1
illet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel
une
« Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des
2
ent » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence.
Des
prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés —
3
« crépuscule du monde occidental », et, au-dessus
des
ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
4
os cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’
un
Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse
5
mière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines
des
confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craint
6
de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs
des
plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses hab
7
et son passé, en curieux avide du secret dernier
des
choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’êt
8
avide du secret dernier des choses, lucide, avec
une
sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que c
9
l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à
un
don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psyc
10
hapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni
un
album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auque
11
l nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais
une
suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l
12
me orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec
un
intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusa
13
pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement
une
sensibilité protestante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
14
tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur
une
partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bie
15
meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres
des
Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposi
16
Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’
un
livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que d
17
n livre comme celui-ci est plus dans l’opposition
des
deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’
18
z ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit
des
Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une b
19
S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’
une
politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contrast
20
Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît
une
beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréduct
21
t une beauté », c’est pour affirmer par contraste
une
« préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir p
22
ge ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il
des
rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme,
23
e paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est
une
démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons
24
t. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait
une
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et en
25
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait
un
plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit l
26
e M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en
une
matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire
27
sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à
un
péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là
28
r là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre
des
musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne com
29
manque pour parler comme j’aurais voulu le faire
des
deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais
30
ulu le faire des deux autres parties du volume, d’
une
importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supérie
31
u volume, d’une importance moins actuelle, mais d’
une
qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de
32
les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz
un
philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux h
33
ur édifier aucun système. Le livre se termine par
un
voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don d
34
plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là
des
pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certai
35
on de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’
un
accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume
36
n accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’
une
certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’o
37
’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois
un
peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieu
38
a personnalité peut-être mieux que ne le feraient
une
suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici,
39
le feraient une suite de pages lyriques toujours
un
peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligen
40
à ses origines pour garder dans ses dépaysements
un
point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, juger ; préférant obsti
41
à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’
un
sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicates
42
sphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’
une
propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
43
situde à la turbulence, d’une propreté joliette à
un
désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressiv
44
ne propreté joliette à un désordre pittoresque, d’
un
scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des caf
45
un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
une
excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autr
46
poli à une excitation agressive. La simple visite
des
cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
47
ourrées de profondes loges, les clients dégustent
des
cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vie
48
nts dégustent des cafés débordants de crème, avec
une
apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucu
49
oncent chaque jour quelque catastrophe imminente,
une
révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles d
50
nira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’
une
opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la d
51
acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec
une
facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel sem
52
ces bourgeois aimables et insipides, qui passent
des
après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouve
53
que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire
des
potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
54
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant
une
moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane
55
yant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
une
vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient v
56
gue de musique tzigane vous emporte dès l’entrée.
Un
violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une
57
s siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’
une
chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la
58
autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur
des
clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sou
59
voix profonde et passionnée, sous les roulades d’
un
cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, d
60
is, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
des
portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : «
61
voix agréablement rauques… Sortez pour en suivre
une
, arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin
62
-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer
un
coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienn
63
La rue est sale à cause de la fonte de la neige (
une
boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), enco
64
xis rouges qui déferlent sur les boulevards comme
une
nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut e
65
ui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse
une
énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, faç
66
se dresse une énorme maison de pierre brune, puis
une
banque en style hongrois, façade aux grandes lignes verticales, peint
67
es, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis
une
rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Pui
68
oute boursouflée de prétentions munichoises. Puis
un
palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Dan
69
re leurs piles, en hiver, viennent se briser avec
un
fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. A
70
ans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc
une
grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son a
71
bement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont
des
rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage,
72
cieuses, provinciales, bordées de petits palais à
un
étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodé
73
palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et
des
crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ell
74
ries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville
un
soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vou
75
r qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez
des
gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
76
au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme
un
cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez q
77
Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme
des
voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien q
78
e bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est
une
grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
79
vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’
un
des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un r
80
s êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un
des
archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi.
81
Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’
un
roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui
82
le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans
un
bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompr
83
vous voici transporté dans un bal costumé, parmi
des
gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’e
84
é dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent
une
langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un
85
incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus
un
Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czard
86
tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur
des
divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dan
87
et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie
des
grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et arden
88
algie des grandeurs de naguère, tout cela compose
un
visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, mal
89
oyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’
une
passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama d
90
ré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique
un
peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journa
91
Sara Alelia (25 mai 1934)c Il y a
une
chose au monde plus difficile à réussir qu’un beau roman : c’est un r
92
a une chose au monde plus difficile à réussir qu’
un
beau roman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chré
93
plus difficile à réussir qu’un beau roman : c’est
un
roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chrétien ? Une histoire où
94
oman : c’est un roman chrétien. Qu’est-ce donc qu’
un
roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bien » ?
95
n chrétien. Qu’est-ce donc qu’un roman chrétien ?
Une
histoire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de
96
« se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman.
Une
histoire dont le personnage principal est « la main du Seigneur », ou
97
l’insondable Providence » mise en action au gré d’
un
moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serai
98
e l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait
un
conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire
99
bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou
un
volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, c
100
leu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce
une
histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais du
101
lais du xixe — en conséquence de quoi les romans
des
« païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquenc
102
conséquence de quoi les romans des « païens », d’
un
Thomas Hardy, par exemple, se devaient en conséquence de finir carrém
103
tianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’
un
roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien
104
Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’
un
quelconque happy end soi-disant édifiant, s’il est certain que l’Évan
105
de salut sont seuls capables de donner à l’homme
une
vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer s
106
tre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation.
Un
vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Car il faut bien connaître
107
ui éclatent dans ce chef-d’œuvre vous consoleront
des
réalités artificielles qui énervent nos vies de soucis dégradants. J’
108
s de soucis dégradants. J’ai fait lire ce livre à
des
gens de toutes conditions, « de toutes croyances ou de toutes incroya
109
à quelle heure je l’ai terminé cette nuit ». — «
Des
livres comme celui-là, ça aide à vivre ! » Tout le charme profond de
110
fond de Selma Lagerlöf revit dans ces peintures d’
une
Laponie lointaine, où des gens simples mènent des existences bien plu
111
it dans ces peintures d’une Laponie lointaine, où
des
gens simples mènent des existences bien plus proches de la nôtre que
112
une Laponie lointaine, où des gens simples mènent
des
existences bien plus proches de la nôtre que celle du passant qu’on c
113
lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling : mais
une
sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de fem
114
été qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute
une
vie de femme se déroule sur un rythme large à travers une humanité vi
115
haque page. Toute une vie de femme se déroule sur
un
rythme large à travers une humanité vivement contrastée, et des paysa
116
de femme se déroule sur un rythme large à travers
une
humanité vivement contrastée, et des paysages baignés d’une longue lu
117
ge à travers une humanité vivement contrastée, et
des
paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
118
té vivement contrastée, et des paysages baignés d’
une
longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni une sainte.
119
une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas
un
ange, ni une sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond
120
umière boréale. Cette femme n’est pas un ange, ni
une
sainte. Elle pèche, elle désespère, elle touche le fond de la détress
121
elle touche le fond de la détresse humaine. C’est
un
vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dre
122
nd de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur
un
peu ivrogne, un vieil ours intraitable, toujours dressé contre les co
123
e humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne,
un
vieil ours intraitable, toujours dressé contre les conventions civili
124
qui prend soin d’elle au temps de sa misère. Puis
une
grâce vient dans sa vie et désormais l’accompagne en secret tout au l
125
ong de cette chronique. On voit naître et grandir
un
fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est un des gran
126
is les enfants d’une troisième génération. (C’est
un
des grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée
127
les enfants d’une troisième génération. (C’est un
des
grands pouvoirs des romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’u
128
oisième génération. (C’est un des grands pouvoirs
des
romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’une vie comme protago
129
s romanciers du Nord, que d’introduire la durée d’
une
vie comme protagoniste du drame.) Des fragments émouvants du journal
130
la durée d’une vie comme protagoniste du drame.)
Des
fragments émouvants du journal de Sara commentent et rythment le déro
131
de cette légende de la vie quotidienne. Il y eut
une
école littéraire, à la fin du siècle dernier, pour soutenir que la ré
132
outenir que la réalité c’est le terne train-train
des
journées. Ils avaient en somme raison, tout au moins pour leur compte
133
s a su voir dans la « vie courante » de ses héros
des
drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bou
134
et profondes folies, l’originalité bouleversante
des
êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme «
135
inalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’
un
grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette
136
lette » qui enterre son enfant dans la neige avec
une
sorte d’innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes dé
137
tion rôde dans ces campagnes désertiques : il y a
des
fous, des femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ;
138
dans ces campagnes désertiques : il y a des fous,
des
femmes possédées ; des ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être
139
rtiques : il y a des fous, des femmes possédées ;
des
ivrognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi des saints qui se
140
rognes qui citent les Écritures ; peut-être aussi
des
saints qui se croient plus mauvais que tous ; surtout et jusque dans
141
ais que tous ; surtout et jusque dans les choses,
un
mystère inquiétant se révèle aux yeux de celui qui sait voir parce qu
142
neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’
une
miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce
143
us conterai pas « l’histoire ». Cette chronique d’
une
vie de femme n’est pas de celles qui se résument. Il y a là vingt fig
144
ues enfants qui semblent incarner toute la poésie
des
contes scandinaves, une merveilleuse petite Eva-Margareta dont l’appa
145
incarner toute la poésie des contes scandinaves,
une
merveilleuse petite Eva-Margareta dont l’apparition fait songer aux p
146
ux plus radieuses créations d’Andersen. On a fait
un
succès depuis quelques années à tant de traductions qui ne valent pas
147
he (dont il faut regretter qu’elle soit elle-même
un
affreux barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il est une justice
148
barbarisme importé d’outre-Manche). Mais s’il est
une
justice dans le domaine littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non
149
littéraire, il faut prédire à Sara Alelia non pas
un
succès de saison, mais la carrière plus discrète, plus populaire et p
150
a Alelia, roman traduit du suédois par Anne-Marie
des
Courtis. Éditions « Je sers », Paris. c. Rougemont Denis de, « [Com
151
? N’allons pas en chercher l’explication au-delà
des
frontières immédiates de la France : défense de la culture signifie p
152
et l’Allemagne ayant, comme chacun sait, déclaré
une
guerre sans merci à toutes les formes d’intelligence réfractaires à l
153
rci, la culture française est malade elle aussi d’
une
maladie qui n’est pas le fascisme. Elle me paraît souffrir en premier
154
souffrir en premier lieu de l’inculture relative
des
masses. (On lit beaucoup moins en France qu’en Suisse et qu’en Allema
155
t encore, de la condition faite aux écrivains par
un
état de choses libéral certes, mais anarchique, et dominé par les seu
156
je crois bien, à peu près tout de cette condition
des
écrivains. L’on s’en fait une idée romantique : le poète pauvre et mé
157
de cette condition des écrivains. L’on s’en fait
une
idée romantique : le poète pauvre et méconnu, dans sa soupente, vit d
158
récemment encore, le timbre-poste vendu au profit
des
« intellectuels en chômage ». Ou bien l’on s’imagine un auteur à succ
159
ntellectuels en chômage ». Ou bien l’on s’imagine
un
auteur à succès choyé par les « femmes du monde », hommes de toutes l
160
nes et bonnes fortunes, et traversant la vie dans
un
murmure flatteur, comme on peut le voir au cinéma. C’est agréable, po
161
e on peut le voir au cinéma. C’est agréable, pour
un
écrivain, qu’on croie tout cela… Je doute que ce soit bien utile. Un
162
croie tout cela… Je doute que ce soit bien utile.
Un
membre de l’Académie Goncourt, M. Jean Ajalbert, citait l’autre jour
163
it l’autre jour quelques faits qui peuvent donner
une
idée assez juste du sort réel de l’écrivain. Parmi ses confrères acad
164
l’un se voit obligé de courir le monde pour faire
des
reportages, l’autre est enchaîné au bureau de son journal où il écrit
165
d métier, ces écrivains ! La littérature n’est qu’
un
luxe, elle n’a pas à nourrir son homme. Et l’on cite M. Duhamel, qui
166
création artistique requiert toutes les forces d’
un
homme, et s’accommode très mal de la dispersion de ses efforts. Comme
167
ire dans le domaine de la culture, il ne reste qu’
une
solution : que l’écrivain vive de sa plume. Or, c’est cela qui devien
168
ue dix pour cent du produit de la vente. Supposez
une
vente normale de trois à six-mille exemplaires pour son volume annuel
169
lle exemplaires pour son volume annuel, cela fait
un
revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer un petit loyer, les
170
revenu de 1000 à 2000 fr. suisses. De quoi payer
un
petit loyer, les cigarettes et les journaux, sauf cas d’ascétisme far
171
les de la littérature pure, et nombre d’écrivains
des
mieux doués s’y montrent assez inhabiles. On retombe d’ailleurs ici d
172
e du fait qu’il s’agit encore d’écrire, mais dans
un
style qui ne saurait être celui du poète ou du philosophe, par exempl
173
pliquer que les meilleures œuvres du temps soient
des
cris de protestation, souvent très maladroits, et plus souvent encore
174
et plus souvent encore, habilement exploités par
des
politiciens qui, par ailleurs, se moquent un peu de la culture ! En v
175
culture ! En vérité, il est grand temps de mettre
un
ordre neuf dans tout cela. Mais il faudrait d’abord que cela se sache
176
empiré du fait de la crise générale. Et cela pour
des
raisons d’ordre technique dont le lecteur ignore le plus souvent les
177
ur ignore le plus souvent les mécanismes. Parlons
un
peu, à ce propos, des conditions actuelles de l’édition. Malgré toute
178
vent les mécanismes. Parlons un peu, à ce propos,
des
conditions actuelles de l’édition. Malgré toute leur bonne volonté, l
179
oute leur bonne volonté, les éditeurs ne sont pas
des
philanthropes. En tout cas, ils ne peuvent plus l’être. Ils ont eux a
180
« se défendre ». Naguère encore, ils se faisaient
un
point d’honneur de découvrir et d’imposer certains auteurs originaux,
181
e de commerce, d’épicerie, de macaronis. On exige
des
produits standard : ni trop gros, ni trop mince, ni trop difficile. T
182
trop difficile. Tolstoï en 1937 ne trouverait pas
un
éditeur pour Guerre et Paix : pensez donc, un roman en 10 volumes ! E
183
pas un éditeur pour Guerre et Paix : pensez donc,
un
roman en 10 volumes ! Et l’Adolphe de Constant, ce serait bien court…
184
elles fantaisies. Ainsi la situation est telle qu’
un
éditeur, bon gré mal gré, se voit souvent contraint de refuser les me
185
meilleures raisons ! Ou s’il tente la chance avec
un
débutant, il est forcé de se rattraper ailleurs, et de publier, pour
186
bonnes petites histoires coquines. (Il est certes
des
exceptions à cette règle déplorable. Elles se font excessivement rare
187
lever le fameux projet de loi Jean Zay démasquent
un
autre aspect de la question : celui du contrat d’édition. Depuis la c
188
eurs ont eu recours à l’expédient suivant. Lorsqu’
un
jeune auteur vient proposer son manuscrit, on lui fait signer un cont
189
vient proposer son manuscrit, on lui fait signer
un
contrat qui l’engage pour cinq ou dix volumes à venir. La propriété d
190
trouveront difficilement à se faire accepter par
un
confrère, on l’imagine.) On escompte ainsi les succès futurs du début
191
si la célébrité se dessine, se verra prisonnier d’
un
contrat de débutant, précisément ! Au bénéfice de l’éditeur, cela va
192
a de soi. Le projet de loi Jean Zay entend mettre
une
fin à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet des contrats d’é
193
à ces pratiques, en limitant à 10 années l’effet
des
contrats d’édition. Tous les écrivains applaudissent. Mais les éditeu
194
es priverait de la récompense, obtenue après bien
des
années, pour leurs sacrifices du début… Cette polémique fait apparaît
195
niment le plan technique : c’est tout le problème
des
rapports de l’écrivain et du public, ou même de la culture et de la n
196
meetings sportifs ? D’où vient cette désaffection
des
grandes masses pour la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien d
197
r la lecture ? Est-ce la faute du public, ou bien
des
écrivains ? Et avant d’y porter remède, ne conviendrait-il pas de s’i
198
ment secondaire de l’édition, et du sort matériel
des
écrivains, ne peut laisser indifférente notre conscience de citoyens.
199
ctuels l’ont bien compris. Nous les voyons donner
des
soins jaloux au statut de la culture dans leur pays. Pourquoi donc no
200
t-elles battre sur ce terrain, où elles disposent
des
meilleures armes ? Je persiste à croire, malgré tout, que c’est elles
201
bdomadaires. Je ne nie pas que cela explique bien
des
choses. Mais d’où vient cette paresse ? D’où vient que le public se d
202
nde aussi mal contre les sollicitations vulgaires
des
distractions commerciales ? Les écrivains ne portent-ils pas une part
203
s commerciales ? Les écrivains ne portent-ils pas
une
part de responsabilité ? Car, après tout, le public est à peu près ce
204
en particulier la littérature, a voulu se séparer
des
intérêts fondamentaux de la nation. Ce phénomène est apparu dès le ro
205
s. Les grands auteurs de notre siècle ne sont pas
des
auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’une classe restrein
206
auteurs populaires. Ils sont à l’usage exclusif d’
une
classe restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, q
207
’une classe restreinte de la population. Alors qu’
un
Hugo, qu’un Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement la masse profond
208
restreinte de la population. Alors qu’un Hugo, qu’
un
Balzac, qu’un Zola atteignent rapidement la masse profonde du peuple,
209
la population. Alors qu’un Hugo, qu’un Balzac, qu’
un
Zola atteignent rapidement la masse profonde du peuple, nous voyons a
210
olicier ou de quelques pornographies situées dans
un
grand monde de cinéma. Comment veut-on qu’il en soit autrement, quand
211
re la pareille. Alors le champ devient libre pour
une
« littérature » commerciale qui, elle, ne sera soucieuse que de plair
212
e de plaire à bon compte, c’est-à-dire de flatter
des
instincts, d’offrir des paradis artificiels, des compensations illuso
213
, c’est-à-dire de flatter des instincts, d’offrir
des
paradis artificiels, des compensations illusoires au morne train-trai
214
des instincts, d’offrir des paradis artificiels,
des
compensations illusoires au morne train-train de la vie. Ainsi le pub
215
bitude de demander aux écrivains autre chose qu’«
une
heure d’oubli », une distraction sans conséquence entre les heures de
216
x écrivains autre chose qu’« une heure d’oubli »,
une
distraction sans conséquence entre les heures de bureau ou d’usine. A
217
lus du tout ce qu’elle était au siècle passé pour
des
millions de personnes de toutes conditions : une nourriture, un exerc
218
des millions de personnes de toutes conditions :
une
nourriture, un exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès l
219
personnes de toutes conditions : une nourriture,
un
exercice de l’âme, de l’intelligence et du cœur. Dès lors, les effort
220
’il se perde en se « distinguant » volontairement
des
préoccupations, jugées vulgaires, de la nation ; tandis que les autre
221
autres spéculaient commercialement sur la paresse
des
lecteurs. Dans les deux cas, ce sont d’abord les écrivains qui ont ma
222
crivains qui ont manqué à leur fonction de guides
des
esprits, et ruiné leur autorité. Ils sont donc mal venus à se plaindr
223
, plus gravement qu’elle ne le croit, sans doute.
Une
situation si compromise ne se rétablira point par quelque truc, loi n
224
rennent le sens de leur fonction sociale avant qu’
un
dictateur ne les y invite avec une insistance déplaisante. Il s’agit,
225
ociale avant qu’un dictateur ne les y invite avec
une
insistance déplaisante. Il s’agit, pour eux, de retrouver ce qu’on ap
226
on appelle l’oreille du peuple. Mais cela suppose
une
véritable révolution dans les valeurs qu’ils ont cultivées jusqu’ici
227
qu’ils ont cultivées jusqu’ici ! Car pour guider
un
peuple, et pour influencer sa morale ou son intellect (je ne dis pas
228
intellect (je ne dis pas son âme, c’est l’affaire
des
Églises), il faudrait se soucier d’être utile, de servir la communaut
229
ne croie pas que l’art en souffrirait : l’exemple
des
grands, d’un Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Ja
230
ue l’art en souffrirait : l’exemple des grands, d’
un
Dante ou d’un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écriv
231
uffrirait : l’exemple des grands, d’un Dante ou d’
un
Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais un écrivain ne travail
232
un Tolstoï, suffit à prouver le contraire. Jamais
un
écrivain ne travaille mieux que lorsqu’il sent qu’il est en communion
233
nation, sa vie réelle et sa nature profonde. Mais
un
tel redressement de la culture n’aurait pas de chance d’aboutir si, d
234
orer. Aussi bien, si j’écris ceci à l’intention d’
un
de nos journaux, ce n’est pas pour prêcher les écrivains qui le lisen
235
ientôt d’être vrai : nous suivrons le cours fatal
des
choses. J’observais tout à l’heure que le public est à peu près ce qu
236
te. Or, il importe hautement à notre pays d’avoir
des
écrivains représentatifs de ce qui fait sa force véritable. La raison
237
ce qui fait sa force véritable. La raison d’être
des
petites démocraties n’est pas dans le domaine matériel, mais dans le
238
unautaire qui anime la fédération. Or, la force d’
un
tel principe se mesure au niveau de la culture. (Et non pas seulement
239
nt. Et c’est pourquoi enfin, j’y reviens, acheter
des
livres et se montrer fort exigeant sur ce chapitre, ce n’est pas seul
240
erce », mais c’est aussi faire acte civique, dans
une
cité dont l’idéal est encore la plus sûre garantie. f. Rougemont D
241
raités en deux gros volumes qui, au surplus, sont
une
thèse de doctorat ?3 Quoi de moins actuel, sera-t-on tenté de penser.
242
t-on tenté de penser. Notre âge est dur. Le temps
des
rêves est passé. « Nous ne sommes plus un peuple de rêveurs et de phi
243
temps des rêves est passé. « Nous ne sommes plus
un
peuple de rêveurs et de philosophes ! », proclamait récemment M. Goeb
244
bels. Mais, tandis que s’élevait l’immense rumeur
des
heil ! et la vocifération triomphale des philistins enfin vengés, per
245
e rumeur des heil ! et la vocifération triomphale
des
philistins enfin vengés, perdu dans la foule exaltée je me disais : Q
246
ce discours, ces clameurs, sinon les phantasmes d’
un
rêve, d’un rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve
247
, ces clameurs, sinon les phantasmes d’un rêve, d’
un
rêve de vie tendue, disciplinée, cruelle, c’est vrai, rêve pourtant,
248
collective exprimant le désir et l’inconscient d’
un
peuple, ses ambitions démesurées, ses utopies qui le consolent d’un p
249
itions démesurées, ses utopies qui le consolent d’
un
présent beaucoup moins héroïque… En vérité, rien n’est plus actuel qu
250
important que de savoir la qualité, et la nature,
des
rêves qui mènent le monde, à un moment donné de son évolution. À cett
251
é, et la nature, des rêves qui mènent le monde, à
un
moment donné de son évolution. À cette raison très générale d’approuv
252
olution. À cette raison très générale d’approuver
une
étude du rêve et de l’inconscient telle que l’a poursuivie M. Albert
253
ie M. Albert Béguin, viennent s’ajouter, en 1937,
des
opportunités plus précises d’ordre culturel et littéraire. « Toute ép
254
toute autre semble-t-il, s’est attachée à l’étude
des
rêves : qu’il suffise de citer Freud et Jung et, d’autre part, l’écol
255
ud et Jung et, d’autre part, l’école surréaliste.
