1 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Violence et brutalité (1er juin 1937)
1 Violence et brutalité (1er juin 1937)a À plusieurs reprises, les collaborateurs de ces Cahiers ont déclaré qu’
2 éléments réellement divers, c’est-à-dire opposés à l’origine. Toute collaboration créatrice suppose un but nouveau, que
3 es desseins divergeaient) s’imposent et cherchent à atteindre au moyen d’une discipline commune. Mais toute nouveauté « f
4 e commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à un état de choses donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’es
5 on. On aboutirait, dans le cas le plus favorable, à un banal échange d’informations, dans l’indifférence générale. Il y a
6 térêt urgent pour le groupe des Nouveaux Cahiers, à préciser la signification du mot violence, dans la mesure où cela dép
7 ns la mesure où cela dépend de nous, c’est-à-dire à l’intérieur du groupe et dans ces pages. Sur le « pouvoir des mots 
8 i simples ni indifférentes ; qu’elles sont mêlées à toutes nos activités, dans la mesure où la pensée y est mêlée ; qu’el
9 aujourd’hui fortement compromises, s’accordaient à leur attribuer. Aussi ont-ils pris peu à peu des contenus mal définis
10 ent, parce qu’on la regarde mal ?) On en est venu à assimiler violence à brutalité, à contrainte par la force matérielle 
11 egarde mal ?) On en est venu à assimiler violence à brutalité, à contrainte par la force matérielle : on parle des « viol
12 On en est venu à assimiler violence à brutalité, à contrainte par la force matérielle : on parle des « violences policiè
13 se et vulgaire, ou comme une nécessité désespérée à laquelle il faut recourir lorsqu’on se trouve « injustement attaqué »
14 aqué » (toute attaque apparaît d’ailleurs injuste à ceux qui la subissent). Un homme violent, c’est une espèce de brute q
15 es mutations brusques.) Elle a donc tout avantage à nier ou à dissimuler les antagonismes qu’elle domine ou étouffe, tels
16 ns brusques.) Elle a donc tout avantage à nier ou à dissimuler les antagonismes qu’elle domine ou étouffe, tels que la lu
17 it inévitablement la culture créatrice. Elle tend à substituer aux conflits déclarés des « gentlemen’s agreements ». Elle
18 tlemen’s agreements ». Elle essaie de sauvegarder à tout prix une évolution continue et sans heurts. (D’où le retard perm
19 que constitue la filière universitaire.) Il faut à tout prix que « tout s’arrange » (c’est-à-dire que rien ne change vra
20 t trop horrible » (c’est-à-dire : cela obligerait à envisager le monde d’une façon nouvelle). En même temps, les organism
21 fondamentale : que les institutions ne durent qu’ à force d’être recréées, réinventées, reprises sans relâche à la base…
22 être recréées, réinventées, reprises sans relâche à la base… Ayant peur de la chose, on rabaisse le mot qui la désigne :
23 vons ici le glissement sémantique de « violence » à « brutalité ». Puis, ayant de la sorte disqualifié la violence — car
24 d’accord pour condamner la brutalité —, on se met à abuser du mot dans le sens le plus péjoratif. J’en donnerai un exempl
25 toute l’équivoque de la situation : on a coutume, à droite et au centre, de vilipender le marxisme en le traitant de « do
26 monde, pour y réaliser ses vues, il fait violence à un état de choses. Et ceci dans n’importe quel domaine, qu’il s’agiss
27 aine, qu’il s’agisse d’élever des blocs de pierre à la hauteur d’un cintre, de labourer la terre, ou d’écrire un ouvrage
28 que crée naturellement cet acte, malaise qui est à l’origine de l’état d’esprit conservateur que nous décrivions tout à
29 at d’esprit conservateur que nous décrivions tout à l’heure. D’où aussi le risque que l’acte institue pour celui qui l’os
30 is c’est précisément ce sentiment de malaise, lié à l’euphorie du risque encouru, qui est le signe normal d’une création
31 époques de décadence sont celles où l’on en vient à redouter par-dessus tout ce malaise (à le qualifier de scandale) et à
32 n en vient à redouter par-dessus tout ce malaise ( à le qualifier de scandale) et à l’éprouver plus fortement que l’euphor
33 s tout ce malaise (à le qualifier de scandale) et à l’éprouver plus fortement que l’euphorie du risque, du jeu. C’est un
34 e l’Évangile qui ont conduit les chrétiens moyens à insister uniquement sur la douceur et la subtile aménité de l’esprit.
