1
Le
Dépaysement oriental (16 juillet 1926)a Il y a dans le monde intel
2
sement oriental (16 juillet 1926)a Il y a dans
le
monde intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus méc
3
stion d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître
l’
urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désil
4
nisés ou germains désillusionnés — nous annoncent
le
« crépuscule du monde occidental », et, au-dessus des ruines prochain
5
chaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument
le
mirage d’un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plu
6
radisiaque d’où nous viendraient une fois de plus
la
sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des
7
ù nous viendraient une fois de plus la sagesse et
la
lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions su
8
inaires. Beaucoup pourtant subsistent encore. Or,
le
nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il ap
9
encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par
les
précisions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et
10
par les précisions importantes qu’il apporte sur
les
rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusie
11
ons importantes qu’il apporte sur les rapports de
l’
Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus te
12
qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de
l’
Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces co
13
us tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité
l’
Égypte, ses habitants, ses tombeaux et son passé, en curieux avide du
14
avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait
l’
être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui
15
ise en rien à un don de sympathie qui est parfois
la
plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre,
16
hevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni
le
journal plus ou moins lyrique auquel nous ont habitués les voyageurs
17
al plus ou moins lyrique auquel nous ont habitués
les
voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme or
18
n Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur
l’
âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soute
19
suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de
l’
islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je
20
il aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous
l’
avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines
21
tie orientale de lui-même, comme c’est si souvent
le
cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut-il s’entendre : les meilleur
22
ême, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur
l’
Orient. Encore faut-il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orie
23
is bien sur l’Orient. Encore faut-il s’entendre :
les
meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’int
24
faut-il s’entendre : les meilleurs documents sur
l’
Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui
25
endre : les meilleurs documents sur l’Orient sont
les
œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus da
26
ments sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux.
L’
intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux
27
L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans
l’
opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient.
28
t plus dans l’opposition des deux mondes que dans
la
peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qu
29
des deux mondes que dans la peinture elle-même de
l’
Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrait m
30
re elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent
les
traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Euro
31
Tandis que s’accumulent les traits qui composent
le
portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la
32
ent les traits qui composent le portrait moral de
l’
Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aus
33
mposent le portrait moral de l’Oriental, celui de
l’
Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’aut
34
e l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans
la
même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de
35
ropéen se précise dans la même mesure, — et aussi
la
figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’ent
36
cise dans la même mesure, — et aussi la figure de
l’
auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus,
37
er mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : «
Le
mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une beauté », c’est po
38
par contraste une « préférence irréductible pour
le
vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualif
39
cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de
l’
eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du chri
40
», ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que «
l’
attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». «
41
tandis que « l’attrait du christianisme est dans
l’
inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse,
42
i de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils
l’
ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je tr
43
re ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit
le
plus profondément l’Occidental, c’est peut-être la fidélité. » Ses re
44
si juste : « Ce qui définit le plus profondément
l’
Occidental, c’est peut-être la fidélité. » Ses remarques sur la psycho
45
e plus profondément l’Occidental, c’est peut-être
la
fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pa
46
c’est peut-être la fidélité. » Ses remarques sur
la
psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à c
47
a fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de
l’
Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation
48
logie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et
le
mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence et
49
fondamentale que « notre intelligence et celle de
l’
Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer, co
50
si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter
le
conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré l’« anxiété mélanco
51
conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré
l’
« anxiété mélancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Orient
52
lancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de
l’
Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut concl
53
qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental,
les
conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une ma
54
t que nous ayons à chercher là-bas notre salut. «
La
seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur
55
a seule leçon à attendre des musulmans, c’est que
le
spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. »
56
le de leur décadence nous enseigne comment éviter
la
nôtre. » La place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire
57
écadence nous enseigne comment éviter la nôtre. »
La
place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux au
58
place me manque pour parler comme j’aurais voulu
le
faire des deux autres parties du volume, d’une importance moins actue
59
e, mais d’une qualité d’art peut-être supérieure.
Les
méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un
60
é d’art peut-être supérieure. Les méditations sur
les
ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’hist
61
tre supérieure. Les méditations sur les ruines de
la
Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues
62
Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de
l’
histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies
63
t pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de
la
hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mai
64
hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est
le
plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout rom
65
nt de tout romantisme pour édifier aucun système.
Le
livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-i
66
. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem :
le
christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ?
67
oyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas
le
plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accen
68
le christianisme n’est-il pas le plus beau don de
l’
Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et cour
69
nisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à
l’
Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé,
70
rfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte
le
ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois u
71
oue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
la
mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion
72
’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit
la
religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que
73
lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de
la
vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque constam
74
de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que
l’
attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt
75
resque constamment critique de M. de Traz diminue
l’
intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de
76
es, révèle sa personnalité peut-être mieux que ne
le
feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il ap
77
oujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme
le
type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’être séduit que pour «
78
arer et, parfois, juger ; préférant obstinément à
la
légende le vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique dont
79
rfois, juger ; préférant obstinément à la légende
le
vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique dont plusieurs d
80
tistique dont plusieurs de ses morceaux attestent
la
délicatesse, mais parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d
81
t la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouver
les
seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez
82
rouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1.
Le
Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis de, «
83
gemont Denis de, « [Compte rendu] Robert de Traz,
Le
Dépaysement oriental », Journal de Genève, Genève, 16 juillet 1926,
84
press, changer totalement d’atmosphère, passer de
la
lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pitt
85
totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à
la
turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un s
86
d’un scepticisme poli à une excitation agressive.
La
simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit
87
l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
la
sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour
88
er la sensation : ce que vous pourrez voir durant
le
reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression
89
mer cette première impression. Vienne : assis sur
les
banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des
90
ur les banquettes rembourrées de profondes loges,
les
clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’
91
troubler, aucune voix haute, aucune couleur vive.
Les
journaux qu’ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe immi
92
ur quelque catastrophe imminente, une révolution,
le
transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi
93
trophe imminente, une révolution, le transfert de
la
SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses
94
minente, une révolution, le transfert de la SDN à
la
Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres,
95
lution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais
les
nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela fini
96
ert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de
l’
Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’ar
97
uple s’est résigné avec une facilité incroyable à
la
défaite, au marxisme, au chômage, lequel semble d’ailleurs correspond
98
emble d’ailleurs correspondre à son état d’esprit
le
plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides
99
ipides, qui passent des après-midi entiers devant
les
deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire d
100
rès-midi entiers devant les deux verres d’eau que
le
garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyan
101
t : une vague de musique tzigane vous emporte dès
l’
entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus ai
102
orte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à
l’
oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autr
103
’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille
les
notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité
104
n violon vient vous siffler à l’oreille les notes
les
plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la sal
105
’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de
la
salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa
106
e, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
la
rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et pass
107
té de la salle, par-dessus la rumeur des clients,
le
violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulad
108
le répond de sa voix profonde et passionnée, sous
les
roulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de
109
née, sous les roulades d’un cymbalum. Aux parois,
la
prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Roth
110
oulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière pour
la
résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur
111
um. Aux parois, la prière pour la résurrection de
la
Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes l
112
, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes
les
portes le fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout
113
aits de lord Rothermere, et sur toutes les portes
le
fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vê
114
x curieux dessins noirs et blancs : il représente
l’
ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et portant, en cœur n
115
en blanc sur fond noir et portant, en cœur noir,
la
nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays
116
noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris
les
deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à ca
117
deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! »
La
rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse,
118
… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de
la
fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que po
119
jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de
la
neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les fe
120
nte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie
les
bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent e
121
ue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent
les
femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vi
122
ons qui traversent en tous sens, évitant vivement
les
trams qui sonnent avec frénésie et les petits taxis rouges qui déferl
123
t vivement les trams qui sonnent avec frénésie et
les
petits taxis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d
124
ésie et les petits taxis rouges qui déferlent sur
les
boulevards comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses
125
les boulevards comme une nuée d’insectes affolés.
Les
maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et ja
126
rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à
l’
orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi). Sou
127
unichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est
le
Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pe
128
ais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici
la
trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre énormes p
129
en hiver, viennent se briser avec un fracas sourd
les
îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophèt
130
sourd les îlots de glace qui descendent lentement
le
fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de S
131
ent le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève
la
montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans
132
de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans
le
Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et
133
ue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et
la
Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses garde
134
anc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit.
Le
château royal avec son amiral régent et ses gardes blancs aux casques
135
des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans
la
ville un soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gen
136
usion de liqueurs légères facilite singulièrement
les
rapports sociaux. On vous mène au Théâtre, vous n’y comprenez rien, m
137
us mène au Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais
le
charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous v
138
iste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à
l’
entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le re
139
archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend
le
retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi
140
ient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait
le
faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent
141
ussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans
le
malheur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie de
142
cela compose un visage romantique et ardent dont
le
voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’une passion poétiq
143
» ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont
le
personnage principal est « la main du Seigneur », ou encore « l’inson
144
. Une histoire dont le personnage principal est «
la
main du Seigneur », ou encore « l’insondable Providence » mise en act
145
rincipal est « la main du Seigneur », ou encore «
l’
insondable Providence » mise en action au gré d’un moraliste qui se do
146
mise en action au gré d’un moraliste qui se donne
l’
air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un vol
147
ction au gré d’un moraliste qui se donne l’air de
l’
avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la
148
sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
la
Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croya
149
e Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme
le
croyaient les écrivains anglais du xixe — en conséquence de quoi les
150
e une histoire qui finit bien, comme le croyaient
les
écrivains anglais du xixe — en conséquence de quoi les romans des «
151
rivains anglais du xixe — en conséquence de quoi
les
romans des « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en
152
en conséquence de finir carrément mal ? Non, car
le
christianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas du christiani
153
cette vie ou bien n’est pas du christianisme. Et
l’
on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Har
154
it en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à
la
Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy
155
ppy end soi-disant édifiant, s’il est certain que
l’
Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’h
156
romesses de salut sont seuls capables de donner à
l’
homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d
157
mme une vision réaliste de son sort terrestre, et
le
sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’a
158
est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
la
nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches d
159
l faut bien connaître la nature et ses abîmes, si
l’
on veut être à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandal
160
et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir
les
touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laissent quelqu
161
tre à même d’y voir les touches du surnaturel. Si
les
scandales du temps vous laissent quelque loisir pour vous occuper de
162
lque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de
l’
enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancoli
163
pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de
l’
existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le réali
164
l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2.
La
puissante mélancolie, le réalisme total qui éclatent dans ce chef-d’œ
165
ous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie,
le
réalisme total qui éclatent dans ce chef-d’œuvre vous consoleront des
166
oyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me
le
rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je l’ai terminé cette
167
rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je
l’
ai terminé cette nuit ». — « Des livres comme celui-là, ça aide à vivr
168
s livres comme celui-là, ça aide à vivre ! » Tout
le
charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Lapon
169
imples mènent des existences bien plus proches de
la
nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’art peut-être, je v
170
e, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez
l’
auteur de Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à
171
Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit
le
cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme
172
e sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche
le
fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, u
173
lle pèche, elle désespère, elle touche le fond de
la
détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil our
174
un vieil ours intraitable, toujours dressé contre
les
conventions civilisées — inoubliable création, ce Norenius ! — qui pr
175
re. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais
l’
accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître e
176
hronique. On voit naître et grandir un fils, puis
les
enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des
177
pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire
la
durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants
178
ouvants du journal de Sara commentent et rythment
le
déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une écol
179
nt et rythment le déroulement de cette légende de
la
vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle de
180
vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à
la
fin du siècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est le terne tr
181
re, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que
la
réalité c’est le terne train-train des journées. Ils avaient en somme
182
iècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est
le
terne train-train des journées. Ils avaient en somme raison, tout au
183
a réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur
les
choses. Le regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la «
184
elle dépend du regard qu’on porte sur les choses.
Le
regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie couran
185
rd « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans
la
« vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et p
186
ames singuliers, de bizarres et profondes folies,
l’
originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque
187
e visage de belette » qui enterre son enfant dans
la
neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans c
188
dans la neige avec une sorte d’innocence animale.
La
superstition rôde dans ces campagnes désertiques : il y a des fous, d
189
s, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent
les
Écritures ; peut-être aussi des saints qui se croient plus mauvais qu
190
nt plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans
les
choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait vo
191
menacées, harmonieuses ou durement rabrouées par
le
sort, « la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une misér
192
harmonieuses ou durement rabrouées par le sort, «
la
neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une miséricorde lumi
193
miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est
le
vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire ».
194
ujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas «
l’
histoire ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui
195
ui mériteraient d’être citées, et qui vivent dans
la
mémoire avec leurs gestes lents et leurs passions étranges. Aussi, qu
196
ssi, quelques enfants qui semblent incarner toute
la
poésie des contes scandinaves, une merveilleuse petite Eva-Margareta
197
naves, une merveilleuse petite Eva-Margareta dont
l’
apparition fait songer aux plus radieuses créations d’Andersen. On a f
198
uctions qui ne valent pas dix pages de ce roman !
La
mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez français », di
199
valent pas dix pages de ce roman ! La mode passe,
le
public se fatigue, paraît-il. « Achetez français », disent les critiq
200
fatigue, paraît-il. « Achetez français », disent
les
critiques, à l’instar de l’affiche (dont il faut regretter qu’elle so
201
z français », disent les critiques, à l’instar de
l’
affiche (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même un affreux barb
202
é d’outre-Manche). Mais s’il est une justice dans
le
domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès d
203
e à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais
la
carrière plus discrète, plus populaire et plus durable, réservée aux
204
Condition de
l’
écrivain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis de g
205
ain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que
les
partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont
206
les partis de gauche, en France, et spécialement
le
parti communiste, ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense d
207
t le parti communiste, ont adopté depuis deux ans
le
mot d’ordre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur atti
208
adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense de
la
culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et reten
209
rtains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi
les
célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-i
210
e et Jules Romains, comptent parmi les célébrités
les
moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme
211
tent parmi les célébrités les moins contestées de
la
France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étrangers q
212
ce contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent
les
étrangers qui ont appris le français dans leur dictionnaire) « anguil
213
pas là (comme disent les étrangers qui ont appris
le
français dans leur dictionnaire) « anguille sous roche » ? Que signif
214
a part des marxistes, qui soutinrent si longtemps
la
primauté du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ?
215
la primauté du matériel cette subite conversion à
la
cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà de
216
du matériel cette subite conversion à la cause de
l’
esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontières
217
à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher
l’
explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense d
218
’explication au-delà des frontières immédiates de
la
France : défense de la culture signifie pour les gauches antifascisme
219
s frontières immédiates de la France : défense de
la
culture signifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et l’Allemag
220
e la France : défense de la culture signifie pour
les
gauches antifascisme, l’Italie et l’Allemagne ayant, comme chacun sai
221
a culture signifie pour les gauches antifascisme,
l’
Italie et l’Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre san
222
gnifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et
l’
Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre sans merci à to
223
acun sait, déclaré une guerre sans merci à toutes
les
formes d’intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Que
224
à toutes les formes d’intelligence réfractaires à
la
caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que compo
225
es à la caporalisation intégrale. Quelle que soit
la
part de vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est pa
226
de vue simpliste (et ce n’est pas chez nous qu’on
la
niera) il faut reconnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à l
227
onnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à
la
vérité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture franç
228
ité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci,
la
culture française est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas l
229
est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas
le
fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’inculture rela
230
cisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de
l’
inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’en
231
r ensuite, et peut-être plus gravement encore, de
la
condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes, m
232
es libéral certes, mais anarchique, et dominé par
les
seules nécessités de l’argent. En dehors des milieux directement inté
233
narchique, et dominé par les seules nécessités de
l’
argent. En dehors des milieux directement intéressés, on ignore, je cr
234
à peu près tout de cette condition des écrivains.
L’
on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa
235
s écrivains. L’on s’en fait une idée romantique :
le
poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l
236
connu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de
l’
amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment encore
237
it de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est
l’
image que vulgarisait, tout récemment encore, le timbre-poste vendu au
238
t l’image que vulgarisait, tout récemment encore,
le
timbre-poste vendu au profit des « intellectuels en chômage ». Ou bie
239
profit des « intellectuels en chômage ». Ou bien
l’
on s’imagine un auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hom
240
bien l’on s’imagine un auteur à succès choyé par
les
« femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes
241
oyé par les « femmes du monde », hommes de toutes
les
fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure fla
242
es les fortunes et bonnes fortunes, et traversant
la
vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est
243
nt la vie dans un murmure flatteur, comme on peut
le
voir au cinéma. C’est agréable, pour un écrivain, qu’on croie tout ce
244
la… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de
l’
Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour quelques fait
245
uvent donner une idée assez juste du sort réel de
l’
écrivain. Parmi ses confrères académiciens, disait-il, tous célèbres e
246
succès », tous ayant atteint ou largement dépassé
l’
âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire
247
tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge de
la
retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des repor
248
âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir
le
monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de so
249
moins deux articles par jour, un troisième « fait
les
théâtres », besogne sans gloire et de maigre profit, un quatrième enf
250
ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de
la
copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et
251
ngts ans, en est encore à placer de la copie dans
les
journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite
252
ouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà
la
réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinaire : que ne prenn
253
! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus,
les
bonnes gens disent d’ordinaire : que ne prennent-ils un second métier
254
ne prennent-ils un second métier, ces écrivains !
La
littérature n’est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’
255
qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et
l’
on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « se
256
te M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que
les
cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel e
257
peu concluants (Duhamel et Daudet n’ont pratiqué
la
médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il e
258
l et Daudet n’ont pratiqué la médecine que durant
les
années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création
259
e naturalisation de leur œuvre), il est clair que
la
création artistique requiert toutes les forces d’un homme, et s’accom
260
clair que la création artistique requiert toutes
les
forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses ef
261
les forces d’un homme, et s’accommode très mal de
la
dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait admettr
262
, d’autre part, on ne saurait admettre que seules
les
personnes fortunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la
263
rsonnes fortunées aient quelque chose à dire dans
le
domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain v
264
ées aient quelque chose à dire dans le domaine de
la
culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa plum
265
de la culture, il ne reste qu’une solution : que
l’
écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devient impraticable ; o
266
cable ; ou si praticable, néfaste. Impraticable :
l’
écrivain ne touche sur les livres que dix pour cent du produit de la v
267
néfaste. Impraticable : l’écrivain ne touche sur
les
livres que dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente n
268
he sur les livres que dix pour cent du produit de
la
vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires po
269
à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer,
les
cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de su
270
. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et
les
journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de surproduction maladi
271
surproduction maladive. Praticable mais néfaste :
les
livres ne payant pas, il faudra faire du journalisme et courir les ré
272
ant pas, il faudra faire du journalisme et courir
les
rédactions, improviser… Or les nécessités du journalisme ne sont pas
273
rnalisme et courir les rédactions, improviser… Or
les
nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure,
274
s nécessités du journalisme ne sont pas celles de
la
littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montrent
275
t assez inhabiles. On retombe d’ailleurs ici dans
le
cas du second métier, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit encore
276
je résume à grands traits, me paraît tendre vers
la
même limite, et à bon train si l’on n’y veille ; dégradation et domes
277
aît tendre vers la même limite, et à bon train si
l’
on n’y veille ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l
278
l’on n’y veille ; dégradation et domestication de
l’
intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragiqu
279
radation et domestication de l’intelligence et de
l’
art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénon
280
stication de l’intelligence et de l’art. Sans que
l’
on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement l
281
ce et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là
le
tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus o
282
Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de
l’
affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutions.
283
là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement
les
coupables, individus ou institutions. Ce qui oblige en fin de compte
284
s ou institutions. Ce qui oblige en fin de compte
l’
écrivain à déclarer pathétiquement que c’est la société qui est mal fa
285
te l’écrivain à déclarer pathétiquement que c’est
la
société qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sor
286
place normale. Et ceci suffirait à expliquer que
les
meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent t
287
liticiens qui, par ailleurs, se moquent un peu de
la
culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans
288
sache ! d. Rougemont Denis de, « Condition de
l’
écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
289
Condition de
l’
écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e La
290
Condition de l’écrivain (II) :
La
grande misère de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’éc
291
ondition de l’écrivain (II) : La grande misère de
l’
édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, tell
292
grande misère de l’édition (22 février 1937)e
La
situation de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon p
293
e l’édition (22 février 1937)e La situation de
l’
écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier article,
294
La situation de l’écrivain moderne, telle que je
la
décrivais dans mon premier article, a notablement empiré du fait de l
295
premier article, a notablement empiré du fait de
la
crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le le
296
. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont
le
lecteur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce p
297
raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore
le
plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditi
298
technique dont le lecteur ignore le plus souvent
les
mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de
299
un peu, à ce propos, des conditions actuelles de
l’
édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas des
300
es de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté,
les
éditeurs ne sont pas des philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent p
301
s philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus
l’
être. Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se fais
302
enoncent à former ces goûts. Ils se contentent de
les
flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse…
303
ent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait
le
prévoir, le niveau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’édi
304
latter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir,
le
niveau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’éditeur répond
305
t, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse…
Les
moralistes se récrient en vain : l’éditeur répond qu’il faut vivre !
306
veau baisse… Les moralistes se récrient en vain :
l’
éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la litté
307
in : l’éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de
la
publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’ag
308
nd qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de
la
littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraiment que
309
t Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! Et
l’
Adolphe de Constant, ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait
310
ne peut plus se payer de telles fantaisies. Ainsi
la
situation est telle qu’un éditeur, bon gré mal gré, se voit souvent c
311
gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser
les
meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meilleures raisons
312
es meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour
les
meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est
313
cela pour les meilleures raisons ! Ou s’il tente
la
chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de
314
e déplorable. Elles se font excessivement rares.)
Les
débats passionnés que vient de soulever le fameux projet de loi Jean
315
res.) Les débats passionnés que vient de soulever
le
fameux projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la questi
316
jet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de
la
question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs édi
317
la question : celui du contrat d’édition. Depuis
la
crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédient suivant. Lorsq
318
uis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à
l’
expédient suivant. Lorsqu’un jeune auteur vient proposer son manuscrit
319
son manuscrit, on lui fait signer un contrat qui
l’
engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages
320
at qui l’engage pour cinq ou dix volumes à venir.
La
propriété de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur
321
de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à
l’
éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réser
322
ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après
la
mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser
323
surée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de
l’
écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manusc
324
iteur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain.
L’
éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne
325
mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre
le
droit de refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trou
326
L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser
les
manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trouveront difficilement
327
icilement à se faire accepter par un confrère, on
l’
imagine.) On escompte ainsi les succès futurs du débutant, dont les pr
328
par un confrère, on l’imagine.) On escompte ainsi
les
succès futurs du débutant, dont les premiers ouvrages seront sans dou
329
t sans doute déficitaires, mais qui plus tard, si
la
célébrité se dessine, se verra prisonnier d’un contrat de débutant, p
330
contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de
l’
éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une f
331
ément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi.
Le
projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limi
332
une fin à ces pratiques, en limitant à 10 années
l’
effet des contrats d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais l
333
à 10 années l’effet des contrats d’édition. Tous
les
écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on les com
334
d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais
les
éditeurs se récrient, et on les comprend assez bien : on les priverai
335
plaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on
les
comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue aprè
336
s se récrient, et on les comprend assez bien : on
les
priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs
337
on les comprend assez bien : on les priverait de
la
récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices du d
338
te polémique fait apparaître assez clairement que
la
situation est sans issue directe. J’entends que nulle réforme légale
339
J’entends que nulle réforme légale ne suffirait à
l’
assainir. Et l’on pressent déjà que le problème déborde infiniment le
340
ulle réforme légale ne suffirait à l’assainir. Et
l’
on pressent déjà que le problème déborde infiniment le plan technique
341
suffirait à l’assainir. Et l’on pressent déjà que
le
problème déborde infiniment le plan technique : c’est tout le problèm
342
pressent déjà que le problème déborde infiniment
le
plan technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et
343
déborde infiniment le plan technique : c’est tout
le
problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la cultu
344
echnique : c’est tout le problème des rapports de
l’
écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se p
345
s rapports de l’écrivain et du public, ou même de
la
culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son am
346
crivain et du public, ou même de la culture et de
la
nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquoi l
347
se, a-t-on comme premier réflexe d’économiser sur
les
livres, plutôt que sur toute autre distraction, cinéma ou meetings sp
348
vient cette désaffection des grandes masses pour
la
lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant
349
ction des grandes masses pour la lecture ? Est-ce
la
faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’y porter remède,
350
emède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur
les
raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas seulement matérielles.
351
terroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne
les
crois pas seulement matérielles. Je crois au contraire qu’elles affec
352
rielles. Je crois au contraire qu’elles affectent
les
sources vives de notre civilisation. C’est pourquoi le problème appar
353
urces vives de notre civilisation. C’est pourquoi
le
problème apparemment secondaire de l’édition, et du sort matériel des
354
st pourquoi le problème apparemment secondaire de
l’
édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indifféren
355
aisser indifférente notre conscience de citoyens.
Les
dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons donner des soi
356
re conscience de citoyens. Les dictateurs actuels
l’
ont bien compris. Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de
357
. Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous
les
voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays
358
s les voyons donner des soins jaloux au statut de
la
culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisseraient
359
oire, malgré tout, que c’est elles qui résoudront
le
mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à
360
gré tout, que c’est elles qui résoudront le mieux
le
problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps !
361
’est elles qui résoudront le mieux le problème de
la
culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemont
362
e problème de la culture, — si toutefois elles se
le
posent à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain
363
temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de
l’
écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genè
364
ougemont Denis de, « Condition de l’écrivain II :
La
grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1
365
Condition de l’écrivain II : La grande misère de
l’
édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
366
Condition de
l’
écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f Si
367
ondition de l’écrivain (III) : Mission civique de
la
culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si le
368
sion civique de la culture (1er mars 1937)f Si
les
livres se vendent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’
369
1937)f Si les livres se vendent si mal, et si
le
public ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à
370
si mal, et si le public ne se rend pas compte de
l’
importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au pu
371
mpte de l’importance réelle de cette crise, à qui
la
faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivains ? On objectera sans
372
ic ou aux écrivains ? On objectera sans doute que
le
vrai responsable, c’est la paresse intellectuelle qui sévit dans tout
373
jectera sans doute que le vrai responsable, c’est
la
paresse intellectuelle qui sévit dans toutes les classes et qu’entret
374
t la paresse intellectuelle qui sévit dans toutes
les
classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les h
375
sévit dans toutes les classes et qu’entretiennent
le
cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que
376
toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma,
la
TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela expli
377
es classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF,
les
illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien
378
entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et
les
hebdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien des choses. Mais
379
s. Mais d’où vient cette paresse ? D’où vient que
le
public se défende aussi mal contre les sollicitations vulgaires des d
380
ù vient que le public se défende aussi mal contre
les
sollicitations vulgaires des distractions commerciales ? Les écrivain
381
tations vulgaires des distractions commerciales ?
Les
écrivains ne portent-ils pas une part de responsabilité ? Car, après
382
pas une part de responsabilité ? Car, après tout,
le
public est à peu près ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme
383
ar, après tout, le public est à peu près ce qu’on
le
fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés.
384
ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à
l’
image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est invers
385
’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui,
le
rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inex
386
’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et
le
plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et
387
souvent, il est inexistant. D’une part, en effet,
la
culture, et en particulier la littérature, a voulu se séparer des int
388
une part, en effet, la culture, et en particulier
la
littérature, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la natio
389
, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de
la
nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de
390
mentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès
le
romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons d
391
. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec
la
théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait
392
est apparu dès le romantisme, avec la théorie de
l’
art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer de
393
dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour
l’
art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer depuis. Les g
394
raisons diverses, il n’a fait qu’empirer depuis.
Les
grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Il
395
le ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à
l’
usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’un H
396
ont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de
la
population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rap
397
o, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement
la
masse profonde du peuple, nous voyons aujourd’hui ce même peuple se c
398
d Proust, Gide ou Valéry ne paraissent rechercher
l’
audience que de très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on éc
399
er l’audience que de très petits cercles d’élus ?
Le
peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits se désin
400
us ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si
les
grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que leur ren
401
téressent de son sort, il ne peut que leur rendre
la
pareille. Alors le champ devient libre pour une « littérature » comme
402
rt, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors
le
champ devient libre pour une « littérature » commerciale qui, elle, n
403
compensations illusoires au morne train-train de
la
vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains autre
404
illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi
le
public perd l’habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une
405
morne train-train de la vie. Ainsi le public perd
l’
habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli
406
d’oubli », une distraction sans conséquence entre
les
heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bi
407
ence entre les heures de bureau ou d’usine. Après
le
travail et avant le sommeil (bien plus semblable au second qu’au prem
408
s de bureau ou d’usine. Après le travail et avant
le
sommeil (bien plus semblable au second qu’au premier) la lecture, auj
409
eil (bien plus semblable au second qu’au premier)
la
lecture, aujourd’hui, n’est plus du tout ce qu’elle était au siècle p
410
outes conditions : une nourriture, un exercice de
l’
âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables
411
itions : une nourriture, un exercice de l’âme, de
l’
intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que tente
412
de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors,
les
efforts très louables que tentent les éditeurs, ou même l’État, pour
413
. Dès lors, les efforts très louables que tentent
les
éditeurs, ou même l’État, pour remettre le livre en honneur, sont vou
414
s très louables que tentent les éditeurs, ou même
l’
État, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succè
415
ntent les éditeurs, ou même l’État, pour remettre
le
livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même
416
en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est
le
sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le r
417
voués à de faibles succès. C’est le sens même de
la
lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que
418
lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je
le
répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait
419
rdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que
les
plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’il se perde en
420
airement des préoccupations, jugées vulgaires, de
la
nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la par
421
ions, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que
les
autres spéculaient commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans
422
is que les autres spéculaient commercialement sur
la
paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivain
423
commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans
les
deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fonctio
424
des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord
les
écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ru
425
rité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais
la
société en pâtit, plus gravement qu’elle ne le croit, sans doute. Une
426
is la société en pâtit, plus gravement qu’elle ne
le
croit, sans doute. Une situation si compromise ne se rétablira point
427
campagne de propagande. Il s’agit bien plutôt que
les
écrivains reprennent le sens de leur fonction sociale avant qu’un dic
428
l s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent
le
sens de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite a
429
de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne
les
y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de ret
430
l s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on appelle
l’
oreille du peuple. Mais cela suppose une véritable révolution dans les
431
. Mais cela suppose une véritable révolution dans
les
valeurs qu’ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peuple, e
432
le ou son intellect (je ne dis pas son âme, c’est
l’
affaire des Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir l
433
), il faudrait se soucier d’être utile, de servir
la
communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer original.
434
de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que
l’
art en souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï,
435
Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait :
l’
exemple des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le co
436
nds, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver
le
contraire. Jamais un écrivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent q
437
ux que lorsqu’il sent qu’il est en communion avec
les
soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel
438
il sent qu’il est en communion avec les soucis de
la
nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressement
439
t sa nature profonde. Mais un tel redressement de
la
culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le public
440
’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part,
le
public lui-même n’avait à cœur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris
441
œur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à
l’
intention d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivain
442
n d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher
les
écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de
443
naux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui
le
lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du
444
ur prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans
l’
espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’
445
vains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer
l’
attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique
446
’attention de ceux qui sont du côté du public sur
l’
importance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que
447
ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que
la
situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vr
448
nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si
l’
on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’être vrai : nous suiv
449
s. C’est vrai sans doute. Mais si l’on se borne à
le
répéter, cela cessera bientôt d’être vrai : nous suivrons le cours fa
450
cela cessera bientôt d’être vrai : nous suivrons
le
cours fatal des choses. J’observais tout à l’heure que le public est
451
ons le cours fatal des choses. J’observais tout à
l’
heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il
452
fatal des choses. J’observais tout à l’heure que
le
public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste d
453
out à l’heure que le public est à peu près ce que
les
auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les
454
e que le public est à peu près ce que les auteurs
le
font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’
455
. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent
les
auteurs qu’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir d
456
représentatifs de ce qui fait sa force véritable.
La
raison d’être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matér
457
son d’être des petites démocraties n’est pas dans
le
domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui anime la fé
458
ies n’est pas dans le domaine matériel, mais dans
le
principe communautaire qui anime la fédération. Or, la force d’un tel
459
el, mais dans le principe communautaire qui anime
la
fédération. Or, la force d’un tel principe se mesure au niveau de la
460
incipe communautaire qui anime la fédération. Or,
la
force d’un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pa
461
la force d’un tel principe se mesure au niveau de
la
culture. (Et non pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les
462
au niveau de la culture. (Et non pas seulement de
l’
instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nous,
463
pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi
les
problèmes culturels sont pour nous, Suisses, plus vitaux encore que p
464
t pour nous, Suisses, plus vitaux encore que pour
les
grandes nations qui nous entourent. Et c’est pourquoi enfin, j’y revi
465
chapitre, ce n’est pas seulement « faire marcher
le
commerce », mais c’est aussi faire acte civique, dans une cité dont l
466
’est aussi faire acte civique, dans une cité dont
l’
idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de, « Co
467
te civique, dans une cité dont l’idéal est encore
la
plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de l’écriva
468
arantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de
l’
écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Gen
469
Condition de l’écrivain III : Mission civique de
la
culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
470
L’
Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ?
471
L’Âme romantique et
le
rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deux g
472
L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g
Le
rêve, le romantisme ? Et traités en deux gros volumes qui, au surplus
473
romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve,
le
romantisme ? Et traités en deux gros volumes qui, au surplus, sont un
474
el, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur.
Le
temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs
475
récemment M. Goebbels. Mais, tandis que s’élevait
l’
immense rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins
476
ndis que s’élevait l’immense rumeur des heil ! et
la
vocifération triomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la fo
477
riomphale des philistins enfin vengés, perdu dans
la
foule exaltée je me disais : Qu’est-ce que tout cela, ce discours, ce
478
e que tout cela, ce discours, ces clameurs, sinon
les
phantasmes d’un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle,
479
rêve pourtant, grande image collective exprimant
le
désir et l’inconscient d’un peuple, ses ambitions démesurées, ses uto
480
nt, grande image collective exprimant le désir et
l’
inconscient d’un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le
481
peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui
le
consolent d’un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est
482
s héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel que
le
phénomène du rêve, je dirais même en politique. Rien n’est plus impor
483
olitique. Rien n’est plus important que de savoir
la
qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment don
484
n’est plus important que de savoir la qualité, et
la
nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolu
485
ir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent
le
monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très généra
486
très générale d’approuver une étude du rêve et de
l’
inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’ajou
487
r une étude du rêve et de l’inconscient telle que
l’
a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’ajouter, en 1937, des opport
488
d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque de
la
pensée humaine, dit en débutant notre auteur, pourrait se définir, de
489
t se définir, de façon suffisamment profonde, par
les
relations qu’elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre
490
profonde, par les relations qu’elle établit entre
le
rêve et la vie réelle. » Or notre époque, plus que toute autre semble
491
ar les relations qu’elle établit entre le rêve et
la
vie réelle. » Or notre époque, plus que toute autre semble-t-il, s’es
492
lus que toute autre semble-t-il, s’est attachée à
l’
étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre par
493
suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part,
l’
école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de
494
surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur
les
années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roma
495
ne vague de rêves s’est étendue sur les années de
l’
après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philosophi
496
aines : poésie, roman, philosophie et sciences de
l’
homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phé
497
Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne
l’
étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient de nous le donner,
498
phénomène à ses racines : M. Béguin vient de nous
le
donner, avec une maîtrise qui le met du coup au premier rang des hist
499
in vient de nous le donner, avec une maîtrise qui
le
met du coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’
500
u coup au premier rang des historiens modernes de
la
culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’il faut remonter si
501
fet au romantisme allemand qu’il faut remonter si
l’
on veut étudier la source véritable de préoccupations qui parurent for
502
allemand qu’il faut remonter si l’on veut étudier
la
source véritable de préoccupations qui parurent fort nouvelles lorsqu
503
qui parurent fort nouvelles lorsque se vulgarisa
l’
œuvre de Freud. M. Béguin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis d
504
uin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis de
la
psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous prop
505
prend ses distances vis-à-vis de la psychanalyse.
Les
interprétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infinime
506
-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de
la
vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que cel
507
e celles du savant viennois. Elles englobent tout
le
mystère de la création poétique, elles font une part notable aux fact
508
vant viennois. Elles englobent tout le mystère de
la
création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirituel
509
Tout le premier volume est d’ailleurs consacré à
l’
examen des théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la pl
510
e d’attraits : nous étions loin de nous douter de
la
« modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à
511
mes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de
l’
inconscient notamment. Tout ce que les plus récentes écoles ont passio
512
à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que
les
plus récentes écoles ont passionnément discuté, se trouve déjà posé e
513
ittérature un service dont on ne saurait exagérer
l’
importance. Je n’hésite pas à affirmer que cette thèse fera date dans
514
ite pas à affirmer que cette thèse fera date dans
l’
évolution naturelle du « domaine français » : d’une part en nous renda
515
d’une part en nous rendant accessible et actuelle
la
période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclar
516
en nous rendant accessible et actuelle la période
la
plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soul
517
ccessible et actuelle la période la plus riche de
la
pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des corres
518
espondances profondes, et toutes nouvelles, entre
le
romantisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France :
519
toutes nouvelles, entre le romantisme allemand et
les
plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire e
520
me allemand et les plus grands poètes modernes de
la
France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire des
521
de pousser plus avant cette étude, et de montrer
l’
analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un Claudel ave
522
te étude, et de montrer l’analogie que présentent
les
recherches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par
523
avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait
l’
occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamme
524
n des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment
le
préjugé qui veut que les romantiques allemands n’aient été que de « d
525
ns nos esprits, notamment le préjugé qui veut que
les
romantiques allemands n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’i
526
Béguin, d’avoir su marquer avec tant de justesse
le
point précis où l’entreprise titanesque du romantisme déborde les lim
527
marquer avec tant de justesse le point précis où
l’
entreprise titanesque du romantisme déborde les limites assignées à la
528
où l’entreprise titanesque du romantisme déborde
les
limites assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait
529
que du romantisme déborde les limites assignées à
la
personne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressources
530
onne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes
les
ressources d’un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une pr
531
classiques, alliées à une profonde sympathie pour
les
hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la ré
532
s à une profonde sympathie pour les hardiesses de
la
pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une tell
533
la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici
la
réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle e
534
èse, dont il est permis de croire qu’elle exprime
la
vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit.
