1 1950, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Pour un standard unique de la télévision (18 novembre 1950)
1 s urgente. La télévision est déjà aux États-Unis, et deviendra bientôt en Europe, le plus formidable (au sens propre) inst
2 le (au sens propre) instrument d’action affective et intellectuelle, artistique, sociale, psychologique et politique dont
3 ntellectuelle, artistique, sociale, psychologique et politique dont on ait jamais disposé. Cet instrument peut unir les pe
4 e standard de 405 ; la France, un lignage de 819, et la plupart des autres nations, y compris l’URSS, un lignage de 625. L
5 être diffusée dans toutes nos nations sera perdu, et cet instrument universel par définition se trouvera nationalisé à son
6 investissement de capitaux devrait être suspendu, et une réunion d’experts convoquée immédiatement pour introduire un peu
2 1954, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Visite à M. Denis de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture (septembre 1954)
7 avec Emmanuel Mounier le mouvement personnaliste et la revue Esprit  ; Denis de Rougemont est également président du Con
8 résident du Congrès pour la liberté de la culture et l’auteur de dix-sept ouvrages, dont les plus connus sont L’Amour et
9 sept ouvrages, dont les plus connus sont L’Amour et l’Occident , le Journal d’un intellectuel en chômage et Lettres su
10 ident , le Journal d’un intellectuel en chômage et Lettres sur la bombe atomique . Interrogé sur le sens qu’il attache
11 rend la vie digne d’être vécue. Le centre a créé et créera encore des associations de producteurs et de distributeurs dan
12 et créera encore des associations de producteurs et de distributeurs dans les domaines où cela se révèle utile et nécessa
13 buteurs dans les domaines où cela se révèle utile et nécessaire : sciences, musique, presse, histoire, enseignement, etc.
14 encourageons également les relations culturelles et les échanges intraeuropéens. Pourtant l’Unesco couvre ces domaines et
15 aeuropéens. Pourtant l’Unesco couvre ces domaines et vous parlez de nécessité… En voulant rester européen, notre Centre ne
16 avec l’Unesco, qui est une organisation mondiale et n’a pas spécialement de mission européenne. L’Unesco n’a pour but ni
17 lement à créer une conscience commune de l’Europe et de sa situation actuelle dans le monde. On peut appeler cela politiqu
18 ence internationale des compositeurs, interprètes et critiques, qui s’est tenue à Rome et a traité de la musique du xxe s
19 interprètes et critiques, qui s’est tenue à Rome et a traité de la musique du xxe siècle, et un Prix de littérature euro
20 à Rome et a traité de la musique du xxe siècle, et un Prix de littérature européenne. c. Rougemont Denis de, « Visite
3 1969, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Une longue et vieille histoire (7 juin 1969)
21 Une longue et vieille histoire (7 juin 1969)d e On appelle la jeunesse à se libé
22 e à se libérer de toute espèce de tabous sexuels, et d’abord des tabous chrétiens. L’ennui, c’est que l’Évangile ne connaî
23 i, c’est que l’Évangile ne connaît pas de tabous, et que tout érotisme suppose un système de règles sociales : sans gênes,
24 joue qu’un rôle quelconque, à peu près invisible et sans drame. (Paroles de Jésus à une prostituée, ou à la femme de cinq
25 ne prostituée, ou à la femme de cinq maris : paix et pardon à cause de l’amour.) S’agirait-il d’un refoulement ? Non, car
26 rattrapée ? Très tardivement, très partiellement, et la désinvolture des papes de la Renaissance ou des évêques du xviiie
27 lais pour leurs maîtresses — agrémentés de farces et attrapes, comme à Salzbourg — contraste avec l’extrême sévérité que l
28 Les traités des Pères de l’Église sur le mariage et sur le sexe « rappellent des dissertations sur l’élevage », écrit Ber
29 ns sur l’élevage », écrit Berdiaev. « La destinée et l’amour personnels y font totalement défaut. Le phénomène de l’amour,
30 énomène physiologique de la satisfaction sexuelle et du phénomène social de la vie de l’espèce dans la famille, n’est ment
31 qu’est né le problème de l’érotisme en Occident. Et c’est la gnose qui lui a donné sa forme au xiie siècle. Malgré le ch
32 a forme au xiie siècle. Malgré le christianisme, et parfois contre lui, ce sont des influences gnostiques qui se trouvent
33 se trouvent avoir fomenté l’érotique occidentale et qui lui ont proposé des moyens d’expression, cependant que les mythes
34 des moyens d’expression, cependant que les mythes et les tabous païens (égyptiens, syriaques, helléniques) ne cessaient d’
35 lien quelconque entre la cortezia des troubadours et le catharisme — en dépit de la coïncidence des lieux, des dates, des
36 a coïncidence des lieux, des dates, des partisans et des ennemis, — il est certain que les spéculations sur l’amour sexuel
37 t certain que les spéculations sur l’amour sexuel et divin, constitutives de l’érotisme littéraire, sont le fait des gnost
38 ’érotisme littéraire, sont le fait des gnostiques et non des scolastiques, des hérésies et non de l’orthodoxie, des poètes
39 gnostiques et non des scolastiques, des hérésies et non de l’orthodoxie, des poètes et des mystiques plutôt que des bons
40 , des hérésies et non de l’orthodoxie, des poètes et des mystiques plutôt que des bons moines ou des conteurs gaulois. L’a
41 ît au xiie siècle dans les romans anglo-normands et les chansons des troubadours comme dans le cœur d’Héloïse et l’esprit
42 sons des troubadours comme dans le cœur d’Héloïse et l’esprit d’Abélard, s’adresse à l’ange dans l’âme et à l’âme dans le
43 l’esprit d’Abélard, s’adresse à l’ange dans l’âme et à l’âme dans le corps. Il refuse toute facilité, cherche l’obstacle à
44 é, cherche l’obstacle à surmonter — social, moral et spirituel, — veut tous les raffinements du désir par l’ascèse et les
45  veut tous les raffinements du désir par l’ascèse et les exaltations du sentiment par son expression rhétorique. Toutes le
46 lèbre sont mariées, deviennent objet d’adoration, et reçoivent le serment d’allégeance dû au Seigneur. Dans le même temps,
47 mmaculée Conception de Notre-Dame à Lyon en 1140) et reçoit le titre de Regina Cœli. Cependant que la dame ou reine devien
48 reine devient la pièce maîtresse du jeu d’échecs, et que le premier troubadour ose écrire de la dame de ses pensées : « Pa
49 Tout cela — qui est d’abord occitan, arabe, celte et anglo-saxon — va donner en français, par Béroul et Chrétien, le modèl
50 t anglo-saxon — va donner en français, par Béroul et Chrétien, le modèle du roman d’amour mortel, théologico-poétique, thè
51 é, au service du plaisir raffiné, des beaux-arts, et surtout de la littérature, on peut dire que l’Astrée est la première
52 ndrins. Une allusion, un regard, un air, un rien, et flambe la passion. Conventions et signes suffisent. Les jeux de la co
53 n air, un rien, et flambe la passion. Conventions et signes suffisent. Les jeux de la cour ont remplacé les cours d’amour,
54 s jeux de la cour ont remplacé les cours d’amour, et la morale ou casuistique post-tridentine la courtoisie, exténuée en p
55 é. Le xviiie dissocie l’érotique. Tout est sexe, et le mariage nul, dans les Liaisons et dans Faublas. Tout est sexe, et
56 ut est sexe, et le mariage nul, dans les Liaisons et dans Faublas. Tout est sexe, et le sentiment nul, chez Sade, qui trad
57 dans les Liaisons et dans Faublas. Tout est sexe, et le sentiment nul, chez Sade, qui traduit cyniquement le système des v
58 solu, droit de la force, c’est-à-dire du prestige et de la richesse autant que de l’épée. Don Juan a remplacé Tristan. Seu
59 nspire de l’Astrée, de Pétrarque, des troubadours et d’Abélard, et rend au sentiment la primauté, mais il est Suisse et dé
60 trée, de Pétrarque, des troubadours et d’Abélard, et rend au sentiment la primauté, mais il est Suisse et démocrate. Sur l
61 rend au sentiment la primauté, mais il est Suisse et démocrate. Sur lui se fonde l’érotique protestante, mais hors de Fran
62 estante, mais hors de France : Goethe, Richardson et Laurence Sterne dans la première génération de ses disciples, les rom
63 ples, les romantiques allemands dans la deuxième, et les grands romanciers victoriens dans la troisième : retour en force
64 e la passion mortelle avec Les Hauts de Hurlevent et , plus tard, Tess d’Urberville. À la faveur de ces excès contraires, l
65 fait sur l’héritage (ce qui est souvent odieux), et tous les écrivains ignorent le sexe comme tel. Voici enfin le tabou r
66 auxquelles pensent parfois les jeunes gens, Marx et Freud, au tournant du siècle, apparaîtront comme des libérateurs : le
67 ne manière nouvelle de parler des choses du sexe. Et il a montré les relations profondes de l’érotisme avec le rêve — ce r
68 avec les enragés l’abolition du complexe d’Œdipe. Et l’érotisme, qui était en somme une forme littéraire de la sexualité,
69 sciences humaines. Certes, avec Georges Bataille et Pierre Klossowski, il a retrouvé sa problématique originelle, qui est
70 e même qu’Histoire d’O renouait avec une imagerie et des poncifs sadiques, mais tout cela se trouve curieusement transposé
71 depuis la fin du siècle dernier. (Voir Nietzsche et Lou Salomé, les symbolistes, La Porte étroite, Proust). Mais, au tota
72 la levée des censures sociales, les statistiques et la publicité. L’excitation de la nouveauté, ressort secret de l’éroti
73 i de se faire sentir dans les médias audiovisuels et tactiles, qu’en écriture. Il en sera sans doute ainsi jusqu’à ce qu’u
74 ire sur le sens de la personne, du rêve personnel et du mystère ultime de l’autre : le prochain dans son autonomie. d.
