1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 Dépaysement oriental (16 juillet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus
2 aux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orie
3 ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits
4 ral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère
5 pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « pro
6 nt », tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleus
7 re », assez « fidèle » à ses origines pour garder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, jug
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
8 excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensatio
9 erre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine,
10 utes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château ro
11 . Et des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des
12 tend le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement inco
13 de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
14 arrément mal ? Non, car le christianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas du christianisme. Et l’on serait en droit
15 ssante mélancolie, le réalisme total qui éclatent dans ce chef-d’œuvre vous consoleront des réalités artificielles qui énerv
16  » Tout le charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des
17 ’elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chro
18 regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres e
19 mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dan
20 e sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques : il y a des fous, des femmes possédées ; d
21 croient plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sai
22 res qui mériteraient d’être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et leurs passions étranges. Aussi,
23 mporté d’outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succè
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
24 e disent les étrangers qui ont appris le français dans leur dictionnaire) « anguille sous roche » ? Que signifie, notamment
25 une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’ima
26 fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est agréable,
27 re-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de s
28 es personnes fortunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivai
29 ntrent assez inhabiles. On retombe d’ailleurs ici dans le cas du second métier, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit enco
30 doute du fait qu’il s’agit encore d’écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du philosophe, par exe
31 étiquement que c’est la société qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’il n’y trouve pas sa plac
32 érité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cela se sache ! d. Rougemo
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
33 de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier article, a notablement empiré du fait de la crise général
34 de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquoi lit-on si peu ? Pourquoi, en tem
35 s donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisseraient-elles battre
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
36 nsable, c’est la paresse intellectuelle qui sévit dans toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustr
37 man policier ou de quelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, qu
38 ient commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fon
39 euple. Mais cela suppose une véritable révolution dans les valeurs qu’ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peupl
40 as pour prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur
41 a raison d’être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui anime la
42 ocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui anime la fédération. Or, la force d’un
43 commerce », mais c’est aussi faire acte civique, dans une cité dont l’idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemo
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
44 ion triomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la foule exaltée je me disais : Qu’est-ce que tout cela, ce discours,
45 n’hésite pas à affirmer que cette thèse fera date dans l’évolution naturelle du « domaine français » : d’une part en nous re
46 it l’occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préjugé qui veut que les romantiques allema
47 borde les limites assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’un esprit bien armé
48 prime la vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g.
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
49 enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes politiques. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire
50 en le dire, ou qu’on ne veut bien se l’avouer ici dans le choix qu’est en train de faire le corps électoral américain. Qu’on
51 jeu et l’instabilité caractéristique des passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’une campagne violente. Cette épi
52 h. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués
53 t l’absence quasi totale d’arguments idéologiques dans ce grand débat démocratique. Toute la polémique se ramène à deux séri
54 niciens et arguments personnels. C’est ainsi que, dans chaque journal américain, vous pourrez lire quelques articles sérieus
55 u Roosevelt) comme président. » Tout cela paraît, dans l’ensemble, gentil, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’o
56 le mot d’ordre : démocratie. Car « démocratie », dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il l’était en France, mais un s
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
57 nt-mille, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policemen montés.