535
la vocation européenne des Suisses français dans
l’
ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. R
536
n européenne des Suisses français dans l’ordre de
l’
esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont De
537
ugemont Denis de, « [Compte rendu] Albert Béguin,
L’
Âme romantique et le rêve », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937,
538
[Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et
le
rêve », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
539
(14 novembre 1940)h i New York, 25 octobre.
La
campagne électorale qui prendra fin au moment où cet article atteindr
540
ui prendra fin au moment où cet article atteindra
la
Suisse est l’une des plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D
541
isse est l’une des plus violentes qu’aient connue
les
États-Unis. D’autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est p
542
ts-Unis. D’autant plus violente, semble-t-il, que
l’
enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes poli
543
en est plus confus, comme il arrive souvent dans
les
luttes politiques. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire un
544
dans les luttes politiques. Roosevelt représente
le
New Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène de réformes soc
545
ues. Willkie représente Wall Street, c’est-à-dire
le
capitalisme traditionnel. Mais Willkie promet aux foules de conserver
546
de conserver et même de développer presque toutes
les
mesures adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’appui off
547
évelopper presque toutes les mesures adoptées par
le
New Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis,
548
adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir
l’
appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la p
549
cevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de
la
fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativement
550
e John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste
la
plus « rouge » des États-Unis. Relativement à la politique extérieure
551
la plus « rouge » des États-Unis. Relativement à
la
politique extérieure, l’opposition des deux candidats n’est guère plu
552
ats-Unis. Relativement à la politique extérieure,
l’
opposition des deux candidats n’est guère plus claire. Roosevelt a pri
553
ère plus claire. Roosevelt a pris position contre
l’
idéal totalitaire, et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans l
554
et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans
le
vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Ro
555
ans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir —
le
jeu des totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Roosevelt qui,
556
m » — une troisième période de quatre ans —, sape
les
bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictato
557
isième période de quatre ans —, sape les bases de
la
démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peut-o
558
ape les bases de la démocratie américaine et crée
le
véritable danger dictatorial. Peut-on dire, pour simplifier, qu’avec
559
Peut-on dire, pour simplifier, qu’avec Roosevelt
l’
entrée en guerre des États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Wi
560
-t-elle un rôle plus important qu’on ne veut bien
le
dire, ou qu’on ne veut bien se l’avouer ici dans le choix qu’est en t
561
on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut bien se
l’
avouer ici dans le choix qu’est en train de faire le corps électoral a
562
dire, ou qu’on ne veut bien se l’avouer ici dans
le
choix qu’est en train de faire le corps électoral américain. Qu’on ne
563
avouer ici dans le choix qu’est en train de faire
le
corps électoral américain. Qu’on ne s’y trompe pas : le parti proalle
564
ps électoral américain. Qu’on ne s’y trompe pas :
le
parti proallemand est extrêmement faible aux États-Unis, mais le part
565
emand est extrêmement faible aux États-Unis, mais
le
parti antiguerre reste fort. En sera-t-il de même lorsque cet article
566
lorsque cet article paraîtra ? Il y a huit jours,
les
experts presque unanimes donnaient Roosevelt gagnant par 2 à 1. Aujou
567
nnaient Roosevelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui,
les
chances de Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux par
568
nces de Willkie paraissent augmenter rapidement :
les
journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt,
569
48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt,
le
résidu allant aux candidats socialiste et communiste. Que s’est-il pa
570
uniste. Que s’est-il passé ? Personne ne pourrait
le
dire avec certitude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de la
571
avec certitude, pas plus qu’on ne saurait prévoir
l’
issue de la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour
572
ude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de
la
campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les masses
573
Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour
les
masses, c’est précisément le nombre des inconnues qu’elle met en jeu
574
« excitante » pour les masses, c’est précisément
le
nombre des inconnues qu’elle met en jeu et l’instabilité caractéristi
575
ent le nombre des inconnues qu’elle met en jeu et
l’
instabilité caractéristique des passions dans ce pays. Je parlais tout
576
ique des passions dans ce pays. Je parlais tout à
l’
heure d’une campagne violente. Cette épithète demande quelques explica
577
pithète demande quelques explications. En Europe,
la
violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par une
578
’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup plus
la
violence d’un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont r
579
ie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur
la
tête, mais ces manifestations somme toute peu dangereuses, de la pass
580
es manifestations somme toute peu dangereuses, de
la
passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettables
581
cation civique très exceptionnel. Loin d’exulter,
les
démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manifestant lui-mê
582
s démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés.
Le
manifestant lui-même se déclare désolé… Car la règle tacitement admis
583
s. Le manifestant lui-même se déclare désolé… Car
la
règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses cha
584
peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans
le
terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués par
585
ou huer, mais non pas entrer dans le terrain. Et
l’
on se doit d’applaudir également les points marqués par l’un et l’autr
586
le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également
les
points marqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est le meilleu
587
rqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est
le
meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’exceptions près, so
588
rsaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que
la
presse, à peu d’exceptions près, soutienne Willkie — comme elle souti
589
e — comme elle soutint Landon il y a quatre ans —
l’
information reste impartiale et le ton des critiques objectif. Un gran
590
a quatre ans — l’information reste impartiale et
le
ton des critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre semain
591
e contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse.
Les
deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie personnelle qui
592
esse. Les deux auteurs insistaient longuement sur
la
sympathie personnelle qui les liait au candidat contre lequel ils pro
593
aient longuement sur la sympathie personnelle qui
les
liait au candidat contre lequel ils proposaient cependant de voter. F
594
ent cependant de voter. Fair play ! Ce qui frappe
le
plus un Européen fraîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d
595
e le plus un Européen fraîchement débarqué, c’est
l’
absence quasi totale d’arguments idéologiques dans ce grand débat démo
596
ologiques dans ce grand débat démocratique. Toute
la
polémique se ramène à deux séries d’arguments : arguments de technici
597
ire quelques articles sérieusement documentés sur
les
défauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutan
598
u New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutant
les
opinions publiées les jours précédents. À côté de ce débat académique
599
lettres d’abonnés discutant les opinions publiées
les
jours précédents. À côté de ce débat académique — recouvrant d’ailleu
600
ifs aux circonstances personnelles des candidats.
La
campagne des républicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur un
601
t plus d’une semaine, sur un incident minuscule :
la
promotion trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitain
602
favoritisme a été exploité à fond pour persuader
l’
Américain moyen des intentions « dictatoriales » du président. Les par
603
en des intentions « dictatoriales » du président.
Les
partisans de Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la dev
604
Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant
la
devise : « Je voudrais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode de
605
« Je voudrais, moi aussi, être nommé capitaine. »
La
mode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’Américain n’aime
606
ode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur.
L’
Américain n’aime guère discuter, mais il aime faire connaître son opin
607
sevelt) comme président. » Tout cela paraît, dans
l’
ensemble, gentil, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’on a
608
il, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et
l’
on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout
609
mi-sportif, et l’on a souvent peine à croire que
l’
enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les él
610
compétition soit tout à fait pris au sérieux par
les
électeurs. Pourtant personne n’ignore que le sort du pays dépendra ce
611
par les électeurs. Pourtant personne n’ignore que
le
sort du pays dépendra certainement — quoique d’une manière encore imp
612
— quoique d’une manière encore imprévisible — de
la
décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’ils
613
sible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-là,
les
Américains sauront ce qu’ils pensent en tant que nation. Ils auront c
614
nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt
l’
emporte, les événements suivront leur cours actuel, et le programme de
615
s auront cessé de parier. Si Roosevelt l’emporte,
les
événements suivront leur cours actuel, et le programme de défense nat
616
te, les événements suivront leur cours actuel, et
le
programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste. E
617
le deviendra un programme nationaliste. En somme,
l’
opposition des deux candidats peut être assez bien résumée par cette f
618
être assez bien résumée par cette formule : C’est
l’
opposition d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autorita
619
nt réciproquement de tendances antidémocratiques.
La
seule conclusion claire qui se dégage de ces paradoxes politiques me
620
dégage de ces paradoxes politiques me paraît être
la
suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Américain
621
es me paraît être la suivante : Quoi qu’il arrive
le
5 novembre, l’unanimité des Américains se reformera toujours sur le m
622
re la suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre,
l’
unanimité des Américains se reformera toujours sur le mot d’ordre : dé
623
nanimité des Américains se reformera toujours sur
le
mot d’ordre : démocratie. Car « démocratie », dans ce pays, n’est pas
624
», dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il
l’
était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine
625
de Genève, Genève, 14 novembre 1940, p. 1-2. i.
Le
journal précise : « De notre envoyé spécial ».
626
Santé de
la
démocratie américaine (17 janvier 1941)j k New York, décembre J’
627
re J’étais à Times Square, au cœur de Manhattan,
le
soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mi
628
à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de
l’
élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à onze
629
tions cent-mille, à onze heures, un demi-million.
Le
tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policeme
630
demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous
l’
œil amical de trois-cents policemen montés. On circulait sans nulle pe
631
du Times, sur lequel passaient en rubans lumineux
les
résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On ve
632
uel passaient en rubans lumineux les résultats de
la
journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la criée
633
neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à
la
criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heur
634
es, Willkie semblait mener. On vendait à la criée
les
derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les ch
635
ks de boutons au nom des candidats. À dix heures,
les
chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vo
636
à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous
l’
avais bien dit ! » Une neige de papiers multicolores descendait lentem
637
tement du haut des gratte-ciel, dansant à travers
les
faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on d
638
erpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures,
la
foule épela ces mots courant sur les murailles du Times : « Roosevelt
639
onze heures, la foule épela ces mots courant sur
les
murailles du Times : « Roosevelt entraîne New York City par 270 000 v
640
ar 270 000 voix de majorité. » Je n’oublierai pas
la
rumeur qui monta lentement des masses, à mesure que la nouvelle faisa
641
meur qui monta lentement des masses, à mesure que
la
nouvelle faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans la profond
642
ment des masses, à mesure que la nouvelle faisait
le
tour du bâtiment, se transmettait dans la profondeur des rues environ
643
faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans
la
profondeur des rues environnantes et revenait submerger le square com
644
deur des rues environnantes et revenait submerger
le
square comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillan
645
quare comme une marée de joie. Je n’oublierai pas
le
bonheur brillant dans tous ces yeux levés, la fraternisation générale
646
pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés,
la
fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries c
647
fraternisation générale des classes et des races,
les
plaisanteries cordiales adressées aux derniers porteurs de boutons Wi
648
physique d’un renversement du destin en faveur de
la
démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque d
649
tin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans
la
nuit, traversant le square presque déserté, cette femme du peuple qui
650
démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant
le
square presque déserté, cette femme du peuple qui chantait à pleine v
651
cette femme du peuple qui chantait à pleine voix
le
Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’Armée du
652
ntait à pleine voix le Star-Spangled Banner, avec
la
ferveur d’une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt,
653
gled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de
l’
Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me déclara
654
plis mes caves de conserves. Car ce sera, je vous
le
dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui,
655
caves de conserves. Car ce sera, je vous le dis,
la
famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui, comme t
656
serves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et
le
bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui, comme toutes ses par
657
ses pareilles, à réunir des conserves, mais pour
l’
Angleterre, à présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bal
658
is pour l’Angleterre, à présider des comités pour
l’
Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulance
659
comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour
l’
Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain mêm
660
ls pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour
l’
Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venai
661
eterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre.
Le
lendemain même de l’élection, toute la presse qui venait de soutenir
662
mbulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de
l’
élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensemble
663
ngleterre. Le lendemain même de l’élection, toute
la
presse qui venait de soutenir Willkie avec ensemble, et qui n’avait p
664
uerre et inflation, toute cette presse proclamait
l’
union des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvern
665
toute cette presse proclamait l’union des partis,
l’
oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessit
666
amait l’union des partis, l’oubli des polémiques,
la
confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l
667
partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans
le
gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willk
668
polémiques, la confiance dans le gouvernement et
la
nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une décl
669
dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter
l’
aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au pré
670
gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à
l’
Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président et
671
éclaration de loyauté au président et lui offrait
l’
appui d’une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les
672
d’une « opposition constructive ». On brûlait sur
les
places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait
673
osition constructive ». On brûlait sur les places
les
panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le m
674
tive ». On brûlait sur les places les panneaux et
les
insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était termi
675
laces les panneaux et les insignes de propagande.
La
majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocra
676
insignes de propagande. La majorité avait parlé,
le
match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, p
677
avait parlé, le match était terminé, et parce que
la
démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vraiment battu.
678
it terminé, et parce que la démocratie avait tenu
le
coup, personne ne se sentait vraiment battu. On peut dire aujourd’hui
679
tu. On peut dire aujourd’hui sans exagération que
la
réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la dé
680
Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de
la
démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France. La
681
atie au xxe siècle. La première a été perdue par
la
France. La seconde a été gagnée par l’Amérique. En attendant le résul
682
perdue par la France. La seconde a été gagnée par
l’
Amérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche,
683
seconde a été gagnée par l’Amérique. En attendant
le
résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de
684
de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire
l’
issue de la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de compr
685
sième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de
la
lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre les r
686
he, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient
l’
Empire britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé dém
687
ient l’Empire britannique, essayons de comprendre
les
raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsq
688
ritannique, essayons de comprendre les raisons de
la
santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capab
689
lessures : signe que sa circulation est bonne. Si
les
oppositions politiques les plus violentes laissent peu ou point de ra
690
culation est bonne. Si les oppositions politiques
les
plus violentes laissent peu ou point de rancune et se résolvent si ra
691
aux États-Unis, c’est en grande partie à cause de
la
constante circulation d’idées et d’hommes qui s’est établie dans ce p
692
et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre
le
gouvernement et la population. L’opinion questionne, le gouvernement
693
est établie dans ce pays entre le gouvernement et
la
population. L’opinion questionne, le gouvernement répond, il s’expliq
694
s ce pays entre le gouvernement et la population.
L’
opinion questionne, le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à
695
vernement et la population. L’opinion questionne,
le
gouvernement répond, il s’explique, il écoute à son tour. N’importe q
696
quer publiquement telle ou telle mesure prise par
l’
État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque
697
iquement telle ou telle mesure prise par l’État :
la
presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de
698
e ou telle mesure prise par l’État : la presse et
la
radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à prop
699
par l’État : la presse et la radio lui en offrent
les
moyens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Wa
700
ens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on
le
convoque à Washington, on examine son projet, et il arrive qu’on le c
701
ington, on examine son projet, et il arrive qu’on
le
charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs,
702
t, et il arrive qu’on le charge officiellement de
le
réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financi
703
arge officiellement de le réaliser. Nombreux sont
les
professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les écon
704
nt de le réaliser. Nombreux sont les professeurs,
les
industriels, les financiers, les avocats ou les économistes que le go
705
. Nombreux sont les professeurs, les industriels,
les
financiers, les avocats ou les économistes que le gouvernement Roosev
706
les professeurs, les industriels, les financiers,
les
avocats ou les économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la
707
, les industriels, les financiers, les avocats ou
les
économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au servic
708
es financiers, les avocats ou les économistes que
le
gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pou
709
conomistes que le gouvernement Roosevelt a mis de
la
sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche dét
710
rnement Roosevelt a mis de la sorte au service de
la
nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est rés
711
en est résulté parfois certains flottements dans
la
politique du New Deal, mais ces défauts techniques sont compensés par
712
bre croissant de citoyens qualifiés participent à
la
vie publique. Celle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques de
713
articipent à la vie publique. Celle-ci n’est plus
l’
affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plu
714
cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus
l’
affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chacun peut
715
ion exerce une influence excellente à la fois sur
le
gouvernement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer
716
e excellente à la fois sur le gouvernement et sur
l’
opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement devant le
717
s sur le gouvernement et sur l’opinion. Il incite
les
dirigeants à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien e
718
e les dirigeants à s’expliquer franchement devant
le
peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui. Les plus hauts fonc
719
peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui.
Les
plus hauts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à des débats pu
720
à participer à des débats publics, ou à commenter
l’
activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà
721
à commenter l’activité de leur département devant
les
auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que n
722
ivité de leur département devant les auditeurs de
la
radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fait,
723
artement devant les auditeurs de la radio : voilà
le
problème qui se pose, voilà ce que nous avons fait, voilà ce qui rest
724
que nous avons fait, voilà ce qui reste à faire.
Le
président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulièr
725
s d’État tiennent des conférences régulières avec
les
journalistes, qui ont le droit de leur poser n’importe quelle questio
726
érences régulières avec les journalistes, qui ont
le
droit de leur poser n’importe quelle question. Rien de plus frappant
727
mporte quelle question. Rien de plus frappant que
l’
absence de démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communi
728
lennelles déclarations de principe ; des appels à
la
réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de
729
des phrases pathétiques. Et ce souci constant de
l’
humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers… Ai
730
onaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée,
l’
opinion se sent responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on
731
responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que
l’
on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davan
732
ment à ce qui se passe dans d’autres républiques,
l’
opinion américaine discute réellement les problèmes posés. Elle cherch
733
ubliques, l’opinion américaine discute réellement
les
problèmes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérê
734
nt les problèmes posés. Elle cherche réellement à
les
résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos
735
osés. Elle cherche réellement à les résoudre dans
l’
intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop con
736
érêt commun, — et non pas à répéter à tout propos
le
credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de
737
ter à tout propos le credo trop connu d’un parti.
Le
secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette effici
738
tte efficience, qui contrastent si fortement avec
les
scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : c
739
ui contrastent si fortement avec les scléroses et
les
vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret réside p
740
nt avec les scléroses et les vieilles rancunes de
la
vie politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait tr
741
ique européenne : ce secret réside peut-être dans
le
fait très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux É
742
s. Il serait en effet absolument faux d’assimiler
les
républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateu
743
t absolument faux d’assimiler les républicains et
les
démocrates américains à nos radicaux, conservateurs, libéraux et soci
744
icaux, conservateurs, libéraux et socialistes. Ni
les
républicains ni les démocrates ne possèdent une doctrine politique to
745
, libéraux et socialistes. Ni les républicains ni
les
démocrates ne possèdent une doctrine politique totale, fixée pour tou
746
nt une doctrine politique totale, fixée pour tous
les
cas et automatiquement par une longue tradition. Leur opposition rest
747
finie… Elle se cristallise, et encore est-ce dans
les
courtes périodes d’élection, d’une manière d’ailleurs imprévisible. C
748
té de dire : en deux teams — symbolise simplement
le
principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le
749
deux teams — symbolise simplement le principe de
la
discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il n’y
750
scussion, indispensable à toute vie démocratique.
Le
fait qu’il n’y a que deux partis, et que ces deux partis ne représent
751
ux tendances générales, signifie pratiquement que
les
États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les a
752
États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre
le
citoyen et les autorités, pas d’autre intermédiaire que l’opinion pub
753
t une démocratie sans partis. Entre le citoyen et
les
autorités, pas d’autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Améric
754
n et les autorités, pas d’autre intermédiaire que
l’
opinion publique. L’Américain ne possède légalement ni le droit de réf
755
pas d’autre intermédiaire que l’opinion publique.
L’
Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit
756
on publique. L’Américain ne possède légalement ni
le
droit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en
757
possède légalement ni le droit de référendum, ni
le
droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permane
758
de référendum, ni le droit d’initiative, mais il
les
exerce en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’une opinion
759
les exerce en fait, d’une manière permanente, par
le
moyen d’une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée
760
nes, des interviews, des débats contradictoires à
la
radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez q
761
s mandements et des manifestes. Sait-on assez que
les
Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur
762
Américains sont très conscients et très jaloux de
la
qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profo
763
on assez de quelle passion profonde se charge ici
le
terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radi
764
e ici le terme de démocratie ? En tournant tout à
l’
heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une
765
terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure
le
bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une voix fo
766
de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de
la
liberté démocratique. » Cela ne fait pas sourire, quand on voit que c
767
c’est vrai. j. Rougemont Denis de, « Santé de
la
démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 1941,
768
nal de Genève, Genève, 17 janvier 1941, p. 1. k.
Le
journal précise : « De notre envoyé spécial ».
769
New York, février J’ai fait une découverte sur
les
États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tie
770
s-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où
la
religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plu
771
st pas de pays moderne où la religion tienne dans
la
vie publique une place plus importante et plus visible. Il faut être
772
t peu son histoire, rien n’apparaît plus naturel.
Les
États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la pl
773
our cause de religion. Seceders (séparatistes) de
l’
Église anglicane ou du luthérianisme allemand, huguenots ou puritains,
774
foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur
le
sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aus
775
aires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain
la
liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité
776
té de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi
la
possibilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convi
777
» entièrement conforme à leurs convictions. D’où
le
caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le caract
778
s. D’où le caractère social de leur religion, dès
le
début, mais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structur
779
social de leur religion, dès le début, mais aussi
le
caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États
780
ais aussi le caractère religieux de leur civisme.
La
structure politique des États-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu
781
litique des États-Unis traduit aujourd’hui encore
le
jeu complexe de ces apports religieux successifs. Ceux-ci se confonde
782
fs. Ceux-ci se confondent souvent d’ailleurs avec
les
apports raciaux. Un Américain qui appartient à l’Église réformée a bi
783
es apports raciaux. Un Américain qui appartient à
l’
Église réformée a bien des chances d’être Hollandais d’origine ; Allem
784
différences d’origine sont venues s’ajouter, par
la
suite, des différences de classe : l’Église baptiste est largement po
785
jouter, par la suite, des différences de classe :
l’
Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Église protestan
786
lise baptiste est largement populaire, tandis que
l’
Église protestante épiscopale (de rite anglican) est surtout citadine
787
« fashionable ». Voilà qui explique, d’une part,
l’
étonnante multiplicité des dénominations religieuses dans ce pays ; d’
788
inations religieuses dans ce pays ; d’autre part,
l’
importance sociale que chacune d’entre elles y revêt. On peut apprécie
789
t apprécier diversement cette interpénétration de
la
vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le
790
e interpénétration de la vie ecclésiastique et de
la
vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont toujour
791
e et de la vie publique (dans un pays, remarquons-
le
, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai
792
la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où
les
Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour auj
793
s-le, où les Églises ont toujours été séparées de
l’
État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un
794
ées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à
la
décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médit
795
tant plus qu’il s’est vu curieusement négligé par
la
presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le
796
la presque totalité des observateurs européens de
l’
Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux
797
des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez
le
New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux grandes pages cons
798
que. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez,
le
samedi, deux grandes pages consacrées aux choses religieuses : sujets
799
annonces détaillées des services que célébreront
les
principales paroisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans
800
ices que célébreront les principales paroisses de
la
cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le lund
801
cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.)
Le
lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et s
802
glises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de
la
veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup moins
803
; on en accorde beaucoup moins aux conférenciers
les
plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour,
804
oins aux conférenciers les plus en vogue. Tournez
le
bouton de votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix «
805
our, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes
les
Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religieuses du mo
806
d’heure de nouvelles religieuses du monde entier.
Le
samedi, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine d
807
nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi,
les
synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes rel
808
euses du monde entier. Le samedi, les synagogues.
Le
dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes relayés par différ
809
tions. Vous passerez d’une liturgie solennelle de
l’
Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un q
810
, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour
les
nègres… Je vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théol
811
x magazines politiques à gros tirages qui forment
l’
opinion moyenne du pays. Ce qui est étonnant, c’est précisément que ce
812
sément que cela n’étonne personne ici. Je songe à
la
France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timid
813
e à la France laïque de naguère ! Je songe même à
la
Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prude
814
isonnements, et peut-être de prudences aussi, que
l’
on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à louer une maison, je parcour
815
érique… Cherchant à louer une maison, je parcours
les
annonces. J’en trouve plusieurs de ce type : « Six pièces, confort, m
816
ain : allez au culte de votre paroisse. » Certes,
l’
on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, de
817
de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de
la
publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de
818
tes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalent
les
Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’e
819
neaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à
l’
entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir
820
de leur ville, et qui promettent des jeux de loto
le
mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholique
821
i promettent des jeux de loto le mardi soir et de
la
danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer
822
ent des jeux de loto le mardi soir et de la danse
le
samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer la concur
823
le mardi soir et de la danse le samedi, même dans
les
églises catholiques. On peut déplorer la concurrence que se font les
824
me dans les églises catholiques. On peut déplorer
la
concurrence que se font les diverses dénominations dans un même villa
825
ques. On peut déplorer la concurrence que se font
les
diverses dénominations dans un même village. Mais ces traits extérieu
826
traits extérieurs s’expliquent lorsqu’on découvre
la
réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’
827
urs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité de
la
vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église, en
828
découvre la réalité de la vie communautaire dans
les
paroisses. Devenir membre d’une Église, en Amérique, c’est aussi trou
829
ilieu social, des amis, des appuis matériels s’il
le
faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et don
830
orme, qui manque de cadres traditionnels, et dont
la
population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la p
831
nels, et dont la population est si nomade encore,
la
vraie cellule sociale, c’est la paroisse. Plus sociale que religieuse
832
si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est
la
paroisse. Plus sociale que religieuse, dira-t-on ? C’est un risque. M
833
é d’action spirituelle constamment maintenue dans
la
cité. Il faut connaître cet arrière-plan pour donner tout leur sens à
834
our donner tout leur sens à certains incidents de
la
vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un d
835
vie politique américaine. Imaginez, par exemple,
le
gouverneur d’un des grands États de l’Union prenant part à une campag
836
campagne de « mission intérieure » à travers tout
le
continent. Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à la radio
837
Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à
la
radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décriven
838
oosevelt prononçant une longue prière à la radio,
la
veille de l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détai
839
onçant une longue prière à la radio, la veille de
l’
élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les service
840
a radio, la veille de l’élection présidentielle ;
les
journaux décrivent en détail les services de communion auxquels ont p
841
présidentielle ; les journaux décrivent en détail
les
services de communion auxquels ont participé les deux candidats, ce m
842
les services de communion auxquels ont participé
les
deux candidats, ce même jour. Wallace, le vice-président, surnommé le
843
ticipé les deux candidats, ce même jour. Wallace,
le
vice-président, surnommé le « timide mystique », déclarant après son
844
e même jour. Wallace, le vice-président, surnommé
le
« timide mystique », déclarant après son installation qu’il va se ret
845
rant après son installation qu’il va se retirer à
la
campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax
846
à la campagne pour une semaine de recueillement.
Le
choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particuliè
847
parce que, dit-on, sa piété profonde lui gagnera
la
confiance des États du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite
848
nfiance des États du Middle West… J’écoutais hier
la
cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait é
849
ddle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de «
l’
Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pas
850
ais hier la cérémonie dite de « l’Inauguration ».
La
veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtr
851
cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille,
le
président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des troi
852
teurs et des prêtres des trois grandes religions.
Le
matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont
853
es prêtres des trois grandes religions. Le matin,
la
radio diffusa les prières de « confession générale », dont il répétai
854
ois grandes religions. Le matin, la radio diffusa
les
prières de « confession générale », dont il répétait les phrases à ha
855
ères de « confession générale », dont il répétait
les
phrases à haute voix avec tous les membres du Congrès, dans une églis
856
nt il répétait les phrases à haute voix avec tous
les
membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait
857
c tous les membres du Congrès, dans une église de
la
capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son président. »
858
une église de la capitale. Cela s’intitulait : «
La
nation prie avec son président. » Le speaker commentait : « Maintenan
859
titulait : « La nation prie avec son président. »
Le
speaker commentait : « Maintenant, le président et M. Wallace s’ageno
860
résident. » Le speaker commentait : « Maintenant,
le
président et M. Wallace s’agenouillent avec toute la congrégation… Le
861
président et M. Wallace s’agenouillent avec toute
la
congrégation… Le chœur entonne le cantique : « Ô Dieu, notre aide aux
862
allace s’agenouillent avec toute la congrégation…
Le
chœur entonne le cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le
863
lent avec toute la congrégation… Le chœur entonne
le
cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le président y join
864
cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés…
Le
président y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à
865
ssés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut
la
prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitol
866
a voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à
la
tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des centaines de m
867
la prestation de serment, à la tribune élevée sur
les
marches du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs.
868
illiers de spectateurs. Après une prière dite par
le
chapelain du Sénat, le président jura, la main posée sur sa vieille B
869
Après une prière dite par le chapelain du Sénat,
le
président jura, la main posée sur sa vieille Bible de famille, en lan
870
ite par le chapelain du Sénat, le président jura,
la
main posée sur sa vieille Bible de famille, en langue hollandaise, qu
871
ns : « Et maintenant ces trois choses demeurent :
la
Foi, l’Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à
872
t maintenant ces trois choses demeurent : la Foi,
l’
Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine l
873
s trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance et
la
Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudissem
874
demeurent : la Foi, l’Espérance et la Charité… »
Le
discours inaugural terminé, et à peine les applaudissements se sont-i
875
rité… » Le discours inaugural terminé, et à peine
les
applaudissements se sont-ils apaisés, une voix forte prononce : « Au
876
du Père, du Fils et du Saint-Esprit », annonçant
la
bénédiction. Si je relève tous ces traits, c’est que la presse et la
877
édiction. Si je relève tous ces traits, c’est que
la
presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler
878
je relève tous ces traits, c’est que la presse et
la
radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain,
879
, c’est que la presse et la radio ne cesseront de
les
souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellem
880
e et la radio ne cesseront de les souligner et de
les
détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la
881
ne cesseront de les souligner et de les détailler
le
lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension
882
demain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à
la
compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir
883
sont réellement essentiels à la compréhension de
la
démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cér
884
cratie américaine. Il est important de savoir que
les
grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays, aussi impressio
885
politiques de ce pays, aussi impressionnantes que
les
cérémonies totalitaires, se déroulent dans un cadre chrétien, immédia
886
n cadre chrétien, immédiatement significatif pour
la
grande majorité des participants, créateur d’un sentiment unanime et
887
ces passions de haine et d’orgueil collectif que
l’
on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapelain, revêts notre préside
888
llectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait
le
chapelain, revêts notre président du manteau de l’humilité…, couronne
889
e chapelain, revêts notre président du manteau de
l’
humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets qu
890
tre président du manteau de l’humilité…, couronne-
le
des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jou
891
t du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons
les
plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours, il puisse
892
e vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de
la
paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette pri
893
nal de Genève, Genève, 18 février 1941, p. 1. m.
Le
journal précise : « De notre envoyé spécial ».
894
Journal d’un retour (11-12 mai 1946)n
Le
voyage immobile Vers le milieu du xxe siècle, les hommes firent e
895
(11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers
le
milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de
896
voyage immobile Vers le milieu du xxe siècle,
les
hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la
897
hommes firent en sorte de réduire à peu de chose
les
avantages que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir d
898
sorte de réduire à peu de chose les avantages que
la
machine menaçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avion
899
s que la machine menaçait de leur procurer, après
les
avoir décimés. Les avions, par exemple, permettaient de voyager vingt
900
naçait de leur procurer, après les avoir décimés.
Les
avions, par exemple, permettaient de voyager vingt fois plus vite qu’
901
ent de voyager vingt fois plus vite qu’en bateau.
L’
on décida en conséquence de rendre vingt fois plus pénible et longue l
902
uence de rendre vingt fois plus pénible et longue
la
préparation des voyages. Passer d’Amérique en Europe ne demandait plu
903
démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi
la
longueur du voyage, pratiquement, à ce qu’elle était au bon vieux tem
904
décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve, sous
l’
œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous a
905
empêtes magnétiques qui ont pour effet d’aveugler
les
avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homme. Cette bel
906
eugler les avions aux appareils plus délicats que
les
sens de l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusemen
907
vions aux appareils plus délicats que les sens de
l’
homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénouée d
908
radio-poétique s’étant heureusement dénouée dans
les
hauteurs du ciel arctique, nous montâmes en spirale à 5000 mètres. J’
909
mes en spirale à 5000 mètres. J’allais écrire : «
L’
avion s’élance pour franchir l’Océan d’un seul bond. Nous volons à tir
910
’allais écrire : « L’avion s’élance pour franchir
l’
Océan d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais
911
an d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers
l’
Irlande. » Mais ce cliché et ces jolies syllabes décrivent mal un voya
912
st attendre. Non seulement attendre son tour dans
la
queue devant les guichets, mais encore, une fois installé dans le fau
913
seulement attendre son tour dans la queue devant
les
guichets, mais encore, une fois installé dans le fauteuil profond de
914
les guichets, mais encore, une fois installé dans
le
fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous
915
re, une fois installé dans le fauteuil profond de
l’
avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au po
916
dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que
la
Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au point désiré, pour y des
917
descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de
l’
immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à la
918
t d’air, et sans nul signe apparent de mouvement.
Les
uns écrivent, d’autres déjeunent. Je regarde par mon hublot. La mer e
919
t, d’autres déjeunent. Je regarde par mon hublot.
La
mer est blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup e
920
uatre heures. Nous sommes partis tout au début de
la
matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contre l
921
es partis tout au début de la matinée. Voici déjà
l’
après-midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps co
922
but de la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici
le
soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus v
923
à l’après-midi, voici le soir, nous volons contre
le
soleil et le temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore
924
i, voici le soir, nous volons contre le soleil et
le
temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore. Des cumulus
925
le soleil et le temps coule deux fois plus vite.
La
stratosphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d
926
èvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur
l’
horizon follement lointain, tandis que nous survolons des profondeurs
927
es, cavernes d’ombre et gonflements majestueux où
la
lumière fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Au
928
tueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous
les
rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. De
929
ous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de
l’
Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un t
930
u bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient
la
nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épai
931
toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoint
la
mer, ferme le monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés d
932
paisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme
le
monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire au
933
evant nous. En deux minutes nous sommes passés de
la
gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos tête
934
nses. Il n’y a plus que, tout près sur nos têtes,
les
lampes en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite se
935
t près sur nos têtes, les lampes en veilleuse, et
le
ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une l
936
une longue promenade sur des pistes en ciment. Et
l’
arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’élégance.
937
tes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon, Irlande.
Le
restaurant ne manque pas d’élégance. Une dame qui vient de passer le
938
nque pas d’élégance. Une dame qui vient de passer
le
temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se r
939
légance. Une dame qui vient de passer le temps de
la
guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : « Qu
940
ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà
l’
Europe enfin ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau
941
ut est beau !… » — « Mais tout ici a été fait par
les
Américains pendant la guerre… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je r
942
is tout ici a été fait par les Américains pendant
la
guerre… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je retrouve l’Europe ! Ce
943
e… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je retrouve
l’
Europe ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rid
944
crie-t-elle, je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas
le
moment d’être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces me
945
rouges, ces meubles blancs, et ce grapefruit. Ils
la
vengent, croit-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’où i
946
où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂
Les
oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’
947
’Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis que je
l’
ai quitté… Par quelle Porte allons-nous entrer ? Je ne puis pas distin
948
te allons-nous entrer ? Je ne puis pas distinguer
les
noms des rues sur ces maisons jaunes ou grises et si basses. Je cherc
949
jaunes ou grises et si basses. Je cherche à voir,
le
nez contre la vitre, et tout d’un coup : Rue Claude Bernard, — en ple
950
es et si basses. Je cherche à voir, le nez contre
la
vitre, et tout d’un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième a
951
arrondissement — quand je me croyais encore dans
la
banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’étai
952
ons une rue déserte et provinciale. C’était cela,
le
boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Quais, où le car nous dépose, j
953
’était cela, le boulevard Saint-Michel ? Mais sur
les
Quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Pa
954
e boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Quais, où
le
car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans que
955
r les Quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé
les
grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin
956
res du matin. Nous donnera-t-on des chambres pour
le
reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Ce
957
. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de
la
nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Cet hôtel ne l
958
errogent. Cet hôtel ne leur plaît qu’à moitié. Je
les
décourage d’aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce qu
959
sez des chambres libres, faites-moi signe. (Comme
les
Américains paraissent bizarres, ici ! Comme ils se mettent immédiatem
960
ls se mettent immédiatement à ressembler à ce que
l’
on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de
961
ive au rendez-vous après sept ans, furtivement, à
la
faveur d’une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent d
962
n juin 40, qui sonnait malgré moi comme un adieu…
Le
jour point derrière les rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je va
963
malgré moi comme un adieu… Le jour point derrière
les
rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je vais la voir… Tout d’abord
964
s rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je vais
la
voir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’un paysage de toits bleus, mé
965
ns de New York, qu’il y a des cloches qui sonnent
les
heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette
966
ches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à
la
suavité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus e
967
e ne rêve pas : un coq qui crie, tout là-bas vers
les
Invalides. L’or pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des t
968
un coq qui crie, tout là-bas vers les Invalides.
L’
or pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des toits roux et d
969
achèvent de composer une harmonie qui fait venir
les
larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois.
970
ir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans
la
rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une p
971
ndail, portant de grosses valises, se hâtent vers
la
gare d’Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’une beauté o
972
direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de
la
foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ? Je
973
é oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue
le
lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ? Je me disais : « Non, ce
974
. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent
les
cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les vi
975
ent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous
les
êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, l
976
e rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer
les
visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !
977
es êtres, d’effacer les visages, et de multiplier
les
traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, «
978
es visages, et de multiplier les traits bizarres,
les
signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour
979
-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que
la
Suisse soit restée aussi suisse m’a paru proprement incroyable. Je ne
980
à peine un peu plus ressemblant. Tout est intact.
La
brusquerie des employés intacte, quand on demande un renseignement et
981
tacte, quand on demande un renseignement et qu’on
les
voit s’identifier, en un clin d’œil, avec les règlements « pareils po
982
’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec
les
règlements « pareils pour tous », non point avec votre situation d’us
983
vec votre situation d’usager perplexe ou anxieux.
La
bonhomie des mêmes employés intacte, une fois qu’on leur a laissé le
984
es employés intacte, une fois qu’on leur a laissé
le
temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.)
985
eur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.)
