1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)a Il y a dans le monde intel
2 sement oriental (16 juillet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus méc
3 stion d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’ urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désil
4 nisés ou germains désillusionnés — nous annoncent le « crépuscule du monde occidental », et, au-dessus des ruines prochain
5 chaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plu
6 radisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des
7 ù nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions su
8 inaires. Beaucoup pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il ap
9 encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et
10 par les précisions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusie
11 ons importantes qu’il apporte sur les rapports de l’ Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus te
12 qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’ Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces co
13 us tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’ Égypte, ses habitants, ses tombeaux et son passé, en curieux avide du
14 avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’ être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui
15 ise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre,
16 hevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous ont habitués les voyageurs
17 al plus ou moins lyrique auquel nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme or
18 n Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’ âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soute
19 suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’ islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je
20 il aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’ avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines
21 tie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut-il s’entendre : les meilleur
22 ême, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’ Orient. Encore faut-il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orie
23 is bien sur l’Orient. Encore faut-il s’entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’int
24 faut-il s’entendre : les meilleurs documents sur l’ Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui
25 endre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus da
26 ments sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’ intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux
27 L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’ opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient.
28 t plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qu
29 des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’ Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrait m
30 re elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Euro
31 Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la
32 ent les traits qui composent le portrait moral de l’ Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aus
33 mposent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’ Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’aut
34 e l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de
35 ropéen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’ent
36 cise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’ auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus,
37 er mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : «  Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une beauté », c’est po
38 par contraste une « préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualif
39 cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’ eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du chri
40  », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que «  l’ attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». «
41 tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’ inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse,
42 i de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je tr
43 re ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit le plus profondément l’Occidental, c’est peut-être la fidélité. » Ses re
44 si juste : « Ce qui définit le plus profondément l’ Occidental, c’est peut-être la fidélité. » Ses remarques sur la psycho
45 e plus profondément l’Occidental, c’est peut-être la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pa
46 c’est peut-être la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à c
47 a fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’ Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation
48 logie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence et
49 fondamentale que « notre intelligence et celle de l’ Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer, co
50 si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter le conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré l’« anxiété mélanco
51 conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré l’ « anxiété mélancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Orient
52 lancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’ Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut concl
53 qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une ma
54 t que nous ayons à chercher là-bas notre salut. «  La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur
55 a seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. »
56 le de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire
57 écadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux au
58 place me manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux autres parties du volume, d’une importance moins actue
59 e, mais d’une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un
60 é d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’hist
61 tre supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues
62 Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’ histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies
63 t pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mai
64 hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout rom
65 nt de tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-i
66 . Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ?
67 oyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accen
68 le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’ Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et cour
69 nisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’ Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé,
70 rfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois u
71 oue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion
72 ’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que
73 lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque constam
74 de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’ attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt
75 resque constamment critique de M. de Traz diminue l’ intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de
76 es, révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il ap
77 oujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’être séduit que pour « 
78 arer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique dont
79 rfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique dont plusieurs d
80 tistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d
81 t la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez
82 rouver les seuls motifs réels d’exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis de, «
83 gemont Denis de, « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal de Genève, Genève, 16 juillet 1926,
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
84 press, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pitt
85 totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un s
86 d’un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit
87 l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour
88 er la sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression
89 mer cette première impression. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des
90 ur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’
91 troubler, aucune voix haute, aucune couleur vive. Les journaux qu’ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe immi
92 ur quelque catastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi
93 trophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses
94 minente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres,
95 lution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela fini
96 ert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’ Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’ar
97 uple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel semble d’ailleurs correspond
98 emble d’ailleurs correspondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides
99 ipides, qui passent des après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire d
100 rès-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyan
101 t : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’ entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus ai
102 orte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à l’ oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autr
103 ’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité
104 n violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la sal
105 ’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa
106 e, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et pass
107 té de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulad
108 le répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de
109 née, sous les roulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Roth
110 oulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur
111 um. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes l
112 , des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout
113 aits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vê
114 x curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et portant, en cœur n
115 en blanc sur fond noir et portant, en cœur noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays
116 noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à ca
117 deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse,
118 … Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que po
119 jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les fe
120 nte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent e
121 ue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vi
122 ons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui sonnent avec frénésie et les petits taxis rouges qui déferl
123 t vivement les trams qui sonnent avec frénésie et les petits taxis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d
124 ésie et les petits taxis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses
125 les boulevards comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et ja
126 rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’ orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi). Sou
127 unichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pe
128 ais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre énormes p
129 en hiver, viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophèt
130 sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de S
131 ent le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans
132 de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et
133 ue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses garde
134 anc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses gardes blancs aux casques
135 des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gen
136 usion de liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vous mène au Théâtre, vous n’y comprenez rien, m
137 us mène au Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous v
138 iste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’ entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le re
139 archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi
140 ient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent
141 ussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie de
142 cela compose un visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’une passion poétiq
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
143 » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou encore « l’inson
144 . Une histoire dont le personnage principal est «  la main du Seigneur », ou encore « l’insondable Providence » mise en act
145 rincipal est « la main du Seigneur », ou encore «  l’ insondable Providence » mise en action au gré d’un moraliste qui se do
146 mise en action au gré d’un moraliste qui se donne l’ air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un vol
147 ction au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’ avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la
148 sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croya
149 e Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du xixe — en conséquence de quoi les
150 e une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du xixe — en conséquence de quoi les romans des « 
151 rivains anglais du xixe — en conséquence de quoi les romans des « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en
152 en conséquence de finir carrément mal ? Non, car le christianisme se passe dans cette vie ou bien n’est pas du christiani
153 cette vie ou bien n’est pas du christianisme. Et l’ on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Har
154 it en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy
155 ppy end soi-disant édifiant, s’il est certain que l’ Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’h
156 romesses de salut sont seuls capables de donner à l’ homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d
157 mme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’a
158 est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches d
159 l faut bien connaître la nature et ses abîmes, si l’ on veut être à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandal
160 et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laissent quelqu
161 tre à même d’y voir les touches du surnaturel. Si les scandales du temps vous laissent quelque loisir pour vous occuper de
162 lque loisir pour vous occuper de vous-mêmes et de l’ enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancoli
163 pour vous occuper de vous-mêmes et de l’enjeu de l’ existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le réali
164 l’enjeu de l’existence, vous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le réalisme total qui éclatent dans ce chef-d’œ
165 ous lirez Sara Alelia 2. La puissante mélancolie, le réalisme total qui éclatent dans ce chef-d’œuvre vous consoleront des
166 oyances », comme disait Péguy. Et dix fois, en me le rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je l’ai terminé cette
167 rendant, « Je ne vous dirai pas à quelle heure je l’ ai terminé cette nuit ». — « Des livres comme celui-là, ça aide à vivr
168 s livres comme celui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’une Lapon
169 imples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que celle du passant qu’on coudoie. Moins d’art peut-être, je v
170 e, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’ auteur de Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à
171 Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme
172 e sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, u
173 lle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil our
174 un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les conventions civilisées — inoubliable création, ce Norenius ! — qui pr
175 re. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais l’ accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître e
176 hronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des
177 pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants
178 ouvants du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une écol
179 nt et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle de
180 vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est le terne tr
181 re, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est le terne train-train des journées. Ils avaient en somme
182 iècle dernier, pour soutenir que la réalité c’est le terne train-train des journées. Ils avaient en somme raison, tout au
183 a réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur les choses. Le regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la «
184 elle dépend du regard qu’on porte sur les choses. Le regard « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie couran
185 rd « réaliste » de Hildur Dixelius a su voir dans la « vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et p
186 ames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’ originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque
187 e visage de belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans c
188 dans la neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques : il y a des fous, d
189 s, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints qui se croient plus mauvais qu
190 nt plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait vo
191 menacées, harmonieuses ou durement rabrouées par le sort, « la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une misér
192 harmonieuses ou durement rabrouées par le sort, «  la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’une miséricorde lumi
193 miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas « l’histoire ».
194 ujet de ce grand livre. Je ne vous conterai pas «  l’ histoire ». Cette chronique d’une vie de femme n’est pas de celles qui
195 ui mériteraient d’être citées, et qui vivent dans la mémoire avec leurs gestes lents et leurs passions étranges. Aussi, qu
196 ssi, quelques enfants qui semblent incarner toute la poésie des contes scandinaves, une merveilleuse petite Eva-Margareta
197 naves, une merveilleuse petite Eva-Margareta dont l’ apparition fait songer aux plus radieuses créations d’Andersen. On a f
198 uctions qui ne valent pas dix pages de ce roman ! La mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez français », di
199 valent pas dix pages de ce roman ! La mode passe, le public se fatigue, paraît-il. « Achetez français », disent les critiq
200 fatigue, paraît-il. « Achetez français », disent les critiques, à l’instar de l’affiche (dont il faut regretter qu’elle so
201 z français », disent les critiques, à l’instar de l’ affiche (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même un affreux barb
202 é d’outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès d
203 e à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et plus durable, réservée aux
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
204 Condition de l’ écrivain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis de g
205 ain (I) (15 février 1937)d On n’ignore pas que les partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont
206 les partis de gauche, en France, et spécialement le parti communiste, ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense d
207 t le parti communiste, ont adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur atti
208 adopté depuis deux ans le mot d’ordre Défense de la culture. Ce qui n’a pas manqué de leur attirer de nombreuses et reten
209 rtains tels Gide et Jules Romains, comptent parmi les célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-i
210 e et Jules Romains, comptent parmi les célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme
211 tent parmi les célébrités les moins contestées de la France contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étrangers q
212 ce contemporaine. N’y a-t-il pas là (comme disent les étrangers qui ont appris le français dans leur dictionnaire) « anguil
213 pas là (comme disent les étrangers qui ont appris le français dans leur dictionnaire) « anguille sous roche » ? Que signif
214 a part des marxistes, qui soutinrent si longtemps la primauté du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ?
215 la primauté du matériel cette subite conversion à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà de
216 du matériel cette subite conversion à la cause de l’ esprit ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontières
217 à la cause de l’esprit ? N’allons pas en chercher l’ explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense d
218 ’explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifascisme
219 s frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et l’Allemag
220 e la France : défense de la culture signifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et l’Allemagne ayant, comme chacun sai
221 a culture signifie pour les gauches antifascisme, l’ Italie et l’Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre san
222 gnifie pour les gauches antifascisme, l’Italie et l’ Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre sans merci à to
223 acun sait, déclaré une guerre sans merci à toutes les formes d’intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Que
224 à toutes les formes d’intelligence réfractaires à la caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que compo
225 es à la caporalisation intégrale. Quelle que soit la part de vérité que comporte ce point de vue simpliste (et ce n’est pa
226 de vue simpliste (et ce n’est pas chez nous qu’on la niera) il faut reconnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à l
227 onnaître qu’il est essentiellement négatif. Car à la vérité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture franç
228 ité, et si libre qu’elle soit encore, Dieu merci, la culture française est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas l
229 est malade elle aussi d’une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’inculture rela
230 cisme. Elle me paraît souffrir en premier lieu de l’ inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’en
231 r ensuite, et peut-être plus gravement encore, de la condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes, m
232 es libéral certes, mais anarchique, et dominé par les seules nécessités de l’argent. En dehors des milieux directement inté
233 narchique, et dominé par les seules nécessités de l’ argent. En dehors des milieux directement intéressés, on ignore, je cr
234 à peu près tout de cette condition des écrivains. L’ on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa
235 s écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l
236 connu, dans sa soupente, vit de son orgueil et de l’ amour de sa Muse. C’est l’image que vulgarisait, tout récemment encore
237 it de son orgueil et de l’amour de sa Muse. C’est l’ image que vulgarisait, tout récemment encore, le timbre-poste vendu au
238 t l’image que vulgarisait, tout récemment encore, le timbre-poste vendu au profit des « intellectuels en chômage ». Ou bie
239 profit des « intellectuels en chômage ». Ou bien l’ on s’imagine un auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hom
240 bien l’on s’imagine un auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes
241 oyé par les « femmes du monde », hommes de toutes les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure fla
242 es les fortunes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est
243 nt la vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est agréable, pour un écrivain, qu’on croie tout ce
244 la… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de l’ Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour quelques fait
245 uvent donner une idée assez juste du sort réel de l’ écrivain. Parmi ses confrères académiciens, disait-il, tous célèbres e
246 succès », tous ayant atteint ou largement dépassé l’ âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire
247 tous ayant atteint ou largement dépassé l’âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des repor
248 âge de la retraite, l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de so
249 moins deux articles par jour, un troisième « fait les théâtres », besogne sans gloire et de maigre profit, un quatrième enf
250 ses quatre-vingts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et
251 ngts ans, en est encore à placer de la copie dans les journaux de province pour pouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite
252 ouvoir payer son loyer ! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinaire : que ne prenn
253 ! Et ainsi de suite. Voilà la réalité. Là-dessus, les bonnes gens disent d’ordinaire : que ne prennent-ils un second métier
254 ne prennent-ils un second métier, ces écrivains ! La littérature n’est qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’
255 qu’un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’ on cite M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « se
256 te M. Duhamel, qui est médecin. Voire ! Outre que les cas de « second métier » sont rares et fort peu concluants (Duhamel e
257 peu concluants (Duhamel et Daudet n’ont pratiqué la médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il e
258 l et Daudet n’ont pratiqué la médecine que durant les années de naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création
259 e naturalisation de leur œuvre), il est clair que la création artistique requiert toutes les forces d’un homme, et s’accom
260 clair que la création artistique requiert toutes les forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses ef
261 les forces d’un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme, d’autre part, on ne saurait admettr
262 , d’autre part, on ne saurait admettre que seules les personnes fortunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la
263 rsonnes fortunées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain v
264 ées aient quelque chose à dire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’écrivain vive de sa plum
265 de la culture, il ne reste qu’une solution : que l’ écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devient impraticable ; o
266 cable ; ou si praticable, néfaste. Impraticable :  l’ écrivain ne touche sur les livres que dix pour cent du produit de la v
267 néfaste. Impraticable : l’écrivain ne touche sur les livres que dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente n
268 he sur les livres que dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires po
269 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de su
270 . De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme farouche, — ou de surproduction maladi
271 surproduction maladive. Praticable mais néfaste : les livres ne payant pas, il faudra faire du journalisme et courir les ré
272 ant pas, il faudra faire du journalisme et courir les rédactions, improviser… Or les nécessités du journalisme ne sont pas
273 rnalisme et courir les rédactions, improviser… Or les nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure,
274 s nécessités du journalisme ne sont pas celles de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montrent
275 t assez inhabiles. On retombe d’ailleurs ici dans le cas du second métier, aggravé sans doute du fait qu’il s’agit encore
276 je résume à grands traits, me paraît tendre vers la même limite, et à bon train si l’on n’y veille ; dégradation et domes
277 aît tendre vers la même limite, et à bon train si l’ on n’y veille ; dégradation et domestication de l’intelligence et de l
278 l’on n’y veille ; dégradation et domestication de l’ intelligence et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragiqu
279 radation et domestication de l’intelligence et de l’ art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénon
280 stication de l’intelligence et de l’art. Sans que l’ on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement l
281 ce et de l’art. Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus o
282 Sans que l’on puisse, et c’est là le tragique de l’ affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutions.
283 là le tragique de l’affaire, dénoncer clairement les coupables, individus ou institutions. Ce qui oblige en fin de compte
284 s ou institutions. Ce qui oblige en fin de compte l’ écrivain à déclarer pathétiquement que c’est la société qui est mal fa
285 te l’écrivain à déclarer pathétiquement que c’est la société qui est mal faite dans son ensemble, étant faite de telle sor
286 place normale. Et ceci suffirait à expliquer que les meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent t
287 liticiens qui, par ailleurs, se moquent un peu de la culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans
288 sache ! d. Rougemont Denis de, « Condition de l’ écrivain I », Journal de Genève, Genève, 15 février 1937, p. 1.
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
289 Condition de l’ écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e La
290 Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’éc
291 ondition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’ édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, tell
292 grande misère de l’édition (22 février 1937)e La situation de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon p
293 e l’édition (22 février 1937)e La situation de l’ écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier article,
294 La situation de l’écrivain moderne, telle que je la décrivais dans mon premier article, a notablement empiré du fait de l
295 premier article, a notablement empiré du fait de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le le
296 . Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce p
297 raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditi
298 technique dont le lecteur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de
299 un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’ édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas des
300 es de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas des philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent p
301 s philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’ être. Ils ont eux aussi à « se défendre ». Naguère encore, ils se fais
302 enoncent à former ces goûts. Ils se contentent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse…
303 ent de les flatter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’édi
304 latter. Et aussitôt, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’éditeur répond
305 t, comme on pouvait le prévoir, le niveau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’éditeur répond qu’il faut vivre !
306 veau baisse… Les moralistes se récrient en vain : l’ éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la litté
307 in : l’éditeur répond qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’ag
308 nd qu’il faut vivre ! Règne de la publicité et de la littérature faite sur commande, comme s’il ne s’agissait vraiment que
309 t Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! Et l’ Adolphe de Constant, ce serait bien court… Et Nietzsche ? Qui voudrait
310 ne peut plus se payer de telles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’un éditeur, bon gré mal gré, se voit souvent c
311 gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser les meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meilleures raisons
312 es meilleurs livres qu’on lui offre, et cela pour les meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est
313 cela pour les meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de
314 e déplorable. Elles se font excessivement rares.) Les débats passionnés que vient de soulever le fameux projet de loi Jean
315 res.) Les débats passionnés que vient de soulever le fameux projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la questi
316 jet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs édi
317 la question : celui du contrat d’édition. Depuis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’expédient suivant. Lorsq
318 uis la crise, plusieurs éditeurs ont eu recours à l’ expédient suivant. Lorsqu’un jeune auteur vient proposer son manuscrit
319 son manuscrit, on lui fait signer un contrat qui l’ engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages
320 at qui l’engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’éditeur
321 de ces ouvrages se trouve par ailleurs assurée à l’ éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réser
322 ailleurs assurée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser
323 surée à l’éditeur jusqu’à 50 ans après la mort de l’ écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manusc
324 iteur jusqu’à 50 ans après la mort de l’écrivain. L’ éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne
325 mort de l’écrivain. L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trou
326 L’éditeur se réserve en outre le droit de refuser les manuscrits qui ne lui plaisent pas. (Et qui trouveront difficilement
327 icilement à se faire accepter par un confrère, on l’ imagine.) On escompte ainsi les succès futurs du débutant, dont les pr
328 par un confrère, on l’imagine.) On escompte ainsi les succès futurs du débutant, dont les premiers ouvrages seront sans dou
329 t sans doute déficitaires, mais qui plus tard, si la célébrité se dessine, se verra prisonnier d’un contrat de débutant, p
330 contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’ éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une f
331 ément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limi
332 une fin à ces pratiques, en limitant à 10 années l’ effet des contrats d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais l
333 à 10 années l’effet des contrats d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on les com
334 d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on les comprend assez bien : on les priverai
335 plaudissent. Mais les éditeurs se récrient, et on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue aprè
336 s se récrient, et on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs
337 on les comprend assez bien : on les priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices du d
338 te polémique fait apparaître assez clairement que la situation est sans issue directe. J’entends que nulle réforme légale
339 J’entends que nulle réforme légale ne suffirait à l’ assainir. Et l’on pressent déjà que le problème déborde infiniment le
340 ulle réforme légale ne suffirait à l’assainir. Et l’ on pressent déjà que le problème déborde infiniment le plan technique 
341 suffirait à l’assainir. Et l’on pressent déjà que le problème déborde infiniment le plan technique : c’est tout le problèm
342 pressent déjà que le problème déborde infiniment le plan technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et
343 déborde infiniment le plan technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la cultu
344 echnique : c’est tout le problème des rapports de l’ écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se p
345 s rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son am
346 crivain et du public, ou même de la culture et de la nation, qui se pose enfin dans son urgence et son ampleur. Pourquoi l
347 se, a-t-on comme premier réflexe d’économiser sur les livres, plutôt que sur toute autre distraction, cinéma ou meetings sp
348 vient cette désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant
349 ction des grandes masses pour la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’y porter remède,
350 emède, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas seulement matérielles.
351 terroger sur les raisons profondes du mal ? Je ne les crois pas seulement matérielles. Je crois au contraire qu’elles affec
352 rielles. Je crois au contraire qu’elles affectent les sources vives de notre civilisation. C’est pourquoi le problème appar
353 urces vives de notre civilisation. C’est pourquoi le problème apparemment secondaire de l’édition, et du sort matériel des
354 st pourquoi le problème apparemment secondaire de l’ édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indifféren
355 aisser indifférente notre conscience de citoyens. Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons donner des soi
356 re conscience de citoyens. Les dictateurs actuels l’ ont bien compris. Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de
357 . Les dictateurs actuels l’ont bien compris. Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays
358 s les voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc nos démocraties se laisseraient
359 oire, malgré tout, que c’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à
360 gré tout, que c’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps !
361 ’est elles qui résoudront le mieux le problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemont
362 e problème de la culture, — si toutefois elles se le posent à temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’écrivain 
363 temps ! e. Rougemont Denis de, « Condition de l’ écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genè
364 ougemont Denis de, « Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1
365  Condition de l’écrivain II : La grande misère de l’ édition », Journal de Genève, Genève, 22 février 1937, p. 1.
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
366 Condition de l’ écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f Si
367 ondition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si le
368 sion civique de la culture (1er mars 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’
369 1937)f Si les livres se vendent si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’importance réelle de cette crise, à
370 si mal, et si le public ne se rend pas compte de l’ importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au pu
371 mpte de l’importance réelle de cette crise, à qui la faute, disions-nous ? Au public ou aux écrivains ? On objectera sans
372 ic ou aux écrivains ? On objectera sans doute que le vrai responsable, c’est la paresse intellectuelle qui sévit dans tout
373 jectera sans doute que le vrai responsable, c’est la paresse intellectuelle qui sévit dans toutes les classes et qu’entret
374 t la paresse intellectuelle qui sévit dans toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les h
375 sévit dans toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que
376 toutes les classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela expli
377 es classes et qu’entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien
378 entretiennent le cinéma, la TSF, les illustrés et les hebdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien des choses. Mais
379 s. Mais d’où vient cette paresse ? D’où vient que le public se défende aussi mal contre les sollicitations vulgaires des d
380 ù vient que le public se défende aussi mal contre les sollicitations vulgaires des distractions commerciales ? Les écrivain
381 tations vulgaires des distractions commerciales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part de responsabilité ? Car, après
382 pas une part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme
383 ar, après tout, le public est à peu près ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à l’image de ses auteurs préférés.
384 ce qu’on le fait. En temps normal, il se forme à l’ image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est invers
385 ’image de ses auteurs préférés. Mais aujourd’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inex
386 ’hui, le rapport est inversé, quand il existe. Et le plus souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et
387 souvent, il est inexistant. D’une part, en effet, la culture, et en particulier la littérature, a voulu se séparer des int
388 une part, en effet, la culture, et en particulier la littérature, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la natio
389 , a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de
390 mentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons d
391 . Ce phénomène est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait
392 est apparu dès le romantisme, avec la théorie de l’ art pour l’art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer de
393 dès le romantisme, avec la théorie de l’art pour l’ art. Pour mille raisons diverses, il n’a fait qu’empirer depuis. Les g
394 raisons diverses, il n’a fait qu’empirer depuis. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Il
395 le ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’ usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’un H
396 ont à l’usage exclusif d’une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rap
397 o, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement la masse profonde du peuple, nous voyons aujourd’hui ce même peuple se c
398 d Proust, Gide ou Valéry ne paraissent rechercher l’ audience que de très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on éc
399 er l’audience que de très petits cercles d’élus ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits se désin
400 us ? Le peuple lit ce qu’on écrit pour lui, et si les grands esprits se désintéressent de son sort, il ne peut que leur ren
401 téressent de son sort, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devient libre pour une « littérature » comme
402 rt, il ne peut que leur rendre la pareille. Alors le champ devient libre pour une « littérature » commerciale qui, elle, n
403 compensations illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains autre
404 illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le public perd l’habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une
405 morne train-train de la vie. Ainsi le public perd l’ habitude de demander aux écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli 
406 d’oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bi
407 ence entre les heures de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au second qu’au prem
408 s de bureau ou d’usine. Après le travail et avant le sommeil (bien plus semblable au second qu’au premier) la lecture, auj
409 eil (bien plus semblable au second qu’au premier) la lecture, aujourd’hui, n’est plus du tout ce qu’elle était au siècle p
410 outes conditions : une nourriture, un exercice de l’ âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables
411 itions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’ intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que tente
412 de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les efforts très louables que tentent les éditeurs, ou même l’État, pour
413 . Dès lors, les efforts très louables que tentent les éditeurs, ou même l’État, pour remettre le livre en honneur, sont vou
414 s très louables que tentent les éditeurs, ou même l’ État, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succè
415 ntent les éditeurs, ou même l’État, pour remettre le livre en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même
416 en honneur, sont voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le r
417 voués à de faibles succès. C’est le sens même de la lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que
418 lecture qui s’est perdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait
419 rdu. Et s’il s’est perdu, je le répète, c’est que les plus grands de nos écrivains ont beaucoup fait pour qu’il se perde en
420 airement des préoccupations, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la par
421 ions, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autres spéculaient commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans
422 is que les autres spéculaient commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivain
423 commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fonctio
424 des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ru
425 rité. Ils sont donc mal venus à se plaindre. Mais la société en pâtit, plus gravement qu’elle ne le croit, sans doute. Une
426 is la société en pâtit, plus gravement qu’elle ne le croit, sans doute. Une situation si compromise ne se rétablira point
427 campagne de propagande. Il s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sens de leur fonction sociale avant qu’un dic
428 l s’agit bien plutôt que les écrivains reprennent le sens de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite a
429 de leur fonction sociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de ret
430 l s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on appelle l’ oreille du peuple. Mais cela suppose une véritable révolution dans les
431 . Mais cela suppose une véritable révolution dans les valeurs qu’ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peuple, e
432 le ou son intellect (je ne dis pas son âme, c’est l’ affaire des Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir l
433 ), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communauté, et non plus seulement d’amuser ou de se montrer original.
434 de se montrer original. Et qu’on ne croie pas que l’ art en souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï,
435 Et qu’on ne croie pas que l’art en souffrirait : l’ exemple des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le co
436 nds, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent q
437 ux que lorsqu’il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel
438 il sent qu’il est en communion avec les soucis de la nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressement
439 t sa nature profonde. Mais un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le public
440 ’aurait pas de chance d’aboutir si, d’autre part, le public lui-même n’avait à cœur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris
441 œur d’y collaborer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’ intention d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivain
442 n d’un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de
443 naux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du
444 ur prêcher les écrivains qui le lisent, mais dans l’ espoir d’attirer l’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’
445 vains qui le lisent, mais dans l’espoir d’attirer l’ attention de ceux qui sont du côté du public sur l’importance civique
446 ’attention de ceux qui sont du côté du public sur l’ importance civique de ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que
447 ces problèmes. On ne manquera pas de me dire que la situation est loin d’être aussi grave chez nous qu’ailleurs. C’est vr
448 nous qu’ailleurs. C’est vrai sans doute. Mais si l’ on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’être vrai : nous suiv
449 s. C’est vrai sans doute. Mais si l’on se borne à le répéter, cela cessera bientôt d’être vrai : nous suivrons le cours fa
450 cela cessera bientôt d’être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout à l’heure que le public est
451 ons le cours fatal des choses. J’observais tout à l’ heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il
452 fatal des choses. J’observais tout à l’heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste d
453 out à l’heure que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les
454 e que le public est à peu près ce que les auteurs le font. Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’
455 . Mais il est juste de dire aussi qu’il a souvent les auteurs qu’il mérite. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir d
456 représentatifs de ce qui fait sa force véritable. La raison d’être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matér
457 son d’être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui anime la fé
458 ies n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le principe communautaire qui anime la fédération. Or, la force d’un tel
459 el, mais dans le principe communautaire qui anime la fédération. Or, la force d’un tel principe se mesure au niveau de la
460 incipe communautaire qui anime la fédération. Or, la force d’un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pa
461 la force d’un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les
462 au niveau de la culture. (Et non pas seulement de l’ instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nous,
463 pas seulement de l’instruction !) C’est pourquoi les problèmes culturels sont pour nous, Suisses, plus vitaux encore que p
464 t pour nous, Suisses, plus vitaux encore que pour les grandes nations qui nous entourent. Et c’est pourquoi enfin, j’y revi
465 chapitre, ce n’est pas seulement « faire marcher le commerce », mais c’est aussi faire acte civique, dans une cité dont l
466 ’est aussi faire acte civique, dans une cité dont l’ idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de, « Co
467 te civique, dans une cité dont l’idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de l’écriva
468 arantie. f. Rougemont Denis de, « Condition de l’ écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Gen
469  Condition de l’écrivain III : Mission civique de la culture », Journal de Genève, Genève, 1 mars 1937, p. 1.
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
470 L’ Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ?
471 L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deux g
472 L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deux gros volumes qui, au surplus
473 romantique et le rêve (23 mars 1937)g Le rêve, le romantisme ? Et traités en deux gros volumes qui, au surplus, sont un
474 el, sera-t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs
475 récemment M. Goebbels. Mais, tandis que s’élevait l’ immense rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins
476 ndis que s’élevait l’immense rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la fo
477 riomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la foule exaltée je me disais : Qu’est-ce que tout cela, ce discours, ce
478 e que tout cela, ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle,
479 rêve pourtant, grande image collective exprimant le désir et l’inconscient d’un peuple, ses ambitions démesurées, ses uto
480 nt, grande image collective exprimant le désir et l’ inconscient d’un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le
481 peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est
482 s héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel que le phénomène du rêve, je dirais même en politique. Rien n’est plus impor
483 olitique. Rien n’est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment don
484 n’est plus important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolu
485 ir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très généra
486 très générale d’approuver une étude du rêve et de l’ inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’ajou
487 r une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’ a poursuivie M. Albert Béguin, viennent s’ajouter, en 1937, des opport
488 d’ordre culturel et littéraire. « Toute époque de la pensée humaine, dit en débutant notre auteur, pourrait se définir, de
489 t se définir, de façon suffisamment profonde, par les relations qu’elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre
490 profonde, par les relations qu’elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre époque, plus que toute autre semble
491 ar les relations qu’elle établit entre le rêve et la vie réelle. » Or notre époque, plus que toute autre semble-t-il, s’es
492 lus que toute autre semble-t-il, s’est attachée à l’ étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre par
493 suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’ école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de
494 surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roma
495 ne vague de rêves s’est étendue sur les années de l’ après-guerre, fécondant de vastes domaines : poésie, roman, philosophi
496 aines : poésie, roman, philosophie et sciences de l’ homme. Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phé
497 Il était temps qu’un ouvrage d’ensemble reprenne l’ étude du phénomène à ses racines : M. Béguin vient de nous le donner,
498 phénomène à ses racines : M. Béguin vient de nous le donner, avec une maîtrise qui le met du coup au premier rang des hist
499 in vient de nous le donner, avec une maîtrise qui le met du coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’
500 u coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’est en effet au romantisme allemand qu’il faut remonter si
501 fet au romantisme allemand qu’il faut remonter si l’ on veut étudier la source véritable de préoccupations qui parurent for
502 allemand qu’il faut remonter si l’on veut étudier la source véritable de préoccupations qui parurent fort nouvelles lorsqu
503 qui parurent fort nouvelles lorsque se vulgarisa l’ œuvre de Freud. M. Béguin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis d
504 uin, d’ailleurs, prend ses distances vis-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous prop
505 prend ses distances vis-à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infinime
506 -à-vis de la psychanalyse. Les interprétations de la vie onirique, qu’il nous propose, sont infiniment plus larges que cel
507 e celles du savant viennois. Elles englobent tout le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux fact
508 vant viennois. Elles englobent tout le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirituel
509 Tout le premier volume est d’ailleurs consacré à l’ examen des théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la pl
510 e d’attraits : nous étions loin de nous douter de la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à
511 mes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de l’ inconscient notamment. Tout ce que les plus récentes écoles ont passio
512 à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que les plus récentes écoles ont passionnément discuté, se trouve déjà posé e
513 ittérature un service dont on ne saurait exagérer l’ importance. Je n’hésite pas à affirmer que cette thèse fera date dans
514 ite pas à affirmer que cette thèse fera date dans l’ évolution naturelle du « domaine français » : d’une part en nous renda
515 d’une part en nous rendant accessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclar
516 en nous rendant accessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soul
517 ccessible et actuelle la période la plus riche de la pensée germanique, d’autre part en déclarant et soulignant des corres
518 espondances profondes, et toutes nouvelles, entre le romantisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France :
519 toutes nouvelles, entre le romantisme allemand et les plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire e
520 me allemand et les plus grands poètes modernes de la France : Nerval, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire des
521 de pousser plus avant cette étude, et de montrer l’ analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un Claudel ave
522 te étude, et de montrer l’analogie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par
523 avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’ occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamme
524 n des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préjugé qui veut que les romantiques allemands n’aient été que de « d
525 ns nos esprits, notamment le préjugé qui veut que les romantiques allemands n’aient été que de « doux rêveurs », alors qu’i
526 Béguin, d’avoir su marquer avec tant de justesse le point précis où l’entreprise titanesque du romantisme déborde les lim
527 marquer avec tant de justesse le point précis où l’ entreprise titanesque du romantisme déborde les limites assignées à la
528 où l’entreprise titanesque du romantisme déborde les limites assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait
529 que du romantisme déborde les limites assignées à la personne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressources
530 onne humaine dans sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une pr
531 classiques, alliées à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la ré
532 s à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une tell
533 la pensée allemande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle e
534 èse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit.
535 la vocation européenne des Suisses français dans l’ ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. R
536 n européenne des Suisses français dans l’ordre de l’ esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont De
537 ugemont Denis de, « [Compte rendu] Albert Béguin, L’ Âme romantique et le rêve  », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937,
538 [Compte rendu] Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve  », Journal de Genève, Genève, 23 mars 1937, p. 1.
