1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’ Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
2 occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
3 nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
4 ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’ où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
5 raient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
6 pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
7 isions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
8 tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
9 u’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’ Europe , me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusio
10 paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
11 secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’ acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
12 aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
13 don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
14 thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
15 à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
16 habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
17 ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
18 ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
19 ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
20 l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
21 on des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
22 mulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
23 composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
24 osent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’ Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : ca
25 précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
26 aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
27 araison valable qu’entre individus, et comme type d’ individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
28 able qu’entre individus, et comme type d’individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit des Ég
29 ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
30 met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
31 ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
32 u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
33 r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
34 une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
35 e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
36 on fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
37 se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
38 à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
39 voulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
40 du volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
41 une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’ art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
42 t-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
43 ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
44 la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
45 s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
46 alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
47 igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
48  : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
49 sme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’ Europe  ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfo
50 don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
51 ’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
52 rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
53 e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
54 ’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
55 aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
56 eurs, que l’attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
57 t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
58 son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
59 lité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
60 me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
61 arder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’ où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
62 t à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
63 on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
64 parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d’ exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. R
65 iental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal
66 bert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal de Genève, Genève, 16 juillet 1926, p. 1.
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
67 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
68 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
69 Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’ express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
70 ’est, en six heures d’express, changer totalement d’ atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
71 ’express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
72 mosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
73 ’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
74 La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
75 sation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne 
76 on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
77 loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
78 tastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
79 nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
80 finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
81 spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
82 ent des après-midi entiers devant les deux verres d’ eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
83 nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
84 à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
85 oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
86 ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
87 s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
88 ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
89 sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
90 balum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
91 pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
92 « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
93 le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
94 n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
95 vie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
96 s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’ insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
97 Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’ affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
98 tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
99 jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
100 açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
101 grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’ or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
102 lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
103 turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
104 t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
105 olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
106 viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
107 glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
108 e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
109 de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
110 on amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’ or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
111 sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
112 a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
113 eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
114 e salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
115 s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
116 entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe , attend le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal cost
117 . Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
118 compréhensible, rient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui
119 ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
120 finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
121 spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
122 voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panoram
123 sion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de , « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p.
124 n peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
125 emont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
126 le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Sei
127 « l’insondable Providence » mise en action au gré d’ un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce ser
128 n action au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
129 en sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le cr
130 en conséquence de quoi les romans des « païens », d’ un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carr
131 est pas du christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
132 e qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifian
133 an pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’ être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est
134 s’il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de
135 ile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sob
136 capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un v
137 aliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’ avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Ca
138 la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’ y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laiss
139 ps vous laissent quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La
140 quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélanc
141 sir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le ré
142 des réalités artificielles qui énervent nos vies de soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes condi
143 is dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroyances »,
144 lire ce livre à des gens de toutes conditions, «  de toutes croyances ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et d
145 ns de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me le renda
146 ui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où d
147 rofond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’ une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien
148 s simples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’art peut-être, j
149 a nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’ art peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
150 oudoie. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’ apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriét
151 x dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque p
152 vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vivement
153 nité vivement contrastée, et des paysages baignés d’ une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sain
154 . Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil
155 ubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’ elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désorm
156 et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants
157 voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’ une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers
158 n des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’ introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragme
159 des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’ une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journ
160 ste du drame.) Des fragments émouvants du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie
161 nal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à
162 ntent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle
163 u’on porte sur les choses. Le regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des d
164 ildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’o
165 ie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres,
166 iginalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’ un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belett
167 te des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son e
168 u’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la n
169 êque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innoc
170 i enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’ innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques
171 la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’ une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de
172 mineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire ». Cette chroniq
173 vous conterai pas « l’histoire ». Cette chronique d’ une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt
174 rai pas « l’histoire ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qu
175 e ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’êt
176 ésument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’ être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et
177 parition fait songer aux plus radieuses créations d’ Andersen. On a fait un succès depuis quelques années à tant de traduct
178 à tant de traductions qui ne valent pas dix pages de ce roman ! La mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez
179 elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d’ outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, i
180 , il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et plus durabl
181 Éditions « Je sers », Paris. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia  », Journal de Genève,
182 e rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia  », Journal de Genève, Genève, 25 mai 1934, p. 1-2.
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
183 Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis d
184 février 1937)d On n’ignore pas que les partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont adopté de
185 ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et re
186 rdre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivain
187 la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivains, dont certains
188 rer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’ écrivains, dont certains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi le
189 omptent parmi les célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étranger
190 té du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontiè
191 r l’explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifasci
192 déclaré une guerre sans merci à toutes les formes d’ intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Quelle que so
193 caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est pas chez n
194 merci, la culture française est malade elle aussi d’ une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en prem
195 fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’
196 frir ensuite, et peut-être plus gravement encore, de la condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes
197 s anarchique, et dominé par les seules nécessités de l’argent. En dehors des milieux directement intéressés, on ignore, je
198 ressés, on ignore, je crois bien, à peu près tout de cette condition des écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : l
199 le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait,
200 méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment enc
201 ans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment encore, le tim
202 succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un
203 cela… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour quelques f
204 peuvent donner une idée assez juste du sort réel de l’écrivain. Parmi ses confrères académiciens, disait-il, tous célèbre
205  », tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des re
206 dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bu
207 re des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit au moins deux articles par jour, un troisième
208 ème « fait les théâtres », besogne sans gloire et de maigre profit, un quatrième enfin, malgré ses quatre-vingts ans, en e
209 gré ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer !
210 est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la r
211 province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinair
212 ilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ ordinaire : que ne prennent-ils un second métier, ces écrivains ! La l
213 hamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daude
214 n’ont pratiqué la médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistiqu
215 médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes
216 la création artistique requiert toutes les forces d’ un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Com
217 es les forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait adme
218 n homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait admettre que seules l
219 tunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa p
220 il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devient impraticable ; ou si praticable,
221 ouche sur les livres que dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires
222 u produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel, cela fait un re
223 aires pour son volume annuel, cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes
224 , cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d
225 t loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ ascétisme farouche, — ou de surproduction maladive. Praticable mais né
226 les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de surproduction maladive. Praticable mais néfaste : les livres ne payan
227 les nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montre
228 sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’ écrivains des mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On retombe d’a
229 r, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit encore d’ écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du ph
230 si l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le trag
231 dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dé
232 rt. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutio
233 qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait
234 ue les meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore, habile
235 peu de la culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cel
236 d’abord que cela se sache ! d. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février
237 se sache ! d. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
238 Denis de, « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
239 Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e
240 Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, t
241 e de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier articl
242 mon premier article, a notablement empiré du fait de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le
243 it de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes.
244 ons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas
245 ndre ». Naguère encore, ils se faisaient un point d’ honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu
246 guère encore, ils se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables
247 s se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’ imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables au début. Aujou
248 bles au début. Aujourd’hui, ils se voient obligés de se soumettre aux goûts (supposés) du public. Ils renoncent à former c
249 s renoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau bais
250 vain : l’éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s
251 épond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraiment
252 r commande, comme s’il ne s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard :
253 omme s’il ne s’agissait vraiment que de commerce, d’ épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros,
254 s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros, ni trop min
255 ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait de ce Zarathoustra dont on vendit, lorsqu’il parut, 15 exemplaires ? Nul
256 parut, 15 exemplaires ? Nul ne peut plus se payer de telles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’un éditeur, bon gr
257 iteur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser les meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meille
258 il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bon
259 butant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coquine
260 ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coquines. (Il est certes des exceptions à ce
261 passionnés que vient de soulever le fameux projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du con
262 projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs
263 un autre aspect de la question : celui du contrat d’ édition. Depuis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédi
264 ge pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 an
265 assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les man
266 ’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trouveront di
267 , si la célébrité se dessine, se verra prisonnier d’ un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela v
268 rité se dessine, se verra prisonnier d’un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le
269 un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre un
270 bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10
271 ues, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’ édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrie
272 et on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices d
273 n technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui s
274 des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son
275 l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquo
276 leur. Pourquoi lit-on si peu ? Pourquoi, en temps de crise, a-t-on comme premier réflexe d’économiser sur les livres, plut
277 , en temps de crise, a-t-on comme premier réflexe d’ économiser sur les livres, plutôt que sur toute autre distraction, cin
278 autre distraction, cinéma ou meetings sportifs ? D’ où vient cette désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est-c
279 faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’ y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raison
280 t avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas s
281 au contraire qu’elles affectent les sources vives de notre civilisation. C’est pourquoi le problème apparemment secondaire
282 C’est pourquoi le problème apparemment secondaire de l’édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indiffé
283 ns, ne peut laisser indifférente notre conscience de citoyens. Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons
284 Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisserai
285 e c’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemo
286 lles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Jour
287 t à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, G
288 , « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
289 ain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
290 Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f
291 Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si
292 ent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au
293 blic ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivain
294 e nie pas que cela explique bien des choses. Mais d’ où vient cette paresse ? D’où vient que le public se défende aussi mal
295 bien des choses. Mais d’où vient cette paresse ? D’ où vient que le public se défende aussi mal contre les sollicitations
296 iales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce qu’on l
297 n le fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand
298 ure, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie
299 ène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer
300 il n’a fait qu’empirer depuis. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage e
301 s auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’ une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac
302 s sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent
303 ce même peuple se contenter du roman policier ou de quelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment
304 uelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand Proust, Gide o
305 ou Valéry ne paraissent rechercher l’audience que de très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, e
306 rechercher l’audience que de très petits cercles d’ élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits
307 r lui, et si les grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devi
308 re » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir
309 oucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensa
310 on compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’ offrir des paradis artificiels, des compensations illusoires au morne
311 des compensations illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains aut
312 -train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli », une dist
313 demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’ oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de bureau o
314 une distraction sans conséquence entre les heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus se
315 on sans conséquence entre les heures de bureau ou d’ usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au se
316 e qu’elle était au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme
317 it au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intell
318 e toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louab
319 onditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que te
320 , pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et
321 ont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est
322 st perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’il se perde en se « distingua
323 ontairement des préoccupations, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la
324 bord les écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à
325 point par quelque truc, loi nouvelle ou campagne de propagande. Il s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sen
326 bien plutôt que les écrivains reprennent le sens de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec une
327 une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on appelle l’oreille du peuple. Mais cela suppose une
328 st l’affaire des Églises), il faudrait se soucier d’ être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou
329 es Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer
330 e, de servir la communauté, et non plus seulement d’ amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en s
331 la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait :
332 que l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d’ un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écr
333 souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’ un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne trava
334 qu’il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressem
335 e et sa nature profonde. Mais un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le publ
336 is un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur
337 redressement de la culture n’aurait pas de chance d’ aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’y collab
338 , d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’ y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos jo
339 aborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’ un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lis
340 r. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent,
341 r les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’ attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importanc
342 lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique de ces probl
343 i sont du côté du public sur l’importance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loi
344 ance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ail
345 manquera pas de me dire que la situation est loin d’ être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si
346 l’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’ être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout
347 rès ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe h
348 ’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’ avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable.
349 à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’être des petites démocrat
350 tifs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’ être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais
351 mmunautaire qui anime la fédération. Or, la force d’ un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seuleme
352 re au niveau de la culture. (Et non pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nou
353 core la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de , « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Jou
354 e garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève,
355 , « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
356 in III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
357 deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âg
358 i, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps
359 doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne so
360 rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais
361 sé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais, tandis que s
362 , ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’ un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rê
363 rs, ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’ un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant
364 ameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant, grande i
365 ge collective exprimant le désir et l’inconscient d’ un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un
366 mbitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’ un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel
367 même en politique. Rien n’est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un
368 des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’approuver une étude du
369 né de son évolution. À cette raison très générale d’ approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuiv
370 on très générale d’approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’a
371 ’ajouter, en 1937, des opportunités plus précises d’ ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit
372 es d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit en débutant notre auteur, pourrait se définir,
373 it en débutant notre auteur, pourrait se définir, de façon suffisamment profonde, par les relations qu’elle établit entre
374 ’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague
375 et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de va
376 . Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philoso
377 endue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme.
378 domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du
379 sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient
380 t du coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’il faut remonter
381 remonter si l’on veut étudier la source véritable de préoccupations qui parurent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuv
382 urent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuvre de Freud. M. Béguin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis de la psy
383 vis-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que
384 savant viennois. Elles englobent tout le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirit
385 es lecteurs non spécialisés une découverte pleine d’ attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë d
386 eine d’attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus
387 œuvres sont pratiquement inaccessibles au public de langue française : en exposant leur contenu essentiel avec une clarté
388 t accessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des cor
389 tisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire d
390 ontemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présente
391 cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un
392 montrer l’analogie que présentent les recherches d’ un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce se
393 ogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’ un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion
394 echerches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’ un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préj
395 s d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préju
396 eut que les romantiques allemands n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des esprit
397 rs qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’ une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M
398 re. On saura gré, d’ailleurs, à M. Albert Béguin, d’ avoir su marquer avec tant de justesse le point précis où l’entreprise
399 ns sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’ un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympath
400 iées à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une t
401 es hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de
402 lemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’ une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vo
403 réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français da
404 est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahi
405 tion européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont
406 s Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Jour
407 t Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
408 Veille d’ élection présidentielle (14 novembre 1940)h i New York, 25 octobre
409 es plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’ autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est plus confus, com
410 Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène de réformes sociales et économiques. Willkie représente Wall Street, c’e
411 isme traditionnel. Mais Willkie promet aux foules de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées p
412 is Willkie promet aux foules de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il
413 ew Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des
414 recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativeme
415 al totalitaire, et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie répli
416 ir pour un « third term » — une troisième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le v
417 troisième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peu
418 evelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui, les chances de Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48 
419 ssent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux
420 titude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les mas
421 passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’ une campagne violente. Cette épithète demande quelques explications. E
422 Cette épithète demande quelques explications. En Europe , la violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par
423 res et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle
424 injures, par une fanatique intolérance de part et d’ autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup p
425 érance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de fo
426 lque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’ un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques
427 qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur l
428 s ces manifestations somme toute peu dangereuses, de la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettab
429 e des tricheries regrettables, dénotant un manque d’ éducation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les démocrates s’
430 anque d’éducation civique très exceptionnel. Loin d’ exulter, les démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manife
431 éclare désolé… Car la règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son je
432 de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’un match. On peut
433 ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’ un match. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terra
434 s non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’ applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adversa
435 e meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’ exceptions près, soutienne Willkie — comme elle soutint Landon il y a
436 ancien secrétaire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la
437 taire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie pe
438 candidat contre lequel ils proposaient cependant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement déba
439 nt de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d’arguments idéolo
440 raîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d’ arguments idéologiques dans ce grand débat démocratique. Toute la polé
441 tique. Toute la polémique se ramène à deux séries d’ arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ai
442 e se ramène à deux séries d’arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ainsi que, dans chaque jou
443 s sur les défauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutant les opinions publiées les jours précédent
444 éfauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’ abonnés discutant les opinions publiées les jours précédents. À côté d
445 ls et non des idées — vous trouverez des articles d’ un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances personnelles
446 a campagne des républicains a porté, pendant plus d’ une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un
447 un incident minuscule : la promotion trop rapide d’ un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de f
448 inuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a é
449 n trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pou
450 oosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pour persuader l’Américain moyen de
451 ons « dictatoriales » du président. Les partisans de Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la devise : « Je vo
452 tif, et l’on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs.