Une
vague de rêves s’est étendue sur les années de l’après-guerre, fécond
256
osophie et sciences de l’homme. Il était temps qu’
un
ouvrage d’ensemble reprenne l’étude du phénomène à ses racines : M. B
257
racines : M. Béguin vient de nous le donner, avec
une
maîtrise qui le met du coup au premier rang des historiens modernes d
258
c une maîtrise qui le met du coup au premier rang
des
historiens modernes de la culture. C’est en effet au romantisme allem
259
ut le mystère de la création poétique, elles font
une
part notable aux facteurs spirituels, religieux et métaphysiques. Tou
260
premier volume est d’ailleurs consacré à l’examen
des
théories romantiques du rêve. Ce sera sans doute pour la plupart des
261
oute pour la plupart des lecteurs non spécialisés
une
découverte pleine d’attraits : nous étions loin de nous douter de la
262
ons loin de nous douter de la « modernité » aiguë
des
problèmes que posèrent un Hamann, un Carus, à propos de l’inconscient
263
la « modernité » aiguë des problèmes que posèrent
un
Hamann, un Carus, à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que le
264
ité » aiguë des problèmes que posèrent un Hamann,
un
Carus, à propos de l’inconscient notamment. Tout ce que les plus réce
265
ment discuté, se trouve déjà posé et défini, avec
une
ampleur admirable, par ces penseurs dont nous ignorons tout. C’est qu
266
ançaise : en exposant leur contenu essentiel avec
une
clarté et une précision admirables, M. Béguin rend à notre littératur
267
xposant leur contenu essentiel avec une clarté et
une
précision admirables, M. Béguin rend à notre littérature un service d
268
on admirables, M. Béguin rend à notre littérature
un
service dont on ne saurait exagérer l’importance. Je n’hésite pas à a
269
rmanique, d’autre part en déclarant et soulignant
des
correspondances profondes, et toutes nouvelles, entre le romantisme a
270
, Hugo, Baudelaire et Mallarmé, pour ne rien dire
des
contemporains. Il serait passionnant, à cet égard, de pousser plus av
271
ontrer l’analogie que présentent les recherches d’
un
Valéry ou d’un Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce sera
272
ie que présentent les recherches d’un Valéry ou d’
un
Claudel avec celles d’un Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion d
273
herches d’un Valéry ou d’un Claudel avec celles d’
un
Novalis, par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien des préjug
274
par exemple. Ce serait l’occasion de réviser bien
des
préjugés ancrés dans nos esprits, notamment le préjugé qui veut que l
275
veurs », alors qu’ils furent souvent, en réalité,
des
esprits d’une lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ai
276
qu’ils furent souvent, en réalité, des esprits d’
une
lucidité puissante, voire téméraire. On saura gré, d’ailleurs, à M. A
277
sa réalité. Il y fallait toutes les ressources d’
un
esprit bien armé par nos classiques, alliées à une profonde sympathie
278
un esprit bien armé par nos classiques, alliées à
une
profonde sympathie pour les hardiesses de la pensée allemande. Il me
279
mande. Il me plaît de souligner ici la réussite d’
une
telle synthèse, dont il est permis de croire qu’elle exprime la vocat
280
de croire qu’elle exprime la vocation européenne
des
Suisses français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions des Cahiers
281
français dans l’ordre de l’esprit. 3. Éditions
des
Cahiers du Sud, Marseille. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
282
ment où cet article atteindra la Suisse est l’une
des
plus violentes qu’aient connue les États-Unis. D’autant plus violente
283
s. Roosevelt représente le New Deal, c’est-à-dire
un
ensemble assez peu homogène de réformes sociales et économiques. Will
284
hef de la fraction syndicaliste la plus « rouge »
des
États-Unis. Relativement à la politique extérieure, l’opposition des
285
ativement à la politique extérieure, l’opposition
des
deux candidats n’est guère plus claire. Roosevelt a pris position con
286
usent Willkie de jouer — sans le vouloir — le jeu
des
totalitaires. Mais Willkie réplique que c’est Roosevelt qui, en préte
287
evelt qui, en prétendant demeurer au pouvoir pour
un
« third term » — une troisième période de quatre ans —, sape les base
288
simplifier, qu’avec Roosevelt l’entrée en guerre
des
États-Unis serait un peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’est pas
289
oosevelt l’entrée en guerre des États-Unis serait
un
peu plus probable qu’avec Willkie ? Ce n’est pas certain. Mais peut-ê
290
s peut-être cette nuance hypothétique joue-t-elle
un
rôle plus important qu’on ne veut bien le dire, ou qu’on ne veut bien
291
gmenter rapidement : les journaux parlent de 48 %
des
voix à Willkie contre 50 % à Roosevelt, le résidu allant aux candidat
292
te » pour les masses, c’est précisément le nombre
des
inconnues qu’elle met en jeu et l’instabilité caractéristique des pas
293
’elle met en jeu et l’instabilité caractéristique
des
passions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’une campagne viole
294
assions dans ce pays. Je parlais tout à l’heure d’
une
campagne violente. Cette épithète demande quelques explications. En E
295
s. En Europe, la violence politique s’exprime par
des
bagarres et des injures, par une fanatique intolérance de part et d’a
296
violence politique s’exprime par des bagarres et
des
injures, par une fanatique intolérance de part et d’autre. En Amériqu
297
ue s’exprime par des bagarres et des injures, par
une
fanatique intolérance de part et d’autre. En Amérique, il s’agit de q
298
ue chose qui rappelle beaucoup plus la violence d’
un
match de football. M. Willkie et même Mrs Willkie ont reçu quelques œ
299
, de la passion politique, sont considérées comme
des
tricheries regrettables, dénotant un manque d’éducation civique très
300
érées comme des tricheries regrettables, dénotant
un
manque d’éducation civique très exceptionnel. Loin d’exulter, les dém
301
pas gêner son jeu davantage qu’on ne fait lors d’
un
match. On peut applaudir ou huer, mais non pas entrer dans le terrain
302
également les points marqués par l’un et l’autre
des
adversaires : c’est le meilleur qui gagnera. Bien que la presse, à pe
303
re ans — l’information reste impartiale et le ton
des
critiques objectif. Un grand magazine publiait l’autre semaine deux a
304
este impartiale et le ton des critiques objectif.
Un
grand magazine publiait l’autre semaine deux articles en regard : l’u
305
on ancien secrétaire, l’autre contre Willkie, par
un
de ses amis de jeunesse. Les deux auteurs insistaient longuement sur
306
ndant de voter. Fair play ! Ce qui frappe le plus
un
Européen fraîchement débarqué, c’est l’absence quasi totale d’argumen
307
té de ce débat académique — recouvrant d’ailleurs
des
intérêts matériels et non des idées — vous trouverez des articles d’u
308
couvrant d’ailleurs des intérêts matériels et non
des
idées — vous trouverez des articles d’un ton beaucoup plus mordant, r
309
érêts matériels et non des idées — vous trouverez
des
articles d’un ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances p
310
et non des idées — vous trouverez des articles d’
un
ton beaucoup plus mordant, relatifs aux circonstances personnelles de
311
mordant, relatifs aux circonstances personnelles
des
candidats. La campagne des républicains a porté, pendant plus d’une s
312
onstances personnelles des candidats. La campagne
des
républicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur un incident min
313
campagne des républicains a porté, pendant plus d’
une
semaine, sur un incident minuscule : la promotion trop rapide d’un de
314
blicains a porté, pendant plus d’une semaine, sur
un
incident minuscule : la promotion trop rapide d’un des fils de Roosev
315
n incident minuscule : la promotion trop rapide d’
un
des fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de fav
316
ncident minuscule : la promotion trop rapide d’un
des
fils de Roosevelt au grade de capitaine aviateur. Cet acte de favorit
317
exploité à fond pour persuader l’Américain moyen
des
intentions « dictatoriales » du président. Les partisans de Willkie m
318
ésident. Les partisans de Willkie mirent en vente
un
bouton-insigne portant la devise : « Je voudrais, moi aussi, être nom
319
drais, moi aussi, être nommé capitaine. » La mode
des
boutons à slogans fait d’ailleurs fureur. L’Américain n’aime guère di
320
connaître son opinion. Il délègue donc ce soin à
un
bouton tricolore qui proclame sur sa poitrine, avec une sobre éloquen
321
uton tricolore qui proclame sur sa poitrine, avec
une
sobre éloquence : « Je désire Willkie (ou Roosevelt) comme président.
322
ent. » Tout cela paraît, dans l’ensemble, gentil,
un
peu puéril, mi-publicitaire mi-sportif, et l’on a souvent peine à cro
323
le sort du pays dépendra certainement — quoique d’
une
manière encore imprévisible — de la décision du 5 novembre. Ce jour-l
324
l, et le programme de défense nationale deviendra
un
programme nationaliste. En somme, l’opposition des deux candidats peu
325
un programme nationaliste. En somme, l’opposition
des
deux candidats peut être assez bien résumée par cette formule : C’est
326
résumée par cette formule : C’est l’opposition d’
un
aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’un autoritaire plébéien, s
327
n d’un aristocrate socialisant — Roosevelt — et d’
un
autoritaire plébéien, s’accusant réciproquement de tendances antidémo
328
te : Quoi qu’il arrive le 5 novembre, l’unanimité
des
Américains se reformera toujours sur le mot d’ordre : démocratie. Car
329
atie. Car « démocratie », dans ce pays, n’est pas
un
terme usé comme il l’était en France, mais un synonyme de santé civiq
330
pas un terme usé comme il l’était en France, mais
un
synonyme de santé civique, de volonté humaine et de liberté chrétienn
331
uf heures, nous étions cent-mille, à onze heures,
un
demi-million. Le tout dans un ordre parfait, sous l’œil amical de tro
332
lle, à onze heures, un demi-million. Le tout dans
un
ordre parfait, sous l’œil amical de trois-cents policemen montés. On
333
à la criée les derniers stocks de boutons au nom
des
candidats. À dix heures, les chapeaux commencèrent à s’orner de bande
334
e papier portant : « Je vous l’avais bien dit ! »
Une
neige de papiers multicolores descendait lentement du haut des gratte
335
papiers multicolores descendait lentement du haut
des
gratte-ciel, dansant à travers les faisceaux des projecteurs de ciném
336
des gratte-ciel, dansant à travers les faisceaux
des
projecteurs de cinéma. De quelque trentième étage, on déroulait d’imm
337
Je n’oublierai pas la rumeur qui monta lentement
des
masses, à mesure que la nouvelle faisait le tour du bâtiment, se tran
338
r du bâtiment, se transmettait dans la profondeur
des
rues environnantes et revenait submerger le square comme une marée de
339
vironnantes et revenait submerger le square comme
une
marée de joie. Je n’oublierai pas le bonheur brillant dans tous ces y
340
s tous ces yeux levés, la fraternisation générale
des
classes et des races, les plaisanteries cordiales adressées aux derni
341
levés, la fraternisation générale des classes et
des
races, les plaisanteries cordiales adressées aux derniers porteurs de
342
llkie, — ce sentiment, cette sensation physique d’
un
renversement du destin en faveur de la démocratie. Et plus tard dans
343
e voix le Star-Spangled Banner, avec la ferveur d’
une
évangéliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt, une dame milli
344
éliste de l’Armée du salut. Trois jours plus tôt,
une
dame milliardaire me déclarait pathétiquement : « Si Roosevelt gagne,
345
aujourd’hui, comme toutes ses pareilles, à réunir
des
conserves, mais pour l’Angleterre, à présider des comités pour l’Angl
346
des conserves, mais pour l’Angleterre, à présider
des
comités pour l’Angleterre, à donner des bals pour l’Angleterre, à pay
347
présider des comités pour l’Angleterre, à donner
des
bals pour l’Angleterre, à payer des ambulances pour l’Angleterre. Le
348
rre, à donner des bals pour l’Angleterre, à payer
des
ambulances pour l’Angleterre. Le lendemain même de l’élection, toute
349
inflation, toute cette presse proclamait l’union
des
partis, l’oubli des polémiques, la confiance dans le gouvernement et
350
tte presse proclamait l’union des partis, l’oubli
des
polémiques, la confiance dans le gouvernement et la nécessité d’augme
351
’augmenter l’aide à l’Angleterre. Willkie faisait
une
déclaration de loyauté au président et lui offrait l’appui d’une « op
352
de loyauté au président et lui offrait l’appui d’
une
« opposition constructive ». On brûlait sur les places les panneaux e
353
ration que la réélection de Roosevelt a été l’une
des
trois « Kraftprobe » de la démocratie au xxe siècle. La première a é
354
e comprendre les raisons de la santé démocratique
des
USA. Un organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapide
355
dre les raisons de la santé démocratique des USA.
Un
organisme est sain lorsqu’il est capable de cicatriser rapidement ses
356
t a mis de la sorte au service de la nation, pour
une
période et pour une tâche déterminées. Il en est résulté parfois cert
357
au service de la nation, pour une période et pour
une
tâche déterminées. Il en est résulté parfois certains flottements dan
358
l, mais ces défauts techniques sont compensés par
un
avantage moral considérable : un nombre croissant de citoyens qualifi
359
nt compensés par un avantage moral considérable :
un
nombre croissant de citoyens qualifiés participent à la vie publique.
360
publique. Celle-ci n’est plus l’affaire exclusive
des
cliques de politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire des parti
361
politiciens de métier. Elle n’est plus l’affaire
des
partis. Chacun peut s’y intéresser, parce que chacun peut espérer qu’
362
me ils disent. Cet esprit de participation exerce
une
influence excellente à la fois sur le gouvernement et sur l’opinion.
363
auts fonctionnaires n’hésitent pas à participer à
des
débats publics, ou à commenter l’activité de leur département devant
364
. Le président et ses secrétaires d’État tiennent
des
conférences régulières avec les journalistes, qui ont le droit de leu
365
es qui caractérise ces communications publiques :
un
ton familier, humain ; des faits, et non pas de vagues et solennelles
366
munications publiques : un ton familier, humain ;
des
faits, et non pas de vagues et solennelles déclarations de principe ;
367
vagues et solennelles déclarations de principe ;
des
appels à la réflexion et non pas des phrases pathétiques. Et ce souci
368
e principe ; des appels à la réflexion et non pas
des
phrases pathétiques. Et ce souci constant de l’humanité du citoyen, q
369
constant de l’humanité du citoyen, qu’il s’agisse
des
nationaux ou des étrangers… Ainsi informée et formée, l’opinion se se
370
anité du citoyen, qu’il s’agisse des nationaux ou
des
étrangers… Ainsi informée et formée, l’opinion se sent responsable de
371
pas à répéter à tout propos le credo trop connu d’
un
parti. Le secret de cette souplesse civique, de ce dynamisme et de ce
372
i les républicains ni les démocrates ne possèdent
une
doctrine politique totale, fixée pour tous les cas et automatiquement
373
e, fixée pour tous les cas et automatiquement par
une
longue tradition. Leur opposition reste fluente, mal définie… Elle se
374
re est-ce dans les courtes périodes d’élection, d’
une
manière d’ailleurs imprévisible. Cette division des citoyens en deux
375
e manière d’ailleurs imprévisible. Cette division
des
citoyens en deux masses à peu près égales, — je serais tenté de dire
376
es, signifie pratiquement que les États-Unis sont
une
démocratie sans partis. Entre le citoyen et les autorités, pas d’autr
377
droit d’initiative, mais il les exerce en fait, d’
une
manière permanente, par le moyen d’une opinion publique abondamment i
378
en fait, d’une manière permanente, par le moyen d’
une
opinion publique abondamment informée, chaque jour sondée par des age
379
ique abondamment informée, chaque jour sondée par
des
agences spécialisées, chaque jour exprimée dans toutes ses nuances pa
380
chaque jour exprimée dans toutes ses nuances par
des
lettres aux journaux, des articles de magazines, des interviews, des
381
toutes ses nuances par des lettres aux journaux,
des
articles de magazines, des interviews, des débats contradictoires à l
382
lettres aux journaux, des articles de magazines,
des
interviews, des débats contradictoires à la radio, des sermons, des m
383
rnaux, des articles de magazines, des interviews,
des
débats contradictoires à la radio, des sermons, des mandements et des
384
nterviews, des débats contradictoires à la radio,
des
sermons, des mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Amér
385
s débats contradictoires à la radio, des sermons,
des
mandements et des manifestes. Sait-on assez que les Américains sont t
386
toires à la radio, des sermons, des mandements et
des
manifestes. Sait-on assez que les Américains sont très conscients et
387
e ma radio, j’ai entendu cette phrase prononcée d’
une
voix forte : « Ici Radio municipale de New York, cité de 7 millions e
388
8 février 1941)l m New York, février J’ai fait
une
découverte sur les États-Unis : c’est qu’il n’est pas de pays moderne
389
oderne où la religion tienne dans la vie publique
une
place plus importante et plus visible. Il faut être un Européen pour
390
ace plus importante et plus visible. Il faut être
un
Européen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour un Américain qui
391
opéen pour s’en étonner, me dit-on. De fait, pour
un
Américain qui connaît tant soit peu son histoire, rien n’apparaît plu
392
t plus naturel. Les États-Unis ont été fondés par
des
groupes successifs de colons, la plupart exilés pour cause de religio
393
presbytériens, tous ces pionniers étaient d’abord
des
fanatiques d’une foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le
394
us ces pionniers étaient d’abord des fanatiques d’
une
foi, des missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la
395
onniers étaient d’abord des fanatiques d’une foi,
des
missionnaires. Mais s’ils trouvaient sur le sol américain la liberté
396
, ils y trouvaient aussi la possibilité de fonder
une
« cité » entièrement conforme à leurs convictions. D’où le caractère
397
religieux de leur civisme. La structure politique
des
États-Unis traduit aujourd’hui encore le jeu complexe de ces apports
398
dent souvent d’ailleurs avec les apports raciaux.
Un
Américain qui appartient à l’Église réformée a bien des chances d’êtr
399
éricain qui appartient à l’Église réformée a bien
des
chances d’être Hollandais d’origine ; Allemand ou Suédois s’il est lu
400
es d’origine sont venues s’ajouter, par la suite,
des
différences de classe : l’Église baptiste est largement populaire, ta
401
ui explique, d’une part, l’étonnante multiplicité
des
dénominations religieuses dans ce pays ; d’autre part, l’importance s
402
la vie ecclésiastique et de la vie publique (dans
un
pays, remarquons-le, où les Églises ont toujours été séparées de l’Ét
403
e me bornerai pour aujourd’hui à la décrire comme
un
fait, un grand fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’au
404
erai pour aujourd’hui à la décrire comme un fait,
un
grand fait qui mérite d’être connu et médité en Suisse, d’autant plus
405
t vu curieusement négligé par la presque totalité
des
observateurs européens de l’Amérique. Ouvrez le New York Times : vous
406
pages consacrées aux choses religieuses : sujets
des
sermons du lendemain, nouvelles des missions et de nombreuses activit
407
uses : sujets des sermons du lendemain, nouvelles
des
missions et de nombreuses activités sociales, programmes de musique s
408
programmes de musique sacrée, annonces détaillées
des
services que célébreront les principales paroisses de la cité. (Trois
409
ns beaucoup d’églises.) Le lundi, copieux résumés
des
sermons de la veille, avec manchettes et sous-titres ; on en accorde
410
votre radio : à 14 h chaque jour, vous entendrez
un
choix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard, un quart d’heure
411
ix « d’hymnes de toutes les Églises ». Plus tard,
un
quart d’heure de nouvelles religieuses du monde entier. Le samedi, le
412
i, les synagogues. Le dimanche, du matin au soir,
une
douzaine de cultes relayés par différentes stations. Vous passerez d’
413
relayés par différentes stations. Vous passerez d’
une
liturgie solennelle de l’Église épiscopale à quelque réunion de Révei
414
e à quelque réunion de Réveil ultradynamique dans
un
quartier miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à un chœur l
415
ultradynamique dans un quartier miséreux, de là à
une
neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste
416
s un quartier miséreux, de là à une neuvaine dans
un
couvent, à un chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres…
417
miséreux, de là à une neuvaine dans un couvent, à
un
chœur luthérien, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une
418
neuvaine dans un couvent, à un chœur luthérien, à
un
prêche baptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez un profess
419
, à un prêche baptiste pour les nègres… Je vais à
une
soirée chez un professeur du Séminaire de théologie protestante de Ne
420
ptiste pour les nègres… Je vais à une soirée chez
un
professeur du Séminaire de théologie protestante de New York : j’y tr
421
de New York : j’y trouve d’autres professeurs et
des
étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes, des personnalités p
422
rofesseurs et des étudiants, bien sûr, mais aussi
des
journalistes, des personnalités politiques, des écrivains d’« avant-g
423
étudiants, bien sûr, mais aussi des journalistes,
des
personnalités politiques, des écrivains d’« avant-garde »… Et ces pro
424
i des journalistes, des personnalités politiques,
des
écrivains d’« avant-garde »… Et ces professeurs de théologie n’hésite
425
l’on n’imagine pas en Amérique… Cherchant à louer
une
maison, je parcours les annonces. J’en trouve plusieurs de ce type :
426
, confort, métro, Églises à proximité. » J’achète
un
guide de quartier, d’aspect commercial. Une page y est réservée aux l
427
achète un guide de quartier, d’aspect commercial.
Une
page y est réservée aux lieux de culte. En tête : « Préservez votre p
428
la publicité qu’étalent les Églises de province,
des
grands panneaux de « bienvenue à tous » qu’elles plantent à l’entrée
429
ntent à l’entrée de leur ville, et qui promettent
des
jeux de loto le mardi soir et de la danse le samedi, même dans les ég
430
rence que se font les diverses dénominations dans
un
même village. Mais ces traits extérieurs s’expliquent lorsqu’on décou
431
ommunautaire dans les paroisses. Devenir membre d’
une
Église, en Amérique, c’est aussi trouver un milieu social, des amis,
432
re d’une Église, en Amérique, c’est aussi trouver
un
milieu social, des amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce p
433
n Amérique, c’est aussi trouver un milieu social,
des
amis, des appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui man
434
, c’est aussi trouver un milieu social, des amis,
des
appuis matériels s’il le faut. Dans ce pays énorme, qui manque de cad
435
e. Plus sociale que religieuse, dira-t-on ? C’est
un
risque. Mais c’est aussi une possibilité d’action spirituelle constam
436
se, dira-t-on ? C’est un risque. Mais c’est aussi
une
possibilité d’action spirituelle constamment maintenue dans la cité.
437
méricaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’
un
des grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission
438
icaine. Imaginez, par exemple, le gouverneur d’un
des
grands États de l’Union prenant part à une campagne de « mission inté
439
r d’un des grands États de l’Union prenant part à
une
campagne de « mission intérieure » à travers tout le continent. Imagi
440
tout le continent. Imaginez Roosevelt prononçant
une
longue prière à la radio, la veille de l’élection présidentielle ; le
441
stallation qu’il va se retirer à la campagne pour
une
semaine de recueillement. Le choix de lord Halifax comme ambassadeur
442
it-on, sa piété profonde lui gagnera la confiance
des
États du Middle West… J’écoutais hier la cérémonie dite de « l’Inaugu
443
». La veille, le président avait été harangué par
des
pasteurs et des prêtres des trois grandes religions. Le matin, la rad
444
président avait été harangué par des pasteurs et
des
prêtres des trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les p
445
vait été harangué par des pasteurs et des prêtres
des
trois grandes religions. Le matin, la radio diffusa les prières de «
446
haute voix avec tous les membres du Congrès, dans
une
église de la capitale. Cela s’intitulait : « La nation prie avec son
447
ribune élevée sur les marches du Capitole, devant
des
centaines de milliers de spectateurs. Après une prière dite par le ch
448
t des centaines de milliers de spectateurs. Après
une
prière dite par le chapelain du Sénat, le président jura, la main pos
449
à peine les applaudissements se sont-ils apaisés,
une
voix forte prononce : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit »,
450
ue les cérémonies totalitaires, se déroulent dans
un
cadre chrétien, immédiatement significatif pour la grande majorité de
451
mmédiatement significatif pour la grande majorité
des
participants, créateur d’un sentiment unanime et profond, mais aussi
452
r la grande majorité des participants, créateur d’
un
sentiment unanime et profond, mais aussi différent que possible de ce
453
président du manteau de l’humilité…, couronne-le
des
dons les plus saints du chef, et permets que dans ces sombres jours,
454
ts que dans ces sombres jours, il puisse conduire
un
peuple pieux et uni de cette vallée d’ombre jusqu’aux éternelles coll
455
Journal d’
un
retour (11-12 mai 1946)n Le voyage immobile Vers le milieu du
456
vingt fois plus pénible et longue la préparation
des
voyages. Passer d’Amérique en Europe ne demandait plus que quelques h
457
phe Colomb. Et pourtant, me voici bien assis dans
une
Constellation qui vient de décoller d’un champ neigeux de Terre-Neuve
458
is dans une Constellation qui vient de décoller d’
un
champ neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’un seul chien
459
neigeux de Terre-Neuve, sous l’œil indifférent d’
un
seul chien du même nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute u
460
us l’œil indifférent d’un seul chien du même nom.
Une
aurore boréale nous avait arrêtés toute une nuit, non point que sa be
461
nom. Une aurore boréale nous avait arrêtés toute
une
nuit, non point que sa beauté nous eût cloués sur place, mais parce q
462
t cloués sur place, mais parce qu’elle provoquait
des
tempêtes magnétiques qui ont pour effet d’aveugler les avions aux app
463
rire : « L’avion s’élance pour franchir l’Océan d’
un
seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande. » Mais ce cliché
464
is ce cliché et ces jolies syllabes décrivent mal
un
voyage aérien. Car voyager, aujourd’hui, c’est attendre. Non seulemen
465
iré, pour y descendre et s’y poser. Rien ne donne
une
idée de l’immobilité comme ce vol sans repères en plein ciel, à 130 m
466
t. Je regarde par mon hublot. La mer est blanche,
un
peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’un coup elle se déchire : ce
467
anche, un peu houleuse et cotonneuse. Mais tout d’
un
coup elle se déchire : ce n’était qu’une couche de nuages. Trois-mill
468
is tout d’un coup elle se déchire : ce n’était qu’
une
couche de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît une surface bleu
469
che de nuages. Trois-mille mètres plus bas paraît
une
surface bleue, comme un papier grenu ponctué de défauts blancs. Un pe
470
e mètres plus bas paraît une surface bleue, comme
un
papier grenu ponctué de défauts blancs. Un petit fuseau clair y traîn
471
comme un papier grenu ponctué de défauts blancs.