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
539 (14 novembre 1940)h i New York, 25 octobre. La campagne électorale qui prendra fin au moment où cet article atteindr
540 ui prendra fin au moment où cet article atteindra la Suisse est l’une des plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D
541 isse est l’une des plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’autant plus violente, semble-t-il, que l’enjeu en est p
542 ts-Unis. D’autant plus violente, semble-t-il, que l’ enjeu en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes poli
543 en est plus confus, comme il arrive souvent dans les luttes politiques. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire un
544 dans les luttes politiques. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène de réformes soc
545 ues. Willkie représente Wall Street, c’est-à-dire le capitalisme traditionnel. Mais Willkie promet aux foules de conserver
546 de conserver et même de développer presque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’appui off
547 évelopper presque toutes les mesures adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’appui officiel de John C. Lewis,
548 adoptées par le New Deal, et il vient de recevoir l’ appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la p
549 cevoir l’appui officiel de John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativement
550 e John C. Lewis, chef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativement à la politique extérieure
551 la plus « rouge » des États-Unis. Relativement à la politique extérieure, l’opposition des deux candidats n’est guère plu
552 ats-Unis. Relativement à la politique extérieure, l’ opposition des deux candidats n’est guère plus claire. Roosevelt a pri
553 ère plus claire. Roosevelt a pris position contre l’ idéal totalitaire, et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans l
554 et ses partisans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Ro
555 ans accusent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Roosevelt qui,
556 m » — une troisième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictato
557 isième période de quatre ans —, sape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peut-o
558 ape les bases de la démocratie américaine et crée le véritable danger dictatorial. Peut-on dire, pour simplifier, qu’avec
559 Peut-on dire, pour simplifier, qu’avec Roosevelt l’ entrée en guerre des États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Wi
560 -t-elle un rôle plus important qu’on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut bien se l’avouer ici dans le choix qu’est en t
561 on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut bien se l’ avouer ici dans le choix qu’est en train de faire le corps électoral a
562 dire, ou qu’on ne veut bien se l’avouer ici dans le choix qu’est en train de faire le corps électoral américain. Qu’on ne
563 avouer ici dans le choix qu’est en train de faire le corps électoral américain. Qu’on ne s’y trompe pas : le parti proalle
564 ps électoral américain. Qu’on ne s’y trompe pas : le parti proallemand est extrêmement faible aux États-Unis, mais le part
565 emand est extrêmement faible aux États-Unis, mais le parti antiguerre reste fort. En sera-t-il de même lorsque cet article
566 lorsque cet article paraîtra ? Il y a huit jours, les experts presque unanimes donnaient Roosevelt gagnant par 2 à 1. Aujou
567 nnaient Roosevelt gagnant par 2 à 1. Aujourd’hui, les chances de Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux par
568 nces de Willkie paraissent augmenter rapidement : les journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt,
569 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux candidats socialiste et communiste. Que s’est-il pa
570 uniste. Que s’est-il passé ? Personne ne pourrait le dire avec certitude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de la
571 avec certitude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’ issue de la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour
572 ude, pas plus qu’on ne saurait prévoir l’issue de la campagne. Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les masses
573 Ce qui rend cette dernière si « excitante » pour les masses, c’est précisément le nombre des inconnues qu’elle met en jeu
574 « excitante » pour les masses, c’est précisément le nombre des inconnues qu’elle met en jeu et l’instabilité caractéristi
575 ent le nombre des inconnues qu’elle met en jeu et l’ instabilité caractéristique des passions dans ce pays. Je parlais tout
576 ique des passions dans ce pays. Je parlais tout à l’ heure d’une campagne violente. Cette épithète demande quelques explica
577 pithète demande quelques explications. En Europe, la violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par une
578 ’agit de quelque chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont r
579 ie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œufs sur la tête, mais ces manifestations somme toute peu dangereuses, de la pass
580 es manifestations somme toute peu dangereuses, de la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettables
581 cation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manifestant lui-mê
582 s démocrates s’excusent, déplorent, sont désolés. Le manifestant lui-même se déclare désolé… Car la règle tacitement admis
583 s. Le manifestant lui-même se déclare désolé… Car la règle tacitement admise est de laisser à chaque joueur toutes ses cha
584 peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués par
585 ou huer, mais non pas entrer dans le terrain. Et l’ on se doit d’applaudir également les points marqués par l’un et l’autr
586 le terrain. Et l’on se doit d’applaudir également les points marqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est le meilleu
587 rqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’exceptions près, so
588 rsaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à peu d’exceptions près, soutienne Willkie — comme elle souti
589 e — comme elle soutint Landon il y a quatre ans — l’ information reste impartiale et le ton des critiques objectif. Un gran
590 a quatre ans — l’information reste impartiale et le ton des critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre semain
591 e contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie personnelle qui
592 esse. Les deux auteurs insistaient longuement sur la sympathie personnelle qui les liait au candidat contre lequel ils pro
593 aient longuement sur la sympathie personnelle qui les liait au candidat contre lequel ils proposaient cependant de voter. F
594 ent cependant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d
595 e le plus un Européen fraîchement débarqué, c’est l’ absence quasi totale d’arguments idéologiques dans ce grand débat démo
596 ologiques dans ce grand débat démocratique. Toute la polémique se ramène à deux séries d’arguments : arguments de technici
597 ire quelques articles sérieusement documentés sur les défauts économiques du New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutan
598 u New Deal, suivis de lettres d’abonnés discutant les opinions publiées les jours précédents. À côté de ce débat académique
599 lettres d’abonnés discutant les opinions publiées les jours précédents. À côté de ce débat académique — recouvrant d’ailleu
600 ifs aux circonstances personnelles des candidats. La campagne des républicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur un
601 t plus d’une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitain
602 favoritisme a été exploité à fond pour persuader l’ Américain moyen des intentions « dictatoriales » du président. Les par
603 en des intentions « dictatoriales » du président. Les partisans de Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la dev
604 Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la devise : « Je voudrais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode de
605 « Je voudrais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’Américain n’aime
606 ode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’ Américain n’aime guère discuter, mais il aime faire connaître son opin
607 sevelt) comme président. » Tout cela paraît, dans l’ ensemble, gentil, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’on a
608 il, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’ on a souvent peine à croire que l’enjeu de cette compétition soit tout
609 mi-sportif, et l’on a souvent peine à croire que l’ enjeu de cette compétition soit tout à fait pris au sérieux par les él
610 compétition soit tout à fait pris au sérieux par les électeurs. Pourtant personne n’ignore que le sort du pays dépendra ce
611 par les électeurs. Pourtant personne n’ignore que le sort du pays dépendra certainement — quoique d’une manière encore imp
612 — quoique d’une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’ils
613 sible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-là, les Américains sauront ce qu’ils pensent en tant que nation. Ils auront c
614 nation. Ils auront cessé de parier. Si Roosevelt l’ emporte, les événements suivront leur cours actuel, et le programme de
615 s auront cessé de parier. Si Roosevelt l’emporte, les événements suivront leur cours actuel, et le programme de défense nat
616 te, les événements suivront leur cours actuel, et le programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste. E
617 le deviendra un programme nationaliste. En somme, l’ opposition des deux candidats peut être assez bien résumée par cette f
618 être assez bien résumée par cette formule : C’est l’ opposition d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autorita
619 nt réciproquement de tendances antidémocratiques. La seule conclusion claire qui se dégage de ces paradoxes politiques me
620 dégage de ces paradoxes politiques me paraît être la suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Américain
621 es me paraît être la suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Américains se reformera toujours sur le m
622 re la suivante : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’ unanimité des Américains se reformera toujours sur le mot d’ordre : dé
623 nanimité des Américains se reformera toujours sur le mot d’ordre : démocratie. Car « démocratie », dans ce pays, n’est pas
624  », dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il l’ était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine
625 de Genève, Genève, 14 novembre 1940, p. 1-2. i. Le journal précise : « De notre envoyé spécial ».
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
626 Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)j k New York, décembre J’
627 re J’étais à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mi
628 à Times Square, au cœur de Manhattan, le soir de l’ élection présidentielle. À neuf heures, nous étions cent-mille, à onze
629 tions cent-mille, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policeme
630 demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’ œil amical de trois-cents policemen montés. On circulait sans nulle pe
631 du Times, sur lequel passaient en rubans lumineux les résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On ve
632 uel passaient en rubans lumineux les résultats de la journée. À neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la criée
633 neuf heures, Willkie semblait mener. On vendait à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heur
634 es, Willkie semblait mener. On vendait à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les ch
635 ks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bandes de papier portant : « Je vo
636 à s’orner de bandes de papier portant : « Je vous l’ avais bien dit ! » Une neige de papiers multicolores descendait lentem
637 tement du haut des gratte-ciel, dansant à travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on d
638 erpentins blancs, bleus et rouges. À onze heures, la foule épela ces mots courant sur les murailles du Times : « Roosevelt
639 onze heures, la foule épela ces mots courant sur les murailles du Times : « Roosevelt entraîne New York City par 270 000 v
640 ar 270 000 voix de majorité. » Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement des masses, à mesure que la nouvelle faisa
641 meur qui monta lentement des masses, à mesure que la nouvelle faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans la profond
642 ment des masses, à mesure que la nouvelle faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans la profondeur des rues environ
643 faisait le tour du bâtiment, se transmettait dans la profondeur des rues environnantes et revenait submerger le square com
644 deur des rues environnantes et revenait submerger le square comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillan
645 quare comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés, la fraternisation générale
646 pas le bonheur brillant dans tous ces yeux levés, la fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries c
647 fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries cordiales adressées aux derniers porteurs de boutons Wi
648 physique d’un renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque d
649 tin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque déserté, cette femme du peuple qui
650 démocratie. Et plus tard dans la nuit, traversant le square presque déserté, cette femme du peuple qui chantait à pleine v
651 cette femme du peuple qui chantait à pleine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’Armée du
652 ntait à pleine voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt,
653 gled Banner, avec la ferveur d’une évangéliste de l’ Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me déclara
654 plis mes caves de conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui,
655 caves de conserves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui, comme t
656 serves. Car ce sera, je vous le dis, la famine et le bolchévisme ! » Cette dame s’occupe aujourd’hui, comme toutes ses par
657 ses pareilles, à réunir des conserves, mais pour l’ Angleterre, à présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bal
658 is pour l’Angleterre, à présider des comités pour l’ Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulance
659 comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’ Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain mêm
660 ls pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’ Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venai
661 eterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venait de soutenir
662 mbulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’ élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensemble
663 ngleterre. Le lendemain même de l’élection, toute la presse qui venait de soutenir Willkie avec ensemble, et qui n’avait p
664 uerre et inflation, toute cette presse proclamait l’ union des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvern
665 toute cette presse proclamait l’union des partis, l’ oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessit
666 amait l’union des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l
667 partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willk
668 polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une décl
669 dans le gouvernement et la nécessité d’augmenter l’ aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au pré
670 gouvernement et la nécessité d’augmenter l’aide à l’ Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président et
671 éclaration de loyauté au président et lui offrait l’ appui d’une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les
672 d’une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait
673 osition constructive ». On brûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le m
674 tive ». On brûlait sur les places les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était termi
675 laces les panneaux et les insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocra
676 insignes de propagande. La majorité avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, p
677 avait parlé, le match était terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vraiment battu.
678 it terminé, et parce que la démocratie avait tenu le coup, personne ne se sentait vraiment battu. On peut dire aujourd’hui
679 tu. On peut dire aujourd’hui sans exagération que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la dé
680 Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La première a été perdue par la France. La
681 atie au xxe siècle. La première a été perdue par la France. La seconde a été gagnée par l’Amérique. En attendant le résul
682 perdue par la France. La seconde a été gagnée par l’ Amérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche,
683 seconde a été gagnée par l’Amérique. En attendant le résultat de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de
684 de la troisième et dernière manche, c’est-à-dire l’ issue de la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de compr
685 sième et dernière manche, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient l’Empire britannique, essayons de comprendre les r
686 he, c’est-à-dire l’issue de la lutte que soutient l’ Empire britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé dém
687 ient l’Empire britannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsq
688 ritannique, essayons de comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capab
689 lessures : signe que sa circulation est bonne. Si les oppositions politiques les plus violentes laissent peu ou point de ra
690 culation est bonne. Si les oppositions politiques les plus violentes laissent peu ou point de rancune et se résolvent si ra
691 aux États-Unis, c’est en grande partie à cause de la constante circulation d’idées et d’hommes qui s’est établie dans ce p
692 et d’hommes qui s’est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population. L’opinion questionne, le gouvernement
693 est établie dans ce pays entre le gouvernement et la population. L’opinion questionne, le gouvernement répond, il s’expliq
694 s ce pays entre le gouvernement et la population. L’ opinion questionne, le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à
695 vernement et la population. L’opinion questionne, le gouvernement répond, il s’explique, il écoute à son tour. N’importe q
696 quer publiquement telle ou telle mesure prise par l’ État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque
697 iquement telle ou telle mesure prise par l’État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de
698 e ou telle mesure prise par l’État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à prop
699 par l’État : la presse et la radio lui en offrent les moyens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Wa
700 ens. S’il a quelque chose de mieux à proposer, on le convoque à Washington, on examine son projet, et il arrive qu’on le c
701 ington, on examine son projet, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs,
702 t, et il arrive qu’on le charge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financi
703 arge officiellement de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les écon
704 nt de le réaliser. Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les économistes que le go
705 . Nombreux sont les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les économistes que le gouvernement Roosev
706 les professeurs, les industriels, les financiers, les avocats ou les économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la
707 , les industriels, les financiers, les avocats ou les économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au servic
708 es financiers, les avocats ou les économistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pou
709 conomistes que le gouvernement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche dét
710 rnement Roosevelt a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est rés
711 en est résulté parfois certains flottements dans la politique du New Deal, mais ces défauts techniques sont compensés par
712 bre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique. Celle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques de
713 articipent à la vie publique. Celle-ci n’est plus l’ affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plu
714 cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’ affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chacun peut
715 ion exerce une influence excellente à la fois sur le gouvernement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer
716 e excellente à la fois sur le gouvernement et sur l’ opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement devant le
717 s sur le gouvernement et sur l’opinion. Il incite les dirigeants à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien e
718 e les dirigeants à s’expliquer franchement devant le peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui. Les plus hauts fonc
719 peuple, et à ne rien entreprendre sans son appui. Les plus hauts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à des débats pu
720 à participer à des débats publics, ou à commenter l’ activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà
721 à commenter l’activité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que n
722 ivité de leur département devant les auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fait,
723 artement devant les auditeurs de la radio : voilà le problème qui se pose, voilà ce que nous avons fait, voilà ce qui rest
724 que nous avons fait, voilà ce qui reste à faire. Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulièr
725 s d’État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de leur poser n’importe quelle questio
726 érences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de leur poser n’importe quelle question. Rien de plus frappant
727 mporte quelle question. Rien de plus frappant que l’ absence de démagogie et d’effets oratoires qui caractérise ces communi
728 lennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de
729 des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’ humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers… Ai
730 onaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’ opinion se sent responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’on
731 responsable de ses réactions. Lorsqu’on sait que l’ on sera pris au sérieux, on dit moins de bêtises, on se contrôle davan
732 ment à ce qui se passe dans d’autres républiques, l’ opinion américaine discute réellement les problèmes posés. Elle cherch
733 ubliques, l’opinion américaine discute réellement les problèmes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérê
734 nt les problèmes posés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos
735 osés. Elle cherche réellement à les résoudre dans l’ intérêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop con
736 érêt commun, — et non pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de
737 ter à tout propos le credo trop connu d’un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de cette effici
738 tte efficience, qui contrastent si fortement avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : c
739 ui contrastent si fortement avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret réside p
740 nt avec les scléroses et les vieilles rancunes de la vie politique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait tr
741 ique européenne : ce secret réside peut-être dans le fait très simple que voici : en réalité, il n’y a pas de partis aux É
742 s. Il serait en effet absolument faux d’assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateu
743 t absolument faux d’assimiler les républicains et les démocrates américains à nos radicaux, conservateurs, libéraux et soci
744 icaux, conservateurs, libéraux et socialistes. Ni les républicains ni les démocrates ne possèdent une doctrine politique to
745 , libéraux et socialistes. Ni les républicains ni les démocrates ne possèdent une doctrine politique totale, fixée pour tou
746 nt une doctrine politique totale, fixée pour tous les cas et automatiquement par une longue tradition. Leur opposition rest
747 finie… Elle se cristallise, et encore est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’une manière d’ailleurs imprévisible. C
748 té de dire : en deux teams — symbolise simplement le principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le
749 deux teams — symbolise simplement le principe de la discussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il n’y
750 scussion, indispensable à toute vie démocratique. Le fait qu’il n’y a que deux partis, et que ces deux partis ne représent
751 ux tendances générales, signifie pratiquement que les États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les a
752 États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’autre intermédiaire que l’opinion pub
753 t une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’autre intermédiaire que l’opinion publique. L’Améric
754 n et les autorités, pas d’autre intermédiaire que l’ opinion publique. L’Américain ne possède légalement ni le droit de réf
755 pas d’autre intermédiaire que l’opinion publique. L’ Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit
756 on publique. L’Américain ne possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en
757 possède légalement ni le droit de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permane
758 de référendum, ni le droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’une opinion
759 les exerce en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée
760 nes, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez q
761 s mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur
762 Américains sont très conscients et très jaloux de la qualité de leur esprit public ? Sait-on assez de quelle passion profo
763 on assez de quelle passion profonde se charge ici le terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radi
764 e ici le terme de démocratie ? En tournant tout à l’ heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une
765 terme de démocratie ? En tournant tout à l’heure le bouton de ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’une voix fo
766 de 7 millions et demi d’habitants, bénéficiant de la liberté démocratique. » Cela ne fait pas sourire, quand on voit que c
767 c’est vrai. j. Rougemont Denis de, « Santé de la démocratie américaine », Journal de Genève, Genève, 17 janvier 1941,
768 nal de Genève, Genève, 17 janvier 1941, p. 1. k. Le journal précise : « De notre envoyé spécial ».
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
769 New York, février J’ai fait une découverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tie
770 s-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plu
771 st pas de pays moderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il faut être
772 t peu son histoire, rien n’apparaît plus naturel. Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la pl
773 our cause de religion. Seceders (séparatistes) de l’ Église anglicane ou du luthérianisme allemand, huguenots ou puritains,
774 foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aus
775 aires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité
776 té de célébrer leur culte, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convi
777  » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le caract
778 s. D’où le caractère social de leur religion, dès le début, mais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structur
779 social de leur religion, dès le début, mais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États
780 ais aussi le caractère religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu
781 litique des États-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe de ces apports religieux successifs. Ceux-ci se confonde
782 fs. Ceux-ci se confondent souvent d’ailleurs avec les apports raciaux. Un Américain qui appartient à l’Église réformée a bi
783 es apports raciaux. Un Américain qui appartient à l’ Église réformée a bien des chances d’être Hollandais d’origine ; Allem
784 différences d’origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe : l’Église baptiste est largement po
785 jouter, par la suite, des différences de classe : l’ Église baptiste est largement populaire, tandis que l’Église protestan
786 lise baptiste est largement populaire, tandis que l’ Église protestante épiscopale (de rite anglican) est surtout citadine
787 « fashionable ». Voilà qui explique, d’une part, l’ étonnante multiplicité des dénominations religieuses dans ce pays ; d’
788 inations religieuses dans ce pays ; d’autre part, l’ importance sociale que chacune d’entre elles y revêt. On peut apprécie
789 t apprécier diversement cette interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le
790 e interpénétration de la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont toujour
791 e et de la vie publique (dans un pays, remarquons- le , où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai
792 la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’État). Je me bornerai pour auj
793 s-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’ État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un
794 ées de l’État). Je me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médit
795 tant plus qu’il s’est vu curieusement négligé par la presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le
796 la presque totalité des observateurs européens de l’ Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux
797 des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux grandes pages cons
798 que. Ouvrez le New York Times : vous y trouverez, le samedi, deux grandes pages consacrées aux choses religieuses : sujets
799 annonces détaillées des services que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans
800 ices que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le lund
801 cultes chaque dimanche dans beaucoup d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et s
802 glises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde beaucoup moins
803  ; on en accorde beaucoup moins aux conférenciers les plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour,
804 oins aux conférenciers les plus en vogue. Tournez le bouton de votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix «
805 our, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religieuses du mo
806 d’heure de nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine d
807 nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes rel
808 euses du monde entier. Le samedi, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes relayés par différ
809 tions. Vous passerez d’une liturgie solennelle de l’ Église épiscopale à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un q
810 , à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théol
811 x magazines politiques à gros tirages qui forment l’ opinion moyenne du pays. Ce qui est étonnant, c’est précisément que ce
812 sément que cela n’étonne personne ici. Je songe à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timid
813 e à la France laïque de naguère ! Je songe même à la Suisse, à tant de timidités, de cloisonnements, et peut-être de prude
814 isonnements, et peut-être de prudences aussi, que l’ on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à louer une maison, je parcour
815 érique… Cherchant à louer une maison, je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de ce type : « Six pièces, confort, m
816 ain : allez au culte de votre paroisse. » Certes, l’ on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, de
817 de votre paroisse. » Certes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de
818 tes, l’on peut sourire de la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’e
819 neaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’ entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir
820 de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholique
821 i promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer
822 ent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer la concur
823 le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les églises catholiques. On peut déplorer la concurrence que se font les
824 me dans les églises catholiques. On peut déplorer la concurrence que se font les diverses dénominations dans un même villa
825 ques. On peut déplorer la concurrence que se font les diverses dénominations dans un même village. Mais ces traits extérieu
826 traits extérieurs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’
827 urs s’expliquent lorsqu’on découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église, en
828 découvre la réalité de la vie communautaire dans les paroisses. Devenir membre d’une Église, en Amérique, c’est aussi trou
829 ilieu social, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cadres traditionnels, et don
830 orme, qui manque de cadres traditionnels, et dont la population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la p
831 nels, et dont la population est si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la paroisse. Plus sociale que religieuse
832 si nomade encore, la vraie cellule sociale, c’est la paroisse. Plus sociale que religieuse, dira-t-on ? C’est un risque. M
833 é d’action spirituelle constamment maintenue dans la cité. Il faut connaître cet arrière-plan pour donner tout leur sens à
834 our donner tout leur sens à certains incidents de la vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un d
835 vie politique américaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un des grands États de l’Union prenant part à une campag
836 campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à la radio
837 Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décriven
838 oosevelt prononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détai
839 onçant une longue prière à la radio, la veille de l’ élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les service
840 a radio, la veille de l’élection présidentielle ; les journaux décrivent en détail les services de communion auxquels ont p
841 présidentielle ; les journaux décrivent en détail les services de communion auxquels ont participé les deux candidats, ce m
842 les services de communion auxquels ont participé les deux candidats, ce même jour. Wallace, le vice-président, surnommé le
843 ticipé les deux candidats, ce même jour. Wallace, le vice-président, surnommé le « timide mystique », déclarant après son
844 e même jour. Wallace, le vice-président, surnommé le « timide mystique », déclarant après son installation qu’il va se ret
845 rant après son installation qu’il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax
846 à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur aux États-Unis est particuliè
847 parce que, dit-on, sa piété profonde lui gagnera la confiance des États du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite
848 nfiance des États du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait é
849 ddle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de «  l’ Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pas
850 ais hier la cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtr
851 cérémonie dite de « l’Inauguration ». La veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des troi
852 teurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont
853 es prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont il répétai
854 ois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « confession générale », dont il répétait les phrases à ha
855 ères de « confession générale », dont il répétait les phrases à haute voix avec tous les membres du Congrès, dans une églis
856 nt il répétait les phrases à haute voix avec tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait
857 c tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son président. »
858 une église de la capitale. Cela s’intitulait : «  La nation prie avec son président. » Le speaker commentait : « Maintenan
859 titulait : « La nation prie avec son président. » Le speaker commentait : « Maintenant, le président et M. Wallace s’ageno
860 résident. » Le speaker commentait : « Maintenant, le président et M. Wallace s’agenouillent avec toute la congrégation… Le
861 président et M. Wallace s’agenouillent avec toute la congrégation… Le chœur entonne le cantique : « Ô Dieu, notre aide aux
862 allace s’agenouillent avec toute la congrégation… Le chœur entonne le cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le
863 lent avec toute la congrégation… Le chœur entonne le cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le président y join
864 cantique : « Ô Dieu, notre aide aux temps passés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à
865 ssés… Le président y joint sa voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitol
866 a voix. » Puis ce fut la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des centaines de m
867 la prestation de serment, à la tribune élevée sur les marches du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs.
868 illiers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le président jura, la main posée sur sa vieille B
869 Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le président jura, la main posée sur sa vieille Bible de famille, en lan
870 ite par le chapelain du Sénat, le président jura, la main posée sur sa vieille Bible de famille, en langue hollandaise, qu
871 ns : « Et maintenant ces trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à
872 t maintenant ces trois choses demeurent : la Foi, l’ Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine l
873 s trois choses demeurent : la Foi, l’Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudissem
874 demeurent : la Foi, l’Espérance et la Charité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudissements se sont-i
875 rité… » Le discours inaugural terminé, et à peine les applaudissements se sont-ils apaisés, une voix forte prononce : « Au
876 du Père, du Fils et du Saint-Esprit », annonçant la bénédiction. Si je relève tous ces traits, c’est que la presse et la
877 édiction. Si je relève tous ces traits, c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler
878 je relève tous ces traits, c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain,
879 , c’est que la presse et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellem
880 e et la radio ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la
881 ne cesseront de les souligner et de les détailler le lendemain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension
882 demain, c’est qu’ils sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir
883 sont réellement essentiels à la compréhension de la démocratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cér
884 cratie américaine. Il est important de savoir que les grandes cérémonies civiques et politiques de ce pays, aussi impressio
885 politiques de ce pays, aussi impressionnantes que les cérémonies totalitaires, se déroulent dans un cadre chrétien, immédia
886 n cadre chrétien, immédiatement significatif pour la grande majorité des participants, créateur d’un sentiment unanime et
887 ces passions de haine et d’orgueil collectif que l’ on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapelain, revêts notre préside
888 llectif que l’on excite ailleurs « Ô Dieu, priait le chapelain, revêts notre président du manteau de l’humilité…, couronne
889 e chapelain, revêts notre président du manteau de l’ humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets qu
890 tre président du manteau de l’humilité…, couronne- le des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jou
891 t du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours, il puisse
892 e vallée d’ombre jusqu’aux éternelles collines de la paix. » Plusieurs dizaines de millions d’hommes entendaient cette pri
893 nal de Genève, Genève, 18 février 1941, p. 1. m. Le journal précise : « De notre envoyé spécial ».
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
894 Journal d’un retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu du xxe siècle, les hommes firent e
895 (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de
896 voyage immobile Vers le milieu du xxe siècle, les hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la
897 hommes firent en sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir d
898 sorte de réduire à peu de chose les avantages que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avion
899 s que la machine menaçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avions, par exemple, permettaient de voyager vingt
900 naçait de leur procurer, après les avoir décimés. Les avions, par exemple, permettaient de voyager vingt fois plus vite qu’
901 ent de voyager vingt fois plus vite qu’en bateau. L’ on décida en conséquence de rendre vingt fois plus pénible et longue l
902 uence de rendre vingt fois plus pénible et longue la préparation des voyages. Passer d’Amérique en Europe ne demandait plu
903 démarches et contrôles épuisants, ramenant ainsi la longueur du voyage, pratiquement, à ce qu’elle était au bon vieux tem
904 décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’ œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous a
905 empêtes magnétiques qui ont pour effet d’aveugler les avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homme. Cette bel
906 eugler les avions aux appareils plus délicats que les sens de l’homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusemen
907 vions aux appareils plus délicats que les sens de l’ homme. Cette belle crise radio-poétique s’étant heureusement dénouée d
908 radio-poétique s’étant heureusement dénouée dans les hauteurs du ciel arctique, nous montâmes en spirale à 5000 mètres. J’
909 mes en spirale à 5000 mètres. J’allais écrire : «  L’ avion s’élance pour franchir l’Océan d’un seul bond. Nous volons à tir
910 ’allais écrire : « L’avion s’élance pour franchir l’ Océan d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais
911 an d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’ Irlande. » Mais ce cliché et ces jolies syllabes décrivent mal un voya
912 st attendre. Non seulement attendre son tour dans la queue devant les guichets, mais encore, une fois installé dans le fau
913 seulement attendre son tour dans la queue devant les guichets, mais encore, une fois installé dans le fauteuil profond de
914 les guichets, mais encore, une fois installé dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous
915 re, une fois installé dans le fauteuil profond de l’ avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au po
916 dans le fauteuil profond de l’avion, attendre que la Boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au point désiré, pour y des
917 descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de l’ immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 mètres à la
918 t d’air, et sans nul signe apparent de mouvement. Les uns écrivent, d’autres déjeunent. Je regarde par mon hublot. La mer e
919 t, d’autres déjeunent. Je regarde par mon hublot. La mer est blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup e
920 uatre heures. Nous sommes partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contre l
921 es partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’ après-midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps co
922 but de la matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus v
923 à l’après-midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore
924 i, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore. Des cumulus
925 le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La stratosphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d
926 èvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’ horizon follement lointain, tandis que nous survolons des profondeurs
927 es, cavernes d’ombre et gonflements majestueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Au
928 tueux où la lumière fait ses grands jeux, de tous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. De
929 ous les rouges au bleu de plomb. Aux approches de l’ Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un t
930 u bleu de plomb. Aux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épai
931 toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés d
932 paisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire au
933 evant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus que, tout près sur nos tête
934 nses. Il n’y a plus que, tout près sur nos têtes, les lampes en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite se
935 t près sur nos têtes, les lampes en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une l
936 une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’ arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’élégance.
937 tes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne manque pas d’élégance. Une dame qui vient de passer le
938 nque pas d’élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se r
939 légance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de toutes ses fourrures et se récrie : « Qu
940 ses fourrures et se récrie : « Quel goût ! Voilà l’ Europe enfin ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau 
941 ut est beau !… » — « Mais tout ici a été fait par les Américains pendant la guerre… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je r
942 is tout ici a été fait par les Américains pendant la guerre… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je retrouve l’Europe ! Ce
943 e… » — « Taisez-vous, me crie-t-elle, je retrouve l’ Europe ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rid
944 crie-t-elle, je retrouve l’Europe ! Ce n’est pas le moment d’être objectif ! » Elle adore ces rideaux trop rouges, ces me
945 rouges, ces meubles blancs, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’où i
946  où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’
947 ’Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis que je l’ ai quitté… Par quelle Porte allons-nous entrer ? Je ne puis pas distin
948 te allons-nous entrer ? Je ne puis pas distinguer les noms des rues sur ces maisons jaunes ou grises et si basses. Je cherc
949 jaunes ou grises et si basses. Je cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’un coup : Rue Claude Bernard, — en ple
950 es et si basses. Je cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième a
951 arrondissement — quand je me croyais encore dans la banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’étai
952 ons une rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Quais, où le car nous dépose, j
953 ’était cela, le boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Pa
954 e boulevard Saint-Michel ? Mais sur les Quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans que
955 r les Quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence, à quatre heures du matin
956 res du matin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Ce
957 . Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi m’interrogent. Cet hôtel ne l
958 errogent. Cet hôtel ne leur plaît qu’à moitié. Je les décourage d’aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce qu
959 sez des chambres libres, faites-moi signe. (Comme les Américains paraissent bizarres, ici ! Comme ils se mettent immédiatem
960 ls se mettent immédiatement à ressembler à ce que l’ on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de
961 ive au rendez-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent d
962 n juin 40, qui sonnait malgré moi comme un adieu… Le jour point derrière les rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je va
963 malgré moi comme un adieu… Le jour point derrière les rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je vais la voir… Tout d’abord
964 s rideaux. Je vais sortir sur mon balcon, je vais la voir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’un paysage de toits bleus, mé
965 ns de New York, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette
966 ches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë du petit jour. Et cette rumeur soudaine de cris menus e
967 e ne rêve pas : un coq qui crie, tout là-bas vers les Invalides. L’or pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des t
968 un coq qui crie, tout là-bas vers les Invalides. L’ or pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des toits roux et d
969 achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois.
970 ir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une p
971 ndail, portant de grosses valises, se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’une beauté o
972 direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ? Je
973 é oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ? Je me disais : « Non, ce
974 . » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les vi
975 ent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, l
976 e rapetisser méchamment tous les êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !
977 es êtres, d’effacer les visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, «
978 es visages, et de multiplier les traits bizarres, les signes d’anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour 
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
979 -19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que la Suisse soit restée aussi suisse m’a paru proprement incroyable. Je ne
980 à peine un peu plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie des employés intacte, quand on demande un renseignement et
981 tacte, quand on demande un renseignement et qu’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec les règlements « pareils po
982 ’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec les règlements « pareils pour tous », non point avec votre situation d’us
983 vec votre situation d’usager perplexe ou anxieux. La bonhomie des mêmes employés intacte, une fois qu’on leur a laissé le
984 es employés intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps de revenir à leur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.)
985 eur naturel. (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les maisons des quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le pr
986 artiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le propret-coquet scolaire 1910, que l’imagination se rend sans conditio
987 rfaites dans le propret-coquet scolaire 1910, que l’ imagination se rend sans condition après la plus rapide reconnaissance
988 0, que l’imagination se rend sans condition après la plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu des amis intacts, et
989 ce des lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont l’ amitié seule avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté des édit
990 éditions si belles qu’on se demande quels talents les méritent. Ce qu’il y a de plus intact en Suisse, peut-être, c’est le
991 il y a de plus intact en Suisse, peut-être, c’est le mythe helvétique par excellence, d’une décence fondamentale. Il se pe
992 lence, d’une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas été contaminée p
993 mentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la guerre, et seule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mo
994 la guerre, et seule n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout sim
995 le n’ait pas été contaminée par le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tie
996 inée par le gangstérisme à la mode. C’est clair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tient encore pour anormal.
997 lair : le mal y est mal venu, tout simplement. On le tient encore pour anormal. J’ai l’impression qu’on exagère un peu, à
998 simplement. On le tient encore pour anormal. J’ai l’ impression qu’on exagère un peu, à cet égard. Mais le reste du monde s
999 mpression qu’on exagère un peu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équilibre « humain », sur les
1000 e charge de rétablir un équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés par MM. Hitler et consorts. ⁂ Je m’en tie
1001 à peine. Mais si j’essaie de situer ce pays dans le cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’Europe ancienne s
1002 cadre de mon voyage, voici comment il m’apparaît. L’ Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens
1003 il m’apparaît. L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. Je viens de voir, du monde, ce qu’il en res
1004 viens de voir, du monde, ce qu’il en reste et que l’ on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui es
1005 ’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du Continent. Un peu
1006 Continent. Un peu plus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau de fer » marquant l’entrée du règne de l’Autre Grand.