75 nt Denis de, « [Réponse à une enquête] Une longue et vieille histoire », Le Monde des livres, Paris, 7 juin 1969, p. V. e
4 1971, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). La poussée régionaliste en Europe occidentale (avril 1971)
76 s sociétés qui deviennent de plus en plus énormes et pareilles les unes aux autres ne tendent pas à recréer dans leur prop
77 écurisante de petites communautés restructurées ; et à la notion de frontières bornées, celle de foyers librement rayonnan
78 s plus diverses, dont je vais rappeler les étapes et la répartition continentale. Prenons l’idée de régions à sa naissance
79 pposer sérieusement que la fédération européenne, et que celle-ci implique de « dépasser le dogme de la souveraineté absol
80 tats », à la fois par des autorités continentales et par des pouvoirs régionaux. Ce manifeste (qu’on peut lire dans le pré
81 aliste des années 1930, Esprit d’Emmanuel Mounier et Georges Isard, et l’Ordre nouveau groupé autour d’Arnaud Dandieu (mor
82 1930, Esprit d’Emmanuel Mounier et Georges Isard, et l’Ordre nouveau groupé autour d’Arnaud Dandieu (mort en 1934), Robert
83 tour d’Arnaud Dandieu (mort en 1934), Robert Aron et Alexandre Marc. Dès 1938, Gabriel Marcel peut écrire : « Comme l’avai
84 faut garder les yeux fixés à la fois bien en deçà et bien au-delà de la nation. » La critique de l’État-nation — ou l’état
85 ion — ou l’étatisation manu militari des coutumes et des idéaux d’une communauté nationale — s’élabore et se consolide dan
86 des idéaux d’une communauté nationale — s’élabore et se consolide dans les mouvements fédéralistes européens de l’après-gu
87 puis un siècle, sur la science de ses professeurs et la croyance de ses sujets, par l’entremise des manuels scolaires, n’e
88 res, n’est en fait qu’une forme politique récente et déjà inadéquate, à la fois trop petite et trop grande par rapport aux
89 récente et déjà inadéquate, à la fois trop petite et trop grande par rapport aux réalités du monde actuel. Un modèle pér
90 un ne peut plus assurer seul sa défense militaire et sa prospérité, son équipement technologique et une aide effective au
91 re et sa prospérité, son équipement technologique et une aide effective au tiers-monde, la prévention des guerres nucléair
92 tiers-monde, la prévention des guerres nucléaires et des catastrophes écologiques. La constitution de pools européens de r
93 européens de recherche (comme le CERN, à Genève) et une action concertée dans le domaine économique (CECA, Marché commun)
94 s, qui seraient compétentes partout où les tâches et leur concertation se révéleraient d’échelle continentale — et là seul
95 ertation se révéleraient d’échelle continentale — et là seulement ? D’autre part, l’État-nation de type centralisé, imposa
96 ssi hétérogènes que la langue parlée à la surface et l’exploitation du sous-sol, l’économie moderne et le territoire hérit
97 et l’exploitation du sous-sol, l’économie moderne et le territoire hérité, les souvenirs collectifs et les espoirs individ
98 et le territoire hérité, les souvenirs collectifs et les espoirs individuels — ce carcan militaire, idéologique et douanie
99 rs individuels — ce carcan militaire, idéologique et douanier, qui a moins d’un siècle d’âge en moyenne, n’est plus capabl
100 lus capable d’assurer la prospérité des provinces et d’y permettre une vie civique digne du nom, une participation réelle.
101 dans le monde d’aujourd’hui, à la fois planétaire et local, c’est-à-dire plus universel et plus particulier que celui des
102 planétaire et local, c’est-à-dire plus universel et plus particulier que celui des nations modèle xixe  siècle. À mesure
103 t en réalité à une prise de conscience européenne et d’horizon mondial. La conscience de la nécessité de fédérer l’Europe,
104 e l’Europe il faut ouvrir le cadre stato-national et dépasser ce modèle périmé. Tel est l’argument politique qui inspire l
105 . Mais le problème n’est pas seulement spéculatif et prospectif ! Il est posé en vrac, en termes concrets, mal comparables
106 deux classes de motifs principaux, les ethniques et les économiques — d’ailleurs en interaction fréquente. I. — Il y a le
107 — Il y a les problèmes linguistiques du Sud-Tyrol et du Val d’Aoste, de l’Alsace, de la grande Occitanie ou du petit Jura
108 Jura bernois ; les révoltes ethniques qui couvent et parfois éclatent en Bretagne ou en Flandres ; les poussées autonomist
109 au pays de Galles, au Pays basque, en Catalogne ; et tous les phénomènes similaires actuellement étouffés dans les pays de
110 utonomie régionale, quelques-unes leur séparation et leur rattachement immédiat à l’Europe fédérée de demain. II. — Les pl
111 études régionales au sein du Marché commun (1961) et ont abouti à la création d’une Direction générale de la politique rég
112 frontières politiques nées du hasard des guerres et qui ne correspondent plus à nulle réalité, ni ethnique ni économique.
113 res de nos États, les exemples abondent : Basques et Catalans divisés par les Pyrénées, régions de Bâle et de Genève broch
114 atalans divisés par les Pyrénées, régions de Bâle et de Genève brochant sur deux ou trois pays, Nord français coupé de la
115 ys, Nord français coupé de la Flandre occidentale et du Hainaut, triangle Aix-la-Chapelle-Maestricht-Liège, etc. Désormais
116 etc. Désormais, le problème est posé par les Six et par le Conseil de l’Europe de la constitution de régions transfrontal
117 partout où les conflits entre limites politiques et espaces économiques se révèlent intolérables ou « manifestement aberr
118 suite par ces exemples que les régions ethniques et les régions économiques ne sauraient coïncider spatialement par quelq
119 par quelque miracle qui ne s’est jamais produit, et qui aurait encore moins de chance de survenir dans le cas des régions
120 orts, l’énergie, les recherches, la défense, etc. Et les charger de la concertation continentale des régions à géométrie v
121 ar les échanges entre régions, former les régions et créer un tissu européen qui finira par se révéler plus solide que les
122 ens administratifs subsistant entre chaque région et sa capitale nationale. 3. Éduquer les nouvelles générations dès l’éco
123 dès l’école primaire dans l’optique régionaliste et non plus nationaliste, informer les populations, former des responsab
124 r les populations, former des responsables locaux et régionaux, combattre les routines mentales et laisser s’évanouir les
125 aux et régionaux, combattre les routines mentales et laisser s’évanouir les préjugés stato-nationalistes qui paralysent au
126 s, quinze à vingt ans, pour former une génération et créer les régions ne sont-ils pas trop longs, face à l’urgence des pé
5 1971, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). L’absence d’une « culture nationale », facteur du développement intellectuel (26-27 septembre 1971)
127 l’ethnie, la confession, d’ensembles très divers et très variablement combinés. Les Suisses se trouvent ainsi protégés co
128 s des États nationaux post-napoléoniens, remaniés et multipliés au xxe siècle. En revanche, la vie culturelle atteint en
129 tits pays (ils occupent les cinq premiers rangs), et , parmi eux, l’avantage exceptionnel d’une fédération pluraliste intég
130 es, quatre sont d’origine étrangère. Contrastés et rapprochés Il m’a toujours semblé que l’absence de « culture natio
131 de « culture nationale », synthétique ou imposée, et la très forte densité culturelle n’étaient pas sans relations d’inter
132 culturelle de l’Europe tout entière dans l’espace et dans le temps, mais en Suisse, cela se voit mieux, se vérifie plus ai