35 révolution ainsi comprise est aussi indispensable à la vie sociale que l’imagination l’est à la vie individuelle. D’aille
36 pensable à la vie sociale que l’imagination l’est à la vie individuelle. D’ailleurs, si la violence est libératrice, elle
37 contraire ! Tout ceci n’apparaîtrait paradoxal qu’ à ceux qui n’auraient pas su distinguer la vraie violence de la brutali
38 de là que je m’y mette, et je n’ai pas de raisons à te donner, il n’y en a pas, ou pas d’avouables… Mais la brutalité peu
39 la logique une certaine brutalité, reconnaissable à un caractère de contrainte externe, comme mécanique, et qui ne tient
40 bilité féminine réagit d’ordinaire avec précision à cette brutalité de la logique ; elle la déteste absolument, tandis qu
41 ui est encore plus intolérable qu’elle ne l’était à l’ordre bourgeois. Aussi se donne-t-elle pour première tâche de tuer
42 alinienne a pour effet systématique de substituer à l’esprit d’autonomie, de responsabilité spirituelle et de risque pers
43 ’où le recours constant des nationaux-socialistes à Nietzsche, abus flagrant (que toute la pensée du poète-philosophe dén
44 ce). Là encore, il semble qu’une certaine logique à courte vue préside à cette stérilisation profonde des jeunes générati
45 mble qu’une certaine logique à courte vue préside à cette stérilisation profonde des jeunes générations fascistes et stal
46 énérations fascistes et staliniennes : on cherche à obtenir par des moyens brutaux, par des contraintes externes, un « re
47 utant que la défensive est en principe inférieure à l’agressivité. Se méfier de la violence, avoir peur des risques fécon
48 l’Ouest » — comme dit le Führer — et qui consiste à biaiser avec les difficultés, à masquer les antagonismes de fait, et
49 — et qui consiste à biaiser avec les difficultés, à masquer les antagonismes de fait, et à les déconcerter provisoirement
50 fficultés, à masquer les antagonismes de fait, et à les déconcerter provisoirement à force de « combines » et de compromi
51 rien, temporise indéfiniment, ne peut conduire qu’ à un état de désordre où la brutalité ne trouvera plus de résistance sé
52 violence suscite mécaniquement une brutalité qui, à son tour, ne peut pas supporter la vraie violence. Le libéralisme et
53 qu’il survient. Le destin des démocraties est lié à l’éducation ; celui des dictatures à la contrainte. Le seul moyen de
54 ties est lié à l’éducation ; celui des dictatures à la contrainte. Le seul moyen de prévenir cette contrainte, c’est d’or
55 tard sachent qu’ils sont par là même les premiers à rendre le tyran fatal. 1. Ce qui a pu faire illusion, reconnaisson
2 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Comment savoir à quoi ils pensent (Quelques remarques sur la méthode) (1er novembre 1937)
56 Comment savoir à quoi ils pensent (Quelques remarques sur la méthode) (1er novembre 19
57 s remarques sur la méthode) Le désir de savoir à quoi pense le voisin trahit sans doute, à l’origine, une crainte obsc
58 savoir à quoi pense le voisin trahit sans doute, à l’origine, une crainte obscure qu’on a de lui ; révèle ensuite que l’
59 de lui ; révèle ensuite que l’on nourrit soi-même à son endroit quelque intention bonne ou mauvaise. Ces deux mouvements
60 doute une analyse un peu poussée révélerait-elle à l’origine de la recherche la plus abstraite, de la soif de savoir la
61 nt dans leur belle nudité lorsqu’un amant demande à l’autre : « À quoi penses-tu ? » — À rien, dit-elle. Naturellement… ⁂
62 elle nudité lorsqu’un amant demande à l’autre : «  À quoi penses-tu ? » — À rien, dit-elle. Naturellement… ⁂ Essayer de sa
63 mant demande à l’autre : « À quoi penses-tu ? » — À rien, dit-elle. Naturellement… ⁂ Essayer de savoir à quoi ils pensent
64 ien, dit-elle. Naturellement… ⁂ Essayer de savoir à quoi ils pensent, c’est se mettre en mesure d’agir sur eux. (Pour eux
65 e humain quelconque, c’est l’opération nécessaire à laquelle doivent se livrer tous ceux qui sont soucieux, en politique
66 x, en politique ou en économie, d’adapter l’offre à la demande. Mais ce peut être aussi un moyen efficace de se libérer d
67 tifie suffisamment notre rubrique. Il reste alors à reconnaître les dangers d’une semblable méthode, et les limites de sa
68 ndité. ⁂ Tant qu’on n’aura pas inventé la machine à lire les pensées, nous serons bien forcés de nous contenter de leur e