Un
petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est un paquebot qui en est à
472
s. Un petit fuseau clair y traîne sa fumée, c’est
un
paquebot qui en est à la troisième journée du trajet que nous ferons
473
ule deux fois plus vite. La stratosphère se dore.
Des
cumulus élèvent des tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon
474
ite. La stratosphère se dore. Des cumulus élèvent
des
tours et des créneaux d’un rose feu sur l’horizon follement lointain,
475
osphère se dore. Des cumulus élèvent des tours et
des
créneaux d’un rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que n
476
. Des cumulus élèvent des tours et des créneaux d’
un
rose feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolons
477
zon follement lointain, tandis que nous survolons
des
profondeurs multipliées, cavernes d’ombre et gonflements majestueux o
478
nuit. Derrière nous, tout est flamme et or. Mais
un
toit d’ombre épaisse descend obliquement, rejoint la mer, ferme le mo
479
s, les lampes en veilleuse, et le ronron assourdi
des
moteurs. Une petite secousse, des lumières, une longue promenade sur
480
en veilleuse, et le ronron assourdi des moteurs.
Une
petite secousse, des lumières, une longue promenade sur des pistes en
481
ronron assourdi des moteurs. Une petite secousse,
des
lumières, une longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt d
482
i des moteurs. Une petite secousse, des lumières,
une
longue promenade sur des pistes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon,
483
secousse, des lumières, une longue promenade sur
des
pistes en ciment. Et l’arrêt doux. Shannon, Irlande. Le restaurant ne
484
Irlande. Le restaurant ne manque pas d’élégance.
Une
dame qui vient de passer le temps de la guerre en Amérique frémit de
485
récrie : « Quel goût ! Voilà l’Europe enfin ! Et
des
fleurs vraies ! Ah mon cher, ici, tout est beau !… » — « Mais tout ic
486
, et ce grapefruit. Ils la vengent, croit-elle, d’
une
Amérique « où tout est laid », mais d’où ils viennent. ⁂ Les oisea
487
t. ⁂ Les oiseaux de Paris Nous roulons dans
un
petit autobus, du terrain d’Orly vers Paris. Sept ans bientôt, depuis
488
-nous entrer ? Je ne puis pas distinguer les noms
des
rues sur ces maisons jaunes ou grises et si basses. Je cherche à voir
489
cherche à voir, le nez contre la vitre, et tout d’
un
coup : Rue Claude Bernard, — en plein cinquième arrondissement — quan
490
ais encore dans la banlieue… Déjà nous descendons
une
rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard Saint-Michel ?
491
ence, à quatre heures du matin. Nous donnera-t-on
des
chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains du convoi
492
Je les décourage d’aller chercher ailleurs. Crise
des
logements. — Est-ce que Paris a été bombardé ? me demandent-ils non s
493
iétude. — Et New York donc ? Si vous y connaissez
des
chambres libres, faites-moi signe. (Comme les Américains paraissent b
494
ler à ce que l’on pense d’eux en Europe !) Il y a
des
chambres, et même des salles de bain. Mais comment dormirais-je cette
495
e d’eux en Europe !) Il y a des chambres, et même
des
salles de bain. Mais comment dormirais-je cette nuit ? J’arrive au re
496
z-vous après sept ans, furtivement, à la faveur d’
une
nuit déserte. Un rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré, apr
497
ans, furtivement, à la faveur d’une nuit déserte.
Un
rendez-vous dont j’avais bien souvent désespéré, après cet au revoir
498
u revoir en juin 40, qui sonnait malgré moi comme
un
adieu… Le jour point derrière les rideaux. Je vais sortir sur mon bal
499
e vais la voir… Tout d’abord je n’ai distingué qu’
un
paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’une cloche très fine a
500
’un paysage de toits bleus, médiéval. Et voici qu’
une
cloche très fine a sonné cinq coups délicats. Puis une autre plus loi
501
loche très fine a sonné cinq coups délicats. Puis
une
autre plus loin, et plusieurs en écho. Je ne savais plus, après six a
502
savais plus, après six ans de New York, qu’il y a
des
cloches qui sonnent les heures, et qui s’accordent à la suavité aiguë
503
lets de tous côtés, comme les premières gouttes d’
une
averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres so
504
les premières gouttes d’une averse, ce sont bien
des
oiseaux ! Dans une ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas :
505
tes d’une averse, ce sont bien des oiseaux ! Dans
une
ville ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas : un coq qui crie, t
506
ille ! Point d’autres sons… Si ! je ne rêve pas :
un
coq qui crie, tout là-bas vers les Invalides. L’or pâle du Dôme s’avi
507
es Invalides. L’or pâle du Dôme s’avive au-dessus
des
toits bleus, des toits roux et des murs couleur du temps, où quelques
508
r pâle du Dôme s’avive au-dessus des toits bleus,
des
toits roux et des murs couleur du temps, où quelques taches de rosé c
509
vive au-dessus des toits bleus, des toits roux et
des
murs couleur du temps, où quelques taches de rosé clair ou de noir ac
510
hes de rosé clair ou de noir achèvent de composer
une
harmonie qui fait venir les larmes aux yeux. Premier bruit de pas dan
511
emier bruit de pas dans la rue. Semelles de bois.
Une
femme de ménage sort ses clés, ouvre une porte de service à côté du p
512
de bois. Une femme de ménage sort ses clés, ouvre
une
porte de service à côté du portail d’un ministère. Un vieux monsieur
513
s, ouvre une porte de service à côté du portail d’
un
ministère. Un vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons
514
orte de service à côté du portail d’un ministère.
Un
vieux monsieur très grand, vêtu de noir, aux pantalons étroits, aux l
515
alons étroits, aux longs souliers pointus, sort d’
un
xixe siècle d’illustrés de mon enfance. Des jeunes gens en chandail,
516
ort d’un xixe siècle d’illustrés de mon enfance.
Des
jeunes gens en chandail, portant de grosses valises, se hâtent vers l
517
se hâtent vers la gare d’Orsay. Paris a reculé d’
un
siècle, en direction d’une beauté oubliée. Mais que dire de la foule
518
Orsay. Paris a reculé d’un siècle, en direction d’
une
beauté oubliée. Mais que dire de la foule que j’ai vue le lendemain a
519
la foule que j’ai vue le lendemain aux trottoirs
des
Champs-Élysées ? Je me disais : « Non, ce n’est pas vrai, je vais me
520
éveiller, je ne suis pas à Paris. » Et c’est bien
un
de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment
521
anxiété !… n. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
retour », Journal de Genève, Genève, 11–12 mai 1946, p. 3.
522
Journal d’
un
retour (fin) (18-19 mai 1946)o Plus Suisse que nature Que la
523
stement. Tout est pareil à mes souvenirs, à peine
un
peu plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie des employés int
524
plus ressemblant. Tout est intact. La brusquerie
des
employés intacte, quand on demande un renseignement et qu’on les voit
525
brusquerie des employés intacte, quand on demande
un
renseignement et qu’on les voit s’identifier, en un clin d’œil, avec
526
renseignement et qu’on les voit s’identifier, en
un
clin d’œil, avec les règlements « pareils pour tous », non point avec
527
tuation d’usager perplexe ou anxieux. La bonhomie
des
mêmes employés intacte, une fois qu’on leur a laissé le temps de reve
528
(Et ce n’est pas toujours au galop.) Les maisons
des
quartiers extérieurs intactes, et si parfaites dans le propret-coquet
529
ans condition après la plus rapide reconnaissance
des
lieux. J’ai revu des amis intacts, et dont l’amitié seule avait fleur
530
a plus rapide reconnaissance des lieux. J’ai revu
des
amis intacts, et dont l’amitié seule avait fleuri comme un bon vin. E
531
ntacts, et dont l’amitié seule avait fleuri comme
un
bon vin. Et j’ai feuilleté des éditions si belles qu’on se demande qu
532
avait fleuri comme un bon vin. Et j’ai feuilleté
des
éditions si belles qu’on se demande quels talents les méritent. Ce qu
533
être, c’est le mythe helvétique par excellence, d’
une
décence fondamentale. Il se peut que la Suisse ait seule gagné la gue
534
ore pour anormal. J’ai l’impression qu’on exagère
un
peu, à cet égard. Mais le reste du monde se charge de rétablir un équ
535
ard. Mais le reste du monde se charge de rétablir
un
équilibre « humain », sur les modèles récemment présentés par MM. Hit
536
l en reste et que l’on est autorisé à voir : l’un
des
deux grands et le Tout Petit, qui est la dernière paroisse intacte du
537
ui est la dernière paroisse intacte du Continent.
Un
peu plus loin, j’irais buter contre le fameux « rideau de fer » marqu
538
’est déjà cruel — il semble qu’il n’y ait plus qu’
un
no man’s land où s’affrontent sournoisement les seules Puissances qui
539
méprendre, c’était bien, finalement, lord Cecil…
Un
tiers de salle, un ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce
540
bien, finalement, lord Cecil… Un tiers de salle,
un
ton d’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut une glorieuse
541
’obsèques officielles mais sans tristesse. Ce fut
une
glorieuse journée, comme disent les Anglo-Saxons, pensant au temps qu
542
er : « Messieurs, nous voici réunis pour célébrer
une
défaite victorieuse. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’un
543
se. On a parlé de funérailles. Il ne s’agit que d’
un
déménagement. Nous ne pourrons plus faire signe aux cygnes, comme dit
544
, comme dit l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’
une
Ligue des Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En attendan
545
t l’intact Pierre Girard, mais l’idée d’une Ligue
des
Nations a survécu au déchaînement nationaliste. En attendant une vrai
546
urvécu au déchaînement nationaliste. En attendant
une
vraie Ligue des Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN
547
nement nationaliste. En attendant une vraie Ligue
des
Peuples, préparons-nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’O
548
ages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’
un
cliché au positif de la photo que l’on va proposer à notre admiration
549
tte enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule
un
gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où l’
550
uer vers la grande Amérique où l’on ne trouve pas
une
chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise des logeme
551
’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’
une
nuit. Paradoxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idé
552
louer pour plus d’une nuit. Paradoxe de la crise
des
logements ! Mais qu’importe. Notre idée se « développe », comme on le
553
omme on le dit en photographie. Nous partons pour
une
Ligue meilleure. Et, plus heureux que Moïse, nous nous sentons certai
554
hons, Messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’
un
atome… » ⁂ Le hasard a voulu que, le soir même, je me visse entraîné
555
e me visse entraîné à Cointrin, où se posait dans
une
gloire de lumière le premier appareil arrivant de New York. Il repart
556
. Il repartit trente minutes plus tard, emportant
un
espoir raisonnable : celui de voir les Suisses s’ouvrir au vaste mond
557
e, et le vaste monde, en retour, à l’idéal tenace
des
petits Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’un retour (fin
558
s Suisses. o. Rougemont Denis de, « Journal d’
un
retour (fin) », Journal de Genève, Genève, 18–19 mai 1946, p. 3.
559
bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer
des
nations qui se croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Su
560
ct. Au début de 1848, la Confédération n’était qu’
un
Pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point
561
point d’unité monétaire, point de représentation
des
peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministr
562
é monétaire, point de représentation des peuples.
Un
seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé
563
Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité
des
ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et
564
res, composé de plénipotentiaires agissant au nom
des
États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois quarts
565
ts et prenant leurs rares décisions à la majorité
des
trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant un corps consultatif
566
s trois quarts. Pratiquement : le veto paralysant
un
corps consultatif aux compétences douteuses et jalousement restreinte
567
bres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait,
un
état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur
568
n’était rien au regard de celui que nous courons.
Une
partie de l’opinion réclamait une Autorité fédérale, dotée de pouvoir
569
e nous courons. Une partie de l’opinion réclamait
une
Autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités, mais réels. Rien d’autr
570
ndie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut
une
guerre civile entre cantons, qui fit voir l’impuissance du Pacte. Il
571
ns, qui fit voir l’impuissance du Pacte. Il y eut
un
long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours e
572
cours et de vœux. À la faveur de cette agitation,
un
petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète l
573
housiastes fit adopter par la Diète le principe d’
une
révision profonde du Pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait « pr
574
tons-le, rien ne semblait « praticable » aux yeux
des
réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année s
575
que la Constitution est acceptée par près de 2/3
des
États et plus de 2/3 des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier
576
acceptée par près de 2/3 des États et plus de 2/3
des
citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe
577
en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté
des
drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines pr
578
Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux
des
cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûme
579
est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun
des
troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se
580
ux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune
des
ruines prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’essor que pr
581
la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant
un
siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer v
582
en laisse beaucoup plus, pour unir vos États dans
un
plus grand péril ? Vous me direz que l’Europe est plus grande que la
583
rope est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut
une
bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolu
584
u’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou
des
souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses vivaient
585
que les cantons suisses vivaient ensemble depuis
des
siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’o
586
nse, nos modestes sagesses et les folies sublimes
des
grandes Nations contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe
587
fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou
des
Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous so
588
es petits voisins paysans. Les sombres prévisions
des
réalistes quant aux effets d’une union « trop rapide » remplissaient
589
mbres prévisions des réalistes quant aux effets d’
une
union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-trois a
590
journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas
une
seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne repara
591
est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas
une
seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affi
592
êmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent
une
certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’
593
qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit,
une
cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une
594
devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’
une
raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’ou
595
e retrouvera : c’est le temps de modifier non pas
des
paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’armée rouge. p. Rougemo
596
Messieurs les députés, Ces lettres ne sont pas
un
cahier de doléances ou de revendications. Et je n’ai point de conseil
597
nseils à vous donner. Mais je vous écris au nom d’
une
centaine de milliers de militants fédéralistes, qui pensent comme des
598
iers de militants fédéralistes, qui pensent comme
des
millions que le temps presse, et que les lenteurs de l’Assemblée, ram
599
t anglais. Vous allez me parler, je le sais bien,
des
grandes difficultés accumulées sur votre route vers l’unité. Elles so
600
stacle, c’est de se laisser vaincre. Votre Comité
des
ministres néglige donc son premier devoir. À qui la faute ? L’opinion
601
ui la faute ? L’opinion, sur ce point, entretient
des
soupçons qu’il vous faut dissiper. Vous allez, paraît-il, réviser pru
602
ritables. Elle n’est pas sûre qu’une fois dotés d’
un
instrument un peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’enra
603
n’est pas sûre qu’une fois dotés d’un instrument
un
peu meilleur — moins astucieusement combiné pour s’enrayer sans faute
604
er de la ruine en l’unissant, et pour tout dire d’
un
mot, à gouverner. Elle vous voit réticents pour la plupart, inquiets
605
ous a permis, qui est moins que rien, arrêtés par
un
alinéa, déconcertés par un éternuement des daltoniens. Elle voit que
606
que rien, arrêtés par un alinéa, déconcertés par
un
éternuement des daltoniens. Elle voit que votre Assemblée consultativ
607
tés par un alinéa, déconcertés par un éternuement
des
daltoniens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’un comité lu
608
ens. Elle voit que votre Assemblée consultative d’
un
comité lui-même consultatif, formé de ministres qui se refusent d’ail
609
ransmettre vos consultations, consulte à son tour
des
experts. Ces consultés à la troisième puissance — si l’on peut dire !
610
t. Et l’opinion se demande si tout cela dissimule
une
idée de derrière la tête, ou révèle au contraire, bien clairement, l’
611
u’à votre éloquence et vous empêchent d’articuler
des
intentions peut-être subversives (on chuchote que vous tenez en réser
612
ubversives (on chuchote que vous tenez en réserve
un
projet de timbre-poste européen). Certes, il convient de saluer bien
613
z qu’il faut être prudents quand on s’engage dans
une
entreprise aussi vaste. Ah ! pour le coup, je trouve cela « prématuré
614
e cela « prématuré » (je m’excuse de parler comme
un
ministre). Car vous ne vous êtes, jusqu’ici, engagés dans rien que l’
615
te, conviennent à nos calamités. Ceci me rappelle
un
argument de M. Bevin. On aurait tort, à son avis, de commencer l’Euro
616
plus de 2000 ans. Ce qui lui manque est justement
un
toit. Pour tout dire en style familier, ces éternelles prudences nous
617
sion consultative (au second degré) de quoi faire
un
collier à trois rangs de perles du genre de Festina lente. Paris ne s
618
enre de Festina lente. Paris ne s’est pas bâti en
un
jour, petit à petit l’oiseau fait son nid, prudence est mère de sûret
619
ans nouveaux et quelques amendements à la sagesse
des
peuples. Petit à petit, Paris ne s’est pas fait. Mais par deux ou tro
620
ois décisions, dont celle d’Haussmann, corrigée d’
un
coup de crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en un jour — t
621
crayon par Napoléon III. L’oiseau fait son nid en
un
jour — toutes affaires cessantes. On peut tout faire step by step, sa
622
tes. On peut tout faire step by step, sauf sauter
un
obstacle. On peut tout faire en deux pas, sauf franchir un abîme. Si
623
le. On peut tout faire en deux pas, sauf franchir
un
abîme. Si votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas une minute
624
i votre œuvre est de longue haleine, il n’y a pas
une
minute à perdre. Tout est prématuré, pour celui qui ne veut rien. Ch
625
i va piano perd la Corée. La prudence est le vice
des
timides et la vertu des audacieux. Je me résume. L’opinion vous regar
626
. La prudence est le vice des timides et la vertu
des
audacieux. Je me résume. L’opinion vous regarde. Elle n’entre pas dan
627
semblant d’être là. Constater le néant représente
un
progrès sur l’entretien d’une illusion coûteuse dans un édifice inach
628
le néant représente un progrès sur l’entretien d’
une
illusion coûteuse dans un édifice inachevé. Mais si quelques-uns d’en
629
grès sur l’entretien d’une illusion coûteuse dans
un
édifice inachevé. Mais si quelques-uns d’entre vous, comme je le croi
630
qu’ils proclament leur but, et tout changera dans
un
instant. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage des vœux aux
631
ut, et tout changera dans un instant. Il s’agit d’
une
révolution, qui est le passage des vœux aux volontés. q. Rougemont
632
t. Il s’agit d’une révolution, qui est le passage
des
vœux aux volontés. q. Rougemont Denis de, « Deuxième lettre aux dé
633
és européens, J’ai tenté de traduire le sentiment
des
peuples en face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas une attaq
634
face de l’inertie de l’Assemblée. Ce n’était pas
une
attaque, je décrivais ce qu’un chacun peut voir de ses yeux. Et plusi
635
e. Ce n’était pas une attaque, je décrivais ce qu’
un
chacun peut voir de ses yeux. Et plusieurs d’entre vous, je le sais,
636
ou divisent les vivants, vous êtes les députés d’
une
aventure humaine qui tente à travers vous, dans l’angoisse et l’espoi
637
’angoisse et l’espoir, le risque et la grandeur d’
une
liberté nouvelle. Que vous le sachiez ou non, vous êtes les députés d
638
ète que l’homme ait jamais prise de son destin et
des
chances de le surmonter. Les députés non point d’une presqu’île de l’
639
chances de le surmonter. Les députés non point d’
une
presqu’île de l’Asie un peu plus grande que la Corée, quoique ne dépa
640
Les députés non point d’une presqu’île de l’Asie
un
peu plus grande que la Corée, quoique ne dépassant guère 4 % de la su
641
e du globe, mais bien de cela qui a fait au cours
des
âges, d’un cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cervea
642
mais bien de cela qui a fait au cours des âges, d’
un
cap médiocre en dimensions physiques, le cœur et le cerveau de l’huma
643
que ce cap de l’Asie ait dominé le monde pendant
des
siècles ? D’où, sinon d’un pouvoir d’invention et de dépassement du d
644
miné le monde pendant des siècles ? D’où, sinon d’
un
pouvoir d’invention et de dépassement du destin dont nous cherchons e
645
t sculpture ; presque tous leurs grands noms sont
des
noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur
646
er de nos maîtres, dans nos écoles, aux terrasses
des
cafés de Paris, ou par nos livres. Bien plus, le monde moderne tout e
647
us, le monde moderne tout entier peut être appelé
une
création européenne. Pour le bien comme pour le mal, d’ailleurs, il i
648
notre monde ? L’Amérique, la Russie moderne, sont
des
produits de notre culture, de Calvin et de Marx, et de notre industri
649
la paix du monde, et qui maintienne l’Europe dans
une
fonction qu’aucun Empire nouveau n’ose lui disputer sérieusement. Je
650
es, Messieurs, les députés de Mozart, de l’opéra,
des
symphonies et des Passions ; les députés de Goethe et de la littératu
651
députés de Mozart, de l’opéra, des symphonies et
des
Passions ; les députés de Goethe et de la littérature ; de Descartes
652
de Goethe et de la littérature ; de Descartes et
des
philosophes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et des peintre
653
; de Descartes et des philosophes ; d’Einstein et
des
savants ; de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi des auteur
654
hes ; d’Einstein et des savants ; de Rembrandt et
des
peintres ; les députés aussi des auteurs anonymes de la Magna Charta
655
de Rembrandt et des peintres ; les députés aussi
des
auteurs anonymes de la Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’espri
656
a Magna Charta et du Pacte du Grütli, de l’esprit
des
communes, des états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand
657
et du Pacte du Grütli, de l’esprit des communes,
des
états généraux, et du Serment du Jeu de Paume… Ce grand passé, Messie
658
beauté dans la vie, l’intelligence, les secrets d’
un
bonheur conquis sur le destin, et malgré tant de crimes, l’honneur de
659
peut disparaître à tout jamais si vous manquez à
une
mission précise, celle de fédérer nos faiblesses pour en faire la for
660
ersonne n’est assez grand pour répondre au défi d’
un
tel destin. Groupez-vous. Dites au moins votre but ! Nous sommes plus
661
Nous sommes plusieurs millions qui n’attendons qu’
un
signe. r. Rougemont Denis de, « Troisième lettre aux députés europ
662
rouge, et que ça n’est pas anglais. Il distingue
un
ensemble de pays peu sûrs, qui d’une part ne font point partie du Com
663
sont pas avec le bon accent. Comment s’unir avec
des
gens pareils ? Leur existence est purement négative. J’ai bien lu ce
664
st purement négative. J’ai bien lu ce pamphlet, d’
une
étrange arrogance. Ce qu’il dit n’est pas toujours clair. Ce qu’il ne
665
dit pas saute aux yeux. L’idée que l’Europe soit
une
culture, une unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous l
666
e aux yeux. L’idée que l’Europe soit une culture,
une
unité de civilisation, un foyer d’inventions dans tous les ordres, un
667
rope soit une culture, une unité de civilisation,
un
foyer d’inventions dans tous les ordres, un trésor de diversités souv
668
tion, un foyer d’inventions dans tous les ordres,
un
trésor de diversités souvent irréductibles mais sans prix, de liberté
669
r exemple ne l’effleure pas. Il n’y a pour lui qu’
un
seul problème : la politique du plein emploi ; une seule méthode : ét
670
un seul problème : la politique du plein emploi ;
une
seule méthode : étatiser les industries ; un seul pays qui ait su le
671
i ; une seule méthode : étatiser les industries ;
un
seul pays qui ait su le faire : la Grande-Bretagne ; et ce pays n’est
672
pamphlet, nous les Anglais, nous sommes plus près
des
Dominions que de l’Europe, « par notre langue ; et par nos origines,
673
ces origines communes… Le point de vue politique
des
Dominions n’est pas celui de l’auteur sur la question de l’Europe, —
674
urope, — voir les résolutions de Colombo ; et pas
un
seul de ces pays n’est travailliste… Les habitudes sociales, les inté
675
devine ce qu’il y aurait à dire là-dessus. Bref,
une
seule chose paraît claire, dans tout cela : les habitants de la Grand
676
lle-Zélande » (seuls mentionnés) restent unis par
une
même langue. Si c’est celle du pamphlet, tremblons pour la famille !