133 ce principale de la musique européenne (séquences et tropes de Notker le Bègue, dès le viiie siècle), ni de l’Université
134 e Bâle au xve siècle (Érasme, Paracelse, Holbein et Frobenius), ni de la Genève de Calvin (ce Picard venu de Strasbourg e
135 la Genève de Calvin (ce Picard venu de Strasbourg et qui agira sur les élites intellectuelles et politiques de la France,
136 bourg et qui agira sur les élites intellectuelles et politiques de la France, de l’Écosse et de l’Angleterre, des Pays-Bas
137 ectuelles et politiques de la France, de l’Écosse et de l’Angleterre, des Pays-Bas et de la Rhénanie, de la Hongrie, de la
138 nce, de l’Écosse et de l’Angleterre, des Pays-Bas et de la Rhénanie, de la Hongrie, de la Pologne, puis de l’Amérique), re
139 nds courants d’idées Au xviiie siècle, Zurich et Bâle, puis Genève, seront les sources de trois grands courants d’idée
140 jusqu’aux floraisons géniales de la fin du siècle et du romantisme. Lessing, Herder, Goethe et Schiller vont découvrir par
141 siècle et du romantisme. Lessing, Herder, Goethe et Schiller vont découvrir par elle Homère, Dante, Shakespeare et Milton
142 ont découvrir par elle Homère, Dante, Shakespeare et Milton, mais aussi les Nibelungen et les minnesänger. Les célèbres Id
143 Shakespeare et Milton, mais aussi les Nibelungen et les minnesänger. Les célèbres Idylles de Salomon Gessner, la physiogn
144 iognomonie de Lavater, la pédagogie de Pestalozzi et la peinture de Füssli (qui deviendra « Fuseli, the Wild Swiss », lors
145 e de Londres au temps de William Blake) sont nées et se sont constituées dans le cercle du grand Bodmer. Bâle, dans le mêm
146 mprévus mais fidèles de ses traditions humanistes et piétistes, une pléiade de mathématiciens, physiciens et astronomes qu
147 tistes, une pléiade de mathématiciens, physiciens et astronomes qui rivalisent de génie : Léonard Euler et les huit Bernou
148 stronomes qui rivalisent de génie : Léonard Euler et les huit Bernouilli, ses cousins, font de leur ville « la capitale de
149 e, en Russie, le rayonnement de leurs découvertes et de leurs méthodes. Genève assiste alors aux combats homériques entre
150 elui qui signe ses lettres « le Suisse Voltaire » et celui qui signe ses livres « Rousseau, citoyen de Genève ». La dynast
151 le des Bernouilli de Bâle dans les mathématiques. Et puis, après Necker, Genève donne à la France les principaux secrétair
152 n trust de Mirabeau, formé d’avocats, de pasteurs et de politiciens genevois émigrés — Dumont, Reybaz, Du Roveray, Clavièr
153 ybaz, Du Roveray, Clavière, — comité de rédaction et usine idéologique qu’allaient sortir les grands discours du tribun et
154 qu’allaient sortir les grands discours du tribun et jusqu’au texte de la Déclaration des droits de l’homme ». Un peu plus
155 d’est en ouest les grands courants du romantisme et du libéralisme politique et économique, par Schlegel, Benjamin Consta
156 ourants du romantisme et du libéralisme politique et économique, par Schlegel, Benjamin Constant et Simonde de Sismondi. C
157 ue et économique, par Schlegel, Benjamin Constant et Simonde de Sismondi. Cinquante ans plus tard, c’est à Bâle que s’allu
158 Burckhardt restitue la virtu de la Renaissance ; et toute l’œuvre de son jeune collègue et fervent disciple, Nietzsche, s
159 aissance ; et toute l’œuvre de son jeune collègue et fervent disciple, Nietzsche, sera marquée par cet enseignement. En
160 ar cet enseignement. Entre la « civilisation » et la « Kultur » Au xxe siècle, face aux nationalismes culturels, pr
161 lturels, prise d’abord entre une « civilisation » et une « Kultur » qui s’expliquaient à coups de canon, puis entièrement
162 aires, qu’a pu donner la petite Suisse à l’Europe et au monde ? Il faudrait parler de Dada, qui explose à Zurich au moment
163 à partir en wagon plombé pour la Gare de Finlande et la révolution d’Octobre, tandis qu’à l’autre bout de la Suisse et aux
164 d’Octobre, tandis qu’à l’autre bout de la Suisse et aux antipodes de l’esprit Ramuz, Stravinski, Auberjonois et Ansermet
165 ipodes de l’esprit Ramuz, Stravinski, Auberjonois et Ansermet écrivent, composent, peignent et dirigent L’Histoire du Sold
166 rjonois et Ansermet écrivent, composent, peignent et dirigent L’Histoire du Soldat, inaugurant le « spectacle total ». Il
167 faudrait parler de la musique, d’Arthur Honegger et de Frank Martin à Rolf Liebermann ; des arts plastiques, de Ferdinand
168 s arts plastiques, de Ferdinand Hodler, Paul Klee et Max Bill à Giacometti et Tinguely ; du théâtre de Dürrenmatt, et des
169 dinand Hodler, Paul Klee et Max Bill à Giacometti et Tinguely ; du théâtre de Dürrenmatt, et des romans de Max Frisch… Mai
170 iacometti et Tinguely ; du théâtre de Dürrenmatt, et des romans de Max Frisch… Mais je dois me réduire à l’essentiel : la
171 la première moitié du xxe siècle. C’est à Berne et à Zurich qu’Einstein, alors naturalisé suisse, élabora sa première th
172 G. Jung crée les notions de complexe, d’archétype et d’inconscient collectif. C’est à Bâle que Karl Barth, refoulé par Hit
173 xe siècle — pas seulement chez les protestants — et lui ouvre les voies de l’aggiornamento, où un autre Suisse, Hans Küng
174 dinand de Saussure fonde la linguistique générale et inaugure la sémiologie, dont on connaît l’impact sur toutes les scien
175 nnaît l’impact sur toutes les sciences humaines — et pas seulement sur les récents structuralismes français. De Genève enc
176 re les théories de l’institut Rousseau (Claparède et Bovet), puis l’épistémologie génétique de Jean Piaget, qui révolution
177 , qui révolutionneront la psychologie de l’enfant et par suite la pédagogie dans le monde entier. Si l’on cherche les trai
178 i dans l’à priori d’une objectivité systématique. Et de là viennent sans doute le pragmatisme, la morale de la coopération
179 ale de la coopération dans la différence cultivée et le goût du dialogue qui caractérisent à la fois les sciences humaines
180 isent à la fois les sciences humaines, le civisme et la vie culturelle en Suisse. Stendhal voyait dans le cénacle de Coppe
181 , « les états généraux de l’opinion européenne », et c’est bien là le rôle que rêvaient de reprendre, dès 1946, les Rencon
182 ritique. Sens de la coopération dans la diversité et besoin vital du dialogue expliquent enfin ce que je voudrais appeler
183 re le fédéralisme — terme clé de notre existence, et qui signifie beaucoup plus que l’union politique des cantons souverai
6 1971, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Paul Valéry et l’Europe (29 octobre 1971)
184 Paul Valéry et l’Europe (29 octobre 1971)h Ce qu’il y a de plus étonnant dans la
185 er (1896) en passant par Noblet, Brun, Lapie père et fils et vingt autres qui disent, en termes très semblables, que « l’E
186 ) en passant par Noblet, Brun, Lapie père et fils et vingt autres qui disent, en termes très semblables, que « l’Europe, c
187 devenue la métropole du genre humain » (Mantelle et Brun, 1816). Lieux communs, mais tellement obnubilés par la religion
188 ubilés par la religion du seul progrès occidental et refoulés par nos nationalismes qu’il a fallu l’esprit intrépide et sc
189 os nationalismes qu’il a fallu l’esprit intrépide et sceptique de Valéry pour s’abstraire de l’Europe physique et politiqu
190 e de Valéry pour s’abstraire de l’Europe physique et politique et la réinventer comme à partir du monde et de ses effets d
191 our s’abstraire de l’Europe physique et politique et la réinventer comme à partir du monde et de ses effets dans le monde.