69 nous contenter de leur expression par le langage. À quoi ils pensent… pour nous, c’est : Ce qu’ils disent. En fait, c’est
70 pas les mêmes pensées, si l’on passe d’un groupe à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-
71 pe à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans « le peup
72 t du sens qu’il leur donne lorsqu’il les répète ? À distance et en gros, l’on peut croire que tous les Français, par exem
73 e sur cette croyance, et la presse arrive parfois à lui donner une certaine consistance. Mais ce qui peut être vrai stati
74 j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-Jean du Gard, expliquait à sa voisine qui paraissait malade : —
75 t un petit hôtel à Saint-Jean du Gard, expliquait à sa voisine qui paraissait malade : — Tu demanderas bien un espécialis
76 iste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’ à te rappeler épicerie. — Épicerie pour spécialiste, vous n’auriez jama
77 livre, il y trouva jointe une petite note écrite à l’encre rouge par le correcteur de l’imprimerie : Épicerie et spéci
78 Épicerie et spécialiste. L’auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, o
79 pécialiste) sont le même mot. Tous deux remontent à species (latin). Les espèces, devenues épices, étaient : gingembre, m
80 ce qu’ils disent », il faut donc bien se résoudre à de grossières approximations. Le danger serait alors d’ignorer qu’il
81 nez des variations sur la réponse des amoureux («  à rien ») ou bien des phrases toutes faites empruntées au journal, à la
82 des phrases toutes faites empruntées au journal, à la campagne électorale. C’est que l’homme-moyen n’a pas coutume de se
83 ie. Il faut donc éviter tout ce qui ressemblerait à une enquête : d’abord à cause du malentendu sur les mots, ensuite à c
84 tout ce qui ressemblerait à une enquête : d’abord à cause du malentendu sur les mots, ensuite à cause de ce défaut de moy
85 laissez donc parler les gens longtemps, souvent, à bâtons rompus, et sur n’importe quel sujet ; vous finirez peut-être,
86 s que toi, on va aller au travail, et toi tu iras à la pêche. Ils partent pour le marais, vont tirer le sel, font ce qu’i
87 marais, vont tirer le sel, font ce qu’ils avaient à faire. Moi je vais à l’écluse, je ramasse des anguilles, quelques cra
88 sel, font ce qu’ils avaient à faire. Moi je vais à l’écluse, je ramasse des anguilles, quelques crabes, deux ou trois ja
89 mais moi je n’en mange pas. Tantôt, ils s’en vont à leur ouvrage, moi je reste ici. Ils rentrent vers 6 heures, les jeune
90 question directe qui eût ainsi pu faire répondre à cette femme : « À quoi je pense avant tout, c’est au pain quotidien. 
91 qui eût ainsi pu faire répondre à cette femme : «  À quoi je pense avant tout, c’est au pain quotidien. » ⁂ Il est rare qu
92 rique : pour agir, ou simplement pour se préparer à une action non encore déterminée, l’esprit a besoin de conclusions, d
93 chez le bistrot ou autour d’une table de famille. À considérer de trop près leur langage, on conclurait volontiers que le
94 gens ne pensent rien de clair ni de raisonnable ; à le considérer trop superficiellement, qu’ils ne pensent qu’à l’instar
95 érer trop superficiellement, qu’ils ne pensent qu’ à l’instar du journal. Il faut essayer de se maintenir à mi-distance en
96 nstar du journal. Il faut essayer de se maintenir à mi-distance entre les bizarreries individuelles et les lieux communs
97 reries individuelles et les lieux communs éculés, à mi-distance entre le pittoresque et la statistique, à ce niveau où le
98 -distance entre le pittoresque et la statistique, à ce niveau où le langage est suffisamment habituel pour que les petite
99 réclame la liberté, des libertés, et s’en réclame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien qu’à Berlin. Mais ce n’est pl
100 iberté, des libertés, et s’en réclame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien qu’à Berlin. Mais ce n’est plus que par l
101 s libertés, et s’en réclame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien qu’à Berlin. Mais ce n’est plus que par l’intonatio
102 lame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien qu’ à Berlin. Mais ce n’est plus que par l’intonation, l’élan, la mimique d
103 ment. b. Rougemont Denis de, « Comment savoir à quoi ils pensent ? (Quelques remarques sur la méthode) », Les Nouveau
3 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Lectures dirigées dans le IIIe Reich (15 décembre 1937)