453 e le sort du pays dépendra certainement — quoique d’ une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jou
454 ent — quoique d’une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’i
455 ’ils pensent en tant que nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt l’emporte, les événements suivront leur cours ac
456 ments suivront leur cours actuel, et le programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste. En somme, l’op
457 en résumée par cette formule : C’est l’opposition d’ un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien,
458 ion d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’ un autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidé
459 n autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidémocratiques. La seule conclusion claire qui se dégage
460 atiques. La seule conclusion claire qui se dégage de ces paradoxes politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’il arri
461 usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seule
462 ait en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mai
463 synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. Roug
464 é humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’ espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection p
465 liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection présidentielle »
466 nt d’espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de , « Veille d’élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14
467 mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’ élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14 novembre 1940
468 de, « Veille d’élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : « 
469 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
470 Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)j k New York, décembre
471 w York, décembre J’étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous
472 ais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à o
473 Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policemen montés. On circulait sans nulle peine autour du
474 lequel passaient en rubans lumineux les résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la cr
475 mener. On vendait à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent
476 À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige d
477 es, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers
478 ortant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte-ciel, da
479 , dansant à travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentin
480 travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentins blancs, b
481 cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’ immenses serpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule é
482 Roosevelt entraîne New York City par 270 000 voix de majorité. » Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement des mass
483 s et revenait submerger le square comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés
484 nteries cordiales adressées aux derniers porteurs de boutons Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’un renver
485 Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’ un renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dan
486 ine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’ une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame mi
487 pangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me décl
488 ment : « Si Roosevelt gagne, je remplis mes caves de conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme !
489 s ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensem
490 r Willkie avec ensemble, et qui n’avait pas cessé de démontrer que Roosevelt signifiait ruine, division, guerre et inflati
491 la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’ augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de lo
492 e à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « opposition constr
493 on de loyauté au président et lui offrait l’appui d’ une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneau
494 ûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce
495 re aujourd’hui sans exagération que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xx
496 de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France.
497 é gagnée par l’Amérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que
498 roisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre le
499 lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme
500 e britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est ca
501 USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa circulation est bo
502 litiques les plus violentes laissent peu ou point de rancune et se résolvent si rapidement aux États-Unis, c’est en grande
503 grande partie à cause de la constante circulation d’ idées et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement
504 ie à cause de la constante circulation d’idées et d’ hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la popu
505 o lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet,
506 ojet, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les fina
507 s économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche
508 uvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est
509 avantage moral considérable : un nombre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’est plus
510 lle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun p
511 us l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéres
512 arce que chacun peut espérer qu’on tiendra compte de son avis ou de ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comm
513 peut espérer qu’on tiendra compte de son avis ou de ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comme ils disent. C
514 donnera sa chance », comme ils disent. Cet esprit de participation exerce une influence excellente à la fois sur le gouver
515 r à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème
516 activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fai
517 ui reste à faire. Le président et ses secrétaires d’ État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui on
518 égulières avec les journalistes, qui ont le droit de leur poser n’importe quelle question. Rien de plus frappant que l’abs
519 lle question. Rien de plus frappant que l’absence de démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communications pu
520 en de plus frappant que l’absence de démagogie et d’ effets oratoires qui caractérise ces communications publiques : un ton
521 : un ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réfl
522 et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiqu
523 pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers…
524 informée et formée, l’opinion se sent responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on sera pris au sérieux, on dit m
525 sait que l’on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davantage. Contrairement à ce qui se passe da
526 n pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’ un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de
527 propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui
528 d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement ave
529 et de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement avec les scléroses et
530 ement avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait
531 oses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne  : ce secret réside peut-être dans le fait très simple que voici : en
532 très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler
533 ux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’ assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux
534 llise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’ élection, d’une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des ci
535 core est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’ une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en de
536 deux masses à peu près égales, — je serais tenté de dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de la discuss
537 en deux teams — symbolise simplement le principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il
538 ns partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’ autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Américain ne possède lég
539 ue. L’Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’u
540 légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’ initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permanente, par
541 e droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’ une manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondammen
542 e en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’ une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée par des
543 uances par des lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des
544 es Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion pr
545 sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profonde se char
546 la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tou
547 de quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai e
548 démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une voix forte : « Ic
549 de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’ une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 million
550 ononcée d’une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la l
551 forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratiqu
552 unicipale de New York, cité de 7 millions et demi d’ habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas
553 té de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas sourire, quand on voit qu
554 and on voit que c’est vrai. j. Rougemont Denis de , « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17
555 que c’est vrai. j. Rougemont Denis de, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 194
556 e, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : « De
557 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
558 uverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plu
559 plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui connaît
560 ut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien
561 ts-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Seceders (séparatis
562 uccessifs de colons, la plupart exilés pour cause de religion. Seceders (séparatistes) de l’Église anglicane ou du luthéri
563 s pour cause de religion. Seceders (séparatistes) de l’Église anglicane ou du luthérianisme allemand, huguenots ou puritai
564 tous ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’ une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain
565 s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder
566 leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le
567  cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’ où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le c
568 rme à leurs convictions. D’où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le caractère religieux de leu
569 , dès le début, mais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis traduit aujourd’h
570 s-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe de ces apports religieux successifs. Ceux-ci se confondent souvent d’ail
571 appartient à l’Église réformée a bien des chances d’ être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; A
572 ise réformée a bien des chances d’être Hollandais d’ origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’il est pr
573 tholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’ origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe
574 t venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe : l’Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Égli
575 aire, tandis que l’Église protestante épiscopale ( de rite anglican) est surtout citadine et « fashionable ». Voilà qui exp
576 peut apprécier diversement cette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons
577 ette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont touj
578 uons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait,
579 a décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’ être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’est vu curieusem
580 fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’ autant plus qu’il s’est vu curieusement négligé par la presque totalit
581 négligé par la presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi
582 ar la presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, d
583 s sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annonces
584 s et de nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annonces détaillées des services que célébreront les
585 ervices que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le l
586 cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’ églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec man
587 d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup mo
588 onférenciers les plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes
589 o : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix «  d’ hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvell
590 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religi
591 toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le
592 gues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes relayés par différentes stations. Vous passerez d’une liturgie
593 s relayés par différentes stations. Vous passerez d’ une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Ré
594 stations. Vous passerez d’une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans u
595 lennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine
596 Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche
597 vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y trouve d’autres professeurs e
598 professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y trouve d’autres professeurs et des étudiants, bien sûr
599 stes, des personnalités politiques, des écrivains d’ « avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à coll
600 s écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à collaborer aux magazines politiques à gros
601 ’étonne personne ici. Je songe à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonn
602 ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine p
603 ant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à loue
604 , je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de ce type : « Six pièces, confort, métro, Églises à proximité. » J’achè
605 , métro, Églises à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de c
606 ses à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’ aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête
607 ect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête : « Préservez votre privilège américain : allez au cul
608 servez votre privilège américain : allez au culte de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalen
609 te de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux
610 ut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plante
611 lent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et q
612 « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la
613 ’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises ca
614 qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplor
615 rieurs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église,
616 communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’ une Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des ami
617 els s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la
618 C’est un risque. Mais c’est aussi une possibilité d’ action spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaît
619 n pour donner tout leur sens à certains incidents de la vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’u
620 américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’ un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « missio
621 ands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. Imaginez Roosevel
622 rononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les serv
623 e ; les journaux décrivent en détail les services de communion auxquels ont participé les deux candidats, ce même jour. Wa
624 u’il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-U
625 pagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement ap
626 du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par de
627 religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont il répétait les phrases à haute voix av
628 avec tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son président.
629 dent y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des
630 sur les marches du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sé
631 hes du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le prés
632 résident jura, la main posée sur sa vieille Bible de famille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapit
633 amille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi d’ ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens : « Et mai
634 daise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens : « Et maintenant ces trois choses
635 its, c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont rée
636 esse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à
637 ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes
638 ion de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays,
639 que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays, aussi impressionnantes que les cérémonies totalitaires, se d
640 our la grande majorité des participants, créateur d’ un sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de
641 ime et profond, mais aussi différent que possible de ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs
642 mais aussi différent que possible de ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priai
643 ifférent que possible de ces passions de haine et d’ orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapela
644 t le chapelain, revêts notre président du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets
645 jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plus
646 e conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines d
647 ette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette
648 rnelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre.
649 ines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’ hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre. l. Rougemon
650 ère, pouvaient s’y joindre. l. Rougemont Denis de , « Religion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genè
651 eligion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genève, 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : « De
652 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : «  De notre envoyé spécial ».
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
653 Journal d’ un retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu
654 milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur
655 eu de chose les avantages que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avions, par exemple, perm
656 ir décimés. Les avions, par exemple, permettaient de voyager vingt fois plus vite qu’en bateau. L’on décida en conséquence
657 ible et longue la préparation des voyages. Passer d’ Amérique en Europe ne demandait plus que quelques heures ? On y ajouta
658 la préparation des voyages. Passer d’Amérique en Europe ne demandait plus que quelques heures ? On y ajouta plusieurs semaine
659 quelques heures ? On y ajouta plusieurs semaines de démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi la longueur du voyag
660 atiquement, à ce qu’elle était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constell
661 ssis dans une Constellation qui vient de décoller d’ un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chie
662 ellation qui vient de décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une
663 mp neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’ un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute
664 quait des tempêtes magnétiques qui ont pour effet d’ aveugler les avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homm
665 s avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénoué
666 écrire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océan d’ un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce clic
667 ncore, une fois installé dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au
668 y descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à
669 0 mètres à la seconde, sans vibrations ni courant d’ air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autr
670 ions ni courant d’air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autres déjeunent. Je regarde par mon h
671 blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’ un coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mi
672 n coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleue, comme u
673 une surface bleue, comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paq
674 n quatre heures. Nous sommes partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contr
675 re. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’ un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolon
676 s survolons des profondeurs multipliées, cavernes d’ ombre et gonflements majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de
677 ts majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la
678 fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout
679 e tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais u
680 errière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le monde deva
681 e devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos t
682 ux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’ élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amériq
683 d’élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : «
684 e passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfi
685 es fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’ Europe enfin ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau !… » —
686  » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je retrouve l’ Europe  ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rideaux t
687 le, je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment d’ être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces meubles blan
688 cs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’ une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oi
689 t-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’ où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un pet
690 laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers P
691 Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’ Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis que je l’ai quitté… Par quel
692 e cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’ un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissement — qu
693 ar nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on
694 tin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Cet hôtel n
695 hôtel ne leur plaît qu’à moitié. Je les décourage d’ aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce que Paris a été
696 nt immédiatement à ressembler à ce que l’on pense d’ eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais
697 atement à ressembler à ce que l’on pense d’eux en Europe  !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dorm
698 Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arrive au rendez-vous
699 dez-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’ une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré,
700 oir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a sonné cinq
701 usieurs en écho. Je ne savais plus, après six ans de New York, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’acco
702 ité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes
703 t jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce
704 ette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce sont bien de
705 fflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’ une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres
706 et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait veni
707 eur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux
708 quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bru
709 qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés,
710 yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à
711 t de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’
712 ne femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur très gran
713 lés, ouvre une porte de service à côté du portail d’ un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalon
714 ’un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’un xi
715 ntalons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’ un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandai
716 ux longs souliers pointus, sort d’un xixe siècle d’ illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de gros
717 liers pointus, sort d’un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises,
718 mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’un
719 ortant de grosses valises, se hâtent vers la gare d’ Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’une beauté oubliée.
720 s, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’ un siècle, en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foul
721 d’Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’ une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemai
722 en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ?
723 iller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment to
724 n un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de mu
725 chemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’ effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes
726 hamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougem
727 et de multiplier les traits bizarres, les signes d’ anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal
728 s, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de , « Journal d’un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946,
729 d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
730 gemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
731 Journal d’ un retour (fin) (18-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que l
732 m’a paru proprement incroyable. Je ne trouve ici d’ autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout es
733 rement incroyable. Je ne trouve ici d’autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes
734 . Je ne trouve ici d’autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes souvenirs, à pei
735 reils pour tous », non point avec votre situation d’ usager perplexe ou anxieux. La bonhomie des mêmes employés intacte, un
736 és intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les mais
737 t-être, c’est le mythe helvétique par excellence, d’ une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la
738 eu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés
739 mes jugements, j’arrive à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’appara
740 Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétr
741 dre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’ Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de vo
742 aît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que
743 lus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique e
744 meux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine,
745 e, c’était bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une
746 finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’ obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée
747 es délégués paraissaient regretter « l’atmosphère de Genève » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par l’ONU. Et, s
748 pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’un déménagement. Nous ne pourrons plu
749 euse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’ un déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe aux cygnes, comme d
750 es, comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’ une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En atten
751 ant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un clic
752 oyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’ un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admirati
753 e à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dern
754 ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne
755 l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’ une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre
756 ne chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe »
757 lus heureux que Moïse, nous nous sentons certains d’ entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux
758 e, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y tou
759 dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il ne s’e
760 uchons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’ un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîn
761 entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente
762 ne gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente minutes plus tard, emportant un espoir r
763 lus tard, emportant un espoir raisonnable : celui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retou
764 tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de , « Journal d’un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai
765 its Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
766 Denis de, « Journal d’un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
767 Lettre aux députés européens (15 août 1950)p Messieurs les députés européens, Vous êtes ici pou
768 uropéens (15 août 1950)p Messieurs les députés européens , Vous êtes ici pour faire l’Europe, et non pour faire semblant de la
769 les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’ Europe , et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la f
770 i pour faire l’Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas
771 , et non pour faire semblant de la faire. Faire l’ Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comment féd
772 ’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le monde se trom
773 allu neuf mois. En voici le récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cin
774 but de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’ alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoye
775 tre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange com
776 nt souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange commercial entre cantons, point
777 ns. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’ établissement ou d’échange commercial entre cantons, point d’unité mon
778 nneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’ échange commercial entre cantons, point d’unité monétaire, point de re
779 ment ou d’échange commercial entre cantons, point d’ unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe c
780 ial entre cantons, point d’unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de
781 s peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom de
782 la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares dé
783 là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regar
784 t pour trait, un état comparable à celui de notre Europe , sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regard de celui qu
785 n au regard de celui que nous courons. Une partie de l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités,
786 l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait ass
787 rale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’ autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la D
788 tine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’ échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était
789 main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était répandre, aux utopistes qui
790 . C’était répandre, aux utopistes qui proposaient d’ éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une g
791 impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la fav
792 u Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette
793 ut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un p
794 ranle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
795 ciétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs
796 , de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit ad
797 . À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une
798 nthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’ une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait «
799 année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit
800 rs — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine se
801 rojet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’ août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète procl
802 on est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral,
803 ts dans un plus grand péril ? Vous me direz que l’ Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour br
804 ons contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’ Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venu
805 temporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe d’ aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus d
806 rope d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’ alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou mêm
807  : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a
808 s de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’ Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour a
809 asbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou de
810 s qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deu
811 fisent. Vos Nations vivent ensemble depuis autant de siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont p
812 sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’ Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nom
813 ez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l
814 s économies ne sont pas plus disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres pré
815 us disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quan
816 sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’ une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-troi
817 le non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certe
818 paraison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tra
819 ive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’ esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai
820 d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politi
821 le devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’ une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n
822 leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
823 e tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’ Europe . Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédéraliste
824 ratique. C’est assez pour que j’ose vous supplier d’ y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il va
825 Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut aller tr
826 us n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été,
827 Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’ agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr q
828 méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps
829 yez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée
830 de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux dép
831 non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés europée
832 bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de , « Lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 15 août
833 e. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés européens  », Journal de Genève, Genève, 15 août 1950, p. 1.
