1
Il y a dans le monde intellectuel une « Question
d’
Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
2
occidental », et, au-dessus des ruines prochaines
de
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
3
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
d’
un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
4
ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque
d’
où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
5
raient une fois de plus la sagesse et la lumière.
De
récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
6
pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre
de
M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
7
isions importantes qu’il apporte sur les rapports
de
l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
8
tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et
de
l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
9
paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces
de
ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
10
secret dernier des choses, lucide, avec une sorte
d’
acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
11
aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don
de
sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
12
don de sympathie qui est parfois la plus subtile
de
ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
13
thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses
de
psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
14
à la fois si concis et achevés, n’est ni un album
de
vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
15
habitués les voyageurs en Orient, mais une suite
de
coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
16
ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale
de
l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
17
ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
de
Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
18
ne nous renseignent pas sur une partie orientale
de
lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
19
l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt
d’
un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
20
on des deux mondes que dans la peinture elle-même
de
l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
21
mulent les traits qui composent le portrait moral
de
l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
22
composent le portrait moral de l’Oriental, celui
de
l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
23
précise dans la même mesure, — et aussi la figure
de
l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
24
aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère
de
comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
25
araison valable qu’entre individus, et comme type
d’
individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
26
ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet
de
voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
27
met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie
de
« religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
28
ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil
de
l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
29
u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou
de
« prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
30
r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux.
De
leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
31
une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli
de
soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
32
e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie
de
l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
33
on fondamentale que « notre intelligence et celle
de
l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
34
se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions
de
M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
35
à attendre des musulmans, c’est que le spectacle
de
leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
36
voulu le faire des deux autres parties du volume,
d’
une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
37
du volume, d’une importance moins actuelle, mais
d’
une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
38
une importance moins actuelle, mais d’une qualité
d’
art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
39
t-être supérieure. Les méditations sur les ruines
de
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
40
ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en
de
Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
41
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe
de
l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
42
s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies —
de
la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
43
alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse
de
ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
44
igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant
de
tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
45
: le christianisme n’est-il pas le plus beau don
de
l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
46
don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages
d’
un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
47
’un accent très noble et courageux mêlé, parfois,
d’
une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
48
rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où
de
Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
49
e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
d’
ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
50
’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence
de
la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
51
aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
de
la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
52
eurs, que l’attitude presque constamment critique
de
M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
53
t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant
de
son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
54
son livre : cette impartialité même, cette façon
de
se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
55
lité peut-être mieux que ne le feraient une suite
de
pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
56
me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte
d’
être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
57
arder dans ses dépaysements un point de vue fixe,
d’
où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
58
t à la légende le vrai, même amer, non par défaut
d’
un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
59
on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs
de
ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
60
parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels
d’
exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. R
61
iental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental », Journal
62
bert de Traz, Le Dépaysement oriental », Journal
de
Genève, Genève, 16 juillet 1926, p. 1.
63
Panorama
de
Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
64
Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer
de
Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
65
Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures
d’
express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
66
’est, en six heures d’express, changer totalement
d’
atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
67
’express, changer totalement d’atmosphère, passer
de
la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
68
mosphère, passer de la lassitude à la turbulence,
d’
une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
69
’une propreté joliette à un désordre pittoresque,
d’
un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
70
La simple visite des cafés dans l’une et l’autre
de
ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
71
sation : ce que vous pourrez voir durant le reste
de
votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne
72
on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées
de
profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
73
loges, les clients dégustent des cafés débordants
de
crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
74
tastrophe imminente, une révolution, le transfert
de
la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
75
nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles
de
l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
76
finira bien par s’arranger, comme au dernier acte
d’
une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
77
spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais
de
quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
78
ent des après-midi entiers devant les deux verres
d’
eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
79
nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle
de
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
80
à lire des potins tout en essuyant une moustache
de
crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
81
oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague
de
musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
82
ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës
d’
une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
83
s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité
de
la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
84
ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond
de
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
85
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades
d’
un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
86
balum. Aux parois, la prière pour la résurrection
de
la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
87
pour la résurrection de la Hongrie, des portraits
de
lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
88
« Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout
de
noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
89
le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers
de
notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
90
n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte
de
la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
91
vie les bottes que portent les femmes), encombrée
de
piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
92
s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée
d’
insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
93
Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas
d’
affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
94
tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et
d’
inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
95
jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison
de
pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
96
açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée
de
bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
97
grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu,
d’
or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
98
lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et
de
violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
99
turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue
de
pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
100
t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée
de
prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
101
olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts
de
fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
102
viennent se briser avec un fracas sourd les îlots
de
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
103
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur
de
Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
104
e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne
de
pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
105
de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre
de
St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
106
on amiral régent et ses gardes blancs aux casques
d’
or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
107
sont des rues silencieuses, provinciales, bordées
de
petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
108
a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau
de
Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
109
eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
de
salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
110
e salutation — vous constatez que cette profusion
de
liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
111
s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
d’
un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
112
. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour
d’
un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
113
ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos
de
folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
114
finissent en chutes ivres sur des divans couverts
de
coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
115
spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs
de
naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
116
voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme
d’
une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panoram
117
sion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis
de
, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p.
118
n peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama
de
Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
119
emont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal
de
Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
120
le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas
de
roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Sei
121
« l’insondable Providence » mise en action au gré
d’
un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce ser
122
n action au gré d’un moraliste qui se donne l’air
de
l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
123
en sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume
de
la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le cr
124
en conséquence de quoi les romans des « païens »,
d’
un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carr
125
est pas du christianisme. Et l’on serait en droit
de
prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
126
e qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus
de
chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifian
127
an pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
d’
être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est
128
s’il est certain que l’Évangile et ses promesses
de
salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de
129
ile et ses promesses de salut sont seuls capables
de
donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sob
130
messes de salut sont seuls capables de donner à l’
homme
une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avou
131
capables de donner à l’homme une vision réaliste
de
son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un v
132
aliste de son sort terrestre, et le sobre courage
d’
avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Ca
133
la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même
d’
y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laiss
134
ps vous laissent quelque loisir pour vous occuper
de
vous-mêmes et de l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La
135
quelque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et
de
l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélanc
136
sir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu
de
l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le ré
137
des réalités artificielles qui énervent nos vies
de
soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes condi
138
is dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens
de
toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroyances »,
139
lire ce livre à des gens de toutes conditions, «
de
toutes croyances ou de toutes incroyances », comme disait Péguy. Et d
140
ns de toutes conditions, « de toutes croyances ou
de
toutes incroyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me le renda
141
ui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond
de
Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où d
142
rofond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures
d’
une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien
143
s simples mènent des existences bien plus proches
de
la nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’art peut-être, j
144
a nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins
d’
art peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
145
oudoie. Moins d’art peut-être, je veux dire moins
d’
apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriét
146
x dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
de
Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque p
147
vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie
de
femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vivement
148
nité vivement contrastée, et des paysages baignés
d’
une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sain
149
. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond
de
la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil
150
ubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin
d’
elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désorm
151
et désormais l’accompagne en secret tout au long
de
cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants
152
voit naître et grandir un fils, puis les enfants
d’
une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers
153
n des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que
d’
introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragme
154
des romanciers du Nord, que d’introduire la durée
d’
une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journ
155
ste du drame.) Des fragments émouvants du journal
de
Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie
156
nal de Sara commentent et rythment le déroulement
de
cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à
157
ntent et rythment le déroulement de cette légende
de
la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle
158
u’on porte sur les choses. Le regard « réaliste »
de
Hildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des d
159
ildur Dixelius a su voir dans la « vie courante »
de
ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’o
160
ie courante » de ses héros des drames singuliers,
de
bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres,
161
iginalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse
d’
un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belett
162
te des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou
de
cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son e
163
u’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille
de
ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la n
164
êque ou de cette fille de ferme « au mince visage
de
belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innoc
165
i enterre son enfant dans la neige avec une sorte
d’
innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques
166
la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole
d’
une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de
167
mineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet
de
ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire ». Cette chroniq
168
vous conterai pas « l’histoire ». Cette chronique
d’
une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt
169
rai pas « l’histoire ». Cette chronique d’une vie
de
femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt figures qu
170
e ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas
de
celles qui se résument. Il y a là vingt figures qui mériteraient d’êt
171
ésument. Il y a là vingt figures qui mériteraient
d’
être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et
172
parition fait songer aux plus radieuses créations
d’
Andersen. On a fait un succès depuis quelques années à tant de traduct
173
à tant de traductions qui ne valent pas dix pages
de
ce roman ! La mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez
174
elle soit elle-même un affreux barbarisme importé
d’
outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, i
175
, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès
de
saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et plus durabl
176
Éditions « Je sers », Paris. c. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia », Journal de Genève,
177
e rendu] Hildur Dixelius, Sara Alelia », Journal
de
Genève, Genève, 25 mai 1934, p. 1-2.
178
Condition
de
l’écrivain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis d
179
février 1937)d On n’ignore pas que les partis
de
gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont adopté de
180
ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense
de
la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et re
181
rdre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué
de
leur attirer de nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivain
182
la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer
de
nombreuses et retentissantes « adhésions » d’écrivains, dont certains
183
rer de nombreuses et retentissantes « adhésions »
d’
écrivains, dont certains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi le
184
omptent parmi les célébrités les moins contestées
de
la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étranger
185
té du matériel cette subite conversion à la cause
de
l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontiè
186
r l’explication au-delà des frontières immédiates
de
la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifasci
187
déclaré une guerre sans merci à toutes les formes
d’
intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Quelle que so
188
caporalisation intégrale. Quelle que soit la part
de
vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est pas chez n
189
merci, la culture française est malade elle aussi
d’
une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en prem
190
fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu
de
l’inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’
191
frir ensuite, et peut-être plus gravement encore,
de
la condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes
192
s anarchique, et dominé par les seules nécessités
de
l’argent. En dehors des milieux directement intéressés, on ignore, je
193
ressés, on ignore, je crois bien, à peu près tout
de
cette condition des écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : l
194
le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit
de
son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait,
195
méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et
de
l’amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment enc
196
ans sa soupente, vit de son orgueil et de l’amour
de
sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment encore, le tim
197
uteur à succès choyé par les « femmes du monde »,
hommes
de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans
198
succès choyé par les « femmes du monde », hommes
de
toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un
199
cela… Je doute que ce soit bien utile. Un membre
de
l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour quelques f
200
peuvent donner une idée assez juste du sort réel
de
l’écrivain. Parmi ses confrères académiciens, disait-il, tous célèbre
201
», tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge
de
la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des re
202
dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé
de
courir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bu
203
re des reportages, l’autre est enchaîné au bureau
de
son journal où il écrit au moins deux articles par jour, un troisième
204
ème « fait les théâtres », besogne sans gloire et
de
maigre profit, un quatrième enfin, malgré ses quatre-vingts ans, en e
205
gré ses quatre-vingts ans, en est encore à placer
de
la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer !
206
est encore à placer de la copie dans les journaux
de
province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la r
207
province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi
de
suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinair
208
ilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent
d’
ordinaire : que ne prennent-ils un second métier, ces écrivains ! La l
209
ture n’est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son
homme
. Et l’on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas
210
hamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas
de
« second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel et Daude
211
n’ont pratiqué la médecine que durant les années
de
naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistiqu
212
médecine que durant les années de naturalisation
de
leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes
213
la création artistique requiert toutes les forces
d’
un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Com
214
éation artistique requiert toutes les forces d’un
homme
, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’au
215
es les forces d’un homme, et s’accommode très mal
de
la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait adme
216
n homme, et s’accommode très mal de la dispersion
de
ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait admettre que seules l
217
tunées aient quelque chose à dire dans le domaine
de
la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa p
218
il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive
de
sa plume. Or, c’est cela qui devient impraticable ; ou si praticable,
219
ouche sur les livres que dix pour cent du produit
de
la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires
220
u produit de la vente. Supposez une vente normale
de
trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel, cela fait un re
221
aires pour son volume annuel, cela fait un revenu
de
1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes
222
, cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses.
De
quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d
223
t loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas
d’
ascétisme farouche, — ou de surproduction maladive. Praticable mais né
224
les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou
de
surproduction maladive. Praticable mais néfaste : les livres ne payan
225
les nécessités du journalisme ne sont pas celles
de
la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montre
226
sont pas celles de la littérature pure, et nombre
d’
écrivains des mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On retombe d’a
227
r, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit encore
d’
écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du ph
228
si l’on n’y veille ; dégradation et domestication
de
l’intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le trag
229
dégradation et domestication de l’intelligence et
de
l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dé
230
rt. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique
de
l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutio
231
qui est mal faite dans son ensemble, étant faite
de
telle sorte qu’il n’y trouve pas sa place normale. Et ceci suffirait
232
ue les meilleures œuvres du temps soient des cris
de
protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore, habile
233
peu de la culture ! En vérité, il est grand temps
de
mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cel
234
d’abord que cela se sache ! d. Rougemont Denis
de
, « Condition de l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février
235
se sache ! d. Rougemont Denis de, « Condition
de
l’écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
236
Denis de, « Condition de l’écrivain I », Journal
de
Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
237
Condition
de
l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e
238
Condition de l’écrivain (II) : La grande misère
de
l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, t
239
e de l’édition (22 février 1937)e La situation
de
l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier articl
240
mon premier article, a notablement empiré du fait
de
la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le
241
it de la crise générale. Et cela pour des raisons
d’
ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes.
242
ons un peu, à ce propos, des conditions actuelles
de
l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas
243
ndre ». Naguère encore, ils se faisaient un point
d’
honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu
244
guère encore, ils se faisaient un point d’honneur
de
découvrir et d’imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables
245
s se faisaient un point d’honneur de découvrir et
d’
imposer certains auteurs originaux, donc peu vendables au début. Aujou
246
bles au début. Aujourd’hui, ils se voient obligés
de
se soumettre aux goûts (supposés) du public. Ils renoncent à former c
247
s renoncent à former ces goûts. Ils se contentent
de
les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau bais
248
vain : l’éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne
de
la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s
249
épond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et
de
la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraiment
250
r commande, comme s’il ne s’agissait vraiment que
de
commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard :
251
omme s’il ne s’agissait vraiment que de commerce,
d’
épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros,
252
s’agissait vraiment que de commerce, d’épicerie,
de
macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros, ni trop min
253
ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait
de
ce Zarathoustra dont on vendit, lorsqu’il parut, 15 exemplaires ? Nul
254
parut, 15 exemplaires ? Nul ne peut plus se payer
de
telles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’un éditeur, bon gr
255
iteur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint
de
refuser les meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meille
256
il tente la chance avec un débutant, il est forcé
de
se rattraper ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte, de bon
257
butant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et
de
publier, pour compenser sa perte, de bonnes petites histoires coquine
258
ailleurs, et de publier, pour compenser sa perte,
de
bonnes petites histoires coquines. (Il est certes des exceptions à ce
259
passionnés que vient de soulever le fameux projet
de
loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du con
260
projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect
de
la question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs
261
un autre aspect de la question : celui du contrat
d’
édition. Depuis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédi
262
ge pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété
de
ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 an
263
assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort
de
l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les man
264
’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit
de
refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trouveront di
265
, si la célébrité se dessine, se verra prisonnier
d’
un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela v
266
rité se dessine, se verra prisonnier d’un contrat
de
débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le
267
un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice
de
l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre un
268
bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet
de
loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10
269
ues, en limitant à 10 années l’effet des contrats
d’
édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrie
270
et on les comprend assez bien : on les priverait
de
la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices d
271
n technique : c’est tout le problème des rapports
de
l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui s
272
des rapports de l’écrivain et du public, ou même
de
la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son
273
l’écrivain et du public, ou même de la culture et
de
la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquo
274
leur. Pourquoi lit-on si peu ? Pourquoi, en temps
de
crise, a-t-on comme premier réflexe d’économiser sur les livres, plut
275
, en temps de crise, a-t-on comme premier réflexe
d’
économiser sur les livres, plutôt que sur toute autre distraction, cin
276
autre distraction, cinéma ou meetings sportifs ?
D’
où vient cette désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est-c
277
faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant
d’
y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raison
278
t avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas
de
s’interroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas s
279
au contraire qu’elles affectent les sources vives
de
notre civilisation. C’est pourquoi le problème apparemment secondaire
280
C’est pourquoi le problème apparemment secondaire
de
l’édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indiffé
281
ns, ne peut laisser indifférente notre conscience
de
citoyens. Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons
282
Nous les voyons donner des soins jaloux au statut
de
la culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisserai
283
e c’est elles qui résoudront le mieux le problème
de
la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemo
284
lles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis
de
, « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Jour
285
t à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition
de
l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, G
286
, « Condition de l’écrivain II : La grande misère
de
l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
287
ain II : La grande misère de l’édition », Journal
de
Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
288
Condition
de
l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f
289
Condition de l’écrivain (III) : Mission civique
de
la culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si
290
ent si mal, et si le public ne se rend pas compte
de
l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au
291
blic ne se rend pas compte de l’importance réelle
de
cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivain
292
e nie pas que cela explique bien des choses. Mais
d’
où vient cette paresse ? D’où vient que le public se défende aussi mal
293
bien des choses. Mais d’où vient cette paresse ?
D’
où vient que le public se défende aussi mal contre les sollicitations
294
iales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part
de
responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce qu’on l
295
n le fait. En temps normal, il se forme à l’image
de
ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand
296
ure, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux
de
la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie
297
ène est apparu dès le romantisme, avec la théorie
de
l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer
298
il n’a fait qu’empirer depuis. Les grands auteurs
de
notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage e
299
s auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif
d’
une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac
300
s sont à l’usage exclusif d’une classe restreinte
de
la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent
301
ce même peuple se contenter du roman policier ou
de
quelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment
302
uelques pornographies situées dans un grand monde
de
cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand Proust, Gide o
303
ou Valéry ne paraissent rechercher l’audience que
de
très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, e
304
rechercher l’audience que de très petits cercles
d’
élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits
305
r lui, et si les grands esprits se désintéressent
de
son sort, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devi
306
re » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que
de
plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir
307
oucieuse que de plaire à bon compte, c’est-à-dire
de
flatter des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensa
308
on compte, c’est-à-dire de flatter des instincts,
d’
offrir des paradis artificiels, des compensations illusoires au morne
309
des compensations illusoires au morne train-train
de
la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains aut
310
-train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude
de
demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli », une dist
311
demander aux écrivains autre chose qu’« une heure
d’
oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de bureau o
312
une distraction sans conséquence entre les heures
de
bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus se
313
on sans conséquence entre les heures de bureau ou
d’
usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au se
314
e qu’elle était au siècle passé pour des millions
de
personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme
315
it au siècle passé pour des millions de personnes
de
toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intell
316
e toutes conditions : une nourriture, un exercice
de
l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louab
317
onditions : une nourriture, un exercice de l’âme,
de
l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que te
318
très louables que tentent les éditeurs, ou même l’
État
, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C
319
, pour remettre le livre en honneur, sont voués à
de
faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et
320
ont voués à de faibles succès. C’est le sens même
de
la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est
321
st perdu, je le répète, c’est que les plus grands
de
nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’il se perde en se « distingua
322
ontairement des préoccupations, jugées vulgaires,
de
la nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la
323
bord les écrivains qui ont manqué à leur fonction
de
guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à
324
point par quelque truc, loi nouvelle ou campagne
de
propagande. Il s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sen
325
bien plutôt que les écrivains reprennent le sens
de
leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec une
326
une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux,
de
retrouver ce qu’on appelle l’oreille du peuple. Mais cela suppose une
327
st l’affaire des Églises), il faudrait se soucier
d’
être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou
328
es Églises), il faudrait se soucier d’être utile,
de
servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer
329
e, de servir la communauté, et non plus seulement
d’
amuser ou de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en s
330
la communauté, et non plus seulement d’amuser ou
de
se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait :
331
que l’art en souffrirait : l’exemple des grands,
d’
un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écr
332
souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou
d’
un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne trava
333
qu’il sent qu’il est en communion avec les soucis
de
la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressem
334
e et sa nature profonde. Mais un tel redressement
de
la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le publ
335
is un tel redressement de la culture n’aurait pas
de
chance d’aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur
336
redressement de la culture n’aurait pas de chance
d’
aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’y collab
337
, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur
d’
y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un de nos jo
338
aborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention
d’
un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lis
339
r. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’un
de
nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent,
340
r les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir
d’
attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importanc
341
lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention
de
ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique de ces probl
342
i sont du côté du public sur l’importance civique
de
ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loi
343
ance civique de ces problèmes. On ne manquera pas
de
me dire que la situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ail
344
manquera pas de me dire que la situation est loin
d’
être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si
345
l’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt
d’
être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout
346
rès ce que les auteurs le font. Mais il est juste
de
dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe h
347
’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays
d’
avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable.
348
à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs
de
ce qui fait sa force véritable. La raison d’être des petites démocrat
349
tifs de ce qui fait sa force véritable. La raison
d’
être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais
350
mmunautaire qui anime la fédération. Or, la force
d’
un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seuleme
351
re au niveau de la culture. (Et non pas seulement
de
l’instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nou
352
core la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis
de
, « Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Jou
353
e garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition
de
l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève,
354
, « Condition de l’écrivain III : Mission civique
de
la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
355
in III : Mission civique de la culture », Journal
de
Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
356
deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse
de
doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âg
357
i, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi
de
moins actuel, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps
358
doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté
de
penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne so
359
rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple
de
rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais
360
sé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et
de
philosophes ! », proclamait récemment M. Goebbels. Mais, tandis que s
361
, ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes
d’
un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rê
362
rs, ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve,
d’
un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant
363
ameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’un rêve
de
vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant, grande i
364
ge collective exprimant le désir et l’inconscient
d’
un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un
365
mbitions démesurées, ses utopies qui le consolent
d’
un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel
366
même en politique. Rien n’est plus important que
de
savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un
367
des rêves qui mènent le monde, à un moment donné
de
son évolution. À cette raison très générale d’approuver une étude du
368
né de son évolution. À cette raison très générale
d’
approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuiv
369
on très générale d’approuver une étude du rêve et
de
l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’a
370
’ajouter, en 1937, des opportunités plus précises
d’
ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit
371
es d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque
de
la pensée humaine, dit en débutant notre auteur, pourrait se définir,
372
it en débutant notre auteur, pourrait se définir,
de
façon suffisamment profonde, par les relations qu’elle établit entre
373
’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise
de
citer Freud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague
374
et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague
de
rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de va
375
. Une vague de rêves s’est étendue sur les années
de
l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philoso
376
endue sur les années de l’après-guerre, fécondant
de
vastes domaines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’homme.
377
domaines : poésie, roman, philosophie et sciences
de
l’homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du
378
nes : poésie, roman, philosophie et sciences de l’
homme
. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomèn
379
sciences de l’homme. Il était temps qu’un ouvrage
d’
ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient
380
t du coup au premier rang des historiens modernes
de
la culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’il faut remonter
381
remonter si l’on veut étudier la source véritable
de
préoccupations qui parurent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuv
382
urent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’œuvre
de
Freud. M. Béguin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis de la psy
383
vis-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations
de
la vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que
384
savant viennois. Elles englobent tout le mystère
de
la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirit
385
es lecteurs non spécialisés une découverte pleine
d’
attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë d
386
eine d’attraits : nous étions loin de nous douter
de
la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus
387
œuvres sont pratiquement inaccessibles au public
de
langue française : en exposant leur contenu essentiel avec une clarté
388
t accessible et actuelle la période la plus riche
de
la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des cor
389
tisme allemand et les plus grands poètes modernes
de
la France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire d
390
ontemporains. Il serait passionnant, à cet égard,
de
pousser plus avant cette étude, et de montrer l’analogie que présente
391
cet égard, de pousser plus avant cette étude, et
de
montrer l’analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un
392
montrer l’analogie que présentent les recherches
d’
un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce se
393
ogie que présentent les recherches d’un Valéry ou
d’
un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion
394
echerches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles
d’
un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préj
395
s d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion
de
réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préju
396
eut que les romantiques allemands n’aient été que
de
« doux rêveurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des esprit
397
rs qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits
d’
une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M
398
re. On saura gré, d’ailleurs, à M. Albert Béguin,
d’
avoir su marquer avec tant de justesse le point précis où l’entreprise
399
ns sa réalité. Il y fallait toutes les ressources
d’
un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympath
400
iées à une profonde sympathie pour les hardiesses
de
la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une t
401
es hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît
de
souligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de
402
lemande. Il me plaît de souligner ici la réussite
d’
une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vo
403
réussite d’une telle synthèse, dont il est permis
de
croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français da
404
tion européenne des Suisses français dans l’ordre
de
l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont
405
s Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve », Jour
406
t Béguin, L’Âme romantique et le rêve », Journal
de
Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
407
Veille
d’
élection présidentielle (14 novembre 1940)h i New York, 25 octobre
408
es plus violentes qu’aient connue les États-Unis.