58 elle faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans la profondeur des rues environnantes et revenait submerger le square
59 e de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés, la fraternisation générale des classes et des ra
60 u destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque déserté, cette femme du peuple
61 des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Wi
62 circulation d’idées et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population. L’opinion questionne,
63 s. Il en est résulté parfois certains flottements dans la politique du New Deal, mais ces défauts techniques sont compensés
64 ntrôle davantage. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres républiques, l’opinion américaine discute réellement les pro
65 mes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop
66 politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis au
67 al définie… Elle se cristallise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’une manière d’ailleurs imprévisibl
68 ar des agences spécialisées, chaque jour exprimée dans toutes ses nuances par des lettres aux journaux, des articles de maga
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
69 l n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il faut êt
70 nnante multiplicité des dénominations religieuses dans ce pays ; d’autre part, l’importance sociale que chacune d’entre elle
71 n de la vie ecclésiastique et de la vie publique ( dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l
72 roisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veil
73 copale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœu
74 e dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègre
75 loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer la concurrence que se font
76 oncurrence que se font les diverses dénominations dans un même village. Mais ces traits extérieurs s’expliquent lorsqu’on dé
77 qu’on découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église, en Amérique, c’est aussi
78 ial, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et dont la popula
79 bilité d’action spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaître cet arrière-plan pour donner tout leur sen
80 es à haute voix avec tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec
81 tes que les cérémonies totalitaires, se déroulent dans un cadre chrétien, immédiatement significatif pour la grande majorité
82 des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
83 ristophe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constellation qui vient de décoller d’un champ neigeux de Terre-N
84 crise radio-poétique s’étant heureusement dénouée dans les hauteurs du ciel arctique, nous montâmes en spirale à 5000 mètres
85 , c’est attendre. Non seulement attendre son tour dans la queue devant les guichets, mais encore, une fois installé dans le
86 vant les guichets, mais encore, une fois installé dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de n
87 ennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers Paris. Sept ans bientôt, dep
88 uième arrondissement — quand je me croyais encore dans la banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’é
89 pose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on des chambre
90 gouttes d’une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas : un coq qui cri
91 t venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre un
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
92 es quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le propret-coquet scolaire 1910, que l’imagination se rend sans condi
93 és par MM. Hitler et consorts. ⁂ Je m’en tiens là dans mes jugements, j’arrive à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays d
94 rrive à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienn
95 entielle, allègre et intacte. Et j’ai revu la SDN dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant, cette grande figure
96 otre admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui offrait son modèle, mais qui est le seul, ou presque,
97 là-bas, occupent la scène ne sont pas représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule un gigantesque pa
98 ux que Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. N
99 me, je me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il re
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
100 ais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon s
101 , la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit pour la première fois. Elle décide
102 e 27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution e
103 vous en laisse beaucoup plus, pour unir vos États dans un plus grand péril ? Vous me direz que l’Europe est plus grande que
104 ne sont pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux
105 ée, mais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
106 é une fois pour toutes qu’il faut aller lentement dans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun motif de croire qu’on leur la
107 épétez qu’il faut être prudents quand on s’engage dans une entreprise aussi vaste. Ah ! pour le coup, je trouve cela « préma
108 istre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés dans rien que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la
109 s prudences nous cassent les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première session consultative (au second
110 résume. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous demande « Que voulez-vous faire ? » Si vous
111 n progrès sur l’entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d’entre vous, comme je le c
112 ent, qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux a
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
113 droit d’être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fo
114 d’une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvel
115 n sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien
116 auve la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sérieusement.
117 , pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le desti
118 é, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’histoire concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout ja
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
119 une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais s
120 e là-dessus. Bref, une seule chose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de
121 jorité travailliste ne saurait être tolérable que dans la mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement eu
122 nt de veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Opposés en tout, sauf
123 moyen d’agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos souverainetés ? Qui les a vues depuis quelques d
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
124 ous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par
125 avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Eur
126 ssera les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmure
127 cs : le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal q
128 syndicats patronaux et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique eur
129 ceptez cela, vous aurez avec vous l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le
130 est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose au monde est pl
131 vous m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voule
132 ’Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Pers
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
133 e anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, c
134 plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’est pas ce petit corps maigre, et ce rire éden
135 alait cent vertus. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sa
