressembler à ce que l’on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des
180 rrive au rendez-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souven
181 loches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menu
182 ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de
183 st pas vrai, je vais me réveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
184 de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes souvenirs, à peine un peu plus ressemblant. Tout est intact. La b
185 une fois qu’on leur a laissé le temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les maisons des qu
186 eule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le
187 t il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en
188 t, cette grande figure voûtée qui lui ressemblait à s’y méprendre, c’était bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de sall
189 ours que nul, parmi les officiels, ne se risquait à prononcer : « Messieurs, nous voici réunis pour célébrer une défaite
190 ndant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un c
191 rons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va
192 liché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui l
193 , mais qui est le seul, ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-b
194 as représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers l
195 grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais
196 d a voulu que, le soir même, je me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire de lumière le premier appareil
197 rir au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’idéal tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journ
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
198 au nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un co
199 estreintes ; les barrières douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et
200 ères douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre
201 e ce fût là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien
202 ient dans le mot souveraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivable chaos entretenu
203 e mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthous
204 unit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine ses travaux
205 , entre en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des
206 la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n
207 y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffi
208 it de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fé
209 e aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédéraliste n’est pas seulement pratic
210 peut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est le te
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
211 u de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de milliers de
212 nteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas i
213 té des ministres néglige donc son premier devoir. À qui la faute ? L’opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il
214 pas l’impression très nette que vous êtes décidés à faire l’Europe envers et contre toutes ses routines décadentes, à la
215 envers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à go
216 ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiets de ne p
217 if, formé de ministres qui se refusent d’ailleurs à transmettre vos consultations, consulte à son tour des experts. Ces c
218 illeurs à transmettre vos consultations, consulte à son tour des experts. Ces consultés à la troisième puissance — si l’o
219 s, consulte à son tour des experts. Ces consultés à la troisième puissance — si l’on peut dire ! — répondent après six mo
220 ue mal les forces colossales qui paralysent jusqu’ à votre éloquence et vous empêchent d’articuler des intentions peut-êtr
221 ence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à nos calamités. Ceci me rappelle un argument de M. Bevin. On aurait to
222 rappelle un argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni
223 tative (au second degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas b
224 lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va pian
225 quelques slogans nouveaux et quelques amendements à la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais
226 lques amendements à la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais par deux ou trois décisions, don
227 re est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré, pour celui qui ne veut rien. Chi va pian
228 de sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’Europe ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’ag
229 vice à l’Europe ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’agir. Avouez que rien ne vous paraît possible,
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
230 ’éprouve, non point hélas ! pour vos succès jusqu’ à cette date, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’
231 e de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vou
232 e culture, cette civilisation que rien ne s’offre à remplacer, et qui a su remplacer toutes les autres. D’où vient, Messi
233 au déluge, ni même jusqu’aux Anciens qui manquent à l’Amérique, ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la me
234 e jusqu’aux Anciens qui manquent à l’Amérique, ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens crit
235 d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont en fin de compte les deux empires q
236 se lui disputer sérieusement. Je viens d’entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que
237 urs, vous charge de l’avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos craint
238 concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamais si vous manquez à une mission précise, celle de fédérer n
239 la peut disparaître à tout jamais si vous manquez à une mission précise, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
240 ciales, les intérêts… On devine ce qu’il y aurait à dire là-dessus. Bref, une seule chose paraît claire, dans tout cela :
241 ts anglais, et que si toute l’Europe se convertit à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de compromis, c’est-à
242 ase de compromis, c’est-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites pour la rendre impo
243 européen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et
244 conservateurs et travaillistes nous obligent donc à constater objectivement que leurs motifs profonds ne sont point ceux
245 qu’il y trouve un alibi. Cette passion ne recourt à ce mythe que pour garder quelque moyen d’agir sans démasquer sa vraie
246 plus qu’un prétexte au droit de veto, qui revient à donner le seul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derr
247 t à donner le seul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nation
248 de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce qu’on n’a
249 plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en cache de pires, pour arrêter l’élan
250 les souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
251 août 1950)t Messieurs les députés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne sera pa
252 socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’ à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vichinsky. Et
253 le But se résoudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s
254 rope, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comp
