1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 annoncent le « crépuscule du monde occidental », et , au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rall
2 d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions
3 tantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de
4 az a visité l’Égypte, ses habitants, ses tombeaux et son passé, en curieux avide du secret dernier des choses, lucide, ave
5 n livre, aux petits chapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus o
6 m, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusalem qui touchent parti
7 passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous rens
8 i de l’Européen se précise dans la même mesure, —  et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valab
9 guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieu
10 avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « C
11 s l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit le plus profond
12 chologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence
13 onstatation fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment co
14 lors, comment collaborer, comment se comprendre, et si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter le conflit que certa
15 Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bo
16 rope ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte l
17 dépaysements un point de vue fixe, d’où comparer et , parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même am
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
18 agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce qu
19 uvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’une opé
20 turel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des après-midi entiers devant les deux verres
21 es notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le
22 lients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière po
23 de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers
24 pour admirer un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond
25 ’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et portant, en cœur noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris le
26 tant vivement les trams qui sonnent avec frénésie et les petits taxis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nu
27 asses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot
28 vertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui
29 orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, pu
30 des lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétenti
31 is un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre
32 e tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit
33 t nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses ga
34 y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’or s’avance en proue, dominant superb
35 its palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu
36 voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êt
37 euple, seul en Europe, attend le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent
38 ent une langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout
39 enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillon
40 olles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rotherm
41 es sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs
42 Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguè
43 eur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage roman
44 e naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’une
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
45 d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèqu
46 ans cette vie ou bien n’est pas du christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas
47 -disant édifiant, s’il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vi
48 ’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est
49 rd réaliste. Car il faut bien connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches du surnatur
50 nt quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mél
51 s ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me le rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je
52 large à travers une humanité vivement contrastée, et des paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est
53 ps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On
54 t tout au long de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est
55 fragments émouvants du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y
56 » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agis
57 ts qui se croient plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de c
58 oir parce que, mieux que d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde, qu’il est, sur ces vies douloureuses, banales ou toucha
59 là vingt figures qui mériteraient d’être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et leurs passions
60 ui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et leurs passions étranges. Aussi, quelques enfants qui semblent incarne
61 n, mais la carrière plus discrète, plus populaire et plus durable, réservée aux vrais chefs-d’œuvre. 2. Hildur Dixelius
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
62 n’ignore pas que les partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont adopté depuis deux ans le mot d
63 qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivains, dont certains tels Gide et
64  adhésions » d’écrivains, dont certains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi les célébrités les moins contestées de
65 signifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et l’Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre sans merci à
66 de vérité que comporte ce point de vue simpliste ( et ce n’est pas chez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’il est
67 ’il est essentiellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture française est ma
68 es. (On lit beaucoup moins en France qu’en Suisse et qu’en Allemagne.) Elle me paraît souffrir ensuite, et peut-être plus
69 u’en Allemagne.) Elle me paraît souffrir ensuite, et peut-être plus gravement encore, de la condition faite aux écrivains
70 n état de choses libéral certes, mais anarchique, et dominé par les seules nécessités de l’argent. En dehors des milieux d
71 n s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Mus
72 et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment
73  femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure flatteur, comme
74 hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au
75 confrères académiciens, disait-il, tous célèbres et « auteurs à succès », tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge d
76 isième « fait les théâtres », besogne sans gloire et de maigre profit, un quatrième enfin, malgré ses quatre-vingts ans, e
77 urnaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d
78 est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de «
79 Outre que les cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daudet n’ont pratiqué la médecine que
80 tier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daudet n’ont pratiqué la médecine que durant les années de naturalisa
81 artistique requiert toutes les forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre
82 ses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de surproduction ma
83 res ne payant pas, il faudra faire du journalisme et courir les rédactions, improviser… Or les nécessités du journalisme n
84 alisme ne sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On r
85 nds traits, me paraît tendre vers la même limite, et à bon train si l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’in
86 , et à bon train si l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et
87  ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire,
88 l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables,
89 elle sorte qu’il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait à expliquer que les meilleures œuvres du temps soient
90 es cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore, habilement exploités par des politiciens qui, pa
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
91 notablement empiré du fait de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore le plu
92 ils se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables au début. Au
93 rmer ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse… Les moralist
94 r répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraime
95 en 1937 ne trouverait pas un éditeur pour Guerre et Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! Et l’Adolphe de Constant
96 e et Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! Et l’Adolphe de Constant, ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudr
97 ! Et l’Adolphe de Constant, ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait de ce Zarathoustra dont on vendit, lorsqu’il
98 de refuser les meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec un dé
99 débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coqu
100 refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. ( Et qui trouveront difficilement à se faire accepter par un confrère, on
101 ins applaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obten
102 e nulle réforme légale ne suffirait à l’assainir. Et l’on pressent déjà que le problème déborde infiniment le plan techniq
103 c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin d
104 de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pour
105 de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquoi lit-on si peu ? Pourquoi, en temps de crise, a-
106 st-ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur l
107 le problème apparemment secondaire de l’édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indifférente notre co
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
108 r mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette cr
109 intellectuelle qui sévit dans toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaire
110 qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien des choses. M
111 urd’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture,
112 est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et en particulier la littérature, a voulu se séparer des intérêts fondam
113 s d’élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que l
114 les heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au second qu’au premier) la lec
115 urriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que tentent les éditeurs
116 C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écri
117 ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais la s
118 cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peuple, et pour influencer sa morale ou son intellect (je ne dis pas son âme, c’
119 se soucier d’être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne cr
120 lus seulement d’amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d
121 union avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressement de la culture n’aurait p
