1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’où nous viendraient un
2 de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’ il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destin
3 lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympa
4 ’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c
5 uvent le cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut- il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des
6 me mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type
7 de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’ il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur para
8 qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’ il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfia
9 attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’ il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveu
10 sme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». «  Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur
11 flige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit- il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticis
12 à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. E
13 oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je
14 t menaçant ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’ il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de T
15 une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout qu
16 ar un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est- il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’u
17 aine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’ il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette
18 parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’ il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
19 s, mais sans jamais s’y perdre ou se confondre en elles , révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite
20 uite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d
21 morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’ il sait y trouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysem
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
22 voix haute, aucune couleur vive. Les journaux qu’ ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une révol
23 un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et port
24 auve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son
25 ylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu co
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
26 e histoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal es
27 es « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carrément mal ? Non, car le christianisme se
28 qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’ il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capab
29 Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même
30 le. Cette femme n’est pas un ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’
31 mme n’est pas un ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux
32 ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu
33 liable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’ elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais
34 réalité c’est le terne train-train des journées. Ils avaient en somme raison, tout au moins pour leur compte, ajouterons-n
35 ur compte, ajouterons-nous. À chacun sa réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur les choses. Le regard « réaliste » d
36 folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’ il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visa
37 elui qui sait voir parce que, mieux que d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde, qu’il est, sur ces vies douloureuses, ba
38 que d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde, qu’ il est, sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes, mal engagées o
39 le d’une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’ elle est le vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’hist
40 man ! La mode passe, le public se fatigue, paraît- il . « Achetez français », disent les critiques, à l’instar de l’affiche
41 sent les critiques, à l’instar de l’affiche (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d
42 l’instar de l’affiche (dont il faut regretter qu’ elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’
43 ffreux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’ il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Al
44 s’il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carri
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
45 ns contestées de la France contemporaine. N’y a-t- il pas là (comme disent les étrangers qui ont appris le français dans le
46 pliste (et ce n’est pas chez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à la vérité,
47 chez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’ il est essentiellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soi
48 ellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’ elle soit encore, Dieu merci, la culture française est malade elle aussi d
49 core, Dieu merci, la culture française est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffri
50 le aussi d’une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’inculture relative des masses
51 moins en France qu’en Suisse et qu’en Allemagne.) Elle me paraît souffrir ensuite, et peut-être plus gravement encore, de la
52 crivain. Parmi ses confrères académiciens, disait- il , tous célèbres et « auteurs à succès », tous ayant atteint ou largeme
53 l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit au moins deux articles par jour, un troisième « fait les théâtr
54 bonnes gens disent d’ordinaire : que ne prennent- ils un second métier, ces écrivains ! La littérature n’est qu’un luxe, el
55 ces écrivains ! La littérature n’est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui est médecin
56 rant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes les forces d’un
57 elque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa plume. Or, c’est
58 aticable mais néfaste : les livres ne payant pas, il faudra faire du journalisme et courir les rédactions, improviser… Or
59 s du second métier, aggravé sans doute du fait qu’ il s’agit encore d’écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui
60 dans son ensemble, étant faite de telle sorte qu’ il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait à expliquer que le
61 urs, se moquent un peu de la culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudr
62 emps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cela se sache ! d. Rougemont Denis de, « Cond
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
63 teurs ne sont pas des philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’être. Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère
64 thropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’être. Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se faisaient un
65 ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’imposer certains au
66 ginaux, donc peu vendables au début. Aujourd’hui, ils se voient obligés de se soumettre aux goûts (supposés) du public. Ils
67 s de se soumettre aux goûts (supposés) du public. Ils renoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et au
68 sés) du public. Ils renoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoi
69 alistes se récrient en vain : l’éditeur répond qu’ il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur com
70 et de la littérature faite sur commande, comme s’ il ne s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie, de macaronis. On
71 oudrait de ce Zarathoustra dont on vendit, lorsqu’ il parut, 15 exemplaires ? Nul ne peut plus se payer de telles fantaisie
72 offre, et cela pour les meilleures raisons ! Ou s’ il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleu
73 isons ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa
74 sa perte, de bonnes petites histoires coquines. ( Il est certes des exceptions à cette règle déplorable. Elles se font exc
75 t certes des exceptions à cette règle déplorable. Elles se font excessivement rares.) Les débats passionnés que vient de soul
76 ins ? Et avant d’y porter remède, ne conviendrait- il pas de s’interroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les croi
77 s seulement matérielles. Je crois au contraire qu’ elles affectent les sources vives de notre civilisation. C’est pourquoi le
78 ys. Pourquoi donc nos démocraties se laisseraient- elles battre sur ce terrain, où elles disposent des meilleures armes ? Je p
79 s se laisseraient-elles battre sur ce terrain, où elles disposent des meilleures armes ? Je persiste à croire, malgré tout, q
80 es ? Je persiste à croire, malgré tout, que c’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois ell
81 e mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écr
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
82 tractions commerciales ? Les écrivains ne portent- ils pas une part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu
83 est à peu près ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapp
84 . Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet,
85 est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et en particulier l
86 de l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer depuis. Les grands auteurs de notre siècle ne son
87 notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alo
88 dans un grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’ il en soit autrement, quand Proust, Gide ou Valéry ne paraissent recherc
89 les grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devient libre pou
90 t libre pour une « littérature » commerciale qui, elle , ne sera soucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatte
91 la lecture, aujourd’hui, n’est plus du tout ce qu’ elle était au siècle passé pour des millions de personnes de toutes condit
92 le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’ il s’est perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains
93 grands de nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’ il se perde en se « distinguant » volontairement des préoccupations, jug
94 on de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais la société en pâtit, plus gra
95 ndre. Mais la société en pâtit, plus gravement qu’ elle ne le croit, sans doute. Une situation si compromise ne se rétablira
96 que truc, loi nouvelle ou campagne de propagande. Il s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sens de leur fonct
97 ne les y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on appelle l’oreille du peuple.
98 pose une véritable révolution dans les valeurs qu’ ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peuple, et pour influenc
99 ne dis pas son âme, c’est l’affaire des Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communauté, et non plu
100 Jamais un écrivain ne travaille mieux que lorsqu’ il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réel
101 écrivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent qu’ il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa na
102 c est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or,
103 teurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’ il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe hautement à notre
104 uste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’ il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir des écrivains r
105 ssi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs d
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
106 façon suffisamment profonde, par les relations qu’ elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre époque, plus que t
107  » Or notre époque, plus que toute autre semble-t- il , s’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et
108 ble-t-il, s’est attachée à l’étude des rêves : qu’ il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste.