255 union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous
256 er l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à « l’av
257 e sentiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus intime entre ses membres ». Les manche
258 les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’étudier leur
259 tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, solidement retranché da
260 it jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affirmer des
261 ratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affirmer des principes san
262 sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se moque
263 le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pou
264 que chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter
265 nstitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une
266 ’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité
267 maturé, je vous supplierai de déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela cessera d’être prématur
268 erai si quelque chose au monde est plus difficile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre
269 ime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, o
270 int où nous en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est
271 ’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à
272 le ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risquer la dernière chance européen
273 sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne. Voilà le pari. Vous ê
274 ance européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-i
275 r et sonner le ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si
276 , cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas
277 mbre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas un grand espoir ren
278 endant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis de, « Cinquième lettre aux députés
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
279 e fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les ma
280 canant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, contre les tyranneaux, en dé
281 iclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir d
282 ilait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, u
283 me, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup
284 montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’à Genève… Don
285 is de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’ à Genève… Donnez vos ordres ; vous serez servis… Vous aurez de très bel
286 n vingt ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétaires, par un système
287 s jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordon
288 n comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’il
289 age. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilit
290 ment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce vos soldats ? » demande le prince de
291 del, informé par un ami commun de ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante
292 l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jour par des avions de New Yo
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
293 mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’uni
294 nque d’union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs
295 cer « l’emprise économique des USA », représentée à leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Wash
296 suites ; « l’arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dulles et certains articles d
297 ur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette situation humiliante ? Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’
298 ée que sollicitée, des USA ? Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux le « grand marché co
299 Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’Europe viennent de voter un projet si
300 e l’Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposi
301 ilaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposition se montra violente. Dans quelques vil
302 ew York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait assurer son essor et sa longue primau
303 e part il a créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pen
304 ume de se référer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici q
305 , pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empire par ses armes et ses négocia
306 tres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empire par ses armes et ses négociations, par la force et par la
307 rope a depuis si longtemps conservée l’a disposée à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du
308 à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du genre humain créé pour son utilité. Des hommes, ad
309 de grands philosophes, ont positivement attribué à ses habitants une supériorité physique, et ont sérieusement assuré qu
310 é ces arrogantes prétentions des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modéra
311 r de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables. La
312 les. La désunion préparerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin d’être les instrume
313 ans une étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un grand système américain qui soit au-dessus du contr
314 allélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de no
315 de reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour »
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
316 ou désavoue implicitement les partis qui agissent à son service dans nos pays. En insistant enfin sur l’importance vitale
317 nder et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait
318 d’Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’armée commune sans laquell
319 tralité reste illusoire. L’Amérique n’aurait rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la
320 qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rie
321 , on vient de le voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préalable à toute entente sérieuse dans l
322 turelles, à mes yeux, sont la condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domaines, politiques ou économ
323 lignée, dans la déclaration que M. Boulganine fit à Moscou la semaine dernière, au moment de s’envoler pour franchir le R
324 a zone où l’on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où l’accent mis s
325 la force brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’il juge convenable. On se rappelle qu’au mom
326 ation scandalisa : elle aurait dû, plutôt, donner à réfléchir. Le ministre russe s’exprimait en effet dans un langage tou
327 e désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hypothèse, ses
328 la naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitalisme est meille
329 aurions demander rien de plus ; nous sommes prêts à « causer » dès demain. (Je le dis au nom de la grande majorité des in
330 s intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons,
331 utable dialectique » du partenaire : ce n’est pas à ceux qui croient cela que les Russes demanderont à parler ! Les conte
332 ceux qui croient cela que les Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteurs chroniques ou neutr
333 effets d’un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme psyché collective soviétique. Celle-ci ch
334 nt la liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit q
335 ité. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer.