1007 buter contre le fameux « rideau de fer » marquant l’ entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je s
1008 arquant l’entrée du règne de l’Autre Grand. Entre l’ Amérique et la Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il
1009 ée du règne de l’Autre Grand. Entre l’Amérique et la Suisse — je simplifie à peine, et c’est déjà cruel — il semble qu’il
1010 qu’un no man’s land où s’affrontent sournoisement les seules Puissances qui comptent. Fin et Suite J’ai revu Genève e
1011 ie torrentielle, allègre et intacte. Et j’ai revu la SDN dans son palais sans patine, sans fantômes. Pourtant, cette grand
1012 tesse. Ce fut une glorieuse journée, comme disent les Anglo-Saxons, pensant au temps qu’il fait, tout simplement. Les délég
1013 ns, pensant au temps qu’il fait, tout simplement. Les délégués paraissaient regretter « l’atmosphère de Genève » plus que l
1014 simplement. Les délégués paraissaient regretter «  l’ atmosphère de Genève » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par
1015 » plus que leur job manqué, d’ailleurs repris par l’ ONU. Et, sur ce thème inépuisable, j’improvisai à part moi le discours
1016 sur ce thème inépuisable, j’improvisai à part moi le discours que nul, parmi les officiels, ne se risquait à prononcer : «
1017 ’improvisai à part moi le discours que nul, parmi les officiels, ne se risquait à prononcer : « Messieurs, nous voici réuni
1018 e pourrons plus faire signe aux cygnes, comme dit l’ intact Pierre Girard, mais l’idée d’une Ligue des Nations a survécu au
1019 ux cygnes, comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’ idée d’une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. E
1020 es Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la p
1021 ns-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va pr
1022 nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à not
1023 l’ONU comme le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernièr
1024 le négatif d’un cliché au positif de la photo que l’ on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises da
1025 admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui offrait son modèle, mais qui est le seul, ou presque, d’
1026 le pays qui lui offrait son modèle, mais qui est le seul, ou presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue n
1027 presque, d’entre nous, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne son
1028 us, à ne point faire partie de la Ligue nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne sont pas représentés da
1029 e nouvelle. Les deux grands qui, là-bas, occupent la scène ne sont pas représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la
1030 représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la g
1031 e un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d
1032 s vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où l’ on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de
1033 chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe », c
1034 qu’importe. Notre idée se « développe », comme on le dit en photographie. Nous partons pour une Ligue meilleure. Et, plus
1035 e Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous
1036 nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y toucho
1037 ’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, Messieurs, vraiment — il
1038 s, vraiment — il ne s’en faut que d’un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîné à Cointrin, où
1039 n faut que d’un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans une glo
1040 , emportant un espoir raisonnable : celui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’id
1041 i de voir les Suisses s’ouvrir au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’idéal tenace des petits Suisses. o. R
1042 r au vaste monde, et le vaste monde, en retour, à l’ idéal tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
1043 ux députés européens (15 août 1950)p Messieurs les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’Europe, et non pour fai
1044 s les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’ Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifi
1045 our faire l’Europe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas gr
1046 pe, et non pour faire semblant de la faire. Faire l’ Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comme
1047 ire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nat
1048 ations qui se croient encore souveraines ? Voyons l’ Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde cro
1049 e croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vu
1050 oyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’il a f
1051 nt réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’ avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pou
1052 e monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici le récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d
1053 mois. En voici le récit exact. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un Pacte d’alliance entre vingt-cinq États a
1054 eprésentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires ag
1055 nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps
1056 ns à la majorité des trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps consultatif aux compétences douteuses et jal
1057 ompétences douteuses et jalousement restreintes ; les barrières douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur,
1058 treintes ; les barrières douanières multipliées à l’ intérieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et mê
1059 es douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’ extérieur, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre en
1060 multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur, l’ impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États
1061 rieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’ étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on
1062 r, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour
1063 devant l’étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état co
1064 tat comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regard de celui que nous courons
1065 u regard de celui que nous courons. Une partie de l’ opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, ma
1066 éels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assurer l’ indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaie
1067 , ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté l
1068 it assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse d
1069 a Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens
1070 t leurs experts voyaient dans le mot souveraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivab
1071 eraineté la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par les barrières doua
1072 cisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’ invivable chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rét
1073 on sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rétorquait, chiffres en main, que la
1074 ble chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne ma
1075 res. La routine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages loca
1076 épandre, aux utopistes qui proposaient d’éteindre l’ incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civil
1077 pistes qui proposaient d’éteindre l’incendie, que l’ eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons,
1078 ient d’éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’imp
1079 eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’ impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouv
1080 mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousias
1081 upe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-l
1082 unes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien n
1083 d’une révision profonde du Pacte. En 1847, notons- le , rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en som
1084 yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission
1085 (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’ année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée
1086 à en 1950.) La décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans
1087 ion survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-deho
1088 rier 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit pour la première fois. E
1089 cide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux
1090 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est sa
1091 et les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pen
1092 ltats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le moi
1093 ai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le
1094 sie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diè
1095 u’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que
1096 juin. Pendant le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est a
1097 le mois d’août, le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par
1098 le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de 2/3 des É
1099 s cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 de
1100 /3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe exécutif, entre en fo
1101 seil fédéral, organe exécutif, entre en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des
1102 s prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’ essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un si
1103 nt calculées ne se produisirent. L’essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs l
1104 stant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer vingt-cinq États souver
1105 érer vingt-cinq États souverains… Pensez-vous que l’ Histoire vous en laisse beaucoup plus, pour unir vos États dans un plu
1106 tats dans un plus grand péril ? Vous me direz que l’ Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre p
1107  ? Vous me direz que l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souve
1108 uisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses
1109 tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problè
1110 uisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer
1111 comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les folies sublimes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’est pas
1112 tions contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’ Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous ête
1113 t que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Ro
1114 pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffisent. Vos Natio
1115 s Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffisent. Vos Nations vivent ensemble depuis a
1116 rs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’ Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas pl
1117 nt pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans l’ ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, n
1118 s plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’ étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que c
1119 ch par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’une union « trop
1120 ais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement dif
1121 Certes, comparaison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est q
1122 , mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme
1123 taine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltoni
1124 esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’ Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique
1125 l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse 
1126 ison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous les a
1127 e politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujo
1128 liez pas la Suisse ; elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant ten
1129 de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’ Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédér
1130 ope. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédéraliste n’est pas seulement praticable en principe, mais
1131 ose vous supplier d’y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant
1132 nutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut
1133 ieux se persuader qu’on peut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline
1134 eut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’ affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps
1135 à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous ri
1136 ui que vous n’auriez pas, Staline le prend. C’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre,
1137 risquez de perdre, cet été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais
1138 t été, soyez bien sûr qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille d
1139 e temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre
1140 pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’ armée rouge. p. Rougemont Denis de, « Lettre aux députés européens 
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
1141 ux députés européens (16 août 1950)q Messieurs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendi
1142 fédéralistes, qui pensent comme des millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les mi
1143 nt comme des millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, s
1144 lions que le temps presse, et que les lenteurs de l’ Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imp
1145 et que les lenteurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne
1146 eurs de l’Assemblée, ramenées par les ministres à l’ immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impa
1147 , ramenées par les ministres à l’immobilité, sont la pire imprudence du siècle. Nous ne sommes pas impatients, mais angois
1148 octrine, par manie ou par tempérament, comme nous le reprochent certains qui, par principe ceux-là, ont décidé une fois po
1149 pour toutes qu’il faut aller lentement dans tous les cas. Mais nous ne voyons aucun motif de croire qu’on leur laissera to
1150 ns aucun motif de croire qu’on leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente
1151 leur laissera tout le temps d’aller lentement, et le loisir d’être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’
1152 r d’être prudents. Festina lente nous disent-ils. Les Coréens n’entendent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec l’ac
1153 dent pas ce latin-là. Même s’il est prononcé avec l’ accent anglais. Vous allez me parler, je le sais bien, des grandes dif
1154 é avec l’accent anglais. Vous allez me parler, je le sais bien, des grandes difficultés accumulées sur votre route vers l’
1155 andes difficultés accumulées sur votre route vers l’ unité. Elles sont connues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de
1156 re route vers l’unité. Elles sont connues. Ce qui l’ est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le
1157 nnues. Ce qui l’est moins, c’est votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier devo
1158 votre volonté de les surmonter. L’un d’entre vous le rappelait récemment : le premier devoir de l’obstacle, c’est de se la
1159 ous le rappelait récemment : le premier devoir de l’ obstacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres négl
1160 ministres néglige donc son premier devoir. À qui la faute ? L’opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il vous f
1161 néglige donc son premier devoir. À qui la faute ? L’ opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il vous faut dissipe
1162 ssiper. Vous allez, paraît-il, réviser prudemment les statuts du Conseil de l’Europe, ainsi que vos rapports internes avec
1163 de l’Europe, ainsi que vos rapports internes avec le comité ministériel. Permettez-moi de vous dire que l’opinion s’en moq
1164 omité ministériel. Permettez-moi de vous dire que l’ opinion s’en moque, parce qu’elle a ses doutes motivés sur vos intenti
1165 ieusement combiné pour s’enrayer sans faute avant le départ —, vous en ferez l’usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’impres
1166 rayer sans faute avant le départ —, vous en ferez l’ usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’impression très nette que vous êt
1167 ous en ferez l’usage qu’elle attend. Elle n’a pas l’ impression très nette que vous êtes décidés à faire l’Europe envers et
1168 pression très nette que vous êtes décidés à faire l’ Europe envers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de
1169 nvers et contre toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouve
1170 re toutes ses routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vo
1171 s routines décadentes, à la sauver de la ruine en l’ unissant, et pour tout dire d’un mot, à gouverner. Elle vous voit réti
1172 erts. Ces consultés à la troisième puissance — si l’ on peut dire ! — répondent après six mois que c’est prématuré, mais qu
1173 é, mais qu’il ne faut rien faire en attendant. Et l’ opinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête
1174 mande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’absence d’idée maîtr
1175 la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’ absence d’idée maîtresse, de grande vision du but, de volonté. J’enten
1176 nde vision du but, de volonté. J’entends bien que l’ opinion se trompe et méconnaît vos sentiments intimes, qui sont très p
1177 times, qui sont très purs : qu’elle distingue mal les forces colossales qui paralysent jusqu’à votre éloquence et vous empê
1178 européen). Certes, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions,
1179 s, il convient de saluer bien bas les intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant
1180 intérêts et les Pouvoirs, de s’agenouiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur n
1181 uiller devant les Constitutions, de ramper devant les partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien n
1182 les partis, et de confesser son pur néant devant les experts. Mais rien ne pourra jamais me persuader qu’ils aient tous ra
1183 re. Parlons un peu de cette fameuse prudence dont l’ éloge inlassable embellit vos discours. En somme, que risquez-vous ? J
1184 s faire peur, ce qui peut être plus dangereux que l’ inaction totale où vous glissez, plus utopique que le maintien du stat
1185 naction totale où vous glissez, plus utopique que le maintien du statu quo, plus follement imprudent que vos prudences ? J
1186 ences ? Je ne trouve pas. On dirait que vous avez le trac. Vous répétez qu’il faut être prudents quand on s’engage dans un
1187 engage dans une entreprise aussi vaste. Ah ! pour le coup, je trouve cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme un mi
1188 us ne vous êtes, jusqu’ici, engagés dans rien que l’ on sache. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou
1189 che. Quand vous y serez, il sera temps de voir si la prudence, ou au contraire un peu de hâte, conviennent à nos calamités
1190 . Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’ Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut dire exactem
1191 urait tort, à son avis, de commencer l’Europe par le toit. Je ne sais pourquoi, ni ce qu’il veut dire exactement, mais cav
1192 Bevin n’a jamais voulu rien commencer. Au reste, l’ Europe existe depuis plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement
1193 e familier, ces éternelles prudences nous cassent les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première sessio
1194 dences nous cassent les pieds. On trouverait dans les procès-verbaux de votre première session consultative (au second degr
1195 Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’ oiseau fait son nid, prudence est mère de sûreté, chi va piano va sano
1196 sano, wait and see, step by step, und so weiter. Les vieillards ont l’humeur proverbiale, mais votre assemblée est trop je
1197 , step by step, und so weiter. Les vieillards ont l’ humeur proverbiale, mais votre assemblée est trop jeune. Je lui propos
1198 elques slogans nouveaux et quelques amendements à la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais par
1199 n, corrigée d’un coup de crayon par Napoléon III. L’ oiseau fait son nid en un jour — toutes affaires cessantes. On peut to
1200 , pour celui qui ne veut rien. Chi va piano perd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux.
1201 ui qui ne veut rien. Chi va piano perd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me rés
1202 ien. Chi va piano perd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion v
1203 la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’ent
1204 timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’ opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous
1205 me. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dans les subtilités. Elle vous demande « Que voulez-vous faire ? » Si vous ne
1206 ulez-vous faire ? » Si vous ne voulez pas fédérer l’ Europe, vous ne voulez rien qui l’intéresse. Si vous ne faites rien ce
1207 lez pas fédérer l’Europe, vous ne voulez rien qui l’ intéresse. Si vous ne faites rien cet été, vous serez oubliés cet auto
1208 e sérieux, vous pouvez encore rendre un service à l’ Europe ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’agir.
1209 re un service à l’Europe ; allez-vous-en. Laissez la place à ceux qui ont décidé d’agir. Avouez que rien ne vous paraît po
1210 ais cessez de faire semblant d’être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’une illusion coûteuse d
1211 là. Constater le néant représente un progrès sur l’ entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si qu
1212 hevé. Mais si quelques-uns d’entre vous, comme je le crois, sont fédéralistes, qu’ils le disent, qu’ils proclament leur bu
1213 ous, comme je le crois, sont fédéralistes, qu’ils le disent, qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un instant.
1214 s un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de, « Deuxième l
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
1215 Troisième lettre aux députés européens : L’ orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens
1216 sième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’ Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai tenté
1217 ’orgueil de l’Europe (17 août 1950)r Messieurs les députés européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en
1218 urs les députés européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était
1219 é de traduire le sentiment des peuples en face de l’ inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu
1220 le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’ Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun pe
1221 t voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais, s’en affligent. (On peut penser que ce n’est pas suffisant.) Au
1222 as suffisant.) Aujourd’hui, je voudrais vous dire l’ admiration et le respect que j’éprouve, non point hélas ! pour vos suc
1223 ujourd’hui, je voudrais vous dire l’admiration et le respect que j’éprouve, non point hélas ! pour vos succès jusqu’à cett
1224 s ! pour vos succès jusqu’à cette date, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de reven
1225 e, mais pour le rôle qui vous est dévolu, et pour le nom qu’il vous convient de revendiquer, celui dont, par avance, je vo
1226 , je vous salue. Vous êtes, Messieurs, Députés de l’ Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Euro
1227 ssieurs, Députés de l’Europe. Essayons de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’Europe entière, voilà qui signifie
1228 ns de mesurer la grandeur de ce titre. Députés de l’ Europe entière, voilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu le
1229 oilà qui signifie, Messieurs, que vous avez perdu le droit d’être étrangers sur aucune de nos terres, dans aucun de nos pe
1230 ucun de nos peuples, comme à rien de ce qui forme l’ héritage deux fois millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement l
1231 millénaire de nos fils. Vous n’êtes pas seulement les députés de quinze villes capitales, et de cent-vingt provinces, et de
1232 lles capitales, et de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’
1233 de cent-vingt provinces, et de la génération qui les peuple aujourd’hui, plus de deux-cents-millions d’hommes et de femmes
1234 illions d’hommes et de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances
1235 de femmes, mais par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui
1236 par-delà tous les accents locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent ou d
1237 ts locaux, les intérêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vo
1238 térêts et les passions, par-delà les croyances et les révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les déput
1239 ances et les révoltes qui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’une aventure humaine qui tente à tra
1240 ui rassemblent ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoi
1241 e aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’ angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle.
1242 aine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’ espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le s
1243 ente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou
1244 s vous, dans l’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous ête
1245 e et la grandeur d’une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusa
1246 é nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscie
1247 s les députés d’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais pris
1248 ’Athènes, de Rome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son desti
1249 ome et de Jérusalem. Les députés de la conscience la plus inquiète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chanc
1250 Les députés de la conscience la plus inquiète que l’ homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. L
1251 ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu pl
1252 ise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que l
1253 monter. Les députés non point d’une presqu’île de l’ Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % d
1254 d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la superficie du globe, mais
1255 e que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la superficie du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âges,
1256 âges, d’un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation
1257 cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne
1258 en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’ humanité : notre culture, cette civilisation que rien ne s’offre à rem
1259 s’offre à remplacer, et qui a su remplacer toutes les autres. D’où vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le mon
1260 vient, Messieurs, que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et d
1261 dépassement du destin dont nous cherchons en vain l’ égal sur la Planète ? Sans remonter jusqu’au déluge, ni même jusqu’aux
1262 du destin dont nous cherchons en vain l’égal sur la Planète ? Sans remonter jusqu’au déluge, ni même jusqu’aux Anciens qu
1263 déluge, ni même jusqu’aux Anciens qui manquent à l’ Amérique, ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesur
1264 jusqu’aux Anciens qui manquent à l’Amérique, ou à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critiqu
1265 à la Renaissance qui manque aux Russes — sens de la mesure et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européens,
1266 re et sens critique — qu’avons-nous inventé, nous les Européens, depuis cent ans ? Je répondrai : que n’avons-nous pas inve
1267 ue n’avons-nous pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses h
1268 pas inventé ? Je cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la
1269 cite pêle-mêle : le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généra
1270 le marxisme et la psychanalyse, la sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physiq
1271 sociologie et les grandes synthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, la radio et le ciném
1272 nthèses historiques, la relativité généralisée et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT,
1273 relativité généralisée et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique
1274 généralisée et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar,
1275 et la physique nucléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationa
1276 cléaire, la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travai
1277 la radio et le cinéma, la pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail indust
1278 pénicilline et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction méta
1279 ne et le DDT, le pétrole synthétique et le radar, la rationalisation du travail industriel, la construction métallique, l’
1280 radar, la rationalisation du travail industriel, la construction métallique, l’école active, le syndicalisme et les coopé
1281 u travail industriel, la construction métallique, l’ école active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art mode
1282 riel, la construction métallique, l’école active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier 
1283 on métallique, l’école active, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’art moderne tout entier : peinture, musique,
1284 ve, le syndicalisme et les coopératives, et enfin l’ art moderne tout entier : peinture, musique, littérature, poésie, théâ
1285 ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’ Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de
1286 s leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, d
1287 des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. P
1288 er peut être appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et n
1289 une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il imite à la fois nos mœurs et nos objets, nos proc
1290 ’industrie, de médecine. — et nos armes, quitte à les tourner contre nous. Que sont en fin de compte les deux empires qui p
1291 es tourner contre nous. Que sont en fin de compte les deux empires qui prétendent partager notre monde ? L’Amérique, la Rus
1292 eux empires qui prétendent partager notre monde ? L’ Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Ca
1293 qui prétendent partager notre monde ? L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de M
1294 s philosophes. De tout cela, Messieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et
1295 ssieurs, vous êtes les Députés. On attend de vous l’ invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans
1296 Députés. On attend de vous l’invention qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans une fonction qu’aucun
1297 ion qui sauve la paix du monde, et qui maintienne l’ Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sé
1298 lui disputer sérieusement. Je viens d’entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’E
1299 uter sérieusement. Je viens d’entendre à la radio le Don Juan de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’Europe a s
1300 n de Mozart retransmis de Salzbourg. Voilà ce que l’ Europe a su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe
1301 alzbourg. Voilà ce que l’Europe a su faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les
1302 faire. Toute la musique est née du contrepoint de l’ Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des s
1303 du contrepoint de l’Europe. Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les d
1304 . Vous êtes, Messieurs, les députés de Mozart, de l’ opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la
1305 art, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosop
1306 ies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des sav
1307 n et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du
1308 ntres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des éta
1309 ymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’ esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume
1310 Paume… Ce grand passé, Messieurs, vous charge de l’ avenir. Par l’un, vous êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre
1311 us êtes à l’autre députés. Me voici partagé entre l’ envie de rire de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentim
1312 re de vos craintes dérisoires, de vos alinéas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vo
1313 éas, et le sentiment très vif de mon néant devant l’ ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En
1314 ntiment très vif de mon néant devant l’ampleur de la mission qui vous anime, ou qui peut-être vous écrase. En vérité, je n
1315 t par angoisse et en dernier recours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent,
1316 n dernier recours, soulevé par la passion de tous les hommes, et pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’E
1317 t pas seulement ceux de notre continent, pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les
1318 continent, pour qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis
1319 r qui le nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin,
1320 nom d’Europe a représenté la beauté dans la vie, l’ intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgr
1321 représenté la beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes,
1322 ntelligence, les secrets d’un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’être humain. Mais ce
1323 conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’ honneur de l’être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur,
1324 le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de l’ être humain. Mais cette beauté, ce bonheur, cet honneur, et cette cons
1325 conscience inquiète aussi, et ce grand risque de la liberté, tout cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’histoi
1326 ut cela qui vous délègue en ce lieu décisif, dans l’ histoire concrète de ce temps, tout cela peut disparaître à tout jamai
1327 se, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la force du siècle. Messieurs les députés européens, saurez-vous mériter
1328 esses pour en faire la force du siècle. Messieurs les députés européens, saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous
1329 saurez-vous mériter votre nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec
1330 ériter votre nom ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de
1331 m ? On attend de vous la grandeur. Les chances de l’ Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Pers
1332 es de l’Europe, aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi
1333 aujourd’hui, sont confondues avec les chances de l’ homme. Personne n’est assez grand pour répondre au défi d’un tel desti
1334 is de, « Troisième lettre aux députés européens : L’ orgueil de l’Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
1335 sième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’ Europe », Journal de Genève, Genève, 17 août 1950, p. 1.
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
1336 uatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de l’Assemblée
1337 t du Labour Party (18 août 1950)s Messieurs de l’ Assemblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de Moza
1338 emblée consultative, Quelqu’un qui ne se sent pas le député de Mozart, ni d’Athènes, ni de Rome, ni de rien à vrai dire de
1339 e, ni de rien à vrai dire de ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour P
1340 ce qu’a pu signifier le nom d’Europe, c’est bien l’ auteur du Manifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’un
1341 rope, c’est bien l’auteur du Manifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde
1342 uteur du Manifeste publié par le Labour Party sur le problème de l’unité européenne. Quand il regarde notre vieux continen
1343 ste publié par le Labour Party sur le problème de l’ unité européenne. Quand il regarde notre vieux continent, il n’y voit,
1344 alth, d’autre part ne sont pas socialistes, ou ne le sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? L
1345 t ne sont pas socialistes, ou ne le sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? Leur existence est
1346 ujours clair. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’ idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foye
1347 r. Ce qu’il ne dit pas saute aux yeux. L’idée que l’ Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventi
1348 de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix,
1349 i, et de formes de vie, cette idée par exemple ne l’ effleure pas. Il n’y a pour lui qu’un seul problème : la politique du
1350 eure pas. Il n’y a pour lui qu’un seul problème : la politique du plein emploi ; une seule méthode : étatiser les industri
1351 ue du plein emploi ; une seule méthode : étatiser les industries ; un seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ;
1352 étatiser les industries ; un seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen. En effet,
1353 s industries ; un seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est pas européen. En effet, dit le pam
1354 ne ; et ce pays n’est pas européen. En effet, dit le pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près des Dominions que d
1355 est pas européen. En effet, dit le pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par n
1356 glais, nous sommes plus près des Dominions que de l’ Europe, « par notre langue ; et par nos origines, nos habitudes social
1357 et nos intérêts économiques »… Je ne sais ce que les Hindous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pen
1358 êts économiques »… Je ne sais ce que les Hindous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces o
1359 ques »… Je ne sais ce que les Hindous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines com
1360 indous, les Boers, les Canadiens français et même les Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue politiqu
1361 les Irlandais, pensent de ces origines communes… Le point de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur
1362 de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’ auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo 
1363 que des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un s
1364 ns n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’ Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays
1365 i de l’auteur sur la question de l’Europe, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travaillist
1366  ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On devine ce qu’il y aurait à dire
1367 pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les intérêts… On devine ce qu’il y aurait à dire là-dessus. Bref, une seu
1368 , une seule chose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et
1369 paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Z
1370 tants de la Grande-Bretagne et leurs « parents de l’ Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis
1371 -Bretagne et leurs « parents de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même langu
1372 angue. Si c’est celle du pamphlet, tremblons pour la famille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M.
1373 lle du pamphlet, tremblons pour la famille ! Tous les adversaires de l’Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vo
1374 emblons pour la famille ! Tous les adversaires de l’ Europe méritent d’écrire comme M. Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se d
1375 m ne saurait être envisagé que s’il n’affecte pas les intérêts anglais, et que si toute l’Europe se convertit à l’étatisme
1376 affecte pas les intérêts anglais, et que si toute l’ Europe se convertit à l’étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base
1377 anglais, et que si toute l’Europe se convertit à l’ étatisme illimité. Ce qui n’offre aucune base de compromis, c’est-à-di
1378 -dire d’action positive. À ces deux conditions de l’ union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et
1379 tion positive. À ces deux conditions de l’union —  les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et l’autre en
1380 eux conditions de l’union — les mieux faites pour la rendre impossible, l’une en esprit et l’autre en probabilité —, M. Da
1381 rit et l’autre en probabilité —, M. Dalton soumet le Conseil de l’Europe. Et cela produit des résultats bizarres. Votre As
1382 travail, pourvu qu’elle n’ait aucun pouvoir. Mais le Comité ministériel cessera d’être démocratique s’il accepte la loi de
1383 istériel cessera d’être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, en
1384 essera d’être démocratique s’il accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu’el
1385 accepte la loi de la majorité. Cette logique fait la nouveauté du daltonisme, encore qu’elle ne soit pas tout inconnue des
1386 t pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur l’ axiome que la démocratie est identique au socialisme anglais. Il en dé
1387 connue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que la démocratie est identique au socialisme anglais. Il en découle primo :
1388 é travailliste ne saurait être tolérable que dans la mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement europ
1389 e dans la mesure où elle reste impuissante — d’où le refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régi
1390 le refus d’un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être co
1391 : que les champions d’un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comme les ennemis les plus dangere
1392 é sur la majorité « doivent être considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus d
1393 orité « doivent être considérés comme les ennemis les plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute auto
1394 onsidérés comme les ennemis les plus dangereux de l’ unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique super-
1395 es plus dangereux de l’unité européenne », — d’où le refus de toute autorité politique super-nationale. Cet ami de l’unité
1396 te autorité politique super-nationale. Cet ami de l’ unité siège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des adversair
1397 quettes des adversaires et des alliés inattendus. Les socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs br
1398 socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devine que ces conservateu
1399 apparaissent contradictoires. Et cependant, pour l’ étonnement des cartésiens, cette logique différente les conduit aux mê
1400 onnement des cartésiens, cette logique différente les conduit aux mêmes conclusions négatives. Au Parlement européen, s’il
1401 uropéen, s’il est doté de pouvoirs législatifs, à l’ Autorité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’autorité et ne
1402 rité politique, s’il faut qu’elle ait vraiment de l’ autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un
1403 t de l’autorité et ne souffre donc point de veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que le chanceli
1404 veto, les Tories disent non d’un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Opposés en tout, sauf en
1405 isent non d’un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Opposés en tout, sauf en cela, conservateurs
1406 bissent plus que d’autres en leur île : j’entends le nationalisme étatisé et le mythe survivant des souverainetés. L’un no
1407 n leur île : j’entends le nationalisme étatisé et le mythe survivant des souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il
1408 n d’agir sans démasquer sa vraie nature. Car dans le fait, où sont nos souverainetés ? Qui les a vues depuis quelques déce
1409 Car dans le fait, où sont nos souverainetés ? Qui les a vues depuis quelques décennies ? Qui donc ose les défendre ouvertem
1410 s a vues depuis quelques décennies ? Qui donc ose les défendre ouvertement, à part nos staliniens sur l’ordre du Kremlin ?
1411 s défendre ouvertement, à part nos staliniens sur l’ ordre du Kremlin ? Et comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est
1412 , écrit au Times qu’elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient di
1413 de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient différemment, mais c’était il y a trois-cents ans.
1414 t très bien, en somme. On essaie de nous dire que l’ opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? Les peuples, inter
1415 ire que l’opinion y tient. Quelle opinion, et qui l’ exprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bien en pe
1416 inion y tient. Quelle opinion, et qui l’exprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bien en peine d’en comp
1417 n, et qui l’exprime ? Les peuples, interrogés sur la question, seraient bien en peine d’en comprendre le sens. Ils n’aimen
1418 question, seraient bien en peine d’en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’étranger commande chez eux. C’est tout.
1419 ine d’en comprendre le sens. Ils n’aiment pas que l’ étranger commande chez eux. C’est tout. Mais s’il faut éviter que l’ét
1420 e chez eux. C’est tout. Mais s’il faut éviter que l’ étranger soit Staline, ils acceptent fort bien que leurs armées soient
1421 vait dévalué. Je cherche en vain : Où sont encore les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’économie n’en dépenden
1422 sont encore les souverainetés de nos États, quand l’ armée et l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail
1423 les souverainetés de nos États, quand l’armée et l’ économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Restent
1424 ’armée et l’économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal c
1425 économie n’en dépendent plus que pour la forme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et
1426 ent plus que pour la forme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et les calibres différe
1427 orme et le détail ? Restent les tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et les calibres différents : tout le monde vo
1428 tarifs douaniers, les monnaies mal couvertes, et les calibres différents : tout le monde voudrait leur unification. Et qua
1429 caux, je ne vois pas que leur variété ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraine
1430 que leur variété ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue
1431 té ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc pl
1432 des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’un prétexte au droi
1433 n prétexte au droit de veto, qui revient à donner le seul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le ve
1434 à donner le seul pouvoir réel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nationali
1435 éel, quoique négatif, à la minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et l
1436 minorité ; et derrière le veto se cachent en fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et les totalitaires cyniques. (O
1437 veto se cachent en fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens ser
1438 fait les vieux nationalistes, les daltoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient-ils naïfs, qu
1439 altoniens, et les totalitaires cyniques. (Ou bien les staliniens seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’un État étr
1440 n d’un État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur ?) Messieurs les députés, ce serait pure folie q
1441 uloir garder la souveraineté du leur ?) Messieurs les députés, ce serait pure folie que d’essayer de sauver ce qui s’en va,
1442 ue d’essayer de sauver ce qui s’en va, au prix de l’ avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverai
1443 e qui s’en va, au prix de l’avenir de ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comme
1444 mauvais motif qui en cache de pires, pour arrêter l’ élan vers notre union. N’attaquez pas les souverainetés, dépassez-les 
1445 r arrêter l’élan vers notre union. N’attaquez pas les souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe
1446 union. N’attaquez pas les souverainetés, dépassez- les  ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépend
1447 s souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’ échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu
1448 és, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’ Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mieux qu’elles, et qu
1449 e, qui vaut mieux qu’elles, et qu’elles sabotent. Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppression des souve
1450 . Le peuple suisse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppression des souverainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains s
1451 ainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains sur le papier, mais fédérés en fait. Chacun d’eux a gardé sa personnalité, p
1452 d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient toutes les couleurs du prisme, leur a donné presque sans qu’ils s’en doutent la
1453 me, leur a donné presque sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n
1454 onné presque sans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons ri
1455 ans qu’ils s’en doutent la force et les moyens de l’ indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus, n
1456 uatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party », Journal de Genève, Genève, 18 août 1950,
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
1457 tez votre nom ! » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera so
1458  » (19-20 août 1950)t Messieurs les députés de l’ Europe à sauver ! Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne
1459 utés de l’Europe à sauver ! Ceux qui disent que «  l’ Europe sera socialiste ou ne sera pas », savent très bien qu’à ce prix
1460 nt très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ ennemi, et non point Vichinsky. Et cela vaut pour tous ceux qui pourra
1461 a vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer que l’ Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou alleman
1462 t, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union, et que l’unificat
1463 dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’ on ne peut préserver que par l’union, et que l’unification tuerait. Ma
1464 us les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’ union, et que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-prop
1465 ue l’on ne peut préserver que par l’union, et que l’ unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propre, sans replis
1466 ’est clair. Seuls, ceux qui veulent passionnément le But se résoudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ont point
1467 ux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’ Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant
1468 n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité
1469 pe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’ union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire compren
1470 essité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je
1471 ne suis pas contre, mais voyez ces difficultés ! L’ Opinion, par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rie
1472 faire sans elle. » C’est qu’ils se prennent pour l’ opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfute
1473 our l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent leurs arrière-pen
1474 ensées, dénonçant leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les int
1475 e. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’ union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer l
1476 es Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opi
1477 s interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marc
1478 n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’ opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Pégu
1479 pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l’ entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivr
1480 le ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors, pourront bien dire : J’avais raison, voyez l’obsta
1481 alors, pourront bien dire : J’avais raison, voyez l’ obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les
1482 ien dire : J’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’ auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurm
1483 oyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’ œil du sceptique crée les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes
1484 auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’opinions, celle que l’
1485 ntables. Il y a deux sortes d’opinions, celle que l’ on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’a
1486 eux sortes d’opinions, celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les lais
1487 e qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre qui vote. La pre
1488 autre qui vote. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient
1489 e. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soi
1490 ey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute l’ opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela,
1491 ors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’ opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a
1492 opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’ était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret
1493 cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe
1494 elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’ opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bouger
1495 le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites pre
1496 urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’ Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle
1497 as, si vous ne faites presque rien. Elle laissera les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale.
1498 les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’ indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer p
1499 ses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer pudiquement chaque année qu’il reste dés
1500 ent chaque année qu’il reste désireux d’envisager l’ étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment
1501 e quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une
1502 ntiment d’une solidarité qui ne saurait nuire à «  l’ avènement d’une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes
1503 ment d’une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux parleront d’un « pas important vers l’union »
1504 des journaux parleront d’un « pas important vers l’ union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces en
1505 parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements témér
1506 r à ces engagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas
1507 ier leur contenu, et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le C
1508 de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, s
1509 t les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des princip
1510 le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que
1511 e de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’ on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, c
1512 si l’on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait
1513 principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il fau
1514 professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes s
1515 sses qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles.
1516 . Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre europ
1517 est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque
1518 chose de concret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-
1519 rons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’ acte que je vous propose, au nom de l’opinion qui ne parle pas encore.
1520 tent. Voici l’acte que je vous propose, au nom de l’ opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez
1521 m de l’opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car le
1522 ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus
1523 savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation.
1524 ès simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’ Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de l
1525 r ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’infor
1526 t constituer notre fédération. On n’informera pas les peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la fi
1527 peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campag
1528 ne propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale
1529 massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale organisée pa
1530 able, c’est une campagne électorale organisée par les États, en vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europ
1531 e de nommer leurs députés au premier Parlement de l’ Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements féd
1532 r leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements fédéralistes a
1533 rope. Les partis présenteront leurs candidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionne
1534 ndidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. I
1535 ne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer. La condition à la fois nécessaire et suffisante d’une telle campagne, c’
1536 ur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’ issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu
1537 ue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but con
1538 un projet bien précis de Constitution fédérale de l’ Europe. Ce projet, c’est à vous de l’élaborer. Cet été, en septembre,
1539 fédérale de l’Europe. Ce projet, c’est à vous de l’ élaborer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission 
1540 Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité ministériel va s’y opposer ? Vous pouvez passer out
1541 . Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité ministériel va s’y opposer ? Vous pouvez passer outre, et jure
1542 jurer de rester où vos parlements vous envoient. ( Les ministres dépendent aussi de vos parlements, qui restent les seuls ju
1543 es dépendent aussi de vos parlements, qui restent les seuls juges d’un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez
1544 uel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’ opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique
1545 aurez avec vous l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre e
1546 ’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’ Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vou
1547 raie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’accept
1548 ajorité, les militants de l’Europe, la logique de l’ Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous n
1549 militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez
1550 acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier !
1551 s, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’ indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous me
1552 s que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vo
1553 qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’ obtenir de Staline. Car en Europe, il y en a peu. Si vous me dites enf
1554 fin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose au
1555 chose au monde est plus difficile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée,
1556 ile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que
1557 ncevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous sav
1558 , la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étend
1559 aces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l
1560  : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une
1561 icient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu
1562 ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’ armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en sommes,
1563 que plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’ impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, mê
1564 rt, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’ espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne. Voilà le par
1565 oint risquer la dernière chance européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Mes
1566 ce européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’ audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il v
1567 e pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore que je
1568 l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix pre
1569 ez mes violences et mes impertinences : comprenez l’ anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bi
1570 es et mes impertinences : comprenez l’anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’une parti
1571  ! Mais beaucoup d’entre vous veulent agir, et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne
1572 ent agir, et je les supplie maintenant, au nom de l’ Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir d
1573 r notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’ espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mai
1574 spoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’ Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet
1575 peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg.
1576 t européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement, cet été, en septembre, à Strasbourg. Tout tient à cela, t
1577 nt à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’ Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des mass
1578 pe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personn
1579 cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Moz
1580 s raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane
1581 une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’
1582 autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’ union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire recu
1583 ge, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’ imposer ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants, et parfois lé
1584 Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants, et parfois légitimes, qui se révèlent contraires
1585 légitimes, qui se révèlent contraires au salut de l’ ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous pr
1586 si quelqu’un nous propose une autre solution que l’ Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les déput
1587 dérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui
1588 résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’ avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom, fa
1589 méritez votre nom, faites-vous élire, et fédérez l’ Europe pendant qu’il en est temps. Cet été, en septembre, à Strasbourg
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
1590 Patriarche (29-30 novembre 1952)u Détaché vers l’ est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pay
1591 e (29-30 novembre 1952)u Détaché vers l’est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex
1592 t la Suisse par un département qui se tourne vers l’ ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de l
1593 se par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France 
1594 ex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’approche assez de Ge
1595 vendre ses bœufs, mais s’arrête avant de toucher les rives du lac ; les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau
1596 mais s’arrête avant de toucher les rives du lac ; les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est
1597 les paysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’ eau. La frontière est partout, sans nulle raison visible, découpant un
1598 ysans ne sont pas pêcheurs et n’aiment pas l’eau. La frontière est partout, sans nulle raison visible, découpant une contr
1599 s nulle raison visible, découpant une contrée que la nature avait conçue d’un seul tenant. Je connais peu de paysages auss
1600 nant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine et ses intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les mont
1601 es intimités cloisonnées de rideaux de peupliers, les montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et le familier, l
1602 ers, les montagnes lointaines ou proches figurant le sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces p
1603 gnes lointaines ou proches figurant le sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre
1604 es ou proches figurant le sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre deux bois de
1605 ux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’ inonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureu
1606 nd passa des heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la
1607 heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne
1608 ui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement
1609 ux de Ferney. Le souvenir de Voltaire anime toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces
1610 me toute la région ; il ne vit pas seulement dans les mémoires : ces maisons, ces fabriques, ces allées de peupliers, ces c
1611 s, ces allées de peupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà l’œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument l
1612 eupliers, ces champs gagnés sur les marais, voilà l’ œuvre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a
1613 vre du Patriarche au pays de Gex, et son monument le plus vrai. Il a bien sa statue, grandeur nature, dans mon village. Ma
1614 igre, et ce rire édenté de vieillard polisson qui le rendent présent parmi nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie sur
1615 i nous. Plutôt ces inscriptions, que je copie sur le socle : Face nord : Au bienfaiteur de Ferney Voltaire fait constru
1616 fait construire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marai
1617 église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit le
1618 Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe
1619 et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face sud : Au poète philosophe Calas, Sirven, Mon
1620 Au poète philosophe Calas, Sirven, Montbailli, La Barre, Lally-Tollendal Émancipation des serfs du Jura Affranchiss
1621 ura Affranchissement du pays de Gex Essai sur les Mœurs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irène. Le voilà, l’écri
1622 rs, Dictionnaire philosophique, Tancrède, Irène. Le voilà, l’écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pa
1623 nnaire philosophique, Tancrède, Irène. Le voilà, l’ écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et cer
1624 e. Le voilà, l’écrivain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il ét
1625 mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’ aidait, mais il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’une plu
1626 cent vertus. « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans
1627 « Marchez toujours en ricanant dans le chemin de la vérité », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, cont
1628  », écrivait-il à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, contre les tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il
1629 à Madame du Deffand. Avec ou sans le curé, contre les tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il édifiait, il réfo
1630 , c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la grande Catherine, périclitent. Mais
1631 a pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la grande Catherine, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Ge
1632 nvoyés par la grande Catherine, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de so
1633 e Catherine, périclitent. Mais les arbres bordant la route de Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux.