104 talogue d’éditeur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion des fêtes. Le catalogue comporte environ 80 titres (public
105 tumes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques. Voici la l
106 sur cent titres, que quatre ou cinq se rapportant à la race. Par contre, la liste que je viens de recopier ne donne qu’un
107 fusion moyenne du livre allemand, très supérieure à celle du livre français. Reste à savoir si cet énorme effort de propa
108 très supérieure à celle du livre français. Reste à savoir si cet énorme effort de propagande aboutit réellement ; s’il s
109 de propagande aboutit réellement ; s’il satisfait à une de­mande réelle du public ; s’il traduit la pensée réelle du lect
110 peler que dans un état totalitaire, la question «  à quoi pensent ?… » tend à se réduire à la question : « à quoi leur dit
111 talitaire, la question « à quoi pensent ?… » tend à se réduire à la question : « à quoi leur dit-on de penser ? » C’est-à
112 question « à quoi pensent ?… » tend à se réduire à la question : « à quoi leur dit-on de penser ? » C’est-à-dire qu’on a
113 pensent ?… » tend à se réduire à la question : «  à quoi leur dit-on de penser ? » C’est-à-dire qu’on a remplacé la mode
114 t donc être intéressant de se reporter maintenant à un organe qui s’efforce de traduire fidèlement les désirs officiels d
115 l, publie, comme chaque année, un article destiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment des achats de Noël. Voici l
116 s, retour au Moyen Âge germanique. Je vous laisse à imaginer les rêves du lecteur allemand, heureux bénéficiaire de ces «
4 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Du danger de s’unir (15 avril 1938)
117 et fermée par le plébiscite grand-allemand. Face à l’affirmation de l’unité germanique, faite et scellée en deux coups d
118 e poing, la France, un mois durant, s’est énervée à discourir sur sa désunion. J’entends bien que tout le monde n’a parlé
119 possibilité. Car quand la droite propose l’union à condition que la gauche renonce à ses réformes, et quand la gauche pr
120 propose l’union à condition que la gauche renonce à ses réformes, et quand la gauche propose l’union à condition que la d
121 ses réformes, et quand la gauche propose l’union à condition que la droite adopte son programme, c’est que, de part et d
122 de part et d’autre, on est très fermement décidé à ne pas s’unir. Cette double hypocrisie est sans doute un hommage que
123 sans doute un hommage que l’esprit partisan rend à l’union sacrée. Mais ce qui m’apparaît le plus dangereux dans cette a
124 la faire. ⁂ Il est vrai qu’on n’en est encore qu’ à s’en servir comme d’un prétexte pour légitimer des coups bas. Discour
125 que ministres. Le Parti communiste fait crier : «  À bas Blum ! » au Vélodrome d’Hiver, et le lendemain, fait publier par
126 t que Blum reste au pouvoir ! » Le Parti radical, à la Chambre, soutient un ministère qu’il renverse au Sénat. Et que fon
127 intervention se prend décidément très vite. Quant à la droite, on renonce à résumer son jeu ; sans doute n’en sait-elle p
128 cidément très vite. Quant à la droite, on renonce à résumer son jeu ; sans doute n’en sait-elle plus elle-même les règles
129 orte ses capitaux. Antisémite, elle oppose Mandel à Blum. Nationaliste, elle soutient Franco, agent d’Hitler, qui est un
130 out s’explique aisément. ⁂ Or, ce qui est le plus à redouter, ce n’est pas tant qu’on triche sous prétexte d’union, mais
131 , le peuple de France, un beau jour, ne se décide à jouer sérieusement, — à jouer le jeu de l’union sacrée. Ce qui est gr
132 n beau jour, ne se décide à jouer sérieusement, —  à jouer le jeu de l’union sacrée. Ce qui est grave, ce qu’il faut redou
133 n’amène les droites et les gauches en même temps à ne plus concevoir leur union que sous la forme d’un Anschluss, d’une
134 libre, ou simplement de l’intelligence, équivaut à une trahison… Enfin, il ne manque pas de politiciens pour estimer que
135 mplicite affirmation, qui est celle du réarmement à outrance, et même au-delà. Mais la presse n’en parlera pas, cela va d
136 era pas, cela va de soi, c’est le seul but commun à tous les partis existants. On peut se payer l’élégance de le taire. T
137 le reste. Hitler menace la paix de l’Europe ? Qu’ à cela ne tienne, décrétons l’état de guerre et c’est Hitler qui sera b
138 , et comme cela les dictateurs n’auront plus rien à supprimer chez nous ! Les primitifs s’accordent à tenir pour sacrée l