122 tel principe se mesure au niveau de la culture. ( Et non pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les problèmes cu
123 que pour les grandes nations qui nous entourent. Et c’est pourquoi enfin, j’y reviens, acheter des livres et se montrer f
124 t pourquoi enfin, j’y reviens, acheter des livres et se montrer fort exigeant sur ce chapitre, ce n’est pas seulement « fa
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
125 L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deu
126 rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse de docto
127 passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais, tandis qu
128 tandis que s’élevait l’immense rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la
129 rtant, grande image collective exprimant le désir et l’inconscient d’un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui
130 en n’est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son év
131 aison très générale d’approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent
132 , des opportunités plus précises d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit en débutant notr
133 , par les relations qu’elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre époque, plus que toute autre semble-t-il, s
134 l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’est
135 des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et , d’autre part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue
136 t de vastes domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne
137 e part notable aux facteurs spirituels, religieux et métaphysiques. Tout le premier volume est d’ailleurs consacré à l’exa
138 es ont passionnément discuté, se trouve déjà posé et défini, avec une ampleur admirable, par ces penseurs dont nous ignoro
139 n exposant leur contenu essentiel avec une clarté et une précision admirables, M. Béguin rend à notre littérature un servi
140 rançais » : d’une part en nous rendant accessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre pa
141 e la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des correspondances profondes, et toutes nouvelles, entre
142 rant et soulignant des correspondances profondes, et toutes nouvelles, entre le romantisme allemand et les plus grands poè
143 et toutes nouvelles, entre le romantisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelai
144 modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire des contemporains. Il serait passionnant,
145 , à cet égard, de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’
146 « [Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
147 ensemble assez peu homogène de réformes sociales et économiques. Willkie représente Wall Street, c’est-à-dire le capitali
148 nnel. Mais Willkie promet aux foules de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées par le New Dea
149 sque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fr
150 evelt a pris position contre l’idéal totalitaire, et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu de
151 ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peut-on dire, pour simplifier,
152 sevelt, le résidu allant aux candidats socialiste et communiste. Que s’est-il passé ? Personne ne pourrait le dire avec ce
153 sément le nombre des inconnues qu’elle met en jeu et l’instabilité caractéristique des passions dans ce pays. Je parlais t
154 la violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amé
155 es injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucou
156 us la violence d’un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur la tête, mais ces manifes
157 st de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’un match. On p
158 dir ou huer, mais non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués par l’un et l’a
159 d’applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que la
160 l y a quatre ans — l’information reste impartiale et le ton des critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre sem
161 eux séries d’arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ainsi que, dans chaque journal américain,
162 ue — recouvrant d’ailleurs des intérêts matériels et non des idées — vous trouverez des articles d’un ton beaucoup plus mo
163 entil, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit t
164 porte, les événements suivront leur cours actuel, et le programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste
165 sition d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances ant
166 un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. R
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
167 on déroulait d’immenses serpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule épela ces mots courant sur les murail
168 mettait dans la profondeur des rues environnantes et revenait submerger le square comme une marée de joie. Je n’oublierai
169 eux levés, la fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries cordiales adressées aux derniers porteur
170 enversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque déserté, cette f
171 conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui, comme toutes ses
172 sse qui venait de soutenir Willkie avec ensemble, et qui n’avait pas cessé de démontrer que Roosevelt signifiait ruine, di
173 que Roosevelt signifiait ruine, division, guerre et inflation, toute cette presse proclamait l’union des partis, l’oubli
174 des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une d
175 e faisait une déclaration de loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « opposition constructive ». On brûlait sur
176 ructive ». On brûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était t
177 La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vr
178 mérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient l’Empi
179 s plus violentes laissent peu ou point de rancune et se résolvent si rapidement aux États-Unis, c’est en grande partie à c
180 artie à cause de la constante circulation d’idées et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la p
181 s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population. L’opinion questionne, le gouvernement répond, il s’exp
182 elle ou telle mesure prise par l’État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à p
183 le convoque à Washington, on examine son projet, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux son
184 a sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois certains flotte
185 nfluence excellente à la fois sur le gouvernement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement dev
186 eants à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui. Les plus hauts fonctionnaires
187 ns fait, voilà ce qui reste à faire. Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulières avec les j
188 Rien de plus frappant que l’absence de démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communications publiques : un
189 publiques : un ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appel
190 amilier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et n
191 larations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité d
192 la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nation
193 se des nationaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’opinion se sent responsable de ses réactions. Lorsqu’on sai
194 éellement à les résoudre dans l’intérêt commun, —  et non pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’un parti. Le se
195 ecret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement avec les scléroses
196 , qui contrastent si fortement avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret rési
197 ffet absolument faux d’assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateurs, libéraux et
198 méricains à nos radicaux, conservateurs, libéraux et socialistes. Ni les républicains ni les démocrates ne possèdent une d
199 octrine politique totale, fixée pour tous les cas et automatiquement par une longue tradition. Leur opposition reste fluen
200 reste fluente, mal définie… Elle se cristallise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’une manière d’a
201 émocratique. Le fait qu’il n’y a que deux partis, et que ces deux partis ne représentent nullement deux classes, à peine d
202 sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Am
203 dictoires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients
204 -on assez que les Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de qu
205 Radio municipale de New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne f
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
206 Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)l m New York, février
207 ne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on.
208 l est luthérien ; Anglais s’il est presbytérien ; et s’il est catholique, Irlandais ou Italien. À ces différences d’origin
209 piscopale (de rite anglican) est surtout citadine et « fashionable ». Voilà qui explique, d’une part, l’étonnante multipli
210 t cette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont t
211 me un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’est vu curieusement négligé p
212 des sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annon
213 résumés des sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup moins aux conférenciers les plus
214 nte de New York : j’y trouve d’autres professeurs et des étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes, des personnalit
215 ités politiques, des écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à collaborer aux magazine
216 a Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine pas en Amérique… Che
217 ous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samed
218 et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut dép
219 pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’
220 le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa l
221 e speaker commentait : « Maintenant, le président et M. Wallace s’agenouillent avec toute la congrégation… Le chœur entonn
222 itre 13 de la première Épître aux Corinthiens : «  Et maintenant ces trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance et la Cha
223 ces trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudis
224 e et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudissements se sont-ils apaisés, une voix forte pron
225 e voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », annonçant la bénédiction. Si je relève tous ces tr
226 Si je relève tous ces traits, c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendema
227 presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiel
228 ant de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays, aussi impressionnantes que les cérémonies tota
229 des participants, créateur d’un sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de ces passions de haine e
230 i différent que possible de ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chap
231 é…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours, il puisse conduire un peuple pieu
232 sombres jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix.