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
336 dès qu’on tournait le bouton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelan
337 effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde entier répondra
338 tique massive, le massacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence brutale avouée périodiquement, la t
339 liquider d’autres élites sans armes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante,
340 igilante, obstinée, sans éclat, comme il convient à la repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’Europe, pour q
341 ons tout d’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus d
342 s et ses partisans. Je crois avoir été le premier à proposer, ici, la reprise du dialogue culturel avec les Soviétiques d
343 s, les marxistes parisiens ridicules. Mettons fin à cette comédie. Nous savons désormais que les Russes, dès qu’ils le pe
344 Russes. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le voul
345 ma conscience à l’aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas u
346 tte Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable
347 e sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, « Oserons
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
348 Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain de l’Ouest reçoive un
349 prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’est vu contraint, après coup, de refuser ce p
350 de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un peu so
351 e au sens ancien du mot, d’attachement instinctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la misère du siècle. Il n’
352 mot, d’attachement instinctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la misère du siècle. Il n’a pas voulu rester s
353 inctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la misère du siècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns des p
354 fus le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoi
355 c son peuple. y. Rougemont Denis de, « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958, p. 1.
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
356 « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)z Descartes estimait qu’un athée n
357 ment commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dans le gran
358 qui est en même temps une théologie, il a recours à une méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sartre (et don
359 rs, pour réfuter l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe une plac
360 ment » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute naturelle des vérités centrales du christiani
361 t voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les grandes notions traditionnelles et dogm
362 re lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination d
363 Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne m
364 e personne morale » (avec une référence explicite à Calvin). Tout cela, sans aucun recours au vocabulaire consacré de la
365 à même, dit Ansermet, abandonnant notre bas monde à ses fins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l
366 andonnant notre bas monde à ses fins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi
367 fins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une maniè
368 est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surprenante un proverbial
369 is que le Christ des évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramen
370 Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p.
371 ns qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équi
372 ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-ell
373 docteurs jugeront hérétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La question se pos
374 nnemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-i
375 Les uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’affectif au spirituel
376 manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut l’admirable pr
377 t l’admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
378 t (6-7 juillet 1968)aa M. P.-O. Walzer suggère à vos lecteurs ( Samedi littéraire, 22 juin 1968) que pendant six ans d
379 mné en juin pour un article sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’ao
380 Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service 
381 ours auparavant. Un critique qui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’heure devant un t
382 ler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à fait superflue pour les lecteurs de mon livre, m’a paru nécessaire po
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
383 a vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom
384 ’en fait M. Bugnot. Mais il y a loin de contester à condamner et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons de ces idéa
385 not. Mais il y a loin de contester à condamner et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons de ces idéaux, ou si nous
386 nous moquons de ces idéaux, ou si nous condamnons à la prison ceux qui se réclament en toute conscience, qu’aurons-nous e
387 lament en toute conscience, qu’aurons-nous encore à défendre en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entrep
388 e ses lois ceux qui commettent la faute de croire à ses fondements moraux et politiques. Des jeunes gens comme René Bugno
389 e de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, les Sovi
390 n excuser la liberté que je prends en m’adressant à vous si franchement et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin de
391 pliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avo
392 ns en commun le souci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’aut
393 ci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’autorise pour vous com
394 la seconde fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des a
395 ment, à une peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’autorisera, en ve
396 qui marquent à cet égard une évolution certaine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l
397 volution certaine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une réce
398 onscience non recrutés. Cette peine est identique à cette qu’a déjà subie Bugnot une première fois. Et il ne pouvait en ê
399 conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la seconde condamnation, une peine plus faible qu’à la première. Au c
400 la seconde condamnation, une peine plus faible qu’ à la première. Au cours de cette audience, une lettre de l’écrivain et
401 ifficile, d’autre part, d’admettre que la prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est une peine trop sommaire
402 e peine trop sommaire pour répondre équitablement à l’aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile d
403 voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemo
404 le suivre dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’ à défaut d’un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
405 r en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au président d’un tribunal militaire
406 ident d’un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre trompeur, je le crains. Car ce titre semble a
407 este. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause personnelle, et pas du tout
408 toyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le crois pas justifié par mo
409 suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner personne. Non, je ne pense pas et je n’ai donc pas dit « qu
410 Non, je ne pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’ à défaut d’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État pol
411 t seulement que si l’on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des
412 que si l’on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simples non-
413 issait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, Mos