139 à supprimer chez nous ! Les primitifs s’accordent à tenir pour sacrée l’absence totale de raison chez un être doté d’une
140 u résoudre, ont essayé de supprimer en se donnant à un Führer. Ce que le monde attend de la France, c’est une audace libé
141 politique, l’audace de pousser les conflits jusqu’ à leur pleine maturation, jusqu’à leur solution réelle. L’audace de fai
142 es conflits jusqu’à leur pleine maturation, jusqu’ à leur solution réelle. L’audace de faire passer cette mission créatric
143 t ans de retard, Hitler vient de gagner la guerre à Vienne. Avec vingt ans d’avance sur Hitler, la France va-t-elle enfin
144 aisons que je termine sur une question. S’opposer à l’union sacrée, ce n’est pas faire l’éloge du désordre présent, du dé
145 honteux de lui-même, et que ses excès conduisent à rêver d’un fascisme. Mais il s’agit de savoir si la France, réellemen
5 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Vues sur le national-socialisme (1er juin 1938)
146 fication et leur actualité après deux ans. I. —  À quoi pensent… Les bourgeois. — J’arrivais de Paris persuadé que l
147 ojets de résistance, ils se dérobent. Je parviens à leur faire avouer que le bolchévisme brun est tout de même, à leurs y
148 avouer que le bolchévisme brun est tout de même, à leurs yeux, moins affreux que le rouge. Il n’y a pas eu de massacres.
149 doute pas, en Europe, de classe plus indifférente à la vie politique, plus passive vis-à-vis de l’État, plus lâche devant
150 talitaire. D’autre part, le régime nouveau a pris à tâche d’éduquer tout ce monde : d’où le didactisme pesant des innombr
151 ective d’un peuple que le besoin de porter remède à ses carences profondes, et de les compenser. Hitler est en train d’op
152 isme sont destinés — plus ou moins consciemment — à masquer le caractère antiallemand des méthodes qu’on applique en fait
153 aves, grognent les Prussiens. Méthodes jacobines, à mon sens3. Car ce qu’il s’agit d’inculquer à cette inerte bourgeoisie
154 nes, à mon sens3. Car ce qu’il s’agit d’inculquer à cette inerte bourgeoisie, ce n’est pas le sens du groupe qu’elle avai
155 ce pays ? Je me dis parfois que si l’on parvient à éviter de nouveaux conflits armés, il se peut que l’hitlérisme appara
156 é obtenue par la fixation des devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable. — En somme, vous ête
157 our compagnon un ouvrier de mon usine. On apprend à se connaître en partageant la même chambre. Nous suivions des cours d
158 des soirées libres, nous les passions en commun, à l’auberge du village… Je le sens tout rajeuni : il est retourné à l’é
159 illage… Je le sens tout rajeuni : il est retourné à l’école ; et tout délivré : ces ouvriers sont au fond des braves type
160 lètement démoli, un temps. On ne peut plus croire à rien. » Maintenant il est disciple de Nicolaï Hartmann : la volonté,
161 s pour ses subordonnées, de s’occuper des secours à donner aux plus pauvres, de les visiter quand elles sont malades (c’e
162 e. C’est le contraire. Comparez la jeune Führerin à une jeune fille du même âge, chez nous ! Mais l’initiative qu’on exig
163 de quoi manger et travailler. Hitler ? Il n’a qu’ à appliquer son programme, maintenant qu’il a gagné. C’était presque le
164 étations théoriques, vraies et vraisemblables une à une, mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse. C
165 espoir. « Il doit y avoir une clé », écrivais-je à ce moment. C’est alors que se produisit le coup d’audace du 7 mars, l
166 mètres le long des avenues. Et le tambour se mit à battre — deux coups lents, trois coups rapprochés — on l’entendait en
167 ’après-midi, dans un café près de l’Opéra. Je dis à mon compagnon, le dramaturge allemand L. : — Vous y croyez, vous, à l
168 e dramaturge allemand L. : — Vous y croyez, vous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas une formule grandiloquente
169 t allez-y tout de suite, car les portes s’ouvrent à 5 heures. — Mais il n’est annoncé que pour 9 heures. — Venez voir ! D
170 jà rangés, immobiles. Le Führer viendra au balcon à 11 heures. D’ici là, ces hommes ne bougeront pas. Je me perds dans de
171 s le matin — et je ne puis franchir les portes qu’ à 5 heures 10. Comment fait-on pour occuper en dix minutes 30 000 place
172 rs convergents. Des masses brunes s’étagent jusqu’ à la troisième galerie, les visages indistincts. Immense roulement de t