677
Hugh Dalton. Je vois bien qu’il se dit partisan d’
un
peu d’union tout de même, pour faire face aux Soviets et au déficit e
678
on soumet le Conseil de l’Europe. Et cela produit
des
résultats bizarres. Votre Assemblée, selon lui, peut faire du bon tra
679
tonisme, encore qu’elle ne soit pas tout inconnue
des
Russes. Elle se fonde sur l’axiome que la démocratie est identique au
680
e au socialisme anglais. Il en découle primo : qu’
une
Assemblée sans majorité travailliste ne saurait être tolérable que da
681
esure où elle reste impuissante — d’où le refus d’
un
Parlement européen ; secundo : que les champions d’un régime fédéral
682
arlement européen ; secundo : que les champions d’
un
régime fédéral fondé sur la majorité « doivent être considérés comme
683
iège parmi vous. Il va trouver sur vos banquettes
des
adversaires et des alliés inattendus. Les socialistes continentaux se
684
va trouver sur vos banquettes des adversaires et
des
alliés inattendus. Les socialistes continentaux seront des premiers,
685
s inattendus. Les socialistes continentaux seront
des
premiers, et les conservateurs britanniques des seconds. On devine qu
686
t des premiers, et les conservateurs britanniques
des
seconds. On devine que ces conservateurs suivent une logique non dalt
687
seconds. On devine que ces conservateurs suivent
une
logique non daltonienne : ils partent d’un axiome inverse. Démocratie
688
ivent une logique non daltonienne : ils partent d’
un
axiome inverse. Démocratie et socialisme leur apparaissent contradict
689
contradictoires. Et cependant, pour l’étonnement
des
cartésiens, cette logique différente les conduit aux mêmes conclusion
690
uffre donc point de veto, les Tories disent non d’
un
seul cœur, dans la même langue que le chancelier du Lancaster. Opposé
691
nds le nationalisme étatisé et le mythe survivant
des
souverainetés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il y trouve un alibi. C
692
netés. L’un nourrit l’autre, parce qu’il y trouve
un
alibi. Cette passion ne recourt à ce mythe que pour garder quelque mo
693
t comment se définissent-elles ? Toynbee, qui est
un
grand historien, écrit au Times qu’elles ne font point partie de la d
694
s qu’elles ne font point partie de la doctrine et
des
dogmes chrétiens. Suárez et les jésuites pensaient différemment, mais
695
fort bien que leurs armées soient commandées par
un
Américain. On prétend même qu’ils auraient accepté que leur monnaie p
696
me qu’ils auraient accepté que leur monnaie perde
un
tiers de sa valeur, parce que Londres avait dévalué. Je cherche en va
697
e vois pas que leur variété ait empêché les États
des
US ou les cantons de la Suisse de se fédérer. La souveraineté nationa
698
souveraineté nationale absolue n’est donc plus qu’
un
prétexte au droit de veto, qui revient à donner le seul pouvoir réel,
699
ns seraient-ils naïfs, quand c’est par décision d’
un
État étranger qu’ils disent vouloir garder la souveraineté du leur ?)
700
e ce qui est. La question n’est pas de renoncer à
des
souverainetés illusoires — comment faire abandon de ce qu’on n’a plus
701
pas les souverainetés, dépassez-les ! Refaites-en
une
à l’échelle de l’Europe ! Il y va de notre indépendance, qui vaut mie
702
sse, il y a cent ans, n’a pas voté la suppression
des
souverainetés. Ses vingt-cinq États sont souverains sur le papier, ma
703
t. Chacun d’eux a gardé sa personnalité, parce qu’
un
groupe d’Imprudents et d’Utopistes, qui voyaient et qui aimaient tout
704
outent la force et les moyens de l’indépendance :
une
Autorité fédérale. Nous n’attendons rien de plus, ni rien de moins de
705
nt leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers
des
Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en
706
et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait
des
discours, l’autre qui vote. La première est exactement ce que la pres
707
n sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret
des
urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle
708
ien. Elle laissera les sceptiques parler « au nom
des
masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’
709
res préalables tendant à renforcer le sentiment d’
une
solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’une union plus inti
710
solidarité qui ne saurait nuire à « l’avènement d’
une
union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux pa
711
n plus intime entre ses membres ». Les manchettes
des
journaux parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglai
712
embres ». Les manchettes des journaux parleront d’
un
« pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peu
713
de l’Europe, solidement retranché dans le domaine
des
principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à no
714
us. On me dira que si l’on se contente d’affirmer
des
principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne
715
l à personne. Mais cela en fait aux principes. Or
une
Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique
716
en fait aux principes. Or une Europe qui se moque
des
principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne
717
qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’
une
Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les
718
rien en face des Russes qui les assènent. Il faut
des
actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains
719
s sont parfois plus vains que les paroles. Lancer
un
timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret… E
720
les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait
un
acte enfin, quelque chose de concret… Et je me garde de sous-estimer
721
cret… Et je me garde de sous-estimer la puissance
des
philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-poste, nous se
722
des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’
un
timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voic
723
trasbourg accouche d’un timbre-poste, nous serons
un
peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte que je vous propose,
724
s pour consultation. Décidez de vous faire élire.
Un
raisonnement très simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’Eu
725
e fédération. On n’informera pas les peuples sans
une
propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule
726
la financer. La seule solution concevable, c’est
une
campagne électorale organisée par les États, en vue de nommer leurs d
727
x et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces
une
campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle
728
La condition à la fois nécessaire et suffisante d’
une
telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un
729
’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
un
enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’i
730
peut changer, matériellement aussi, selon l’issue
des
élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élec
731
En d’autres termes, il faut que le Parlement issu
des
élections ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à
732
issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’
un
but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’
733
signé à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’
un
seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédéra
734
vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter
un
projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Ce projet, c
735
rer. Cet été, en septembre, à Strasbourg. Il faut
une
Commission ? Vous pouvez la nommer. Le Comité ministériel va s’y oppo
736
de vos parlements, qui restent les seuls juges d’
un
conflit éventuel.) Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opin
737
vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire
des
hommes d’acier ! Si vous me dites que c’est prématuré, je vous suppli
738
visée, devant toutes les menaces que vous savez :
un
régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, le
739
, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’
une
voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de
740
ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’
une
partie d’entre vous m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans
741
bien qu’une partie d’entre vous m’approuve, et qu’
une
autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’au
742
m’approuve, et qu’une autre ne dit pas non. Dans
un
mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez r
743
séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir,
un
signe ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des pe
744
spoir, un signe ! Vous n’êtes pas encore l’espoir
des
peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pou
745
n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni
des
peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonne
746
votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas
un
grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du mond
747
n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur
des
masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut
748
ra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour
des
raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n
749
e pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus
une
pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine
750
n est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas
une
secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le
751
es chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique,
une
doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage,
752
as une secte politique, une doctrine partisane ou
une
autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacri
753
arlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous propose
une
autre solution que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des État
754
ion que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus
des
États. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui vo
755
Messieurs les députés européens, je vous salue d’
un
vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’a
756
elui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir,
un
vœu mêlé d’angoisse et d’espérances : méritez votre nom, faites-vous
757
bre 1952)u Détaché vers l’est et la Suisse par
un
département qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il une arr
758
qui se tourne vers l’ouest, le pays de Gex est-il
une
arrière-garde ou un poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale,
759
ouest, le pays de Gex est-il une arrière-garde ou
un
poste avancé de la France ? Il vit sa vie locale, adossé au Jura, s’a
760
est partout, sans nulle raison visible, découpant
une
contrée que la nature avait conçue d’un seul tenant. Je connais peu d
761
écoupant une contrée que la nature avait conçue d’
un
seul tenant. Je connais peu de paysages aussi complets : la plaine et
762
urant le sublime et le familier, le grand couloir
des
vents européens et ces prairies entre deux bois de très vieux chênes,
763
entre deux bois de très vieux chênes, où persiste
un
tapis de brume. Aux bords de ce ruisseau qui longe mon jardin, qui l’
764
nonde aux crues de printemps, Chateaubriand passa
des
heures d’heureux ennui, méditant sur la gloire et les jeux de Ferney.
765
truire plus de cent maisons Il donne à la ville
une
église, une école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays
766
de cent maisons Il donne à la ville une église,
une
école, un hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit
767
sons Il donne à la ville une église, une école,
un
hôpital Il fait dessécher les marais du pays Il établit des foire
768
Il fait dessécher les marais du pays Il établit
des
foires et des marchés Il nourrit les habitants pendant la disette d
769
her les marais du pays Il établit des foires et
des
marchés Il nourrit les habitants pendant la disette de 1771 Face s
770
tbailli, La Barre, Lally-Tollendal Émancipation
des
serfs du Jura Affranchissement du pays de Gex Essai sur les Mœurs
771
ain « engagé » ! Il ignorait le mot, mais faisait
un
pays. Et certes personne ne l’aidait, mais il était fort riche et sou
772
il était fort riche et souvent généreux, pourvu d’
une
plume qui valait une armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent ve
773
t souvent généreux, pourvu d’une plume qui valait
une
armée, et d’un mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujo
774
ux, pourvu d’une plume qui valait une armée, et d’
un
mauvais esprit qui valait cent vertus. « Marchez toujours en ricanant
775
uré, contre les tyranneaux, en dépit des conseils
des
réalistes, il édifiait, il réformait, il initiait, et malgré son gran
776
âge, il plantait. « Quand je n’aurais défriché qu’
un
champ et quand je n’aurais fait réussir que vingt arbres, c’est toujo
777
ais fait réussir que vingt arbres, c’est toujours
un
bien qui ne sera pas perdu. » Les cèdres du Caucase, envoyés par la g
778
Gex à Genève me parlent chaque matin de son amour
des
lieux. Il fit venir de Genève cinquante familles d’artisans, d’horlog
779
s enrichissaient. En même temps, il faisait bâtir
une
église neuve. Au fronton, l’on peut lire encore : Deo erexit Voltaire
780
publicité fut inventée. Voltaire n’écrivait plus
une
lettre aux princes intellectuels et temporels de l’Europe sans y ajou
781
llectuels et temporels de l’Europe sans y ajouter
un
prospectus vantant la qualité des montres de Ferney, ou des bas de so
782
e sans y ajouter un prospectus vantant la qualité
des
montres de Ferney, ou des bas de soie que l’on filait dans sa fabriqu
783
ctus vantant la qualité des montres de Ferney, ou
des
bas de soie que l’on filait dans sa fabrique. La première paire parvi
784
iseul avec ce mot : « Daignez les mettre, Madame,
une
seule fois, et montrez ensuite vos jambes à qui vous voudrez ». À ses
785
mille habitants qui deviennent propriétaires, par
un
système qu’on nommerait de nos jours location-vente. « Il commande de
786
merait de nos jours location-vente. « Il commande
des
maisons à son maçon comme d’autres commandent une paire de souliers à
787
des maisons à son maçon comme d’autres commandent
une
paire de souliers à un cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mil
788
comme d’autres commandent une paire de souliers à
un
cordonnier », disent les Mémoires secrets. Mille tractations qu’il co
789
r les douanes de notre zone : ah ! que ne pouvait
un
seul individu, dans ces temps que l’on nous a décrits comme adversair
790
s temps que l’on nous a décrits comme adversaires
des
libertés réelles ! Enfin, Voltaire libère ses vassaux de la gabelle e
791
ts du village en habits de bergers lui présentent
des
œufs, du lait, des fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’e
792
bits de bergers lui présentent des œufs, du lait,
des
fruits. Une jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une
793
ers lui présentent des œufs, du lait, des fruits.
Une
jeune fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’une corbeille fl
794
ne fille qui se tient au milieu d’eux, porteuse d’
une
corbeille fleurie, figure « le sentiment doux » de l’assistance. Les
795
us de pleurer à l’envi. Paul Claudel, informé par
un
ami commun de ce que j’habite à Ferney : « Est-ce que Voltaire ne vie
796
e Voltaire ne vient pas lui chatouiller la plante
des
pieds pendant la nuit ? » Non pas son mince fantôme, mais certes son
797
cle, entre ces jardins de Candide et cette Bourse
des
valeurs de toute l’Europe (et déjà de l’Amérique) qui fait rumeur à G
798
Genève. Le tout survolé trente fois par jour par
des
avions de New York, de l’Inde ou de Stockholm. Ils vont se poser derr
799
errière le bois tout proche, qui assourdit tout d’
un
coup leur grondement. Vous voyez que ce pays est le centre du monde.
800
ntre du monde. C’est ce que l’on pense toujours d’
un
lieu qu’on aime. u. Rougemont Denis de, « Au pays du Patriarche »,
801
is ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas
un
des responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite
802
ceci dans la pleine conviction qu’il n’est pas un
des
responsables de la politique mondiale des États-Unis qui souhaite nou
803
pas un des responsables de la politique mondiale
des
États-Unis qui souhaite nous réduire à l’état de satellites. Mais nos
804
s s’unissent pour dénoncer « l’emprise économique
des
USA », représentée à leurs yeux par le plan Marshall et ses suites ;
805
l’invasion culturelle » symbolisée par le succès
des
Digests. Selon les inspirateurs de cette campagne insensée — mais qui
806
la puissance, non moins redoutée que sollicitée,
des
USA ? Leur nom même suffit à répondre : ils sont unis. Ils ont créé e
807
le alliance confédérale devait être remplacée par
une
fédération. Un projet de Constitution fut voté par leurs délégués, ré
808
édérale devait être remplacée par une fédération.
Un
projet de Constitution fut voté par leurs délégués, réunis à Philadel
809
lphie. (Six nations de l’Europe viennent de voter
un
projet similaire, à Strasbourg le 10 mars 1953.) Il restait à le fair
810
précisément dans la presse de New York que trois
des
rédacteurs de la Constitution, Hamilton, Jay et Madison, entreprirent
811
reprirent au lendemain de Philadelphie de publier
une
longue série d’articles discutant le projet d’union et démontrant ses
812
démontrant ses avantages. Ces écrits réunis sous
un
nom bientôt illustre : The Federalist, exercèrent une action décisive
813
nom bientôt illustre : The Federalist, exercèrent
une
action décisive, ainsi que nul écolier américain ne peut aujourd’hui
814
résumer en deux phrases le rôle et l’importance d’
un
tel écrit, je dirais que d’une part il a créé l’animation politique n
815
le pendant libéral au Prince de Machiavel. Depuis
un
siècle et demi, les hommes d’État américains ont coutume de se référe
816
e de se référer aux maximes du Federalist comme à
une
sorte de jurisprudence des problèmes institutionnels. Or, voici qu’au
817
du Federalist comme à une sorte de jurisprudence
des
problèmes institutionnels. Or, voici qu’au onzième chapitre de ce fam
818
e de base de la grandeur américaine, je tombe sur
un
passage dont le lecteur va comprendre l’extrême importance : Le mond
819
éographiquement, en quatre parties dont chacune a
des
intérêts distincts. L’Europe, pour le malheur des trois autres, les a
820
des intérêts distincts. L’Europe, pour le malheur
des
trois autres, les a toutes, à des degrés divers, soumises à son empir
821
pour le malheur des trois autres, les a toutes, à
des
degrés divers, soumises à son empire par ses armes et ses négociation
822
e le reste du genre humain créé pour son utilité.
Des
hommes, admirés comme de grands philosophes, ont positivement attribu
823
sophes, ont positivement attribué à ses habitants
une
supériorité physique, et ont sérieusement assuré que tous les animaux
824
trop longtemps appuyé ces arrogantes prétentions
des
Européens. C’est à nous de relever l’honneur de la race humaine et d’
825
nous en rendra capables. La désunion préparerait
une
nouvelle victime à leur triomphe. Que les Américains méprisent enfin
826
ur européenne ! que les treize États, réunis dans
une
étroite et indissoluble union, concourent à la formation d’un grand s
827
t indissoluble union, concourent à la formation d’
un
grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute force
828
péenne, et qui leur permette de dicter les termes
des
relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Je vous laisse le soin
829
us laisse le soin de commenter le parallélisme qu’
un
tel texte suggère, et même impose à l’évidence, entre la situation de
830
ire les mêmes effets, cette page dicte à l’Europe
une
politique. v. Rougemont Denis de, « Aller et retour », Journal de
831
Pour
un
désarmement moral (19 juillet 1955)w Comment ne pas voir que les t
832
ale avec celles de nos communistes occidentaux et
des
neutralistes qui les suivent ? En proposant un système de sécurité eu
833
t des neutralistes qui les suivent ? En proposant
un
système de sécurité européenne, Moscou reconnaît implicitement la néc
834
e notre union, dénoncée par les communistes comme
une
idée américaine. En affirmant le principe de la non-ingérence dans le
835
de la non-ingérence dans les affaires intérieures
des
autres, Moscou désavoue implicitement les partis qui agissent à son s
836
ays. En insistant enfin sur l’importance vitale d’
une
reprise des échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement la p
837
stant enfin sur l’importance vitale d’une reprise
des
échanges culturels, Moscou réintroduit implicitement la possibilité d
838
Moscou réintroduit implicitement la possibilité d’
une
libre discussion. Or celle-ci serait ruineuse pour le principe qui a
839
entale, c’est demander et obtenir le rattachement
des
pays de l’Est à quelque forme d’union occidentale. On ne voit pas ce
840
st accepter la libre discussion, le libre échange
des
hommes, des œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais
841
la libre discussion, le libre échange des hommes,
des
œuvres et des idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivau
842
ssion, le libre échange des hommes, des œuvres et
des
idées. Et voilà qui n’a l’air de rien, mais qui équivaut en fait à le
843
er le rideau de fer. Je pars de là. Je ne suis qu’
un
écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences des hommes d’État, on vient
844
is qu’un écrivain. Rien ne m’oblige aux prudences
des
hommes d’État, on vient de le voir. Les relations culturelles, à mes
845
st point d’entente entre les hommes, je veux dire
un
langage commun. On a reconnu l’expression qui revient par deux fois,
846
ique contemporaine. Précisons notre image : quand
un
pilote passe le mur du son, il entre dans une zone de silence. Mais q
847
uand un pilote passe le mur du son, il entre dans
une
zone de silence. Mais quand un homme d’État soviétique passe le Ridea
848
on, il entre dans une zone de silence. Mais quand
un
homme d’État soviétique passe le Rideau, c’est pour entrer dans la zo
849
trer dans la zone où l’on parle. Toute l’attitude
des
Russes à Genève peut se résumer en un seul mot : causons ! D’où l’acc
850
l’attitude des Russes à Genève peut se résumer en
un
seul mot : causons ! D’où l’accent mis sur le langage commun. Il exis
851
commun. Il existe en fait deux moyens d’instaurer
un
langage commun. Le premier est la force brutale : c’est le vainqueur
852
le : c’est le vainqueur qui impose à tous le sens
des
mots qu’il juge convenable. On se rappelle qu’au moment où l’armée ro
853
« les événements ayant donné au terme d’agression
un
contenu historique nouveau ». La franchise même de cette explication
854
chir. Le ministre russe s’exprimait en effet dans
un
langage tout naturel pour quiconque est imbu de la croyance marxiste
855
ndu avec l’Occident — qui se traduisait alors par
une
ingérence qualifiée dans les affaires d’un autre pays — provenait ain
856
s par une ingérence qualifiée dans les affaires d’
un
autre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’un fait de culture
857
les affaires d’un autre pays — provenait ainsi d’
une
théorie, donc d’un fait de culture ; mais comme il n’était pas questi
858
utre pays — provenait ainsi d’une théorie, donc d’
un
fait de culture ; mais comme il n’était pas question d’en discuter, c
859
la force qui trancha. Le second moyen d’instaurer
un
langage commun, c’est le dialogue. Or un dialogue réel suppose deux c
860
nstaurer un langage commun, c’est le dialogue. Or
un
dialogue réel suppose deux conditions. Il suppose tout d’abord, chez
861
hèse, ses propres préjugés et attitudes, en vue d’
une
recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’une suite de monologue
862
ne recherche commune — autrement l’on n’aurait qu’
une
suite de monologues. Or ces deux conditions du dialogue viennent d’êt
863
e. Que chacun prouve la justesse de sa cause dans
une
compétition pacifique. Une compétition pacifique entre hommes égalem
864
esse de sa cause dans une compétition pacifique.
Une
compétition pacifique entre hommes également convaincus : si cette of
865
s demain. (Je le dis au nom de la grande majorité
des
intellectuels de l’Europe, et des plus attachés à la cause de l’union
866
grande majorité des intellectuels de l’Europe, et
des
plus attachés à la cause de l’union fédérale de nos peuples !) Parlon
867
os peuples !) Parlons et dialoguons, non pas dans
des
congrès où s’affrontent les démagogies, mais par groupes de professio
868
ou je n’ai rien dit. Si chacun mène chez l’autre
un
cheval de Troie et qu’il en organise, en place publique, la visite of
869
la visite officielle et gratuite, l’arme secrète
des
Achéens devient un pavillon d’exposition. On ne court plus que le ris
870
e et gratuite, l’arme secrète des Achéens devient
un
pavillon d’exposition. On ne court plus que le risque normal d’une «
871
position. On ne court plus que le risque normal d’
une
« compétition pacifique ». Il est temps de courir le risque de la pai
872
oyons francs : tout cela repose sur l’hypothèse d’
un
changement d’attitude des Russes. Il se peut que les nombreux témoign
873
repose sur l’hypothèse d’un changement d’attitude
des
Russes. Il se peut que les nombreux témoignages qu’ils en donnent dep
874
certains que la conscience qu’ils en ont. Le Père
des
peuples est mort, qui tenait tout ensemble. Le chef du MVD l’a suivi
875
t qu’il faut prendre ici dans son sens littéral :
un
ressort est détendu, la pression tombe. Les effets d’un pareil change
876
sort est détendu, la pression tombe. Les effets d’
un
pareil changement peuvent être lents à se manifester dans l’énorme ps
877
À l’extérieur, elle voit quelques hommes forts :
un
Tito, un Adenauer. C’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour
878
rieur, elle voit quelques hommes forts : un Tito,
un
Adenauer. C’est vers eux que s’en vont ceux qui parlent pour les Russ
879
va vers Eisenhower. Et ils viendront demain vers
une
Europe unie, parce qu’une Europe unie sera forte et rassurante. w.
880
s viendront demain vers une Europe unie, parce qu’
une
Europe unie sera forte et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pou
881
e et rassurante. w. Rougemont Denis de, « Pour
un
désarmement moral », Journal de Genève, Genève, 19 juillet 1955, p. 1
882
ur avoir laissé faire sous nos yeux hébétés, sans
un
cri, sans un geste — cela ? Ces voix rauques, jusque dans nos chambre
883
sé faire sous nos yeux hébétés, sans un cri, sans
un
geste — cela ? Ces voix rauques, jusque dans nos chambres, criant au
884
criant au secours dès qu’on tournait le bouton d’
un
poste de radio, à nos oreilles, appelant l’Europe, qui ne pouvait pas
885
t l’Europe sans chefs et sans armée, et sans même
un
porte-parole pour nous dire : allons-y ! pour leur dire : nous voici
886
el, tant que je n’aurai pas fait tout ce que peut
un
homme libre pour hâter le jour de la vengeance du peuple hongrois et
887
orie du crime et sa pratique massive, le massacre
des
ouvriers succédant à celui des paysans, l’incompétence brutale avouée
888
ssive, le massacre des ouvriers succédant à celui
des
paysans, l’incompétence brutale avouée périodiquement, la trahison de
889
étence brutale avouée périodiquement, la trahison
des
chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles des « réactionnaire
890
ée périodiquement, la trahison des chefs dont pas
un
seul n’est mort sous les balles des « réactionnaires », car c’est ent
891
chefs dont pas un seul n’est mort sous les balles
des
« réactionnaires », car c’est entre eux qu’ils se sont tous assassiné
892
puis trente ans, la misère collective et le canon
des
chars dans la foule serrée chantant la liberté. Mais avant que l’Hist
893
a liberté. Mais avant que l’Histoire et la colère
des
peuples l’ait balayé de la planète, le communisme russe peut encore é
894
mes. Nous devons à la passion de Budapest martyre
une
réparation sans merci, vigilante, obstinée, sans éclat, comme il conv
895
qu’il y ait à l’appel de tous nos frères de l’Est
une
réponse qui ne dépende plus des élections locales d’un peuple d’outre
896
s frères de l’Est une réponse qui ne dépende plus
des
élections locales d’un peuple d’outre-mer, mais de nos seules conscie
897
ponse qui ne dépende plus des élections locales d’
un
peuple d’outre-mer, mais de nos seules consciences, advienne que pour
898
ulturel avec les Soviétiques délivrés de Staline.