D’
autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est plus confus, com
409
Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène
de
réformes sociales et économiques. Willkie représente Wall Street, c’e
410
isme traditionnel. Mais Willkie promet aux foules
de
conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées p
411
is Willkie promet aux foules de conserver et même
de
développer presque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il
412
ew Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel
de
John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des
413
recevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef
de
la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativeme
414
al totalitaire, et ses partisans accusent Willkie
de
jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie répli
415
ir pour un « third term » — une troisième période
de
quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le v
416
troisième période de quatre ans —, sape les bases
de
la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peu
417
evelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui, les chances
de
Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48
418
ssent augmenter rapidement : les journaux parlent
de
48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux
419
titude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue
de
la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les mas
420
passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure
d’
une campagne violente. Cette épithète demande quelques explications. E
421
res et des injures, par une fanatique intolérance
de
part et d’autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle
422
injures, par une fanatique intolérance de part et
d’
autre. En Amérique, il s’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup p
423
érance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit
de
quelque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de fo
424
lque chose qui rappelle beaucoup plus la violence
d’
un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques
425
qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match
de
football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur l
426
s ces manifestations somme toute peu dangereuses,
de
la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettab
427
e des tricheries regrettables, dénotant un manque
d’
éducation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les démocrates s’
428
anque d’éducation civique très exceptionnel. Loin
d’
exulter, les démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manife
429
éclare désolé… Car la règle tacitement admise est
de
laisser à chaque joueur toutes ses chances, et de ne pas gêner son je
430
de laisser à chaque joueur toutes ses chances, et
de
ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’un match. On peut
431
ne pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors
d’
un match. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terra
432
s non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit
d’
applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adversa
433
e meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu
d’
exceptions près, soutienne Willkie — comme elle soutint Landon il y a
434
ancien secrétaire, l’autre contre Willkie, par un
de
ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la
435
taire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis
de
jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie pe
436
candidat contre lequel ils proposaient cependant
de
voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement déba
437
raîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale
d’
arguments idéologiques dans ce grand débat démocratique. Toute la polé
438
tique. Toute la polémique se ramène à deux séries
d’
arguments : arguments de techniciens et arguments personnels. C’est ai
439
e se ramène à deux séries d’arguments : arguments
de
techniciens et arguments personnels. C’est ainsi que, dans chaque jou
440
s sur les défauts économiques du New Deal, suivis
de
lettres d’abonnés discutant les opinions publiées les jours précédent
441
éfauts économiques du New Deal, suivis de lettres
d’
abonnés discutant les opinions publiées les jours précédents. À côté d
442
ls et non des idées — vous trouverez des articles
d’
un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances personnelles
443
a campagne des républicains a porté, pendant plus
d’
une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un
444
un incident minuscule : la promotion trop rapide
d’
un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de f
445
inuscule : la promotion trop rapide d’un des fils
de
Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a é
446
n trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade
de
capitaine aviateur. Cet acte de favoritisme a été exploité à fond pou
447
oosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte
de
favoritisme a été exploité à fond pour persuader l’Américain moyen de
448
ons « dictatoriales » du président. Les partisans
de
Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la devise : « Je vo
449
tif, et l’on a souvent peine à croire que l’enjeu
de
cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs.
450
e le sort du pays dépendra certainement — quoique
d’
une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jou
451
ent — quoique d’une manière encore imprévisible —
de
la décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’i
452
’ils pensent en tant que nation. Ils auront cessé
de
parier. Si Roosevelt l’emporte, les événements suivront leur cours ac
453
ments suivront leur cours actuel, et le programme
de
défense nationale deviendra un programme nationaliste. En somme, l’op
454
en résumée par cette formule : C’est l’opposition
d’
un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien,
455
ion d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et
d’
un autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidé
456
n autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement
de
tendances antidémocratiques. La seule conclusion claire qui se dégage
457
atiques. La seule conclusion claire qui se dégage
de
ces paradoxes politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’il arri
458
usé comme il l’était en France, mais un synonyme
de
santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seule
459
ait en France, mais un synonyme de santé civique,
de
volonté humaine et de liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mai
460
synonyme de santé civique, de volonté humaine et
de
liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais de force. h. Roug
461
é humaine et de liberté chrétienne. Non seulement
d’
espoir, mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection p
462
liberté chrétienne. Non seulement d’espoir, mais
de
force. h. Rougemont Denis de, « Veille d’élection présidentielle »
463
nt d’espoir, mais de force. h. Rougemont Denis
de
, « Veille d’élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14
464
mais de force. h. Rougemont Denis de, « Veille
d’
élection présidentielle », Journal de Genève, Genève, 14 novembre 1940
465
de, « Veille d’élection présidentielle », Journal
de
Genève, Genève, 14 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : «
466
novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : «
De
notre envoyé spécial ».
467
Santé
de
la démocratie américaine (17 janvier 1941)j k New York, décembre
468
w York, décembre J’étais à Times Square, au cœur
de
Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous
469
ais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir
de
l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à o
470
Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical
de
trois-cents policemen montés. On circulait sans nulle peine autour du
471
lequel passaient en rubans lumineux les résultats
de
la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la cr
472
mener. On vendait à la criée les derniers stocks
de
boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent
473
À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner
de
bandes de papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige d
474
es, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes
de
papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers
475
ortant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige
de
papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte-ciel, da
476
, dansant à travers les faisceaux des projecteurs
de
cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentin
477
travers les faisceaux des projecteurs de cinéma.
De
quelque trentième étage, on déroulait d’immenses serpentins blancs, b
478
cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait
d’
immenses serpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule é
479
Roosevelt entraîne New York City par 270 000 voix
de
majorité. » Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement des mass
480
s et revenait submerger le square comme une marée
de
joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés
481
nteries cordiales adressées aux derniers porteurs
de
boutons Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’un renver
482
Willkie, — ce sentiment, cette sensation physique
d’
un renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dan
483
ine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur
d’
une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame mi
484
pangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste
de
l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me décl
485
ment : « Si Roosevelt gagne, je remplis mes caves
de
conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme !
486
s ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même
de
l’élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensem
487
r Willkie avec ensemble, et qui n’avait pas cessé
de
démontrer que Roosevelt signifiait ruine, division, guerre et inflati
488
la confiance dans le gouvernement et la nécessité
d’
augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de lo
489
e à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration
de
loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « opposition constr
490
on de loyauté au président et lui offrait l’appui
d’
une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneau
491
ûlait sur les places les panneaux et les insignes
de
propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce
492
re aujourd’hui sans exagération que la réélection
de
Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xx
493
de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe »
de
la démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France.
494
é gagnée par l’Amérique. En attendant le résultat
de
la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que
495
roisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue
de
la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre le
496
lutte que soutient l’Empire britannique, essayons
de
comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme
497
e britannique, essayons de comprendre les raisons
de
la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est ca
498
USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable
de
cicatriser rapidement ses blessures : signe que sa circulation est bo
499
litiques les plus violentes laissent peu ou point
de
rancune et se résolvent si rapidement aux États-Unis, c’est en grande
500
grande partie à cause de la constante circulation
d’
idées et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement
501
ie à cause de la constante circulation d’idées et
d’
hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la popu
502
à cause de la constante circulation d’idées et d’
hommes
qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population
503
er publiquement telle ou telle mesure prise par l’
État
: la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque cho
504
o lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose
de
mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet,
505
ojet, et il arrive qu’on le charge officiellement
de
le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les fina
506
s économistes que le gouvernement Roosevelt a mis
de
la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche
507
uvernement Roosevelt a mis de la sorte au service
de
la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est
508
avantage moral considérable : un nombre croissant
de
citoyens qualifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’est plus
509
lle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques
de
politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun p
510
us l’affaire exclusive des cliques de politiciens
de
métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéres
511
arce que chacun peut espérer qu’on tiendra compte
de
son avis ou de ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comm
512
peut espérer qu’on tiendra compte de son avis ou
de
ses compétences, qu’on lui « donnera sa chance », comme ils disent. C
513
donnera sa chance », comme ils disent. Cet esprit
de
participation exerce une influence excellente à la fois sur le gouver
514
r à des débats publics, ou à commenter l’activité
de
leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème
515
activité de leur département devant les auditeurs
de
la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fai
516
ui reste à faire. Le président et ses secrétaires
d’
État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui on
517
reste à faire. Le président et ses secrétaires d’
État
tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui ont le
518
égulières avec les journalistes, qui ont le droit
de
leur poser n’importe quelle question. Rien de plus frappant que l’abs
519
lle question. Rien de plus frappant que l’absence
de
démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communications pu
520
en de plus frappant que l’absence de démagogie et
d’
effets oratoires qui caractérise ces communications publiques : un ton
521
: un ton familier, humain ; des faits, et non pas
de
vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réfl
522
et non pas de vagues et solennelles déclarations
de
principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiqu
523
pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant
de
l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers…
524
informée et formée, l’opinion se sent responsable
de
ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on sera pris au sérieux, on dit m
525
sait que l’on sera pris au sérieux, on dit moins
de
bêtises, on se contrôle davantage. Contrairement à ce qui se passe da
526
n pas à répéter à tout propos le credo trop connu
d’
un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de
527
propos le credo trop connu d’un parti. Le secret
de
cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette efficience, qui
528
d’un parti. Le secret de cette souplesse civique,
de
ce dynamisme et de cette efficience, qui contrastent si fortement ave
529
et de cette souplesse civique, de ce dynamisme et
de
cette efficience, qui contrastent si fortement avec les scléroses et
530
ement avec les scléroses et les vieilles rancunes
de
la vie politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait
531
très simple que voici : en réalité, il n’y a pas
de
partis aux États-Unis. Il serait en effet absolument faux d’assimiler
532
ux États-Unis. Il serait en effet absolument faux
d’
assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux
533
llise, et encore est-ce dans les courtes périodes
d’
élection, d’une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des ci
534
core est-ce dans les courtes périodes d’élection,
d’
une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en de
535
deux masses à peu près égales, — je serais tenté
de
dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de la discuss
536
en deux teams — symbolise simplement le principe
de
la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il
537
ns partis. Entre le citoyen et les autorités, pas
d’
autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Américain ne possède lég
538
ue. L’Américain ne possède légalement ni le droit
de
référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’u
539
légalement ni le droit de référendum, ni le droit
d’
initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permanente, par
540
e droit d’initiative, mais il les exerce en fait,
d’
une manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondammen
541
e en fait, d’une manière permanente, par le moyen
d’
une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée par des
542
uances par des lettres aux journaux, des articles
de
magazines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des
543
es Américains sont très conscients et très jaloux
de
la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion pr
544
sont très conscients et très jaloux de la qualité
de
leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profonde se char
545
la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez
de
quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tou
546
de quelle passion profonde se charge ici le terme
de
démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai e
547
démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton
de
ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une voix forte : « Ic
548
de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée
d’
une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 million
549
ononcée d’une voix forte : « Ici Radio municipale
de
New York, cité de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la l
550
forte : « Ici Radio municipale de New York, cité
de
7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratiqu
551
unicipale de New York, cité de 7 millions et demi
d’
habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas
552
té de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant
de
la liberté démocratique. » Cela ne fait pas sourire, quand on voit qu
553
and on voit que c’est vrai. j. Rougemont Denis
de
, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17
554
que c’est vrai. j. Rougemont Denis de, « Santé
de
la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 194
555
e, « Santé de la démocratie américaine », Journal
de
Genève, Genève, 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : « De
556
17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : «
De
notre envoyé spécial ».
557
uverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas
de
pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plu
558
ut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on.
De
fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien
559
ts-Unis ont été fondés par des groupes successifs
de
colons, la plupart exilés pour cause de religion. Seceders (séparatis
560
uccessifs de colons, la plupart exilés pour cause
de
religion. Seceders (séparatistes) de l’Église anglicane ou du luthéri
561
s pour cause de religion. Seceders (séparatistes)
de
l’Église anglicane ou du luthérianisme allemand, huguenots ou puritai
562
tous ces pionniers étaient d’abord des fanatiques
d’
une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain
563
s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté
de
célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder
564
leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité
de
fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le
565
cité » entièrement conforme à leurs convictions.
D’
où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le c
566
rme à leurs convictions. D’où le caractère social
de
leur religion, dès le début, mais aussi le caractère religieux de leu
567
, dès le début, mais aussi le caractère religieux
de
leur civisme. La structure politique des États-Unis traduit aujourd’h
568
s-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe
de
ces apports religieux successifs. Ceux-ci se confondent souvent d’ail
569
appartient à l’Église réformée a bien des chances
d’
être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; A
570
ise réformée a bien des chances d’être Hollandais
d’
origine ; Allemand ou Suédois s’il est luthérien ; Anglais s’il est pr
571
tholique, Irlandais ou Italien. À ces différences
d’
origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe
572
t venues s’ajouter, par la suite, des différences
de
classe : l’Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Égli
573
aire, tandis que l’Église protestante épiscopale (
de
rite anglican) est surtout citadine et « fashionable ». Voilà qui exp
574
peut apprécier diversement cette interpénétration
de
la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons
575
ette interpénétration de la vie ecclésiastique et
de
la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont touj
576
uons-le, où les Églises ont toujours été séparées
de
l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait,
577
le, où les Églises ont toujours été séparées de l’
État
). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un gran
578
a décrire comme un fait, un grand fait qui mérite
d’
être connu et médité en Suisse, d’autant plus qu’il s’est vu curieusem
579
fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse,
d’
autant plus qu’il s’est vu curieusement négligé par la presque totalit
580
ar la presque totalité des observateurs européens
de
l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, d
581
s sermons du lendemain, nouvelles des missions et
de
nombreuses activités sociales, programmes de musique sacrée, annonces
582
s et de nombreuses activités sociales, programmes
de
musique sacrée, annonces détaillées des services que célébreront les
583
ervices que célébreront les principales paroisses
de
la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le l
584
cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup
d’
églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec man
585
d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons
de
la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup mo
586
onférenciers les plus en vogue. Tournez le bouton
de
votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes
587
o : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix «
d’
hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvell
588
h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes
de
toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religi
589
toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure
de
nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le
590
gues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine
de
cultes relayés par différentes stations. Vous passerez d’une liturgie
591
s relayés par différentes stations. Vous passerez
d’
une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Ré
592
stations. Vous passerez d’une liturgie solennelle
de
l’Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans u
593
lennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion
de
Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine
594
Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux,
de
là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche
595
vais à une soirée chez un professeur du Séminaire
de
théologie protestante de New York : j’y trouve d’autres professeurs e
596
professeur du Séminaire de théologie protestante
de
New York : j’y trouve d’autres professeurs et des étudiants, bien sûr
597
stes, des personnalités politiques, des écrivains
d’
« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésitent pas à coll
598
s écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs
de
théologie n’hésitent pas à collaborer aux magazines politiques à gros
599
’étonne personne ici. Je songe à la France laïque
de
naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonn
600
! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités,
de
cloisonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’on n’imagine p
601
ant de timidités, de cloisonnements, et peut-être
de
prudences aussi, que l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à loue
602
, je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs
de
ce type : « Six pièces, confort, métro, Églises à proximité. » J’achè
603
, métro, Églises à proximité. » J’achète un guide
de
quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de c
604
ses à proximité. » J’achète un guide de quartier,
d’
aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête
605
ect commercial. Une page y est réservée aux lieux
de
culte. En tête : « Préservez votre privilège américain : allez au cul
606
servez votre privilège américain : allez au culte
de
votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalen
607
te de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire
de
la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux
608
ut sourire de la publicité qu’étalent les Églises
de
province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plante
609
lent les Églises de province, des grands panneaux
de
« bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée de leur ville, et q
610
« bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée
de
leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la
611
’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux
de
loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises ca
612
qui promettent des jeux de loto le mardi soir et
de
la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplor
613
rieurs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité
de
la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église,
614
communautaire dans les paroisses. Devenir membre
d’
une Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des ami
615
els s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque
de
cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la
616
C’est un risque. Mais c’est aussi une possibilité
d’
action spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaît
617
n pour donner tout leur sens à certains incidents
de
la vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’u
618
américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur
d’
un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « missio
619
ands États de l’Union prenant part à une campagne
de
« mission intérieure » à travers tout le continent. Imaginez Roosevel
620
rononçant une longue prière à la radio, la veille
de
l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les serv
621
e ; les journaux décrivent en détail les services
de
communion auxquels ont participé les deux candidats, ce même jour. Wa
622
u’il va se retirer à la campagne pour une semaine
de
recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-U
623
pagne pour une semaine de recueillement. Le choix
de
lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particulièrement ap
624
du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite
de
« l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par de
625
religions. Le matin, la radio diffusa les prières
de
« confession générale », dont il répétait les phrases à haute voix av
626
avec tous les membres du Congrès, dans une église
de
la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son président.
627
dent y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation
de
serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des
628
sur les marches du Capitole, devant des centaines
de
milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sé
629
hes du Capitole, devant des centaines de milliers
de
spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le prés
630
résident jura, la main posée sur sa vieille Bible
de
famille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapit
631
amille, en langue hollandaise, qu’il avait choisi
d’
ouvrir au chapitre 13 de la première Épître aux Corinthiens : « Et mai
632
daise, qu’il avait choisi d’ouvrir au chapitre 13
de
la première Épître aux Corinthiens : « Et maintenant ces trois choses
633
its, c’est que la presse et la radio ne cesseront
de
les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont rée
634
esse et la radio ne cesseront de les souligner et
de
les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à
635
ils sont réellement essentiels à la compréhension
de
la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes
636
ion de la démocratie américaine. Il est important
de
savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays,
637
que les grandes cérémonies civiques et politiques
de
ce pays, aussi impressionnantes que les cérémonies totalitaires, se d
638
our la grande majorité des participants, créateur
d’
un sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de
639
ime et profond, mais aussi différent que possible
de
ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs
640
mais aussi différent que possible de ces passions
de
haine et d’orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priai
641
ifférent que possible de ces passions de haine et
d’
orgueil collectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapela
642
t le chapelain, revêts notre président du manteau
de
l’humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets
643
jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni
de
cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plus
644
e conduire un peuple pieux et uni de cette vallée
d’
ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines d
645
ette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines
de
la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette
646
rnelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines
de
millions d’hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre.
647
ines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions
d’
hommes entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre. l. Rougemon
648
es de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’
hommes
entendaient cette prière, pouvaient s’y joindre. l. Rougemont Deni
649
ère, pouvaient s’y joindre. l. Rougemont Denis
de
, « Religion et vie publique aux États-Unis », Journal de Genève, Genè
650
eligion et vie publique aux États-Unis », Journal
de
Genève, Genève, 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : « De
651
18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : «
De
notre envoyé spécial ».
652
Journal
d’
un retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu
653
ge immobile Vers le milieu du xxe siècle, les
hommes
firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machin
654
milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte
de
réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur
655
eu de chose les avantages que la machine menaçait
de
leur procurer, après les avoir décimés. Les avions, par exemple, perm
656
ir décimés. Les avions, par exemple, permettaient
de
voyager vingt fois plus vite qu’en bateau. L’on décida en conséquence
657
ible et longue la préparation des voyages. Passer
d’
Amérique en Europe ne demandait plus que quelques heures ? On y ajouta
658
quelques heures ? On y ajouta plusieurs semaines
de
démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi la longueur du voyag
659
atiquement, à ce qu’elle était au bon vieux temps
de
Christophe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constell
660
ssis dans une Constellation qui vient de décoller
d’
un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chie
661
ellation qui vient de décoller d’un champ neigeux
de
Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une
662
mp neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent
d’
un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute
663
quait des tempêtes magnétiques qui ont pour effet
d’
aveugler les avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homm
664
s avions aux appareils plus délicats que les sens
de
l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénoué
665
ons aux appareils plus délicats que les sens de l’
homme
. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénouée dans l
666
écrire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océan
d’
un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce clic
667
ncore, une fois installé dans le fauteuil profond
de
l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au
668
y descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée
de
l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à
669
0 mètres à la seconde, sans vibrations ni courant
d’
air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autr
670
ions ni courant d’air, et sans nul signe apparent
de
mouvement. Les uns écrivent, d’autres déjeunent. Je regarde par mon h
671
blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout
d’
un coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mi
672
n coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche
de
nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleue, comme u
673
une surface bleue, comme un papier grenu ponctué
de
défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paq
674
n quatre heures. Nous sommes partis tout au début
de
la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contr
675
re. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux
d’
un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolon
676
s survolons des profondeurs multipliées, cavernes
d’
ombre et gonflements majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de
677
ts majestueux où la lumière fait ses grands jeux,
de
tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la
678
fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu
de
plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout
679
e tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches
de
l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais u
680
errière nous, tout est flamme et or. Mais un toit
d’
ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le monde deva
681
e devant nous. En deux minutes nous sommes passés
de
la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos t
682
ux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas
d’
élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amériq
683
d’élégance. Une dame qui vient de passer le temps
de
la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : «
684
e passer le temps de la guerre en Amérique frémit
de
toutes ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfi
685
le, je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment
d’
être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces meubles blan
686
cs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle,
d’
une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oi
687
t-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais
d’
où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un pet
688
laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux
de
Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers P
689
Nous roulons dans un petit autobus, du terrain
d’
Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis que je l’ai quitté… Par quel
690
e cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout
d’
un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissement — qu
691
ar nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures
de
Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on
692
tin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste
de
la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Cet hôtel n
693
hôtel ne leur plaît qu’à moitié. Je les décourage
d’
aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce que Paris a été
694
nt immédiatement à ressembler à ce que l’on pense
d’
eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais
695
Europe !) Il y a des chambres, et même des salles
de
bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arrive au rendez-vous
696
dez-vous après sept ans, furtivement, à la faveur
d’
une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré,
697
oir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’un paysage
de
toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a sonné cinq
698
usieurs en écho. Je ne savais plus, après six ans
de
New York, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’acco
699
ité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine
de
cris menus et de sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes
700
t jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus et
de
sifflets de tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce
701
ette rumeur soudaine de cris menus et de sifflets
de
tous côtés, comme les premières gouttes d’une averse, ce sont bien de
702
fflets de tous côtés, comme les premières gouttes
d’
une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres
703
et des murs couleur du temps, où quelques taches
de
rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait veni
704
eur du temps, où quelques taches de rosé clair ou
de
noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux
705
quelques taches de rosé clair ou de noir achèvent
de
composer une harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bru
706
qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit
de
pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés,
707
yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles
de
bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à
708
t de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme
de
ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’
709
ne femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte
de
service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur très gran
710
lés, ouvre une porte de service à côté du portail
d’
un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalon
711
’un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu
de
noir, aux pantalons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’un xi
712
ntalons étroits, aux longs souliers pointus, sort
d’
un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandai
713
ux longs souliers pointus, sort d’un xixe siècle
d’
illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de gros
714
liers pointus, sort d’un xixe siècle d’illustrés
de
mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises,
715
mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant
de
grosses valises, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’un
716
ortant de grosses valises, se hâtent vers la gare
d’
Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’une beauté oubliée.
717
s, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé
d’
un siècle, en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foul
718
d’Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction
d’
une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemai
719
en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire
de
la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ?
