1 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1 illet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des
2 ent » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés —
3 « crépuscule du monde occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
4 os cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse
5 mière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craint
6 de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses hab
7 et son passé, en curieux avide du secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’êt
8 avide du secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que c
9 l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psyc
10 hapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auque
11 l nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l
12 me orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusa
13 pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement une sensibilité protestante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
14 tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bie
15 meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposi
16 Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que d
17 n livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’
18 z ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une b
19 S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’ une politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contrast
20 Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréduct
21 t une beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir p
22 ge ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme,
23 e paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons
24 t. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et en
25 vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit l
26 e M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire
27 sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là
28 r là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne com
29 manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais
30 ulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supérie
31 u volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de
32 les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux h
33 ur édifier aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don d
34 plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certai
35 on de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume
36 n accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’o
37 ’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieu
38 a personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici,
39 le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligen
40 à ses origines pour garder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, juger ; préférant obsti
41 à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicates
2 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
42 sphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
43 situde à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressiv
44 ne propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des caf
45 un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autr
46 poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
47 ourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vie
48 nts dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucu
49 oncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles d
50 nira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la d
51 acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel sem
52 ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouve
53 que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
54 temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane
55 yant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient v
56 gue de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une
57 s siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la
58 autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sou
59 voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, d
60 is, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « 
61 voix agréablement rauques… Sortez pour en suivre une , arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin
62 -vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienn
63 La rue est sale à cause de la fonte de la neige ( une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), enco
64 xis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut e
65 ui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, faç
66 se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes lignes verticales, peint
67 es, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Pui
68 oute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Dan
69 re leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. A
70 ans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son a
71 bement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage,
72 cieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodé
73 palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ell
74 ries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vou
75 r qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
76 au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez q
77 Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien q
78 e bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
79 vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un r
80 s êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi.
81 Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui
82 le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompr
83 vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’e
84 é dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un
85 incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czard
86 tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dan
87 et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et arden
88 algie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, mal
89 oyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama d
90 ré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journa
3 1934, Journal de Genève, articles (1926–1982). Sara Alelia (25 mai 1934)
91 Sara Alelia (25 mai 1934)c Il y a une chose au monde plus difficile à réussir qu’un beau roman : c’est un r
92 a une chose au monde plus difficile à réussir qu’ un beau roman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chré
93 plus difficile à réussir qu’un beau roman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chrétien ? Une histoire où
94 oman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’ un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ?
95 n chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de
96 « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou
97 l’insondable Providence » mise en action au gré d’ un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serai
98 e l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire
99 bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, c
100 leu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du
101 lais du xixe — en conséquence de quoi les romans des « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquenc
102 conséquence de quoi les romans des « païens », d’ un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carrém
103 tianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’ un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien
104 Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’ un quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est certain que l’Évan
105 de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer s
106 tre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
107 ui éclatent dans ce chef-d’œuvre vous consoleront des réalités artificielles qui énervent nos vies de soucis dégradants. J’
108 s de soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à des gens de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroya
109 à quelle heure je l’ai terminé cette nuit ». — «  Des livres comme celui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de
110 fond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’ une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien plu
111 it dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que
112 une Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que celle du passant qu’on c
113 lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de fem
114 été qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vi
115 haque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vivement contrastée, et des paysa
116 de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vivement contrastée, et des paysages baignés d’une longue lu
117 ge à travers une humanité vivement contrastée, et des paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
118 té vivement contrastée, et des paysages baignés d’ une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sainte.
119 une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond
120 umière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détress
121 elle touche le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dre
122 nd de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les co
123 e humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les conventions civili
124 qui prend soin d’elle au temps de sa misère. Puis une grâce vient dans sa vie et désormais l’accompagne en secret tout au l
125 ong de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est un des gran
126 is les enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée
127 les enfants d’une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’u
128 oisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’une vie comme protago
129 s romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’ une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journal
130 la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journal de Sara commentent et rythment le déro
131 de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut une école littéraire, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que la ré
132 outenir que la réalité c’est le terne train-train des journées. Ils avaient en somme raison, tout au moins pour leur compte
133 s a su voir dans la « vie courante » de ses héros des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bou
134 et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « 
135 inalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’ un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette 
136 lette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes dé
137 tion rôde dans ces campagnes désertiques : il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ;
138 dans ces campagnes désertiques : il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être
139 rtiques : il y a des fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints qui se
140 rognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints qui se croient plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans
141 ais que tous ; surtout et jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait voir parce qu
142 neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’ une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce
143 us conterai pas « l’histoire ». Cette chronique d’ une vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt fig
144 ues enfants qui semblent incarner toute la poésie des contes scandinaves, une merveilleuse petite Eva-Margareta dont l’appa
145 incarner toute la poésie des contes scandinaves, une merveilleuse petite Eva-Margareta dont l’apparition fait songer aux p
146 ux plus radieuses créations d’Andersen. On a fait un succès depuis quelques années à tant de traductions qui ne valent pas
147 he (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même un affreux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il est une justice
148 barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il est une justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non
149 littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas un succès de saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et p
150 a Alelia, roman traduit du suédois par Anne-Marie des Courtis. Éditions « Je sers », Paris. c. Rougemont Denis de, « [Com
4 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (I) (15 février 1937)
151  ? N’allons pas en chercher l’explication au-delà des frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie p
152 et l’Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré une guerre sans merci à toutes les formes d’intelligence réfractaires à l
153 rci, la culture française est malade elle aussi d’ une maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en premier
154 souffrir en premier lieu de l’inculture relative des masses. (On lit beaucoup moins en France qu’en Suisse et qu’en Allema
155 t encore, de la condition faite aux écrivains par un état de choses libéral certes, mais anarchique, et dominé par les seu
156 je crois bien, à peu près tout de cette condition des écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et mé
157 de cette condition des écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit d
158 récemment encore, le timbre-poste vendu au profit des « intellectuels en chômage ». Ou bien l’on s’imagine un auteur à succ
159 ntellectuels en chômage ». Ou bien l’on s’imagine un auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes l
160 nes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans un murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est agréable, po
161 e on peut le voir au cinéma. C’est agréable, pour un écrivain, qu’on croie tout cela… Je doute que ce soit bien utile. Un
162 croie tout cela… Je doute que ce soit bien utile. Un membre de l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour
163 it l’autre jour quelques faits qui peuvent donner une idée assez juste du sort réel de l’écrivain. Parmi ses confrères acad
164 l’un se voit obligé de courir le monde pour faire des reportages, l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit
165 d métier, ces écrivains ! La littérature n’est qu’ un luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui
166 création artistique requiert toutes les forces d’ un homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme
167 ire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’ une solution : que l’écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devien
168 ue dix pour cent du produit de la vente. Supposez une vente normale de trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel
169 lle exemplaires pour son volume annuel, cela fait un revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les
170 revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme far
171 les de la littérature pure, et nombre d’écrivains des mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On retombe d’ailleurs ici d
172 e du fait qu’il s’agit encore d’écrire, mais dans un style qui ne saurait être celui du poète ou du philosophe, par exempl
173 pliquer que les meilleures œuvres du temps soient des cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore
174 et plus souvent encore, habilement exploités par des politiciens qui, par ailleurs, se moquent un peu de la culture ! En v
175 culture ! En vérité, il est grand temps de mettre un ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cela se sache
5 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (II) : La grande misère de l’édition (22 février 1937)
176 empiré du fait de la crise générale. Et cela pour des raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les
177 ur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute
178 vent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, l
179 oute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas des philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’être. Ils ont eux a
180 « se défendre ». Naguère encore, ils se faisaient un point d’honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux,
181 e de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige des produits standard : ni trop gros, ni trop mince, ni trop difficile. T
182 trop difficile. Tolstoï en 1937 ne trouverait pas un éditeur pour Guerre et Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! E
183 pas un éditeur pour Guerre et Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! Et l’Adolphe de Constant, ce serait bien court…
184 elles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’ un éditeur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser les me
185 meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec un débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour
186 bonnes petites histoires coquines. (Il est certes des exceptions à cette règle déplorable. Elles se font excessivement rare
187 lever le fameux projet de loi Jean Zay démasquent un autre aspect de la question : celui du contrat d’édition. Depuis la c
188 eurs ont eu recours à l’expédient suivant. Lorsqu’ un jeune auteur vient proposer son manuscrit, on lui fait signer un cont
189 vient proposer son manuscrit, on lui fait signer un contrat qui l’engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété d
190 trouveront difficilement à se faire accepter par un confrère, on l’imagine.) On escompte ainsi les succès futurs du début
191 si la célébrité se dessine, se verra prisonnier d’ un contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va
192 a de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre une fin à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’é
193 à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeu
194 es priverait de la récompense, obtenue après bien des années, pour leurs sacrifices du début… Cette polémique fait apparaît
195 niment le plan technique : c’est tout le problème des rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la n
196 meetings sportifs ? D’où vient cette désaffection des grandes masses pour la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien d
197 r la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien des écrivains ? Et avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’i
198 ment secondaire de l’édition, et du sort matériel des écrivains, ne peut laisser indifférente notre conscience de citoyens.
199 ctuels l’ont bien compris. Nous les voyons donner des soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc no
200 t-elles battre sur ce terrain, où elles disposent des meilleures armes ? Je persiste à croire, malgré tout, que c’est elles
6 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). Condition de l’écrivain (III) : Mission civique de la culture (1er mars 1937)
201 bdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien des choses. Mais d’où vient cette paresse ? D’où vient que le public se d
202 nde aussi mal contre les sollicitations vulgaires des distractions commerciales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part
203 s commerciales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce
204 en particulier la littérature, a voulu se séparer des intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le ro
205 s. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas des auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe restrein
206 auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’ une classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, q
207 ’une classe restreinte de la population. Alors qu’ un Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement la masse profond
208 restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’ un Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement la masse profonde du peuple,
209 la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’ un Zola atteignent rapidement la masse profonde du peuple, nous voyons a
210 olicier ou de quelques pornographies situées dans un grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand
211 re la pareille. Alors le champ devient libre pour une « littérature » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plair
212 e de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensations illuso
213 , c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensations illusoires au morne train-trai
214 des instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensations illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le pub
215 bitude de demander aux écrivains autre chose qu’«  une heure d’oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de
216 x écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de bureau ou d’usine. A
217 lus du tout ce qu’elle était au siècle passé pour des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exerc
218 des millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès l
219 personnes de toutes conditions : une nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les effort
220 ’il se perde en se « distinguant » volontairement des préoccupations, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autre
221 autres spéculaient commercialement sur la paresse des lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont ma
222 crivains qui ont manqué à leur fonction de guides des esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindr
223 , plus gravement qu’elle ne le croit, sans doute. Une situation si compromise ne se rétablira point par quelque truc, loi n
224 rennent le sens de leur fonction sociale avant qu’ un dictateur ne les y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit,
225 ociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on ap
226 on appelle l’oreille du peuple. Mais cela suppose une véritable révolution dans les valeurs qu’ils ont cultivées jusqu’ici 
227 qu’ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider un peuple, et pour influencer sa morale ou son intellect (je ne dis pas
228 intellect (je ne dis pas son âme, c’est l’affaire des Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communaut
229 ne croie pas que l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Ja
230 ue l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d’ un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écriv
231 uffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’ un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne travail
232 un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent qu’il est en communion
233 nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais un tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d
234 orer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’ un de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisen
235 ientôt d’être vrai : nous suivrons le cours fatal des choses. J’observais tout à l’heure que le public est à peu près ce qu
236 te. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir des écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable. La raison
237 ce qui fait sa force véritable. La raison d’être des petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le
238 unautaire qui anime la fédération. Or, la force d’ un tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seulement
239 nt. Et c’est pourquoi enfin, j’y reviens, acheter des livres et se montrer fort exigeant sur ce chapitre, ce n’est pas seul
240 erce », mais c’est aussi faire acte civique, dans une cité dont l’idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont D
7 1937, Journal de Genève, articles (1926–1982). L’Âme romantique et le rêve (23 mars 1937)
241 raités en deux gros volumes qui, au surplus, sont une thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser.