Les
maisons des quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le pr
986
artiers extérieurs intactes, et si parfaites dans
le
propret-coquet scolaire 1910, que l’imagination se rend sans conditio
987
rfaites dans le propret-coquet scolaire 1910, que
l’
imagination se rend sans condition après la plus rapide reconnaissance
988
0, que l’imagination se rend sans condition après
la
plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu des amis intacts, et
989
ce des lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont
l’
amitié seule avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté des édit
990
éditions si belles qu’on se demande quels talents
les
méritent. Ce qu’il y a de plus intact en Suisse, peut-être, c’est le
991
il y a de plus intact en Suisse, peut-être, c’est
le
mythe helvétique par excellence, d’une décence fondamentale. Il se pe
992
lence, d’une décence fondamentale. Il se peut que
la
Suisse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas été contaminée p
993
mentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné
la
guerre, et seule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mo
994
la guerre, et seule n’ait pas été contaminée par
le
gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout sim
995
le n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à
la
mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tie
996
inée par le gangstérisme à la mode. C’est clair :
le
mal y est mal venu, tout simplement. On le tient encore pour anormal.
997
lair : le mal y est mal venu, tout simplement. On
le
tient encore pour anormal. J’ai l’impression qu’on exagère un peu, à
998
simplement. On le tient encore pour anormal. J’ai
l’
impression qu’on exagère un peu, à cet égard. Mais le reste du monde s
999
mpression qu’on exagère un peu, à cet égard. Mais
le
reste du monde se charge de rétablir un équilibre « humain », sur les
1000
e charge de rétablir un équilibre « humain », sur
les
modèles récemment présentés par MM. Hitler et consorts. ⁂ Je m’en tie
1001
à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays dans
le
cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s
1002
cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît.
L’
Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens
1003
il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à
la
mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en res
1004
viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que
l’
on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui es
1005
’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et
le
Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du Continent. Un peu
1006
Continent. Un peu plus loin, j’irais buter contre
le
fameux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand.
1007
buter contre le fameux « rideau de fer » marquant
l’
entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je s
1008
arquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre
l’
Amérique et la Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il
1009
ée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et
la
Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’il
1010
qu’un no man’s land où s’affrontent sournoisement
les
seules Puissances qui comptent. Fin et Suite J’ai revu Genève e
1011
ie torrentielle, allègre et intacte. Et j’ai revu
la
SDN dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant, cette grand
1012
tesse. Ce fut une glorieuse journée, comme disent
les
Anglo-Saxons, pensant au temps qu’il fait, tout simplement. Les délég
1013
ns, pensant au temps qu’il fait, tout simplement.
Les
délégués paraissaient regretter « l’atmosphère de Genève » plus que l
1014
simplement. Les délégués paraissaient regretter «
l’
atmosphère de Genève » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par
1015
» plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par
l’
ONU. Et, sur ce thème inépuisable, j’improvisai à part moi le discours
1016
sur ce thème inépuisable, j’improvisai à part moi
le
discours que nul, parmi les officiels, ne se risquait à prononcer : «
1017
’improvisai à part moi le discours que nul, parmi
les
officiels, ne se risquait à prononcer : « Messieurs, nous voici réuni
1018
e pourrons plus faire signe aux cygnes, comme dit
l’
intact Pierre Girard, mais l’idée d’une Ligue des Nations a survécu au
1019
ux cygnes, comme dit l’intact Pierre Girard, mais
l’
idée d’une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. E
1020
es Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages.
La
SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la p
1021
ns-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à
l’
ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va pr
1022
nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme
le
négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à not
1023
l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de
la
photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernièr
1024
le négatif d’un cliché au positif de la photo que
l’
on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises da
1025
admiration. Elle tient ses dernières assises dans
le
pays qui lui offrait son modèle, mais qui est le seul, ou presque, d’
1026
le pays qui lui offrait son modèle, mais qui est
le
seul, ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue n
1027
presque, d’entre nous, à ne point faire partie de
la
Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne son
1028
us, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle.
Les
deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne sont pas représentés da
1029
e nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent
la
scène ne sont pas représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la
1030
représentés dans cette enceinte. Nous laissons à
la
Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la g
1031
e un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers
la
grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d
1032
s vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où
l’
on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de
1033
chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de
la
crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe », c
1034
qu’importe. Notre idée se « développe », comme on
le
dit en photographie. Nous partons pour une Ligue meilleure. Et, plus
1035
e Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans
l’
ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous
1036
nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de
la
Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y toucho
1037
’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était
le
but de nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il
1038
s, vraiment — il ne s’en faut que d’un atome… » ⁂
Le
hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîné à Cointrin, où
1039
n faut que d’un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que,
le
soir même, je me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans une glo
1040
, emportant un espoir raisonnable : celui de voir
les
Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’id
1041
i de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et
le
vaste monde, en retour, à l’idéal tenace des petits Suisses. o. R
1042
r au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à
l’
idéal tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal
1043
ux députés européens (15 août 1950)p Messieurs
les
députés européens, Vous êtes ici pour faire l’Europe, et non pour fai
1044
s les députés européens, Vous êtes ici pour faire
l’
Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifi
1045
our faire l’Europe, et non pour faire semblant de
la
faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas gr
1046
pe, et non pour faire semblant de la faire. Faire
l’
Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comme
1047
ire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie
la
fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nat
1048
ations qui se croient encore souveraines ? Voyons
l’
Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde cro
1049
e croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire.
Les
Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vu
1050
oyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons
la
Suisse. Tout le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’il a f
1051
nt réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit
l’
avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pou
1052
e monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici
le
récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d
1053
mois. En voici le récit exact. Au début de 1848,
la
Confédération n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cinq États a
1054
eprésentation des peuples. Un seul organe commun,
la
Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires ag
1055
nom des États et prenant leurs rares décisions à
la
majorité des trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps
1056
ns à la majorité des trois quarts. Pratiquement :
le
veto paralysant un corps consultatif aux compétences douteuses et jal
1057
ompétences douteuses et jalousement restreintes ;
les
barrières douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur,
1058
treintes ; les barrières douanières multipliées à
l’
intérieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et mê
1059
es douanières multipliées à l’intérieur, nulles à
l’
extérieur, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre en
1060
multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur,
l’
impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États
1061
rieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant
l’
étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on
1062
r, l’impuissance devant l’étranger et même devant
la
guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour
1063
devant l’étranger et même devant la guerre entre
les
États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état co
1064
tat comparable à celui de notre Europe, sauf pour
le
péril extérieur, qui n’était rien au regard de celui que nous courons
1065
u regard de celui que nous courons. Une partie de
l’
opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, ma
1066
éels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assurer
l’
indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaie
1067
, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais
la
Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté l
1068
it assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète,
les
États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse d
1069
a Diète, les États et leurs experts voyaient dans
le
mot souveraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens
1070
t leurs experts voyaient dans le mot souveraineté
la
réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivab
1071
eraineté la réponse décisive à cette « chimère ».
Le
bon sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par les barrières doua
1072
cisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait
l’
invivable chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rét
1073
on sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par
les
barrières douanières. La routine rétorquait, chiffres en main, que la
1074
ble chaos entretenu par les barrières douanières.
La
routine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne ma
1075
res. La routine rétorquait, chiffres en main, que
la
liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages loca
1076
épandre, aux utopistes qui proposaient d’éteindre
l’
incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civil
1077
pistes qui proposaient d’éteindre l’incendie, que
l’
eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons,
1078
ient d’éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer
les
meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’imp
1079
eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir
l’
impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouv
1080
mouvements, de projets, de discours et de vœux. À
la
faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousias
1081
upe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par
la
Diète le principe d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-l
1082
unes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète
le
principe d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien n
1083
d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-
le
, rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en som
1084
yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.)
La
décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission
1085
(Nous en sommes là en 1950.) La décision survint
l’
année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée
1086
à en 1950.) La décision survint l’année suivante.
Le
17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans
1087
ion survint l’année suivante. Le 17 février 1848,
la
Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-deho
1088
rier 1848, la Commission de révision — nommée par
la
Diète dans son sein et au-dehors — se réunit pour la première fois. E
1089
cide de siéger à huis clos cinq fois par semaine.
Le
8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux
1090
avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet
les
résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est sa
1091
et les résultats aux vingt-cinq États souverains.
Le
15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pen
1092
ltats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai,
la
Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le moi
1093
ai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte
le
27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le
1094
sie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant
le
mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diè
1095
u’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août,
le
peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que
1096
juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans
les
cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est a
1097
le mois d’août, le peuple vote dans les cantons.
Le
12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par
1098
le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre,
la
Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de 2/3 des É
1099
s cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que
la
Constitution est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 de
1100
/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants.
Le
16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe exécutif, entre en fo
1101
seil fédéral, organe exécutif, entre en fonction.
Le
drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des
1102
s prévues et dûment calculées ne se produisirent.
L’
essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un si
1103
nt calculées ne se produisirent. L’essor que prit
la
Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs l
1104
stant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs
les
députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer vingt-cinq États souver
1105
érer vingt-cinq États souverains… Pensez-vous que
l’
Histoire vous en laisse beaucoup plus, pour unir vos États dans un plu
1106
tats dans un plus grand péril ? Vous me direz que
l’
Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre p
1107
? Vous me direz que l’Europe est plus grande que
la
Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souve
1108
uisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser
le
tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses
1109
tabou des souverainetés cantonales absolues ; que
les
cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problè
1110
uisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que
les
problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer
1111
comparer, sans offense, nos modestes sagesses et
les
folies sublimes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’est pas
1112
tions contemporaines. Mais il n’est pas exact que
l’
Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous ête
1113
t que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que
la
Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Ro
1114
pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour
la
guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffisent. Vos Natio
1115
s Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays,
les
deux dont vous sortez suffisent. Vos Nations vivent ensemble depuis a
1116
rs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez
l’
Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas pl
1117
nt pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans
l’
ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, n
1118
s plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne
l’
étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que c
1119
ch par exemple, et de ses petits voisins paysans.
Les
sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’une union « trop
1120
ais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans
la
bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement dif
1121
Certes, comparaison n’est pas raison, mais quand
les
raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est q
1122
, mais quand les raisons de ne rien faire restent
les
mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme
1123
taine forme d’esprit, une cécité partielle devant
les
leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltoni
1124
esprit, une cécité partielle devant les leçons de
l’
Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique
1125
l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer
le
daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse
1126
ison de nommer le daltonisme politique. Messieurs
les
députés, n’oubliez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous les a
1127
e politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
la
Suisse ; elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujo
1128
liez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous
les
arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant ten
1129
de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à
l’
Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédér
1130
ope. Son exemple vivant tend à nous démontrer que
la
solution fédéraliste n’est pas seulement praticable en principe, mais
1131
ose vous supplier d’y réfléchir quelques minutes.
La
Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant
1132
nutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut
la
peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut
1133
ieux se persuader qu’on peut aller très vite. Car
le
temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline
1134
eut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à
l’
affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps
1135
à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline
le
prend. C’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous ri
1136
ui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est
le
temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre,
1137
risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il
le
retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais
1138
t été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est
le
temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille d
1139
e temps de modifier non pas des paragraphes, mais
l’
ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre
1140
pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de
l’
armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés européens
1141
ux députés européens (16 août 1950)q Messieurs
les
députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendi
1142
fédéralistes, qui pensent comme des millions que
le
temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les mi
1143
nt comme des millions que le temps presse, et que
les
lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, s
1144
lions que le temps presse, et que les lenteurs de
l’
Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imp
1145
et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par
les
ministres à l’immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne
1146
eurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à
l’
immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impa
1147
, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont
la
pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impatients, mais angois
1148
octrine, par manie ou par tempérament, comme nous
le
reprochent certains qui, par principe ceux-là, ont décidé une fois po
1149
pour toutes qu’il faut aller lentement dans tous
les
cas. Mais nous ne voyons aucun motif de croire qu’on leur laissera to
1150
ns aucun motif de croire qu’on leur laissera tout
le
temps d’aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente
1151
leur laissera tout le temps d’aller lentement, et
le
loisir d’être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’
1152
r d’être prudents. Festina lente nous disent-ils.
Les
Coréens n’entendent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec l’ac
1153
dent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec
l’
accent anglais. Vous allez me parler, je le sais bien, des grandes dif
1154
é avec l’accent anglais. Vous allez me parler, je
le
sais bien, des grandes difficultés accumulées sur votre route vers l’
1155
andes difficultés accumulées sur votre route vers
l’
unité. Elles sont connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de
1156
re route vers l’unité. Elles sont connues. Ce qui
l’
est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le
1157
nnues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de
les
surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier devo
1158
votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous
le
rappelait récemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se la
1159
ous le rappelait récemment : le premier devoir de
l’
obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres négl
1160
ministres néglige donc son premier devoir. À qui
la
faute ? L’opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il vous f
1161
néglige donc son premier devoir. À qui la faute ?
L’
opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il vous faut dissipe
1162
ssiper. Vous allez, paraît-il, réviser prudemment
les
statuts du Conseil de l’Europe, ainsi que vos rapports internes avec
1163
de l’Europe, ainsi que vos rapports internes avec
le
comité ministériel. Permettez-moi de vous dire que l’opinion s’en moq
1164
omité ministériel. Permettez-moi de vous dire que
l’
opinion s’en moque, parce qu’elle a ses doutes motivés sur vos intenti
1165
ieusement combiné pour s’enrayer sans faute avant
le
départ —, vous en ferez l’usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’impres
1166
rayer sans faute avant le départ —, vous en ferez
l’
usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’impression très nette que vous êt
1167
ous en ferez l’usage qu’elle attend. Elle n’a pas
l’
impression très nette que vous êtes décidés à faire l’Europe envers et
1168
pression très nette que vous êtes décidés à faire
l’
Europe envers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de
1169
nvers et contre toutes ses routines décadentes, à
la
sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouve
1170
re toutes ses routines décadentes, à la sauver de
la
ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vo
1171
s routines décadentes, à la sauver de la ruine en
l’
unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vous voit réti
1172
erts. Ces consultés à la troisième puissance — si
l’
on peut dire ! — répondent après six mois que c’est prématuré, mais qu
1173
é, mais qu’il ne faut rien faire en attendant. Et
l’
opinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête
1174
mande si tout cela dissimule une idée de derrière
la
tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’absence d’idée maîtr
1175
la tête, ou révèle au contraire, bien clairement,
l’
absence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’enten
1176
nde vision du but, de volonté. J’entends bien que
l’
opinion se trompe et méconnaît vos sentiments intimes, qui sont très p
1177
times, qui sont très purs : qu’elle distingue mal
les
forces colossales qui paralysent jusqu’à votre éloquence et vous empê
1178
européen). Certes, il convient de saluer bien bas
les
intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions,
1179
s, il convient de saluer bien bas les intérêts et
les
Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant
1180
intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant
les
Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur n
1181
uiller devant les Constitutions, de ramper devant
les
partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien n
1182
les partis, et de confesser son pur néant devant
les
experts. Mais rien ne pourra jamais me persuader qu’ils aient tous ra
1183
re. Parlons un peu de cette fameuse prudence dont
l’
éloge inlassable embellit vos discours. En somme, que risquez-vous ? J
1184
s faire peur, ce qui peut être plus dangereux que
l’
inaction totale où vous glissez, plus utopique que le maintien du stat
1185
naction totale où vous glissez, plus utopique que
le
maintien du statu quo, plus follement imprudent que vos prudences ? J
1186
ences ? Je ne trouve pas. On dirait que vous avez
le
trac. Vous répétez qu’il faut être prudents quand on s’engage dans un
1187
engage dans une entreprise aussi vaste. Ah ! pour
le
coup, je trouve cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme un mi
1188
us ne vous êtes, jusqu’ici, engagés dans rien que
l’
on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou
1189
che. Quand vous y serez, il sera temps de voir si
la
prudence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à nos calamités
1190
. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer
l’
Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut dire exactem
1191
urait tort, à son avis, de commencer l’Europe par
le
toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut dire exactement, mais cav
1192
Bevin n’a jamais voulu rien commencer. Au reste,
l’
Europe existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement
1193
e familier, ces éternelles prudences nous cassent
les
pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première sessio
1194
dences nous cassent les pieds. On trouverait dans
les
procès-verbaux de votre première session consultative (au second degr
1195
Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit
l’
oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va piano va sano
1196
sano, wait and see, step by step, und so weiter.
Les
vieillards ont l’humeur proverbiale, mais votre assemblée est trop je
1197
, step by step, und so weiter. Les vieillards ont
l’
humeur proverbiale, mais votre assemblée est trop jeune. Je lui propos
1198
elques slogans nouveaux et quelques amendements à
la
sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais par
1199
n, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III.
L’
oiseau fait son nid en un jour — toutes affaires cessantes. On peut to
1200
, pour celui qui ne veut rien. Chi va piano perd
la
Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux.
1201
ui qui ne veut rien. Chi va piano perd la Corée.
La
prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me rés
1202
ien. Chi va piano perd la Corée. La prudence est
le
vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion v
1203
la Corée. La prudence est le vice des timides et
la
vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’ent
1204
timides et la vertu des audacieux. Je me résume.
L’
opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous
1205
me. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans
les
subtilités. Elle vous demande « Que voulez-vous faire ? » Si vous ne
1206
ulez-vous faire ? » Si vous ne voulez pas fédérer
l’
Europe, vous ne voulez rien qui l’intéresse. Si vous ne faites rien ce
1207
lez pas fédérer l’Europe, vous ne voulez rien qui
l’
intéresse. Si vous ne faites rien cet été, vous serez oubliés cet auto
1208
e sérieux, vous pouvez encore rendre un service à
l’
Europe ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’agir.
1209
re un service à l’Europe ; allez-vous-en. Laissez
la
place à ceux qui ont décidé d’agir. Avouez que rien ne vous paraît po
1210
ais cessez de faire semblant d’être là. Constater
le
néant représente un progrès sur l’entretien d’une illusion coûteuse d
1211
là. Constater le néant représente un progrès sur
l’
entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si qu
1212
hevé. Mais si quelques-uns d’entre vous, comme je
le
crois, sont fédéralistes, qu’ils le disent, qu’ils proclament leur bu
1213
ous, comme je le crois, sont fédéralistes, qu’ils
le
disent, qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un instant.
1214
s un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est
le
passage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de, « Deuxième l
1215
Troisième lettre aux députés européens :
L’
orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens
1216
sième lettre aux députés européens : L’orgueil de
l’
Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai tenté
1217
’orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs
les
députés européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en
1218
urs les députés européens, J’ai tenté de traduire
le
sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était
1219
é de traduire le sentiment des peuples en face de
l’
inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu
1220
le sentiment des peuples en face de l’inertie de
l’
Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun pe
1221
t voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je
le
sais, s’en affligent. (On peut penser que ce n’est pas suffisant.) Au
1222
as suffisant.) Aujourd’hui, je voudrais vous dire
l’
admiration et le respect que j’éprouve, non point hélas ! pour vos suc
1223
ujourd’hui, je voudrais vous dire l’admiration et
le
respect que j’éprouve, non point hélas ! pour vos succès jusqu’à cett
1224
s ! pour vos succès jusqu’à cette date, mais pour
le
rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de reven
1225
e, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour
le
nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont, par avance, je vo
1226
, je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés de
l’
Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Euro
1227
ssieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer
la
grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie
1228
ns de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de
l’
Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu le
1229
oilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu
le
droit d’être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos pe
1230
ucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme
l’
héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement l
1231
millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement
les
députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de
1232
lles capitales, et de cent-vingt provinces, et de
la
génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’
1233
de cent-vingt provinces, et de la génération qui
les
peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes
1234
illions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous
les
accents locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances
1235
de femmes, mais par-delà tous les accents locaux,
les
intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui
1236
par-delà tous les accents locaux, les intérêts et
les
passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent ou d
1237
ts locaux, les intérêts et les passions, par-delà
les
croyances et les révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vo
1238
térêts et les passions, par-delà les croyances et
les
révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les déput
1239
ances et les révoltes qui rassemblent ou divisent
les
vivants, vous êtes les députés d’une aventure humaine qui tente à tra
1240
ui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes
les
députés d’une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoi
1241
e aventure humaine qui tente à travers vous, dans
l’
angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle.
1242
aine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et
l’
espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le s
1243
ente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoir,
le
risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou
1244
s vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et
la
grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous ête
1245
e et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous
le
sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusa
1246
é nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes
les
députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscie
1247
s les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem.
Les
députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais pris
1248
’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de
la
conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son desti
1249
ome et de Jérusalem. Les députés de la conscience
la
plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chanc
1250
Les députés de la conscience la plus inquiète que
l’
homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. L
1251
ait jamais prise de son destin et des chances de
le
surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu pl
1252
ise de son destin et des chances de le surmonter.
Les
députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que l
1253
monter. Les députés non point d’une presqu’île de
l’
Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % d
1254
d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que
la
Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la superficie du globe, mais
1255
e que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de
la
superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âges,
1256
âges, d’un cap médiocre en dimensions physiques,
le
cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation
1257
cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et
le
cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne
1258
en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de
l’
humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne s’offre à rem
1259
s’offre à remplacer, et qui a su remplacer toutes
les
autres. D’où vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le mon
1260
vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé
le
monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et d
1261
dépassement du destin dont nous cherchons en vain
l’
égal sur la Planète ? Sans remonter jusqu’au déluge, ni même jusqu’aux
1262
du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur
la
Planète ? Sans remonter jusqu’au déluge, ni même jusqu’aux Anciens qu
1263
déluge, ni même jusqu’aux Anciens qui manquent à
l’
Amérique, ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesur
1264
jusqu’aux Anciens qui manquent à l’Amérique, ou à
la
Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critiqu
1265
à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de
la
mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européens,
1266
re et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous
les
Européens, depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inve
1267
ue n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle :
le
marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses h
1268
pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et
la
psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la
1269
cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse,
la
sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généra
1270
le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et
les
grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physiq
1271
sociologie et les grandes synthèses historiques,
la
relativité généralisée et la physique nucléaire, la radio et le ciném
1272
nthèses historiques, la relativité généralisée et
la
physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT,
1273
relativité généralisée et la physique nucléaire,
la
radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique
1274
généralisée et la physique nucléaire, la radio et
le
cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar,
1275
et la physique nucléaire, la radio et le cinéma,
la
pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationa
1276
cléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et
le
DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travai
1277
la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT,
le
pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail indust
1278
pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et
le
radar, la rationalisation du travail industriel, la construction méta
1279
ne et le DDT, le pétrole synthétique et le radar,
la
rationalisation du travail industriel, la construction métallique, l’
1280
radar, la rationalisation du travail industriel,
la
construction métallique, l’école active, le syndicalisme et les coopé
1281
u travail industriel, la construction métallique,
l’
école active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art mode
1282
riel, la construction métallique, l’école active,
le
syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier
1283
on métallique, l’école active, le syndicalisme et
les
coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique,
1284
ve, le syndicalisme et les coopératives, et enfin
l’
art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poésie, théâ
1285
; presque tous leurs grands noms sont des noms de
l’
Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de
1286
s leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et
les
très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, d
1287
des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus,
le
monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. P
1288
er peut être appelé une création européenne. Pour
le
bien comme pour le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et n
1289
une création européenne. Pour le bien comme pour
le
mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos proc
1290
’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à
les
tourner contre nous. Que sont en fin de compte les deux empires qui p
1291
es tourner contre nous. Que sont en fin de compte
les
deux empires qui prétendent partager notre monde ? L’Amérique, la Rus
1292
eux empires qui prétendent partager notre monde ?
L’
Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Ca
1293
qui prétendent partager notre monde ? L’Amérique,
la
Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de M
1294
s philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes
les
Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et
1295
ssieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous
l’
invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans
1296
Députés. On attend de vous l’invention qui sauve
la
paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans une fonction qu’aucun
1297
ion qui sauve la paix du monde, et qui maintienne
l’
Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sé
1298
lui disputer sérieusement. Je viens d’entendre à
la
radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’E
1299
uter sérieusement. Je viens d’entendre à la radio
le
Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’Europe a s
1300
n de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que
l’
Europe a su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe
1301
alzbourg. Voilà ce que l’Europe a su faire. Toute
la
musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les
1302
faire. Toute la musique est née du contrepoint de
l’
Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des s
1303
du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs,
les
députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les d
1304
. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de
l’
opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la
1305
art, de l’opéra, des symphonies et des Passions ;
les
députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosop
1306
ies et des Passions ; les députés de Goethe et de
la
littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des sav
1307
n et des savants ; de Rembrandt et des peintres ;
les
députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du
1308
ntres ; les députés aussi des auteurs anonymes de
la
Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des éta
1309
ymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de
l’
esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume
1310
Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de
l’
avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre
1311
us êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre
l’
envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentim
1312
re de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et
le
sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vo
1313
éas, et le sentiment très vif de mon néant devant
l’
ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En
1314
ntiment très vif de mon néant devant l’ampleur de
la
mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En vérité, je n
1315
t par angoisse et en dernier recours, soulevé par
la
passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent,
1316
n dernier recours, soulevé par la passion de tous
les
hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’E
1317
t pas seulement ceux de notre continent, pour qui
le
nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les
1318
continent, pour qui le nom d’Europe a représenté
la
beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis
1319
r qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans
la
vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin,
1320
nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie,
l’
intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgr
1321
représenté la beauté dans la vie, l’intelligence,
les
secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes,
1322
ntelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur
le
destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’être humain. Mais ce
1323
conquis sur le destin, et malgré tant de crimes,
l’
honneur de l’être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur,
1324
le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de
l’
être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette cons
1325
conscience inquiète aussi, et ce grand risque de
la
liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’histoi
1326
ut cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans
l’
histoire concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamai
1327
se, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire
la
force du siècle. Messieurs les députés européens, saurez-vous mériter
1328
esses pour en faire la force du siècle. Messieurs
les
députés européens, saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous
1329
saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous
la
grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec
1330
ériter votre nom ? On attend de vous la grandeur.
Les
chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de
1331
m ? On attend de vous la grandeur. Les chances de
l’
Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Pers
1332
es de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec
les
chances de l’homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi
1333
aujourd’hui, sont confondues avec les chances de
l’
homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel desti
1334
is de, « Troisième lettre aux députés européens :
L’
orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
1335
sième lettre aux députés européens : L’orgueil de
l’
Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
1336
uatrième lettre aux députés européens : En lisant
le
pamphlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de l’Assemblée
1337
t du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de
l’
Assemblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de Moza
1338
emblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas
le
député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de
1339
e, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier
le
nom d’Europe, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour P
1340
ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien
l’
auteur du Manifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’un
1341
rope, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par
le
Labour Party sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde
1342
uteur du Manifeste publié par le Labour Party sur
le
problème de l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continen
1343
ste publié par le Labour Party sur le problème de
l’
unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y voit,
1344
alth, d’autre part ne sont pas socialistes, ou ne
le
sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? L
1345
t ne sont pas socialistes, ou ne le sont pas avec
le
bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? Leur existence est
1346
ujours clair. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux.
L’
idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foye
1347
r. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que
l’
Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventi
1348
de civilisation, un foyer d’inventions dans tous
les
ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix,
1349
i, et de formes de vie, cette idée par exemple ne
l’
effleure pas. Il n’y a pour lui qu’un seul problème : la politique du
1350
eure pas. Il n’y a pour lui qu’un seul problème :
la
politique du plein emploi ; une seule méthode : étatiser les industri
1351
ue du plein emploi ; une seule méthode : étatiser
les
industries ; un seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ;
1352
étatiser les industries ; un seul pays qui ait su
le
faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen. En effet,
1353
s industries ; un seul pays qui ait su le faire :
la
Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen. En effet, dit le pam
1354
ne ; et ce pays n’est pas européen. En effet, dit
le
pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près des Dominions que d
1355
est pas européen. En effet, dit le pamphlet, nous
les
Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par n
1356
glais, nous sommes plus près des Dominions que de
l’
Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes social
1357
et nos intérêts économiques »… Je ne sais ce que
les
Hindous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pen
1358
êts économiques »… Je ne sais ce que les Hindous,
les
Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces o
1359
ques »… Je ne sais ce que les Hindous, les Boers,
les
Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines com
1360
indous, les Boers, les Canadiens français et même
les
Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue politiqu
1361
les Irlandais, pensent de ces origines communes…
Le
point de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur
1362
de vue politique des Dominions n’est pas celui de
l’
auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo
1363
que des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur
la
question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un s
1364
ns n’est pas celui de l’auteur sur la question de
l’
Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays
1365
i de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir
les
résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travaillist
1366
; et pas un seul de ces pays n’est travailliste…
Les
habitudes sociales, les intérêts… On devine ce qu’il y aurait à dire
1367
pays n’est travailliste… Les habitudes sociales,
les
intérêts… On devine ce qu’il y aurait à dire là-dessus. Bref, une seu
1368
, une seule chose paraît claire, dans tout cela :
les
habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et
1369
paraît claire, dans tout cela : les habitants de
la
Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Z
1370
tants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de
l’
Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis
1371
-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de
la
Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même langu
1372
angue. Si c’est celle du pamphlet, tremblons pour
la
famille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M.
1373
lle du pamphlet, tremblons pour la famille ! Tous
les
adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vo
1374
emblons pour la famille ! Tous les adversaires de
l’
Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se d
1375
m ne saurait être envisagé que s’il n’affecte pas
les
intérêts anglais, et que si toute l’Europe se convertit à l’étatisme
1376
affecte pas les intérêts anglais, et que si toute
l’
Europe se convertit à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base
1377
anglais, et que si toute l’Europe se convertit à
l’
étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-di
1378
-dire d’action positive. À ces deux conditions de
l’
union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et
1379
tion positive. À ces deux conditions de l’union —
les
mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et l’autre en
1380
eux conditions de l’union — les mieux faites pour
la
rendre impossible, l’une en esprit et l’autre en probabilité —, M. Da
1381
rit et l’autre en probabilité —, M. Dalton soumet
le
Conseil de l’Europe. Et cela produit des résultats bizarres. Votre As
1382
travail, pourvu qu’elle n’ait aucun pouvoir. Mais
le
Comité ministériel cessera d’être démocratique s’il accepte la loi de
1383
istériel cessera d’être démocratique s’il accepte
la
loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, en
1384
essera d’être démocratique s’il accepte la loi de
la
majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu’el
1385
accepte la loi de la majorité. Cette logique fait
la
nouveauté du daltonisme, encore qu’elle ne soit pas tout inconnue des
1386
t pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur
l’
axiome que la démocratie est identique au socialisme anglais. Il en dé
1387
connue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que
la
démocratie est identique au socialisme anglais. Il en découle primo :
1388
é travailliste ne saurait être tolérable que dans
la
mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement europ
1389
e dans la mesure où elle reste impuissante — d’où
le
refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régi
1390
le refus d’un Parlement européen ; secundo : que
les
champions d’un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être co
1391
: que les champions d’un régime fédéral fondé sur
la
majorité « doivent être considérés comme les ennemis les plus dangere
1392
é sur la majorité « doivent être considérés comme
les
ennemis les plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus d
1393
orité « doivent être considérés comme les ennemis
les
plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute auto
1394
onsidérés comme les ennemis les plus dangereux de
l’
unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique super-
1395
es plus dangereux de l’unité européenne », — d’où
le
refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité
1396
te autorité politique super-nationale. Cet ami de
l’
unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des adversair
1397
quettes des adversaires et des alliés inattendus.
Les
socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs br
1398
socialistes continentaux seront des premiers, et
les
conservateurs britanniques des seconds. On devine que ces conservateu
1399
apparaissent contradictoires. Et cependant, pour
l’
étonnement des cartésiens, cette logique différente les conduit aux mê
1400
onnement des cartésiens, cette logique différente
les
conduit aux mêmes conclusions négatives. Au Parlement européen, s’il
1401
uropéen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à
l’
Autorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne
1402
rité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de
l’
autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un
1403
t de l’autorité et ne souffre donc point de veto,
les
Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que le chanceli
1404
veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans
la
même langue que le chancelier du Lancaster. Opposés en tout, sauf en
1405
isent non d’un seul cœur, dans la même langue que
le
chancelier du Lancaster. Opposés en tout, sauf en cela, conservateurs
1406
bissent plus que d’autres en leur île : j’entends
le
nationalisme étatisé et le mythe survivant des souverainetés. L’un no
1407
n leur île : j’entends le nationalisme étatisé et
le
mythe survivant des souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il
1408
n d’agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans
le
fait, où sont nos souverainetés ? Qui les a vues depuis quelques déce
1409
Car dans le fait, où sont nos souverainetés ? Qui
les
a vues depuis quelques décennies ? Qui donc ose les défendre ouvertem
1410
s a vues depuis quelques décennies ? Qui donc ose
les
défendre ouvertement, à part nos staliniens sur l’ordre du Kremlin ?
1411
s défendre ouvertement, à part nos staliniens sur
l’
ordre du Kremlin ? Et comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est
1412
, écrit au Times qu’elles ne font point partie de
la
doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient di
1413
de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et
les
jésuites pensaient différemment, mais c’était il y a trois-cents ans.
1414
t très bien, en somme. On essaie de nous dire que
l’
opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? Les peuples, inter
1415
ire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui
l’
exprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bien en pe
1416
inion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ?
Les
peuples, interrogés sur la question, seraient bien en peine d’en comp
1417
n, et qui l’exprime ? Les peuples, interrogés sur
la
question, seraient bien en peine d’en comprendre le sens. Ils n’aimen
1418
question, seraient bien en peine d’en comprendre
le
sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez eux. C’est tout.
1419
ine d’en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que
l’
étranger commande chez eux. C’est tout. Mais s’il faut éviter que l’ét
1420
e chez eux. C’est tout. Mais s’il faut éviter que
l’
étranger soit Staline, ils acceptent fort bien que leurs armées soient
1421
vait dévalué. Je cherche en vain : Où sont encore
les
souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépenden
1422
sont encore les souverainetés de nos États, quand
l’
armée et l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail
1423
les souverainetés de nos États, quand l’armée et
l’
économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Restent
1424
’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour
la
forme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal c
1425
économie n’en dépendent plus que pour la forme et
le
détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et
1426
ent plus que pour la forme et le détail ? Restent
les
tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et les calibres différe
1427
orme et le détail ? Restent les tarifs douaniers,
les
monnaies mal couvertes, et les calibres différents : tout le monde vo
1428
tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et
les
calibres différents : tout le monde voudrait leur unification. Et qua
1429
caux, je ne vois pas que leur variété ait empêché
les
États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraine
1430
que leur variété ait empêché les États des US ou
les
cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue
1431
té ait empêché les États des US ou les cantons de
la
Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc pl
1432
des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer.
La
souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’un prétexte au droi
1433
n prétexte au droit de veto, qui revient à donner
le
seul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le ve
1434
à donner le seul pouvoir réel, quoique négatif, à
la
minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nationali
1435
éel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière
le
veto se cachent en fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et l
1436
minorité ; et derrière le veto se cachent en fait
les
vieux nationalistes, les daltoniens, et les totalitaires cyniques. (O
1437
veto se cachent en fait les vieux nationalistes,
les
daltoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens ser
1438
fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et
les
totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient-ils naïfs, qu
1439
altoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien
les
staliniens seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’un État étr
1440
n d’un État étranger qu’ils disent vouloir garder
la
souveraineté du leur ?) Messieurs les députés, ce serait pure folie q
1441
uloir garder la souveraineté du leur ?) Messieurs
les
députés, ce serait pure folie que d’essayer de sauver ce qui s’en va,
1442
ue d’essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de
l’
avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverai
1443
e qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est.
La
question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comme
1444
mauvais motif qui en cache de pires, pour arrêter
l’
élan vers notre union. N’attaquez pas les souverainetés, dépassez-les
1445
r arrêter l’élan vers notre union. N’attaquez pas
les
souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe
1446
union. N’attaquez pas les souverainetés, dépassez-
les
! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépend
1447
s souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à
l’
échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu
1448
és, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de
l’
Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu
1449
e, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent.
Le
peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppression des souve
1450
. Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté
la
suppression des souverainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains s
1451
ainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains sur
le
papier, mais fédérés en fait. Chacun d’eux a gardé sa personnalité, p
1452
d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes
les
couleurs du prisme, leur a donné presque sans qu’ils s’en doutent la
1453
me, leur a donné presque sans qu’ils s’en doutent
la
force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n
1454
onné presque sans qu’ils s’en doutent la force et
les
moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons ri
1455
ans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de
l’
indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus, n
1456
uatrième lettre aux députés européens : En lisant
le
pamphlet du Labour Party », Journal de Genève, Genève, 18 août 1950,
1457
tez votre nom ! » (19-20 août 1950)t Messieurs
les
députés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera so
1458
» (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de
l’
Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne
1459
utés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que «
l’
Europe sera socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix
1460
nt très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà
l’
ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pour tous ceux qui pourra
1461
a vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer que
l’
Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou alleman
1462
t, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous
les
ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l’unificat
1463
dure, dans ses diversités de tous les ordres, que
l’
on ne peut préserver que par l’union, et que l’unification tuerait. Ma
1464
us les ordres, que l’on ne peut préserver que par
l’
union, et que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-prop
1465
ue l’on ne peut préserver que par l’union, et que
l’
unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propre, sans replis
1466
’est clair. Seuls, ceux qui veulent passionnément
le
But se résoudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ont point
1467
ux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de
l’
Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant
1468
n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont
le
regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité
1469
pe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à
l’
union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire compren
1470
essité, il nous reste à leur faire comprendre que
le
pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je
1471
ne suis pas contre, mais voyez ces difficultés !
L’
Opinion, par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rie
1472
faire sans elle. » C’est qu’ils se prennent pour
l’
opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfute
1473
our l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous
les
sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent leurs arrière-pen
1474
ensées, dénonçant leur parti pris de scepticisme.
Les
deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les int
1475
e. Les deux tiers des Européens se déclarent pour
l’
union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer l
1476
es Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on
les
interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opi
1477
s interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer
la
Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marc
1478
n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais
l’
opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Pégu
1479
pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on
l’
entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivr
1480
le ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et
les
sceptiques, alors, pourront bien dire : J’avais raison, voyez l’obsta
1481
alors, pourront bien dire : J’avais raison, voyez
l’
obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les
1482
ien dire : J’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils
l’
auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurm
1483
oyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité.
L’
œil du sceptique crée les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes
1484
auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée
les
obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’opinions, celle que l’
1485
ntables. Il y a deux sortes d’opinions, celle que
l’
on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’a
1486
eux sortes d’opinions, celle que l’on invoque, et
la
vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les lais
1487
e qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui
les
laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre qui vote. La pre
1488
autre qui vote. La première est exactement ce que
la
presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient
1489
e. La première est exactement ce que la presse et
la
radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soi
1490
ey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute
l’
opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela,
1491
ors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truman élu,
l’
opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a
1492
opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle
l’
était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret
1493
cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans
le
secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe
1494
elle n’a pu parler que dans le secret des urnes.