720
iller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un
de
ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment to
721
n un de ces tours que nous jouent les cauchemars,
de
rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de mu
722
chemars, de rapetisser méchamment tous les êtres,
d’
effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes
723
hamment tous les êtres, d’effacer les visages, et
de
multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougem
724
et de multiplier les traits bizarres, les signes
d’
anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal
725
s, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946,
726
d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
727
gemont Denis de, « Journal d’un retour », Journal
de
Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
728
Journal
d’
un retour (fin) (18-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que l
729
m’a paru proprement incroyable. Je ne trouve ici
d’
autre sujet de m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout es
730
rement incroyable. Je ne trouve ici d’autre sujet
de
m’étonner que de n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes
731
. Je ne trouve ici d’autre sujet de m’étonner que
de
n’en point trouver, justement. Tout est pareil à mes souvenirs, à pei
732
reils pour tous », non point avec votre situation
d’
usager perplexe ou anxieux. La bonhomie des mêmes employés intacte, un
733
és intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps
de
revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les mais
734
t-être, c’est le mythe helvétique par excellence,
d’
une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la
735
eu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge
de
rétablir un équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés
736
mes jugements, j’arrive à peine. Mais si j’essaie
de
situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’appara
737
Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre
de
mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétr
738
aît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure
de
nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que
739
lus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau
de
fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique e
740
meux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne
de
l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine,
741
e, c’était bien, finalement, lord Cecil… Un tiers
de
salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une
742
finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton
d’
obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée
743
es délégués paraissaient regretter « l’atmosphère
de
Genève » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par l’ONU. Et, s
744
pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé
de
funérailles. Il ne s’agit que d’un déménagement. Nous ne pourrons plu
745
euse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que
d’
un déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe aux cygnes, comme d
746
es, comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’idée
d’
une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En atten
747
ant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à
de
nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un clic
748
oyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif
d’
un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admirati
749
e à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif
de
la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dern
750
ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie
de
la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne
751
l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus
d’
une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre
752
ne chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe
de
la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe »
753
lus heureux que Moïse, nous nous sentons certains
d’
entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux
754
e, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère
de
la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y tou
755
dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but
de
nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il ne s’e
756
uchons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que
d’
un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîn
757
entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire
de
lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repartit trente
758
ne gloire de lumière le premier appareil arrivant
de
New York. Il repartit trente minutes plus tard, emportant un espoir r
759
lus tard, emportant un espoir raisonnable : celui
de
voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retou
760
tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai
761
its Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
762
Denis de, « Journal d’un retour (fin) », Journal
de
Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
763
i pour faire l’Europe, et non pour faire semblant
de
la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas
764
’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus
de
cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le monde se trom
765
allu neuf mois. En voici le récit exact. Au début
de
1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cin
766
but de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte
d’
alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoye
767
n n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cinq
États
absolument souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté
768
tre vingt-cinq États absolument souverains. Point
de
citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange com
769
nt souverains. Point de citoyenneté suisse, point
de
liberté d’établissement ou d’échange commercial entre cantons, point
770
ns. Point de citoyenneté suisse, point de liberté
d’
établissement ou d’échange commercial entre cantons, point d’unité mon
771
nneté suisse, point de liberté d’établissement ou
d’
échange commercial entre cantons, point d’unité monétaire, point de re
772
ment ou d’échange commercial entre cantons, point
d’
unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe c
773
ial entre cantons, point d’unité monétaire, point
de
représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de
774
s peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte
de
Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom de
775
la Diète, sorte de Comité des ministres, composé
de
plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares dé
776
composé de plénipotentiaires agissant au nom des
États
et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts. Prat
777
ant l’étranger et même devant la guerre entre les
États
membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état comparab
778
là, trait pour trait, un état comparable à celui
de
notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regar
779
n au regard de celui que nous courons. Une partie
de
l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités,
780
l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée
de
pouvoirs limités, mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait ass
781
rale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien
d’
autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la D
782
ssurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les
États
et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse décisiv
783
tine rétorquait, chiffres en main, que la liberté
d’
échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était
784
main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas
de
causer quelques dommages locaux. C’était répandre, aux utopistes qui
785
. C’était répandre, aux utopistes qui proposaient
d’
éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une g
786
impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas
de
sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la fav
787
u Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés,
de
mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette
788
ut un long branle-bas de sociétés, de mouvements,
de
projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un p
789
ranle-bas de sociétés, de mouvements, de projets,
de
discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
790
ciétés, de mouvements, de projets, de discours et
de
vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs
791
, de projets, de discours et de vœux. À la faveur
de
cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit ad
792
. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
de
jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une
793
nthousiastes fit adopter par la Diète le principe
d’
une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait «
794
année suivante. Le 17 février 1848, la Commission
de
révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit
795
rs — se réunit pour la première fois. Elle décide
de
siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine se
796
ux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq
États
souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte
797
rojet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois
d’
août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète procl
798
la Constitution est acceptée par près de 2/3 des
États
et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conse
799
on est acceptée par près de 2/3 des États et plus
de
2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral,
800
, neuf mois avaient suffi pour fédérer vingt-cinq
États
souverains… Pensez-vous que l’Histoire vous en laisse beaucoup plus,
801
toire vous en laisse beaucoup plus, pour unir vos
États
dans un plus grand péril ? Vous me direz que l’Europe est plus grande
802
temporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe
d’
aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus d
803
rope d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse
d’
alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou mêm
804
: vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou
de
Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a
805
s de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même
d’
Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour a
806
asbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins
de
temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou de
807
s qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller
de
Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deu
808
fisent. Vos Nations vivent ensemble depuis autant
de
siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont p
809
ez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons
de
douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l
810
s économies ne sont pas plus disparates que celle
de
Zurich par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres pré
811
us disparates que celle de Zurich par exemple, et
de
ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quan
812
sombres prévisions des réalistes quant aux effets
d’
une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-troi
813
le non plus qui ne reparaisse dans la bouche même
de
ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certe
814
paraison n’est pas raison, mais quand les raisons
de
ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tra
815
ive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme
d’
esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai
816
d’esprit, une cécité partielle devant les leçons
de
l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politi
817
le devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus
d’
une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n
818
leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison
de
nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
819
ratique. C’est assez pour que j’ose vous supplier
d’
y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il va
820
Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine
de
s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut aller tr
821
us n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps
de
méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été,
822
Staline le prend. C’est le temps de méditer avant
d’
agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr q
823
méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez
de
perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps
824
yez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps
de
modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée
825
de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre
de
bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux dép
826
non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille
de
l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés europée
827
bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis
de
, « Lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève, 15 août
828
nis de, « Lettre aux députés européens », Journal
de
Genève, Genève, 15 août 1950, p. 1.
829
rs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier
de
doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseils à vous d
830
Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou
de
revendications. Et je n’ai point de conseils à vous donner. Mais je v
831
doléances ou de revendications. Et je n’ai point
de
conseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine de m
832
donner. Mais je vous écris au nom d’une centaine
de
milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions qu
833
s je vous écris au nom d’une centaine de milliers
de
militants fédéralistes, qui pensent comme des millions que le temps p
834
millions que le temps presse, et que les lenteurs
de
l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire
835
ans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun motif
de
croire qu’on leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loi
836
motif de croire qu’on leur laissera tout le temps
d’
aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente nous dise
837
era tout le temps d’aller lentement, et le loisir
d’
être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’entendent
838
connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté
de
les surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier
839
e vous le rappelait récemment : le premier devoir
de
l’obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres n
840
écemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est
de
se laisser vaincre. Votre Comité des ministres néglige donc son premi
841
nternes avec le comité ministériel. Permettez-moi
de
vous dire que l’opinion s’en moque, parce qu’elle a ses doutes motivé
842
véritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés
d’
un instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’en
843
ontre toutes ses routines décadentes, à la sauver
de
la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle
844
uver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire
d’
un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiet
845
lle vous voit réticents pour la plupart, inquiets
de
ne pas vous avancer au-delà de ce qu’on vous a permis, qui est moins
846
plupart, inquiets de ne pas vous avancer au-delà
de
ce qu’on vous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par un alinéa
847
niens. Elle voit que votre Assemblée consultative
d’
un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’a
848
sultative d’un comité lui-même consultatif, formé
de
ministres qui se refusent d’ailleurs à transmettre vos consultations,
849
pinion se demande si tout cela dissimule une idée
de
derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’absence
850
u révèle au contraire, bien clairement, l’absence
d’
idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’entends bien qu
851
ire, bien clairement, l’absence d’idée maîtresse,
de
grande vision du but, de volonté. J’entends bien que l’opinion se tro
852
bsence d’idée maîtresse, de grande vision du but,
de
volonté. J’entends bien que l’opinion se trompe et méconnaît vos sent
853
alysent jusqu’à votre éloquence et vous empêchent
d’
articuler des intentions peut-être subversives (on chuchote que vous t
854
(on chuchote que vous tenez en réserve un projet
de
timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien bas les in
855
et de timbre-poste européen). Certes, il convient
de
saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant
856
de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs,
de
s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis,
857
voirs, de s’agenouiller devant les Constitutions,
de
ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les ex
858
es Constitutions, de ramper devant les partis, et
de
confesser son pur néant devant les experts. Mais rien ne pourra jamai
859
e coup, je trouve cela « prématuré » (je m’excuse
de
parler comme un ministre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés
860
que l’on sache. Quand vous y serez, il sera temps
de
voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à no
861
ent à nos calamités. Ceci me rappelle un argument
de
M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le to
862
argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis,
de
commencer l’Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut
863
commencer. Au reste, l’Europe existe depuis plus
de
2000 ans. Ce qui lui manque est justement un toit. Pour tout dire en
864
les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux
de
votre première session consultative (au second degré) de quoi faire u
865
e première session consultative (au second degré)
de
quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina len
866
ond degré) de quoi faire un collier à trois rangs
de
perles du genre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour,
867
faire un collier à trois rangs de perles du genre
de
Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’oi
868
à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère
de
sûreté, chi va piano va sano, wait and see, step by step, und so weit
869
ait. Mais par deux ou trois décisions, dont celle
d’
Haussmann, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fai
870
trois décisions, dont celle d’Haussmann, corrigée
d’
un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour —
871
sions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’un coup
de
crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — toutes af
872
x pas, sauf franchir un abîme. Si votre œuvre est
de
longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré,
873
mieux ne rien faire, ou qu’on ne peut rien faire
de
sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’Europe ; allez-vous
874
z-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé
d’
agir. Avouez que rien ne vous paraît possible, on comprendra que vous
875
dra que vous n’êtes plus nécessaires. Mais cessez
de
faire semblant d’être là. Constater le néant représente un progrès su
876
s plus nécessaires. Mais cessez de faire semblant
d’
être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’un
877
er le néant représente un progrès sur l’entretien
d’
une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d
878
but, et tout changera dans un instant. Il s’agit
d’
une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougem
879
sage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis
de
, « Deuxième lettre aux députés européens », Journal de Genève, Genève
880
Deuxième lettre aux députés européens », Journal
de
Genève, Genève, 16 août 1950, p. 1.
881
roisième lettre aux députés européens : L’orgueil
de
l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai ten
882
)r Messieurs les députés européens, J’ai tenté
de
traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée
883
ire le sentiment des peuples en face de l’inertie
de
l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun
884
e attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir
de
ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais, s’en affligent. (On
885
us est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient
de
revendiquer, celui dont, par avance, je vous salue. Vous êtes, Messie
886
nce, je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés
de
l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’E
887
us êtes, Messieurs, Députés de l’Europe. Essayons
de
mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà q
888
utés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur
de
ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs,
889
ayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés
de
l’Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu
890
signifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit
d’
être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos peuples, co
891
s avez perdu le droit d’être étrangers sur aucune
de
nos terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l
892
re étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun
de
nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’héritage deux fois millén
893
s terres, dans aucun de nos peuples, comme à rien
de
ce qui forme l’héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes
894
n de ce qui forme l’héritage deux fois millénaire
de
nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capi
895
e nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés
de
quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de la générat
896
lement les députés de quinze villes capitales, et
de
cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui,
897
villes capitales, et de cent-vingt provinces, et
de
la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions
898
de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus
de
deux-cents-millions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les acc
899
s peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions
d’
hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérê
900
peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’
hommes
et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et
901
ourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et
de
femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les pa
902
nt ou divisent les vivants, vous êtes les députés
d’
une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’es
903
l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur
d’
une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les député
904
Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés
d’
Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus
905
sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes,
de
Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète q
906
non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et
de
Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme
907
s d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés
de
la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son de
908
s députés de la conscience la plus inquiète que l’
homme
ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les dé
909
nce la plus inquiète que l’homme ait jamais prise
de
son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’un
910
mme ait jamais prise de son destin et des chances
de
le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu
911
es chances de le surmonter. Les députés non point
d’
une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne d
912
surmonter. Les députés non point d’une presqu’île
de
l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4
913
ande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 %
de
la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âge
914
nt guère 4 % de la superficie du globe, mais bien
de
cela qui a fait au cours des âges, d’un cap médiocre en dimensions ph
915
, mais bien de cela qui a fait au cours des âges,
d’
un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’hu
916
re en dimensions physiques, le cœur et le cerveau
de
l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne s’offre à
917
mplacer, et qui a su remplacer toutes les autres.
D’
où vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant
918
l’Asie ait dominé le monde pendant des siècles ?
D’
où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont no
919
dominé le monde pendant des siècles ? D’où, sinon
d’
un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons
920
de pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir
d’
invention et de dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’ég
921
siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et
de
dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur la Planè
922
ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens
de
la mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européen
923
re ; presque tous leurs grands noms sont des noms
de
l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier
924
ès rares qui n’en sont pas ont appris leur métier
de
nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou pa
925
maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés
de
Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout entier peu
926
e à la fois nos mœurs et nos objets, nos procédés
d’
art et de construction, de transport et de gouvernement, d’industrie,
927
is nos mœurs et nos objets, nos procédés d’art et
de
construction, de transport et de gouvernement, d’industrie, de médeci
928
os objets, nos procédés d’art et de construction,
de
transport et de gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos arme
929
rocédés d’art et de construction, de transport et
de
gouvernement, d’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les
930
de construction, de transport et de gouvernement,
d’
industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre no
931
on, de transport et de gouvernement, d’industrie,
de
médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont
932
L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits
de
notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est né
933
ssie moderne, sont des produits de notre culture,
de
Calvin et de Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants e
934
sont des produits de notre culture, de Calvin et
de
Marx, et de notre industrie qui est née de nos savants et de nos phil
935
oduits de notre culture, de Calvin et de Marx, et
de
notre industrie qui est née de nos savants et de nos philosophes. De
936
vin et de Marx, et de notre industrie qui est née
de
nos savants et de nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes
937
de notre industrie qui est née de nos savants et
de
nos philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On a
938
qui est née de nos savants et de nos philosophes.
De
tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’inve
939
cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend
de
vous l’invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Euro
940
nouveau n’ose lui disputer sérieusement. Je viens
d’
entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voi
941
endre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis
de
Salzbourg. Voilà ce que l’Europe a su faire. Toute la musique est née
942
su faire. Toute la musique est née du contrepoint
de
l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, de
943
nt de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés
de
Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de G
944
ope. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart,
de
l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de
945
éra, des symphonies et des Passions ; les députés
de
Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Ein
946
honies et des Passions ; les députés de Goethe et
de
la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des
947
ns ; les députés de Goethe et de la littérature ;
de
Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembran
948
a littérature ; de Descartes et des philosophes ;
d’
Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés a
949
et des philosophes ; d’Einstein et des savants ;
de
Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de
950
peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes
de
la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des
951
nonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli,
de
l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Pa
952
ommunes, des états généraux, et du Serment du Jeu
de
Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’avenir. Par l’un,
953
de Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge
de
l’avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé ent
954
à l’autre députés. Me voici partagé entre l’envie
de
rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très
955
e députés. Me voici partagé entre l’envie de rire
de
vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de
956
entre l’envie de rire de vos craintes dérisoires,
de
vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur d
957
isoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif
de
mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-
958
sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur
de
la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En vérité, j
959
sse et en dernier recours, soulevé par la passion
de
tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui l
960
rnier recours, soulevé par la passion de tous les
hommes
, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’Europe a
961
passion de tous les hommes, et pas seulement ceux
de
notre continent, pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans
962
eulement ceux de notre continent, pour qui le nom
d’
Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets
963
a beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets
d’
un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur
964
ur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur
de
l’être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette c
965
tte conscience inquiète aussi, et ce grand risque
de
la liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’his
966
ègue en ce lieu décisif, dans l’histoire concrète
de
ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamais si vous manquez à
967
mais si vous manquez à une mission précise, celle
de
fédérer nos faiblesses pour en faire la force du siècle. Messieurs le
968
opéens, saurez-vous mériter votre nom ? On attend
de
vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondu
969
nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances
de
l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. P
970
pe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances
de
l’homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel de
971
ujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’
homme
. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel destin. Gr
972
Personne n’est assez grand pour répondre au défi
d’
un tel destin. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes pl
973
ui n’attendons qu’un signe. r. Rougemont Denis
de
, « Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe »,
974
roisième lettre aux députés européens : L’orgueil
de
l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
975
utés européens : L’orgueil de l’Europe », Journal
de
Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
976
hlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs
de
l’Assemblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de M
977
sultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député
de
Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a p
978
lqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni
d’
Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le
979
se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni
de
Rome, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe,
980
le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni
de
rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien
981
ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire
de
ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien l’auteur du Manifest
982
e rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom
d’
Europe, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour Party su
983
ifeste publié par le Labour Party sur le problème
de
l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y vo
984
ue ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble
de
pays peu sûrs, qui d’une part ne font point partie du Commonwealth, d
985
est purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet,
d’
une étrange arrogance. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il
986
. L’idée que l’Europe soit une culture, une unité
de
civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor d
987
une culture, une unité de civilisation, un foyer
d’
inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréd
988
oyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor
de
diversités souvent irréductibles mais sans prix, de libertés, de foi,
989
diversités souvent irréductibles mais sans prix,
de
libertés, de foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’ef
990
ouvent irréductibles mais sans prix, de libertés,
de
foi, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. I
991
ductibles mais sans prix, de libertés, de foi, et
de
formes de vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pou
992
mais sans prix, de libertés, de foi, et de formes
de
vie, cette idée par exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’u
993
Anglais, nous sommes plus près des Dominions que
de
l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes soc
994
Canadiens français et même les Irlandais, pensent
de
ces origines communes… Le point de vue politique des Dominions n’est
995
nt de vue politique des Dominions n’est pas celui
de
l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colom
996
nions n’est pas celui de l’auteur sur la question
de
l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces p
997
r la question de l’Europe, — voir les résolutions
de
Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitude
998
voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul
de
ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On
999
ose paraît claire, dans tout cela : les habitants
de
la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvell
1000
abitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents
de
l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent un
1001
nde-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et
de
la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même la
1002
tremblons pour la famille ! Tous les adversaires
de
l’Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il s
1003
mille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent
d’
écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un p
1004
. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan
d’
un peu d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit
1005
lton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’un peu
d’
union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit en dolla
1006
à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base
de
compromis, c’est-à-dire d’action positive. À ces deux conditions de l
1007
ui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-dire
d’
action positive. À ces deux conditions de l’union — les mieux faites p
1008
t-à-dire d’action positive. À ces deux conditions
de
l’union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit
1009
aucun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera
d’
être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fa
1010
l cessera d’être démocratique s’il accepte la loi
de
la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu
1011
le que dans la mesure où elle reste impuissante —
d’
où le refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un
1012
mesure où elle reste impuissante — d’où le refus
d’
un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéra
1013
Parlement européen ; secundo : que les champions
d’
un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comm
1014
e considérés comme les ennemis les plus dangereux
de
l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique sup
1015
mis les plus dangereux de l’unité européenne », —
d’
où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’
1016
angereux de l’unité européenne », — d’où le refus
de
toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité siège pa
1017
toute autorité politique super-nationale. Cet ami
de
l’unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des advers
1018
suivent une logique non daltonienne : ils partent
d’
un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradi
1019
s négatives. Au Parlement européen, s’il est doté
de
pouvoirs législatifs, à l’Autorité politique, s’il faut qu’elle ait v
1020
utorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment
de
l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’
1021
t vraiment de l’autorité et ne souffre donc point
de
veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que l
1022
souffre donc point de veto, les Tories disent non
d’
un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Oppo
1023
recourt à ce mythe que pour garder quelque moyen
d’
agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos sou
1024
ien, écrit au Times qu’elles ne font point partie
de
la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient
1025
. Personne ne sait très bien, en somme. On essaie
de
nous dire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? L
1026
nterrogés sur la question, seraient bien en peine
d’
en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez e
1027
auraient accepté que leur monnaie perde un tiers
de
sa valeur, parce que Londres avait dévalué. Je cherche en vain : Où s
1028
herche en vain : Où sont encore les souverainetés
de
nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour l
1029
en vain : Où sont encore les souverainetés de nos
États
, quand l’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et
1030
, je ne vois pas que leur variété ait empêché les
États
des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nat
1031
riété ait empêché les États des US ou les cantons
de
la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc
1032
êché les États des US ou les cantons de la Suisse
de
se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’un p
1033
iens seraient-ils naïfs, quand c’est par décision
d’
un État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur
1034
seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’un
État
étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur ?) Mess
1035
) Messieurs les députés, ce serait pure folie que
d’
essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. L
1036
s les députés, ce serait pure folie que d’essayer
de
sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question
1037
yer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’avenir
de
ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés ill
1038
de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas
de
renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce
1039
souverainetés illusoires — comment faire abandon
de
ce qu’on n’a plus ? — mais de renoncer, une fois pour toutes, à invoq
1040
mment faire abandon de ce qu’on n’a plus ? — mais
de
renoncer, une fois pour toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en ca
1041
toutes, à invoquer ce mauvais motif qui en cache
de
pires, pour arrêter l’élan vers notre union. N’attaquez pas les souve
1042
netés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle
de
l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et
1043
Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va
de
notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent. Le
1044
la suppression des souverainetés. Ses vingt-cinq
États
sont souverains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun d’eux a g
1045
rains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun
d’
eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et d’Utop
1046
d’eux a gardé sa personnalité, parce qu’un groupe
d’
Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les cou
1047
personnalité, parce qu’un groupe d’Imprudents et
d’
Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du prisme,
1048
e sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens
de
l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus
1049
fédérale. Nous n’attendons rien de plus, ni rien
de
moins de vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux déput
1050
. Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins
de
vous. s. Rougemont Denis de, « Quatrième lettre aux députés europé
1051
, ni rien de moins de vous. s. Rougemont Denis
de
, « Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du
1052
En lisant le pamphlet du Labour Party », Journal
de
Genève, Genève, 18 août 1950, p. 1.