242 t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de phi
243 temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goeb
244 bels. Mais, tandis que s’élevait l’immense rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins enfin vengés, per
245 e rumeur des heil ! et la vocifération triomphale des philistins enfin vengés, perdu dans la foule exaltée je me disais : Q
246 ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’ un rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve
247 , ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’ un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant,
248 collective exprimant le désir et l’inconscient d’ un peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un p
249 itions démesurées, ses utopies qui le consolent d’ un présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel qu
250 important que de savoir la qualité, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cett
251 é, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’approuv
252 olution. À cette raison très générale d’approuver une étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert
253 ie M. Albert Béguin, viennent s’ajouter, en 1937, des opportunités plus précises d’ordre culturel et littéraire. « Toute ép
254 toute autre semble-t-il, s’est attachée à l’étude des rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’écol
255 ud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste. Une vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécond
256 osophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’ un ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. B
257 racines : M. Béguin vient de nous le donner, avec une maîtrise qui le met du coup au premier rang des historiens modernes d
258 c une maîtrise qui le met du coup au premier rang des historiens modernes de la culture. C’est en effet au romantisme allem
259 ut le mystère de la création poétique, elles font une part notable aux facteurs spirituels, religieux et métaphysiques. Tou
260 premier volume est d’ailleurs consacré à l’examen des théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la plupart des
261 oute pour la plupart des lecteurs non spécialisés une découverte pleine d’attraits : nous étions loin de nous douter de la
262 ons loin de nous douter de la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de l’inconscient
263 la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que le
264 ité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que les plus réce
265 ment discuté, se trouve déjà posé et défini, avec une ampleur admirable, par ces penseurs dont nous ignorons tout. C’est qu
266 ançaise : en exposant leur contenu essentiel avec une clarté et une précision admirables, M. Béguin rend à notre littératur
267 xposant leur contenu essentiel avec une clarté et une précision admirables, M. Béguin rend à notre littérature un service d
268 on admirables, M. Béguin rend à notre littérature un service dont on ne saurait exagérer l’importance. Je n’hésite pas à a
269 rmanique, d’autre part en déclarant et soulignant des correspondances profondes, et toutes nouvelles, entre le romantisme a
270 , Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire des contemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus av
271 ontrer l’analogie que présentent les recherches d’ un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce sera
272 ie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’ un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion d
273 herches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’ un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjug
274 par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préjugé qui veut que l
275 veurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ai
276 qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’ une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M. A
277 sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’ un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympathie
278 un esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me
279 mande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’ une telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocat
280 de croire qu’elle exprime la vocation européenne des Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers
281 français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
8 1940, Journal de Genève, articles (1926–1982). Veille d’élection présidentielle (14 novembre 1940)
282 ment où cet article atteindra la Suisse est l’une des plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’autant plus violente
283 s. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire un ensemble assez peu homogène de réformes sociales et économiques. Will
284 hef de la fraction syndicaliste la plus « rouge » des États-Unis. Relativement à la politique extérieure, l’opposition des
285 ativement à la politique extérieure, l’opposition des deux candidats n’est guère plus claire. Roosevelt a pris position con
286 usent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu des totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Roosevelt qui, en préte
287 evelt qui, en prétendant demeurer au pouvoir pour un « third term » — une troisième période de quatre ans —, sape les base
288 simplifier, qu’avec Roosevelt l’entrée en guerre des États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’est pas
289 oosevelt l’entrée en guerre des États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’est pas certain. Mais peut-ê
290 s peut-être cette nuance hypothétique joue-t-elle un rôle plus important qu’on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut bien
291 gmenter rapidement : les journaux parlent de 48 % des voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux candidat
292 te » pour les masses, c’est précisément le nombre des inconnues qu’elle met en jeu et l’instabilité caractéristique des pas
293 ’elle met en jeu et l’instabilité caractéristique des passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’une campagne viole
294 assions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’ une campagne violente. Cette épithète demande quelques explications. En E
295 s. En Europe, la violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’a
296 violence politique s’exprime par des bagarres et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amériqu
297 ue s’exprime par des bagarres et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de q
298 ue chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’ un match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œ
299 , de la passion politique, sont considérées comme des tricheries regrettables, dénotant un manque d’éducation civique très
300 érées comme des tricheries regrettables, dénotant un manque d’éducation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les dém
301 pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’ un match. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terrain
302 également les points marqués par l’un et l’autre des adversaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à pe
303 re ans — l’information reste impartiale et le ton des critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre semaine deux a
304 este impartiale et le ton des critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre semaine deux articles en regard : l’u
305 on ancien secrétaire, l’autre contre Willkie, par un de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur
306 ndant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus un Européen fraîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d’argumen
307 té de ce débat académique — recouvrant d’ailleurs des intérêts matériels et non des idées — vous trouverez des articles d’u
308 couvrant d’ailleurs des intérêts matériels et non des idées — vous trouverez des articles d’un ton beaucoup plus mordant, r
309 érêts matériels et non des idées — vous trouverez des articles d’un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances p
310 et non des idées — vous trouverez des articles d’ un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances personnelles de
311 mordant, relatifs aux circonstances personnelles des candidats. La campagne des républicains a porté, pendant plus d’une s
312 onstances personnelles des candidats. La campagne des républicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur un incident min
313 campagne des républicains a porté, pendant plus d’ une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un de
314 blicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosev
315 n incident minuscule : la promotion trop rapide d’ un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de fav
316 ncident minuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favorit
317 exploité à fond pour persuader l’Américain moyen des intentions « dictatoriales » du président. Les partisans de Willkie m
318 ésident. Les partisans de Willkie mirent en vente un bouton-insigne portant la devise : « Je voudrais, moi aussi, être nom
319 drais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode des boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’Américain n’aime guère di
320 connaître son opinion. Il délègue donc ce soin à un bouton tricolore qui proclame sur sa poitrine, avec une sobre éloquen
321 uton tricolore qui proclame sur sa poitrine, avec une sobre éloquence : « Je désire Willkie (ou Roosevelt) comme président.
322 ent. » Tout cela paraît, dans l’ensemble, gentil, un peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’on a souvent peine à cro
323 le sort du pays dépendra certainement — quoique d’ une manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-l
324 l, et le programme de défense nationale deviendra un programme nationaliste. En somme, l’opposition des deux candidats peu
325 un programme nationaliste. En somme, l’opposition des deux candidats peut être assez bien résumée par cette formule : C’est
326 résumée par cette formule : C’est l’opposition d’ un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien, s
327 n d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’ un autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidémo
328 te : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité des Américains se reformera toujours sur le mot d’ordre : démocratie. Car
329 atie. Car « démocratie », dans ce pays, n’est pas un terme usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civiq
330 pas un terme usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienn
9 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Santé de la démocratie américaine (17 janvier 1941)
331 uf heures, nous étions cent-mille, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de tro
332 lle, à onze heures, un demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policemen montés. On
333 à la criée les derniers stocks de boutons au nom des candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bande
334 e papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! » Une neige de papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte
335 papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte-ciel, dansant à travers les faisceaux des projecteurs de ciném
336 des gratte-ciel, dansant à travers les faisceaux des projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’imm
337 Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement des masses, à mesure que la nouvelle faisait le tour du bâtiment, se tran
338 r du bâtiment, se transmettait dans la profondeur des rues environnantes et revenait submerger le square comme une marée de
339 vironnantes et revenait submerger le square comme une marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces y
340 s tous ces yeux levés, la fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries cordiales adressées aux derni
341 levés, la fraternisation générale des classes et des races, les plaisanteries cordiales adressées aux derniers porteurs de
342 llkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’ un renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans
343 e voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’ une évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milli
344 éliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milliardaire me déclarait pathétiquement : « Si Roosevelt gagne,
345 aujourd’hui, comme toutes ses pareilles, à réunir des conserves, mais pour l’Angleterre, à présider des comités pour l’Angl
346 des conserves, mais pour l’Angleterre, à présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à pay
347 présider des comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le
348 rre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute
349 inflation, toute cette presse proclamait l’union des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et
350 tte presse proclamait l’union des partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augme
351 ’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait une déclaration de loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « op
352 de loyauté au président et lui offrait l’appui d’ une « opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneaux e
353 ration que la réélection de Roosevelt a été l’une des trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La première a é
354 e comprendre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapide
355 dre les raisons de la santé démocratique des USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses
356 t a mis de la sorte au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois cert
357 au service de la nation, pour une période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois certains flottements dan
358 l, mais ces défauts techniques sont compensés par un avantage moral considérable : un nombre croissant de citoyens qualifi
359 nt compensés par un avantage moral considérable : un nombre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique.
360 publique. Celle-ci n’est plus l’affaire exclusive des cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des parti
361 politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chacun peut espérer qu’
362 me ils disent. Cet esprit de participation exerce une influence excellente à la fois sur le gouvernement et sur l’opinion.
363 auts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à des débats publics, ou à commenter l’activité de leur département devant
364 . Le président et ses secrétaires d’État tiennent des conférences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de leu
365 es qui caractérise ces communications publiques : un ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles
366 munications publiques : un ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ;
367 vagues et solennelles déclarations de principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci
368 e principe ; des appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, q
369 constant de l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’opinion se se
370 anité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’opinion se sent responsable de
371 pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’ un parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de ce
372 i les républicains ni les démocrates ne possèdent une doctrine politique totale, fixée pour tous les cas et automatiquement
373 e, fixée pour tous les cas et automatiquement par une longue tradition. Leur opposition reste fluente, mal définie… Elle se
374 re est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’ une manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en deux
375 e manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en deux masses à peu près égales, — je serais tenté de dire 
376 es, signifie pratiquement que les États-Unis sont une démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’autr
377 droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’ une manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondamment i
378 en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’ une opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée par des age
379 ique abondamment informée, chaque jour sondée par des agences spécialisées, chaque jour exprimée dans toutes ses nuances pa
380 chaque jour exprimée dans toutes ses nuances par des lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des
381 toutes ses nuances par des lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à l
382 lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des m
383 rnaux, des articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des
384 nterviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Amér
385 s débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont t
386 toires à la radio, des sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et
387 e ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’ une voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions e
10 1941, Journal de Genève, articles (1926–1982). Religion et vie publique aux États-Unis (18 février 1941)
388 8 février 1941)l m New York, février J’ai fait une découverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne
389 oderne où la religion tienne dans la vie publique une place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour
390 ace plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui
391 opéen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien n’apparaît plu
392 t plus naturel. Les États-Unis ont été fondés par des groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religio
393 presbytériens, tous ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le
394 us ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’ une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la
395 onniers étaient d’abord des fanatiques d’une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté
396 , ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder une « cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le caractère
397 religieux de leur civisme. La structure politique des États-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe de ces apports
398 dent souvent d’ailleurs avec les apports raciaux. Un Américain qui appartient à l’Église réformée a bien des chances d’êtr
399 éricain qui appartient à l’Église réformée a bien des chances d’être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est lu
400 es d’origine sont venues s’ajouter, par la suite, des différences de classe : l’Église baptiste est largement populaire, ta
401 ui explique, d’une part, l’étonnante multiplicité des dénominations religieuses dans ce pays ; d’autre part, l’importance s
402 la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans un pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’Ét
403 e me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’au
404 erai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’autant plus
405 t vu curieusement négligé par la presque totalité des observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous
406 pages consacrées aux choses religieuses : sujets des sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activit
407 uses : sujets des sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activités sociales, programmes de musique s
408 programmes de musique sacrée, annonces détaillées des services que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois
409 ns beaucoup d’églises.) Le lundi, copieux résumés des sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde
410 votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez un choix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure
411 ix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure de nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, le
412 i, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir, une douzaine de cultes relayés par différentes stations. Vous passerez d’
413 relayés par différentes stations. Vous passerez d’ une liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Révei
414 e à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur l
415 ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste
416 s un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres…
417 miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une
418 neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un profess
419 , à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante de Ne
420 ptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y tr
421 de New York : j’y trouve d’autres professeurs et des étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes, des personnalités p
422 rofesseurs et des étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes, des personnalités politiques, des écrivains d’« avant-g
423 étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes, des personnalités politiques, des écrivains d’« avant-garde »… Et ces pro
424 i des journalistes, des personnalités politiques, des écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésite
425 l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à louer une maison, je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de ce type :
426 , confort, métro, Églises à proximité. » J’achète un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux l
427 achète un guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux lieux de culte. En tête : « Préservez votre p
428 la publicité qu’étalent les Églises de province, des grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée
429 ntent à l’entrée de leur ville, et qui promettent des jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les ég
430 rence que se font les diverses dénominations dans un même village. Mais ces traits extérieurs s’expliquent lorsqu’on décou
431 ommunautaire dans les paroisses. Devenir membre d’ une Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des amis,
432 re d’une Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce p
433 n Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui man
434 , c’est aussi trouver un milieu social, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cad
435 e. Plus sociale que religieuse, dira-t-on ? C’est un risque. Mais c’est aussi une possibilité d’action spirituelle constam
436 se, dira-t-on ? C’est un risque. Mais c’est aussi une possibilité d’action spirituelle constamment maintenue dans la cité.
437 méricaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’ un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission
438 icaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission inté
439 r d’un des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. Imagi
440 tout le continent. Imaginez Roosevelt prononçant une longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; le
441 stallation qu’il va se retirer à la campagne pour une semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur
442 it-on, sa piété profonde lui gagnera la confiance des États du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de « l’Inaugu
443 ». La veille, le président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la rad
444 président avait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les p
445 vait été harangué par des pasteurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les prières de « 
446 haute voix avec tous les membres du Congrès, dans une église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son
447 ribune élevée sur les marches du Capitole, devant des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le ch
448 t des centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le chapelain du Sénat, le président jura, la main pos
449 à peine les applaudissements se sont-ils apaisés, une voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit »,
450 ue les cérémonies totalitaires, se déroulent dans un cadre chrétien, immédiatement significatif pour la grande majorité de
451 mmédiatement significatif pour la grande majorité des participants, créateur d’un sentiment unanime et profond, mais aussi
452 r la grande majorité des participants, créateur d’ un sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de ce
453 président du manteau de l’humilité…, couronne-le des dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours,
454 ts que dans ces sombres jours, il puisse conduire un peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles coll
11 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (11-12 mai 1946)
455 Journal d’ un retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu du
456 vingt fois plus pénible et longue la préparation des voyages. Passer d’Amérique en Europe ne demandait plus que quelques h
457 phe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans une Constellation qui vient de décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve
458 is dans une Constellation qui vient de décoller d’ un champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chien
459 neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’ un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute u
460 us l’œil indifférent d’un seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute une nuit, non point que sa be
461 nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute une nuit, non point que sa beauté nous eût cloués sur place, mais parce q
462 t cloués sur place, mais parce qu’elle provoquait des tempêtes magnétiques qui ont pour effet d’aveugler les avions aux app
463 rire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océan d’ un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce cliché
464 is ce cliché et ces jolies syllabes décrivent mal un voyage aérien. Car voyager, aujourd’hui, c’est attendre. Non seulemen
465 iré, pour y descendre et s’y poser. Rien ne donne une idée de l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 m
466 t. Je regarde par mon hublot. La mer est blanche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup elle se déchire : ce
467 anche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’ un coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mill
468 is tout d’un coup elle se déchire : ce n’était qu’ une couche de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleu
469 che de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleue, comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un pe
470 e mètres plus bas paraît une surface bleue, comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîn
471 comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paquebot qui en est à
472 s. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paquebot qui en est à la troisième journée du trajet que nous ferons
473 ule deux fois plus vite. La stratosphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon
474 ite. La stratosphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon follement lointain,
475 osphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que n
476 . Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’ un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolons
477 zon follement lointain, tandis que nous survolons des profondeurs multipliées, cavernes d’ombre et gonflements majestueux o
478 nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le mo
479 s, les lampes en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une longue promenade sur
480 en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une longue promenade sur des pistes en
481 ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt d
482 i des moteurs. Une petite secousse, des lumières, une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon,
483 secousse, des lumières, une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne
484 Irlande. Le restaurant ne manque pas d’élégance. Une dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de
485 récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfin ! Et des fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau !… » — « Mais tout ic
486 , et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’ une Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oisea
487 t. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis
488 -nous entrer ? Je ne puis pas distinguer les noms des rues sur ces maisons jaunes ou grises et si basses. Je cherche à voir
489 cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’ un coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissement — quan
490 ais encore dans la banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard Saint-Michel ?