414 t cela bien mieux que nous. Cela dit, il me reste à vous remercier d’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de
415 . Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis de, « Objection de con
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
416 etite unité que l’on puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec l’historien anglais Toynbee qui dit que la plus pe
417 ères de la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des
418 Europe. Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque, le classique, to
419 unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les Américains : « It doesn’t work », ça ne f
420 l’Université », c’est absurde. Il me fait penser à ces grands-pères qui veulent se rendre populaires auprès de leurs pet
421 , c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (absolument invéri
422 ibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valér
423 yen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilisation occidentale est la
424 er. Si on déclare qu’elle va mourir, cela revient à dire qu’il n’y aura plus de civilisation du tout. Et vous ne croyez p
425 une seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle m
426 es abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements doctrinaux, philosop
427 s été réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées o
428 rasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvo
429 ls nous instruit grandement. La première a abouti à Napoléon, pouvoir personnel. La seconde à Louis-Napoléon, pouvoir per
430 abouti à Napoléon, pouvoir personnel. La seconde à Louis-Napoléon, pouvoir personnel. La troisième à Pétain, pouvoir per
431 à Louis-Napoléon, pouvoir personnel. La troisième à Pétain, pouvoir personnel. La quatrième a abouti à de Gaulle. Faudrai
432 Pétain, pouvoir personnel. La quatrième a abouti à de Gaulle. Faudrait-il saluer le régime personnel, parce qu’il condui
433 l saluer le régime personnel, parce qu’il conduit à un régime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute d
434 Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’al
435 ritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’
436 sur la bombe atomique, je disais en post-scriptum à mes lettres : « Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier : la b
437 me l’ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’architecture médiévale avec les voûtes romanes et
438 les courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à l’essayiste, au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tente
439 e si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
440 généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux en Sui
441 d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racin
442 que l’objecteur de conscience religieux se réfère à cette même Constitution, dont le préambule commence par une invocatio
443 . Cela doit être dit car la procédure qui conduit à la sanction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’une oppositio
444 de conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Be
445 préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autres ? Christian Schaller. — Non. Je ne
446  intimiste » que l’objecteur humanitaire, attaché à renverser certaines structures ? Christian Schaller. — Pas forcément.
447 tenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique. C’est la religion stato-nationaliste fabr
448 t la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce qu’on sait : au régime totalitaire. Colonel Voucher. — Pas chez no
449 s logiquement. Car là il n’y a plus aucun recours à une transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et de
450 il n’y a plus aucun recours à une transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État.
451 intégrante des qualités du civisme. Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où le citoyen applique le
452 Béguin. — Tout dépend si le citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été f
453 de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évid
454 e en évidence certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chos
455 ’anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là
456 e qu’on lui dit, ce conformisme-là ne conduit pas à l’anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoy
457 isme-là ne conduit pas à l’anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des d
458 i nous fait peur dans un militantisme qui attaque à sa base une constitution démocratique au lieu de chercher la réforme
459 re agissent les colonels recruteurs qui font face à l’objecteur pour la première fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’i
460 eut accomplir ses devoirs civiques sans s’opposer à sa propre conscience. Pour les autres, l’officier de recrutement cher
461 l’officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur ref
462 d-elle ce problème : défi constitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoye
463 ce militaire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux ci
464 conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je préférerais être jugé par un tribunal militaire, qui j
465 rsis… Michel Barde. — Il y en a qui se présentent à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans
466 néréaz. — Je croyais qu’il pouvait attendre jusqu’ à sa majorité. Colonel Vaucher. — Non, non. Colonel divisionnaire Dénér
467 onnement tout court, on prononce l’emprisonnement à subir sous le régime des arrêts répressifs ; ou bien, on peut aussi p
468 nt théorique : les arrêts répressifs sont limités à trois mois au maximum, tandis que l’emprisonnement peut être plus lon
469 mais les objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des établissements hospitaliers. B
470 des prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’hôpital canto
471 nève, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’hôpital cantonal. Bernard Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un
472 que c’est un honnête homme — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison de droit commun. Colonel Vaucher. —
473 jecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout de même un malai
474 Béguin. — Nous éprouvons tout de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit comm
475 t de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tr
476 seulement aux objecteurs de conscience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’indiscipline, qui n’ont p
477 égligence, ou parce que les conditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudice financier. Je les cons
478 s comme des hérétiques ? Christian Schaller. —  À la limite, on pourrait étendre votre définition et dire que tous les
479 iennent pour des fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux pour honnêtes gens et de
480 y a une très grande différence entre l’infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colonel divisionn
481 en bénéficier, sauf s’ils déclarent être disposés à l’avenir à faire leur service. L’article 32 du Code pénal militaire,
482 er, sauf s’ils déclarent être disposés à l’avenir à faire leur service. L’article 32 du Code pénal militaire, qui est abs
483 ’il serait certainement condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne changerait cert
484 ment condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne changerait certainement pas son fu
485 it un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée
486 n le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne
487 nt eux-mêmes aucune circonstance pouvant conduire à un acquittement. Bernard Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherch
488 es tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peu
489 en se faisant réformer.) Mais sans se soustraire à la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modi
490 s sans se soustraire à la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur.
