1 1954, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Visite à M. Denis de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture (septembre 1954)
1 ropéens. Pourtant l’Unesco couvre ces domaines et vous parlez de nécessité… En voulant rester européen, notre Centre ne fera
2 de susciter l’éveil d’un sentiment européen. Avez- vous également une activité politique ou économique ? Quand on dit « Europ
2 1972, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). « Le respect du réel, c’est le revers du paradoxe » (14 décembre 1972)
3 Denis de Rougemont, dans une page inspirée de votre livre sur la Suisse, vous évoquez le Gothard comme le cœur de l’Europ
4 s une page inspirée de votre livre sur la Suisse, vous évoquez le Gothard comme le cœur de l’Europe, puisque Rhin, Rhône, Da
5 latin, disons la France. Comment et pourquoi avez- vous choisi le versant français de votre pays et de vous-même ? Mais je n’
6 pourquoi avez-vous choisi le versant français de votre pays et de vous-même ? Mais je n’ai pas eu à choisir ! Le français es
7  ? Mais l’écrire… Bon Dieu ! pour qui nous prenez- vous  ? Rousseau, Mme de Staël, Benjamin Constant, Amiel, C. F. Ramuz, C.-A
8 n devint devoir, et je le détestai aussitôt. D’où votre haine de l’école ? Cela remonte plus haut. À 5 ans, avec l’aide de ma
9 rd’hui, souvent dans les mêmes termes. Ainsi, dès votre premier essai, vous étiez engagé… Je ne rêvais pourtant que de poésie
10 les mêmes termes. Ainsi, dès votre premier essai, vous étiez engagé… Je ne rêvais pourtant que de poésie et d’écriture. Mes
11 français ; c’est pourtant vers les Allemagnes que vous partez, à vingt ans. Oui. De vingt à trente ans, c’est bien le versan
12 n du Danube . L’engagement et le clerc C’est votre œuvre la plus romantique. Vous y découvrez le bonheur d’écrire et vou
13 le clerc C’est votre œuvre la plus romantique. Vous y découvrez le bonheur d’écrire et vous vous écoutez vivre et penser.
14 mantique. Vous y découvrez le bonheur d’écrire et vous vous écoutez vivre et penser. Alors, le saut entre les pages de ce jo
15 que. Vous y découvrez le bonheur d’écrire et vous vous écoutez vivre et penser. Alors, le saut entre les pages de ce journal
16 ui voient triompher Hitler, Mussolini et Staline… Vous écriviez dans votre Cahier de revendications publié par la NRF en déc
17 Hitler, Mussolini et Staline… Vous écriviez dans votre Cahier de revendications publié par la NRF en décembre 1932 : « Nous
18 que les hommes vivent et demeurent des hommes… » Vous étiez engagé ! Je puis revendiquer la paternité du concept d’engageme
19 , Paulhan m’écrivit : « Il faut choisir : ou bien vous exposez des idées, ou bien vous jouez du violon. » J’écrivis, sur son
20 choisir : ou bien vous exposez des idées, ou bien vous jouez du violon. » J’écrivis, sur son conseil, une première partie in
21 1930, mais aussi de celui d’aujourd’hui ? Oui, si vous entendez par l’un l’exigence spirituelle, par l’autre l’exigence de l
22 s’il s’agissait d’un poème. Dans les années 1930, vous dirigiez ou, au moins, vous participiez à la direction de trois revue
23 Dans les années 1930, vous dirigiez ou, au moins, vous participiez à la direction de trois revues. Vous collaboriez à plusie
24 vous participiez à la direction de trois revues. Vous collaboriez à plusieurs autres. Elles représentaient pourtant des ten
25 cation N’est-ce pas déjà ce qui s’annonce dans vos journaux, que vous avez recueillis sous le titre de Journal d’une ép
26 pas déjà ce qui s’annonce dans vos journaux, que vous avez recueillis sous le titre de Journal d’une époque  ? J’ai toujou
27 ont seuls vivants, réels, dignes d’intérêt. Ou si vous voulez, le vrai sujet de ma réflexion est l’époque, mais conçue comme
28 erme géopolitique : L’Amour et l’Occident . Pour vous qui étiez si engagé dans une pensée politique et religieuse, comment
29 que et religieuse, comment se fait-il que l’amour vous ait intéressé ? Dites-moi plutôt comment il faudrait faire pour ne pa
30 pourquoi le mariage est une vocation. Si bien que votre livre est contre la passion… Pas du tout ! Condamner la passion n’aur
31 e mariage. C’est un paradoxe. Il en est d’autres. Votre pensée si grave… C’est vous qui le dites ! N’oubliez pas mes Lettres
32 Il en est d’autres. Votre pensée si grave… C’est vous qui le dites ! N’oubliez pas mes Lettres sur la bombe atomique , ou
33 itarisme que par l’humour, et par rien d’autre. … Votre pensée si soucieuse de cohérence paraît connaître plus que le goût, l
34 i esthétique, pour respirer un peu ou permettre à votre lecteur de respirer ? Nullement. Le paradoxe est essentiel. C’est le
35 t l’autonomie… l’Un et le Divers… paradoxe. Voyez- vous , le respect du réel, c’est le respect du paradoxe. C’est vrai qu’il m
36 ssaire à son action. Choisir l’avenir… Avez- vous été amené à réviser votre livre eu égard à tous les changements qui s
37 hoisir l’avenir… Avez-vous été amené à réviser votre livre eu égard à tous les changements qui sont intervenus dans nos mœ
38 ? Nouveau paradoxe. Surtout pour un penseur comme vous qui scrutez les signes avant-coureurs de l’avenir de l’Europe et du m