Des
rencontres privées ont suivi mon appel. Les Russes s’y sont montrés l
899
mmuniste actuel, plus encore que le fasciste, est
un
malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est un criminel en puiss
900
malade mental, ou, s’il est sain d’esprit, c’est
un
criminel en puissance : c’est un homme qui approuve, excuse et justif
901
d’esprit, c’est un criminel en puissance : c’est
un
homme qui approuve, excuse et justifie, les massacres de Budapest ; q
902
J’écris, et les Hongrois tombent sous les balles
des
Russes. Je n’écris pas pour mettre ma conscience à l’aise. Je veux ce
903
mme doit le vouloir avant tout, mais ce n’est pas
un
article qui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’une action
904
ui pourrait y suffire, il faut agir. Je parlais d’
une
action vigilante, obstinée. Nous vivons en démocratie, qui veut dire
905
x flagrants délits, exigeons de nos gouvernements
une
rupture immédiate avec Moscou. Exigeons la dissolution des partis com
906
re immédiate avec Moscou. Exigeons la dissolution
des
partis communistes d’Occident, complices du crime le plus atroce de t
907
de refuser, dorénavant, de saluer du nom d’homme
un
communiste quelconque, qui n’aurait pas d’abord abjuré publiquement l
908
Hommage à Pasternak (31 octobre 1958)y Qu’
un
écrivain de l’Ouest reçoive un prix Staline, nous pensons simplement
909
tobre 1958)y Qu’un écrivain de l’Ouest reçoive
un
prix Staline, nous pensons simplement que cet heureux lauréat doit êt
910
sons simplement que cet heureux lauréat doit être
un
communiste plutôt qu’un grand poète, grand romancier ou grand stylist
911
heureux lauréat doit être un communiste plutôt qu’
un
grand poète, grand romancier ou grand styliste, et nous passons. La r
912
i peu : elles ne dépendent pas de l’État. Mais qu’
un
écrivain russe reçoive le prix Nobel, tout le monde sait aussitôt qu’
913
itôt qu’il se passe quelque chose, qu’il s’agit d’
un
talent et d’un homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et
914
asse quelque chose, qu’il s’agit d’un talent et d’
un
homme. Ses confrères communistes le savent aussi — et le font bien vo
915
e refuser ce prix, dont il eut le temps de dire à
des
journalistes étrangers : « C’est une immense joie, mais un peu solita
916
ps de dire à des journalistes étrangers : « C’est
une
immense joie, mais un peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de
917
listes étrangers : « C’est une immense joie, mais
un
peu solitaire ! » sachons qu’il s’agit moins de lâcheté, dans son cas
918
iècle. Il n’a pas voulu rester seul. Quelques-uns
des
plus grands l’ont osé. Pascal et Kierkegaard devant leur Dieu. Nietzs
919
la potence, au petit matin sibérien. C’est devant
une
autre tragédie que l’esprit s’arrête, dans le cas de Boris Pasternak.
920
Pasternak. Son refus le juge moins qu’il ne juge
un
régime qui ôte à l’homme le courage d’être lui-même, et le rabat au m
921
» (9-10 novembre 1963)z Descartes estimait qu’
un
athée ne pourrait pas faire de physique. Certes, beaucoup de physicie
922
que le mouvement créateur de la science procède d’
une
confiance intuitive dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose
923
dans l’accord de l’homme et du monde, et suppose
une
foi dans leur fondement commun, « fondement de l’être dans le monde,
924
dans le grand livre où il démontre, en somme, qu’
un
athée ne peut pas faire de musique. Pas davantage que Descartes, Anse
925
« phénoménologie de Dieu », qui est en même temps
une
théologie, il a recours à une méthode philosophique héritée de Husser
926
i est en même temps une théologie, il a recours à
une
méthode philosophique héritée de Husserl à travers Sartre (et dont il
927
nce de musicien. Ce chapitre sur Dieu, qui occupe
une
place centrale et dont l’écho s’entend dans tout l’ouvrage, est sans
928
end dans tout l’ouvrage, est sans nul doute l’une
des
prouesses intellectuelles les plus mémorables du siècle. À partir de
929
ions mathématiques sur la fréquence et la période
des
sons, et de définitions du « fondement » et de la « relationalité »,
930
ous assistons à la reconstruction toute naturelle
des
vérités centrales du christianisme : et je dis bien, de la religion e
931
is bien, de la religion et de l’éthique du Christ
des
évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’un théisme quelconqu
932
évangiles, « pivot de l’Histoire », et non pas d’
un
théisme quelconque, d’une spiritualité plus ou moins bouddhiste ou gu
933
Histoire », et non pas d’un théisme quelconque, d’
une
spiritualité plus ou moins bouddhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pa
934
dhiste ou guénonienne. Dieu n’étant pas l’objet d’
un
problème, mais « le fondement commun du monde et de notre existence d
935
ns la vie humaine par la croyance ou l’incroyance
des
hommes, mais par les signes de sa présence dans l’existence de l’homm
936
« prédestination de notre personne morale » (avec
une
référence explicite à Calvin). Tout cela, sans aucun recours au vocab
937
s ce que l’auteur n’a pas restitué de la croyance
des
Églises ? C’est à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’un Die
938
st à vrai dire assez considérable. C’est l’idée d’
un
Dieu personnel. C’est l’insistance paulinienne sur la mort et la résu
939
rrection du Christ interprétées comme promesses d’
une
vie future, et par là même, dit Ansermet, abandonnant notre bas monde
940
de l’âme personnelle, à quoi l’auteur substitue d’
une
manière assez surprenante un proverbial « nos actes nous suivent ». C
941
’auteur substitue d’une manière assez surprenante
un
proverbial « nos actes nous suivent ». C’est la mystique et le surnat
942
superstition. C’est enfin et surtout la notion d’
une
transcendance tout extérieure de Dieu, tenant l’homme dans sa dépenda
943
ieu, tenant l’homme dans sa dépendance, donc dans
une
relation passive, tandis que le Christ des évangiles a été « le premi
944
c dans une relation passive, tandis que le Christ
des
évangiles a été « le premier à révéler aux hommes la vérité de leur e
945
u Dieu immanent qui s’annonce en leur cœur ». Sur
une
telle phrase, on imagine d’admirables disputations ! On voit bien ce
946
m, d’Isaac et de Jacob » fait place ici au « Dieu
des
philosophes et des savants », encore qu’Ansermet dise très bien que c
947
cob » fait place ici au « Dieu des philosophes et
des
savants », encore qu’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le Dieu
948
’Ansermet dise très bien que ce n’est pas le Dieu
des
philosophes qui sera d’un grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Par
949
e ce n’est pas le Dieu des philosophes qui sera d’
un
grand secours à l’homme d’aujourd’hui. (Paragraphe sur « l’éducation
950
! La musique, phénomène affectif conditionné par
des
structures physico-mathématiques, est inconcevable sans Dieu. Elle ce
951
termes de technique musicale ? Dans ce contexte,
une
autre thèse me frappe : la musique est d’Europe, essentiellement, par
952
t presque toute la musique contemporaine au nom d’
une
théologie que, d’autre part, nos docteurs jugeront hérétique, voilà d
953
la Genève de Calvin l’eût accusé de parler comme
un
athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute une école d’aujourd’
954
athée, puisqu’il nie le Dieu personnel. Et toute
une
école d’aujourd’hui, pour des raisons d’ailleurs inverses, saluerait
955
personnel. Et toute une école d’aujourd’hui, pour
des
raisons d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’un bruitage
956
d’ailleurs inverses, saluerait sa condamnation d’
un
bruitage post-dodécaphonique assourdissant. Les uns et les autres aur
957
les autres auraient tort. Nous devons à Ansermet
une
tentative unique d’adéquation de l’affectif au spirituel, et d’approp
958
on de l’affectif au spirituel, et d’appropriation
des
vérités religieuses. Quelles que soient les réserves qu’inspirent par
959
pirent parfois tant d’assurance intellectuelle et
un
vocabulaire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’une manière
960
aire trop spécifique, cette tentative s’inscrit d’
une
manière exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour, des vérités
961
exemplaire dans l’aggiornamento, ou mise à jour,
des
vérités traditionnelles, dont Jean XXIII fut l’admirable promoteur. D
962
re part, elle porte à l’extrême l’intériorisation
des
réalités de foi, qui fut le mouvement intime de la Réforme. Voilà de
963
ons de se passionner pour ou contre cette œuvre d’
une
jeunesse étonnante, dont l’avenir seul découvrira les véritables prop
964
ix ans d’Amérique je n’ai fait que « papoter avec
des
milliardaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers l
965
chose et ne mentionne, en fait de papotages, que
des
conversations avec Jacques Maritain, André Breton et Saint-Exupéry —
966
re dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser d’
un
acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les qui
967
à m’accuser d’un acte bien défini, qui m’eût valu
un
peu plus, croyez-moi, que les quinze jours de forteresse auxquels le
968
auxquels le Général m’avait condamné en juin pour
un
article sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis : un officier qu
969
le sur l’entrée d’Hitler à Paris. Soyons précis :
un
officier qui quitte la Suisse à la fin d’août de 1940 en mission et m
970
isse à la fin d’août de 1940 en mission et muni d’
un
passeport « de service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté
971
s, c’est-à-dire déserté, peu de jours auparavant.
Un
critique qui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis de s’en e
972
erait requis de s’en expliquer sur l’heure devant
un
tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’une « manière
973
nal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse d’
une
« manière de parler » pour faire drôle. Cette mise au point, tout à f
974
nce (30 juin 1969)ab ac Monsieur le président,
Un
étudiant en théologie, qui suit depuis deux ans mes cours, René Bugno
975
cryptocommuniste, ni contestataire farfelu. C’est
un
homme sérieux et ouvert, doué d’esprit critique mais capable de s’ent
976
èvent de sa fidélité à l’idéal chrétien. Ils sont
une
prise au sérieux des principes au nom desquels notre Confédération s’
977
à l’idéal chrétien. Ils sont une prise au sérieux
des
principes au nom desquels notre Confédération s’est formée et qu’elle
978
en Suisse, à part les « beautés de la nature » et
des
entreprises dont beaucoup d’autres sauraient prendre soin tout aussi
979
tuer pour si peu que de savoir qui administrerait
une
société préalablement amputée de son idéal, j’entends une société cap
980
été préalablement amputée de son idéal, j’entends
une
société capable de condamner par une application routinière de ses lo
981
l, j’entends une société capable de condamner par
une
application routinière de ses lois ceux qui commettent la faute de cr
982
de croire à ses fondements moraux et politiques.
Des
jeunes gens comme René Bugnot, moralement exigeants, civiquement aler
983
i c’est l’ordre à tout prix et l’écrasement légal
des
opposants et dissidents, les Soviétiques le feront mieux que nous : v
984
égale de l’objection de conscience en Suisse et d’
un
statut correspondant ? La véritable utilité d’un procès d’objecteur c
985
’un statut correspondant ? La véritable utilité d’
un
procès d’objecteur c’est, aujourd’hui, me semble-t-il, de hâter le te
986
franchement et longuement. Je ne voulais être qu’
un
témoin de moralité, et je n’ai pu m’empêcher de vous faire part de me
987
iquer notre pays, par la parole et par l’écrit, à
un
monde qui le connaît mal et ne le comprend pas toujours ? Nous avons
988
a seconde fois, de se présenter au recrutement, à
une
peine de quatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme des arrêt
989
uatre mois d’emprisonnement à subir sous la forme
des
arrêts répressifs. Ce qui l’autorisera, en vertu des nouveaux règleme
990
des nouveaux règlements qui marquent à cet égard
une
évolution certaine, à travailler durant la journée à l’Hôpital. Il l’
991
Il l’a également exclu de l’armée, suivant par là
une
récente jurisprudence du tribunal militaire de cassation qui permet d
992
ndant guère envisager, à la seconde condamnation,
une
peine plus faible qu’à la première. Au cours de cette audience, une l
993
ble qu’à la première. Au cours de cette audience,
une
lettre de l’écrivain et professeur Denis de Rougemont a été lue par l
994
Rougemont a été lue par le président du Tribunal.
Une
copie nous a été transmise que nous publions ci-dessous. » ad. Cette
995
sonne, au courant de la vie intellectuelle suisse
des
trente dernières années, n’osera nier [de] Denis de Rougemont les tit
996
gnage de moralité et de caractère qu’il porte sur
un
homme dont il connaît personnellement la pensée et les mobiles. Il n’
997
n, à titre répressif, correctif ou préventif, est
une
peine trop sommaire pour répondre équitablement à l’aliénation social
998
our répondre équitablement à l’aliénation sociale
des
objecteurs de conscience. Et il est facile de voir — voici un cas de
999
s de conscience. Et il est facile de voir — voici
un
cas de plus — qu’elle tend au contraire à éloigner de la solidarité n
1000
u contraire à éloigner de la solidarité nationale
des
hommes comme Denis de Rougemont, qui ne sont pas eux-mêmes objecteurs
1001
es, ni contestataires farfelus”. Il y a donc bien
un
problème, et Rougemont a raison de demander, au nom des valeurs qui é
1002
oblème, et Rougemont a raison de demander, au nom
des
valeurs qui étayent son patriotisme, que ce problème soit étudié. En
1003
dans ce “tout ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’
un
statut des objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État p
1004
out ou rien” qui voudrait qu’à défaut d’un statut
des
objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’un État policier rég
1005
objecteurs de conscience, la Suisse ne serait qu’
un
État policier régnant sur des êtres sans âmes. La politique de neutra
1006
Suisse ne serait qu’un État policier régnant sur
des
êtres sans âmes. La politique de neutralité donne aux responsabilités
1007
alité donne aux responsabilités du citoyen-soldat
une
garantie de légitime défense que personne ne peut contester, et qui r
1008
nne ne peut contester, et qui rassure valablement
des
hommes qui acceptent leur service non dans l’indifférence ou l’ignora
1009
ou l’ignorance, mais dans la connaissance lucide
des
choix que poserait un conflit armé. La statistique montre que les obj
1010
ans la connaissance lucide des choix que poserait
un
conflit armé. La statistique montre que les objecteurs de conscience
1011
ontre que les objecteurs de conscience ne sont qu’
une
infime minorité. Humainement respectable, oui. Dépositaire de la miss
1012
en chef, J’ai été surpris de vous voir répondre à
une
lettre que j’avais adressée au président d’un tribunal militaire et q
1013
à une lettre que j’avais adressée au président d’
un
tribunal militaire et que vous publiez à mon insu, sous un titre trom
1014
al militaire et que vous publiez à mon insu, sous
un
titre trompeur, je le crains. Car ce titre semble annoncer une prise
1015
mpeur, je le crains. Car ce titre semble annoncer
une
prise de position de principe sur le problème de l’objection, voire u
1016
de principe sur le problème de l’objection, voire
une
sorte de manifeste. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à des
1017
on, voire une sorte de manifeste. Or, il s’agit d’
un
simple témoignage rédigé à des fins précises, pour servir une cause p
1018
te. Or, il s’agit d’un simple témoignage rédigé à
des
fins précises, pour servir une cause personnelle, et pas du tout pour
1019
émoignage rédigé à des fins précises, pour servir
une
cause personnelle, et pas du tout pour haranguer la foule par-dessus
1020
ement de l’objection de conscience en général, et
des
objecteurs suisses en particulier, il m’eût fallu beaucoup de temps,
1021
ût fallu beaucoup de temps, beaucoup de place, et
un
minimum de précautions. Il m’eût fallu peser le pour et le contre, et
1022
s’interdise de répéter que l’objecteur est lâche,
un
mauvais citoyen qui trahit ses devoirs de solidarité. Quant à votre s
1023
et vous avez raison de refuser de me suivre dans
une
direction où jamais je n’ai songé à entraîner personne. Non, je ne pe
1024
pense pas et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’
un
statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’a
1025
et je n’ai donc pas dit « qu’à défaut d’un statut
des
objecteurs, la Suisse ne serait qu’un État policier ». J’ai dit seule
1026
’un statut des objecteurs, la Suisse ne serait qu’
un
État policier ». J’ai dit seulement que si l’on choisissait de s’en t
1027
à « l’ordre à tout prix » et à l’écrasement légal
des
opposants ou des simples non-conformistes, Moscou ferait cela bien mi
1028
t prix » et à l’écrasement légal des opposants ou
des
simples non-conformistes, Moscou ferait cela bien mieux que nous. Cel
1029
apeau suivant : « Nous avons publié lundi dernier
une
lettre que le professeur Denis de Rougemont avait adressée le vendred
1030
taire de 1re Division devant lequel comparaissait
un
jeune objecteur de conscience, René Bugnot. Lue lors de l’audience pu
1031
l’une de ses copies, nous fut transmise par l’un
des
camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta un commentaire dans lequ
1032
des camarades de Bugnot. Bernard Béguin y ajouta
un
commentaire dans lequel il nuançait les termes de ce qu’il considérai
1033
nuançait les termes de ce qu’il considérait comme
une
alternative de la part de Denis de Rougemont. Celui-ci répond aujourd
1034
enis de Rougemont. Celui-ci répond aujourd’hui. »
Un
débat sur l’objection de conscience, auquel Denis de Rougemont prendr
1035
30-31 août 1969)ag ah Pensez-vous qu’il existe
une
culture bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largeme
1036
ure bourgeoise » a été largement employé au cours
des
émeutes de mai 1968. Il n’y a pas de culture bourgeoise. Il n’y a pas
1037
rgeoise. Il n’y a pas de culture ouvrière. Il y a
une
culture européenne. C’est la plus petite unité que l’on puisse trouve
1038
ité d’étude intelligible qu’on puisse prendre est
une
civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture franç
1039
re allemande, cela n’existe pas. Il y a seulement
des
différences, des nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont
1040
a n’existe pas. Il y a seulement des différences,
des
nuances de langue. D’abord, toutes ces langues sont parentes, ensuite
1041
s les Européens. Vous trouvez dans toute l’Europe
des
romans, des sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la sympho
1042
ens. Vous trouvez dans toute l’Europe des romans,
des
sonnets, des tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vou
1043
uvez dans toute l’Europe des romans, des sonnets,
des
tableaux de chevalet, le concerto, la symphonie, que vous ne trouvez
1044
nfluence germanique ou celtique. Ainsi nous avons
une
communauté indiscutable de culture. La division de la culture est app
1045
eoise, parce que la culture n’a pas été faite par
des
bourgeois. La culture occidentale repose sur l’héritage gréco-romain
1046
-romain et la théologie chrétienne, transmise par
des
moines au Moyen Âge. On ne peut parler de culture bourgeoise qu’en pe
1047
ien sûr, depuis cent ans, ce sont essentiellement
des
bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’avoir des goûts plus b
1048
rgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’avoir
des
goûts plus bourgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde est to
1049
z dans les prisons russes. Vous n’y trouverez pas
un
seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-ba
1050
rnemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est
une
classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pay
1051
munistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans
une
ère de révolutions ? Il y a une nécessité révolutionnaire qui vient d
1052
ommes entrés dans une ère de révolutions ? Il y a
une
nécessité révolutionnaire qui vient de cette mauvaise adaptation de n
1053
. On dit n’importe quoi, parce qu’on n’a pas fait
une
bonne analyse de la situation. Quand Sartre dit aux étudiants « casse
1054
urs jouets. Il faudrait plutôt leur dire de créer
une
nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ?
1055
qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ?
une
mutation tant physique que spirituelle ? Je n’en sais rien. Je sais v
1056
udrais qu’on aille. Le progrès est l’augmentation
des
risques humains, c’est-à-dire des possibilités de choix laissées à ch
1057
l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire
des
possibilités de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’est pa
1058
(absolument invérifiable et très peu probable) d’
un
monde rendu meilleur mais dans l’augmentation des possibilités de cho
1059
’un monde rendu meilleur mais dans l’augmentation
des
possibilités de choix. Pensez-vous que nous assistons à la mort de la
1060
ion du tout. Et vous ne croyez pas qu’il y aurait
des
indices pour une autre culture, une autre civilisation qui pourrait s
1061
ous ne croyez pas qu’il y aurait des indices pour
une
autre culture, une autre civilisation qui pourrait s’épanouir ? Je n’
1062
u’il y aurait des indices pour une autre culture,
une
autre civilisation qui pourrait s’épanouir ? Je n’en vois aucune. Et
1063
une. Et la Chine ? Encore faudrait-il que ce soit
une
civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures solutions
1064
ures solutions que les nôtres. Or nous constatons
un
gigantesque effort pour imposer aux Chinois une partie de la civilisa
1065
ns un gigantesque effort pour imposer aux Chinois
une
partie de la civilisation occidentale : le marxisme. Quelle différenc
1066
maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais c’est
un
mélange de marxisme-léninisme et de certaines traditions chinoises d’
1067
-léninisme et de certaines traditions chinoises d’
un
moralisme utilitaire des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge.
1068
es traditions chinoises d’un moralisme utilitaire
des
plus simplets : voyez le Petit Livre rouge. Un mélange grossier, stér
1069
e des plus simplets : voyez le Petit Livre rouge.
Un
mélange grossier, stérile, très contesté. Lorsque les étudiants chino
1070
coup de mitrailleuses. Il y a probablement alors
des
centaines de morts, quoiqu’on n’en parle guère. Je ne vois dans le ma
1071
civilisation nouvelle. Croyez-vous plus au succès
des
révolutions que des évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès de
1072
e. Croyez-vous plus au succès des révolutions que
des
évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès des révolutions. Il n’
1073
es évolutions ? Je ne crois pas du tout au succès
des
révolutions. Il n’y en a jamais eu une seule qui ait réussi. Elles on
1074
au succès des révolutions. Il n’y en a jamais eu
une
seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies. Une ré
1075
e seule qui ait réussi. Elles ont toutes abouti à
des
tyrannies. Une révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manqu
1076
réussi. Elles ont toutes abouti à des tyrannies.
Une
révolution aboutit à une tyrannie, parce qu’elle manque de fondements
1077
abouti à des tyrannies. Une révolution aboutit à
une
tyrannie, parce qu’elle manque de fondements doctrinaux, philosophiqu
1078
religieux acceptés et assumés par les meilleurs.
Une
révolution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui po
1079
s par les meilleurs. Une révolution sanglante est
une
révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait celle q
1080
ui pourrait réussir serait celle qui apporterait,
un
ordre nouveau, prêt à prendre la relève du désordre ancien, ce que j’
1081
outi, par les nationalistes, à la guerre de 1914.
Un
homme politique français a déclaré : « Le pouvoir personnel finit tou
1082
Mais qu’en est-il du pouvoir impersonnel ? Le cas
des
quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impersonnels n
1083
cas des quatre Républiques françaises qui étaient
des
pouvoirs impersonnels nous instruit grandement. La première a abouti
1084
saluer le régime personnel, parce qu’il conduit à
un
régime impersonnel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute des
1085
nel ? Comment expliquez-vous l’apogée et la chute
des
civilisations ? Personnellement, je ne crois pas que les civilisation
1086
s soient comme les plantes, qui poussent, donnent
des
fruits, fanent et meurent. Hegel, Spengler et Toynbee ont développé c
1087
uvre la terre entière ; elle n’est pas à la merci
des
forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle s’alimente par el
1088
. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue
une
force de production et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas
1089
tion. Je ne crois pas que l’homme devient esclave
des
machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent
1090
st esclave de sa vanité sociale par exemple. Dans
un
petit livre que j’ai écrit en 1946 sur la bombe atomique, je disais e
1091
que, je disais en post-scriptum à mes lettres : «
Un
dernier mot, et dire que j’allais l’oublier : la bombe n’est pas dang
1092
er : la bombe n’est pas dangereuse du tout. C’est
un
objet. Si vous la laissez tranquille dans sa caisse, elle ne va pas e
1093
e, elle ne va pas en sortir toute seule. On nomme
des
comités pour contrôler la bombe ! C’est aussi absurde que si l’on se
1094
e ! C’est aussi absurde que si l’on se jetait sur
une
chaise pour l’empêcher d’aller casser un vase de Chine. Le “contrôle
1095
ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser
un
vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est une absurdité. Ce qu’il
1096
r un vase de Chine. Le “contrôle de la bombe” est
une
absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. » Les ge
1097
mbe” est une absurdité. Ce qu’il nous faut, c’est
un
contrôle de l’homme. » Les gens disent : « Nous sommes envahis par le
1098
chines. » Je leur réponds : « Je voudrais bien qu’
une
Rolls-Royce ou même une VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison
1099
s : « Je voudrais bien qu’une Rolls-Royce ou même
une
VW vienne m’envahir dans la cour de ma maison. Mais cela ne s’est jam
1100
» Quelle est la responsabilité de l’artiste dans
un
monde en transformation ? Dans une société qui s’agrandit follement,
1101
l’artiste dans un monde en transformation ? Dans
une
société qui s’agrandit follement, qui perd ses mesures, la fonction d
1102
s, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer
des
mesures nouvelles, des modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l
1103
pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles,
des
modèles efficaces pour la sensibilité. Comme l’ont fait la statuaire
1104
es gothiques, les troubadours avec leurs poèmes d’
un
érotisme raffiné, les romanciers du cycle de la Table ronde, modèles
1105
ur l’époque dans la mesure où elle est guidée par
des
idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’
1106
dans la mesure où elle est guidée par des idées,
des
concepts, des angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent pl
1107
e où elle est guidée par des idées, des concepts,
des
angles de vision qu’on lui propose et qui s’imposent plus ou moins au
1108
afka nous a révélé dès 1930 le style et l’habitus
des
régimes policiers que la psyché moderne fomentait dans sa démence la
1109
ver les moyens d’en sortir. C’est-à-dire de créer
un
ordre plus humain : par quoi je veux dire plus divin. Et ne me demand
1110
de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d’
une
manière réaliste, pour essayer de le changer dans le bon sens. Une de
1111
ste, pour essayer de le changer dans le bon sens.