491 ence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on des chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi
492 Je les décourage d’aller chercher ailleurs. Crise des logements. — Est-ce que Paris a été bombardé ? me demandent-ils non s
493 iétude. — Et New York donc ? Si vous y connaissez des chambres libres, faites-moi signe. (Comme les Américains paraissent b
494 ler à ce que l’on pense d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette
495 e d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arrive au re
496 z-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’ une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré, apr
497 ans, furtivement, à la faveur d’une nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré, après cet au revoir
498 u revoir en juin 40, qui sonnait malgré moi comme un adieu… Le jour point derrière les rideaux. Je vais sortir sur mon bal
499 e vais la voir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’ un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a
500 ’un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’ une cloche très fine a sonné cinq coups délicats. Puis une autre plus loi
501 loche très fine a sonné cinq coups délicats. Puis une autre plus loin, et plusieurs en écho. Je ne savais plus, après six a
502 savais plus, après six ans de New York, qu’il y a des cloches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë
503 lets de tous côtés, comme les premières gouttes d’ une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres so
504 les premières gouttes d’une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas :
505 tes d’une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas : un coq qui crie, t
506 ille ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas : un coq qui crie, tout là-bas vers les Invalides. L’or pâle du Dôme s’avi
507 es Invalides. L’or pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des toits roux et des murs couleur du temps, où quelques
508 r pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus, des toits roux et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé c
509 vive au-dessus des toits bleus, des toits roux et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir ac
510 hes de rosé clair ou de noir achèvent de composer une harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dan
511 emier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du p
512 de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur
513 s, ouvre une porte de service à côté du portail d’ un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons
514 orte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons étroits, aux l
515 alons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’ un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail,
516 ort d’un xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail, portant de grosses valises, se hâtent vers l
517 se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’ un siècle, en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foule
518 Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’ une beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain a
519 la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs des Champs-Élysées ? Je me disais : « Non, ce n’est pas vrai, je vais me
520 éveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment
521 anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
12 1946, Journal de Genève, articles (1926–1982). Journal d’un retour (fin) (18-19 mai 1946)
522 Journal d’ un retour (fin) (18-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que la
523 stement. Tout est pareil à mes souvenirs, à peine un peu plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie des employés int
524 plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie des employés intacte, quand on demande un renseignement et qu’on les voit
525 brusquerie des employés intacte, quand on demande un renseignement et qu’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec
526 renseignement et qu’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec les règlements « pareils pour tous », non point avec
527 tuation d’usager perplexe ou anxieux. La bonhomie des mêmes employés intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps de reve
528 (Et ce n’est pas toujours au galop.) Les maisons des quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le propret-coquet
529 ans condition après la plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont l’amitié seule avait fleur
530 a plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont l’amitié seule avait fleuri comme un bon vin. E
531 ntacts, et dont l’amitié seule avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté des éditions si belles qu’on se demande qu
532 avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté des éditions si belles qu’on se demande quels talents les méritent. Ce qu
533 être, c’est le mythe helvétique par excellence, d’ une décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la gue
534 ore pour anormal. J’ai l’impression qu’on exagère un peu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équ
535 ard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés par MM. Hit
536 l en reste et que l’on est autorisé à voir : l’un des deux grands et le Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du
537 ui est la dernière paroisse intacte du Continent. Un peu plus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau de fer » marqu
538 ’est déjà cruel — il semble qu’il n’y ait plus qu’ un no man’s land où s’affrontent sournoisement les seules Puissances qui
539 méprendre, c’était bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce
540 bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse
541 ’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse journée, comme disent les Anglo-Saxons, pensant au temps qu
542 er : « Messieurs, nous voici réunis pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’un
543 se. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’ un déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe aux cygnes, comme dit
544 , comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’ une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En attendan
545 t l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’une Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En attendant une vrai
546 urvécu au déchaînement nationaliste. En attendant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN
547 nement nationaliste. En attendant une vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’O
548 ages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’ un cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration
549 tte enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où l’
550 uer vers la grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logeme
551 ’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’ une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idé
552 louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe », comme on le
553 omme on le dit en photographie. Nous partons pour une Ligue meilleure. Et, plus heureux que Moïse, nous nous sentons certai
554 hons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’ un atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîné
555 e me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans une gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repart
556 . Il repartit trente minutes plus tard, emportant un espoir raisonnable : celui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste mond
557 e, et le vaste monde, en retour, à l’idéal tenace des petits Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour (fin
558 s Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’ un retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
13 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Lettre aux députés européens (15 août 1950)
559 bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nations qui se croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Su
560 ct. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’ un Pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point
561 point d’unité monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministr
562 é monétaire, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé
563 Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et
564 res, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts
565 ts et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps consultatif
566 s trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps consultatif aux compétences douteuses et jalousement restreinte
567 bres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur
568 n’était rien au regard de celui que nous courons. Une partie de l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoir
569 e nous courons. Une partie de l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’autr
570 ndie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’impuissance du Pacte. Il
571 ns, qui fit voir l’impuissance du Pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours e
572 cours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète l
573 housiastes fit adopter par la Diète le principe d’ une révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait « pr
574 tons-le, rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année s
575 que la Constitution est acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier
576 acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe
577 en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines pr
578 Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûme
579 est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se
580 ux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’essor que pr
581 la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer v
582 en laisse beaucoup plus, pour unir vos États dans un plus grand péril ? Vous me direz que l’Europe est plus grande que la
583 rope est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolu
584 u’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses vivaient
585 que les cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’o
586 nse, nos modestes sagesses et les folies sublimes des grandes Nations contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe
587 fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous so
588 es petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’une union « trop rapide » remplissaient
589 mbres prévisions des réalistes quant aux effets d’ une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-trois a
590 journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne repara
591 est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affi
592 êmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’
593 qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une
594 devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’ une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’ou
595 e retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemo
14 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Deuxième lettre aux députés européens (16 août 1950)
596 Messieurs les députés, Ces lettres ne sont pas un cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseil
597 nseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’ une centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des
598 iers de militants fédéralistes, qui pensent comme des millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ram
599 t anglais. Vous allez me parler, je le sais bien, des grandes difficultés accumulées sur votre route vers l’unité. Elles so
600 stacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité des ministres néglige donc son premier devoir. À qui la faute ? L’opinion
601 ui la faute ? L’opinion, sur ce point, entretient des soupçons qu’il vous faut dissiper. Vous allez, paraît-il, réviser pru
602 ritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés d’ un instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’enra
603 n’est pas sûre qu’une fois dotés d’un instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’enrayer sans faute
604 er de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’ un mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiets
605 ous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par un alinéa, déconcertés par un éternuement des daltoniens. Elle voit que
606 que rien, arrêtés par un alinéa, déconcertés par un éternuement des daltoniens. Elle voit que votre Assemblée consultativ
607 tés par un alinéa, déconcertés par un éternuement des daltoniens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’un comité lu
608 ens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’ un comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’ail
609 ransmettre vos consultations, consulte à son tour des experts. Ces consultés à la troisième puissance — si l’on peut dire !
610 t. Et l’opinion se demande si tout cela dissimule une idée de derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’
611 u’à votre éloquence et vous empêchent d’articuler des intentions peut-être subversives (on chuchote que vous tenez en réser
612 ubversives (on chuchote que vous tenez en réserve un projet de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien
613 z qu’il faut être prudents quand on s’engage dans une entreprise aussi vaste. Ah ! pour le coup, je trouve cela « prématuré
614 e cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme un ministre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés dans rien que l’
615 te, conviennent à nos calamités. Ceci me rappelle un argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Euro
616 plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement un toit. Pour tout dire en style familier, ces éternelles prudences nous
617 sion consultative (au second degré) de quoi faire un collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s
618 enre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en un jour, petit à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûret
619 ans nouveaux et quelques amendements à la sagesse des peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais par deux ou tro
620 ois décisions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’ un coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — t
621 crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — toutes affaires cessantes. On peut tout faire step by step, sa
622 tes. On peut tout faire step by step, sauf sauter un obstacle. On peut tout faire en deux pas, sauf franchir un abîme. Si
623 le. On peut tout faire en deux pas, sauf franchir un abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute
624 i votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute à perdre. Tout est prématuré, pour celui qui ne veut rien. Ch
625 i va piano perd la Corée. La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regar
626 . La prudence est le vice des timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dan
627 semblant d’être là. Constater le néant représente un progrès sur l’entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inach
628 le néant représente un progrès sur l’entretien d’ une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d’en
629 grès sur l’entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d’entre vous, comme je le croi
630 qu’ils proclament leur but, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux
631 ut, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’ une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougemont
632 t. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de, « Deuxième lettre aux dé
15 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Troisième lettre aux députés européens : L’orgueil de l’Europe (17 août 1950)
633 és européens, J’ai tenté de traduire le sentiment des peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaq
634 face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux. Et plusi
635 e. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’ un chacun peut voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais,
636 ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’ une aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoi
637 ’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’ une liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d
638 ète que l’homme ait jamais prise de son destin et des chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’
639 chances de le surmonter. Les députés non point d’ une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépa
640 Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la su
641 e du globe, mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cervea
642 mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’ un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’huma
643 que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du d
644 miné le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’ un pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons e
645 t sculpture ; presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur
646 er de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses des cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout e
647 us, le monde moderne tout entier peut être appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il i
648 notre monde ? L’Amérique, la Russie moderne, sont des produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industri
649 la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans une fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sérieusement. Je
650 es, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littératu
651 députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes
652 de Goethe et de la littérature ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintre
653 ; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteur
654 hes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta
655 de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’espri
656 a Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand
657 et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand passé, Messie
658 beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’ un bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de
659 peut disparaître à tout jamais si vous manquez à une mission précise, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la for
660 ersonne n’est assez grand pour répondre au défi d’ un tel destin. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes plus
661 Nous sommes plusieurs millions qui n’attendons qu’ un signe. r. Rougemont Denis de, « Troisième lettre aux députés europ
16 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Quatrième lettre aux députés européens : En lisant le pamphlet du Labour Party (18 août 1950)
662 rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingue un ensemble de pays peu sûrs, qui d’une part ne font point partie du Com
663 sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec des gens pareils ? Leur existence est purement négative. J’ai bien lu ce
664 st purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet, d’ une étrange arrogance. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il ne
665 dit pas saute aux yeux. L’idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous l
666 e aux yeux. L’idée que l’Europe soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un
667 rope soit une culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souv
668 tion, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix, de liberté
669 r exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’ un seul problème : la politique du plein emploi ; une seule méthode : ét
670 un seul problème : la politique du plein emploi ; une seule méthode : étatiser les industries ; un seul pays qui ait su le
671 i ; une seule méthode : étatiser les industries ; un seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est
672 pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près des Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines,
673 ces origines communes… Le point de vue politique des Dominions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, — 
674 urope, — voir les résolutions de Colombo ; et pas un seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les inté
675 devine ce qu’il y aurait à dire là-dessus. Bref, une seule chose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grand
676 lle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par une même langue. Si c’est celle du pamphlet, tremblons pour la famille !
677 Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’ un peu d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit e
678 on soumet le Conseil de l’Europe. Et cela produit des résultats bizarres. Votre Assemblée, selon lui, peut faire du bon tra
679 tonisme, encore qu’elle ne soit pas tout inconnue des Russes. Elle se fonde sur l’axiome que la démocratie est identique au
680 e au socialisme anglais. Il en découle primo : qu’ une Assemblée sans majorité travailliste ne saurait être tolérable que da
681 esure où elle reste impuissante — d’où le refus d’ un Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéral
682 arlement européen ; secundo : que les champions d’ un régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comme
683 iège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes des adversaires et des alliés inattendus. Les socialistes continentaux se
684 va trouver sur vos banquettes des adversaires et des alliés inattendus. Les socialistes continentaux seront des premiers,
685 s inattendus. Les socialistes continentaux seront des premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devine qu
686 t des premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devine que ces conservateurs suivent une logique non dalt
687 seconds. On devine que ces conservateurs suivent une logique non daltonienne : ils partent d’un axiome inverse. Démocratie
688 ivent une logique non daltonienne : ils partent d’ un axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradict
689 contradictoires. Et cependant, pour l’étonnement des cartésiens, cette logique différente les conduit aux mêmes conclusion
690 uffre donc point de veto, les Tories disent non d’ un seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Opposé
691 nds le nationalisme étatisé et le mythe survivant des souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il y trouve un alibi. C
692 netés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il y trouve un alibi. Cette passion ne recourt à ce mythe que pour garder quelque mo
693 t comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est un grand historien, écrit au Times qu’elles ne font point partie de la d
694 s qu’elles ne font point partie de la doctrine et des dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient différemment, mais
695 fort bien que leurs armées soient commandées par un Américain. On prétend même qu’ils auraient accepté que leur monnaie p
696 me qu’ils auraient accepté que leur monnaie perde un tiers de sa valeur, parce que Londres avait dévalué. Je cherche en va
697 e vois pas que leur variété ait empêché les États des US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationa
698 souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’ un prétexte au droit de veto, qui revient à donner le seul pouvoir réel,
699 ns seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’ un État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur ?)
