1 vec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’ être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est

2 que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que

3 etits chapitres à la fois si concis et achevés, n’ est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique

4 une sensibilité protestante — si passionné. Nul n’ est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tou

5 s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plu

6 es Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même

7 sure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’ est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’indi

8 éfiant », tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en vei

9 Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que

10 ue « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer, comment se compren

11 Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimist

12 qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très p

13 èses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout

14 ne par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’ est -il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages

15 le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines

16 à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’arranger, comme au

17 comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’ est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au ch

18 iers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envi

19 ds comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ins

20 ns munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à

21 superbement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un ét

22 votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’ent

23 ue Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peup

24 ir qu’un beau roman : c’est un roman chrétien. Qu’ est -ce donc qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se con

25 roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou encore « l’insondable Providence » mise e

26 se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histo

27 conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est -ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains angl

28 e christianisme se passe dans cette vie ou bien n’ est pas du christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roma

29 e vie ou bien n’est pas du christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus

30 pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’ être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est cer

31 un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables

32 certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort te

33 e d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître la nature et ses abîmes,

34 n connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps

35 ignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’ est pas un ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche l

36 profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres , qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au min

37 e d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde, qu’il est , sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes, mal engagées ou me

38 une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire

39 ’histoire ». Cette chronique d’une vie de femme n’ est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qui mériteraie

40 ument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’ être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et leur

41 star de l’affiche (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il es

42 eux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia

43 ctaires à la caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est

44 é que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’ est pas chez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’il est essentiel

45 ez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soit en

46 ent négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture française est malade elle aussi d’une

47 lle soit encore, Dieu merci, la culture française est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me pa

48 ançaise est malade elle aussi d’une maladie qui n’ est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’incultu

49 écrivain, qu’on croie tout cela… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citai

50 ourir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit au moins deux articles

51 quatrième enfin, malgré ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoi

52 n second métier, ces écrivains ! La littérature n’ est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel

53 à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « second métier » sont rares et

54 n. Voire ! Outre que les cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daudet n’ont pratiqué la méd

55 t les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes les forces d’un homm

56 , improviser… Or les nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux do

57 ncore d’écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du philosophe, par exemple. Ce qui ne va pas sans r

58 déclarer pathétiquement que c’est la société qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’il n’y tro

59 t la société qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci s

60 it à expliquer que les meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent en

61 , se moquent un peu de la culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait

62 Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas des philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’être. Ils o

63 philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’ être . Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se faisaien

64 oman en 10 volumes ! Et l’Adolphe de Constant, ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait de ce Zarathoustra dont on ve

65 se payer de telles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’un éditeur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint de re

66 ns ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa pert

67 perte, de bonnes petites histoires coquines. (Il est certes des exceptions à cette règle déplorable. Elles se font excessi

68 ès futurs du débutant, dont les premiers ouvrages seront sans doute déficitaires, mais qui plus tard, si la célébrité se dessi

69 fait apparaître assez clairement que la situation est sans issue directe. J’entends que nulle réforme légale ne suffirait à

70 désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est -ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’y porter re

71 rt de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à l’image d

72 es auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’un

73 inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et en particulier la li

74 intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour m

75 rer depuis. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe

76 re siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu

77 n grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand Proust, Gide ou Valéry ne paraissent rechercher l’au

78 our une « littérature » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des ins

79 second qu’au premier) la lecture, aujourd’hui, n’ est plus du tout ce qu’elle était au siècle passé pour des millions de pe

80 cture, aujourd’hui, n’est plus du tout ce qu’elle était au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions :

81 u même l’État, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est

82 es succès. C’est le sens même de la lecture qui s’ est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que les plus grands d

83 ens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’ est perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont b

84 ur la paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des es

85 e guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais la société en pâtit, plus gravemen

86 l’affaire des Églises), il faudrait se soucier d’ être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de

87 ivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature

88 ris ceci à l’intention d’un de nos journaux, ce n’ est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’at

89 s dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique de ces problèmes. On ne ma

90 s. On ne manquera pas de me dire que la situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute.

91 nquera pas de me dire que la situation est loin d’ être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si l’o

92 ’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’ être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout à l’

93 choses. J’observais tout à l’heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire auss

94 st à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il

95 fs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’ être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans

96 table. La raison d’être des petites démocraties n’ est pas dans le domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui

97 ruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nous, Suisses, plus vitaux encore que pour les grandes nations q

98 et se montrer fort exigeant sur ce chapitre, ce n’ est pas seulement « faire marcher le commerce », mais c’est aussi faire a

99 si faire acte civique, dans une cité dont l’idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition d

100 Et traités en deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de pen

101 nt une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t -on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé.

102 oins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de

103 de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes !

104 est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment

105 és, perdu dans la foule exaltée je me disais : Qu’ est -ce que tout cela, ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’u

106 résent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’ est plus actuel que le phénomène du rêve, je dirais même en politique. Ri

107 mène du rêve, je dirais même en politique. Rien n’ est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui

108 notre époque, plus que toute autre semble-t-il, s’ est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung e

109 e part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’ est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaine

110 ie, roman, philosophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses ra

111 rétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que celles du savant viennois. Elles englobent

112 eligieux et métaphysiques. Tout le premier volume est d’ailleurs consacré à l’examen des théories romantiques du rêve. Ce s

113 é à l’examen des théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la plupart des lecteurs non spécialisés une découvert

114 écialisés une découverte pleine d’attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë des problèmes que posèr

115 s dont nous ignorons tout. C’est que leurs œuvres sont pratiquement inaccessibles au public de langue française : en exposan

116 Mallarmé, pour ne rien dire des contemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de mo

117 Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, nota

118 gé qui veut que les romantiques allemands n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des

119 n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’une lucidité puissante, voire témé

120 ner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses f

121 fin au moment où cet article atteindra la Suisse est l’une des plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’autant plu

122 autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes politiques. Roos

123 que extérieure, l’opposition des deux candidats n’ est guère plus claire. Roosevelt a pris position contre l’idéal totalitai

124 ’avec Roosevelt l’entrée en guerre des États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’est pas certain. Mais peu

125 erait un peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’ est pas certain. Mais peut-être cette nuance hypothétique joue-t-elle un

126 ’on ne veut bien se l’avouer ici dans le choix qu’ est en train de faire le corps électoral américain. Qu’on ne s’y trompe p

127 n. Qu’on ne s’y trompe pas : le parti proallemand est extrêmement faible aux États-Unis, mais le parti antiguerre reste for

128 ats-Unis, mais le parti antiguerre reste fort. En sera-t -il de même lorsque cet article paraîtra ? Il y a huit jours, les expe

129 ant aux candidats socialiste et communiste. Que s’ est -il passé ? Personne ne pourrait le dire avec certitude, pas plus qu’o

130 e toute peu dangereuses, de la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettables, dénotant un manque d’é

131 d’exulter, les démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manifestant lui-même se déclare désolé… Car la règle taci

132 se déclare désolé… Car la règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son

133 de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pour persuader l’Américain moyen des intentions « dic

134 gne portant la devise : « Je voudrais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode des boutons à slogans fait d’ailleurs fure

135 t peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs. Pourtant personne n’ig

136 e. En somme, l’opposition des deux candidats peut être assez bien résumée par cette formule : C’est l’opposition d’un aristo

137 i se dégage de ces paradoxes politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Améric

138 : démocratie. Car « démocratie », dans ce pays, n’ est pas un terme usé comme il l’était en France, mais un synonyme de sant

139 , dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il l’ était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et d

140 ne (17 janvier 1941)j k New York, décembre J’ étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection président

141 de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre par

142 gagne, je remplis mes caves de conserves. Car ce sera , je vous le dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe

143 de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne s

144 h était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vraiment battu. On peut dire aujourd’

145 sans exagération que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La pr

146  » de la démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France. La seconde a été gagnée par l’Amérique. En atte

147 première a été perdue par la France. La seconde a été gagnée par l’Amérique. En attendant le résultat de la troisième et de

148 ns de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : s

149 cratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa circula

150 pidement ses blessures : signe que sa circulation est bonne. Si les oppositions politiques les plus violentes laissent peu

151 a constante circulation d’idées et d’hommes qui s’ est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population. L’opinio

152 le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les

153 une période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois certains flottements dans la politique du New Deal, m

154 olitique du New Deal, mais ces défauts techniques sont compensés par un avantage moral considérable : un nombre croissant de

155 alifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’ est plus l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n

156 sive des cliques de politiciens de métier. Elle n’ est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chac

157 e à faire. Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de

158 onsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davantage. C

159 éalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler les républicains et les démocrat

160 ente, mal définie… Elle se cristallise, et encore est -ce dans les courtes périodes d’élection, d’une manière d’ailleurs imp

161 s citoyens en deux masses à peu près égales, — je serais tenté de dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de l

162 nérales, signifie pratiquement que les États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’

163 des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ?