233 s’y joindre. l. Rougemont Denis de, « Religion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genève, 18 février
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
234 en conséquence de rendre vingt fois plus pénible et longue la préparation des voyages. Passer d’Amérique en Europe ne dem
235 res ? On y ajouta plusieurs semaines de démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi la longueur du voyage, pratiqueme
236 le était au bon vieux temps de Christophe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constellation qui vient de déc
237 ns à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce cliché et ces jolies syllabes décrivent mal un voyage aérien. Car voyager, aujo
238 it tourné jusqu’au point désiré, pour y descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de l’immobilité comme ce vol sans r
239 s à la seconde, sans vibrations ni courant d’air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autres déje
240 r mon hublot. La mer est blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup elle se déchire : ce n’était qu’une c
241 midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore. Des cumu
242 ratosphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis q
243 ons des profondeurs multipliées, cavernes d’ombre et gonflements majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous le
244 nde vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer,
245 tout près sur nos têtes, les lampes en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, un
246 s, une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’éléganc
247 guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfin ! Et des fleurs vraies
248 se récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfin ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau !… » — « Mais tou
249 dore ces rideaux trop rouges, ces meubles blancs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’une Amérique « où tout e
250 es noms des rues sur ces maisons jaunes ou grises et si basses. Je cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’un co
251 asses. Je cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissem
252 la banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Q
253 ombardé ? me demandent-ils non sans inquiétude. — Et New York donc ? Si vous y connaissez des chambres libres, faites-moi
254 ’on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arr
255 distingué qu’un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a sonné cinq coups délicats. Puis une a
256 né cinq coups délicats. Puis une autre plus loin, et plusieurs en écho. Je ne savais plus, après six ans de New York, qu’i
257 rk, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette rumeur sou
258 qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, com
259 etit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse,
260 s’avive au-dessus des toits bleus, des toits roux et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noi
261 , je vais me réveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetis
262 méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rou
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
263 ployés intacte, quand on demande un renseignement et qu’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec les règlements « 
264 eur a laissé le temps de revenir à leur naturel. ( Et ce n’est pas toujours au galop.) Les maisons des quartiers extérieurs
265 .) Les maisons des quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le propret-coquet scolaire 1910, que l’imagination
266 nnaissance des lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont l’amitié seule avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté
267 ont l’amitié seule avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté des éditions si belles qu’on se demande quels talents
268 se peut que la Suisse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mode. C’est c
269 ur les modèles récemment présentés par MM. Hitler et consorts. ⁂ Je m’en tiens là dans mes jugements, j’arrive à peine. Ma
270 es. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que l’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit,
271 e l’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du Continent. Un
272 ntrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’
273 e l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’il n’y ait plus qu’un no man’s land o
274 sement les seules Puissances qui comptent. Fin et Suite J’ai revu Genève et sa cyclophilie torrentielle, allègre et
275 qui comptent. Fin et Suite J’ai revu Genève et sa cyclophilie torrentielle, allègre et intacte. Et j’ai revu la SDN
276 vu Genève et sa cyclophilie torrentielle, allègre et intacte. Et j’ai revu la SDN dans son palais sans patine, sans fantôm
277 sa cyclophilie torrentielle, allègre et intacte. Et j’ai revu la SDN dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant
278 que leur job manqué, d’ailleurs repris par l’ONU. Et , sur ce thème inépuisable, j’improvisai à part moi le discours que nu
279 tographie. Nous partons pour une Ligue meilleure. Et , plus heureux que Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans l’è
280 elui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’idéal tenace des petits Suisses. o.
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
281 tés européens, Vous êtes ici pour faire l’Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédér
282 voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller so
283 sé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts. Pratiqu
284 nt un corps consultatif aux compétences douteuses et jalousement restreintes ; les barrières douanières multipliées à l’in
285 es à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût
286 l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse décisive à
287 sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes ch
288 n de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à
289 nstitution est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil
290 un des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’essor que prit la Suisse, dès
291 e les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les fo
292 eut comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les folies sublimes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’est
293 Nations vivent ensemble depuis autant de siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont pas moins lié
294 ins strangulatoires, que ne l’étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que celle de Zurich par exe
295 plus disparates que celle de Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes q
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
296 pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’
297 i pensent comme des millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immob
298 on leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens
299 tte que vous êtes décidés à faire l’Europe envers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’u
300 écadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour l
301 turé, mais qu’il ne faut rien faire en attendant. Et l’opinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la t
302 e volonté. J’entends bien que l’opinion se trompe et méconnaît vos sentiments intimes, qui sont très purs : qu’elle distin
303 colossales qui paralysent jusqu’à votre éloquence et vous empêchent d’articuler des intentions peut-être subversives (on c
304 rtes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper de
305 t les Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien ne pourra ja
306 p jeune. Je lui propose quelques slogans nouveaux et quelques amendements à la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris n
307 erd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’
308 es, qu’ils le disent, qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
309 décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais, s’en affligent. (On peut penser q
310 ) Aujourd’hui, je voudrais vous dire l’admiration et le respect que j’éprouve, non point hélas ! pour vos succès jusqu’à c
311 ette date, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont, par avanc
312 seulement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’h
313 nze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-milli
314 aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les
315 is par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent
316 intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les d
317 humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous l
318 vers vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous
319 ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’hom
320 quiète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île d
321 ’un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien
322 tte civilisation que rien ne s’offre à remplacer, et qui a su remplacer toutes les autres. D’où vient, Messieurs, que ce c
323 es siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur la Pl
324 issance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européens, depuis cen
325 ous pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques,
326 e : le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la ph
327 synthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DD
328 té généralisée et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le rad
329 nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du tra
330 la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction m
331 ction métallique, l’école active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musi
332 cole active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poé
333 : peinture, musique, littérature, poésie, théâtre et sculpture ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe,
334 tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maître
335 le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de
336 fois nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de méd
337 s procédés d’art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à l
338 t et de gouvernement, d’industrie, de médecine. —  et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont en fin de compt
339 ne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos p
340 produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes.