834 nis de, « Lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 15 août 1950, p. 1.
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
835 Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)q Messieurs les députés, Ces lettres ne sont pas un
836 rs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous d
837 Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je v
838 doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de m
839 donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions qu
840 s je vous écris au nom d’une centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions que le temps p
841 millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire
842 ans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun motif de croire qu’on leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loi
843 motif de croire qu’on leur laissera tout le temps d’ aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente nous dise
844 era tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’ être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’entendent
845 connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier
846 e vous le rappelait récemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres n
847 écemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres néglige donc son premi
848 nternes avec le comité ministériel. Permettez-moi de vous dire que l’opinion s’en moque, parce qu’elle a ses doutes motivé
849 véritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés d’ un instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’en
850 ession très nette que vous êtes décidés à faire l’ Europe envers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ru
851 ontre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle
852 uver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’ un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiet
853 lle vous voit réticents pour la plupart, inquiets de ne pas vous avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins
854 plupart, inquiets de ne pas vous avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par un alinéa
855 niens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’ un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’a
856 sultative d’un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’ailleurs à transmettre vos consultations,
857 pinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’absence
858 u révèle au contraire, bien clairement, l’absence d’ idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien qu
859 ire, bien clairement, l’absence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien que l’opinion se tro
860 bsence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien que l’opinion se trompe et méconnaît vos sent
861 alysent jusqu’à votre éloquence et vous empêchent d’ articuler des intentions peut-être subversives (on chuchote que vous t
862 (on chuchote que vous tenez en réserve un projet de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les in
863 e vous tenez en réserve un projet de timbre-poste européen ). Certes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs
864 et de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant
865 de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis,
866 voirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les ex
867 es Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien ne pourra jamai
868 e coup, je trouve cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme un ministre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés
869 que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à no
870 ent à nos calamités. Ceci me rappelle un argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le to
871 argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut
872 Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’ Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut dire exactement, m
873 evin n’a jamais voulu rien commencer. Au reste, l’ Europe existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement un to
874 commencer. Au reste, l’Europe existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement un toit. Pour tout dire en
875 les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première session consultative (au second degré) de quoi faire u
876 e première session consultative (au second degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina len
877 ond degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour,
878 faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’oi
879 à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va piano va sano, wait and see, step by step, und so weit
880 ait. Mais par deux ou trois décisions, dont celle d’ Haussmann, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fai
881 trois décisions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’ un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour —
882 sions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — toutes af
883 x pas, sauf franchir un abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré,
884 ez-vous faire ? » Si vous ne voulez pas fédérer l’ Europe , vous ne voulez rien qui l’intéresse. Si vous ne faites rien cet été,
885 mieux ne rien faire, ou qu’on ne peut rien faire de sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’Europe ; allez-vous
886 sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’ Europe  ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’agir. Avoue
887 z-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’ agir. Avouez que rien ne vous paraît possible, on comprendra que vous
888 dra que vous n’êtes plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’être là. Constater le néant représente un progrès su
889 s plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant d’ être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’un
890 er le néant représente un progrès sur l’entretien d’ une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d
891 but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’ une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougem
892 sage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de , « Deuxième lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève
893 Rougemont Denis de, « Deuxième lettre aux députés européens  », Journal de Genève, Genève, 16 août 1950, p. 1.
894  Deuxième lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 16 août 1950, p. 1.
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
895 Troisième lettre aux députés européens  : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés euro
896 roisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai ten
897 ème lettre aux députés européens : L’orgueil de l’ Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai tenté de tra
898 l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens , J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie
899 )r Messieurs les députés européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée
900 ire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun
901 e attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais, s’en affligent. (On
902 us est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont, par avance, je vous salue. Vous êtes, Messie
903 nce, je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’E
904 je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés de l’ Europe . Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe ent
905 us êtes, Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà q
906 utés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs,
907 ayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu
908 de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’ Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit
909 signifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit d’ être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, co
910 s avez perdu le droit d’être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l
911 re étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millén
912 s terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes
913 n de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capi
914 e nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la générat
915 lement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui,
916 villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions
917 de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les acc
918 s peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’ hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérê
919 ourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les pa
920 nt ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’ une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’es
921 l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’ une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les député
922 Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus
923 sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète q
924 non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme
925 s d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son de
926 nce la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’un
927 mme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu
928 es chances de le surmonter. Les députés non point d’ une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne d
929 surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4
930 ande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âge
931 nt guère 4 % de la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’un cap médiocre en dimensions ph
932 , mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’ un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’hu
933 re en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne s’offre à
934 mplacer, et qui a su remplacer toutes les autres. D’ où vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant
935 l’Asie ait dominé le monde pendant des siècles ? D’ où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont no
936 dominé le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’ un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons
937 de pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’ invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’ég
938 siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur la Planè
939 ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européen
940 t sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européens , depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inventé ? Je c
941 re ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier
942 presque tous leurs grands noms sont des noms de l’ Europe , et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos ma
943 ès rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou pa
944 maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout entier peu
945 moderne tout entier peut être appelé une création européenne . Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos m
946 e à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’ art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie,
947 is nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médeci
948 os objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos arme
949 rocédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les
950 de construction, de transport et de gouvernement, d’ industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre no
951 on, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont
952 L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est né
953 ssie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants e
954 sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos phil
955 oduits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De
956 vin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes
957 de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On a
958 qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’inve
959 cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Euro
960 n qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’ Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sérieuse
961 nouveau n’ose lui disputer sérieusement. Je viens d’ entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voi
962 endre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’Europe a su faire. Toute la musique est née
963 de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’ Europe a su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous
964 su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, de
965 ire. Toute la musique est née du contrepoint de l’ Europe . Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphon
966 nt de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de G
967 ope. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de
968 éra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Ein
969 honies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des
970 ns ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembran
971 a littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’ Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés a
972 et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de
973 peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des
974 nonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Pa
975 ommunes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un,
976 de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé ent
977 à l’autre députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très
978 e députés. Me voici partagé entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de
979 entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur d
980 isoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-
981 sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En vérité, j
982 sse et en dernier recours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui l
983 passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans
984 eulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’ Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets
985 lement ceux de notre continent, pour qui le nom d’ Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un
986 a beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’ un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur
987 ur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette c
988 tte conscience inquiète aussi, et ce grand risque de la liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’his
989 ègue en ce lieu décisif, dans l’histoire concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamais si vous manquez à
990 mais si vous manquez à une mission précise, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la force du siècle. Messieurs le
991 n faire la force du siècle. Messieurs les députés européens , saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous la grandeur. Les c
992 opéens, saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondu
993 nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. P
994 ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’ Europe , aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Personne n
995 pe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel de
996 Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’ un tel destin. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes pl
997 ui n’attendons qu’un signe. r. Rougemont Denis de , « Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe »,
998 ougemont Denis de, « Troisième lettre aux députés européens  : L’orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p
999 roisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
1000 ème lettre aux députés européens : L’orgueil de l’ Europe  », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
1001 utés européens : L’orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
1002 Quatrième lettre aux députés européens  : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs
1003 hlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de l’Assemblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de M
1004 sultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a p
1005 lqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni d’ Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le
1006 se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe,
1007 le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien
1008 ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien l’auteur du Manifest
1009 e rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’ Europe, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour Party su
1010 rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’ Europe , c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour Party sur le p
1011 ifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y vo
1012 ié par le Labour Party sur le problème de l’unité européenne . Quand il regarde notre vieux continent, il n’y voit, si j’ose dire,
1013 ue ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs, qui d’une part ne font point partie du Commonwealth, d
1014 est purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet, d’ une étrange arrogance. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il
1015 Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que l’ Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions da
1016 . L’idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor d
1017 une culture, une unité de civilisation, un foyer d’ inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréd
1018 oyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi,
1019 diversités souvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’ef
1020 ouvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. I
1021 ductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pou
1022 mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’u
1023 faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen . En effet, dit le pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près d
1024 Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes soc
1025 ais, nous sommes plus près des Dominions que de l’ Europe , « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes sociales et
1026 Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue politique des Dominions n’est
1027 nt de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colom
1028 nions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces p
1029 n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’ Europe , — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est
1030 r la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitude
1031  voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On
1032 ose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvell
1033 abitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent un
1034 nde-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même la
1035 tremblons pour la famille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il s
1036 blons pour la famille ! Tous les adversaires de l’ Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit par
1037 mille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’ écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un p
1038 . Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’ un peu d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit
1039 lton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un peu d’ union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit en dolla
1040 fecte pas les intérêts anglais, et que si toute l’ Europe se convertit à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de com
1041 à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l
1042 ui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-dire d’ action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites p
1043 t-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit
1044 aucun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera d’ être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fa
1045 l cessera d’être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu
1046 le que dans la mesure où elle reste impuissante — d’ où le refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un
1047 mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’ un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéra
1048 reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement européen  ; secundo : que les champions d’un régime fédéral fondé sur la majori
1049 Parlement européen ; secundo : que les champions d’ un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comm
1050 e considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique sup
1051 s comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne  », — d’où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet a
1052 mis les plus dangereux de l’unité européenne », —  d’ où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’
1053 angereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité siège pa
1054 toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des advers
1055 suivent une logique non daltonienne : ils partent d’ un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradi
1056 uit aux mêmes conclusions négatives. Au Parlement européen , s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il
1057 s négatives. Au Parlement européen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’elle ait v
1058 utorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’
1059 t vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que l
1060 souffre donc point de veto, les Tories disent non d’ un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Oppo
1061 recourt à ce mythe que pour garder quelque moyen d’ agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos sou
1062 ien, écrit au Times qu’elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient
1063 . Personne ne sait très bien, en somme. On essaie de nous dire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? L
1064 nterrogés sur la question, seraient bien en peine d’ en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez e
1065 auraient accepté que leur monnaie perde un tiers de sa valeur, parce que Londres avait dévalué. Je cherche en vain : Où s
1066 herche en vain : Où sont encore les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour l
1067 riété ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc
1068 êché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’un p
1069 iens seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’ un État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur 
1070 ) Messieurs les députés, ce serait pure folie que d’ essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. L
1071 s les députés, ce serait pure folie que d’essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question
1072 yer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés ill
1073 de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce
1074 souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce qu’on n’a plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoq
1075 mment faire abandon de ce qu’on n’a plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en ca
1076 toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en cache de pires, pour arrêter l’élan vers notre union. N’attaquez pas les souve
1077 netés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et
1078 , dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’ Europe  ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles
1079 Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent. Le
1080 rains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun d’ eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’Utop
1081 d’eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe d’ Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les cou
1082 personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’ Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du prisme,
1083 e sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus
1084 fédérale. Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux déput
1085 . Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux députés europé
1086 , ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis de , « Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du
1087 ougemont Denis de, « Quatrième lettre aux députés européens  : En lisant le pamphlet du Labour Party », Journal de Genève, Genève,
1088 En lisant le pamphlet du Labour Party », Journal de Genève, Genève, 18 août 1950, p. 1.
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
1089 Cinquième lettre aux députés européens  : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés
1090 m ! » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou
1091 (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de l’ Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne sera
1092 és de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’ Europe sera socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix elle
1093 vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer que l’ Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou allemande, ou
1094 e, ou protestante, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit
1095 nte, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle
1096 elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l
1097 t que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’ amour-propre, sans replis stratégiques d’intérêts légitimes, sans comp
1098 crifices d’amour-propre, sans replis stratégiques d’ intérêts légitimes, sans compromis elle ne sera pas. C’est clair. Seul
1099 itaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perd
1100 . Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’ Europe , ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vu
1101 regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire o
1102 ls se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’ écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent
1103 leurs arrière-pensées, dénonçant leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union,
1104 eur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pa
1105 les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’ opinions, celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi
1106 lle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’ alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fai
1107 pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’ aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si
1108 nes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’ Europe . Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laiss
1109 rer pudiquement chaque année qu’il reste désireux d’ envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer l
1110 ue année qu’il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une so
1111 sures préalables tendant à renforcer le sentiment d’ une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus i
1112 e solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’ une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux
1113 membres ». Les manchettes des journaux parleront d’ un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne p
1114 ent s’associer à ces engagements téméraires avant d’ avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en
1115 ngagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’ étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne
1116 d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolumen
1117 des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se conte
1118 es, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affir
1119 cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’ affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de ma
1120 incipes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se
1121 personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui le
1122 fois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen , ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de
1123 européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatéliste
1124 e enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accou
1125 ce des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’ un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Vo
1126 les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délég
1127 es simplement délégués pour consultation. Décidez de vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion
1128 simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’ Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la para
1129 rmer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’in
1130 s une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne élector
1131 vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements
1132 de nommer leurs députés au premier Parlement de l’ Europe . Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements fédéralis
1133 les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’ intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résult
1134 . Il en résultera dans nos provinces une campagne d’ agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre métho
1135 tera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’ émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait
1136 provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer. L
1137 e campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne , que nulle autre méthode ne saurait provoquer. La condition à la fois
1138 . La condition à la fois nécessaire et suffisante d’ une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
1139 essaire et suffisante d’une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort
1140 un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élabo
1141 er un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembr
1142 projet bien précis de Constitution fédérale de l’ Europe . Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre, à Stra
1143 ion fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commissi
1144 s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jurer de rester où vos parlements vous envoient. (Les ministres dépendent auss
1145 nts vous envoient. (Les ministres dépendent aussi de vos parlements, qui restent les seuls juges d’un conflit éventuel.) S
1146 si de vos parlements, qui restent les seuls juges d’ un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’op
1147 s l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si
1148 pinion vraie dans sa majorité, les militants de l’ Europe , la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’ac
1149 a majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vou
1150 de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière v
1151 indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’ acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de dé
1152 me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela c
1153 moment, et sous quelles conditions, cela cessera d’ être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
1154 ut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites
1155 laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’e
1156 e vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe , il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’est plus difficile que j
1157 enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose
1158 ue le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un r
1159 ntien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un régime social
1160 la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en somm
1161 e l’espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne . Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitu
1162 oix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur
1163 et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, al
1164 t agir, et je les supplie maintenant, au nom de l’ Europe , de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé,
1165 et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pou
1166 nant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe
1167 rester au contraire, de ne point se séparer avant d’ avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’e
1168 l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement,
1169 des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen . Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet été, en sep
1170 à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’ Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, au
1171 re. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas un
1172 qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les
1173 is légitimes, qui se révèlent contraires au salut de l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous
1174 eraine au-dessus des États. Messieurs les députés européens , je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuple
1175 s. Messieurs les députés européens, je vous salue d’ un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l
1176 je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d
1177 ait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom,
1178 nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’ angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fé
1179 ux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’ espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’Europe
1180 éritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’ Europe pendant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg. t.