164 une découverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’ est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une pl

165 st qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il fa

166 ne place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain

167 t-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien n’apparaît plus naturel. Les États-Unis ont ét

168 rien n’apparaît plus naturel. Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour c

169 s, méthodistes, presbytériens, tous ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouv

170 partient à l’Église réformée a bien des chances d’ être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; Angla

171 e Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, I

172 mand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, Irlandais ou Italien. À ces di

173 thérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’origine sont ve

174 Irlandais ou Italien. À ces différences d’origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe : l’Église

175 te, des différences de classe : l’Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Église protestante épiscopale (de r

176 ’Église protestante épiscopale (de rite anglican) est surtout citadine et « fashionable ». Voilà qui explique, d’une part,

177 pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire com

178 décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’ être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’est vu curieusement

179 connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’ est vu curieusement négligé par la presque totalité des observateurs euro

180 ges qui forment l’opinion moyenne du pays. Ce qui est étonnant, c’est précisément que cela n’étonne personne ici. Je songe

181 uide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête : « Préservez votre privilège am

182 ue de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la paroisse. Plus s

183 de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement approuvé, parce que, dit-on, sa piété profonde lui g

184 « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions.

185 s passés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capi

186 gural terminé, et à peine les applaudissements se sont -ils apaisés, une voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et d

187 er et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine.

188 la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques

189 la longueur du voyage, pratiquement, à ce qu’elle était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant, me voici bien a

190 ns de l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’ étant heureusement dénouée dans les hauteurs du ciel arctique, nous montâme

191 tres déjeunent. Je regarde par mon hublot. La mer est blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup elle se d

192 neuse. Mais tout d’un coup elle se déchire : ce n’ était qu’une couche de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surfa

193 clair y traîne sa fumée, c’est un paquebot qui en est à la troisième journée du trajet que nous ferons à rebours en quatre

194 s de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoi

195 ferme le monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près

196 n ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau !… » — « Mais tout ici a été fait par les Américains pendant la

197 cher, ici, tout est beau !… » — « Mais tout ici a été fait par les Américains pendant la guerre… » — « Taisez-vous, me crie

198 vous, me crie-t-elle, je retrouve l’Europe ! Ce n’ est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges,

199 , je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment d’ être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces meubles blancs,

200 la vengent, croit-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous rou

201 d’aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est -ce que Paris a été bombardé ? me demandent-ils non sans inquiétude. —

202 lleurs. Crise des logements. — Est-ce que Paris a été bombardé ? me demandent-ils non sans inquiétude. — Et New York donc ?

203 tés, comme les premières gouttes d’une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne r

204 s des Champs-Élysées ? Je me disais : « Non, ce n’ est pas vrai, je vais me réveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bi

205 n, ce n’est pas vrai, je vais me réveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauc

206 les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres , d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les sig

207 46)o Plus Suisse que nature Que la Suisse soit restée aussi suisse m’a paru proprement incroyable. Je ne trouve ici

208 tonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes souvenirs, à peine un peu plus ressemblant. Tout est int

209 souvenirs, à peine un peu plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie des employés intacte, quand on demande un rense

210 issé le temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’ est pas toujours au galop.) Les maisons des quartiers extérieurs intactes

211 sse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est

212 le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tient encore pour anormal. J’ai l’im

213 r : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tient encore pour anormal. J’ai l’impression qu’on exagère un peu, à cet ég

214 t présentés par MM. Hitler et consorts. ⁂ Je m’en tiens là dans mes jugements, j’arrive à peine. Mais si j’essaie de situer c

215 voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s’ est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, c

216 de voir, du monde, ce qu’il en reste et que l’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui est la d

217 voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du Continent. Un peu plus loin, j’irais

218 on d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée, comme disent les Anglo-Saxons, pensant au temp

219 oto que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui offrait son modèle, mais q

220 dans le pays qui lui offrait son modèle, mais qui est le seul, ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligu

221 Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne sont pas représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la Suisse minusc

222 ains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment —

223 t 1950)p Messieurs les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’Europe, et non pour faire semblant de la faire. Fair

224 récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’ était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souverains.

225 guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sau

226 notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’ était rien au regard de celui que nous courons. Une partie de l’opinion réc

227 t « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848

228 vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août,

229 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votant

230 ne exécutif, entre en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, au

231 un plus grand péril ? Vous me direz que l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser

232 epuis des siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer, sans offense, nos modeste

233 mes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’ est pas exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d

234 ais il n’est pas exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à St

235 hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en m

236 ouvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans l’ensemble du monde. V

237 ns l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’étaient les nôt

238 plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’ étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que celle de

239 que ne l’étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits

240 ent nos journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui n

241 cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouch

242 ouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certes, comparaison n’est pas raison, mais qua

243 sont tellement différentes… Certes, comparaison n’ est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes

244 nd à nous démontrer que la solution fédéraliste n’ est pas seulement praticable en principe, mais pratique. C’est assez pour

245 plier d’y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’ est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour

246 ’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été , soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non

247 . Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des

248 t 1950)q Messieurs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de

249 mblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impatients, mais ang

250 ilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impatients, mais angoissés. Nous ne voulons pas qu’on aille vite

251 a tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’ être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’entendent pas

252 es Coréens n’entendent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec l’accent anglais. Vous allez me parler, je le sais bien

253 és accumulées sur votre route vers l’unité. Elles sont connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’

254 route vers l’unité. Elles sont connues. Ce qui l’ est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le rap

255 tes motivés sur vos intentions véritables. Elle n’ est pas sûre qu’une fois dotés d’un instrument un peu meilleur — moins as

256 nd. Elle n’a pas l’impression très nette que vous êtes décidés à faire l’Europe envers et contre toutes ses routines décaden

257 us avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par un alinéa, déconcertés par un éternuement

258 e trompe et méconnaît vos sentiments intimes, qui sont très purs : qu’elle distingue mal les forces colossales qui paralysen

259 tions peut-être subversives (on chuchote que vous tenez en réserve un projet de timbre-poste européen). Certes, il convient d

260 qu’ils aient tous raison à la fois, quand il n’en est pas deux qui tombent d’accord sur autre chose que ne rien faire. Parl

261 e à voir ce qui peut vous faire peur, ce qui peut être plus dangereux que l’inaction totale où vous glissez, plus utopique q

262 it que vous avez le trac. Vous répétez qu’il faut être prudents quand on s’engage dans une entreprise aussi vaste. Ah ! pour

263 se de parler comme un ministre). Car vous ne vous êtes , jusqu’ici, engagés dans rien que l’on sache. Quand vous y serez, il

264 i, engagés dans rien que l’on sache. Quand vous y serez , il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte

265 dans rien que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, convien

266 existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement un toit. Pour tout dire en style familier, ces éternelles p

267 s de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’ est pas bâti en un jour, petit à petit l’oiseau fait son nid, prudence es

268 ur, petit à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va piano va sano, wait and see, step by step, und

269 ds ont l’humeur proverbiale, mais votre assemblée est trop jeune. Je lui propose quelques slogans nouveaux et quelques amen

270 la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’ est pas fait. Mais par deux ou trois décisions, dont celle d’Haussmann, c

271 deux pas, sauf franchir un abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématu

272 e haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré, pour celui qui ne veut rien. Chi va piano perd la Corée.

273 ut rien. Chi va piano perd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinio

274 rien qui l’intéresse. Si vous ne faites rien cet été , vous serez oubliés cet automne. Si vous croyez qu’il vaut mieux ne r

275 l’intéresse. Si vous ne faites rien cet été, vous serez oubliés cet automne. Si vous croyez qu’il vaut mieux ne rien faire, o

276 ne vous paraît possible, on comprendra que vous n’ êtes plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’être là. Constater

277 plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’ être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’une il

278 si quelques-uns d’entre vous, comme je le crois, sont fédéralistes, qu’ils le disent, qu’ils proclament leur but, et tout c

279 dans un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de, « Deuxièm

280 peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’ était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux.