700 e ce qui est. La question n’est pas de renoncer à des souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce qu’on n’a plus
701 pas les souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en une à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mie
702 sse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppression des souverainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains sur le papier, ma
703 t. Chacun d’eux a gardé sa personnalité, parce qu’ un groupe d’Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient tout
704 outent la force et les moyens de l’indépendance : une Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de
17 1950, Journal de Genève, articles (1926–1982). Cinquième lettre aux députés européens : « Méritez votre nom ! » (19-20 août 1950)
705 nt leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en
706 et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre qui vote. La première est exactement ce que la pres
707 n sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle
708 ien. Elle laissera les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’
709 res préalables tendant à renforcer le sentiment d’ une solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus inti
710 solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’ une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux pa
711 n plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglai
712 embres ». Les manchettes des journaux parleront d’ un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peu
713 de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à no
714 us. On me dira que si l’on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne
715 l à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique
716 en fait aux principes. Or une Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne
717 qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’ une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les
718 rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains
719 s sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… E
720 les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer
721 cret… Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-poste, nous se
722 des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’ un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voic
723 trasbourg accouche d’un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte que je vous propose,
724 s pour consultation. Décidez de vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’Eu
725 e fédération. On n’informera pas les peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule
726 la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale organisée par les États, en vue de nommer leurs d
727 x et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle
728 La condition à la fois nécessaire et suffisante d’ une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un
729 ’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’i
730 peut changer, matériellement aussi, selon l’issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élec
731 En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à
732 issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’ un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’
733 signé à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’ un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédéra
734 vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c
735 rer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut une Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité ministériel va s’y oppo
736 de vos parlements, qui restent les seuls juges d’ un conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opin
737 vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous suppli
738 visée, devant toutes les menaces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, le
739 , faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’ une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de
740 ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’ une partie d’entre vous m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans
741 bien qu’une partie d’entre vous m’approuve, et qu’ une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’au
742 m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez r
743 séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des pe
744 spoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pou
745 n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonne
746 votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du mond
747 n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut
748 ra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n
749 e pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine
750 n est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le
751 es chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage,
752 as une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacri
753 arlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous propose une autre solution que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des État
754 ion que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui vo
755 Messieurs les députés européens, je vous salue d’ un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’a
756 elui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous
18 1952, Journal de Genève, articles (1926–1982). Au pays du Patriarche (29-30 novembre 1952)
757 bre 1952)u Détaché vers l’est et la Suisse par un département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arr
758 qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale,
759 ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’a
760 est partout, sans nulle raison visible, découpant une contrée que la nature avait conçue d’un seul tenant. Je connais peu d
761 écoupant une contrée que la nature avait conçue d’ un seul tenant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine et
762 urant le sublime et le familier, le grand couloir des vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes,
763 entre deux bois de très vieux chênes, où persiste un tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’
764 nonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa des heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney.
765 truire plus de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays
766 de cent maisons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit
767 sons Il donne à la ville une église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foire
768 Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette d
769 her les marais du pays Il établit des foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face s
770 tbailli, La Barre, Lally-Tollendal Émancipation des serfs du Jura Affranchissement du pays de Gex Essai sur les Mœurs
771 ain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait un pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et sou
772 il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’ une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent ve
773 t souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujo
774 ux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’ un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricanant
775 uré, contre les tyranneaux, en dépit des conseils des réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son gran
776 âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’ un champ et quand je n’aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujo
777 ais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours un bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la g
778 Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour des lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’artisans, d’horlog
779 s enrichissaient. En même temps, il faisait bâtir une église neuve. Au fronton, l’on peut lire encore : Deo erexit Voltaire
780 publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait plus une lettre aux princes intellectuels et temporels de l’Europe sans y ajou
781 llectuels et temporels de l’Europe sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de so
782 e sans y ajouter un prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabriqu
783 ctus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvi
784 iseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame, une seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses
785 mille habitants qui deviennent propriétaires, par un système qu’on nommerait de nos jours location-vente. « Il commande de
786 merait de nos jours location-vente. « Il commande des maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à
787 des maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mil
788 comme d’autres commandent une paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’il co
789 r les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait un seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comme adversair
790 s temps que l’on nous a décrits comme adversaires des libertés réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle e
791 ts du village en habits de bergers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’e
792 bits de bergers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une
793 ers lui présentent des œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fl
794 ne fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’ une corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. Les
795 us de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par un ami commun de ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vie
796 e Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante des pieds pendant la nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais certes son
797 cle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse des valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à G
798 Genève. Le tout survolé trente fois par jour par des avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derr
799 errière le bois tout proche, qui assourdit tout d’ un coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde.
800 ntre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’ un lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au pays du Patriarche »,
19 1953, Journal de Genève, articles (1926–1982). Aller et retour (21 mai 1953)
801 is ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite
802 ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nou
803 pas un des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état de satellites. Mais nos
804 s s’unissent pour dénoncer « l’emprise économique des USA », représentée à leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ;
805  l’invasion culturelle » symbolisée par le succès des Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui
806 la puissance, non moins redoutée que sollicitée, des USA ? Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé e
807 le alliance confédérale devait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, ré
808 édérale devait être remplacée par une fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadel
809 lphie. (Six nations de l’Europe viennent de voter un projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le fair
810 précisément dans la presse de New York que trois des rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent
811 reprirent au lendemain de Philadelphie de publier une longue série d’articles discutant le projet d’union et démontrant ses
812 démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous un nom bientôt illustre : The Federalist, exercèrent une action décisive
813 nom bientôt illustre : The Federalist, exercèrent une action décisive, ainsi que nul écolier américain ne peut aujourd’hui
814 résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’ un tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique n
815 le pendant libéral au Prince de Machiavel. Depuis un siècle et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référe
816 e de se référer aux maximes du Federalist comme à une sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au
817 du Federalist comme à une sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au onzième chapitre de ce fam
818 e de base de la grandeur américaine, je tombe sur un passage dont le lecteur va comprendre l’extrême importance : Le mond
819 éographiquement, en quatre parties dont chacune a des intérêts distincts. L’Europe, pour le malheur des trois autres, les a
820 des intérêts distincts. L’Europe, pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empir
821 pour le malheur des trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empire par ses armes et ses négociation
822 e le reste du genre humain créé pour son utilité. Des hommes, admirés comme de grands philosophes, ont positivement attribu
823 sophes, ont positivement attribué à ses habitants une supériorité physique, et ont sérieusement assuré que tous les animaux
824 trop longtemps appuyé ces arrogantes prétentions des Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’
825 nous en rendra capables. La désunion préparerait une nouvelle victime à leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin
826 ur européenne ! que les treize États, réunis dans une étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un grand s
827 t indissoluble union, concourent à la formation d’ un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute force
828 péenne, et qui leur permette de dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin
829 us laisse le soin de commenter le parallélisme qu’ un tel texte suggère, et même impose à l’évidence, entre la situation de
830 ire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe une politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal de
20 1955, Journal de Genève, articles (1926–1982). Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)
831 Pour un désarmement moral (19 juillet 1955)w Comment ne pas voir que les t
832 ale avec celles de nos communistes occidentaux et des neutralistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité eu
833 t des neutralistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité européenne, Moscou reconnaît implicitement la néc
834 e notre union, dénoncée par les communistes comme une idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans le
835 de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres, Moscou désavoue implicitement les partis qui agissent à son s
836 ays. En insistant enfin sur l’importance vitale d’ une reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement la p
837 stant enfin sur l’importance vitale d’une reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement la possibilité d
838 Moscou réintroduit implicitement la possibilité d’ une libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui a
839 entale, c’est demander et obtenir le rattachement des pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce
840 st accepter la libre discussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais
841 la libre discussion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivau
842 ssion, le libre échange des hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à le
843 er le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’ un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hommes d’État, on vient
844 is qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hommes d’État, on vient de le voir. Les relations culturelles, à mes
845 st point d’entente entre les hommes, je veux dire un langage commun. On a reconnu l’expression qui revient par deux fois,
846 ique contemporaine. Précisons notre image : quand un pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais q
847 uand un pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Ridea
848 on, il entre dans une zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans la zo
849 trer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où l’acc
850 l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où l’accent mis sur le langage commun. Il exis
851 commun. Il existe en fait deux moyens d’instaurer un langage commun. Le premier est la force brutale : c’est le vainqueur
852 le : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens des mots qu’il juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l’armée ro
853 « les événements ayant donné au terme d’agression un contenu historique nouveau ». La franchise même de cette explication
854 chir. Le ministre russe s’exprimait en effet dans un langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste
855 ndu avec l’Occident — qui se traduisait alors par une ingérence qualifiée dans les affaires d’un autre pays — provenait ain
856 s par une ingérence qualifiée dans les affaires d’ un autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de culture
857 les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’ une théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas questi
858 utre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’ un fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, c
859 la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel suppose deux c
860 nstaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel suppose deux conditions. Il suppose tout d’abord, chez
861 hèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’ une recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monologue
862 ne recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’ une suite de monologues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’êt
863 e. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique entre hommes égalem
864 esse de sa cause dans une compétition pacifique. Une compétition pacifique entre hommes également convaincus : si cette of
865 s demain. (Je le dis au nom de la grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union
866 grande majorité des intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlon
867 os peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans des congrès où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de professio
868 ou je n’ai rien dit. Si chacun mène chez l’autre un cheval de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite of
869 la visite officielle et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon d’exposition. On ne court plus que le ris
870 e et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient un pavillon d’exposition. On ne court plus que le risque normal d’une « 
871 position. On ne court plus que le risque normal d’ une « compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la pai
872 oyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’ un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoign
873 repose sur l’hypothèse d’un changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en donnent dep
874 certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père des peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi
875 t qu’il faut prendre ici dans son sens littéral : un ressort est détendu, la pression tombe. Les effets d’un pareil change
876 sort est détendu, la pression tombe. Les effets d’ un pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme ps
877 À l’extérieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer. C’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour
878 rieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito, un Adenauer. C’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour les Russ
879 va vers Eisenhower. Et ils viendront demain vers une Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w.
880 s viendront demain vers une Europe unie, parce qu’ une Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pou
881 e et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pour un désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet 1955, p. 1
21 1956, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Oserons-nous encore… » (6 novembre 1956)
882 ur avoir laissé faire sous nos yeux hébétés, sans un cri, sans un geste — cela ? Ces voix rauques, jusque dans nos chambre
883 sé faire sous nos yeux hébétés, sans un cri, sans un geste — cela ? Ces voix rauques, jusque dans nos chambres, criant au
884 criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’ un poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas
885 t l’Europe sans chefs et sans armée, et sans même un porte-parole pour nous dire : allons-y ! pour leur dire : nous voici 
886 el, tant que je n’aurai pas fait tout ce que peut un homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et
887 orie du crime et sa pratique massive, le massacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence brutale avouée
888 ssive, le massacre des ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence brutale avouée périodiquement, la trahison de
889 étence brutale avouée périodiquement, la trahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « réactionnaire
890 ée périodiquement, la trahison des chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « réactionnaires », car c’est ent
891 chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « réactionnaires », car c’est entre eux qu’ils se sont tous assassiné
892 puis trente ans, la misère collective et le canon des chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Hist
893 a liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère des peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore é
894 mes. Nous devons à la passion de Budapest martyre une réparation sans merci, vigilante, obstinée, sans éclat, comme il conv
895 qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des élections locales d’un peuple d’outre
896 s frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus des élections locales d’un peuple d’outre-mer, mais de nos seules conscie
897 ponse qui ne dépende plus des élections locales d’ un peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pour
898 ulturel avec les Soviétiques délivrés de Staline. Des rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y sont montrés l
899 mmuniste actuel, plus encore que le fasciste, est un malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un criminel en puiss
900 malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui approuve, excuse et justif
901 d’esprit, c’est un criminel en puissance : c’est un homme qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; q
902 J’écris, et les Hongrois tombent sous les balles des Russes. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’aise. Je veux ce
903 mme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas un article qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’une action
904 ui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’ une action vigilante, obstinée. Nous vivons en démocratie, qui veut dire
905 x flagrants délits, exigeons de nos gouvernements une rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la dissolution des partis com
906 re immédiate avec Moscou. Exigeons la dissolution des partis communistes d’Occident, complices du crime le plus atroce de t
907 de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme un communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiquement l
22 1958, Journal de Genève, articles (1926–1982). Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)
908 Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’ un écrivain de l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement
909 tobre 1958)y Qu’un écrivain de l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement que cet heureux lauréat doit êt
910 sons simplement que cet heureux lauréat doit être un communiste plutôt qu’un grand poète, grand romancier ou grand stylist
911 heureux lauréat doit être un communiste plutôt qu’ un grand poète, grand romancier ou grand styliste, et nous passons. La r
912 i peu : elles ne dépendent pas de l’État. Mais qu’ un écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde sait aussitôt qu’
913 itôt qu’il se passe quelque chose, qu’il s’agit d’ un talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et
914 asse quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’ un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien vo
915 e refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un peu solita
916 ps de dire à des journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de
917 listes étrangers : « C’est une immense joie, mais un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas
918 iècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns des plus grands l’ont osé. Pascal et Kierkegaard devant leur Dieu. Nietzs
919 la potence, au petit matin sibérien. C’est devant une autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak.