136 res de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de Choiseul avec
137 otre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comme adversaires des libertés réel
138 imagination, que bien d’autres images entraînent, dans ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
139 indépendantes de l’aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politi
140 re en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes et communistes s’unissent pour d
141 condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait l’histoire de cette union. En 178
142 faire ratifier. L’opposition se montra violente. Dans quelques villes, le projet fut brûlé par la population en place publi
143 ui devait assurer son essor et sa longue primauté dans l’Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois
144 gue primauté dans l’Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Ha
145 culté d’aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les faits ont trop longtemps appuyé ces arrogantes
146 randeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un gra
147 elle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! Nous y reconnaîtrons nos anxiétés, nos erreurs, mais auss
148 aussi nos espoirs. (Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les
149 ns cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêm
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
150 ine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou désavoue implicitement le
151 plicitement les partis qui agissent à son service dans nos pays. En insistant enfin sur l’importance vitale d’une reprise de
152 cipe qui a fait la force principale du stalinisme dans l’intelligentsia européenne : l’autorité sans discussion. Telles étan
153 t la condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domaines, politiques ou économiques. Car ce sont elles seu
154 n qui revient par deux fois, fortement soulignée, dans la déclaration que M. Boulganine fit à Moscou la semaine dernière, au
155 e : quand un pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le R
156 tat soviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se r
157 réfléchir. Le ministre russe s’exprimait en effet dans un langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxis
158 i se traduisait alors par une ingérence qualifiée dans les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’
159 force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique entre hommes ég
160 de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de profe
161 cheval de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène chez l’autre un ch
162 ui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il fa
163 u’on nomme la détente, mot qu’il faut prendre ici dans son sens littéral : un ressort est détendu, la pression tombe. Les ef
164 eil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme psyché collective soviétique. Celle-ci cherche avant tout no
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
165 , sans un geste — cela ? Ces voix rauques, jusque dans nos chambres, criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’un pos
166 unisme sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le c
167 e ans, la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
168 itaire ! » sachons qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’attachement inst
169 devant une autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un r
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
170 r de la science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondeme
171 accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir
172 dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet,
173 Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas fair
174 occupe une place centrale et dont l’écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une des prouesses intellectuelle
175 e fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et pla
176 suite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par l
177 ce des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’
178 le et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur
179 Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’aute
180 scendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que le Christ d
181 de Dieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le p
182 sourciller Ps-Pr-F — comme l’énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet
183 , précisément le « Dieu sensible au cœur », saisi dans la conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phén
184 ition du péché, en termes de technique musicale ? Dans ce contexte, une autre thèse me frappe : la musique est d’Europe, ess
185 voir les résistances que ce point de vue provoque dans l’intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe. Mais surto
186 oilà de quoi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les r
187 camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet
188 ette tentative s’inscrit d’une manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérités traditionnelles, dont Je
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
189 illiardaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle d’autre chose
190 c (militaire) aux orties » avant de « disparaître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’un acte bien défini, qui m’
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
191 e mettre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’aussi bons
192 je sais bien que vous n’avez pas le droit formel. Dans ces conditions, pourquoi ne pas condamner « pour la forme », en saisi
193 e hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président,
194 it étudié. En revanche, nous ne pouvons le suivre dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’un statut des objecteurs
195 blement des hommes qui acceptent leur service non dans l’indifférence ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des c
196 vice non dans l’indifférence ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des choix que poserait un conflit armé. La sta
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
197 ’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’a
198 exte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner personne. Non, je n
199 importe seul, et qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieur le rédact
200 de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alter
201 e Rougemont prendra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Jour
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
202 sont communes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le
203 . C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les prisons russes. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’
204 s bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est enc
205 une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas elle qui donne ce ton-là, puis
206 qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes les dictatures communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés
207 s communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vie
208 laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un monde ren
209 très peu probable) d’un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assist
210 de morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun germe de civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au
211 l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l’homme devient esclave des m
212 il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’ai écrit en 1946 sur la bombe atomique, je disai
213 ut. C’est un objet. Si vous la laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas en sortir toute seule. On nomme des comités
214 u’une Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la r