281 le sais, s’en affligent. (On peut penser que ce n’ est pas suffisant.) Aujourd’hui, je voudrais vous dire l’admiration et le

282 ès jusqu’à cette date, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont

283 quer, celui dont, par avance, je vous salue. Vous êtes , Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de c

284 gnifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit d’ être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme

285 héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’ êtes pas seulement les députés de quinze villes capitales, et de cent-ving

286 tes qui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’a

287 iberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la con

288 tre et sculpture ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris

289 des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra

290 res. Bien plus, le monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, d’ail

291 nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont en fin de compte les deux empires qui prétendent partager notre monde

292 ager notre monde ? L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre indu

293 , de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vo

294 de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde

295 oilà ce que l’Europe a su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de

296 musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes , Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des

297 essieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos crai

298 té, je ne sais comment j’ose vous parler, si ce n’ est par angoisse et en dernier recours, soulevé par la passion de tous le

299 destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’ être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette conscien

300 a grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Personne n’est assez grand po

301 onfondues avec les chances de l’homme. Personne n’ est assez grand pour répondre au défi d’un tel destin. Groupez-vous. Dite

302 in. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes plusieurs millions qui n’attendons qu’un signe. r. Rougemont Denis

303 inent, il n’y voit, si j’ose dire, que ce qui n’y est pas ; il voit que ça n’est pas rouge, et que ça n’est pas anglais. Il

304 e dire, que ce qui n’y est pas ; il voit que ça n’ est pas rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de p

305 pas ; il voit que ça n’est pas rouge, et que ça n’ est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs, qui d’une par

306 ont point partie du Commonwealth, d’autre part ne sont pas socialistes, ou ne le sont pas avec le bon accent. Comment s’unir

307 h, d’autre part ne sont pas socialistes, ou ne le sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? Leur e

308 ent s’unir avec des gens pareils ? Leur existence est purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet, d’une étrange arrogance.

309 pamphlet, d’une étrange arrogance. Ce qu’il dit n’ est pas toujours clair. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que l’

310 il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans to

311 t su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’ est pas européen. En effet, dit le pamphlet, nous les Anglais, nous somme

312 En effet, dit le pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par

313 mmunes… Le point de vue politique des Dominions n’ est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolut

314 lutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’ est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On devine ce qu’i

315 ait, car selon sa brochure, ce minimum ne saurait être envisagé que s’il n’affecte pas les intérêts anglais, et que si toute

316 cun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera d’ être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait l

317 ait la nouveauté du daltonisme, encore qu’elle ne soit pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que la démoc

318 ses. Elle se fonde sur l’axiome que la démocratie est identique au socialisme anglais. Il en découle primo : qu’une Assembl

319 e Assemblée sans majorité travailliste ne saurait être tolérable que dans la mesure où elle reste impuissante — d’où le refu

320 un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne

321 s alliés inattendus. Les socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devin

322 onclusions négatives. Au Parlement européen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’el

323 stater objectivement que leurs motifs profonds ne sont point ceux qu’ils donnent, mais bien ceux qu’ils subissent plus que d

324 s démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos souverainetés ? Qui les a vues depuis quelques décennies ? Qui do

325  ? Et comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est un grand historien, écrit au Times qu’elles ne font point partie de l

326 en somme. On essaie de nous dire que l’opinion y tient . Quelle opinion, et qui l’exprime ? Les peuples, interrogés sur la qu

327 xprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bien en peine d’en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étrange

328 C’est tout. Mais s’il faut éviter que l’étranger soit Staline, ils acceptent fort bien que leurs armées soient commandées p

329 Staline, ils acceptent fort bien que leurs armées soient commandées par un Américain. On prétend même qu’ils auraient accepté

330 ue Londres avait dévalué. Je cherche en vain : Où sont encore les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’

331 e se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’ est donc plus qu’un prétexte au droit de veto, qui revient à donner le se

332 es totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient -ils naïfs, quand c’est par décision d’un État étranger qu’ils disent

333 souveraineté du leur ?) Messieurs les députés, ce serait pure folie que d’essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’aveni

334 ver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est . La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — c

335 au prix de l’avenir de ce qui est. La question n’ est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abando

336 ppression des souverainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun d’eux a gardé

337 ’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix elle ne se

338 x qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi

339 sera pas », savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pour tous c

340 ur tous ceux qui pourraient déclarer que l’Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou allemande, ou de g

341 ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle dure, dans ses dive

342 ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous

343 roite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit , pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on

344 ques d’intérêts légitimes, sans compromis elle ne sera pas. C’est clair. Seuls, ceux qui veulent passionnément le But se rés

345 ux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je ne suis pas contre, mais voyez ces difficultés ! L’Opinion, par exemple, n’es

346 voyez ces difficultés ! L’Opinion, par exemple, n’ est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle. » C’est

347 ent », dit Péguy. Elle ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors, pourront bien dire : J’avais ra

348 fait des discours, l’autre qui vote. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse

349 nt ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est . Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’il a

350 qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’op

351 inion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’ était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des

352 oir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’ être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rie

353 cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine

354 es assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un t

355 des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen, ce ser

356 ns que les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estim

357 is si Strasbourg accouche d’un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte que je vous propo

358 Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’ êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplemen

359 , vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation. Décidez de

360 e vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation. Décidez de vous faire élire. U

361 ions ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’un seul : discute

362 urope. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été , en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez la

363 oment, et sous quelles conditions, cela cessera d’ être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut qu’o

364 ïve, je vous demanderai si quelque chose au monde est plus difficile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie,

365 D’une part, on peut penser qu’au point où nous en sommes , il n’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’imp

366 uez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risquer l

367 a dernière chance européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les déput

368 s les députés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vou

369 voir dressé, pour notre espoir, un signe ! Vous n’ êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est

370 oir des peuples libres, ni des peuples muets de l’ Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet ét

371 us pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet été , en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sa

372 iement, cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pa

373 septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas un grand espoir r

374 tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’ est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée

375 ourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une

376 zart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’ est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui rés

377 -vous élire, et fédérez l’Europe pendant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis de,

378 fédérez l’Europe pendant qu’il en est temps. Cet été , en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis de, « Cinquième le

379 triarche (29-30 novembre 1952)u Détaché vers l’ est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays d

380 tement qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est -il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie

381 vant de toucher les rives du lac ; les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est partout, sans nu

382 pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est partout, sans nulle raison visible, découpant une contrée que la natu

383 tue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’ est pas ce petit corps maigre, et ce rire édenté de vieillard polisson qu

384 un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une arm

385 r que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la grande Catherine,

386 vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait plus une lettre aux princes intellectue

387 ucoup mieux qu’à Genève… Donnez vos ordres ; vous serez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers qua

388 œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure « le sentim

389 e. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. «  Sont -ce vos soldats ? » demande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », d

390 par un ami commun de ce que j’habite à Ferney : «  Est -ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante des pieds pend

391 d’un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’un lieu qu’on

392 , militaires, culturelles, il y a celle-ci, qui n’ est pas négligeable : rendre nos différentes nations indépendantes de l’a

393 e. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’ est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui s

394 asses, latines surtout —, les nations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américa

395 ue nos pays resteront désunis et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américaine, incapables d’assure

396 , des USA ? Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux le « grand marché commun » qui est la co

397 ont créé entre eux le « grand marché commun » qui est la condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde

398 èrent que leur simple alliance confédérale devait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par

399 cée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’Eur

400 montra violente. Dans quelques villes, le projet fut brûlé par la population en place publique. L’État de New York était l

401 population en place publique. L’État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait

402 ue. L’État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait assurer son essor et sa

403 comprendre l’extrême importance : Le monde peut être divisé politiquement, comme géographiquement, en quatre parties dont

404 e et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tombées sous sa domination. La supériorité que l’Europ

405 ur triomphe. Que les Américains méprisent enfin d’ être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réu

406 t à la formation d’un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou de toute influence européenne

407 boient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Eur

408 icielles, présentées par les Russes avant Genève, sont en opposition fondamentale avec celles de nos communistes occidentaux

409 a possibilité d’une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui a fait la force principale du stalinism

410 a européenne : l’autorité sans discussion. Telles étant les implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de