1634 s, il faisait bâtir une église neuve. Au fronton, l’ on peut lire encore : Deo erexit Voltaire. « Deux bien grands noms ! »
1635 t Voltaire. « Deux bien grands noms ! », disaient les voyageurs du temps. Il y faisait ses Pâques, non sans ostentation, et
1636 ns ostentation, et ne se privait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de famille. C’est i
1637 ait pas de haranguer le bon peuple à la sortie de la messe, en vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inven
1638 la messe, en vieux père de famille. C’est ici que la publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait plus une lettre aux princ
1639 lettre aux princes intellectuels et temporels de l’ Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de
1640 de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dan
1641 ité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’ on filait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de
1642 ait dans sa fabrique. La première paire parvint à la duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, une
1643 à la duchesse de Choiseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui v
1644 auvais vers quand il vous plaira. » En vingt ans, le village passe de cinquante foyers à plus de mille habitants qui devie
1645 t une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’il combine avec joie permetten
1646 s qu’il combine avec joie permettent de supprimer les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ce
1647 e ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’ on nous a décrits comme adversaires des libertés réelles ! Enfin, Volt
1648 s réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre homma
1649 assaux de la gabelle et même du servage. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de V
1650 e. Sur quoi le peuple vient lui rendre hommage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité »
1651 mage, à la Saint-François de 1777. M. de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfant
1652 . de Voltaire le reçoit « avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfants du village en habits de bergers lu
1653 avec sensibilité », sur le perron de son château. Les enfants du village en habits de bergers lui présentent des œufs, du l
1654 d’eux, porteuse d’une corbeille fleurie, figure «  le sentiment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en u
1655 orbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’ assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce vos
1656 ie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. Les garçons défilent à cheval, en uniformes. « Sont-ce vos soldats ? » de
1657 , en uniformes. « Sont-ce vos soldats ? » demande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de
1658 ande le prince de Hesse. « Non, mes amis ! », dit le grand homme. Et tous de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par u
1659  Est-ce que Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante des pieds pendant la nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais
1660 t pas lui chatouiller la plante des pieds pendant la nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais certes son exemple vient cha
1661 ce pays de « marches » entre Alpes et Jura, entre le xviiie et notre siècle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse
1662 s de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’ Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survo
1663 Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’ Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jo
1664 (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à Genève. Le tout survolé trente fois par jour par des avions de New York, de l’In
1665 ente fois par jour par des avions de New York, de l’ Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche,
1666 ’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derrière le bois tout proche, qui assourdit tout d’un coup leur grondement. Vous
1667 coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’un lieu qu’on aim
1668 que ce pays est le centre du monde. C’est ce que l’ on pense toujours d’un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
1669 Aller et retour (21 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’Europe, économiques, militaires, culturelles, il y
1670 1 mai 1953)v Parmi toutes les raisons de faire l’ Europe, économiques, militaires, culturelles, il y a celle-ci, qui n’e
1671 : rendre nos différentes nations indépendantes de l’ aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pa
1672 pendantes de l’aide américaine. J’écris ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique
1673 conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état
1674 ndiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’ état de satellites. Mais nos faiblesses, nées de notre manque d’union,
1675 de notre manque d’union, appellent dangereusement l’ Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans
1676 llent dangereusement l’Amérique à prendre en main le sort de débiteurs chroniques. Déjà, dans plusieurs de nos pays, natio
1677 alistes et communistes s’unissent pour dénoncer «  l’ emprise économique des USA », représentée à leurs yeux par le plan Mar
1678 conomique des USA », représentée à leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ; « l’arrogance de Washington », confirmé
1679 leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ; «  l’ arrogance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’étud
1680 gance de Washington », confirmée à leurs yeux par le voyage d’études de M. Dulles et certains articles de Life ; enfin « l
1681 M. Dulles et certains articles de Life ; enfin «  l’ invasion culturelle » symbolisée par le succès des Digests. Selon les
1682  ; enfin « l’invasion culturelle » symbolisée par le succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée
1683 lle » symbolisée par le succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui se branche sur le
1684 cette campagne insensée — mais qui se branche sur le sentiment spontané de larges masses, latines surtout —, les nations e
1685 ent spontané de larges masses, latines surtout —, les nations européennes seraient déjà réduites au rôle de simples « instr
1686 déjà réduites au rôle de simples « instruments de la grandeur américaine ». Mais quel remède nous offre-t-on à cette situa
1687 de nous offre-t-on à cette situation humiliante ? Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste 
1688 -on à cette situation humiliante ? Le statu quo ? L’ éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait bruta
1689 umiliante ? Le statu quo ? L’éloquence indignée ? L’ adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est
1690 statu quo ? L’éloquence indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi long
1691 ce indignée ? L’adoption de la ligne communiste ? Le fait brutal, incontestable, c’est qu’aussi longtemps que nos pays res
1692 et même rivaux, ils seront incapables de soutenir la concurrence américaine, incapables d’assurer leur défense, incapables
1693 leur indépendance réelle. D’où vient, après tout, la puissance, non moins redoutée que sollicitée, des USA ? Leur nom même
1694 répondre : ils sont unis. Ils ont créé entre eux le « grand marché commun » qui est la condition nécessaire de toute exis
1695 créé entre eux le « grand marché commun » qui est la condition nécessaire de toute existence autonome dans notre monde du
1696 autonome dans notre monde du xxe siècle. On sait l’ histoire de cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se
1697 ècle. On sait l’histoire de cette union. En 1787, les treize États qui venaient de se libérer de la tutelle britannique déc
1698 7, les treize États qui venaient de se libérer de la tutelle britannique décidèrent que leur simple alliance confédérale d
1699 délégués, réunis à Philadelphie. (Six nations de l’ Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars
1700 ennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposition se montra
1701 aire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’opposition se montra violente. Dans quelques villes
1702 le 10 mars 1953.) Il restait à le faire ratifier. L’ opposition se montra violente. Dans quelques villes, le projet fut brû
1703 osition se montra violente. Dans quelques villes, le projet fut brûlé par la population en place publique. L’État de New Y
1704 te. Dans quelques villes, le projet fut brûlé par la population en place publique. L’État de New York était le plus rétice
1705 et fut brûlé par la population en place publique. L’ État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallie
1706 ation en place publique. L’État de New York était le plus réticent. Il fut le dernier à se rallier au régime qui devait as
1707 vait assurer son essor et sa longue primauté dans l’ Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des
1708 rimauté dans l’Union. C’est donc précisément dans la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamil
1709 la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent au lendemain de
1710 de publier une longue série d’articles discutant le projet d’union et démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un
1711 nsi que nul écolier américain ne peut aujourd’hui l’ ignorer. S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’importance
1712 i l’ignorer. S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a cr
1713 . S’il fallait résumer en deux phrases le rôle et l’ importance d’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animat
1714 ’un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’ animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que
1715 part il a créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendan
1716 créé l’animation politique nécessaire à la vie de la Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libéral
1717 Constitution, tandis que d’autre part il figurait le pendant libéral au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi, les
1718 au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référer aux maximes du Fed
1719 au onzième chapitre de ce fameux texte de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va compr
1720 grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va comprendre l’extrême importance : Le monde peut être divi
1721 ombe sur un passage dont le lecteur va comprendre l’ extrême importance : Le monde peut être divisé politiquement, comme g
1722 le lecteur va comprendre l’extrême importance : Le monde peut être divisé politiquement, comme géographiquement, en quat
1723 re parties dont chacune a des intérêts distincts. L’ Europe, pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés d
1724 chacune a des intérêts distincts. L’Europe, pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises
1725 ncts. L’Europe, pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empire par ses armes et
1726 son empire par ses armes et ses négociations, par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successive
1727 es armes et ses négociations, par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tombées sou
1728 ses négociations, par la force et par la fraude. L’ Afrique, l’Asie, l’Amérique sont successivement tombées sous sa domina
1729 ations, par la force et par la fraude. L’Afrique, l’ Asie, l’Amérique sont successivement tombées sous sa domination. La su
1730 par la force et par la fraude. L’Afrique, l’Asie, l’ Amérique sont successivement tombées sous sa domination. La supériorit
1731 e sont successivement tombées sous sa domination. La supériorité que l’Europe a depuis si longtemps conservée l’a disposée
1732 nt tombées sous sa domination. La supériorité que l’ Europe a depuis si longtemps conservée l’a disposée à se regarder comm
1733 rité que l’Europe a depuis si longtemps conservée l’ a disposée à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire
1734 gtemps conservée l’a disposée à se regarder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du genre humain créé pou
1735 rder comme la maîtresse de l’Univers, et à croire le reste du genre humain créé pour son utilité. Des hommes, admirés comm
1736 ité physique, et ont sérieusement assuré que tous les animaux, ainsi que la race humaine, dégénéraient en Amérique ; que le
1737 rieusement assuré que tous les animaux, ainsi que la race humaine, dégénéraient en Amérique ; que les chiens même perdaien
1738 e la race humaine, dégénéraient en Amérique ; que les chiens même perdaient la faculté d’aboyer, après avoir respiré quelqu
1739 aient en Amérique ; que les chiens même perdaient la faculté d’aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosp
1740 voir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les faits ont trop longtemps appuyé ces arrogantes prétentions des Europé
1741 rétentions des Européens. C’est à nous de relever l’ honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères t
1742 s Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eu
1743 lever l’honneur de la race humaine et d’enseigner la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’Union nous en rendra
1744 la modération à ces frères trop sûrs d’eux-mêmes. L’ Union nous en rendra capables. La désunion préparerait une nouvelle vi
1745 ûrs d’eux-mêmes. L’Union nous en rendra capables. La désunion préparerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que les Am
1746 arerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur euro
1747 iomphe. Que les Américains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis
1748 ricains méprisent enfin d’être les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroite e
1749 e les instruments de la grandeur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union, concoure
1750 s une étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle
1751 luence européenne, et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous lai
1752 permette de dicter les termes des relations entre l’ Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le pa
1753 dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme q
1754 tre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même im
1755 uveau Monde. Je vous laisse le soin de commenter le parallélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l’évidence, en
1756 lélisme qu’un tel texte suggère, et même impose à l’ évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre
1757 texte suggère, et même impose à l’évidence, entre la situation de départ de l’Amérique et celle de notre Europe en formati
1758 ose à l’évidence, entre la situation de départ de l’ Amérique et celle de notre Europe en formation. Regardons-nous dans ce
1759 és, nos erreurs, mais aussi nos espoirs. (Et même les articles de Life, dans cette histoire de chiens qui n’aboient plus !)
1760 tte histoire de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes
1761 de chiens qui n’aboient plus !) Dans la mesure où les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette
1762 les mêmes causes sont susceptibles de reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politique. v. Rougem
1763 e reproduire les mêmes effets, cette page dicte à l’ Europe une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », J
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
1764 ral (19 juillet 1955)w Comment ne pas voir que les thèses officielles, présentées par les Russes avant Genève, sont en o
1765 s voir que les thèses officielles, présentées par les Russes avant Genève, sont en opposition fondamentale avec celles de n
1766 s communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité européenne, Moscou reco
1767 curité européenne, Moscou reconnaît implicitement la nécessité de notre union, dénoncée par les communistes comme une idée
1768 itement la nécessité de notre union, dénoncée par les communistes comme une idée américaine. En affirmant le principe de la
1769 mmunistes comme une idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres
1770 une idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou désavo
1771 En affirmant le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou désavoue implicitement les pa
1772 rieures des autres, Moscou désavoue implicitement les partis qui agissent à son service dans nos pays. En insistant enfin s
1773 son service dans nos pays. En insistant enfin sur l’ importance vitale d’une reprise des échanges culturels, Moscou réintro
1774 anges culturels, Moscou réintroduit implicitement la possibilité d’une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour
1775 ibre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui a fait la force principale du stalinisme dans l’intellig
1776 le-ci serait ruineuse pour le principe qui a fait la force principale du stalinisme dans l’intelligentsia européenne : l’a
1777 qui a fait la force principale du stalinisme dans l’ intelligentsia européenne : l’autorité sans discussion. Telles étant l
1778 du stalinisme dans l’intelligentsia européenne : l’ autorité sans discussion. Telles étant les implications de l’offre rus
1779 péenne : l’autorité sans discussion. Telles étant les implications de l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’O
1780 sans discussion. Telles étant les implications de l’ offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les tran
1781 l’offre russe, il appartient aux hommes d’État de l’ Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si le
1782 il appartient aux hommes d’État de l’Occident de les transformer en engagements concrets. Se demander si les Russes sont s
1783 ansformer en engagements concrets. Se demander si les Russes sont sincères serait bien vain : il faut absolument les prendr
1784 nt sincères serait bien vain : il faut absolument les prendre au mot. Ils proposent en effet trois principes qui n’ont jama
1785 s d’accord. Nous partons de là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre
1786 là. Voyons maintenant les conditions précises de la mise en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’offre russe d
1787 en pratique de ces principes. Prendre au sérieux l’ offre russe de sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le ratt
1788 e sécurité occidentale, c’est demander et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. O
1789 t demander et obtenir le rattachement des pays de l’ Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce qui empêche
1790 on occidentale. On ne voit pas ce qui empêcherait les 435 millions d’Européens ainsi réunis de se déclarer neutres, à parti
1791 utres, à partir du moment où ils disposeraient de l’ armée commune sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’Amériq
1792 e sans laquelle toute neutralité reste illusoire. L’ Amérique n’aurait rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’Eu
1793 e illusoire. L’Amérique n’aurait rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec ell
1794 t rien à y perdre, la Russie se verrait rassurée, l’ Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le princi
1795 sie se verrait rassurée, l’Europe serait faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c
1796 it faite et la paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c’est par exemple décider que les parti
1797 paix avec elle. Prendre au sérieux le principe de la non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communistes d
1798 e la non-ingérence, c’est par exemple décider que les partis communistes de l’Occident vont vivre de leurs seules ressource
1799 par exemple décider que les partis communistes de l’ Occident vont vivre de leurs seules ressources : on m’entendra. Enfin,
1800 ources : on m’entendra. Enfin, prendre au sérieux les relations culturelles, c’est accepter la libre discussion, le libre é
1801 sérieux les relations culturelles, c’est accepter la libre discussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idée
1802 culturelles, c’est accepter la libre discussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l
1803 l’air de rien, mais qui équivaut en fait à lever le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’un écrivain. Rien ne m’ob
1804 lige aux prudences des hommes d’État, on vient de le voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préala
1805 prudences des hommes d’État, on vient de le voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préalable à tout
1806 voir. Les relations culturelles, à mes yeux, sont la condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domaines
1807 condition préalable à toute entente sérieuse dans les autres domaines, politiques ou économiques. Car ce sont elles seules
1808 nomiques. Car ce sont elles seules qui permettent l’ élaboration de l’instrument sans lequel il n’est point d’entente entre
1809 sont elles seules qui permettent l’élaboration de l’ instrument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, je v
1810 rument sans lequel il n’est point d’entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu l’expression qui
1811 mes, je veux dire un langage commun. On a reconnu l’ expression qui revient par deux fois, fortement soulignée, dans la déc
1812 revient par deux fois, fortement soulignée, dans la déclaration que M. Boulganine fit à Moscou la semaine dernière, au mo
1813 ans la déclaration que M. Boulganine fit à Moscou la semaine dernière, au moment de s’envoler pour franchir le Rideau — ce
1814 ne dernière, au moment de s’envoler pour franchir le Rideau — ce mur du son de la politique contemporaine. Précisons notre
1815 nvoler pour franchir le Rideau — ce mur du son de la politique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote pass
1816 ne. Précisons notre image : quand un pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’
1817 ence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitud
1818 oviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résu
1819 asse le Rideau, c’est pour entrer dans la zone où l’ on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en un s
1820 est pour entrer dans la zone où l’on parle. Toute l’ attitude des Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons 
1821 e peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où l’ accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’inst
1822 en un seul mot : causons ! D’où l’accent mis sur le langage commun. Il existe en fait deux moyens d’instaurer un langage
1823 ens d’instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots
1824 e commun. Le premier est la force brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’il juge convenable. O
1825 ce brutale : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’il juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l
1826 l juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l’ armée rouge tentait d’envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara q
1827 e qu’au moment où l’armée rouge tentait d’envahir la petite Finlande, M. Molotov déclara que cette dernière était le vérit
1828 ande, M. Molotov déclara que cette dernière était le véritable agresseur, « les événements ayant donné au terme d’agressio
1829 ue cette dernière était le véritable agresseur, «  les événements ayant donné au terme d’agression un contenu historique nou
1830 erme d’agression un contenu historique nouveau ». La franchise même de cette explication scandalisa : elle aurait dû, plut
1831 isa : elle aurait dû, plutôt, donner à réfléchir. Le ministre russe s’exprimait en effet dans un langage tout naturel pour
1832 n langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu ave
1833 mbu de la croyance marxiste au mouvement fatal de l’ Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors par
1834 oyance marxiste au mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu avec l’Occident — qui se traduisait alors par une ingérenc
1835 mouvement fatal de l’Histoire. Le malentendu avec l’ Occident — qui se traduisait alors par une ingérence qualifiée dans le
1836 traduisait alors par une ingérence qualifiée dans les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un f
1837 mme il n’était pas question d’en discuter, ce fut la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer un langage commun, c’e
1838 second moyen d’instaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel suppose deux conditions. Il suppose tou
1839 se deux conditions. Il suppose tout d’abord, chez les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le
1840 suppose tout d’abord, chez les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas
1841 bord, chez les deux partenaires, la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de
1842 , la conviction et le désir de convaincre — sinon le dialogue n’aurait pas d’intérêt ni de raison d’être. Mais il suppose
1843 ntérêt ni de raison d’être. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se met
1844 e. Mais il suppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de reme
1845 uppose aussi le respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en ques
1846 respect de l’autre et le désir de le comprendre, la faculté de se mettre à sa place et de remettre en question, fût-ce pa
1847 tudes, en vue d’une recherche commune — autrement l’ on n’aurait qu’une suite de monologues. Or ces deux conditions du dial
1848 alogue viennent d’être acceptées sans réserve par la déclaration de Boulganine — et cela pour la première fois depuis la n
1849 Boulganine — et cela pour la première fois depuis la naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite 
1850 re fois depuis la naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à l’Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitali
1851 naissance du conflit qui oppose le bolchévisme à l’ Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitalisme est meilleur
1852 sme à l’Occident. Je cite : D’aucuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nous sommes convaincus du
1853 cuns estiment que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Nous sommes convaincus du contraire. Cette discussion ne
1854 ntraire. Cette discussion ne peut être réglée par la force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition
1855 peut être réglée par la force. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition
1856  ; nous sommes prêts à « causer » dès demain. (Je le dis au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et de
1857 êts à « causer » dès demain. (Je le dis au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à
1858 au nom de la grande majorité des intellectuels de l’ Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peu
1859 intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, no
1860 s de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’ union fédérale de nos peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans d
1861 loguons, non pas dans des congrès où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de professionnels ; parlons d’histoire,
1862 se fait chez l’autre, ce qu’il dit et comment il le sent ; et que l’autre en fasse autant chez nous. Circulons. Questionn
1863 cidentaux chrétiens ou humanistes, pour affronter la « redoutable dialectique » du partenaire : ce n’est pas à ceux qui cr
1864 enaire : ce n’est pas à ceux qui croient cela que les Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteur
1865 roient cela que les Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’
1866 Russes demanderont à parler ! Les contempteurs de l’ Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’esprit ne peuvent r
1867 ’Occident, douteurs chroniques ou neutralistes de l’ esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’Est : ceux-ci n’enver
1868 l’esprit ne peuvent rien apprendre aux hommes de l’ Est : ceux-ci n’enverront pas non plus leurs opposants… D’autres crain
1869 non plus leurs opposants… D’autres craindront que la culture du voisin soit au contraire son cheval de Troie. Mais il s’ag
1870 al de Troie. Mais il s’agit d’échanges réels dans les deux sens, ou je n’ai rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval
1871 de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite officielle et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient un
1872 place publique, la visite officielle et gratuite, l’ arme secrète des Achéens devient un pavillon d’exposition. On ne court
1873 nt un pavillon d’exposition. On ne court plus que le risque normal d’une « compétition pacifique ». Il est temps de courir
1874 « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse
1875 pacifique ». Il est temps de courir le risque de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’un changeme
1876 de la paix ! Soyons francs : tout cela repose sur l’ hypothèse d’un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les no
1877 changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en donnent depuis quelques mois soient pl
1878 quelques mois soient plus clairs et certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait to
1879 airs et certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l
1880 e des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nom
1881 st mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’ a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente,
1882 nait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut
1883 emble. Le chef du MVD l’a suivi dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut prendre ici d
1884 dans la tombe. Et le Kremlin subit ce qu’on nomme la détente, mot qu’il faut prendre ici dans son sens littéral : un resso
1885 dans son sens littéral : un ressort est détendu, la pression tombe. Les effets d’un pareil changement peuvent être lents
1886 éral : un ressort est détendu, la pression tombe. Les effets d’un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans
1887 hangement peuvent être lents à se manifester dans l’ énorme psyché collective soviétique. Celle-ci cherche avant tout non p
1888 soviétique. Celle-ci cherche avant tout non point la liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne tr
1889 tout non point la liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur,
1890 la liberté, qu’elle redoute, mais la sécurité. À l’ intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’extérieur, elle voit quel
1891 é. À l’intérieur, elle ne trouve que problèmes. À l’ extérieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer. C’e
1892 ’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour les Russes — comme aujourd’hui Joukov va vers Eisenhower. Et ils viendron
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
1893 os chambres, criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne
1894 ton d’un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’ Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelant l’Europe sans chefs et s
1895 t l’Europe, qui ne pouvait pas répondre, appelant l’ Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nou
1896 s fait tout ce que peut un homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourre
1897 ce que peut un homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jo
1898 peuple hongrois et du châtiment de ses bourreaux. Les jours du communisme sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans l
1899 e sont comptés. Il a vu son Double effrayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le commu
1900 frayant dans les rues de Poznań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde entier répondra dés
1901 nań et de Budapest. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde entier répondra désormais : la théorie du crime
1902 st. À la question : qu’est-ce que le communisme ? le monde entier répondra désormais : la théorie du crime et sa pratique
1903 communisme ? le monde entier répondra désormais : la théorie du crime et sa pratique massive, le massacre des ouvriers suc
1904 ais : la théorie du crime et sa pratique massive, le massacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence b
1905 sacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’ incompétence brutale avouée périodiquement, la trahison des chefs dont
1906 ns, l’incompétence brutale avouée périodiquement, la trahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « 
1907 ahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « réactionnaires », car c’est entre eux qu’ils se sont tou
1908 qu’ils se sont tous assassinés depuis trente ans, la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant
1909 ssinés depuis trente ans, la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant
1910 , la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la col
1911 le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ait bal
1912 foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’ Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le commu
1913 chantant la liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe pe
1914 ais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’au
1915 Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitales d
1916 la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore écraser d’autres capitales de l’Europe,
1917 e russe peut encore écraser d’autres capitales de l’ Europe, massacrer d’autres foules révoltées, et liquider d’autres élit
1918 iquider d’autres élites sans armes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obs
1919 ilante, obstinée, sans éclat, comme il convient à la repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’Europe, pour qu’i
1920 repentance active. Nous devons tout d’abord faire l’ Europe, pour qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une rép
1921 s tout d’abord faire l’Europe, pour qu’il y ait à l’ appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des
1922 ciences, advienne que pourra. Nous devons mettre le communisme au ban de l’humanité civilisée. Et cela signifie pratiquem
1923 urra. Nous devons mettre le communisme au ban de l’ humanité civilisée. Et cela signifie pratiquement : rompre toutes rela
1924 e toutes relations, diplomatiques ou autres, avec la Russie soviétique, ses clients et ses partisans. Je crois avoir été l
1925 s. Je crois avoir été le premier à proposer, ici, la reprise du dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés de Staline
1926 oposer, ici, la reprise du dialogue culturel avec les Soviétiques délivrés de Staline. Des rencontres privées ont suivi mon
1927 line. Des rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y sont montrés lourds et stupides, les marxistes parisiens r
1928 . Les Russes s’y sont montrés lourds et stupides, les marxistes parisiens ridicules. Mettons fin à cette comédie. Nous savo
1929 ns fin à cette comédie. Nous savons désormais que les Russes, dès qu’ils le peuvent, utilisent les négociations pour arrête
1930 Nous savons désormais que les Russes, dès qu’ils le peuvent, utilisent les négociations pour arrêter et tuer ceux qui vie
1931 que les Russes, dès qu’ils le peuvent, utilisent les négociations pour arrêter et tuer ceux qui viennent négocier. Le comm
1932 pour arrêter et tuer ceux qui viennent négocier. Le communiste actuel, plus encore que le fasciste, est un malade mental,
1933 t négocier. Le communiste actuel, plus encore que le fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un
1934 c’est un homme qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; qui trouve cela moins grave que d’arrêter Nas
1935 aël. On ne peut pas discuter avec ça. J’écris, et les Hongrois tombent sous les balles des Russes. Je n’écris pas pour mett
1936 er avec ça. J’écris, et les Hongrois tombent sous les balles des Russes. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’aise.
1937 usses. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’ aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir
1938 our mettre ma conscience à l’aise. Je veux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’
1939 a conscience à l’aise. Je veux certes la mettre à l’ aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un a
1940 eux certes la mettre à l’aise, et tout homme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article qui pourrait y suffi
1941 ocratie, qui veut dire souveraineté du peuple. Or le peuple, c’est vous et moi. Profitant du silence ignominieux qui succè
1942 ments une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la dissolution des partis communistes d’Occident, complices du crime le
1943 partis communistes d’Occident, complices du crime le plus atroce de toute l’Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de
1944 ident, complices du crime le plus atroce de toute l’ Histoire. Refusons ces ballets, ces équipes de football, ces délégatio
1945 ll, ces délégations policières, ces « gardiens de la paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang vers
1946 ens de la paix » aux mains rouges : Budapest nous le crie de tout son sang versé. Et jurons de refuser, dorénavant, de sal
1947 que, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiquement la cause du crime qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’Eur
1948 qu’il a servie. Et jurons en même temps de faire l’ Europe. Cette Europe qui aurait pu, en s’unissant plus tôt, cette Euro
1949 e Europe qui pouvait, en rassemblant ses forces à l’ appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable dé
1950 , en rassemblant ses forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cette
1951 s forces à l’appel angoissé de la liberté, éviter la honte éternelle qui accable désormais toute cette génération — la Hon
1952 le qui accable désormais toute cette génération — la Hongrie massacrée sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à l
1953 énération — la Hongrie massacrée sous les yeux de l’ Occident, hurlant : l’Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x.
1954 massacrée sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’ Europe à l’aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, «
1955 sous les yeux de l’Occident, hurlant : l’Europe à l’ aide ! et mourant sans réponse. x. Rougemont Denis de, « Oserons-no
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
1956 Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’un écrivain de l’ Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heureux
1957 and romancier ou grand styliste, et nous passons. La radio cite et passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’écri
1958 tyliste, et nous passons. La radio cite et passe, la presse en fait autant, et nos sociétés d’écrivains ne se réveillent p
1959 llent pas pour si peu : elles ne dépendent pas de l’ État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde s
1960 pas de l’État. Mais qu’un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde sait aussitôt qu’il se passe quelque chose,
1961 n talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié
1962 e. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et r
1963 t bien voir… Hommage au prix Nobel. Et pitié pour les Russes. Et respect à Boris Pasternak. S’il s’est vu contraint, après
1964 aint, après coup, de refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie
1965 ctif à sa terre infinie, à son peuple mystique, à la misère du siècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns des plus
1966 s voulu rester seul. Quelques-uns des plus grands l’ ont osé. Pascal et Kierkegaard devant leur Dieu. Nietzsche au seuil du
1967 che au seuil du délire mental, Dostoïevski devant la potence, au petit matin sibérien. C’est devant une autre tragédie que
1968 tin sibérien. C’est devant une autre tragédie que l’ esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moi
1969 nt une autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régi
1970 arrête, dans le cas de Boris Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’êtr
1971 s le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’ homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir,
1972 e moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule co
1973 qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au mutisme sans espoir, seule communion possible encore avec so
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
1974 «  Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)z D
1975 dit athées, mais cela ne change rien au fait que le mouvement créateur de la science procède d’une confiance intuitive da
1976 change rien au fait que le mouvement créateur de la science procède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et
1977 la science procède d’une confiance intuitive dans l’ accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement
1978 rocède d’une confiance intuitive dans l’accord de l’ homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fo
1979 ne foi dans leur fondement commun, « fondement de l’ être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest A
1980 leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde, à savoir Dieu ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dan
1981 ». Ces derniers mots sont d’Ernest Ansermet, dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’un athée ne peut pas faire d
1982 davantage que Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dogme, sur la Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique conf
1983 Descartes, Ansermet ne se fonde sur le dogme, sur la Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique confessionnelle. P
1984 nsermet ne se fonde sur le dogme, sur la Bible et la Tradition, ni sur quelque apologétique confessionnelle. Pour développ
1985 opper en moins de cent pages de ses Fondements de la musique ce qu’il nomme sa « phénoménologie de Dieu », qui est en même
1986 e (et dont il s’autorise d’ailleurs, pour réfuter l’ athéisme de Sartre) mais aussi à son expérience de musicien. Ce chapit
1987 e sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont l’ écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une des proues
1988 place centrale et dont l’écho s’entend dans tout l’ ouvrage, est sans nul doute l’une des prouesses intellectuelles les pl
1989 ans nul doute l’une des prouesses intellectuelles les plus mémorables du siècle. À partir de relations logarithmiques, de c
1990 garithmiques, de considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement »
1991 considérations mathématiques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relat
1992 es sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute naturelle
1993 nt » et de la « relationalité », nous assistons à la reconstruction toute naturelle des vérités centrales du christianisme
1994 s centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoi
1995 istianisme : et je dis bien, de la religion et de l’ éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d
1996 de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’ Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’une spiritualité plu
1997 moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’ objet d’un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre e
1998 e. Dieu n’étant pas l’objet d’un problème, mais «  le fondement commun du monde et de notre existence dans le monde », la q
1999 dement commun du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et plat d
2000 n du monde et de notre existence dans le monde », la question de savoir s’il existe, au sens courant et plat du terme, se
2001 tement J.-C. Piguet, commentateur et assistant de l’ œuvre. Et voici que l’analyse de ce « fondement » conduit à retrouver
2002 ommentateur et assistant de l’œuvre. Et voici que l’ analyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les gr
2003 alyse de ce « fondement » conduit à retrouver par l’ intérieur les grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trin
2004 « fondement » conduit à retrouver par l’intérieur les grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trinité d’abord,
2005 grandes notions traditionnelles et dogmatiques : la Trinité d’abord, Père, Fils et Saint-Esprit, définis en termes de str
2006 rmes de structures et de relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la
2007 res et de relations musicales pour la conscience. Le primat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Di
2008 ations musicales pour la conscience. Le primat de l’ éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vi
2009 imat de l’éthique ensuite : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance
2010  : « Ne jugeons point de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les
2011 nt de la fonction de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présen
2012 on de Dieu dans la vie humaine par la croyance ou l’ incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’exist
2013 la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homme en tant qu’être psy
2014 s hommes, mais par les signes de sa présence dans l’ existence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éth
2015 par les signes de sa présence dans l’existence de l’ homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l
2016 stence de l’homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affe
2017 homme en tant qu’être psychique. » Et la norme de l’ éthique, qui est l’Amour, « appétit d’unité… modalité affective fondam
2018 re psychique. » Et la norme de l’éthique, qui est l’ Amour, « appétit d’unité… modalité affective fondamentale ». Et le péc
2019 it d’unité… modalité affective fondamentale ». Et le péché, hiatus irréductible entre la situation existentielle et l’être
2020 mentale ». Et le péché, hiatus irréductible entre la situation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillemen
2021 irréductible entre la situation existentielle et l’ être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et
2022 le entre la situation existentielle et l’être. Et la prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transce
2023 a prière, acte de recueillement dans ce qui fonde l’ homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur
2024 cte de recueillement dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondeme
2025 nt dans ce qui fonde l’homme et le transcende. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lien a
2026 e. Et la foi, qui « se porte sur Dieu » comme sur le fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à n
2027 comme sur le fondement de notre lien au monde. Et la Grâce, « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, e
2028 « réponse du monde à notre ouverture à lui ». Et l’ humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec
2029 à notre ouverture à lui ». Et l’humilité, et même la « prédestination de notre personne morale » (avec une référence expli
2030 la, sans aucun recours au vocabulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens
2031 abulaire consacré de la piété, ni aux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eux —
2032 ux symboles de la mythologie biblique, encore que le sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse
2033 e que le sens de quelques-uns d’entre eux — comme l’ Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de c
2034 uelques-uns d’entre eux — comme l’Arbre de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologi
2035 de Vie de la Genèse — se voient interprétés dans la logique de cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’auteur
2036 cette phénoménologie. On se demande alors ce que l’ auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire
2037 demande alors ce que l’auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est l’
2038 ses ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est l’ idée d’un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort e
2039 idérable. C’est l’idée d’un Dieu personnel. C’est l’ insistance paulinienne sur la mort et la résurrection du Christ interp
2040 ieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la résurrection du Christ interprétées comme promesses d’une
2041 el. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la résurrection du Christ interprétées comme promesses d’une vie future,
2042 donnant notre bas monde à ses fins matérielles, à l’ intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’
2043 monde à ses fins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue
2044 ins matérielles, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière
2045 es, à l’intérêt. C’est la croyance à la survie de l’ âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’une manière assez surpren
2046 croyance à la survie de l’âme personnelle, à quoi l’ auteur substitue d’une manière assez surprenante un proverbial « nos a
2047 e un proverbial « nos actes nous suivent ». C’est la mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’
2048 « nos actes nous suivent ». C’est la mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et su
2049 ». C’est la mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une tran
2050 mystique et le surnaturel, autant que la magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une transcendance to
2051 magie et la superstition. C’est enfin et surtout la notion d’une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme da
2052 une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’ homme dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que l
2053 dance, donc dans une relation passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérit
2054 évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcenda
2055 x hommes la vérité de leur expérience de Dieu, en les ramenant du Dieu transcendant que seul ils s’étaient révélé jusqu’alo
2056 les disputations ! On voit bien ce qu’en diraient les barthiens dont je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le li
2057 je fus : Ansermet, partant de Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait
2058 e Husserl, réinvente le libéralisme protestant de l’ époque post-hégélienne. Mais qu’en dirait Karl Barth lui-même, qui n’a
2059 ’est sans doute par rapport à Pascal qu’il serait le plus intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre auteur
2060 Pascal qu’il serait le plus intéressant d’évaluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac
2061 aluer la théologie logarithmique de notre auteur. Le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des
2062 ncore qu’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’
2063 ieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’ homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation chrétienne », p. 23
2064 ecours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur «  l’ éducation chrétienne », p. 231.) Or, ce Dieu que l’on écrit sans sourc
2065 ’éducation chrétienne », p. 231.) Or, ce Dieu que l’ on écrit sans sourciller Ps-Pr-F — comme l’énergie s’écrit mc2 dans la
2066 eu que l’on écrit sans sourciller Ps-Pr-F — comme l’ énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’il
2067 ciller Ps-Pr-F — comme l’énergie s’écrit mc2 dans la célèbre équation d’Einstein — voici qu’il est aussi, pour Ansermet, p
2068 voici qu’il est aussi, pour Ansermet, précisément le « Dieu sensible au cœur », saisi dans la conscience par l’affectivité
2069 cisément le « Dieu sensible au cœur », saisi dans la conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomè
2070 sensible au cœur », saisi dans la conscience par l’ affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomène affectif condit
2071 conscience par l’affectivité, et par elle seule ! La musique, phénomène affectif conditionné par des structures physico-ma
2072 e nos contemporains qui ont sciemment abandonné «  le projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la
2073 qui ont sciemment abandonné « le projet d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivau
2074 t d’être à la ressemblance de Dieu ». Pour eux, «  la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience
2075 a ressemblance de Dieu ». Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ».