Une
des formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’enga
1112
pour essayer de le changer dans le bon sens. Une
des
formules que j’ai lancées dans ma jeunesse (outre celle de l’engageme
1113
if. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est en somme
une
morale du risque assumé, de l’action, orientée par l’esprit, et de la
1114
Un
débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État (4 octobre
1115
r Denis de Rougemont intervenait dans le procès d’
un
objecteur de conscience en adressant au président du Tribunal militai
1116
e en adressant au président du Tribunal militaire
un
témoignage que nous avons publié le 30 juin. Ce témoignage a suscité
1117
avons publié le 30 juin. Ce témoignage a suscité
des
controverses, auxquelles le débat que nous présentons ici n’a pas la
1118
s présentons ici n’a pas la prétention d’apporter
une
conclusion définitive. Il s’agit avant tout de s’éclaircir les idées.
1119
tion et en portent témoignage, mais par la valeur
des
principes qu’elle révèle et des questions qu’elle pose et qu’elle nou
1120
ais par la valeur des principes qu’elle révèle et
des
questions qu’elle pose et qu’elle nous pose. Confrontée au phénomène
1121
e, l’objection de conscience, paradoxalement, est
un
problème de temps de paix. C’est dans ce cadre-là, d’abord, qu’elle d
1122
met à part les Témoins de Jéhova qui constituent
un
cas particulier, le « portrait-robot » des soixante-quinze objecteurs
1123
tituent un cas particulier, le « portrait-robot »
des
soixante-quinze objecteurs de conscience que les tribunaux militaires
1124
objection de conscience a été récemment étendue à
des
motifs d’ordre philosophique, elle n’en puise pas moins ses racines d
1125
hique, elle n’en puise pas moins ses racines dans
des
motivations chrétiennes. C’est donc par elles que la discussion doit
1126
bjection de conscience religieuse. N’y a-t-il pas
une
contradiction dans le fait que la Constitution fédérale stipule que t
1127
même Constitution, dont le préambule commence par
une
invocation « Au nom du Dieu Tout-Puissant » ? Colonel divisionnaire D
1128
n religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’
un
devoir civique ». Donc, le fondement juridique est clair : la Constit
1129
ction peut faire croire qu’il s’agit uniquement d’
une
opposition d’intérêt entre l’armée et l’objecteur. Michel Barde. — L’
1130
ant ». Christian Schaller, vous avez objecté pour
des
motifs religieux… La religion n’est pas le motif exclusif Christ
1131
l y ait de différence dans les aboutissants entre
une
objection pour des motifs religieux et pour d’autres motifs de consci
1132
ce dans les aboutissants entre une objection pour
des
motifs religieux et pour d’autres motifs de conscience. Les questions
1133
Avez-vous eu le sentiment, en objectant, de faire
une
œuvre antimilitariste — je précise que ceux qui font du service ne so
1134
ice ne sont pas nécessairement militaristes… — ou
une
œuvre anticonstitutionnelle ? Christian Schaller. — Je pense plutôt a
1135
plutôt anticonstitutionnelle. L’objecteur choisit
un
moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’une loi et de précon
1136
moyen défini de mettre en évidence l’injustice d’
une
loi et de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’une oppositi
1137
de préconiser quelque chose de nouveau au moyen d’
une
opposition au système actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’une
1138
stème actuel. Il choisit le moyen de la refuser d’
une
certaine manière, mais il s’y soumet par une autre puisqu’il accepte
1139
er d’une certaine manière, mais il s’y soumet par
une
autre puisqu’il accepte le jugement des tribunaux (ce qui n’est d’ail
1140
oumet par une autre puisqu’il accepte le jugement
des
tribunaux (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de tous les objecteurs)
1141
essistes », si je puis dire. L’objection est l’un
des
moyens de proposer des solutions nouvelles, et de faire en sorte que
1142
dire. L’objection est l’un des moyens de proposer
des
solutions nouvelles, et de faire en sorte que les problèmes soient po
1143
que les problèmes soient posés, mais ce n’est qu’
un
moyen parmi d’autres. Et personnellement je me sens très proche des m
1144
autres. Et personnellement je me sens très proche
des
militaires qui, à l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’un
1145
l’intérieur de l’édifice, font le même travail d’
une
autre manière. Michel Barde. — L’objecteur religieux n’est-il pas plu
1146
structures ? Christian Schaller. — Pas forcément.
Un
christianisme vécu ou un humanisme vécu, peuvent arriver aux mêmes co
1147
haller. — Pas forcément. Un christianisme vécu ou
un
humanisme vécu, peuvent arriver aux mêmes conclusions. Denis de Rouge
1148
ticle 49, paragraphe 5, qui dit que dans le cas d’
un
conflit entre les devoirs civiques et ce que l’on considère comme ses
1149
tution ? Cela ne veut absolument rien dire. C’est
une
couverture pour quelque chose dont le contenu est une autre religion
1150
couverture pour quelque chose dont le contenu est
une
autre religion que le christianisme, à savoir la religion civique. C’
1151
logiquement. Car là il n’y a plus aucun recours à
une
transcendance, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et des in
1152
, à quelque chose qui soit au-dessus de l’État et
des
intérêts de l’État. Ce qui me paraît absolument hypocrite, c’est de m
1153
Puissant », entendant le Dieu chrétien, en tête d’
une
Constitution qui n’est absolument pas chrétienne. Bernard Béguin. — E
1154
enne. Bernard Béguin. — Contre l’interprétation d’
un
individu… Denis de Rougemont. — C’est la religion civique qui triomph
1155
pis, c’est le civisme. » Bernard Béguin. — C’est
une
interprétation personnelle du christianisme face à celui d’une collec
1156
ation personnelle du christianisme face à celui d’
une
collectivité, qui, elle, a jugé le christianisme compatible avec le s
1157
, chaque séance débute en plaçant cette réunion d’
une
cinquantaine de citoyens « sous la protection divine ». Christian Sch
1158
yen ? Il y a les lois, mais il y a aussi l’esprit
des
lois. Je ne pense pas que le conformisme soit une qualité première du
1159
des lois. Je ne pense pas que le conformisme soit
une
qualité première du bon citoyen, et je pense que la critique des lois
1160
mière du bon citoyen, et je pense que la critique
des
lois fait partie intégrante des qualités du civisme. Nous avons vu à
1161
e que la critique des lois fait partie intégrante
des
qualités du civisme. Nous avons vu à quoi pouvait aboutir une religio
1162
du civisme. Nous avons vu à quoi pouvait aboutir
une
religion de l’État où le citoyen applique les lois et y obéit sans le
1163
h bien ! L’objection de conscience n’est que l’un
des
moyens d’amener à ce que les lois puissent s’amender. C’est une façon
1164
mener à ce que les lois puissent s’amender. C’est
une
façon de mettre en évidence certains problèmes qu’on a tendance à mas
1165
tre chrétien et d’être citoyen. L’objecteur prend
une
position particulière pour mettre en évidence un état de fait. Ce n’e
1166
une position particulière pour mettre en évidence
un
état de fait. Ce n’est pas un anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut ê
1167
mettre en évidence un état de fait. Ce n’est pas
un
anarchiste. Bernard Béguin. — Il peut être ferment d’anarchie. La dés
1168
itionnelle… Denis de Rougemont. — Au point de vue
des
citoyens, c’est beaucoup plus grave. Le conformisme du citoyen qui se
1169
, mais conduit à la dictature. C’est la démission
des
citoyens qui fait la force des dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le
1170
C’est la démission des citoyens qui fait la force
des
dictateurs. Bernard Béguin. — C’est le désordre dans la démocratie qu
1171
dictateurs. Et quand le citoyen récuse les lois d’
une
collectivité démocratique il ne crée pas une superdémocratie, il fait
1172
is d’une collectivité démocratique il ne crée pas
une
superdémocratie, il fait le lit de la dictature. C’est cela qui nous
1173
la dictature. C’est cela qui nous fait peur dans
un
militantisme qui attaque à sa base une constitution démocratique au l
1174
t peur dans un militantisme qui attaque à sa base
une
constitution démocratique au lieu de chercher la réforme dans son cad
1175
nt d’objection de conscience. De ces 300, 200 ont
une
attitude positive à l’égard de l’armée et acceptent d’être incorporés
1176
ervice de santé. Sur la centaine d’irréductibles,
une
majorité sont des Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine —
1177
ur la centaine d’irréductibles, une majorité sont
des
Témoins de Jéhovah. Vous connaissez leur doctrine — je simplifie : il
1178
, et cela montre que si nous n’avons pas en droit
un
statut pour les objecteurs nous l’avons en fait. L’objecteur peut acc
1179
que les objecteurs de conscience soient jugés par
des
tribunaux civils. À leur place, je préférerais être jugé par un tribu
1180
ivils. À leur place, je préférerais être jugé par
un
tribunal militaire, qui juge essentiellement des honnêtes gens, que p
1181
r un tribunal militaire, qui juge essentiellement
des
honnêtes gens, que par des tribunaux ordinaires qui jugent en majorit
1182
i juge essentiellement des honnêtes gens, que par
des
tribunaux ordinaires qui jugent en majorité des gens plus ou moins ma
1183
r des tribunaux ordinaires qui jugent en majorité
des
gens plus ou moins malhonnêtes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Jug
1184
tes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Jugez-vous
des
mineurs dans les tribunaux militaires ? Colonel Vaucher. — Si, nous p
1185
Dénéréaz. — Mais le garçon de 18 ans peut obtenir
un
sursis… Michel Barde. — Il y en a qui se présentent à 19 ans devant l
1186
Ils bénéficient de leur jeune âge, dans l’examen
des
circonstances atténuantes. Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Je croya
1187
prononce l’emprisonnement à subir sous le régime
des
arrêts répressifs ; ou bien, on peut aussi prononcer directement les
1188
est-ce que les arrêts répressifs se purgent avec
des
prisonniers de droit commun ? Colonel Vaucher. — Absolument pas. Les
1189
Vaucher. — Absolument pas. Les arrêts répressifs
des
objecteurs de conscience sont subis dans des prisons, certainement, m
1190
sifs des objecteurs de conscience sont subis dans
des
prisons, certainement, mais les objecteurs de conscience sont autoris
1191
nt autorisés à travailler pendant la journée dans
des
établissements hospitaliers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logés da
1192
liers. Bernard Béguin. — Mais sont-ils logés dans
des
prisons militaires ? Colonel Vaucher. — Non. À Genève, ce sera Saint-
1193
al. Bernard Béguin. — Cela veut dire, en fait, qu’
un
garçon de 20 ans condamné pour objection de conscience — vous avez di
1194
objection de conscience — vous avez dit que c’est
un
honnête homme — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est une pris
1195
me — va loger trois mois à Saint-Antoine, qui est
une
prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Nous ne sommes pas chargés
1196
es. Bernard Béguin. — Nous éprouvons tout de même
un
malaise à juger des honnêtes gens et à les mettre dans une prison de
1197
— Nous éprouvons tout de même un malaise à juger
des
honnêtes gens et à les mettre dans une prison de droit commun. Colone
1198
se à juger des honnêtes gens et à les mettre dans
une
prison de droit commun. Colonel Vaucher. — Les tribunaux militaires j
1199
er. — Les tribunaux militaires jugent en majorité
des
honnêtes gens, c’est vrai ; et je ne pense pas seulement aux objecteu
1200
ience. Je pense à tous les soldats qui ont commis
des
actes d’indiscipline, qui n’ont pas fait leur service par négligence,
1201
nditions de famille à ce moment-là leur causaient
un
grave préjudice financier. Je les considère tous comme des honnêtes g
1202
préjudice financier. Je les considère tous comme
des
honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour des fautes de discipline
1203
des honnêtes gens. Ils viennent devant nous pour
des
fautes de discipline. Condamnés comme des hérétiques ? Christia
1204
pour des fautes de discipline. Condamnés comme
des
hérétiques ? Christian Schaller. — À la limite, on pourrait étendr
1205
evant les tribunaux, ou à peu près, viennent pour
des
fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans une classification de
1206
es fautes de discipline. J’ai peine à entrer dans
une
classification de tribunaux pour honnêtes gens et de tribunaux pour m
1207
lhonnêtes gens. Bernard Béguin. — Mais si. Il y a
un
délit constitutionnel qui n’est pas un délit pénal. Il y a un Code pé
1208
si. Il y a un délit constitutionnel qui n’est pas
un
délit pénal. Il y a un Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouve
1209
stitutionnel qui n’est pas un délit pénal. Il y a
un
Code pénal qui définit l’honnêteté. Vous pouvez le considérer comme a
1210
raire, mais il existe. Et d’autre part nous avons
une
Constitution qui définit des obéissances. Par conséquent il y a une t
1211
utre part nous avons une Constitution qui définit
des
obéissances. Par conséquent il y a une très grande différence entre l
1212
ui définit des obéissances. Par conséquent il y a
une
très grande différence entre l’infraction à la discipline et l’infrac
1213
de prononcer comme peine accessoire la privation
des
droits civiques, à l’encontre des objecteurs de conscience. Quant au
1214
re la privation des droits civiques, à l’encontre
des
objecteurs de conscience. Quant au sursis, ils ne peuvent en bénéfici
1215
sis ne peut être accordé que si le juge a plus qu’
un
espoir, mais une conviction suffisante. Alors, l’objecteur est forcém
1216
accordé que si le juge a plus qu’un espoir, mais
une
conviction suffisante. Alors, l’objecteur est forcément condamné, pui
1217
ent condamné, puisque les conditions objectives d’
une
infraction (art. 81 du Code pénal militaire : refus de servir) sont r
1218
— Ces atténuations, est-ce qu’elles sont venues d’
un
malaise, d’un sentiment public que la répression était excessive ? Es
1219
ions, est-ce qu’elles sont venues d’un malaise, d’
un
sentiment public que la répression était excessive ? Est-ce que c’est
1220
la répression était excessive ? Est-ce que c’est
une
évolution de la pensée du législateur interprétée par les tribunaux ?
1221
ce dans ma vie. Mais je suis intervenu à propos d’
un
de mes étudiants pour qui j’avais de l’estime, parce qu’il avait déjà
1222
telle manière qu’il serait certainement condamné
une
seconde fois à la même peine ou à une peine plus forte, puisqu’il ne
1223
nt condamné une seconde fois à la même peine ou à
une
peine plus forte, puisqu’il ne changerait certainement pas son fusil
1224
la constatation objective que le personnage était
un
hérétique. Après ça, il n’y avait plus rien à discuter, on le brûlait
1225
rien à discuter, on le brûlait. Et alors j’ai été
un
peu scandalisé à l’idée que, dans le cas de l’objecteur de conscience
1226
e l’objecteur de conscience, on le condamne comme
un
hérétique, uniquement parce qu’on a enregistré le fait qu’il était ob
1227
le fait qu’il était objecteur. On tient compte
des
circonstances atténuantes Colonel Vaucher. — Ce n’est pas exact. S
1228
atténuantes ou exculpantes, il sera — tout comme
un
meurtrier devant un tribunal pénal — très peu condamné ou acquitté. C
1229
lpantes, il sera — tout comme un meurtrier devant
un
tribunal pénal — très peu condamné ou acquitté. Christian Schaller. —
1230
le meurtrier ? S’il est totalement irresponsable.
Un
objecteur totalement irresponsable sera acquitté aussi. C’est évident
1231
s vu. Tous les objecteurs que j’ai connus étaient
des
gens sensés. Donc pas de maladie mentale, pas de circonstance atténua
1232
eux-mêmes aucune circonstance pouvant conduire à
un
acquittement. Bernard Béguin. — Ils plaident coupables, ils cherchent
1233
alors nous ne pouvons leur accorder le bénéfice d’
un
traitement plus favorable, et c’est l’emprisonnement tout court. Bern
1234
de conscience avec plus ou moins de soin. Il y a
des
cas où des tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé
1235
nce avec plus ou moins de soin. Il y a des cas où
des
tribunaux valaisans ou fribourgeois ont refusé à l’accusé le droit d’
1236
urgeois ont refusé à l’accusé le droit d’avoir eu
un
vrai conflit de conscience. On ne peut pas dire d’autre part que l’ob
1237
ondre encore à M. de Rougemont que l’appréciation
des
mobiles joue un rôle dans la quotité de la peine. Nous donnons beauco
1238
ous donnons beaucoup d’importance à ce que la vie
des
objecteurs soit en rapport avec leurs principes. Enfin nous ne condam
1239
nnages dans les deux juridictions. Ce ne sont pas
des
officiers de carrière qui, en règle générale, sont juges militaires,
1240
en règle générale, sont juges militaires, ce sont
des
miliciens. Denis de Rougemont. — Je n’ai absolument rien dit contre l
1241
contre l’armée en tant que telle. Je parle contre
un
certain état d’esprit que je trouve beaucoup plus répandu chez les ci
1242
vous avez. Ils sont violemment contre : « Ce sont
des
lavettes, ce sont des lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher.
1243
olemment contre : « Ce sont des lavettes, ce sont
des
lâches, de mauvais citoyens. » Colonel Vaucher. — Vous trouverez exac
1244
divisionnaire Dénéréaz, vous commandez maintenant
une
division mécanisée. Vous êtes officier de carrière. Est-ce qu’il ne s
1245
ne serait pas plus simple, pour vous, d’admettre
un
service civil ? Est-ce que ça a un sens de contraindre au service mil
1246
us, d’admettre un service civil ? Est-ce que ça a
un
sens de contraindre au service militaire des hommes qui ont l’objecti
1247
ça a un sens de contraindre au service militaire
des
hommes qui ont l’objection chevillée à l’âme ? Colonel divisionnaire
1248
faite. Il veut manifester contre la guerre. C’est
un
problème formidable qui est posé aujourd’hui, surtout dans la période
1249
sme, il faut bien voir que si l’on hésite à créer
un
statut de l’objecteur, c’est qu’on a le sentiment qu’il vise l’appare
1250
en Suisse, c’est qu’il s’attaque en même temps à
un
appareil militaire dont les obligations constitutionnelles et les str
1251
orgarten. On peut dire — je l’ai entendu dire par
des
officiers supérieurs — qu’on se prépare très consciencieusement à la
1252
are très consciencieusement à la dernière guerre.
Une
des questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-
1253
très consciencieusement à la dernière guerre. Une
des
questions que posent les objecteurs, est de savoir : que faisons-nous
1254
a conservation de son acquis, ou est-ce qu’il y a
une
autre dimension ? Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Je ne crois pas q
1255
ne crois pas que tout cela soit dépassé. Je suis
un
officier de métier, un technicien, si vous voulez, qui fait des addit
1256
cela soit dépassé. Je suis un officier de métier,
un
technicien, si vous voulez, qui fait des additions et des soustractio
1257
e métier, un technicien, si vous voulez, qui fait
des
additions et des soustractions pour savoir si notre défense est encor
1258
nicien, si vous voulez, qui fait des additions et
des
soustractions pour savoir si notre défense est encore positive, ou né
1259
nt, avec l’armée que nous avons, est certainement
un
élément positif, en dépit de la bombe atomique dont on parle beaucoup
1260
maintenus à l’écart de la guerre. S’il y avait eu
un
vide stratégique, il est fort possible que nous aurions été attaqués.
1261
visions massées à notre frontière avant l’affaire
des
Balkans… le grand état-major allemand a estimé que ce n’était pas suf
1262
armée la plus nombreuse d’Europe. Ce qui est déjà
un
signe de puissance. Je vous fais sourire peut-être ? Christian Schall
1263
ire, voulu par le peuple, et accepter d’instaurer
un
service civil. Numériquement, cela ne jouerait aucun rôle. Mais pour
1264
à l’étranger. D’ailleurs, vous savez qu’en France
un
objecteur doit se déclarer comme tel au recrutement, et qu’il ne peut
1265
d’État… Christian Schaller. — N’empêche qu’il y a
un
statut, c’est déjà un progrès… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n
1266
ller. — N’empêche qu’il y a un statut, c’est déjà
un
progrès… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n’est pas un progrès. V
1267
s… Colonel divisionnaire Dénéréaz. — Ce n’est pas
un
progrès. Vous dites, la guerre est un mal. C’est ma conviction intime
1268
e n’est pas un progrès. Vous dites, la guerre est
un
mal. C’est ma conviction intime, à moi militaire ! Mais que voulons-n
1269
ur le plan de la justice militaire, s’il existait
un
service civil, nous n’aurions plus un certain nombre d’objecteurs. No
1270
il existait un service civil, nous n’aurions plus
un
certain nombre d’objecteurs. Nous en serions ravis. Mais si je me pos
1271
eurs de la faire poser — , je pense finalement qu’
une
armée est indispensable en Suisse et que le service militaire obligat
1272
e de réaliser cette armée. J’ignore totalement si
une
armée de métier ou simplement des volontaires pourraient assurer cett
1273
e totalement si une armée de métier ou simplement
des
volontaires pourraient assurer cette défense. Mais même si elle le po
1274
t elle présenterait l’immense inconvénient d’être
un
noyau de militarisme, et j’ai le militarisme en horreur. Bernard Bégu
1275
litarisme en horreur. Bernard Béguin. — Est-ce qu’
un
service civil affaiblirait l’armée de milice ? Colonel Vaucher. — Pro
1276
ervice parce qu’ils y sont obligés. D’autre part,
un
service civil serait sans doute plus attrayant. Nous protégeons ma
1277
ous mettre sous le parapluie américain. Ce serait
une
solution. Mais nous abandonnerions le service militaire sans doute ob
1278
aire sans doute obligatoire, nous passerions pour
une
part à une armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés
1279
oute obligatoire, nous passerions pour une part à
une
armée de métier. Mais à ce moment-là, nous serions obligés de faire d
1280
ais à ce moment-là, nous serions obligés de faire
des
concessions à tout, un système international, supranational. L’armée
1281
serions obligés de faire des concessions à tout,
un
système international, supranational. L’armée que nous avons actuelle
1282
et morales qu’entraînerait la bombe atomique sur
un
pays. Cela me paraît changer radicalement la valeur de la guerre aujo
1283
nitivement enlevé tout droit de poser aujourd’hui
des
questions de cet ordre. Christian Schaller. — Mais je suis tout à fai
1284
ellement encore, à l’extérieur de nos frontières,
des
forces peuvent menacer notre liberté d’exprimer cette solidarité. Chr
1285
te solidarité. Christian Schaller. — C’est au nom
des
valeurs de ce système que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à un
1286
stème que nous appelons, en tant qu’objecteurs, à
un
élargissement de nos conceptions actuelles. Nous pouvons le faire en
1287
compagner de la solidarité, il faut savoir lequel
des
termes on va toujours préférer. Or l’on constate qu’on a toujours con
1288
sse. Je me demande si cette situation ne crée pas
des
devoirs particuliers aux Suisses dans la prise en considération et au
1289
ut toujours se référer à notre neutralité comme à
une
espèce de privilège, et s’il ne faut pas dire aussi : Neutralité obli
1290
conscience, c’est qu’ils posent cette question d’
une
manière dramatique, et qu’ils forcent le public à se poser des questi
1291
araissent tellement graves qu’on doit reconnaître
une
fonction civique irremplaçable aux objecteurs de conscience. Nos i
1292
1. Colonel Vaucher, président du Tribunal fédéral
des
assurances, grand juge du Tribunal militaire de division 1. M. Christ
1293
n : Bernard Béguin. ai. Rougemont Denis de, «
Un
débat sur l’objection de conscience : entre Dieu et l’État », Journal
1294
973)aj ak Pourquoi l’amour est-il devenu l’une
des
préoccupations majeures de votre pensée ? Pourquoi j’ai écrit sur l’a
1295
tant écrivain, et Européen ! Quand on constate qu’
un
écrivain véritable, et d’Europe, n’a jamais écrit sur l’amour, là, il
1296
me (ou Les Mythes de l’amour en livre de poche),
un
chapitre de La Part du diable et une brève nouvelle dans Doctrine fa
1297
e de poche), un chapitre de La Part du diable et
une
brève nouvelle dans Doctrine fabuleuse , sur les trente volumes que j
1298
oubliez pas mes journaux réunis par Gallimard en
un
volume, et tous mes ouvrages politiques et polémiques, où il n’est, h
1299
resque le seul à le savoir — que j’ai aussi écrit
un
roman, et des poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront…
1300
l à le savoir — que j’ai aussi écrit un roman, et
des
poèmes, qui peut-être, un jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le
1301
ssi écrit un roman, et des poèmes, qui peut-être,
un
jour ou l’autre, paraîtront… Mais enfin, le centre de ma méditation é
1302
nne. L’Amour et l’Occident n’en est en somme qu’
une
illustration dans le domaine des relations individuelles, dont l’exem
1303
est en somme qu’une illustration dans le domaine
des
relations individuelles, dont l’exemple privilégié reste le couple. V
1304
utation, mais maturation. J’ai voulu faireal, par
des
exemples tirés de romans contemporains (Nabokov, Musil, Pasternak), m
1305
bokov, Musil, Pasternak), mais aussi de la vie et
des
œuvres de Kierkegaard et de Nietzsche, que la dialectique de l’amour-
1306
éfendu, Éros et Agapè ne pourraient-ils pas nouer
une
alliance paradoxale, au sein même du mariage accepté ? L’étrangeté es
1307
s appeler l’éclatement de l’Éros, ce qui entraîne
une
sorte de dépréciation de l’amour-passion compris comme amour-possessi
1308
ensemble, ne me paraît vivre rien qui ressemble à
un
« l’éclatement de l’Éros », si j’en crois mes yeux et les statistique
1309
en crois mes yeux et les statistiques. Le fait qu’
un
livre comme Love Story ait été tiré à plusieurs millions montre une p
1310
ve Story ait été tiré à plusieurs millions montre
une
persistance très remarquable des mythes de l’amour. J’ai hésité à mai
1311
millions montre une persistance très remarquable
des
mythes de l’amour. J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition u
1312
J’ai hésité à maintenir dans ma dernière édition
une
phrase qui se termine ainsi : « … la moitié du malheur humain se résu
1313
te : « Trente-cinq ans plus tard, il y a sûrement
un
changement. Les autres sources de malheur sont réduites en Occident,
1314
dans mon sens ! Il reste que l’amour-passion est
une
maladie de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont des maladies
1315
e de l’amour comme la drogue et l’alcoolisme sont
des
maladies de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’un besoin
1316
de l’imagination ou plutôt sont les expressions d’
un
besoin « fou » de transcender la condition humaine, trop humaine. Rie
1317
l à nos modes intellectuelles. La mode littéraire
des
troubadours et des romans de la Table ronde domine encore, dans la pr
1318
lectuelles. La mode littéraire des troubadours et
des
romans de la Table ronde domine encore, dans la proportion de dix mil
1319
me « l’usage non procréateur du sexe » — j’y vois
un
mécanisme de défense de l’espèce contre la démographie galopante. Qua
1320
veloppé vos propres thèses sur l’Europe. Y a-t-il
un
lien entre ces deux pôles d’attraction que sont pour vous l’amour d’u
1321
de Man l’avait bien vu. Vous avez été, vous êtes
un
écrivain engagé. Comment continuez-vous à « fédérer les peuples » dep
1322
tre retour d’Amérique en Europe en 1946 ? Je suis
un
écrivain engagé au sens actif du mot que j’ai défini dans mon premier
1323
sens actuel, qui est passif : embrigadement dans
un
parti. Le premier chapitre était intitulé : « L’engagement politique
1324
mpuissance du clerc qui s’engage ». Le tout était
un
appel à l’engagement de l’écrivain en tant que tel. Quand je suis ren
1325
l’écrivain en tant que tel. Quand je suis rentré
des
États-Unis, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu une théori
1326
s, en 1946, j’ai vu que l’engagement était devenu
une
théorie à la mode. Je n’en ai plus parlé, mais pratiquement je me sui
1327
ement je me suis engagé au service de l’Europe, d’
une
société nouvelle à créer pour l’Europe. Aujourd’hui tout espoir est t
1328
ble et en même temps vers la personne. » Y’a-t-il
un
rapport entre cette « révolution » et votre pamphlet de jeunesse, qu’
1329
ts de l’instruction publique ? Il y a sans doute
une
convergence, mais la situation actuelle est plus sérieuse que mon pet
1330
t l’école qui a fabriqué nos nationalismes. C’est
un
écrit de jeunesse que je renie d’autant moins qu’il a gardé la vertu
1331
t en italien. C’est dire que 1972 a été pour lui “
une
année de mise au point d’une partie de son œuvre ancienne, mais aussi
1332
1972 a été pour lui “une année de mise au point d’
une
partie de son œuvre ancienne, mais aussi d’ouverture sur l’avenir de
1333
’ouverture sur l’avenir de notre société”. » al.