411 n engagements concrets. Se demander si les Russes sont sincères serait bien vain : il faut absolument les prendre au mot. Il

412 concrets. Se demander si les Russes sont sincères serait bien vain : il faut absolument les prendre au mot. Ils proposent en e

413 en effet trois principes qui n’ont jamais cessé d’ être les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons maintena

414 es qui n’ont jamais cessé d’être les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons maintenant les conditions précis

415 demander et obtenir le rattachement des pays de l’ Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherai

416 y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-

417 it à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hommes d’État, on

418 e le voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domai

419 utres domaines, politiques ou économiques. Car ce sont elles seules qui permettent l’élaboration de l’instrument sans lequel

420 nt l’élaboration de l’instrument sans lequel il n’ est point d’entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On

421 moyens d’instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des m

422 e Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière était le véritable agresseur, « les événements ayant donné au terme d’agres

423 effet dans un langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le mal

424 orie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’ était pas question d’en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second mo

425 s comme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer un langage commun,

426 le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’ être . Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le compre

427 se mettre à sa place et de remettre en question, fût -ce par simple hypothèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’

428 es. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’ être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela pou

429 t. Je cite : D’aucuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nous sommes convaincus du contraire. Cett

430 capitalisme est meilleur que le socialisme. Nous sommes convaincus du contraire. Cette discussion ne peut être réglée par la

431 convaincus du contraire. Cette discussion ne peut être réglée par la force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans u

432 ntre hommes également convaincus : si cette offre est aussi valable pour d’autres sujets de débats, plus actuels et moins r

433 er, nous ne saurions demander rien de plus ; nous sommes prêts à « causer » dès demain. (Je le dis au nom de la grande majorit

434 estionnons. Causons ! Certains penseront que nous sommes trop faibles sur nos positions trop variées d’Occidentaux chrétiens o

435 a « redoutable dialectique » du partenaire : ce n’ est pas à ceux qui croient cela que les Russes demanderont à parler ! Les

436 ’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’ Est  : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres craindro

437 nts… D’autres craindront que la culture du voisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dan

438 risque normal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repo

439  ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un changement d’attitude

440 émoignages qu’ils en donnent depuis quelques mois soient plus clairs et certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père des

441 la conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tomb

442 qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin

443 t prendre ici dans son sens littéral : un ressort est détendu, la pression tombe. Les effets d’un pareil changement peuvent

444 tombe. Les effets d’un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme psyché collective soviétique. Cel

445 in vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pour un désarmement

446 maintenant, non je n’oserai pas demander pardon d’ être resté paralysé devant leur appel, tant que je n’aurai pas fait tout c

447 âtiment de ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de B

448 rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’ est -ce que le communisme ? le monde entier répondra désormais : la théori

449 quement, la trahison des chefs dont pas un seul n’ est mort sous les balles des « réactionnaires », car c’est entre eux qu’i

450 « réactionnaires », car c’est entre eux qu’ils se sont tous assassinés depuis trente ans, la misère collective et le canon d

451 que, ses clients et ses partisans. Je crois avoir été le premier à proposer, ici, la reprise du dialogue culturel avec les

452 ntres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y sont montrés lourds et stupides, les marxistes parisiens ridicules. Metton

453 e communiste actuel, plus encore que le fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un criminel en pu

454 e que le fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui ap

455 tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’ est pas un article qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’une

456 s pensons simplement que cet heureux lauréat doit être un communiste plutôt qu’un grand poète, grand romancier ou grand styl

457 les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’ est vu contraint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de

458 ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’ être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion possibl

459 ique. Certes, beaucoup de physiciens après lui se sont dit athées, mais cela ne change rien au fait que le mouvement créateu

460 foi dans leur fondement commun, « fondement de l’ être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Anser

461 dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’u

462 ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une méthode philosophique

463 rale et dont l’écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une des prouesses intellectuelles les plus mémorable

464 é plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’ étant pas l’objet d’un problème, mais « le fondement commun du monde et de

465 terme, se trouve d’emblée vidée de sens. « Dieu n’ est pas ce qui est vu, mais ce qui voit », écrit très justement J.-C. Pig

466 e d’emblée vidée de sens. « Dieu n’est pas ce qui est vu, mais ce qui voit », écrit très justement J.-C. Piguet, commentate

467 a présence dans l’existence de l’homme en tant qu’ être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’u

468 u’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fondamentale ». Et le

469 rréductible entre la situation existentielle et l’ être . Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le

470 ion passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Die

471 les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’ étaient révélé jusqu’alors, au Dieu immanent qui s’annonce en leur cœur ». Su

472 voit bien ce qu’en diraient les barthiens dont je fus  : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le libéralisme protestant d

473 dre ? C’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait le plus intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre aut

474 nts », encore qu’Ansermet dise très bien que ce n’ est pas le Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’a

475 bien que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éduca

476 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu sensible au cœur », saisi

477 itionné par des structures physico-mathématiques, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc d’être vraie musique chez ceu

478 es, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc d’ être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment abando

479 porains qui ont sciemment abandonné « le projet d’ être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale éq

480 e Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait -elle la définition du péché, en termes de technique musicale ? Dans c

481 contexte, une autre thèse me frappe : la musique est d’Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts

482 ique est d’Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts, sciences et techniques, de « la foi active,

483 gendré la civilisation occidentale » (p. 209). Je suis bien placé pour savoir les résistances que ce point de vue provoque d

484 ppropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves qu’inspirent parfois tant d’assurance intellectuelle et

485 our, des vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut l’admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’intério

486 xtrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se pas

487 a critique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’affirmer que j’ai « jeté mon sac (militaire) aux orties » avant de

488 in pour un article sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en

489 mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme aux orties, c’est-à-

490 Un critique qui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, le

491 aître de soi, convaincu mais sans fanatisme, il n’ est ni subversif, ni anarchiste, ni cryptocommuniste, ni contestataire fa

492 nt que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidél

493 s relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom desquels notre Confédératio

494 s principes au nom desquels notre Confédération s’ est formée et qu’elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa

495 on dans la communauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’aussi bons Suisses que ceux qui, trop souvent, en toute in

496 leur service que pour faire comme les autres ? Où sont en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de

497 Où sont en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à

498 es meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’ être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écra

499 saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence de toute espèce d

500 vous si franchement et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part

501 ions sur ce cas de conscience difficile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de mes sentiments les plus distingués

502 Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Vendredi dernier, le tribunal militair

503 bjecteurs de conscience non recrutés. Cette peine est identique à cette qu’a déjà subie Bugnot une première fois. Et il ne

504 bie Bugnot une première fois. Et il ne pouvait en être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’aggraver la peine du fa

505 il ne pouvait en être autrement. Car si le juge n’ est plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte

506 t plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’il n’ est plus tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience,

507 de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le président du Tribunal. Une copie nous a été transmise que

508 ue par le président du Tribunal. Une copie nous a été transmise que nous publions ci-dessous. » ad. Cette lettre est suivi

509 que nous publions ci-dessous. » ad. Cette lettre est suivie du commentaire suivant de Bernard Béguin, intitulé « Le “tout

510 ît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’ est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la prison, à titre répres

511 rison, à titre répressif, correctif ou préventif, est une peine trop sommaire pour répondre équitablement à l’aliénation so

512 ation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à é

513 onale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne sont pas eux-mêmes objecteurs, qui ne sont eux-mêmes “ni subversifs, ni an

514 ont, qui ne sont pas eux-mêmes objecteurs, qui ne sont eux-mêmes “ni subversifs, ni anarchistes, ni crypto-communistes, ni c

515 eurs qui étayent son patriotisme, que ce problème soit étudié. En revanche, nous ne pouvons le suivre dans ce “tout ou rien”

516 statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de

517 sse ne serait qu’un État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités du ci

518 stique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de

519 1969)ae af Monsieur le rédacteur en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au pr

520 , et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire o

521 de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’ être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécessaire

522 cteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de tout

523 l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’ est pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions

524 t que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant

525 à défaut d’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de

526 ’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou de

527 ève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Nous avons publié lundi dernier une le

528 cette lettre, ou plutôt l’une de ses copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta u

529 nscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entr

530 « Non, notre civilisation n’ est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)ag ah Pensez-vous qu’il existe u

531 bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de c

532 la plus petite unité que l’on puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec l’historien anglais Toynbee qui dit que la

533 e unité d’étude intelligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture f

534 es nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou partic

535 e ou particulières de la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des r