109 oésie, roman, philosophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomène à
110 culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’ il faut remonter si l’on veut étudier la source véritable de préoccupati
111 alyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’ il nous propose, sont infiniment plus larges que celles du savant vienno
112 niment plus larges que celles du savant viennois. Elles englobent tout le mystère de la création poétique, elles font une par
113 nglobent tout le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirituels, religieux et métaphysi
114 et Mallarmé, pour ne rien dire des contemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus avant cette étude, e
115 nds n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’ ils furent souvent, en réalité, des esprits d’une lucidité puissante, voi
116 assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’un esprit bien armé par nos classiq
117 athie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il e
118 ligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suiss
119 e telle synthèse, dont il est permis de croire qu’ elle exprime la vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
120 les États-Unis. D’autant plus violente, semble-t- il , que l’enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les lut
121 emble-t-il, que l’enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes politiques. Roosevelt représente le Ne
122 e toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fract
123 . Mais peut-être cette nuance hypothétique joue-t- elle un rôle plus important qu’on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut b
124 s, mais le parti antiguerre reste fort. En sera-t- il de même lorsque cet article paraîtra ? Il y a huit jours, les experts
125 aux candidats socialiste et communiste. Que s’est- il passé ? Personne ne pourrait le dire avec certitude, pas plus qu’on n
126 ses, c’est précisément le nombre des inconnues qu’ elle met en jeu et l’instabilité caractéristique des passions dans ce pays
127 ique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’un m
128 , mais non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adve
129 peu d’exceptions près, soutienne Willkie — comme elle soutint Landon il y a quatre ans — l’information reste impartiale et
130 rsonnelle qui les liait au candidat contre lequel ils proposaient cependant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un
131 s fureur. L’Américain n’aime guère discuter, mais il aime faire connaître son opinion. Il délègue donc ce soin à un bouton
132 scuter, mais il aime faire connaître son opinion. Il délègue donc ce soin à un bouton tricolore qui proclame sur sa poitri
133 ovembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’ ils pensent en tant que nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt
134 ins sauront ce qu’ils pensent en tant que nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt l’emporte, les événements suivro
135 s politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’ il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Américains se reformera toujour
136 tie », dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté huma
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
137 émocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’ il est capable de cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa cir
138 on. L’opinion questionne, le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à son tour. N’importe quel citoyen peut critiqu
139 uestionne, le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à son tour. N’importe quel citoyen peut critiquer publiquement
140 a presse et la radio lui en offrent les moyens. S’ il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on
141 convoque à Washington, on examine son projet, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont l
142 , pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois certains flottements dans la politique du New
143 e exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce qu
144 mpétences, qu’on lui « donnera sa chance », comme ils disent. Cet esprit de participation exerce une influence excellente à
145 e à la fois sur le gouvernement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement devant le peuple, et
146 Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, qu’ il s’agisse des nationaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’
147 méricaine discute réellement les problèmes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas
148 dans le fait très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument fau
149 n réalité, il n’y a pas de partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler les républicains et les d
150 tion. Leur opposition reste fluente, mal définie… Elle se cristallise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’élection
151 ndispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’ il n’y a que deux partis, et que ces deux partis ne représentent nulleme
152 oit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’une opin
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
153 fait une découverte sur les États-Unis : c’est qu’ il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique
154 blique une place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un
155 s fanatiques d’une foi, des missionnaires. Mais s’ ils trouvaient sur le sol américain la liberté de célébrer leur culte, il
156 sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder une « cité » entièrement
157 être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’ il est luthérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholiqu
158 llemand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’ il est presbytérien ; et s’il est catholique, Irlandais ou Italien. À ce
159 luthérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’ il est catholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’origine son
160 re part, l’importance sociale que chacune d’entre elles y revêt. On peut apprécier diversement cette interpénétration de la v
161 ’être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’ il s’est vu curieusement négligé par la presque totalité des observateur
162 e, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’ elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto
163 n milieu social, des amis, des appuis matériels s’ il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et
164 n spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaître cet arrière-plan pour donner tout leur sens à certains
165 e mystique », déclarant après son installation qu’ il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le cho
166 fusa les prières de « confession générale », dont il répétait les phrases à haute voix avec tous les membres du Congrès, d
167 eille Bible de famille, en langue hollandaise, qu’ il avait choisi d’ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corint
168 terminé, et à peine les applaudissements se sont- ils apaisés, une voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et du Sa
169 ligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie améric
170 s à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politi
171 s du chef, et permets que dans ces sombres jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
172 insi la longueur du voyage, pratiquement, à ce qu’ elle était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant, me voici
173 a beauté nous eût cloués sur place, mais parce qu’ elle provoquait des tempêtes magnétiques qui ont pour effet d’aveugler les
174 n peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mille mètres p
175 s sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos têtes, les lampes en veilleuse, et
176 s pendant la guerre… » — « Taisez-vous, me crie-t- elle , je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » El
177 rope ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces meubles blancs, et ce grapefruit.
178 rop rouges, ces meubles blancs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’o
179 s blancs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit- elle , d’une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Le
180 e, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit aut
181 — Est-ce que Paris a été bombardé ? me demandent- ils non sans inquiétude. — Et New York donc ? Si vous y connaissez des ch
182 e les Américains paraissent bizarres, ici ! Comme ils se mettent immédiatement à ressembler à ce que l’on pense d’eux en Eu
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
183 tique par excellence, d’une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas é
184 e pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos front
185 nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’ il en reste et que l’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le
186 sse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’il n’y ait plus qu’un no man’s land où s’affrontent sournoi
187 lifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’ il n’y ait plus qu’un no man’s land où s’affrontent sournoisement les se
188 omme disent les Anglo-Saxons, pensant au temps qu’ il fait, tout simplement. Les délégués paraissaient regretter « l’atmosp
189 e défaite victorieuse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’un déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe au
190 la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui offrait son modèle,
191 x diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même,
192 lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente minutes plus tard, emportant un espoir raisonnable :
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
193 le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’ il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout
194 ller son union fédérale. Tout le monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici le récit exact. Au début de 1848, la Conf
195 n et au-dehors — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle
196 er à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq Ét
197 maine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la D
198 ins. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’ elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les ca
199 z que l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’ il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés canton
200 sublimes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Su
201 de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’ il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à
202 mplissaient nos journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non p
203 aisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’ il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cé
204 ire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’ elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant l
205 Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Eu
206 lques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu
207 ous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’ il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, m
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
208 ncipe ceux-là, ont décidé une fois pour toutes qu’ il faut aller lentement dans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun mot
209 loisir d’être prudents. Festina lente nous disent- ils . Les Coréens n’entendent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec
210 . Les Coréens n’entendent pas ce latin-là. Même s’ il est prononcé avec l’accent anglais. Vous allez me parler, je le sais
211 ficultés accumulées sur votre route vers l’unité. Elles sont connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de les surmonte
212 d’entre vous le rappelait récemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministre
213 tre Comité des ministres néglige donc son premier devoir . À qui la faute ? L’opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu
214 opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’ il vous faut dissiper. Vous allez, paraît-il, réviser prudemment les sta
215 çons qu’il vous faut dissiper. Vous allez, paraît- il , réviser prudemment les statuts du Conseil de l’Europe, ainsi que vos
216 i de vous dire que l’opinion s’en moque, parce qu’ elle a ses doutes motivés sur vos intentions véritables. Elle n’est pas sû
217 ses doutes motivés sur vos intentions véritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés d’un instrument un peu meilleur — mo
218 faute avant le départ —, vous en ferez l’usage qu’ elle attend. Elle n’a pas l’impression très nette que vous êtes décidés à
219 e départ —, vous en ferez l’usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’impression très nette que vous êtes décidés à faire l’Europ
220 nissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiets de ne pas vous avancer
221 a, déconcertés par un éternuement des daltoniens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’un comité lui-même consultati
222 ndent après six mois que c’est prématuré, mais qu’ il ne faut rien faire en attendant. Et l’opinion se demande si tout cela
223 t vos sentiments intimes, qui sont très purs : qu’ elle distingue mal les forces colossales qui paralysent jusqu’à votre éloq
224 erve un projet de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenou
225 perts. Mais rien ne pourra jamais me persuader qu’ ils aient tous raison à la fois, quand il n’en est pas deux qui tombent d
226 rsuader qu’ils aient tous raison à la fois, quand il n’en est pas deux qui tombent d’accord sur autre chose que ne rien fa
227 On dirait que vous avez le trac. Vous répétez qu’ il faut être prudents quand on s’engage dans une entreprise aussi vaste.