341 et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. O
342 d de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’o
343 les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descar
344 ymphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et d
345 tés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des pei
346 re ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des au
347 sophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Cha
348 tés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des états généraux, et
349 li, de l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de
350 rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui
351 mment j’ose vous parler, si ce n’est par angoisse et en dernier recours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas
352 cours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’Europe a rep
353 , les secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’être humain. Mais cette beauté,
354 main. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette conscience inquiète aussi, et ce grand risque de la liberté, to
355 cet honneur, et cette conscience inquiète aussi, et ce grand risque de la liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
356 qui n’y est pas ; il voit que ça n’est pas rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs,
357 rréductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a
358 l pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen. En effet, dit le pamphlet, nous les Angla
359 s Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes sociales et nos institutions, notre p
360 gue ; et par nos origines, nos habitudes sociales et nos institutions, notre point de vue politique et nos intérêts économ
361 et nos institutions, notre point de vue politique et nos intérêts économiques »… Je ne sais ce que les Hindous, les Boers,
362 ue les Hindous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue
363 de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, l
364 s tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls men
365 Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même
366 d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit en dollars. Si peu que rien, en fait, car selon sa brochur
367 sagé que s’il n’affecte pas les intérêts anglais, et que si toute l’Europe se convertit à l’étatisme illimité. Ce qui n’of
368 faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et l’autre en probabilité —, M. Dalton soumet le Conseil de l’Europe. Et
369 ilité —, M. Dalton soumet le Conseil de l’Europe. Et cela produit des résultats bizarres. Votre Assemblée, selon lui, peut
370 Il va trouver sur vos banquettes des adversaires et des alliés inattendus. Les socialistes continentaux seront des premie
371 Les socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devine que ces conserv
372 nne : ils partent d’un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradictoires. Et cependant, pour l’ét
373 et socialisme leur apparaissent contradictoires. Et cependant, pour l’étonnement des cartésiens, cette logique différente
374 que, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un seul cœur,
375 ter. Opposés en tout, sauf en cela, conservateurs et travaillistes nous obligent donc à constater objectivement que leurs
376 s en leur île : j’entends le nationalisme étatisé et le mythe survivant des souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’
377 t, à part nos staliniens sur l’ordre du Kremlin ? Et comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est un grand historien, é
378 imes qu’elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient différemment,
379 ie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient différemment, mais c’était il y a trois-cents
380 nous dire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bie
381 ore les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Reste
382 l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes,
383 les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et les calibres différents : tout le monde voudrait leur unification. Et
384 érents : tout le monde voudrait leur unification. Et quant aux lois pénales et aux systèmes fiscaux, je ne vois pas que le
385 drait leur unification. Et quant aux lois pénales et aux systèmes fiscaux, je ne vois pas que leur variété ait empêché les
386 ul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nationalistes, les dalt
387 en fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient-ils naïfs
388 a de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent. Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté la
389 sa personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du pris
390 groupe d’Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du prisme, leur a donné presque sans
391 a donné presque sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendon
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
392 en qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pour tous ceux qui pourraient décla
393 sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer que l’Europe sera to
394 dres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propre, sans
395 icultés ! L’Opinion, par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle. » C’est qu’ils se pre
396 Elle ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors, pourront bien dire : J’avais raison, voyez l’o
397 a deux sortes d’opinions, celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les l
398 la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre
399 vote. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey
400 presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui t
401 ux parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements t
402 ant d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolu
403 beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes,
404 e serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si S
405 uche d’un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte que je vous propose, au nom de l’o
406 es pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation. Décidez de vous fair
407 n ne fera pas l’Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait cons
408 nformer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n
409 ’Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professi
410 candidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvrier
411 es d’intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation
412 rait provoquer. La condition à la fois nécessaire et suffisante d’une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu
413 ire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’issue des é
414 . Je n’en vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce
415 tériel va s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jurer de rester où vos parlements vous envoient. (Les ministres dépen
416 pas, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous
417 rez derrière vous que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous me dites que c’est
418 supplierai de déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela cessera d’être prématuré. Si vous me di
419 e je ne suis rien qu’une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de la part des millions qui se
420 isent mais qui ont peur ? Pardonnez mes violences et mes impertinences : comprenez l’anxiété qui les dicte. Je ne vous écr
421 très bien qu’une partie d’entre vous m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écria
422 ous-en ! Mais beaucoup d’entre vous veulent agir, et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire
423 ts de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient
424 ivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre
425  ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants, et parfois légitimes, qui se révèlent contraires au salut de l’ensemble 
426 s aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’Eur
427 spérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’Europe pendant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
428 rche (29-30 novembre 1952)u Détaché vers l’est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays de G
429 s rives du lac ; les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est partout, sans nulle raison visib
430 onnais peu de paysages aussi complets : la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes loin
431 ntagnes lointaines ou proches figurant le sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies ent
432 le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un tap
433 es heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; i
434 rais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans
435 village. Mais ce n’est pas ce petit corps maigre, et ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nou
436 sécher les marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Fa
437 agé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent géné
438 es personne ne l’aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’un ma
439 énéreux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ric
440 éalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son grand âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’un
441 lantait. « Quand je n’aurais défriché qu’un champ et quand je n’aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bi
442 s. Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe,
443 crivait plus une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité
444 t : « Daignez les mettre, Madame, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis de Paris 
445 s serez servis… Vous aurez de très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village
446 Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage, à la Sa
447 e Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de
448 traînent, dans ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide
449 « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeur
450 ie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qu
451 de et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe ( et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
452 Aller et retour (21 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’Europe,
453 . Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes et communistes s’unissent pour dénoncer « l’emprise économique des USA »
454  », représentée à leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux pa
455 à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturelle » symbolisé
456 qu’aussi longtemps que nos pays resteront désunis et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américa
457 se rallier au régime qui devait assurer son essor et sa longue primauté dans l’Union. C’est donc précisément dans la press
458 des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain de Philadelphie de publier une lon
459 ngue série d’articles discutant le projet d’union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un nom bientôt illus
460 rer. S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’ani
461 libéral au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référer aux maxi
462 egrés divers, soumises à son empire par ses armes et ses négociations, par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l
463 e par ses armes et ses négociations, par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tomb
464 ée à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du genre humain créé pour son utilité. Des hommes,
465 ttribué à ses habitants une supériorité physique, et ont sérieusement assuré que tous les animaux, ainsi que la race humai
466 st à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union
467 e ! que les treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un grand système amér
468 de toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Ancien e
469 de dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélism
470 ommenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique
471 dence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! N
472 s anxiétés, nos erreurs, mais aussi nos espoirs. ( Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboien
473 une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
474 entale avec celles de nos communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurit
475 fre russe de sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occ
476 Russie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence
477 scussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait
478 ibre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever le rid
479 d’abord, chez les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni
480 être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de r
481 le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hypothèse, ses propres pré
482 fût-ce par simple hypothèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’une recherche commune — autrement l’on n’aurait q
483 s sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela pour la première fois depuis la naissance du conflit qui oppose
484 able pour d’autres sujets de débats, plus actuels et moins rebattus que celui qu’on vient de mentionner, nous ne saurions
485 la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Pa
486 use de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’affrontent les démagogies,
487 es de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos rev
488 ns d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livres, nos point
489 , et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livres, nos points de vue et leurs défenseurs. Allons voir ce qui
490 geons nos revues et nos livres, nos points de vue et leurs défenseurs. Allons voir ce qui se fait chez l’autre, ce qu’il d
491 ns voir ce qui se fait chez l’autre, ce qu’il dit et comment il le sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous. Circul
492 hez l’autre, ce qu’il dit et comment il le sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous. Circulons. Questionnons. Causo
493 t. Si chacun mène chez l’autre un cheval de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite officielle et gratuit
494 organise, en place publique, la visite officielle et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon d’exposition
495 n donnent depuis quelques mois soient plus clairs et certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mor
496 ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut prendre ic
497 es — comme aujourd’hui Joukov va vers Eisenhower. Et ils viendront demain vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie s
498 Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pour un désarmement moral »,
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
499 Oserons-nous encore nous présenter devant Dieu et demander pardon pour n’avoir pas bougé, pour avoir laissé faire sous
500 ouvait pas répondre, appelant l’Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nous dire : allons-y !