536 dehors de l’Europe. Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque, le cl

537 ndiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le natio

538 siècle. En peinture, voyez comme l’École de Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigliani, Soutine, Max

539 Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et la culture, qu’ est -ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que l’on entend par cultur

540 culture bourgeoise, parce que la culture n’a pas été faite par des bourgeois. La culture occidentale repose sur l’héritage

541 s de cette culture. Bien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’av

542 urgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné

543 n seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans officiellement, Le pompiéris

544 pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’ est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tou

545 uvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une c

546 ouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des

547 ous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est

548 s. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas elle qu

549 re au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’ est pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes

550 les dictatures communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionn

551 on de nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les Américains : « It doesn’t work », ça ne

552 lus. Ne pensez-vous pas que les revendications ne sont pas assez bien formulées ? C’est exact. On dit n’importe quoi, parce

553 ôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique qu

554 ais vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès est l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de

555 de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’ est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un

556 , civilisations, nous savons aujourd’hui que nous sommes mortelles. » C’est doublement inexact : en premier lieu, la civilisat

557 es. En deuxième lieu, la civilisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mo

558 s aucune. Et la Chine ? Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures soluti

559 us entre marxisme et maoïsme ? Le maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de c

560 sumés par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait cel

561 ution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait celle qui apporterait, un ordre nouveau, prêt à prendre la relève du

562 bli ». Ces conditions idéales n’ont encore jamais été réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonien

563 rannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 19

564 r personnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en est -il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises

565 el ? Le cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impersonnels nous instruit grandement. La première a abo

566 nnellement, je ne crois pas que les civilisations soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fruits, fanent et meuren

567 née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’ est pas à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Ell

568 la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je

569 roduction et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les ef

570 Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la

571 pas que l’homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme

572 i prennent les machines comme paravent. L’homme n’ est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par ex

573 vent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’a

574 mot, et dire que j’allais l’oublier : la bombe n’ est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous la laissez tranquille

575 asser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Le

576 n contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » Je leur réponds : « Je voudrais bien qu’u

577 envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’ est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde

578 ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans

579 i perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sens

580 s, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent

581 tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui pr

582 ode anarchique que traverse notre siècle a-t-elle été préparée ? Je vous dirais sans trop réfléchir : par le nationalisme m

583 ’étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’ est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le pa

584 n souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’ est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sorti

585 z pas si je crois que cela réussira : car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d

586 in), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’ est -ce que cela veut dire ? C’est en somme une morale du risque assumé, d

587 r l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société

588 u’elle pourra… Après tout, le but de la société n’ est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à l

589 Denis de, « [Entretien] Non, notre civilisation n’ est pas mortelle ! », Journal de Genève, Genève, 30–31 août 1969, p. 29.

590 uerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’ell

591 ix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’on s’inter

592 qu’elle doit être envisagée et discutée. Car ce n’ est que dans la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à pa

593 aux militaires suisses ont condamnés en 1967 peut être rapidement esquissé : l’objecteur est généralement de confession prot

594 1967 peut être rapidement esquissé : l’objecteur est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibatai

595 protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux en Suisse romande. Si la notion d’o

596 romande. Si la notion d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique, elle n’en puise

597 la Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astreint au service militaire, alors que l’objecteur de conscience re

598 un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constitution ne permet pas l’objection de conscience pour

599 mée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et non pas antimilitariste. Cela doit être dit

600 tutionnelle et non pas antimilitariste. Cela doit être dit car la procédure qui conduit à la sanction peut faire croire qu’i

601 teur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur le fait que la Co

602 bjecté pour des motifs religieux… La religion n’ est pas le motif exclusif Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il

603 autres motifs de conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent le cadre strictement re

604 rses catégories d’objecteurs. Je pense que ce qui est important, c’est ce qu’ils demandent, ce qu’ils préconisent, et que l

605 nt, et que leurs motivations personnelles peuvent être d’ordre religieux, humanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu

606 iste — je précise que ceux qui font du service ne sont pas nécessairement militaristes… — ou une œuvre anticonstitutionnelle

607 qu’il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’ est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pen

608 ). D’autre part je ne pense pas que la séparation soit tellement entre militaires et objecteurs qu’entre « conservateurs » e

609 t « progressistes », si je puis dire. L’objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en s

610 nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres. Et personnellement j

611 n sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’ est qu’un moyen parmi d’autres. Et personnellement je me sens très proche

612 manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’ est -il pas plus « intimiste » que l’objecteur humanitaire, attaché à renv

613 r aux mêmes conclusions. Denis de Rougemont. — Je suis frappé par la lecture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que da

614 ue l’on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui l’emportent. Que veut dire alors « Au nom du

615 une couverture pour quelque chose dont le contenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique

616 recours à une transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absol

617 e Dieu chrétien, en tête d’une Constitution qui n’ est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin. — Est-elle antichrétienne 

618 ’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin. —  Est -elle antichrétienne ? Denis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. D

619 tection divine ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de cette protection divine que l’on utilise pour la religion

620 ne que l’on utilise pour la religion du civisme ? Est -ce que c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’être civiqu

621 visme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’ être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mai

622 ’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’ être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esp

623 me chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’ être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. Je ne

624 prit des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité première du bon citoyen, et je pense que la critique des

625 tion. Bernard Béguin. — Tout dépend si le citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elle

626 t autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si elles son

627 lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par elle en t

628 s ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’

629 Schaller. — Eh bien ! L’objection de conscience n’ est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puissent s’amender. C’

630 masquer d’habitude. Par exemple le fait que ce n’ est pas la même chose d’être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur pren

631 exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’ être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position particuliè

632 e ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’ être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mettre en é

633 ère pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’ est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie.

634 ’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarch

635 conduire à l’anarchie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, mais êtes-vous conscient aussi du danger i

636 ller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, mais êtes -vous conscient aussi du danger inverse, qui est le danger de l’obéiss

637 êtes-vous conscient aussi du danger inverse, qui est le danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la j

638 Rougemont. — J’aimerais rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Bégu

639 ence vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clairement que le conflit était plutôt avec la Constitution qu’av

640 Béguin. — Il a été dit clairement que le conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec l’armée. Or en effet c’est l’armé

641 mière fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’il n’ est même pas citoyen ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Nous avons quelq

642 tude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’ être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles,

643 té. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie 

644 a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les dir

645 à l’armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens, pas encore soldats, et qu’on lui envoie pour leu

646 servir ? Colonel Vaucher. — La justice militaire est compétente parce que la loi le dit. Nous, officiers de justice milita

647 nconvénient à ce que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je préférerais être jug

648 es tribunaux civils. À leur place, je préférerais être jugé par un tribunal militaire, qui juge essentiellement des honnêtes

649 éaz. — Alors, il y a quelque chose qui pour moi n’ est pas très clair. Colonel Vaucher. — Nous n’y pouvons rien du tout, ce

650 el Vaucher. — Nous n’y pouvons rien du tout, ce n’ est pas nous qui déterminons notre compétence. Nous ne pouvons pas la réc

651 ieux, ou pour motifs moraux, philosophiques, peut être atténuée par le tribunal. Au lieu de l’emprisonnement tout court, on

652 irectement les arrêts répressifs. La différence n’ est pas seulement théorique : les arrêts répressifs sont limités à trois

653 t pas seulement théorique : les arrêts répressifs sont limités à trois mois au maximum, tandis que l’emprisonnement peut êtr

654 mois au maximum, tandis que l’emprisonnement peut être plus long. Bernard Béguin. — Mais est-ce que les arrêts répressifs se

655 ement peut être plus long. Bernard Béguin. — Mais est -ce que les arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit

656 es arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscien

657 , certainement, mais les objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des établissements hos

658 ablissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont -ils logés dans des prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Gen

659 militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’hôpital cantonal. Bernard Bég

660 homme — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas cha

661 rison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés.