39 qu’il en a, pour la première fois, la liberté. » Vous me direz que c’est encore un paradoxe. Mais oui ! Celui de la vérité,
3 1972, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Descartes inversé ou le zen occidental (14 décembre 1972)
40 ’observait. C’était un tout jeune lieutenant. — «  Vous tirez mal », dit-il avec une douceur froide, au moment où je me félic
41 arta de la garde du fusil. « Voyez, dit-il, comme vos doigts sont crispés. Rien d’étonnant si vous tirez trop bas. Vous arr
42 comme vos doigts sont crispés. Rien d’étonnant si vous tirez trop bas. Vous arrachez… Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il m
43 crispés. Rien d’étonnant si vous tirez trop bas. Vous arrachez… Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant
44 ant si vous tirez trop bas. Vous arrachez… Voulez- vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant dans mes yeux une bonn
45 en trois mots : pensez au noir ! Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Quand vous
46 ue fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Quand vous serez assez concentré, laissez-vous simplement hypnotiser par ce peti
47 ’arrêt. Quand vous serez assez concentré, laissez- vous simplement hypnotiser par ce petit disque noir à 300 mètres qui danse
48 0 mètres qui danse sur la ligne de mire. Sans que vous l’ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oub
49 . Sans que vous l’ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez
50  : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?…
51 bliez le reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais pl
52 intenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque no
4 1974, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). La révolte des régions : l’État-nation contre l’Europe (mars 1974)
53 de rendre un sens à ces mots de notre langue que vos calculs ont oubliés : communauté, amitié, voisinage. n. Rougemont
5 1979, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). Avez-vous lu Jérôme Deshusses ? (16 mars 1979)
54 Avez- vous lu Jérôme Deshusses ? (16 mars 1979)o D’un moine qui lui servait d
55 Il était temps. o. Rougemont Denis de, « Avez- vous lu Jérôme Deshusses ? », Le Monde, Paris, 16 mars 1979, p. 17 et 23.
6 1982, Le Monde et Le Monde diplomatique (1950-1982). L’amour, les régions et l’Occident (20 août 1982)
56 t le principe qui rassemble les divers aspects de votre personnalité ? Disons que c’est une idée de l’homme, qui s’est consti
57 nnalistes des années 1930. N’est-ce pas parce que vous êtes suisse que vous êtes fédéraliste ? Quand je suis arrivé à Paris,
58 1930. N’est-ce pas parce que vous êtes suisse que vous êtes fédéraliste ? Quand je suis arrivé à Paris, à 25 ans, la Suisse
59 de la guerre Mission ou démission de la Suisse . Vous avez passé une partie de la guerre à New York, pourquoi ? À cause d’u
60 s écrit le texte pour Honegger. Comment expliquez- vous votre réputation d’homme d’extrême droite ? — (Il se fâche.) Où prene
61 it le texte pour Honegger. Comment expliquez-vous votre réputation d’homme d’extrême droite ? — (Il se fâche.) Où prenez-vous
62 mme d’extrême droite ? — (Il se fâche.) Où prenez- vous ça ? Il faudrait n’avoir rien lu de moi, sauf quelques citations dans
63 ir en fédérations nationales, puis continentales. Vos réactions, quand la gauche française a annoncé son programme de décen
64 onalisation sont protestants, Defferre et Rocard. Vous voyez un rapport entre protestantisme et régionalisme ? Bien sûr. Cha
65 de prises de conscience Pour beaucoup de gens, vous êtes avant tout et malgré tout le reste, l’auteur de L’Amour et l’Oc
66 este, l’auteur de L’Amour et l’Occident . Pensez- vous que ce livre ait un impact différent aujourd’hui qu’à sa publication
67 es à ceux qu’on attend d’une psychanalyse. Pensez- vous que les tabous identifiés dans Les Mythes de l’amour soient encore vi
68 re victorienne, bourgeoise. Quels écrivains, pour vous , ont le mieux exprimé les consciences et l’inconscient de notre époqu
69 inconscient, par définition, il est impossible de vous répondre, du moins tout de suite. Aujourd’hui, sans trop de recherche
70 nées 1920. Pour les consciences, au pluriel comme vous avez raison de le marquer, je citerais Spengler, Toynbee, Paul Valéry
71 -dire comme fauteur de prises de conscience. Êtes- vous pessimiste ou optimiste ? Si je vous réponds que «  l’avenir est notr
72 cience. Êtes-vous pessimiste ou optimiste ? Si je vous réponds que «  l’avenir est notre affaire  », me trouverez-vous pessi
73 ue «  l’avenir est notre affaire  », me trouverez- vous pessimiste ou optimiste ? En fin de compte, comment jugez-vous ce siè
74 te ou optimiste ? En fin de compte, comment jugez- vous ce siècle ? C’est sans nul doute de tous les siècles de notre civilis
75 endant la guerre, on lui disait : “Comment, c’est vous l’auteur de L’Amour et l’Occident  ? On vous imaginait avec une gran
76 est vous l’auteur de L’Amour et l’Occident  ? On vous imaginait avec une grande barbe blanche !” Il n’a toujours pas cette