501 ndre, appelant l’Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nous dire : allons-y ! pour leur dire 
502 hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés.
503 a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde e
504 e entier répondra désormais : la théorie du crime et sa pratique massive, le massacre des ouvriers succédant à celui des p
505 ssassinés depuis trente ans, la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais ava
506 ée chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe
507 de l’Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres élites sans armes. Nous devons à la passion de Buda
508 tre le communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes relations, diplomatiques o
509 ou autres, avec la Russie soviétique, ses clients et ses partisans. Je crois avoir été le premier à proposer, ici, la repr
510 ivi mon appel. Les Russes s’y sont montrés lourds et stupides, les marxistes parisiens ridicules. Mettons fin à cette comé
511 peuvent, utilisent les négociations pour arrêter et tuer ceux qui viennent négocier. Le communiste actuel, plus encore qu
512 n puissance : c’est un homme qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; qui trouve cela moins grave que
513 Israël. On ne peut pas discuter avec ça. J’écris, et les Hongrois tombent sous les balles des Russes. Je n’écris pas pour
514 ence à l’aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article q
515 souveraineté du peuple. Or le peuple, c’est vous et moi. Profitant du silence ignominieux qui succède aux flagrants délit
516 s : Budapest nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste
517 ré publiquement la cause du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Europe. Cette Europe qui aurait pu, e
518 yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, « Oserons-nous encore
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
519 n grand poète, grand romancier ou grand styliste, et nous passons. La radio cite et passe, la presse en fait autant, et no
520 ou grand styliste, et nous passons. La radio cite et passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’écrivains ne se ré
521 La radio cite et passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’écrivains ne se réveillent pas pour si peu : elles ne
522 se passe quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bi
523 omme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. E
524 si — et le font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’est vu co
525 Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’est vu contraint, après coup, de re
526 l. Quelques-uns des plus grands l’ont osé. Pascal et Kierkegaard devant leur Dieu. Nietzsche au seuil du délire mental, Do
527 ime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion possible encore avec
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
528 ’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fondement
529 e intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dan
530 , Ansermet ne se fonde sur le dogme, sur la Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique confessionnelle. Pour dével
531 hilosophique héritée de Husserl à travers Sartre ( et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’athéisme de Sartre) mai
532 chapitre sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont l’écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une de
533 de considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « re
534 matiques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assi
535 iode des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute nat
536 aturelle des vérités centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles,
537 du christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non
538 du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bou
539 ’un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe
540 a question de savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se trouve d’emblée vidée de sens. « Dieu n’est pas ce
541 , écrit très justement J.-C. Piguet, commentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » cond
542 -C. Piguet, commentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’int
543 r l’intérieur les grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trinité d’abord, Père, Fils et Saint-Esprit, définis
544 s et dogmatiques : la Trinité d’abord, Père, Fils et Saint-Esprit, définis en termes de structures et de relations musical
545 et Saint-Esprit, définis en termes de structures et de relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ens
546 existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité a
547 pétit d’unité… modalité affective fondamentale ». Et le péché, hiatus irréductible entre la situation existentielle et l’ê
548 tus irréductible entre la situation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme
549 tible entre la situation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le tran
550 , acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fond
551 ement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lie
552  » comme sur le fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité
553 ce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (a
554 u monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec une référen
555 onnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la résurrection du Christ interprétées comme promesses d’une vie futu
556 st interprétées comme promesses d’une vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas monde à ses fins mat
557 ial « nos actes nous suivent ». C’est la mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et
558 la mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une transcendance
559 tant que la magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant
560 que de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants »,
561 Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », encore qu’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le
562 ur », saisi dans la conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomène affectif conditionné par des s
563 ce qu’elle est née, comme tous nos arts, sciences et techniques, de « la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qu
564 comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses,
565 uitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique
566 e unique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réser
567 inspirent parfois tant d’assurance intellectuelle et un vocabulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’une maniè
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
568 e « papoter avec des milliardaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers locaux » (?). Bien entendu, mon l
569 (?). Bien entendu, mon livre parle d’autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversations avec Jacque
570 conversations avec Jacques Maritain, André Breton et Saint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’Améri
571 itte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
572 Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le présiden
573 ni contestataire farfelu. C’est un homme sérieux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant
574 au nom desquels notre Confédération s’est formée et qu’elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence
575 qu’elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’
576 chain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut certes discuter, contest
577 Bugnot. Mais il y a loin de contester à condamner et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons de ces idéaux, ou si nou
578 re en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prendre soin tout au
579 ettent la faute de croire à ses fondements moraux et politiques. Des jeunes gens comme René Bugnot, moralement exigeants,
580 s, préoccupés de mettre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, comment ne pas voir qu’ils sont au mo
581 que ceux qui, trop souvent, en toute indifférence et ignorance quant aux bases mêmes de notre civisme, ne font leur servic
582 unauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le fe
583 e à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feront mieux que nous : voir Budapest
584 iétiques le feront mieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’est la liberté, vous acquitterez René Bugnot. Ou plutôt,
585 René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait l’acquitter, et peut-être le voudriez-vous mais je sais bien que vous n’avez pas le d
586 asion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence de toute espèce de reconnaissanc
587 nce légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’object
588 ue je prends en m’adressant à vous si franchement et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin de moralité, et je n’ai p
589 ent. Je ne voulais être qu’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convictions de citoye
590 erez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits — et ne cesserai de faire — pour expliquer notre pays, par la parole et pa
591 faire — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas touj
592 ole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons en commun le souci du bien p
593 rs ? Nous avons en commun le souci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction
594 président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis de, « Denis de Rougemont et l’obje
595 ab. Rougemont Denis de, « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969,
596 à cette qu’a déjà subie Bugnot une première fois. Et il ne pouvait en être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’a
597 cours de cette audience, une lettre de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le président du Tribunal.
598 a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement
599 n homme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la
600 ’aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contra
601 tataires farfelus”. Il y a donc bien un problème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui étayent son pa
602 légitime défense que personne ne peut contester, et qui rassure valablement des hommes qui acceptent leur service non dan
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
603 ais adressée au président d’un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre trompeur, je le crains. Ca
604 fins précises, pour servir une cause personnelle, et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus la tête du président.