L’
opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bouger
1495
le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je
la
sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites pre
1496
urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est
l’
Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle
1497
as, si vous ne faites presque rien. Elle laissera
les
sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale.
1498
les sceptiques parler « au nom des masses » dans
l’
indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer p
1499
ses » dans l’indifférence générale. Elle laissera
le
Conseil de l’Europe murmurer pudiquement chaque année qu’il reste dés
1500
ent chaque année qu’il reste désireux d’envisager
l’
étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment
1501
e quelques mesures préalables tendant à renforcer
le
sentiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une
1502
ntiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à «
l’
avènement d’une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes
1503
ment d’une union plus intime entre ses membres ».
Les
manchettes des journaux parleront d’un « pas important vers l’union »
1504
des journaux parleront d’un « pas important vers
l’
union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces en
1505
parleront d’un « pas important vers l’union ». Et
les
Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements témér
1506
r à ces engagements téméraires avant d’avoir pris
le
temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas
1507
ier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous
les
cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le C
1508
de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut
les
conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, s
1509
t les conduire absolument à rien. Soyons francs :
le
Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des princip
1510
le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans
le
domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que
1511
e de bien à notre cause à tous. On me dira que si
l’
on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, c
1512
si l’on se contente d’affirmer des principes sans
les
mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait
1513
principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui
les
professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il fau
1514
professe, et ne vaut rien en face des Russes qui
les
assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes s
1515
sses qui les assènent. Il faut des actes, dit-on.
La
phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles.
1516
. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague.
Les
actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre europ
1517
est vague. Les actes sont parfois plus vains que
les
paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque
1518
chose de concret… Et je me garde de sous-estimer
la
puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-
1519
rons un peu déçus, et Staline très content. Voici
l’
acte que je vous propose, au nom de l’opinion qui ne parle pas encore.
1520
tent. Voici l’acte que je vous propose, au nom de
l’
opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez
1521
m de l’opinion qui ne parle pas encore. Messieurs
les
députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car le
1522
ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous
le
savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus
1523
savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car
les
vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation.
1524
ès simple appuie cette suggestion. On ne fera pas
l’
Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de l
1525
r ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de
la
parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’infor
1526
t constituer notre fédération. On n’informera pas
les
peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la fi
1527
peuples sans une propagande massive. Personne n’a
les
moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campag
1528
ne propagande massive. Personne n’a les moyens de
la
financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale
1529
massive. Personne n’a les moyens de la financer.
La
seule solution concevable, c’est une campagne électorale organisée pa
1530
able, c’est une campagne électorale organisée par
les
États, en vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europ
1531
e de nommer leurs députés au premier Parlement de
l’
Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements féd
1532
r leurs députés au premier Parlement de l’Europe.
Les
partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements fédéralistes a
1533
rope. Les partis présenteront leurs candidats. Et
les
mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionne
1534
ndidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et
les
groupes d’intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. I
1535
ne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer.
La
condition à la fois nécessaire et suffisante d’une telle campagne, c’
1536
ur sort peut changer, matériellement aussi, selon
l’
issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu
1537
ue des élections. En d’autres termes, il faut que
le
Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but con
1538
un projet bien précis de Constitution fédérale de
l’
Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre,
1539
fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de
l’
élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission
1540
Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez
la
nommer. Le Comité ministériel va s’y opposer ? Vous pouvez passer out
1541
. Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer.
Le
Comité ministériel va s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jure
1542
jurer de rester où vos parlements vous envoient. (
Les
ministres dépendent aussi de vos parlements, qui restent les seuls ju
1543
es dépendent aussi de vos parlements, qui restent
les
seuls juges d’un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez
1544
uel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous
l’
opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique
1545
aurez avec vous l’opinion vraie dans sa majorité,
les
militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre e
1546
’opinion vraie dans sa majorité, les militants de
l’
Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vou
1547
raie dans sa majorité, les militants de l’Europe,
la
logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’accept
1548
ajorité, les militants de l’Europe, la logique de
l’
Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous n
1549
militants de l’Europe, la logique de l’Histoire,
le
réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez
1550
acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous que
le
vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier !
1551
s, vous ne trouverez derrière vous que le vide et
l’
indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous me
1552
s que le vide et l’indifférence ; et devant vous,
le
rire des hommes d’acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vo
1553
qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de
l’
obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enf
1554
fin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de
le
penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose au
1555
chose au monde est plus difficile à concevoir que
le
maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée,
1556
ile à concevoir que le maintien du statu quo, que
la
vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que
1557
ncevoir que le maintien du statu quo, que la vie,
la
durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous sav
1558
, la durée de notre Europe divisée, devant toutes
les
menaces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étend
1559
aces que vous savez : un régime social déficient,
le
chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l
1560
: un régime social déficient, le chômage étendu,
la
ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une
1561
icient, le chômage étendu, la ruine à bref délai,
les
trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu
1562
ruine à bref délai, les trois-cents divisions de
l’
armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en sommes,
1563
que plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter
l’
impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, mê
1564
rt, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même
l’
espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne. Voilà le par
1565
oint risquer la dernière chance européenne. Voilà
le
pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Mes
1566
ce européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à
l’
audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il v
1567
e pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous
la
Constitution ! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore que je
1568
l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs
les
députés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix pre
1569
ez mes violences et mes impertinences : comprenez
l’
anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bi
1570
es et mes impertinences : comprenez l’anxiété qui
les
dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’une parti
1571
! Mais beaucoup d’entre vous veulent agir, et je
les
supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne
1572
ent agir, et je les supplie maintenant, au nom de
l’
Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir d
1573
r notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore
l’
espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mai
1574
spoir des peuples libres, ni des peuples muets de
l’
Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet
1575
peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez
le
devenir et sonner le ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg.
1576
t européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner
le
ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, t
1577
nt à cela, tout tient à votre sage audace. Car si
l’
Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des mass
1578
pe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans
le
cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personn
1579
cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra
la
défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Moz
1580
s raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour
les
chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane
1581
une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra
le
problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’
1582
autre, qui résoudra le problème du chômage, mais
l’
union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire recu
1583
ge, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous
l’
imposer ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants, et parfois lé
1584
Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer
les
intérêts puissants, et parfois légitimes, qui se révèlent contraires
1585
légitimes, qui se révèlent contraires au salut de
l’
ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous pr
1586
si quelqu’un nous propose une autre solution que
l’
Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les déput
1587
dérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs
les
députés européens, je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui
1588
résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de
l’
avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom, fa
1589
méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez
l’
Europe pendant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg
1590
Patriarche (29-30 novembre 1952)u Détaché vers
l’
est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pay
1591
e (29-30 novembre 1952)u Détaché vers l’est et
la
Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex
1592
t la Suisse par un département qui se tourne vers
l’
ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de l
1593
se par un département qui se tourne vers l’ouest,
le
pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France
1594
ex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de
la
France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de Ge
1595
vendre ses bœufs, mais s’arrête avant de toucher
les
rives du lac ; les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau
1596
mais s’arrête avant de toucher les rives du lac ;
les
paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est
1597
les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas
l’
eau. La frontière est partout, sans nulle raison visible, découpant un
1598
ysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau.
La
frontière est partout, sans nulle raison visible, découpant une contr
1599
s nulle raison visible, découpant une contrée que
la
nature avait conçue d’un seul tenant. Je connais peu de paysages auss
1600
nant. Je connais peu de paysages aussi complets :
la
plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les mont
1601
es intimités cloisonnées de rideaux de peupliers,
les
montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et le familier, l
1602
ers, les montagnes lointaines ou proches figurant
le
sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces p
1603
gnes lointaines ou proches figurant le sublime et
le
familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre
1604
es ou proches figurant le sublime et le familier,
le
grand couloir des vents européens et ces prairies entre deux bois de
1605
ux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui
l’
inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureu
1606
nd passa des heures d’heureux ennui, méditant sur
la
gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la
1607
heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et
les
jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne
1608
ui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney.
Le
souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement
1609
ux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute
la
région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces
1610
me toute la région ; il ne vit pas seulement dans
les
mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, ces c
1611
s, ces allées de peupliers, ces champs gagnés sur
les
marais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument l
1612
eupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà
l’
œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a
1613
vre du Patriarche au pays de Gex, et son monument
le
plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Ma
1614
igre, et ce rire édenté de vieillard polisson qui
le
rendent présent parmi nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie sur
1615
i nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie sur
le
socle : Face nord : Au bienfaiteur de Ferney Voltaire fait constru
1616
fait construire plus de cent maisons Il donne à
la
ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marai
1617
église, une école, un hôpital Il fait dessécher
les
marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit le
1618
Il établit des foires et des marchés Il nourrit
les
habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe
1619
et des marchés Il nourrit les habitants pendant
la
disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe Calas, Sirven, Mon
1620
Au poète philosophe Calas, Sirven, Montbailli,
La
Barre, Lally-Tollendal Émancipation des serfs du Jura Affranchiss
1621
ura Affranchissement du pays de Gex Essai sur
les
Mœurs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irène. Le voilà, l’écri
1622
rs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irène.
Le
voilà, l’écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pa
1623
nnaire philosophique, Tancrède, Irène. Le voilà,
l’
écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et cer
1624
e. Le voilà, l’écrivain « engagé » ! Il ignorait
le
mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il ét
1625
mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne
l’
aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plu
1626
cent vertus. « Marchez toujours en ricanant dans
le
chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans
1627
« Marchez toujours en ricanant dans le chemin de
la
vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, cont
1628
», écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans
le
curé, contre les tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il
1629
à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, contre
les
tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il édifiait, il réfo
1630
, c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. »
Les
cèdres du Caucase, envoyés par la grande Catherine, périclitent. Mais
1631
a pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par
la
grande Catherine, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Ge
1632
nvoyés par la grande Catherine, périclitent. Mais
les
arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de so
1633
e Catherine, périclitent. Mais les arbres bordant
la
route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux.
1634
s, il faisait bâtir une église neuve. Au fronton,
l’
on peut lire encore : Deo erexit Voltaire. « Deux bien grands noms ! »
1635
t Voltaire. « Deux bien grands noms ! », disaient
les
voyageurs du temps. Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et
1636
ns ostentation, et ne se privait pas de haranguer
le
bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de famille. C’est i
1637
ait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de
la
messe, en vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inven
1638
la messe, en vieux père de famille. C’est ici que
la
publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait plus une lettre aux princ
1639
lettre aux princes intellectuels et temporels de
l’
Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de
1640
de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant
la
qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dan
1641
ité des montres de Ferney, ou des bas de soie que
l’
on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de
1642
ait dans sa fabrique. La première paire parvint à
la
duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, une
1643
à la duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez
les
mettre, Madame, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui v
1644
auvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans,
le
village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui devie
1645
t une paire de souliers à un cordonnier », disent
les
Mémoires secrets. Mille tractations qu’il combine avec joie permetten
1646
s qu’il combine avec joie permettent de supprimer
les
douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ce
1647
e ne pouvait un seul individu, dans ces temps que
l’
on nous a décrits comme adversaires des libertés réelles ! Enfin, Volt
1648
s réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de
la
gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre homma
1649
assaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi
le
peuple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de V
1650
e. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage, à
la
Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité »
1651
mage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire
le
reçoit « avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfant
1652
. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur
le
perron de son château. Les enfants du village en habits de bergers lu
1653
avec sensibilité », sur le perron de son château.
Les
enfants du village en habits de bergers lui présentent des œufs, du l
1654
d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure «
le
sentiment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en u
1655
orbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de
l’
assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce vos
1656
ie, figure « le sentiment doux » de l’assistance.
Les
garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce vos soldats ? » de
1657
, en uniformes. « Sont-ce vos soldats ? » demande
le
prince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de
1658
ande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit
le
grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par u
1659
Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller
la
plante des pieds pendant la nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais
1660
t pas lui chatouiller la plante des pieds pendant
la
nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais certes son exemple vient cha
1661
ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre
le
xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse
1662
s de Candide et cette Bourse des valeurs de toute
l’
Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survo
1663
Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de
l’
Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jo
1664
(et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève.
Le
tout survolé trente fois par jour par des avions de New York, de l’In
1665
ente fois par jour par des avions de New York, de
l’
Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche,
1666
’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière
le
bois tout proche, qui assourdit tout d’un coup leur grondement. Vous
1667
coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est
le
centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’un lieu qu’on aim
1668
que ce pays est le centre du monde. C’est ce que
l’
on pense toujours d’un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au
1669
Aller et retour (21 mai 1953)v Parmi toutes
les
raisons de faire l’Europe, économiques, militaires, culturelles, il y
1670
1 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire
l’
Europe, économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci, qui n’e
1671
: rendre nos différentes nations indépendantes de
l’
aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pa
1672
pendantes de l’aide américaine. J’écris ceci dans
la
pleine conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique
1673
conviction qu’il n’est pas un des responsables de
la
politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état
1674
ndiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à
l’
état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union,
1675
de notre manque d’union, appellent dangereusement
l’
Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans
1676
llent dangereusement l’Amérique à prendre en main
le
sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, natio
1677
alistes et communistes s’unissent pour dénoncer «
l’
emprise économique des USA », représentée à leurs yeux par le plan Mar
1678
conomique des USA », représentée à leurs yeux par
le
plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Washington », confirmé
1679
leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ; «
l’
arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’étud
1680
gance de Washington », confirmée à leurs yeux par
le
voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l
1681
M. Dulles et certains articles de Life ; enfin «
l’
invasion culturelle » symbolisée par le succès des Digests. Selon les
1682
; enfin « l’invasion culturelle » symbolisée par
le
succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée
1683
lle » symbolisée par le succès des Digests. Selon
les
inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui se branche sur le
1684
cette campagne insensée — mais qui se branche sur
le
sentiment spontané de larges masses, latines surtout —, les nations e
1685
ent spontané de larges masses, latines surtout —,
les
nations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instr
1686
déjà réduites au rôle de simples « instruments de
la
grandeur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette situa
1687
de nous offre-t-on à cette situation humiliante ?
Le
statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste
1688
-on à cette situation humiliante ? Le statu quo ?
L’
éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait bruta
1689
umiliante ? Le statu quo ? L’éloquence indignée ?
L’
adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est
1690
statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de
la
ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi long
1691
ce indignée ? L’adoption de la ligne communiste ?
Le
fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi longtemps que nos pays res
1692
et même rivaux, ils seront incapables de soutenir
la
concurrence américaine, incapables d’assurer leur défense, incapables
1693
leur indépendance réelle. D’où vient, après tout,
la
puissance, non moins redoutée que sollicitée, des USA ? Leur nom même
1694
répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux
le
« grand marché commun » qui est la condition nécessaire de toute exis
1695
créé entre eux le « grand marché commun » qui est
la
condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde du
1696
autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait
l’
histoire de cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se
1697
ècle. On sait l’histoire de cette union. En 1787,
les
treize États qui venaient de se libérer de la tutelle britannique déc
1698
7, les treize États qui venaient de se libérer de
la
tutelle britannique décidèrent que leur simple alliance confédérale d
1699
délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de
l’
Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars
1700
ennent de voter un projet similaire, à Strasbourg
le
10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposition se montra
1701
aire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à
le
faire ratifier. L’opposition se montra violente. Dans quelques villes
1702
le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier.
L’
opposition se montra violente. Dans quelques villes, le projet fut brû
1703
osition se montra violente. Dans quelques villes,
le
projet fut brûlé par la population en place publique. L’État de New Y
1704
te. Dans quelques villes, le projet fut brûlé par
la
population en place publique. L’État de New York était le plus rétice
1705
et fut brûlé par la population en place publique.
L’
État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallie
1706
ation en place publique. L’État de New York était
le
plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait as
1707
vait assurer son essor et sa longue primauté dans
l’
Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des
1708
rimauté dans l’Union. C’est donc précisément dans
la
presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamil
1709
la presse de New York que trois des rédacteurs de
la
Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain de
1710
de publier une longue série d’articles discutant
le
projet d’union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un
1711
nsi que nul écolier américain ne peut aujourd’hui
l’
ignorer. S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’importance
1712
i l’ignorer. S’il fallait résumer en deux phrases
le
rôle et l’importance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a cr
1713
. S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et
l’
importance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animat
1714
’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé
l’
animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que
1715
part il a créé l’animation politique nécessaire à
la
vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendan
1716
créé l’animation politique nécessaire à la vie de
la
Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libéral
1717
Constitution, tandis que d’autre part il figurait
le
pendant libéral au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi, les
1718
au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi,
les
hommes d’État américains ont coutume de se référer aux maximes du Fed
1719
au onzième chapitre de ce fameux texte de base de
la
grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va compr
1720
grandeur américaine, je tombe sur un passage dont
le
lecteur va comprendre l’extrême importance : Le monde peut être divi
1721
ombe sur un passage dont le lecteur va comprendre
l’
extrême importance : Le monde peut être divisé politiquement, comme g
1722
le lecteur va comprendre l’extrême importance :
Le
monde peut être divisé politiquement, comme géographiquement, en quat
1723
re parties dont chacune a des intérêts distincts.
L’
Europe, pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés d
1724
chacune a des intérêts distincts. L’Europe, pour
le
malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises
1725
ncts. L’Europe, pour le malheur des trois autres,
les
a toutes, à des degrés divers, soumises à son empire par ses armes et
1726
son empire par ses armes et ses négociations, par
la
force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successive
1727
es armes et ses négociations, par la force et par
la
fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tombées sou
1728
ses négociations, par la force et par la fraude.
L’
Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tombées sous sa domina
1729
ations, par la force et par la fraude. L’Afrique,
l’
Asie, l’Amérique sont successivement tombées sous sa domination. La su
1730
par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie,
l’
Amérique sont successivement tombées sous sa domination. La supériorit
1731
e sont successivement tombées sous sa domination.
La
supériorité que l’Europe a depuis si longtemps conservée l’a disposée
1732
nt tombées sous sa domination. La supériorité que
l’
Europe a depuis si longtemps conservée l’a disposée à se regarder comm
1733
rité que l’Europe a depuis si longtemps conservée
l’
a disposée à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire
1734
gtemps conservée l’a disposée à se regarder comme
la
maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du genre humain créé pou
1735
rder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire
le
reste du genre humain créé pour son utilité. Des hommes, admirés comm
1736
ité physique, et ont sérieusement assuré que tous
les
animaux, ainsi que la race humaine, dégénéraient en Amérique ; que le
1737
rieusement assuré que tous les animaux, ainsi que
la
race humaine, dégénéraient en Amérique ; que les chiens même perdaien
1738
e la race humaine, dégénéraient en Amérique ; que
les
chiens même perdaient la faculté d’aboyer, après avoir respiré quelqu
1739
aient en Amérique ; que les chiens même perdaient
la
faculté d’aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosp
1740
voir respiré quelque temps dans notre atmosphère.
Les
faits ont trop longtemps appuyé ces arrogantes prétentions des Europé
1741
rétentions des Européens. C’est à nous de relever
l’
honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères t
1742
s Européens. C’est à nous de relever l’honneur de
la
race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eu
1743
lever l’honneur de la race humaine et d’enseigner
la
modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union nous en rendra
1744
la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes.
L’
Union nous en rendra capables. La désunion préparerait une nouvelle vi
1745
ûrs d’eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables.
La
désunion préparerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que les Am
1746
arerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que
les
Américains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur euro
1747
iomphe. Que les Américains méprisent enfin d’être
les
instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis
1748
ricains méprisent enfin d’être les instruments de
la
grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroite e
1749
e les instruments de la grandeur européenne ! que
les
treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union, concoure
1750
s une étroite et indissoluble union, concourent à
la
formation d’un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle
1751
luence européenne, et qui leur permette de dicter
les
termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous lai
1752
permette de dicter les termes des relations entre
l’
Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le pa
1753
dicter les termes des relations entre l’Ancien et
le
Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme q
1754
tre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse
le
soin de commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même im
1755
uveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter
le
parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l’évidence, en
1756
lélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à
l’
évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre
1757
texte suggère, et même impose à l’évidence, entre
la
situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formati
1758
ose à l’évidence, entre la situation de départ de
l’
Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce
1759
és, nos erreurs, mais aussi nos espoirs. (Et même
les
articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !)
1760
tte histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans
la
mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes
1761
de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où
les
mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette
1762
les mêmes causes sont susceptibles de reproduire
les
mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politique. v. Rougem
1763
e reproduire les mêmes effets, cette page dicte à
l’
Europe une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », J
1764
ral (19 juillet 1955)w Comment ne pas voir que
les
thèses officielles, présentées par les Russes avant Genève, sont en o
1765
s voir que les thèses officielles, présentées par
les
Russes avant Genève, sont en opposition fondamentale avec celles de n
1766
s communistes occidentaux et des neutralistes qui
les
suivent ? En proposant un système de sécurité européenne, Moscou reco
1767
curité européenne, Moscou reconnaît implicitement
la
nécessité de notre union, dénoncée par les communistes comme une idée
1768
itement la nécessité de notre union, dénoncée par
les
communistes comme une idée américaine. En affirmant le principe de la
1769
mmunistes comme une idée américaine. En affirmant
le
principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres
1770
une idée américaine. En affirmant le principe de
la
non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou désavo
1771
En affirmant le principe de la non-ingérence dans
les
affaires intérieures des autres, Moscou désavoue implicitement les pa
1772
rieures des autres, Moscou désavoue implicitement
les
partis qui agissent à son service dans nos pays. En insistant enfin s
1773
son service dans nos pays. En insistant enfin sur
l’
importance vitale d’une reprise des échanges culturels, Moscou réintro
1774
anges culturels, Moscou réintroduit implicitement
la
possibilité d’une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour
1775
ibre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour
le
principe qui a fait la force principale du stalinisme dans l’intellig
1776
le-ci serait ruineuse pour le principe qui a fait
la
force principale du stalinisme dans l’intelligentsia européenne : l’a
1777
qui a fait la force principale du stalinisme dans
l’
intelligentsia européenne : l’autorité sans discussion. Telles étant l
1778
du stalinisme dans l’intelligentsia européenne :
l’
autorité sans discussion. Telles étant les implications de l’offre rus
1779
péenne : l’autorité sans discussion. Telles étant
les
implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’O
1780
sans discussion. Telles étant les implications de
l’
offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les tran
1781
l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de
l’
Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si le
1782
il appartient aux hommes d’État de l’Occident de
les
transformer en engagements concrets. Se demander si les Russes sont s
1783
ansformer en engagements concrets. Se demander si
les
Russes sont sincères serait bien vain : il faut absolument les prendr
1784
nt sincères serait bien vain : il faut absolument
les
prendre au mot. Ils proposent en effet trois principes qui n’ont jama
1785
s d’accord. Nous partons de là. Voyons maintenant
les
conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre
1786
là. Voyons maintenant les conditions précises de
la
mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe d
1787
en pratique de ces principes. Prendre au sérieux
l’
offre russe de sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le ratt
1788
e sécurité occidentale, c’est demander et obtenir
le
rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. O
1789
t demander et obtenir le rattachement des pays de
l’
Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empêche
1790
on occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait
les
435 millions d’Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à parti
1791
utres, à partir du moment où ils disposeraient de
l’
armée commune sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’Amériq
1792
e sans laquelle toute neutralité reste illusoire.
L’
Amérique n’aurait rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’Eu
1793
e illusoire. L’Amérique n’aurait rien à y perdre,
la
Russie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec ell
1794
t rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée,
l’
Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le princi
1795
sie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et
la
paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c
1796
it faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux
le
principe de la non-ingérence, c’est par exemple décider que les parti
1797
paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de
la
non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communistes d
1798
e la non-ingérence, c’est par exemple décider que
les
partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressource
1799
par exemple décider que les partis communistes de
l’
Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enfin,
1800
ources : on m’entendra. Enfin, prendre au sérieux
les
relations culturelles, c’est accepter la libre discussion, le libre é
1801
sérieux les relations culturelles, c’est accepter
la
libre discussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idée
1802
culturelles, c’est accepter la libre discussion,
le
libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l
1803
l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever
le
rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’ob
1804
lige aux prudences des hommes d’État, on vient de
le
voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préala
1805
prudences des hommes d’État, on vient de le voir.
Les
relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préalable à tout
1806
voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont
la
condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domaines
1807
condition préalable à toute entente sérieuse dans
les
autres domaines, politiques ou économiques. Car ce sont elles seules
1808
nomiques. Car ce sont elles seules qui permettent
l’
élaboration de l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre
1809
sont elles seules qui permettent l’élaboration de
l’
instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, je v
1810
rument sans lequel il n’est point d’entente entre
les
hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu l’expression qui
1811
mes, je veux dire un langage commun. On a reconnu
l’
expression qui revient par deux fois, fortement soulignée, dans la déc
1812
revient par deux fois, fortement soulignée, dans
la
déclaration que M. Boulganine fit à Moscou la semaine dernière, au mo
1813
ans la déclaration que M. Boulganine fit à Moscou
la
semaine dernière, au moment de s’envoler pour franchir le Rideau — ce
1814
ne dernière, au moment de s’envoler pour franchir
le
Rideau — ce mur du son de la politique contemporaine. Précisons notre
1815
nvoler pour franchir le Rideau — ce mur du son de
la
politique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote pass
1816
ne. Précisons notre image : quand un pilote passe
le
mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’
1817
ence. Mais quand un homme d’État soviétique passe
le
Rideau, c’est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitud
1818
oviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans
la
zone où l’on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résu
1819
asse le Rideau, c’est pour entrer dans la zone où
l’
on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en un s
1820
est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute
l’
attitude des Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons
1821
e peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où
l’
accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’inst
1822
en un seul mot : causons ! D’où l’accent mis sur
le
langage commun. Il existe en fait deux moyens d’instaurer un langage
1823
ens d’instaurer un langage commun. Le premier est
la
force brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots
1824
e commun. Le premier est la force brutale : c’est
le
vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’il juge convenable. O
1825
ce brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous
le
sens des mots qu’il juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l
1826
l juge convenable. On se rappelle qu’au moment où
l’
armée rouge tentait d’envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara q
1827
e qu’au moment où l’armée rouge tentait d’envahir
la
petite Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière était le vérit
1828
ande, M. Molotov déclara que cette dernière était
le
véritable agresseur, « les événements ayant donné au terme d’agressio
1829
ue cette dernière était le véritable agresseur, «
les
événements ayant donné au terme d’agression un contenu historique nou
1830
erme d’agression un contenu historique nouveau ».
La
franchise même de cette explication scandalisa : elle aurait dû, plut
1831
isa : elle aurait dû, plutôt, donner à réfléchir.
Le
ministre russe s’exprimait en effet dans un langage tout naturel pour
1832
n langage tout naturel pour quiconque est imbu de
la
croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu ave
1833
mbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de
l’
Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors par
1834
oyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire.
Le
malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors par une ingérenc
1835
mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu avec
l’
Occident — qui se traduisait alors par une ingérence qualifiée dans le
1836
traduisait alors par une ingérence qualifiée dans
les
affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un f
1837
mme il n’était pas question d’en discuter, ce fut
la
force qui trancha. Le second moyen d’instaurer un langage commun, c’e
1838
second moyen d’instaurer un langage commun, c’est
le
dialogue. Or un dialogue réel suppose deux conditions. Il suppose tou
1839
se deux conditions. Il suppose tout d’abord, chez
les
deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le
1840
suppose tout d’abord, chez les deux partenaires,
la
conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas
1841
bord, chez les deux partenaires, la conviction et
le
désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de
1842
, la conviction et le désir de convaincre — sinon
le
dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose
1843
ntérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi
le
respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se met
1844
e. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et
le
désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de reme
1845
uppose aussi le respect de l’autre et le désir de
le
comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en ques
1846
respect de l’autre et le désir de le comprendre,
la
faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce pa
1847
tudes, en vue d’une recherche commune — autrement
l’
on n’aurait qu’une suite de monologues. Or ces deux conditions du dial
1848
alogue viennent d’être acceptées sans réserve par
la
déclaration de Boulganine — et cela pour la première fois depuis la n
1849
Boulganine — et cela pour la première fois depuis
la
naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite
1850
re fois depuis la naissance du conflit qui oppose
le
bolchévisme à l’Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitali
1851
naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à
l’
Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitalisme est meilleur
1852
sme à l’Occident. Je cite : D’aucuns estiment que
le
capitalisme est meilleur que le socialisme. Nous sommes convaincus du
1853
cuns estiment que le capitalisme est meilleur que
le
socialisme. Nous sommes convaincus du contraire. Cette discussion ne
1854
ntraire. Cette discussion ne peut être réglée par
la
force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition
1855
peut être réglée par la force. Que chacun prouve
la
justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition
1856
; nous sommes prêts à « causer » dès demain. (Je
le
dis au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et de
1857
êts à « causer » dès demain. (Je le dis au nom de
la
grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à
1858
au nom de la grande majorité des intellectuels de
l’
Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peu
1859
intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à
la
cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, no
1860
s de l’Europe, et des plus attachés à la cause de
l’
union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans d
1861
loguons, non pas dans des congrès où s’affrontent
les
démagogies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’histoire,
1862
se fait chez l’autre, ce qu’il dit et comment il
le
sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous. Circulons. Questionn
1863
cidentaux chrétiens ou humanistes, pour affronter
la
« redoutable dialectique » du partenaire : ce n’est pas à ceux qui cr
1864
enaire : ce n’est pas à ceux qui croient cela que
les
Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteur
1865
roient cela que les Russes demanderont à parler !
Les
contempteurs de l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’
1866
Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de
l’
Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuvent r
1867
’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de
l’
esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’enver
1868
l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de
l’
Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres crain
1869
non plus leurs opposants… D’autres craindront que
la
culture du voisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’ag
1870
al de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans
les
deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval
1871
de Troie et qu’il en organise, en place publique,
la
visite officielle et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient un
1872
place publique, la visite officielle et gratuite,
l’
arme secrète des Achéens devient un pavillon d’exposition. On ne court
1873
nt un pavillon d’exposition. On ne court plus que
le
risque normal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir
1874
« compétition pacifique ». Il est temps de courir
le
risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse
1875
pacifique ». Il est temps de courir le risque de
la
paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un changeme
1876
de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur
l’
hypothèse d’un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les no
1877
changement d’attitude des Russes. Il se peut que
les
nombreux témoignages qu’ils en donnent depuis quelques mois soient pl
1878
quelques mois soient plus clairs et certains que
la
conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait to
1879
airs et certains que la conscience qu’ils en ont.
Le
Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l
1880
e des peuples est mort, qui tenait tout ensemble.
Le
chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nom
1881
st mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD
l’
a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente,
1882
nait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans
la
tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut
1883
emble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et
le
Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut prendre ici d
1884
dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme
la
détente, mot qu’il faut prendre ici dans son sens littéral : un resso
1885
dans son sens littéral : un ressort est détendu,
la
pression tombe. Les effets d’un pareil changement peuvent être lents
1886
éral : un ressort est détendu, la pression tombe.
Les
effets d’un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans
1887
hangement peuvent être lents à se manifester dans
l’
énorme psyché collective soviétique. Celle-ci cherche avant tout non p
1888
soviétique. Celle-ci cherche avant tout non point
la
liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne tr
1889
tout non point la liberté, qu’elle redoute, mais
la
sécurité. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur,
1890
la liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À
l’
intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit quel
1891
é. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À
l’
extérieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer. C’e
1892
’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour
les
Russes — comme aujourd’hui Joukov va vers Eisenhower. Et ils viendron
1893
os chambres, criant au secours dès qu’on tournait
le
bouton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne
1894
ton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant
l’
Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelant l’Europe sans chefs et s
1895
t l’Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelant
l’
Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nou
1896
s fait tout ce que peut un homme libre pour hâter
le
jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourre
1897
ce que peut un homme libre pour hâter le jour de
la
vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jo
1898
peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux.
Les
jours du communisme sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans l
1899
e sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans
les
rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le commu
1900
frayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À
la
question : qu’est-ce que le communisme ? le monde entier répondra dés
1901
nań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que
le
communisme ? le monde entier répondra désormais : la théorie du crime
1902
st. À la question : qu’est-ce que le communisme ?
le
monde entier répondra désormais : la théorie du crime et sa pratique
1903
communisme ? le monde entier répondra désormais :
la
théorie du crime et sa pratique massive, le massacre des ouvriers suc
1904
ais : la théorie du crime et sa pratique massive,
le
massacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence b
1905
sacre des ouvriers succédant à celui des paysans,
l’
incompétence brutale avouée périodiquement, la trahison des chefs dont
1906
ns, l’incompétence brutale avouée périodiquement,
la
trahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des «
1907
ahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous
les
balles des « réactionnaires », car c’est entre eux qu’ils se sont tou
1908
qu’ils se sont tous assassinés depuis trente ans,
la
misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant
1909
ssinés depuis trente ans, la misère collective et
le
canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant
1910
, la misère collective et le canon des chars dans
la
foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la col
1911
le canon des chars dans la foule serrée chantant
la
liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ait bal
1912
foule serrée chantant la liberté. Mais avant que
l’
Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le commu
1913
chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et
la
colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe pe
1914
ais avant que l’Histoire et la colère des peuples
l’
ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’au
1915
Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de
la
planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitales d
1916
la colère des peuples l’ait balayé de la planète,
le
communisme russe peut encore écraser d’autres capitales de l’Europe,
1917
e russe peut encore écraser d’autres capitales de
l’
Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres élit
1918
iquider d’autres élites sans armes. Nous devons à
la
passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obs
1919
ilante, obstinée, sans éclat, comme il convient à
la
repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’Europe, pour qu’i
1920
repentance active. Nous devons tout d’abord faire
l’
Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une rép
1921
s tout d’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à
l’
appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des
1922
ciences, advienne que pourra. Nous devons mettre
le
communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquem
1923
urra. Nous devons mettre le communisme au ban de
l’
humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes rela
1924
e toutes relations, diplomatiques ou autres, avec
la
Russie soviétique, ses clients et ses partisans. Je crois avoir été l
1925
s. Je crois avoir été le premier à proposer, ici,
la
reprise du dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés de Staline
1926
oposer, ici, la reprise du dialogue culturel avec
les
Soviétiques délivrés de Staline. Des rencontres privées ont suivi mon
1927
line. Des rencontres privées ont suivi mon appel.
Les
Russes s’y sont montrés lourds et stupides, les marxistes parisiens r
1928
. Les Russes s’y sont montrés lourds et stupides,
les
marxistes parisiens ridicules. Mettons fin à cette comédie. Nous savo
1929
ns fin à cette comédie. Nous savons désormais que
les
Russes, dès qu’ils le peuvent, utilisent les négociations pour arrête
1930
Nous savons désormais que les Russes, dès qu’ils
le
peuvent, utilisent les négociations pour arrêter et tuer ceux qui vie
1931
que les Russes, dès qu’ils le peuvent, utilisent
les
négociations pour arrêter et tuer ceux qui viennent négocier. Le comm
1932
pour arrêter et tuer ceux qui viennent négocier.
Le
communiste actuel, plus encore que le fasciste, est un malade mental,
1933
t négocier. Le communiste actuel, plus encore que
le
fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un
1934
c’est un homme qui approuve, excuse et justifie,
les
massacres de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’arrêter Nas
1935
aël. On ne peut pas discuter avec ça. J’écris, et
les
Hongrois tombent sous les balles des Russes. Je n’écris pas pour mett
1936
er avec ça. J’écris, et les Hongrois tombent sous
les
balles des Russes. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’aise.
1937
usses. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à
l’
aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir
1938
our mettre ma conscience à l’aise. Je veux certes
la
mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’
1939
a conscience à l’aise. Je veux certes la mettre à
l’
aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un a
1940
eux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit
le
vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article qui pourrait y suffi
1941
ocratie, qui veut dire souveraineté du peuple. Or
le
peuple, c’est vous et moi. Profitant du silence ignominieux qui succè
1942
ments une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons
la
dissolution des partis communistes d’Occident, complices du crime le
1943
partis communistes d’Occident, complices du crime
le
plus atroce de toute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de
1944
ident, complices du crime le plus atroce de toute
l’
Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces délégatio
1945
ll, ces délégations policières, ces « gardiens de
la
paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang vers
1946
ens de la paix » aux mains rouges : Budapest nous
le
crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de sal
1947
que, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiquement
la
cause du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Eur
1948
qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire
l’
Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Euro
1949
e Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à
l’
appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable dé
1950
, en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de
la
liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cette
1951
s forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter
la
honte éternelle qui accable désormais toute cette génération — la Hon
1952
le qui accable désormais toute cette génération —
la
Hongrie massacrée sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à l
1953
énération — la Hongrie massacrée sous les yeux de
l’
Occident, hurlant : l’Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x.
1954
massacrée sous les yeux de l’Occident, hurlant :
l’
Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, «
1955
sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à
l’
aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, « Oserons-no
1956
Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain de
l’
Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heureux
1957
and romancier ou grand styliste, et nous passons.