1053
m ! » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés
de
l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou
1054
e, ou protestante, ou française, ou allemande, ou
de
gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit
1055
nte, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou
de
droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle
1056
elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités
de
tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l
1057
t que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices
d’
amour-propre, sans replis stratégiques d’intérêts légitimes, sans comp
1058
crifices d’amour-propre, sans replis stratégiques
d’
intérêts légitimes, sans compromis elle ne sera pas. C’est clair. Seul
1059
itaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion
de
l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perd
1060
regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant
de
vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire o
1061
ls se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé
d’
écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent
1062
leurs arrière-pensées, dénonçant leur parti pris
de
scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union,
1063
les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes
d’
opinions, celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi
1064
lle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert
d’
alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fai
1065
pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion
d’
aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si
1066
rer pudiquement chaque année qu’il reste désireux
d’
envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer l
1067
ue année qu’il reste désireux d’envisager l’étude
de
quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une so
1068
sures préalables tendant à renforcer le sentiment
d’
une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus i
1069
e solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement
d’
une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux
1070
membres ». Les manchettes des journaux parleront
d’
un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne p
1071
ent s’associer à ces engagements téméraires avant
d’
avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en
1072
ngagements téméraires avant d’avoir pris le temps
d’
étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne
1073
d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et
de
s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolumen
1074
des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus
de
mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se conte
1075
es, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que
de
bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affir
1076
cause à tous. On me dira que si l’on se contente
d’
affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de ma
1077
incipes sans les mettre en pratique, cela ne fait
de
mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se
1078
européen, ce serait un acte enfin, quelque chose
de
concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatéliste
1079
e enfin, quelque chose de concret… Et je me garde
de
sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accou
1080
ce des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche
d’
un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Vo
1081
les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas
de
vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délég
1082
es simplement délégués pour consultation. Décidez
de
vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion
1083
rmer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et
de
la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’in
1084
s une propagande massive. Personne n’a les moyens
de
la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne élector
1085
, c’est une campagne électorale organisée par les
États
, en vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les
1086
vue de nommer leurs députés au premier Parlement
de
l’Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements
1087
les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes
d’
intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résult
1088
. Il en résultera dans nos provinces une campagne
d’
agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre métho
1089
tera dans nos provinces une campagne d’agitation,
d’
émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait
1090
provinces une campagne d’agitation, d’émulation,
de
polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer. L
1091
. La condition à la fois nécessaire et suffisante
d’
une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
1092
essaire et suffisante d’une telle campagne, c’est
de
faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort
1093
un seul : discuter et voter un projet bien précis
de
Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élabo
1094
er un projet bien précis de Constitution fédérale
de
l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembr
1095
ion fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous
de
l’élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commissi
1096
s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jurer
de
rester où vos parlements vous envoient. (Les ministres dépendent auss
1097
nts vous envoient. (Les ministres dépendent aussi
de
vos parlements, qui restent les seuls juges d’un conflit éventuel.) S
1098
si de vos parlements, qui restent les seuls juges
d’
un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’op
1099
s l’opinion vraie dans sa majorité, les militants
de
l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si
1100
a majorité, les militants de l’Europe, la logique
de
l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vou
1101
de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil
de
notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière v
1102
e et l’indifférence ; et devant vous, le rire des
hommes
d’acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de
1103
indifférence ; et devant vous, le rire des hommes
d’
acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de dé
1104
me dites que c’est prématuré, je vous supplierai
de
déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela c
1105
moment, et sous quelles conditions, cela cessera
d’
être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
1106
ut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai
de
l’obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites
1107
laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir
de
Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’e
1108
enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’air
de
le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose
1109
ue le maintien du statu quo, que la vie, la durée
de
notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un r
1110
la ruine à bref délai, les trois-cents divisions
de
l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en somm
1111
oix presque désespérée, et sans autre pouvoir que
de
vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur
1112
et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement
de
passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, al
1113
et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe,
de
rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pou
1114
nant, au nom de l’Europe, de rester au contraire,
de
ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe
1115
rester au contraire, de ne point se séparer avant
d’
avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’e
1116
l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets
de
l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement,
1117
re. Personne ne veut mourir, que pour des raisons
de
vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas un
1118
qui résoudra le problème du chômage, mais l’union
de
nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les
1119
is légitimes, qui se révèlent contraires au salut
de
l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous
1120
que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des
États
. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui voudrait
1121
s. Messieurs les députés européens, je vous salue
d’
un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l
1122
je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui
de
tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d
1123
ait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes
de
l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom,
1124
nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé
d’
angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fé
1125
ux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et
d’
espérances : méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’Europe
1126
en septembre, à Strasbourg. t. Rougemont Denis
de
, « Cinquième lettre aux députés européens : “Méritez votre nom !” »,
1127
utés européens : “Méritez votre nom !” », Journal
de
Genève, Genève, 19–20 août 1950, p. 1.
1128
n département qui se tourne vers l’ouest, le pays
de
Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit
1129
e Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé
de
la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de
1130
t sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez
de
Genève pour lui vendre ses bœufs, mais s’arrête avant de toucher les
1131
découpant une contrée que la nature avait conçue
d’
un seul tenant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine
1132
complets : la plaine et ses intimités cloisonnées
de
rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le
1133
la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux
de
peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et
1134
s vents européens et ces prairies entre deux bois
de
très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce rui
1135
x bois de très vieux chênes, où persiste un tapis
de
brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde au
1136
chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords
de
ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues de printemps
1137
seau qui longe mon jardin, qui l’inonde aux crues
de
printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureux ennui, méditant s
1138
rues de printemps, Chateaubriand passa des heures
d’
heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souven
1139
heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux
de
Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas
1140
sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir
de
Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mém
1141
mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées
de
peupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà l’œuvre du Patriar
1142
r les marais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays
de
Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur natu
1143
’est pas ce petit corps maigre, et ce rire édenté
de
vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous. Plutôt ces insc
1144
copie sur le socle : Face nord : Au bienfaiteur
de
Ferney Voltaire fait construire plus de cent maisons Il donne à l
1145
faiteur de Ferney Voltaire fait construire plus
de
cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital
1146
hés Il nourrit les habitants pendant la disette
de
1771 Face sud : Au poète philosophe Calas, Sirven, Montbailli, La
1147
tion des serfs du Jura Affranchissement du pays
de
Gex Essai sur les Mœurs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irèn
1148
s il était fort riche et souvent généreux, pourvu
d’
une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent
1149
reux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et
d’
un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricana
1150
us. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin
de
la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, c
1151
ne, périclitent. Mais les arbres bordant la route
de
Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit v
1152
la route de Gex à Genève me parlent chaque matin
de
son amour des lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’arti
1153
lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles
d’
artisans, d’horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécur
1154
it venir de Genève cinquante familles d’artisans,
d’
horlogers, de céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix
1155
enève cinquante familles d’artisans, d’horlogers,
de
céramistes, tous protestants, mais qui vécurent en paix avec ceux qu’
1156
âques, non sans ostentation, et ne se privait pas
de
haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de fam
1157
bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père
de
famille. C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait
1158
une lettre aux princes intellectuels et temporels
de
l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres
1159
uter un prospectus vantant la qualité des montres
de
Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La premi
1160
tant la qualité des montres de Ferney, ou des bas
de
soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la
1161
suite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses amis
de
Paris : « On fabrique ici beaucoup mieux qu’à Genève… Donnez vos ordr
1162
Donnez vos ordres ; vous serez servis… Vous aurez
de
très belles montres et de très mauvais vers quand il vous plaira. » E
1163
erez servis… Vous aurez de très belles montres et
de
très mauvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village pa
1164
il vous plaira. » En vingt ans, le village passe
de
cinquante foyers à plus de mille habitants qui deviennent propriétair
1165
ans, le village passe de cinquante foyers à plus
de
mille habitants qui deviennent propriétaires, par un système qu’on no
1166
ent propriétaires, par un système qu’on nommerait
de
nos jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme
1167
s à son maçon comme d’autres commandent une paire
de
souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tracta
1168
le tractations qu’il combine avec joie permettent
de
supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul ind
1169
ine avec joie permettent de supprimer les douanes
de
notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que
1170
rtés réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux
de
la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre ho
1171
ple vient lui rendre hommage, à la Saint-François
de
1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de
1172
ire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron
de
son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présente
1173
de son château. Les enfants du village en habits
de
bergers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille
1174
eune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse
d’
une corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. L
1175
e corbeille fleurie, figure « le sentiment doux »
de
l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce
1176
rince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand
homme
. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun
1177
« Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous
de
pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j
1178
à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun
de
ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vient pas lui cha
1179
que bien d’autres images entraînent, dans ce pays
de
« marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, en
1180
tre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins
de
Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’A
1181
es jardins de Candide et cette Bourse des valeurs
de
toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le t
1182
tte Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà
de
l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par
1183
tout survolé trente fois par jour par des avions
de
New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bo
1184
trente fois par jour par des avions de New York,
de
l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proch
1185
par jour par des avions de New York, de l’Inde ou
de
Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assour
1186
derrière le bois tout proche, qui assourdit tout
d’
un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde
1187
centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours
d’
un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au pays du Patriarche
1188
jours d’un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis
de
, « Au pays du Patriarche », Journal de Genève, Genève, 29–30 novembre
1189
mont Denis de, « Au pays du Patriarche », Journal
de
Genève, Genève, 29–30 novembre 1952, p. 3.
1190
retour (21 mai 1953)v Parmi toutes les raisons
de
faire l’Europe, économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci
1191
le : rendre nos différentes nations indépendantes
de
l’aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est
1192
ne conviction qu’il n’est pas un des responsables
de
la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’ét
1193
des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état
de
satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union, appell
1194
à l’état de satellites. Mais nos faiblesses, nées
de
notre manque d’union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre e
1195
llites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque
d’
union, appellent dangereusement l’Amérique à prendre en main le sort d
1196
ngereusement l’Amérique à prendre en main le sort
de
débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, nationalistes
1197
ort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs
de
nos pays, nationalistes et communistes s’unissent pour dénoncer « l’e
1198
ar le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance
de
Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dul
1199
ashington », confirmée à leurs yeux par le voyage
d’
études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion
1200
», confirmée à leurs yeux par le voyage d’études
de
M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l’invasion culturell
1201
voyage d’études de M. Dulles et certains articles
de
Life ; enfin « l’invasion culturelle » symbolisée par le succès des D
1202
par le succès des Digests. Selon les inspirateurs
de
cette campagne insensée — mais qui se branche sur le sentiment sponta
1203
e — mais qui se branche sur le sentiment spontané
de
larges masses, latines surtout —, les nations européennes seraient dé
1204
ations européennes seraient déjà réduites au rôle
de
simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède n
1205
nt déjà réduites au rôle de simples « instruments
de
la grandeur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette si
1206
Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption
de
la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi l
1207
ont désunis et même rivaux, ils seront incapables
de
soutenir la concurrence américaine, incapables d’assurer leur défense
1208
de soutenir la concurrence américaine, incapables
d’
assurer leur défense, incapables enfin de retrouver, avec leur fierté
1209
capables d’assurer leur défense, incapables enfin
de
retrouver, avec leur fierté légitime, leur indépendance réelle. D’où
1210
c leur fierté légitime, leur indépendance réelle.
D’
où vient, après tout, la puissance, non moins redoutée que sollicitée,
1211
d marché commun » qui est la condition nécessaire
de
toute existence autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait l’h
1212
ns notre monde du xxe siècle. On sait l’histoire
de
cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se libérer de
1213
it l’histoire de cette union. En 1787, les treize
États
qui venaient de se libérer de la tutelle britannique décidèrent que l
1214
1787, les treize États qui venaient de se libérer
de
la tutelle britannique décidèrent que leur simple alliance confédéral
1215
vait être remplacée par une fédération. Un projet
de
Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadelphie. (Six
1216
urs délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations
de
l’Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 ma
1217
ns l’Union. C’est donc précisément dans la presse
de
New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay e
1218
ns la presse de New York que trois des rédacteurs
de
la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain
1219
milton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain
de
Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le proj
1220
adison, entreprirent au lendemain de Philadelphie
de
publier une longue série d’articles discutant le projet d’union et dé
1221
emain de Philadelphie de publier une longue série
d’
articles discutant le projet d’union et démontrant ses avantages. Ces
1222
r une longue série d’articles discutant le projet
d’
union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un nom bient
1223
t résumer en deux phrases le rôle et l’importance
d’
un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique
1224
a créé l’animation politique nécessaire à la vie
de
la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libér
1225
et demi, les hommes d’État américains ont coutume
de
se référer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurispruden
1226
férer aux maximes du Federalist comme à une sorte
de
jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au onzième
1227
institutionnels. Or, voici qu’au onzième chapitre
de
ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un pa
1228
, voici qu’au onzième chapitre de ce fameux texte
de
base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecte
1229
qu’au onzième chapitre de ce fameux texte de base
de
la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va co
1230
reste du genre humain créé pour son utilité. Des
hommes
, admirés comme de grands philosophes, ont positivement attribué à ses
1231
créé pour son utilité. Des hommes, admirés comme
de
grands philosophes, ont positivement attribué à ses habitants une sup
1232
érique ; que les chiens même perdaient la faculté
d’
aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les f
1233
rrogantes prétentions des Européens. C’est à nous
de
relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à c
1234
des Européens. C’est à nous de relever l’honneur
de
la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d
1235
à nous de relever l’honneur de la race humaine et
d’
enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union no
1236
d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs
d’
eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables. La désunion préparerait un
1237
leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin
d’
être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États,
1238
Américains méprisent enfin d’être les instruments
de
la grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroit
1239
uments de la grandeur européenne ! que les treize
États
, réunis dans une étroite et indissoluble union, concourent à la forma
1240
et indissoluble union, concourent à la formation
d’
un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute for
1241
système américain qui soit au-dessus du contrôle
de
toute force ou de toute influence européenne, et qui leur permette de
1242
qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou
de
toute influence européenne, et qui leur permette de dicter les termes
1243
toute influence européenne, et qui leur permette
de
dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde.
1244
cien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin
de
commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l
1245
, et même impose à l’évidence, entre la situation
de
départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons
1246
impose à l’évidence, entre la situation de départ
de
l’Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans
1247
tre la situation de départ de l’Amérique et celle
de
notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce miroir ! Nous y rec
1248
rs, mais aussi nos espoirs. (Et même les articles
de
Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mes
1249
Et même les articles de Life, dans cette histoire
de
chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont
1250
s la mesure où les mêmes causes sont susceptibles
de
reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politiqu
1251
e à l’Europe une politique. v. Rougemont Denis
de
, « Aller et retour », Journal de Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
1252
Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal
de
Genève, Genève, 21 mai 1953, p. 1.
1253
nève, sont en opposition fondamentale avec celles
de
nos communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En
1254
alistes qui les suivent ? En proposant un système
de
sécurité européenne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de n
1255
enne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité
de
notre union, dénoncée par les communistes comme une idée américaine.
1256
mme une idée américaine. En affirmant le principe
de
la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou dés
1257
pays. En insistant enfin sur l’importance vitale
d’
une reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement l
1258
, Moscou réintroduit implicitement la possibilité
d’
une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui
1259
té sans discussion. Telles étant les implications
de
l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les t
1260
de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État
de
l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si
1261
se, il appartient aux hommes d’État de l’Occident
de
les transformer en engagements concrets. Se demander si les Russes so
1262
t en effet trois principes qui n’ont jamais cessé
d’
être les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons de là. Voyons main
1263
re les nôtres. Nous sommes d’accord. Nous partons
de
là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique
1264
de là. Voyons maintenant les conditions précises
de
la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russ
1265
nt les conditions précises de la mise en pratique
de
ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe de sécurité occidenta
1266
e ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe
de
sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le rattachement des p
1267
’est demander et obtenir le rattachement des pays
de
l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empê
1268
le rattachement des pays de l’Est à quelque forme
d’
union occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions
1269
n ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions
d’
Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à partir du moment où i
1270
cherait les 435 millions d’Européens ainsi réunis
de
se déclarer neutres, à partir du moment où ils disposeraient de l’arm
1271
neutres, à partir du moment où ils disposeraient
de
l’armée commune sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’Amé
1272
la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe
de
la non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communiste
1273
st par exemple décider que les partis communistes
de
l’Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enf
1274
e les partis communistes de l’Occident vont vivre
de
leurs seules ressources : on m’entendra. Enfin, prendre au sérieux le
1275
ccepter la libre discussion, le libre échange des
hommes
, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui éq
1276
, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air
de
rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de
1277
rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau
de
fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux p
1278
quivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars
de
là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hom
1279
ce sont elles seules qui permettent l’élaboration
de
l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, j
1280
ration de l’instrument sans lequel il n’est point
d’
entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu
1281
nt sans lequel il n’est point d’entente entre les
hommes
, je veux dire un langage commun. On a reconnu l’expression qui revien
1282
s’envoler pour franchir le Rideau — ce mur du son
de
la politique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote p
1283
ilote passe le mur du son, il entre dans une zone
de
silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est
1284
Genève peut se résumer en un seul mot : causons !
D’
où l’accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d
1285
le langage commun. Il existe en fait deux moyens
d’
instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est l
1286
se rappelle qu’au moment où l’armée rouge tentait
d’
envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière étai
1287
agresseur, « les événements ayant donné au terme
d’
agression un contenu historique nouveau ». La franchise même de cette
1288
n contenu historique nouveau ». La franchise même
de
cette explication scandalisa : elle aurait dû, plutôt, donner à réflé
1289
s un langage tout naturel pour quiconque est imbu
de
la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu
1290
t imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal
de
l’Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors p
1291
ors par une ingérence qualifiée dans les affaires
d’
un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de cultu
1292
ns les affaires d’un autre pays — provenait ainsi
d’
une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas que
1293
autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc
d’
un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter,
1294
s — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait
de
culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la
1295
t de culture ; mais comme il n’était pas question
d’
en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer
1296
ter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen
d’
instaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel su
1297
z les deux partenaires, la conviction et le désir
de
convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’
1298
ir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas
d’
intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’aut
1299
cre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni
de
raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le dési
1300
n le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison
d’
être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le co
1301
e raison d’être. Mais il suppose aussi le respect
de
l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa pl
1302
l suppose aussi le respect de l’autre et le désir
de
le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en q
1303
l’autre et le désir de le comprendre, la faculté
de
se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce par simple hy
1304
comprendre, la faculté de se mettre à sa place et
de
remettre en question, fût-ce par simple hypothèse, ses propres préjug
1305
othèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue
d’
une recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monolo
1306
he commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite
de
monologues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’être accept
1307
gues. Or ces deux conditions du dialogue viennent
d’
être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela
1308
d’être acceptées sans réserve par la déclaration
de
Boulganine — et cela pour la première fois depuis la naissance du con
1309
qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite :
D’
aucuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nou
1310
églée par la force. Que chacun prouve la justesse
de
sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique e
1311
ition pacifique. Une compétition pacifique entre
hommes
également convaincus : si cette offre est aussi valable pour d’autres
1312
ette offre est aussi valable pour d’autres sujets
de
débats, plus actuels et moins rebattus que celui qu’on vient de menti
1313
is au nom de la grande majorité des intellectuels
de
l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos
1314
uels de l’Europe, et des plus attachés à la cause
de
l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dan
1315
des plus attachés à la cause de l’union fédérale
de
nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’a
1316
où s’affrontent les démagogies, mais par groupes
de
professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science, d’éducatio
1317
ies, mais par groupes de professionnels ; parlons
d’
histoire, d’arts et de science, d’éducation, et de culture en général.
1318
r groupes de professionnels ; parlons d’histoire,
d’
arts et de science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons
1319
de professionnels ; parlons d’histoire, d’arts et
de
science, d’éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues
1320
nnels ; parlons d’histoire, d’arts et de science,
d’
éducation, et de culture en général. Échangeons nos revues et nos livr
1321
d’histoire, d’arts et de science, d’éducation, et
de
culture en général. Échangeons nos revues et nos livres, nos points d
1322
ommes trop faibles sur nos positions trop variées
d’
Occidentaux chrétiens ou humanistes, pour affronter la « redoutable di
1323
es Russes demanderont à parler ! Les contempteurs
de
l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuven
1324
e l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes
de
l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’en
1325
alistes de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux
hommes
de l’Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres
1326
de l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes
de
l’Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres cr
1327
la culture du voisin soit au contraire son cheval
de
Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai
1328
au contraire son cheval de Troie. Mais il s’agit
d’
échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène
1329
i rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval
de
Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite officielle e
1330
e, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon
d’
exposition. On ne court plus que le risque normal d’une « compétition
1331
exposition. On ne court plus que le risque normal
d’
une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la
1332
mal d’une « compétition pacifique ». Il est temps
de
courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’
1333
ion pacifique ». Il est temps de courir le risque
de
la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un chang
1334
Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse
d’
un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoi
1335
tout cela repose sur l’hypothèse d’un changement
d’
attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en
1336
essort est détendu, la pression tombe. Les effets
d’
un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme
1337
que problèmes. À l’extérieur, elle voit quelques
hommes
forts : un Tito, un Adenauer. C’est vers eux que s’en vont ceux qui p
1338
e sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis
de
, « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet
1339
Denis de, « Pour un désarmement moral », Journal
de
Genève, Genève, 19 juillet 1955, p. 1.
1340
s, criant au secours dès qu’on tournait le bouton
d’
un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait p
1341
u secours dès qu’on tournait le bouton d’un poste
de
radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas répondre
1342
s maintenant, non je n’oserai pas demander pardon
d’
être resté paralysé devant leur appel, tant que je n’aurai pas fait to
1343
tant que je n’aurai pas fait tout ce que peut un
homme
libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châ
1344
out ce que peut un homme libre pour hâter le jour
de
la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les
1345
e la vengeance du peuple hongrois et du châtiment
de
ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Doub
1346
mptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues
de
Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ?
1347
u son Double effrayant dans les rues de Poznań et
de
Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde enti
1348
l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé
de
la planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitale
1349
isme russe peut encore écraser d’autres capitales
de
l’Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres é
1350
utres élites sans armes. Nous devons à la passion
de
Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obstinée, sans
1351
’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’appel
de
tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des élection
1352
réponse qui ne dépende plus des élections locales
d’
un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que po
1353
ne dépende plus des élections locales d’un peuple
d’
outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pourra. Nous
1354
s élections locales d’un peuple d’outre-mer, mais
de
nos seules consciences, advienne que pourra. Nous devons mettre le c
1355
pourra. Nous devons mettre le communisme au ban
de
l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes r
1356
u dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés
de
Staline. Des rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y s
1357
fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain
d’
esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui approuve,
1358
esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un
homme
qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; qui tro
1359
e qui approuve, excuse et justifie, les massacres
de
Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’arrêter Nasser, s’il pré
1360
res de Budapest ; qui trouve cela moins grave que
d’
arrêter Nasser, s’il prétend écraser Israël. On ne peut pas discuter a
1361
’aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout
homme
doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article qui pourrait
1362
qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais
d’
une action vigilante, obstinée. Nous vivons en démocratie, qui veut di
1363
inieux qui succède aux flagrants délits, exigeons
de
nos gouvernements une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la diss
1364
u. Exigeons la dissolution des partis communistes
d’
Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refus
1365
tes d’Occident, complices du crime le plus atroce
de
toute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces
1366
ute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes
de
football, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux
1367
tball, ces délégations policières, ces « gardiens
de
la paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang v
1368
a paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie
de
tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de saluer du n
1369
st nous le crie de tout son sang versé. Et jurons
de
refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconqu
1370
son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant,
de
saluer du nom d’homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’ab
1371
t jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom
d’
homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiq
1372
jurons de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’
homme
un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiquemen
1373
du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps
de
faire l’Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, c
1374
ait, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé
de
la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cet
1375
! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis
de
, « Oserons-nous encore… », Journal de Genève, Genève, 6 novembre 1956
1376
emont Denis de, « Oserons-nous encore… », Journal
de
Genève, Genève, 6 novembre 1956, p. 1.
1377
à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain
de
l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heur
1378
passe, la presse en fait autant, et nos sociétés
d’
écrivains ne se réveillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de
1379
veillent pas pour si peu : elles ne dépendent pas
de
l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le mond
1380
ent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de l’
État
. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde sait
1381
ssitôt qu’il se passe quelque chose, qu’il s’agit
d’
un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — e
1382
passe quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et
d’
un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien
1383
e quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’un
homme
. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien voir… Ho
1384
s Pasternak. S’il s’est vu contraint, après coup,
de
refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étra
1385
ès coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps
de
dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un
1386
s un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins
de
lâcheté, dans son cas, que de patriotisme au sens ancien du mot, d’at
1387
qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas, que
de
patriotisme au sens ancien du mot, d’attachement instinctif à sa terr
1388
on cas, que de patriotisme au sens ancien du mot,
d’
attachement instinctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la
1389
autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas
de
Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régime qui
1390
le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’
homme
le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule
1391
il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage
d’
être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion pos
1392
ble encore avec son peuple. y. Rougemont Denis
de
, « Hommage à Pasternak », Journal de Genève, Genève, 31 octobre 1958,
1393
gemont Denis de, « Hommage à Pasternak », Journal
de
Genève, Genève, 31 octobre 1958, p. 1.