662 . — Nous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamai

663 hargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu de plainte de la pa

664 r les conditions de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne peut éviter toute promiscuité, mais les objecteur

665 — Mais si. Il y a un délit constitutionnel qui n’ est pas un délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit l’honnêteté. Vou

666 ls ne peuvent en bénéficier, sauf s’ils déclarent être disposés à l’avenir à faire leur service. L’article 32 du Code pénal

667 ervice. L’article 32 du Code pénal militaire, qui est absolument pareil au Code pénal suisse sur ce point, précise que le s

668 uisse sur ce point, précise que le sursis ne peut être accordé que lorsque le tribunal a la conviction que cette mesure déto

669 senterait au service militaire. Ces jugements ont été cassés par le tribunal militaire de cassation : conformément à la jur

670 s les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais une conviction suffi

671 ais une conviction suffisante. Alors, l’objecteur est forcément condamné, puisque les conditions objectives d’une infractio

672 rt. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) sont réalisées. Mais avec les atténuations dont nous avons parlé. Bernard

673 avons parlé. Bernard Béguin. — Ces atténuations, est -ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’un sentiment public que la ré

674 rnard Béguin. — Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’un sentiment public que la répression était ex

675 malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pensée du législateu

676 timent public que la répression était excessive ? Est -ce que c’est une évolution de la pensée du législateur interprétée pa

677 s Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnation est forcément prononcée lorsque les conditions objectives sont réunies, d

678 ément prononcée lorsque les conditions objectives sont réunies, disiez-vous ? Colonel Vaucher. — L’intention subjective de f

679 ention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalisée. Denis de Rougemont. — Je ne suis pas du tout objecteu

680 être aussi réalisée. Denis de Rougemont. — Je ne suis pas du tout objecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal de se

681 J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime

682 r qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les choses semblaient se présenter de telle

683 es semblaient se présenter de telle manière qu’il serait certainement condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine

684 e porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’autre objet que de dét

685 onditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passait au Moyen Âge dans les tribun

686 ement la constatation objective que le personnage était un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûl

687 lus rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscie

688 uniquement parce qu’on a enregistré le fait qu’il était objecteur. On tient compte des circonstances atténuantes Colone

689 constances atténuantes Colonel Vaucher. — Ce n’ est pas exact. Si l’objecteur bénéficie de circonstances atténuantes ou e

690 e de circonstances atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meurtrier devant un tribunal pénal — très peu condamn

691 ente pas. Quand acquitte-t-on le meurtrier ? S’il est totalement irresponsable. Un objecteur totalement irresponsable sera

692 esponsable. Un objecteur totalement irresponsable sera acquitté aussi. C’est évident. Mais je n’en ai jamais vu. Tous les ob

693 ai jamais vu. Tous les objecteurs que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance att

694 motifs, nous les demandons, car si ces motifs ne sont ni religieux, ni moraux, ni philosophiques, alors nous ne pouvons leu

695 ucoup d’importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs principes. Enfin nous ne condamnons pas perpétu

696 e crois que dans notre pays, l’armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêmes personnages dans les

697 mes personnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges mili

698 des officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges militaires, ce sont des miliciens. Denis de Rougemont. — Je n’a

699 qui, en règle générale, sont juges militaires, ce sont des miliciens. Denis de Rougemont. — Je n’ai absolument rien dit cont

700 hez les civils que chez les officiers. Les civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas la compréhen

701 bsolument pas la compréhension que vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de ma

702 que vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vauc

703 nt violemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez

704 mée je n’ai pas entendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à le dire : nous ne représentons pas l’armée au tribunal mil

705 commandez maintenant une division mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vo

706 vision mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est -ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admettre un service

707 . Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admettre un service civil ? Est-ce que

708 simple, pour vous, d’admettre un service civil ? Est -ce que ça a un sens de contraindre au service militaire des hommes qu

709 e le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’est pas la même chose. Colonel Vaucher. — Nous ne man

710 veut pas servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’ est pas la même chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas de leur di

711 e. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’est pas

712 Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’ est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite. Il veut manifeste

713 cience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un problème for

714 ontre la guerre. C’est un problème formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans la période atomique qui change tout à

715 nard Béguin. — Quand vous dites que l’objection n’ est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à crée

716 rre. Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce qu

717 : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est -ce que nous nous contentons d’appliquer les recettes du passé — qui o

718 passé — qui ont toujours si bien marché — ou bien est -ce que nous avons autre chose à faire que simplement assurer notre pr

719 ité et la défendre par nos moyens traditionnels ? Est -ce que la Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou

720 ’est uniquement la conservation de son acquis, ou est -ce qu’il y a une autre dimension ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — 

721 onnaire Dénéréaz. — Je ne crois pas que tout cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez

722 — Je ne crois pas que tout cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des ad

723 et des soustractions pour savoir si notre défense est encore positive, ou négative. Je pense que notre système militaire, t

724 . Je pense que notre système militaire, tel qu’il est maintenant, avec l’armée que nous avons, est certainement un élément

725 u’il est maintenant, avec l’armée que nous avons, est certainement un élément positif, en dépit de la bombe atomique dont o

726 naître les effets. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique

727 a guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible que nous aurions été attaqués. Pour citer le dernier ex

728 tratégique, il est fort possible que nous aurions été attaqués. Pour citer le dernier exemple : 40 divisions massées à notr

729 s… le grand état-major allemand a estimé que ce n’ était pas suffisant. Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse d’Europe

730 avons l’armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christia

731 tainement. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Il n’ est pas dit que la bombe atomique intervienne dans les combats. Je ne veu

732 bats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute, surtout dans notre c

733 on aborde ce problème, en dépit de tout ce qui a été fait à l’étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur d

734 n progrès… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n’ est pas un progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction

735 — Ce n’est pas un progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais que voulon

736 ions plus un certain nombre d’objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pose la question comme citoyen — et je suis reco

737 s si je me pose la question comme citoyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs de la faire poser — , je pense finalemen

738 faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable en Suisse et que le service militaire obligatoire paraî

739 ouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’ être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard B

740 j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. —  Est -ce qu’un service civil affaiblirait l’armée de milice ? Colonel Vauch

741 nos concitoyens font leur service parce qu’ils y sont obligés. D’autre part, un service civil serait sans doute plus attray

742 ls y sont obligés. D’autre part, un service civil serait sans doute plus attrayant. Nous protégeons mais que construisons-n

743 OTAN, nous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions le service militaire sans dout

744 à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, su

745 épendance. Christian Schaller. — Mais la question est bien là. Nous conservons, mais que construisons-nous ? C’est peut-êtr

746 e Rougemont. — La défense suisse nous a épargné d’ être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais maintenant

747 ons vécues et que notre jeunesse vit actuellement sont venues de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et

748 Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolérées, idéologiquement, p

749 tions de cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fait d’accord. Bernard Béguin. — Nous ne pouvons pas ignorer n

750 té implique d’abord la survie. Vous ne pouvez pas être solidaire si vous courez le risque de l’anéantissement. Christian Sch

751 tenir compte du fait que nos frontières actuelles sont celles de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation

752 Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est -il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquo

753 nt vous imaginez que j’aurais pu ne pas le faire, étant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, e

754 e , sur les trente volumes que j’ai publiés, ce n’ est guère envahissant. N’oubliez pas mes journaux réunis par Gallimard e

755 us mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’ est , hélas, nullement question d’amour… Je sais bien — mais je suis presq

756 ullement question d’amour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des p

757 ique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des relations individuel

758 ve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et que l’autre en tant qu

759 stiques. Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions montre une persistance très remarquable des

760 d’adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée ». Mais le Nouvel Observateur, qui la cite, ajoute : « Tre

761 ment un changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adultère s’est la

762 ccident, et la proportion réservée à l’adultère s’ est largement accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon sens ! Il reste q

763 mais dans mon sens ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des malad

764 aladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un bes

765 isme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humai

766 -il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont pour vous l’amour d’une part, l’Europe d’autre part ? Mon titre vous

767 dou — répondre à ma place et me donner raison. Je suis revenu sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai

768 i essayé de montrer que la notion de révolution n’ est rien d’autre que la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’

769 ocialiste Henri de Man l’avait bien vu. Vous avez été , vous êtes un écrivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les

770 Henri de Man l’avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un écrivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les peuples »

771 à votre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif du mot que j’ai défini dans mon prem

772 Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui est passif : embrigademen

773 i est exactement le contraire du sens actuel, qui est passif : embrigadement dans un parti. Le premier chapitre était intit

774 embrigadement dans un parti. Le premier chapitre était intitulé : « L’engagement politique », le second : « Ridicule et impu

775 e et impuissance du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis

776 ngagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu

777 des États-Unis, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquemen

778 e. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me suis engagé au service de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’

779 le à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir. Comment à votre avis celle-ci pour

780 j’appelle, qui fera seule l’Europe et qui ne peut être faite que par l’Europe en train de se faire, consiste à déplacer le c