228 gés dans rien que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, co
229 Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’ il veut dire exactement, mais cave ou toit, chacun peut voir que M. Bevi
230 r un abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré, pour celui qui ne
231 audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous demande « Que voulez-vous
232 us regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous demande « Que voulez-vous faire ? » Si vous ne voulez pas fédére
233 vous serez oubliés cet automne. Si vous croyez qu’ il vaut mieux ne rien faire, ou qu’on ne peut rien faire de sérieux, vou
234 re vous, comme je le crois, sont fédéralistes, qu’ ils le disent, qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un insta
235 le crois, sont fédéralistes, qu’ils le disent, qu’ ils proclament leur but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’un
236 ament leur but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés.
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
237 ur le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’ il vous convient de revendiquer, celui dont, par avance, je vous salue.
238 enne. Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de con
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
239 arty sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y voit, si j’ose dire, que ce qui
240 ropéenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y voit, si j’ose dire, que ce qui n’y est pas ; il voit que ça n’es
241 n’y voit, si j’ose dire, que ce qui n’y est pas ; il voit que ça n’est pas rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingu
242 ça n’est pas rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs, qui d’une part ne font point
243 en lu ce pamphlet, d’une étrange arrogance. Ce qu’ il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’i
244 nce. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’ il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que l’Europe soit une culture, une
245 de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’un seul problème : la politique du plein emploi ; u
246 nt d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’ il se dit partisan d’un peu d’union tout de même, pour faire face aux So
247 ochure, ce minimum ne saurait être envisagé que s’ il n’affecte pas les intérêts anglais, et que si toute l’Europe se conve
248 , selon lui, peut faire du bon travail, pourvu qu’ elle n’ait aucun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera d’être démocr
249 Comité ministériel cessera d’être démocratique s’ il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du dal
250 ogique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu’ elle ne soit pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que
251 ore qu’elle ne soit pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que la démocratie est identique au socialisme a
252 a démocratie est identique au socialisme anglais. Il en découle primo : qu’une Assemblée sans majorité travailliste ne sau
253 e ne saurait être tolérable que dans la mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement européen ; secundo :
254 pions d’un régime fédéral fondé sur la majorité «  doivent être considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité europ
255 r-nationale. Cet ami de l’unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des adversaires et des alliés inattendu
256 nservateurs suivent une logique non daltonienne : ils partent d’un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaisse
257 s conclusions négatives. Au Parlement européen, s’ il est doté de pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut q
258 e pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’ il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de v
259 législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’ elle ait vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tori
260 t que leurs motifs profonds ne sont point ceux qu’ ils donnent, mais bien ceux qu’ils subissent plus que d’autres en leur îl
261 sont point ceux qu’ils donnent, mais bien ceux qu’ ils subissent plus que d’autres en leur île : j’entends le nationalisme é
262 des souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’ il y trouve un alibi. Cette passion ne recourt à ce mythe que pour garde
263 ur l’ordre du Kremlin ? Et comment se définissent- elles  ? Toynbee, qui est un grand historien, écrit au Times qu’elles ne fon
264 ee, qui est un grand historien, écrit au Times qu’ elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez e
265 , seraient bien en peine d’en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez eux. C’est tout. Mais s’il
266 l’étranger commande chez eux. C’est tout. Mais s’ il faut éviter que l’étranger soit Staline, ils acceptent fort bien que
267 ais s’il faut éviter que l’étranger soit Staline, ils acceptent fort bien que leurs armées soient commandées par un América
268 t commandées par un Américain. On prétend même qu’ ils auraient accepté que leur monnaie perde un tiers de sa valeur, parce
269 taires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient- ils naïfs, quand c’est par décision d’un État étranger qu’ils disent voul
270 s, quand c’est par décision d’un État étranger qu’ ils disent vouloir garder la souveraineté du leur ?) Messieurs les député
271 z-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabo
272 Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’ elles , et qu’elles sabotent. Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas vot
273 otre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’ elles sabotent. Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppress
274 couleurs du prisme, leur a donné presque sans qu’ ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
275 e ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pou
276 de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’ elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que
277 sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’ elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préser
278 stratégiques d’intérêts légitimes, sans compromis elle ne sera pas. C’est clair. Seuls, ceux qui veulent passionnément le Bu
279 obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mê
280 comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je ne suis pas contre, mais voyez ces d
281 ûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle . » C’est qu’ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écou
282 it qu’on ne peut rien faire sans elle. » C’est qu’ ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les so
283 le. » C’est qu’ils se prennent pour l’opinion, qu’ ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craint
284 déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’o
285 traîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors,
286 nt bien dire : J’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles ins
287 ctement ce que la presse et la radio déclarent qu’ elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’
288 o voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’ il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle
289 te l’opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le sec
290 t Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui,
291 n d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera les sce
292 e ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indiffére
293 au nom des masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer pudiquement chaque année qu’
294 de l’Europe murmurer pudiquement chaque année qu’ il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables ten
295 ortant vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ ils ne peuvent s’associer à ces engagements téméraires avant d’avoir pris
296 ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois p
297 Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédé
298 professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’émulation
299 le campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’ elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement auss
300 selon l’issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Q
301 l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité ministériel va
302 ré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’ il faut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de S
303 roposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’est plus difficile que je n’
304 rt, on peut penser qu’au point où nous en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossi
305 isquez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risqu
306 ous la Constitution ! Messieurs les députés, faut- il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix presque désespérée,
307 faites-vous élire, et fédérez l’Europe pendant qu’ il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont De
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
308 nt qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est- il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie loc
309 e arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de Genève pour lu
310 . Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques,
311 che au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Mais ce n’est pa
312 Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait desséche
313 ne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foires et des marc
314 hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant
315 du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poèt
316 ncrède, Irène. Le voilà, l’écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait
317 ait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait u
318 ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait- il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, contre les tyranneaux, en
319 tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son grand âge, il plan
320 en dépit des conseils des réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son grand âge, il plantait. « Quand
321 onseils des réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’aurais d
322 réformait, il initiait, et malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je n’aura