1181 en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis de , « Cinquième lettre aux députés européens : “Méritez votre nom !” »,
1182 ougemont Denis de, « Cinquième lettre aux députés européens  : “Méritez votre nom !” », Journal de Genève, Genève, 19–20 août 1950
1183 utés européens : “Méritez votre nom !” », Journal de Genève, Genève, 19–20 août 1950, p. 1.
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
1184 n département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit
1185 e Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de
1186 t sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de Genève pour lui vendre ses bœufs, mais s’arrête avant de toucher les
1187 découpant une contrée que la nature avait conçue d’ un seul tenant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine
1188 complets : la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le
1189 la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et
1190 ublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un
1191 s vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce rui
1192 x bois de très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde au
1193 chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps
1194 seau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureux ennui, méditant s
1195 rues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’ heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souven
1196 heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas
1197 sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mém
1198 mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà l’œuvre du Patriar
1199 r les marais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur natu
1200 ’est pas ce petit corps maigre, et ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous. Plutôt ces insc
1201 copie sur le socle : Face nord : Au bienfaiteur de Ferney Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à l
1202 faiteur de Ferney Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital
1203 hés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe Calas, Sirven, Montbailli, La
1204 tion des serfs du Jura Affranchissement du pays de Gex Essai sur les Mœurs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irèn
1205 s il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’ une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent
1206 reux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’ un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricana
1207 us. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, c
1208 ne, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit v
1209 la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’arti
1210 lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’ artisans, d’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécur
1211 it venir de Genève cinquante familles d’artisans, d’ horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix
1212 enève cinquante familles d’artisans, d’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix avec ceux qu’
1213 âques, non sans ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de fam
1214 bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait
1215 une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres
1216 ettre aux princes intellectuels et temporels de l’ Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney
1217 uter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La premi
1218 tant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la
1219 suite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis de Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’à Genève… Donnez vos ordr
1220 Donnez vos ordres ; vous serez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » E
1221 erez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village pa
1222 il vous plaira. » En vingt ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétair
1223 ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétaires, par un système qu’on no
1224 ent propriétaires, par un système qu’on nommerait de nos jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme
1225 s à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tracta
1226 le tractations qu’il combine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul ind
1227 ine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que
1228 rtés réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre ho
1229 ple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de
1230 ire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présente
1231 de son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille
1232 eune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’ une corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. L
1233 e corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce
1234 « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j
1235 à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui cha
1236 que bien d’autres images entraînent, dans ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, en
1237 tre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’A
1238 es jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le t
1239 de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’ Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé tre
1240 tte Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par
1241 tout survolé trente fois par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bo
1242 trente fois par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proch
1243 par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assour
1244 derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’ un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde
1245 centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’ un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au pays du Patriarche 
1246 jours d’un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de , « Au pays du Patriarche », Journal de Genève, Genève, 29–30 novembre
1247 mont Denis de, « Au pays du Patriarche », Journal de Genève, Genève, 29–30 novembre 1952, p. 3.
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
1248 retour (21 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’Europe, économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci
1249 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’ Europe , économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci, qui n’est pas
1250 le : rendre nos différentes nations indépendantes de l’aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est
1251 ne conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’ét
1252 des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union, appell
1253 à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre e
1254 llites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’ union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre en main le sort d
1255 ngereusement l’Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes
1256 ort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes et communistes s’unissent pour dénoncer « l’e
1257 ar le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dul
1258 ashington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’ études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion
1259  », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturell
1260 voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturelle » symbolisée par le succès des D
1261 par le succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui se branche sur le sentiment sponta
1262 e — mais qui se branche sur le sentiment spontané de larges masses, latines surtout —, les nations européennes seraient dé
1263 de larges masses, latines surtout —, les nations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeu
1264 ations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède n
1265 nt déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette si
1266 Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi l
1267 ont désunis et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américaine, incapables d’assurer leur défense
1268 de soutenir la concurrence américaine, incapables d’ assurer leur défense, incapables enfin de retrouver, avec leur fierté
1269 capables d’assurer leur défense, incapables enfin de retrouver, avec leur fierté légitime, leur indépendance réelle. D’où
1270 c leur fierté légitime, leur indépendance réelle. D’ où vient, après tout, la puissance, non moins redoutée que sollicitée,
1271 d marché commun » qui est la condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait l’h
1272 ns notre monde du xxe siècle. On sait l’histoire de cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se libérer de
1273 1787, les treize États qui venaient de se libérer de la tutelle britannique décidèrent que leur simple alliance confédéral
1274 vait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadelphie. (Six
1275 urs délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 ma
1276 élégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’ Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.)
1277 ns l’Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay e
1278 ns la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain
1279 milton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain de Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le proj
1280 adison, entreprirent au lendemain de Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le projet d’union et dé
1281 emain de Philadelphie de publier une longue série d’ articles discutant le projet d’union et démontrant ses avantages. Ces
1282 r une longue série d’articles discutant le projet d’ union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un nom bient
1283 t résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’ un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique
1284 a créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libér
1285 et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurispruden
1286 férer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au onzième
1287 institutionnels. Or, voici qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un pa
1288 , voici qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecte
1289 qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va co
1290 parties dont chacune a des intérêts distincts. L’ Europe , pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers,
1291 tombées sous sa domination. La supériorité que l’ Europe a depuis si longtemps conservée l’a disposée à se regarder comme la m
1292 créé pour son utilité. Des hommes, admirés comme de grands philosophes, ont positivement attribué à ses habitants une sup
1293 érique ; que les chiens même perdaient la faculté d’ aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les f
1294 p longtemps appuyé ces arrogantes prétentions des Européens . C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner
1295 rrogantes prétentions des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à c
1296 des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d
1297 à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’ enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union no
1298 d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’ eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables. La désunion préparerait un
1299 leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin d’ être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États,
1300 Américains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroit
1301 isent enfin d’être les instruments de la grandeur européenne  ! que les treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union
1302 et indissoluble union, concourent à la formation d’ un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute for
1303 système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de
1304 qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes
1305 du contrôle de toute force ou de toute influence européenne , et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Anci
1306 toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde.
1307 cien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l
1308 , et même impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons
1309 impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans
1310 tre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! Nous y rec
1311 tuation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! Nous y reconnaîtrons no
1312 rs, mais aussi nos espoirs. (Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mes
1313 Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont
1314 s la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politiqu
1315 reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’ Europe une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal
1316 e à l’Europe une politique. v. Rougemont Denis de , « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
1317 Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
1318 nève, sont en opposition fondamentale avec celles de nos communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En
1319 alistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité européenne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de n
1320 les suivent ? En proposant un système de sécurité européenne , Moscou reconnaît implicitement la nécessité de notre union, dénoncée
1321 enne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de notre union, dénoncée par les communistes comme une idée américaine.
1322 mme une idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou dés
1323 pays. En insistant enfin sur l’importance vitale d’ une reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement l
1324 , Moscou réintroduit implicitement la possibilité d’ une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui
1325 ce principale du stalinisme dans l’intelligentsia européenne  : l’autorité sans discussion. Telles étant les implications de l’offr
1326 té sans discussion. Telles étant les implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les t
1327 de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si
1328 se, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si les Russes so
1329 t en effet trois principes qui n’ont jamais cessé d’ être les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons main
1330 re les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique
1331 de là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russ
1332 nt les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe de sécurité occidenta
1333 e ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe de sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le rattachement des p
1334 ’est demander et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empê
1335 le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’ union occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions
1336 n ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions d’ Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où i
1337 ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions d’ Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où ils dispos
1338 cherait les 435 millions d’Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’arm
1339 neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’armée commune sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’Amé
1340 rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’ Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de
1341 la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communiste
1342 st par exemple décider que les partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enf
1343 e les partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enfin, prendre au sérieux le
1344 , des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de
1345 rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux p
1346 quivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hom
1347 ce sont elles seules qui permettent l’élaboration de l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, j
1348 ration de l’instrument sans lequel il n’est point d’ entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu
1349 s’envoler pour franchir le Rideau — ce mur du son de la politique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote p
1350 ilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est
1351 Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’ où l’accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d
1352 le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’ instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est l
1353 se rappelle qu’au moment où l’armée rouge tentait d’ envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière étai
1354 agresseur, « les événements ayant donné au terme d’ agression un contenu historique nouveau ». La franchise même de cette
1355 n contenu historique nouveau ». La franchise même de cette explication scandalisa : elle aurait dû, plutôt, donner à réflé
1356 s un langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu
1357 t imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors p
1358 ors par une ingérence qualifiée dans les affaires d’ un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de cultu
1359 ns les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’ une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas que
1360 autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’ un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter,
1361 s — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la
1362 t de culture ; mais comme il n’était pas question d’ en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer
1363 ter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’ instaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel su
1364 z les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’
1365 ir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’ intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’aut
1366 cre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le dési
1367 n le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’ être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le co
1368 e raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa pl
1369 l suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en q
1370 l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hy
1371 comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hypothèse, ses propres préjug
1372 othèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’ une recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monolo
1373 he commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monologues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’être accept
1374 gues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’ être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela
1375 d’être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela pour la première fois depuis la naissance du con
1376 qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite : D’ aucuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nou
1377 églée par la force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique e
1378 ette offre est aussi valable pour d’autres sujets de débats, plus actuels et moins rebattus que celui qu’on vient de menti
1379 is au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos
1380 nom de la grande majorité des intellectuels de l’ Europe , et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !
1381 uels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dan
1382 des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’a
1383 où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducatio
1384 ies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’ histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général.
1385 r groupes de professionnels ; parlons d’histoire, d’ arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons
1386 de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues
1387 nnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’ éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livr
1388 d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livres, nos points d
1389 ommes trop faibles sur nos positions trop variées d’ Occidentaux chrétiens ou humanistes, pour affronter la « redoutable di
1390 es Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuven
1391 e l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’en
1392 de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres cr
1393 la culture du voisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai
1394 au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’ échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène
1395 i rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite officielle e
1396 e, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon d’ exposition. On ne court plus que le risque normal d’une « compétition
1397 exposition. On ne court plus que le risque normal d’ une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la
1398 mal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’
1399 ion pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un chang
1400 Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’ un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoi
1401 tout cela repose sur l’hypothèse d’un changement d’ attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en
1402 essort est détendu, la pression tombe. Les effets d’ un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme
1403 vers Eisenhower. Et ils viendront demain vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougem
1404 endront demain vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pour un dé
1405 e sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de , « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet
1406 Denis de, « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet 1955, p. 1.
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
1407 s, criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’ un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait p
1408 u secours dès qu’on tournait le bouton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas répondre
1409 n d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’ Europe , qui ne pouvait pas répondre, appelant l’Europe sans chefs et sans ar
1410 l’Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelant l’ Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nous dire
1411 s maintenant, non je n’oserai pas demander pardon d’ être resté paralysé devant leur appel, tant que je n’aurai pas fait to
1412 out ce que peut un homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les
1413 e la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Doub
1414 mptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ?
1415 u son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde enti
1416 l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitale
1417 isme russe peut encore écraser d’autres capitales de l’Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres é
1418 russe peut encore écraser d’autres capitales de l’ Europe , massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres élites san
1419 utres élites sans armes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obstinée, sans
1420 pentance active. Nous devons tout d’abord faire l’ Europe , pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une réponse q
1421 ’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des élection
1422 réponse qui ne dépende plus des élections locales d’ un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que po
1423 ne dépende plus des élections locales d’un peuple d’ outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pourra. Nous
1424 s élections locales d’un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pourra. Nous devons mettre le c
1425 pourra. Nous devons mettre le communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes r
1426 u dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés de Staline. Des rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y s
1427 fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’ esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui approuve,
1428 e qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’arrêter Nasser, s’il pré
1429 res de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’ arrêter Nasser, s’il prétend écraser Israël. On ne peut pas discuter a
1430 qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’ une action vigilante, obstinée. Nous vivons en démocratie, qui veut di
1431 inieux qui succède aux flagrants délits, exigeons de nos gouvernements une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la diss
1432 u. Exigeons la dissolution des partis communistes d’ Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refus
1433 tes d’Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces
1434 ute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux
1435 tball, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang v
1436 a paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du n
1437 st nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconqu
1438 son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’ab
1439 t jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’ homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiq
1440 du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, c
1441 u’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’ Europe . Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Europe qui
1442 Et jurons en même temps de faire l’Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Europe qui pouvait, en r
1443 rope qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liber
1444 ait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cet
1445 assacrée sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’ Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, « Osero
1446  ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de , « Oserons-nous encore… », Journal de Genève, Genève, 6 novembre 1956
1447 emont Denis de, « Oserons-nous encore… », Journal de Genève, Genève, 6 novembre 1956, p. 1.
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
1448 à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain de l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heur
1449 passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’ écrivains ne se réveillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de
1450 veillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le mond
1451 ssitôt qu’il se passe quelque chose, qu’il s’agit d’ un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — e
1452 passe quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’ un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien
1453 s Pasternak. S’il s’est vu contraint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étra
1454 ès coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un
1455 s un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’at
1456 qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’attachement instinctif à sa terr
1457 on cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’ attachement instinctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la
1458 autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régime qui
1459 il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’ être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion pos
1460 ble encore avec son peuple. y. Rougemont Denis de , « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958,
1461 gemont Denis de, « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958, p. 1.