La
radio cite et passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’écri
1958
tyliste, et nous passons. La radio cite et passe,
la
presse en fait autant, et nos sociétés d’écrivains ne se réveillent p
1959
llent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de
l’
État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde s
1960
pas de l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive
le
prix Nobel, tout le monde sait aussitôt qu’il se passe quelque chose,
1961
n talent et d’un homme. Ses confrères communistes
le
savent aussi — et le font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié
1962
e. Ses confrères communistes le savent aussi — et
le
font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et r
1963
t bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour
les
Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’est vu contraint, après
1964
aint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut
le
temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie
1965
ctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à
la
misère du siècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns des plus
1966
s voulu rester seul. Quelques-uns des plus grands
l’
ont osé. Pascal et Kierkegaard devant leur Dieu. Nietzsche au seuil du
1967
che au seuil du délire mental, Dostoïevski devant
la
potence, au petit matin sibérien. C’est devant une autre tragédie que
1968
tin sibérien. C’est devant une autre tragédie que
l’
esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moi
1969
nt une autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans
le
cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régi
1970
arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus
le
juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’êtr
1971
s le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à
l’
homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir,
1972
e moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme
le
courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule co
1973
qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et
le
rabat au mutisme sans espoir, seule communion possible encore avec so
1974
«
Le
Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)z D
1975
dit athées, mais cela ne change rien au fait que
le
mouvement créateur de la science procède d’une confiance intuitive da
1976
change rien au fait que le mouvement créateur de
la
science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et
1977
la science procède d’une confiance intuitive dans
l’
accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement
1978
rocède d’une confiance intuitive dans l’accord de
l’
homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fo
1979
ne foi dans leur fondement commun, « fondement de
l’
être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest A
1980
leur fondement commun, « fondement de l’être dans
le
monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dan
1981
». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dans
le
grand livre où il démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire d
1982
davantage que Descartes, Ansermet ne se fonde sur
le
dogme, sur la Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique conf
1983
Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dogme, sur
la
Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique confessionnelle. P
1984
nsermet ne se fonde sur le dogme, sur la Bible et
la
Tradition, ni sur quelque apologétique confessionnelle. Pour développ
1985
opper en moins de cent pages de ses Fondements de
la
musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même
1986
e (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter
l’
athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapit
1987
e sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont
l’
écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une des proues
1988
place centrale et dont l’écho s’entend dans tout
l’
ouvrage, est sans nul doute l’une des prouesses intellectuelles les pl
1989
ans nul doute l’une des prouesses intellectuelles
les
plus mémorables du siècle. À partir de relations logarithmiques, de c
1990
garithmiques, de considérations mathématiques sur
la
fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement »
1991
considérations mathématiques sur la fréquence et
la
période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relat
1992
es sons, et de définitions du « fondement » et de
la
« relationalité », nous assistons à la reconstruction toute naturelle
1993
nt » et de la « relationalité », nous assistons à
la
reconstruction toute naturelle des vérités centrales du christianisme
1994
s centrales du christianisme : et je dis bien, de
la
religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoi
1995
istianisme : et je dis bien, de la religion et de
l’
éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d
1996
de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de
l’
Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité plu
1997
moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas
l’
objet d’un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre e
1998
e. Dieu n’étant pas l’objet d’un problème, mais «
le
fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la q
1999
dement commun du monde et de notre existence dans
le
monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et plat d
2000
n du monde et de notre existence dans le monde »,
la
question de savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se
2001
tement J.-C. Piguet, commentateur et assistant de
l’
œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver
2002
ommentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que
l’
analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les gr
2003
alyse de ce « fondement » conduit à retrouver par
l’
intérieur les grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trin
2004
« fondement » conduit à retrouver par l’intérieur
les
grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trinité d’abord,
2005
grandes notions traditionnelles et dogmatiques :
la
Trinité d’abord, Père, Fils et Saint-Esprit, définis en termes de str
2006
rmes de structures et de relations musicales pour
la
conscience. Le primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la
2007
res et de relations musicales pour la conscience.
Le
primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Di
2008
ations musicales pour la conscience. Le primat de
l’
éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vi
2009
imat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de
la
fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance
2010
: « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans
la
vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les
2011
nt de la fonction de Dieu dans la vie humaine par
la
croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présen
2012
on de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou
l’
incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’exist
2013
la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par
les
signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psy
2014
s hommes, mais par les signes de sa présence dans
l’
existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éth
2015
par les signes de sa présence dans l’existence de
l’
homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l
2016
stence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et
la
norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affe
2017
homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de
l’
éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fondam
2018
re psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est
l’
Amour, « appétit d’unité… modalité affective fondamentale ». Et le péc
2019
it d’unité… modalité affective fondamentale ». Et
le
péché, hiatus irréductible entre la situation existentielle et l’être
2020
mentale ». Et le péché, hiatus irréductible entre
la
situation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillemen
2021
irréductible entre la situation existentielle et
l’
être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et
2022
le entre la situation existentielle et l’être. Et
la
prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transce
2023
a prière, acte de recueillement dans ce qui fonde
l’
homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur
2024
cte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et
le
transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondeme
2025
nt dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et
la
foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lien a
2026
e. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur
le
fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à n
2027
comme sur le fondement de notre lien au monde. Et
la
Grâce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, e
2028
« réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et
l’
humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec
2029
à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même
la
« prédestination de notre personne morale » (avec une référence expli
2030
la, sans aucun recours au vocabulaire consacré de
la
piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens
2031
abulaire consacré de la piété, ni aux symboles de
la
mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eux —
2032
ux symboles de la mythologie biblique, encore que
le
sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse
2033
e que le sens de quelques-uns d’entre eux — comme
l’
Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de c
2034
uelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de
la
Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologi
2035
de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans
la
logique de cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’auteur
2036
cette phénoménologie. On se demande alors ce que
l’
auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire
2037
demande alors ce que l’auteur n’a pas restitué de
la
croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est l’
2038
ses ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est
l’
idée d’un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort e
2039
idérable. C’est l’idée d’un Dieu personnel. C’est
l’
insistance paulinienne sur la mort et la résurrection du Christ interp
2040
ieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur
la
mort et la résurrection du Christ interprétées comme promesses d’une
2041
el. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et
la
résurrection du Christ interprétées comme promesses d’une vie future,
2042
donnant notre bas monde à ses fins matérielles, à
l’
intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’
2043
monde à ses fins matérielles, à l’intérêt. C’est
la
croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue
2044
ins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à
la
survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière
2045
es, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de
l’
âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surpren
2046
croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi
l’
auteur substitue d’une manière assez surprenante un proverbial « nos a
2047
e un proverbial « nos actes nous suivent ». C’est
la
mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’
2048
« nos actes nous suivent ». C’est la mystique et
le
surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et su
2049
». C’est la mystique et le surnaturel, autant que
la
magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une tran
2050
mystique et le surnaturel, autant que la magie et
la
superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une transcendance to
2051
magie et la superstition. C’est enfin et surtout
la
notion d’une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme da
2052
une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant
l’
homme dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que l
2053
dance, donc dans une relation passive, tandis que
le
Christ des évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérit
2054
évangiles a été « le premier à révéler aux hommes
la
vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcenda
2055
x hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en
les
ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient révélé jusqu’alo
2056
les disputations ! On voit bien ce qu’en diraient
les
barthiens dont je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le li
2057
je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente
le
libéralisme protestant de l’époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait
2058
e Husserl, réinvente le libéralisme protestant de
l’
époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait Karl Barth lui-même, qui n’a
2059
’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait
le
plus intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre auteur
2060
Pascal qu’il serait le plus intéressant d’évaluer
la
théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac
2061
aluer la théologie logarithmique de notre auteur.
Le
« Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des
2062
ncore qu’Ansermet dise très bien que ce n’est pas
le
Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’
2063
ieu des philosophes qui sera d’un grand secours à
l’
homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 23
2064
ecours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur «
l’
éducation chrétienne », p. 231.) Or, ce Dieu que l’on écrit sans sourc
2065
’éducation chrétienne », p. 231.) Or, ce Dieu que
l’
on écrit sans sourciller Ps-Pr-F — comme l’énergie s’écrit mc2 dans la
2066
eu que l’on écrit sans sourciller Ps-Pr-F — comme
l’
énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’il
2067
ciller Ps-Pr-F — comme l’énergie s’écrit mc2 dans
la
célèbre équation d’Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, p
2068
voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément
le
« Dieu sensible au cœur », saisi dans la conscience par l’affectivité
2069
cisément le « Dieu sensible au cœur », saisi dans
la
conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomè
2070
sensible au cœur », saisi dans la conscience par
l’
affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomène affectif condit
2071
conscience par l’affectivité, et par elle seule !
La
musique, phénomène affectif conditionné par des structures physico-ma
2072
e nos contemporains qui ont sciemment abandonné «
le
projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la
2073
qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à
la
ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivau
2074
t d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, «
la
perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience
2075
a ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de
la
loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ».
2076
Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à
la
mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle l
2077
de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour
la
conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la définition du péché
2078
à la mort de Dieu pour la conscience musicale ».
L’
atonalité serait-elle la définition du péché, en termes de technique m
2079
la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle
la
définition du péché, en termes de technique musicale ? Dans ce contex
2080
e ? Dans ce contexte, une autre thèse me frappe :
la
musique est d’Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme t
2081
comme tous nos arts, sciences et techniques, de «
la
foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la civi
2082
ces et techniques, de « la foi active, fondée sur
la
doctrine chrétienne, qui a engendré la civilisation occidentale » (p.
2083
fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré
la
civilisation occidentale » (p. 209). Je suis bien placé pour savoir l
2084
entale » (p. 209). Je suis bien placé pour savoir
les
résistances que ce point de vue provoque dans l’intelligentsia plus o
2085
les résistances que ce point de vue provoque dans
l’
intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe. Mais surtout,
2086
ais surtout, condamner radicalement presque toute
la
musique contemporaine au nom d’une théologie que, d’autre part, nos d
2087
oi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous
les
camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’a
2088
otre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps !
La
question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde
2089
emis dans tous les camps ! La question se pose, à
la
mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il b
2090
! La question se pose, à la mode de naguère dans
les
revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet ? N
2091
: faut-il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute que
la
Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie
2092
nest Ansermet ? Nul doute que la Genève de Calvin
l’
eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel.
2093
ût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie
le
Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des raisons d’
2094
d’un bruitage post-dodécaphonique assourdissant.
Les
uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative
2095
age post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et
les
autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’a
2096
s à Ansermet une tentative unique d’adéquation de
l’
affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses. Que
2097
ation des vérités religieuses. Quelles que soient
les
réserves qu’inspirent parfois tant d’assurance intellectuelle et un v
2098
tentative s’inscrit d’une manière exemplaire dans
l’
aggiornamento, ou mise à jour, des vérités traditionnelles, dont Jean
2099
des vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut
l’
admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’intérioris
2100
l’admirable promoteur. D’autre part, elle porte à
l’
extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement in
2101
e promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême
l’
intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la
2102
me l’intériorisation des réalités de foi, qui fut
le
mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passio
2103
s réalités de foi, qui fut le mouvement intime de
la
Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cet
2104
contre cette œuvre d’une jeunesse étonnante, dont
l’
avenir seul découvrira les véritables proportions. z. Rougemont Den
2105
jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira
les
véritables proportions. z. Rougemont Denis de, « “Le Dieu immanent
2106
itables proportions. z. Rougemont Denis de, « “
Le
Dieu immanent, qui s’annonce en leur cœur” (À propos d’Ernest Anserme
2107
rdaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans
les
parlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle d’autre chose et
2108
aint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes de «
La
Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces
2109
y — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de
l’
Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformation
2110
La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais
la
caricature veut ces déformations, si la critique honnête les réprouve
2111
s ». Mais la caricature veut ces déformations, si
la
critique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’affirmer que j’
2112
ure veut ces déformations, si la critique honnête
les
réprouve. Tout autre chose est d’affirmer que j’ai « jeté mon sac (mi
2113
litaire) aux orties » avant de « disparaître dans
les
Amériques ». Car c’est là m’accuser d’un acte bien défini, qui m’eût
2114
fini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que
les
quinze jours de forteresse auxquels le Général m’avait condamné en ju
2115
-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels
le
Général m’avait condamné en juin pour un article sur l’entrée d’Hitle
2116
éral m’avait condamné en juin pour un article sur
l’
entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Sui
2117
r à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte
la
Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de
2118
oyons précis : un officier qui quitte la Suisse à
la
fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service »,
2119
déserté, peu de jours auparavant. Un critique qui
l’
en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’h
2120
ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur
l’
heure devant un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d
2121
nt un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas
l’
excuse d’une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au poi
2122
. Cette mise au point, tout à fait superflue pour
les
lecteurs de mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient l
2123
a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que
l’
article du Samedi littéraire. aa. Rougemont Denis de, « Denis de Ro
2124
Denis de Rougemont et
l’
objection de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président,
2125
ion de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur
le
président, Un étudiant en théologie, qui suit depuis deux ans mes cou
2126
puis deux ans mes cours, René Bugnot, comparaîtra
le
27 juin devant le tribunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup
2127
cours, René Bugnot, comparaîtra le 27 juin devant
le
tribunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup d’estime pour M.
2128
able de s’enthousiasmer autant que de s’indigner.
Les
motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastor
2129
e de s’indigner. Les motifs de son objection sont
les
mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité
2130
vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à
l’
idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom des
2131
ration s’est formée et qu’elle prétend défendre :
le
respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’
2132
dre : le respect du prochain et de sa différence,
la
liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut c
2133
fférence, la liberté de jugement et d’expression,
le
droit d’opposition. On peut certes discuter, contester certaines appl
2134
us moquons de ces idéaux, ou si nous condamnons à
la
prison ceux qui se réclament en toute conscience, qu’aurons-nous enco
2135
u’aurons-nous encore à défendre en Suisse, à part
les
« beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sa
2136
ore à défendre en Suisse, à part les « beautés de
la
nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prendre
2137
cation routinière de ses lois ceux qui commettent
la
faute de croire à ses fondements moraux et politiques. Des jeunes gen
2138
tre en accord leur foi intime et leur action dans
la
communauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’aussi bons Sui
2139
ivisme, ne font leur service que pour faire comme
les
autres ? Où sont en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les r
2140
e pour faire comme les autres ? Où sont en vérité
les
meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté
2141
nt en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont
les
raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout
2142
eurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de
la
communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement
2143
ns d’être de la communauté confédérale ? Si c’est
l’
ordre à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, l
2144
uté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et
l’
écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feron
2145
t l’écrasement légal des opposants et dissidents,
les
Soviétiques le feront mieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’
2146
égal des opposants et dissidents, les Soviétiques
le
feront mieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’est la liberté,
2147
ieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’est
la
liberté, vous acquitterez René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait l’acqui
2148
s acquitterez René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait
l’
acquitter, et peut-être le voudriez-vous mais je sais bien que vous n’
2149
Ou plutôt, il faudrait l’acquitter, et peut-être
le
voudriez-vous mais je sais bien que vous n’avez pas le droit formel.
2150
udriez-vous mais je sais bien que vous n’avez pas
le
droit formel. Dans ces conditions, pourquoi ne pas condamner « pour l
2151
ces conditions, pourquoi ne pas condamner « pour
la
forme », en saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’elle est sca
2152
ne pas condamner « pour la forme », en saisissant
l’
occasion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour
2153
lle est scandaleuse et honteuse pour notre pays —
l’
absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de con
2154
sence de toute espèce de reconnaissance légale de
l’
objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La vé
2155
nscience en Suisse et d’un statut correspondant ?
La
véritable utilité d’un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semb
2156
teur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter
le
temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de
2157
er le temps où de tels exercices rejoindront dans
l’
Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que
2158
où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire
les
procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudre
2159
toire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur
le
président, que vous voudrez bien excuser la liberté que je prends en
2160
sieur le président, que vous voudrez bien excuser
la
liberté que je prends en m’adressant à vous si franchement et longuem
2161
vous faire part de mes convictions de citoyen. Me
le
pardonnerez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits — et ne cesser
2162
esserai de faire — pour expliquer notre pays, par
la
parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le compren
2163
— pour expliquer notre pays, par la parole et par
l’
écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ?
2164
ays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui
le
connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons en commun le
2165
par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne
le
comprend pas toujours ? Nous avons en commun le souci du bien public
2166
e le comprend pas toujours ? Nous avons en commun
le
souci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’
2167
en commun le souci du bien public et cherchons à
le
servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’autori
2168
science difficile. Veuillez être assuré, Monsieur
le
président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab.
2169
assuré, Monsieur le président, de mes sentiments
les
plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis de, « Denis de
2170
ab. Rougemont Denis de, « Denis de Rougemont et
l’
objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p.
2171
urnal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac.
Le
texte est précédé du chapeau suivant : « Vendredi dernier, le tribuna
2172
précédé du chapeau suivant : « Vendredi dernier,
le
tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot
2173
nt : « Vendredi dernier, le tribunal militaire de
la
1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, pour
2174
tribunal militaire de la 1re Division a condamné
le
jeune René Bugnot, pour avoir refusé, pour la seconde fois, de se pré
2175
eine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous
la
forme des arrêts répressifs. Ce qui l’autorisera, en vertu des nouvea
2176
subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui
l’
autorisera, en vertu des nouveaux règlements qui marquent à cet égard
2177
égard une évolution certaine, à travailler durant
la
journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par l
2178
lution certaine, à travailler durant la journée à
l’
Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente
2179
e, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il
l’
a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprudence
2180
la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de
l’
armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militaire
2181
taire de cassation qui permet désormais également
l’
exclusion pour les objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine
2182
n qui permet désormais également l’exclusion pour
les
objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine est identique à ce
2183
fois. Et il ne pouvait en être autrement. Car si
le
juge n’est plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’il n’est plus t
2184
ment. Car si le juge n’est plus obligé d’aggraver
la
peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive en matière
2185
la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de
la
récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependant g
2186
emière. Au cours de cette audience, une lettre de
l’
écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le président d
2187
in et professeur Denis de Rougemont a été lue par
le
président du Tribunal. Une copie nous a été transmise que nous publio
2188
commentaire suivant de Bernard Béguin, intitulé «
Le
“tout ou rien” » : « Personne, au courant de la vie intellectuelle su
2189
« Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant de
la
vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nier [
2190
ères années, n’osera nier [de] Denis de Rougemont
les
titres dont il se réclame pour parler de mission ou démission de la S
2191
se réclame pour parler de mission ou démission de
la
Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moral
2192
ssion ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a
le
droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il po
2193
la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester
le
témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont
2194
orte sur un homme dont il connaît personnellement
la
pensée et les mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admett
2195
omme dont il connaît personnellement la pensée et
les
mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la pris
2196
n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que
la
prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est une peine trop
2197
peine trop sommaire pour répondre équitablement à
l’
aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de v
2198
de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de
la
solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne sont
2199
roblème soit étudié. En revanche, nous ne pouvons
le
suivre dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’un statut de
2200
défaut d’un statut des objecteurs de conscience,
la
Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des êtres sans âmes.
2201
un État policier régnant sur des êtres sans âmes.
La
politique de neutralité donne aux responsabilités du citoyen-soldat u
2202
nt des hommes qui acceptent leur service non dans
l’
indifférence ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des choi
2203
acceptent leur service non dans l’indifférence ou
l’
ignorance, mais dans la connaissance lucide des choix que poserait un
2204
non dans l’indifférence ou l’ignorance, mais dans
la
connaissance lucide des choix que poserait un conflit armé. La statis
2205
ce lucide des choix que poserait un conflit armé.
La
statistique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une in
2206
serait un conflit armé. La statistique montre que
les
objecteurs de conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement
2207
ité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de
la
mission morale du pays, non. »
2208
ougemont répond (4 juillet 1969)ae af Monsieur
le
rédacteur en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettr
2209
us publiez à mon insu, sous un titre trompeur, je
le
crains. Car ce titre semble annoncer une prise de position de princip
2210
le annoncer une prise de position de principe sur
le
problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit
2211
prise de position de principe sur le problème de
l’
objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple tém
2212
cause personnelle, et pas du tout pour haranguer
la
foule par-dessus la tête du président. Si j’avais voulu traiter publi
2213
et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus
la
tête du président. Si j’avais voulu traiter publiquement de l’objecti
2214
ésident. Si j’avais voulu traiter publiquement de
l’
objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en parti
2215
t un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser
le
pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il es
2216
m de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et
le
contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus d
2217
fallu peser le pour et le contre, et surtout dans
le
cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armé
2218
r le pour et le contre, et surtout dans le cas de
la
Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus
2219
surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est
le
plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire obje
2220
sse, pays où il est le plus difficile de défendre
l’
armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux
2221
où il est le plus difficile de défendre l’armée,
le
plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être
2222
mée, le plus difficile de se dire objecteur, donc
le
plus courageux de l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’e
2223
e de se dire objecteur, donc le plus courageux de
l’
être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécess
2224
objecteur, donc le plus courageux de l’être — si
l’
on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de
2225
si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas
le
cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai
2226
elis bien, je n’ai pas proposé qu’on fasse de lui
le
« dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’
2227
as proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de
la
mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mais s
2228
ssion morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on
le
décore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban de notre société
2229
demandé qu’on le décore, mais simplement qu’on ne
le
mette pas au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter
2230
on ne le mette pas au ban de notre société et que
l’
on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoye
2231
re société et que l’on s’interdise de répéter que
l’
objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de soli
2232
Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne
le
crois pas justifié par mon texte, et vous avez raison de refuser de m
2233
pas dit « qu’à défaut d’un statut des objecteurs,
la
Suisse ne serait qu’un État policier ». J’ai dit seulement que si l’o
2234
qu’un État policier ». J’ai dit seulement que si
l’
on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écraseme
2235
ulement que si l’on choisissait de s’en tenir à «
l’
ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simpl
2236
sait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à
l’
écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, Moscou
2237
remercier d’avoir, en publiant ma lettre, ramené
l’
attention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée :
2238
ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur
le
grave problème qui l’avait motivée : c’est ce problème qui importe se
2239
tention de vos lecteurs sur le grave problème qui
l’
avait motivée : c’est ce problème qui importe seul, et qu’il faut pren
2240
qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes
les
plus authentiques. Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à
2241
les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieur
le
rédacteur en chef, à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis d
2242
al de Genève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af.
Le
texte est précédé du chapeau suivant : « Nous avons publié lundi dern
2243
« Nous avons publié lundi dernier une lettre que
le
professeur Denis de Rougemont avait adressée le vendredi précédent au
2244
e le professeur Denis de Rougemont avait adressée
le
vendredi précédent au président du tribunal militaire de 1re Division
2245
objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de
l’
audience publique du Tribunal, cette lettre, ou plutôt l’une de ses co
2246
n y ajouta un commentaire dans lequel il nuançait
les
termes de ce qu’il considérait comme une alternative de la part de De
2247
mont. Celui-ci répond aujourd’hui. » Un débat sur
l’
objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera
2248
gemont prendra part, sera organisé et publié dans
le
Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal
2249
urnal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et
l’
État », Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
2250
Pensez-vous qu’il existe une culture bourgeoise ?
Le
terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des
2251
re ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est
la
plus petite unité que l’on puisse trouver. Je suis tout à fait d’acco
2252
ulture européenne. C’est la plus petite unité que
l’
on puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec l’historien angla
2253
puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec
l’
historien anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité d’étude int
2254
cord avec l’historien anglais Toynbee qui dit que
la
plus petite unité d’étude intelligible qu’on puisse prendre est une c
2255
toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes
les
formes générales de la culture ou particulières de la littérature par
2256
parentes, ensuite toutes les formes générales de
la
culture ou particulières de la littérature par exemple, sont communes
2257
ormes générales de la culture ou particulières de
la
littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous tro
2258
la littérature par exemple, sont communes à tous
les
Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets,
2259
nes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute
l’
Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto,
2260
es romans, des sonnets, des tableaux de chevalet,
le
concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe
2261
s sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto,
la
symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe. Les grandes
2262
a symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de
l’
Europe. Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’a
2263
e, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe.
Les
grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, l
2264
es écoles d’art ont été communes à tous nos pays,
l’
art roman, le gothique, le baroque, le classique, tous produits de la
2265
rt ont été communes à tous nos pays, l’art roman,
le
gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rom
2266
mmunes à tous nos pays, l’art roman, le gothique,
le
baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christi
2267
s nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque,
le
classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l
2268
hique, le baroque, le classique, tous produits de
la
Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtiq
2269
oduits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de
l’
influence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté indi
2270
ous avons une communauté indiscutable de culture.
La
division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la pre
2271
ommunauté indiscutable de culture. La division de
la
culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabri
2272
lture. La division de la culture est apparue avec
l’
école obligatoire et la presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe
2273
a culture est apparue avec l’école obligatoire et
la
presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe siècle. En peinture, v
2274
c l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué
le
nationalisme au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’École de Par
2275
nalisme au xixe siècle. En peinture, voyez comme
l’
École de Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigli
2276
asso, Chagall, Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et
la
culture, qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que l’on e
2277
st-ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que
l’
on entend par culture bourgeoise, parce que la culture n’a pas été fai
2278
que l’on entend par culture bourgeoise, parce que
la
culture n’a pas été faite par des bourgeois. La culture occidentale r
2279
e la culture n’a pas été faite par des bourgeois.
La
culture occidentale repose sur l’héritage gréco-romain et la théologi
2280
des bourgeois. La culture occidentale repose sur
l’
héritage gréco-romain et la théologie chrétienne, transmise par des mo
2281
occidentale repose sur l’héritage gréco-romain et
la
théologie chrétienne, transmise par des moines au Moyen Âge. On ne pe
2282
sentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas
les
ouvriers d’avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés.
2283
les ouvriers d’avoir des goûts plus bourgeois que
les
bourgeois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeois
2284
goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés.
L’
avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a tou
2285
is cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de
la
bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne ce
2286
vant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie.
Le
communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le
2287
la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné
l’
avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-g
2288
ours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de
le
faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les priso
2289
et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement
l’
avant-garde que vous trouvez dans les prisons russes. Vous n’y trouver
2290
st uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans
les
prisons russes. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’art
2291
s. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de
l’
art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans
2292
oir, là-bas, depuis cinquante ans officiellement,
Le
pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’est pas toujours bou
2293
s officiellement, Le pompiérisme qui tranquillise
les
gouvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouv
2294
s, mais il est toujours gouvernemental, dans tous
les
pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au po
2295
est toujours gouvernemental, dans tous les pays.
La
bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dan
2296
n’est pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous
le
retrouverez dans toutes les dictatures communistes. Pensez-vous que n
2297
e ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes
les
dictatures communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une è
2298
nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent
les
Américains : « It doesn’t work », ça ne fonctionne pas, ça ne joue pl
2299
onne pas, ça ne joue plus. Ne pensez-vous pas que
les
revendications ne sont pas assez bien formulées ? C’est exact. On dit
2300
oi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse de
la
situation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’Université », c’
2301
ituation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez
l’
Université », c’est absurde. Il me fait penser à ces grands-pères qui
2302
Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va
l’
homme ? une mutation tant physique que spirituelle ? Je n’en sais rien
2303
rien. Je sais vers quoi je voudrais qu’on aille.
Le
progrès est l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des poss
2304
vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès est
l’
augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de cho
2305
possibilités de choix laissées à chaque individu.
Le
progrès n’est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu p
2306
sées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans
le
fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un monde rendu
2307
peu probable) d’un monde rendu meilleur mais dans
l’
augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons
2308
ilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à
la
mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a
2309
hoix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de
la
civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a écrit : «
2310
es. » C’est doublement inexact : en premier lieu,
la
civilisation occidentale prolonge les civilisations du Moyen-Orient,
2311
remier lieu, la civilisation occidentale prolonge
les
civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent
2312
le prolonge les civilisations du Moyen-Orient, de
la
Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, l
2313
ui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu,
la
civilisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier
2314
En deuxième lieu, la civilisation occidentale est
la
seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mouri
2315
lisation occidentale est la seule qui ait conquis
le
monde entier. Si on déclare qu’elle va mourir, cela revient à dire qu
2316
qui pourrait s’épanouir ? Je n’en vois aucune. Et
la
Chine ? Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment diff
2317
que effort pour imposer aux Chinois une partie de
la
civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-vous
2318
inois une partie de la civilisation occidentale :
le
marxisme. Quelle différence faites-vous entre marxisme et maoïsme ? L
2319
ifférence faites-vous entre marxisme et maoïsme ?
Le
maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxi
2320
tre marxisme et maoïsme ? Le maoïsme prétend être
le
vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de cert
2321
un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez
le
Petit Livre rouge. Un mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsq
2322
mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsque
les
étudiants chinois protestent, ils le font à coup de mitrailleuses. Il
2323
té. Lorsque les étudiants chinois protestent, ils
le
font à coup de mitrailleuses. Il y a probablement alors des centaines
2324
orts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans
le
maoïsme aucun germe de civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au suc
2325
philosophiques, religieux acceptés et assumés par
les
meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée.
2326
lution sanglante est une révolution mal préparée.
La
seule qui pourrait réussir serait celle qui apporterait, un ordre nou
2327
qui apporterait, un ordre nouveau, prêt à prendre
la
relève du désordre ancien, ce que j’appelle le « désordre établi ». C
2328
re la relève du désordre ancien, ce que j’appelle
le
« désordre établi ». Ces conditions idéales n’ont encore jamais été r
2329
itions idéales n’ont encore jamais été réalisées.
La
Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonienne. Les révolu
2330
été réalisées. La Révolution française a abouti à
la
tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou b
2331
n française a abouti à la tyrannie napoléonienne.
Les
révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nati
2332
de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par
les
nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déc
2333
sées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à
la
guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir
2334
e 1914. Un homme politique français a déclaré : «
Le
pouvoir personnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en est-il du pou
2335
» Bon. Mais qu’en est-il du pouvoir impersonnel ?
Le
cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impers
2336
uatrième a abouti à de Gaulle. Faudrait-il saluer
le
régime personnel, parce qu’il conduit à un régime impersonnel ? Comme
2337
à un régime impersonnel ? Comment expliquez-vous
l’
apogée et la chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pa
2338
impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et
la
chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les ci
2339
ilisations ? Personnellement, je ne crois pas que
les
civilisations soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fru
2340
e ne crois pas que les civilisations soient comme
les
plantes, qui poussent, donnent des fruits, fanent et meurent. Hegel,
2341
cette idée, séduisante mais fausse. Aujourd’hui,
la
civilisation née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas
2342
jourd’hui, la civilisation née en Europe recouvre
la
terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui
2343
rope recouvre la terre entière ; elle n’est pas à
la
merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alime
2344
à la merci des forces extérieures qui pourraient
la
détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force d
2345
e. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je
le
suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment
2346
e à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne
les
effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé da
2347
e le suis en ce qui concerne les effets de ce que
l’
Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisatio
2348
e les effets de ce que l’Homme, indépendamment de
la
nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l’ho
2349
oppé dans cette civilisation. Je ne crois pas que
l’
homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de se
2350
sclave de certaines de ses tendances qui prennent
les
machines comme paravent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il
2351
ndances qui prennent les machines comme paravent.
L’
homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité soc
2352
e. Dans un petit livre que j’ai écrit en 1946 sur
la
bombe atomique, je disais en post-scriptum à mes lettres : « Un derni
2353
lettres : « Un dernier mot, et dire que j’allais
l’
oublier : la bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vo
2354
Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier :
la
bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous la laisse
2355
t pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous
la
laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas en sortir toute seu
2356
toute seule. On nomme des comités pour contrôler
la
bombe ! C’est aussi absurde que si l’on se jetait sur une chaise pour
2357
r contrôler la bombe ! C’est aussi absurde que si
l’
on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de
2358
absurde que si l’on se jetait sur une chaise pour
l’
empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” es
2359
pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine.
Le
“contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est u
2360
d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de
la
bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’
2361
surdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de
l’
homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » J
2362
qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. »
Les
gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » Je leur répon
2363
me. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par
les
machines. » Je leur réponds : « Je voudrais bien qu’une Rolls-Royce o
2364
Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans
la
cour de ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la resp
2365
aison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est
la
responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans un
2366
’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de
l’
artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agran
2367
é qui s’agrandit follement, qui perd ses mesures,
la
fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, de
2368
t follement, qui perd ses mesures, la fonction de
l’
art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles effic
2369
des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour
la
sensibilité. Comme l’ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à f
2370
des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme
l’
ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’arch
2371
s efficaces pour la sensibilité. Comme l’ont fait
la
statuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’architecture mé
2372
atuaire grecque avec ses dieux à formes humaines,
l’
architecture médiévale avec les voûtes romanes et les flèches gothique
2373
à formes humaines, l’architecture médiévale avec
les
voûtes romanes et les flèches gothiques, les troubadours avec leurs p
2374
architecture médiévale avec les voûtes romanes et
les
flèches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’un érotisme ra
2375
avec les voûtes romanes et les flèches gothiques,
les
troubadours avec leurs poèmes d’un érotisme raffiné, les romanciers d
2376
ubadours avec leurs poèmes d’un érotisme raffiné,
les
romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spiritue
2377
d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de
la
Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais
2378
romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de
l’
aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes
2379
le ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de
la
passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils ré
2380
e spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui,
les
artistes ne fondent plus rien : ils réagissent aux mouvements affecti
2381
ifs passionnels, aux névroses et aux psychoses de
l’
époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en tradui
2382
x névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont
les
ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les
2383
ux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de
l’
inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants, mai
2384
onscient collectif, ils en traduisent et révèlent
les
courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à l’essayiste, au philo
2385
s courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à
l’
essayiste, au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d
2386
ue, au moraliste imaginatif, de tenter d’agir sur
l’
époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts,
2387
te imaginatif, de tenter d’agir sur l’époque dans
la
mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de
2388
s et aux sensibilités. Mais encore faut-il sentir
l’
époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’ar
2389
sibilités. Mais encore faut-il sentir l’époque si
l’
on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous
2390
e faut-il sentir l’époque si l’on veut essayer de
l’
influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous a r
2391
eut essayer de l’influencer : et c’est à cela que
l’
art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitu
2392
art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930
le
style et l’habitus des régimes policiers que la psyché moderne foment
2393
s aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et
l’
habitus des régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa
2394
0 le style et l’habitus des régimes policiers que
la
psyché moderne fomentait dans sa démence la plus secrète. Par quoi ce
2395
s que la psyché moderne fomentait dans sa démence
la
plus secrète. Par quoi cette période anarchique que traverse notre si
2396
éparée ? Je vous dirais sans trop réfléchir : par
le
nationalisme militarisé, l’étatisme, le matérialisme capitaliste, le
2397
trop réfléchir : par le nationalisme militarisé,
l’
étatisme, le matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyan
2398
hir : par le nationalisme militarisé, l’étatisme,
le
matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyance aux toujo
2399
itarisé, l’étatisme, le matérialisme capitaliste,
le
scientisme plat et la croyance aux toujours plus grands nombres. Mais
2400
e matérialisme capitaliste, le scientisme plat et
la
croyance aux toujours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie d’é
2401
bres. Mais je n’ai pas envie d’étudier après coup
l’
histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui
2402
ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas
le
passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’es
2403
t pas le passé de notre désordre, mais de trouver
les
moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par
2404
car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir
l’
avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste, pour essaye
2405
as là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour
le
faire, disons d’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans
2406
e, disons d’une manière réaliste, pour essayer de
le
changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma j
2407
manière réaliste, pour essayer de le changer dans
le
bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre c
2408
que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de
l’
engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Q
2409
dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de
l’
écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que cel
2410
tre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était
la
politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est e
2411
? C’est en somme une morale du risque assumé, de
l’
action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y t
2412
orale du risque assumé, de l’action, orientée par
l’
esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera c
2413
assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de
la
vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pourra
2414
t, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et
l’
époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est
2415
s et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout,
le
but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c
2416
que fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de
la
société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dir
2417
ourra… Après tout, le but de la société n’est pas
la
société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à la fois
2418
e la société n’est pas la société elle-même, mais
la
personne, c’est-à-dire l’homme, à la fois libre et responsable, tradu
2419
société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire
l’
homme, à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phra
2420
Un débat sur
l’
objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai
2421
bat sur l’objection de conscience : entre Dieu et
l’
État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis de
2422
nce : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai
Le
27 juin dernier, le professeur Denis de Rougemont intervenait dans le
2423
l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier,
le
professeur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’un objecte
2424
le professeur Denis de Rougemont intervenait dans
le
procès d’un objecteur de conscience en adressant au président du Trib
2425
nal militaire un témoignage que nous avons publié
le
30 juin. Ce témoignage a suscité des controverses, auxquelles le déba
2426
témoignage a suscité des controverses, auxquelles
le
débat que nous présentons ici n’a pas la prétention d’apporter une co
2427
xquelles le débat que nous présentons ici n’a pas
la
prétention d’apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout
2428
n définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir
les
idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admet
2429
git avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner
le
problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable qu
2430
de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de
l’
objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problème e
2431
en préalable que ce problème existe. Non pas par
l’
importance du nombre de ceux qui professent l’objection et en portent
2432
par l’importance du nombre de ceux qui professent
l’
objection et en portent témoignage, mais par la valeur des principes q
2433
nt l’objection et en portent témoignage, mais par
la
valeur des principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et
2434
et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de
la
guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de
2435
nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre,
l’
objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de p
2436
être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans
la
paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoi
2437
ée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que
l’
on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova
2438
e n’est que dans la paix que l’on s’interroge sur
la
guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un c
2439
ns la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si
l’
on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier
2440
’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part
les
Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-r
2441
ins de Jéhova qui constituent un cas particulier,
le
« portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs de conscience que l
2442
des soixante-quinze objecteurs de conscience que
les
tribunaux militaires suisses ont condamnés en 1967 peut être rapideme
2443
condamnés en 1967 peut être rapidement esquissé :
l’
objecteur est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 a
2444
tionnellement plus nombreux en Suisse romande. Si
la
notion d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs
2445
motivations chrétiennes. C’est donc par elles que
la
discussion doit commencer. Et là, deux religions se heurtent : la rel
2446
it commencer. Et là, deux religions se heurtent :
la
religion civique et la religion divine. Laquelle doit primer l’autre
2447
ux religions se heurtent : la religion civique et
la
religion divine. Laquelle doit primer l’autre ? C’est la première que
2448
Michel Barde. — Nous examinerons au premier chef
l’
objection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction d
2449
religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans
le
fait que la Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astrein
2450
N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait que
la
Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astreint au service
2451
isse est astreint au service militaire, alors que
l’
objecteur de conscience religieux se réfère à cette même Constitution,
2452
ligieux se réfère à cette même Constitution, dont
le
préambule commence par une invocation « Au nom du Dieu Tout-Puissant
2453
ut-Puissant » ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —
L’
article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de con
2454
Colonel divisionnaire Dénéréaz. — L’article 49 de
la
Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le
2455
éréaz. — L’article 49 de la Constitution garantit
la
liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet arti
2456
ntit la liberté religieuse et de conscience. Mais
le
paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’opinion
2457
pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de
l’
accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique es
2458
de l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc,
le
fondement juridique est clair : la Constitution ne permet pas l’objec
2459
vique ». Donc, le fondement juridique est clair :
la
Constitution ne permet pas l’objection de conscience pour raison reli
2460
ridique est clair : la Constitution ne permet pas
l’
objection de conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun co
2461
son religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre
l’
armée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstituti
2462
use. Il n’y a donc aucun conflit entre l’armée et
l’
objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et
2463
entre l’armée et l’objecteur de conscience, dont
l’
attitude est anticonstitutionnelle et non pas antimilitariste. Cela do
2464
t non pas antimilitariste. Cela doit être dit car
la
procédure qui conduit à la sanction peut faire croire qu’il s’agit un
2465
Cela doit être dit car la procédure qui conduit à
la
sanction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’une opposition d
2466
’agit uniquement d’une opposition d’intérêt entre
l’
armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est
2467
ement d’une opposition d’intérêt entre l’armée et
l’
objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticonstit
2468
rêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. —
L’
opposition de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’
2469
e et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de
l’
objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur le f
2470
ticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur
le
fait que la Constitution se réfère « Au Dieu Tout-Puissant ». Christi
2471
onnelle, mais elle peut s’appuyer sur le fait que
la
Constitution se réfère « Au Dieu Tout-Puissant ». Christian Schaller,
2472
r, vous avez objecté pour des motifs religieux…
La
religion n’est pas le motif exclusif Christian Schaller. — Je ne p
2473
our des motifs religieux… La religion n’est pas
le
motif exclusif Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il y ait d
2474
— Je ne pense pas qu’il y ait de différence dans
les
aboutissants entre une objection pour des motifs religieux et pour d’
2475
religieux et pour d’autres motifs de conscience.