491 cteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut se faire, p
492 t. Colonel Vaucher. — Je voudrais répondre encore à M. de Rougemont que l’appréciation des mobiles joue un rôle dans la q
493 é de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs principes. En
494 nce trois condamnations. C’était trop. Maintenant à la deuxième condamnation au plus tard, nous excluons de l’armée et c’
495 entendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à le dire : nous ne représentons pas l’armée au tribunal militaire. Nou
496 isse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le fasse. Bernard Béguin. — Colon
497 ilitaire des hommes qui ont l’objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Le Tribunal militaire ne ju
498 surtout dans la période atomique qui change tout à mon sens. Bernard Béguin. — Quand vous dites que l’objection n’est pa
499 militarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise
500 e, en Suisse, c’est qu’il s’attaque en même temps à un appareil militaire dont les obligations constitutionnelles et les
501 elles et les structures excluent toute initiative à l’extérieur, et qui ne peut agir qu’en autodéfense. Service civil
502 rieurs — qu’on se prépare très consciencieusement à la dernière guerre. Une des questions que posent les objecteurs, est
503 arché — ou bien est-ce que nous avons autre chose à faire que simplement assurer notre prospérité et la défendre par nos
504 ets. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est for
505 r citer le dernier exemple : 40 divisions massées à notre frontière avant l’affaire des Balkans… le grand état-major alle
506 e ce problème, en dépit de tout ce qui a été fait à l’étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur doit se
507 la guerre est un mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais que voulons-nous faire ? défendre notre pays, c’
508 quelle raison en Suisse ? Nous ne voulons de mal à personne, sinon défendre ce que nous avons reçu. » Colonel Vaucher. —
509 l’économie d’abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une soluti
510 doute obligatoire, nous passerions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de fai
511 serions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, u
512 là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, supranational. L’armée que nous avons
513 ctions de la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolérées, idéologiquement, pendant la dernière
514 et ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fait d’accord. Bernard Béguin. — Nous ne pouvons pas ignorer non plus
515 système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un élargissement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire
516 tate qu’on a toujours consacré beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce qu
517 ré beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que la solidarité implique d’a
518 hui. Je me demande si on peut toujours se référer à notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas
519 peut toujours se référer à notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité
520 e manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des questions auxquelles je ne prétends pas répondre, mais q
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
521 e se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasion » à ses justes proportions : L’Amour et l’Occident , Comme toi-même (o
522 mour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-êt
523 trangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La jeunesse dans son ensemble vi
524 amour-possession de l’autre. Certains vont jusqu’ à penser qu’« il faut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De
525 e pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre
526 n ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statisti
527 Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions montre une persistance très remarquable des mythes
528 ès remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase qui se termine ainsi :
529 t réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adultère s’est largement accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon
530 t humain le plus total, survivra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours et des
531 our dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme « l’usage non procréateur du sexe »
532 anisme cybernétique. Et nul besoin de philosopher à son propos, comme l’a fait avec tant de talent Georges Bataille. Fasc
533 nais, ou Raja Rao, le romancier hindou — répondre à ma place et me donner raison. Je suis revenu sur ce problème dans L’
534 révolution qu’européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source : le socialiste Henri de Man l’avait bien vu. Vous avez été