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
1462 cartes estimait qu’un athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup de physiciens après lui se sont dit athées
1463 ne change rien au fait que le mouvement créateur de la science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme
1464 t que le mouvement créateur de la science procède d’ une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppo
1465 e procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, «
1466 e une foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernes
1467 le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’ Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un a
1468 démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire de musique. Pas davantage que Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dog
1469 gétique confessionnelle. Pour développer en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénom
1470 sionnelle. Pour développer en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Di
1471 velopper en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en m
1472 de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une métho
1473 il a recours à une méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sartre (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfu
1474 il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu
1475 l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont
1476 du siècle. À partir de relations logarithmiques, de considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons,
1477 iques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assisto
1478 e des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute nature
1479 ités centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’His
1480 christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pa
1481 et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité
1482 es évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’ un théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou
1483 l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’ une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant
1484 uddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’objet d’ un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence
1485 problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, a
1486 t de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se trouve d’emb
1487 ourant et plat du terme, se trouve d’emblée vidée de sens. « Dieu n’est pas ce qui est vu, mais ce qui voit », écrit très
1488 justement J.-C. Piguet, commentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouv
1489 r et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les grandes noti
1490 Saint-Esprit, définis en termes de structures et de relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuit
1491 relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la
1492 primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyan
1493 hique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes,
1494 e ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. »
1495 is par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui es
1496 l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fon
1497 la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’ unité… modalité affective fondamentale ». Et le péché, hiatus irréduct
1498 ation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi,
1499 qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouvertur
1500 lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec une référence explicite à Calvin). Tout
1501 cela, sans aucun recours au vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le se
1502 vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eu
1503 les de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voi
1504 sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phé
1505 e quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménol
1506 la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’auteur n’a pas res
1507 se demande alors ce que l’auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est
1508 ’est à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’ un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la ré
1509 surrection du Christ interprétées comme promesses d’ une vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas mo
1510 elles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surp
1511 e de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’ une manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent »
1512 la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’ une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépe
1513 out la notion d’une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passi
1514 a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seu
1515 à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient rév
1516 en leur cœur ». Sur une telle phrase, on imagine d’ admirables disputations ! On voit bien ce qu’en diraient les barthiens
1517 ent les barthiens dont je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélie
1518 t de Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait Karl Barth lui-même, qui
1519 u’en dirait Karl Barth lui-même, qui n’a pas fini de nous surprendre ? C’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait
1520 rapport à Pascal qu’il serait le plus intéressant d’ évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraha
1521 intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place i
1522 garithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’ Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des sa
1523 de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », en
1524 que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’ un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducatio
1525 philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’ aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 231.) Or,
1526 me l’énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’ Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu
1527 ques, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc d’ être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment ab
1528 u. Elle cesse donc d’être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à la
1529 emporains qui ont sciemment abandonné « le projet d’ être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonal
1530 nt abandonné « le projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de D
1531 à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale 
1532 x, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la défini
1533 texte, une autre thèse me frappe : la musique est d’ Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts, s
1534 xte, une autre thèse me frappe : la musique est d’ Europe , essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts, science
1535 née, comme tous nos arts, sciences et techniques, de « la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la
1536 ue dans l’intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe. Mais surtout, condamner radicalement presque toute la m
1537 ’intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe . Mais surtout, condamner radicalement presque toute la musique contem
1538 utre part, nos docteurs jugeront hérétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La qu
1539 rétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguèr
1540 s tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Er
1541 ion se pose, à la mode de naguère dans les revues d’ avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute q
1542  ? Nul doute que la Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une
1543 isqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’ aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait sa condam
1544 ns d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’ un bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres a
1545 tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’ adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités
1546 vons à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses.
1547 nique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’ appropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves
1548 que soient les réserves qu’inspirent parfois tant d’ assurance intellectuelle et un vocabulaire trop spécifique, cette tent
1549 ulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’ une manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérit
1550 porte à l’extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes rais
1551 des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre
1552 qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeu
1553 nt intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeunesse étonnante, do
1554 isons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’ une jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables p
1555 les véritables proportions. z. Rougemont Denis de , « “Le Dieu immanent, qui s’annonce en leur cœur” (À propos d’Ernest
1556 eur cœur” (À propos d’Ernest Ansermet) », Journal de Genève, Genève, 9–10 novembre 1963, p. III.
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
1557 edi littéraire, 22 juin 1968) que pendant six ans d’ Amérique je n’ai fait que « papoter avec des milliardaires nyouorkaise
1558 rlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle d’ autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversatio
1559 ivre parle d’autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversations avec Jacques Maritain, André Breton
1560 et Saint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut
1561 péry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformat
1562 itique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’ affirmer que j’ai « jeté mon sac (militaire) aux orties » avant de « d
1563 ître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’ un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les q
1564 alu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un artic
1565 ait condamné en juin pour un article sur l’entrée d’ Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la
1566 récis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’ août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est
1567 un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoure
1568 Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’ un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jet
1569 ’août de 1940 en mission et muni d’un passeport «  de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme au
1570 ui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, lequel n’adm
1571 bunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’ une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout
1572 lequel n’admettrait pas l’excuse d’une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à fait superflue
1573 au point, tout à fait superflue pour les lecteurs de mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que l’arti
1574 icle du Samedi littéraire. aa. Rougemont Denis de , « Denis de Rougemont nous écrit », Journal de Genève, Genève, 6–7 ju
1575 is de, « Denis de Rougemont nous écrit », Journal de Genève, Genève, 6–7 juillet 1968, p. 17.
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
1576 Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président, Un étudiant
1577 ibunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup d’ estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître de soi, convaincu mais sans f
1578 aucoup d’estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître de soi, convaincu mais sans fanatisme, il n’est ni subversif, ni anarchi
1579 e farfelu. C’est un homme sérieux et ouvert, doué d’ esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indign
1580 ux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection
1581 itique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa
1582 nthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils r
1583 s motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien
1584 s que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des pri
1585 elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opp
1586 spect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut certes discu
1587 in et de sa différence, la liberté de jugement et d’ expression, le droit d’opposition. On peut certes discuter, contester
1588 la liberté de jugement et d’expression, le droit d’ opposition. On peut certes discuter, contester certaines applications
1589 r et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons de ces idéaux, ou si nous condamnons à la prison ceux qui se réclament e
1590 encore à défendre en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prend
1591 eux que nous. En tout cas, il n’y aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une sociét
1592 aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une société préalablement amputée de son id
1593 administrerait une société préalablement amputée de son idéal, j’entends une société capable de condamner par une applica
1594 putée de son idéal, j’entends une société capable de condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commett
1595 pable de condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commettent la faute de croire à ses fondements mora
1596 lement exigeants, civiquement alertés, préoccupés de mettre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, c
1597 munauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’ aussi bons Suisses que ceux qui, trop souvent, en toute indifférence e
1598 e indifférence et ignorance quant aux bases mêmes de notre civisme, ne font leur service que pour faire comme les autres ?
1599 les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’ être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’
1600 illeurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasem
1601 amner « pour la forme », en saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays
1602 andaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en
1603 teuse pour notre pays — l’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un
1604 ’absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La
1605 te espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La véritable util
1606 légale de l’objection de conscience en Suisse et d’ un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur
1607 d’un statut correspondant ? La véritable utilité d’ un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le
1608 correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’ objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de
1609 s d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les p
1610 aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J
1611 exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudrez bien exc
1612 nt et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convicti
1613 u’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous
1614 lité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux eff
1615 m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits
1616 nsant aux efforts que j’ai faits — et ne cesserai de faire — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un
1617 cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’autorise pour vous communiquer mes réflexio
1618 e pour vous communiquer mes réflexions sur ce cas de conscience difficile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de
1619 ile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont De
1620 distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis de , « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genè
1621 ont Denis de, « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le
1622 Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le texte est précédé du chap
1623 ivant : « Vendredi dernier, le tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, p
1624 Bugnot, pour avoir refusé, pour la seconde fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnem
1625 fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répress
1626 senter au recrutement, à une peine de quatre mois d’ emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’a
1627 nt la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militai
1628 à une récente jurisprudence du tribunal militaire de cassation qui permet désormais également l’exclusion pour les objecte
1629 sormais également l’exclusion pour les objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine est identique à cette qu’a déjà
1630 être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’ aggraver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive
1631 ver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependan
1632 n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’ objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la se
1633 tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la seconde condam
1634 première. Au cours de cette audience, une lettre de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le présiden
1635 d. Cette lettre est suivie du commentaire suivant de Bernard Béguin, intitulé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au coura
1636 lé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant de la vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nie
1637 suisse des trente dernières années, n’osera nier [ de ] Denis de Rougemont les titres dont il se réclame pour parler de miss
1638 ugemont les titres dont il se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de conte
1639 il se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de mo
1640 démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur u
1641 non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît per
1642 e droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement la
1643 es mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’ admettre que la prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est
1644 uitablement à l’aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle
1645 le des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de
1646 as de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne s
1647 y a donc bien un problème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui étayent son patriotisme, que ce prob
1648 e dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’ un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État
1649 i voudrait qu’à défaut d’un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des ê
1650 ier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités du citoyen-soldat une garantie d
1651 ux responsabilités du citoyen-soldat une garantie de légitime défense que personne ne peut contester, et qui rassure valab
1652 it armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement respectable, o
1653 norité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de la mission morale du pays, non. »
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
1654 Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)ae af Monsi
1655 Monsieur le rédacteur en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au président d’u
1656 re à une lettre que j’avais adressée au président d’ un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre tr
1657 le crains. Car ce titre semble annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte
1658 ar ce titre semble annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste
1659 une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple
1660 e sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins pré
1661 tion, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’ un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause
1662 président. Si j’avais voulu traiter publiquement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en pa
1663 j’avais voulu traiter publiquement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en particulier, il m
1664 aucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout da
1665 eser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le p
1666 as de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plu
1667 difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sér
1668 cile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, néc
1669 utefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot.
1670 pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot. Si je me relis bien, j
1671 je me relis bien, je n’ai pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas dema
1672 i pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mai
1673 ore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est
1674 s au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses
1675 lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le crois
1676 s pas justifié par mon texte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à ent
1677 fié par mon texte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner pers
1678 e pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’ un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J
1679 ier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des oppo
1680 que nous. Cela dit, il me reste à vous remercier d’ avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur l
1681 ’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée : c’est ce pro
1682 lème qui importe seul, et qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieu
1683 à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis de , « Objection de conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de
1684 s dévoués. ae. Rougemont Denis de, « Objection de conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de Genève, Genève,
1685 conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de Genève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af. Le texte est précédé du c
1686 redi précédent au président du tribunal militaire de 1re Division devant lequel comparaissait un jeune objecteur de consci
1687 on devant lequel comparaissait un jeune objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de l’audience publique du Tribunal,
1688 blique du Tribunal, cette lettre, ou plutôt l’une de ses copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bern
1689 copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançai
1690 un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alternative de la part de Denis de Rou
1691 ci répond aujourd’hui. » Un débat sur l’objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera organisé et
1692 dra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève,
1693 octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
1694 us qu’il existe une culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes d
1695 se » a été largement employé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture
1696 yé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une cult
1697 Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est la plus petite
1698 n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une culture européenne . C’est la plus petite unité que l’on puisse trouver. Je suis tout à f
1699 anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité d’ étude intelligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimens
1700 ligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture française, de culture
1701 ilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture française, de culture allemande, cela n’existe pas. Il y a se
1702 continentale. Nous parlons de culture française, de culture allemande, cela n’existe pas. Il y a seulement des différence
1703 as. Il y a seulement des différences, des nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes les
1704 ont parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont commu
1705 s formes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous
1706 littérature par exemple, sont communes à tous les Européens . Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets, des tablea
1707 s à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’ Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la sy
1708 te l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehor
1709 symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’ Europe . Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’art rom
1710 vez pas en dehors de l’Europe. Les grandes écoles d’ art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le bar
1711 gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou cel
1712 baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtique. Ainsi
1713 produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté i
1714 que. Ainsi nous avons une communauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoi
1715 e communauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fa
1716 au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’École de Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigliani, Sou
1717 se par des moines au Moyen Âge. On ne peut parler de culture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs de cette culture.
1718 ulture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs de cette culture. Bien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement des
1719 des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’ avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-gar
1720 geois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne
1721 oujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les pr
1722 sses. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante a
1723 . Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient de cette
1724 utionnaire qui vient de cette mauvaise adaptation de nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Com
1725 vient de cette mauvaise adaptation de nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les
1726 quoi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse de la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’Université »,
1727 uprès de leurs petits enfants en leur conseillant de casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvel
1728 casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va
1729 e de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique que spiritu
1730 es risques humains, c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (
1731 it (absolument invérifiable et très peu probable) d’ un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de c
1732 eilleur mais dans l’augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation oc
1733 e choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a écrit :
1734 ntale prolonge les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu
1735 les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilisati
1736 a mourir, cela revient à dire qu’il n’y aura plus de civilisation du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait des indice
1737 une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures solutions que les nôtres. Or nous constatons un gigantesqu
1738 tesque effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-v
1739 tend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralism
1740 e. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralisme utilitaire des plus sim
1741 me-léninisme et de certaines traditions chinoises d’ un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge
1742 illeuses. Il y a probablement alors des centaines de morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun g
1743 rle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun germe de civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au succès des révolutions que
1744 tion aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements doctrinaux, philosophiques, religieux acceptés et assumés
1745 outi à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la
1746 en ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel
1747 mais fausse. Aujourd’hui, la civilisation née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces exté
1748 limente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimist
1749 même. Elle est devenue une force de production et d’ autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, ma
1750 et, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette c
1751 erne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l
1752 mme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent.
1753 sclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent. L’homme n’est
1754 achines comme paravent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un
1755 e n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’ai écrit en
1756 si l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absur
1757 une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous fau
1758 her d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de
1759 absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. 