1394
cartes estimait qu’un athée ne pourrait pas faire
de
physique. Certes, beaucoup de physiciens après lui se sont dit athées
1395
ne change rien au fait que le mouvement créateur
de
la science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme
1396
t que le mouvement créateur de la science procède
d’
une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppo
1397
e procède d’une confiance intuitive dans l’accord
de
l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, «
1398
cède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’
homme
et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fondeme
1399
e une foi dans leur fondement commun, « fondement
de
l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernes
1400
le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont
d’
Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un a
1401
démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire
de
musique. Pas davantage que Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dog
1402
gétique confessionnelle. Pour développer en moins
de
cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénom
1403
sionnelle. Pour développer en moins de cent pages
de
ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Di
1404
velopper en moins de cent pages de ses Fondements
de
la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en m
1405
de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie
de
Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une métho
1406
il a recours à une méthode philosophique héritée
de
Husserl à travers Sartre (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfu
1407
il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’athéisme
de
Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapitre sur Dieu
1408
l’athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience
de
musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont
1409
du siècle. À partir de relations logarithmiques,
de
considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons,
1410
iques sur la fréquence et la période des sons, et
de
définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assisto
1411
e des sons, et de définitions du « fondement » et
de
la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute nature
1412
ités centrales du christianisme : et je dis bien,
de
la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’His
1413
christianisme : et je dis bien, de la religion et
de
l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pa
1414
et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot
de
l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité
1415
es évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas
d’
un théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou
1416
l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconque,
d’
une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant
1417
uddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’objet
d’
un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence
1418
problème, mais « le fondement commun du monde et
de
notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, a
1419
t de notre existence dans le monde », la question
de
savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se trouve d’emb
1420
ourant et plat du terme, se trouve d’emblée vidée
de
sens. « Dieu n’est pas ce qui est vu, mais ce qui voit », écrit très
1421
justement J.-C. Piguet, commentateur et assistant
de
l’œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouv
1422
r et assistant de l’œuvre. Et voici que l’analyse
de
ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les grandes noti
1423
Saint-Esprit, définis en termes de structures et
de
relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuit
1424
relations musicales pour la conscience. Le primat
de
l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la
1425
primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point
de
la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyan
1426
hique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction
de
Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes,
1427
a vie humaine par la croyance ou l’incroyance des
hommes
, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en ta
1428
e ou l’incroyance des hommes, mais par les signes
de
sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psychique. »
1429
is par les signes de sa présence dans l’existence
de
l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui es
1430
r les signes de sa présence dans l’existence de l’
homme
en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amou
1431
l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme
de
l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fon
1432
la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit
d’
unité… modalité affective fondamentale ». Et le péché, hiatus irréduct
1433
ation existentielle et l’être. Et la prière, acte
de
recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi,
1434
prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’
homme
et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le f
1435
qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement
de
notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouvertur
1436
lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination
de
notre personne morale » (avec une référence explicite à Calvin). Tout
1437
cela, sans aucun recours au vocabulaire consacré
de
la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le se
1438
vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles
de
la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eu
1439
les de la mythologie biblique, encore que le sens
de
quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voi
1440
sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre
de
Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phé
1441
e quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie
de
la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménol
1442
la Genèse — se voient interprétés dans la logique
de
cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’auteur n’a pas res
1443
se demande alors ce que l’auteur n’a pas restitué
de
la croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est
1444
’est à vrai dire assez considérable. C’est l’idée
d’
un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la ré
1445
surrection du Christ interprétées comme promesses
d’
une vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas mo
1446
elles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie
de
l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surp
1447
e de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue
d’
une manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent »
1448
la superstition. C’est enfin et surtout la notion
d’
une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépe
1449
out la notion d’une transcendance tout extérieure
de
Dieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passi
1450
e transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’
homme
dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que le Chr
1451
st des évangiles a été « le premier à révéler aux
hommes
la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transce
1452
a été « le premier à révéler aux hommes la vérité
de
leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seu
1453
à révéler aux hommes la vérité de leur expérience
de
Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient rév
1454
en leur cœur ». Sur une telle phrase, on imagine
d’
admirables disputations ! On voit bien ce qu’en diraient les barthiens
1455
ent les barthiens dont je fus : Ansermet, partant
de
Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélie
1456
t de Husserl, réinvente le libéralisme protestant
de
l’époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait Karl Barth lui-même, qui
1457
u’en dirait Karl Barth lui-même, qui n’a pas fini
de
nous surprendre ? C’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait
1458
rapport à Pascal qu’il serait le plus intéressant
d’
évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraha
1459
intéressant d’évaluer la théologie logarithmique
de
notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place i
1460
garithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham,
d’
Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des sa
1461
de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et
de
Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », en
1462
que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera
d’
un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducatio
1463
u des philosophes qui sera d’un grand secours à l’
homme
d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 231.) O
1464
philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme
d’
aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 231.) Or,
1465
me l’énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation
d’
Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu
1466
ques, est inconcevable sans Dieu. Elle cesse donc
d’
être vraie musique chez ceux de nos contemporains qui ont sciemment ab
1467
u. Elle cesse donc d’être vraie musique chez ceux
de
nos contemporains qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à la
1468
emporains qui ont sciemment abandonné « le projet
d’
être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonal
1469
nt abandonné « le projet d’être à la ressemblance
de
Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de D
1470
à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte
de
la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale
1471
x, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort
de
Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la défini
1472
texte, une autre thèse me frappe : la musique est
d’
Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme tous nos arts, s
1473
née, comme tous nos arts, sciences et techniques,
de
« la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la
1474
ue dans l’intelligentsia plus ou moins masochiste
de
notre Europe. Mais surtout, condamner radicalement presque toute la m
1475
utre part, nos docteurs jugeront hérétique, voilà
de
quoi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La qu
1476
rétique, voilà de quoi faire à notre ami beaucoup
d’
ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguèr
1477
s tous les camps ! La question se pose, à la mode
de
naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Er
1478
ion se pose, à la mode de naguère dans les revues
d’
avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute q
1479
? Nul doute que la Genève de Calvin l’eût accusé
de
parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une
1480
isqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école
d’
aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait sa condam
1481
ns d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation
d’
un bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres a
1482
tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique
d’
adéquation de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités
1483
vons à Ansermet une tentative unique d’adéquation
de
l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses.
1484
nique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et
d’
appropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves
1485
que soient les réserves qu’inspirent parfois tant
d’
assurance intellectuelle et un vocabulaire trop spécifique, cette tent
1486
ulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit
d’
une manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérit
1487
porte à l’extrême l’intériorisation des réalités
de
foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes rais
1488
des réalités de foi, qui fut le mouvement intime
de
la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre
1489
qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà
de
grandes raisons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeu
1490
nt intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons
de
se passionner pour ou contre cette œuvre d’une jeunesse étonnante, do
1491
isons de se passionner pour ou contre cette œuvre
d’
une jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables p
1492
les véritables proportions. z. Rougemont Denis
de
, « “Le Dieu immanent, qui s’annonce en leur cœur” (À propos d’Ernest
1493
eur cœur” (À propos d’Ernest Ansermet) », Journal
de
Genève, Genève, 9–10 novembre 1963, p. III.
1494
edi littéraire, 22 juin 1968) que pendant six ans
d’
Amérique je n’ai fait que « papoter avec des milliardaires nyouorkaise
1495
rlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle
d’
autre chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversatio
1496
ivre parle d’autre chose et ne mentionne, en fait
de
papotages, que des conversations avec Jacques Maritain, André Breton
1497
et Saint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes
de
« La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut
1498
péry — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix
de
l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformat
1499
itique honnête les réprouve. Tout autre chose est
d’
affirmer que j’ai « jeté mon sac (militaire) aux orties » avant de « d
1500
ître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser
d’
un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les q
1501
alu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours
de
forteresse auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un artic
1502
ait condamné en juin pour un article sur l’entrée
d’
Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la
1503
récis : un officier qui quitte la Suisse à la fin
d’
août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est
1504
un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août
de
1940 en mission et muni d’un passeport « de service », il est rigoure
1505
Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni
d’
un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jet
1506
’août de 1940 en mission et muni d’un passeport «
de
service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme au
1507
ui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis
de
s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, lequel n’adm
1508
bunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse
d’
une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout
1509
lequel n’admettrait pas l’excuse d’une « manière
de
parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à fait superflue
1510
au point, tout à fait superflue pour les lecteurs
de
mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que l’arti
1511
icle du Samedi littéraire. aa. Rougemont Denis
de
, « Denis de Rougemont nous écrit », Journal de Genève, Genève, 6–7 ju
1512
is de, « Denis de Rougemont nous écrit », Journal
de
Genève, Genève, 6–7 juillet 1968, p. 17.
1513
Denis de Rougemont et l’objection
de
conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président, Un étudiant
1514
ibunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup
d’
estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître de soi, convaincu mais sans f
1515
aucoup d’estime pour M. Bugnot. Équilibré, maître
de
soi, convaincu mais sans fanatisme, il n’est ni subversif, ni anarchi
1516
ptocommuniste, ni contestataire farfelu. C’est un
homme
sérieux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’enthousia
1517
e farfelu. C’est un homme sérieux et ouvert, doué
d’
esprit critique mais capable de s’enthousiasmer autant que de s’indign
1518
ux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable
de
s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection
1519
itique mais capable de s’enthousiasmer autant que
de
s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa
1520
nthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs
de
son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils r
1521
s motifs de son objection sont les mêmes que ceux
de
sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’idéal chrétien
1522
s que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent
de
sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des pri
1523
elle prétend défendre : le respect du prochain et
de
sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opp
1524
spect du prochain et de sa différence, la liberté
de
jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut certes discu
1525
in et de sa différence, la liberté de jugement et
d’
expression, le droit d’opposition. On peut certes discuter, contester
1526
la liberté de jugement et d’expression, le droit
d’
opposition. On peut certes discuter, contester certaines applications
1527
r et à flétrir publiquement. Si nous nous moquons
de
ces idéaux, ou si nous condamnons à la prison ceux qui se réclament e
1528
encore à défendre en Suisse, à part les « beautés
de
la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prend
1529
eux que nous. En tout cas, il n’y aurait pas lieu
de
se faire tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une sociét
1530
aurait pas lieu de se faire tuer pour si peu que
de
savoir qui administrerait une société préalablement amputée de son id
1531
administrerait une société préalablement amputée
de
son idéal, j’entends une société capable de condamner par une applica
1532
putée de son idéal, j’entends une société capable
de
condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commett
1533
pable de condamner par une application routinière
de
ses lois ceux qui commettent la faute de croire à ses fondements mora
1534
lement exigeants, civiquement alertés, préoccupés
de
mettre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, c
1535
munauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins
d’
aussi bons Suisses que ceux qui, trop souvent, en toute indifférence e
1536
e indifférence et ignorance quant aux bases mêmes
de
notre civisme, ne font leur service que pour faire comme les autres ?
1537
les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons
d’
être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’
1538
illeurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être
de
la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasem
1539
amner « pour la forme », en saisissant l’occasion
de
dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour notre pays
1540
andaleuse et honteuse pour notre pays — l’absence
de
toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de conscience en
1541
teuse pour notre pays — l’absence de toute espèce
de
reconnaissance légale de l’objection de conscience en Suisse et d’un
1542
’absence de toute espèce de reconnaissance légale
de
l’objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La
1543
te espèce de reconnaissance légale de l’objection
de
conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La véritable util
1544
légale de l’objection de conscience en Suisse et
d’
un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur
1545
d’un statut correspondant ? La véritable utilité
d’
un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le
1546
correspondant ? La véritable utilité d’un procès
d’
objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de
1547
s d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il,
de
hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les p
1548
aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où
de
tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J
1549
exercices rejoindront dans l’Histoire les procès
de
sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudrez bien exc
1550
nt et longuement. Je ne voulais être qu’un témoin
de
moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de mes convicti
1551
u’un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher
de
vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous
1552
lité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part
de
mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux eff
1553
m’empêcher de vous faire part de mes convictions
de
citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits
1554
nsant aux efforts que j’ai faits — et ne cesserai
de
faire — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un
1555
cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est
de
cette conviction que je m’autorise pour vous communiquer mes réflexio
1556
e pour vous communiquer mes réflexions sur ce cas
de
conscience difficile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de
1557
ile. Veuillez être assuré, Monsieur le président,
de
mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont De
1558
distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis
de
, « Denis de Rougemont et l’objection de conscience », Journal de Genè
1559
ont Denis de, « Denis de Rougemont et l’objection
de
conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le
1560
Rougemont et l’objection de conscience », Journal
de
Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le texte est précédé du chap
1561
ivant : « Vendredi dernier, le tribunal militaire
de
la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, p
1562
Bugnot, pour avoir refusé, pour la seconde fois,
de
se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnem
1563
fois, de se présenter au recrutement, à une peine
de
quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répress
1564
senter au recrutement, à une peine de quatre mois
d’
emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’a
1565
nt la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu
de
l’armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militai
1566
à une récente jurisprudence du tribunal militaire
de
cassation qui permet désormais également l’exclusion pour les objecte
1567
sormais également l’exclusion pour les objecteurs
de
conscience non recrutés. Cette peine est identique à cette qu’a déjà
1568
être autrement. Car si le juge n’est plus obligé
d’
aggraver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive
1569
ver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte
de
la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependan
1570
n’est plus tenu compte de la récidive en matière
d’
objection de conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la se
1571
tenu compte de la récidive en matière d’objection
de
conscience, il ne peut cependant guère envisager, à la seconde condam
1572
première. Au cours de cette audience, une lettre
de
l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le présiden
1573
d. Cette lettre est suivie du commentaire suivant
de
Bernard Béguin, intitulé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au coura
1574
lé « Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant
de
la vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nie
1575
suisse des trente dernières années, n’osera nier [
de
] Denis de Rougemont les titres dont il se réclame pour parler de miss
1576
ugemont les titres dont il se réclame pour parler
de
mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de conte
1577
il se réclame pour parler de mission ou démission
de
la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de mo
1578
démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit
de
contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur u
1579
non plus n’a le droit de contester le témoignage
de
moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît per
1580
e droit de contester le témoignage de moralité et
de
caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement la
1581
ge de moralité et de caractère qu’il porte sur un
homme
dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pa
1582
es mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part,
d’
admettre que la prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est
1583
uitablement à l’aliénation sociale des objecteurs
de
conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle
1584
le des objecteurs de conscience. Et il est facile
de
voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de
1585
as de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner
de
la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne s
1586
ntraire à éloigner de la solidarité nationale des
hommes
comme Denis de Rougemont, qui ne sont pas eux-mêmes objecteurs, qui n
1587
y a donc bien un problème, et Rougemont a raison
de
demander, au nom des valeurs qui étayent son patriotisme, que ce prob
1588
e dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut
d’
un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État
1589
i voudrait qu’à défaut d’un statut des objecteurs
de
conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des ê
1590
jecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un
État
policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité
1591
ier régnant sur des êtres sans âmes. La politique
de
neutralité donne aux responsabilités du citoyen-soldat une garantie d
1592
ux responsabilités du citoyen-soldat une garantie
de
légitime défense que personne ne peut contester, et qui rassure valab
1593
ne peut contester, et qui rassure valablement des
hommes
qui acceptent leur service non dans l’indifférence ou l’ignorance, ma
1594
it armé. La statistique montre que les objecteurs
de
conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement respectable, o
1595
norité. Humainement respectable, oui. Dépositaire
de
la mission morale du pays, non. »
1596
Objection
de
conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)ae af Monsi
1597
Monsieur le rédacteur en chef, J’ai été surpris
de
vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au président d’u
1598
re à une lettre que j’avais adressée au président
d’
un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre tr
1599
le crains. Car ce titre semble annoncer une prise
de
position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte
1600
ar ce titre semble annoncer une prise de position
de
principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste
1601
une prise de position de principe sur le problème
de
l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple
1602
e sur le problème de l’objection, voire une sorte
de
manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins pré
1603
tion, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit
d’
un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause
1604
président. Si j’avais voulu traiter publiquement
de
l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en pa
1605
j’avais voulu traiter publiquement de l’objection
de
conscience en général, et des objecteurs suisses en particulier, il m
1606
aucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum
de
précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout da
1607
eser le pour et le contre, et surtout dans le cas
de
la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le p
1608
as de la Suisse, pays où il est le plus difficile
de
défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plu
1609
difficile de défendre l’armée, le plus difficile
de
se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sér
1610
cile de se dire objecteur, donc le plus courageux
de
l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, néc
1611
utefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement,
de
tout contestataire de nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot.
1612
pas le cas, nécessairement, de tout contestataire
de
nos institutions. J’ai parlé pour René Bugnot. Si je me relis bien, j
1613
je me relis bien, je n’ai pas proposé qu’on fasse
de
lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas dema
1614
i pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire
de
la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mai
1615
ore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban
de
notre société et que l’on s’interdise de répéter que l’objecteur est
1616
s au ban de notre société et que l’on s’interdise
de
répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses
1617
lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs
de
solidarité. Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le crois
1618
s pas justifié par mon texte, et vous avez raison
de
refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à ent
1619
fié par mon texte, et vous avez raison de refuser
de
me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner pers
1620
e pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut
d’
un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J
1621
statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un
État
policier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en tenir
1622
ier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait
de
s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des oppo
1623
que nous. Cela dit, il me reste à vous remercier
d’
avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur l
1624
’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’attention
de
vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée : c’est ce pro
1625
lème qui importe seul, et qu’il faut prendre soin
de
poser dans ses termes les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieu
1626
à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis
de
, « Objection de conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de
1627
s dévoués. ae. Rougemont Denis de, « Objection
de
conscience : Denis de Rougemont répond », Journal de Genève, Genève,
1628
conscience : Denis de Rougemont répond », Journal
de
Genève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af. Le texte est précédé du c
1629
redi précédent au président du tribunal militaire
de
1re Division devant lequel comparaissait un jeune objecteur de consci
1630
on devant lequel comparaissait un jeune objecteur
de
conscience, René Bugnot. Lue lors de l’audience publique du Tribunal,
1631
blique du Tribunal, cette lettre, ou plutôt l’une
de
ses copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bern
1632
copies, nous fut transmise par l’un des camarades
de
Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançai
1633
un commentaire dans lequel il nuançait les termes
de
ce qu’il considérait comme une alternative de la part de Denis de Rou
1634
ci répond aujourd’hui. » Un débat sur l’objection
de
conscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera organisé et
1635
dra part, sera organisé et publié dans le Journal
de
Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal de Genève,
1636
nal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’
État
», Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
1637
octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal
de
Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
1638
us qu’il existe une culture bourgeoise ? Le terme
de
« culture bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes d
1639
se » a été largement employé au cours des émeutes
de
mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture
1640
yé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas
de
culture bourgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une cult
1641
Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas
de
culture ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est la plus petite
1642
anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité
d’
étude intelligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimens
1643
ligible qu’on puisse prendre est une civilisation
de
dimension continentale. Nous parlons de culture française, de culture
1644
ilisation de dimension continentale. Nous parlons
de
culture française, de culture allemande, cela n’existe pas. Il y a se
1645
continentale. Nous parlons de culture française,
de
culture allemande, cela n’existe pas. Il y a seulement des différence
1646
as. Il y a seulement des différences, des nuances
de
langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes les
1647
ont parentes, ensuite toutes les formes générales
de
la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont commu
1648
s formes générales de la culture ou particulières
de
la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous
1649
te l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux
de
chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehor
1650
vez pas en dehors de l’Europe. Les grandes écoles
d’
art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le bar
1651
gothique, le baroque, le classique, tous produits
de
la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou cel
1652
baroque, le classique, tous produits de la Grèce,
de
Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtique. Ainsi
1653
produits de la Grèce, de Rome, du christianisme,
de
l’influence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté i
1654
que. Ainsi nous avons une communauté indiscutable
de
culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoi
1655
e communauté indiscutable de culture. La division
de
la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fa
1656
au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’École
de
Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigliani, Sou
1657
se par des moines au Moyen Âge. On ne peut parler
de
culture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs de cette culture.
1658
ulture bourgeoise qu’en pensant aux consommateurs
de
cette culture. Bien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement des
1659
des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers
d’
avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-gar
1660
geois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie
de
la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne
1661
oujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore
de
le faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les pr
1662
sses. Vous n’y trouverez pas un seul représentant
de
l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante a
1663
. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère
de
révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient de cette
1664
utionnaire qui vient de cette mauvaise adaptation
de
nos unités de base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Com
1665
vient de cette mauvaise adaptation de nos unités
de
base aux tâches nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les
1666
quoi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse
de
la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’Université »,
1667
uprès de leurs petits enfants en leur conseillant
de
casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvel
1668
casser leurs jouets. Il faudrait plutôt leur dire
de
créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va
1669
e de créer une nouvelle Université qui soit digne
de
ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique que spiritu
1670
iversité qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’
homme
? une mutation tant physique que spirituelle ? Je n’en sais rien. Je
1671
es risques humains, c’est-à-dire des possibilités
de
choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (
1672
it (absolument invérifiable et très peu probable)
d’
un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de c
1673
eilleur mais dans l’augmentation des possibilités
de
choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation oc
1674
e choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort
de
la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a écrit :
1675
ntale prolonge les civilisations du Moyen-Orient,
de
la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu
1676
les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et
de
Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilisati
1677
a mourir, cela revient à dire qu’il n’y aura plus
de
civilisation du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait des indice
1678
une civilisation vraiment différente, et qui ait
de
meilleures solutions que les nôtres. Or nous constatons un gigantesqu
1679
tesque effort pour imposer aux Chinois une partie
de
la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-v
1680
tend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange
de
marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’un moralism
1681
e. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et
de
certaines traditions chinoises d’un moralisme utilitaire des plus sim
1682
me-léninisme et de certaines traditions chinoises
d’
un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge
1683
illeuses. Il y a probablement alors des centaines
de
morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun g
1684
rle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun germe
de
civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au succès des révolutions que
1685
tion aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque
de
fondements doctrinaux, philosophiques, religieux acceptés et assumés
1686
outi à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions
de
1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la
1687
en ont abouti, par les nationalistes, à la guerre
de
1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel
1688
i, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un
homme
politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel finit toujours
1689
limente par elle-même. Elle est devenue une force
de
production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimist
1690
même. Elle est devenue une force de production et
d’
autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, ma
1691
et, mais je le suis en ce qui concerne les effets
de
ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette c
1692
le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’
Homme
, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisation. Je
1693
erne les effets de ce que l’Homme, indépendamment
de
la nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l
1694
pé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l’
homme
devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses ten
1695
mme devient esclave des machines ; il est esclave
de
certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent.
1696
sclave des machines ; il est esclave de certaines
de
ses tendances qui prennent les machines comme paravent. L’homme n’est
1697
ances qui prennent les machines comme paravent. L’
homme
n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale
1698
achines comme paravent. L’homme n’est pas esclave
de
sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un
1699
e n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave
de
sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’ai écrit en
1700
si l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absur
1701
une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase
de
Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous fau
1702
her d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle
de
la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de
1703
absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines.