Les
questions posées sont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent l
2476
ont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent
le
cadre strictement religieux. Bernard Béguin. — Donc vous n’invoquez p
2477
gieux. Bernard Béguin. — Donc vous n’invoquez pas
le
préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement
2478
éguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule de
la
Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autres
2479
tion pour vous autoriser à objecter autrement que
les
autres ? Christian Schaller. — Non. Je ne fais personnellement pas de
2480
e ne fais personnellement pas de différence entre
les
diverses catégories d’objecteurs. Je pense que ce qui est important,
2481
umanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu
le
sentiment, en objectant, de faire une œuvre antimilitariste — je préc
2482
challer. — Je pense plutôt anticonstitutionnelle.
L’
objecteur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’
2483
eur choisit un moyen défini de mettre en évidence
l’
injustice d’une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen
2484
en d’une opposition au système actuel. Il choisit
le
moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par un
2485
osition au système actuel. Il choisit le moyen de
la
refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puis
2486
ais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte
le
jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous le
2487
gement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas
le
cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la sépa
2488
unaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous
les
objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation soit tell
2489
les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que
la
séparation soit tellement entre militaires et objecteurs qu’entre « c
2490
rvateurs » et « progressistes », si je puis dire.
L’
objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et
2491
des solutions nouvelles, et de faire en sorte que
les
problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres. Et
2492
très proche des militaires qui, à l’intérieur de
l’
édifice, font le même travail d’une autre manière. Michel Barde. — L’o
2493
militaires qui, à l’intérieur de l’édifice, font
le
même travail d’une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religie
2494
même travail d’une autre manière. Michel Barde. —
L’
objecteur religieux n’est-il pas plus « intimiste » que l’objecteur hu
2495
eur religieux n’est-il pas plus « intimiste » que
l’
objecteur humanitaire, attaché à renverser certaines structures ? Chri
2496
lusions. Denis de Rougemont. — Je suis frappé par
la
lecture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un
2497
de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans
le
cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère
2498
phe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit entre
les
devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses devoirs religieux
2499
d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que
l’
on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques
2500
on considère comme ses devoirs religieux, ce sont
les
devoirs civiques qui l’emportent. Que veut dire alors « Au nom du Die
2501
voirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui
l’
emportent. Que veut dire alors « Au nom du Dieu Tout-Puissant », inscr
2502
ire. C’est une couverture pour quelque chose dont
le
contenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la reli
2503
chose dont le contenu est une autre religion que
le
christianisme, à savoir la religion civique. C’est la religion stato-
2504
une autre religion que le christianisme, à savoir
la
religion civique. C’est la religion stato-nationaliste fabriquée par
2505
hristianisme, à savoir la religion civique. C’est
la
religion stato-nationaliste fabriquée par la Révolution française et
2506
’est la religion stato-nationaliste fabriquée par
la
Révolution française et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’
2507
. Il ne faut pas nous raconter d’histoires, c’est
la
religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce qu’on sait : au rég
2508
nscendance, à quelque chose qui soit au-dessus de
l’
État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite,
2509
e qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de
l’
État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au nom
2510
ettre « Au nom du Dieu Tout-Puissant », entendant
le
Dieu chrétien, en tête d’une Constitution qui n’est absolument pas ch
2511
enis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans
le
cas du conflit prévu par cet article 49, paragraphe 8, on tranche con
2512
r cet article 49, paragraphe 8, on tranche contre
la
religion chrétienne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’un i
2513
la religion chrétienne. Bernard Béguin. — Contre
l’
interprétation d’un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion
2514
tation d’un individu… Denis de Rougemont. — C’est
la
religion civique qui triomphe. Si l’objecteur invoque son christianis
2515
ont. — C’est la religion civique qui triomphe. Si
l’
objecteur invoque son christianisme, on lui dira : « Tant pis, c’est l
2516
on christianisme, on lui dira : « Tant pis, c’est
le
civisme. » Bernard Béguin. — C’est une interprétation personnelle du
2517
ace à celui d’une collectivité, qui, elle, a jugé
le
christianisme compatible avec le service militaire du citoyen. Moy
2518
ui, elle, a jugé le christianisme compatible avec
le
service militaire du citoyen. Moyen légal ou ferment d’anarchie ?
2519
rment d’anarchie ? Denis de Rougemont. — Voilà
le
dilemme. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils de nos p
2520
e dilemme. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans
les
conseils de nos plus petites communes, chaque séance débute en plaçan
2521
tte réunion d’une cinquantaine de citoyens « sous
la
protection divine ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de c
2522
ion divine ». Christian Schaller. — Mais quel est
le
sens de cette protection divine que l’on utilise pour la religion du
2523
s quel est le sens de cette protection divine que
l’
on utilise pour la religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment la
2524
de cette protection divine que l’on utilise pour
la
religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’être
2525
a religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment
la
même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il
2526
en, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a
les
lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. Je ne pense pas que le con
2527
être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi
l’
esprit des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité p
2528
y a aussi l’esprit des lois. Je ne pense pas que
le
conformisme soit une qualité première du bon citoyen, et je pense que
2529
qualité première du bon citoyen, et je pense que
la
critique des lois fait partie intégrante des qualités du civisme. Nou
2530
s avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de
l’
État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus j
2531
à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où
le
citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamais en q
2532
tir une religion de l’État où le citoyen applique
les
lois et y obéit sans les mettre plus jamais en question. Bernard Bégu
2533
t où le citoyen applique les lois et y obéit sans
les
mettre plus jamais en question. Bernard Béguin. — Tout dépend si le c
2534
ais en question. Bernard Béguin. — Tout dépend si
le
citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dict
2535
éguin. — Tout dépend si le citoyen est autorisé à
les
faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faite
2536
les lui sont dictées. Si elles ont été faites par
la
collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Chr
2537
le en tout temps. Christian Schaller. — Eh bien !
L’
objection de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que le
2538
ience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que
les
lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évidence certai
2539
u’on a tendance à masquer d’habitude. Par exemple
le
fait que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’être citoyen
2540
d’habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas
la
même chose d’être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une p
2541
la même chose d’être chrétien et d’être citoyen.
L’
objecteur prend une position particulière pour mettre en évidence un é
2542
ernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie.
La
désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christian Schaller.
2543
narchie. La désobéissance civique peut conduire à
l’
anarchie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, m
2544
s-vous conscient aussi du danger inverse, qui est
le
danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la just
2545
ent aussi du danger inverse, qui est le danger de
l’
obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire
2546
t le danger de l’obéissance inconditionnelle ?
La
compétence de la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne conna
2547
obéissance inconditionnelle ? La compétence de
la
justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les tro
2548
taire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas
les
troupes genevoises si vous parlez d’obéissance inconditionnelle… Deni
2549
t de vue des citoyens, c’est beaucoup plus grave.
Le
conformisme du citoyen qui se croit bon citoyen parce qu’il fait tout
2550
qu’on lui dit, ce conformisme-là ne conduit pas à
l’
anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens
2551
me-là ne conduit pas à l’anarchie, mais conduit à
la
dictature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des dict
2552
à l’anarchie, mais conduit à la dictature. C’est
la
démission des citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Bégu
2553
ctature. C’est la démission des citoyens qui fait
la
force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la dém
2554
la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est
le
désordre dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le c
2555
tateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans
la
démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les
2556
C’est le désordre dans la démocratie qui appelle
les
dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’une collectivité dé
2557
a démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand
le
citoyen récuse les lois d’une collectivité démocratique il ne crée pa
2558
ppelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse
les
lois d’une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocrat
2559
tique il ne crée pas une superdémocratie, il fait
le
lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantis
2560
e crée pas une superdémocratie, il fait le lit de
la
dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui att
2561
une constitution démocratique au lieu de chercher
la
réforme dans son cadre. Denis de Rougemont. — J’aimerais rappeler que
2562
re. Denis de Rougemont. — J’aimerais rappeler que
le
problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée.
2563
J’aimerais rappeler que le problème est celui de
l’
objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a é
2564
t celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de
l’
armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clairement que le conflit était
2565
ée. Bernard Béguin. — Il a été dit clairement que
le
conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec l’armée. Or en effe
2566
é dit clairement que le conflit était plutôt avec
la
Constitution qu’avec l’armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille
2567
conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec
l’
armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille les objecteurs au momen
2568
a Constitution qu’avec l’armée. Or en effet c’est
l’
armée qui accueille les objecteurs au moment du recrutement, et c’est
2569
l’armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille
les
objecteurs au moment du recrutement, et c’est l’armée qui les juge. L
2570
les objecteurs au moment du recrutement, et c’est
l’
armée qui les juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la se
2571
rs au moment du recrutement, et c’est l’armée qui
les
juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la section du recr
2572
nt du recrutement, et c’est l’armée qui les juge.
Le
colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la section du recrutement.
2573
uge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé
la
section du recrutement. Dans quel cadre agissent les colonels recrute
2574
section du recrutement. Dans quel cadre agissent
les
colonels recruteurs qui font face à l’objecteur pour la première fois
2575
agissent les colonels recruteurs qui font face à
l’
objecteur pour la première fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’il n
2576
nt chaque année. Sur ce nombre, environ 300, pour
l’
ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300,
2577
e. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ensemble de
la
Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une at
2578
s 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de
l’
armée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la
2579
rd de l’armée et acceptent d’être incorporés dans
le
service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont
2580
t d’être incorporés dans le service de santé. Sur
la
centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. V
2581
connaissez leur doctrine — je simplifie : il y a
le
royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans l
2582
ne — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et
le
royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Sa
2583
t le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans
le
ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous accepton
2584
ldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur
la
terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service d
2585
eu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre.
Les
directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tou
2586
Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans
le
service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux,
2587
incorporer dans le service de santé tous ceux qui
le
désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela montre que si nous n’avons
2588
e que si nous n’avons pas en droit un statut pour
les
objecteurs nous l’avons en fait. L’objecteur peut accomplir ses devoi
2589
s pas en droit un statut pour les objecteurs nous
l’
avons en fait. L’objecteur peut accomplir ses devoirs civiques sans s’
2590
statut pour les objecteurs nous l’avons en fait.
L’
objecteur peut accomplir ses devoirs civiques sans s’opposer à sa prop
2591
iques sans s’opposer à sa propre conscience. Pour
les
autres, l’officier de recrutement cherche encore une fois à les conva
2592
’opposer à sa propre conscience. Pour les autres,
l’
officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis
2593
officier de recrutement cherche encore une fois à
les
convaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus d
2594
cherche encore une fois à les convaincre puis il
les
incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent
2595
nt dans leur refus de servir, ils arrivent devant
les
tribunaux militaires. Bernard Béguin. — Colonel Vaucher, comment la j
2596
aires. Bernard Béguin. — Colonel Vaucher, comment
la
justice militaire prend-elle ce problème : défi constitutionnel et dé
2597
elle ce problème : défi constitutionnel et défi à
l’
armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens,
2598
leur premier refus de servir ? Colonel Vaucher. —
La
justice militaire est compétente parce que la loi le dit. Nous, offic
2599
. — La justice militaire est compétente parce que
la
loi le dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions au
2600
justice militaire est compétente parce que la loi
le
dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions aucun inc
2601
ire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que
les
objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leu
2602
sionnaire Dénéréaz. — Jugez-vous des mineurs dans
les
tribunaux militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous pouvons les juger.
2603
militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous pouvons
les
juger. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peu
2604
les juger. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais
le
garçon de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qu
2605
de. — Il y en a qui se présentent à 19 ans devant
les
tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circo
2606
ribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans
l’
examen des circonstances atténuantes. Colonel divisionnaire Dénéréaz.
2607
déterminons notre compétence. Nous ne pouvons pas
la
récuser. Bernard Béguin. — Pouvez-vous maintenant définir la punition
2608
Bernard Béguin. — Pouvez-vous maintenant définir
la
punition ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscienc
2609
intenant définir la punition ? Colonel Vaucher. —
La
punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour
2610
r la punition ? Colonel Vaucher. — La punition de
l’
objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs moraux,
2611
fs moraux, philosophiques, peut être atténuée par
le
tribunal. Au lieu de l’emprisonnement tout court, on prononce l’empri
2612
s, peut être atténuée par le tribunal. Au lieu de
l’
emprisonnement tout court, on prononce l’emprisonnement à subir sous l
2613
lieu de l’emprisonnement tout court, on prononce
l’
emprisonnement à subir sous le régime des arrêts répressifs ; ou bien,
2614
court, on prononce l’emprisonnement à subir sous
le
régime des arrêts répressifs ; ou bien, on peut aussi prononcer direc
2615
fs ; ou bien, on peut aussi prononcer directement
les
arrêts répressifs. La différence n’est pas seulement théorique : les
2616
ussi prononcer directement les arrêts répressifs.
La
différence n’est pas seulement théorique : les arrêts répressifs sont
2617
fs. La différence n’est pas seulement théorique :
les
arrêts répressifs sont limités à trois mois au maximum, tandis que l’
2618
sont limités à trois mois au maximum, tandis que
l’
emprisonnement peut être plus long. Bernard Béguin. — Mais est-ce que
2619
être plus long. Bernard Béguin. — Mais est-ce que
les
arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit commun ? C
2620
droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas.
Les
arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des pr
2621
e sont subis dans des prisons, certainement, mais
les
objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journ
2622
de conscience sont autorisés à travailler pendant
la
journée dans des établissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais
2623
ve, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à
l’
hôpital cantonal. Bernard Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un gar
2624
Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de
l’
exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, j
2625
ous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont
les
cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu
2626
jamais eu de plainte de la part des condamnés sur
les
conditions de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne p
2627
de détention. Michel Barde. — Il est évident que
l’
on ne peut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs de conscience
2628
t que l’on ne peut éviter toute promiscuité, mais
les
objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées.
2629
de même un malaise à juger des honnêtes gens et à
les
mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribun
2630
ns une prison de droit commun. Colonel Vaucher. —
Les
tribunaux militaires jugent en majorité des honnêtes gens, c’est vrai
2631
ent aux objecteurs de conscience. Je pense à tous
les
soldats qui ont commis des actes d’indiscipline, qui n’ont pas fait l
2632
as fait leur service par négligence, ou parce que
les
conditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudic
2633
à leur causaient un grave préjudice financier. Je
les
considère tous comme des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour
2634
comme des hérétiques ? Christian Schaller. — À
la
limite, on pourrait étendre votre définition et dire que tous les gen
2635
ourrait étendre votre définition et dire que tous
les
gens qui vont devant les tribunaux, ou à peu près, viennent pour des
2636
inition et dire que tous les gens qui vont devant
les
tribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes de discipline. J’a
2637
un délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit
l’
honnêteté. Vous pouvez le considérer comme arbitraire, mais il existe.
2638
n Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouvez
le
considérer comme arbitraire, mais il existe. Et d’autre part nous avo
2639
onséquent il y a une très grande différence entre
l’
infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colon
2640
a une très grande différence entre l’infraction à
la
discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnair
2641
différence entre l’infraction à la discipline et
l’
infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’a
2642
infraction à la discipline et l’infraction contre
le
Code pénal. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’aimerais que le colon
2643
Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’aimerais que
le
colonel Vaucher parle du sursis. Colonel Vaucher. — Depuis 1950, l
2644
rle du sursis. Colonel Vaucher. — Depuis 1950,
le
Code militaire n’autorise plus de prononcer comme peine accessoire la
2645
autorise plus de prononcer comme peine accessoire
la
privation des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscie
2646
bénéficier, sauf s’ils déclarent être disposés à
l’
avenir à faire leur service. L’article 32 du Code pénal militaire, qui
2647
nt être disposés à l’avenir à faire leur service.
L’
article 32 du Code pénal militaire, qui est absolument pareil au Code
2648
il au Code pénal suisse sur ce point, précise que
le
sursis ne peut être accordé que lorsque le tribunal a la conviction q
2649
se que le sursis ne peut être accordé que lorsque
le
tribunal a la conviction que cette mesure détournera l’accusé de comm
2650
is ne peut être accordé que lorsque le tribunal a
la
conviction que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouve
2651
bunal a la conviction que cette mesure détournera
l’
accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux milit
2652
ilitaires ont essayé de dire qu’ils n’avaient pas
la
conviction, mais l’espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se
2653
de dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais
l’
espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se présenterait au ser
2654
ls n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que
le
jeune homme réfléchirait et qu’il se présenterait au service militair
2655
rvice militaire. Ces jugements ont été cassés par
le
tribunal militaire de cassation : conformément à la jurisprudence de
2656
tribunal militaire de cassation : conformément à
la
jurisprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut
2657
ssation : conformément à la jurisprudence de tous
les
tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que si le ju
2658
risprudence de tous les tribunaux pénaux suisses,
le
sursis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais
2659
ux suisses, le sursis ne peut être accordé que si
le
juge a plus qu’un espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’ob
2660
un espoir, mais une conviction suffisante. Alors,
l’
objecteur est forcément condamné, puisque les conditions objectives d’
2661
lors, l’objecteur est forcément condamné, puisque
les
conditions objectives d’une infraction (art. 81 du Code pénal militai
2662
aire : refus de servir) sont réalisées. Mais avec
les
atténuations dont nous avons parlé. Bernard Béguin. — Ces atténuation
2663
nt venues d’un malaise, d’un sentiment public que
la
répression était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pen
2664
ait excessive ? Est-ce que c’est une évolution de
la
pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vaucher
2665
ution de la pensée du législateur interprétée par
les
tribunaux ? Colonel Vaucher. — C’est le législateur qui a modifié la
2666
étée par les tribunaux ? Colonel Vaucher. — C’est
le
législateur qui a modifié la loi, à la suite de débats concernant l’o
2667
nel Vaucher. — C’est le législateur qui a modifié
la
loi, à la suite de débats concernant l’objection de conscience, devan
2668
a modifié la loi, à la suite de débats concernant
l’
objection de conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La
2669
bats concernant l’objection de conscience, devant
les
Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnation est forcément prononc
2670
ience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. —
La
condamnation est forcément prononcée lorsque les conditions objective
2671
— La condamnation est forcément prononcée lorsque
les
conditions objectives sont réunies, disiez-vous ? Colonel Vaucher. —
2672
es sont réunies, disiez-vous ? Colonel Vaucher. —
L’
intention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalis
2673
propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de
l’
estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les chose
2674
ce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que
les
choses semblaient se présenter de telle manière qu’il serait certaine
2675
l serait certainement condamné une seconde fois à
la
même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne changerait certain
2676
nt pas son fusil d’épaule — après avoir refusé de
le
porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours puni
2677
épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu
l’
impression que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès
2678
oir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que
les
objecteurs étaient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’aut
2679
que les objecteurs étaient toujours punis, et que
le
procès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les conditions
2680
ès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si
les
conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C
2681
que de déterminer si les conditions objectives de
l’
objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passa
2682
C’est ainsi que cela se passait au Moyen Âge dans
les
tribunaux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonsta
2683
ela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de
l’
Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les motifs
2684
aux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout
les
circonstances, les motifs. On cherchait uniquement la constatation ob
2685
n. On ne cherchait pas du tout les circonstances,
les
motifs. On cherchait uniquement la constatation objective que le pers
2686
irconstances, les motifs. On cherchait uniquement
la
constatation objective que le personnage était un hérétique. Après ça
2687
herchait uniquement la constatation objective que
le
personnage était un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à dis
2688
. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on
le
brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le ca
2689
le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à
l’
idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne com
2690
ors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans
le
cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique,
2691
té un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de
l’
objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement
2692
que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on
le
condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré le f
2693
un hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré
le
fait qu’il était objecteur. On tient compte des circonstances atté
2694
ntes Colonel Vaucher. — Ce n’est pas exact. Si
l’
objecteur bénéficie de circonstances atténuantes ou exculpantes, il se
2695
lonel Vaucher. — Mais oui, bien sûr, mais en fait
le
cas ne se présente pas. Quand acquitte-t-on le meurtrier ? S’il est t
2696
it le cas ne se présente pas. Quand acquitte-t-on
le
meurtrier ? S’il est totalement irresponsable. Un objecteur totalemen
2697
i. C’est évident. Mais je n’en ai jamais vu. Tous
les
objecteurs que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de malad
2698
d Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherchent
la
condamnation. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques. Les civi
2699
hent la condamnation. Denis de Rougemont. — Comme
les
hérétiques. Les civils plus intolérants que l’armée Colonel Vau
2700
n. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques.
Les
civils plus intolérants que l’armée Colonel Vaucher. — Nous écouto
2701
es hérétiques. Les civils plus intolérants que
l’
armée Colonel Vaucher. — Nous écoutons très longuement leurs motifs
2702
Nous écoutons très longuement leurs motifs, nous
les
demandons, car si ces motifs ne sont ni religieux, ni moraux, ni phil
2703
ilosophiques, alors nous ne pouvons leur accorder
le
bénéfice d’un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement to
2704
bénéfice d’un traitement plus favorable, et c’est
l’
emprisonnement tout court. Bernard Béguin. — M. Schaller va me répondr
2705
va me répondre parce que j’ai dit qu’il cherchait
la
condamnation. Christian Schaller. — Je voudrais répondre également au
2706
rais répondre également au grand juge Vaucher que
le
tribunal apprécie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin
2707
nt au grand juge Vaucher que le tribunal apprécie
les
motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où de
2708
tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à
l’
accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut p
2709
x valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé
le
droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d
2710
conscience. On ne peut pas dire d’autre part que
l’
objecteur cherche sa condamnation. Il accepte la loi. (Il pourrait s’y
2711
e l’objecteur cherche sa condamnation. Il accepte
la
loi. (Il pourrait s’y soustraire en se faisant réformer.) Mais sans s
2712
n se faisant réformer.) Mais sans se soustraire à
la
loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifie
2713
isant réformer.) Mais sans se soustraire à la loi
l’
objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esp
2714
soustraire à la loi l’objecteur cherche à montrer
les
failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malg
2715
loi l’objecteur cherche à montrer les failles de
la
loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut s
2716
he à montrer les failles de la loi, et à modifier
l’
esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut se faire, puisque les l
2717
lateur. Ce qui malgré tout peut se faire, puisque
les
lois changent. Colonel Vaucher. — Je voudrais répondre encore à M. de
2718
Je voudrais répondre encore à M. de Rougemont que
l’
appréciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nou
2719
que l’appréciation des mobiles joue un rôle dans
la
quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la v
2720
ation des mobiles joue un rôle dans la quotité de
la
peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des objecte
2721
eine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que
la
vie des objecteurs soit en rapport avec leurs principes. Enfin nous n
2722
s pas perpétuellement. Autrefois, il arrivait que
l’
on prononce trois condamnations. C’était trop. Maintenant à la deuxièm
2723
xième condamnation au plus tard, nous excluons de
l’
armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez de
2724
e tribunaux civils. Je crois que dans notre pays,
l’
armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêm
2725
civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et
le
peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêmes personna
2726
euple sont si intimement mêlés que vous retrouvez
les
mêmes personnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des offi
2727
lés que vous retrouvez les mêmes personnages dans
les
deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en r
2728
e Rougemont. — Je n’ai absolument rien dit contre
l’
armée en tant que telle. Je parle contre un certain état d’esprit que
2729
d’esprit que je trouve beaucoup plus répandu chez
les
civils que chez les officiers. Les civils sont souvent absolument int
2730
ve beaucoup plus répandu chez les civils que chez
les
officiers. Les civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont
2731
s répandu chez les civils que chez les officiers.
Les
civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas
2732
absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas
la
compréhension que vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont d
2733
s. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exactement
le
contraire dans nos jugements. Denis de Rougemont. — Effectivement, da
2734
ements. Denis de Rougemont. — Effectivement, dans
l’
armée je n’ai pas entendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à l
2735
ntendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à
le
dire : nous ne représentons pas l’armée au tribunal militaire. Nous r
2736
ens beaucoup à le dire : nous ne représentons pas
l’
armée au tribunal militaire. Nous représentons le peuple, et si le peu
2737
l’armée au tribunal militaire. Nous représentons
le
peuple, et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines
2738
nal militaire. Nous représentons le peuple, et si
le
peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres
2739
ns le peuple, et si le peuple suisse veut déférer
le
jugement de certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le
2740
ines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il
le
fasse. Bernard Béguin. — Colonel divisionnaire Dénéréaz, vous command
2741
ntraindre au service militaire des hommes qui ont
l’
objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Le Tri
2742
itaire des hommes qui ont l’objection chevillée à
l’
âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Le Tribunal militaire ne juge
2743
illée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —
Le
Tribunal militaire ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le
2744
ire Dénéréaz. — Le Tribunal militaire ne juge pas
l’
objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — p
2745
re ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge
le
citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’est
2746
servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’est pas
la
même chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas de leur dire chaq
2747
nquons pas de leur dire chaque fois : « Vous avez
le
droit de critiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire
2748
e chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer
l’
armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre service. Nous n
2749
aire votre service. Nous ne vous demandons pas de
l’
aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de c
2750
r, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. —
L’
objecteur de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est
2751
de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que
l’
armée est mal faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un pro
2752
l’armée est mal faite. Il veut manifester contre
la
guerre. C’est un problème formidable qui est posé aujourd’hui, surtou
2753
formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans
la
période atomique qui change tout à mon sens. Bernard Béguin. — Quand
2754
mon sens. Bernard Béguin. — Quand vous dites que
l’
objection n’est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’o
2755
. — Quand vous dites que l’objection n’est pas de
l’
antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un statu
2756
as de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si
l’
on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment
2757
bien voir que si l’on hésite à créer un statut de
l’
objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui défend
2758
e à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a
le
sentiment qu’il vise l’appareil qui défendra les institutions. Ce que
2759
’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise
l’
appareil qui défendra les institutions. Ce que l’objecteur nous expliq
2760
a le sentiment qu’il vise l’appareil qui défendra
les
institutions. Ce que l’objecteur nous explique mal quand il veut lutt
2761
l’appareil qui défendra les institutions. Ce que
l’
objecteur nous explique mal quand il veut lutter contre la guerre, en
2762
eur nous explique mal quand il veut lutter contre
la
guerre, en Suisse, c’est qu’il s’attaque en même temps à un appareil
2763
ttaque en même temps à un appareil militaire dont
les
obligations constitutionnelles et les structures excluent toute initi
2764
itaire dont les obligations constitutionnelles et
les
structures excluent toute initiative à l’extérieur, et qui ne peut ag
2765
les et les structures excluent toute initiative à
l’
extérieur, et qui ne peut agir qu’en autodéfense. Service civil et
2766
faut pas confondre soldat et militarisme. Mais si
l’
on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’e
2767
ondre soldat et militarisme. Mais si l’on discute
l’
efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, da
2768
militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité de
la
non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre monde a
2769
cacité de la non-violence, il faut aussi discuter
l’
efficacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On n
2770
de défense. On ne peut plus raisonner au temps de
la
bombe atomique comme au temps de Morgarten. On peut dire — je l’ai en
2771
ue comme au temps de Morgarten. On peut dire — je
l’
ai entendu dire par des officiers supérieurs — qu’on se prépare très c
2772
la dernière guerre. Une des questions que posent
les
objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vi
2773
objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans
le
monde où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons d’appliquer le
2774
ons ? Est-ce que nous nous contentons d’appliquer
les
recettes du passé — qui ont toujours si bien marché — ou bien est-ce
2775
faire que simplement assurer notre prospérité et
la
défendre par nos moyens traditionnels ? Est-ce que la Suisse, c’est u
2776
éfendre par nos moyens traditionnels ? Est-ce que
la
Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou est-ce qu’
2777
tionnels ? Est-ce que la Suisse, c’est uniquement
la
conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ?
2778
système militaire, tel qu’il est maintenant, avec
l’
armée que nous avons, est certainement un élément positif, en dépit de
2779
est certainement un élément positif, en dépit de
la
bombe atomique dont on parle beaucoup sans en connaître les effets. P
2780
atomique dont on parle beaucoup sans en connaître
les
effets. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la
2781
s. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à
l’
écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort p
2782
fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de
la
guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible que
2783
le : 40 divisions massées à notre frontière avant
l’
affaire des Balkans… le grand état-major allemand a estimé que ce n’ét
2784
es à notre frontière avant l’affaire des Balkans…
le
grand état-major allemand a estimé que ce n’était pas suffisant. Dema
2785
que ce n’était pas suffisant. Demain ? Nous avons
l’
armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissanc
2786
’était pas suffisant. Demain ? Nous avons l’armée
la
plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vo
2787
ut-être ? Christian Schaller. — Pas du tout. Avec
les
armes conventionnelles, certainement. Colonel divisionnaire Dénéréaz.
2788
el divisionnaire Dénéréaz. — Il n’est pas dit que
la
bombe atomique intervienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici
2789
st pas dit que la bombe atomique intervienne dans
les
combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé qu
2790
nne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de
la
tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute, su
2791
as faire ici de la tactique. Je suis persuadé que
l’
État ne peut pas mettre en doute, surtout dans notre communauté helvét
2792
doute, surtout dans notre communauté helvétique,
la
justification morale du service militaire, voulu par le peuple, et ac
2793
tification morale du service militaire, voulu par
le
peuple, et accepter d’instaurer un service civil. Numériquement, cela
2794
il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas
les
armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire t
2795
as les armes, et de mauvais chrétiens qui portent
les
armes. Il faut faire très attention quand on aborde ce problème, en d
2796
ce problème, en dépit de tout ce qui a été fait à
l’
étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur doit se déc
2797
tel au recrutement, et qu’il ne peut assumer par
la
suite aucune charge d’État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a
2798
Dénéréaz. — Ce n’est pas un progrès. Vous dites,
la
guerre est un mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais
2799
ons-nous faire ? défendre notre pays, c’est tout.
Le
général Guisan l’a magnifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecte
2800
éfendre notre pays, c’est tout. Le général Guisan
l’
a magnifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs de conscience
2801
s avons reçu. » Colonel Vaucher. — Sur le plan de
la
justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions plu
2802
oyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs de
la
faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable en
2803
t qu’une armée est indispensable en Suisse et que
le
service militaire obligatoire paraît la forme la plus démocratique de
2804
se et que le service militaire obligatoire paraît
la
forme la plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totaleme
2805
le service militaire obligatoire paraît la forme
la
plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totalement si une
2806
urraient assurer cette défense. Mais même si elle
le
pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de m
2807
e. Mais même si elle le pouvait elle présenterait
l’
immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le milita
2808
onvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai
le
militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est-ce qu’un service civil
2809
Béguin. — Est-ce qu’un service civil affaiblirait
l’
armée de milice ? Colonel Vaucher. — Probablement… Beaucoup de nos con
2810
el divisionnaire Dénéréaz. — Nous pourrions faire
l’
économie d’abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre
2811
économie d’abandonner notre neutralité, adhérer à
l’
OTAN, nous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une solution.
2812
re neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous
le
parapluie américain. Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions
2813
Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions
le
service militaire sans doute obligatoire, nous passerions pour une pa
2814
à tout, un système international, supranational.
L’
armée que nous avons actuellement en propre nous permet en cas de conf
2815
en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais
la
question est bien là. Nous conservons, mais que construisons-nous ? C
2816
, mais que construisons-nous ? C’est peut-être ça
la
question que nous pouvons nous poser ? Colonel divisionnaire Dénéréaz
2817
ns nous poser ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —
L’
armée n’a jamais contesté l’aide au tiers-monde. Au contraire. Denis d
2818
sionnaire Dénéréaz. — L’armée n’a jamais contesté
l’
aide au tiers-monde. Au contraire. Denis de Rougemont. — La défense su
2819
tiers-monde. Au contraire. Denis de Rougemont. —
La
défense suisse nous a épargné d’être hitlérisés. Il n’y a pas le moin
2820
se nous a épargné d’être hitlérisés. Il n’y a pas
le
moindre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé d’avis à cause d
2821
us. Mais maintenant j’ai changé d’avis à cause de
la
bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille l
2822
n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille
les
destructions physiques et morales qu’entraînerait la bombe atomique s
2823
destructions physiques et morales qu’entraînerait
la
bombe atomique sur un pays. Cela me paraît changer radicalement la va
2824
sur un pays. Cela me paraît changer radicalement
la
valeur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises
2825
Cela me paraît changer radicalement la valeur de
la
guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de conscienc
2826
aleur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. —
Les
grandes crises de conscience sur la guerre que nous avons vécues et q
2827
rd Béguin. — Les grandes crises de conscience sur
la
guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse vit actuellement s
2828
nt venues de deux guerres très conventionnelles :
la
guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la b
2829
es très conventionnelles : la guerre d’Algérie et
la
guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très
2830
: la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et
les
destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que
2831
e et la guerre au Vietnam. Et les destructions de
la
bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolérées
2832
déologiquement, pendant la dernière guerre, comme
le
bombardement de Dresde… Christian Schaller. — On peut précisément s’é
2833
— On peut précisément s’étonner que vous ayez pu
le
tolérer si bien sans changer de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi
2834
ger de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi nous
l’
avons toléré ? Parce que la victoire hitlérienne nous aurait définitiv
2835
éguin. — Pourquoi nous l’avons toléré ? Parce que
la
victoire hitlérienne nous aurait définitivement enlevé tout droit de
2836
sement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons
le
faire en Suisse. Nous ne pourrions peut-être pas le faire en Russie.
2837
faire en Suisse. Nous ne pourrions peut-être pas
le
faire en Russie. Mais je pense, pour ma part, que si la neutralité su
2838
re en Russie. Mais je pense, pour ma part, que si
la
neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir
2839
que si la neutralité suisse doit s’accompagner de
la
solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préférer.
2840
oir lequel des termes on va toujours préférer. Or
l’
on constate qu’on a toujours consacré beaucoup d’énergie à la neutrali
2841
te qu’on a toujours consacré beaucoup d’énergie à
la
neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que l
2842
beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à
la
solidarité. Bernard Béguin. — Parce que la solidarité implique d’abor
2843
peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que
la
solidarité implique d’abord la survie. Vous ne pouvez pas être solida
2844
éguin. — Parce que la solidarité implique d’abord
la
survie. Vous ne pouvez pas être solidaire si vous courez le risque de
2845
Vous ne pouvez pas être solidaire si vous courez
le
risque de l’anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais
2846
ez pas être solidaire si vous courez le risque de
l’
anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontière
2847
ssement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais
les
frontières de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles pas
2848
Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières de
la
survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous les
2849
t plus par nos frontières. Elles passent par tous
les
coins du monde. Nous ne pouvons pas simplement défendre les frontière
2850
du monde. Nous ne pouvons pas simplement défendre
les
frontières du passé sans tenir compte du fait que nos frontières actu
2851
fait que nos frontières actuelles sont celles de
la
planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particulière
2852
de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de
la
situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situation
2853
emont. — On parle de la situation particulière de
la
Suisse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs part
2854
rée pas des devoirs particuliers aux Suisses dans
la
prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu
2855
se en considération et au sérieux, du problème de
la
guerre tel qu’il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut to
2856
stion d’une manière dramatique, et qu’ils forcent
le
public à se poser des questions auxquelles je ne prétends pas répondr
2857
: M. Denis de Rougemont, écrivain, directeur de
l’
Institut universitaire d’études européennes. Colonel divisionnaire Dén
2858
es. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de
la
division mécanisée 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédéral
2859
ecine, co-auteur du Sens de notre refus (Éditions
La
Baconnière). Direction technique : Michel Barde. Rédaction : Bernard
2860
éguin. ai. Rougemont Denis de, « Un débat sur
l’
objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, G
2861
bat sur l’objection de conscience : entre Dieu et
l’
État », Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
2862
« Denis de Rougemont,
l’
amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il de
2863
« Denis de Rougemont, l’amour et
l’
Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’une
2864
ur et l’Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi
l’
amour est-il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée
2865
ajeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur
l’
amour ? C’est la question posée le plus souvent par les interviewers.
2866
pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’amour ? C’est
la
question posée le plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de
2867
j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question posée
le
plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-m
2868
our ? C’est la question posée le plus souvent par
les
interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et
2869
i et comment vous imaginez que j’aurais pu ne pas
le
faire, étant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’un écrivain
2870
vain véritable, et d’Europe, n’a jamais écrit sur
l’
amour, là, il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasio
2871
il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons «
l’
invasion » à ses justes proportions : L’Amour et l’Occident , Comme
2872
uisons « l’invasion » à ses justes proportions :
L’
Amour et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en li
2873
invasion » à ses justes proportions : L’Amour et
l’
Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poch
2874
s : L’Amour et l’Occident , Comme toi-même (ou
Les
Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diabl
2875
t l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de
l’
amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brè
2876
hes de l’amour en livre de poche), un chapitre de
La
Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur l
2877
une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur
les
trente volumes que j’ai publiés, ce n’est guère envahissant. N’oublie
2878
tion d’amour… Je sais bien — mais je suis presque
le
seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui
2879
ur… Je sais bien — mais je suis presque le seul à
le
savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être,
2880
être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin,
le
centre de ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophi
2881
is enfin, le centre de ma méditation écrite reste
le
mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour
2882
le mystère religieux, philosophique et civique de
la
personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustrati
2883
igieux, philosophique et civique de la personne.