192 olitique et la réinventer comme à partir du monde et de ses effets dans le monde. Il s’en étonne lui-même : Je n’avais ja
193 me quelqu’un qui se relève dans les tôles tordues et ne sait pas s’il est encore vivant. Valéry nous parlait sans ménageme
194 ? Valéry constatait : « Tout est venu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque. » Et ce n’était nullement faire preuve
195 nu à l’Europe, et tout en est venu, ou presque. » Et ce n’était nullement faire preuve d’orgueil ni encore moins d’impéria
196 és indispensables à l’exercice de cette fonction, et que Valéry énumérait, en premier examen, comme suit : « L’avidité act
197 e suit : « L’avidité active, la curiosité ardente et désintéressée, un heureux mélange de l’imagination et de la rigueur l
198 ésintéressée, un heureux mélange de l’imagination et de la rigueur logique, un certain scepticisme non pessimiste, un myst
199 rive à sa théorie des trois sources : Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée, et sou
200 ui a été successivement romanisée, christianisée, et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument
201 lument européenne. Définition célèbre, lacunaire et féconde. La tendance bien connue de Valéry s’illustre ici : mathémati
202 yle est celle d’un théorème : absence d’ornements et réduction aux surprises de la simplicité.) Si l’on tient « les trois
203 ais on y a vu communément une définition générale et substantielle. À qui s’applique alors sa grille, d’une manière non pa
204 s à la Sicile, faite par les Vikings, Frédéric II et les Arabes, autant que par les Grecs et les Romains ; et pas à plus d
205 édéric II et les Arabes, autant que par les Grecs et les Romains ; et pas à plus de la moitié des habitants de ce continen
206 Arabes, autant que par les Grecs et les Romains ; et pas à plus de la moitié des habitants de ce continent, d’Édimbourg à
207 ent, d’Édimbourg à Sofia, de Stockholm à Grenade, et de Lisbonne à Varsovie. Tout ce « reste » atlantique et nordique, cel
208 Lisbonne à Varsovie. Tout ce « reste » atlantique et nordique, celte ou germain, arabe ou slave, ne serait donc pas europé
209 sie, toute la musique, des troubadours à Mallarmé et du Tristan de Béroul à celui de Wagner ! Il manque à la définition pa
210 le substantiel, physique, physiologique, affectif et lyrique. Tout cela qui n’était pas le fort de Valéry. Et tout cela ex
211 que. Tout cela qui n’était pas le fort de Valéry. Et tout cela explique peut-être son pessimisme quant à l’issue de l’aven
212 ces palais de Persépolis, ces temples de Baalbeck et de Jérusalem ? … Hélas ! je l’ai parcourue, cette terre ravagée ! J’a
213 ieux qui furent le théâtre de tant de splendeurs, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude. […] Qui sait si sur les rives
214 e de tant de splendeurs, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude. […] Qui sait si sur les rives de la Seine, de la Tamise
215 ans le tourbillon de tant de jouissances, le cœur et les yeux ne peuvent suffire à la multitude des sensations : qui sait
216 i ne s’assoira pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de
217 pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Puis relisons La Crise de l’Esprit :
218 m, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour n
219 i de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour
220 t le monde. Tout peut être perdu, songe Valéry — et tout l’est peut-être déjà — par la faute des disputes périmées que no
221 bles Européens ont mieux aimé jouer aux Armagnacs et aux Bourguignons que de prendre sur toute la terre le grand rôle que
222 ue la concurrence européenne en matière politique et économique… Pendant que les efforts des meilleures têtes de l’Europe
223 on naïve de la politique historique de convoitise et d’arrière-pensées se poursuivait, et cet esprit de « Petits-Européens
224 e convoitise et d’arrière-pensées se poursuivait, et cet esprit de « Petits-Européens » livrait, par une sorte de trahison
225 ceux mêmes qu’on entendait dominer, les méthodes et les instruments de puissance. À cause de nos nationalismes et de leu
226 ments de puissance. À cause de nos nationalismes et de leur concurrence insane, qui réduit chacun d’eux à l’impuissance,
227 viduels raisonnables l’abjecte démission générale et rentable : L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une comm
228 ue l’État-nation était notre malheur fondamental. Et il n’a pas vécu pour constater que nos Armagnacs et Bourguignons sera
229 il n’a pas vécu pour constater que nos Armagnacs et Bourguignons seraient un jour nos Byzantins de gauche et de droite co
230 guignons seraient un jour nos Byzantins de gauche et de droite communiant dans le culte de la nation souveraine. (Communis
231 ns le culte de la nation souveraine. (Communistes et gaullistes contre l’Europe intégrée.) Mais il a été le premier, et le
232 tre l’Europe intégrée.) Mais il a été le premier, et le seul écrivain français de premier rang, au xxe siècle, à réfléchi
233 op tard. h. Rougemont Denis de, « Paul Valéry et l’Europe », Le Monde, Paris, 29 octobre 1971, p. 15 et 18.
234 Europe », Le Monde, Paris, 29 octobre 1971, p. 15 et 18.
7 1972, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). « Le respect du réel, c’est le revers du paradoxe » (14 décembre 1972)
235 ue Rhin, Rhône, Danube, Pô y prennent leur source et que de ce sommet une vallée descend vers l’Italie, une vers l’Allemag
236 s l’Allemagne, une vers l’est, une vers le Valais et le pays latin, disons la France. Comment et pourquoi avez-vous choisi
237 alais et le pays latin, disons la France. Comment et pourquoi avez-vous choisi le versant français de votre pays et de vou
238 vez-vous choisi le versant français de votre pays et de vous-même ? Mais je n’ai pas eu à choisir ! Le français est ma lan
239 ce n’est pas rien ! Plus modestement, entre 1830 et 1900, je compte septante-six ouvrages publiés par des Rougemont et qu
240 e septante-six ouvrages publiés par des Rougemont et qui vont d’un essai sur Socrate et Jésus-Christ à des Observations su
241 des Rougemont et qui vont d’un essai sur Socrate et Jésus-Christ à des Observations sur l’organe détonnant du Brachinus c
242 épée. L’origine de la famille est franc-comtoise, et il y a dans cette province deux villages qui se nomment Rougemont. Ju
243 scientifique où j’entrai par la vertu de ce goût et de ce laboratoire. Mais ce qui avait été passion devint devoir, et je
244 ire. Mais ce qui avait été passion devint devoir, et je le détestai aussitôt. D’où votre haine de l’école ? Cela remonte p
245 étiez engagé… Je ne rêvais pourtant que de poésie et d’écriture. Mes modèles d’alors étaient Valéry, Gide, les auteurs de
246 nt Valéry, Gide, les auteurs de la revue Commerce et de la NRF . C’était d’eux que je souhaitais être digne. Plutôt pour
247 … Car pour le fond, mes maîtres sont plus anciens et n’ont pas changé, Pascal et Rimbaud, pôles contraires d’une oppositio
248 res sont plus anciens et n’ont pas changé, Pascal et Rimbaud, pôles contraires d’une opposition violente qu’il me fallait
249 d’une opposition violente qu’il me fallait vivre et penser. Tous ces noms sont français ; c’est pourtant vers les Allemag
250 Novalis, Jean-Paul, Rilke. Surtout, je découvrais et lisais en allemand Kierkegaard. Les éditions que je devais diriger pl
251 France ce philosophe-poète qui reste mon maître, et peut-être mon juge ironique. Si Goethe a été pour moi la mesure et s’
252 juge ironique. Si Goethe a été pour moi la mesure et s’il m’a convaincu de la valeur de l’action, à laquelle je consacre l
253 é cela dans Le Paysan du Danube . L’engagement et le clerc C’est votre œuvre la plus romantique. Vous y découvrez le
254 romantique. Vous y découvrez le bonheur d’écrire et vous vous écoutez vivre et penser. Alors, le saut entre les pages de
255 ez le bonheur d’écrire et vous vous écoutez vivre et penser. Alors, le saut entre les pages de ce journal et celles de l’a
256 ser. Alors, le saut entre les pages de ce journal et celles de l’automne 32 dans la banlieue parisienne surprend, déroute.