920 Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge un régime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au m
23 1963, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Le Dieu immanent, qui s’annonce à leur cœur » (9-10 novembre 1963)
921  » (9-10 novembre 1963)z Descartes estimait qu’ un athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup de physicie
922 que le mouvement créateur de la science procède d’ une confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose
923 dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose une foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde,
924 dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’ un athée ne peut pas faire de musique. Pas davantage que Descartes, Anse
925 « phénoménologie de Dieu », qui est en même temps une théologie, il a recours à une méthode philosophique héritée de Husser
926 i est en même temps une théologie, il a recours à une méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sartre (et dont il
927 nce de musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe une place centrale et dont l’écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans
928 end dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une des prouesses intellectuelles les plus mémorables du siècle. À partir de
929 ions mathématiques sur la fréquence et la période des sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité »,
930 ous assistons à la reconstruction toute naturelle des vérités centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion e
931 is bien, de la religion et de l’éthique du Christ des évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconqu
932 évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’ un théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou gu
933 Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’ une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pa
934 dhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’objet d’ un problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence d
935 ns la vie humaine par la croyance ou l’incroyance des hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homm
936 « prédestination de notre personne morale » (avec une référence explicite à Calvin). Tout cela, sans aucun recours au vocab
937 s ce que l’auteur n’a pas restitué de la croyance des Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’un Die
938 st à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’ un Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la résu
939 rrection du Christ interprétées comme promesses d’ une vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas monde
940 de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’ une manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent ». C
941 ’auteur substitue d’une manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent ». C’est la mystique et le surnat
942 superstition. C’est enfin et surtout la notion d’ une transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépenda
943 ieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans une relation passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le premi
944 c dans une relation passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur e
945 u Dieu immanent qui s’annonce en leur cœur ». Sur une telle phrase, on imagine d’admirables disputations ! On voit bien ce
946 m, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », encore qu’Ansermet dise très bien que c
947 cob » fait place ici au « Dieu des philosophes et des savants », encore qu’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le Dieu
948 ’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Par
949 e ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’ un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation
950  ! La musique, phénomène affectif conditionné par des structures physico-mathématiques, est inconcevable sans Dieu. Elle ce
951 termes de technique musicale ? Dans ce contexte, une autre thèse me frappe : la musique est d’Europe, essentiellement, par
952 t presque toute la musique contemporaine au nom d’ une théologie que, d’autre part, nos docteurs jugeront hérétique, voilà d
953 la Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme un athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’
954 athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait
955 personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’un bruitage
956 d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’ un bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres aur
957 les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet une tentative unique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’approp
958 on de l’affectif au spirituel, et d’appropriation des vérités religieuses. Quelles que soient les réserves qu’inspirent par
959 pirent parfois tant d’assurance intellectuelle et un vocabulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’une manière
960 aire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’ une manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérités
961 exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut l’admirable promoteur. D
962 re part, elle porte à l’extrême l’intériorisation des réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de
963 ons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’ une jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables prop
24 1968, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)
964 ix ans d’Amérique je n’ai fait que « papoter avec des milliardaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers l
965 chose et ne mentionne, en fait de papotages, que des conversations avec Jacques Maritain, André Breton et Saint-Exupéry —
966 re dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’ un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les qui
967 à m’accuser d’un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le
968 auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un article sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qu
969 le sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et m
970 isse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’ un passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté
971 s, c’est-à-dire déserté, peu de jours auparavant. Un critique qui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en e
972 erait requis de s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’une « manière
973 nal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’ une « manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à f
25 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Denis de Rougemont et l’objection de conscience (30 juin 1969)
974 nce (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président, Un étudiant en théologie, qui suit depuis deux ans mes cours, René Bugno
975 cryptocommuniste, ni contestataire farfelu. C’est un homme sérieux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’ent
976 èvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom desquels notre Confédération s’
977 à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux des principes au nom desquels notre Confédération s’est formée et qu’elle
978 en Suisse, à part les « beautés de la nature » et des entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prendre soin tout aussi
979 tuer pour si peu que de savoir qui administrerait une société préalablement amputée de son idéal, j’entends une société cap
980 été préalablement amputée de son idéal, j’entends une société capable de condamner par une application routinière de ses lo
981 l, j’entends une société capable de condamner par une application routinière de ses lois ceux qui commettent la faute de cr
982 de croire à ses fondements moraux et politiques. Des jeunes gens comme René Bugnot, moralement exigeants, civiquement aler
983 i c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement légal des opposants et dissidents, les Soviétiques le feront mieux que nous : v
984 égale de l’objection de conscience en Suisse et d’ un statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur c
985 ’un statut correspondant ? La véritable utilité d’ un procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le te
986 franchement et longuement. Je ne voulais être qu’ un témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de me
987 iquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à un monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons
988 a seconde fois, de se présenter au recrutement, à une peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêt
989 uatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêts répressifs. Ce qui l’autorisera, en vertu des nouveaux règleme
990 des nouveaux règlements qui marquent à cet égard une évolution certaine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’
991 Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là une récente jurisprudence du tribunal militaire de cassation qui permet d
992 ndant guère envisager, à la seconde condamnation, une peine plus faible qu’à la première. Au cours de cette audience, une l
993 ble qu’à la première. Au cours de cette audience, une lettre de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par l
994 Rougemont a été lue par le président du Tribunal. Une copie nous a été transmise que nous publions ci-dessous. » ad. Cette
995 sonne, au courant de la vie intellectuelle suisse des trente dernières années, n’osera nier [de] Denis de Rougemont les tit
996 gnage de moralité et de caractère qu’il porte sur un homme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’
997 n, à titre répressif, correctif ou préventif, est une peine trop sommaire pour répondre équitablement à l’aliénation social
998 our répondre équitablement à l’aliénation sociale des objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de
999 s de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité n
1000 u contraire à éloigner de la solidarité nationale des hommes comme Denis de Rougemont, qui ne sont pas eux-mêmes objecteurs
1001 es, ni contestataires farfelus”. Il y a donc bien un problème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui é
1002 oblème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui étayent son patriotisme, que ce problème soit étudié. En
1003 dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’ un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État p
1004 out ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’un statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier rég
1005 objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’ un État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutra
1006 Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités
1007 alité donne aux responsabilités du citoyen-soldat une garantie de légitime défense que personne ne peut contester, et qui r
1008 nne ne peut contester, et qui rassure valablement des hommes qui acceptent leur service non dans l’indifférence ou l’ignora
1009 ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide des choix que poserait un conflit armé. La statistique montre que les obj
1010 ans la connaissance lucide des choix que poserait un conflit armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience
1011 ontre que les objecteurs de conscience ne sont qu’ une infime minorité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de la miss
26 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Objection de conscience : Denis de Rougemont répond (4 juillet 1969)
1012 en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à une lettre que j’avais adressée au président d’un tribunal militaire et q
1013 à une lettre que j’avais adressée au président d’ un tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre trom
1014 al militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre trompeur, je le crains. Car ce titre semble annoncer une prise
1015 mpeur, je le crains. Car ce titre semble annoncer une prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire u
1016 de principe sur le problème de l’objection, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des
1017 on, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’ un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause p
1018 te. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause personnelle, et pas du tout pour
1019 émoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause personnelle, et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus
1020 ement de l’objection de conscience en général, et des objecteurs suisses en particulier, il m’eût fallu beaucoup de temps,
1021 ût fallu beaucoup de temps, beaucoup de place, et un minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et
1022 s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche, un mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre s
1023 et vous avez raison de refuser de me suivre dans une direction où jamais je n’ai songé à entraîner personne. Non, je ne pe
1024 pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’ un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’a
1025 et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’ai dit seule
1026 ’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’ un État policier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en t
1027 à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, Moscou ferait cela bien mi
1028 t prix » et à l’écrasement légal des opposants ou des simples non-conformistes, Moscou ferait cela bien mieux que nous. Cel
1029 apeau suivant : « Nous avons publié lundi dernier une lettre que le professeur Denis de Rougemont avait adressée le vendred
1030 taire de 1re Division devant lequel comparaissait un jeune objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de l’audience pu
1031 l’une de ses copies, nous fut transmise par l’un des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequ
1032 des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérai
1033 nuançait les termes de ce qu’il considérait comme une alternative de la part de Denis de Rougemont. Celui-ci répond aujourd
1034 enis de Rougemont. Celui-ci répond aujourd’hui. » Un débat sur l’objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendr
27 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Non, notre civilisation n’est pas mortelle ! » (30-31 août 1969)
1035 30-31 août 1969)ag ah Pensez-vous qu’il existe une culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largeme
1036 ure bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas
1037 rgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a une culture européenne. C’est la plus petite unité que l’on puisse trouve
1038 ité d’étude intelligible qu’on puisse prendre est une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture franç
1039 re allemande, cela n’existe pas. Il y a seulement des différences, des nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont
1040 a n’existe pas. Il y a seulement des différences, des nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite
1041 s les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la sympho
1042 ens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vou
1043 uvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez
1044 nfluence germanique ou celtique. Ainsi nous avons une communauté indiscutable de culture. La division de la culture est app
1045 eoise, parce que la culture n’a pas été faite par des bourgeois. La culture occidentale repose sur l’héritage gréco-romain
1046 -romain et la théologie chrétienne, transmise par des moines au Moyen Âge. On ne peut parler de culture bourgeoise qu’en pe
1047 ien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’avoir des goûts plus b
1048 rgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’avoir des goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde est to
1049 z dans les prisons russes. Vous n’y trouverez pas un seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-ba
1050 rnemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pay
1051 munistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient d
1052 ommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient de cette mauvaise adaptation de n
1053 . On dit n’importe quoi, parce qu’on n’a pas fait une bonne analyse de la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « casse
1054 urs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ?
1055 qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique que spirituelle ? Je n’en sais rien. Je sais v
1056 udrais qu’on aille. Le progrès est l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à ch
1057 l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pa
1058 (absolument invérifiable et très peu probable) d’ un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de cho
1059 ’un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la
1060 ion du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait des indices pour une autre culture, une autre civilisation qui pourrait s
1061 ous ne croyez pas qu’il y aurait des indices pour une autre culture, une autre civilisation qui pourrait s’épanouir ? Je n’
1062 u’il y aurait des indices pour une autre culture, une autre civilisation qui pourrait s’épanouir ? Je n’en vois aucune. Et
1063 une. Et la Chine ? Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures solutions
1064 ures solutions que les nôtres. Or nous constatons un gigantesque effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisa
1065 ns un gigantesque effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différenc
1066 maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est un mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’
1067 -léninisme et de certaines traditions chinoises d’ un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge.
1068 es traditions chinoises d’un moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge. Un mélange grossier, stér
1069 e des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge. Un mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsque les étudiants chino
1070 coup de mitrailleuses. Il y a probablement alors des centaines de morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le ma
1071 civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au succès des révolutions que des évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès de
1072 e. Croyez-vous plus au succès des révolutions que des évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès des révolutions. Il n’
1073 es évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès des révolutions. Il n’y en a jamais eu une seule qui ait réussi. Elles on
1074 au succès des révolutions. Il n’y en a jamais eu une seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une ré
1075 e seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manqu
1076 réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements
1077 abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements doctrinaux, philosophiqu
1078 religieux acceptés et assumés par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui po
1079 s par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait celle q
1080 ui pourrait réussir serait celle qui apporterait, un ordre nouveau, prêt à prendre la relève du désordre ancien, ce que j’
1081 outi, par les nationalistes, à la guerre de 1914. Un homme politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel finit tou
1082 Mais qu’en est-il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impersonnels n
1083 cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impersonnels nous instruit grandement. La première a abouti
1084 saluer le régime personnel, parce qu’il conduit à un régime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute des
1085 nel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute des civilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les civilisation
1086 s soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fruits, fanent et meurent. Hegel, Spengler et Toynbee ont développé c
1087 uvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci des forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alimente par el
1088 . Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas
1089 tion. Je ne crois pas que l’homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent
1090 st esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans un petit livre que j’ai écrit en 1946 sur la bombe atomique, je disais e
1091 que, je disais en post-scriptum à mes lettres : «  Un dernier mot, et dire que j’allais l’oublier : la bombe n’est pas dang
1092 er : la bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est un objet. Si vous la laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas e
1093 e, elle ne va pas en sortir toute seule. On nomme des comités pour contrôler la bombe ! C’est aussi absurde que si l’on se
1094 e ! C’est aussi absurde que si l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle
1095 ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il
1096 r un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les ge
1097 mbe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par le
1098 chines. » Je leur réponds : « Je voudrais bien qu’ une Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison
1099 s : « Je voudrais bien qu’une Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jam
1100  » Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agrandit follement,
1101 l’artiste dans un monde en transformation ? Dans une société qui s’agrandit follement, qui perd ses mesures, la fonction d
1102 s, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l
1103 pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l’ont fait la statuaire
1104 es gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’ un érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles
1105 ur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’
1106 dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent pl
1107 e où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins au
1108 afka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitus des régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa démence la
1109 ver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer un ordre plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne me demand
1110 de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’ une manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une de
1111 ste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’enga
1112 pour essayer de le changer dans le bon sens. Une des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’engageme
1113 if. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est en somme une morale du risque assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la
28 1969, Journal de Genève, articles (1926–1982). Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre 1969)
1114 Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre
1115 r Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’ un objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal militai
1116 e en adressant au président du Tribunal militaire un témoignage que nous avons publié le 30 juin. Ce témoignage a suscité
1117 avons publié le 30 juin. Ce témoignage a suscité des controverses, auxquelles le débat que nous présentons ici n’a pas la
1118 s présentons ici n’a pas la prétention d’apporter une conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées.