323 e me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’artisans, d’horlogers, de cé
324 otestants, mais qui vécurent en paix avec ceux qu’ ils enrichissaient. En même temps, il faisait bâtir une église neuve. Au
325 x avec ceux qu’ils enrichissaient. En même temps, il faisait bâtir une église neuve. Au fronton, l’on peut lire encore : D
326 grands noms ! », disaient les voyageurs du temps. Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et ne se privait pas de h
327 très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village passe de cinquante foyers à p
328 me qu’on nommerait de nos jours location-vente. «  Il commande des maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire
329 disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’ il combine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone :
330 es avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’un c
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
331 icaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’ il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis
332 ps que nos pays resteront désunis et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américaine, incapables d
333 itée, des USA ? Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux le « grand marché commun » qui est
334 Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux le « grand marché commun » qui est la condition né
335 e décidèrent que leur simple alliance confédérale devait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté
336 projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposition se montra violente. Dans qu
337 lique. L’État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait assurer son essor et
338 ent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait assurer son essor et sa longue primauté dans l’Union. C’est donc préc
339 colier américain ne peut aujourd’hui l’ignorer. S’ il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’un tel écri
340 portance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution,
341 a vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libéral au Prince de Machiavel. Depuis un siècle
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
342 . Telles étant les implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en enga
343 er si les Russes sont sincères serait bien vain : il faut absolument les prendre au mot. Ils proposent en effet trois prin
344 ien vain : il faut absolument les prendre au mot. Ils proposent en effet trois principes qui n’ont jamais cessé d’être les
345 nis de se déclarer neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’armée commune sans laquelle toute neutralité reste
346 t rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec elle . Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c’est par exempl
347 domaines, politiques ou économiques. Car ce sont elles seules qui permettent l’élaboration de l’instrument sans lequel il n’
348 mettent l’élaboration de l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, je veux dire un langage commu
349 otre image : quand un pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique
350 ausons ! D’où l’accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’instaurer un langage commun. Le premier
351 e vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’ il juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l’armée rouge tentait
352 franchise même de cette explication scandalisa : elle aurait dû, plutôt, donner à réfléchir. Le ministre russe s’exprimait
353 ême de cette explication scandalisa : elle aurait , plutôt, donner à réfléchir. Le ministre russe s’exprimait en effet d
354 e théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la force qui trancha. Le s
355 gue. Or un dialogue réel suppose deux conditions. Il suppose tout d’abord, chez les deux partenaires, la conviction et le
356 n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la
357 s. Allons voir ce qui se fait chez l’autre, ce qu’ il dit et comment il le sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous.
358 qui se fait chez l’autre, ce qu’il dit et comment il le sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous. Circulons. Questi
359 oisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si c
360 chacun mène chez l’autre un cheval de Troie et qu’ il en organise, en place publique, la visite officielle et gratuite, l’a
361 le risque normal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela
362 ’hypothèse d’un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en donnent depuis quelque
363 usses. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ ils en donnent depuis quelques mois soient plus clairs et certains que la
364 ient plus clairs et certains que la conscience qu’ ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le ch
365 e Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’ il faut prendre ici dans son sens littéral : un ressort est détendu, la
366 le-ci cherche avant tout non point la liberté, qu’ elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne trouve que problème
367 qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit quelques hommes for
368 eur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer. C’est vers eux que
369 — comme aujourd’hui Joukov va vers Eisenhower. Et ils viendront demain vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie sera
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
370 bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À l
371 es des « réactionnaires », car c’est entre eux qu’ ils se sont tous assassinés depuis trente ans, la misère collective et le
372 ées, et liquider d’autres élites sans armes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante
373 ans merci, vigilante, obstinée, sans éclat, comme il convient à la repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’Eur
374 t, comme il convient à la repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos f
375 os seules consciences, advienne que pourra. Nous devons mettre le communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie
376 die. Nous savons désormais que les Russes, dès qu’ ils le peuvent, utilisent les négociations pour arrêter et tuer ceux qui
377 core que le fasciste, est un malade mental, ou, s’ il est sain d’esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qu
378 i trouve cela moins grave que d’arrêter Nasser, s’ il prétend écraser Israël. On ne peut pas discuter avec ça. J’écris, et
379 Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article qui pourrait y su
380 s ce n’est pas un article qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’une action vigilante, obstinée. Nous vivons e
381 d’abord abjuré publiquement la cause du crime qu’ il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Europe. Cette Europe qui
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
382 , nous pensons simplement que cet heureux lauréat doit être un communiste plutôt qu’un grand poète, grand romancier ou grand
383 és d’écrivains ne se réveillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix
384 ive le prix Nobel, tout le monde sait aussitôt qu’ il se passe quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’un homme. Ses c
385 de sait aussitôt qu’il se passe quelque chose, qu’ il s’agit d’un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent
386 pour les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’ il s’est vu contraint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le te
387 u contraint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immen
388 mmense joie, mais un peu solitaire ! » sachons qu’ il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens anc
389 ie, à son peuple mystique, à la misère du siècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns des plus grands l’ont osé. Pa
390 as de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’ il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
391 ts sont d’Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire de musique. Pas dav
392 cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’ il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même temps une théolo
393 e de Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sa
394 ique héritée de Husserl à travers Sartre (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’athéisme de Sartre) mais aussi
395 xistence dans le monde », la question de savoir s’ il existe, au sens courant et plat du terme, se trouve d’emblée vidée de
396 eu, en les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient révélé jusqu’alors, au Dieu immanent qui s’annonce en leur
397 rendre ? C’est sans doute par rapport à Pascal qu’ il serait le plus intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de no
398 c2 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’ il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu sensible au cœur », s
399 aisi dans la conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomène affectif conditionné par des structures
400 hysico-mathématiques, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc d’être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui on
401 pour la conscience musicale ». L’atonalité serait- elle la définition du péché, en termes de technique musicale ? Dans ce con
402 a musique est d’Europe, essentiellement, parce qu’ elle est née, comme tous nos arts, sciences et techniques, de « la foi act
403 dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut- il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute que la Genève de Calvin l’eût accu
404 vin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’ il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des rai
405 issant. Les uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’affectif au spiritu
406 an XXIII fut l’admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le m
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
407 en mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme aux orties, c’es
408 rt « de service », il est rigoureusement exclu qu’ il ait jeté son uniforme aux orties, c’est-à-dire déserté, peu de jours
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
409 ré, maître de soi, convaincu mais sans fanatisme, il n’est ni subversif, ni anarchiste, ni cryptocommuniste, ni contestata