1704
rdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’
homme
. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » Je leu
1705
oyce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour
de
ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la responsabili
1706
e s’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité
de
l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’ag
1707
ndit follement, qui perd ses mesures, la fonction
de
l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles ef
1708
d ses mesures, la fonction de l’art pourrait être
d’
illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibi
1709
ches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes
d’
un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèle
1710
es d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle
de
la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. M
1711
es romanciers du cycle de la Table ronde, modèles
de
l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artist
1712
Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et
de
la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils
1713
ectifs passionnels, aux névroses et aux psychoses
de
l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en tra
1714
t aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions
de
l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants,
1715
, au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif,
de
tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des
1716
sophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter
d’
agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des
1717
st guidée par des idées, des concepts, des angles
de
vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins aux esprits
1718
core faut-il sentir l’époque si l’on veut essayer
de
l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous
1719
jours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie
d’
étudier après coup l’histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni
1720
je n’ai pas envie d’étudier après coup l’histoire
de
mon temps, ce n’est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse
1721
cation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le passé
de
notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire
1722
se, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais
de
trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus h
1723
ssé de notre désordre, mais de trouver les moyens
d’
en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je ve
1724
s de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire
de
créer un ordre plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne
1725
réussira : car nous ne sommes pas là pour essayer
de
prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste,
1726
r de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons
d’
une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une
1727
aire, disons d’une manière réaliste, pour essayer
de
le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans m
1728
es que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle
de
l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif
1729
ées dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement
de
l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que
1730
ire ? C’est en somme une morale du risque assumé,
de
l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’
1731
ue assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et
de
la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pou
1732
époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but
de
la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-
1733
ciété elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’
homme
, à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phrase my
1734
à la fois libre et responsable, traduction simple
de
cette phrase mystérieuse pour peu qu’on y réfléchisse : « Tu aimeras
1735
prochain comme toi-même. » ag. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! », Journa
1736
otre civilisation n’est pas mortelle ! », Journal
de
Genève, Genève, 30–31 août 1969, p. 29. ah. Interview par Anouchka V
1737
Un débat sur l’objection
de
conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin d
1738
t sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’
État
(4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis de Rou
1739
eur Denis de Rougemont intervenait dans le procès
d’
un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal milit
1740
ugemont intervenait dans le procès d’un objecteur
de
conscience en adressant au président du Tribunal militaire un témoign
1741
bat que nous présentons ici n’a pas la prétention
d’
apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclairci
1742
r une conclusion définitive. Il s’agit avant tout
de
s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscie
1743
ut de s’éclaircir les idées. Examiner le problème
de
l’objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problèm
1744
ir les idées. Examiner le problème de l’objection
de
conscience, c’est admettre en préalable que ce problème existe. Non p
1745
oblème existe. Non pas par l’importance du nombre
de
ceux qui professent l’objection et en portent témoignage, mais par la
1746
ose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène
de
la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème
1747
Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection
de
conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est d
1748
on de conscience, paradoxalement, est un problème
de
temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être env
1749
science, paradoxalement, est un problème de temps
de
paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle doit être envisagée et
1750
oge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins
de
Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-robot » des
1751
« portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs
de
conscience que les tribunaux militaires suisses ont condamnés en 1967
1752
apidement esquissé : l’objecteur est généralement
de
confession protestante, âgé de 20 à 26 ans, célibataire ; il est prop
1753
r est généralement de confession protestante, âgé
de
20 à 26 ans, célibataire ; il est proportionnellement plus nombreux e
1754
ent plus nombreux en Suisse romande. Si la notion
d’
objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre p
1755
breux en Suisse romande. Si la notion d’objection
de
conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique
1756
e conscience a été récemment étendue à des motifs
d’
ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des mo
1757
e. — Nous examinerons au premier chef l’objection
de
conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait
1758
reint au service militaire, alors que l’objecteur
de
conscience religieux se réfère à cette même Constitution, dont le pré
1759
? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — L’article 49
de
la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais
1760
la Constitution garantit la liberté religieuse et
de
conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut,
1761
religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5
de
cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’opinion religieuse, s’a
1762
5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause
d’
opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civi
1763
ut, pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir
de
l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique
1764
ion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement
d’
un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Const
1765
clair : la Constitution ne permet pas l’objection
de
conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre
1766
a donc aucun conflit entre l’armée et l’objecteur
de
conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et non pas anti
1767
anction peut faire croire qu’il s’agit uniquement
d’
une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. —
1768
e croire qu’il s’agit uniquement d’une opposition
d’
intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de
1769
rmée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition
de
l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur l
1770
Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il y ait
de
différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs
1771
pour des motifs religieux et pour d’autres motifs
de
conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteur
1772
ce. Les questions posées sont communes à beaucoup
d’
objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Bernard Béguin
1773
d Béguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule
de
la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autr
1774
n Schaller. — Non. Je ne fais personnellement pas
de
différence entre les diverses catégories d’objecteurs. Je pense que c
1775
t pas de différence entre les diverses catégories
d’
objecteurs. Je pense que ce qui est important, c’est ce qu’ils demande
1776
t que leurs motivations personnelles peuvent être
d’
ordre religieux, humanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu le
1777
Barde. — Avez-vous eu le sentiment, en objectant,
de
faire une œuvre antimilitariste — je précise que ceux qui font du ser
1778
itutionnelle. L’objecteur choisit un moyen défini
de
mettre en évidence l’injustice d’une loi et de préconiser quelque cho
1779
un moyen défini de mettre en évidence l’injustice
d’
une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une oppos
1780
ni de mettre en évidence l’injustice d’une loi et
de
préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une opposition au syst
1781
t de préconiser quelque chose de nouveau au moyen
d’
une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’
1782
opposition au système actuel. Il choisit le moyen
de
la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre p
1783
système actuel. Il choisit le moyen de la refuser
d’
une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accep
1784
des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas
de
tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation
1785
si je puis dire. L’objection est l’un des moyens
de
proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problè
1786
es moyens de proposer des solutions nouvelles, et
de
faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un mo
1787
à l’intérieur de l’édifice, font le même travail
d’
une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est-il pas
1788
nis de Rougemont. — Je suis frappé par la lecture
de
cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit en
1789
article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas
d’
un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme s
1790
nom du Dieu Tout-Puissant », inscrit au portique
de
cette Constitution ? Cela ne veut absolument rien dire. C’est une cou
1791
ise et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter
d’
histoires, c’est la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce
1792
transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus
de
l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocri
1793
cendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’
État
et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’e
1794
hose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts
de
l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au n
1795
qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’
État
. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au nom du D
1796
tat. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est
de
mettre « Au nom du Dieu Tout-Puissant », entendant le Dieu chrétien,
1797
t-Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête
d’
une Constitution qui n’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin.
1798
lle antichrétienne ? Denis de Rougemont. — En cas
de
conflit, oui. Dans le cas du conflit prévu par cet article 49, paragr
1799
tienne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation
d’
un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triom
1800
étation personnelle du christianisme face à celui
d’
une collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec l
1801
e militaire du citoyen. Moyen légal ou ferment
d’
anarchie ? Denis de Rougemont. — Voilà le dilemme. Colonel division
1802
lonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils
de
nos plus petites communes, chaque séance débute en plaçant cette réun
1803
es, chaque séance débute en plaçant cette réunion
d’
une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian
1804
ébute en plaçant cette réunion d’une cinquantaine
de
citoyens « sous la protection divine ». Christian Schaller. — Mais qu
1805
ne ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens
de
cette protection divine que l’on utilise pour la religion du civisme
1806
civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose
d’
être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois,
1807
c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et
d’
être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l
1808
même chose d’être chrétien, et d’être civique, et
d’
être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. J
1809
Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religion
de
l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plu
1810
avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’
État
où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamai
1811
emps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’objection
de
conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puiss
1812
objection de conscience n’est que l’un des moyens
d’
amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre
1813
que les lois puissent s’amender. C’est une façon
de
mettre en évidence certains problèmes qu’on a tendance à masquer d’ha
1814
nce certains problèmes qu’on a tendance à masquer
d’
habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’être ch
1815
ar exemple le fait que ce n’est pas la même chose
d’
être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position partic
1816
que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et
d’
être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mettre
1817
tion particulière pour mettre en évidence un état
de
fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferm
1818
narchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment
d’
anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christi
1819
archie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient
de
ce danger-là, mais êtes-vous conscient aussi du danger inverse, qui e
1820
scient aussi du danger inverse, qui est le danger
de
l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice milita
1821
l’obéissance inconditionnelle ? La compétence
de
la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les
1822
naissez pas les troupes genevoises si vous parlez
d’
obéissance inconditionnelle… Denis de Rougemont. — Au point de vue des
1823
s dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois
d’
une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il f
1824
l ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit
de
la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui
1825
. — J’aimerais rappeler que le problème est celui
de
l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il
1826
rappeler que le problème est celui de l’objecteur
de
conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clair
1827
nnée. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ensemble
de
la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une
1828
nviron 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent
d’
objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l
1829
pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection
de
conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’
1830
de la Suisse, parlent d’objection de conscience.
De
ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’armée et accept
1831
titude positive à l’égard de l’armée et acceptent
d’
être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductib
1832
ée et acceptent d’être incorporés dans le service
de
santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins
1833
orporés dans le service de santé. Sur la centaine
d’
irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaiss
1834
ne d’irréductibles, une majorité sont des Témoins
de
Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie : il y a le roy
1835
leur doctrine — je simplifie : il y a le royaume
de
Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou
1836
plifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume
de
Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la
1837
me de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat
de
Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ?
1838
an. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat
de
Satan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans
1839
tan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons
d’
incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous av
1840
ves ? Nous acceptons d’incorporer dans le service
de
santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela mon
1841
anté tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin
d’
eux, et cela montre que si nous n’avons pas en droit un statut pour le
1842
sa propre conscience. Pour les autres, l’officier
de
recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis il les inco
1843
les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus
de
servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. Bernard Béguin.
1844
nstitutionnel et défi à l’armée, lorsqu’il s’agit
de
juger ceux qui ne sont pas encore citoyens, pas encore soldats, et qu
1845
dats, et qu’on lui envoie pour leur premier refus
de
servir ? Colonel Vaucher. — La justice militaire est compétente parce
1846
mpétente parce que la loi le dit. Nous, officiers
de
justice militaire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les o
1847
rrions aucun inconvénient à ce que les objecteurs
de
conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je pr
1848
Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon
de
18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qui se prése
1849
nt à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient
de
leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténuantes. Colonel
1850
inir la punition ? Colonel Vaucher. — La punition
de
l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs morau
1851
n ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur
de
conscience pour motifs religieux, ou pour motifs moraux, philosophiqu
1852
arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers
de
droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressi
1853
olument pas. Les arrêts répressifs des objecteurs
de
conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les object
1854
ns des prisons, certainement, mais les objecteurs
de
conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des ét
1855
d Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un garçon
de
20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez dit que c’es
1856
t, qu’un garçon de 20 ans condamné pour objection
de
conscience — vous avez dit que c’est un honnête homme — va loger troi
1857
er trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison
de
droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’exéc
1858
un. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés
de
l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons
1859
chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu
de
plainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Mic
1860
ainte de la part des condamnés sur les conditions
de
détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne peut éviter tou
1861
eut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs
de
conscience disposent de cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin
1862
uité, mais les objecteurs de conscience disposent
de
cellules tout à fait séparées. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout
1863
des honnêtes gens et à les mettre dans une prison
de
droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militaires jugent en m
1864
rai ; et je ne pense pas seulement aux objecteurs
de
conscience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’in
1865
pense à tous les soldats qui ont commis des actes
d’
indiscipline, qui n’ont pas fait leur service par négligence, ou parce
1866
rvice par négligence, ou parce que les conditions
de
famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudice financier. J
1867
es gens. Ils viennent devant nous pour des fautes
de
discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christian Schaller
1868
ribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes
de
discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux
1869
line. J’ai peine à entrer dans une classification
de
tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour malhonnêtes gens. B
1870
classification de tribunaux pour honnêtes gens et
de
tribunaux pour malhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a un
1871
— Depuis 1950, le Code militaire n’autorise plus
de
prononcer comme peine accessoire la privation des droits civiques, à
1872
des droits civiques, à l’encontre des objecteurs
de
conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéficier, sauf s’ils
1873
a conviction que cette mesure détournera l’accusé
de
commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont
1874
que cette mesure détournera l’accusé de commettre
de
nouvelles infractions. Quelques tribunaux militaires ont essayé de di
1875
actions. Quelques tribunaux militaires ont essayé
de
dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune h
1876
ugements ont été cassés par le tribunal militaire
de
cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pén
1877
re de cassation : conformément à la jurisprudence
de
tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que
1878
ément condamné, puisque les conditions objectives
d’
une infraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) son
1879
fraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus
de
servir) sont réalisées. Mais avec les atténuations dont nous avons pa
1880
. — Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues
d’
un malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ?
1881
ations, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise,
d’
un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’e
1882
était excessive ? Est-ce que c’est une évolution
de
la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vauc
1883
loi, à la suite de débats concernant l’objection
de
conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnatio
1884
-vous ? Colonel Vaucher. — L’intention subjective
de
faire défaut au service doit être aussi réalisée. Denis de Rougemont.
1885
de Rougemont. — Je ne suis pas du tout objecteur
de
conscience moi-même. J’ai fait pas mal de service dans ma vie. Mais j
1886
jecteur de conscience moi-même. J’ai fait pas mal
de
service dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un de mes étud
1887
dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’un
de
mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà ét
1888
u à propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais
de
l’estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les ch
1889
e fois, et que les choses semblaient se présenter
de
telle manière qu’il serait certainement condamné une seconde fois à l
1890
uisqu’il ne changerait certainement pas son fusil
d’
épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les
1891
ement pas son fusil d’épaule — après avoir refusé
de
le porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours p
1892
ient toujours punis, et que le procès n’avait pas
d’
autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’object
1893
s, et que le procès n’avait pas d’autre objet que
de
déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience
1894
et que de déterminer si les conditions objectives
de
l’objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se pa
1895
miner si les conditions objectives de l’objection
de
conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passait au Moyen
1896
e cela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux
de
l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les mot
1897
i été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas
de
l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquem
1898
andalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur
de
conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on
1899
r. — Ce n’est pas exact. Si l’objecteur bénéficie
de
circonstances atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meu
1900
que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas
de
maladie mentale, pas de circonstance atténuante ou exculpante dans ce
1901
des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas
de
circonstance atténuante ou exculpante dans ce sens-là. Ils ne plaidai
1902
, alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice
d’
un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Be
1903
juge Vaucher que le tribunal apprécie les motifs
de
conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunau
1904
récie les motifs de conscience avec plus ou moins
de
soin. Il y a des cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont r
1905
ns ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit
d’
avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre pa
1906
sé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit
de
conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’objecteur cherche
1907
la loi l’objecteur cherche à montrer les failles
de
la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peu
1908
éciation des mobiles joue un rôle dans la quotité
de
la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des obje
1909
ans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup
d’
importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs p
1910
deuxième condamnation au plus tard, nous excluons
de
l’armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez
1911
ni. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez
de
tribunaux militaires et de tribunaux civils. Je crois que dans notre
1912
énéréaz. — Vous parlez de tribunaux militaires et
de
tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple
1913
s deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers
de
carrière qui, en règle générale, sont juges militaires, ce sont des m
1914
tre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches,
de
mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exactement le c
1915
, et si le peuple suisse veut déférer le jugement
de
certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le fasse. Bern
1916
tenant une division mécanisée. Vous êtes officier
de
carrière. Est-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous, d’admett
1917
st-ce qu’il ne serait pas plus simple, pour vous,
d’
admettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au
1918
mettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens
de
contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objection chevi
1919
a un sens de contraindre au service militaire des
hommes
qui ont l’objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréa
1920
. — Le Tribunal militaire ne juge pas l’objecteur
de
conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il e
1921
me chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas
de
leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. To
1922
s de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit
de
critiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre se
1923
itiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est
de
faire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni d’en ê
1924
e faire votre service. Nous ne vous demandons pas
de
l’aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur d
1925
ervice. Nous ne vous demandons pas de l’aimer, ni
d’
en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de conscience n’
1926
tre partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur
de
conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est mal faite.
1927
uin. — Quand vous dites que l’objection n’est pas
de
l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un st
1928
ut bien voir que si l’on hésite à créer un statut
de
l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui déf
1929
et militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité
de
la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre mond
1930
i discuter l’efficacité, dans notre monde actuel,
de
notre système de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bo
1931
cacité, dans notre monde actuel, de notre système
de
défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bombe atomique comm
1932
Une des questions que posent les objecteurs, est
de
savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce que n
1933
où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons
d’
appliquer les recettes du passé — qui ont toujours si bien marché — ou
1934
e que la Suisse, c’est uniquement la conservation
de
son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ? Colonel divisio
1935
s que tout cela soit dépassé. Je suis un officier
de
métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des
1936
eux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart
de
la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible
1937
nt. Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse
d’
Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire pe
1938
plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe
de
puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christian Schaller. — Pas
1939
vienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici
de
la tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute,
1940
faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’
État
ne peut pas mettre en doute, surtout dans notre communauté helvétique
1941
rvice militaire, voulu par le peuple, et accepter
d’
instaurer un service civil. Numériquement, cela ne jouerait aucun rôle
1942
riquement, cela ne jouerait aucun rôle. Mais pour
d’
aucuns, il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et
1943
erait aucun rôle. Mais pour d’aucuns, il y aurait
de
bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens
1944
e bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et
de
mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attention
1945
qu’il ne peut assumer par la suite aucune charge
d’
État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà
1946
u’il ne peut assumer par la suite aucune charge d’
État
… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà un p
1947
ifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs
de
conscience ? oui, mais pas en Suisse. Pour quelle raison en Suisse ?
1948
e. Pour quelle raison en Suisse ? Nous ne voulons
de
mal à personne, sinon défendre ce que nous avons reçu. » Colonel Vauc
1949
nous avons reçu. » Colonel Vaucher. — Sur le plan
de
la justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions
1950
vice civil, nous n’aurions plus un certain nombre
d’
objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pose la question comm
1951
citoyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs
de
la faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable
1952
obligatoire paraît la forme la plus démocratique
de
réaliser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou s
1953
ser cette armée. J’ignore totalement si une armée
de
métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cette défense
1954
pouvait elle présenterait l’immense inconvénient
d’
être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Berna
1955
ésenterait l’immense inconvénient d’être un noyau
de
militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est
1956
— Est-ce qu’un service civil affaiblirait l’armée
de
milice ? Colonel Vaucher. — Probablement… Beaucoup de nos concitoyens
1957
naire Dénéréaz. — Nous pourrions faire l’économie
d’
abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous le par
1958
atoire, nous passerions pour une part à une armée
de
métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des conces
1959
métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés
de
faire des concessions à tout, un système international, supranational
1960
s avons actuellement en propre nous permet en cas
de
conflit de faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en to
1961
uellement en propre nous permet en cas de conflit
de
faire entendre notre propre voix, et d’oser dire non en toute indépen
1962
e conflit de faire entendre notre propre voix, et
d’
oser dire non en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais la que
1963
de Rougemont. — La défense suisse nous a épargné
d’
être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais mainten
1964
ndre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé
d’
avis à cause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur hu
1965
ause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce
de
valeur humaine qui vaille les destructions physiques et morales qu’en
1966
ys. Cela me paraît changer radicalement la valeur
de
la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de consci
1967
aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises
de
conscience sur la guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse
1968
t que notre jeunesse vit actuellement sont venues
de
deux guerres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre
1969
de deux guerres très conventionnelles : la guerre
d’
Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomi
1970
érie et la guerre au Vietnam. Et les destructions
de
la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolér
1971
pendant la dernière guerre, comme le bombardement
de
Dresde… Christian Schaller. — On peut précisément s’étonner que vous
1972
que vous ayez pu le tolérer si bien sans changer
de
mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi nous l’avons toléré ? Parce que
1973
enne nous aurait définitivement enlevé tout droit
de
poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — M
1974
evé tout droit de poser aujourd’hui des questions
de
cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fait d’accord. B
1975
ntières, des forces peuvent menacer notre liberté
d’
exprimer cette solidarité. Christian Schaller. — C’est au nom des vale
1976
é. Christian Schaller. — C’est au nom des valeurs
de
ce système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un élargisseme
1977
pelons, en tant qu’objecteurs, à un élargissement
de
nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en Suisse. Nous ne p
1978
t, que si la neutralité suisse doit s’accompagner
de
la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préfér
1979
l’on constate qu’on a toujours consacré beaucoup
d’
énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. —
1980
ouvez pas être solidaire si vous courez le risque
de
l’anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les fronti
1981
ian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières
de
la survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous
1982
du fait que nos frontières actuelles sont celles
de
la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particuliè
1983
les de la planète. Denis de Rougemont. — On parle
de
la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situat
1984
ougemont. — On parle de la situation particulière
de
la Suisse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs p
1985
prise en considération et au sérieux, du problème
de
la guerre tel qu’il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut
1986
se référer à notre neutralité comme à une espèce
de
privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité oblige, allez
1987
ue je voudrais dire ici, en faveur des objecteurs
de
conscience, c’est qu’ils posent cette question d’une manière dramatiq
1988
de conscience, c’est qu’ils posent cette question
d’
une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des que
1989
une fonction civique irremplaçable aux objecteurs
de
conscience. Nos invités : M. Denis de Rougemont, écrivain, direct
1990
tés : M. Denis de Rougemont, écrivain, directeur
de
l’Institut universitaire d’études européennes. Colonel divisionnaire
1991
, écrivain, directeur de l’Institut universitaire
d’
études européennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la d
1992
ennes. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant
de
la division mécanisée 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédér
1993
des assurances, grand juge du Tribunal militaire
de
division 1. M. Christian Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du
1994
Schaller, étudiant en médecine, co-auteur du Sens
de
notre refus (Éditions La Baconnière). Direction technique : Michel Ba
1995
daction : Bernard Béguin. ai. Rougemont Denis
de
, « Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », J
1996
. Rougemont Denis de, « Un débat sur l’objection
de
conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, Genève, 4 oct
1997
t sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’
État
», Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
1998
n de conscience : entre Dieu et l’État », Journal
de
Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
1999
r est-il devenu l’une des préoccupations majeures
de
votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question po
2000
e plus souvent par les interviewers. J’ai coutume
de
répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et comment vous imaginez que j’a
2001
! Quand on constate qu’un écrivain véritable, et
d’
Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu de se demander…
2002
pe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il y a lieu
de
se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasion » à ses justes proporti
2003
r et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes
de
l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une
2004
omme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre
de
poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans
2005
Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre
de
La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , su
2006
olémiques, où il n’est, hélas, nullement question
d’
amour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j
2007
our ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre
de
ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophique et civ
2008
te le mystère religieux, philosophique et civique
de
la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustr
2009
uple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes
de
l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . S
2010
Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement
de
L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutef
2011
ation. J’ai voulu faireal, par des exemples tirés
de
romans contemporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vi
2012
emporains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi
de
la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectiq
2013
l, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres
de
Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, e
2014
s aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et
de
Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstac
2015
e Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique
de
l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans l
2016
même du mariage accepté ? L’étrangeté essentielle
de
la personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La j
2017
lement ce que nous pourrions appeler l’éclatement
de
l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion
2018
l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte
de
dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possession de l’a
2019
l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation
de
l’amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains v
2020
de l’amour-passion compris comme amour-possession
de
l’autre. Certains vont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident
2021
ont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’Occident
de
sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire
2022
ut guérir l’Occident de sa maladie monogamique ».