535 s êtes un écrivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les peuples » depuis le Centre européen de la culture tel q
536 opéen de la culture tel que vous vouliez le faire à votre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engag
537 ot que j’ai défini dans mon premier livre, publié à Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le co
538 e du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des
539 j’ai vu que l’engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me suis engagé a
540 gé au service de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révol
541 urd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir. Comment à votre avis celle-ci pourrait-elle s’opérer ? Peut-êt
542 ir est tourné vers la révolution à venir. Comment à votre avis celle-ci pourrait-elle s’opérer ? Peut-être ai-je répondu
543 pourrait-elle s’opérer ? Peut-être ai-je répondu à cette question, sur le fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens  :
544 e que par l’Europe en train de se faire, consiste à déplacer le centre du système politique, non seulement de la nation v
545 donc confiance dans cet avenir ? Nous n’avons pas à prédire l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entre
546 avenir ? Nous n’avons pas à prédire l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entretien] Denis de Rougemont
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
547 es ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleur
548 uées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus
549 ravailleurs français : vingt-trois-mille environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en Fr
550 ille environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un r
551 fin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausa
552 e, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genè
553 lissements d’enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels des liens spéciaux pourraient s’i
554 paralyser par la fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières nationales héritées d’autres âges.
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
555 it une des personnalités que nous avions conviées à notre table ronde. De toute évidence, que l’on y soit favorable ou no
556 ure dans la société moderne », nous avons demandé à quatre personnalités de venir à notre rédaction débattre du sujet, qu
557 ous avons demandé à quatre personnalités de venir à notre rédaction débattre du sujet, qu’elles connaissent toutes pour l
558 dent du Centre européen de la culture, professeur à l’Institut universitaire d’études européennes, parallèlement à une œu
559 universitaire d’études européennes, parallèlement à une œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus de cinquante ans
560 iant pas certains inconvénients qui se rattachent à la voiture, n’en demeure pas moins un farouche partisan. Sur le plan
561 lan économique, parce qu’elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circu
562 Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a l’immense resp
563 offler, étudiant en médecine, a participé en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne
564 a campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, il s’est bien sûr penché plus part
565 têtu et sans culture, dites-vous, qui est parvenu à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits fermés « pr
566 cré dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — comme une h
567 ne histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’autre histoire de
568 eprise de construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’est lancé dans
569 ous remarquerez l’humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la création de
570 donc très bien que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant. Les premières anné
571 rdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’a
572 clens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot, à l’utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce
573 et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’importe quel industri
574 ffisante. Les financiers qui mettent des capitaux à la construction d’une usine, demandent bien évidemment que cette usin
575 entiment personnel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque le danger que pouvait apporter l’automobile. Il aura don
576 reuve contraire. Son expérience peut être opposée à une déclaration très générale et non vérifiable scientifiquement selo
577 on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer e
578 eyrot : La voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de tra
579 n instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même.