410 sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sér
411 . Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom desquels notre Confédé
412 m desquels notre Confédération s’est formée et qu’ elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence, la lib
413 ussi bien ou parfois mieux que nous. En tout cas, il n’y aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que de savoir qui ad
414 action dans la communauté, comment ne pas voir qu’ ils sont au moins d’aussi bons Suisses que ceux qui, trop souvent, en tou
415 liberté, vous acquitterez René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait l’acquitter, et peut-être le voudriez-vous mais je sais bien
416 , en saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’ elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence de toute espè
417 rocès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t- il , de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire l
418 aine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprude
419 ette qu’a déjà subie Bugnot une première fois. Et il ne pouvait en être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’aggr
420 n’est plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’ il n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’objection de consc
421 la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la seconde condamnation, une pei
422 sera nier [de] Denis de Rougemont les titres dont il se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non
423 ster le témoignage de moralité et de caractère qu’ il porte sur un homme dont il connaît personnellement la pensée et les m
424 ité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pas diffic
425 connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la prison, à titre
426 iénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire
427 il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’ elle tend au contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes co
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
428 de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir
429 énéral, et des objecteurs suisses en particulier, il m’eût fallu beaucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum de pr
430 beaucoup de place, et un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la
431 tre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se di
432 teur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le cr
433 Moscou ferait cela bien mieux que nous. Cela dit, il me reste à vous remercier d’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’at
434 tivée : c’est ce problème qui importe seul, et qu’ il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentiques. Veu
435 ernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alternative de
436 taire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’ il considérait comme une alternative de la part de Denis de Rougemont. C
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
437 elle ! » (30-31 août 1969)ag ah Pensez-vous qu’ il existe une culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a
438 rgement employé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il
439 de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est l
440 s un seul représentant de l’art pompier, parce qu’ il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans officiellement, Le pompi
441 gouvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est u
442 uvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes les dict
443 étudiants « cassez l’Université », c’est absurde. Il me fait penser à ces grands-pères qui veulent se rendre populaires au
444 fants en leur conseillant de casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit d
445 de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles . En deuxième lieu, la civilisation occidentale est la seule qui ait c
446 qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’ elle va mourir, cela revient à dire qu’il n’y aura plus de civilisation du
447 déclare qu’elle va mourir, cela revient à dire qu’ il n’y aura plus de civilisation du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y
448 e n’en vois aucune. Et la Chine ? Encore faudrait- il que ce soit une civilisation vraiment différente, et qui ait de meill
449 ntesté. Lorsque les étudiants chinois protestent, ils le font à coup de mitrailleuses. Il y a probablement alors des centai
450 e ne crois pas du tout au succès des révolutions. Il n’y en a jamais eu une seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti
451 . Il n’y en a jamais eu une seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyran
452 . Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’ elle manque de fondements doctrinaux, philosophiques, religieux acceptés e
453 rsonnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en est- il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises qui
454 nnel. La quatrième a abouti à de Gaulle. Faudrait- il saluer le régime personnel, parce qu’il conduit à un régime impersonn
455 Faudrait-il saluer le régime personnel, parce qu’ il conduit à un régime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et
456 isation née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruir
457 es forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force de production et
458 aient la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire.
459 is pas que l’homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines c
460 aravent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que
461 et. Si vous la laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas en sortir toute seule. On nomme des comités pour contrôler
462 e “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’ il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous s
463 aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils réagissent aux mouvements affectifs passionnels, aux névroses et aux
464 nnels, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et rév
465 ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants, mais n’agissent plus sur eux.
466 , de tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lu
467 aux esprits et aux sensibilités. Mais encore faut- il sentir l’époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cel
468 période anarchique que traverse notre siècle a-t- elle été préparée ? Je vous dirais sans trop réfléchir : par le nationalis
469 personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’ elle pourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-mê
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
470 prétention d’apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l
471 t témoignage, mais par la valeur des principes qu’ elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée
472 des principes qu’elle révèle et des questions qu’ elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’ob
473 u’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’ elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de consc
474 emps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’ elle doit être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’
475 de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’on s’
476 on protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux en Suisse romande. Si la notion
477 mment étendue à des motifs d’ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des motivations chrétiennes. C’
478 dans des motivations chrétiennes. C’est donc par elles que la discussion doit commencer. Et là, deux religions se heurtent :
479 rétiennes. C’est donc par elles que la discussion doit commencer. Et là, deux religions se heurtent : la religion civique et
480 religion civique et la religion divine. Laquelle doit primer l’autre ? C’est la première question. Michel Barde. — Nous ex
481 hef l’objection de conscience religieuse. N’y a-t- il pas une contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipu
482 eligieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constitution n
483 l’objection de conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre l’armée et l’objecteur de conscience,
484 onstitutionnelle et non pas antimilitariste. Cela doit être dit car la procédure qui conduit à la sanction peut faire croire
485 re qui conduit à la sanction peut faire croire qu’ il s’agit uniquement d’une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objec
486 on de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur le fait que la Constitution se réfère « Au Dieu To
487 s. Je pense que ce qui est important, c’est ce qu’ ils demandent, ce qu’ils préconisent, et que leurs motivations personnell
488 i est important, c’est ce qu’ils demandent, ce qu’ ils préconisent, et que leurs motivations personnelles peuvent être d’ord
489 veau au moyen d’une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y so
490 moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte le jugement des tribunaux
491 manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’ il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas
492 ière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est- il pas plus « intimiste » que l’objecteur humanitaire, attaché à renvers
493 5, qui dit que dans le cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses devoirs religieux, ce son
494 voirs civiques et ce que l’on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui l’emportent. Que veut dir
495 onsidère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui l’emportent. Que veut dire alors « Au nom du Dieu Tout-P
496 quée par la Révolution française et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’histoires, c’est la religion qui aboutit,
497 ans certains régimes, et très logiquement. Car là il n’y a plus aucun recours à une transcendance, à quelque chose qui soi
498 absolument pas chrétienne. Bernard Béguin. — Est- elle antichrétienne ? Denis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans l
499 ristianisme face à celui d’une collectivité, qui, elle , a jugé le christianisme compatible avec le service militaire du cito
500 citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si
501 faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par e
502 i elles ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Christian Schaller. — Eh bien
503 la collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’objection de conscie