De
l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnal
2023
vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort
de
la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que
2024
ort de la famille » dont on parle tant, il s’agit
de
la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvr
2025
, il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous
de
ce phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dan
2026
raît vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement
de
l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un l
2027
ontre une persistance très remarquable des mythes
de
l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase
2028
la moitié du malheur humain se résume dans le mot
d’
adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée ». Mais
2029
il y a sûrement un changement. Les autres sources
de
malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adul
2030
ns ! Il reste que l’amour-passion est une maladie
de
l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagin
2031
comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies
de
l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de t
2032
s de l’imagination ou plutôt sont les expressions
d’
un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. R
2033
u plutôt sont les expressions d’un besoin « fou »
de
transcender la condition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de
2034
ndition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus
de
mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que
2035
n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus
de
beauté, en Occident. Je pense que le couple, fondement du rapport hum
2036
rapport humain le plus total, survivra sans trop
de
mal à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours e
2037
La mode littéraire des troubadours et des romans
de
la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’ad
2038
la Table ronde domine encore, dans la proportion
de
dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de Willia
2039
domine encore, dans la proportion de dix millions
d’
adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à
2040
ns d’adeptes fervents, pour dix lecteurs soucieux
de
William Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme « l’usage non
2041
non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme
de
défense de l’espèce contre la démographie galopante. Quand la populat
2042
omosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin
de
philosopher à son propos, comme l’a fait avec tant de talent Georges
2043
nt Georges Bataille. Fasciné par la problématique
de
l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, cultur
2044
par la problématique de l’amour qui vous a permis
de
toucher aux phénomènes religieux, culturels et artistiques de notre c
2045
ux phénomènes religieux, culturels et artistiques
de
notre civilisation, vous avez parallèlement développé vos propres thè
2046
r l’Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles
d’
attraction que sont pour vous l’amour d’une part, l’Europe d’autre par
2047
répond : L’Amour et l’Occident . On m’a reproché
d’
avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien As
2048
é trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence
de
lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le
2049
-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse
de
grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou
2050
e de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs
d’
Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le roman
2051
venu sur ce problème dans L’Aventure occidentale
de
l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est ri
2052
sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’
homme
. J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’aut
2053
L’Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé
de
montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion
2054
de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion
de
révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au niveau col
2055
de montrer que la notion de révolution n’est rien
d’
autre que la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de r
2056
sion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a
de
révolution qu’européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source : le so
2057
ture tel que vous vouliez le faire à votre retour
d’
Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif
2058
premier livre, publié à Paris en 1934, Politique
de
la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui e
2059
s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement
de
l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1
2060
é, mais pratiquement je me suis engagé au service
de
l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui t
2061
quement je me suis engagé au service de l’Europe,
d’
une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir es
2062
cer le centre du système politique, non seulement
de
la nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensembl
2063
port entre cette « révolution » et votre pamphlet
de
jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publ
2064
e jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits
de
l’instruction publique ? Il y a sans doute une convergence, mais la
2065
qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit
de
jeunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissa
2066
nalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie
d’
autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui
2067
’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante
d’
exaspérer ceux qui aujourd’hui encore justifient ses injustes sévérité
2068
l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal de
2069
enis de Rougemont, l’amour et l’Europe », Journal
de
Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos recueillis par Gene
2070
mont a réédité quatre ouvrages anciens, augmentés
de
préfaces inédites et il a fait paraître plusieurs inédits. Ces ouvrag
2071
en. C’est dire que 1972 a été pour lui “une année
de
mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouvert
2072
e 1972 a été pour lui “une année de mise au point
d’
une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir
2073
pour lui “une année de mise au point d’une partie
de
son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de notre soci
2074
nt d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi
d’
ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici m
2075
vre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir
de
notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir / comprendr
2076
e problème : Genève, ville internationale, manque
d’
hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges av
2077
and, et les zones voisines voient leurs relations
d’
échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un c
2078
aineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) des
États
. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région appe
2079
de territoire. Il y a autour de Genève une région
de
main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs fra
2080
oir en France. Cette région s’étend dans un rayon
d’
une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Lé
2081
te région s’étend dans un rayon d’une quarantaine
de
kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman, une région éc
2082
u lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome
de
Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie
2083
ome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée)
de
Verbois. Sa superficie déborde très largement celle de la région de m
2084
rbois. Sa superficie déborde très largement celle
de
la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges
2085
erficie déborde très largement celle de la région
de
main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens ind
2086
œuvre. Il y a une région définie par les échanges
de
biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouv
2087
es échanges de biens industriels, commerciaux, et
de
services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuv
2088
et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle
de
la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a e
2089
es, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région
de
main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une régi
2090
e ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle
de
la région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va d
2091
ue. Il y a enfin une région universitaire, qui va
de
Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribo
2092
ersitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et
d’
Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon
2093
ève au centre. Elle comprend seize établissements
d’
enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesq
2094
spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas
de
créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini
2095
pas de créer, autour de Genève — et encore moins
de
Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défa
2096
r de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte
de
mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisa
2097
i-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts
de
la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’
2098
ites dimensions économiques. Il s’agit simplement
de
résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « m
2099
t simplement de résoudre les principaux problèmes
de
notre vie moderne selon leur « mérite », c’est-à-dire leur nature et
2100
es héritées d’autres âges. am. Rougemont Denis
de
, « Genève, exemple européen ? », Journal de Genève, Genève, 10–11 nov
2101
Denis de, « Genève, exemple européen ? », Journal
de
Genève, Genève, 10–11 novembre 1973, p. 17.
2102
a société moderne (février 1978)an Dans moins
de
deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capit
2103
avant le printemps redevient la capitale mondiale
de
l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de
2104
le de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin
d’
être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous l
2105
s la voiture en 1978, loin d’être un simple objet
de
consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politi
2106
e un simple objet de consommation, figure au cœur
de
presque tous les grands débats politiques. Rien que pour les votation
2107
ts sur six la concernent directement (aménagement
de
la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménag
2108
rnavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle
d’
aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers, de construc
2109
ber). Que l’on parle d’aménagement du territoire,
de
reconstruction de quartiers, de construction de parking, de problèmes
2110
le d’aménagement du territoire, de reconstruction
de
quartiers, de construction de parking, de problèmes de santé ou de ch
2111
nt du territoire, de reconstruction de quartiers,
de
construction de parking, de problèmes de santé ou de chômage, en vill
2112
, de reconstruction de quartiers, de construction
de
parking, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture es
2113
ruction de quartiers, de construction de parking,
de
problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec s
2114
artiers, de construction de parking, de problèmes
de
santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans
2115
construction de parking, de problèmes de santé ou
de
chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détra
2116
arvient plus. « C’est devenu une véritable guerre
de
religion », s’exclamait une des personnalités que nous avions conviée
2117
tés que nous avions conviées à notre table ronde.
De
toute évidence, que l’on y soit favorable ou non, il faut reconnaître
2118
erne », nous avons demandé à quatre personnalités
de
venir à notre rédaction débattre du sujet, qu’elles connaissent toute
2119
la culture, professeur à l’Institut universitaire
d’
études européennes, parallèlement à une œuvre extrêmement importante,
2120
œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus
de
cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre
2121
étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène
de
la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire
2122
nsacré un chapitre intitulé : « Première histoire
de
fous : la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’État, prési
2123
la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller
d’
État, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout
2124
a voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’
État
, président du Salon international de l’automobile de Genève, tout en
2125
nseiller d’État, président du Salon international
de
l’automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients q
2126
président du Salon international de l’automobile
de
Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients qui se rattachent
2127
parce qu’elle dispense un travail à des millions
de
gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève.
2128
ions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur
de
la circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il
2129
notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant
d’
être pour ou contre l’automobile, il a l’immense responsabilité d’orga
2130
ontre l’automobile, il a l’immense responsabilité
d’
organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de t
2131
a l’immense responsabilité d’organiser le trafic,
de
prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer
2132
fic, de prévoir le développement des divers modes
de
transports et d’élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étu
2133
e développement des divers modes de transports et
d’
élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médecine
2134
en médecine, a participé en 1976 à l’organisation
de
l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagemen
2135
anisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif
de
la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant
2136
un membre actif de la campagne pour l’aménagement
de
pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, il s’est bien s
2137
n sûr penché plus particulièrement sur les effets
de
la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarcle
2138
re affaire, vous décrivez une voiture née non pas
d’
une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry
2139
n pas d’une nécessité économique quelconque, mais
de
l’imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites
2140
sité économique quelconque, mais de l’imagination
d’
un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est pa
2141
u à ses fins en créant dans ses usines des sortes
de
circuits fermés « producteur-consommateur », tout en s’aidant de slog
2142
més « producteur-consommateur », tout en s’aidant
de
slogans publicitaires habiles. Mais si la voiture avait été, dès le d
2143
iture avait été, dès le départ, un besoin inventé
de
toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est la sienne depuis b
2144
nne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont :
d’
entrée de jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automo
2145
s bientôt 100 ans ? Denis de Rougemont : d’entrée
de
jeu, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’automobile. D’a
2146
obile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance
de
penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’a
2147
ais pas l’outrecuidance de penser que le problème
de
l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trou
2148
’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine
de
pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — com
2149
sidère — son titre l’indique — comme une histoire
de
fous, susceptible de nous conduire à de véritables désastres économiq
2150
indique — comme une histoire de fous, susceptible
de
nous conduire à de véritables désastres économiques et éthiques. L’au
2151
histoire de fous, susceptible de nous conduire à
de
véritables désastres économiques et éthiques. L’autre histoire de fou
2152
sastres économiques et éthiques. L’autre histoire
de
fous étant, dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme
2153
ntrales nucléaires… La première grande entreprise
de
construction d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création
2154
es… La première grande entreprise de construction
d’
automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry
2155
nde entreprise de construction d’automobiles date
de
1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’est lanc
2156
e monde me mettait en garde, car il n’y avait pas
de
demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet ré
2157
evaux. » Ford a alors estimé que la seule manière
de
surmonter cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitess
2158
ule manière de surmonter cette répugnance c’était
d’
organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens pa
2159
cette répugnance c’était d’organiser des concours
de
vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté enfantin. Cel
2160
r côté enfantin. Cela a très bien marché. Ensuite
de
quoi il a mis sur pied une fantastique publicité, d’ailleurs avec bea
2161
t. Dans une des premières brochures publicitaires
de
Ford, il est dit : « L’auto peut vous conduire n’importe où il vous p
2162
to peut vous conduire n’importe où il vous plaira
d’
aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand
2163
plaira d’aller, pour vous reposer le cerveau par
de
longues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce
2164
l’humour noir, lorsque l’on pense à la pollution
de
nos villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut
2165
os villes… On voit donc très bien que la création
de
l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant.
2166
que la création de l’auto équivaut à l’imposition
d’
un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années, Ford n’a ven
2167
ujourd’hui, les États-Unis produisent 12 millions
de
voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait ac
2168
ses petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur
de
l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus
2169
etits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’
État
l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 m
2170
e l’État l’interdiction absolue pour les voitures
de
s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fait complètem
2171
n absolue pour les voitures de s’approcher à plus
de
5 miles de chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hub
2172
our les voitures de s’approcher à plus de 5 miles
de
chez lui. Il avait en fait complètement changé d’avis. Hubert de Sena
2173
de chez lui. Il avait en fait complètement changé
d’
avis. Hubert de Senarclens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot,
2174
ilisateur moyen que la voiture est un besoin créé
de
toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez v
2175
action assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas
d’
invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des anné
2176
e sans un besoin et sans des années et des années
de
recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part con
2177
triel vous le confirmera — que là où il n’y a pas
de
besoin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondame
2178
— que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas
de
fabrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisat
2179
abrication possible. C’est une règle fondamentale
de
notre civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication
2180
civilisation industrielle, quel que soit le type
de
fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que
2181
e soit le type de fabrication que l’on se propose
de
faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas
2182
se de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin
de
voiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas une démons
2183
nciers qui mettent des capitaux à la construction
d’
une usine, demandent bien évidemment que cette usine puisse fonctionne
2184
l aura donc fait cette déclaration dans un moment
d’
angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’autres domain
2185
n’était pas lui qui a affirmé qu’il n’y avait pas
de
besoin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Ja
2186
opuli. Jacob Roffler : Rien n’est plus facile que
de
créer des besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers don
2187
nt aujourd’hui, au niveau social, créer le besoin
d’
utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que
2188
ugemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il n’y pas
de
besoin, il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Da
2189
Peyrot, là où il n’y pas de besoin, il n’y a pas
de
production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture,
2190
ction possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas
de
la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérienc
2191
ible sans besoin. François Peyrot : Permettez-moi
d’
observer que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la
2192
rmettez-moi d’observer que l’on ne peut pas tirer
d’
une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses e
2193
rver que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration
d’
un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour l
2194
que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un
homme
à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer
2195
t pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin
de
sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité a
2196
ion d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie
de
ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas in
2197
’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier
de
sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougem
2198
ier de sa fabrication standardisée, dans la ligne
de
Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’
2199
Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine
d’
inventeurs qui ont fait à peu près soixante voitures en tout… Il n’y a
2200
e voitures en tout… Il n’y avait presque pas plus
de
voitures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de
2201
ut… Il n’y avait presque pas plus de voitures que
d’
inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie auto
2202
e pas plus de voitures que d’inventeurs. Il a été
de
toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Huber
2203
nventeurs. Il a été de toute évidence le créateur
de
l’industrie automobile. II Hubert de Senarclens : On parle de
2204
mobile. II Hubert de Senarclens : On parle
de
la voiture qui rapproche, qui libère, qui rend indépendant. Aujourd’h
2205
nt. Aujourd’hui pourtant le développement effréné
de
la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de tran
2206
a voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages
de
ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacem
2207
’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode
de
transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacement de port
2208
rançois Peyrot : La voiture permet un déplacement
de
porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mod
2209
lacement de porte à porte. Elle donne une liberté
de
mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner. Vous sorte
2210
onne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode
de
transport ne peut donner. Vous sortez de chez vous, vous entrez dans
2211
tre mode de transport ne peut donner. Vous sortez
de
chez vous, vous entrez dans votre voiture, vous arrivez au point de d
2212
entrez dans votre voiture, vous arrivez au point
de
destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre
2213
ivez au point de destination. C’est un instrument
de
travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de pl
2214
nation. C’est un instrument de travail qui permet
de
vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de
2215
rmet de vous rendre à votre bureau, un instrument
de
plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent
2216
rendre à votre bureau, un instrument de plaisir,
de
tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure
2217
re bureau, un instrument de plaisir, de tourisme,
de
culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvren
2218
ent à l’aventure et découvrent toute une quantité
de
choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autremen
2219
quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient
de
la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la
2220
spect qu’il faut souligner c’est la voiture signe
de
la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’es
2221
re signe de la civilisation industrielle et signe
de
la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez l
2222
t un point primordial. Si vous comparez le nombre
de
véhicules par habitant en Occident par rapport à l’Union soviétique,
2223
oviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 %
de
la population en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, v
2224
si se déplacer en voiture, ils n’accepteront plus
d’
être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu d’habitation. Jacob Roffler
2225
n’accepteront plus d’être bloqués à 30 kilomètres
de
leur lieu d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantag
2226
plus d’être bloqués à 30 kilomètres de leur lieu
d’
habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voit
2227
. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages
de
la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous savez très bien q
2228
Vous avez évoqué la culture. Je parlerais plutôt
d’
anti-culture, car quoi de plus abrutissant que les conditions de condu
2229
, car quoi de plus abrutissant que les conditions
de
conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire un bil
2230
vantages comme des inconvénients. L’important est
de
savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensém
2231
, c’est tout ! Denis de Rougemont : Permettez-moi
de
signaler quelques-uns des côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — co
2232
rait nous le faire croire dans certains milieux —
d’
être pour ou contre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le pro
2233
re dans certains milieux — d’être pour ou contre,
d’
en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension a
2234
orale des gens. La voiture est un exemple parfait
d’
absence totale de prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford
2235
a voiture est un exemple parfait d’absence totale
de
prospective. J’ai omis de vous dire à propos de Ford qu’il avait douz
2236
arfait d’absence totale de prospective. J’ai omis
de
vous dire à propos de Ford qu’il avait douze ans, lorsqu’il a rencont
2237
routière à vapeur. Cela a été pour lui son chemin
de
Damas. On voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont le fantasme
2238
ien le préadolescent dont le fantasme préféré est
de
s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents
2239
r. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie
de
se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait
2240
cents ont passé par là. L’envie de se débarrasser
de
tout et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au che
2241
assé par là. L’envie de se débarrasser de tout et
de
ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de fer
2242
r qui lui est réglé et n’offre aucune possibilité
de
détour. Mais à partir de ce fantasme, qu’est-ce que cela a donné ? Qu
2243
t à aller travailler. Autre aspect : le rendement
de
l’automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’un succès. C’e
2244
utomobile — sur le plan technique — est l’inverse
d’
un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qu
2245
ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 %
de
l’énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenn
2246
automobiles dans les villes des États-Unis était
de
4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitem
2247
qu’il faudrait davantage analyser le comportement
de
la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que tel
2248
d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas
de
la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les
2249
considération l’individu et voir les conséquences
de
son comportement sur l’urbanisme. Au niveau du comportement, il faut
2250
comportement, il faut reconnaître qu’il y a trop
de
gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense perme
2251
faut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font
de
la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d
2252
e abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple,
d’
accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au
2253
r exemple, d’accroître les déplacements à pied et
de
ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé,
2254
t que les gens aujourd’hui ont appris à se servir
de
leur voiture comme d’un instrument de travail. Ils ont été s’installe
2255
’hui ont appris à se servir de leur voiture comme
d’
un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’e
2256
à se servir de leur voiture comme d’un instrument
de
travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour v
2257
ler : Ce que je déplore dans l’évolution actuelle
de
l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture e
2258
l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones
de
verdure continuent chaque année de disparaître au détriment des besoi
2259
que des zones de verdure continuent chaque année
de
disparaître au détriment des besoins fondamentaux des familles. Regar
2260
çois Peyrot : M. Kräyenbühl a parfaitement raison
de
mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la v
2261
aitement raison de mettre en évidence le problème
de
l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, com
2262
idence le problème de l’individu plutôt que celui
de
la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vou
2263
de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car
de
cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire u
2264
celui de la voiture. Car de cette dernière, comme
de
n’importe quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou une mauvaise
2265
a voiture et très importante. Il faut faire façon
d’
elle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous
2266
me choque c’est qu’on veut absolument la charger
de
tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation
2267
oute que l’extraordinaire prolifération du nombre
de
véhicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. C
2268
st possible. Mais on ne peut seulement préconiser
de
rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela pe
2269
ne peut seulement préconiser de rayer la voiture
de
la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’a dit. M
2270
e voudrais reprendre mon propos initial. En moins
de
cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mond
2271
cinquante ans la voiture est devenue le numéro un
de
l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véri
2272
nue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index
de
la conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et en
2273
sont depuis fort longtemps les numéro un et deux
de
toutes les grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui
2274
ou contre la voiture, je dois convenir que c’est
de
la rigolade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de boulevers
2275
lade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais
de
bouleversements. C’est en raison de l’auto que le pétrole est devenu
2276
it compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté
de
rendre toute l’économie occidentale dépendante des caprices de quelqu
2277
te l’économie occidentale dépendante des caprices
de
quelques émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire que l’on ne pe
2278
ue ? Tout cela pour dire que l’on ne peut traiter
d’
une question aussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont p
2279
ement aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG
de
l’industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 1
2280
rie automobile française réunis dans une émission
de
midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « Mais Monsieu
2281
avez-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est
de
l’enfantillage. III Hubert de Senarclens : Entraver le dévelop
2282
Hubert de Senarclens : Entraver le développement
de
la voiture ou son utilisation, affirment ses partisans, c’est porter
2283
inte aux libertés. Mais les opposants prétendent,
de
leur côté, que l’intervention de l’État pour faire face à l’extension
2284
ants prétendent, de leur côté, que l’intervention
de
l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en pl
2285
prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’
État
pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brut
2286
ervention de l’État pour faire face à l’extension
de
la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des in
2287
le choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni
d’
un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent
2288
François Peyrot : La vérité n’est ni d’un côté ni
de
l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents.
2289
t : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’
État
est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller
2290
fait allusion à la démocratisation des décisions
de
l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocra
2291
allusion à la démocratisation des décisions de l’
État
. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocratique o
2292
t sa représentativité. Je suis contre la descente
de
tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système
2293
ystème démocratique. Prenez l’exemple très actuel
de
l’initiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs co
2294
parlement. Et, finalement, on entre dans un état
de
confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle cette prise
2295
idère comme essentielle cette prise de conscience
de
la menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’auto
2296
qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive
de
l’automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à c
2297
nce. Comme vous le savez, chaque année, le nombre
de
voitures augmente ; donc il faut construire davantage de routes et d’
2298
ures augmente ; donc il faut construire davantage
de
routes et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vici
2299
; donc il faut construire davantage de routes et
d’
autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’il nou
2300
le vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé
de
reconnaître que les expropriations sont de plus en plus fréquentes et
2301
plus brutales. Elles se font au nom de la raison
d’
État. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire, selon des
2302
lus brutales. Elles se font au nom de la raison d’
État
. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire, selon des déc
2303
des centrales nucléaires. Il n’est plus question
de
demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messi
2304
éaires. Il n’est plus question de demander l’avis
de
qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui forment ce
2305
ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite
de
la démocratie. Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de la
2306
Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est
de
laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber
2307
atique, c’est de laisser le droit aux populations
de
se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien d’autre. J’ai peur que
2308
de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rien
d’
autre. J’ai peur que lorsque vous dites, M. Peyrot, que la démocratie
2309
ocratie dépend des corps constitués, vous parliez
d’
oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédé
2310
ous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part
d’
en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les commun
2311
s trois communes autour du Gothard. Il s’agissait
de
communes et non pas de corps constitués. Car ces derniers ne sont nul
2312
du Gothard. Il s’agissait de communes et non pas
de
corps constitués. Car ces derniers ne sont nullement de droit divin !
2313
ps constitués. Car ces derniers ne sont nullement
de
droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur
2314
ise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu
de
référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber
2315
ent conformément aux lois voulues par la majorité
de
la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfai
2316
ques consiste à dire : il faut délester les zones
d’
habitation d’un trafic trop intense, en particulier du trafic commerci
2317
à dire : il faut délester les zones d’habitation
d’
un trafic trop intense, en particulier du trafic commercial des poids
2318
commercial des poids lourds et du trafic nocturne
de
transit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routi
2319
ds lourds et du trafic nocturne de transit. Alors
d’
un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas c
2320
turne de transit. Alors d’un côté on nous demande
de
décharger le réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de traf
2321
réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre
de
trafic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement
2322
fic mais, lorsque l’on veut construire des routes
de
contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plus élevé, e
2323
construire des routes de contournement, qui sont
d’
un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances
2324
des routes de contournement, qui sont d’un degré
de
sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances bien moind
2325
uisances bien moindres, alors on crie au massacre
de
notre environnement, il y a là une énorme contradiction. Denis de Rou
2326
evenir à l’initiative Weber, elle ne demande rien
d’
impossible. Elle demande simplement que le peuple puisse se prononcer.
2327
à faire attention avant de multiplier les permis
de
construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est
2328
eur que l’on commet avec le trafic routier, c’est
de
transporter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’on devrait
2329
rafic routier, c’est de transporter beaucoup trop
de
choses en camion, alors que l’on devrait davantage utiliser le chemin
2330
aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et
d’
un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit
2331
l’avantage est également démontré. On bâtit trop
d’
autoroutes en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien les problème
2332
ais bien les problèmes qu’apporte la construction
d’
une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terri
2333
struction d’une autoroute sur le côté nord du lac
de
Neuchâtel et les débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer
2334
ter que l’on nous construit une seconde autoroute
de
l’autre côté du lac qui fera gagner 3,5 kilomètres aux automobilistes
2335
r 3,5 kilomètres aux automobilistes… Alors face à
de
telles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obsti
2336
Alors face à de telles choses, on est bien obligé
de
penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être
2337
de plus en plus concernés par les effets négatifs
de
la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de R
2338
hl : L’urbanisme est en effet au cœur du problème
de
la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les ge
2339
du centre, à la campagne, parce qu’ils disposent
d’
un véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la
2340
tte tendance a considérablement modifié le visage
de
la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que repr
2341
e danger que représentait une utilisation abusive
de
la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceintu
2342
a voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion
de
« petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil
2343
« petite ceinture » a été introduite. Le Conseil
d’
État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du
2344
petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’
État
et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du cen
2345
e objectifs : enlever du centre tous les courants
de
transit ; accorder une préférence aux transports publics, surtout dan
2346
a « petite ceinture » ; interdire la construction
de
parkings au centre en favorisant leur implantation autour de cette pe
2347
petite ceinture, de manière à permettre aux gens
de
gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace
2348
e centre à pied ; enfin une nouvelle distribution
de
l’espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de
2349
nt en ce qui concerne les transports en commun, l’
État
n’a pas été particulièrement rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble qu’
2350
Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une sorte
de
schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’accord sur l
2351
nisme est juste. Dès que vous avez créé des zones
d’
habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouveme
2352
bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre
de
Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne les parking
2353
qui concerne les parkings périphériques un point
d’
interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qui va fair
2354
le conducteur qui va faire ses achats, acceptera
de
s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings,
2355
qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire
de
sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous
2356
extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un
de
ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des cen
2357
parkings autour de la petite ceinture, qui risque
de
créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roff
2358
de créer une dévitalisation du centre commercial
de
la ville. Jacob Roffler : Si beaucoup de personnes désirent aller hab
2359
sse en Occident, à cet égard, est juste l’inverse
de
ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas v
2360
rse de ce que l’on constate dans les pays en voie
de
développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers
2361
ment l’animation. On ne peut pas couper les lieux
d’
activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à c
2362
ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux
de
loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets c
2363
uper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’
homme
est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiques de
2364
ansformées en parkings — pensez à la grande place
de
Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les
2365
grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes
de
la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se renc
2366
es mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux
de
la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître
2367
formait l’opinion et cela depuis la cité grecque.