1760 oyce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la responsabili
1761 e s’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’ag
1762 ndit follement, qui perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles ef
1763 d ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’ illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibi
1764 ches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’ un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèle
1765 es d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. M
1766 es romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artist
1767 Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils
1768 ectifs passionnels, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en tra
1769 t aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants,
1770 , au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des
1771 sophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d’ agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des
1772 st guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins aux esprits
1773 core faut-il sentir l’époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous
1774 jours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie d’ étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni
1775 je n’ai pas envie d’étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse
1776 cation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire
1777 se, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus h
1778 ssé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’ en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je ve
1779 s de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne
1780 réussira : car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste,
1781 r de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’ une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une
1782 aire, disons d’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans m
1783 es que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif
1784 ées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que
1785 ire ? C’est en somme une morale du risque assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’
1786 ue assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pou
1787 époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-
1788 à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phrase mystérieuse pour peu qu’on y réfléchisse : « Tu aimeras
1789 prochain comme toi-même. » ag. Rougemont Denis de , « [Entretien] Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! », Journa
1790 otre civilisation n’est pas mortelle ! », Journal de Genève, Genève, 30–31 août 1969, p. 29. ah. Interview par Anouchka V
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
1791 Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin d
1792 eur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’ un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal milit
1793 ugemont intervenait dans le procès d’un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal militaire un témoign
1794 bat que nous présentons ici n’a pas la prétention d’ apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclairci
1795 r une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscie
1796 ut de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problèm
1797 ir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problème existe. Non p
1798 oblème existe. Non pas par l’importance du nombre de ceux qui professent l’objection et en portent témoignage, mais par la
1799 ose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème
1800 Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est d
1801 on de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être env
1802 science, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et
1803 oge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-robot » des
1804 « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs de conscience que les tribunaux militaires suisses ont condamnés en 1967
1805 apidement esquissé : l’objecteur est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est prop
1806 r est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux e
1807 ent plus nombreux en Suisse romande. Si la notion d’ objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre p
1808 breux en Suisse romande. Si la notion d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique
1809 e conscience a été récemment étendue à des motifs d’ ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des mo
1810 e. — Nous examinerons au premier chef l’objection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait
1811 reint au service militaire, alors que l’objecteur de conscience religieux se réfère à cette même Constitution, dont le pré
1812  ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — L’article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais
1813 la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut,
1814 religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’opinion religieuse, s’a
1815 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’ opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civi
1816 ut, pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique
1817 ion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’ un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Const
1818 clair : la Constitution ne permet pas l’objection de conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre
1819 a donc aucun conflit entre l’armée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et non pas anti
1820 anction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’ une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. —
1821 e croire qu’il s’agit uniquement d’une opposition d’ intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de
1822 rmée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur l
1823 Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il y ait de différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs
1824 pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteur
1825 ce. Les questions posées sont communes à beaucoup d’ objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Bernard Béguin
1826 d Béguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autr
1827 n Schaller. — Non. Je ne fais personnellement pas de différence entre les diverses catégories d’objecteurs. Je pense que c
1828 t pas de différence entre les diverses catégories d’ objecteurs. Je pense que ce qui est important, c’est ce qu’ils demande
1829 t que leurs motivations personnelles peuvent être d’ ordre religieux, humanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu le
1830 Barde. — Avez-vous eu le sentiment, en objectant, de faire une œuvre antimilitariste — je précise que ceux qui font du ser
1831 itutionnelle. L’objecteur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque cho
1832 un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’ une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une oppos
1833 ni de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une opposition au syst
1834 t de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’ une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’
1835 opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre p
1836 système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’ une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accep
1837 des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation
1838 si je puis dire. L’objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problè
1839 es moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un mo
1840 à l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’ une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est-il pas
1841 nis de Rougemont. — Je suis frappé par la lecture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit en
1842 article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’ un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme s
1843 nom du Dieu Tout-Puissant », inscrit au portique de cette Constitution ? Cela ne veut absolument rien dire. C’est une cou
1844 ise et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’ histoires, c’est la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce
1845 transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocri
1846 hose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au n
1847 tat. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au nom du Dieu Tout-Puissant », entendant le Dieu chrétien,
1848 t-Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête d’ une Constitution qui n’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin.
1849 lle antichrétienne ? Denis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans le cas du conflit prévu par cet article 49, paragr
1850 tienne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’ un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triom
1851 étation personnelle du christianisme face à celui d’ une collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec l
1852 e militaire du citoyen. Moyen légal ou ferment d’ anarchie ? Denis de Rougemont. — Voilà le dilemme. Colonel division
1853 lonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils de nos plus petites communes, chaque séance débute en plaçant cette réun
1854 es, chaque séance débute en plaçant cette réunion d’ une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian
1855 ébute en plaçant cette réunion d’une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian Schaller. — Mais qu
1856 ne ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de cette protection divine que l’on utilise pour la religion du civisme 
1857 civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’ être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois,
1858 c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’ être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l
1859 même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’ être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. J
1860 Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plu
1861 emps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’objection de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puiss
1862 objection de conscience n’est que l’un des moyens d’ amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre
1863 que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évidence certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’ha
1864 nce certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’ habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’être ch
1865 ar exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’ être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position partic
1866 que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’ être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mettre
1867 tion particulière pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferm
1868 narchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’ anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christi
1869 archie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, mais êtes-vous conscient aussi du danger inverse, qui e
1870 scient aussi du danger inverse, qui est le danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice milita
1871 l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les
1872 naissez pas les troupes genevoises si vous parlez d’ obéissance inconditionnelle… Denis de Rougemont. — Au point de vue des
1873 s dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’ une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il f
1874 l ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui
1875 . — J’aimerais rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il
1876 rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clair
1877 nnée. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une
1878 nviron 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’ objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l
1879 pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’
1880 de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’armée et accept
1881 titude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’ être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductib
1882 ée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins
1883 orporés dans le service de santé. Sur la centaine d’ irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaiss
1884 ne d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie : il y a le roy
1885 leur doctrine — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou
1886 plifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la
1887 me de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ?
1888 an. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans
1889 tan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’ incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous av
1890 ves ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela mon
1891 anté tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’ eux, et cela montre que si nous n’avons pas en droit un statut pour le
1892 sa propre conscience. Pour les autres, l’officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis il les inco
1893 les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. Bernard Béguin.
1894 nstitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens, pas encore soldats, et qu
1895 dats, et qu’on lui envoie pour leur premier refus de servir ? Colonel Vaucher. — La justice militaire est compétente parce
1896 mpétente parce que la loi le dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les o
1897 rrions aucun inconvénient à ce que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je pr
1898 Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qui se prése
1899 nt à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténuantes. Colonel
1900 inir la punition ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs morau
1901 n ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs moraux, philosophiqu
1902 arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressi
1903 olument pas. Les arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les object
1904 ns des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des ét
1905 d Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez dit que c’es
1906 t, qu’un garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez dit que c’est un honnête homme — va loger troi
1907 er trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exéc
1908 un. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons
1909 chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu de plainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Mic
1910 ainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne peut éviter tou
1911 eut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin
1912 uité, mais les objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout
1913 des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militaires jugent en m
1914 rai ; et je ne pense pas seulement aux objecteurs de conscience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’in
1915 pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’ indiscipline, qui n’ont pas fait leur service par négligence, ou parce
1916 rvice par négligence, ou parce que les conditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudice financier. J
1917 es gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christian Schaller
1918 ribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux
1919 line. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. B
1920 classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a un
1921 — Depuis 1950, le Code militaire n’autorise plus de prononcer comme peine accessoire la privation des droits civiques, à
1922 des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéficier, sauf s’ils
1923 a conviction que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont
1924 que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont essayé de di
1925 actions. Quelques tribunaux militaires ont essayé de dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune h
1926 ugements ont été cassés par le tribunal militaire de cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pén
1927 re de cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que
1928 ément condamné, puisque les conditions objectives d’ une infraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) son
1929 fraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) sont réalisées. Mais avec les atténuations dont nous avons pa
1930 . — Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues d’ un malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ?
1931 ations, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’ un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’e
1932 était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vauc
1933 loi, à la suite de débats concernant l’objection de conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnatio
1934 -vous ? Colonel Vaucher. — L’intention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalisée. Denis de Rougemont.
1935 de Rougemont. — Je ne suis pas du tout objecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais j
1936 jecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étud
1937 dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà ét
1938 u à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les ch
1939 e fois, et que les choses semblaient se présenter de telle manière qu’il serait certainement condamné une seconde fois à l
1940 uisqu’il ne changerait certainement pas son fusil d’ épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les
1941 ement pas son fusil d’épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours p
1942 ient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’ autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’object
1943 s, et que le procès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience
1944 et que de déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se pa
1945 miner si les conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passait au Moyen
1946 e cela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les mot
1947 i été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquem
1948 andalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on
1949 r. — Ce n’est pas exact. Si l’objecteur bénéficie de circonstances atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meu
1950 que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce
1951 des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce sens-là. Ils ne plaidai
1952 , alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice d’ un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Be
1953 juge Vaucher que le tribunal apprécie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunau
1954 récie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont r
1955 ns ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’ avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre pa
1956 sé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’objecteur cherche
1957 la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peu
1958 éciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des obje
1959 ans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’ importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs p
1960 deuxième condamnation au plus tard, nous excluons de l’armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez
1961 ni. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre
1962 énéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple
1963 s deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges militaires, ce sont des m
1964 tre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exactement le c
1965 , et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le fasse. Bern
1966 tenant une division mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admett
1967 st-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’ admettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au
1968 mettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objection chevi
1969 . — Le Tribunal militaire ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il e
1970 me chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. To
1971 s de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre se
1972 itiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en ê
1973 e faire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur d
1974 ervice. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’ en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’
1975 tre partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite.
1976 uin. — Quand vous dites que l’objection n’est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un st
1977 ut bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui déf
1978 et militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre mond
1979 i discuter l’efficacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bo
1980 cacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bombe atomique comm
1981 Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce que n
1982 où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons d’ appliquer les recettes du passé — qui ont toujours si bien marché — ou
1983 e que la Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ? Colonel divisio
1984 s que tout cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des
1985 eux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible
1986 nt. Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse d’ Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire pe
1987 . Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse d’ Europe . Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire peut-êtr
1988 plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christian Schaller. — Pas
1989 vienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute,
1990 rvice militaire, voulu par le peuple, et accepter d’ instaurer un service civil. Numériquement, cela ne jouerait aucun rôle
1991 riquement, cela ne jouerait aucun rôle. Mais pour d’ aucuns, il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et
1992 erait aucun rôle. Mais pour d’aucuns, il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens
1993 e bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attention
1994 qu’il ne peut assumer par la suite aucune charge d’ État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà
1995 ifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs de conscience ? oui, mais pas en Suisse. Pour quelle raison en Suisse ?
1996 e. Pour quelle raison en Suisse ? Nous ne voulons de mal à personne, sinon défendre ce que nous avons reçu. » Colonel Vauc
1997 nous avons reçu. » Colonel Vaucher. — Sur le plan de la justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions
1998 vice civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’ objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pose la question comm
1999 citoyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs de la faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable
2000 obligatoire paraît la forme la plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou s
2001 ser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cette défense
2002 pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’ être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Berna
2003 ésenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est
2004 — Est-ce qu’un service civil affaiblirait l’armée de milice ? Colonel Vaucher. — Probablement… Beaucoup de nos concitoyens
2005 naire Dénéréaz. — Nous pourrions faire l’économie d’ abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous le par
2006 atoire, nous passerions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des conces
2007 métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, supranational
2008 s avons actuellement en propre nous permet en cas de conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en to
2009 uellement en propre nous permet en cas de conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en toute indépen
2010 e conflit de faire entendre notre propre voix, et d’ oser dire non en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais la que
2011 de Rougemont. — La défense suisse nous a épargné d’ être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais mainten
2012 ndre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé d’ avis à cause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur hu
2013 ause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille les destructions physiques et morales qu’en
2014 ys. Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de consci
2015 aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de conscience sur la guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse
2016 t que notre jeunesse vit actuellement sont venues de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre
2017 de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’ Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomi
2018 érie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolér
2019 pendant la dernière guerre, comme le bombardement de Dresde… Christian Schaller. — On peut précisément s’étonner que vous
2020 que vous ayez pu le tolérer si bien sans changer de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi nous l’avons toléré ? Parce que
2021 enne nous aurait définitivement enlevé tout droit de poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — M
2022 evé tout droit de poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fait d’accord. B
2023 ntières, des forces peuvent menacer notre liberté d’ exprimer cette solidarité. Christian Schaller. — C’est au nom des vale
2024 é. Christian Schaller. — C’est au nom des valeurs de ce système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un élargisseme
2025 pelons, en tant qu’objecteurs, à un élargissement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en Suisse. Nous ne p
2026 t, que si la neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préfér
2027 l’on constate qu’on a toujours consacré beaucoup d’ énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. —
2028 ouvez pas être solidaire si vous courez le risque de l’anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les fronti
2029 ian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous
2030 du fait que nos frontières actuelles sont celles de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particuliè
2031 les de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situat
2032 ougemont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs p
2033 prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu’il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut
2034 se référer à notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité oblige, allez
2035 ue je voudrais dire ici, en faveur des objecteurs de conscience, c’est qu’ils posent cette question d’une manière dramatiq
2036 de conscience, c’est qu’ils posent cette question d’ une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des que
2037 une fonction civique irremplaçable aux objecteurs de conscience.   Nos invités : M. Denis de Rougemont, écrivain, direct
2038 tés : M. Denis de Rougemont, écrivain, directeur de l’Institut universitaire d’études européennes. Colonel divisionnaire
2039 , écrivain, directeur de l’Institut universitaire d’ études européennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la d
2040 n, directeur de l’Institut universitaire d’études européennes . Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la division mécanisée
2041 ennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la division mécanisée 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédér
2042 des assurances, grand juge du Tribunal militaire de division 1. M. Christian Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du
2043 Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du Sens de notre refus (Éditions La Baconnière). Direction technique : Michel Ba
2044 daction : Bernard Béguin. ai. Rougemont Denis de , « Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », J
2045 . Rougemont Denis de, « Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 oct
2046 n de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
2047 « Denis de Rougemont, l’amour et l’ Europe  » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’une des pr
2048 r est-il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question po
2049 e plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et comment vous imaginez que j’a
2050 e j’aurais pu ne pas le faire, étant écrivain, et Européen  ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’Europe, n’a jamais
2051  ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’ Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander…
2052 Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’ Europe , n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander… Ceci d
2053 pe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasion » à ses justes proporti
2054 r et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une
2055 omme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans
2056 Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , su
2057 olémiques, où il n’est, hélas, nullement question d’ amour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j
2058 our ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre de ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophique et civ
2059 te le mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustr
2060 uple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . S
2061 Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutef
2062 ation. J’ai voulu faireal, par des exemples tirés de romans contemporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vi
2063 emporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectiq
2064 l, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, e
2065 s aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstac
2066 e Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans l
2067 même du mariage accepté ? L’étrangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La j
2068 lement ce que nous pourrions appeler l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion
2069 l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’a
2070 l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains v
2071 de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains vont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident
2072 ont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire
2073 ut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnal
2074 vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que
2075 ort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvr
2076 , il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dan
2077 raît vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un l
2078 ontre une persistance très remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase
2079 la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’ adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée ». Mais
2080 il y a sûrement un changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adul
2081 ns ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagin
2082 comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de t
2083 s de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’ un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. R
2084 u plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de
2085 ndition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que
2086 n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que le couple, fondement du rapport hum
2087 rapport humain le plus total, survivra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours e
2088 La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’ad
2089 la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de Willia
2090 domine encore, dans la proportion de dix millions d’ adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à
2091 ns d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme « l’usage non
2092 non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de l’espèce contre la démographie galopante. Quand la populat
2093 omosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin de philosopher à son propos, comme l’a fait avec tant de talent Georges
2094 nt Georges Bataille. Fasciné par la problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, cultur
2095 par la problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre c
2096 ux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre civilisation, vous avez parallèlement développé vos propres thè
2097 parallèlement développé vos propres thèses sur l’ Europe . Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont pour vou
2098 r l’Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’ attraction que sont pour vous l’amour d’une part, l’Europe d’autre par
2099 traction que sont pour vous l’amour d’une part, l’ Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et l’Occident . On m’
2100 répond : L’Amour et l’Occident . On m’a reproché d’ avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien As
2101 é trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le
2102 -amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou
2103 e de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’ Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le roman
2104 venu sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est ri
2105 L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion
2106 de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au niveau col
2107 de montrer que la notion de révolution n’est rien d’ autre que la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de r
2108 sion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu’européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source : le so
2109 u niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu’ européenne , c’est-à-dire chrétienne à sa source : le socialiste Henri de Man l’a
2110 ture tel que vous vouliez le faire à votre retour d’ Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif
2111 ous vouliez le faire à votre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif du mot que j’ai dé
2112 premier livre, publié à Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui e
2113 s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1
2114 é, mais pratiquement je me suis engagé au service de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui t
2115 is pratiquement je me suis engagé au service de l’ Europe , d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoi
2116 quement je me suis engagé au service de l’Europe, d’ une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir es
2117 e l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’ Europe . Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir. Comme
2118 uestion, sur le fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens  : « La révolution que j’appelle, qui fera seule l’Europe et qui ne p
2119 : « La révolution que j’appelle, qui fera seule l’ Europe et qui ne peut être faite que par l’Europe en train de se faire, cons
2120 eule l’Europe et qui ne peut être faite que par l’ Europe en train de se faire, consiste à déplacer le centre du système politi
2121 cer le centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensembl
2122 tème politique, non seulement de la nation vers l’ Europe , mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en même temps vers
2123 port entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publ
2124 e jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publique  ? Il y a sans doute une convergence, mais la
2125 qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissa
2126 nalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie d’ autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui
2127 ’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’ exaspérer ceux qui aujourd’hui encore justifient ses injustes sévérité
2128 l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de , « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de
2129 e, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’ Europe  », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos recue
2130 enis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos recueillis par Gene
2131 mont a réédité quatre ouvrages anciens, augmentés de préfaces inédites et il a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrag
2132 en. C’est dire que 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouvert
2133 e 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’ une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir
2134 pour lui “une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de notre soci
2135 nt d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici m
2136 vre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir / comprendr
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
2137 Genève, exemple européen  ? (10-11 novembre 1973)am On connaît le problème : Genève, ville i
2138 e problème : Genève, ville internationale, manque d’ hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges av
2139 and, et les zones voisines voient leurs relations d’ échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un c
2140 de territoire. Il y a autour de Genève une région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs fra
2141 oir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’ une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Lé
2142 te région s’étend dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman, une région éc
2143 u lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie
2144 ome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie déborde très largement celle de la région de m
2145 rbois. Sa superficie déborde très largement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges
2146 erficie déborde très largement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens ind
2147 œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouv
2148 es échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuv
2149 et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a e
2150 es, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une régi
2151 e ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va d
2152 ue. Il y a enfin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribo
2153 ersitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’ Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon
2154 ève au centre. Elle comprend seize établissements d’ enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesq
2155 spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini
2156 pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défa
2157 r de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisa
2158 i-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’
2159 ites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « m
2160 t simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « mérite », c’est-à-dire leur nature et
2161 es héritées d’autres âges. am. Rougemont Denis de , « Genève, exemple européen ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 nov
2162 ges. am. Rougemont Denis de, « Genève, exemple européen  ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 novembre 1973, p. 17.