1119 tion et en portent témoignage, mais par la valeur des principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nou
1120 ais par la valeur des principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène
1121 e, l’objection de conscience, paradoxalement, est un problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle d
1122 met à part les Témoins de Jéhova qui constituent un cas particulier, le « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs
1123 tituent un cas particulier, le « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs de conscience que les tribunaux militaires
1124 objection de conscience a été récemment étendue à des motifs d’ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines d
1125 hique, elle n’en puise pas moins ses racines dans des motivations chrétiennes. C’est donc par elles que la discussion doit
1126 bjection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas une contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipule que t
1127 même Constitution, dont le préambule commence par une invocation « Au nom du Dieu Tout-Puissant » ? Colonel divisionnaire D
1128 n religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’ un devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constit
1129 ction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’ une opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’
1130 ant ». Christian Schaller, vous avez objecté pour des motifs religieux… La religion n’est pas le motif exclusif Christ
1131 l y ait de différence dans les aboutissants entre une objection pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de consci
1132 ce dans les aboutissants entre une objection pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions
1133 Avez-vous eu le sentiment, en objectant, de faire une œuvre antimilitariste — je précise que ceux qui font du service ne so
1134 ice ne sont pas nécessairement militaristes… — ou une œuvre anticonstitutionnelle ? Christian Schaller. — Je pense plutôt a
1135 plutôt anticonstitutionnelle. L’objecteur choisit un moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de précon
1136 moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’ une loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une oppositi
1137 de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’ une opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une
1138 stème actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’ une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte
1139 er d’une certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ail
1140 oumet par une autre puisqu’il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs)
1141 essistes », si je puis dire. L’objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que
1142 dire. L’objection est l’un des moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient po
1143 que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’ un moyen parmi d’autres. Et personnellement je me sens très proche des m
1144 autres. Et personnellement je me sens très proche des militaires qui, à l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’un
1145 l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’ une autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est-il pas plu
1146 structures ? Christian Schaller. — Pas forcément. Un christianisme vécu ou un humanisme vécu, peuvent arriver aux mêmes co
1147 haller. — Pas forcément. Un christianisme vécu ou un humanisme vécu, peuvent arriver aux mêmes conclusions. Denis de Rouge
1148 ticle 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’ un conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses
1149 tution ? Cela ne veut absolument rien dire. C’est une couverture pour quelque chose dont le contenu est une autre religion
1150 couverture pour quelque chose dont le contenu est une autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique. C’
1151 logiquement. Car là il n’y a plus aucun recours à une transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des in
1152 , à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de m
1153 Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête d’ une Constitution qui n’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin. — E
1154 enne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’ un individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triomph
1155 pis, c’est le civisme. » Bernard Béguin. — C’est une interprétation personnelle du christianisme face à celui d’une collec
1156 ation personnelle du christianisme face à celui d’ une collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec le s
1157 , chaque séance débute en plaçant cette réunion d’ une cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian Sch
1158 yen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité première du
1159 des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité première du bon citoyen, et je pense que la critique des lois
1160 mière du bon citoyen, et je pense que la critique des lois fait partie intégrante des qualités du civisme. Nous avons vu à
1161 e que la critique des lois fait partie intégrante des qualités du civisme. Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religio
1162 du civisme. Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans le
1163 h bien ! L’objection de conscience n’est que l’un des moyens d’amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon
1164 mener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon de mettre en évidence certains problèmes qu’on a tendance à mas
1165 tre chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend une position particulière pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’e
1166 une position particulière pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut ê
1167 mettre en évidence un état de fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie. La dés
1168 itionnelle… Denis de Rougemont. — Au point de vue des citoyens, c’est beaucoup plus grave. Le conformisme du citoyen qui se
1169 , mais conduit à la dictature. C’est la démission des citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le
1170 C’est la démission des citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la démocratie qu
1171 dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’ une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il fait
1172 is d’une collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous
1173 la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans un militantisme qui attaque à sa base une constitution démocratique au l
1174 t peur dans un militantisme qui attaque à sa base une constitution démocratique au lieu de chercher la réforme dans son cad
1175 nt d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont une attitude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’être incorporés
1176 ervice de santé. Sur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine —
1177 ur la centaine d’irréductibles, une majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie : il
1178 , et cela montre que si nous n’avons pas en droit un statut pour les objecteurs nous l’avons en fait. L’objecteur peut acc
1179 que les objecteurs de conscience soient jugés par des tribunaux civils. À leur place, je préférerais être jugé par un tribu
1180 ivils. À leur place, je préférerais être jugé par un tribunal militaire, qui juge essentiellement des honnêtes gens, que p
1181 r un tribunal militaire, qui juge essentiellement des honnêtes gens, que par des tribunaux ordinaires qui jugent en majorit
1182 i juge essentiellement des honnêtes gens, que par des tribunaux ordinaires qui jugent en majorité des gens plus ou moins ma
1183 r des tribunaux ordinaires qui jugent en majorité des gens plus ou moins malhonnêtes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Jug
1184 tes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Jugez-vous des mineurs dans les tribunaux militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous p
1185 Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peut obtenir un sursis… Michel Barde. — Il y en a qui se présentent à 19 ans devant l
1186 Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen des circonstances atténuantes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Je croya
1187 prononce l’emprisonnement à subir sous le régime des arrêts répressifs ; ou bien, on peut aussi prononcer directement les
1188 est-ce que les arrêts répressifs se purgent avec des prisonniers de droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les
1189 Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, m
1190 sifs des objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont autoris
1191 nt autorisés à travailler pendant la journée dans des établissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logés da
1192 liers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logés dans des prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-
1193 al. Bernard Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’ un garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez di
1194 objection de conscience — vous avez dit que c’est un honnête homme — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est une pris
1195 me — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés
1196 es. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de
1197 — Nous éprouvons tout de même un malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colone
1198 se à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militaires j
1199 er. — Les tribunaux militaires jugent en majorité des honnêtes gens, c’est vrai ; et je ne pense pas seulement aux objecteu
1200 ience. Je pense à tous les soldats qui ont commis des actes d’indiscipline, qui n’ont pas fait leur service par négligence,
1201 nditions de famille à ce moment-là leur causaient un grave préjudice financier. Je les considère tous comme des honnêtes g
1202 préjudice financier. Je les considère tous comme des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline
1203 des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christia
1204 pour des fautes de discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christian Schaller. — À la limite, on pourrait étendr
1205 evant les tribunaux, ou à peu près, viennent pour des fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de
1206 es fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour m
1207 lhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a un délit constitutionnel qui n’est pas un délit pénal. Il y a un Code pé
1208 si. Il y a un délit constitutionnel qui n’est pas un délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouve
1209 stitutionnel qui n’est pas un délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouvez le considérer comme a
1210 raire, mais il existe. Et d’autre part nous avons une Constitution qui définit des obéissances. Par conséquent il y a une t
1211 utre part nous avons une Constitution qui définit des obéissances. Par conséquent il y a une très grande différence entre l
1212 ui définit des obéissances. Par conséquent il y a une très grande différence entre l’infraction à la discipline et l’infrac
1213 de prononcer comme peine accessoire la privation des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscience. Quant au
1214 re la privation des droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéfici
1215 sis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’ un espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’objecteur est forcém
1216 accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’objecteur est forcément condamné, pui
1217 ent condamné, puisque les conditions objectives d’ une infraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) sont r
1218 — Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues d’ un malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ? Es
1219 ions, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’ un sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’est
1220 la répression était excessive ? Est-ce que c’est une évolution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ?
1221 ce dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’ un de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà
1222 telle manière qu’il serait certainement condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne
1223 nt condamné une seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne changerait certainement pas son fusil
1224 la constatation objective que le personnage était un hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait
1225 rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été un peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience
1226 e l’objecteur de conscience, on le condamne comme un hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré le fait qu’il était ob
1227 le fait qu’il était objecteur. On tient compte des circonstances atténuantes Colonel Vaucher. — Ce n’est pas exact. S
1228 atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme un meurtrier devant un tribunal pénal — très peu condamné ou acquitté. C
1229 lpantes, il sera — tout comme un meurtrier devant un tribunal pénal — très peu condamné ou acquitté. Christian Schaller. —
1230 le meurtrier ? S’il est totalement irresponsable. Un objecteur totalement irresponsable sera acquitté aussi. C’est évident
1231 s vu. Tous les objecteurs que j’ai connus étaient des gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténua
1232 eux-mêmes aucune circonstance pouvant conduire à un acquittement. Bernard Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherchent
1233 alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice d’ un traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Bern
1234 de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé
1235 nce avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’
1236 urgeois ont refusé à l’accusé le droit d’avoir eu un vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’ob
1237 ondre encore à M. de Rougemont que l’appréciation des mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beauco
1238 ous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie des objecteurs soit en rapport avec leurs principes. Enfin nous ne condam
1239 nnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas des officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges militaires,
1240 en règle générale, sont juges militaires, ce sont des miliciens. Denis de Rougemont. — Je n’ai absolument rien dit contre l
1241 contre l’armée en tant que telle. Je parle contre un certain état d’esprit que je trouve beaucoup plus répandu chez les ci
1242 vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher.
1243 olemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exac
1244 divisionnaire Dénéréaz, vous commandez maintenant une division mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne s
1245 ne serait pas plus simple, pour vous, d’admettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au service mil
1246 us, d’admettre un service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objecti
1247 ça a un sens de contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire
1248 faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est un problème formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans la période
1249 sme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer un statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appare
1250 en Suisse, c’est qu’il s’attaque en même temps à un appareil militaire dont les obligations constitutionnelles et les str
1251 orgarten. On peut dire — je l’ai entendu dire par des officiers supérieurs — qu’on se prépare très consciencieusement à la
1252 are très consciencieusement à la dernière guerre. Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-
1253 très consciencieusement à la dernière guerre. Une des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous
1254 a conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a une autre dimension ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Je ne crois pas q
1255 ne crois pas que tout cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des addit
1256 cela soit dépassé. Je suis un officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des soustractio
1257 e métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des soustractions pour savoir si notre défense est encor
1258 nicien, si vous voulez, qui fait des additions et des soustractions pour savoir si notre défense est encore positive, ou né
1259 nt, avec l’armée que nous avons, est certainement un élément positif, en dépit de la bombe atomique dont on parle beaucoup
1260 maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu un vide stratégique, il est fort possible que nous aurions été attaqués.
1261 visions massées à notre frontière avant l’affaire des Balkans… le grand état-major allemand a estimé que ce n’était pas suf
1262 armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà un signe de puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christian Schall
1263 ire, voulu par le peuple, et accepter d’instaurer un service civil. Numériquement, cela ne jouerait aucun rôle. Mais pour
1264 à l’étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France un objecteur doit se déclarer comme tel au recrutement, et qu’il ne peut
1265 d’État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà un progrès… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n
1266 ller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà un progrès… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n’est pas un progrès. V
1267 s… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n’est pas un progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction intime
1268 e n’est pas un progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais que voulons-n
1269 ur le plan de la justice militaire, s’il existait un service civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’objecteurs. No
1270 il existait un service civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pos
1271 eurs de la faire poser — , je pense finalement qu’ une armée est indispensable en Suisse et que le service militaire obligat
1272 e de réaliser cette armée. J’ignore totalement si une armée de métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cett
1273 e totalement si une armée de métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cette défense. Mais même si elle le po
1274 t elle présenterait l’immense inconvénient d’être un noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Bégu
1275 litarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est-ce qu’ un service civil affaiblirait l’armée de milice ? Colonel Vaucher. — Pro
1276 ervice parce qu’ils y sont obligés. D’autre part, un service civil serait sans doute plus attrayant. Nous protégeons ma
1277 ous mettre sous le parapluie américain. Ce serait une solution. Mais nous abandonnerions le service militaire sans doute ob
1278 aire sans doute obligatoire, nous passerions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés
1279 oute obligatoire, nous passerions pour une part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire d
1280 ais à ce moment-là, nous serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, supranational. L’armée
1281 serions obligés de faire des concessions à tout, un système international, supranational. L’armée que nous avons actuelle
1282 et morales qu’entraînerait la bombe atomique sur un pays. Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujo
1283 nitivement enlevé tout droit de poser aujourd’hui des questions de cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fai
1284 ellement encore, à l’extérieur de nos frontières, des forces peuvent menacer notre liberté d’exprimer cette solidarité. Chr
1285 te solidarité. Christian Schaller. — C’est au nom des valeurs de ce système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un
1286 stème que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un élargissement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en
1287 compagner de la solidarité, il faut savoir lequel des termes on va toujours préférer. Or l’on constate qu’on a toujours con
1288 sse. Je me demande si cette situation ne crée pas des devoirs particuliers aux Suisses dans la prise en considération et au
1289 ut toujours se référer à notre neutralité comme à une espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité obli
1290 conscience, c’est qu’ils posent cette question d’ une manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des questi
1291 araissent tellement graves qu’on doit reconnaître une fonction civique irremplaçable aux objecteurs de conscience.   Nos i
1292 1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédéral des assurances, grand juge du Tribunal militaire de division 1. M. Christ
1293 n : Bernard Béguin. ai. Rougemont Denis de, «  Un débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal
29 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). « Denis de Rougemont, l’amour et l’Europe » (3-4 mars 1973)
1294 973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’une des préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’a
1295 tant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’ un écrivain véritable, et d’Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il
1296 me (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fa
1297 e de poche), un chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur les trente volumes que j
1298 oubliez pas mes journaux réunis par Gallimard en un volume, et tous mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’est, h
1299 resque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront…
1300 l à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le
1301 ssi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre de ma méditation é
1302 nne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’ une illustration dans le domaine des relations individuelles, dont l’exem
1303 est en somme qu’une illustration dans le domaine des relations individuelles, dont l’exemple privilégié reste le couple. V
1304 utation, mais maturation. J’ai voulu faireal, par des exemples tirés de romans contemporains (Nabokov, Musil, Pasternak), m
1305 bokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et des œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-
1306 éfendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer une alliance paradoxale, au sein même du mariage accepté ? L’étrangeté es
1307 s appeler l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne une sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possessi
1308 ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à un « l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistique
1309 en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’ un livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions montre une p
1310 ve Story ait été tiré à plusieurs millions montre une persistance très remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à mai
1311 millions montre une persistance très remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition u
1312 J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition une phrase qui se termine ainsi : « … la moitié du malheur humain se résu
1313 te : « Trente-cinq ans plus tard, il y a sûrement un changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident,
1314 dans mon sens ! Il reste que l’amour-passion est une maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies
1315 e de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin
1316 de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’ un besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. Rie
1317 l à nos modes intellectuelles. La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la pr
1318 lectuelles. La mode littéraire des troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix mil
1319 me « l’usage non procréateur du sexe » — j’y vois un mécanisme de défense de l’espèce contre la démographie galopante. Qua
1320 veloppé vos propres thèses sur l’Europe. Y a-t-il un lien entre ces deux pôles d’attraction que sont pour vous l’amour d’u
1321 de Man l’avait bien vu. Vous avez été, vous êtes un écrivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les peuples » dep
1322 tre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis un écrivain engagé au sens actif du mot que j’ai défini dans mon premier
1323 sens actuel, qui est passif : embrigadement dans un parti. Le premier chapitre était intitulé : « L’engagement politique 
1324 mpuissance du clerc qui s’engage ». Le tout était un appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis ren
1325 l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré des États-Unis, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu une théori
1326 s, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu une théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me sui
1327 ement je me suis engagé au service de l’Europe, d’ une société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est t
1328 ble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-il un rapport entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse, qu’
1329 ts de l’instruction publique  ? Il y a sans doute une convergence, mais la situation actuelle est plus sérieuse que mon pet
1330 t l’école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est un écrit de jeunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu
1331 t en italien. C’est dire que 1972 a été pour lui “ une année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi
1332 1972 a été pour lui “une année de mise au point d’ une partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de
1333 ’ouverture sur l’avenir de notre société”. » al. Un verbe semble ici manquer : voir / comprendre… ?