580 t de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité d
581 e, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses q
582 choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la proliférat
583 u’ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la prolifération des autos n’en a pa
584 ient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la prolifération des autos n’en a pas réduit l
585 icite — a fait que beaucoup ont aujourd’hui accès à l’automobile. Une personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est
586 en voiture, ils n’accepteront plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez én
587 est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif, c’est tout ! Denis de Rougemont 
588 pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension absolument puérile. La voiture es
589 avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple type du da
590 voiture est l’exemple type du danger qui consiste à accepter ou promouvoir des innovations technologiques dans notre soci
591 ns notre société, sans nous demander au préalable à quoi cela peut bien nous mener. Mais voilà, Henry Ford ne s’est pas p
592 qu’il a rencontré sa première locomotive routière à vapeur. Cela a été pour lui son chemin de Damas. On voit d’ailleurs t
593 sme, qu’est-ce que cela a donné ? Quand il disait à ses ouvriers : « achetez des voitures, cela vous rendra libres », en
594 n fait leur véhicule leur servait essentiellement à aller travailler. Autre aspect : le rendement de l’automobile — sur l
595 iles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitement acc
596 étaient au départ parfaitement acceptables, même à la limite romantiques, on constate que la voiture a donné exactement
597 pourrait adresser exactement les mêmes critiques à d’autres produits, dans d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le
598 permet, par exemple, d’accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très
599 roblème c’est que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont é
600 un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour venir travailler. Jacob Roffler : Ce
601 anisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des z
602 place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure
603 rger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation des choses. Nul doute que l’extraordinaire p
604 ie occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-vous qu’ à l’origine on avait compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté de
605 mobile française réunis dans une émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « Mais Monsieur de Ro
606 mission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « Mais Monsieur de Rougemont, avez-vous une voiture ? »
607 ôté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pa
608 des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre les activités des individus
609 activités des individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en f
610 s les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système démocratique. Prenez l’exemple très actuel de l’initiat
611 aître les pouvoirs constitutionnellement accordés à un gouvernement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un é
612 nstitutionnellement accordés à un gouvernement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jac
613 rave la liberté du plus grand nombre. On en vient à construire des autoroutes à côté de villages, sans que la population
614 tiative Weber peut justement amener la population à une prise de conscience. Comme vous le savez, chaque année, le nombre
615 at. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire, selon des déclarations officielles, à cause des centrales nucl
616 pare à faire, selon des déclarations officielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’
617 divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Ma
618 votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peup
619 m. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber, il aura obtenu son changement et plus personne ne discutera
620 J’ai seulement affirmé que les reproches adressés à nos autorités, en ce moment, étaient injustifiés. Car nos autorités a
621 la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieu
622 s revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut délester les zones d’habitation d’un trafic trop inten
623 ent d’accord avec vous. Seulement pour en revenir à l’initiative Weber, elle ne demande rien d’impossible. Elle demande s
624 is Peyrot : Rétroactivement, ce qui est contraire à tous nos us et coutumes ! Denis de Rougemont : Vous savez bien pourqu
625 l avait demandé cela. C’est pour obliger les gens à faire attention avant de multiplier les permis de construire. Une err
626 lus en plus les gens vont habiter loin du centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’un véhicule. Cette tendance a c
627 a considérablement modifié le visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que représentait une
628 manière à permettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur des piét
629 vous avez créé des zones d’habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouvements pendulaires avec des
630 des mouvements pendulaires avec des gens qui vont à leur travail et qui en reviennent. Ces mouvements amènent par conséqu
631 : Si beaucoup de personnes désirent aller habiter à la campagne, c’est que la ville est devenue invivable. Ce qui se pass
632 ys en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers la ville, où se déroulent les activité
633 x de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’ à constater les effets catastrophiques des cités-dortoirs où les gens s
634 r dans plusieurs ouvrages nous a rendus attentifs à ce fait que la voiture, en envahissant complètement les places transf
635 ment les places transformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie
636 dministration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritai
637 sacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’ à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement
638 s de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». François Peyrot : C’est en effet une erreur, car une
639 de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’armement, en passant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et
640 , m’enthousiasme. Je trouve merveilleux de penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux q
641 acob Roffler : Quatre mille personnes travaillent à l’hôpital cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies
642 ns compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais qu’actuellement, sur le pl
643 rester humain. Il y a des limites qui commencent à être atteintes : celles où l’on subordonne l’économie et en particuli
644 économie et en particulier l’industrie automobile à cette affaire d’emploi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens
645 qui ai conçu l’auto, ce n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construction d’autoroutes. Pour les autorou
646 e n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement
647 de résoudre le problème du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’éviter
648 bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : pos
649 sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les
650 rs ont notamment prouvé que des écoliers étudiant à proximité de routes fréquentées, connaissent une modification de leur
651 cute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et leur importance dans la vi
652 ortance dans la vie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à présent cela n’a pas tellement été fait. J’
653 ent cela n’a pas tellement été fait. J’ai assisté à toutes les séances sur les règlements du Conseil fédéral en la matièr
654 ntation fédérale s’est attaquée très sérieusement à ce problème. Le peuple suisse a écarté l’initiative Albatros. Par con
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
655 que d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justement le footb
656 rlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce d
657 urri avec Montherlant. Ce dernier alla même jusqu’ à m’envoyer une photo où on le voyait habillé comme un gardien de but,
658 l avait écrit de sa grande écriture, impériale. «  À Denis de Rougemont, colonne de la défense, son camarade, Montherlant.