781 doute une convergence, mais la situation actuelle est plus sérieuse que mon petit pamphlet, avouons-le, car c’est l’école q

782 plusieurs inédits. Ces ouvrages, et d’autres, ont été traduits en norvégien, en grec, en anglais, en catalan, en portugais,

783 en japonais et en italien. C’est dire que 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancien

784 de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’ être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les g

785 èmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détracteurs. Voiture fonctionnelle, voi

786 dget, voiture polluante, voiture-ras-le-bol, elle est tout cela à la fois. Mais n’être qu’utilitaire et discrète, elle n’y

787 -ras-le-bol, elle est tout cela à la fois. Mais n’ être qu’utilitaire et discrète, elle n’y parvient plus. « C’est devenu une

788 notre table ronde. De toute évidence, que l’on y soit favorable ou non, il faut reconnaître que la voiture a très largement

789 dre social, économique et politique qui lui avait été fixé au départ. Pour faire le point sur la « voiture dans la société

790 a voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire , il lui a consacré un chapitre intitulé : « Première h

791 n travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’être pour ou cont

792 tre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’ être pour ou contre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’organise

793 cipé en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables

794 clables à Genève. En tant que futur médecin, il s’ est bien sûr penché plus particulièrement sur les effets de la pollution

795  : Denis de Rougemont, dans votre livre, L’Avenir est notre affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’une nécessité

796 mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est parvenu à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits f

797 s publicitaires habiles. Mais si la voiture avait été , dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l

798 de toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est la sienne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’entrée de j

799 : d’entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automobile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance d

800 outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trouve utile. Si

801 économiques et éthiques. L’autre histoire de fous étant , dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme. Et j’espè

802 j’espère qu’il n’y en aura pas une troisième qui serait celle des centrales nucléaires… La première grande entreprise de cons

803 oit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’ est lancé dans cette aventure contre laquelle tous ses amis le mettaient

804 le mettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut un immense best-seller, je lis cette phrase absolument stupéfiante :

805 des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’aller

806 s produisent 12 millions de voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait achetée pour jouer avec ses

807 , M. Peyrot, à l’utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait un

808 ture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez vive. François Peyrot : Il n

809 rot : Il n’y a pas d’invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches.

810 e recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’importe quel industriel vous le confirm

811 tale de notre civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford a

812 oiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’ est pas une démonstration suffisante. Les financiers qui mettent des capi

813 évidemment que cette usine puisse fonctionner et soit rentable. Jean Kräyenbühl : Je pense que Ford a surtout exprimé un se

814 inscris en faux contre cette interprétation. Ce n’ était pas lui qui a affirmé qu’il n’y avait pas de besoin pour la voiture,

815 is. C’était la vox populi. Jacob Roffler : Rien n’ est plus facile que de créer des besoins, grâce aux mass medias et aux mo

816 « La voiture vous rend indépendant. » Mais rien n’ est plus faux. En auto, vous devez respecter des horaires au même titre q

817 a assené la preuve contraire. Son expérience peut être opposée à une déclaration très générale et non vérifiable scientifiqu

818 entifiquement selon laquelle aucune réalisation n’ est possible sans besoin. François Peyrot : Permettez-moi d’observer que

819 solue. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor.

820 esque pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Hu

821 ù seules les familles aisées roulaient en voiture est dépassée. L’élévation du niveau de vie — et je m’en félicite — a fait

822 ne personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est considérable. Mais bien entendu cela comporte aussi des inconvénients

823 se déplacer en voiture, ils n’accepteront plus d’ être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler : Vo

824 tre véhicule le matin pour aller travailler, vous êtes continuellement pressés, stoppés aux feux, bloqués dans des files. Et

825 es avantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immen

826 onvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif, c’est tout

827 si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif, c’est tout ! Denis de Rougemont : Permettez-moi

828 it nous le faire croire dans certains milieux — d’ être pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problèm

829 me à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple type du danger qui consiste à accepter ou promouvoir des in

830 peut bien nous mener. Mais voilà, Henry Ford ne s’ est pas posé la question. Il ne s’est jamais demandé ce qu’il adviendrait

831 Henry Ford ne s’est pas posé la question. Il ne s’ est jamais demandé ce qu’il adviendrait si au lieu de vendre cent ou deux

832 ules par an, il en vendrait des millions. Il ne s’ est jamais interrogé sur les conséquences au niveau social, économique, s

833 conomique, sur la vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous

834 sa première locomotive routière à vapeur. Cela a été pour lui son chemin de Damas. On voit d’ailleurs très bien le préadol

835 ès bien le préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescen

836 . Il opposait la voiture au chemin de fer qui lui est réglé et n’offre aucune possibilité de détour. Mais à partir de ce fa

837 ilité de détour. Mais à partir de ce fantasme, qu’ est -ce que cela a donné ? Quand il disait à ses ouvriers : « achetez des

838 ndement de l’automobile — sur le plan technique —  est l’inverse d’un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais

839 des machines qui a le plus mauvais rendement qui soit . Les Américains ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l

840 ne des automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfai

841 tait de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitement acceptables, même à la limite romantiques, on

842 voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour venir travailler. Jaco

843 les structures autour des grands ensembles, tout est bétonné en fonction des quatre roues. François Peyrot : M. Kräyenbühl

844 hicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. Certains sont pour accroître l’importance des transports e

845 s. Des solutions peuvent être apportées. Certains sont pour accroître l’importance des transports en commun, d’autres au con

846 ntraire pour favoriser la liberté du trafic, tout est possible. Mais on ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de

847 pos initial. En moins de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjonctu

848 ritablement la General Motors et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes ind

849 . Car si on me demande face à cette réalité si je suis pour ou contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade.

850 sements. C’est en raison de l’auto que le pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occidentale dépend aujourd’hu

851 z-vous qu’à l’origine on avait compté avec cela ? Est -ce qu’on aurait accepté de rendre toute l’économie occidentale dépend

852 ussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de l’industrie automobile française réunis da

853 État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des intérêts régionaux

854 laquelle choisir ? François Peyrot : La vérité n’ est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts s

855 a vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce

856 à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocratique où chaque

857 organe a ses pouvoirs et sa représentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’op

858 ôté de villages, sans que la population concernée soit consultée. L’initiative Weber peut justement amener la population à u

859 iser. François Peyrot : Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre l’initiative qui est constitutionnelle. Mais je suis contr

860 -moi bien, je ne suis pas contre l’initiative qui est constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’elle vise. Denis de

861 e l’initiative qui est constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’elle vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé

862 ntre le but qu’elle vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que les expropriations sont de plus en plu

863 bien obligé de reconnaître que les expropriations sont de plus en plus fréquentes et représentent une atteinte aux droits in

864 entent une atteinte aux droits individuels. Elles sont par ailleurs aussi de plus en plus brutales. Elles se font au nom de

865 ficielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’ est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons !

866 st plus question de demander l’avis de qui que ce soit . Nous le ferons ! disent ces messieurs qui forment ce qu’on a appelé

867 r certains tracés contre la volonté populaire, ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me

868 non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à

869 t de droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référend

870 i qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum.

871 iscutera. Je n’ai jamais dit que cette initiative était antidémocratique. J’ai seulement affirmé que les reproches adressés à

872 reproches adressés à nos autorités, en ce moment, étaient injustifiés. Car nos autorités agissent conformément aux lois voulues

873 nous demande de décharger le réseau routier qui n’ est pas conçu pour ce genre de trafic mais, lorsque l’on veut construire

874 veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisan

875 une énorme contradiction. Denis de Rougemont : Je suis parfaitement d’accord avec vous. Seulement pour en revenir à l’initia

876 noncer. François Peyrot : Rétroactivement, ce qui est contraire à tous nos us et coutumes ! Denis de Rougemont : Vous savez

877 outes. Et d’un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit trop d’autoroutes en Suisse. Étant Neuch

878 t démontré. On bâtit trop d’autoroutes en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien les problèmes qu’apporte la constructio

879 automobilistes… Alors face à de telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocra

880 e fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être possible. Hubert de Senarclens : Des récentes études ont montré que l

881 ens : Des récentes études ont montré que les gens sont de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voiture sur l

882 ritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On

883 rappelez-vous, la notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil municipal ont proposé qua

884 concerne les transports en commun, l’État n’a pas été particulièrement rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une

885 densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque l’on passe aux actes, plus personne n’est