215 s vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agrandit follemen
216 té de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agrandit follement, qui perd ses mesures, la foncti
217 raliste imaginatif, de tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles
218 régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa démence la plus secrète. Par quoi cette période anarchique que tra
219 ’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outr
220 ns le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la p
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
221 ier, le professeur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’un objecteur de conscience en adressant au président du T
222 xalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et discutée. Car ce
223 doit être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Té
224 losophique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des motivations chrétiennes. C’est donc par elles que la discussion d
225 ence religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astr
226 ller. — Je ne pense pas qu’il y ait de différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs religieux et pou
227 ture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considè
228 onter d’histoires, c’est la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce qu’on sait : au régime totalitaire. Colonel Vo
229 ez nous. Denis de Rougemont. — Non. Mais j’ai dit dans certains régimes, et très logiquement. Car là il n’y a plus aucun rec
230 e ? Denis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans le cas du conflit prévu par cet article 49, paragraphe 8, on tranche
231 ilà le dilemme. Colonel divisionnaire Dénéréaz. —  Dans les conseils de nos plus petites communes, chaque séance débute en pl
232 s dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse
233 it de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui attaque à sa base une constitution démocratique a
234 ution démocratique au lieu de chercher la réforme dans son cadre. Denis de Rougemont. — J’aimerais rappeler que le problème
235 re Dénéréaz a commandé la section du recrutement. Dans quel cadre agissent les colonels recruteurs qui font face à l’objecte
236 l’égard de l’armée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité so
237 eu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous accep
238 rre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eu
239 nvaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. B
240 divisionnaire Dénéréaz. — Jugez-vous des mineurs dans les tribunaux militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous pouvons les ju
241 les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténuantes. Colonel divisionnaire Dénéréa
242 épressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont aut
243 ce sont autorisés à travailler pendant la journée dans des établissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logé
244 spitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logés dans des prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Sa
245 malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militair
246 our des fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux po
247 conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étudiants pour qu
248 ies. C’est ainsi que cela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circo
249 Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétiqu
250 ale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce sens-là. Ils ne plaidaient eux-mêmes aucune circonstance pouvant c
251 emont que l’appréciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que l
252 x militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous re
253 nt mêlés que vous retrouvez les mêmes personnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui,
254 Vaucher. — Vous trouverez exactement le contraire dans nos jugements. Denis de Rougemont. — Effectivement, dans l’armée je n
255 s jugements. Denis de Rougemont. — Effectivement, dans l’armée je n’ai pas entendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup
256 lème formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans la période atomique qui change tout à mon sens. Bernard Béguin. — Qua
257 on-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On ne peut plus rais
258 les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons d’appliquer
259 l n’est pas dit que la bombe atomique intervienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuad
260 é que l’État ne peut pas mettre en doute, surtout dans notre communauté helvétique, la justification morale du service milit
261 ne crée pas des devoirs particuliers aux Suisses dans la prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
262 pitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur les trente volumes que j’ai publiés, ce n’es
263 l’Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des relations individuelles, dont l’exemple privilégié res
264 me toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas
265 rectifie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi
266 mour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-même , je cherche les complémentarités. Il n’y a pas mutat
267 on, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion che
268 jamais fascinante, « passionnante ». La jeunesse dans son ensemble vit actuellement ce que nous pourrions appeler l’éclatem
269 met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à un « l’éclateme
270 le des mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase qui se termine ainsi : « … la moitié d
271 ainsi : « … la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassé
272 s’est largement accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon sens ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour co
273 rs et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs s
274 me donner raison. Je suis revenu sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la no
275 ivain engagé au sens actif du mot que j’ai défini dans mon premier livre, publié à Paris en 1934, Politique de la personne
276 re du sens actuel, qui est passif : embrigadement dans un parti. Le premier chapitre était intitulé : « L’engagement politiq
277 être ai-je répondu à cette question, sur le fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens  : « La révolution que j’appelle, qu
278 nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-il un rapport
279 érités et ceux-là seuls. Vous avez donc confiance dans cet avenir ? Nous n’avons pas à prédire l’avenir mais à le faire. a
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
280 ts. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région appellent des solutions transfrontalières. Et chaque pro
281 rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a,
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
282 Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines l
283 ture dans la société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient
284 é au départ. Pour faire le point sur la « voiture dans la société moderne », nous avons demandé à quatre personnalités de ve
285 plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire , il lui a consac
286 I Hubert de Senarclens : Denis de Rougemont, dans votre livre, L’Avenir est notre affaire, vous décrivez une voiture né
287 dites-vous, qui est parvenu à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits fermés « producteur-consommateur »,
288 bien ou que je la trouve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la co
289 ques et éthiques. L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme. Et j’espère qu’
290 t la création du jeune Henry Ford qui s’est lancé dans cette aventure contre laquelle tous ses amis le mettaient en garde. D