257 est toujours agi pour moi d’une présence au monde et à moi-même conjointement… Il est vrai que beaucoup de choses changeai
258 d’autres noms, peut-être, comme le fédéralisme — et que nous baptisons le personnalisme. Nous créons, avec Mounier et Iza
259 isons le personnalisme. Nous créons, avec Mounier et Izard, Esprit , avec Dandieu, Robert Aron et Alexandre Marc, L’Ordr
260 ier et Izard, Esprit , avec Dandieu, Robert Aron et Alexandre Marc, L’Ordre nouveau , et je ne tarde pas à fonder ma pro
261 Robert Aron et Alexandre Marc, L’Ordre nouveau , et je ne tarde pas à fonder ma propre revue, Hic et Nunc , où vont coll
262 e, Hic et Nunc , où vont collaborer Henry Corbin et Albert-Marie Schmidt, et où j’expose ma « politique du pessimisme act
263 collaborer Henry Corbin et Albert-Marie Schmidt, et où j’expose ma « politique du pessimisme actif » dont j’ai trouvé les
264 que chez Heidegger, que Corbin traduit pour nous et annote en arabe du xiie siècle. Tout cela dans ces années 1932 à 193
265 32 à 1936, qui voient triompher Hitler, Mussolini et Staline… Vous écriviez dans votre Cahier de revendications publié par
266 énération comblée. Comblée de chances de grandeur et comblée de risques mortels… Ce n’est plus pour quelque idéal que nous
267 utter maintenant, mais pour que les hommes vivent et demeurent des hommes… » Vous étiez engagé ! Je puis revendiquer la pa
268 n peut-il répondre ? De ce qu’il écrit, bien sûr, et de la manière dont il l’écrit. C’est ce que Penser avec les mains v
269 illustrer. J’ai posé là le problème de la culture et cherché une morale de la pensée — concept absolument nouveau. (Seul N
270 it  : « Rougemont écrit un œil fixé sur l’Éternel et l’autre sur Jean Paulhan. » N’est-ce pas assez juste, et pas seulemen
271 tre sur Jean Paulhan. » N’est-ce pas assez juste, et pas seulement du Rougemont des années 1930, mais aussi de celui d’auj
272 ne exigence de synthèse. C’est sur le plan intime et philosophique ce qui correspond, sur le plan politique, à ce sens du
273 sens du fédéralisme dont mon pays est le produit, et auquel je demeure profondément attaché. La réalité est faite d’antino
274 tion de l’un à l’autre, qu’il s’agisse de l’homme et de la femme dans le couple, ou de la personne et de la communauté dan
275 et de la femme dans le couple, ou de la personne et de la communauté dans la cité. Le mariage est une vocation N’es
276 és à égale distance de la chronique impersonnelle et de la confidence. Pour moi, ces journaux de 1926 à 1946, et leur suit
277 onfidence. Pour moi, ces journaux de 1926 à 1946, et leur suite — le Journal d’un Européen — qui ne saurait tarder, ont po
278 prend vie que dans une relation avec le prochain, et cette relation que dans une relation avec la cité. Je résume ainsi ce
279 terme affectif à un terme géopolitique : L’Amour et l’Occident . Pour vous qui étiez si engagé dans une pensée politique
280 ous qui étiez si engagé dans une pensée politique et religieuse, comment se fait-il que l’amour vous ait intéressé ? Dites
281 (de nouveau, n’est-ce pas, une relation) l’amour et ses étymologies historiques et religieuses. Et je savais aussi que to
282 relation) l’amour et ses étymologies historiques et religieuses. Et je savais aussi que tout existe, virtuellement, mais
283 ur et ses étymologies historiques et religieuses. Et je savais aussi que tout existe, virtuellement, mais que tout ne se m
284 tibilité temporelle. Quant à l’occasion du livre, et pour passer du sublime au trivial, ce fut une commande. À ce sujet, i
285 je raconte dans le post-scriptum « non définitif et scientifico-polémique » à la nouvelle édition. J’avais esquissé, dans
286 ivre est, me dit-il, des plus urgents : La France et son armée, par Charles de Gaulle. Mais enfin, le livre fut écrit… En
287 qu’une liaison. Mais quand il y a engagement réel et fidélité à cet engagement, alors la personne peut s’épanouir. Il n’y
288 s’épanouir. Il n’y a mariage qu’entre personnes. Et c’est pourquoi le mariage est une vocation. Si bien que votre livre e
289 Lettres sur la bombe atomique , ou mes Méfaits … Et la Part du diable , où j’explique que la démocratie ne se distingue
290 e se distingue du totalitarisme que par l’humour, et par rien d’autre. … Votre pensée si soucieuse de cohérence paraît con
291 même de ma démarche. L’homme est à la fois libre et responsable : paradoxe ! Il ne devient lui-même que par la vocation,
292 rochain… paradoxe. Le fédéralisme : c’est l’union et l’autonomie… l’Un et le Divers… paradoxe. Voyez-vous, le respect du r
293 fédéralisme : c’est l’union et l’autonomie… l’Un et le Divers… paradoxe. Voyez-vous, le respect du réel, c’est le respect
294 ct des antinomies. Il est la légèreté de l’esprit et la tension nécessaire à son action. Choisir l’avenir… Avez-vous
295 es changements qui sont intervenus dans nos mœurs et dans nos pensées depuis sa première publication en 1939 ? On a même p
296 ement, ma responsabilité. Certes, le monde change et dans le domaine des mœurs l’évolution est même plus profonde qu’on ne
297 les signes avant-coureurs de l’avenir de l’Europe et du monde ! C’est qu’il faut partir de l’avenir si l’on veut comprendr
298 e voit contraint de choisir librement son avenir. Et il y est contraint du seul fait qu’il en a, pour la première fois, la
299 72, p. 20-21. j. Propos recueillis par Jean Blot et introduits par la note suivante : « Quatre ouvrages de Denis de Rouge
300 uvelles. C’est la preuve éclatante de l’actualité et de la vitalité de ce penseur engagé dans tous les grands débats du si
301 seur engagé dans tous les grands débats du siècle et qui a su apporter à chacun une réponse originale en un style et par d
302 porter à chacun une réponse originale en un style et par des formules où s’affirme un maître écrivain. Cette œuvre me para
303 ondé un refus instinctif de choisir entre l’homme et le monde, l’individu et la société, la vie privée et la vie publique,
304 de choisir entre l’homme et le monde, l’individu et la société, la vie privée et la vie publique, l’art et la politique.
305 le monde, l’individu et la société, la vie privée et la vie publique, l’art et la politique. Par elle seront conciliés le
306 société, la vie privée et la vie publique, l’art et la politique. Par elle seront conciliés le philosophe, le publiciste,
307 etrouver l’unité des termes que l’habitude oppose et découvrir en l’un la substance de l’autre. Individu et société doiven
308 couvrir en l’un la substance de l’autre. Individu et société doivent se fondre dans l’unité de la personne, dignité à laqu
309 ccède que par l’engagement dans le monde — source et théâtre de sa vocation. La relation est réciproque. La société n’a po
310 ation est réciproque. La société n’a pour réalité et pour fin que les personnes qui la composent et son organisation doit
311 té et pour fin que les personnes qui la composent et son organisation doit la transformer en un terrain fertile où les voc
312 . Elle suppose une organisation de l’État où l’un et les divers seront conciliés : le fédéralisme. Elle conduit son auteur
8 1972, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Descartes inversé ou le zen occidental (14 décembre 1972)
313 ment, fournit au monde les champions de cet art ; et comme j’étais alors une jeune recrue animée d’un extrême désir d’être
314 trême désir d’être promue au grade de lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergen
315 tirer. Mais je suivais les conseils d’ordonnance, et je tirais aussi mal que possible. Car je me trouvais embarrassé de ta
316 Car je me trouvais embarrassé de tant de recettes et d’ordres assénés qu’il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir
317 nnée. Je faisais tout ce que l’on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais avec soin le cran d’arrêt,
318 l, reposant l’arme de temps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et, lorsque enfin je me croyais prêt selon la mé
319 mps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et , lorsque enfin je me croyais prêt selon la méthode des sergents, je m
320 des meilleurs tireurs. On négligeait les autres, et je me résolus à profiter de ce répit pour trouver par moi-même le sec
321 our trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus.
322 . Il se baissa vers moi, me saisit la main droite et l’écarta de la garde du fusil. « Voyez, dit-il, comme vos doigts sont
323 Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant dans mes yeux une bonne volonté en détresse : « C’est très sim
324 vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plu
325 in il me parut plus large, plus proche, bien mat, et immobile… La détonation me surprit. Je reposai mon arme en faisant sa
326 Je reposai mon arme en faisant sauter la douille et rechargeai machinalement. Et quand je levai les yeux, un petit disque
327 nt sauter la douille et rechargeai machinalement. Et quand je levai les yeux, un petit disque blanc d’où pendait un mince
328 ge surgit du bas de la cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jours plus tard, au scandale du serge
329 x galon, insigne des champions de l’école de tir, et l’arborais sur la manche droite de la tunique. Quant aux conséquences
330 a tunique. Quant aux conséquences plus lointaines et aux implications décisives, à mon sens, du conseil en trois mots de c
331 ce premier coup au but avait, en un instant, posé et vérifié pour le restant de mes jours la juste relation des moyens et
332 restant de mes jours la juste relation des moyens et des fins. Je n’en tirai d’abord que des formules abstraites, mais don
333 e le soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1) La considération minutieuse des moyens, la stric
334 stricte application d’une méthode réglant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéiss
335 nique éprouvée, l’obéissance aux préceptes légaux et coutumiers, ne suffisent pas pour atteindre le but, et peuvent être n
336 utumiers, ne suffisent pas pour atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent l’atten
337 nt oublier. 2) L’appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que d’abord la force vient à nous, déclenc
338 ante du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode, ou qu’aucun prétexte
339 mmuniquer plus de justice qu’elle n’en comporte ; et cela, aux seuls moyens qui portent à cette fin. Une fin sans justice
340 ce qu’elle inspire pour la rejoindre en vérité — et c’est Dieu seul1. Le jugement de bien ou de mal ne peut donc s’exerce
341 vaises, relativement à d’autres fins plus hautes, et dans la seule mesure où ces moyens servent nécessairement ces fins. C