605 iquement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en particulier, il m’eût fallu beaucoup de tem
606 m’eût fallu beaucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre,
607 imum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plu
608 tions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de
609 ent qu’on ne le mette pas au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais
610 ien », je ne le crois pas justifié par mon texte, et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais
611 songé à entraîner personne. Non, je ne pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’un statut des objecteurs, la Sui
612 oisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, M
613 ait motivée : c’est ce problème qui importe seul, et qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentique
614 el Denis de Rougemont prendra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’
615 Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
616 e la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe siècle. En peinture
617 Picasso, Chagall, Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et la culture, qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que l’o
618 re occidentale repose sur l’héritage gréco-romain et la théologie chrétienne, transmise par des moines au Moyen Âge. On ne
619 . Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous
620 les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas
621 s n’est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation
622 ge les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilis
623 dire qu’il n’y aura plus de civilisation du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait des indices pour une autre culture,
624 on qui pourrait s’épanouir ? Je n’en vois aucune. Et la Chine ? Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment d
625 que ce soit une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures solutions que les nôtres. Or nous constatons un
626 sme. Quelle différence faites-vous entre marxisme et maoïsme ? Le maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mél
627 isme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralisme utilitaire des plus
628 ts doctrinaux, philosophiques, religieux acceptés et assumés par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolutio
629 ime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les
630 plantes, qui poussent, donnent des fruits, fanent et meurent. Hegel, Spengler et Toynbee ont développé cette idée, séduisa
631 nt des fruits, fanent et meurent. Hegel, Spengler et Toynbee ont développé cette idée, séduisante mais fausse. Aujourd’hui
632 le-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet,
633 n post-scriptum à mes lettres : « Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier : la bombe n’est pas dangereuse du tout.
634 l’architecture médiévale avec les voûtes romanes et les flèches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’un érotism
635 la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien :
636 ux mouvements affectifs passionnels, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient coll
637 ons de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à l’essayi
638 concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins aux esprits et aux sensibilités. Mais en
639 opose et qui s’imposent plus ou moins aux esprits et aux sensibilités. Mais encore faut-il sentir l’époque si l’on veut es
640 r l’époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930
641 nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitus des régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans
642 , le matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyance aux toujours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie
643 e plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne me demandez pas si je crois que cela réussira : car nous ne sommes
644 isque assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle
645 prit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’e
646 a personne, c’est-à-dire l’homme, à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phrase mystérieuse pour peu q
647 969, p. 29. ah. Interview par Anouchka Van Heuer et Christian Roux-Pétel.
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
648 débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis
649 ance du nombre de ceux qui professent l’objection et en portent témoignage, mais par la valeur des principes qu’elle révèl
650 , mais par la valeur des principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénom
651 ipes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection
652 ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’on s’interroge sur la g
653 donc par elles que la discussion doit commencer. Et là, deux religions se heurtent : la religion civique et la religion d
654 deux religions se heurtent : la religion civique et la religion divine. Laquelle doit primer l’autre ? C’est la première
655 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peu
656 gieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre l’armée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle
657 cience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et non pas antimilitariste. Cela doit être dit car la procédure qui cond
658 iquement d’une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticons
659 nts entre une objection pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions posées sont commune
660 ions posées sont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Bernard Béguin. — Donc vous
661 c’est ce qu’ils demandent, ce qu’ils préconisent, et que leurs motivations personnelles peuvent être d’ordre religieux, hu
662 éfini de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une opposition au s
663 que la séparation soit tellement entre militaires et objecteurs qu’entre « conservateurs » et « progressistes », si je pui
664 litaires et objecteurs qu’entre « conservateurs » et « progressistes », si je puis dire. L’objection est l’un des moyens d
665 n des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un
666 posés, mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres. Et personnellement je me sens très proche des militaires qui, à l’intéri
667 ns le cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoir
668 ationaliste fabriquée par la Révolution française et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’histoires, c’est la reli
669 mont. — Non. Mais j’ai dit dans certains régimes, et très logiquement. Car là il n’y a plus aucun recours à une transcenda
670 nce, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est
671 que c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a auss
672 la même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois
673 ormisme soit une qualité première du bon citoyen, et je pense que la critique des lois fait partie intégrante des qualités
674 eligion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamais en question. Bernard Béguin. — To
675 ées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Christian Schaller.
676 it que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mett
677 re dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’une collectivité démocratique il n
678 ccueille les objecteurs au moment du recrutement, et c’est l’armée qui les juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a comma
679 00 ont une attitude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine
680 trine — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de
681 us ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela montre que si nous n’avons pas en droit un statut pour les objec
682 ire prend-elle ce problème : défi constitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore
683 ne sont pas encore citoyens, pas encore soldats, et qu’on lui envoie pour leur premier refus de servir ? Colonel Vaucher.
684 Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’hôpital cantonal. Bernard Béguin. — Cela veut d
685 écution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu de plainte de la part des conda
686 tout de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les
687 ugent en majorité des honnêtes gens, c’est vrai ; et je ne pense pas seulement aux objecteurs de conscience. Je pense à to
688 À la limite, on pourrait étendre votre définition et dire que tous les gens qui vont devant les tribunaux, ou à peu près,
689 ne classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a
690 z le considérer comme arbitraire, mais il existe. Et d’autre part nous avons une Constitution qui définit des obéissances.