504 it. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. —  Il peut être ferment d’anarchie. La désobéissance civique peut conduire
505 isme du citoyen qui se croit bon citoyen parce qu’ il fait tout ce qu’on lui dit, ce conformisme-là ne conduit pas à l’anar
506 n récuse les lois d’une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’es
507 démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un mi
508 onscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. —  Il a été dit clairement que le conflit était plutôt avec la Constitution
509 t face à l’objecteur pour la première fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’il n’est même pas citoyen ? Colonel divisionn
510 a première fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’ il n’est même pas citoyen ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Nous avons
511 s l’avons en fait. L’objecteur peut accomplir ses devoirs civiques sans s’opposer à sa propre conscience. Pour les autres, l’of
512 ent cherche encore une fois à les convaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arriv
513 e fois à les convaincre puis il les incorpore ; s’ ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribuna
514 ore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. Bernard Béguin. — Colonel V
515 lonel Vaucher, comment la justice militaire prend- elle ce problème : défi constitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agi
516  : défi constitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’ il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens, pas encore sold
517 de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. —  Il y en a qui se présentent à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficie
518 qui se présentent à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténu
519 . Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Je croyais qu’ il pouvait attendre jusqu’à sa majorité. Colonel Vaucher. — Non, non. Co
520 sements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont- ils logés dans des prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève,
521 ucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’hôpital cantonal. Bernard Béguin. — Cela veut dire,
522 sur les conditions de détention. Michel Barde. —  Il est évident que l’on ne peut éviter toute promiscuité, mais les objec
523 r. Je les considère tous comme des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline. Condamnés comm
524 Vous pouvez le considérer comme arbitraire, mais il existe. Et d’autre part nous avons une Constitution qui définit des o
525 re des objecteurs de conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéficier, sauf s’ils déclarent être disposés à l’aven
526 t au sursis, ils ne peuvent en bénéficier, sauf s’ ils déclarent être disposés à l’avenir à faire leur service. L’article 32
527 elques tribunaux militaires ont essayé de dire qu’ ils n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune homme réfléch
528 is l’espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’ il se présenterait au service militaire. Ces jugements ont été cassés pa
529 lé. Bernard Béguin. — Ces atténuations, est-ce qu’ elles sont venues d’un malaise, d’un sentiment public que la répression éta
530 L’intention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalisée. Denis de Rougemont. — Je ne suis pas du tout obj
531 étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’ il avait déjà été condamné une fois, et que les choses semblaient se pré
532 hoses semblaient se présenter de telle manière qu’ il serait certainement condamné une seconde fois à la même peine ou à un
533 à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’ il ne changerait certainement pas son fusil d’épaule — après avoir refus
534 e que le personnage était un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un p
535 e, uniquement parce qu’on a enregistré le fait qu’ il était objecteur. On tient compte des circonstances atténuantes
536 icie de circonstances atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meurtrier devant un tribunal pénal — très peu co
537 résente pas. Quand acquitte-t-on le meurtrier ? S’ il est totalement irresponsable. Un objecteur totalement irresponsable s
538 nstance atténuante ou exculpante dans ce sens-là. Ils ne plaidaient eux-mêmes aucune circonstance pouvant conduire à un acq
539 ant conduire à un acquittement. Bernard Béguin. —  Ils plaident coupables, ils cherchent la condamnation. Denis de Rougemont
540 tement. Bernard Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherchent la condamnation. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques
541  M. Schaller va me répondre parce que j’ai dit qu’ il cherchait la condamnation. Christian Schaller. — Je voudrais répondre
542 tre part que l’objecteur cherche sa condamnation. Il accepte la loi. (Il pourrait s’y soustraire en se faisant réformer.)
543 teur cherche sa condamnation. Il accepte la loi. ( Il pourrait s’y soustraire en se faisant réformer.) Mais sans se soustra
544 ous ne condamnons pas perpétuellement. Autrefois, il arrivait que l’on prononce trois condamnations. C’était trop. Mainten
545 . Les civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas la compréhension que vous avez. Ils sont violemm
546 nt absolument pas la compréhension que vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches,
547 rtaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’ il le fasse. Bernard Béguin. — Colonel divisionnaire Dénéréaz, vous comm
548 anisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’ il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admettre un service civil ? E
549 militaire ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il est objecteur. C
550 juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’ il est objecteur. Ce n’est pas la même chose. Colonel Vaucher. — Nous ne
551 s quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un problème formidable qui es
552 s que l’objection n’est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’objecteur, c
553 tut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’ il vise l’appareil qui défendra les institutions. Ce que l’objecteur nou
554 tions. Ce que l’objecteur nous explique mal quand il veut lutter contre la guerre, en Suisse, c’est qu’il s’attaque en mêm
555 veut lutter contre la guerre, en Suisse, c’est qu’ il s’attaque en même temps à un appareil militaire dont les obligations
556 t milice incompatibles ? Christian Schaller. —  Il ne faut pas confondre objection et non-violence, comme il ne faut pas
557 ut pas confondre objection et non-violence, comme il ne faut pas confondre soldat et militarisme. Mais si l’on discute l’e
558 si l’on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre monde actuel, de notre s
559 ive. Je pense que notre système militaire, tel qu’ il est maintenant, avec l’armée que nous avons, est certainement un élém
560 e la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible que nous aurions été attaqués. Pour citer le dernie
561 , certainement. Colonel divisionnaire Dénéréaz. —  Il n’est pas dit que la bombe atomique intervienne dans les combats. Je
562 s, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attention quand on aborde ce problème, en dépit de to
563 D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur doit se déclarer comme tel au recrutement, et qu’il ne peut assumer par la
564 doit se déclarer comme tel au recrutement, et qu’ il ne peut assumer par la suite aucune charge d’État… Christian Schaller
565 général Guisan l’a magnifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs de conscience ? oui, mais pas en Suisse. Pour qu
566 Vaucher. — Sur le plan de la justice militaire, s’ il existait un service civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’ob
567 es pourraient assurer cette défense. Mais même si elle le pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’être un noyau d
568 surer cette défense. Mais même si elle le pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, e
569 oup de nos concitoyens font leur service parce qu’ ils y sont obligés. D’autre part, un service civil serait sans doute plus
570 défense suisse nous a épargné d’être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé d’a
571 j’ai changé d’avis à cause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille les destructions phy
572 pense, pour ma part, que si la neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on v
573 alité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préférer. Or l’on consta
574 de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous les coins du monde. Nous ne pouvons pas simplement d
575 Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs particuliers aux Suisses dans la prise en considération et au sérieux
576 on et au sérieux, du problème de la guerre tel qu’ il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut toujours se référer
577 neutralité comme à une espèce de privilège, et s’ il ne faut pas dire aussi : Neutralité oblige, allez plus loin. Tout ce
578 en faveur des objecteurs de conscience, c’est qu’ ils posent cette question d’une manière dramatique, et qu’ils forcent le
579 nt cette question d’une manière dramatique, et qu’ ils forcent le public à se poser des questions auxquelles je ne prétends
580 re, mais qui me paraissent tellement graves qu’on doit reconnaître une fonction civique irremplaçable aux objecteurs de cons
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
581 pe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est- il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquoi j
582 et tous mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’est, hélas, nullement question d’amour… Je sais bien — mais je suis
583 . Si le second ne renie pas le premier, toutefois il le rectifie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et
584 Comme toi-même , je cherche les complémentarités. Il n’y a pas mutation, mais maturation. J’ai voulu faireal, par des exem
585 rouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’ il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et que l’autre en tan
586 ère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient- ils pas nouer une alliance paradoxale, au sein même du mariage accepté ?