30 1973, Journal de Genève, articles (1926–1982). Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)
1334 le brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise
1335 uveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) des États. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette régio
1336 oncrets qui se posent dans cette région appellent des solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une région di
1337 ons transfrontalières. Et chaque problème définit une région différente en termes de territoire. Il y a autour de Genève un
1338 en termes de territoire. Il y a autour de Genève une région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travai
1339 main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs français : vingt-trois-mille environ, à cette date, vien
1340 rent le soir en France. Cette région s’étend dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, aut
1341 r en France. Cette région s’étend dans un rayon d’ une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman
1342 tres autour de la ville. Il y a, autour du Léman, une région écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines,
1343 gement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a une région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et
1344 e, ni celle de la région écologique. Il y a enfin une région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste
1345 ensité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels des liens spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas de créer, aut
1346 éer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la c
1347 ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre
1348 on, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières nationales héritées d’autres âges. am. Rougemont Denis
31 1978, Journal de Genève, articles (1926–1982). Débat sur la voiture dans la société moderne (février 1978)
1349 ’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être un simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les gran
1350 discrète, elle n’y parvient plus. « C’est devenu une véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que
1351 u une véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que nous avions conviées à notre table ronde. De to
1352 e véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que nous avions conviées à notre table ronde. De toute
1353 toutes pour l’avoir étudié à fond, bien que sous des angles différents : Denis de Rougemont, président du Centre européen
1354 iversitaire d’études européennes, parallèlement à une œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus de cinquante ans le
1355 , L’Avenir est notre affaire , il lui a consacré un chapitre intitulé : « Première histoire de fous : la voiture. » Franç
1356 e rattachent à la voiture, n’en demeure pas moins un farouche partisan. Sur le plan social, parce qu’il estime qu’elle nou
1357 parce qu’il estime qu’elle nous rapproche les uns des autres, sur le plan économique, parce qu’elle dispense un travail à d
1358 s, sur le plan économique, parce qu’elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur d
1359 n économique, parce qu’elle dispense un travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulati
1360 ’organiser le trafic, de prévoir le développement des divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Ja
1361 ment des divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médecine, a particip
1362 en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est un membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à
1363 s particulièrement sur les effets de la pollution des voitures sur notre santé. I Hubert de Senarclens : Denis de Rou
1364 livre, L’Avenir est notre affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’une nécessité économique quelconque, mais de l’
1365 affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’ une nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry For
1366 té économique quelconque, mais de l’imagination d’ un Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est parv
1367 est parvenu à ses fins en créant dans ses usines des sortes de circuits fermés « producteur-consommateur », tout en s’aida
1368 les. Mais si la voiture avait été, dès le départ, un besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est
1369 ve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier livre une trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’
1370 que je la considère — son titre l’indique — comme une histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désast
1371 il n’y en aura pas une troisième qui serait celle des centrales nucléaires… La première grande entreprise de construction d
1372 ettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut un immense best-seller, je lis cette phrase absolument stupéfiante : « A
1373 de surmonter cette répugnance c’était d’organiser des concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté e
1374 ès bien marché. Ensuite de quoi il a mis sur pied une fantastique publicité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une d
1375 blicité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto
1376 ité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut
1377 et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique des toniques, une atmosphère salubre. » Vous remarquerez l’humour noir, l
1378 chir les poumons grâce à ce tonique des toniques, une atmosphère salubre. » Vous remarquerez l’humour noir, lorsque l’on pe
1379 e la création de l’auto équivaut à l’imposition d’ un besoin qui n’existait pas avant. Les premières années, Ford n’a vendu
1380 2 millions de voitures par an. Ford est mort dans une petite auberge qu’il avait achetée pour jouer avec ses petits enfants
1381 Peyrot, à l’utilisateur moyen que la voiture est un besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une r
1382 toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une réaction assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’invention au mo
1383 pas d’invention au monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échap
1384 monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle.
1385 it été faite sans un besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour m
1386 soin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est une règle fondamentale de notre civilisation industrielle, quel que soit
1387 ’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas une démonstration suffisante. Les financiers qui mettent des capitaux à l
1388 onstration suffisante. Les financiers qui mettent des capitaux à la construction d’une usine, demandent bien évidemment que
1389 iers qui mettent des capitaux à la construction d’ une usine, demandent bien évidemment que cette usine puisse fonctionner e
1390 Kräyenbühl : Je pense que Ford a surtout exprimé un sentiment personnel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque le
1391 omobile. Il aura donc fait cette déclaration dans un moment d’angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’aut
1392 cob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer des besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers dont on dispo
1393 en ville pour travailler. Mais aussi sur le plan des loisirs. Regardez l’affiche du Salon 78 : « La voiture vous rend indé
1394 en n’est plus faux. En auto, vous devez respecter des horaires au même titre que si vous preniez le train. Vous partez en v
1395 , il n’y a pas de production possible. Mais c’est un dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve c
1396 uve contraire. Son expérience peut être opposée à une déclaration très générale et non vérifiable scientifiquement selon la
1397 ettez-moi d’observer que l’on ne peut pas tirer d’ une déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expé
1398 er que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’ un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la
1399 ne déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford
1400 Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford une cinquantaine d’inventeurs qui ont fait à peu près soixante voitures e
1401 de transport? François Peyrot : La voiture permet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’
1402 ermet un déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner.
1403 ture, vous arrivez au point de destination. C’est un instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un in
1404 travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les
1405 les gens partent à l’aventure et découvrent toute une quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découv
1406 pied ou à vélo. Vous demandez si la prolifération des autos n’en a pas réduit les avantages. Mais c’est certain qu’elle les
1407 ue beaucoup ont aujourd’hui accès à l’automobile. Une personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est considérable. Mais
1408 nsidérable. Mais bien entendu cela comporte aussi des inconvénients. Un autre aspect qu’il faut souligner c’est la voiture
1409 en entendu cela comporte aussi des inconvénients. Un autre aspect qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civili
1410 civilisation industrielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez le nombre de véh
1411 trielle et signe de la liberté des peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez le nombre de véhicules par habitan
1412 voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 % des Soviétiques pourront aussi se déplacer en voiture, ils n’accepteront
1413 uellement pressés, stoppés aux feux, bloqués dans des files. Et c’est finalement bien davantage un « stress » que vous ress
1414 ans des files. Et c’est finalement bien davantage un « stress » que vous ressentez. Vous avez évoqué la culture. Je parler
1415 nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire un bilan ! C’est clair que l’on peut mentionner des avantages comme des
1416 e un bilan ! C’est clair que l’on peut mentionner des avantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bi
1417 lair que l’on peut mentionner des avantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou n
1418 ougemont : Permettez-moi de signaler quelques-uns des côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — comme on voudrait nous le fa
1419 oir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à une dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple type du danger
1420 e du danger qui consiste à accepter ou promouvoir des innovations technologiques dans notre société, sans nous demander au
1421 nt ou deux cents véhicules par an, il en vendrait des millions. Il ne s’est jamais interrogé sur les conséquences au niveau
1422 s au niveau social, économique, sur la vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospecti
1423 mique, sur la vie morale des gens. La voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous di
1424 onné ? Quand il disait à ses ouvriers : « achetez des voitures, cela vous rendra libres », en fait leur véhicule leur serva
1425 omobile — sur le plan technique — est l’inverse d’ un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qui
1426 echnique — est l’inverse d’un succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qui soit. Les Américains ont
1427 nsomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. D
1428 a vitesse moyenne des automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient
1429 que la voiture a donné exactement le contraire : un rendement minable, des villes invivables, et des embouteillages sans
1430 é exactement le contraire : un rendement minable, des villes invivables, et des embouteillages sans fin. Jean Kräyenbühl :
1431 : un rendement minable, des villes invivables, et des embouteillages sans fin. Jean Kräyenbühl : Je pense qu’il faudrait da
1432 tage analyser le comportement de la population et des individus, plutôt que la voiture en tant que telle. Car on pourrait a
1433 tre qu’il y a trop de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître les
1434 p de gens qui font de la voiture un usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître les déplacements à p
1435 ed et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire un urbanisme très dispersé, « consomme » des terrains, gaspille les zone
1436 ontraire un urbanisme très dispersé, « consomme » des terrains, gaspille les zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais
1437 des terrains, gaspille les zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais le problème c’est que les gens aujourd’hui ont a
1438 ui ont appris à se servir de leur voiture comme d’ un instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en
1439 à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que des zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment
1440 ntinuent chaque année de disparaître au détriment des besoins fondamentaux des familles. Regardez les structures autour des
1441 disparaître au détriment des besoins fondamentaux des familles. Regardez les structures autour des grands ensembles, tout e
1442 taux des familles. Regardez les structures autour des grands ensembles, tout est bétonné en fonction des quatre roues. Fran
1443 es grands ensembles, tout est bétonné en fonction des quatre roues. François Peyrot : M. Kräyenbühl a parfaitement raison d
1444 mme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la
1445 rte quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la voiture et t
1446 ne bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire façon d’
1447 er de tous les péchés du monde. Il faut revenir à une saine interprétation des choses. Nul doute que l’extraordinaire proli
1448 monde. Il faut revenir à une saine interprétation des choses. Nul doute que l’extraordinaire prolifération du nombre de véh
1449 dinaire prolifération du nombre de véhicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. Certains sont pour a
1450 ration du nombre de véhicules pose des problèmes. Des solutions peuvent être apportées. Certains sont pour accroître l’impo
1451 ortées. Certains sont pour accroître l’importance des transports en commun, d’autres au contraire pour favoriser la liberté
1452 de cinquante ans la voiture est devenue le numéro un de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est v
1453 te Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro un et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un ph
1454 tes les grandes industries. C’est personnellement un phénomène qui m’impressionne beaucoup. Car si on me demande face à ce
1455 de rendre toute l’économie occidentale dépendante des caprices de quelques émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire qu
1456  ? Tout cela pour dire que l’on ne peut traiter d’ une question aussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont pour
1457 G de l’industrie automobile française réunis dans une émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : « 
1458 épondre : « Mais Monsieur de Rougemont, avez-vous une voiture ? ». C’est grotesque, c’est de l’enfantillage. III Hub
1459 st de plus en plus brutale et ne tient pas compte des intérêts régionaux. Alors, entre les deux libertés, laquelle choisir 
1460 choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni d’ un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent d
1461 un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un cert
1462 vent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un certain équilibre entre les activités des individus. Vous avez fait a
1463 il y ait un certain équilibre entre les activités des individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation des décisions
1464 dus. Vous avez fait allusion à la démocratisation des décisions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système poli
1465 sions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’ un système politique démocratique où chaque organe a ses pouvoirs et sa
1466 tre les pouvoirs constitutionnellement accordés à un gouvernement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état
1467 titutionnellement accordés à un gouvernement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob
1468 ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle cet
1469 té du plus grand nombre. On en vient à construire des autoroutes à côté de villages, sans que la population concernée soit
1470 ative Weber peut justement amener la population à une prise de conscience. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de
1471 s et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur un cercle vicieux qu’il nous faut briser. François Peyrot : Comprenez-mo
1472 s sont de plus en plus fréquentes et représentent une atteinte aux droits individuels. Elles sont par ailleurs aussi de plu
1473 expropriations que l’on se prépare à faire, selon des déclarations officielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’est
1474 aire, selon des déclarations officielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qu
1475 valerie du nucléaire ». Les expropriations au nom des autoroutes, ou le seul fait que la Confédération puisse imposer certa
1476 tre la volonté populaire, ne sont pas, selon moi, une illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me paraît en revanche
1477 e vous dites, M. Peyrot, que la démocratie dépend des corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part
1478 z d’oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas, des communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les communes. Les tro
1479 tée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à un délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple
1480 äyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologiques consiste à
1481 évoqué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut
1482 ué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut déle
1483 es méfaits des autoroutes. Une des revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut délester les zones d’ha
1484 dire : il faut délester les zones d’habitation d’ un trafic trop intense, en particulier du trafic commercial des poids lo
1485 trop intense, en particulier du trafic commercial des poids lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’un côté on nou
1486 lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’ un côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas con
1487 enre de trafic mais, lorsque l’on veut construire des routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plu
1488 onstruire des routes de contournement, qui sont d’ un degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances b
1489 é de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances bien moindres, alors on crie au massacre de notre environne
1490 rie au massacre de notre environnement, il y a là une énorme contradiction. Denis de Rougemont : Je suis parfaitement d’acc
1491 ion avant de multiplier les permis de construire. Une erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est de transporter b
1492 cune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’ un point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit t
1493 s bien les problèmes qu’apporte la construction d’ une autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terrible
1494 ves du lac ? Sans compter que l’on nous construit une seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fera gagner 3,5 kilomètr
1495 ien obligé de penser que si le fédéral s’obstine, un recours démocratique doit être possible. Hubert de Senarclens : Des r
1496 atique doit être possible. Hubert de Senarclens : Des récentes études ont montré que les gens sont de plus en plus concerné
1497 r les effets négatifs de la voiture sur le visage des villes. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que l’automobile av
1498 en effet au cœur du problème de la circulation et des transports. On l’a dit : de plus en plus les gens vont habiter loin d
1499 u centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’ un véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la v
1500 dire, on a très tôt vu le danger que représentait une utilisation abusive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la no
1501 du centre tous les courants de transit ; accorder une préférence aux transports publics, surtout dans le périmètre situé à
1502 ettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin une nouvelle distribution de l’espace en faveur des piétons et des transp
1503 distribution de l’espace en faveur des piétons et des transports en commun. Hubert de Senarclens : Pourtant en ce qui conce
1504 rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait une sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’acc
1505 nt peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’ un appoint. Mais lorsque l’on passe aux actes, plus personne n’est prêt
1506 as dire, bien sûr, qu’il ne faille pas lutter par une meilleure information. François Peyrot : Ce que dit Jean Kräyenbühl à
1507 de l’urbanisme est juste. Dès que vous avez créé des zones d’habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche de
1508 n extérieures à la ville, vous avez mis en marche des mouvements pendulaires avec des gens qui vont à leur travail et qui e
1509 vez mis en marche des mouvements pendulaires avec des gens qui vont à leur travail et qui en reviennent. Ces mouvements amè
1510 reviennent. Ces mouvements amènent par conséquent des véhicules en ville, laquelle est utilisée davantage pour les bureaux.