Un
verbe semble ici manquer : voir / comprendre… ?
1334
le brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par
un
cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise
1335
uveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive)
des
États. Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette régio
1336
oncrets qui se posent dans cette région appellent
des
solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une région di
1337
ons transfrontalières. Et chaque problème définit
une
région différente en termes de territoire. Il y a autour de Genève un
1338
en termes de territoire. Il y a autour de Genève
une
région de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travai
1339
main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire
des
travailleurs français : vingt-trois-mille environ, à cette date, vien
1340
rent le soir en France. Cette région s’étend dans
un
rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, aut
1341
r en France. Cette région s’étend dans un rayon d’
une
quarantaine de kilomètres autour de la ville. Il y a, autour du Léman
1342
tres autour de la ville. Il y a, autour du Léman,
une
région écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines,
1343
gement celle de la région de main-d’œuvre. Il y a
une
région définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et
1344
e, ni celle de la région écologique. Il y a enfin
une
région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste
1345
ensité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels
des
liens spéciaux pourraient s’instituer. Il ne s’agit pas de créer, aut
1346
éer, autour de Genève — et encore moins de Lyon —
une
sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la c
1347
ajouterait aux défauts de la centralisation ceux
des
trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre
1348
on, décidément indéfendable à tous points de vue,
des
frontières nationales héritées d’autres âges. am. Rougemont Denis
1349
’automobile. Mais la voiture en 1978, loin d’être
un
simple objet de consommation, figure au cœur de presque tous les gran
1350
discrète, elle n’y parvient plus. « C’est devenu
une
véritable guerre de religion », s’exclamait une des personnalités que
1351
u une véritable guerre de religion », s’exclamait
une
des personnalités que nous avions conviées à notre table ronde. De to
1352
e véritable guerre de religion », s’exclamait une
des
personnalités que nous avions conviées à notre table ronde. De toute
1353
toutes pour l’avoir étudié à fond, bien que sous
des
angles différents : Denis de Rougemont, président du Centre européen
1354
iversitaire d’études européennes, parallèlement à
une
œuvre extrêmement importante, étudie depuis plus de cinquante ans le
1355
, L’Avenir est notre affaire , il lui a consacré
un
chapitre intitulé : « Première histoire de fous : la voiture. » Franç
1356
e rattachent à la voiture, n’en demeure pas moins
un
farouche partisan. Sur le plan social, parce qu’il estime qu’elle nou
1357
parce qu’il estime qu’elle nous rapproche les uns
des
autres, sur le plan économique, parce qu’elle dispense un travail à d
1358
s, sur le plan économique, parce qu’elle dispense
un
travail à des millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur d
1359
n économique, parce qu’elle dispense un travail à
des
millions de gens. Jean Kräyenbühl est notre ingénieur de la circulati
1360
’organiser le trafic, de prévoir le développement
des
divers modes de transports et d’élaborer des plans en conséquence. Ja
1361
ment des divers modes de transports et d’élaborer
des
plans en conséquence. Jacob Roffler, étudiant en médecine, a particip
1362
en 1976 à l’organisation de l’Anti-Salon. Il est
un
membre actif de la campagne pour l’aménagement de pistes cyclables à
1363
s particulièrement sur les effets de la pollution
des
voitures sur notre santé. I Hubert de Senarclens : Denis de Rou
1364
livre, L’Avenir est notre affaire, vous décrivez
une
voiture née non pas d’une nécessité économique quelconque, mais de l’
1365
affaire, vous décrivez une voiture née non pas d’
une
nécessité économique quelconque, mais de l’imagination d’un Henry For
1366
té économique quelconque, mais de l’imagination d’
un
Henry Ford, mécanicien têtu et sans culture, dites-vous, qui est parv
1367
est parvenu à ses fins en créant dans ses usines
des
sortes de circuits fermés « producteur-consommateur », tout en s’aida
1368
les. Mais si la voiture avait été, dès le départ,
un
besoin inventé de toute pièce, aurait-elle connu l’expansion qui est
1369
ve utile. Si j’ai consacré dans mon dernier livre
une
trentaine de pages à l’auto, c’est que je la considère — son titre l’
1370
que je la considère — son titre l’indique — comme
une
histoire de fous, susceptible de nous conduire à de véritables désast
1371
il n’y en aura pas une troisième qui serait celle
des
centrales nucléaires… La première grande entreprise de construction d
1372
ettaient en garde. Dans son livre Ma vie, qui fut
un
immense best-seller, je lis cette phrase absolument stupéfiante : « A
1373
de surmonter cette répugnance c’était d’organiser
des
concours de vitesse, c’est-à-dire en prenant les gens par leur côté e
1374
ès bien marché. Ensuite de quoi il a mis sur pied
une
fantastique publicité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une d
1375
blicité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans
une
des premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto
1376
ité, d’ailleurs avec beaucoup de talent. Dans une
des
premières brochures publicitaires de Ford, il est dit : « L’auto peut
1377
et vous rafraîchir les poumons grâce à ce tonique
des
toniques, une atmosphère salubre. » Vous remarquerez l’humour noir, l
1378
chir les poumons grâce à ce tonique des toniques,
une
atmosphère salubre. » Vous remarquerez l’humour noir, lorsque l’on pe
1379
e la création de l’auto équivaut à l’imposition d’
un
besoin qui n’existait pas avant. Les premières années, Ford n’a vendu
1380
2 millions de voitures par an. Ford est mort dans
une
petite auberge qu’il avait achetée pour jouer avec ses petits enfants
1381
Peyrot, à l’utilisateur moyen que la voiture est
un
besoin créé de toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait une r
1382
toute pièce et qu’elle est répugnante, il aurait
une
réaction assez vive. François Peyrot : Il n’y a pas d’invention au mo
1383
pas d’invention au monde qui n’ait été faite sans
un
besoin et sans des années et des années de recherches. L’auto n’échap
1384
monde qui n’ait été faite sans un besoin et sans
des
années et des années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle.
1385
it été faite sans un besoin et sans des années et
des
années de recherches. L’auto n’échappe pas à la règle. Je suis pour m
1386
soin, il n’y a pas de fabrication possible. C’est
une
règle fondamentale de notre civilisation industrielle, quel que soit
1387
’existait pas, mais qu’il l’avait créé, n’est pas
une
démonstration suffisante. Les financiers qui mettent des capitaux à l
1388
onstration suffisante. Les financiers qui mettent
des
capitaux à la construction d’une usine, demandent bien évidemment que
1389
iers qui mettent des capitaux à la construction d’
une
usine, demandent bien évidemment que cette usine puisse fonctionner e
1390
Kräyenbühl : Je pense que Ford a surtout exprimé
un
sentiment personnel. Il aura peut-être perçu, déjà à cette époque le
1391
omobile. Il aura donc fait cette déclaration dans
un
moment d’angoisse tel que d’autres chercheurs en ont connu dans d’aut
1392
cob Roffler : Rien n’est plus facile que de créer
des
besoins, grâce aux mass medias et aux moyens financiers dont on dispo
1393
en ville pour travailler. Mais aussi sur le plan
des
loisirs. Regardez l’affiche du Salon 78 : « La voiture vous rend indé
1394
en n’est plus faux. En auto, vous devez respecter
des
horaires au même titre que si vous preniez le train. Vous partez en v
1395
, il n’y a pas de production possible. Mais c’est
un
dogme ! Dans le cas de la voiture, Ford lui-même a assené la preuve c
1396
uve contraire. Son expérience peut être opposée à
une
déclaration très générale et non vérifiable scientifiquement selon la
1397
ettez-moi d’observer que l’on ne peut pas tirer d’
une
déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expé
1398
er que l’on ne peut pas tirer d’une déclaration d’
un
homme à la fin de sa vie, sur une partie de ses expériences, pour la
1399
ne déclaration d’un homme à la fin de sa vie, sur
une
partie de ses expériences, pour la placer en vérité absolue. M. Ford
1400
Taylor. Denis de Rougemont : Il y a eu avant Ford
une
cinquantaine d’inventeurs qui ont fait à peu près soixante voitures e
1401
de transport? François Peyrot : La voiture permet
un
déplacement de porte à porte. Elle donne une liberté de mouvement qu’
1402
ermet un déplacement de porte à porte. Elle donne
une
liberté de mouvement qu’aucun autre mode de transport ne peut donner.
1403
ture, vous arrivez au point de destination. C’est
un
instrument de travail qui permet de vous rendre à votre bureau, un in
1404
travail qui permet de vous rendre à votre bureau,
un
instrument de plaisir, de tourisme, de culture même. Grâce à elle les
1405
les gens partent à l’aventure et découvrent toute
une
quantité de choses merveilleuses qu’ils auraient de la peine à découv
1406
pied ou à vélo. Vous demandez si la prolifération
des
autos n’en a pas réduit les avantages. Mais c’est certain qu’elle les
1407
ue beaucoup ont aujourd’hui accès à l’automobile.
Une
personne sur trois ou quatre en Suisse, ce qui est considérable. Mais
1408
nsidérable. Mais bien entendu cela comporte aussi
des
inconvénients. Un autre aspect qu’il faut souligner c’est la voiture
1409
en entendu cela comporte aussi des inconvénients.
Un
autre aspect qu’il faut souligner c’est la voiture signe de la civili
1410
civilisation industrielle et signe de la liberté
des
peuples. C’est un point primordial. Si vous comparez le nombre de véh
1411
trielle et signe de la liberté des peuples. C’est
un
point primordial. Si vous comparez le nombre de véhicules par habitan
1412
voiture, vous appelez la liberté. Le jour où 50 %
des
Soviétiques pourront aussi se déplacer en voiture, ils n’accepteront
1413
uellement pressés, stoppés aux feux, bloqués dans
des
files. Et c’est finalement bien davantage un « stress » que vous ress
1414
ans des files. Et c’est finalement bien davantage
un
« stress » que vous ressentez. Vous avez évoqué la culture. Je parler
1415
nos routes ? François Peyrot : Mais il faut faire
un
bilan ! C’est clair que l’on peut mentionner des avantages comme des
1416
e un bilan ! C’est clair que l’on peut mentionner
des
avantages comme des inconvénients. L’important est de savoir si le bi
1417
lair que l’on peut mentionner des avantages comme
des
inconvénients. L’important est de savoir si le bilan est positif ou n
1418
ougemont : Permettez-moi de signaler quelques-uns
des
côtés négatifs. Il ne s’agit nullement — comme on voudrait nous le fa
1419
oir ou pas. Cela équivaut à réduire le problème à
une
dimension absolument puérile. La voiture est l’exemple type du danger
1420
e du danger qui consiste à accepter ou promouvoir
des
innovations technologiques dans notre société, sans nous demander au
1421
nt ou deux cents véhicules par an, il en vendrait
des
millions. Il ne s’est jamais interrogé sur les conséquences au niveau
1422
s au niveau social, économique, sur la vie morale
des
gens. La voiture est un exemple parfait d’absence totale de prospecti
1423
mique, sur la vie morale des gens. La voiture est
un
exemple parfait d’absence totale de prospective. J’ai omis de vous di
1424
onné ? Quand il disait à ses ouvriers : « achetez
des
voitures, cela vous rendra libres », en fait leur véhicule leur serva
1425
omobile — sur le plan technique — est l’inverse d’
un
succès. C’est l’une des machines qui a le plus mauvais rendement qui
1426
echnique — est l’inverse d’un succès. C’est l’une
des
machines qui a le plus mauvais rendement qui soit. Les Américains ont
1427
nsomment. Illich a calculé que la vitesse moyenne
des
automobiles dans les villes des États-Unis était de 4 km à l’heure. D
1428
a vitesse moyenne des automobiles dans les villes
des
États-Unis était de 4 km à l’heure. Donc à partir de buts qui étaient
1429
que la voiture a donné exactement le contraire :
un
rendement minable, des villes invivables, et des embouteillages sans
1430
é exactement le contraire : un rendement minable,
des
villes invivables, et des embouteillages sans fin. Jean Kräyenbühl :
1431
: un rendement minable, des villes invivables, et
des
embouteillages sans fin. Jean Kräyenbühl : Je pense qu’il faudrait da
1432
tage analyser le comportement de la population et
des
individus, plutôt que la voiture en tant que telle. Car on pourrait a
1433
tre qu’il y a trop de gens qui font de la voiture
un
usage abusif. Un urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître les
1434
p de gens qui font de la voiture un usage abusif.
Un
urbanisme dense permet, par exemple, d’accroître les déplacements à p
1435
ed et de ce fait réduit la mobilité. Au contraire
un
urbanisme très dispersé, « consomme » des terrains, gaspille les zone
1436
ontraire un urbanisme très dispersé, « consomme »
des
terrains, gaspille les zones agricoles. C’est un aspect négatif. Mais
1437
des terrains, gaspille les zones agricoles. C’est
un
aspect négatif. Mais le problème c’est que les gens aujourd’hui ont a
1438
ui ont appris à se servir de leur voiture comme d’
un
instrument de travail. Ils ont été s’installer à la campagne et s’en
1439
à ceux qui l’utilisent. C’est ce qui explique que
des
zones de verdure continuent chaque année de disparaître au détriment
1440
ntinuent chaque année de disparaître au détriment
des
besoins fondamentaux des familles. Regardez les structures autour des
1441
disparaître au détriment des besoins fondamentaux
des
familles. Regardez les structures autour des grands ensembles, tout e
1442
taux des familles. Regardez les structures autour
des
grands ensembles, tout est bétonné en fonction des quatre roues. Fran
1443
es grands ensembles, tout est bétonné en fonction
des
quatre roues. François Peyrot : M. Kräyenbühl a parfaitement raison d
1444
mme de n’importe quel objet, vous pouvez en faire
une
bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la
1445
rte quel objet, vous pouvez en faire une bonne ou
une
mauvaise utilisation. On vit dans une civilisation où la voiture et t
1446
ne bonne ou une mauvaise utilisation. On vit dans
une
civilisation où la voiture et très importante. Il faut faire façon d’
1447
er de tous les péchés du monde. Il faut revenir à
une
saine interprétation des choses. Nul doute que l’extraordinaire proli
1448
monde. Il faut revenir à une saine interprétation
des
choses. Nul doute que l’extraordinaire prolifération du nombre de véh
1449
dinaire prolifération du nombre de véhicules pose
des
problèmes. Des solutions peuvent être apportées. Certains sont pour a
1450
ration du nombre de véhicules pose des problèmes.
Des
solutions peuvent être apportées. Certains sont pour accroître l’impo
1451
ortées. Certains sont pour accroître l’importance
des
transports en commun, d’autres au contraire pour favoriser la liberté
1452
de cinquante ans la voiture est devenue le numéro
un
de l’industrie mondiale. L’index de la conjoncture économique c’est v
1453
te Ford qui sont depuis fort longtemps les numéro
un
et deux de toutes les grandes industries. C’est personnellement un ph
1454
tes les grandes industries. C’est personnellement
un
phénomène qui m’impressionne beaucoup. Car si on me demande face à ce
1455
de rendre toute l’économie occidentale dépendante
des
caprices de quelques émirs du golfe Persique ? Tout cela pour dire qu
1456
? Tout cela pour dire que l’on ne peut traiter d’
une
question aussi grave en demandant simplement aux gens s’ils sont pour
1457
G de l’industrie automobile française réunis dans
une
émission de midi à 14 heures n’ont trouvé que cela à me répondre : «
1458
épondre : « Mais Monsieur de Rougemont, avez-vous
une
voiture ? ». C’est grotesque, c’est de l’enfantillage. III Hub
1459
st de plus en plus brutale et ne tient pas compte
des
intérêts régionaux. Alors, entre les deux libertés, laquelle choisir
1460
choisir ? François Peyrot : La vérité n’est ni d’
un
côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre des intérêts souvent d
1461
un côté ni de l’autre. L’État est l’arbitre entre
des
intérêts souvent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait un cert
1462
vent divergents. Il doit veiller à ce qu’il y ait
un
certain équilibre entre les activités des individus. Vous avez fait a
1463
il y ait un certain équilibre entre les activités
des
individus. Vous avez fait allusion à la démocratisation des décisions
1464
dus. Vous avez fait allusion à la démocratisation
des
décisions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’un système poli
1465
sions de l’État. Je suis pour ma part en faveur d’
un
système politique démocratique où chaque organe a ses pouvoirs et sa
1466
tre les pouvoirs constitutionnellement accordés à
un
gouvernement ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans un état
1467
titutionnellement accordés à un gouvernement ou à
un
parlement. Et, finalement, on entre dans un état de confusion. Jacob
1468
ou à un parlement. Et, finalement, on entre dans
un
état de confusion. Jacob Roffler : Je considère comme essentielle cet
1469
té du plus grand nombre. On en vient à construire
des
autoroutes à côté de villages, sans que la population concernée soit
1470
ative Weber peut justement amener la population à
une
prise de conscience. Comme vous le savez, chaque année, le nombre de
1471
s et d’autoroutes. Ce qui nous fait déboucher sur
un
cercle vicieux qu’il nous faut briser. François Peyrot : Comprenez-mo
1472
s sont de plus en plus fréquentes et représentent
une
atteinte aux droits individuels. Elles sont par ailleurs aussi de plu
1473
expropriations que l’on se prépare à faire, selon
des
déclarations officielles, à cause des centrales nucléaires. Il n’est
1474
aire, selon des déclarations officielles, à cause
des
centrales nucléaires. Il n’est plus question de demander l’avis de qu
1475
valerie du nucléaire ». Les expropriations au nom
des
autoroutes, ou le seul fait que la Confédération puisse imposer certa
1476
tre la volonté populaire, ne sont pas, selon moi,
une
illustration parfaite de la démocratie. Ce qui me paraît en revanche
1477
e vous dites, M. Peyrot, que la démocratie dépend
des
corps constitués, vous parliez d’oligarchie. Mais la démocratie part
1478
z d’oligarchie. Mais la démocratie part d’en bas,
des
communes. Notre fédéralisme suisse et fondé sur les communes. Les tro
1479
tée à l’époque sur les autoroutes a été soumise à
un
délai référendaire. Mais il n’y a pas eu de référendum. Si le peuple
1480
äyenbühl : On a évoqué tout à l’heure les méfaits
des
autoroutes. Une des revendications des milieux écologiques consiste à
1481
évoqué tout à l’heure les méfaits des autoroutes.
Une
des revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut
1482
ué tout à l’heure les méfaits des autoroutes. Une
des
revendications des milieux écologiques consiste à dire : il faut déle
1483
es méfaits des autoroutes. Une des revendications
des
milieux écologiques consiste à dire : il faut délester les zones d’ha
1484
dire : il faut délester les zones d’habitation d’
un
trafic trop intense, en particulier du trafic commercial des poids lo
1485
trop intense, en particulier du trafic commercial
des
poids lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’un côté on nou
1486
lourds et du trafic nocturne de transit. Alors d’
un
côté on nous demande de décharger le réseau routier qui n’est pas con
1487
enre de trafic mais, lorsque l’on veut construire
des
routes de contournement, qui sont d’un degré de sécurité beaucoup plu
1488
onstruire des routes de contournement, qui sont d’
un
degré de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent des nuisances b
1489
é de sécurité beaucoup plus élevé, et qui offrent
des
nuisances bien moindres, alors on crie au massacre de notre environne
1490
rie au massacre de notre environnement, il y a là
une
énorme contradiction. Denis de Rougemont : Je suis parfaitement d’acc
1491
ion avant de multiplier les permis de construire.
Une
erreur que l’on commet avec le trafic routier, c’est de transporter b
1492
cune raison pour tout mettre sur les routes. Et d’
un
point de vue économique l’avantage est également démontré. On bâtit t
1493
s bien les problèmes qu’apporte la construction d’
une
autoroute sur le côté nord du lac de Neuchâtel et les débats terrible
1494
ves du lac ? Sans compter que l’on nous construit
une
seconde autoroute de l’autre côté du lac qui fera gagner 3,5 kilomètr
1495
ien obligé de penser que si le fédéral s’obstine,
un
recours démocratique doit être possible. Hubert de Senarclens : Des r
1496
atique doit être possible. Hubert de Senarclens :
Des
récentes études ont montré que les gens sont de plus en plus concerné
1497
r les effets négatifs de la voiture sur le visage
des
villes. Vous avez souvent écrit, M. de Rougemont, que l’automobile av
1498
en effet au cœur du problème de la circulation et
des
transports. On l’a dit : de plus en plus les gens vont habiter loin d
1499
u centre, à la campagne, parce qu’ils disposent d’
un
véhicule. Cette tendance a considérablement modifié le visage de la v
1500
dire, on a très tôt vu le danger que représentait
une
utilisation abusive de la voiture. Déjà en 1968, rappelez-vous, la no
1501
du centre tous les courants de transit ; accorder
une
préférence aux transports publics, surtout dans le périmètre situé à
1502
ettre aux gens de gagner le centre à pied ; enfin
une
nouvelle distribution de l’espace en faveur des piétons et des transp
1503
distribution de l’espace en faveur des piétons et
des
transports en commun. Hubert de Senarclens : Pourtant en ce qui conce
1504
rapide ! Jean Kräyenbühl : Il semble qu’il y ait
une
sorte de schizophrénie dans la population. Tout le monde semble d’acc
1505
nt peuplées où la voiture ne devrait plus être qu’
un
appoint. Mais lorsque l’on passe aux actes, plus personne n’est prêt
1506
as dire, bien sûr, qu’il ne faille pas lutter par
une
meilleure information. François Peyrot : Ce que dit Jean Kräyenbühl à
1507
de l’urbanisme est juste. Dès que vous avez créé
des
zones d’habitation extérieures à la ville, vous avez mis en marche de
1508
n extérieures à la ville, vous avez mis en marche
des
mouvements pendulaires avec des gens qui vont à leur travail et qui e
1509
vez mis en marche des mouvements pendulaires avec
des
gens qui vont à leur travail et qui en reviennent. Ces mouvements amè
1510
reviennent. Ces mouvements amènent par conséquent
des
véhicules en ville, laquelle est utilisée davantage pour les bureaux.