2076 Pour eux, « la perte de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle l
2077 de la loi tonale équivaut à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la définition du péché
2078 à la mort de Dieu pour la conscience musicale ». L’ atonalité serait-elle la définition du péché, en termes de technique m
2079 la conscience musicale ». L’atonalité serait-elle la définition du péché, en termes de technique musicale ? Dans ce contex
2080 e ? Dans ce contexte, une autre thèse me frappe : la musique est d’Europe, essentiellement, parce qu’elle est née, comme t
2081 comme tous nos arts, sciences et techniques, de «  la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la civi
2082 ces et techniques, de « la foi active, fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la civilisation occidentale » (p.
2083 fondée sur la doctrine chrétienne, qui a engendré la civilisation occidentale » (p. 209). Je suis bien placé pour savoir l
2084 entale » (p. 209). Je suis bien placé pour savoir les résistances que ce point de vue provoque dans l’intelligentsia plus o
2085 les résistances que ce point de vue provoque dans l’ intelligentsia plus ou moins masochiste de notre Europe. Mais surtout,
2086 ais surtout, condamner radicalement presque toute la musique contemporaine au nom d’une théologie que, d’autre part, nos d
2087 oi faire à notre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’a
2088 otre ami beaucoup d’ennemis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde
2089 emis dans tous les camps ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il b
2090  ! La question se pose, à la mode de naguère dans les revues d’avant-garde parisiennes : faut-il brûler Ernest Ansermet ? N
2091  : faut-il brûler Ernest Ansermet ? Nul doute que la Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie
2092 nest Ansermet ? Nul doute que la Genève de Calvin l’ eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel.
2093 ût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des raisons d’
2094 d’un bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative
2095 age post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’a
2096 s à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’ affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses. Que
2097 ation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves qu’inspirent parfois tant d’assurance intellectuelle et un v
2098 tentative s’inscrit d’une manière exemplaire dans l’ aggiornamento, ou mise à jour, des vérités traditionnelles, dont Jean
2099 des vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut l’ admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’intérioris
2100 l’admirable promoteur. D’autre part, elle porte à l’ extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement in
2101 e promoteur. D’autre part, elle porte à l’extrême l’ intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la
2102 me l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passio
2103 s réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de grandes raisons de se passionner pour ou contre cet
2104 contre cette œuvre d’une jeunesse étonnante, dont l’ avenir seul découvrira les véritables proportions. z. Rougemont Den
2105 jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables proportions. z. Rougemont Denis de, « “Le Dieu immanent
2106 itables proportions. z. Rougemont Denis de, « “ Le Dieu immanent, qui s’annonce en leur cœur” (À propos d’Ernest Anserme
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
2107 rdaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle d’autre chose et
2108 aint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes de «  La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces
2109 y — ou mes émissions quotidiennes de « La Voix de l’ Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformation
2110  La Voix de l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformations, si la critique honnête les réprouve
2111 s ». Mais la caricature veut ces déformations, si la critique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’affirmer que j’
2112 ure veut ces déformations, si la critique honnête les réprouve. Tout autre chose est d’affirmer que j’ai « jeté mon sac (mi
2113 litaire) aux orties » avant de « disparaître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’un acte bien défini, qui m’eût
2114 fini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le Général m’avait condamné en ju
2115 -moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un article sur l’entrée d’Hitle
2116 éral m’avait condamné en juin pour un article sur l’ entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Sui
2117 r à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de
2118 oyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’un passeport « de service »,
2119 déserté, peu de jours auparavant. Un critique qui l’ en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’h
2120 ce moment-là, serait requis de s’en expliquer sur l’ heure devant un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d
2121 nt un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’ excuse d’une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au poi
2122 . Cette mise au point, tout à fait superflue pour les lecteurs de mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient l
2123 a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que l’ article du Samedi littéraire. aa. Rougemont Denis de, « Denis de Ro
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
2124 Denis de Rougemont et l’ objection de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président,
2125 ion de conscience (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président, Un étudiant en théologie, qui suit depuis deux ans mes cou
2126 puis deux ans mes cours, René Bugnot, comparaîtra le 27 juin devant le tribunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup
2127 cours, René Bugnot, comparaîtra le 27 juin devant le tribunal militaire que vous présidez. J’ai beaucoup d’estime pour M.
2128 able de s’enthousiasmer autant que de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastor
2129 e de s’indigner. Les motifs de son objection sont les mêmes que ceux de sa vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité
2130 vocation pastorale. Ils relèvent de sa fidélité à l’ idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom des
2131 ration s’est formée et qu’elle prétend défendre : le respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’
2132 dre : le respect du prochain et de sa différence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut c
2133 fférence, la liberté de jugement et d’expression, le droit d’opposition. On peut certes discuter, contester certaines appl
2134 us moquons de ces idéaux, ou si nous condamnons à la prison ceux qui se réclament en toute conscience, qu’aurons-nous enco
2135 u’aurons-nous encore à défendre en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sa
2136 ore à défendre en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prendre
2137 cation routinière de ses lois ceux qui commettent la faute de croire à ses fondements moraux et politiques. Des jeunes gen
2138 tre en accord leur foi intime et leur action dans la communauté, comment ne pas voir qu’ils sont au moins d’aussi bons Sui
2139 ivisme, ne font leur service que pour faire comme les autres ? Où sont en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les r
2140 e pour faire comme les autres ? Où sont en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté
2141 nt en vérité les meilleurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout
2142 eurs Suisses ? Quelles sont les raisons d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement
2143 ns d’être de la communauté confédérale ? Si c’est l’ ordre à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, l
2144 uté confédérale ? Si c’est l’ordre à tout prix et l’ écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feron
2145 t l’écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feront mieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’
2146 égal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feront mieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’est la liberté,
2147 ieux que nous : voir Budapest et Prague. Si c’est la liberté, vous acquitterez René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait l’acqui
2148 s acquitterez René Bugnot. Ou plutôt, il faudrait l’ acquitter, et peut-être le voudriez-vous mais je sais bien que vous n’
2149 Ou plutôt, il faudrait l’acquitter, et peut-être le voudriez-vous mais je sais bien que vous n’avez pas le droit formel.
2150 udriez-vous mais je sais bien que vous n’avez pas le droit formel. Dans ces conditions, pourquoi ne pas condamner « pour l
2151 ces conditions, pourquoi ne pas condamner « pour la forme », en saisissant l’occasion de dénoncer — parce qu’elle est sca
2152 ne pas condamner « pour la forme », en saisissant l’ occasion de dénoncer — parce qu’elle est scandaleuse et honteuse pour
2153 lle est scandaleuse et honteuse pour notre pays — l’ absence de toute espèce de reconnaissance légale de l’objection de con
2154 sence de toute espèce de reconnaissance légale de l’ objection de conscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La vé
2155 nscience en Suisse et d’un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semb
2156 teur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le temps où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de
2157 er le temps où de tels exercices rejoindront dans l’ Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que
2158 où de tels exercices rejoindront dans l’Histoire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudre
2159 toire les procès de sorcières. J’espère, Monsieur le président, que vous voudrez bien excuser la liberté que je prends en
2160 sieur le président, que vous voudrez bien excuser la liberté que je prends en m’adressant à vous si franchement et longuem
2161 vous faire part de mes convictions de citoyen. Me le pardonnerez-vous en pensant aux efforts que j’ai faits — et ne cesser
2162 esserai de faire — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le compren
2163 — pour expliquer notre pays, par la parole et par l’ écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ?
2164 ays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons en commun le
2165 par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons en commun le souci du bien public
2166 e le comprend pas toujours ? Nous avons en commun le souci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’
2167 en commun le souci du bien public et cherchons à le servir chacun à sa manière. C’est de cette conviction que je m’autori
2168 science difficile. Veuillez être assuré, Monsieur le président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab.
2169 assuré, Monsieur le président, de mes sentiments les plus distingués et dévoués.ad ab. Rougemont Denis de, « Denis de
2170 ab. Rougemont Denis de, « Denis de Rougemont et l’ objection de conscience », Journal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p.
2171 urnal de Genève, Genève, 30 juin 1969, p. 9. ac. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Vendredi dernier, le tribuna
2172 précédé du chapeau suivant : « Vendredi dernier, le tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot
2173 nt : « Vendredi dernier, le tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, pour
2174 tribunal militaire de la 1re Division a condamné le jeune René Bugnot, pour avoir refusé, pour la seconde fois, de se pré
2175 eine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’autorisera, en vertu des nouvea
2176 subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’ autorisera, en vertu des nouveaux règlements qui marquent à cet égard
2177 égard une évolution certaine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par l
2178 lution certaine, à travailler durant la journée à l’ Hôpital. Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente
2179 e, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’ a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprudence
2180 la journée à l’Hôpital. Il l’a également exclu de l’ armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militaire
2181 taire de cassation qui permet désormais également l’ exclusion pour les objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine
2182 n qui permet désormais également l’exclusion pour les objecteurs de conscience non recrutés. Cette peine est identique à ce
2183 fois. Et il ne pouvait en être autrement. Car si le juge n’est plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’il n’est plus t
2184 ment. Car si le juge n’est plus obligé d’aggraver la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive en matière
2185 la peine du fait qu’il n’est plus tenu compte de la récidive en matière d’objection de conscience, il ne peut cependant g
2186 emière. Au cours de cette audience, une lettre de l’ écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par le président d
2187 in et professeur Denis de Rougemont a été lue par le président du Tribunal. Une copie nous a été transmise que nous publio
2188 commentaire suivant de Bernard Béguin, intitulé «  Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant de la vie intellectuelle su
2189 « Le “tout ou rien” » : « Personne, au courant de la vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nier [
2190 ères années, n’osera nier [de] Denis de Rougemont les titres dont il se réclame pour parler de mission ou démission de la S
2191 se réclame pour parler de mission ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moral
2192 ssion ou démission de la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il po
2193 la Suisse. Nul non plus n’a le droit de contester le témoignage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont
2194 orte sur un homme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admett
2195 omme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la pris
2196 n’est pas difficile, d’autre part, d’admettre que la prison, à titre répressif, correctif ou préventif, est une peine trop
2197 peine trop sommaire pour répondre équitablement à l’ aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de v
2198 de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne sont
2199 roblème soit étudié. En revanche, nous ne pouvons le suivre dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’un statut de
2200 défaut d’un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des êtres sans âmes.
2201 un État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités du citoyen-soldat u
2202 nt des hommes qui acceptent leur service non dans l’ indifférence ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des choi
2203 acceptent leur service non dans l’indifférence ou l’ ignorance, mais dans la connaissance lucide des choix que poserait un
2204 non dans l’indifférence ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des choix que poserait un conflit armé. La statis
2205 ce lucide des choix que poserait un conflit armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une in
2206 serait un conflit armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience ne sont qu’une infime minorité. Humainement
2207 ité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de la mission morale du pays, non. »
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
2208 ougemont répond (4 juillet 1969)ae af Monsieur le rédacteur en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettr
2209 us publiez à mon insu, sous un titre trompeur, je le crains. Car ce titre semble annoncer une prise de position de princip
2210 le annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit
2211 prise de position de principe sur le problème de l’ objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple tém
2212 cause personnelle, et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus la tête du président. Si j’avais voulu traiter publi
2213 et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus la tête du président. Si j’avais voulu traiter publiquement de l’objecti
2214 ésident. Si j’avais voulu traiter publiquement de l’ objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en parti
2215 t un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il es
2216 m de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus d
2217 fallu peser le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armé
2218 r le pour et le contre, et surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus
2219 surtout dans le cas de la Suisse, pays où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire obje
2220 sse, pays où il est le plus difficile de défendre l’ armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux
2221 où il est le plus difficile de défendre l’armée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être
2222 mée, le plus difficile de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’e
2223 e de se dire objecteur, donc le plus courageux de l’ être — si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécess
2224 objecteur, donc le plus courageux de l’être — si l’ on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de
2225 si l’on est sérieux, toutefois, ce qui n’est pas le cas, nécessairement, de tout contestataire de nos institutions. J’ai
2226 elis bien, je n’ai pas proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’
2227 as proposé qu’on fasse de lui le « dépositaire de la mission morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mais s
2228 ssion morale du pays ». Je n’ai pas demandé qu’on le décore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban de notre société
2229 demandé qu’on le décore, mais simplement qu’on ne le mette pas au ban de notre société et que l’on s’interdise de répéter
2230 on ne le mette pas au ban de notre société et que l’ on s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoye
2231 re société et que l’on s’interdise de répéter que l’ objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de soli
2232 Quant à votre sous-titre « Tout ou rien », je ne le crois pas justifié par mon texte, et vous avez raison de refuser de m
2233 pas dit « qu’à défaut d’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’ai dit seulement que si l’o
2234 qu’un État policier ». J’ai dit seulement que si l’ on choisissait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’écraseme
2235 ulement que si l’on choisissait de s’en tenir à «  l’ ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simpl
2236 sait de s’en tenir à « l’ordre à tout prix » et à l’ écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, Moscou
2237 remercier d’avoir, en publiant ma lettre, ramené l’ attention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée :
2238 ma lettre, ramené l’attention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’avait motivée : c’est ce problème qui importe se
2239 tention de vos lecteurs sur le grave problème qui l’ avait motivée : c’est ce problème qui importe seul, et qu’il faut pren
2240 qu’il faut prendre soin de poser dans ses termes les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à
2241 les plus authentiques. Veuillez croire, Monsieur le rédacteur en chef, à mes sentiments dévoués. ae. Rougemont Denis d
2242 al de Genève, Genève, 4 juillet 1969, p. 11. af. Le texte est précédé du chapeau suivant : « Nous avons publié lundi dern
2243 « Nous avons publié lundi dernier une lettre que le professeur Denis de Rougemont avait adressée le vendredi précédent au
2244 e le professeur Denis de Rougemont avait adressée le vendredi précédent au président du tribunal militaire de 1re Division
2245 objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de l’ audience publique du Tribunal, cette lettre, ou plutôt l’une de ses co
2246 n y ajouta un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alternative de la part de De
2247 mont. Celui-ci répond aujourd’hui. » Un débat sur l’ objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendra part, sera
2248 gemont prendra part, sera organisé et publié dans le Journal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’État », Journal
2249 urnal de Genève en octobre 1969 : « Entre Dieu et l’ État », Journal de Genève, Genève, n° 231, 4-5 octobre 1969, p. 14‑15.
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
2250 Pensez-vous qu’il existe une culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des
2251 re ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est la plus petite unité que l’on puisse trouver. Je suis tout à fait d’acco
2252 ulture européenne. C’est la plus petite unité que l’ on puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec l’historien angla
2253 puisse trouver. Je suis tout à fait d’accord avec l’ historien anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité d’étude int
2254 cord avec l’historien anglais Toynbee qui dit que la plus petite unité d’étude intelligible qu’on puisse prendre est une c
2255 toutes ces langues sont parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou particulières de la littérature par
2256 parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont communes
2257 ormes générales de la culture ou particulières de la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous tro
2258 la littérature par exemple, sont communes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets,
2259 nes à tous les Européens. Vous trouvez dans toute l’ Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto,
2260 es romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe
2261 s sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe. Les grandes
2262 a symphonie, que vous ne trouvez pas en dehors de l’ Europe. Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’a
2263 e, que vous ne trouvez pas en dehors de l’Europe. Les grandes écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’art roman, l
2264 es écoles d’art ont été communes à tous nos pays, l’ art roman, le gothique, le baroque, le classique, tous produits de la
2265 rt ont été communes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rom
2266 mmunes à tous nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christi
2267 s nos pays, l’art roman, le gothique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l
2268 hique, le baroque, le classique, tous produits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’influence germanique ou celtiq
2269 oduits de la Grèce, de Rome, du christianisme, de l’ influence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté indi
2270 ous avons une communauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la pre
2271 ommunauté indiscutable de culture. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabri
2272 lture. La division de la culture est apparue avec l’ école obligatoire et la presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe
2273 a culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe siècle. En peinture, v
2274 c l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le nationalisme au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’École de Par
2275 nalisme au xixe siècle. En peinture, voyez comme l’ École de Paris est peu française en vérité : Picasso, Chagall, Modigli
2276 asso, Chagall, Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et la culture, qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que l’on e
2277 st-ce que c’est ? Je ne sais pas très bien ce que l’ on entend par culture bourgeoise, parce que la culture n’a pas été fai
2278 que l’on entend par culture bourgeoise, parce que la culture n’a pas été faite par des bourgeois. La culture occidentale r
2279 e la culture n’a pas été faite par des bourgeois. La culture occidentale repose sur l’héritage gréco-romain et la théologi
2280 des bourgeois. La culture occidentale repose sur l’ héritage gréco-romain et la théologie chrétienne, transmise par des mo
2281 occidentale repose sur l’héritage gréco-romain et la théologie chrétienne, transmise par des moines au Moyen Âge. On ne pe
2282 sentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés.
2283 les ouvriers d’avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeois
2284 goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’ avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a tou
2285 is cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne ce
2286 vant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le
2287 la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné l’ avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-g
2288 ours condamné l’avant-garde et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les priso
2289 et ne cesse encore de le faire. C’est uniquement l’ avant-garde que vous trouvez dans les prisons russes. Vous n’y trouver
2290 st uniquement l’avant-garde que vous trouvez dans les prisons russes. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’art
2291 s. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’ art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans
2292 oir, là-bas, depuis cinquante ans officiellement, Le pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’est pas toujours bou
2293 s officiellement, Le pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouv
2294 s, mais il est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au po
2295 est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dan
2296 n’est pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes les dictatures communistes. Pensez-vous que n
2297 e ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes les dictatures communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une è
2298 nouvelles qui seraient à accomplir. Comme disent les Américains : « It doesn’t work », ça ne fonctionne pas, ça ne joue pl
2299 onne pas, ça ne joue plus. Ne pensez-vous pas que les revendications ne sont pas assez bien formulées ? C’est exact. On dit
2300 oi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse de la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’Université », c’
2301 ituation. Quand Sartre dit aux étudiants « cassez l’ Université », c’est absurde. Il me fait penser à ces grands-pères qui
2302 Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’ homme ? une mutation tant physique que spirituelle ? Je n’en sais rien
2303 rien. Je sais vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès est l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des poss
2304 vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès est l’ augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de cho
2305 possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu p
2306 sées à chaque individu. Le progrès n’est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un monde rendu
2307 peu probable) d’un monde rendu meilleur mais dans l’ augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons
2308 ilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a
2309 hoix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la civilisation occidentale ? C’est impossible. Paul Valéry a écrit : « 
2310 es. » C’est doublement inexact : en premier lieu, la civilisation occidentale prolonge les civilisations du Moyen-Orient,
2311 remier lieu, la civilisation occidentale prolonge les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent
2312 le prolonge les civilisations du Moyen-Orient, de la Grèce et de Rome qui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, l
2313 ui continuent à vivre en elles. En deuxième lieu, la civilisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier
2314 En deuxième lieu, la civilisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mouri
2315 lisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mourir, cela revient à dire qu
2316 qui pourrait s’épanouir ? Je n’en vois aucune. Et la Chine ? Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment diff
2317 que effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-vous
2318 inois une partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différence faites-vous entre marxisme et maoïsme ? L
2319 ifférence faites-vous entre marxisme et maoïsme ? Le maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxi
2320 tre marxisme et maoïsme ? Le maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de cert
2321 un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge. Un mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsq
2322 mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsque les étudiants chinois protestent, ils le font à coup de mitrailleuses. Il
2323 té. Lorsque les étudiants chinois protestent, ils le font à coup de mitrailleuses. Il y a probablement alors des centaines
2324 orts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le maoïsme aucun germe de civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au suc
2325 philosophiques, religieux acceptés et assumés par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée.
2326 lution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait celle qui apporterait, un ordre nou
2327 qui apporterait, un ordre nouveau, prêt à prendre la relève du désordre ancien, ce que j’appelle le « désordre établi ». C
2328 re la relève du désordre ancien, ce que j’appelle le « désordre établi ». Ces conditions idéales n’ont encore jamais été r
2329 itions idéales n’ont encore jamais été réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonienne. Les révolu
2330 été réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou b
2331 n française a abouti à la tyrannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nati
2332 de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déc
2333 sées ou bien ont abouti, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir
2334 e 1914. Un homme politique français a déclaré : «  Le pouvoir personnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en est-il du pou
2335 » Bon. Mais qu’en est-il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impers
2336 uatrième a abouti à de Gaulle. Faudrait-il saluer le régime personnel, parce qu’il conduit à un régime impersonnel ? Comme
2337 à un régime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’ apogée et la chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pa
2338 impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les ci
2339 ilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les civilisations soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fru
2340 e ne crois pas que les civilisations soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fruits, fanent et meurent. Hegel,
2341 cette idée, séduisante mais fausse. Aujourd’hui, la civilisation née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas
2342 jourd’hui, la civilisation née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui
2343 rope recouvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alime
2344 à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force d
2345 e. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment
2346 e à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé da
2347 e le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’ Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisatio
2348 e les effets de ce que l’Homme, indépendamment de la nature, a développé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l’ho
2349 oppé dans cette civilisation. Je ne crois pas que l’ homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de se
2350 sclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme paravent. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il
2351 ndances qui prennent les machines comme paravent. L’ homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité soc
2352 e. Dans un petit livre que j’ai écrit en 1946 sur la bombe atomique, je disais en post-scriptum à mes lettres : « Un derni
2353 lettres : « Un dernier mot, et dire que j’allais l’ oublier : la bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vo
2354  Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier : la bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous la laisse
2355 t pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous la laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas en sortir toute seu
2356 toute seule. On nomme des comités pour contrôler la bombe ! C’est aussi absurde que si l’on se jetait sur une chaise pour
2357 r contrôler la bombe ! C’est aussi absurde que si l’ on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de
2358 absurde que si l’on se jetait sur une chaise pour l’ empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” es
2359 pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est u
2360 d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’
2361 surdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’ homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » J
2362 qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » Je leur répon
2363 me. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par les machines. » Je leur réponds : « Je voudrais bien qu’une Rolls-Royce o
2364 Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la resp
2365 aison. Mais cela ne s’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans un
2366 ’est jamais vu. » Quelle est la responsabilité de l’ artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agran
2367 é qui s’agrandit follement, qui perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, de
2368 t follement, qui perd ses mesures, la fonction de l’ art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles effic
2369 des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l’ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à f
2370 des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l’ ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’arch
2371 s efficaces pour la sensibilité. Comme l’ont fait la statuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’architecture mé
2372 atuaire grecque avec ses dieux à formes humaines, l’ architecture médiévale avec les voûtes romanes et les flèches gothique
2373 à formes humaines, l’architecture médiévale avec les voûtes romanes et les flèches gothiques, les troubadours avec leurs p
2374 architecture médiévale avec les voûtes romanes et les flèches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’un érotisme ra
2375 avec les voûtes romanes et les flèches gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’un érotisme raffiné, les romanciers d
2376 ubadours avec leurs poèmes d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spiritue
2377 d’un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais
2378 romanciers du cycle de la Table ronde, modèles de l’ aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes
2379 le ronde, modèles de l’aventure spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils ré
2380 e spirituelle et de la passion. Mais aujourd’hui, les artistes ne fondent plus rien : ils réagissent aux mouvements affecti
2381 ifs passionnels, aux névroses et aux psychoses de l’ époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en tradui
2382 x névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les
2383 ux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’ inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants, mai
2384 onscient collectif, ils en traduisent et révèlent les courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à l’essayiste, au philo
2385 s courants, mais n’agissent plus sur eux. C’est à l’ essayiste, au philosophe lyrique, au moraliste imaginatif, de tenter d
2386 ue, au moraliste imaginatif, de tenter d’agir sur l’ époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts,
2387 te imaginatif, de tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de
2388 s et aux sensibilités. Mais encore faut-il sentir l’ époque si l’on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’ar
2389 sibilités. Mais encore faut-il sentir l’époque si l’ on veut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’art peut nous
2390 e faut-il sentir l’époque si l’on veut essayer de l’ influencer : et c’est à cela que l’art peut nous aider. Kafka nous a r
2391 eut essayer de l’influencer : et c’est à cela que l’ art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitu
2392 art peut nous aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitus des régimes policiers que la psyché moderne foment
2393 s aider. Kafka nous a révélé dès 1930 le style et l’ habitus des régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa
2394 0 le style et l’habitus des régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa démence la plus secrète. Par quoi ce
2395 s que la psyché moderne fomentait dans sa démence la plus secrète. Par quoi cette période anarchique que traverse notre si
2396 éparée ? Je vous dirais sans trop réfléchir : par le nationalisme militarisé, l’étatisme, le matérialisme capitaliste, le
2397 trop réfléchir : par le nationalisme militarisé, l’ étatisme, le matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyan
2398 hir : par le nationalisme militarisé, l’étatisme, le matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyance aux toujo
2399 itarisé, l’étatisme, le matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyance aux toujours plus grands nombres. Mais
2400 e matérialisme capitaliste, le scientisme plat et la croyance aux toujours plus grands nombres. Mais je n’ai pas envie d’é
2401 bres. Mais je n’ai pas envie d’étudier après coup l’ histoire de mon temps, ce n’est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui
2402 ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’es
2403 t pas le passé de notre désordre, mais de trouver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par
2404 car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir l’ avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste, pour essaye
2405 as là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans
2406 e, disons d’une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma j
2407 manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre c
2408 que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’ engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Q
2409 dans ma jeunesse (outre celle de l’engagement de l’ écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que cel
2410 tre celle de l’engagement de l’écrivain), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est e
2411  ? C’est en somme une morale du risque assumé, de l’ action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y t
2412 orale du risque assumé, de l’action, orientée par l’ esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera c
2413 assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pourra
2414 t, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’ époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est
2415 s et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c
2416 que fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dir
2417 ourra… Après tout, le but de la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à la fois
2418 e la société n’est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à la fois libre et responsable, tradu
2419 société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’ homme, à la fois libre et responsable, traduction simple de cette phra
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
2420 Un débat sur l’ objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai
2421 bat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’ État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis de
2422 nce : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis de Rougemont intervenait dans le
2423 l’État (4 octobre 1969)ai Le 27 juin dernier, le professeur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’un objecte
2424 le professeur Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’un objecteur de conscience en adressant au président du Trib
2425 nal militaire un témoignage que nous avons publié le 30 juin. Ce témoignage a suscité des controverses, auxquelles le déba
2426 témoignage a suscité des controverses, auxquelles le débat que nous présentons ici n’a pas la prétention d’apporter une co
2427 xquelles le débat que nous présentons ici n’a pas la prétention d’apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout
2428 n définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admet
2429 git avant tout de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’objection de conscience, c’est admettre en préalable qu
2430 de s’éclaircir les idées. Examiner le problème de l’ objection de conscience, c’est admettre en préalable que ce problème e
2431 en préalable que ce problème existe. Non pas par l’ importance du nombre de ceux qui professent l’objection et en portent
2432 par l’importance du nombre de ceux qui professent l’ objection et en portent témoignage, mais par la valeur des principes q
2433 nt l’objection et en portent témoignage, mais par la valeur des principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et
2434 et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de
2435 nous pose. Confrontée au phénomène de la guerre, l’ objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de p
2436 être envisagée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoi
2437 ée et discutée. Car ce n’est que dans la paix que l’ on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova
2438 e n’est que dans la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un c
2439 ns la paix que l’on s’interroge sur la guerre. Si l’ on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier
2440 ’on s’interroge sur la guerre. Si l’on met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-r
2441 ins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs de conscience que l
2442 des soixante-quinze objecteurs de conscience que les tribunaux militaires suisses ont condamnés en 1967 peut être rapideme
2443 condamnés en 1967 peut être rapidement esquissé : l’ objecteur est généralement de confession protestante, âgé de 20 à 26 a
2444 tionnellement plus nombreux en Suisse romande. Si la notion d’objection de conscience a été récemment étendue à des motifs
2445 motivations chrétiennes. C’est donc par elles que la discussion doit commencer. Et là, deux religions se heurtent : la rel
2446 it commencer. Et là, deux religions se heurtent : la religion civique et la religion divine. Laquelle doit primer l’autre 
2447 ux religions se heurtent : la religion civique et la religion divine. Laquelle doit primer l’autre ? C’est la première que
2448 Michel Barde. — Nous examinerons au premier chef l’ objection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction d
2449 religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astrein
2450 N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipule que tout Suisse est astreint au service
2451 isse est astreint au service militaire, alors que l’ objecteur de conscience religieux se réfère à cette même Constitution,
2452 ligieux se réfère à cette même Constitution, dont le préambule commence par une invocation « Au nom du Dieu Tout-Puissant 
2453 ut-Puissant » ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —  L’ article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de con
2454 Colonel divisionnaire Dénéréaz. — L’article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le
2455 éréaz. — L’article 49 de la Constitution garantit la liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet arti
2456 ntit la liberté religieuse et de conscience. Mais le paragraphe 5 de cet article dit qu’« on ne peut, pour cause d’opinion
2457 pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de l’ accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique es
2458 de l’accomplissement d’un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constitution ne permet pas l’objec
2459 vique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constitution ne permet pas l’objection de conscience pour raison reli
2460 ridique est clair : la Constitution ne permet pas l’ objection de conscience pour raison religieuse. Il n’y a donc aucun co
2461 son religieuse. Il n’y a donc aucun conflit entre l’ armée et l’objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstituti
2462 use. Il n’y a donc aucun conflit entre l’armée et l’ objecteur de conscience, dont l’attitude est anticonstitutionnelle et
2463 entre l’armée et l’objecteur de conscience, dont l’ attitude est anticonstitutionnelle et non pas antimilitariste. Cela do
2464 t non pas antimilitariste. Cela doit être dit car la procédure qui conduit à la sanction peut faire croire qu’il s’agit un
2465 Cela doit être dit car la procédure qui conduit à la sanction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’une opposition d
2466 ’agit uniquement d’une opposition d’intérêt entre l’ armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est
2467 ement d’une opposition d’intérêt entre l’armée et l’ objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’objecteur est anticonstit
2468 rêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. —  L’ opposition de l’objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’
2469 e et l’objecteur. Michel Barde. — L’opposition de l’ objecteur est anticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur le f
2470 ticonstitutionnelle, mais elle peut s’appuyer sur le fait que la Constitution se réfère « Au Dieu Tout-Puissant ». Christi
2471 onnelle, mais elle peut s’appuyer sur le fait que la Constitution se réfère « Au Dieu Tout-Puissant ». Christian Schaller,
2472 r, vous avez objecté pour des motifs religieux… La religion n’est pas le motif exclusif Christian Schaller. — Je ne p
2473 our des motifs religieux… La religion n’est pas le motif exclusif Christian Schaller. — Je ne pense pas qu’il y ait d
2474 — Je ne pense pas qu’il y ait de différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs religieux et pour d’
2475 religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions posées sont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent l
2476 ont communes à beaucoup d’objecteurs et dépassent le cadre strictement religieux. Bernard Béguin. — Donc vous n’invoquez p
2477 gieux. Bernard Béguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement
2478 éguin. — Donc vous n’invoquez pas le préambule de la Constitution pour vous autoriser à objecter autrement que les autres 
2479 tion pour vous autoriser à objecter autrement que les autres ? Christian Schaller. — Non. Je ne fais personnellement pas de
2480 e ne fais personnellement pas de différence entre les diverses catégories d’objecteurs. Je pense que ce qui est important,
2481 umanitaire ou autre. Michel Barde. — Avez-vous eu le sentiment, en objectant, de faire une œuvre antimilitariste — je préc
2482 challer. — Je pense plutôt anticonstitutionnelle. L’ objecteur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’
2483 eur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’ injustice d’une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen
2484 en d’une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par un
2485 osition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puis
2486 ais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous le
2487 gement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la sépa
2488 unaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation soit tell
2489 les objecteurs). D’autre part je ne pense pas que la séparation soit tellement entre militaires et objecteurs qu’entre « c
2490 rvateurs » et « progressistes », si je puis dire. L’ objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et
2491 des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres. Et
2492 très proche des militaires qui, à l’intérieur de l’ édifice, font le même travail d’une autre manière. Michel Barde. — L’o
2493 militaires qui, à l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religie
2494 même travail d’une autre manière. Michel Barde. —  L’ objecteur religieux n’est-il pas plus « intimiste » que l’objecteur hu
2495 eur religieux n’est-il pas plus « intimiste » que l’ objecteur humanitaire, attaché à renverser certaines structures ? Chri
2496 lusions. Denis de Rougemont. — Je suis frappé par la lecture de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un
2497 de cet article 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère
2498 phe 5, qui dit que dans le cas d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses devoirs religieux
2499 d’un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’ on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques
2500 on considère comme ses devoirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui l’emportent. Que veut dire alors « Au nom du Die
2501 voirs religieux, ce sont les devoirs civiques qui l’ emportent. Que veut dire alors « Au nom du Dieu Tout-Puissant », inscr
2502 ire. C’est une couverture pour quelque chose dont le contenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la reli
2503 chose dont le contenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique. C’est la religion stato-
2504 une autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique. C’est la religion stato-nationaliste fabriquée par
2505 hristianisme, à savoir la religion civique. C’est la religion stato-nationaliste fabriquée par la Révolution française et
2506 ’est la religion stato-nationaliste fabriquée par la Révolution française et par Napoléon. Il ne faut pas nous raconter d’
2507 . Il ne faut pas nous raconter d’histoires, c’est la religion qui aboutit, dans certains régimes, à ce qu’on sait : au rég
2508 nscendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’ État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite,
2509 e qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’ État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de mettre « Au nom
2510 ettre « Au nom du Dieu Tout-Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête d’une Constitution qui n’est absolument pas ch
2511 enis de Rougemont. — En cas de conflit, oui. Dans le cas du conflit prévu par cet article 49, paragraphe 8, on tranche con
2512 r cet article 49, paragraphe 8, on tranche contre la religion chrétienne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’un i
2513 la religion chrétienne. Bernard Béguin. — Contre l’ interprétation d’un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion
2514 tation d’un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triomphe. Si l’objecteur invoque son christianis
2515 ont. — C’est la religion civique qui triomphe. Si l’ objecteur invoque son christianisme, on lui dira : « Tant pis, c’est l
2516 on christianisme, on lui dira : « Tant pis, c’est le civisme. » Bernard Béguin. — C’est une interprétation personnelle du
2517 ace à celui d’une collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec le service militaire du citoyen. Moy
2518 ui, elle, a jugé le christianisme compatible avec le service militaire du citoyen. Moyen légal ou ferment d’anarchie ?
2519 rment d’anarchie ? Denis de Rougemont. — Voilà le dilemme. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils de nos p
2520 e dilemme. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Dans les conseils de nos plus petites communes, chaque séance débute en plaçan
2521 tte réunion d’une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de c
2522 ion divine ». Christian Schaller. — Mais quel est le sens de cette protection divine que l’on utilise pour la religion du
2523 s quel est le sens de cette protection divine que l’ on utilise pour la religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment la
2524 de cette protection divine que l’on utilise pour la religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’être
2525 a religion du civisme ? Est-ce que c’est vraiment la même chose d’être chrétien, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il
2526 en, et d’être civique, et d’être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. Je ne pense pas que le con
2527 être citoyen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’ esprit des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité p
2528 y a aussi l’esprit des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité première du bon citoyen, et je pense que
2529 qualité première du bon citoyen, et je pense que la critique des lois fait partie intégrante des qualités du civisme. Nou
2530 s avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’ État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus j
2531 à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamais en q
2532 tir une religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamais en question. Bernard Bégu
2533 t où le citoyen applique les lois et y obéit sans les mettre plus jamais en question. Bernard Béguin. — Tout dépend si le c
2534 ais en question. Bernard Béguin. — Tout dépend si le citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dict
2535 éguin. — Tout dépend si le citoyen est autorisé à les faire, ces lois, ou si elles lui sont dictées. Si elles ont été faite
2536 les lui sont dictées. Si elles ont été faites par la collectivité, et si elles sont amendables par elle en tout temps. Chr
2537 le en tout temps. Christian Schaller. — Eh bien ! L’ objection de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que le
2538 ience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évidence certai
2539 u’on a tendance à masquer d’habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’être citoyen
2540 d’habitude. Par exemple le fait que ce n’est pas la même chose d’être chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une p
2541 la même chose d’être chrétien et d’être citoyen. L’ objecteur prend une position particulière pour mettre en évidence un é
2542 ernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie. La désobéissance civique peut conduire à l’anarchie. Christian Schaller.