587 ion de l’autre. Certains vont jusqu’à penser qu’«  il faut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’a
588 ant « la mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met
589 accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon sens ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue
590 développé vos propres thèses sur l’Europe. Y a-t- il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont pour vous l’amour
591 ue la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu’européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa sourc
592 n à venir. Comment à votre avis celle-ci pourrait- elle s’opérer ? Peut-être ai-je répondu à cette question, sur le fond, dan
593 semble et en même temps vers la personne. » Y’a-t- il un rapport entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse,
594 écrit de jeunesse que je renie d’autant moins qu’ il a gardé la vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui aujourd’hui encore
595 vrages anciens, augmentés de préfaces inédites et il a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrages, et d’autres, ont été
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
596 s voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui
597 et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend seize établissements d’enseignement supérieur, densité tout
598 squels des liens spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon —
599 ion ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie m
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
600 re-gadget, voiture polluante, voiture-ras-le-bol, elle est tout cela à la fois. Mais n’être qu’utilitaire et discrète, elle
601 à la fois. Mais n’être qu’utilitaire et discrète, elle n’y parvient plus. « C’est devenu une véritable guerre de religion »,
602 toute évidence, que l’on y soit favorable ou non, il faut reconnaître que la voiture a très largement débordé le cadre soc
603 de venir à notre rédaction débattre du sujet, qu’ elles connaissent toutes pour l’avoir étudié à fond, bien que sous des angl
604 tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire , il lui a consacré un chapitre intitulé : « Première histoire de fous : l
605 n farouche partisan. Sur le plan social, parce qu’ il estime qu’elle nous rapproche les uns des autres, sur le plan économi
606 rtisan. Sur le plan social, parce qu’il estime qu’ elle nous rapproche les uns des autres, sur le plan économique, parce qu’e
607 uns des autres, sur le plan économique, parce qu’ elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre
608 Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le dével
609 rticipé en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cycla
610 es cyclables à Genève. En tant que futur médecin, il s’est bien sûr penché plus particulièrement sur les effets de la poll
611 départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait- elle connu l’expansion qui est la sienne depuis bientôt 100 ans ? Denis de
612 eloppement du national-socialisme. Et j’espère qu’ il n’y en aura pas une troisième qui serait celle des centrales nucléair
613 du siècle, tout le monde me mettait en garde, car il n’y avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouva
614 nfantin. Cela a très bien marché. Ensuite de quoi il a mis sur pied une fantastique publicité, d’ailleurs avec beaucoup de
615 ne des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’a
616 st dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’aller, pour vous reposer le cerveau par de longues prom
617 a vendu que cent ou deux cents voitures. En 1909, il en avait vendu 18 000, en 1919, 1 million et en 1924 7000 par jour. A
618 par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’ il avait achetée pour jouer avec ses petits enfants. Il avait obtenu du
619 avait achetée pour jouer avec ses petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’État l’interdiction absolue pour les
620 res de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hubert de Senarclens : On v
621 a voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’ elle est répugnante, il aurait une réaction assez vive. François Peyrot :
622 in créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’inve
623 aurait une réaction assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et
624 te quel industriel vous le confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une
625 le confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondamentale de no
626 que le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’ il l’avait créé, n’est pas une démonstration suffisante. Les financiers
627 ue Ford a surtout exprimé un sentiment personnel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque le danger que pouvait appor
628 oque le danger que pouvait apporter l’automobile. Il aura donc fait cette déclaration dans un moment d’angoisse tel que d’
629 terprétation. Ce n’était pas lui qui a affirmé qu’ il n’y avait pas de besoin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était
630 ment lorsque vous habitez la campagne et que vous devez vous rendre en ville pour travailler. Mais aussi sur le plan des lois
631 ndant. » Mais rien n’est plus faux. En auto, vous devez respecter des horaires au même titre que si vous preniez le train. Vo
632 Denis de Rougemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un
633 ous dites, M. Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas d
634 té absolue. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Ta
635 ui ont fait à peu près soixante voitures en tout… Il n’y avait presque pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de
636 it presque pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II
637 tant le développement effréné de la voiture n’a-t- il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyr
638 a voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne pe
639 de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de cho
640 ent toute une quantité de choses merveilleuses qu’ ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous de
641 a pas réduit les avantages. Mais c’est certain qu’ elle les a réduits en partie. La « belle époque » où seules les familles a
642 porte aussi des inconvénients. Un autre aspect qu’ il faut souligner c’est la voiture signe de la civilisation industrielle
643 ant en Occident par rapport à l’Union soviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la population en URSS, 50 % au
644 oviétiques pourront aussi se déplacer en voiture, ils n’accepteront plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habi
645 conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire un bilan ! C’est clair que l’on peut mentionner des avanta
646 ir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif, c’est tout ! Denis de Rougemont : Permettez-
647 -moi de signaler quelques-uns des côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — comme on voudrait nous le faire croire dans cer
648 voilà, Henry Ford ne s’est pas posé la question. Il ne s’est jamais demandé ce qu’il adviendrait si au lieu de vendre cen
649 osé la question. Il ne s’est jamais demandé ce qu’ il adviendrait si au lieu de vendre cent ou deux cents véhicules par an,
650 eu de vendre cent ou deux cents véhicules par an, il en vendrait des millions. Il ne s’est jamais interrogé sur les conséq
651 ts véhicules par an, il en vendrait des millions. Il ne s’est jamais interrogé sur les conséquences au niveau social, écon
652 ctive. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’ il avait douze ans, lorsqu’il a rencontré sa première locomotive routièr
653 re à propos de Ford qu’il avait douze ans, lorsqu’ il a rencontré sa première locomotive routière à vapeur. Cela a été pour
654 rasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de fer qui lui est réglé et n’offre auc
655 e ce fantasme, qu’est-ce que cela a donné ? Quand il disait à ses ouvriers : « achetez des voitures, cela vous rendra libr
656 leurs voitures rejettent le 87 % de l’énergie qu’ elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne des automobiles d
657 teillages sans fin. Jean Kräyenbühl : Je pense qu’ il faudrait davantage analyser le comportement de la population et des i
658 s. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les conséquences de
659 ement sur l’urbanisme. Au niveau du comportement, il faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usa
660 de leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour venir travaill
661 ne civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire façon d’elle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument
662 voiture et très importante. Il faut faire façon d’ elle . Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous les
663 bsolument la charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation des choses. Nul doute que l’e
664 réalité si je suis pour ou contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus aucune importance. J
665 on aussi grave en demandant simplement aux gens s’ ils sont pour ou contre. Les PDG de l’industrie automobile française réun
666 l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre les activité
667 arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre les activités des
668 aque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’autoroutes. Ce qui nous fait
669 qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’ il nous faut briser. François Peyrot : Comprenez-moi bien, je ne suis pa
670 constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’ elle vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que les
671 représentent une atteinte aux droits individuels. Elles sont par ailleurs aussi de plus en plus brutales. Elles se font au no
672 sont par ailleurs aussi de plus en plus brutales. Elles se font au nom de la raison d’État. Pensez aux expropriations que l’o
673 ns officielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le fe
674 s communes. Les trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces dernie