De
l’agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge
2368
rôle si important. Voilà encore un certain nombre
d’
effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose le pro
2369
nne n’avait pu prévoir, et qui repose le problème
de
l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un p
2370
révoir, et qui repose le problème de l’automobile
de
manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui d
2371
lobale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui date
de
1968 — les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frai
2372
sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais
d’
administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il
2373
puis — dit que le 40 % des frais d’administration
de
la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substa
2374
ue le 40 % des frais d’administration de la ville
de
Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce
2375
la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu
de
l’auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseigne
2376
que Sauvy est non seulement professeur au Collège
de
France mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. Franç
2377
France mais qu’il s’occupe chaque année du budget
de
la nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans de
2378
clair, des problèmes presque insolubles. Je suis
d’
avis que des règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes i
2379
, tous d’accord pour penser que cette déclaration
de
feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des
2380
Pompidou est une monstruosité. À propos des quais
de
la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». Franço
2381
ille doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a
d’
authentique et qui doit absolument être préservé IV Hubert de S
2382
à propos de l’industrie automobile : 30 millions
d’
emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute
2383
d’emplois dans les sept pays producteurs membres
de
l’OCDE. Alors toute réflexion philosophique, sociale ou politique sur
2384
ois Peyrot : En effet, si vous avez eu l’occasion
de
visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d
2385
, si vous avez eu l’occasion de visiter une usine
d’
automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’un nombre considérab
2386
d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend
d’
un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fourni
2387
constaté qu’elle dépend d’un nombre considérable
de
sous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres i
2388
ous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs
de
bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’armement, en passa
2389
onautique. L’industrie est un tout et dans le cas
de
l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour
2390
s de l’automobile, elle débouche sur une quantité
d’
emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabrique pas direct
2391
Suisse — qui pourtant ne fabrique pas directement
d’
automobiles — , cela représente 80 000 emplois. C’est considérable ! V
2392
ui brancher votre télévision sans entendre parler
d’
emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très impo
2393
otre télévision sans entendre parler d’emplois et
de
niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ail
2394
plois et de niveau de vie. La voiture y contribue
de
façon très importante. D’ailleurs cet aspect du niveau de vie, person
2395
nnellement, m’enthousiasme. Je trouve merveilleux
de
penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hu
2396
mille personnes travaillent à l’hôpital cantonal
de
Genève. Non seulement pour soigner des maladies chroniques, mais auss
2397
i des accidentés. Lorsque votre voiture va sortir
de
son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par
2398
son usine, il ne faut pas oublier qu’elle risque
de
tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaqu
2399
qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus
de
200 000 personnes qui meurent chaque année sur les routes, sans compt
2400
e année sur les routes, sans compter des millions
de
gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais q
2401
strictement économique, il serait très difficile
de
s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins
2402
économique, il serait très difficile de s’arrêter
de
produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager d
2403
res. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager
de
mettre au point des véhicules qui au lieu de durer cinq ans, si tout
2404
nnellement scandaleux — c’est un pur gaspillage —
de
voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’on doit continuel
2405
articulier l’industrie automobile à cette affaire
d’
emploi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des empl
2406
loi. Mais n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens
de
créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des acci
2407
e créer des emplois ? Est-on véritablement obligé
de
provoquer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie
2408
ie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable
de
la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas mo
2409
i pousse à sa multiplication ou à la construction
d’
autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de
2410
Écoutez la radio le week-end : on vous conseille
d’
éviter les autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-
2411
urs « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes
de
campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de Courteline : on a
2412
’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est
d’
un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autorout
2413
campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne
de
Courteline : on aménage des autoroutes pour rendre la circulation plu
2414
La pollution due à la voiture serait responsable
de
graves méfaits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydroc
2415
e de graves méfaits sur notre santé : possibilité
de
cancer par les hydrocarbures, trouble du comportement dû au plomb, da
2416
ures, trouble du comportement dû au plomb, danger
de
l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, et
2417
le du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde
d’
azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chos
2418
milieux médicaux marginaux. Alors doit-on parler
de
« conspiration du silence » de la part de la grande majorité des méde
2419
Roffler : Je ne pense pas que l’on puisse parler
de
conspiration du silence. En fait même si certains phénomènes sont con
2420
i se soient véritablement penchés sur la question
de
la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la s
2421
ablement penchés sur la question de la voiture et
de
la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’
2422
de la voiture et de la santé. Pourtant les effets
de
la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on comme
2423
t les effets de la voiture sur la santé sont loin
d’
être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences d
2424
Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences
de
l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cin
2425
mmence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde
d’
azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix an
2426
y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’un groupe
d’
ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont d
2427
ix ans. Je vous signale qu’un groupe d’ingénieurs
de
Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbures sont déposées chaqu
2428
d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes
d’
hydrocarbures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Un
2429
bures sont déposées chaque année sur un kilomètre
de
route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les ef
2430
route. Une bonne partie est évacuée par les eaux
de
pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste par le v
2431
. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux
de
laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsables du cancer
2432
ponsables du cancer. On connaît également le taux
de
plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’ai
2433
sur le système vasculaire ou sur le comportement
de
l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que d
2434
ment prouvé que des écoliers étudiant à proximité
de
routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement
2435
routes fréquentées, connaissent une modification
de
leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable
2436
a pollution des voitures est en outre responsable
d’
un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique pren
2437
ures est en outre responsable d’un certain nombre
de
maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend une forte expansio
2438
e expansion avec l’air des villes. Le coût social
de
ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part en ce qui conce
2439
is l’ensemble des suites telles que la diminution
de
l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion profession
2440
es suites telles que la diminution de l’espérance
de
vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte
2441
de l’espérance de vie, la diminution des chances
de
promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur,
2442
es chances de promotion professionnelle, la perte
de
la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture don
2443
de promotion professionnelle, la perte de la joie
de
vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une cert
2444
paie celle-ci horriblement cher. Par des milliers
de
morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales.
2445
ent cher. Par des milliers de morts, des millions
de
blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : U
2446
e morts, des millions de blessés et des milliards
de
dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’es
2447
ugemont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect
de
la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsa
2448
vident que nos outils ne sont jamais responsables
de
nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme. La bombe atomique seu
2449
ables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’
homme
. La bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque apparaî
2450
. Mais le risque apparaît lorsque vous donnez aux
hommes
tels qu’ils sont — finalement assez dangereux et bêtes — des jouets c
2451
dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou
d’
une manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vou
2452
« gentils ». Cela me rappelle ce que l’on dit aux
États
auxquels on vend des centrales : « Surtout ne faites pas de mal avec
2453
s on vend des centrales : « Surtout ne faites pas
de
mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine
2454
urent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine
de
retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François Peyrot : P
2455
Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz
de
voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et le
2456
fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux
de
plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est attaquée t
2457
au cours de ce débat, minimisé les inconvénients
de
la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemo
2458
: Et vous, ses avantages… an. Rougemont Denis
de
, « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève,
2459
sur la voiture dans la société moderne », Journal
de
Genève, Genève, 17–19 février 1978, p. 19, 22, 21, 16.
2460
ns ma jeunesse, j’ai longtemps joué comme gardien
de
but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de N
2461
gtemps joué comme gardien de but dans les équipes
de
football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimai
2462
but dans les équipes de football du gymnase puis
de
l’Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans
2463
uipes de football du gymnase puis de l’Université
de
Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce rôle, c’étai
2464
particulièrement dans ce rôle, c’était le moment
de
crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’une gr
2465
devais intervenir ; cet instant presque lyrique,
d’
une gravité extrême. Curieusement, d’ailleurs, mon premier article, qu
2466
publié dans une revue — j’avais alors un peu plus
de
17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Par
2467
alors un peu plus de 17 ans — était une critique
d’
un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et don
2468
eu plus de 17 ans — était une critique d’un livre
de
Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème
2469
ent le football. J’avais beaucoup aimé ce recueil
d’
essais : autant pour la manière dont Montherlant parlait du football q
2470
ort et les jésuites » et fut pour moi à l’origine
d’
un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla m
2471
suites » et fut pour moi à l’origine d’un échange
de
lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla même jusqu’à m
2472
ne photo où on le voyait habillé comme un gardien
de
but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écri
2473
ien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos
de
celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, impériale. « À Denis
2474
uer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit
de
sa grande écriture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la
2475
iture, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne
de
la défense, son camarade, Montherlant. » J’étais bien entendu très fi
2476
de, Montherlant. » J’étais bien entendu très fier
de
recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux
2477
is bien entendu très fier de recevoir des lettres
de
celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Mes débuts li
2478
our le football. Par la suite, j’ai eu l’occasion
de
rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai beaucoup par
2479
up parlé football. Il jouait, lui aussi, au poste
de
gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de l
2480
otball. Il jouait, lui aussi, au poste de gardien
de
but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même géné
2481
dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains
de
la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en
2482
trois écrivains de la même génération, passionnés
de
football et jouant, tous trois, en qualité de gardiens de but. C’est
2483
nés de football et jouant, tous trois, en qualité
de
gardiens de but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir
2484
all et jouant, tous trois, en qualité de gardiens
de
but. C’est tout de même étonnant. Si vous deviez définir le rôle du s
2485
que le sport doit être pour l’individu une sorte
de
morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre.
2486
être pour l’individu une sorte de morale ; celle
de
la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de
2487
; celle de la tolérance, du fair-play, du respect
de
l’autre. Mais force est de constater qu’à l’heure actuelle cette mora
2488
fair-play, du respect de l’autre. Mais force est
de
constater qu’à l’heure actuelle cette morale est en train de fortemen
2489
in de fortement se dégrader en raison, selon moi,
de
deux facteurs particulièrement néfastes : la commercialisation à outr
2490
rement néfastes : la commercialisation à outrance
de
certains sports, dont certains méritent à peine ce nom, et bien évide
2491
nt le nationalisme, lequel s’est désormais emparé
de
la grande majorité des compétitions internationales, des JO en partic
2492
t cela est, à mon sens, une effroyable caricature
de
l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute faço
2493
ne effroyable caricature de l’esprit olympique et
de
la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pa
2494
it olympique et de la morale sportive en général.
De
toute façon, je ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre la p
2495
nt pas le rapport qui existe entre la performance
de
l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles en
2496
iste entre la performance de l’athlète et le pays
d’
où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de
2497
ains tirent des parallèles entre les JO de Berlin
de
1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les
2498
émocraties occidentales ont eu le plus grand tort
de
participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y aller tout en expriman
2499
ort de participer aux JO. Si elles avaient refusé
d’
y aller tout en exprimant clairement leurs raisons, à savoir qu’elles
2500
oir qu’elles ne voulaient pas servir la publicité
d’
un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais s
2501
é à remettre en cause très sérieusement la valeur
de
la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’ap
2502
raisons, j’approuve totalement ceux qui refusent
d’
aller à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l
2503
t été choisi comme siège des JO est un témoignage
d’
admiration du monde entier à l’égard du régime communiste soviétique.
2504
l’égard du régime communiste soviétique. Le fait
de
supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant p
2505
nt nouvelle, qui élimine expressément toute forme
de
nationalisme. Mais certains ne seraient sans doute pas du tout d’acco
2506
lleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres
de
nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir disparaître à
2507
e nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée
de
voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des d
2508
ut m’arracher mon drapeau, on en veut à l’honneur
de
mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est plus questio
2509
en arrive là, je crois qu’il n’est plus question
de
sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout ce
2510
je crois qu’il n’est plus question de sport mais
de
délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense q
2511
leur ensemble, sont en grande partie responsables
de
la dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le
2512
e des phrases telles que « Tartampion ne fait pas
de
quartier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si
2513
s adversaires. Les pages sportives ont donc l’air
de
glorifier d’affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan.
2514
. Les pages sportives ont donc l’air de glorifier
d’
affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis Khan. Et tout cela
2515
ait bien entendu régner autour du sport un climat
de
violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner.
2516
peuvent se déchaîner. Ne serait-il donc pas temps
de
revenir à une vraie morale du sport telle que je l’admirais comme ado
2517
dmirais comme adolescent dans les premiers livres
de
Montherlant ? ao. Rougemont Denis de, « [Entretien] Les journalist
2518
rs livres de Montherlant ? ao. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment le
2519
s ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal
de
Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p. 24. ap. Propos recueillis par
2520
s mouvements pour l’unité politique et culturelle
de
l’Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’O
2521
us célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels
de
notre temps. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, sa voca
2522
je suis parti en vacances avec une pleine valise
de
manuscrits en train et de livres « à lire en vacances », livres d’ami
2523
avec une pleine valise de manuscrits en train et
de
livres « à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois,
2524
train et de livres « à lire en vacances », livres
d’
amis, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comm
2525
comme la série des petits volumes d’Après l’exil
de
Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le s
2526
érie des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et
de
Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu
2527
its volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel
de
Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’ar
2528
exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons
de
mes mises en train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul
2529
lu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres
d’
amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir const
2530
, avec le plaisir constant, finalement envoûtant,
d’
une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; u
2531
constant, finalement envoûtant, d’une surprise ou
d’
une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne d
2532
ent envoûtant, d’une surprise ou d’une trouvaille
de
langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du nom, c’est deve
2533
s pour le reste, hélas, je n’ai pu que relire, et
de
très près, sept ou huit de mes propres livres, en vue de traductions
2534
n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit
de
mes propres livres, en vue de traductions nouvelles en anglais, rouma
2535
our des rééditions revues et augmentées en livres
de
poche, à paraître à l’automne, ces tâches bloquant tout, écriture et
2536
tout, écriture et lectures. À la seule exception
d’
une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma hon
2537
e et lectures. À la seule exception d’une plongée
de
quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte que je ne s
2538
s Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis
de
, « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, G
2539
onse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal
de
Genève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que
2540
tobre 1982)as Mardi dernier, au Conservatoire
de
musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller,
2541
as Mardi dernier, au Conservatoire de musique
de
Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plu
2542
ler, une des plus hautes distinctions littéraires
de
notre pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’introduction d
2543
tions littéraires de notre pays, doté cette année
de
25 000 francs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Le
2544
ette année de 25 000 francs. Après l’introduction
d’
Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente
2545
rancs. Après l’introduction d’Yvette Z’Graggen et
de
Fritz Leutwiler (respectivement vice-présidente et président de la Fo
2546
iler (respectivement vice-présidente et président
de
la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État A
2547
n Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller
d’
État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du cit
2548
eiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un
de
l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant d
2549
en engagé. Dans son remerciement, avant de parler
de
cette Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et de réa
2550
qui lui « tient au cœur, au corps et à l’âme » et
de
réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en fer
2551
es origines à la fois historiques et spirituelles
de
son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix lon
2552
ques et spirituelles de son engagement. Le choix
de
la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut, pui
2553
n effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce
d’
écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine littéraire, qu
2554
init aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que
d’
une manière négative : c’est quelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a p
2555
ais n’a pas publié un seul roman, un seul recueil
de
poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie d
2556
n seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce
de
théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute
2557
e seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie
de
la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix v
2558
ranchez en faveur de l’essai comme genre légitime
de
la littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c
2559
s grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas
d’
un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rig
2560
la rigueur philosophique, mais sur les problèmes
de
ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on le dit, dès ce
2561
ur place aux essayistes ! C’est sur ces thèmes
de
l’essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai q
2562
istes ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et
de
l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brève
2563
sur ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement
de
l’écrivain que je vous proposerai quelques très brèves remarques. Dep
2564
, théâtre, et création littéraire serait synonyme
de
fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la l
2565
là qui est méconnaître à tout le moins l’histoire
de
la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la flora
2566
re de la littérature française. Les chefs-d’œuvre
de
notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et le
2567
. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison
de
son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voien
2568
Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur
de
la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essai
2569
et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires
d’
outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix,
2570
er, et tout près de nous, le Valéry de Variété et
de
Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupér
2571
estes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre des
hommes
, Jean Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeux, plus
2572
omme toute préférence quelque injustice. Le style
d’
un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans
2573
ue injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise
de
la langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’o
2574
s dans toute littérature digne du nom, et surtout
d’
expression française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan gén
2575
nom, et surtout d’expression française. L’avis
de
Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personn
2576
l’on juge regrettable, que je donne le plus clair
de
mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire
2577
donne le plus clair de mes journées, depuis plus
de
trente ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédéré
2578
ence pendant seize ans du Congrès pour la liberté
de
la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européenne
2579
Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ;
de
l’Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans
2580
la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire
d’
études européennes, à Genève encore ; sans parler de l’Association eur
2581
études européennes, à Genève encore ; sans parler
de
l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association d
2582
parler de l’Association européenne des festivals
de
musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la C
2583
’Association européenne des festivals de musique,
de
l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éd
2584
tivals de musique, de l’Association des instituts
d’
études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizain
2585
l’Association des instituts d’études européennes,
de
la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Av
2586
es instituts d’études européennes, de la Campagne
d’
éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que
2587
uropéennes, de la Campagne d’éducation civique et
d’
une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâche
2588
d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite
de
tâches quotidiennes, d’animation, d’organisation et d’administration,
2589
out ce que cela nécessite de tâches quotidiennes,
d’
animation, d’organisation et d’administration, et de présidences de co
2590
la nécessite de tâches quotidiennes, d’animation,
d’
organisation et d’administration, et de présidences de comités : je n’
2591
ches quotidiennes, d’animation, d’organisation et
d’
administration, et de présidences de comités : je n’ose pas vous dire
2592
animation, d’organisation et d’administration, et
de
présidences de comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente
2593
ganisation et d’administration, et de présidences
de
comités : je n’ose pas vous dire combien depuis trente ans, plusieurs
2594
is trente ans, plusieurs centaines, je le crains.
D’
où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espa
2595
plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos
d’
André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est
2596
e propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un
de
ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il s
2597
nsmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un
de
nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien
2598
ement réfute ces propos, mais me donne l’occasion
de
m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. Tout s’
2599
osent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-il tant
d’
Europe unie, de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de paci
2600
et : — Pourquoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie,
de
régions, d’écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je pass
2601
uoi s’occupe-t-il tant d’Europe unie, de régions,
d’
écologie, ou même, horribile dictu, de pacifisme ? Je passe donc aux a
2602
de régions, d’écologie, ou même, horribile dictu,
de
pacifisme ? Je passe donc aux aveux : ils ne seront pas complets, fau
2603
plets, faute de temps, mais candides. Deux séries
de
motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Hist
2604
rraient être évoquées ici : d’une part, les défis
de
l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre
2605
ors de moi et en moi. Ce qui m’importe ici, c’est
de
vous faire entrevoir l’interaction de ces deux séries de motifs dans
2606
ici, c’est de vous faire entrevoir l’interaction
de
ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon act
2607
faire entrevoir l’interaction de ces deux séries
de
motifs dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’homme, de cit
2608
ion de ces deux séries de motifs dans mon travail
d’
écrivain et dans mon action d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abor
2609
fs dans mon travail d’écrivain et dans mon action
d’
homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma gén
2610
dans mon travail d’écrivain et dans mon action d’
homme
, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma générati
2611
on travail d’écrivain et dans mon action d’homme,
de
citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération e
2612
par le centralisme étatique et par la soumission
de
l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions c
2613
le centralisme étatique et par la soumission de l’
homme
à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions condamnés
2614
s de connaître, Alexandre Marc, me remit une page
de
manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée en maju
2615
ctivistes, nous sommes personnalistes ». Un trait
de
lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre aux ques
2616
ntes que me posaient alors l’époque, les carences
de
nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’en
2617
Marc, j’entrai en relation avec quelques dizaines
de
jeunes intellectuels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après une
2618
nglais, belges, hollandais et suisses, mais aussi
d’
une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’It
2619
s le Jura, puis attaché au service Armée et foyer
de
l’état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à
2620
et foyer de l’état-major général, à Berne. C’est
de
là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l
2621
C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette
de
Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 ju
2622
à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée
d’
Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoi
2623
d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain
de
l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaul
2624
rut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir
de
Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet articl
2625
emain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille
de
l’appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une conda
2626
article me valut une condamnation à quinze jours
de
forteresse « au pain et à l’eau, sans visites ni courrier », pour « i
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, pour « insultes à chef d’État étranger risquant
de
mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa.
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étranger risquant de mettre en danger la sécurité
de
la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gent
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de la Suisse », comme on me le précisa. En suite
de
quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’une
2630
s gentiment poussé à partir pour New York, chargé
d’
une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et m
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ussé à partir pour New York, chargé d’une mission
de
conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile
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. Mais surtout, par la force en mon cas créatrice
d’
une constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Eu
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e, j’ai découvert l’Europe et la nécessité vitale
de
son union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès m
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on union, si les Alliés gagnaient, la délivraient
d’
Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me suis trouvé, sans
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engagé dans la lutte militante pour la fédération
de
nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup avaient milité av
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t que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans
de
ma vie, et tant pis pour mon œuvre littéraire. C’était en 1947. J’y s
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estantisme totalement différente, je le confesse,
de
celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’idée très ca
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fférente, je le confesse, de celle que je gardais
de
mon école du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne
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cole du dimanche. C’était l’idée très calvinienne
de
la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’une vocation unique
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dée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire
d’
un individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté.
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de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé
d’
une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous con
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elie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus
de
ce que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous
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e que « toute politique suppose une certaine idée
de
l’homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu
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« toute politique suppose une certaine idée de l’
homme
». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu embrigad
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n, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme
de
l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en reva
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ctée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’
État
ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche un
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des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou
de
la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une soci
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ialisme de l’État ou de la race substitué à celui
de
la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et
2649
ent démocratique et libertaire, supposait un type
d’
homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable
2650
t démocratique et libertaire, supposait un type d’
homme
qui serait à la fois pleinement libre et pleinement responsable de se
2651
a fois pleinement libre et pleinement responsable
de
ses actes, chacun de ces termes conditionnant l’autre : nul n’est ten
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re et pleinement responsable de ses actes, chacun
de
ces termes conditionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable de
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ionnant l’autre : nul n’est tenu pour responsable
de
ses actes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (les juristes
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la) et à l’inverse, personne n’est vraiment libre
de
ses décisions si celles-ci ne peuvent entraîner aucun effort concret.
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ions — nous les personnalistes, précisons — que l’
homme
n’est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puisse porte
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porte qui puisse lui répondre sans avoir l’organe
de
Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Pol
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oir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal
d’
Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du même cou
2658
’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal
de
Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait
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que, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle
de
cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant aux citoyen
2660
eau devait reprendre en l’appliquant aux citoyens
de
Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée,
2661
réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse
D’
où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée su
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rale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée
de
Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les communes, s’ass
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D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci,
d’
une société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les t
2664
e ; ces régions à leur tour se fédérant, et ainsi
de
suite jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’idé
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nt, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental
d’
une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une p
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uite jusqu’au niveau continental d’une fédération
de
l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle
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dération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas
de
créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de
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nce nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas
de
l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’a
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ns le cas de l’Europe — mais seulement le minimum
de
pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées
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pe — mais seulement le minimum de pouvoir capable
d’
assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse
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minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie
de
chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette
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s régions fédérées : le modèle suisse ! À la base
de
cette construction nullement utopique — voir la Suisse justement — un
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nt utopique — voir la Suisse justement — une idée
de
l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la
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opique — voir la Suisse justement — une idée de l’
homme
que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fois li
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un individu à la fois libre et engagé ; distingué
de
tout autre par sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cit
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é de tout autre par sa vocation, mais responsable
de
l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même pl
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me relié à la communauté, et même plus : créateur
de
cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences q
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perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non.
De
mon action européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart
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on européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près
d’
un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de,
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ne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’un quart
de
ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, « Suis-je p
2681
ue j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis
de
, « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève,
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« Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal
de
Genève, Genève, 30 octobre 1982, p. I, IV.