342 es fins. Car un moyen vu sans sa fin est insensé, et ne saurait donc être jugé mauvais ou bon. 1. Relevons ici la simili
343 s au nom desquelles, au xvie siècle, calvinistes et jésuites se déchirèrent ; justification par la foi (la foi étant ferm
344 t ferme assurance, présence anticipée de la fin), et justification par la fin. k. Rougemont Denis de, « Descartes invers
345 mportera une doctrine de la personne, une morale, et une politique (histoire et prospective de la cité). L’auteur espère a
346 personne, une morale, et une politique (histoire et prospective de la cité). L’auteur espère achever cet ouvrage et le pu
347 de la cité). L’auteur espère achever cet ouvrage et le publier dans trois ans. »
9 1974, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). La révolte des régions : l’État-nation contre l’Europe (mars 1974)
348 r à un passé largement révolu, celui du Moyen Âge et de la féodalité », affirme M. Georges Pompidou. « Briser les nations
349 e six ou sept « nations » au sens ancien du terme et d’ethnies plus nombreuses encore par une autre nation qui leur impose
350 la seule qui exige encore des sacrifices humains, et les obtienne. Toutes ces déclarations traduisent une curieuse anxiété
351 ieuse anxiété dans l’esprit des hommes au pouvoir et une extrême nervosité de leurs polices, donc un danger, pour eux, rée
352 s fondamentaux dont ils me semblent les victimes. Et d’abord replaçons le concept de région dans le contexte de l’Europe d
353 gion dans le contexte de l’Europe d’aujourd’hui — et non pas du xixe siècle — hors duquel il ne serait, en effet, qu’« ab
354 ors duquel il ne serait, en effet, qu’« absurde » et « médiéval ». Il existe une raison majeure d’unir les Européens du xx
355 le : éviter leur colonisation politique par l’Est et leur colonisation économique par l’Ouest ; ou les deux ensemble. Non
356 t ; ou les deux ensemble. Non que les Soviétiques et les Américains soient de mauvaises gens, mais la colonisation est une
357 « faire l’Europe » que fédérale — non unitaire —, et les régions en fourniront le seul moyen ; Il est vital de rendre aux
358 ssibilité de participer aux décisions de la cité, et les régions en fourniront le seul moyen. L’Europe dite des patries, d
359 on voit très bien. Personne n’en veut d’ailleurs, et ses protagonistes moins que personne. Une Europe fédérale, au-dessus
360 sus du niveau des États-nations, suppose, appelle et implique des régions au-dessous de ce niveau. Trop petits pour jouer
361 ns devenait ainsi le précurseur de l’ère nouvelle et gagnait sur tous les tableaux de l’histoire du monde. C’était bien jo
362 gions périphériques doit s’arrêter à la frontière et s’exercer vers l’intérieur seulement. À Lyon, six ans plus tôt, le gé
363 égions d’entretenir « des relations plus directes et plus étroites avec l’extérieur » et il précisait : le Nord avec la Be
364 plus directes et plus étroites avec l’extérieur » et il précisait : le Nord avec la Belgique, la Lorraine et l’Alsace avec
365 précisait : le Nord avec la Belgique, la Lorraine et l’Alsace avec l’Allemagne, la Franche-Comté avec la Suisse, Rhône-Alp
366 -Comté avec la Suisse, Rhône-Alpes avec la Suisse et l’Italie, la Provence et le Languedoc avec le bassin méditerranéen, l
367 ône-Alpes avec la Suisse et l’Italie, la Provence et le Languedoc avec le bassin méditerranéen, l’Aquitaine avec l’Espagne
368 ine avec l’Espagne, la Bretagne avec l’Atlantique et la Normandie avec les Anglais. De Gaulle était un homme d’État, ses s
369 ouvoir aujourd’hui proclament qu’il faut la faire et font semblant de la vouloir, parce qu’ils savent bien que c’est impos
370 capitales, cela va de soi, mais aussi à Bruxelles et à Strasbourg, où l’on se veut avant tout « réaliste ». Ceux qui l’ont
371 ement, donnent 65,5 % en faveur de l’Europe unie. Et ce ne sont pas les difficultés économiques : elles seules ont contrai
372 se simultanément à la fédération (supranationale) et aux régions (infranationales) en vertu du complexe jacobin, hérité de
373 l consiste en une « équation entre le bien absolu et une collectivité correspondant à un espace territorial, à savoir la F
374 dans sa pensée le terme territorial de l’équation et met à la place un terme plus petit, comme la Bretagne, ou plus grand,
375 se principale de la crise actuelle de l’Occident, et l’obstacle principal à sa résolution. Là-dessus, tous les philosophes
376 . Là-dessus, tous les philosophes de la politique et la plupart des futurologistes se retrouvent d’accord, d’Herman Kahn à
377 nt d’accord, d’Herman Kahn à Bertrand de Jouvenel et de Toynbee à Georg Picht. Mais l’État-nation condamné se défend, avec
378 é, contre deux sortes d’adversaires : les ethnies et l’économie. Dès 1961, la Communauté économique européenne étudie le p
379 ent lieu à des activités de plus en plus intenses et variées, qui vont de la recherche historique et sociologique à la pos
380 s et variées, qui vont de la recherche historique et sociologique à la pose de charges de plastic aux quatre coins du cont
381 charges de plastic aux quatre coins du continent, et même en Suisse. Le danger majeur que représentent ces deux réactions
382 de reproduire en plus petit ce dont on a souffert et qu’on a décidé de détruire : des régions définies par une seule fonct
383 magine, au contraire, des régions fonctionnelles, et qui soient définies par un problème précis d’écologie, ou de transpor
384 rizon. Elles seront ouvertes les unes aux autres, et leur objectif général sera de nouer des liens, de créer un tissu de r
385 sme, qui se manifeste en Espagne comme en France, et en URSS comme dans le canton de Berne, est née des seuls excès de cen
386 mes sont insolubles dans le cadre stato-national, et qu’ils appellent la fédération du continent. Que cette révolte ait se
387 mouvement des régions en Europe — les États-Unis et l’empire russe suivront demain et après-demain — voilà qui suffit pou
388 les États-Unis et l’empire russe suivront demain et après-demain — voilà qui suffit pour qu’on pardonne leur nationalisme
389 la vie même sur ce globe. Le réveil régionaliste et fédéraliste en Europe est un mouvement puissant, profond et prometteu
390 iste en Europe est un mouvement puissant, profond et prometteur, dont il semble bien que les hommes politiques cités plus
391 ignorent à la fois les motivations, les finalités et l’ampleur. Non, messieurs, il ne s’agit pas d’une émeute, mais d’une
392 e s’agit pas d’une émeute, mais d’une révolution, et d’une espèce qui a de quoi surprendre. Il s’agit de recréer en Occide
10 1974, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Robert Aron : le témoin d’une génération passionnée (9 mars 1974)
393 ectuel que je découvrais au début des années 1930 et où j’allais vivre ma jeunesse littéraire et politique. Je le revois,
394 1930 et où j’allais vivre ma jeunesse littéraire et politique. Je le revois, dans ces années décisives, où les ombres mon
395 démesurées, devant nos démocraties inconscientes et désuètes. Nous fondions les premières revues et groupes personnaliste
396 s et désuètes. Nous fondions les premières revues et groupes personnalistes. Il venait du surréalisme, dont il avait conse
397 t il avait conservé une sorte d’aura aventureuse, et il s’occupait, je crois, des Cahiers du cinéma chez Gallimard, où il
398 ec ses gros yeux mélancoliques aux larges cernes, et sa distraction proverbiale — il était, disait-il, le seul officier fr
399 avec de soudaines réparties d’un humour déroutant et rapide, et beaucoup de présence d’esprit politique. Il était, dans no
400 daines réparties d’un humour déroutant et rapide, et beaucoup de présence d’esprit politique. Il était, dans notre groupe,
401 res mémorables. Dandieu, c’était la rigueur même, et il avait tout lu ; Robert Aron, c’était l’imaginatif vagabond, et il
402 lu ; Robert Aron, c’était l’imaginatif vagabond, et il savait mettre en scène les idées. À eux deux, ils ont donné deux o
403 i actuelles de région, d’autogestion des communes et des entreprises, et de service civil conçu comme une relève de la cla
404 n, d’autogestion des communes et des entreprises, et de service civil conçu comme une relève de la classe ouvrière, mieux
405 etrouvé dans l’œuvre d’historien de la Résistance et de Vichy de Robert Aron les convictions politiques de notre jeunesse,
406 i se manifeste dans Les Années secrètes de Jésus, et qui me rappelle les discussions passionnées que nous menions, au temp
407 dominaient le groupe, les catholiques d’ Esprit et quelques protestants groupés autour de la petite revue de théologie e
408 ts groupés autour de la petite revue de théologie et de philosophie existentielle que j’avais intitulée Hic et Nunc . Que
409 ent pu siéger ensemble pour témoigner de la durée et de la renaissance des idées passionnées de notre génération. m. Ro
11 1979, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Avez-vous lu Jérôme Deshusses ? (16 mars 1979)
410 ire, Voltaire disait : « Il a lu tous les Pères — et il nous le fait payer ! » Jérôme Deshusses a lu non pas une fois mais
411 ses a lu non pas une fois mais six fois tout Kant et tout Hegel (c’est vingt mille pages chacun), puis Schelling, et même
412 (c’est vingt mille pages chacun), puis Schelling, et même Condillac et tous les autres. Marx en entier, mais jamais cela n
413 pages chacun), puis Schelling, et même Condillac et tous les autres. Marx en entier, mais jamais cela ne se sent à le lir
414 fin d’une phrase justifie seule son commencement, et toute arrivée est à la fois motif de départ et moteur de parcours… To
415 t, et toute arrivée est à la fois motif de départ et moteur de parcours… Tout se définit par sa fin ou se détermine par so
416 e quel événement est présent avant d’être passé » et que « la direction du temps n’est point passé-présent-futur, mais l’i
417 ient dans le passé, comme le croit le sens commun et le suppose la science, reviendrait à dire qu’« un bateau est propulsé
418 échets, de ce qui ne sert à rien mais qui empeste et contamine. En quatre-vingts pages bourrées de faits et crépitant de f
419 ntamine. En quatre-vingts pages bourrées de faits et crépitant de formules éclatantes, Deshusses nous donne une descriptio
420 nète, mis fin à cinq-cent-trente espèces animales et à vingt mille espèces végétales, empoisonné les lacs Érié, Baïkal, Ba
421 tales, empoisonné les lacs Érié, Baïkal, Balaton, et des fleuves comme le Rhin, pollué par cinq pays. (« L’Europe des nati
422 lie rien… Des coups, elle peut en supporter mille et rendre soudain non pas œil pour œil mais apocalypse pour chiquenaude.