2163 Denis de, « Genève, exemple européen ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 novembre 1973, p. 17.
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
2164 a société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capit
2165 avant le printemps redevient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de
2166 le de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’ être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous l
2167 s la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politi
2168 e un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politiques. Rien que pour les votation
2169 ts sur six la concernent directement (aménagement de la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménag
2170 rnavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’ aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construc
2171 ber). Que l’on parle d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes
2172 le d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de ch
2173 nt du territoire, de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en vill
2174 , de reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture es
2175 ruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec s
2176 artiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans
2177 construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détra
2178 arvient plus. « C’est devenu une véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que nous avions conviée
2179 tés que nous avions conviées à notre table ronde. De toute évidence, que l’on y soit favorable ou non, il faut reconnaître
2180 erne », nous avons demandé à quatre personnalités de venir à notre rédaction débattre du sujet, qu’elles connaissent toute
2181 la culture, professeur à l’Institut universitaire d’ études européennes, parallèlement à une œuvre extrêmement importante,
2182 e, professeur à l’Institut universitaire d’études européennes , parallèlement à une œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus
2183 œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre
2184 étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire
2185 nsacré un chapitre intitulé : « Première histoire de fous : la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’État, prési
2186 la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’ État, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout
2187 nseiller d’État, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients q
2188 président du Salon international de l’automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients qui se rattachent
2189 parce qu’elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève.
2190 ions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il
2191 notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’ être pour ou contre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’orga
2192 ontre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’ organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de t
2193 a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer
2194 fic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étu
2195 e développement des divers modes de transports et d’ élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médecine
2196 en médecine, a participé en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagemen
2197 anisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant
2198 un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, il s’est bien s
2199 n sûr penché plus particulièrement sur les effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarcle
2200 re affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’ une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry
2201 n pas d’une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites
2202 sité économique quelconque, mais de l’imagination d’ un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est pa
2203 u à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits fermés « producteur-consommateur », tout en s’aidant de slog
2204 més « producteur-consommateur », tout en s’aidant de slogans publicitaires habiles. Mais si la voiture avait été, dès le d
2205 iture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est la sienne depuis b
2206 nne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’ entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automo
2207 s bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automobile. D’a
2208 obile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’a
2209 ais pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trou
2210 ’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — com
2211 sidère — son titre l’indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiq
2212 indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’au
2213 histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fou
2214 sastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme
2215 ntrales nucléaires… La première grande entreprise de construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création
2216 es… La première grande entreprise de construction d’ automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry
2217 nde entreprise de construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’est lanc
2218 e monde me mettait en garde, car il n’y avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet ré
2219 evaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitess
2220 ule manière de surmonter cette répugnance c’était d’ organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens pa
2221 cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté enfantin. Cel
2222 r côté enfantin. Cela a très bien marché. Ensuite de quoi il a mis sur pied une fantastique publicité, d’ailleurs avec bea
2223 t. Dans une des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous p
2224 to peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’ aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand
2225 plaira d’aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce
2226 l’humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut
2227 os villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant.
2228 que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’ un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années, Ford n’a ven
2229 ujourd’hui, les États-Unis produisent 12 millions de voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait ac
2230 ses petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus
2231 e l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètem
2232 n absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hub
2233 our les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hubert de Sena
2234 de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’ avis. Hubert de Senarclens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot,
2235 ilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez v
2236 action assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’ invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des anné
2237 e sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part con
2238 triel vous le confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondame
2239 — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisat
2240 abrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication
2241 civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que
2242 e soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas
2243 se de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas une démons
2244 nciers qui mettent des capitaux à la construction d’ une usine, demandent bien évidemment que cette usine puisse fonctionne
2245 l aura donc fait cette déclaration dans un moment d’ angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’autres domain
2246 n’était pas lui qui a affirmé qu’il n’y avait pas de besoin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Ja
2247 opuli. Jacob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer des besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers don
2248 nt aujourd’hui, au niveau social, créer le besoin d’ utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que
2249 ugemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Da
2250 Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture,
2251 ction possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérienc
2252 ible sans besoin. François Peyrot : Permettez-moi d’ observer que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la
2253 rmettez-moi d’observer que l’on ne peut pas tirer d’ une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses e
2254 rver que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’ un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour l
2255 t pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité a
2256 ion d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas in
2257 ’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougem
2258 ier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’
2259 Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’ inventeurs qui ont fait à peu près soixante voitures en tout… Il n’y a
2260 e voitures en tout… Il n’y avait presque pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de
2261 ut… Il n’y avait presque pas plus de voitures que d’ inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie auto
2262 e pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Huber
2263 nventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Hubert de Senarclens : On parle de
2264 mobile. II Hubert de Senarclens : On parle de la voiture qui rapproche, qui libère, qui rend indépendant. Aujourd’h
2265 nt. Aujourd’hui pourtant le développement effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de tran
2266 a voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacem
2267 ’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacement de port
2268 rançois Peyrot : La voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mod
2269 lacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner. Vous sorte
2270 onne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans
2271 tre mode de transport ne peut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de d
2272 entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre
2273 ivez au point de destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de pl
2274 nation. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de
2275 rmet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent
2276 rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure
2277 re bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvren
2278 ent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autremen
2279 quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la
2280 spect qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’es
2281 re signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez l
2282 t un point primordial. Si vous comparez le nombre de véhicules par habitant en Occident par rapport à l’Union soviétique,
2283 oviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la population en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, v
2284 si se déplacer en voiture, ils n’accepteront plus d’ être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler 
2285 n’accepteront plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantag
2286 plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’ habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voit
2287 . Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous savez très bien q
2288 Vous avez évoqué la culture. Je parlerais plutôt d’ anti-culture, car quoi de plus abrutissant que les conditions de condu
2289 , car quoi de plus abrutissant que les conditions de conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire un bil
2290 vantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensém
2291 , c’est tout ! Denis de Rougemont : Permettez-moi de signaler quelques-uns des côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — co
2292 rait nous le faire croire dans certains milieux —  d’ être pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le pro
2293 re dans certains milieux — d’être pour ou contre, d’ en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension a
2294 orale des gens. La voiture est un exemple parfait d’ absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford
2295 a voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’il avait douz
2296 arfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’il avait douze ans, lorsqu’il a rencont
2297 routière à vapeur. Cela a été pour lui son chemin de Damas. On voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont le fantasme
2298 ien le préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents
2299 r. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait
2300 cents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au che
2301 assé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de fer
2302 r qui lui est réglé et n’offre aucune possibilité de détour. Mais à partir de ce fantasme, qu’est-ce que cela a donné ? Qu
2303 t à aller travailler. Autre aspect : le rendement de l’automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’un succès. C’e
2304 utomobile — sur le plan technique — est l’inverse d’ un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qu
2305 ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenn
2306 automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitem
2307 qu’il faudrait davantage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que tel
2308 d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les
2309 considération l’individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme. Au niveau du comportement, il faut
2310 comportement, il faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense perme
2311 faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d
2312 e abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’ accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au
2313 r exemple, d’accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé,
2314 t que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installe
2315 ’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’ un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’e
2316 à se servir de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour v
2317 ler : Ce que je déplore dans l’évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture e
2318 l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment des besoi
2319 que des zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment des besoins fondamentaux des familles. Regar
2320 çois Peyrot : M. Kräyenbühl a parfaitement raison de mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la v
2321 aitement raison de mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, com
2322 idence le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vou
2323 de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire u
2324 celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou une mauvaise
2325 a voiture et très importante. Il faut faire façon d’ elle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous
2326 me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation
2327 oute que l’extraordinaire prolifération du nombre de véhicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. C
2328 st possible. Mais on ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela pe
2329 ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’a dit. M
2330 e voudrais reprendre mon propos initial. En moins de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mond
2331 cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véri
2332 nue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et en
2333 sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui
2334 ou contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de boulevers
2335 lade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de bouleversements. C’est en raison de l’auto que le pétrole est devenu
2336 it compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté de rendre toute l’économie occidentale dépendante des caprices de quelqu
2337 te l’économie occidentale dépendante des caprices de quelques émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire que l’on ne pe
2338 ue ? Tout cela pour dire que l’on ne peut traiter d’ une question aussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont p
2339 ement aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de l’industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 1
2340 rie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « Mais Monsieu
2341 avez-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est de l’enfantillage. III Hubert de Senarclens : Entraver le dévelop
2342 Hubert de Senarclens : Entraver le développement de la voiture ou son utilisation, affirment ses partisans, c’est porter
2343 inte aux libertés. Mais les opposants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension
2344 ants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en pl
2345 ervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des in
2346 le choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni d’ un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent
2347 François Peyrot : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents.
2348 fait allusion à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocra
2349 t sa représentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système
2350 ystème démocratique. Prenez l’exemple très actuel de l’initiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs co
2351 parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle cette prise
2352 idère comme essentielle cette prise de conscience de la menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’auto
2353 qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à c
2354 nce. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’
2355 ures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vici
2356  ; donc il faut construire davantage de routes et d’ autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’il nou
2357 le vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que les expropriations sont de plus en plus fréquentes et
2358 plus brutales. Elles se font au nom de la raison d’ État. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire, selon des
2359 des centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messi
2360 éaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui forment ce
2361 ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de la
2362 Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber
2363 atique, c’est de laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien d’autre. J’ai peur que
2364 de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien d’ autre. J’ai peur que lorsque vous dites, M. Peyrot, que la démocratie
2365 ocratie dépend des corps constitués, vous parliez d’ oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédé
2366 ous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part d’ en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les commun
2367 s trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nul
2368 du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin !
2369 ps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur
2370 ise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber
2371 ent conformément aux lois voulues par la majorité de la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfai
2372 ques consiste à dire : il faut délester les zones d’ habitation d’un trafic trop intense, en particulier du trafic commerci
2373 à dire : il faut délester les zones d’habitation d’ un trafic trop intense, en particulier du trafic commercial des poids
2374 commercial des poids lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routi
2375 ds lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’ un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas c
2376 turne de transit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de traf
2377 réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de trafic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement
2378 fic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, e
2379 construire des routes de contournement, qui sont d’ un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances
2380 des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances bien moind
2381 uisances bien moindres, alors on crie au massacre de notre environnement, il y a là une énorme contradiction. Denis de Rou
2382 evenir à l’initiative Weber, elle ne demande rien d’ impossible. Elle demande simplement que le peuple puisse se prononcer.