1511
ts. En ce qui concerne les parkings périphériques
un
point d’interrogation demeure selon moi : est-ce que le conducteur qu
1512
s’extraire de sa voiture qu’il aura laissée dans
un
de ces parkings, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui des
1513
, alors que vous avez de plus en plus aujourd’hui
des
centres commerciaux où l’on peut garer en sous-sol ? J’émets donc un
1514
aux où l’on peut garer en sous-sol ? J’émets donc
un
doute sur cette politique des parkings autour de la petite ceinture,
1515
s-sol ? J’émets donc un doute sur cette politique
des
parkings autour de la petite ceinture, qui risque de créer une dévita
1516
autour de la petite ceinture, qui risque de créer
une
dévitalisation du centre commercial de la ville. Jacob Roffler : Si b
1517
en voie de développement. Là-bas vous assistez à
un
afflux des populations vers la ville, où se déroulent les activités m
1518
e développement. Là-bas vous assistez à un afflux
des
populations vers la ville, où se déroulent les activités mais égaleme
1519
ation. On ne peut pas couper les lieux d’activité
des
lieux de loisirs. L’homme est un tout. Vous n’avez qu’à constater les
1520
ieux d’activité des lieux de loisirs. L’homme est
un
tout. Vous n’avez qu’à constater les effets catastrophiques des cités
1521
n’avez qu’à constater les effets catastrophiques
des
cités-dortoirs où les gens se connaissent à peine, ce qui débouche tô
1522
naissent à peine, ce qui débouche tôt ou tard sur
des
problèmes psychologiques. Hubert de Senarclens : Vous avez fréquemmen
1523
e. De l’agora jusqu’au forum romain et aux places
des
communes au Moyen Âge qui ont joué un rôle si important. Voilà encore
1524
e qui ont joué un rôle si important. Voilà encore
un
certain nombre d’effets objectifs que personne n’avait pu prévoir, et
1525
manière beaucoup plus globale. Alfred Sauvy dans
un
petit livre qui date de 1968 — les choses se sont aggravées depuis —
1526
choses se sont aggravées depuis — dit que le 40 %
des
frais d’administration de la ville de Paris sont consacrés à la voitu
1527
u budget de la nation. François Peyrot : On amène
une
circulation moderne dans des villes qui n’étaient pas faites pour la
1528
is Peyrot : On amène une circulation moderne dans
des
villes qui n’étaient pas faites pour la recevoir. Il en résulte, c’es
1529
tes pour la recevoir. Il en résulte, c’est clair,
des
problèmes presque insolubles. Je suis d’avis que des règlements s’imp
1530
problèmes presque insolubles. Je suis d’avis que
des
règlements s’imposent. Denis de Rougemont : Nous sommes ici, je pense
1531
laration de feu le président Georges Pompidou est
une
monstruosité. À propos des quais de la Seine : « Il est temps que Par
1532
l’automobile ». François Peyrot : C’est en effet
une
erreur, car une ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’
1533
François Peyrot : C’est en effet une erreur, car
une
ville doit s’adapter, tout en gardant ce qu’elle a d’authentique et q
1534
éservé IV Hubert de Senarclens : Il existe
un
chiffre assez « intimidant » à propos de l’industrie automobile : 30
1535
: En effet, si vous avez eu l’occasion de visiter
une
usine d’automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’un nombre c
1536
automobiles, vous aurez constaté qu’elle dépend d’
un
nombre considérable de sous-traitants qui eux-mêmes sont les fourniss
1537
fournisseurs de bien d’autres industries, allant
des
tracteurs à l’armement, en passant par l’aéronautique. L’industrie es
1538
t, en passant par l’aéronautique. L’industrie est
un
tout et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur une quantité d
1539
et dans le cas de l’automobile, elle débouche sur
une
quantité d’emplois. Rien que pour la Suisse — qui pourtant ne fabriqu
1540
ve merveilleux de penser à quel point la majorité
des
gens, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a un ou deux siècl
1541
s, en Occident, vit aujourd’hui mieux qu’il n’y a
un
ou deux siècles. Moi ce qui me frappe, M. de Rougemont, dans la criti
1542
al cantonal de Genève. Non seulement pour soigner
des
maladies chroniques, mais aussi des accidentés. Lorsque votre voiture
1543
pour soigner des maladies chroniques, mais aussi
des
accidentés. Lorsque votre voiture va sortir de son usine, il ne faut
1544
meurent chaque année sur les routes, sans compter
des
millions de gens qui sont blessés. À cela s’ajoute le coût social. Je
1545
il serait très difficile de s’arrêter de produire
des
voitures. Mais ne pourrait-on pas, au moins, envisager de mettre au p
1546
it-on pas, au moins, envisager de mettre au point
des
véhicules qui au lieu de durer cinq ans, si tout va bien, durent ving
1547
ns ? Je trouve personnellement scandaleux — c’est
un
pur gaspillage — de voir ces voitures qui ne durent pas et auxquelles
1548
s et auxquelles l’on doit continuellement changer
des
pièces. Denis de Rougemont : En ce qui concerne l’économie, je pense
1549
onomie, je pense qu’il faut rester humain. Il y a
des
limites qui commencent à être atteintes : celles où l’on subordonne l
1550
n’y a-t-il vraiment pas d’autres moyens de créer
des
emplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer des accidents car
1551
mplois ? Est-on véritablement obligé de provoquer
des
accidents car cela évite du chômage dans la carrosserie. Je pose le p
1552
st-à-dire les petites routes de campagne. C’est d’
un
burlesque incroyable, digne de Courteline : on aménage des autoroutes
1553
sque incroyable, digne de Courteline : on aménage
des
autoroutes pour rendre la circulation plus fluide mais on s’aperçoit
1554
anger de l’oxyde d’azote pour les poumons, hausse
des
maladies pulmonaires, etc. Une chose étonne tout de même. Ces évaluat
1555
es poumons, hausse des maladies pulmonaires, etc.
Une
chose étonne tout de même. Ces évaluations sont presque toujours fait
1556
ions sont presque toujours faites, chez nous, par
des
milieux médicaux marginaux. Alors doit-on parler de « conspiration du
1557
ion du silence » de la part de la grande majorité
des
médecins ou ces faits sont-ils fortement exagérés ? Jacob Roffler : J
1558
it même si certains phénomènes sont connus, c’est
un
secteur qui démarre et il y a encore relativement peu de médecins qui
1559
re négligeables. Ainsi on commence à s’apercevoir
des
conséquences de l’oxyde d’azote sur les poumons. Les recherches ont d
1560
débuté il y a cinq ou dix ans. Je vous signale qu’
un
groupe d’ingénieurs de Lausanne a calculé que 900 tonnes d’hydrocarbu
1561
es d’hydrocarbures sont déposées chaque année sur
un
kilomètre de route. Une bonne partie est évacuée par les eaux de plui
1562
par le vent. Or on sait — pour l’avoir testé sur
des
animaux de laboratoires — que certains hydrocarbures sont responsable
1563
ur le comportement de l’individu ont été étudiés.
Des
chercheurs ont notamment prouvé que des écoliers étudiant à proximité
1564
étudiés. Des chercheurs ont notamment prouvé que
des
écoliers étudiant à proximité de routes fréquentées, connaissent une
1565
nt à proximité de routes fréquentées, connaissent
une
modification de leur comportement. La pollution des voitures est en o
1566
e modification de leur comportement. La pollution
des
voitures est en outre responsable d’un certain nombre de maladies pul
1567
pollution des voitures est en outre responsable d’
un
certain nombre de maladies pulmonaires. La bronchite chronique prend
1568
aladies pulmonaires. La bronchite chronique prend
une
forte expansion avec l’air des villes. Le coût social de ces maladies
1569
te chronique prend une forte expansion avec l’air
des
villes. Le coût social de ces maladies est épouvantablement élevé. D’
1570
sidération le choc ou la blessure mais l’ensemble
des
suites telles que la diminution de l’espérance de vie, la diminution
1571
a diminution de l’espérance de vie, la diminution
des
chances de promotion professionnelle, la perte de la joie de vivre, l
1572
ouleur, etc. Donc on voit que si la voiture donne
une
certaine liberté, on paie celle-ci horriblement cher. Par des millier
1573
liberté, on paie celle-ci horriblement cher. Par
des
milliers de morts, des millions de blessés et des milliards de dépens
1574
-ci horriblement cher. Par des milliers de morts,
des
millions de blessés et des milliards de dépenses sociales. Denis de R
1575
des milliers de morts, des millions de blessés et
des
milliards de dépenses sociales. Denis de Rougemont : Une adjonction s
1576
liards de dépenses sociales. Denis de Rougemont :
Une
adjonction s’impose. C’est l’aspect de la criminalité. Il est évident
1577
’ils sont — finalement assez dangereux et bêtes —
des
jouets comme la bombe ou d’une manière plus modeste l’automobile. Car
1578
ngereux et bêtes — des jouets comme la bombe ou d’
une
manière plus modeste l’automobile. Car même en les baratinant, vous n
1579
ppelle ce que l’on dit aux États auxquels on vend
des
centrales : « Surtout ne faites pas de mal avec ». Ils le jurent tous
1580
. Ils le jurent tous. Ils paient 6 milliards pour
une
usine de retraitement, mais ils ne vont jamais l’utiliser… François P
1581
: Mais alors pourquoi le Conseil fédéral prend-il
des
mesures pour réduire le taux de plomb ? François Peyrot : La réglemen
1582
evais intervenir ; cet instant presque lyrique, d’
une
gravité extrême. Curieusement, d’ailleurs, mon premier article, qui f
1583
illeurs, mon premier article, qui fut publié dans
une
revue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était une critique d’un
1584
le, qui fut publié dans une revue — j’avais alors
un
peu plus de 17 ans — était une critique d’un livre de Montherlant int
1585
vue — j’avais alors un peu plus de 17 ans — était
une
critique d’un livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des
1586
lors un peu plus de 17 ans — était une critique d’
un
livre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre des épées et dont
1587
ivre de Montherlant intitulé Le Paradis à l’ombre
des
épées et dont le thème principal était justement le football. J’avais
1588
, seule revue paraissant alors en Suisse romande,
une
semaine à peine après que je l’aie écrit. Il s’intitulait « Monsieur
1589
t et les jésuites » et fut pour moi à l’origine d’
un
échange de lettres assez nourri avec Montherlant. Ce dernier alla mêm
1590
ntherlant. Ce dernier alla même jusqu’à m’envoyer
une
photo où on le voyait habillé comme un gardien de but, en train de bl
1591
m’envoyer une photo où on le voyait habillé comme
un
gardien de but, en train de bloquer un ballon. Au dos de celle-ci, il
1592
illé comme un gardien de but, en train de bloquer
un
ballon. Au dos de celle-ci, il avait écrit de sa grande écriture, imp
1593
ant. » J’étais bien entendu très fier de recevoir
des
lettres de celui que je considérais comme un merveilleux écrivain. Me
1594
oir des lettres de celui que je considérais comme
un
merveilleux écrivain. Mes débuts littéraires ont donc coïncidé avec m
1595
ouait, lui aussi, au poste de gardien de but dans
une
équipe. Nous étions donc trois écrivains de la même génération, passi
1596
… Je crois que le sport doit être pour l’individu
une
sorte de morale ; celle de la tolérance, du fair-play, du respect de
1597
quel s’est désormais emparé de la grande majorité
des
compétitions internationales, des JO en particulier. Précisément, que
1598
grande majorité des compétitions internationales,
des
JO en particulier. Précisément, que pensez-vous des Jeux olympiques ?
1599
s JO en particulier. Précisément, que pensez-vous
des
Jeux olympiques ? Je suis violemment opposé à tout ce qui exalte le n
1600
opposé à tout ce qui exalte le nationalisme lors
des
JO : hymnes nationaux, drapeaux, bref le protocole. Tout cela est, à
1601
ux, bref le protocole. Tout cela est, à mon sens,
une
effroyable caricature de l’esprit olympique et de la morale sportive
1602
athlète et le pays d’où il vient. Certains tirent
des
parallèles entre les JO de Berlin de 1936 et ceux qui vont se déroule
1603
r qu’elles ne voulaient pas servir la publicité d’
un
régime scandaleux, la guerre n’aurait pas été évitée certes, mais se
1604
ée certes, mais se serait sans doute engagée dans
des
conditions bien différentes. Le peuple allemand aurait en effet comme
1605
ant que le gouvernement russe a largement diffusé
une
brochure, contre laquelle Lord Killanin a d’ailleurs vivement protest
1606
que le fait que Moscou ait été choisi comme siège
des
JO est un témoignage d’admiration du monde entier à l’égard du régime
1607
que Moscou ait été choisi comme siège des JO est
un
témoignage d’admiration du monde entier à l’égard du régime communist
1608
nt pour sauver les JO ? Non. Il faut repartir sur
un
autre pied, rédiger une charte olympique totalement nouvelle, qui éli
1609
Non. Il faut repartir sur un autre pied, rédiger
une
charte olympique totalement nouvelle, qui élimine expressément toute
1610
adical. D’ailleurs je voyais l’autre jour à la TV
des
membres de nombreux comités olympiques se réjouir à l’idée de voir di
1611
r disparaître à jamais les hymnes et les drapeaux
des
JO. Un des dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiff
1612
aître à jamais les hymnes et les drapeaux des JO.
Un
des dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiffé avec
1613
re à jamais les hymnes et les drapeaux des JO. Un
des
dirigeants du Comité olympique français s’est alors rebiffé avec viru
1614
a dégradation du sport. Voyez les pages sportives
des
journaux : le langage y est féroce. Beaucoup de journalistes vont mêm
1615
Beaucoup de journalistes vont même jusqu’à écrire
des
phrases telles que « Tartampion ne fait pas de quartier, il écrase se
1616
rtier, il écrase ses adversaires, dicte sa loi »,
un
peu comme si les grands sportifs imposaient leurs volontés les plus a
1617
out cela fait bien entendu régner autour du sport
un
climat de violence, où les pires instincts, l’agressivité peuvent se
1618
chaîner. Ne serait-il donc pas temps de revenir à
une
vraie morale du sport telle que je l’admirais comme adolescent dans l
1619
omme chaque année, je suis parti en vacances avec
une
pleine valise de manuscrits en train et de livres « à lire en vacance
1620
à lire en vacances », livres d’amis, reçus depuis
des
mois, et livres qui m’aident à travailler, comme la série des petits
1621
livres qui m’aident à travailler, comme la série
des
petits volumes d’Après l’exil de Hugo et de Tel quel de Valéry, compa
1622
train. Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’
un
seul des « livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier,
1623
Le sort a voulu que je n’arrive à lire qu’un seul
des
« livres d’amis » : le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier, avec le p
1624
avec le plaisir constant, finalement envoûtant, d’
une
surprise ou d’une trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un é
1625
nstant, finalement envoûtant, d’une surprise ou d’
une
trouvaille de langage par phrase, ou presque ; un écrivain digne du n
1626
ne trouvaille de langage par phrase, ou presque ;
un
écrivain digne du nom, c’est devenu tellement rare aujourd’hui ! Mais
1627
erbo-croate, exigeant ajouts et préfaces, ou pour
des
rééditions revues et augmentées en livres de poche, à paraître à l’au
1628
out, écriture et lectures. À la seule exception d’
une
plongée de quelques jours dans Nerval : je m’étais aperçu à ma honte
1629
honte que je ne savais plus par cœur les sonnets
des
Chimères : c’est réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Réponse à une
1630
t réparé. aq. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Mes amis et Nerval », Journal de Genève, Genève, 9 octobre 1
1631
Denis de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller,
une
des plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette an
1632
s de Rougemont a reçu le Grand Prix Schiller, une
des
plus hautes distinctions littéraires de notre pays, doté cette année
1633
t à l’âme » et de réaffirmer avec force sa foi en
un
avenir qui sera ce que nous en ferons, Denis de Rougemont expliqua po
1634
gemont expliqua pourquoi l’essai est, à son sens,
un
genre pleinement littéraire, et il retraça les origines à la fois his
1635
oins autant qu’il m’honore. Il distingue en effet
un
« essayiste », c’est-à-dire une espèce d’écrivain qui ne se définit a
1636
distingue en effet un « essayiste », c’est-à-dire
une
espèce d’écrivain qui ne se définit aujourd’hui, dans le domaine litt
1637
it aujourd’hui, dans le domaine littéraire, que d’
une
manière négative : c’est quelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a pas
1638
uelqu’un qui publie bien sûr, mais n’a pas publié
un
seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de thé
1639
blie bien sûr, mais n’a pas publié un seul roman,
un
seul recueil de poèmes, ni même une seule pièce de théâtre. Fait-il v
1640
un seul roman, un seul recueil de poèmes, ni même
une
seule pièce de théâtre. Fait-il vraiment partie de la littérature ? T
1641
grave encore dans mon cas, puisque c’est le cas d’
un
essayiste qui n’écrit même pas sur la chose littéraire, ou à la rigue
1642
erse. Mais dans Calvin, l’initiateur de la langue
des
idées en France, et dans Montaigne, inventeur des Essais précisément
1643
des idées en France, et dans Montaigne, inventeur
des
Essais précisément ; puis dans le Pascal des Pensées, le Descartes du
1644
teur des Essais précisément ; puis dans le Pascal
des
Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu des Lettres persane
1645
Pensées, le Descartes du Discours, le Montesquieu
des
Lettres persanes, le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout de
1646
le Montesquieu des Lettres persanes, le Voltaire
des
écrits polémiques et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau d
1647
le Voltaire des écrits polémiques et pas du tout
des
tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et des Confessions, le Ch
1648
et pas du tout des tragédies en vers, le Rousseau
des
Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-to
1649
es tragédies en vers, le Rousseau des Rêveries et
des
Confessions, le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor H
1650
des Rêveries et des Confessions, le Chateaubriand
des
Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo des discours sur l’Europe et p
1651
briand des Mémoires d’outre-tombe, le Victor Hugo
des
discours sur l’Europe et pour la paix, le Rimbaud d’Une saison en enf
1652
Valéry de Variété et de Tel Quel, l’André Breton
des
Manifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre des hommes, Jean P
1653
anifestes surréalistes, le Saint-Exupéry de Terre
des
hommes, Jean Paulhan et Roger Caillois… Voilà ce qui compte à mes yeu
1654
me toute préférence quelque injustice. Le style d’
un
écrivain, sa maîtrise de la langue, non, ce n’est pas à ses romans ma
1655
n française. L’avis de Malraux Ceci dit sur
un
plan général, j’en viens à mon cas personnel, pour la première fois e
1656
encore ; sans parler de l’Association européenne
des
festivals de musique, de l’Association des instituts d’études europée
1657
péenne des festivals de musique, de l’Association
des
instituts d’études européennes, de la Campagne d’éducation civique et
1658
opéennes, de la Campagne d’éducation civique et d’
une
dizaine d’autres actions… Avec tout ce que cela nécessite de tâches q
1659
transmis par l’un de ses amis espagnols : « C’est
un
de nos meilleurs écrivains, mais il se perd dans les comités »… Combi
1660
e m’expliquer là-dessus, m’en fait même peut-être
un
devoir. Tout s’est joué entre 1930 et 1940 J’oserai donc aborde
1661
r l’a fort bien dit : ce fut l’affrontement entre
un
mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’
1662
fut l’affrontement entre un mensonge total, celui
des
dictatures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nat
1663
mensonge total, celui des dictatures à l’Est, et
une
demi-vérité à l’Ouest, celle des États-nations démocratiques. La guer
1664
ures à l’Est, et une demi-vérité à l’Ouest, celle
des
États-nations démocratiques. La guerre entre eux devenait inévitable.
1665
le choix. Nous étions condamnés à inventer, dans
un
temps ridiculement bref, une troisième voie. Ce fut celle du personna
1666
ne troisième voie. Ce fut celle du personnalisme.
Un
jour, chez des amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexa
1667
oie. Ce fut celle du personnalisme. Un jour, chez
des
amis, un jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me r
1668
t celle du personnalisme. Un jour, chez des amis,
un
jeune Russe que je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit une
1669
je venais de connaître, Alexandre Marc, me remit
une
page de manifeste au milieu de laquelle cette phrase me frappa, tapée
1670
ni collectivistes, nous sommes personnalistes ».
Un
trait de lumière dans mon esprit : cette formule se trouvait répondre
1671
poque, les carences de nos démocraties et le défi
des
totalitaires. Par Alexandre Marc, j’entrai en relation avec quelques
1672
uels, avec ce que l’on nomme aujourd’hui, d’après
une
thèse célèbre, « les non-conformistes des années trente », bientôt re
1673
d’après une thèse célèbre, « les non-conformistes
des
années trente », bientôt reliés à d’autres groupes anglais, belges, h
1674
lais, belges, hollandais et suisses, mais aussi d’
une
manière clandestine, on s’en doute, dans l’Allemagne nazie et l’Itali
1675
e nazie et l’Italie fasciste. Ils allaient lancer
des
revues comme Esprit , L’Ordre nouveau et Hic et Nunc à Paris, à
1676
que j’envoyai le 15 juin à la Gazette de Lausanne
un
article sur l’entrée d’Hitler à Paris, qui parut le 17 juin, lendemai
1677
ncé par de Gaulle à Londres. Cet article me valut
une
condamnation à quinze jours de forteresse « au pain et à l’eau, sans
1678
gentiment poussé à partir pour New York, chargé d’
une
mission de conférences sur la Suisse. Je serais moins gênant, et même
1679
Mais surtout, par la force en mon cas créatrice d’
une
constante et poignante nostalgie, en Amérique, j’ai découvert l’Europ
1680
et Karl Barth. À travers eux j’allais redécouvrir
une
du protestantisme totalement différente, je le confesse, de celle que
1681
e très calvinienne de la personne, c’est-à-dire d’
un
individu chargé d’une vocation unique qui le relie à la communauté. P
1682
la personne, c’est-à-dire d’un individu chargé d’
une
vocation unique qui le relie à la communauté. Paul Valéry nous convai
1683
us convaincus de ce que « toute politique suppose
une
certaine idée de l’homme ». Nous en déduisons que le communisme suppo
1684
». Nous en déduisons que le communisme supposait
un
individu embrigadé, le komsomol ; que les fascismes, noir ou brun, im
1685
quaient à peu près la même conception, dictée par
des
buts collectifs, l’impérialisme de l’État ou de la race substitué à c
1686
stitué à celui de la classe ; mais qu’en revanche
une
société vraiment démocratique et libertaire, supposait un type d’homm
1687
té vraiment démocratique et libertaire, supposait
un
type d’homme qui serait à la fois pleinement libre et pleinement resp
1688
sons — que l’homme n’est responsable qu’au sein d’
une
communauté où sa voix puisse porter et où n’importe qui puisse lui ré
1689
’où l’idée, dérivée de Proudhon, cette fois-ci, d’
une
société fondée sur les communes, s’associant en régions pour les tâch
1690
, et ainsi de suite jusqu’au niveau continental d’
une
fédération de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer une puis
1691
de l’Europe. L’idée générale n’étant pas de créer
une
puissance nouvelle — un « troisième Grand » dans le cas de l’Europe —
1692
ale n’étant pas de créer une puissance nouvelle —
un
« troisième Grand » dans le cas de l’Europe — mais seulement le minim
1693
pouvoir capable d’assurer l’autonomie de chacune
des
régions fédérées : le modèle suisse ! À la base de cette construction
1694
n nullement utopique — voir la Suisse justement —
une
idée de l’homme que nous appelions la personne, c’est-à-dire un indiv
1695
omme que nous appelions la personne, c’est-à-dire
un
individu à la fois libre et engagé ; distingué de tout autre par sa v
1696
européenne, j’ai tiré huit volumes, c’est près d’
un
quart de ce que j’ai publié jusqu’ici. as. Rougemont Denis de, «