659 l. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai beaucoup parlé football.
660 espect de l’autre. Mais force est de constater qu’ à l’heure actuelle cette morale est en train de fortement se dégrader e
661 particulièrement néfastes : la commercialisation à outrance de certains sports, dont certains méritent à peine ce nom, e
662 s des Jeux olympiques ? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte le nationalisme lors des JO : hymnes nationaux, dr
663 naux, drapeaux, bref le protocole. Tout cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la mo
664 JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les démocraties occidentales ont eu le p
665 aller tout en exprimant clairement leurs raisons, à savoir qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’un régime scan
666 ntes. Le peuple allemand aurait en effet commencé à remettre en cause très sérieusement la valeur de la politique menée p
667 , j’approuve totalement ceux qui refusent d’aller à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l’on sai
668 r à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l’on sait. D’autant que le gouvernement russe a largemen
669 gement radical. D’ailleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée
670 membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO
671 lympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité
672 Quoi ! On veut m’arracher mon drapeau, on en veut à l’honneur de mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est
673 féroce. Beaucoup de journalistes vont même jusqu’ à écrire des phrases telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, i
674 fs imposaient leurs volontés les plus arbitraires à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’
675 déchaîner. Ne serait-il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je l’admirais comme adolescent da
676 L’entretien est précédé du chapeau suivant : « Né à Neuchâtel en 1906, Denis de Rougemont est l’écrivain suisse le plus e
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
677 eine valise de manuscrits en train et de livres «  à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois, et livres q
678 is, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo
679 s mises en train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicola
680 éditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et lectures.
681 vues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule
682 , ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m
683 de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte que je ne savais plus par cœur les sonnets des Chimères : c’
684 est réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octob
685 enève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que lisent les écrivains romands ? »
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
686 cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce q
687 Denis de Rougemont expliqua pourquoi l’essai est, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origines
688 qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face au
689 it synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuv
690 an Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjami
691 vain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on le jugera. Rendons leur place
692 langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on le jugera. Rendons leur place aux essayistes dans to
693 lraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personnel, pour la première fois en public. On s’étonne souve
694 clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fo
695 depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation et direction e
696 ndant trente ans du Centre européen de la culture à Genève ; présidence pendant seize ans du Congrès pour la liberté de l
697 ize ans du Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève en
698 de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association européenne des festivals
699 es, je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meill
700 une précaution la question que beaucoup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions,
701 is de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienne
702 le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’est joué, à la fois hors de moi et
703 i d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Kœstler l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement ent
704 ent entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocrat
705 celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guerre entre eux d
706 uerre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à la faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les
707 tralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions condamnés à
708 en nous refusait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut
709 -conformistes des années trente », bientôt reliés à d’autres groupes anglais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d
710 omme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement assoc
711 rit , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 19
712 veau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guer
713 quelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’ à la guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu
714 associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos
715 u service Armée et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne
716 al, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui
717 ette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pét
718 e Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une condamnation à quinze jours de fort
719 à Londres. Cet article me valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni cour
720 mnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État étra
721 ’eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la S
722 isa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une mission de conférences sur la Suis
723 utte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre d
724 la Résistance, j’ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire.
725 ndividu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute politiqu
726 l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocra
727 librement (les juristes connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles-c
728 âches qui dépassent leur compétence ; ces régions à leur tour se fédérant, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental
729 chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique — voir la Suisse jus
730 able de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pou