2383 à faire attention avant de multiplier les permis de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est
2384 eur que l’on commet avec le trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait
2385 rafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait davantage utiliser le chemin
2386 aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’ un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit
2387 l’avantage est également démontré. On bâtit trop d’ autoroutes en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien les problème
2388 ais bien les problèmes qu’apporte la construction d’ une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terri
2389 struction d’une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer
2390 ter que l’on nous construit une seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fera gagner 3,5 kilomètres aux automobilistes
2391 r 3,5 kilomètres aux automobilistes… Alors face à de telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obsti
2392 Alors face à de telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être
2393 de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de R
2394 hl : L’urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les ge
2395 du centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’ un véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la
2396 tte tendance a considérablement modifié le visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que repr
2397 e danger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceintu
2398 a voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil
2399 « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’ État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du
2400 e objectifs : enlever du centre tous les courants de transit ; accorder une préférence aux transports publics, surtout dan
2401 a « petite ceinture » ; interdire la construction de parkings au centre en favorisant leur implantation autour de cette pe
2402 petite ceinture, de manière à permettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace
2403 e centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de
2404 Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’accord sur l
2405 nisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’ habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouveme
2406 bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne les parking
2407 qui concerne les parkings périphériques un point d’ interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qui va fair
2408 le conducteur qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings,
2409 qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous
2410 extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des cen
2411 parkings autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roff
2412 de créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roffler : Si beaucoup de personnes désirent aller hab
2413 sse en Occident, à cet égard, est juste l’inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas v
2414 rse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers
2415 ment l’animation. On ne peut pas couper les lieux d’ activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à c
2416 ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets c
2417 ansformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les
2418 grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se renc
2419 es mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître
2420 formait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge
2421 rôle si important. Voilà encore un certain nombre d’ effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose le pro
2422 nne n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un p
2423 révoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui d
2424 lobale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frai
2425 sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’ administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il
2426 puis — dit que le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substa
2427 ue le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce
2428 la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseigne
2429 que Sauvy est non seulement professeur au Collège de France mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. Franç
2430 France mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans de
2431 clair, des problèmes presque insolubles. Je suis d’ avis que des règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes i
2432 , tous d’accord pour penser que cette déclaration de feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des
2433 Pompidou est une monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». Franço
2434 ille doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’ authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de S
2435 à propos de l’industrie automobile : 30 millions d’ emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute
2436 d’emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute réflexion philosophique, sociale ou politique sur
2437 ois Peyrot : En effet, si vous avez eu l’occasion de visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d
2438 , si vous avez eu l’occasion de visiter une usine d’ automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’un nombre considérab
2439 d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’ un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fourni
2440 constaté qu’elle dépend d’un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres i
2441 ous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’armement, en passa
2442 onautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour
2443 s de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’ emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabrique pas direct
2444 Suisse — qui pourtant ne fabrique pas directement d’ automobiles — , cela représente 80 000 emplois. C’est considérable ! V
2445 ui brancher votre télévision sans entendre parler d’ emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très impo
2446 otre télévision sans entendre parler d’emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ail
2447 plois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ailleurs cet aspect du niveau de vie, person
2448 nnellement, m’enthousiasme. Je trouve merveilleux de penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hu
2449 mille personnes travaillent à l’hôpital cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies chroniques, mais auss
2450 i des accidentés. Lorsque votre voiture va sortir de son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par
2451 son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaqu
2452 qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur les routes, sans compt
2453 e année sur les routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais q
2454 strictement économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins
2455 économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager d
2456 res. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager de mettre au point des véhicules qui au lieu de durer cinq ans, si tout
2457 nnellement scandaleux — c’est un pur gaspillage —  de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuel
2458 articulier l’industrie automobile à cette affaire d’ emploi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des empl
2459 loi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des acci
2460 e créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie
2461 ie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas mo
2462 i pousse à sa multiplication ou à la construction d’ autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de
2463 Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’ éviter les autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-
2464 urs « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de Courteline : on a
2465 ’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’ un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autorout
2466 campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autoroutes pour rendre la circulation plu
2467 La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydroc
2468 e de graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydrocarbures, trouble du comportement dû au plomb, da
2469 ures, trouble du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, et
2470 le du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde d’ azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chos
2471 milieux médicaux marginaux. Alors doit-on parler de « conspiration du silence » de la part de la grande majorité des méde
2472 Roffler : Je ne pense pas que l’on puisse parler de conspiration du silence. En fait même si certains phénomènes sont con
2473 i se soient véritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la s
2474 ablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’
2475 de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on comme
2476 t les effets de la voiture sur la santé sont loin d’ être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences d
2477 Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cin
2478 mmence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’ azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix an
2479 y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’un groupe d’ ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont d
2480 ix ans. Je vous signale qu’un groupe d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont déposées chaqu
2481 d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’ hydrocarbures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Un
2482 bures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les ef
2483 route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste par le v
2484 . Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsables du cancer
2485 ponsables du cancer. On connaît également le taux de plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’ai
2486 sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que d
2487 ment prouvé que des écoliers étudiant à proximité de routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement
2488 routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable
2489 a pollution des voitures est en outre responsable d’ un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique pren
2490 ures est en outre responsable d’un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend une forte expansio
2491 e expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part en ce qui conce
2492 is l’ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion profession
2493 es suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte
2494 de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur,
2495 es chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture don
2496 de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une cert
2497 paie celle-ci horriblement cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales.
2498 ent cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : U
2499 e morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’es
2500 ugemont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsa
2501 vident que nos outils ne sont jamais responsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme. La bombe atomique seu
2502 dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’ une manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vou
2503 s on vend des centrales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine
2504 urent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François Peyrot : P
2505 Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et le
2506 fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est attaquée t
2507 au cours de ce débat, minimisé les inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemo
2508 : Et vous, ses avantages… an. Rougemont Denis de , « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève,
2509 sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 février 1978, p. 19, 22, 21, 16.
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
2510 ns ma jeunesse, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de N
2511 gtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimai
2512 but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans
2513 uipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce rôle, c’étai
2514 particulièrement dans ce rôle, c’était le moment de crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’une gr
2515 devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’ une gravité extrême. Curieusement, d’ailleurs, mon premier article, qu
2516 publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Par
2517 alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’ un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et don
2518 eu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème
2519 ent le football. J’avais beaucoup aimé ce recueil d’ essais : autant pour la manière dont Montherlant parlait du football q
2520 ort et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’ un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla m
2521 suites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla même jusqu’à m
2522 ne photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écri
2523 ien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis
2524 uer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la
2525 iture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la défense, son camarade, Montherlant. » J’étais bien entendu très fi
2526 de, Montherlant. » J’étais bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux
2527 is bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Mes débuts li
2528 our le football. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai beaucoup par
2529 up parlé football. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de l
2530 otball. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même géné
2531 dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en
2532 trois écrivains de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est
2533 nés de football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir
2534 all et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir le rôle du s
2535 que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre.
2536 être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de
2537 ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette mora
2538 fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette morale est en train de fortemen
2539 in de fortement se dégrader en raison, selon moi, de deux facteurs particulièrement néfastes : la commercialisation à outr
2540 rement néfastes : la commercialisation à outrance de certains sports, dont certains méritent à peine ce nom, et bien évide
2541 nt le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la grande majorité des compétitions internationales, des JO en partic
2542 t cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute faço
2543 ne effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pa
2544 it olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre la p
2545 nt pas le rapport qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles en
2546 iste entre la performance de l’athlète et le pays d’ où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de
2547 ains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les
2548 émocraties occidentales ont eu le plus grand tort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y aller tout en expriman
2549 ort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’ y aller tout en exprimant clairement leurs raisons, à savoir qu’elles
2550 oir qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’ un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais s
2551 é à remettre en cause très sérieusement la valeur de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’ap
2552 raisons, j’approuve totalement ceux qui refusent d’ aller à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l
2553 t été choisi comme siège des JO est un témoignage d’ admiration du monde entier à l’égard du régime communiste soviétique.
2554 l’égard du régime communiste soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant p
2555 nt nouvelle, qui élimine expressément toute forme de nationalisme. Mais certains ne seraient sans doute pas du tout d’acco
2556 lleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à
2557 e nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des d
2558 ut m’arracher mon drapeau, on en veut à l’honneur de mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est plus questio
2559 en arrive là, je crois qu’il n’est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout ce
2560 je crois qu’il n’est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense q
2561 leur ensemble, sont en grande partie responsables de la dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le
2562 e des phrases telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si
2563 s adversaires. Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan.
2564 . Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’ affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan. Et tout cela
2565 ait bien entendu régner autour du sport un climat de violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner.
2566 peuvent se déchaîner. Ne serait-il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je l’admirais comme ado
2567 dmirais comme adolescent dans les premiers livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis de, « [Entretien] Les journalist
2568 rs livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis de , « [Entretien] Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment le
2569 s ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal de Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p. 24. ap. Propos recueillis par
2570 s mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’O
2571 vements pour l’unité politique et culturelle de l’ Europe . À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’Occident d
2572 us célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, sa voca
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
2573 je suis parti en vacances avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’ami
2574 avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois,
2575 train et de livres « à lire en vacances », livres d’ amis, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comm
2576 comme la série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le s
2577 érie des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu
2578 its volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’ar
2579 exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul
2580 lu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’ amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir const
2581 , avec le plaisir constant, finalement envoûtant, d’ une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; u
2582 constant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’ une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne d
2583 ent envoûtant, d’une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du nom, c’est deve
2584 s pour le reste, hélas, je n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductions
2585 n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductions nouvelles en anglais, rouma
2586 our des rééditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et
2587 tout, écriture et lectures. À la seule exception d’ une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma hon
2588 e et lectures. À la seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte que je ne s
2589 s Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, G
2590 onse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
2591 tobre 1982)as Mardi dernier, au Conservatoire de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller,
2592 as Mardi dernier, au Conservatoire de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plu
2593 ler, une des plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’introduction d
2594 tions littéraires de notre pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Le
2595 ette année de 25 000 francs. Après l’introduction d’ Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente
2596 rancs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente et président de la Fo
2597 iler (respectivement vice-présidente et président de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État A
2598 n Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’ État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du cit
2599 eiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant d
2600 en engagé. Dans son remerciement, avant de parler de cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réa
2601 . Dans son remerciement, avant de parler de cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec
2602 qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en fer
2603 es origines à la fois historiques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix lon
2604 ques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut, pui
2605 n effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce d’ écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine littéraire, qu
2606 init aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’ une manière négative : c’est quelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a p
2607 ais n’a pas publié un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie d
2608 n seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute
2609 e seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix v
2610 ranchez en faveur de l’essai comme genre légitime de la littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c
2611 s grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’ un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rig
2612 la rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on le dit, dès ce
2613 ur place aux essayistes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai q
2614 istes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brève
2615 sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brèves remarques. Dep
2616 , théâtre, et création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la l
2617 là qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la flora
2618 re de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et le
2619 . Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voien
2620 Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essai
2621 et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’ outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix,
2622 d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’ Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de no
2623 er, et tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupér
2624 omme toute préférence quelque injustice. Le style d’ un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans
2625 ue injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’o
2626 s dans toute littérature digne du nom, et surtout d’ expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan gén
2627 nom, et surtout d’expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personn
2628 l’on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire
2629 donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédéré
2630 ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’ Europe fédérée dès 1946, fondation et direction effective pendant trente ans
2631 ence pendant seize ans du Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européenne
2632 Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans
2633 la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’ études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association eur
2634 e, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes , à Genève encore ; sans parler de l’Association européenne des festiv
2635 études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association d
2636 s, à Genève encore ; sans parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études eur
2637 parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la C
2638 ’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éd
2639 tivals de musique, de l’Association des instituts d’ études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizain
2640 musique, de l’Association des instituts d’études européennes , de la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions
2641 l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Av
2642 es instituts d’études européennes, de la Campagne d’ éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que
2643 uropéennes, de la Campagne d’éducation civique et d’ une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâche
2644 d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’administration,
2645 out ce que cela nécessite de tâches quotidiennes, d’ animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de co
2646 la nécessite de tâches quotidiennes, d’animation, d’ organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’
2647 ches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’ administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire
2648 animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente
2649 ganisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente ans, plusieurs
2650 is trente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’ où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espa
2651 plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos d’ André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est
2652 e propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il s
2653 nsmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien
2654 ien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements européens étaient « au détriment de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pou
2655 ement réfute ces propos, mais me donne l’occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. Tout s’
2656 osent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’ Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de paci
2657 ent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’ Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme 
2658 et : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je pass
2659 uoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions, d’ écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux a
2660 de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, fau
2661 plets, faute de temps, mais candides. Deux séries de motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Hist
2662 rraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre
2663 ors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans
2664 ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon act
2665 faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de cit
2666 ion de ces deux séries de motifs dans mon travail d’ écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abor
2667 fs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’ homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma gén
2668 on travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération e
2669 par le centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions c
2670 s de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée en maju
2671 ctivistes, nous sommes personnalistes ». Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux ques
2672 ntes que me posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’en
2673 Marc, j’entrai en relation avec quelques dizaines de jeunes intellectuels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après une
2674 nglais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d’ une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’It
2675 s le Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à
2676 et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l
2677 C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 ju
2678 à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’ Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoi
2679 d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaul
2680 rut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet articl
2681 emain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une conda
2682 article me valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni courrier », pour « i
2683 , pour « insultes à chef d’État étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa.
2684 étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gent
2685 de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une
2686 s gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’ une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et m
2687 ussé à partir pour New York, chargé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile
2688 . Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’ une constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Eu
2689 oignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’ Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la déli
2690 e, j’ai découvert l’Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès m
2691 on union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’ Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans
2692 engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité av
2693 t que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y s
2694 estantisme totalement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très ca
2695 fférente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne
2696 cole du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’une vocation unique
2697 dée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’ un individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté.
2698 de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’ une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous con
2699 elie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous
2700 e que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu
2701 n, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en reva
2702 des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une soci
2703 ialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et
2704 ent démocratique et libertaire, supposait un type d’ homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable
2705 a fois pleinement libre et pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est ten
2706 re et pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de
2707 ionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (les juristes
2708 la) et à l’inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles-ci ne peuvent entraîner aucun effort concret.
2709 porte qui puisse lui répondre sans avoir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Pol
2710 oir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’ Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même cou
2711 ’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait
2712 que, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant aux citoyen
2713 eau devait reprendre en l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée,
2714 réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’ où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée su
2715 rale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les communes, s’ass
2716 D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’ une société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les t
2717 e ; ces régions à leur tour se fédérant, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’idé
2718 nt, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’ une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une p
2719 uite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle
2720 jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’ Europe . L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « t
2721 dération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de
2722 nce nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’a
2723 ouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’ Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie
2724 ns le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées
2725 pe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’ assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse
2726 minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette
2727 s régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique — voir la Suisse justement — un
2728 nt utopique — voir la Suisse justement — une idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la
2729 un individu à la fois libre et engagé ; distingué de tout autre par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cit
2730 é de tout autre par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même pl
2731 me relié à la communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences q
2732 perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart
2733 littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne , j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié
2734 on européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’ un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de,
2735 ne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, « Suis-je p
2736 ue j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de , « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève,
2737 « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève, 30 octobre 1982, p. I, IV.