2543 narchie. La désobéissance civique peut conduire à l’ anarchie. Christian Schaller. — Vous êtes conscient de ce danger-là, m
2544 s-vous conscient aussi du danger inverse, qui est le danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la just
2545 ent aussi du danger inverse, qui est le danger de l’ obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire
2546 t le danger de l’obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne conna
2547 obéissance inconditionnelle ? La compétence de la justice militaire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les tro
2548 taire Bernard Béguin. — Vous ne connaissez pas les troupes genevoises si vous parlez d’obéissance inconditionnelle… Deni
2549 t de vue des citoyens, c’est beaucoup plus grave. Le conformisme du citoyen qui se croit bon citoyen parce qu’il fait tout
2550 qu’on lui dit, ce conformisme-là ne conduit pas à l’ anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens
2551 me-là ne conduit pas à l’anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des dict
2552 à l’anarchie, mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Bégu
2553 ctature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la dém
2554 la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le c
2555 tateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les
2556  C’est le désordre dans la démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’une collectivité dé
2557 a démocratie qui appelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’une collectivité démocratique il ne crée pa
2558 ppelle les dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocrat
2559 tique il ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantis
2560 e crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui att
2561 une constitution démocratique au lieu de chercher la réforme dans son cadre. Denis de Rougemont. — J’aimerais rappeler que
2562 re. Denis de Rougemont. — J’aimerais rappeler que le problème est celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée.
2563  J’aimerais rappeler que le problème est celui de l’ objecteur de conscience vis-à-vis de l’armée. Bernard Béguin. — Il a é
2564 t celui de l’objecteur de conscience vis-à-vis de l’ armée. Bernard Béguin. — Il a été dit clairement que le conflit était
2565 ée. Bernard Béguin. — Il a été dit clairement que le conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec l’armée. Or en effe
2566 é dit clairement que le conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec l’armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille
2567 conflit était plutôt avec la Constitution qu’avec l’ armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille les objecteurs au momen
2568 a Constitution qu’avec l’armée. Or en effet c’est l’ armée qui accueille les objecteurs au moment du recrutement, et c’est
2569 l’armée. Or en effet c’est l’armée qui accueille les objecteurs au moment du recrutement, et c’est l’armée qui les juge. L
2570 les objecteurs au moment du recrutement, et c’est l’ armée qui les juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la se
2571 rs au moment du recrutement, et c’est l’armée qui les juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la section du recr
2572 nt du recrutement, et c’est l’armée qui les juge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la section du recrutement.
2573 uge. Le colonel divisionnaire Dénéréaz a commandé la section du recrutement. Dans quel cadre agissent les colonels recrute
2574 section du recrutement. Dans quel cadre agissent les colonels recruteurs qui font face à l’objecteur pour la première fois
2575 agissent les colonels recruteurs qui font face à l’ objecteur pour la première fois, quand il n’a même pas 20 ans, qu’il n
2576 nt chaque année. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300,
2577 e. Sur ce nombre, environ 300, pour l’ensemble de la Suisse, parlent d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une at
2578 s 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’ armée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la
2579 rd de l’armée et acceptent d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont
2580 t d’être incorporés dans le service de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. V
2581 connaissez leur doctrine — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans l
2582 ne — je simplifie : il y a le royaume de Dieu, et le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Sa
2583 t le royaume de Satan. On est soldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous accepton
2584 ldat de Dieu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service d
2585 eu dans le ciel, ou soldat de Satan sur la terre. Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tou
2586 Les directives ? Nous acceptons d’incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux,
2587 incorporer dans le service de santé tous ceux qui le désirent. Nous avons besoin d’eux, et cela montre que si nous n’avons
2588 e que si nous n’avons pas en droit un statut pour les objecteurs nous l’avons en fait. L’objecteur peut accomplir ses devoi
2589 s pas en droit un statut pour les objecteurs nous l’ avons en fait. L’objecteur peut accomplir ses devoirs civiques sans s’
2590 statut pour les objecteurs nous l’avons en fait. L’ objecteur peut accomplir ses devoirs civiques sans s’opposer à sa prop
2591 iques sans s’opposer à sa propre conscience. Pour les autres, l’officier de recrutement cherche encore une fois à les conva
2592 ’opposer à sa propre conscience. Pour les autres, l’ officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis
2593 officier de recrutement cherche encore une fois à les convaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus d
2594 cherche encore une fois à les convaincre puis il les incorpore ; s’ils persistent dans leur refus de servir, ils arrivent
2595 nt dans leur refus de servir, ils arrivent devant les tribunaux militaires. Bernard Béguin. — Colonel Vaucher, comment la j
2596 aires. Bernard Béguin. — Colonel Vaucher, comment la justice militaire prend-elle ce problème : défi constitutionnel et dé
2597 elle ce problème : défi constitutionnel et défi à l’ armée, lorsqu’il s’agit de juger ceux qui ne sont pas encore citoyens,
2598 leur premier refus de servir ? Colonel Vaucher. —  La justice militaire est compétente parce que la loi le dit. Nous, offic
2599 . — La justice militaire est compétente parce que la loi le dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions au
2600 justice militaire est compétente parce que la loi le dit. Nous, officiers de justice militaire, nous ne verrions aucun inc
2601 ire, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leu
2602 sionnaire Dénéréaz. — Jugez-vous des mineurs dans les tribunaux militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous pouvons les juger.
2603 militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous pouvons les juger. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peu
2604 les juger. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qu
2605 de. — Il y en a qui se présentent à 19 ans devant les tribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circo
2606 ribunaux. Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’ examen des circonstances atténuantes. Colonel divisionnaire Dénéréaz.
2607 déterminons notre compétence. Nous ne pouvons pas la récuser. Bernard Béguin. — Pouvez-vous maintenant définir la punition
2608 Bernard Béguin. — Pouvez-vous maintenant définir la punition ? Colonel Vaucher. — La punition de l’objecteur de conscienc
2609 intenant définir la punition ? Colonel Vaucher. —  La punition de l’objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour
2610 r la punition ? Colonel Vaucher. — La punition de l’ objecteur de conscience pour motifs religieux, ou pour motifs moraux,
2611 fs moraux, philosophiques, peut être atténuée par le tribunal. Au lieu de l’emprisonnement tout court, on prononce l’empri
2612 s, peut être atténuée par le tribunal. Au lieu de l’ emprisonnement tout court, on prononce l’emprisonnement à subir sous l
2613 lieu de l’emprisonnement tout court, on prononce l’ emprisonnement à subir sous le régime des arrêts répressifs ; ou bien,
2614 court, on prononce l’emprisonnement à subir sous le régime des arrêts répressifs ; ou bien, on peut aussi prononcer direc
2615 fs ; ou bien, on peut aussi prononcer directement les arrêts répressifs. La différence n’est pas seulement théorique : les
2616 ussi prononcer directement les arrêts répressifs. La différence n’est pas seulement théorique : les arrêts répressifs sont
2617 fs. La différence n’est pas seulement théorique : les arrêts répressifs sont limités à trois mois au maximum, tandis que l’
2618 sont limités à trois mois au maximum, tandis que l’ emprisonnement peut être plus long. Bernard Béguin. — Mais est-ce que
2619 être plus long. Bernard Béguin. — Mais est-ce que les arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit commun ? C
2620 droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des pr
2621 e sont subis dans des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont autorisés à travailler pendant la journ
2622 de conscience sont autorisés à travailler pendant la journée dans des établissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais
2623 ve, ce sera Saint-Antoine, et ils travailleront à l’ hôpital cantonal. Bernard Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’un gar
2624 Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés de l’ exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, j
2625 ous ne sommes pas chargés de l’exécution. Ce sont les cantons qui en sont chargés. Et nous n’avons, je dois dire, jamais eu
2626 jamais eu de plainte de la part des condamnés sur les conditions de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’on ne p
2627 de détention. Michel Barde. — Il est évident que l’ on ne peut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs de conscience
2628 t que l’on ne peut éviter toute promiscuité, mais les objecteurs de conscience disposent de cellules tout à fait séparées.
2629 de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribun
2630 ns une prison de droit commun. Colonel Vaucher. —  Les tribunaux militaires jugent en majorité des honnêtes gens, c’est vrai
2631 ent aux objecteurs de conscience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’indiscipline, qui n’ont pas fait l
2632 as fait leur service par négligence, ou parce que les conditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudic
2633 à leur causaient un grave préjudice financier. Je les considère tous comme des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour
2634 comme des hérétiques ? Christian Schaller. — À la limite, on pourrait étendre votre définition et dire que tous les gen
2635 ourrait étendre votre définition et dire que tous les gens qui vont devant les tribunaux, ou à peu près, viennent pour des
2636 inition et dire que tous les gens qui vont devant les tribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes de discipline. J’a
2637 un délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit l’ honnêteté. Vous pouvez le considérer comme arbitraire, mais il existe.
2638 n Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouvez le considérer comme arbitraire, mais il existe. Et d’autre part nous avo
2639 onséquent il y a une très grande différence entre l’ infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colon
2640 a une très grande différence entre l’infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnair
2641 différence entre l’infraction à la discipline et l’ infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’a
2642 infraction à la discipline et l’infraction contre le Code pénal. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’aimerais que le colon
2643 Colonel divisionnaire Dénéréaz. — J’aimerais que le colonel Vaucher parle du sursis.   Colonel Vaucher. — Depuis 1950, l
2644 rle du sursis.   Colonel Vaucher. — Depuis 1950, le Code militaire n’autorise plus de prononcer comme peine accessoire la
2645 autorise plus de prononcer comme peine accessoire la privation des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscie
2646 bénéficier, sauf s’ils déclarent être disposés à l’ avenir à faire leur service. L’article 32 du Code pénal militaire, qui
2647 nt être disposés à l’avenir à faire leur service. L’ article 32 du Code pénal militaire, qui est absolument pareil au Code
2648 il au Code pénal suisse sur ce point, précise que le sursis ne peut être accordé que lorsque le tribunal a la conviction q
2649 se que le sursis ne peut être accordé que lorsque le tribunal a la conviction que cette mesure détournera l’accusé de comm
2650 is ne peut être accordé que lorsque le tribunal a la conviction que cette mesure détournera l’accusé de commettre de nouve
2651 bunal a la conviction que cette mesure détournera l’ accusé de commettre de nouvelles infractions. Quelques tribunaux milit
2652 ilitaires ont essayé de dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se
2653 de dire qu’ils n’avaient pas la conviction, mais l’ espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se présenterait au ser
2654 ls n’avaient pas la conviction, mais l’espoir que le jeune homme réfléchirait et qu’il se présenterait au service militair
2655 rvice militaire. Ces jugements ont été cassés par le tribunal militaire de cassation : conformément à la jurisprudence de
2656 tribunal militaire de cassation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut
2657 ssation : conformément à la jurisprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que si le ju
2658 risprudence de tous les tribunaux pénaux suisses, le sursis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais
2659 ux suisses, le sursis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’ob
2660 un espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’ objecteur est forcément condamné, puisque les conditions objectives d’
2661 lors, l’objecteur est forcément condamné, puisque les conditions objectives d’une infraction (art. 81 du Code pénal militai
2662 aire : refus de servir) sont réalisées. Mais avec les atténuations dont nous avons parlé. Bernard Béguin. — Ces atténuation
2663 nt venues d’un malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pen
2664 ait excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vaucher
2665 ution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ? Colonel Vaucher. — C’est le législateur qui a modifié la
2666 étée par les tribunaux ? Colonel Vaucher. — C’est le législateur qui a modifié la loi, à la suite de débats concernant l’o
2667 nel Vaucher. — C’est le législateur qui a modifié la loi, à la suite de débats concernant l’objection de conscience, devan
2668 a modifié la loi, à la suite de débats concernant l’ objection de conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La
2669 bats concernant l’objection de conscience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. — La condamnation est forcément prononc
2670 ience, devant les Chambres. Denis de Rougemont. —  La condamnation est forcément prononcée lorsque les conditions objective
2671 — La condamnation est forcément prononcée lorsque les conditions objectives sont réunies, disiez-vous ? Colonel Vaucher. — 
2672 es sont réunies, disiez-vous ? Colonel Vaucher. —  L’ intention subjective de faire défaut au service doit être aussi réalis
2673 propos d’un de mes étudiants pour qui j’avais de l’ estime, parce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les chose
2674 ce qu’il avait déjà été condamné une fois, et que les choses semblaient se présenter de telle manière qu’il serait certaine
2675 l serait certainement condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne changerait certain
2676 nt pas son fusil d’épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours puni
2677 épaule — après avoir refusé de le porter. J’ai eu l’ impression que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès
2678 oir refusé de le porter. J’ai eu l’impression que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’aut
2679 que les objecteurs étaient toujours punis, et que le procès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les conditions
2680 ès n’avait pas d’autre objet que de déterminer si les conditions objectives de l’objection de conscience étaient réunies. C
2681 que de déterminer si les conditions objectives de l’ objection de conscience étaient réunies. C’est ainsi que cela se passa
2682 C’est ainsi que cela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonsta
2683 ela se passait au Moyen Âge dans les tribunaux de l’ Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les motifs
2684 aux de l’Inquisition. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les motifs. On cherchait uniquement la constatation ob
2685 n. On ne cherchait pas du tout les circonstances, les motifs. On cherchait uniquement la constatation objective que le pers
2686 irconstances, les motifs. On cherchait uniquement la constatation objective que le personnage était un hérétique. Après ça
2687 herchait uniquement la constatation objective que le personnage était un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à dis
2688 . Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le ca
2689 le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’ idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne com
2690 ors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique,
2691 té un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’ objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement
2692 que, dans le cas de l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré le f
2693 un hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré le fait qu’il était objecteur. On tient compte des circonstances atté
2694 ntes Colonel Vaucher. — Ce n’est pas exact. Si l’ objecteur bénéficie de circonstances atténuantes ou exculpantes, il se
2695 lonel Vaucher. — Mais oui, bien sûr, mais en fait le cas ne se présente pas. Quand acquitte-t-on le meurtrier ? S’il est t
2696 it le cas ne se présente pas. Quand acquitte-t-on le meurtrier ? S’il est totalement irresponsable. Un objecteur totalemen
2697 i. C’est évident. Mais je n’en ai jamais vu. Tous les objecteurs que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de malad
2698 d Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherchent la condamnation. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques. Les civi
2699 hent la condamnation. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques. Les civils plus intolérants que l’armée Colonel Vau
2700 n. Denis de Rougemont. — Comme les hérétiques. Les civils plus intolérants que l’armée Colonel Vaucher. — Nous écouto
2701 es hérétiques. Les civils plus intolérants que l’ armée Colonel Vaucher. — Nous écoutons très longuement leurs motifs
2702  Nous écoutons très longuement leurs motifs, nous les demandons, car si ces motifs ne sont ni religieux, ni moraux, ni phil
2703 ilosophiques, alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice d’un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement to
2704 bénéfice d’un traitement plus favorable, et c’est l’ emprisonnement tout court. Bernard Béguin. — M. Schaller va me répondr
2705 va me répondre parce que j’ai dit qu’il cherchait la condamnation. Christian Schaller. — Je voudrais répondre également au
2706 rais répondre également au grand juge Vaucher que le tribunal apprécie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin
2707 nt au grand juge Vaucher que le tribunal apprécie les motifs de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où de
2708 tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’ accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut p
2709 x valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d
2710 conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’ objecteur cherche sa condamnation. Il accepte la loi. (Il pourrait s’y
2711 e l’objecteur cherche sa condamnation. Il accepte la loi. (Il pourrait s’y soustraire en se faisant réformer.) Mais sans s
2712 n se faisant réformer.) Mais sans se soustraire à la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifie
2713 isant réformer.) Mais sans se soustraire à la loi l’ objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esp
2714 soustraire à la loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malg
2715 loi l’objecteur cherche à montrer les failles de la loi, et à modifier l’esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut s
2716 he à montrer les failles de la loi, et à modifier l’ esprit du législateur. Ce qui malgré tout peut se faire, puisque les l
2717 lateur. Ce qui malgré tout peut se faire, puisque les lois changent. Colonel Vaucher. — Je voudrais répondre encore à M. de
2718 Je voudrais répondre encore à M. de Rougemont que l’ appréciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nou
2719 que l’appréciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la v
2720 ation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des objecte
2721 eine. Nous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs principes. Enfin nous n
2722 s pas perpétuellement. Autrefois, il arrivait que l’ on prononce trois condamnations. C’était trop. Maintenant à la deuxièm
2723 xième condamnation au plus tard, nous excluons de l’ armée et c’est fini. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Vous parlez de
2724 e tribunaux civils. Je crois que dans notre pays, l’ armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêm
2725 civils. Je crois que dans notre pays, l’armée et le peuple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêmes personna
2726 euple sont si intimement mêlés que vous retrouvez les mêmes personnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des offi
2727 lés que vous retrouvez les mêmes personnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en r
2728 e Rougemont. — Je n’ai absolument rien dit contre l’ armée en tant que telle. Je parle contre un certain état d’esprit que
2729 d’esprit que je trouve beaucoup plus répandu chez les civils que chez les officiers. Les civils sont souvent absolument int
2730 ve beaucoup plus répandu chez les civils que chez les officiers. Les civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont
2731 s répandu chez les civils que chez les officiers. Les civils sont souvent absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas
2732 absolument intolérants. Ils n’ont absolument pas la compréhension que vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont d
2733 s. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exactement le contraire dans nos jugements. Denis de Rougemont. — Effectivement, da
2734 ements. Denis de Rougemont. — Effectivement, dans l’ armée je n’ai pas entendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à l
2735 ntendu ça. Colonel Vaucher. — Je tiens beaucoup à le dire : nous ne représentons pas l’armée au tribunal militaire. Nous r
2736 ens beaucoup à le dire : nous ne représentons pas l’ armée au tribunal militaire. Nous représentons le peuple, et si le peu
2737 l’armée au tribunal militaire. Nous représentons le peuple, et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines
2738 nal militaire. Nous représentons le peuple, et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres
2739 ns le peuple, et si le peuple suisse veut déférer le jugement de certaines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le
2740 ines causes à d’autres instances, eh bien ! qu’il le fasse. Bernard Béguin. — Colonel divisionnaire Dénéréaz, vous command
2741 ntraindre au service militaire des hommes qui ont l’ objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Le Tri
2742 itaire des hommes qui ont l’objection chevillée à l’ âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Le Tribunal militaire ne juge
2743 illée à l’âme ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —  Le Tribunal militaire ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le
2744 ire Dénéréaz. — Le Tribunal militaire ne juge pas l’ objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — p
2745 re ne juge pas l’objecteur de conscience. Il juge le citoyen qui ne veut pas servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’est
2746 servir — parce qu’il est objecteur. Ce n’est pas la même chose. Colonel Vaucher. — Nous ne manquons pas de leur dire chaq
2747 nquons pas de leur dire chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire
2748 e chaque fois : « Vous avez le droit de critiquer l’ armée. Tout ce qu’on vous demande c’est de faire votre service. Nous n
2749 aire votre service. Nous ne vous demandons pas de l’ aimer, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. — L’objecteur de c
2750 r, ni d’en être partisan. » Denis de Rougemont. —  L’ objecteur de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’armée est
2751 de conscience n’est pas quelqu’un qui trouve que l’ armée est mal faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un pro
2752 l’armée est mal faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un problème formidable qui est posé aujourd’hui, surtou
2753 formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans la période atomique qui change tout à mon sens. Bernard Béguin. — Quand
2754 mon sens. Bernard Béguin. — Quand vous dites que l’ objection n’est pas de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’o
2755 . — Quand vous dites que l’objection n’est pas de l’ antimilitarisme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un statu
2756 as de l’antimilitarisme, il faut bien voir que si l’ on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment
2757 bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’ objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui défend
2758 e à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appareil qui défendra les institutions. Ce que
2759 ’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’ appareil qui défendra les institutions. Ce que l’objecteur nous expliq
2760 a le sentiment qu’il vise l’appareil qui défendra les institutions. Ce que l’objecteur nous explique mal quand il veut lutt
2761 l’appareil qui défendra les institutions. Ce que l’ objecteur nous explique mal quand il veut lutter contre la guerre, en
2762 eur nous explique mal quand il veut lutter contre la guerre, en Suisse, c’est qu’il s’attaque en même temps à un appareil
2763 ttaque en même temps à un appareil militaire dont les obligations constitutionnelles et les structures excluent toute initi
2764 itaire dont les obligations constitutionnelles et les structures excluent toute initiative à l’extérieur, et qui ne peut ag
2765 les et les structures excluent toute initiative à l’ extérieur, et qui ne peut agir qu’en autodéfense. Service civil et
2766 faut pas confondre soldat et militarisme. Mais si l’ on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’e
2767 ondre soldat et militarisme. Mais si l’on discute l’ efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, da
2768 militarisme. Mais si l’on discute l’efficacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’efficacité, dans notre monde a
2769 cacité de la non-violence, il faut aussi discuter l’ efficacité, dans notre monde actuel, de notre système de défense. On n
2770 de défense. On ne peut plus raisonner au temps de la bombe atomique comme au temps de Morgarten. On peut dire — je l’ai en
2771 ue comme au temps de Morgarten. On peut dire — je l’ ai entendu dire par des officiers supérieurs — qu’on se prépare très c
2772 la dernière guerre. Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vi
2773 objecteurs, est de savoir : que faisons-nous dans le monde où nous vivons ? Est-ce que nous nous contentons d’appliquer le
2774 ons ? Est-ce que nous nous contentons d’appliquer les recettes du passé — qui ont toujours si bien marché — ou bien est-ce
2775 faire que simplement assurer notre prospérité et la défendre par nos moyens traditionnels ? Est-ce que la Suisse, c’est u
2776 éfendre par nos moyens traditionnels ? Est-ce que la Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou est-ce qu’
2777 tionnels ? Est-ce que la Suisse, c’est uniquement la conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ?
2778 système militaire, tel qu’il est maintenant, avec l’ armée que nous avons, est certainement un élément positif, en dépit de
2779 est certainement un élément positif, en dépit de la bombe atomique dont on parle beaucoup sans en connaître les effets. P
2780 atomique dont on parle beaucoup sans en connaître les effets. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la
2781 s. Par deux fois déjà, nous avons été maintenus à l’ écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort p
2782 fois déjà, nous avons été maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible que
2783 le : 40 divisions massées à notre frontière avant l’ affaire des Balkans… le grand état-major allemand a estimé que ce n’ét
2784 es à notre frontière avant l’affaire des Balkans… le grand état-major allemand a estimé que ce n’était pas suffisant. Dema
2785 que ce n’était pas suffisant. Demain ? Nous avons l’ armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissanc
2786 ’était pas suffisant. Demain ? Nous avons l’armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vo
2787 ut-être ? Christian Schaller. — Pas du tout. Avec les armes conventionnelles, certainement. Colonel divisionnaire Dénéréaz.
2788 el divisionnaire Dénéréaz. — Il n’est pas dit que la bombe atomique intervienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici
2789 st pas dit que la bombe atomique intervienne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé qu
2790 nne dans les combats. Je ne veux pas faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’État ne peut pas mettre en doute, su
2791 as faire ici de la tactique. Je suis persuadé que l’ État ne peut pas mettre en doute, surtout dans notre communauté helvét
2792 doute, surtout dans notre communauté helvétique, la justification morale du service militaire, voulu par le peuple, et ac
2793 tification morale du service militaire, voulu par le peuple, et accepter d’instaurer un service civil. Numériquement, cela
2794 il y aurait de bons chrétiens qui ne portent pas les armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire t
2795 as les armes, et de mauvais chrétiens qui portent les armes. Il faut faire très attention quand on aborde ce problème, en d
2796 ce problème, en dépit de tout ce qui a été fait à l’ étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur doit se déc
2797 tel au recrutement, et qu’il ne peut assumer par la suite aucune charge d’État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a
2798 Dénéréaz. — Ce n’est pas un progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais
2799 ons-nous faire ? défendre notre pays, c’est tout. Le général Guisan l’a magnifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecte
2800 éfendre notre pays, c’est tout. Le général Guisan l’ a magnifiquement exprimé, quand il a dit : « Objecteurs de conscience 
2801 s avons reçu. » Colonel Vaucher. — Sur le plan de la justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions plu
2802 oyen — et je suis reconnaissant aux objecteurs de la faire poser — , je pense finalement qu’une armée est indispensable en
2803 t qu’une armée est indispensable en Suisse et que le service militaire obligatoire paraît la forme la plus démocratique de
2804 se et que le service militaire obligatoire paraît la forme la plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totaleme
2805 le service militaire obligatoire paraît la forme la plus démocratique de réaliser cette armée. J’ignore totalement si une
2806 urraient assurer cette défense. Mais même si elle le pouvait elle présenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de m
2807 e. Mais même si elle le pouvait elle présenterait l’ immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le milita
2808 onvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est-ce qu’un service civil
2809 Béguin. — Est-ce qu’un service civil affaiblirait l’ armée de milice ? Colonel Vaucher. — Probablement… Beaucoup de nos con
2810 el divisionnaire Dénéréaz. — Nous pourrions faire l’ économie d’abandonner notre neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre
2811 économie d’abandonner notre neutralité, adhérer à l’ OTAN, nous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une solution.
2812 re neutralité, adhérer à l’OTAN, nous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions
2813 Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions le service militaire sans doute obligatoire, nous passerions pour une pa
2814 à tout, un système international, supranational. L’ armée que nous avons actuellement en propre nous permet en cas de conf
2815 en toute indépendance. Christian Schaller. — Mais la question est bien là. Nous conservons, mais que construisons-nous ? C
2816 , mais que construisons-nous ? C’est peut-être ça la question que nous pouvons nous poser ? Colonel divisionnaire Dénéréaz
2817 ns nous poser ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. —  L’ armée n’a jamais contesté l’aide au tiers-monde. Au contraire. Denis d
2818 sionnaire Dénéréaz. — L’armée n’a jamais contesté l’ aide au tiers-monde. Au contraire. Denis de Rougemont. — La défense su
2819 tiers-monde. Au contraire. Denis de Rougemont. —  La défense suisse nous a épargné d’être hitlérisés. Il n’y a pas le moin
2820 se nous a épargné d’être hitlérisés. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus. Mais maintenant j’ai changé d’avis à cause d
2821 us. Mais maintenant j’ai changé d’avis à cause de la bombe atomique. Il n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille l
2822 n’y a aucune espèce de valeur humaine qui vaille les destructions physiques et morales qu’entraînerait la bombe atomique s
2823 destructions physiques et morales qu’entraînerait la bombe atomique sur un pays. Cela me paraît changer radicalement la va
2824 sur un pays. Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises
2825 Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. — Les grandes crises de conscienc
2826 aleur de la guerre aujourd’hui. Bernard Béguin. —  Les grandes crises de conscience sur la guerre que nous avons vécues et q
2827 rd Béguin. — Les grandes crises de conscience sur la guerre que nous avons vécues et que notre jeunesse vit actuellement s
2828 nt venues de deux guerres très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la b
2829 es très conventionnelles : la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très
2830 : la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que
2831 e et la guerre au Vietnam. Et les destructions de la bombe atomique sont très comparables à celles que nous avons tolérées
2832 déologiquement, pendant la dernière guerre, comme le bombardement de Dresde… Christian Schaller. — On peut précisément s’é
2833 — On peut précisément s’étonner que vous ayez pu le tolérer si bien sans changer de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi
2834 ger de mentalité. Bernard Béguin. — Pourquoi nous l’ avons toléré ? Parce que la victoire hitlérienne nous aurait définitiv
2835 éguin. — Pourquoi nous l’avons toléré ? Parce que la victoire hitlérienne nous aurait définitivement enlevé tout droit de
2836 sement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en Suisse. Nous ne pourrions peut-être pas le faire en Russie.
2837 faire en Suisse. Nous ne pourrions peut-être pas le faire en Russie. Mais je pense, pour ma part, que si la neutralité su
2838 re en Russie. Mais je pense, pour ma part, que si la neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir
2839 que si la neutralité suisse doit s’accompagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préférer.
2840 oir lequel des termes on va toujours préférer. Or l’ on constate qu’on a toujours consacré beaucoup d’énergie à la neutrali
2841 te qu’on a toujours consacré beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que l
2842 beaucoup d’énergie à la neutralité et bien peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que la solidarité implique d’abor
2843 peu à la solidarité. Bernard Béguin. — Parce que la solidarité implique d’abord la survie. Vous ne pouvez pas être solida
2844 éguin. — Parce que la solidarité implique d’abord la survie. Vous ne pouvez pas être solidaire si vous courez le risque de
2845 Vous ne pouvez pas être solidaire si vous courez le risque de l’anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais
2846 ez pas être solidaire si vous courez le risque de l’ anéantissement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontière
2847 ssement. Christian Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles pas
2848 Schaller. — Parfaitement. Mais les frontières de la survie ne passent plus par nos frontières. Elles passent par tous les
2849 t plus par nos frontières. Elles passent par tous les coins du monde. Nous ne pouvons pas simplement défendre les frontière
2850 du monde. Nous ne pouvons pas simplement défendre les frontières du passé sans tenir compte du fait que nos frontières actu
2851 fait que nos frontières actuelles sont celles de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particulière
2852 de la planète. Denis de Rougemont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situation
2853 emont. — On parle de la situation particulière de la Suisse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs part
2854 rée pas des devoirs particuliers aux Suisses dans la prise en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu
2855 se en considération et au sérieux, du problème de la guerre tel qu’il se présente aujourd’hui. Je me demande si on peut to
2856 stion d’une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des questions auxquelles je ne prétends pas répondr
2857  : M. Denis de Rougemont, écrivain, directeur de l’ Institut universitaire d’études européennes. Colonel divisionnaire Dén
2858 es. Colonel divisionnaire Dénéréaz, commandant de la division mécanisée 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédéral
2859 ecine, co-auteur du Sens de notre refus (Éditions La Baconnière). Direction technique : Michel Barde. Rédaction : Bernard
2860 éguin. ai. Rougemont Denis de, « Un débat sur l’ objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal de Genève, G
2861 bat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’ État », Journal de Genève, Genève, 4 octobre 1969, p. 2-3.
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
2862 « Denis de Rougemont, l’ amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il de
2863 « Denis de Rougemont, l’amour et l’ Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’une
2864 ur et l’Europe » (3-4 mars 1973)aj ak Pourquoi l’ amour est-il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée 
2865 ajeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’ amour ? C’est la question posée le plus souvent par les interviewers.
2866 pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question posée le plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de
2867 j’ai écrit sur l’amour ? C’est la question posée le plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-m
2868 our ? C’est la question posée le plus souvent par les interviewers. J’ai coutume de répondre : Dites-moi plutôt pourquoi et
2869 i et comment vous imaginez que j’aurais pu ne pas le faire, étant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’un écrivain
2870 vain véritable, et d’Europe, n’a jamais écrit sur l’ amour, là, il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons « l’invasio
2871 il y a lieu de se demander… Ceci dit, réduisons «  l’ invasion » à ses justes proportions : L’Amour et l’Occident , Comme
2872 uisons « l’invasion » à ses justes proportions : L’ Amour et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en li
2873 invasion » à ses justes proportions : L’Amour et l’ Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poch
2874 s : L’Amour et l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diabl
2875 t l’Occident , Comme toi-même (ou Les Mythes de l’ amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brè
2876 hes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur l
2877 une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur les trente volumes que j’ai publiés, ce n’est guère envahissant. N’oublie
2878 tion d’amour… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui
2879 ur… Je sais bien — mais je suis presque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être,
2880 être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre de ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophi
2881 is enfin, le centre de ma méditation écrite reste le mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour
2882 le mystère religieux, philosophique et civique de la personne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustrati
2883 igieux, philosophique et civique de la personne. L’ Amour et l’Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le dom
2884 losophique et civique de la personne. L’Amour et l’ Occident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des re
2885 ident n’en est en somme qu’une illustration dans le domaine des relations individuelles, dont l’exemple privilégié reste
2886 dans le domaine des relations individuelles, dont l’ exemple privilégié reste le couple. Votre livre Comme toi-même (ou L
2887 ns individuelles, dont l’exemple privilégié reste le couple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’ins
2888 reste le couple. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Oc
2889 e. Votre livre Comme toi-même (ou Les Mythes de l’ amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si l
2890 i-même (ou Les Mythes de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le
2891 es de l’amour) s’inscrit dans le prolongement de L’ Amour et l’Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutefois
2892 ur) s’inscrit dans le prolongement de L’Amour et l’ Occident . Si le second ne renie pas le premier, toutefois il le recti
2893 i le second ne renie pas le premier, toutefois il le rectifie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et l’
2894 ie. Comment expliquez-vous cette mutation ? Dans L’ Amour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-mêm
2895 expliquez-vous cette mutation ? Dans L’Amour et l’ Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-même , je cher
2896 tion ? Dans L’Amour et l’Occident je soulignais les contrastes, dans Comme toi-même , je cherche les complémentarités. I
2897 les contrastes, dans Comme toi-même , je cherche les complémentarités. Il n’y a pas mutation, mais maturation. J’ai voulu
2898 orains (Nabokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique
2899 et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se
2900 ierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’ amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans la v
2901 que la dialectique de l’amour-passion, exalté par l’ obstacle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèl
2902 que de l’amour-passion, exalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est v
2903 xalté par l’obstacle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherch
2904 cle qui le nie, se retrouve dans la vie du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible,
2905 e du couple le plus « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et que l’autre en tant qu’autre reste
2906 « fidèle ». S’il est vrai que la passion cherche l’ inaccessible, et que l’autre en tant qu’autre reste aux yeux de l’amou
2907 et que l’autre en tant qu’autre reste aux yeux de l’ amour exigeant le mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraien
2908 tant qu’autre reste aux yeux de l’amour exigeant le mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer u
2909 tre reste aux yeux de l’amour exigeant le mystère le mieux défendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer une alliance
2910 nce paradoxale, au sein même du mariage accepté ? L’ étrangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante
2911 e du mariage accepté ? L’étrangeté essentielle de la personne aimée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La jeun
2912 ée demeure à jamais fascinante, « passionnante ». La jeunesse dans son ensemble vit actuellement ce que nous pourrions app
2913 le vit actuellement ce que nous pourrions appeler l’ éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’a
2914 ent ce que nous pourrions appeler l’éclatement de l’ Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion com
2915 ros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’ amour-passion compris comme amour-possession de l’autre. Certains vont
2916 Certains vont jusqu’à penser qu’« il faut guérir l’ Occident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’o
2917 guérir l’Occident de sa maladie monogamique ». De l’ unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnalité
2918 cident de sa maladie monogamique ». De l’unicité, l’ amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant «
2919 ladie monogamique ». De l’unicité, l’amour va, si l’ on peut dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la
2920 De l’unicité, l’amour va, si l’on peut dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la famille » dont on par
2921 t dire, vers la « pluridimensionnalité ». Avant «  la mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du coup
2922 s la « pluridimensionnalité ». Avant « la mort de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pen
2923 de la famille » dont on parle tant, il s’agit de la mort du couple. Que pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à
2924 pensez-vous de ce phénomène qui met votre œuvre à l’ ordre du jour ? La jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre rie
2925 phénomène qui met votre œuvre à l’ordre du jour ? La jeunesse, dans son ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à
2926 ble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à un «  l’ éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le
2927 t vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de l’ Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un livr
2928 éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plu
2929 os », si j’en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’un livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions m
2930 re une persistance très remarquable des mythes de l’ amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase qui
2931 ère édition une phrase qui se termine ainsi : « … la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’adultère ». Je craig
2932  : « … la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’adultère ». Je craignais que cette observation fût « dépassée »
2933 nais que cette observation fût « dépassée ». Mais le Nouvel Observateur, qui la cite, ajoute : « Trente-cinq ans plus tard
2934 fût « dépassée ». Mais le Nouvel Observateur, qui la cite, ajoute : « Trente-cinq ans plus tard, il y a sûrement un change
2935 inq ans plus tard, il y a sûrement un changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion
2936 sources de malheur sont réduites en Occident, et la proportion réservée à l’adultère s’est largement accrue. » Me voici d
2937 réduites en Occident, et la proportion réservée à l’ adultère s’est largement accrue. » Me voici dépassé, mais dans mon sen
2938 voici dépassé, mais dans mon sens ! Il reste que l’ amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolis
2939 ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’ amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imaginati
2940 l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt s
2941 ion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’ alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expre
2942 me la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’ imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de tran
2943 sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humaine,
2944 es expressions d’un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que la pas
2945 aine, trop humaine. Rien n’a fait plus de mal que la passion, ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que le couple,
2946 ni créé plus de beauté, en Occident. Je pense que le couple, fondement du rapport humain le plus total, survivra sans trop
2947 pense que le couple, fondement du rapport humain le plus total, survivra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La
2948 vra sans trop de mal à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domin
2949 mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adept
2950 des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix millions d’adeptes fervents, pour dix lecteurs souc
2951 r dix lecteurs soucieux de William Reich. Quant à l’ érotisme, que je définis comme « l’usage non procréateur du sexe » — j
2952 Reich. Quant à l’érotisme, que je définis comme «  l’ usage non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de
2953 r du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de l’ espèce contre la démographie galopante. Quand la population ratière de
2954 y vois un mécanisme de défense de l’espèce contre la démographie galopante. Quand la population ratière devient trop nombr
2955 e l’espèce contre la démographie galopante. Quand la population ratière devient trop nombreuse pour la nourriture disponib
2956 la population ratière devient trop nombreuse pour la nourriture disponible, les rats deviennent homosexuels. Mécanisme cyb
2957 ent trop nombreuse pour la nourriture disponible, les rats deviennent homosexuels. Mécanisme cybernétique. Et nul besoin de
2958 Et nul besoin de philosopher à son propos, comme l’ a fait avec tant de talent Georges Bataille. Fasciné par la problémati
2959 avec tant de talent Georges Bataille. Fasciné par la problématique de l’amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes
2960 Georges Bataille. Fasciné par la problématique de l’ amour qui vous a permis de toucher aux phénomènes religieux, culturels
2961 ez parallèlement développé vos propres thèses sur l’ Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont po
2962 re ces deux pôles d’attraction que sont pour vous l’ amour d’une part, l’Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’A
2963 attraction que sont pour vous l’amour d’une part, l’ Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et l’Occident .