291 tre laquelle tous ses amis le mettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut un immense best-seller, je lis cette phrase
292 ue publicité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’a
293 ent 12 millions de voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait achetée pour jouer avec ses petits enf
294 l’automobile. Il aura donc fait cette déclaration dans un moment d’angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’
295 angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’autres domaines. Denis de Rougemont : Je m’inscris en faux contre c
296 pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son
297 a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cin
298 eut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de destination. C’est un instrum
299 ontinuellement pressés, stoppés aux feux, bloqués dans des files. Et c’est finalement bien davantage un « stress » que vous
300 ullement — comme on voudrait nous le faire croire dans certains milieux — d’être pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équ
301 pter ou promouvoir des innovations technologiques dans notre société, sans nous demander au préalable à quoi cela peut bien
302 a calculé que la vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de b
303 actement les mêmes critiques à d’autres produits, dans d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il
304 nir travailler. Jacob Roffler : Ce que je déplore dans l’évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop gra
305 ire une bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire faço
306 es PDG de l’industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre 
307 . Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système démocratique. Prenez l’
308 ement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle
309 e l’automobile avait détruit les rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L
310 er une préférence aux transports publics, surtout dans le périmètre situé à l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdir
311 Il semble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’accord sur le rôle que doivent
312 doivent jouer les transports en commun, notamment dans les zones densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un
313 ont : Vous me rappelez ce que disait Alfred Sauvy dans son petit livre sur l’auto : « Les accidents sont impopulaires mais l
314 ra de s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui d
315 gard, est juste l’inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux d
316 , que la voiture avait tué les relations humaines dans la cité. Denis de Rougemont : Je citerai deux penseurs français actue
317 Bertrand de Jouvenel et Alfred Sauvy. Le premier dans plusieurs ouvrages nous a rendus attentifs à ce fait que la voiture,
318 le de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis
319 rançois Peyrot : On amène une circulation moderne dans des villes qui n’étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte,
320 de l’industrie automobile : 30 millions d’emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute réflexion ph
321 nt par l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rie
322 x siècles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans la critique que vous faites du système en général c’est que vous insi
323 provoquer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la r
324 sé chaque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou su
325 e sur nos routes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportem
326 e. Mais quels sont les méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à prés
327 an. Rougemont Denis de, « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 février 1978,
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
328 aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)ao ap Dans ma jeunesse, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans les équipe
329 eunesse, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel.
330 Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce rôle, c’était le moment de crise où je devais intervenir ; cet ins
331 , d’ailleurs, mon premier article, qui fut publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique
332 l que pour son style. Mon article fut donc publié dans La semaine littéraire, seule revue paraissant alors en Suisse romande
333 Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, p
334 évitée certes, mais se serait sans doute engagée dans des conditions bien différentes. Le peuple allemand aurait en effet c
335 ais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans leur ensemble, sont en
336 ive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans leur ensemble, sont en grande partie responsables de la dégradation d
337 du sport telle que je l’admirais comme adolescent dans les premiers livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis de, « [En
338 de Rougemont est l’écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europ
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
339 a seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte que je ne savais plus par cœur
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
340 e, l’un de l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant de parler de cette Europe qui lui « tient au
341 espèce d’écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’une manière négative : c’est quelqu’un q
342 de la littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’un essayiste qui n’écrit même pas sur
343 çais, à part Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montai
344 l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des
345 ontaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des L
346 s… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans ma bibliothèque française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans A
347 ue française. Seul Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en reva
348 l Benjamin Constant est meilleur dans Adolphe que dans ses écrits politiques. Paul Valéry me paraît en revanche plus créateu
349 . Paul Valéry me paraît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’opposera sans doute Racine. Mais tou
350 araît en revanche plus créateur dans sa prose que dans ses vers. On m’opposera sans doute Racine. Mais toute loi souffre exc
351 u’on le jugera. Rendons leur place aux essayistes dans toute littérature digne du nom, et surtout d’expression française.
352 st un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements
353 tre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette
354 ui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’est joué, à la f
355 revoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rap
356 x séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du d
357 usait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du perso
358 nous sommes personnalistes ». Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux questions les plu
359 s aussi d’une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revue
360 ar la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord da
361 armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major génér
362 me suis trouvé, sans trop savoir comment, engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédé
363 tes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans nos groupements personnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit
364 Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité id
365 dre en l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudho
366 r une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’a
367 re par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur d
368 e. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que no