423 ger l’eau douce contre du sucre raffiné pour rien et du papier d’emballage fabriqué pour personne ? Rien, justement, et pe
424 ballage fabriqué pour personne ? Rien, justement, et personne, les deux piliers de la grande famille humaine. » Entre le d
425 rande famille humaine. » Entre le désordre absolu et la démence, la surpopulation et la bombe H, tout se met en place pour
426 e désordre absolu et la démence, la surpopulation et la bombe H, tout se met en place pour le final : « Entre la famine et
427 se met en place pour le final : « Entre la famine et la guerre, nous n’aurons pas le choix : il faudra subir les deux. » S
428 ujours en avant, vers l’avenir. « L’environnement et la nature, c’est d’abord nous : du premier nous sommes le centre, et
429 d’abord nous : du premier nous sommes le centre, et de la seconde nous représentons la pointe. » Figure de proue de l’His
430 choix qu’entre l’horreur de son propre tintamarre et la voie des aveux… Depuis que l’homme existe, l’idéal n’a pas plus de
431 nent : il veut dire ‟révélation” ». Entre Géhenne et Parousie, six chapitres non moins implacables développent la logique
432 a conduits où nous sommes : la Foire d’empoigne, et c’est l’économie fondée sur la compétition ; la Cellule de base, ce «
433 la vie ; le Musée des faussaires : l’enseignement et l’art moderne ; l’Observatoire de Babel, ou la relativité et la psych
434 derne ; l’Observatoire de Babel, ou la relativité et la psychanalyse reconduites à leurs tautologies ou à leur misère phil
435 quel les religions instituées, la foi, les cultes et Marx se voient renvoyés au néant noétique de leur commun matérialisme
436 redoutable autant par la densité de l’information et la rigueur de la déduction que par l’insolence du style, ils ont fait
437 totale, dénonce le couple mais aussi Marx, Freud et la science (qui l’a formé). Les dieux modernes et ceux de naguère se
438 et la science (qui l’a formé). Les dieux modernes et ceux de naguère se vengent : silence sur ce blasphémateur universel q
439 de nos faux-fuyants, une telle rage de dire vrai et plus encore, peut-être, cette manière intrépide et joyeuse de faire f
440 t plus encore, peut-être, cette manière intrépide et joyeuse de faire face à la vérité dans tous ses risques, on n’avait p
441 shusses ? », Le Monde, Paris, 16 mars 1979, p. 17 et 23.
12 1979, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Le fédéralisme helvétique dans l’Europe d’aujourd’hui (24-25 juin 1979)
442 lvétique aux admirateurs de Colbert, des jacobins et de Napoléon, est peut-être une tâche impossible dès le principe. Essa
443 a vallée d’Uri, la commune de la vallée de Schwyz et la commune de ceux de la vallée inférieure d’Unterwald ». C’étaient l
444 r unique intersection, entre les sources du Rhône et du Rhin, reliant ainsi d’un seul trait les deux moitiés du Saint-Empi
445 t les deux moitiés du Saint-Empire, la germanique et la latine. S’unir pour rester libres Garder libre le col pour to
446 our toute l’Europe, telle est la mission initiale et fondatrice des vallées, qui reçoivent à cette fin l’« immédiateté imp
447 le, juré en 1291, « statué pour l’utilité commune et devant, s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». Autour de ce premier
448 lles libres d’Empire, communes autonomes urbaines et rurales groupées en petites républiques oligarchiques ou populaires,
449 t dans plusieurs guerres civiles, jusqu’en 1848), et , avant tout, on est jaloux de préserver ses traditions particulières,
450 , au lendemain d’une dernière guerre de religion, et devant la montée, dans toute l’Europe, du mouvement de masses visant
451 ales uniformes. Contre ce double péril, intérieur et extérieur, les cantons vont faire mieux que renouveler leur pacte gén
452 trie contre l’étranger, maintenir la tranquillité et l’ordre à l’intérieur, protéger la liberté et les droits des confédér
453 ité et l’ordre à l’intérieur, protéger la liberté et les droits des confédérés, accroître leur prospérité commune. » L’art
454 n’est pas limitée par la Constitution fédérale », et qu’ils exercent « tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir
455 par l’article 3, leurs Constitutions, la liberté et les droits du peuple, les droits constitutionnels des citoyens, ainsi
456 fédération a seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix, ainsi que de faire avec des États étrangers des
457 e de faire avec des États étrangers des alliances et des traités, notamment de douanes et de commerce. » L’autorité suprêm
458 es alliances et des traités, notamment de douanes et de commerce. » L’autorité suprême de la Confédération sera exercée pa
459 eil national, formé des députés du peuple suisse, et le Conseil des États (correspondant au Sénat américain), formé de deu
460 al composé de sept membres, élus par l’Assemblée, et qui dirigent chacun un département fédéral (ou ministère). Ces minist
461 e). Ces ministres ne représentent pas les cantons et ne sont pas renversés par les chambres. Si tel projet de loi qu’ils p
462 ans se retirer eux-mêmes. Les droits d’initiative et de référendum, tant en matière constitutionnelle que législative, son
463 nse, les relations avec les grands États voisins, et la politique économique générale. Situation en tous points comparable
464 culières, qui autrement resteraient sans défense, et que nul n’aurait charge d’assurer. Sans l’union fédérale, qui procure
465 elle eût subi le sort de Genève — l’annexion pure et simple, assaisonnée de préfets et de la lecture exclusive mais obliga
466 l’annexion pure et simple, assaisonnée de préfets et de la lecture exclusive mais obligatoire du Moniteur. On a trop dit q
467 en dépit de la diversité, mais pour la maintenir et perpétuer, parce qu’en elle seule, résident la santé et la vitalité d
468 pétuer, parce qu’en elle seule, résident la santé et la vitalité de l’ensemble. On voit ici la double erreur tragique des
469 la double erreur tragique des jacobins de gauche et de droite, qui s’imaginent, comme MM. Marchais et Debré, que le fédér
470 et de droite, qui s’imaginent, comme MM. Marchais et Debré, que le fédéralisme interne conduirait au séparatisme, tandis q
471  » primitives de la France, de la Grande-Bretagne et , dans une moindre mesure, de l’Espagne — ces trois prototypes de l’Ét
472 aculaires, avec la récente Constitution espagnole et le projet de Constitution belge. Mais, dira-t-on, toutes les fédérati
473 ux accordé aux dimensions de la tâche considérée, et toujours en partant des plus petites unités : communes, ateliers, coo
474 té peut faire, les États ne doivent pas le faire. Et ce que les États peuvent faire, le gouvernement fédéral ne doit pas l
475 tés ci-dessus) ou mondial (s’il s’agit des océans et des forêts de la planète, c’est-à-dire de l’air respirable par l’espè
476 e, ne correspond qu’à des définitions académiques et , par nature, conventionnelles. En revanche, lorsqu’on l’invoque avec
477 ération optent pour la formule méfiante, égoïste, et qui prévoit l’échec à terme, de la simple liaison : je ne m’engage à
478 elà de ce qui me convient, tant pis pour l’autre. Et ceux qui préconisent la fédération optent pour la formule créatrice e
479 nt la fédération optent pour la formule créatrice et confiante du mariage : nous nous engageons réciproquement « pour le m
480 nous engageons réciproquement « pour le meilleur et pour le pire […] jusqu’à ce que la mort nous sépare », donc sans limi
481 ntérêt ni de temps. Enfin quelque chose de grand, et qui serait en même temps raisonnable ! Fédéral ou confédéral, le modè
482 dernier témoin de l’antique unité de nos peuples et le présage d’un renouveau possible. p. Rougemont Denis de, « Le f
483 urd’hui », Le Monde, Paris, 24–25 juin 1979, p. 5 et 9.