675 outes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 fé
676 ple suisse donne raison le 26 février à M. Weber, il aura obtenu son changement et plus personne ne discutera. Je n’ai jam
677 cations des milieux écologiques consiste à dire : il faut délester les zones d’habitation d’un trafic trop intense, en par
678 . Seulement pour en revenir à l’initiative Weber, elle ne demande rien d’impossible. Elle demande simplement que le peuple p
679 tiative Weber, elle ne demande rien d’impossible. Elle demande simplement que le peuple puisse se prononcer. François Peyrot
680 de Rougemont : Vous savez bien pourquoi au départ il avait demandé cela. C’est pour obliger les gens à faire attention ava
681 beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait davantage utiliser le chemin de fer. Il n’y a aucune raison pour tout
682 l’on devrait davantage utiliser le chemin de fer. Il n’y a aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’un point de
683 si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être possible. Hubert de Senarclens : Des récentes études ont montré
684 t habiter loin du centre, à la campagne, parce qu’ ils disposent d’un véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le
685 s été particulièrement rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tou
686 on. Tout le monde semble d’accord sur le rôle que doivent jouer les transports en commun, notamment dans les zones densément pe
687 ans les zones densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque l’on passe aux actes, plus pers
688 pulaires ». Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’ il ne faille pas lutter par une meilleure information. François Peyrot :
689 achats, acceptera de s’extraire de sa voiture qu’ il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous avez de plus en
690 la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacrifi
691 ntifique, arts et santé publique. Je veux bien qu’ il mentionne Paris et non pas Genève où les choses se déroulent autremen
692 seulement professeur au Collège de France mais qu’ il s’occupe chaque année du budget de la nation. François Peyrot : On am
693 villes qui n’étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte, c’est clair, des problèmes presque insolubles. Je suis d’
694 monstruosité. À propos des quais de la Seine : «  Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». François Peyrot : C’es
695 Peyrot : C’est en effet une erreur, car une ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’authentique et qui doit abs
696 r une ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’ elle a d’authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert
697 tout en gardant ce qu’elle a d’authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de Senarclens : Il existe u
698 nt être préservé IV Hubert de Senarclens : Il existe un chiffre assez « intimidant » à propos de l’industrie automo
699 sur la voiture — qu’on le veuille ou non — n’est- elle pas neutralisée par cette réalité économique ? François Peyrot : En e
700 r une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’ elle dépend d’un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont
701 strie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour la Suisse — qui po
702 é des gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’ il n’y a un ou deux siècles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans
703 és. Lorsque votre voiture va sortir de son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus
704 va sortir de son usine, il ne faut pas oublier qu’ elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meu
705 actuellement, sur le plan strictement économique, il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne
706 s qui au lieu de durer cinq ans, si tout va bien, durent vingt ou trente ans ? Je trouve personnellement scandaleux — c’est un
707 t un pur gaspillage — de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuellement changer des pièces. Denis
708 ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuellement changer des pièces. Denis de Rougemont : En ce qui co
709 mont : En ce qui concerne l’économie, je pense qu’ il faut rester humain. Il y a des limites qui commencent à être atteinte
710 automobile à cette affaire d’emploi. Mais n’y a-t- il vraiment pas d’autres moyens de créer des emplois ? Est-on véritablem
711 a construction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de résoudre le problème du trafic, ell
712 tabli que loin de résoudre le problème du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseill
713 ont bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : p
714 er par les hydrocarbures, trouble du comportement au plomb, danger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des mala
715 z nous, par des milieux médicaux marginaux. Alors doit -on parler de « conspiration du silence » de la part de la grande majo
716 la grande majorité des médecins ou ces faits sont- ils fortement exagérés ? Jacob Roffler : Je ne pense pas que l’on puisse
717 art en ce qui concerne les accidents, je pense qu’ il ne faut pas prendre uniquement en considération le choc ou la blessur
718 ction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsables de nos crimes.
719 e apparaît lorsque vous donnez aux hommes tels qu’ ils sont — finalement assez dangereux et bêtes — des jouets comme la bomb
720 même en les baratinant, vous n’obtiendrez pas qu’ ils restent « gentils ». Cela me rappelle ce que l’on dit aux États auxqu
721 entrales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement
722 ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, mais ils ne vont j
723 6 milliards pour une usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François Peyrot : Personne ne discute le f
724 er : Mais alors pourquoi le Conseil fédéral prend- il des mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La régl
725 suisse a écarté l’initiative Albatros. Par contre il a fait confiance aux dispositions du Conseil fédéral. Alors attendons
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
726 Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)ao ap Dans ma jeunesse, j’
727 nt dans ce rôle, c’était le moment de crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’une gravité extrême. Curi
728 de, une semaine à peine après que je l’aie écrit. Il s’intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les jésuites » et
729 n train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis de Rougemont,
730 bert Camus avec qui j’ai beaucoup parlé football. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous é
731 iens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir le rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’indi
732 z définir le rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du
733 entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936
734 nt eu le plus grand tort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y aller tout en exprimant clairement leurs raisons,
735 n exprimant clairement leurs raisons, à savoir qu’ elles ne voulaient pas servir la publicité d’un régime scandaleux, la guerr
736 it de supprimer les hymnes et les drapeaux serait- il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir sur u
737 il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger une charte olympique totalem
738 e mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’ il n’est plus question de sport mais de délire nationaliste. Et la press
739 telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si les grands sp
740 ts, l’agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait- il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je l’
741 tretien] Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ ils aiment les tyrans », Journal de Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p
742 et l’Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. Mais, aussi surpre
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
743 t, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origines à la fois historiques et spirituelles de son eng
744 ndation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’ il en fut, puisqu’il ne se déclare, pour notre Suisse romande, que tous
745 uisse — choix longuement mûri s’il en fut, puisqu’ il ne se déclare, pour notre Suisse romande, que tous les vingt ans en m
746 tous les vingt ans en moyenne — je vous dirai qu’ il me rassure au moins autant qu’il m’honore. Il distingue en effet un «
747 je vous dirai qu’il me rassure au moins autant qu’ il m’honore. Il distingue en effet un « essayiste », c’est-à-dire une es
748 qu’il me rassure au moins autant qu’il m’honore. Il distingue en effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce d’écriva
749 poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait- il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant
750 mais sur les problèmes de ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on le dit, dès ce temps-là, « s’engage ».
751 ols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes
752 ’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir . Tout s’est joué entre 1930 et 1940 J’oserai donc aborder sans
753 oup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t- il tant d’Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu,
754 e dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, faute de temps, mais candides. Deux séries de
755 ute, dans l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic
756 ien, pour les raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Kierkegaard et Karl Barth Vers ma ving
757 e Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’ il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèl
758 me coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathé
759 là pour la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’ elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ?
760 séquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont- elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action eur