691 nde différence entre l’infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — 
692 on, mais l’espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se présenterait au service militaire. Ces jugements ont été cas
693 me, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les choses semblaient se présenter de telle manière qu’il serait
694 ession que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les cond
695 il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objec
696 order le bénéfice d’un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Bernard Béguin. — M. Schaller va m
697 bjecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut se faire,
698 ndamnation au plus tard, nous excluons de l’armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez de tribunau
699 e Dénéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peup
700 aux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêmes perso
701 tribunal militaire. Nous représentons le peuple, et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’
702 militaire dont les obligations constitutionnelles et les structures excluent toute initiative à l’extérieur, et qui ne peu
703 ructures excluent toute initiative à l’extérieur, et qui ne peut agir qu’en autodéfense. Service civil et milice incomp
704 ne peut agir qu’en autodéfense. Service civil et milice incompatibles ? Christian Schaller. — Il ne faut pas confon
705 an Schaller. — Il ne faut pas confondre objection et non-violence, comme il ne faut pas confondre soldat et militarisme. M
706 n-violence, comme il ne faut pas confondre soldat et militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité de la non-violence, il
707 e à faire que simplement assurer notre prospérité et la défendre par nos moyens traditionnels ? Est-ce que la Suisse, c’es
708 echnicien, si vous voulez, qui fait des additions et des soustractions pour savoir si notre défense est encore positive, o
709 morale du service militaire, voulu par le peuple, et accepter d’instaurer un service civil. Numériquement, cela ne jouerai
710 t de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attent
711 ecteur doit se déclarer comme tel au recrutement, et qu’il ne peut assumer par la suite aucune charge d’État… Christian Sc
712 s. Mais si je me pose la question comme citoyen —  et je suis reconnaissant aux objecteurs de la faire poser — , je pense f
713 nalement qu’une armée est indispensable en Suisse et que le service militaire obligatoire paraît la forme la plus démocrat
714 ense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est-ce qu’un servic
715 s de conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais la
716 eur humaine qui vaille les destructions physiques et morales qu’entraînerait la bombe atomique sur un pays. Cela me paraît
717 de conscience sur la guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse vit actuellement sont venues de deux guerres très
718 erres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont t
719 es : la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles
720 jours consacré beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que la solidarité i
721 uliers aux Suisses dans la prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu’il se présente aujourd’hu
722 notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité oblige, allez plus loin. Tou
723 s posent cette question d’une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des questions auxquelles je ne pr
724 débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
725 « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’u
726 i coutume de répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et comment vous imaginez que j’aurais pu ne pas le faire, étant écrivain
727 que j’aurais pu ne pas le faire, étant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’Europe, n
728 éen ! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et d’Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demande
729  l’invasion » à ses justes proportions : L’Amour et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de p
730 ivre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur les trente volumes q
731 mes journaux réunis par Gallimard en un volume, et tous mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’est, hélas, nulle
732 ard en un volume, et tous mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’est, hélas, nullement question d’amour… Je sais b
733 seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin
734 écrite reste le mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’
735 philosophique et civique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des
736 amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutefois il le re
737 ent expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-même , je c
738 (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’am
739 mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obs
740 l est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et que l’autre en tant qu’autre reste aux yeux de l’amour exigeant le my
741 ’amour exigeant le mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer une alliance paradoxale, au sein mê
742  l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à
743 res sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adultère s’est largement accrue. » Me voic
744 assion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les ex
745 tellectuelles. La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix
746 s deviennent homosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin de philosopher à son propos, comme l’a fait avec tant de t
747 is de toucher aux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre civilisation, vous avez parallèlement développé
748 e d’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et l’Occident . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le lien Euro
749 d’avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, com
750 ja Rao, le romancier hindou — répondre à ma place et me donner raison. Je suis revenu sur ce problème dans L’Aventure occ
751 ublié à Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui est passif : embr
752  L’engagement politique », le second : « Ridicule et impuissance du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’engag
753 révolution que j’appelle, qui fera seule l’Europe et qui ne peut être faite que par l’Europe en train de se faire, consist
754 pe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-il un rapport entre cette « r
755  » Y’a-t-il un rapport entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de
756 ourd’hui encore justifient ses injustes sévérités et ceux-là seuls. Vous avez donc confiance dans cet avenir ? Nous n’avon
757 nis de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Pro
758 15. ak. Propos recueillis par Geneviève Armleder et précédés du chapeau suivant : « En 1972, Denis de Rougemont a réédité
759 ouvrages anciens, augmentés de préfaces inédites et il a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrages, et d’autres, ont
760 a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrages, et d’autres, ont été traduits en norvégien, en grec, en anglais, en cata
761 en anglais, en catalan, en portugais, en japonais et en italien. C’est dire que 1972 a été pour lui “une année de mise au
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
762 enève, ville internationale, manque d’hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimée
763 région appellent des solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une région différente en termes de territoire
764 on, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’une
765 r les échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’
766 niversitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Ly
767 ne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend seize éta
768 passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend seize établissements d’enseignement s
769 er. Il ne s’agit pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajo
770 e selon leur « mérite », c’est-à-dire leur nature et leur contenu, sans plus se laisser paralyser par la fiction, décidéme
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
771 ent directement (aménagement de la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménagement du territoire,
772 , en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détracteurs. Voiture fonctionnelle, voiture-évasion, voiture-gadg
773 st tout cela à la fois. Mais n’être qu’utilitaire et discrète, elle n’y parvient plus. « C’est devenu une véritable guerre
774 rès largement débordé le cadre social, économique et politique qui lui avait été fixé au départ. Pour faire le point sur l
775 r le développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médec
776 de l’imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est parvenu à ses fins en créant dans s
777 us conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage, le dévelo
778 ouvrage, le développement du national-socialisme. Et j’espère qu’il n’y en aura pas une troisième qui serait celle des cen
779 il n’y avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet répugnant, laid, puant, bruyant, m
780 aid, puant, bruyant, mettant en fuite les enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter
781 le cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique des toniques, une atmo
782 909, il en avait vendu 18 000, en 1919, 1 million et en 1924 7000 par jour. Aujourd’hui, les États-Unis produisent 12 mill
783 que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez vive. François P
784 ntion au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à l
785 n’ait été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis po
786 pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu —  et n’importe quel industriel vous le confirmera — que là où il n’y a pas
787 ien évidemment que cette usine puisse fonctionner et soit rentable. Jean Kräyenbühl : Je pense que Ford a surtout exprimé
788 e que de créer des besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers dont on dispose. On peut parfaitement aujourd’h
789 iture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que vous devez vous rendre en ville pour travailler. Mais aussi sur l
790 peut être opposée à une déclaration très générale et non vérifiable scientifiquement selon laquelle aucune réalisation n’e
791 même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient
792 ture est dépassée. L’élévation du niveau de vie —  et je m’en félicite — a fait que beaucoup ont aujourd’hui accès à l’auto
793 la voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous c
794 ressés, stoppés aux feux, bloqués dans des files. Et c’est finalement bien davantage un « stress » que vous ressentez. Vou
795 t passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de f
796 ait la voiture au chemin de fer qui lui est réglé et n’offre aucune possibilité de détour. Mais à partir de ce fantasme, q
797 re : un rendement minable, des villes invivables, et des embouteillages sans fin. Jean Kräyenbühl : Je pense qu’il faudrai
798 vantage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que telle. Car on pourra
799 ure ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme. Au niveau
800 par exemple, d’accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispers
801 de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour venir travailler. Jacob Roffler : Ce que je déplore
802 la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdur
803 ation. On vit dans une civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire façon d’elle. Ce qui me choque c’est q