13 1982, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). L’amour, les régions et l’Occident (20 août 1982)
484 L’amour, les régions et l’Occident (20 août 1982)q r Quel est le principe qui rassemble le
485 , qui s’est constituée dans ma jeunesse, entre 20 et 25 ans : l’homme considéré en tant que personne. Cela voulait dire po
486 urd’hui « les non-conformistes des années 1930 », et que j’ai connus dès mon arrivée à Paris en 1931. Ils allaient publier
487 en 1931. Ils allaient publier les revues Esprit et L’Ordre nouveau 2, auxquelles j’ai collaboré dès leur naissance. J’
488 te revue protestante de « théologie dialectique » et de « philosophie existentielle », Hic et Nunc , qui introduisit en F
489 sit en France, en 1932, les œuvres de Kierkegaard et de Karl Barth, mais aussi de Heidegger et Jaspers. Politique de la
490 kegaard et de Karl Barth, mais aussi de Heidegger et Jaspers. Politique de la personne , 1934, Penser avec les mains ,
491 , 1936, ont développé les conséquences politiques et culturelles du personnalisme. Quant à L’Amour et l’Occident , paru e
492 et culturelles du personnalisme. Quant à L’Amour et l’Occident , paru en 1939, il est né de la rencontre dramatique de l’
493 est né de la rencontre dramatique de l’engagement et de la passion. Deux personnes qui s’engagent pour la vie, c’est le ma
494 en écrivant ce livre que les notions de personne et d’amour-passion n’existaient qu’en Europe, et c’est peut-être le poin
495 nne et d’amour-passion n’existaient qu’en Europe, et c’est peut-être le point de départ de cette longue interrogation sur
496 ropéenne que j’ai menée dans beaucoup d’ouvrages, et qui m’a conduit après la guerre à fonder, à Genève, le Centre europée
497 s. Une étude approfondie de la culture européenne et de ses sources m’a porté à des conclusions d’ordre politique. Pour dé
498 lle de la culture gréco-latine, judéo-chrétienne, et d’abord celtique et germanique, avec des apports arabes et slaves, co
499 éco-latine, judéo-chrétienne, et d’abord celtique et germanique, avec des apports arabes et slaves, contre l’anti-Europe d
500 d celtique et germanique, avec des apports arabes et slaves, contre l’anti-Europe des États-nations, une seule solution :
501 tion : le fédéralisme, l’union dans la diversité, et même l’union pour les diversités à protéger. Ce qui rejoint exactemen
502 tre même la seule, de nos théories personnalistes et fédéralistes. Et j’ai écrit pendant les premiers mois de la guerre M
503 , de nos théories personnalistes et fédéralistes. Et j’ai écrit pendant les premiers mois de la guerre Mission ou démissi
504 t le 15 juin 1940 sur l’entrée de Hitler à Paris, et qui a été considéré comme « insulte à chef d’État étranger », donc me
505 t que « la confrontation stupéfiante de cet homme et de cette ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au mo
506 vement de résistance à tout prix, à la fois civil et militaire, la Ligue du Gothard. Je devenais gênant. On m’a envoyé aux
507 a envoyé aux États-Unis faire connaître la Suisse et jouer l’oratorio Nicolas de Flue , dont j’avais écrit le texte pour
508 ocialisme dans tous mes livres d’avant la guerre, et surtout dans mon Journal d’Allemagne , qu’il se garde bien de citer.
509 Quels ont été les rapports entre le personnalisme et l’existentialisme ? L’existentialisme sartrien nous a beaucoup emprun
510 s formules comme : « L’engagement de l’écrivain » et « l’homme à la fois libre et responsable ». Sartre savait très bien o
511 ment de l’écrivain » et « l’homme à la fois libre et responsable ». Sartre savait très bien où il les avait prises, et me
512 . Sartre savait très bien où il les avait prises, et me l’a dit tout net à New York, mais ne l’a jamais répété à Paris, se
513 ant qu’en France, en Italie autant qu’en Hollande et en Belgique. Ils ont influencé plus ou moins profondément plusieurs c
514 plus ou moins profondément plusieurs chefs d’État et leaders politiques dès 1948, année du premier congrès de l’Europe à L
515 , année du premier congrès de l’Europe à La Haye, et jusqu’à nos jours. Et ce sont eux qui ont suscité un peu partout la r
516 grès de l’Europe à La Haye, et jusqu’à nos jours. Et ce sont eux qui ont suscité un peu partout la renaissance de l’idée r
517 eu partout la renaissance de l’idée régionaliste, et de l’idée de service civil. Nous avions tous en commun cette définiti
518 n : une personne responsable dans une communauté, et non pas un individu collectivisé malgré lui. Là-dessus, j’ai élaboré
519 e tous les hommes. Un sentier qui n’est pas tracé et que chacun doit inventer en y marchant. « Ma parole est une lampe à m
520 ’a fait l’effet d’une résurgence de nos problèmes et de nos révoltes des années 1930. Mais sans lendemain. D’autre part, u
521 ut porter, c’est-à-dire à l’échelle d’une région, et que les régions, pour garantir leur autonomie, doivent s’unir en fédé
522 de la régionalisation sont protestants, Defferre et Rocard. Vous voyez un rapport entre protestantisme et régionalisme ?
523 ocard. Vous voyez un rapport entre protestantisme et régionalisme ? Bien sûr. Chacun sait que l’Église des papes a repris
524 ie siècle, sous la direction des princes du sang et de maréchaux protestants, ont été bien près de créer une république f
525 genossen, qui signifie « compagnons du serment », et qui désignait alors les Suisses confédérés. Pour en revenir à la « dé
526 pas le faire. » Chaque problème doit être traité et résolu à son échelle, c’est tout le secret du système fédéraliste que
527 crise de notre civilisation. Depuis les jacobins et Napoléon, le mot d’ordre a été de tout centraliser. Nos États-nations
528 paix, dans les États d’abord, en Europe ensuite, et à l’échelle mondiale finalement. L’écrivain, fauteur de prises de
529 ce Pour beaucoup de gens, vous êtes avant tout et malgré tout le reste, l’auteur de L’Amour et l’Occident . Pensez-vou
530 out et malgré tout le reste, l’auteur de L’Amour et l’Occident . Pensez-vous que ce livre ait un impact différent aujourd
531 juge par le nombre de rééditions, de traductions et de préfaces nouvelles, au cours de ces trois dernières années, c’est-
532 ils prennent conscience de ce que sont la passion et le mariage, et de leur antinomie. Et cette lecture peut les aider à p
533 nscience de ce que sont la passion et le mariage, et de leur antinomie. Et cette lecture peut les aider à préciser des not
534 t la passion et le mariage, et de leur antinomie. Et cette lecture peut les aider à préciser des notions qui restaient con
535 , pour vous, ont le mieux exprimé les consciences et l’inconscient de notre époque ? Pour l’inconscient, par définition, i
536 is Spengler, Toynbee, Paul Valéry, Lewis Mumford, et j’oserais suggérer mes livres. Dès l’âge de 22 ans, j’ai écrit contre
537 res. Dès l’âge de 22 ans, j’ai écrit contre Ford, et quelques années plus tard contre Hitler : l’auto et le national-socia
538 quelques années plus tard contre Hitler : l’auto et le national-socialisme sont ce que j’ai appelé les deux « histoires d
539 lé les deux « histoires de fous » du xxe siècle, et les plus meurtrières. En militant pour une fédération de l’Europe des
540 l’économie, les « impératifs » de la technologie et la « fatalité » de la guerre, c’est-à-dire, dans l’ère nucléaire, dev
541 la menace d’une catastrophe totale de l’humanité. Et c’est pourtant le siècle où l’homme a conquis les moyens les plus fab
542 leux de sa liberté ! Car ces lois, ces structures et ces prétendus impératifs mortels, c’est nous les hommes qui les avons
543 mier ouvrage consacré à l’engagement de la pensée et du penseur, je répète que l’avenir est l’affaire de chacun de nous, i
544 que l’avenir est l’affaire de chacun de nous, ici et maintenant. Mais le fait est que mes contemporains ont plus peur qu’e
545 n train — car elle contribue à coup sûr à ma joie et peut-être à mon salut. Et merci Dieu si ce n’est pas seulement au mie
546 ue à coup sûr à ma joie et peut-être à mon salut. Et merci Dieu si ce n’est pas seulement au mien. 2. Rien à voir avec
547 mont Denis de, « [Entretien] L’amour, les régions et l’Occident », Le Monde, Paris, 20 août 1982, p. 11. r. Propos recuei
548 11. r. Propos recueillis par Jacqueline Demornex et introduits par le chapeau suivant : « Denis de Rougemont, qui est sui
549 travail — l’ancienne grange, — le sourcil oblique et sombre, un foulard gris et rose dans le col d’une chemise noire, il f
550 , — le sourcil oblique et sombre, un foulard gris et rose dans le col d’une chemise noire, il fait beaucoup plus jeune que
551 isait : “Comment, c’est vous l’auteur de L’Amour et l’Occident  ? On vous imaginait avec une grande barbe blanche !” Il n
552 rbe blanche !” Il n’a toujours pas cette tête-là, et il déroute toujours autant le public, pour qui il est tantôt le théor