L’
Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le dom
2884
losophique et civique de la personne. L’Amour et
l’
Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des re
2885
ident n’en est en somme qu’une illustration dans
le
domaine des relations individuelles, dont l’exemple privilégié reste
2886
dans le domaine des relations individuelles, dont
l’
exemple privilégié reste le couple. Votre livre Comme toi-même (ou L
2887
ns individuelles, dont l’exemple privilégié reste
le
couple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’ins
2888
reste le couple. Votre livre Comme toi-même (ou
Les
Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Oc
2889
e. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de
l’
amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si l
2890
i-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans
le
prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le
2891
es de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de
L’
Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutefois
2892
ur) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et
l’
Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutefois il le recti
2893
i le second ne renie pas le premier, toutefois il
le
rectifie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et l’
2894
ie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans
L’
Amour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-mêm
2895
expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et
l’
Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-même , je cher
2896
tion ? Dans L’Amour et l’Occident je soulignais
les
contrastes, dans Comme toi-même , je cherche les complémentarités. I
2897
les contrastes, dans Comme toi-même , je cherche
les
complémentarités. Il n’y a pas mutation, mais maturation. J’ai voulu
2898
orains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de
la
vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique
2899
et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que
la
dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se
2900
ierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de
l’
amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans la v
2901
que la dialectique de l’amour-passion, exalté par
l’
obstacle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèl
2902
que de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui
le
nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est v
2903
xalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans
la
vie du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherch
2904
cle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple
le
plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible,
2905
e du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que
la
passion cherche l’inaccessible, et que l’autre en tant qu’autre reste
2906
« fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche
l’
inaccessible, et que l’autre en tant qu’autre reste aux yeux de l’amou
2907
et que l’autre en tant qu’autre reste aux yeux de
l’
amour exigeant le mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraien
2908
tant qu’autre reste aux yeux de l’amour exigeant
le
mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer u
2909
tre reste aux yeux de l’amour exigeant le mystère
le
mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer une alliance
2910
nce paradoxale, au sein même du mariage accepté ?
L’
étrangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante
2911
e du mariage accepté ? L’étrangeté essentielle de
la
personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La jeun
2912
ée demeure à jamais fascinante, « passionnante ».
La
jeunesse dans son ensemble vit actuellement ce que nous pourrions app
2913
le vit actuellement ce que nous pourrions appeler
l’
éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’a
2914
ent ce que nous pourrions appeler l’éclatement de
l’
Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion com
2915
ros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de
l’
amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains vont
2916
Certains vont jusqu’à penser qu’« il faut guérir
l’
Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’o
2917
guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De
l’
unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnalité
2918
cident de sa maladie monogamique ». De l’unicité,
l’
amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant «
2919
ladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si
l’
on peut dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la
2920
De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers
la
« pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la famille » dont on par
2921
t dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant «
la
mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du coup
2922
s la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de
la
famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pen
2923
de la famille » dont on parle tant, il s’agit de
la
mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à
2924
pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à
l’
ordre du jour ? La jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre rie
2925
phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ?
La
jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à
2926
ble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à un «
l’
éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le
2927
t vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de
l’
Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un livr
2928
éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et
les
statistiques. Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plu
2929
os », si j’en crois mes yeux et les statistiques.
Le
fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions m
2930
re une persistance très remarquable des mythes de
l’
amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase qui
2931
ère édition une phrase qui se termine ainsi : « …
la
moitié du malheur humain se résume dans le mot d’adultère ». Je craig
2932
: « … la moitié du malheur humain se résume dans
le
mot d’adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée »
2933
nais que cette observation fût « dépassée ». Mais
le
Nouvel Observateur, qui la cite, ajoute : « Trente-cinq ans plus tard
2934
fût « dépassée ». Mais le Nouvel Observateur, qui
la
cite, ajoute : « Trente-cinq ans plus tard, il y a sûrement un change
2935
inq ans plus tard, il y a sûrement un changement.
Les
autres sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion
2936
sources de malheur sont réduites en Occident, et
la
proportion réservée à l’adultère s’est largement accrue. » Me voici d
2937
réduites en Occident, et la proportion réservée à
l’
adultère s’est largement accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon sen
2938
voici dépassé, mais dans mon sens ! Il reste que
l’
amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolis
2939
! Il reste que l’amour-passion est une maladie de
l’
amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imaginati
2940
l’amour-passion est une maladie de l’amour comme
la
drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt s
2941
ion est une maladie de l’amour comme la drogue et
l’
alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expre
2942
me la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de
l’
imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de tran
2943
sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont
les
expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humaine,
2944
es expressions d’un besoin « fou » de transcender
la
condition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que la pas
2945
aine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que
la
passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que le couple,
2946
ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que
le
couple, fondement du rapport humain le plus total, survivra sans trop
2947
pense que le couple, fondement du rapport humain
le
plus total, survivra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La
2948
vra sans trop de mal à nos modes intellectuelles.
La
mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domin
2949
mode littéraire des troubadours et des romans de
la
Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adept
2950
des romans de la Table ronde domine encore, dans
la
proportion de dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs souc
2951
r dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à
l’
érotisme, que je définis comme « l’usage non procréateur du sexe » — j
2952
Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme «
l’
usage non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de
2953
r du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de
l’
espèce contre la démographie galopante. Quand la population ratière de
2954
y vois un mécanisme de défense de l’espèce contre
la
démographie galopante. Quand la population ratière devient trop nombr
2955
e l’espèce contre la démographie galopante. Quand
la
population ratière devient trop nombreuse pour la nourriture disponib
2956
la population ratière devient trop nombreuse pour
la
nourriture disponible, les rats deviennent homosexuels. Mécanisme cyb
2957
ent trop nombreuse pour la nourriture disponible,
les
rats deviennent homosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin de
2958
Et nul besoin de philosopher à son propos, comme
l’
a fait avec tant de talent Georges Bataille. Fasciné par la problémati
2959
avec tant de talent Georges Bataille. Fasciné par
la
problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes
2960
Georges Bataille. Fasciné par la problématique de
l’
amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, culturels
2961
ez parallèlement développé vos propres thèses sur
l’
Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont po
2962
re ces deux pôles d’attraction que sont pour vous
l’
amour d’une part, l’Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’A
2963
attraction que sont pour vous l’amour d’une part,
l’
Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et l’Occident .
2964
l’Europe d’autre part ? Mon titre vous répond :
L’
Amour et l’Occident . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le l
2965
’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et
l’
Occident . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le lien Europe-
2966
ent . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur
le
lien Europe-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grand
2967
avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et
l’
absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme
2968
Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki,
le
« pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le romancier hindou — répondre
2969
Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao,
le
romancier hindou — répondre à ma place et me donner raison. Je suis r
2970
nner raison. Je suis revenu sur ce problème dans
L’
Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion
2971
u sur ce problème dans L’Aventure occidentale de
l’
homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien
2972
cidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que
la
notion de révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au
2973
ue la notion de révolution n’est rien d’autre que
la
passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu
2974
européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source :
le
socialiste Henri de Man l’avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un
2975
rétienne à sa source : le socialiste Henri de Man
l’
avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un écrivain engagé. Comment co
2976
rivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer
les
peuples » depuis le Centre européen de la culture tel que vous voulie
2977
t continuez-vous à « fédérer les peuples » depuis
le
Centre européen de la culture tel que vous vouliez le faire à votre r
2978
entre européen de la culture tel que vous vouliez
le
faire à votre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écriva
2979
mier livre, publié à Paris en 1934, Politique de
la
personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui est
2980
Politique de la personne et qui est exactement
le
contraire du sens actuel, qui est passif : embrigadement dans un part
2981
un parti. Le premier chapitre était intitulé : «
L’
engagement politique », le second : « Ridicule et impuissance du clerc
2982
Ridicule et impuissance du clerc qui s’engage ».
Le
tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Qua
2983
du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à
l’
engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des Éta
2984
ngage ». Le tout était un appel à l’engagement de
l’
écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1946
2985
suis rentré des États-Unis, en 1946, j’ai vu que
l’
engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé,
2986
ai vu que l’engagement était devenu une théorie à
la
mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me suis engagé au s
2987
mais pratiquement je me suis engagé au service de
l’
Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout
2988
de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour
l’
Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir.
2989
l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers
la
révolution à venir. Comment à votre avis celle-ci pourrait-elle s’opé
2990
r ? Peut-être ai-je répondu à cette question, sur
le
fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens : « La révolution que j’
2991
fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens : «
La
révolution que j’appelle, qui fera seule l’Europe et qui ne peut être
2992
: « La révolution que j’appelle, qui fera seule
l’
Europe et qui ne peut être faite que par l’Europe en train de se faire
2993
seule l’Europe et qui ne peut être faite que par
l’
Europe en train de se faire, consiste à déplacer le centre du système
2994
’Europe en train de se faire, consiste à déplacer
le
centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe
2995
le centre du système politique, non seulement de
la
nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble e
2996
ystème politique, non seulement de la nation vers
l’
Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en même temps
2997
ment de la nation vers l’Europe, mais encore vers
l’
humanité dans son ensemble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-
2998
’humanité dans son ensemble et en même temps vers
la
personne. » Y’a-t-il un rapport entre cette « révolution » et votre p
2999
e pamphlet de jeunesse, qu’on vient de rééditer,
Les
Méfaits de l’instruction publique ? Il y a sans doute une convergenc
3000
eunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de
l’
instruction publique ? Il y a sans doute une convergence, mais la sit
3001
blique ? Il y a sans doute une convergence, mais
la
situation actuelle est plus sérieuse que mon petit pamphlet, avouons-
3002
est plus sérieuse que mon petit pamphlet, avouons-
le
, car c’est l’école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit d
3003
use que mon petit pamphlet, avouons-le, car c’est
l’
école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit de jeunesse que
3004
eunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé
la
vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui aujourd’hui encore justifient
3005
ance dans cet avenir ? Nous n’avons pas à prédire
l’
avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entretien] Denis
3006
enir ? Nous n’avons pas à prédire l’avenir mais à
le
faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l
3007
emont Denis de, « [Entretien] Denis de Rougemont,
l’
amour et l’Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15.
3008
de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et
l’
Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos
3009
de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur
l’
avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir /
3010
européen ? (10-11 novembre 1973)am On connaît
le
problème : Genève, ville internationale, manque d’hinterland, et les
3011
ve, ville internationale, manque d’hinterland, et
les
zones voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, r
3012
ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise
la
« souveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) des États. Or,
3013
eurs de plus en plus fictive) des États. Or, tous
les
problèmes concrets qui se posent dans cette région appellent des solu
3014
de Genève une région de main-d’œuvre définie par
le
mouvement pendulaire des travailleurs français : vingt-trois-mille en
3015
date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent
le
soir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’une quarantaine
3016
n rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de
la
ville. Il y a, autour du Léman, une région écologique définie par la
3017
utour du Léman, une région écologique définie par
la
pollution du lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome de Coint
3018
pollution du lac (affluents, usines, riverains),
l’
aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa
3019
nts, usines, riverains), l’aérodrome de Cointrin,
la
centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie déborde très
3020
is. Sa superficie déborde très largement celle de
la
région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de
3021
on de main-d’œuvre. Il y a une région définie par
les
échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’ai
3022
ns industriels, commerciaux, et de services, dont
l’
aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la
3023
de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de
la
région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfi
3024
i celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de
la
région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va de N
3025
tat-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de
la
centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agi
3026
ons économiques. Il s’agit simplement de résoudre
les
principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « mérite », c’es
3027
leur contenu, sans plus se laisser paralyser par
la
fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières
3028
Débat sur
la
voiture dans la société moderne (février 1978)an Dans moins de de
3029
Débat sur la voiture dans
la
société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines le S
3030
(février 1978)an Dans moins de deux semaines
le
Salon ! Genève avant le printemps redevient la capitale mondiale de l
3031
ns moins de deux semaines le Salon ! Genève avant
le
printemps redevient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voi
3032
es le Salon ! Genève avant le printemps redevient
la
capitale mondiale de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’êt
3033
nt le printemps redevient la capitale mondiale de
l’
automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de co
3034
evient la capitale mondiale de l’automobile. Mais
la
voiture en 1978, loin d’être un simple objet de consommation, figure
3035
t de consommation, figure au cœur de presque tous
les
grands débats politiques. Rien que pour les votations du 26 février p
3036
tous les grands débats politiques. Rien que pour
les
votations du 26 février prochain, deux sujets sur six la concernent d
3037
tions du 26 février prochain, deux sujets sur six
la
concernent directement (aménagement de la place Cornavin et initiativ
3038
sur six la concernent directement (aménagement de
la
place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménageme
3039
la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que
l’
on parle d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers,
3040
g, de problèmes de santé ou de chômage, en ville,
la
voiture est là, avec ses partisans et ses détracteurs. Voiture foncti
3041
viées à notre table ronde. De toute évidence, que
l’
on y soit favorable ou non, il faut reconnaître que la voiture a très
3042
y soit favorable ou non, il faut reconnaître que
la
voiture a très largement débordé le cadre social, économique et polit
3043
connaître que la voiture a très largement débordé
le
cadre social, économique et politique qui lui avait été fixé au dépar
3044
ique qui lui avait été fixé au départ. Pour faire
le
point sur la « voiture dans la société moderne », nous avons demandé
3045
avait été fixé au départ. Pour faire le point sur
la
« voiture dans la société moderne », nous avons demandé à quatre pers
3046
départ. Pour faire le point sur la « voiture dans
la
société moderne », nous avons demandé à quatre personnalités de venir
3047
battre du sujet, qu’elles connaissent toutes pour
l’
avoir étudié à fond, bien que sous des angles différents : Denis de Ro
3048
nt du Centre européen de la culture, professeur à
l’
Institut universitaire d’études européennes, parallèlement à une œuvre
3049
t importante, étudie depuis plus de cinquante ans
le
phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est n
3050
udie depuis plus de cinquante ans le phénomène de
la
voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire , i
3051
mène de la voiture. Dans son tout dernier livre,
L’
Avenir est notre affaire , il lui a consacré un chapitre intitulé : «
3052
chapitre intitulé : « Première histoire de fous :
la
voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’État, président du Sa
3053
iller d’État, président du Salon international de
l’
automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients qui
3054
nt pas certains inconvénients qui se rattachent à
la
voiture, n’en demeure pas moins un farouche partisan. Sur le plan soc
3055
social, parce qu’il estime qu’elle nous rapproche
les
uns des autres, sur le plan économique, parce qu’elle dispense un tra
3056
s de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de
la
circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a
3057
circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre
l’
automobile, il a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de pr
3058
e. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a
l’
immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développem
3059
mobile, il a l’immense responsabilité d’organiser
le
trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et
3060
responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir
le
développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans
3061
fler, étudiant en médecine, a participé en 1976 à
l’
organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne po
3062
médecine, a participé en 1976 à l’organisation de
l’
Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement d
3063
sation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de
la
campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que
3064
Salon. Il est un membre actif de la campagne pour
l’
aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, i
3065
l s’est bien sûr penché plus particulièrement sur
les
effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert d
3066
ûr penché plus particulièrement sur les effets de
la
pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarclens
3067
enarclens : Denis de Rougemont, dans votre livre,
L’
Avenir est notre affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’une
3068
as d’une nécessité économique quelconque, mais de
l’
imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vo
3069
’aidant de slogans publicitaires habiles. Mais si
la
voiture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, a
3070
taires habiles. Mais si la voiture avait été, dès
le
départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansi
3071
besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu
l’
expansion qui est la sienne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemon
3072
u, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre
l’
automobile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que l
3073
s contre l’automobile. D’ailleurs je n’aurais pas
l’
outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul
3074
urs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que
le
problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou qu
3075
pas l’outrecuidance de penser que le problème de
l’
auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trouve
3076
oblème de l’auto soit tranché du seul fait que je
l’
aime bien ou que je la trouve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier
3077
tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je
la
trouve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine d
3078
é dans mon dernier livre une trentaine de pages à
l’
auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — comme une hist
3079
vre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je
la
considère — son titre l’indique — comme une histoire de fous, suscept
3080
s à l’auto, c’est que je la considère — son titre
l’
indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à d
3081
L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage,
le
développement du national-socialisme. Et j’espère qu’il n’y en aura p
3082
tion d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est
la
création du jeune Henry Ford qui s’est lancé dans cette aventure cont
3083
dans cette aventure contre laquelle tous ses amis
le
mettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut un immense best-se
3084
it en garde, car il n’y avait pas de demande pour
les
automobiles et même les gens trouvaient cet objet répugnant, laid, pu
3085
avait pas de demande pour les automobiles et même
les
gens trouvaient cet objet répugnant, laid, puant, bruyant, mettant en
3086
répugnant, laid, puant, bruyant, mettant en fuite
les
enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de
3087
, puant, bruyant, mettant en fuite les enfants et
les
chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter cett
3088
enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que
la
seule manière de surmonter cette répugnance c’était d’organiser des c
3089
des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant
les
gens par leur côté enfantin. Cela a très bien marché. Ensuite de quoi
3090
s brochures publicitaires de Ford, il est dit : «
L’
auto peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’aller, pour vous
3091
orte où il vous plaira d’aller, pour vous reposer
le
cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les
3092
ongues promenades au grand air et vous rafraîchir
les
poumons grâce à ce tonique des toniques, une atmosphère salubre. » Vo
3093
iques, une atmosphère salubre. » Vous remarquerez
l’
humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit
3094
alubre. » Vous remarquerez l’humour noir, lorsque
l’
on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la c
3095
s remarquerez l’humour noir, lorsque l’on pense à
la
pollution de nos villes… On voit donc très bien que la création de l’
3096
llution de nos villes… On voit donc très bien que
la
création de l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait
3097
villes… On voit donc très bien que la création de
l’
auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant. Les
3098
nc très bien que la création de l’auto équivaut à
l’
imposition d’un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années,
3099
1 million et en 1924 7000 par jour. Aujourd’hui,
les
États-Unis produisent 12 millions de voitures par an. Ford est mort d
3100
petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de
l’
État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de
3101
enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’État
l’
interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 mile
3102
gouverneur de l’État l’interdiction absolue pour
les
voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fa
3103
ens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot, à
l’
utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et
3104
aujourd’hui, M. Peyrot, à l’utilisateur moyen que
la
voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante,
3105
n et sans des années et des années de recherches.
L’
auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’i
3106
des années de recherches. L’auto n’échappe pas à
la
règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’importe quel industriel
3107
art convaincu — et n’importe quel industriel vous
le
confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabric
3108
de notre civilisation industrielle, quel que soit
le
type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait
3109
trielle, quel que soit le type de fabrication que
l’
on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voitur
3110
n se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que
le
besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas
3111
e le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il
l’
avait créé, n’est pas une démonstration suffisante. Les financiers qui
3112
ait créé, n’est pas une démonstration suffisante.
Les
financiers qui mettent des capitaux à la construction d’une usine, de
3113
isante. Les financiers qui mettent des capitaux à
la
construction d’une usine, demandent bien évidemment que cette usine p
3114
nel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque
le
danger que pouvait apporter l’automobile. Il aura donc fait cette déc
3115
éjà à cette époque le danger que pouvait apporter
l’
automobile. Il aura donc fait cette déclaration dans un moment d’angoi
3116
qui a affirmé qu’il n’y avait pas de besoin pour
la
voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Jacob Roffler : R
3117
soin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était
la
vox populi. Jacob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer des b
3118
parfaitement aujourd’hui, au niveau social, créer
le
besoin d’utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campa
3119
hui, au niveau social, créer le besoin d’utiliser
la
voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que vous devez
3120
iliser la voiture, notamment lorsque vous habitez
la
campagne et que vous devez vous rendre en ville pour travailler. Mais
3121
ler. Mais aussi sur le plan des loisirs. Regardez
l’
affiche du Salon 78 : « La voiture vous rend indépendant. » Mais rien
3122
n des loisirs. Regardez l’affiche du Salon 78 : «
La
voiture vous rend indépendant. » Mais rien n’est plus faux. En auto,
3123
er des horaires au même titre que si vous preniez
le
train. Vous partez en vacance non pas le samedi matin, mais le vendre
3124
preniez le train. Vous partez en vacance non pas
le
samedi matin, mais le vendredi soir pour éviter les embouteillages. D
3125
s partez en vacance non pas le samedi matin, mais
le
vendredi soir pour éviter les embouteillages. Denis de Rougemont : Vo
3126
e samedi matin, mais le vendredi soir pour éviter
les
embouteillages. Denis de Rougemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il
3127
e production possible. Mais c’est un dogme ! Dans
le
cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son ex
3128
on possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de
la
voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérience p
3129
Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené
la
preuve contraire. Son expérience peut être opposée à une déclaration
3130
n. François Peyrot : Permettez-moi d’observer que
l’
on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie,
3131
ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à
la
fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en v
3132
e sa vie, sur une partie de ses expériences, pour
la
placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a
3133
placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas inventé
l’
automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans
3134
e. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a été
le
pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Den
3135
le pionnier de sa fabrication standardisée, dans
la
ligne de Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinqua
3136
ures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence
le
créateur de l’industrie automobile. II Hubert de Senarclens :
3137
nteurs. Il a été de toute évidence le créateur de
l’
industrie automobile. II Hubert de Senarclens : On parle de la
3138
ile. II Hubert de Senarclens : On parle de
la
voiture qui rapproche, qui libère, qui rend indépendant. Aujourd’hui
3139
ibère, qui rend indépendant. Aujourd’hui pourtant
le
développement effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les ava
3140
Aujourd’hui pourtant le développement effréné de
la
voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transpo
3141
t effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé »
les
avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture perme
3142
ntages de ce mode de transport? François Peyrot :
La
voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une libert
3143
aisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle
les
gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses
3144
de culture même. Grâce à elle les gens partent à
l’
aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’i
3145
antité de choses merveilleuses qu’ils auraient de
la
peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la pr
3146
rir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si
la
prolifération des autos n’en a pas réduit les avantages. Mais c’est c
3147
z si la prolifération des autos n’en a pas réduit
les
avantages. Mais c’est certain qu’elle les a réduits en partie. La « b
3148
réduit les avantages. Mais c’est certain qu’elle
les
a réduits en partie. La « belle époque » où seules les familles aisée
3149
is c’est certain qu’elle les a réduits en partie.
La
« belle époque » où seules les familles aisées roulaient en voiture e
3150
réduits en partie. La « belle époque » où seules
les
familles aisées roulaient en voiture est dépassée. L’élévation du niv
3151
amilles aisées roulaient en voiture est dépassée.
L’
élévation du niveau de vie — et je m’en félicite — a fait que beaucoup
3152
ite — a fait que beaucoup ont aujourd’hui accès à
l’
automobile. Une personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est con
3153
ients. Un autre aspect qu’il faut souligner c’est
la
voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté
3154
ct qu’il faut souligner c’est la voiture signe de
la
civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est u
3155
signe de la civilisation industrielle et signe de
la
liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez le n
3156
ples. C’est un point primordial. Si vous comparez
le
nombre de véhicules par habitant en Occident par rapport à l’Union so
3157
véhicules par habitant en Occident par rapport à
l’
Union soviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la populat
3158
étique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de
la
population en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, vous
3159
ulation en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez
la
voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pou
3160
USA. Dès que vous créez la voiture, vous appelez
la
liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pourront aussi se déplacer e
3161
e vous créez la voiture, vous appelez la liberté.
Le
jour où 50 % des Soviétiques pourront aussi se déplacer en voiture, i
3162
u d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré
les
avantages de la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous save
3163
acob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de
la
voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous savez très bien que
3164
très bien que lorsque vous prenez votre véhicule
le
matin pour aller travailler, vous êtes continuellement pressés, stopp
3165
n « stress » que vous ressentez. Vous avez évoqué
la
culture. Je parlerais plutôt d’anti-culture, car quoi de plus abrutis
3166
d’anti-culture, car quoi de plus abrutissant que
les
conditions de conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il fau
3167
t : Mais il faut faire un bilan ! C’est clair que
l’
on peut mentionner des avantages comme des inconvénients. L’important
3168
mentionner des avantages comme des inconvénients.
L’
important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis
3169
e des inconvénients. L’important est de savoir si
le
bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif,
3170
. Il ne s’agit nullement — comme on voudrait nous
le
faire croire dans certains milieux — d’être pour ou contre, d’en avoi
3171
ontre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire
le
problème à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple
3172
e le problème à une dimension absolument puérile.
La
voiture est l’exemple type du danger qui consiste à accepter ou promo
3173
une dimension absolument puérile. La voiture est
l’
exemple type du danger qui consiste à accepter ou promouvoir des innov
3174
it des millions. Il ne s’est jamais interrogé sur
les
conséquences au niveau social, économique, sur la vie morale des gens
3175
es conséquences au niveau social, économique, sur
la
vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence tota
3176
u social, économique, sur la vie morale des gens.
La
voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai
3177
son chemin de Damas. On voit d’ailleurs très bien
le
préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes
3178
n voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont
le
fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueu
3179
cent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur
les
routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents ont passé par là.
3180
référé est de s’enfuir sur les routes, au hasard.
Le
fugueur. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie de se débarra
3181
nfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous
les
adolescents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de
3182
e fugueur. Tous les adolescents ont passé par là.
L’
envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il
3183
ut et de ne connaître aucune entrave. Il opposait
la
voiture au chemin de fer qui lui est réglé et n’offre aucune possibil
3184
ssentiellement à aller travailler. Autre aspect :
le
rendement de l’automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’u
3185
aller travailler. Autre aspect : le rendement de
l’
automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’un succès. C’est
3186
ent de l’automobile — sur le plan technique — est
l’
inverse d’un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais re
3187
verse d’un succès. C’est l’une des machines qui a
le
plus mauvais rendement qui soit. Les Américains ont calculé que leurs
3188
achines qui a le plus mauvais rendement qui soit.
Les
Américains ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’éner
3189
éricains ont calculé que leurs voitures rejettent
le
87 % de l’énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitess
3190
t calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de
l’
énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne d
3191
énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que
la
vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était
3192
lculé que la vitesse moyenne des automobiles dans
les
villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts
3193
es dans les villes des États-Unis était de 4 km à
l’
heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitement accept
3194
taient au départ parfaitement acceptables, même à
la
limite romantiques, on constate que la voiture a donné exactement le
3195
es, même à la limite romantiques, on constate que
la
voiture a donné exactement le contraire : un rendement minable, des v
3196
es, on constate que la voiture a donné exactement
le
contraire : un rendement minable, des villes invivables, et des embou
3197
bühl : Je pense qu’il faudrait davantage analyser
le
comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture
3198
il faudrait davantage analyser le comportement de
la
population et des individus, plutôt que la voiture en tant que telle.
3199
ent de la population et des individus, plutôt que
la
voiture en tant que telle. Car on pourrait adresser exactement les mê
3200
nt que telle. Car on pourrait adresser exactement
les
mêmes critiques à d’autres produits, dans d’autres secteurs. Pourquoi
3201
, dans d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que
le
cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et vo
3202
utres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de
la
voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les con
3203
de la voiture ? Il faut prendre en considération
l’
individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme.
3204
faut prendre en considération l’individu et voir
les
conséquences de son comportement sur l’urbanisme. Au niveau du compor
3205
et voir les conséquences de son comportement sur
l’
urbanisme. Au niveau du comportement, il faut reconnaître qu’il y a tr
3206
ut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de
la
voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’ac
3207
urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître
les
déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un
3208
ître les déplacements à pied et de ce fait réduit
la
mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé, « consomme » des t
3209
rès dispersé, « consomme » des terrains, gaspille
les
zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais le problème c’est que
3210
es zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais
le
problème c’est que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leu
3211
est un aspect négatif. Mais le problème c’est que
les
gens aujourd’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’un in
3212
instrument de travail. Ils ont été s’installer à
la
campagne et s’en servent pour venir travailler. Jacob Roffler : Ce qu
3213
ravailler. Jacob Roffler : Ce que je déplore dans
l’
évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande
3214
: Ce que je déplore dans l’évolution actuelle de
l’
urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à
3215
e dans l’évolution actuelle de l’urbanisme, c’est
la
place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilise
3216
isme, c’est la place beaucoup trop grande faite à
la
voiture et à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des zone
3217
coup trop grande faite à la voiture et à ceux qui
l’
utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure continuent c
3218
t des besoins fondamentaux des familles. Regardez
les
structures autour des grands ensembles, tout est bétonné en fonction
3219
nbühl a parfaitement raison de mettre en évidence
le
problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette d
3220
ement raison de mettre en évidence le problème de
l’
individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme
3221
nce le problème de l’individu plutôt que celui de
la
voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous p
3222
aise utilisation. On vit dans une civilisation où
la
voiture et très importante. Il faut faire façon d’elle. Ce qui me cho
3223
lle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument
la
charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine inte
3224
ue c’est qu’on veut absolument la charger de tous
les
péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation des chose
3225
ne saine interprétation des choses. Nul doute que
l’
extraordinaire prolifération du nombre de véhicules pose des problèmes
3226
vent être apportées. Certains sont pour accroître
l’
importance des transports en commun, d’autres au contraire pour favori
3227
s en commun, d’autres au contraire pour favoriser
la
liberté du trafic, tout est possible. Mais on ne peut seulement préco
3228
le. Mais on ne peut seulement préconiser de rayer
la
voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne
3229
peut seulement préconiser de rayer la voiture de
la
surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’a dit. Mais
3230
e du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne
l’
a dit. Mais je voudrais reprendre mon propos initial. En moins de cinq
3231
dre mon propos initial. En moins de cinquante ans
la
voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de
3232
En moins de cinquante ans la voiture est devenue
le
numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économiq
3233
quante ans la voiture est devenue le numéro un de
l’
industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véritab
3234
est devenue le numéro un de l’industrie mondiale.
L’
index de la conjoncture économique c’est véritablement la General Moto
3235
le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de
la
conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et ensui
3236
de la conjoncture économique c’est véritablement
la
General Motors et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps les num
3237
rs et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps
les
numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnelle
3238
is fort longtemps les numéro un et deux de toutes
les
grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui m’impressi
3239
de face à cette réalité si je suis pour ou contre
la
voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus auc
3240
contre la voiture, je dois convenir que c’est de
la
rigolade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de bouleverseme
3241
Je parlais de bouleversements. C’est en raison de
l’
auto que le pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occide
3242
de bouleversements. C’est en raison de l’auto que
le
pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occidentale dépen
3243
est en raison de l’auto que le pétrole est devenu
le
produit dont toute l’économie occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-
3244
o que le pétrole est devenu le produit dont toute
l’
économie occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-vous qu’à l’origine on
3245
occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-vous qu’à
l’
origine on avait compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté de ren
3246
ela ? Est-ce qu’on aurait accepté de rendre toute
l’
économie occidentale dépendante des caprices de quelques émirs du golf
3247
émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire que
l’
on ne peut traiter d’une question aussi grave en demandant simplement
3248
nt simplement aux gens s’ils sont pour ou contre.
Les
PDG de l’industrie automobile française réunis dans une émission de m
3249
nt aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de
l’
industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 h
3250
z-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est de
l’
enfantillage. III Hubert de Senarclens : Entraver le développem
3251
llage. III Hubert de Senarclens : Entraver
le
développement de la voiture ou son utilisation, affirment ses partisa
3252
bert de Senarclens : Entraver le développement de
la
voiture ou son utilisation, affirment ses partisans, c’est porter att
3253
rtisans, c’est porter atteinte aux libertés. Mais
les
opposants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour
3254
Mais les opposants prétendent, de leur côté, que
l’
intervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, es
3255
s prétendent, de leur côté, que l’intervention de
l’
État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus
3256
é, que l’intervention de l’État pour faire face à
l’
extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas c
3257
ention de l’État pour faire face à l’extension de
la
voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des intér
3258
t pas compte des intérêts régionaux. Alors, entre
les
deux libertés, laquelle choisir ? François Peyrot : La vérité n’est n
3259
ux libertés, laquelle choisir ? François Peyrot :
La
vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre d
3260
rot : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre.
L’
État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veil
3261
rité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est
l’
arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu
3262
iller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre
les
activités des individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation
3263
ctivités des individus. Vous avez fait allusion à
la
démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en fave
3264
it allusion à la démocratisation des décisions de
l’
État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocratiq
3265
s pouvoirs et sa représentativité. Je suis contre
la
descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à no
3266
résentativité. Je suis contre la descente de tous
les
pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système démocrati
3267
suis contre la descente de tous les pouvoirs dans
la
masse, car c’est s’opposer à notre système démocratique. Prenez l’exe
3268
st s’opposer à notre système démocratique. Prenez
l’
exemple très actuel de l’initiative Franz Weber : on ne veut pas recon
3269
ème démocratique. Prenez l’exemple très actuel de
l’
initiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs const
3270
itiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître
les
pouvoirs constitutionnellement accordés à un gouvernement ou à un par
3271
re comme essentielle cette prise de conscience de
la
menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’automob
3272
tte prise de conscience de la menace qui pèse sur
la
démocratie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté
3273
nscience de la menace qui pèse sur la démocratie.
L’
utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté du plus grand n
3274
pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de
l’
automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à cons
3275
ie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave
la
liberté du plus grand nombre. On en vient à construire des autoroutes
3276
ruire des autoroutes à côté de villages, sans que
la
population concernée soit consultée. L’initiative Weber peut justemen
3277
sans que la population concernée soit consultée.
L’
initiative Weber peut justement amener la population à une prise de co
3278
nsultée. L’initiative Weber peut justement amener
la
population à une prise de conscience. Comme vous le savez, chaque ann
3279
population à une prise de conscience. Comme vous
le
savez, chaque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut co
3280
de conscience. Comme vous le savez, chaque année,
le
nombre de voitures augmente ; donc il faut construire davantage de ro
3281
eyrot : Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre
l’
initiative qui est constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’el
3282
ve qui est constitutionnelle. Mais je suis contre
le
but qu’elle vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconna
3283
ougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que
les
expropriations sont de plus en plus fréquentes et représentent une at
3284
de plus en plus brutales. Elles se font au nom de
la
raison d’État. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire,
3285
e la raison d’État. Pensez aux expropriations que
l’
on se prépare à faire, selon des déclarations officielles, à cause des
3286
es nucléaires. Il n’est plus question de demander
l’
avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui for
3287
stion de demander l’avis de qui que ce soit. Nous
le
ferons ! disent ces messieurs qui forment ce qu’on a appelé la « chev
3288
isent ces messieurs qui forment ce qu’on a appelé
la
« chevalerie du nucléaire ». Les expropriations au nom des autoroutes
3289
ce qu’on a appelé la « chevalerie du nucléaire ».
Les
expropriations au nom des autoroutes, ou le seul fait que la Confédér
3290
e ». Les expropriations au nom des autoroutes, ou
le
seul fait que la Confédération puisse imposer certains tracés contre
3291
ations au nom des autoroutes, ou le seul fait que
la
Confédération puisse imposer certains tracés contre la volonté popula
3292
nfédération puisse imposer certains tracés contre
la
volonté populaire, ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite
3293
sont pas, selon moi, une illustration parfaite de
la
démocratie. Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de laiss
3294
paraît en revanche démocratique, c’est de laisser
le
droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rie
3295
laisser le droit aux populations de se prononcer.
L’
initiative Weber ne vise rien d’autre. J’ai peur que lorsque vous dite
3296
J’ai peur que lorsque vous dites, M. Peyrot, que
la
démocratie dépend des corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Ma
3297
corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Mais
la
démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et f
3298
s communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur
les
communes. Les trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de comm
3299
tre fédéralisme suisse et fondé sur les communes.
Les
trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pa
3300
sont nullement de droit divin ! François Peyrot :
La
loi qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un
3301
ivin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à
l’
époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais
3302
is Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur
les
autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas e
3303
érendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si
le
peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber, il aura obtenu s
3304
u de référendum. Si le peuple suisse donne raison
le
26 février à M. Weber, il aura obtenu son changement et plus personne
3305
tait antidémocratique. J’ai seulement affirmé que
les
reproches adressés à nos autorités, en ce moment, étaient injustifiés
3306
orités agissent conformément aux lois voulues par
la
majorité de la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heu
3307
conformément aux lois voulues par la majorité de
la
population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits
3308
population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à
l’
heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux é
3309
ion. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure
les
méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologique
3310
ux écologiques consiste à dire : il faut délester
les
zones d’habitation d’un trafic trop intense, en particulier du trafic
3311
sit. Alors d’un côté on nous demande de décharger
le
réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de trafic mais, lors
3312
t pas conçu pour ce genre de trafic mais, lorsque
l’
on veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de
3313
t d’accord avec vous. Seulement pour en revenir à
l’
initiative Weber, elle ne demande rien d’impossible. Elle demande simp
3314
de rien d’impossible. Elle demande simplement que
le
peuple puisse se prononcer. François Peyrot : Rétroactivement, ce qui
3315
départ il avait demandé cela. C’est pour obliger
les
gens à faire attention avant de multiplier les permis de construire.
3316
er les gens à faire attention avant de multiplier
les
permis de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routi
3317
ltiplier les permis de construire. Une erreur que
l’
on commet avec le trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop d
3318
is de construire. Une erreur que l’on commet avec
le
trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camio
3319
rter beaucoup trop de choses en camion, alors que
l’
on devrait davantage utiliser le chemin de fer. Il n’y a aucune raison
3320
camion, alors que l’on devrait davantage utiliser
le
chemin de fer. Il n’y a aucune raison pour tout mettre sur les routes
3321
fer. Il n’y a aucune raison pour tout mettre sur
les
routes. Et d’un point de vue économique l’avantage est également démo
3322
e sur les routes. Et d’un point de vue économique
l’
avantage est également démontré. On bâtit trop d’autoroutes en Suisse.