2964 l’Europe d’autre part ? Mon titre vous répond : L’ Amour et l’Occident . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le l
2965 ’autre part ? Mon titre vous répond : L’Amour et l’ Occident . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le lien Europe-
2966 ent . On m’a reproché d’avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’absence de lien Asie-amour. Je laisse de grand
2967 avoir passé trop vite sur le lien Europe-amour et l’ absence de lien Asie-amour. Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme
2968 Je laisse de grands auteurs d’Asie, comme Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le romancier hindou — répondre
2969 Suzuki, le « pape du zen » japonais, ou Raja Rao, le romancier hindou — répondre à ma place et me donner raison. Je suis r
2970 nner raison. Je suis revenu sur ce problème dans L’ Aventure occidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion
2971 u sur ce problème dans L’Aventure occidentale de l’ homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien
2972 cidentale de l’homme . J’ai essayé de montrer que la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au
2973 ue la notion de révolution n’est rien d’autre que la passion transposée au niveau collectif. Or, il n’y a de révolution qu
2974 européenne, c’est-à-dire chrétienne à sa source : le socialiste Henri de Man l’avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un
2975 rétienne à sa source : le socialiste Henri de Man l’ avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un écrivain engagé. Comment co
2976 rivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les peuples » depuis le Centre européen de la culture tel que vous voulie
2977 t continuez-vous à « fédérer les peuples » depuis le Centre européen de la culture tel que vous vouliez le faire à votre r
2978 entre européen de la culture tel que vous vouliez le faire à votre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écriva
2979 mier livre, publié à Paris en 1934, Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui est
2980 Politique de la personne et qui est exactement le contraire du sens actuel, qui est passif : embrigadement dans un part
2981 un parti. Le premier chapitre était intitulé : «  L’ engagement politique », le second : « Ridicule et impuissance du clerc
2982  Ridicule et impuissance du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Qua
2983 du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’ engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des Éta
2984 ngage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’ écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1946
2985 suis rentré des États-Unis, en 1946, j’ai vu que l’ engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé,
2986 ai vu que l’engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me suis engagé au s
2987 mais pratiquement je me suis engagé au service de l’ Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout
2988 de l’Europe, d’une société nouvelle à créer pour l’ Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir.
2989 l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est tourné vers la révolution à venir. Comment à votre avis celle-ci pourrait-elle s’opé
2990 r ? Peut-être ai-je répondu à cette question, sur le fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens  : « La révolution que j’
2991 fond, dans ma Lettre ouverte aux Européens  : «  La révolution que j’appelle, qui fera seule l’Europe et qui ne peut être
2992  : « La révolution que j’appelle, qui fera seule l’ Europe et qui ne peut être faite que par l’Europe en train de se faire
2993 seule l’Europe et qui ne peut être faite que par l’ Europe en train de se faire, consiste à déplacer le centre du système
2994 ’Europe en train de se faire, consiste à déplacer le centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe
2995 le centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble e
2996 ystème politique, non seulement de la nation vers l’ Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en même temps
2997 ment de la nation vers l’Europe, mais encore vers l’ humanité dans son ensemble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-
2998 ’humanité dans son ensemble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-il un rapport entre cette « révolution » et votre p
2999 e pamphlet de jeunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’instruction publique  ? Il y a sans doute une convergenc
3000 eunesse, qu’on vient de rééditer, Les Méfaits de l’ instruction publique  ? Il y a sans doute une convergence, mais la sit
3001 blique  ? Il y a sans doute une convergence, mais la situation actuelle est plus sérieuse que mon petit pamphlet, avouons-
3002 est plus sérieuse que mon petit pamphlet, avouons- le , car c’est l’école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit d
3003 use que mon petit pamphlet, avouons-le, car c’est l’ école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit de jeunesse que
3004 eunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu réjouissante d’exaspérer ceux qui aujourd’hui encore justifient
3005 ance dans cet avenir ? Nous n’avons pas à prédire l’ avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entretien] Denis
3006 enir ? Nous n’avons pas à prédire l’avenir mais à le faire. aj. Rougemont Denis de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l
3007 emont Denis de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’ amour et l’Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15.
3008 de, « [Entretien] Denis de Rougemont, l’amour et l’ Europe », Journal de Genève, Genève, 3–4 mars 1972, p. 15. ak. Propos
3009 de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’ avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir /
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
3010 européen ? (10-11 novembre 1973)am On connaît le problème : Genève, ville internationale, manque d’hinterland, et les
3011 ve, ville internationale, manque d’hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, r
3012 ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) des États. Or,
3013 eurs de plus en plus fictive) des États. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région appellent des solu
3014 de Genève une région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs français : vingt-trois-mille en
3015 date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’une quarantaine
3016 n rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman, une région écologique définie par la
3017 utour du Léman, une région écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome de Coint
3018 pollution du lac (affluents, usines, riverains), l’ aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa
3019 nts, usines, riverains), l’aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie déborde très
3020 is. Sa superficie déborde très largement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de
3021 on de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’ai
3022 ns industriels, commerciaux, et de services, dont l’ aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la
3023 de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfi
3024 i celle de la région de main-d’œuvre, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va de N
3025 tat-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agi
3026 ons économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « mérite », c’es
3027 leur contenu, sans plus se laisser paralyser par la fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
3028 Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)an Dans moins de de
3029 Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)an Dans moins de deux semaines le S
3030 (février 1978)an Dans moins de deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capitale mondiale de l
3031 ns moins de deux semaines le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voi
3032 es le Salon ! Genève avant le printemps redevient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’êt
3033 nt le printemps redevient la capitale mondiale de l’ automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de co
3034 evient la capitale mondiale de l’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de consommation, figure
3035 t de consommation, figure au cœur de presque tous les grands débats politiques. Rien que pour les votations du 26 février p
3036 tous les grands débats politiques. Rien que pour les votations du 26 février prochain, deux sujets sur six la concernent d
3037 tions du 26 février prochain, deux sujets sur six la concernent directement (aménagement de la place Cornavin et initiativ
3038 sur six la concernent directement (aménagement de la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’on parle d’aménageme
3039 la place Cornavin et initiative Franz Weber). Que l’ on parle d’aménagement du territoire, de reconstruction de quartiers,
3040 g, de problèmes de santé ou de chômage, en ville, la voiture est là, avec ses partisans et ses détracteurs. Voiture foncti
3041 viées à notre table ronde. De toute évidence, que l’ on y soit favorable ou non, il faut reconnaître que la voiture a très
3042 y soit favorable ou non, il faut reconnaître que la voiture a très largement débordé le cadre social, économique et polit
3043 connaître que la voiture a très largement débordé le cadre social, économique et politique qui lui avait été fixé au dépar
3044 ique qui lui avait été fixé au départ. Pour faire le point sur la « voiture dans la société moderne », nous avons demandé
3045 avait été fixé au départ. Pour faire le point sur la « voiture dans la société moderne », nous avons demandé à quatre pers
3046 départ. Pour faire le point sur la « voiture dans la société moderne », nous avons demandé à quatre personnalités de venir
3047 battre du sujet, qu’elles connaissent toutes pour l’ avoir étudié à fond, bien que sous des angles différents : Denis de Ro
3048 nt du Centre européen de la culture, professeur à l’ Institut universitaire d’études européennes, parallèlement à une œuvre
3049 t importante, étudie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est n
3050 udie depuis plus de cinquante ans le phénomène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’Avenir est notre affaire , i
3051 mène de la voiture. Dans son tout dernier livre, L’ Avenir est notre affaire , il lui a consacré un chapitre intitulé : « 
3052 chapitre intitulé : « Première histoire de fous : la voiture. » François Peyrot, ancien conseiller d’État, président du Sa
3053 iller d’État, président du Salon international de l’ automobile de Genève, tout en ne niant pas certains inconvénients qui
3054 nt pas certains inconvénients qui se rattachent à la voiture, n’en demeure pas moins un farouche partisan. Sur le plan soc
3055 social, parce qu’il estime qu’elle nous rapproche les uns des autres, sur le plan économique, parce qu’elle dispense un tra
3056 s de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a
3057 circulation à Genève. Avant d’être pour ou contre l’ automobile, il a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de pr
3058 e. Avant d’être pour ou contre l’automobile, il a l’ immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développem
3059 mobile, il a l’immense responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et
3060 responsabilité d’organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans
3061 fler, étudiant en médecine, a participé en 1976 à l’ organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne po
3062 médecine, a participé en 1976 à l’organisation de l’ Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement d
3063 sation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que
3064 Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’ aménagement de pistes cyclables à Genève. En tant que futur médecin, i
3065 l s’est bien sûr penché plus particulièrement sur les effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert d
3066 ûr penché plus particulièrement sur les effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarclens 
3067 enarclens : Denis de Rougemont, dans votre livre, L’ Avenir est notre affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’une
3068 as d’une nécessité économique quelconque, mais de l’ imagination d’un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vo
3069 ’aidant de slogans publicitaires habiles. Mais si la voiture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, a
3070 taires habiles. Mais si la voiture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansi
3071 besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’ expansion qui est la sienne depuis bientôt 100 ans ? Denis de Rougemon
3072 u, je souhaite affirmer que je ne suis pas contre l’ automobile. D’ailleurs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que l
3073 s contre l’automobile. D’ailleurs je n’aurais pas l’ outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul
3074 urs je n’aurais pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou qu
3075 pas l’outrecuidance de penser que le problème de l’ auto soit tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trouve
3076 oblème de l’auto soit tranché du seul fait que je l’ aime bien ou que je la trouve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier
3077 tranché du seul fait que je l’aime bien ou que je la trouve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine d
3078 é dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’ auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — comme une hist
3079 vre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’indique — comme une histoire de fous, suscept
3080 s à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’ indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à d
3081 L’autre histoire de fous étant, dans mon ouvrage, le développement du national-socialisme. Et j’espère qu’il n’y en aura p
3082 tion d’automobiles date de 1899 à Detroit : c’est la création du jeune Henry Ford qui s’est lancé dans cette aventure cont
3083 dans cette aventure contre laquelle tous ses amis le mettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut un immense best-se
3084 it en garde, car il n’y avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet répugnant, laid, pu
3085 avait pas de demande pour les automobiles et même les gens trouvaient cet objet répugnant, laid, puant, bruyant, mettant en
3086 répugnant, laid, puant, bruyant, mettant en fuite les enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de
3087 , puant, bruyant, mettant en fuite les enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter cett
3088 enfants et les chevaux. » Ford a alors estimé que la seule manière de surmonter cette répugnance c’était d’organiser des c
3089 des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté enfantin. Cela a très bien marché. Ensuite de quoi
3090 s brochures publicitaires de Ford, il est dit : «  L’ auto peut vous conduire n’importe où il vous plaira d’aller, pour vous
3091 orte où il vous plaira d’aller, pour vous reposer le cerveau par de longues promenades au grand air et vous rafraîchir les
3092 ongues promenades au grand air et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique des toniques, une atmosphère salubre. » Vo
3093 iques, une atmosphère salubre. » Vous remarquerez l’ humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit
3094 alubre. » Vous remarquerez l’humour noir, lorsque l’ on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la c
3095 s remarquerez l’humour noir, lorsque l’on pense à la pollution de nos villes… On voit donc très bien que la création de l’
3096 llution de nos villes… On voit donc très bien que la création de l’auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait
3097 villes… On voit donc très bien que la création de l’ auto équivaut à l’imposition d’un besoin qui n’existait pas avant. Les
3098 nc très bien que la création de l’auto équivaut à l’ imposition d’un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années,
3099 1 million et en 1924 7000 par jour. Aujourd’hui, les États-Unis produisent 12 millions de voitures par an. Ford est mort d
3100 petits enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’ État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de
3101 enfants. Il avait obtenu du gouverneur de l’État l’ interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 mile
3102 gouverneur de l’État l’interdiction absolue pour les voitures de s’approcher à plus de 5 miles de chez lui. Il avait en fa
3103 ens : On viendrait dire aujourd’hui, M. Peyrot, à l’ utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et
3104 aujourd’hui, M. Peyrot, à l’utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante,
3105 n et sans des années et des années de recherches. L’ auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’i
3106 des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour ma part convaincu — et n’importe quel industriel
3107 art convaincu — et n’importe quel industriel vous le confirmera — que là où il n’y a pas de besoin, il n’y a pas de fabric
3108 de notre civilisation industrielle, quel que soit le type de fabrication que l’on se propose de faire. Que Henry Ford ait
3109 trielle, quel que soit le type de fabrication que l’ on se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voitur
3110 n se propose de faire. Que Henry Ford ait dit que le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas
3111 e le besoin de voiture n’existait pas, mais qu’il l’ avait créé, n’est pas une démonstration suffisante. Les financiers qui
3112 ait créé, n’est pas une démonstration suffisante. Les financiers qui mettent des capitaux à la construction d’une usine, de
3113 isante. Les financiers qui mettent des capitaux à la construction d’une usine, demandent bien évidemment que cette usine p
3114 nel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque le danger que pouvait apporter l’automobile. Il aura donc fait cette déc
3115 éjà à cette époque le danger que pouvait apporter l’ automobile. Il aura donc fait cette déclaration dans un moment d’angoi
3116 qui a affirmé qu’il n’y avait pas de besoin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Jacob Roffler : R
3117 soin pour la voiture, mais tous ses amis. C’était la vox populi. Jacob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer des b
3118 parfaitement aujourd’hui, au niveau social, créer le besoin d’utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campa
3119 hui, au niveau social, créer le besoin d’utiliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que vous devez
3120 iliser la voiture, notamment lorsque vous habitez la campagne et que vous devez vous rendre en ville pour travailler. Mais
3121 ler. Mais aussi sur le plan des loisirs. Regardez l’ affiche du Salon 78 : « La voiture vous rend indépendant. » Mais rien
3122 n des loisirs. Regardez l’affiche du Salon 78 : «  La voiture vous rend indépendant. » Mais rien n’est plus faux. En auto,
3123 er des horaires au même titre que si vous preniez le train. Vous partez en vacance non pas le samedi matin, mais le vendre
3124 preniez le train. Vous partez en vacance non pas le samedi matin, mais le vendredi soir pour éviter les embouteillages. D
3125 s partez en vacance non pas le samedi matin, mais le vendredi soir pour éviter les embouteillages. Denis de Rougemont : Vo
3126 e samedi matin, mais le vendredi soir pour éviter les embouteillages. Denis de Rougemont : Vous dites, M. Peyrot, là où il
3127 e production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son ex
3128 on possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérience p
3129 Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve contraire. Son expérience peut être opposée à une déclaration
3130 n. François Peyrot : Permettez-moi d’observer que l’ on ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie,
3131 ne peut pas tirer d’une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en v
3132 e sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a
3133 placer en vérité absolue. M. Ford n’a pas inventé l’ automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans
3134 e. M. Ford n’a pas inventé l’automobile. Il a été le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Den
3135 le pionnier de sa fabrication standardisée, dans la ligne de Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinqua
3136 ures que d’inventeurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’industrie automobile. II Hubert de Senarclens :
3137 nteurs. Il a été de toute évidence le créateur de l’ industrie automobile. II Hubert de Senarclens : On parle de la
3138 ile. II Hubert de Senarclens : On parle de la voiture qui rapproche, qui libère, qui rend indépendant. Aujourd’hui
3139 ibère, qui rend indépendant. Aujourd’hui pourtant le développement effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les ava
3140 Aujourd’hui pourtant le développement effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transpo
3141 t effréné de la voiture n’a-t-il pas « torpillé » les avantages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture perme
3142 ntages de ce mode de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une libert
3143 aisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses
3144 de culture même. Grâce à elle les gens partent à l’ aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’i
3145 antité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découvrir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la pr
3146 rir autrement, à pied ou à vélo. Vous demandez si la prolifération des autos n’en a pas réduit les avantages. Mais c’est c
3147 z si la prolifération des autos n’en a pas réduit les avantages. Mais c’est certain qu’elle les a réduits en partie. La « b
3148 réduit les avantages. Mais c’est certain qu’elle les a réduits en partie. La « belle époque » où seules les familles aisée
3149 is c’est certain qu’elle les a réduits en partie. La « belle époque » où seules les familles aisées roulaient en voiture e
3150 réduits en partie. La « belle époque » où seules les familles aisées roulaient en voiture est dépassée. L’élévation du niv
3151 amilles aisées roulaient en voiture est dépassée. L’ élévation du niveau de vie — et je m’en félicite — a fait que beaucoup
3152 ite — a fait que beaucoup ont aujourd’hui accès à l’ automobile. Une personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est con
3153 ients. Un autre aspect qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté
3154 ct qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est u
3155 signe de la civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez le n
3156 ples. C’est un point primordial. Si vous comparez le nombre de véhicules par habitant en Occident par rapport à l’Union so
3157 véhicules par habitant en Occident par rapport à l’ Union soviétique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la populat
3158 étique, il n’y a aucune commune mesure : 0,5 % de la population en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, vous
3159 ulation en URSS, 50 % aux USA. Dès que vous créez la voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pou
3160 USA. Dès que vous créez la voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pourront aussi se déplacer e
3161 e vous créez la voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pourront aussi se déplacer en voiture, i
3162 u d’habitation. Jacob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous save
3163 acob Roffler : Vous avez énuméré les avantages de la voiture qui soi-disant rendrait libre. Mais vous savez très bien que
3164 très bien que lorsque vous prenez votre véhicule le matin pour aller travailler, vous êtes continuellement pressés, stopp
3165 n « stress » que vous ressentez. Vous avez évoqué la culture. Je parlerais plutôt d’anti-culture, car quoi de plus abrutis
3166 d’anti-culture, car quoi de plus abrutissant que les conditions de conduite sur nos routes ? François Peyrot : Mais il fau
3167 t : Mais il faut faire un bilan ! C’est clair que l’ on peut mentionner des avantages comme des inconvénients. L’important
3168 mentionner des avantages comme des inconvénients. L’ important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis
3169 e des inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou négatif. À mon avis il est immensément positif,
3170 . Il ne s’agit nullement — comme on voudrait nous le faire croire dans certains milieux — d’être pour ou contre, d’en avoi
3171 ontre, d’en avoir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple
3172 e le problème à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple type du danger qui consiste à accepter ou promo
3173 une dimension absolument puérile. La voiture est l’ exemple type du danger qui consiste à accepter ou promouvoir des innov
3174 it des millions. Il ne s’est jamais interrogé sur les conséquences au niveau social, économique, sur la vie morale des gens
3175 es conséquences au niveau social, économique, sur la vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence tota
3176 u social, économique, sur la vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai
3177 son chemin de Damas. On voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes
3178 n voit d’ailleurs très bien le préadolescent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueu
3179 cent dont le fantasme préféré est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents ont passé par là.
3180 référé est de s’enfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie de se débarra
3181 nfuir sur les routes, au hasard. Le fugueur. Tous les adolescents ont passé par là. L’envie de se débarrasser de tout et de
3182 e fugueur. Tous les adolescents ont passé par là. L’ envie de se débarrasser de tout et de ne connaître aucune entrave. Il
3183 ut et de ne connaître aucune entrave. Il opposait la voiture au chemin de fer qui lui est réglé et n’offre aucune possibil
3184 ssentiellement à aller travailler. Autre aspect : le rendement de l’automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’u
3185 aller travailler. Autre aspect : le rendement de l’ automobile — sur le plan technique — est l’inverse d’un succès. C’est
3186 ent de l’automobile — sur le plan technique — est l’ inverse d’un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais re
3187 verse d’un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qui soit. Les Américains ont calculé que leurs
3188 achines qui a le plus mauvais rendement qui soit. Les Américains ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’éner
3189 éricains ont calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitess
3190 t calculé que leurs voitures rejettent le 87 % de l’ énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne d
3191 énergie qu’elles consomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était
3192 lculé que la vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts
3193 es dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’ heure. Donc à partir de buts qui étaient au départ parfaitement accept
3194 taient au départ parfaitement acceptables, même à la limite romantiques, on constate que la voiture a donné exactement le
3195 es, même à la limite romantiques, on constate que la voiture a donné exactement le contraire : un rendement minable, des v
3196 es, on constate que la voiture a donné exactement le contraire : un rendement minable, des villes invivables, et des embou
3197 bühl : Je pense qu’il faudrait davantage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture
3198 il faudrait davantage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que telle.
3199 ent de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que telle. Car on pourrait adresser exactement les mê
3200 nt que telle. Car on pourrait adresser exactement les mêmes critiques à d’autres produits, dans d’autres secteurs. Pourquoi
3201 , dans d’autres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et vo
3202 utres secteurs. Pourquoi ne retenir que le cas de la voiture ? Il faut prendre en considération l’individu et voir les con
3203 de la voiture ? Il faut prendre en considération l’ individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme.
3204 faut prendre en considération l’individu et voir les conséquences de son comportement sur l’urbanisme. Au niveau du compor
3205 et voir les conséquences de son comportement sur l’ urbanisme. Au niveau du comportement, il faut reconnaître qu’il y a tr
3206 ut reconnaître qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’ac
3207 urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un
3208 ître les déplacements à pied et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé, « consomme » des t
3209 rès dispersé, « consomme » des terrains, gaspille les zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais le problème c’est que
3210 es zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais le problème c’est que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leu
3211 est un aspect négatif. Mais le problème c’est que les gens aujourd’hui ont appris à se servir de leur voiture comme d’un in
3212 instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en servent pour venir travailler. Jacob Roffler : Ce qu
3213 ravailler. Jacob Roffler : Ce que je déplore dans l’ évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande
3214  : Ce que je déplore dans l’évolution actuelle de l’ urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à
3215 e dans l’évolution actuelle de l’urbanisme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilise
3216 isme, c’est la place beaucoup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des zone
3217 coup trop grande faite à la voiture et à ceux qui l’ utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure continuent c
3218 t des besoins fondamentaux des familles. Regardez les structures autour des grands ensembles, tout est bétonné en fonction
3219 nbühl a parfaitement raison de mettre en évidence le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette d
3220 ement raison de mettre en évidence le problème de l’ individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme
3221 nce le problème de l’individu plutôt que celui de la voiture. Car de cette dernière, comme de n’importe quel objet, vous p
3222 aise utilisation. On vit dans une civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire façon d’elle. Ce qui me cho
3223 lle. Ce qui me choque c’est qu’on veut absolument la charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine inte
3224 ue c’est qu’on veut absolument la charger de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation des chose
3225 ne saine interprétation des choses. Nul doute que l’ extraordinaire prolifération du nombre de véhicules pose des problèmes
3226 vent être apportées. Certains sont pour accroître l’ importance des transports en commun, d’autres au contraire pour favori
3227 s en commun, d’autres au contraire pour favoriser la liberté du trafic, tout est possible. Mais on ne peut seulement préco
3228 le. Mais on ne peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne
3229 peut seulement préconiser de rayer la voiture de la surface du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’a dit. Mais
3230 e du globe… Denis de Rougemont : Cela personne ne l’ a dit. Mais je voudrais reprendre mon propos initial. En moins de cinq
3231 dre mon propos initial. En moins de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de
3232 En moins de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économiq
3233 quante ans la voiture est devenue le numéro un de l’ industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véritab
3234 est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’ index de la conjoncture économique c’est véritablement la General Moto
3235 le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et ensui
3236 de la conjoncture économique c’est véritablement la General Motors et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps les num
3237 rs et ensuite Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnelle
3238 is fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui m’impressi
3239 de face à cette réalité si je suis pour ou contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus auc
3240 contre la voiture, je dois convenir que c’est de la rigolade. Cela n’a plus aucune importance. Je parlais de bouleverseme
3241 Je parlais de bouleversements. C’est en raison de l’ auto que le pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occide
3242 de bouleversements. C’est en raison de l’auto que le pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occidentale dépen
3243 est en raison de l’auto que le pétrole est devenu le produit dont toute l’économie occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-
3244 o que le pétrole est devenu le produit dont toute l’ économie occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-vous qu’à l’origine on
3245 occidentale dépend aujourd’hui. Pensez-vous qu’à l’ origine on avait compté avec cela ? Est-ce qu’on aurait accepté de ren
3246 ela ? Est-ce qu’on aurait accepté de rendre toute l’ économie occidentale dépendante des caprices de quelques émirs du golf
3247 émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire que l’ on ne peut traiter d’une question aussi grave en demandant simplement
3248 nt simplement aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de l’industrie automobile française réunis dans une émission de m
3249 nt aux gens s’ils sont pour ou contre. Les PDG de l’ industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 h
3250 z-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est de l’ enfantillage. III Hubert de Senarclens : Entraver le développem
3251 llage. III Hubert de Senarclens : Entraver le développement de la voiture ou son utilisation, affirment ses partisa
3252 bert de Senarclens : Entraver le développement de la voiture ou son utilisation, affirment ses partisans, c’est porter att
3253 rtisans, c’est porter atteinte aux libertés. Mais les opposants prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’État pour
3254 Mais les opposants prétendent, de leur côté, que l’ intervention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, es
3255 s prétendent, de leur côté, que l’intervention de l’ État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus
3256 é, que l’intervention de l’État pour faire face à l’ extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas c
3257 ention de l’État pour faire face à l’extension de la voiture, est de plus en plus brutale et ne tient pas compte des intér
3258 t pas compte des intérêts régionaux. Alors, entre les deux libertés, laquelle choisir ? François Peyrot : La vérité n’est n
3259 ux libertés, laquelle choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre d
3260 rot : La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’ État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veil
3261 rité n’est ni d’un côté ni de l’autre. L’État est l’ arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu
3262 iller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre les activités des individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation
3263 ctivités des individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en fave
3264 it allusion à la démocratisation des décisions de l’ État. Je suis pour ma part en faveur d’un système politique démocratiq
3265 s pouvoirs et sa représentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à no
3266 résentativité. Je suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système démocrati
3267 suis contre la descente de tous les pouvoirs dans la masse, car c’est s’opposer à notre système démocratique. Prenez l’exe
3268 st s’opposer à notre système démocratique. Prenez l’ exemple très actuel de l’initiative Franz Weber : on ne veut pas recon
3269 ème démocratique. Prenez l’exemple très actuel de l’ initiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs const
3270 itiative Franz Weber : on ne veut pas reconnaître les pouvoirs constitutionnellement accordés à un gouvernement ou à un par
3271 re comme essentielle cette prise de conscience de la menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’automob
3272 tte prise de conscience de la menace qui pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté
3273 nscience de la menace qui pèse sur la démocratie. L’ utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté du plus grand n
3274 pèse sur la démocratie. L’utilisation abusive de l’ automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à cons
3275 ie. L’utilisation abusive de l’automobile entrave la liberté du plus grand nombre. On en vient à construire des autoroutes
3276 ruire des autoroutes à côté de villages, sans que la population concernée soit consultée. L’initiative Weber peut justemen
3277 sans que la population concernée soit consultée. L’ initiative Weber peut justement amener la population à une prise de co
3278 nsultée. L’initiative Weber peut justement amener la population à une prise de conscience. Comme vous le savez, chaque ann
3279 population à une prise de conscience. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut co
3280 de conscience. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de voitures augmente ; donc il faut construire davantage de ro
3281 eyrot : Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre l’ initiative qui est constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’el
3282 ve qui est constitutionnelle. Mais je suis contre le but qu’elle vise. Denis de Rougemont : Je suis bien obligé de reconna
3283 ougemont : Je suis bien obligé de reconnaître que les expropriations sont de plus en plus fréquentes et représentent une at
3284 de plus en plus brutales. Elles se font au nom de la raison d’État. Pensez aux expropriations que l’on se prépare à faire,
3285 e la raison d’État. Pensez aux expropriations que l’ on se prépare à faire, selon des déclarations officielles, à cause des
3286 es nucléaires. Il n’est plus question de demander l’ avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui for
3287 stion de demander l’avis de qui que ce soit. Nous le ferons ! disent ces messieurs qui forment ce qu’on a appelé la « chev
3288 isent ces messieurs qui forment ce qu’on a appelé la « chevalerie du nucléaire ». Les expropriations au nom des autoroutes
3289 ce qu’on a appelé la « chevalerie du nucléaire ». Les expropriations au nom des autoroutes, ou le seul fait que la Confédér
3290 e ». Les expropriations au nom des autoroutes, ou le seul fait que la Confédération puisse imposer certains tracés contre
3291 ations au nom des autoroutes, ou le seul fait que la Confédération puisse imposer certains tracés contre la volonté popula
3292 nfédération puisse imposer certains tracés contre la volonté populaire, ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite
3293 sont pas, selon moi, une illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me paraît en revanche démocratique, c’est de laiss
3294 paraît en revanche démocratique, c’est de laisser le droit aux populations de se prononcer. L’initiative Weber ne vise rie
3295 laisser le droit aux populations de se prononcer. L’ initiative Weber ne vise rien d’autre. J’ai peur que lorsque vous dite
3296 J’ai peur que lorsque vous dites, M. Peyrot, que la démocratie dépend des corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Ma
3297 corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et f
3298 s communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les communes. Les trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de comm
3299 tre fédéralisme suisse et fondé sur les communes. Les trois communes autour du Gothard. Il s’agissait de communes et non pa
3300 sont nullement de droit divin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un
3301 ivin ! François Peyrot : La loi qui a été votée à l’ époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais
3302 is Peyrot : La loi qui a été votée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas e
3303 érendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber, il aura obtenu s
3304 u de référendum. Si le peuple suisse donne raison le 26 février à M. Weber, il aura obtenu son changement et plus personne
3305 tait antidémocratique. J’ai seulement affirmé que les reproches adressés à nos autorités, en ce moment, étaient injustifiés
3306 orités agissent conformément aux lois voulues par la majorité de la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heu
3307 conformément aux lois voulues par la majorité de la population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits
3308 population. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’ heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux é
3309 ion. Jean Kräyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologique
3310 ux écologiques consiste à dire : il faut délester les zones d’habitation d’un trafic trop intense, en particulier du trafic
3311 sit. Alors d’un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas conçu pour ce genre de trafic mais, lors
3312 t pas conçu pour ce genre de trafic mais, lorsque l’ on veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de
3313 t d’accord avec vous. Seulement pour en revenir à l’ initiative Weber, elle ne demande rien d’impossible. Elle demande simp
3314 de rien d’impossible. Elle demande simplement que le peuple puisse se prononcer. François Peyrot : Rétroactivement, ce qui
3315 départ il avait demandé cela. C’est pour obliger les gens à faire attention avant de multiplier les permis de construire.
3316 er les gens à faire attention avant de multiplier les permis de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routi
3317 ltiplier les permis de construire. Une erreur que l’ on commet avec le trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop d
3318 is de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est de transporter beaucoup trop de choses en camio
3319 rter beaucoup trop de choses en camion, alors que l’ on devrait davantage utiliser le chemin de fer. Il n’y a aucune raison
3320 camion, alors que l’on devrait davantage utiliser le chemin de fer. Il n’y a aucune raison pour tout mettre sur les routes
3321 fer. Il n’y a aucune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’un point de vue économique l’avantage est également démo
3322 e sur les routes. Et d’un point de vue économique l’ avantage est également démontré. On bâtit trop d’autoroutes en Suisse.