1511 ts. En ce qui concerne les parkings périphériques un point d’interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qu
1512 s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans un de ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des
1513 , alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des centres commerciaux où l’on peut garer en sous-sol ? J’émets donc un
1514 aux où l’on peut garer en sous-sol ? J’émets donc un doute sur cette politique des parkings autour de la petite ceinture,
1515 s-sol ? J’émets donc un doute sur cette politique des parkings autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévita
1516 autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roffler : Si b
1517 en voie de développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers la ville, où se déroulent les activités m
1518 e développement. Là-bas vous assistez à un afflux des populations vers la ville, où se déroulent les activités mais égaleme
1519 ation. On ne peut pas couper les lieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les
1520 ieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiques des cités
1521 n’avez qu’à constater les effets catastrophiques des cités-dortoirs où les gens se connaissent à peine, ce qui débouche tô
1522 naissent à peine, ce qui débouche tôt ou tard sur des problèmes psychologiques. Hubert de Senarclens : Vous avez fréquemmen
1523 e. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places des communes au Moyen Âge qui ont joué un rôle si important. Voilà encore
1524 e qui ont joué un rôle si important. Voilà encore un certain nombre d’effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et
1525 manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans un petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis — 
1526 choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 % des frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voitu
1527 u budget de la nation. François Peyrot : On amène une circulation moderne dans des villes qui n’étaient pas faites pour la
1528 is Peyrot : On amène une circulation moderne dans des villes qui n’étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte, c’es
1529 tes pour la recevoir. Il en résulte, c’est clair, des problèmes presque insolubles. Je suis d’avis que des règlements s’imp
1530 problèmes presque insolubles. Je suis d’avis que des règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes ici, je pense
1531 laration de feu le président Georges Pompidou est une monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Par
1532 l’automobile ». François Peyrot : C’est en effet une erreur, car une ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’
1533 François Peyrot : C’est en effet une erreur, car une ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’authentique et q
1534 éservé IV Hubert de Senarclens : Il existe un chiffre assez « intimidant » à propos de l’industrie automobile : 30
1535 : En effet, si vous avez eu l’occasion de visiter une usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’un nombre c
1536 automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’ un nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fourniss
1537 fournisseurs de bien d’autres industries, allant des tracteurs à l’armement, en passant par l’aéronautique. L’industrie es
1538 t, en passant par l’aéronautique. L’industrie est un tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d
1539 et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d’emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabriqu
1540 ve merveilleux de penser à quel point la majorité des gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a un ou deux siècl
1541 s, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a un ou deux siècles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans la criti
1542 al cantonal de Genève. Non seulement pour soigner des maladies chroniques, mais aussi des accidentés. Lorsque votre voiture
1543 pour soigner des maladies chroniques, mais aussi des accidentés. Lorsque votre voiture va sortir de son usine, il ne faut
1544 meurent chaque année sur les routes, sans compter des millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je
1545 il serait très difficile de s’arrêter de produire des voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager de mettre au p
1546 it-on pas, au moins, envisager de mettre au point des véhicules qui au lieu de durer cinq ans, si tout va bien, durent ving
1547 ns ? Je trouve personnellement scandaleux — c’est un pur gaspillage — de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles
1548 s et auxquelles l’on doit continuellement changer des pièces. Denis de Rougemont : En ce qui concerne l’économie, je pense
1549 onomie, je pense qu’il faut rester humain. Il y a des limites qui commencent à être atteintes : celles où l’on subordonne l
1550 n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer des emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des accidents car
1551 mplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose le p
1552 st-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’ un burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autoroutes
1553 sque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autoroutes pour rendre la circulation plus fluide mais on s’aperçoit
1554 anger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chose étonne tout de même. Ces évaluat
1555 es poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc. Une chose étonne tout de même. Ces évaluations sont presque toujours fait
1556 ions sont presque toujours faites, chez nous, par des milieux médicaux marginaux. Alors doit-on parler de « conspiration du
1557 ion du silence » de la part de la grande majorité des médecins ou ces faits sont-ils fortement exagérés ? Jacob Roffler : J
1558 it même si certains phénomènes sont connus, c’est un secteur qui démarre et il y a encore relativement peu de médecins qui
1559 re négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir des conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont d
1560 débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’ un groupe d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbu
1561 es d’hydrocarbures sont déposées chaque année sur un kilomètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de plui
1562 par le vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur des animaux de laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsable
1563 ur le comportement de l’individu ont été étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que des écoliers étudiant à proximité
1564 étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que des écoliers étudiant à proximité de routes fréquentées, connaissent une
1565 nt à proximité de routes fréquentées, connaissent une modification de leur comportement. La pollution des voitures est en o
1566 e modification de leur comportement. La pollution des voitures est en outre responsable d’un certain nombre de maladies pul
1567 pollution des voitures est en outre responsable d’ un certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend
1568 aladies pulmonaires. La bronchite chronique prend une forte expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies
1569 te chronique prend une forte expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’
1570 sidération le choc ou la blessure mais l’ensemble des suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution
1571 a diminution de l’espérance de vie, la diminution des chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, l
1572 ouleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne une certaine liberté, on paie celle-ci horriblement cher. Par des millier
1573 liberté, on paie celle-ci horriblement cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépens
1574 -ci horriblement cher. Par des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de R
1575 des milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s
1576 liards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident
1577 ’ils sont — finalement assez dangereux et bêtes —  des jouets comme la bombe ou d’une manière plus modeste l’automobile. Car
1578 ngereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’ une manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vous n
1579 ppelle ce que l’on dit aux États auxquels on vend des centrales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous
1580 . Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour une usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François P
1581 : Mais alors pourquoi le Conseil fédéral prend-il des mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglemen
32 1980, Journal de Genève, articles (1926–1982). Les journalistes sportifs ? On dirait qu’ils aiment les tyrans (31 mai-1er juin 1980)
1582 evais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’ une gravité extrême. Curieusement, d’ailleurs, mon premier article, qui f
1583 illeurs, mon premier article, qui fut publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un
1584 le, qui fut publié dans une revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant int
1585 vue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des
1586 lors un peu plus de 17 ans — était une critique d’ un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont
1587 ivre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais
1588 , seule revue paraissant alors en Suisse romande, une semaine à peine après que je l’aie écrit. Il s’intitulait « Monsieur
1589 t et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’ un échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla mêm
1590 ntherlant. Ce dernier alla même jusqu’à m’envoyer une photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bl
1591 m’envoyer une photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il
1592 illé comme un gardien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, imp
1593 ant. » J’étais bien entendu très fier de recevoir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Me
1594 oir des lettres de celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Mes débuts littéraires ont donc coïncidé avec m
1595 ouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans une équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passi
1596 … Je crois que le sport doit être pour l’individu une sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de
1597 quel s’est désormais emparé de la grande majorité des compétitions internationales, des JO en particulier. Précisément, que
1598 grande majorité des compétitions internationales, des JO en particulier. Précisément, que pensez-vous des Jeux olympiques ?
1599 s JO en particulier. Précisément, que pensez-vous des Jeux olympiques ? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte le n
1600 opposé à tout ce qui exalte le nationalisme lors des JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref le protocole. Tout cela est, à
1601 ux, bref le protocole. Tout cela est, à mon sens, une effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive
1602 athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent des parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se déroule
1603 r qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’ un régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se
1604 ée certes, mais se serait sans doute engagée dans des conditions bien différentes. Le peuple allemand aurait en effet comme
1605 ant que le gouvernement russe a largement diffusé une brochure, contre laquelle Lord Killanin a d’ailleurs vivement protest
1606 que le fait que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d’admiration du monde entier à l’égard du régime
1607 que Moscou ait été choisi comme siège des JO est un témoignage d’admiration du monde entier à l’égard du régime communist
1608 nt pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger une charte olympique totalement nouvelle, qui éli
1609 Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger une charte olympique totalement nouvelle, qui élimine expressément toute
1610 adical. D’ailleurs je voyais l’autre jour à la TV des membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir di
1611 r disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiff
1612 aître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiffé avec
1613 re à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiffé avec viru
1614 a dégradation du sport. Voyez les pages sportives des journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de journalistes vont mêm
1615 Beaucoup de journalistes vont même jusqu’à écrire des phrases telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, il écrase se
1616 rtier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi », un peu comme si les grands sportifs imposaient leurs volontés les plus a
1617 out cela fait bien entendu régner autour du sport un climat de violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se
1618 chaîner. Ne serait-il donc pas temps de revenir à une vraie morale du sport telle que je l’admirais comme adolescent dans l
33 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Mes amis et Nerval (9 octobre 1982)
1619 omme chaque année, je suis parti en vacances avec une pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacance
1620 à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis des mois, et livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits
1621 livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compa
1622 train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’ un seul des « livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier,
1623 Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul des « livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le p
1624 avec le plaisir constant, finalement envoûtant, d’ une surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un é
1625 nstant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’ une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du n
1626 ne trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du nom, c’est devenu tellement rare aujourd’hui ! Mais
1627 erbo-croate, exigeant ajouts et préfaces, ou pour des rééditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’au
1628 out, écriture et lectures. À la seule exception d’ une plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte
1629 honte que je ne savais plus par cœur les sonnets des Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Réponse à une
1630 t réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octobre 1
34 1982, Journal de Genève, articles (1926–1982). Suis-je perdu pour la littérature ? (30 octobre 1982)
1631 Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette an
1632 s de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une des plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette année
1633 t à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en un avenir qui sera ce que nous en ferons, Denis de Rougemont expliqua po
1634 gemont expliqua pourquoi l’essai est, à son sens, un genre pleinement littéraire, et il retraça les origines à la fois his
1635 oins autant qu’il m’honore. Il distingue en effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce d’écrivain qui ne se définit a
1636 distingue en effet un « essayiste », c’est-à-dire une espèce d’écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine litt
1637 it aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’ une manière négative : c’est quelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a pas
1638 uelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a pas publié un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de thé
1639 blie bien sûr, mais n’a pas publié un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il v
1640 un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? T
1641 grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’ un essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rigue
1642 erse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément 
1643 des idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du
1644 teur des Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persane
1645 Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout de
1646 le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau d
1647 le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Ch
1648 et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-to
1649 es tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor H
1650 des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et p
1651 briand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enf
1652 Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton des Manifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean P
1653 anifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeu
1654 me toute préférence quelque injustice. Le style d’ un écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans ma
1655 n française. L’avis de Malraux Ceci dit sur un plan général, j’en viens à mon cas personnel, pour la première fois e
1656 encore ; sans parler de l’Association européenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études europée
1657 péenne des festivals de musique, de l’Association des instituts d’études européennes, de la Campagne d’éducation civique et
1658 opéennes, de la Campagne d’éducation civique et d’ une dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâches q
1659 transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est un de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combi
1660 e m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être un devoir. Tout s’est joué entre 1930 et 1940 J’oserai donc aborde
1661 r l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’
1662 fut l’affrontement entre un mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nat
1663 mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guer
1664 ures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guerre entre eux devenait inévitable.
1665 le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans un temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du personna
1666 ne troisième voie. Ce fut celle du personnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexa
1667 oie. Ce fut celle du personnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me r
1668 t celle du personnalisme. Un jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une
1669 je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée
1670 ni collectivistes, nous sommes personnalistes ». Un trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre
1671 poque, les carences de nos démocraties et le défi des totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation avec quelques
1672 uels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après une thèse célèbre, « les non-conformistes des années trente », bientôt re
1673 d’après une thèse célèbre, « les non-conformistes des années trente », bientôt reliés à d’autres groupes anglais, belges, h
1674 lais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d’ une manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’Itali
1675 e nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer des revues comme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à
1676 que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne un article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemai
1677 ncé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut une condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans
1678 gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’ une mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même
1679 Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’ une constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europ
1680 et Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir une du protestantisme totalement différente, je le confesse, de celle que
1681 e très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’ un individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté. P
1682 la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’ une vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous convai
1683 us convaincus de ce que « toute politique suppose une certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que le communisme suppo
1684  ». Nous en déduisons que le communisme supposait un individu embrigadé, le komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, im
1685 quaient à peu près la même conception, dictée par des buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à c
1686 stitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche une société vraiment démocratique et libertaire, supposait un type d’homm
1687 té vraiment démocratique et libertaire, supposait un type d’homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement resp
1688 sons — que l’homme n’est responsable qu’au sein d’ une communauté où sa voix puisse porter et où n’importe qui puisse lui ré
1689 ’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’ une société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les tâch
1690 , et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’ une fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puis
1691 de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe —
1692 ale n’étant pas de créer une puissance nouvelle —  un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minim
1693 pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune des régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction
1694 n nullement utopique — voir la Suisse justement —  une idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un indiv
1695 omme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un individu à la fois libre et engagé ; distingué de tout autre par sa v
1696 européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’ un quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, «