804 économique c’est véritablement la General Motors et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de
805 Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un phéno
806 ension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des intérêts régionaux. Alors, entre les deux lib
807 ique démocratique où chaque organe a ses pouvoirs et sa représentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs
808 ent accordés à un gouvernement ou à un parlement. Et , finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob Roffler : Je c
809 nte ; donc il faut construire davantage de routes et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’il
810 es expropriations sont de plus en plus fréquentes et représentent une atteinte aux droits individuels. Elles sont par aill
811 d’en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les communes. Les trois communes autour du Gothard. Il s’ag
812 unes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de dr
813 février à M. Weber, il aura obtenu son changement et plus personne ne discutera. Je n’ai jamais dit que cette initiative é
814 particulier du trafic commercial des poids lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’un côté on nous demande de déc
815 sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances bien moindres, alors on crie au massacre de
816 troactivement, ce qui est contraire à tous nos us et coutumes ! Denis de Rougemont : Vous savez bien pourquoi au départ il
817 a aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâ
818 ne autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer à travers la
819 vait détruit les rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urbanisme est
820 st en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les gens vont habiter lo
821 te ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du centre
822 le distribution de l’espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de Senarclens : Pourtant en ce qui c
823 pendulaires avec des gens qui vont à leur travail et qui en reviennent. Ces mouvements amènent par conséquent des véhicule
824 penseurs français actuels : Bertrand de Jouvenel et Alfred Sauvy. Le premier dans plusieurs ouvrages nous a rendus attent
825 , même sans se connaître, où se formait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux
826 la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge qui ont joué un rôle si importan
827 effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globa
828 de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire ont été sacr
829 éléphone, urbanisme, recherche scientifique, arts et santé publique. Je veux bien qu’il mentionne Paris et non pas Genève
830 anté publique. Je veux bien qu’il mentionne Paris et non pas Genève où les choses se déroulent autrement. Mais tout de mêm
831 apter, tout en gardant ce qu’elle a d’authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de Senarclens : Il
832 ssant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois
833 r votre télévision sans entendre parler d’emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’
834 spillage — de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuellement changer des pièces. Denis de Rou
835 atteintes : celles où l’on subordonne l’économie et en particulier l’industrie automobile à cette affaire d’emploi. Mais
836 nomènes sont connus, c’est un secteur qui démarre et il y a encore relativement peu de médecins qui se soient véritablemen
837 ritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin
838 taux de plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le sys
839 ar des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjoncti
840 mes tels qu’ils sont — finalement assez dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’une manière plus modeste l’aut
841 oxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médecins à le déterm
842 ie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à présent cela n’a pas tellement été fait. J’ai assisté à toute
843 es inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemont Denis de, « Débat sur la voitu
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
844 ntherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais beaucoup
845 s’intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres as
846 nsieur de Montherlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez nourri avec Mo
847 ins de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est tout de même
848 ns sports, dont certains méritent à peine ce nom, et bien évidemment le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la
849 , une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment
850 port qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de
851 ent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les démocrat
852 niste soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non.
853 à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s
854 us question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans
855 tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan. Et tout cela fait bien entendu régner autour du sport un climat de viole
856 dans les divers mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels
857 ravers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les th
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
858 Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)aq ar Comme chaque année, je suis parti en
859 ces avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des moi
860 vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits volumes d
861 a série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a vo
862 Mais pour le reste, hélas, je n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductio
863 n anglais, roumain, serbo-croate, exigeant ajouts et préfaces, ou pour des rééditions revues et augmentées en livres de po
864 ajouts et préfaces, ou pour des rééditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’automne, ces tâches blo
865 e à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule exception d’une plongée de quelques jours dans N
866 mont Denis de, « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Répon
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
867 0 francs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente et président de la
868 e Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente et président de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le consei
869 nt de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivai
870 de cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce
871 pe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en
872 est, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origines à la fois historiques et spirituelles de son
873 et il retraça les origines à la fois historiques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Su
874 sayistes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très br
875 epuis le xix e siècle romantique, le grand public et la plupart des critiques semblent penser que la littérature c’est poé
876 que la littérature c’est poésie, roman, théâtre, et création littéraire serait synonyme de fiction. Voilà qui est méconna
877 la floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voient guère chez les romanciers, à part S
878 même chez les poètes français, à part Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idé
879 n, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pasca
880 ttres persanes, le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Co
881 t des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Vict
882 e-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous,
883 t pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breto
884 enfer, et tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exu
885 e Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus que tout, dans m
886 x essayistes dans toute littérature digne du nom, et surtout d’expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur
887 Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fondation et direction effective pendant trente ans du Centre européen de la cultu
888 s européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâ
889 tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous di
890 d’animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis tre
891 eut-être un devoir. Tout s’est joué entre 1930 et 1940 J’oserai donc aborder sans aucune précaution la question que
892 re auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre part l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même te
893 e décennie tout s’est joué, à la fois hors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’interac
894 deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature
895 un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La
896 otre guerre. Entre les trois régimes totalitaires et les régimes dits libéraux, adultérés par le centralisme étatique et p
897 s libéraux, adultérés par le centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le
898 t alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation av
899 és à d’autres groupes anglais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d’une manière clandestine, on s’en doute, dans l’
900 landestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’
901 ncer des revues comme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus é
902 nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la gu
903 nt associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans no
904 rriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays et leurs armées parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura,
905 abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le
906 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut
907 ndamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État ét
908 onférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on sans doute en haut lieu. Qu’ai-je
909 it quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par la force en mon ca
910 par la force en mon cas créatrice d’une constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europe et la néces
911 e nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivra
912 si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans trop savo
913 is prêt à donner à leur cause deux ans de ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore,
914 ncore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour les raisons tout intérieures auxqu
915 uelles il est temps que je vienne. Kierkegaard et Karl Barth Vers ma vingt-quatrième année, j’avais découvert deux a
916 urs qui furent décisifs pour ma vie : Kierkegaard et Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir une du protestantisme
917 qu’en revanche une société vraiment démocratique et libertaire, supposait un type d’homme qui serait à la fois pleinement
918 ype d’homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable de ses actes, chacun de ces termes conditionna
919 is librement (les juristes connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles
920 au sein d’une communauté où sa voix puisse porter et où n’importe qui puisse lui répondre sans avoir l’organe de Stentor.
921 ans sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquan
922 compétence ; ces régions à leur tour se fédérant, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Euro
923 ersonne, c’est-à-dire un individu à la fois libre et engagé ; distingué de tout autre par sa vocation, mais responsable de
924 dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’a