3323
es en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien
les
problèmes qu’apporte la construction d’une autoroute sur le côté nord
3324
âtelois, je connais bien les problèmes qu’apporte
la
construction d’une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et
3325
es qu’apporte la construction d’une autoroute sur
le
côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraî
3326
autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et
les
débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer à travers la vill
3327
bles que cela entraîne : va-t-on passer à travers
la
ville, va-t-on détruire les rives du lac ? Sans compter que l’on nous
3328
-t-on passer à travers la ville, va-t-on détruire
les
rives du lac ? Sans compter que l’on nous construit une seconde autor
3329
t-on détruire les rives du lac ? Sans compter que
l’
on nous construit une seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fer
3330
elles choses, on est bien obligé de penser que si
le
fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être possible. Hubert
3331
e Senarclens : Des récentes études ont montré que
les
gens sont de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voi
3332
é que les gens sont de plus en plus concernés par
les
effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez sou
3333
plus en plus concernés par les effets négatifs de
la
voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de Roug
3334
ncernés par les effets négatifs de la voiture sur
le
visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que l’au
3335
es. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que
l’
automobile avait détruit les rapports humains dans les villes et final
3336
, M. de Rougemont, que l’automobile avait détruit
les
rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocrati
3337
utomobile avait détruit les rapports humains dans
les
villes et finalement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urb
3338
es rapports humains dans les villes et finalement
la
véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urbanisme est en effet au c
3339
lement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl :
L’
urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des tr
3340
: L’urbanisme est en effet au cœur du problème de
la
circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les gens
3341
problème de la circulation et des transports. On
l’
a dit : de plus en plus les gens vont habiter loin du centre, à la cam
3342
n et des transports. On l’a dit : de plus en plus
les
gens vont habiter loin du centre, à la campagne, parce qu’ils dispose
3343
s en plus les gens vont habiter loin du centre, à
la
campagne, parce qu’ils disposent d’un véhicule. Cette tendance a cons
3344
hicule. Cette tendance a considérablement modifié
le
visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le dange
3345
tendance a considérablement modifié le visage de
la
ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que représe
3346
a ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu
le
danger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà e
3347
anger que représentait une utilisation abusive de
la
voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceinture
3348
usive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous,
la
notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et
3349
a notion de « petite ceinture » a été introduite.
Le
Conseil d’État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs :
3350
ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et
le
conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du centre to
3351
proposé quatre objectifs : enlever du centre tous
les
courants de transit ; accorder une préférence aux transports publics,
3352
e préférence aux transports publics, surtout dans
le
périmètre situé à l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdire l
3353
surtout dans le périmètre situé à l’intérieur de
la
« petite ceinture » ; interdire la construction de parkings au centre
3354
l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdire
la
construction de parkings au centre en favorisant leur implantation au
3355
inture, de manière à permettre aux gens de gagner
le
centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur
3356
entre à pied ; enfin une nouvelle distribution de
l’
espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de Se
3357
ubert de Senarclens : Pourtant en ce qui concerne
les
transports en commun, l’État n’a pas été particulièrement rapide ! Je
3358
tant en ce qui concerne les transports en commun,
l’
État n’a pas été particulièrement rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble
3359
emble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans
la
population. Tout le monde semble d’accord sur le rôle que doivent jou
3360
la population. Tout le monde semble d’accord sur
le
rôle que doivent jouer les transports en commun, notamment dans les z
3361
nde semble d’accord sur le rôle que doivent jouer
les
transports en commun, notamment dans les zones densément peuplées où
3362
nt jouer les transports en commun, notamment dans
les
zones densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un app
3363
n, notamment dans les zones densément peuplées où
la
voiture ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque l’on passe a
3364
ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque
l’
on passe aux actes, plus personne n’est prêt à abandonner son véhicule
3365
à abandonner son véhicule individuel pour prendre
les
transports en commun. Denis de Rougemont : Vous me rappelez ce que di
3366
que disait Alfred Sauvy dans son petit livre sur
l’
auto : « Les accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour
3367
Alfred Sauvy dans son petit livre sur l’auto : «
Les
accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour les empêcher
3368
r l’auto : « Les accidents sont impopulaires mais
les
mesures prises pour les empêcher sont encore plus impopulaires ». Ce
3369
ts sont impopulaires mais les mesures prises pour
les
empêcher sont encore plus impopulaires ». Ce qui ne veut pas dire, bi
3370
s Peyrot : Ce que dit Jean Kräyenbühl à propos de
l’
urbanisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’habitation ext
3371
us avez créé des zones d’habitation extérieures à
la
ville, vous avez mis en marche des mouvements pendulaires avec des ge
3372
es en ville, laquelle est utilisée davantage pour
les
bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont deven
3373
pour les bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou
le
centre de Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne l
3374
nt devenus complètement morts. En ce qui concerne
les
parkings périphériques un point d’interrogation demeure selon moi : e
3375
nt d’interrogation demeure selon moi : est-ce que
le
conducteur qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voi
3376
us en plus aujourd’hui des centres commerciaux où
l’
on peut garer en sous-sol ? J’émets donc un doute sur cette politique
3377
doute sur cette politique des parkings autour de
la
petite ceinture, qui risque de créer une dévitalisation du centre com
3378
créer une dévitalisation du centre commercial de
la
ville. Jacob Roffler : Si beaucoup de personnes désirent aller habite
3379
Si beaucoup de personnes désirent aller habiter à
la
campagne, c’est que la ville est devenue invivable. Ce qui se passe e
3380
s désirent aller habiter à la campagne, c’est que
la
ville est devenue invivable. Ce qui se passe en Occident, à cet égard
3381
qui se passe en Occident, à cet égard, est juste
l’
inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement
3382
ident, à cet égard, est juste l’inverse de ce que
l’
on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assist
3383
est juste l’inverse de ce que l’on constate dans
les
pays en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des p
3384
as vous assistez à un afflux des populations vers
la
ville, où se déroulent les activités mais également l’animation. On n
3385
ux des populations vers la ville, où se déroulent
les
activités mais également l’animation. On ne peut pas couper les lieux
3386
lle, où se déroulent les activités mais également
l’
animation. On ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loi
3387
mais également l’animation. On ne peut pas couper
les
lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’av
3388
couper les lieux d’activité des lieux de loisirs.
L’
homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiqu
3389
. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater
les
effets catastrophiques des cités-dortoirs où les gens se connaissent
3390
les effets catastrophiques des cités-dortoirs où
les
gens se connaissent à peine, ce qui débouche tôt ou tard sur des prob
3391
us avez fréquemment écrit Denis de Rougemont, que
la
voiture avait tué les relations humaines dans la cité. Denis de Rouge
3392
crit Denis de Rougemont, que la voiture avait tué
les
relations humaines dans la cité. Denis de Rougemont : Je citerai deux
3393
la voiture avait tué les relations humaines dans
la
cité. Denis de Rougemont : Je citerai deux penseurs français actuels
3394
rs ouvrages nous a rendus attentifs à ce fait que
la
voiture, en envahissant complètement les places transformées en parki
3395
fait que la voiture, en envahissant complètement
les
places transformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxell
3396
nt les places transformées en parkings — pensez à
la
grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c
3397
s — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine
les
bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où l
3398
nde place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de
la
démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencont
3399
ne les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire
les
lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se
3400
mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de
la
ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître, o
3401
démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où
les
gens se rencontrent librement, même sans se connaître, où se formait
3402
librement, même sans se connaître, où se formait
l’
opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum roma
3403
connaître, où se formait l’opinion et cela depuis
la
cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des comm
3404
mait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De
l’
agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge qu
3405
fs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose
le
problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sau
3406
n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de
l’
automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un peti
3407
fred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 —
les
choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’adminis
3408
8 — les choses se sont aggravées depuis — dit que
le
40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à
3409
s — dit que le 40 % des frais d’administration de
la
ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance
3410
inistration de la ville de Paris sont consacrés à
la
voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire
3411
voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de
l’
auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseignemen
3412
x bien qu’il mentionne Paris et non pas Genève où
les
choses se déroulent autrement. Mais tout de même, ce jugement est ass
3413
ême, ce jugement est assez impressionnant lorsque
l’
on sait que Sauvy est non seulement professeur au Collège de France ma
3414
nce mais qu’il s’occupe chaque année du budget de
la
nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans des v
3415
rne dans des villes qui n’étaient pas faites pour
la
recevoir. Il en résulte, c’est clair, des problèmes presque insoluble
3416
d’accord pour penser que cette déclaration de feu
le
président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des quais d
3417
pidou est une monstruosité. À propos des quais de
la
Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». François
3418
de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à
l’
automobile ». François Peyrot : C’est en effet une erreur, car une vil
3419
xiste un chiffre assez « intimidant » à propos de
l’
industrie automobile : 30 millions d’emplois dans les sept pays produc
3420
industrie automobile : 30 millions d’emplois dans
les
sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute réflexion philos
3421
emplois dans les sept pays producteurs membres de
l’
OCDE. Alors toute réflexion philosophique, sociale ou politique sur la
3422
réflexion philosophique, sociale ou politique sur
la
voiture — qu’on le veuille ou non — n’est-elle pas neutralisée par ce
3423
ique, sociale ou politique sur la voiture — qu’on
le
veuille ou non — n’est-elle pas neutralisée par cette réalité économi
3424
que ? François Peyrot : En effet, si vous avez eu
l’
occasion de visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’el
3425
considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont
les
fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’ar
3426
bien d’autres industries, allant des tracteurs à
l’
armement, en passant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et da
3427
allant des tracteurs à l’armement, en passant par
l’
aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile,
3428
eurs à l’armement, en passant par l’aéronautique.
L’
industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche su
3429
r l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans
le
cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien q
3430
utique. L’industrie est un tout et dans le cas de
l’
automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour la
3431
ébouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour
la
Suisse — qui pourtant ne fabrique pas directement d’automobiles — , c
3432
ns entendre parler d’emplois et de niveau de vie.
La
voiture y contribue de façon très importante. D’ailleurs cet aspect d
3433
sme. Je trouve merveilleux de penser à quel point
la
majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a un
3434
cles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans
la
critique que vous faites du système en général c’est que vous insiste
3435
e en général c’est que vous insistez beaucoup sur
l’
objet — en l’occurrence la voiture — mais vous insistez beaucoup moins
3436
c’est que vous insistez beaucoup sur l’objet — en
l’
occurrence la voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur le sujet
3437
s insistez beaucoup sur l’objet — en l’occurrence
la
voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur le sujet. Jacob Roffl
3438
a voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur
le
sujet. Jacob Roffler : Quatre mille personnes travaillent à l’hôpital
3439
ob Roffler : Quatre mille personnes travaillent à
l’
hôpital cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies ch
3440
ut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par
le
monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur les rout
3441
de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur
les
routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’
3442
illions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute
le
coût social. Je reconnais qu’actuellement, sur le plan strictement éc
3443
voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles
l’
on doit continuellement changer des pièces. Denis de Rougemont : En ce
3444
s pièces. Denis de Rougemont : En ce qui concerne
l’
économie, je pense qu’il faut rester humain. Il y a des limites qui co
3445
mites qui commencent à être atteintes : celles où
l’
on subordonne l’économie et en particulier l’industrie automobile à ce
3446
cent à être atteintes : celles où l’on subordonne
l’
économie et en particulier l’industrie automobile à cette affaire d’em
3447
s où l’on subordonne l’économie et en particulier
l’
industrie automobile à cette affaire d’emploi. Mais n’y a-t-il vraimen
3448
quer des accidents car cela évite du chômage dans
la
carrosserie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la répo
3449
ela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose
le
problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas mo
3450
Je pose le problème, je ne suis pas redevable de
la
réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas moi q
3451
de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu
l’
auto, ce n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construc
3452
n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à
la
construction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement éta
3453
plication ou à la construction d’autoroutes. Pour
les
autoroutes, il est clairement établi que loin de résoudre le problème
3454
es, il est clairement établi que loin de résoudre
le
problème du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le w
3455
e résoudre le problème du trafic, elles tendent à
le
bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’éviter le
3456
me du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez
la
radio le week-end : on vous conseille d’éviter les autoroutes pour em
3457
fic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio
le
week-end : on vous conseille d’éviter les autoroutes pour emprunter l
3458
la radio le week-end : on vous conseille d’éviter
les
autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-à-dire les
3459
conseille d’éviter les autoroutes pour emprunter
les
parcours « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes de campagne. C
3460
emprunter les parcours « Émeraude », c’est-à-dire
les
petites routes de campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de
3461
ourteline : on aménage des autoroutes pour rendre
la
circulation plus fluide mais on s’aperçoit qu’au moindre départ en va
3462
is on s’aperçoit qu’au moindre départ en vacances
les
voitures y sont bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à l
3463
voitures y sont bloquées. Hubert de Senarclens :
La
pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur n
3464
oquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à
la
voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : possib
3465
faits sur notre santé : possibilité de cancer par
les
hydrocarbures, trouble du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde
3466
s, trouble du comportement dû au plomb, danger de
l’
oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc.
3467
ement dû au plomb, danger de l’oxyde d’azote pour
les
poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chose étonne tout
3468
rler de « conspiration du silence » de la part de
la
grande majorité des médecins ou ces faits sont-ils fortement exagérés
3469
nt exagérés ? Jacob Roffler : Je ne pense pas que
l’
on puisse parler de conspiration du silence. En fait même si certains
3470
médecins qui se soient véritablement penchés sur
la
question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voit
3471
e soient véritablement penchés sur la question de
la
voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la sant
3472
ement penchés sur la question de la voiture et de
la
santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’êtr
3473
a question de la voiture et de la santé. Pourtant
les
effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ains
3474
la voiture et de la santé. Pourtant les effets de
la
voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence
3475
e la santé. Pourtant les effets de la voiture sur
la
santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir
3476
si on commence à s’apercevoir des conséquences de
l’
oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq o
3477
percevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur
les
poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous si
3478
conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons.
Les
recherches ont débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’un g
3479
omètre de route. Une bonne partie est évacuée par
les
eaux de pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste
3480
nne partie est évacuée par les eaux de pluie avec
les
effets biologiques que vous devinez. Le reste par le vent. Or on sait
3481
uie avec les effets biologiques que vous devinez.
Le
reste par le vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de
3482
effets biologiques que vous devinez. Le reste par
le
vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de laboratoires
3483
devinez. Le reste par le vent. Or on sait — pour
l’
avoir testé sur des animaux de laboratoires — que certains hydrocarbur
3484
sont responsables du cancer. On connaît également
le
taux de plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve d
3485
aque année sur nos routes et qui se retrouve dans
l’
air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur l
3486
nos routes et qui se retrouve dans l’air ou dans
l’
eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement
3487
utes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’eau.
L’
effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’i
3488
ve dans l’air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur
le
système vasculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudi
3489
L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur
le
comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamm
3490
r le système vasculaire ou sur le comportement de
l’
individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que des
3491
onnaissent une modification de leur comportement.
La
pollution des voitures est en outre responsable d’un certain nombre d
3492
able d’un certain nombre de maladies pulmonaires.
La
bronchite chronique prend une forte expansion avec l’air des villes.
3493
ronchite chronique prend une forte expansion avec
l’
air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement él
3494
prend une forte expansion avec l’air des villes.
Le
coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part
3495
ntablement élevé. D’autre part en ce qui concerne
les
accidents, je pense qu’il ne faut pas prendre uniquement en considéra
3496
l ne faut pas prendre uniquement en considération
le
choc ou la blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminuti
3497
as prendre uniquement en considération le choc ou
la
blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminution de l’esp
3498
ment en considération le choc ou la blessure mais
l’
ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la
3499
la blessure mais l’ensemble des suites telles que
la
diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promot
3500
l’ensemble des suites telles que la diminution de
l’
espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnel
3501
s telles que la diminution de l’espérance de vie,
la
diminution des chances de promotion professionnelle, la perte de la j
3502
inution des chances de promotion professionnelle,
la
perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la vo
3503
chances de promotion professionnelle, la perte de
la
joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne
3504
on professionnelle, la perte de la joie de vivre,
la
douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une certaine liber
3505
ie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si
la
voiture donne une certaine liberté, on paie celle-ci horriblement che
3506
nis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’est
l’
aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais
3507
mont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect de
la
criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsable
3508
nsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est
l’
homme. La bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque ap
3509
e nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme.
La
bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque apparaît lo
3510
a bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais
le
risque apparaît lorsque vous donnez aux hommes tels qu’ils sont — fin
3511
ement assez dangereux et bêtes — des jouets comme
la
bombe ou d’une manière plus modeste l’automobile. Car même en les bar
3512
uets comme la bombe ou d’une manière plus modeste
l’
automobile. Car même en les baratinant, vous n’obtiendrez pas qu’ils r
3513
ne manière plus modeste l’automobile. Car même en
les
baratinant, vous n’obtiendrez pas qu’ils restent « gentils ». Cela me
3514
’ils restent « gentils ». Cela me rappelle ce que
l’
on dit aux États auxquels on vend des centrales : « Surtout ne faites
3515
ales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils
le
jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, m
3516
ne usine de retraitement, mais ils ne vont jamais
l’
utiliser… François Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de
3517
l’utiliser… François Peyrot : Personne ne discute
le
fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels so
3518
François Peyrot : Personne ne discute le fait que
les
gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfait
3519
iture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont
les
méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médecins
3520
is quels sont les méfaits et leur importance dans
la
vie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à présent
3521
tance dans la vie courante ? C’est aux médecins à
le
déterminer. Et jusqu’à présent cela n’a pas tellement été fait. J’ai
3522
n’a pas tellement été fait. J’ai assisté à toutes
les
séances sur les règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout éta
3523
t été fait. J’ai assisté à toutes les séances sur
les
règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout était, je vous l’as
3524
séances sur les règlements du Conseil fédéral en
la
matière. Tout était, je vous l’assure, plutôt obscur. Jacob Roffler :
3525
onseil fédéral en la matière. Tout était, je vous
l’
assure, plutôt obscur. Jacob Roffler : Mais alors pourquoi le Conseil
3526
lutôt obscur. Jacob Roffler : Mais alors pourquoi
le
Conseil fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ?
3527
Conseil fédéral prend-il des mesures pour réduire
le
taux de plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est at
3528
pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot :
La
réglementation fédérale s’est attaquée très sérieusement à ce problèm
3529
e s’est attaquée très sérieusement à ce problème.
Le
peuple suisse a écarté l’initiative Albatros. Par contre il a fait co
3530
eusement à ce problème. Le peuple suisse a écarté
l’
initiative Albatros. Par contre il a fait confiance aux dispositions d
3531
systématiquement, au cours de ce débat, minimisé
les
inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages
3532
cours de ce débat, minimisé les inconvénients de
la
voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemont
3533
vantages… an. Rougemont Denis de, « Débat sur
la
voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 f
3534
Rougemont Denis de, « Débat sur la voiture dans
la
société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 février 1978, p.
3535
Les
journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1e
3536
s journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment
les
tyrans (31 mai-1er juin 1980)ao ap Dans ma jeunesse, j’ai longtemp
3537
se, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans
les
équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce
3538
t dans les équipes de football du gymnase puis de
l’
Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce
3539
imais tout particulièrement dans ce rôle, c’était
le
moment de crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique
3540
t une critique d’un livre de Montherlant intitulé
Le
Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justemen
3541
e d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à
l’
ombre des épées et dont le thème principal était justement le football
3542
t intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont
le
thème principal était justement le football. J’avais beaucoup aimé ce
3543
épées et dont le thème principal était justement
le
football. J’avais beaucoup aimé ce recueil d’essais : autant pour la
3544
s beaucoup aimé ce recueil d’essais : autant pour
la
manière dont Montherlant parlait du football que pour son style. Mon
3545
pour son style. Mon article fut donc publié dans
La
semaine littéraire, seule revue paraissant alors en Suisse romande, u
3546
Suisse romande, une semaine à peine après que je
l’
aie écrit. Il s’intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les
3547
écrit. Il s’intitulait « Monsieur de Montherlant,
le
sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de l
3548
intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et
les
jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez
3549
ant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à
l’
origine d’un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dern
3550
rnier alla même jusqu’à m’envoyer une photo où on
le
voyait habillé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon
3551
re, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de
la
défense, son camarade, Montherlant. » J’étais bien entendu très fier
3552
ittéraires ont donc coïncidé avec ma passion pour
le
football. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes re
3553
nc coïncidé avec ma passion pour le football. Par
la
suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Cam
3554
a passion pour le football. Par la suite, j’ai eu
l’
occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai b
3555
s une équipe. Nous étions donc trois écrivains de
la
même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en qua
3556
est tout de même étonnant. Si vous deviez définir
le
rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’individu une so
3557
ous deviez définir le rôle du sport… Je crois que
le
sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tol
3558
le du sport… Je crois que le sport doit être pour
l’
individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du
3559
re pour l’individu une sorte de morale ; celle de
la
tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de con
3560
pect de l’autre. Mais force est de constater qu’à
l’
heure actuelle cette morale est en train de fortement se dégrader en r
3561
moi, de deux facteurs particulièrement néfastes :
la
commercialisation à outrance de certains sports, dont certains mérite
3562
tains méritent à peine ce nom, et bien évidemment
le
nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la grande majorité des
3563
le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de
la
grande majorité des compétitions internationales, des JO en particuli
3564
? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte
le
nationalisme lors des JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref le protoc
3565
me lors des JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref
le
protocole. Tout cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’
3566
ela est, à mon sens, une effroyable caricature de
l’
esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon,
3567
effroyable caricature de l’esprit olympique et de
la
morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pas l
3568
général. De toute façon, je ne vois vraiment pas
le
rapport qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où
3569
ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre
la
performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent de
3570
pas le rapport qui existe entre la performance de
l’
athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre
3571
t qui existe entre la performance de l’athlète et
le
pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Be
3572
où il vient. Certains tirent des parallèles entre
les
JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense
3573
i vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936,
les
démocraties occidentales ont eu le plus grand tort de participer aux
3574
e qu’en 1936, les démocraties occidentales ont eu
le
plus grand tort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y all
3575
aisons, à savoir qu’elles ne voulaient pas servir
la
publicité d’un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée c
3576
t pas servir la publicité d’un régime scandaleux,
la
guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se serait sans doute enga
3577
ute engagée dans des conditions bien différentes.
Le
peuple allemand aurait en effet commencé à remettre en cause très sér
3578
et commencé à remettre en cause très sérieusement
la
valeur de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes rai
3579
remettre en cause très sérieusement la valeur de
la
politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’appro
3580
de la politique menée par son gouvernement. Pour
les
mêmes raisons, j’approuve totalement ceux qui refusent d’aller à Mosc
3581
ement ceux qui refusent d’aller à Moscou tant que
le
régime soviétique continue à faire ce que l’on sait. D’autant que le
3582
que le régime soviétique continue à faire ce que
l’
on sait. D’autant que le gouvernement russe a largement diffusé une br
3583
e continue à faire ce que l’on sait. D’autant que
le
gouvernement russe a largement diffusé une brochure, contre laquelle
3584
ailleurs vivement protesté, disant clairement que
le
fait que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d
3585
entier à l’égard du régime communiste soviétique.
Le
fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suf
3586
égime communiste soviétique. Le fait de supprimer
les
hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les
3587
te soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et
les
drapeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il
3588
apeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver
les
JO ? Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger une charte olym
3589
ment radical. D’ailleurs je voyais l’autre jour à
la
TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de
3590
mbres de nombreux comités olympiques se réjouir à
l’
idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. U
3591
se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais
les
hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique
3592
l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et
les
drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est
3593
oi ! On veut m’arracher mon drapeau, on en veut à
l’
honneur de mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est pl
3594
question de sport mais de délire nationaliste. Et
la
presse sportive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans le
3595
t la presse sportive dans tout cela… Je pense que
les
mass médias, dans leur ensemble, sont en grande partie responsables d
3596
r ensemble, sont en grande partie responsables de
la
dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le lan
3597
ie responsables de la dégradation du sport. Voyez
les
pages sportives des journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de j
3598
u sport. Voyez les pages sportives des journaux :
le
langage y est féroce. Beaucoup de journalistes vont même jusqu’à écri
3599
ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si
les
grands sportifs imposaient leurs volontés les plus arbitraires à leur
3600
si les grands sportifs imposaient leurs volontés
les
plus arbitraires à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc l’
3601
olontés les plus arbitraires à leurs adversaires.
Les
pages sportives ont donc l’air de glorifier d’affreux tyrans comme on
3602
à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc
l’
air de glorifier d’affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis
3603
régner autour du sport un climat de violence, où
les
pires instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait-il don
3604
rt un climat de violence, où les pires instincts,
l’
agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait-il donc pas temps de reven
3605
revenir à une vraie morale du sport telle que je
l’
admirais comme adolescent dans les premiers livres de Montherlant ?
3606
erlant ? ao. Rougemont Denis de, « [Entretien]
Les
journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal
3607
s journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment
les
tyrans », Journal de Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p. 24. ap.
3608
24. ap. Propos recueillis par Bertrand Monnard.
L’
entretien est précédé du chapeau suivant : « Né à Neuchâtel en 1906, D
3609
« Né à Neuchâtel en 1906, Denis de Rougemont est
l’
écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité
3610
en 1906, Denis de Rougemont est l’écrivain suisse
le
plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité politique et cult
3611
ugemont est l’écrivain suisse le plus engagé dans
les
divers mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europe. À
3612
se le plus engagé dans les divers mouvements pour
l’
unité politique et culturelle de l’Europe. À travers ses nombreux livr
3613
ouvements pour l’unité politique et culturelle de
l’
Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’Occi
3614
ope. À travers ses nombreux livres parmi lesquels
L’
Amour et l’Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité su
3615
ers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et
l’
Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les thème
3616
lesquels L’Amour et l’Occident demeure sans doute
le
plus célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. M
3617
meure sans doute le plus célèbre, il a médité sur
les
thèmes essentiels de notre temps. Mais, aussi surprenant que cela pui
3618
paraître, sa vocation littéraire a commencé avec
le
football… »
3619
mois, et livres qui m’aident à travailler, comme
la
série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Val
3620
ailler, comme la série des petits volumes d’Après
l’
exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en trai
3621
quel de Valéry, compagnons de mes mises en train.
Le
sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis »
3622
’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis » :
le
Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir constant, finale
3623
» : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec
le
plaisir constant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’une trouv
3624
est devenu tellement rare aujourd’hui ! Mais pour
le
reste, hélas, je n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de
3625
es et augmentées en livres de poche, à paraître à
l’
automne, ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule ex
3626
ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À
la
seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’ét
3627
aperçu à ma honte que je ne savais plus par cœur
les
sonnets des Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Ré
3628
ève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à
l’
enquête « Que lisent les écrivains romands ? »
3629
1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que lisent
les
écrivains romands ? »
3630
Suis-je perdu pour
la
littérature ? (30 octobre 1982)as Mardi dernier, au Conservatoire
3631
e de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu
le
Grand Prix Schiller, une des plus hautes distinctions littéraires de
3632
re pays, doté cette année de 25 000 francs. Après
l’
introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement
3633
r (respectivement vice-présidente et président de
la
Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État Andr
3634
de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et
le
conseiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain,
3635
nex et le conseiller d’État André Chavanne firent
l’
éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerci
3636
ler d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de
l’
écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant de p
3637
tte Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à
l’
âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que
3638
s en ferons, Denis de Rougemont expliqua pourquoi
l’
essai est, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça l
3639
ns, un genre pleinement littéraire, et il retraça
les
origines à la fois historiques et spirituelles de son engagement. Le
3640
s historiques et spirituelles de son engagement.
Le
choix de la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en
3641
s et spirituelles de son engagement. Le choix de
la
Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut, puisqu
3642
e se déclare, pour notre Suisse romande, que tous
les
vingt ans en moyenne — je vous dirai qu’il me rassure au moins autant
3643
ce d’écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans
le
domaine littéraire, que d’une manière négative : c’est quelqu’un qui
3644
eule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de
la
littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix vous
3645
it-il vraiment partie de la littérature ? Tel est
le
doute qu’en me donnant votre Grand Prix vous tranchez en faveur de l’
3646
nnant votre Grand Prix vous tranchez en faveur de
l’
essai comme genre légitime de la littérature. Mais il y a plus grave e
3647
chez en faveur de l’essai comme genre légitime de
la
littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c’es
3648
y a plus grave encore dans mon cas, puisque c’est
le
cas d’un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à
3649
st le cas d’un essayiste qui n’écrit même pas sur
la
chose littéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur les problèm
3650
ui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à
la
rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face auxqu
3651
ttéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur
les
problèmes de ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on l
3652
mps, face auxquels il prend position, ou comme on
le
dit, dès ce temps-là, « s’engage ». Rendons leur place aux essayist
3653
place aux essayistes ! C’est sur ces thèmes de
l’
essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quel
3654
es ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de
l’
engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brèves r
3655
r ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de
l’
écrivain que je vous proposerai quelques très brèves remarques. Depuis
3656
proposerai quelques très brèves remarques. Depuis
le
xix e siècle romantique, le grand public et la plupart des critiques
3657
ves remarques. Depuis le xix e siècle romantique,
le
grand public et la plupart des critiques semblent penser que la litté
3658
c et la plupart des critiques semblent penser que
la
littérature c’est poésie, roman, théâtre, et création littéraire sera
3659
nyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout
le
moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de no
3660
iction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins
l’
histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langu
3661
qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de
la
littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraiso
3662
le moins l’histoire de la littérature française.
Les
chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la gr
3663
ure française. Les chefs-d’œuvre de notre langue,
la
floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style
3664
de notre langue, la floraison de son vocabulaire,
la
grande allure et les éclats du style, ne se voient guère chez les rom
3665
floraison de son vocabulaire, la grande allure et
les
éclats du style, ne se voient guère chez les romanciers, à part Stend
3666
e et les éclats du style, ne se voient guère chez
les
romanciers, à part Stendhal, ni même chez les poètes français, à part
3667
hez les romanciers, à part Stendhal, ni même chez
les
poètes français, à part Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Cal
3668
Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Calvin,
l’
initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, invent
3669
int-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de
la
langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais p
3670
gne, inventeur des Essais précisément ; puis dans
le
Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lett
3671
is précisément ; puis dans le Pascal des Pensées,
le
Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltai
3672
le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours,
le
Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques e
3673
du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes,
le
Voltaire des écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers,
3674
polémiques et pas du tout des tragédies en vers,
le
Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoir
3675
ers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions,
le
Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours
3676
ons, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe,
le
Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’U
3677
es d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur
l’
Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près
3678
le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour
la
paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valé
3679
r Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix,
le
Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valéry de Var
3680
baud d’Une saison en enfer, et tout près de nous,
le
Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surré
3681
rès de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel,
l’
André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre de
3682
Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes,
le
Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean Paulhan et Roger Caillois… Vo
3683
eption, comme toute préférence quelque injustice.
Le
style d’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à se
3684
injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise de
la
langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on l
3685
est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on
le
jugera. Rendons leur place aux essayistes dans toute littérature dign
3686
gne du nom, et surtout d’expression française.
L’
avis de Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas
3687
première fois en public. On s’étonne souvent, ou
l’
on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depui
3688
e souvent, ou l’on juge regrettable, que je donne
le
plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu
3689
air de mes journées, depuis plus de trente ans, à
l’
action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fonda
3690
te ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour
l’
Europe fédérée dès 1946, fondation et direction effective pendant tren
3691
ve ; présidence pendant seize ans du Congrès pour
la
liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études
3692
e pendant seize ans du Congrès pour la liberté de
la
culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes,
3693
ngrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de
l’
Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans pa
3694
des européennes, à Genève encore ; sans parler de
l’
Association européenne des festivals de musique, de l’Association des
3695
sociation européenne des festivals de musique, de
l’
Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éduca
3696
ssociation des instituts d’études européennes, de
la
Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec
3697
ombien depuis trente ans, plusieurs centaines, je
le
crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de se
3698
ente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’où
le
propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols
3699
de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans
les
comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements euro
3700
t de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour
la
littérature… Le prix que vous me donnez aujourd’hui, non seulement ré
3701
ittéraire ». Je serais perdu pour la littérature…
Le
prix que vous me donnez aujourd’hui, non seulement réfute ces propos,
3702
i, non seulement réfute ces propos, mais me donne
l’
occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir.
3703
0 J’oserai donc aborder sans aucune précaution
la
question que beaucoup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-i
3704
motifs pourraient être évoquées ici : d’une part,
les
défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et
3705
ient être évoquées ici : d’une part, les défis de
l’
Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre par
3706
e ma génération eut à faire face, et d’autre part
l’
évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dir
3707
art l’évolution intérieure qui fut la mienne dans
le
même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette dé
3708
t la mienne dans le même temps, je veux dire dans
les
années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’est joué, à la fois
3709
qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir
l’
interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain e
3710
ction d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord
la
nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Kœstler l’a fo
3711
i que ma génération eut à relever. Arthur Kœstler
l’
a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui
3712
elever. Arthur Kœstler l’a fort bien dit : ce fut
l’
affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et
3713
t entre un mensonge total, celui des dictatures à
l’
Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiqu
3714
elui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à
l’
Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guerre entre eux deve
3715
à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques.
La
guerre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à la faire, vu not
3716
rre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à
la
faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les tr
3717
re âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre
les
trois régimes totalitaires et les régimes dits libéraux, adultérés pa
3718
e guerre. Entre les trois régimes totalitaires et
les
régimes dits libéraux, adultérés par le centralisme étatique et par l
3719
aires et les régimes dits libéraux, adultérés par
le
centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines,
3720
aux, adultérés par le centralisme étatique et par
la
soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix.
3721
r le centralisme étatique et par la soumission de
l’
homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions cond
3722
de l’homme à ses machines, tout en nous refusait
le
choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement b
3723
cette formule se trouvait répondre aux questions
les
plus lancinantes que me posaient alors l’époque, les carences de nos
3724
stions les plus lancinantes que me posaient alors
l’
époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. P
3725
plus lancinantes que me posaient alors l’époque,
les
carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandr
3726
lors l’époque, les carences de nos démocraties et
le
défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation avec
3727
ues dizaines de jeunes intellectuels, avec ce que
l’
on nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, « les non-conformiste
3728
n nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, «
les
non-conformistes des années trente », bientôt reliés à d’autres group
3729
si d’une manière clandestine, on s’en doute, dans
l’
Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues c
3730
destine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et
l’
Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’Ord
3731
t , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à
la
fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931
3732
au et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à
la
vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre.
3733
elles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à
la
guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu, n
3734
socié dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à
l’
eau Car la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pay
3735
1 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau Car
la
guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays et leurs ar
3736
es parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans
le
Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major général,
3737
e Jura, puis attaché au service Armée et foyer de
l’
état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la
3738
major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai
le
15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à P
3739
, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à
la
Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui par
3740
e 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur
l’
entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée
3741
article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut
le
17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’a
3742
itler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de
l’
arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle
3743
in de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de
l’
appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une condamna
3744
ation à quinze jours de forteresse « au pain et à
l’
eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État étrange
3745
chef d’État étranger risquant de mettre en danger
la
sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je
3746
anger risquant de mettre en danger la sécurité de
la
Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentime
3747
en danger la sécurité de la Suisse », comme on me
le
précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour N
3748
New York, chargé d’une mission de conférences sur
la
Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on
3749
ées américaines ? J’ai écrit quelques livres, sur
la
Suisse, sur le diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surto
3750
? J’ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur
le
diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par la forc
3751
ques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur
la
bombe atomique notamment. Mais surtout, par la force en mon cas créat
3752
ur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par
la
force en mon cas créatrice d’une constante et poignante nostalgie, en
3753
poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert
l’
Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, l
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ostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europe et
la
nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraien
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l’Europe et la nécessité vitale de son union, si
les
Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définiti
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ité vitale de son union, si les Alliés gagnaient,
la
délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me su
3757
uis trouvé, sans trop savoir comment, engagé dans
la
lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéral
3758
voir comment, engagé dans la lutte militante pour
la
fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup ava
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fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant
la
guerre dans nos groupements personnalistes, puis inspiré la Résistanc
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dans nos groupements personnalistes, puis inspiré
la
Résistance, j’ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans
3761
vre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore,
les
deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rie
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e-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour
les
raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Ki
3763
r une du protestantisme totalement différente, je
le
confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l
3764
que je gardais de mon école du dimanche. C’était
l’
idée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’un individu charg
3765
e du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de
la
personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’une vocation unique qui
3766
re d’un individu chargé d’une vocation unique qui
le
relie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute
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ividu chargé d’une vocation unique qui le relie à
la
communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute politique s
3768
ue « toute politique suppose une certaine idée de
l’
homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu emb
3769
certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que
le
communisme supposait un individu embrigadé, le komsomol ; que les fas
3770
ue le communisme supposait un individu embrigadé,
le
komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près l
3771
upposait un individu embrigadé, le komsomol ; que
les
fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près la même conception,
3772
fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près
la
même conception, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’
3773
même conception, dictée par des buts collectifs,
l’
impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ;
3774
dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de
l’
État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanch
3775
s buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de
la
race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société
3776
isme de l’État ou de la race substitué à celui de
la
classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et lib
3777
tes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement (
les
juristes connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’est vraime
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brement (les juristes connaissent bien cela) et à
l’
inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles-ci n
3779
ursuivant ce raisonnement, nous observions — nous
les
personnalistes, précisons — que l’homme n’est responsable qu’au sein
3780
rvions — nous les personnalistes, précisons — que
l’
homme n’est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puisse
3781
t où n’importe qui puisse lui répondre sans avoir
l’
organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit da
3782
sans avoir l’organe de Stentor. Nous retrouvions
l’
idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du
3783
’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Politique,
l’
idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau
3784
sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et
le
modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant a
3785
e de cité idéale que Rousseau devait reprendre en
l’
appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le mod
3786
n l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans
la
cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon,
3787
citoyens de Genève réunis dans la cathédrale.
Le
modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’u
3788
s dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où
l’
idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les
3789
Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur
les
communes, s’associant en régions pour les tâches qui dépassent leur c
3790
dée sur les communes, s’associant en régions pour
les
tâches qui dépassent leur compétence ; ces régions à leur tour se féd
3791
e jusqu’au niveau continental d’une fédération de
l’
Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle —
3792
niveau continental d’une fédération de l’Europe.
L’
idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « trois
3793
puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans
le
cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assu
3794
nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de
l’
Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’auto
3795
Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement
le
minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régio
3796
seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer
l’
autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la ba
3797
rer l’autonomie de chacune des régions fédérées :
le
modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique —
3798
acune des régions fédérées : le modèle suisse ! À
la
base de cette construction nullement utopique — voir la Suisse justem
3799
e de cette construction nullement utopique — voir
la
Suisse justement — une idée de l’homme que nous appelions la personne
3800
utopique — voir la Suisse justement — une idée de
l’
homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fo
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ustement — une idée de l’homme que nous appelions
la
personne, c’est-à-dire un individu à la fois libre et engagé ; distin
3802
e tout autre par sa vocation, mais responsable de
l’
exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus
3803
r sa vocation, mais responsable de l’exercer dans
la
cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur de c
3804
le de l’exercer dans la cité, par là même relié à
la
communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour l
3805
e plus : créateur de cette communauté. Voilà pour
la
doctrine. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie.
3806
ette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit
les
conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu po
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entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour
la
littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai ti
3808
as. Rougemont Denis de, « Suis-je perdu pour
la
littérature ? », Journal de Genève, Genève, 30 octobre 1982, p. I, IV