886 ais lorsque l’on passe aux actes, plus personne n’ est prêt à abandonner son véhicule individuel pour prendre les transports

887 dans son petit livre sur l’auto : « Les accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour les empêcher sont encore pl

888 ulaires mais les mesures prises pour les empêcher sont encore plus impopulaires ». Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il

889 e que dit Jean Kräyenbühl à propos de l’urbanisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’habitation extérieures à la

890 t par conséquent des véhicules en ville, laquelle est utilisée davantage pour les bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou l

891 C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne les parkings périphéri

892 ques un point d’interrogation demeure selon moi : est -ce que le conducteur qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire

893 t aller habiter à la campagne, c’est que la ville est devenue invivable. Ce qui se passe en Occident, à cet égard, est just

894 ivable. Ce qui se passe en Occident, à cet égard, est juste l’inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de déve

895 es lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiques des ci

896 s un petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’administration de la v

897 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’au

898 n substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseignement, téléphone, urbanisme,

899 roulent autrement. Mais tout de même, ce jugement est assez impressionnant lorsque l’on sait que Sauvy est non seulement pr

900 assez impressionnant lorsque l’on sait que Sauvy est non seulement professeur au Collège de France mais qu’il s’occupe cha

901 ène une circulation moderne dans des villes qui n’ étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte, c’est clair, des problème

902 c’est clair, des problèmes presque insolubles. Je suis d’avis que des règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous somme

903 règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes ici, je pense, tous d’accord pour penser que cette déclaration de feu

904 déclaration de feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que

905 nstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». François Peyrot : C’est en

906 ce qu’elle a d’authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de Senarclens : Il existe un chiffre assez

907 ique sur la voiture — qu’on le veuille ou non — n’ est -elle pas neutralisée par cette réalité économique ? François Peyrot :

908 mbre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à

909 ement, en passant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantit

910 les routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais qu’actuellement

911 uellement, sur le plan strictement économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrai

912 ester humain. Il y a des limites qui commencent à être atteintes : celles où l’on subordonne l’économie et en particulier l’

913 aiment pas d’autres moyens de créer des emplois ? Est -on véritablement obligé de provoquer des accidents car cela évite du

914 e dans la carrosserie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto

915 je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’ est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas moi qui pousse à sa multipl

916 e. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’ est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construction d’autorou

917 onstruction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de résoudre le problème du trafic, elles t

918 t qu’au moindre départ en vacances les voitures y sont bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait

919 ert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer

920 c. Une chose étonne tout de même. Ces évaluations sont presque toujours faites, chez nous, par des milieux médicaux marginau

921 t de la grande majorité des médecins ou ces faits sont -ils fortement exagérés ? Jacob Roffler : Je ne pense pas que l’on pui

922 n du silence. En fait même si certains phénomènes sont connus, c’est un secteur qui démarre et il y a encore relativement pe

923 il y a encore relativement peu de médecins qui se soient véritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. P

924 é. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséq

925 les effets de la voiture sur la santé sont loin d’ être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences de l’

926 Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Une bonne partie est

927 année sur un kilomètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les effets biologiques que vous de

928 maux de laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsables du cancer. On connaît également le taux de plomb déposé

929 sculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que des écoliers étudian

930 n de leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable d’un certain nombre de maladies pulmonaires. La

931 l’air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part en ce qui concerne les accidents

932 on s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsables de nos crimes. Ce

933 la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme

934 ne sont jamais responsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme. La bombe atomique seule n’est pas dangereuse

935 angereux c’est l’homme. La bombe atomique seule n’ est pas dangereuse. Mais le risque apparaît lorsque vous donnez aux homme

936 paraît lorsque vous donnez aux hommes tels qu’ils sont — finalement assez dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou

937 ersonne ne discute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et leur importance

938 de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médec

939 rminer. Et jusqu’à présent cela n’a pas tellement été fait. J’ai assisté à toutes les séances sur les règlements du Conseil

940 règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout était , je vous l’assure, plutôt obscur. Jacob Roffler : Mais alors pourquoi

941  ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’ est attaquée très sérieusement à ce problème. Le peuple suisse a écarté l

942 urieusement, d’ailleurs, mon premier article, qui fut publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était u

943 une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre

944 is à l’ombre des épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais beaucoup aimé ce recueil d’essais : au

945 rlait du football que pour son style. Mon article fut donc publié dans La semaine littéraire, seule revue paraissant alors

946 eur de Montherlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez nourri avec Monthe

947 nne de la défense, son camarade, Montherlant. » J’ étais bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je consid

948 au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passionnés de football et

949 inir le rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-

950 , du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette morale est en train de forte

951 t de constater qu’à l’heure actuelle cette morale est en train de fortement se dégrader en raison, selon moi, de deux facte

952 nom, et bien évidemment le nationalisme, lequel s’ est désormais emparé de la grande majorité des compétitions international

953 isément, que pensez-vous des Jeux olympiques ? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte le nationalisme lors des JO :

954 nationaux, drapeaux, bref le protocole. Tout cela est , à mon sens, une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la

955 té d’un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se serait sans doute engagée dans des conditions

956 la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se serait sans doute engagée dans des conditions bien différentes. Le peuple al

957 sté, disant clairement que le fait que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d’admiration du monde ent

958 fait que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d’admiration du monde entier à l’égard du régime commun

959 . Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait -il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir su

960 ent toute forme de nationalisme. Mais certains ne seraient sans doute pas du tout d’accord avec ce changement radical. D’ailleur

961 Un des dirigeants du Comité olympique français s’ est alors rebiffé avec virulence en déclarant « Quoi ! On veut m’arracher

962 pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’ est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse spor

963 Je pense que les mass médias, dans leur ensemble, sont en grande partie responsables de la dégradation du sport. Voyez les p

964 z les pages sportives des journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de journalistes vont même jusqu’à écrire des phrases

965 instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait -il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je

966 opos recueillis par Bertrand Monnard. L’entretien est précédé du chapeau suivant : « Né à Neuchâtel en 1906, Denis de Rouge

967 nt : « Né à Neuchâtel en 1906, Denis de Rougemont est l’écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’un

968 ’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’ étais aperçu à ma honte que je ne savais plus par cœur les sonnets des Chim

969 Suis -je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)as Mardi dernier,

970 iement, avant de parler de cette Europe qui lui «  tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en

971 de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en ferons, Denis de Rougemont expliqua pourquoi l’essai e

972 ons, Denis de Rougemont expliqua pourquoi l’essai est , à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origin

973 n Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut , puisqu’il ne se déclare, pour notre Suisse romande, que tous les vin

974 . Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix vous tranchez en faveur de

975 st poésie, roman, théâtre, et création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’hist

976 littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. L

977 ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me

978 ’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’ est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on le jugera. Rendons leur

979 urnées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’ est -ce à dire? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation et direct

980 es ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la lit

981 ient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix que vous me donnez aujourd’hui, no

982 us, m’en fait même peut-être un devoir. Tout s’ est joué entre 1930 et 1940 J’oserai donc aborder sans aucune précauti

983 , de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, mais candides. Deux séries de motifs po

984 , mais candides. Deux séries de motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma

985 face, et d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 194

986 années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’ est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de

987 à relever. Arthur Kœstler l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est,

988 entre un mensonge total, celui des dictatures à l’ Est , et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques.

989 Nous aurions à la faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les trois régimes totalitaires et les régimes

990 es machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième

991 n temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du personnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je

992 s : « Ni individualistes, ni collectivistes, nous sommes personnalistes ». Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule

993 à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau

994 ans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et foyer

995 gé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on sans doute en hau

996 ler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans trop savoir comment, engagé dans la lutte militante pour

997 istes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que j’ étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œ

998 s pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne

999 e. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour les ra

1000 , pour les raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Kierkegaard et Karl Barth Vers ma vingt-qu

1001 atrième année, j’avais découvert deux auteurs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’all

1002 ique et libertaire, supposait un type d’homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable de ses actes, ch

1003 hacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’ est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis

1004 n de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis libr

1005 our responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (les juristes connaissent bien cela) et à l’inver

1006 connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’ est vraiment libre de ses décisions si celles-ci ne peuvent entraîner auc

1007 ous les personnalistes, précisons — que l’homme n’ est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puisse porter et o

1008 l d’une fédération de l’Europe. L’idée générale n’ étant pas de créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le

1009 i publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, «  Suis -je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève, 30 octob