3323 es en Suisse. Étant Neuchâtelois, je connais bien les problèmes qu’apporte la construction d’une autoroute sur le côté nord
3324 âtelois, je connais bien les problèmes qu’apporte la construction d’une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et
3325 es qu’apporte la construction d’une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraî
3326 autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terribles que cela entraîne : va-t-on passer à travers la vill
3327 bles que cela entraîne : va-t-on passer à travers la ville, va-t-on détruire les rives du lac ? Sans compter que l’on nous
3328 -t-on passer à travers la ville, va-t-on détruire les rives du lac ? Sans compter que l’on nous construit une seconde autor
3329 t-on détruire les rives du lac ? Sans compter que l’ on nous construit une seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fer
3330 elles choses, on est bien obligé de penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être possible. Hubert
3331 e Senarclens : Des récentes études ont montré que les gens sont de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voi
3332 é que les gens sont de plus en plus concernés par les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez sou
3333 plus en plus concernés par les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de Roug
3334 ncernés par les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que l’au
3335 es. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que l’ automobile avait détruit les rapports humains dans les villes et final
3336 , M. de Rougemont, que l’automobile avait détruit les rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocrati
3337 utomobile avait détruit les rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urb
3338 es rapports humains dans les villes et finalement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’urbanisme est en effet au c
3339 lement la véritable démocratie. Jean Kräyenbühl : L’ urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des tr
3340 : L’urbanisme est en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les gens
3341 problème de la circulation et des transports. On l’ a dit : de plus en plus les gens vont habiter loin du centre, à la cam
3342 n et des transports. On l’a dit : de plus en plus les gens vont habiter loin du centre, à la campagne, parce qu’ils dispose
3343 s en plus les gens vont habiter loin du centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’un véhicule. Cette tendance a cons
3344 hicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le dange
3345 tendance a considérablement modifié le visage de la ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que représe
3346 a ville. À Genève, je dois dire, on a très tôt vu le danger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà e
3347 anger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceinture 
3348 usive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et
3349 a notion de « petite ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs :
3350 ceinture » a été introduite. Le Conseil d’État et le conseil municipal ont proposé quatre objectifs : enlever du centre to
3351 proposé quatre objectifs : enlever du centre tous les courants de transit ; accorder une préférence aux transports publics,
3352 e préférence aux transports publics, surtout dans le périmètre situé à l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdire l
3353 surtout dans le périmètre situé à l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdire la construction de parkings au centre
3354 l’intérieur de la « petite ceinture » ; interdire la construction de parkings au centre en favorisant leur implantation au
3355 inture, de manière à permettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur
3356 entre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’ espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de Se
3357 ubert de Senarclens : Pourtant en ce qui concerne les transports en commun, l’État n’a pas été particulièrement rapide ! Je
3358 tant en ce qui concerne les transports en commun, l’ État n’a pas été particulièrement rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble
3359 emble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’accord sur le rôle que doivent jou
3360 la population. Tout le monde semble d’accord sur le rôle que doivent jouer les transports en commun, notamment dans les z
3361 nde semble d’accord sur le rôle que doivent jouer les transports en commun, notamment dans les zones densément peuplées où
3362 nt jouer les transports en commun, notamment dans les zones densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un app
3363 n, notamment dans les zones densément peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque l’on passe a
3364 ne devrait plus être qu’un appoint. Mais lorsque l’ on passe aux actes, plus personne n’est prêt à abandonner son véhicule
3365 à abandonner son véhicule individuel pour prendre les transports en commun. Denis de Rougemont : Vous me rappelez ce que di
3366 que disait Alfred Sauvy dans son petit livre sur l’ auto : « Les accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour
3367 Alfred Sauvy dans son petit livre sur l’auto : «  Les accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour les empêcher
3368 r l’auto : « Les accidents sont impopulaires mais les mesures prises pour les empêcher sont encore plus impopulaires ». Ce
3369 ts sont impopulaires mais les mesures prises pour les empêcher sont encore plus impopulaires ». Ce qui ne veut pas dire, bi
3370 s Peyrot : Ce que dit Jean Kräyenbühl à propos de l’ urbanisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’habitation ext
3371 us avez créé des zones d’habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouvements pendulaires avec des ge
3372 es en ville, laquelle est utilisée davantage pour les bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont deven
3373 pour les bureaux. C’est ainsi que Wall Street ou le centre de Paris sont devenus complètement morts. En ce qui concerne l
3374 nt devenus complètement morts. En ce qui concerne les parkings périphériques un point d’interrogation demeure selon moi : e
3375 nt d’interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qui va faire ses achats, acceptera de s’extraire de sa voi
3376 us en plus aujourd’hui des centres commerciaux où l’ on peut garer en sous-sol ? J’émets donc un doute sur cette politique
3377 doute sur cette politique des parkings autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévitalisation du centre com
3378 créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roffler : Si beaucoup de personnes désirent aller habite
3379 Si beaucoup de personnes désirent aller habiter à la campagne, c’est que la ville est devenue invivable. Ce qui se passe e
3380 s désirent aller habiter à la campagne, c’est que la ville est devenue invivable. Ce qui se passe en Occident, à cet égard
3381 qui se passe en Occident, à cet égard, est juste l’ inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement
3382 ident, à cet égard, est juste l’inverse de ce que l’ on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assist
3383 est juste l’inverse de ce que l’on constate dans les pays en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des p
3384 as vous assistez à un afflux des populations vers la ville, où se déroulent les activités mais également l’animation. On n
3385 ux des populations vers la ville, où se déroulent les activités mais également l’animation. On ne peut pas couper les lieux
3386 lle, où se déroulent les activités mais également l’ animation. On ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loi
3387 mais également l’animation. On ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’av
3388 couper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’ homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiqu
3389 . L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiques des cités-dortoirs où les gens se connaissent
3390 les effets catastrophiques des cités-dortoirs où les gens se connaissent à peine, ce qui débouche tôt ou tard sur des prob
3391 us avez fréquemment écrit Denis de Rougemont, que la voiture avait tué les relations humaines dans la cité. Denis de Rouge
3392 crit Denis de Rougemont, que la voiture avait tué les relations humaines dans la cité. Denis de Rougemont : Je citerai deux
3393 la voiture avait tué les relations humaines dans la cité. Denis de Rougemont : Je citerai deux penseurs français actuels 
3394 rs ouvrages nous a rendus attentifs à ce fait que la voiture, en envahissant complètement les places transformées en parki
3395 fait que la voiture, en envahissant complètement les places transformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxell
3396 nt les places transformées en parkings — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c
3397 s — pensez à la grande place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où l
3398 nde place de Bruxelles — ruine les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencont
3399 ne les bases mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se
3400 mêmes de la démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître, o
3401 démocratie, c’est-à-dire les lieux de la ville où les gens se rencontrent librement, même sans se connaître, où se formait
3402 librement, même sans se connaître, où se formait l’ opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum roma
3403 connaître, où se formait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des comm
3404 mait l’opinion et cela depuis la cité grecque. De l’ agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge qu
3405 fs que personne n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de l’automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sau
3406 n’avait pu prévoir, et qui repose le problème de l’ automobile de manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un peti
3407 fred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 —  les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’adminis
3408 8 — les choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à
3409 s — dit que le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance
3410 inistration de la ville de Paris sont consacrés à la voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’auto prioritaire
3411 voiture. Et il ajoute en substance qu’à ce jeu de l’ auto prioritaire ont été sacrifiés sans douleur, logement, enseignemen
3412 x bien qu’il mentionne Paris et non pas Genève où les choses se déroulent autrement. Mais tout de même, ce jugement est ass
3413 ême, ce jugement est assez impressionnant lorsque l’ on sait que Sauvy est non seulement professeur au Collège de France ma
3414 nce mais qu’il s’occupe chaque année du budget de la nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans des v
3415 rne dans des villes qui n’étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte, c’est clair, des problèmes presque insoluble
3416 d’accord pour penser que cette déclaration de feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des quais d
3417 pidou est une monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’automobile ». François
3418 de la Seine : « Il est temps que Paris s’adapte à l’ automobile ». François Peyrot : C’est en effet une erreur, car une vil
3419 xiste un chiffre assez « intimidant » à propos de l’ industrie automobile : 30 millions d’emplois dans les sept pays produc
3420 industrie automobile : 30 millions d’emplois dans les sept pays producteurs membres de l’OCDE. Alors toute réflexion philos
3421 emplois dans les sept pays producteurs membres de l’ OCDE. Alors toute réflexion philosophique, sociale ou politique sur la
3422 réflexion philosophique, sociale ou politique sur la voiture — qu’on le veuille ou non — n’est-elle pas neutralisée par ce
3423 ique, sociale ou politique sur la voiture — qu’on le veuille ou non — n’est-elle pas neutralisée par cette réalité économi
3424 que ? François Peyrot : En effet, si vous avez eu l’ occasion de visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’el
3425 considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’ar
3426 bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’ armement, en passant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et da
3427 allant des tracteurs à l’armement, en passant par l’ aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile,
3428 eurs à l’armement, en passant par l’aéronautique. L’ industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche su
3429 r l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien q
3430 utique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’ automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour la
3431 ébouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabrique pas directement d’automobiles — , c
3432 ns entendre parler d’emplois et de niveau de vie. La voiture y contribue de façon très importante. D’ailleurs cet aspect d
3433 sme. Je trouve merveilleux de penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a un
3434 cles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans la critique que vous faites du système en général c’est que vous insiste
3435 e en général c’est que vous insistez beaucoup sur l’ objet — en l’occurrence la voiture — mais vous insistez beaucoup moins
3436 c’est que vous insistez beaucoup sur l’objet — en l’ occurrence la voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur le sujet
3437 s insistez beaucoup sur l’objet — en l’occurrence la voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur le sujet. Jacob Roffl
3438 a voiture — mais vous insistez beaucoup moins sur le sujet. Jacob Roffler : Quatre mille personnes travaillent à l’hôpital
3439 ob Roffler : Quatre mille personnes travaillent à l’ hôpital cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies ch
3440 ut pas oublier qu’elle risque de tuer. Il y a par le monde plus de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur les rout
3441 de 200 000 personnes qui meurent chaque année sur les routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’
3442 illions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je reconnais qu’actuellement, sur le plan strictement éc
3443 voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles l’ on doit continuellement changer des pièces. Denis de Rougemont : En ce
3444 s pièces. Denis de Rougemont : En ce qui concerne l’ économie, je pense qu’il faut rester humain. Il y a des limites qui co
3445 mites qui commencent à être atteintes : celles où l’ on subordonne l’économie et en particulier l’industrie automobile à ce
3446 cent à être atteintes : celles où l’on subordonne l’ économie et en particulier l’industrie automobile à cette affaire d’em
3447 s où l’on subordonne l’économie et en particulier l’ industrie automobile à cette affaire d’emploi. Mais n’y a-t-il vraimen
3448 quer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la répo
3449 ela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas mo
3450 Je pose le problème, je ne suis pas redevable de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’auto, ce n’est pas moi q
3451 de la réponse. Car ce n’est pas moi qui ai conçu l’ auto, ce n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construc
3452 n’est pas moi qui pousse à sa multiplication ou à la construction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement éta
3453 plication ou à la construction d’autoroutes. Pour les autoroutes, il est clairement établi que loin de résoudre le problème
3454 es, il est clairement établi que loin de résoudre le problème du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le w
3455 e résoudre le problème du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’éviter le
3456 me du trafic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’éviter les autoroutes pour em
3457 fic, elles tendent à le bloquer. Écoutez la radio le week-end : on vous conseille d’éviter les autoroutes pour emprunter l
3458 la radio le week-end : on vous conseille d’éviter les autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-à-dire les
3459 conseille d’éviter les autoroutes pour emprunter les parcours « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes de campagne. C
3460 emprunter les parcours « Émeraude », c’est-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’un burlesque incroyable, digne de
3461 ourteline : on aménage des autoroutes pour rendre la circulation plus fluide mais on s’aperçoit qu’au moindre départ en va
3462 is on s’aperçoit qu’au moindre départ en vacances les voitures y sont bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à l
3463 voitures y sont bloquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur n
3464 oquées. Hubert de Senarclens : La pollution due à la voiture serait responsable de graves méfaits sur notre santé : possib
3465 faits sur notre santé : possibilité de cancer par les hydrocarbures, trouble du comportement dû au plomb, danger de l’oxyde
3466 s, trouble du comportement dû au plomb, danger de l’ oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc.
3467 ement dû au plomb, danger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chose étonne tout
3468 rler de « conspiration du silence » de la part de la grande majorité des médecins ou ces faits sont-ils fortement exagérés
3469 nt exagérés ? Jacob Roffler : Je ne pense pas que l’ on puisse parler de conspiration du silence. En fait même si certains
3470 médecins qui se soient véritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voit
3471 e soient véritablement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la sant
3472 ement penchés sur la question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’êtr
3473 a question de la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ains
3474 la voiture et de la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence
3475 e la santé. Pourtant les effets de la voiture sur la santé sont loin d’être négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir
3476 si on commence à s’apercevoir des conséquences de l’ oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq o
3477 percevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous si
3478 conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’un g
3479 omètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste
3480 nne partie est évacuée par les eaux de pluie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste par le vent. Or on sait
3481 uie avec les effets biologiques que vous devinez. Le reste par le vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de
3482 effets biologiques que vous devinez. Le reste par le vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de laboratoires
3483 devinez. Le reste par le vent. Or on sait — pour l’ avoir testé sur des animaux de laboratoires — que certains hydrocarbur
3484 sont responsables du cancer. On connaît également le taux de plomb déposé chaque année sur nos routes et qui se retrouve d
3485 aque année sur nos routes et qui se retrouve dans l’ air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur l
3486 nos routes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’ eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement
3487 utes et qui se retrouve dans l’air ou dans l’eau. L’ effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’i
3488 ve dans l’air ou dans l’eau. L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudi
3489 L’effet du plomb sur le système vasculaire ou sur le comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamm
3490 r le système vasculaire ou sur le comportement de l’ individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que des
3491 onnaissent une modification de leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable d’un certain nombre d
3492 able d’un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend une forte expansion avec l’air des villes.
3493 ronchite chronique prend une forte expansion avec l’ air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement él
3494 prend une forte expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’autre part
3495 ntablement élevé. D’autre part en ce qui concerne les accidents, je pense qu’il ne faut pas prendre uniquement en considéra
3496 l ne faut pas prendre uniquement en considération le choc ou la blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminuti
3497 as prendre uniquement en considération le choc ou la blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminution de l’esp
3498 ment en considération le choc ou la blessure mais l’ ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la
3499 la blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promot
3500 l’ensemble des suites telles que la diminution de l’ espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnel
3501 s telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte de la j
3502 inution des chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la vo
3503 chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne
3504 on professionnelle, la perte de la joie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une certaine liber
3505 ie de vivre, la douleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une certaine liberté, on paie celle-ci horriblement che
3506 nis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’est l’ aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais
3507 mont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident que nos outils ne sont jamais responsable
3508 nsables de nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’ homme. La bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque ap
3509 e nos crimes. Ce qui est dangereux c’est l’homme. La bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque apparaît lo
3510 a bombe atomique seule n’est pas dangereuse. Mais le risque apparaît lorsque vous donnez aux hommes tels qu’ils sont — fin
3511 ement assez dangereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’une manière plus modeste l’automobile. Car même en les bar
3512 uets comme la bombe ou d’une manière plus modeste l’ automobile. Car même en les baratinant, vous n’obtiendrez pas qu’ils r
3513 ne manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vous n’obtiendrez pas qu’ils restent « gentils ». Cela me
3514 ’ils restent « gentils ». Cela me rappelle ce que l’ on dit aux États auxquels on vend des centrales : « Surtout ne faites
3515 ales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, m
3516 ne usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’ utiliser… François Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de
3517 l’utiliser… François Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels so
3518 François Peyrot : Personne ne discute le fait que les gaz de voiture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfait
3519 iture sont toxiques à forte dose. Mais quels sont les méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médecins
3520 is quels sont les méfaits et leur importance dans la vie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à présent
3521 tance dans la vie courante ? C’est aux médecins à le déterminer. Et jusqu’à présent cela n’a pas tellement été fait. J’ai
3522 n’a pas tellement été fait. J’ai assisté à toutes les séances sur les règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout éta
3523 t été fait. J’ai assisté à toutes les séances sur les règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout était, je vous l’as
3524 séances sur les règlements du Conseil fédéral en la matière. Tout était, je vous l’assure, plutôt obscur. Jacob Roffler :
3525 onseil fédéral en la matière. Tout était, je vous l’ assure, plutôt obscur. Jacob Roffler : Mais alors pourquoi le Conseil
3526 lutôt obscur. Jacob Roffler : Mais alors pourquoi le Conseil fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ?
3527 Conseil fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est at
3528 pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglementation fédérale s’est attaquée très sérieusement à ce problèm
3529 e s’est attaquée très sérieusement à ce problème. Le peuple suisse a écarté l’initiative Albatros. Par contre il a fait co
3530 eusement à ce problème. Le peuple suisse a écarté l’ initiative Albatros. Par contre il a fait confiance aux dispositions d
3531 systématiquement, au cours de ce débat, minimisé les inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages
3532 cours de ce débat, minimisé les inconvénients de la voiture. François Peyrot : Et vous, ses avantages… an. Rougemont
3533 vantages… an. Rougemont Denis de, « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 f
3534 Rougemont Denis de, « Débat sur la voiture dans la société moderne », Journal de Genève, Genève, 17–19 février 1978, p. 
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
3535 Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1e
3536 s journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)ao ap Dans ma jeunesse, j’ai longtemp
3537 se, j’ai longtemps joué comme gardien de but dans les équipes de football du gymnase puis de l’Université de Neuchâtel. Ce
3538 t dans les équipes de football du gymnase puis de l’ Université de Neuchâtel. Ce que j’aimais tout particulièrement dans ce
3539 imais tout particulièrement dans ce rôle, c’était le moment de crise où je devais intervenir ; cet instant presque lyrique
3540 t une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justemen
3541 e d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ ombre des épées et dont le thème principal était justement le football
3542 t intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais beaucoup aimé ce
3543 épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais beaucoup aimé ce recueil d’essais : autant pour la
3544 s beaucoup aimé ce recueil d’essais : autant pour la manière dont Montherlant parlait du football que pour son style. Mon
3545 pour son style. Mon article fut donc publié dans La semaine littéraire, seule revue paraissant alors en Suisse romande, u
3546 Suisse romande, une semaine à peine après que je l’ aie écrit. Il s’intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les
3547 écrit. Il s’intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de l
3548 intitulait « Monsieur de Montherlant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’un échange de lettres assez
3549 ant, le sport et les jésuites » et fut pour moi à l’ origine d’un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dern
3550 rnier alla même jusqu’à m’envoyer une photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon
3551 re, impériale. « À Denis de Rougemont, colonne de la défense, son camarade, Montherlant. » J’étais bien entendu très fier
3552 ittéraires ont donc coïncidé avec ma passion pour le football. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes re
3553 nc coïncidé avec ma passion pour le football. Par la suite, j’ai eu l’occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Cam
3554 a passion pour le football. Par la suite, j’ai eu l’ occasion de rencontrer à maintes reprises Albert Camus avec qui j’ai b
3555 s une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passionnés de football et jouant, tous trois, en qua
3556 est tout de même étonnant. Si vous deviez définir le rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’individu une so
3557 ous deviez définir le rôle du sport… Je crois que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tol
3558 le du sport… Je crois que le sport doit être pour l’ individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du
3559 re pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de l’autre. Mais force est de con
3560 pect de l’autre. Mais force est de constater qu’à l’ heure actuelle cette morale est en train de fortement se dégrader en r
3561 moi, de deux facteurs particulièrement néfastes : la commercialisation à outrance de certains sports, dont certains mérite
3562 tains méritent à peine ce nom, et bien évidemment le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la grande majorité des
3563 le nationalisme, lequel s’est désormais emparé de la grande majorité des compétitions internationales, des JO en particuli
3564  ? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte le nationalisme lors des JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref le protoc
3565 me lors des JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref le protocole. Tout cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’
3566 ela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’ esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon,
3567 effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive en général. De toute façon, je ne vois vraiment pas l
3568 général. De toute façon, je ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où
3569 ne vois vraiment pas le rapport qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent de
3570 pas le rapport qui existe entre la performance de l’ athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre
3571 t qui existe entre la performance de l’athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Be
3572 où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se dérouler à Moscou. Je pense
3573 i vont se dérouler à Moscou. Je pense qu’en 1936, les démocraties occidentales ont eu le plus grand tort de participer aux
3574 e qu’en 1936, les démocraties occidentales ont eu le plus grand tort de participer aux JO. Si elles avaient refusé d’y all
3575 aisons, à savoir qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée c
3576 t pas servir la publicité d’un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se serait sans doute enga
3577 ute engagée dans des conditions bien différentes. Le peuple allemand aurait en effet commencé à remettre en cause très sér
3578 et commencé à remettre en cause très sérieusement la valeur de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes rai
3579 remettre en cause très sérieusement la valeur de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’appro
3580 de la politique menée par son gouvernement. Pour les mêmes raisons, j’approuve totalement ceux qui refusent d’aller à Mosc
3581 ement ceux qui refusent d’aller à Moscou tant que le régime soviétique continue à faire ce que l’on sait. D’autant que le
3582 que le régime soviétique continue à faire ce que l’ on sait. D’autant que le gouvernement russe a largement diffusé une br
3583 e continue à faire ce que l’on sait. D’autant que le gouvernement russe a largement diffusé une brochure, contre laquelle
3584 ailleurs vivement protesté, disant clairement que le fait que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d
3585 entier à l’égard du régime communiste soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suf
3586 égime communiste soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les
3587 te soviétique. Le fait de supprimer les hymnes et les drapeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il
3588 apeaux serait-il selon vous suffisant pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger une charte olym
3589 ment radical. D’ailleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de
3590 mbres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’ idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. U
3591 se réjouir à l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique
3592 l’idée de voir disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est
3593 oi ! On veut m’arracher mon drapeau, on en veut à l’ honneur de mon pays ! » Quand on en arrive là, je crois qu’il n’est pl
3594 question de sport mais de délire nationaliste. Et la presse sportive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans le
3595 t la presse sportive dans tout cela… Je pense que les mass médias, dans leur ensemble, sont en grande partie responsables d
3596 r ensemble, sont en grande partie responsables de la dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le lan
3597 ie responsables de la dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de j
3598 u sport. Voyez les pages sportives des journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de journalistes vont même jusqu’à écri
3599 ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si les grands sportifs imposaient leurs volontés les plus arbitraires à leur
3600 si les grands sportifs imposaient leurs volontés les plus arbitraires à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc l’
3601 olontés les plus arbitraires à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc l’air de glorifier d’affreux tyrans comme on
3602 à leurs adversaires. Les pages sportives ont donc l’ air de glorifier d’affreux tyrans comme on en a plus vu depuis Gengis
3603 régner autour du sport un climat de violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait-il don
3604 rt un climat de violence, où les pires instincts, l’ agressivité peuvent se déchaîner. Ne serait-il donc pas temps de reven
3605 revenir à une vraie morale du sport telle que je l’ admirais comme adolescent dans les premiers livres de Montherlant ?
3606 erlant ? ao. Rougemont Denis de, « [Entretien] Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal
3607 s journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans », Journal de Genève, Genève, 31 mai–1 juin 1980, p. 24. ap.
3608  24. ap. Propos recueillis par Bertrand Monnard. L’ entretien est précédé du chapeau suivant : « Né à Neuchâtel en 1906, D
3609 « Né à Neuchâtel en 1906, Denis de Rougemont est l’ écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité
3610 en 1906, Denis de Rougemont est l’écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité politique et cult
3611 ugemont est l’écrivain suisse le plus engagé dans les divers mouvements pour l’unité politique et culturelle de l’Europe. À
3612 se le plus engagé dans les divers mouvements pour l’ unité politique et culturelle de l’Europe. À travers ses nombreux livr
3613 ouvements pour l’unité politique et culturelle de l’ Europe. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’Occi
3614 ope. À travers ses nombreux livres parmi lesquels L’ Amour et l’Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité su
3615 ers ses nombreux livres parmi lesquels L’Amour et l’ Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les thème
3616 lesquels L’Amour et l’Occident demeure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. M
3617 meure sans doute le plus célèbre, il a médité sur les thèmes essentiels de notre temps. Mais, aussi surprenant que cela pui
3618 paraître, sa vocation littéraire a commencé avec le football… »
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
3619 mois, et livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Val
3620 ailler, comme la série des petits volumes d’Après l’ exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compagnons de mes mises en trai
3621 quel de Valéry, compagnons de mes mises en train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis » 
3622 ’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir constant, finale
3623  » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le plaisir constant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’une trouv
3624 est devenu tellement rare aujourd’hui ! Mais pour le reste, hélas, je n’ai pu que relire, et de très près, sept ou huit de
3625 es et augmentées en livres de poche, à paraître à l’ automne, ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule ex
3626 ces tâches bloquant tout, écriture et lectures. À la seule exception d’une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’ét
3627 aperçu à ma honte que je ne savais plus par cœur les sonnets des Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Ré
3628 ève, Genève, 9 octobre 1982, p. V. ar. Réponse à l’ enquête « Que lisent les écrivains romands ? »
3629 1982, p. V. ar. Réponse à l’enquête « Que lisent les écrivains romands ? »
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
3630 Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)as Mardi dernier, au Conservatoire
3631 e de musique de Genève, Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plus hautes distinctions littéraires de
3632 re pays, doté cette année de 25 000 francs. Après l’ introduction d’Yvette Z’Graggen et de Fritz Leutwiler (respectivement
3633 r (respectivement vice-présidente et président de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État Andr
3634 de la Fondation Schiller Suisse), Georges Anex et le conseiller d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’écrivain,
3635 nex et le conseiller d’État André Chavanne firent l’ éloge, l’un de l’écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerci
3636 ler d’État André Chavanne firent l’éloge, l’un de l’ écrivain, l’autre du citoyen engagé. Dans son remerciement, avant de p
3637 tte Europe qui lui « tient au cœur, au corps et à l’ âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que
3638 s en ferons, Denis de Rougemont expliqua pourquoi l’ essai est, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça l
3639 ns, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origines à la fois historiques et spirituelles de son engagement. Le
3640 s historiques et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en
3641 s et spirituelles de son engagement. Le choix de la Fondation Schiller Suisse — choix longuement mûri s’il en fut, puisqu
3642 e se déclare, pour notre Suisse romande, que tous les vingt ans en moyenne — je vous dirai qu’il me rassure au moins autant
3643 ce d’écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’une manière négative : c’est quelqu’un qui
3644 eule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix vous
3645 it-il vraiment partie de la littérature ? Tel est le doute qu’en me donnant votre Grand Prix vous tranchez en faveur de l’
3646 nnant votre Grand Prix vous tranchez en faveur de l’ essai comme genre légitime de la littérature. Mais il y a plus grave e
3647 chez en faveur de l’essai comme genre légitime de la littérature. Mais il y a plus grave encore dans mon cas, puisque c’es
3648 y a plus grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à
3649 st le cas d’un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur les problèm
3650 ui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face auxqu
3651 ttéraire, ou à la rigueur philosophique, mais sur les problèmes de ce temps, face auxquels il prend position, ou comme on l
3652 mps, face auxquels il prend position, ou comme on le dit, dès ce temps-là, « s’engage ». Rendons leur place aux essayist
3653 place aux essayistes ! C’est sur ces thèmes de l’ essayiste et de l’engagement de l’écrivain que je vous proposerai quel
3654 es ! C’est sur ces thèmes de l’essayiste et de l’ engagement de l’écrivain que je vous proposerai quelques très brèves r
3655 r ces thèmes de l’essayiste et de l’engagement de l’ écrivain que je vous proposerai quelques très brèves remarques. Depuis
3656 proposerai quelques très brèves remarques. Depuis le xix e siècle romantique, le grand public et la plupart des critiques
3657 ves remarques. Depuis le xix e siècle romantique, le grand public et la plupart des critiques semblent penser que la litté
3658 c et la plupart des critiques semblent penser que la littérature c’est poésie, roman, théâtre, et création littéraire sera
3659 nyme de fiction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de no
3660 iction. Voilà qui est méconnaître à tout le moins l’ histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langu
3661 qui est méconnaître à tout le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraiso
3662 le moins l’histoire de la littérature française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la gr
3663 ure française. Les chefs-d’œuvre de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style
3664 de notre langue, la floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voient guère chez les rom
3665 floraison de son vocabulaire, la grande allure et les éclats du style, ne se voient guère chez les romanciers, à part Stend
3666 e et les éclats du style, ne se voient guère chez les romanciers, à part Stendhal, ni même chez les poètes français, à part
3667 hez les romanciers, à part Stendhal, ni même chez les poètes français, à part Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Cal
3668 Baudelaire et Saint-John Perse. Mais dans Calvin, l’ initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, invent
3669 int-John Perse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais p
3670 gne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lett
3671 is précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltai
3672 le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques e
3673 du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers,
3674 polémiques et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoir
3675 ers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours
3676 ons, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’U
3677 es d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’ Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près
3678 le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valé
3679 r Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valéry de Var
3680 baud d’Une saison en enfer, et tout près de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surré
3681 rès de nous, le Valéry de Variété et de Tel Quel, l’ André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre de
3682 Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean Paulhan et Roger Caillois… Vo
3683 eption, comme toute préférence quelque injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à se
3684 injustice. Le style d’un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on l
3685 est pas à ses romans mais bien à ses essais qu’on le jugera. Rendons leur place aux essayistes dans toute littérature dign
3686 gne du nom, et surtout d’expression française. L’ avis de Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas
3687 première fois en public. On s’étonne souvent, ou l’ on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depui
3688 e souvent, ou l’on juge regrettable, que je donne le plus clair de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’action. Qu
3689 air de mes journées, depuis plus de trente ans, à l’ action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’Europe fédérée dès 1946, fonda
3690 te ans, à l’action. Qu’est-ce à dire? Action pour l’ Europe fédérée dès 1946, fondation et direction effective pendant tren
3691 ve ; présidence pendant seize ans du Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études
3692 e pendant seize ans du Congrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’Institut universitaire d’études européennes,
3693 ngrès pour la liberté de la culture, à Paris ; de l’ Institut universitaire d’études européennes, à Genève encore ; sans pa
3694 des européennes, à Genève encore ; sans parler de l’ Association européenne des festivals de musique, de l’Association des
3695 sociation européenne des festivals de musique, de l’ Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éduca
3696 ssociation des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éducation civique et d’une dizaine d’autres actions… Avec
3697 ombien depuis trente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de se
3698 ente ans, plusieurs centaines, je le crains. D’où le propos d’André Malraux, à moi transmis par l’un de ses amis espagnols
3699 de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combien d’autres ont dit ou écrit que mes engagements euro
3700 t de mon œuvre littéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix que vous me donnez aujourd’hui, non seulement ré
3701 ittéraire ». Je serais perdu pour la littérature… Le prix que vous me donnez aujourd’hui, non seulement réfute ces propos,
3702 i, non seulement réfute ces propos, mais me donne l’ occasion de m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir.
3703 0 J’oserai donc aborder sans aucune précaution la question que beaucoup se posent à mon sujet : — Pourquoi s’occupe-t-i
3704 motifs pourraient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et
3705 ient être évoquées ici : d’une part, les défis de l’ Histoire auxquels toute ma génération eut à faire face, et d’autre par
3706 e ma génération eut à faire face, et d’autre part l’ évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dir
3707 art l’évolution intérieure qui fut la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette dé
3708 t la mienne dans le même temps, je veux dire dans les années 1930 à 1940. Durant cette décennie tout s’est joué, à la fois
3709 qui m’importe ici, c’est de vous faire entrevoir l’ interaction de ces deux séries de motifs dans mon travail d’écrivain e
3710 ction d’homme, de citoyen. Je rappellerai d’abord la nature du défi que ma génération eut à relever. Arthur Kœstler l’a fo
3711 i que ma génération eut à relever. Arthur Kœstler l’ a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui
3712 elever. Arthur Kœstler l’a fort bien dit : ce fut l’ affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et
3713 t entre un mensonge total, celui des dictatures à l’ Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiqu
3714 elui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’ Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guerre entre eux deve
3715 à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guerre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à la faire, vu not
3716 rre entre eux devenait inévitable. Nous aurions à la faire, vu notre âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les tr
3717 re âge, mais ce ne serait pas notre guerre. Entre les trois régimes totalitaires et les régimes dits libéraux, adultérés pa
3718 e guerre. Entre les trois régimes totalitaires et les régimes dits libéraux, adultérés par le centralisme étatique et par l
3719 aires et les régimes dits libéraux, adultérés par le centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines,
3720 aux, adultérés par le centralisme étatique et par la soumission de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix.
3721 r le centralisme étatique et par la soumission de l’ homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions cond
3722 de l’homme à ses machines, tout en nous refusait le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement b
3723 cette formule se trouvait répondre aux questions les plus lancinantes que me posaient alors l’époque, les carences de nos
3724 stions les plus lancinantes que me posaient alors l’ époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. P
3725 plus lancinantes que me posaient alors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandr
3726 lors l’époque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation avec
3727 ues dizaines de jeunes intellectuels, avec ce que l’ on nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, « les non-conformiste
3728 n nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, «  les non-conformistes des années trente », bientôt reliés à d’autres group
3729 si d’une manière clandestine, on s’en doute, dans l’ Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues c
3730 destine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’ Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’Ord
3731 t , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931
3732 au et Hic et Nunc à Paris, à la fondation et à la vie desquelles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre.
3733 elles je fus étroitement associé dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu, n
3734 socié dès 1931 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’ eau Car la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pay
3735 1 jusqu’à la guerre. Au pain et à l’eau Car la guerre arriva, comme prévu, nous dispersant dans nos pays et leurs ar
3736 es parfois ennemies. Je fus mobilisé d’abord dans le Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’état-major général,
3737 e Jura, puis attaché au service Armée et foyer de l’ état-major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la
3738 major général, à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à P
3739 , à Berne. C’est de là que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui par
3740 e 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’ entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée
3741 article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’a
3742 itler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemain de l’ arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’appel lancé par de Gaulle
3743 in de l’arrivée au pouvoir de Pétain et veille de l’ appel lancé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une condamna
3744 ation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’ eau, sans visites ni courrier », pour « insultes à chef d’État étrange
3745 chef d’État étranger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je
3746 anger risquant de mettre en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentime
3747 en danger la sécurité de la Suisse », comme on me le précisa. En suite de quoi, je me vis gentiment poussé à partir pour N
3748 New York, chargé d’une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même plus utile là-bas, pensait-on
3749 ées américaines ? J’ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surto
3750  ? J’ai écrit quelques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par la forc
3751 ques livres, sur la Suisse, sur le diable, et sur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par la force en mon cas créat
3752 ur la bombe atomique notamment. Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’une constante et poignante nostalgie, en
3753 poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’ Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, l
3754 ostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraien
3755 l’Europe et la nécessité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définiti
3756 ité vitale de son union, si les Alliés gagnaient, la délivraient d’Hitler. Et dès mon retour définitif en Suisse, je me su
3757 uis trouvé, sans trop savoir comment, engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéral
3758 voir comment, engagé dans la lutte militante pour la fédération de nos peuples. À mes amis fédéralistes, dont beaucoup ava
3759 fédéralistes, dont beaucoup avaient milité avant la guerre dans nos groupements personnalistes, puis inspiré la Résistanc
3760 dans nos groupements personnalistes, puis inspiré la Résistance, j’ai dit que j’étais prêt à donner à leur cause deux ans
3761 vre littéraire. C’était en 1947. J’y suis encore, les deux ans sont devenus trente-cinq ans, et pourtant je ne regrette rie
3762 e-cinq ans, et pourtant je ne regrette rien, pour les raisons tout intérieures auxquelles il est temps que je vienne. Ki
3763 r une du protestantisme totalement différente, je le confesse, de celle que je gardais de mon école du dimanche. C’était l
3764 que je gardais de mon école du dimanche. C’était l’ idée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’un individu charg
3765 e du dimanche. C’était l’idée très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’une vocation unique qui
3766 re d’un individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute
3767 ividu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous convaincus de ce que « toute politique s
3768 ue « toute politique suppose une certaine idée de l’ homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu emb
3769 certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu embrigadé, le komsomol ; que les fas
3770 ue le communisme supposait un individu embrigadé, le komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près l
3771 upposait un individu embrigadé, le komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près la même conception,
3772 fascismes, noir ou brun, impliquaient à peu près la même conception, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’
3773 même conception, dictée par des buts collectifs, l’ impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ;
3774 dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’ État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanch
3775 s buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société
3776 isme de l’État ou de la race substitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et lib
3777 tes si ceux-ci n’ont pas été accomplis librement ( les juristes connaissent bien cela) et à l’inverse, personne n’est vraime
3778 brement (les juristes connaissent bien cela) et à l’ inverse, personne n’est vraiment libre de ses décisions si celles-ci n
3779 ursuivant ce raisonnement, nous observions — nous les personnalistes, précisons — que l’homme n’est responsable qu’au sein
3780 rvions — nous les personnalistes, précisons — que l’ homme n’est responsable qu’au sein d’une communauté où sa voix puisse
3781 t où n’importe qui puisse lui répondre sans avoir l’ organe de Stentor. Nous retrouvions l’idéal d’Aristote qu’il décrit da
3782 sans avoir l’organe de Stentor. Nous retrouvions l’ idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’idéal de Calvin du
3783 ’idéal d’Aristote qu’il décrit dans sa Politique, l’ idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau
3784 sa Politique, l’idéal de Calvin du même coup, et le modèle de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’appliquant a
3785 e de cité idéale que Rousseau devait reprendre en l’ appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le mod
3786 n l’appliquant aux citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon,
3787 citoyens de Genève réunis dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’u
3788 s dans la cathédrale. Le modèle suisse D’où l’ idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les
3789 Proudhon, cette fois-ci, d’une société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les tâches qui dépassent leur c
3790 dée sur les communes, s’associant en régions pour les tâches qui dépassent leur compétence ; ces régions à leur tour se féd
3791 e jusqu’au niveau continental d’une fédération de l’ Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — 
3792 niveau continental d’une fédération de l’Europe. L’ idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « trois
3793 puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assu
3794 nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’ Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’auto
3795 Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régio
3796 seulement le minimum de pouvoir capable d’assurer l’ autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la ba
3797 rer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique — 
3798 acune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction nullement utopique — voir la Suisse justem
3799 e de cette construction nullement utopique — voir la Suisse justement — une idée de l’homme que nous appelions la personne
3800 utopique — voir la Suisse justement — une idée de l’ homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fo
3801 ustement — une idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fois libre et engagé ; distin
3802 e tout autre par sa vocation, mais responsable de l’ exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus 
3803 r sa vocation, mais responsable de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur de c
3804 le de l’exercer dans la cité, par là même relié à la communauté, et même plus : créateur de cette communauté. Voilà pour l
3805 e plus : créateur de cette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie.
3806 ette communauté. Voilà pour la doctrine. J’ai dit les conséquences qu’elle a entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu po
3807 entraînées dans ma vie. M’ont-elles « perdu pour la littérature » ? J’ose dire que non. De mon action européenne, j’ai ti
3808 as. Rougemont Denis de, « Suis-je perdu pour la littérature ? », Journal de Genève, Genève, 30 octobre 1982, p. I, IV