173 t les autocars, et l’afflux des campagnards venus à pied, il y aura un million d’auditeurs immédiats. Quelques femmes s’é
174 s’allument sur la voûte, pointant vers une porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait apparaî
175 ôt plus que les cris rauques de mes voisins.) Pas à pas il s’avance, il accueille l’hommage, le long de la passerelle qui
176 ille l’hommage, le long de la passerelle qui mène à la tribune. Pendant six minutes, c’est très long. Personne ne peut re
177 u’on doit appeler l’horreur sacrée. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est l
178 eur sacrée. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur culte qu’ils célèbre
179 ournit de la copie aux marxistes et aux libéraux. À les lire, on conçoit très bien comment la mécanique a joué en fait, e
180 c’était fatal, et que c’est très dangereux. Reste à savoir pourquoi cela s’est réalisé. Car on ne nous parle jamais que d
181 s » qu’on nous fournit se réduisent en définitive à une reconstruction plus ou moins cohérente des phénomènes apparents,
182 cohérente des phénomènes apparents, c’est-à-dire à une description. Et dès lors qu’il s’agit de phénomènes aussi complex
183 de phénomènes aussi complexes, on n’a pas de mal à faire « coller » cette description avec telle doctrine qu’on voudra :
184 eur. Il a fallu si peu changer pour « expliquer » à l’aide des mêmes schémas que le contraire se soit produit en fait… De
185 ndividu une angoisse, — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’union, donc vers u
186 réfuter les critiques qui s’y trouvent formulées à l’endroit du régime hitlérien. Il explique tout d’abord que ce régime
187 le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à quelque chose, nous voulions vivre pour quelque chose. Nous avons été
188 pour quelque chose. Nous avons été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité de croire. Le christianism
189 ire de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple allemand. Nous voulons croire à l’immortalité du
190 a mission du peuple allemand. Nous voulons croire à l’immortalité du peuple (un arbre dont nous ne sommes que les feuille
191 dont nous ne sommes que les feuilles qui tombent à chaque génération) et peut-être réussirons-nous à y croire. Ruine de
192 à chaque génération) et peut-être réussirons-nous à y croire. Ruine des croyances communes, carence du christianisme, ap
193 unes, carence du christianisme, appel irrationnel à de nouvelles raisons de vivre, volonté angoissée de croire à la premi
194 les raisons de vivre, volonté angoissée de croire à la première qui se présente — fût-elle aussi invraisemblable que « l’
195 de ce qui se fait là-bas. Il y a bien des choses à y prendre. » Certes, Hitler a rétabli l’ordre dans la rue. Il fait ré
196 portent leur petite contribution, toute bénévole, à l’effort de la propagande totalitaire dans nos pays. Ils le font sans
197 cial qu’on admire en Allemagne puisse être obtenu à bas prix, par des méthodes plus ou moins « habiles », ou « rationnell
198 ens qu’elle prend par rapport au mouvement total, à la religion de la nation, et au contenu de cette religion, la volonté
199 fait, l’Église confessionnelle ; c’est-à-dire qu’ à la religion de la nation et de la Race ne s’oppose plus que la foi pr
200 l’on vient d’esquisser. IV. — Perspectives À Berlin, les milieux qui se disent bien informés prophétisent la chute
201 p de raisons de douter que son régime ne conduise à la guerre. Non pas que les chefs et les troupes veuillent la guerre !
202 stence sont celles d’une mobilisation ; il compte à chaque instant avec l’éventualité d’une guerre, et il y puise sa forc
203 uisse bien finir. Tout se ramène donc, pour nous, à un problème de force. Mais non pas de forces pour « gagner » la guerr
204 empêcher, et de condamner ainsi le régime adverse à une autodestruction de ses énergies belliqueuses. Or, se montrer fort
205 udrait imposer au pays une discipline équivalente à celle qui régit les Allemands. À supposer que l’on y réussisse, on se
206 line équivalente à celle qui régit les Allemands. À supposer que l’on y réussisse, on se trouverait encore en arrière : d
207 grandes et des petites démocraties pour résoudre à leur manière propre le problème religieux (plus que social) qu’ont ré
208 qui ne soit pas cette volonté anxieuse de croire à la Nation… Le seul problème pratique, sérieux, urgent et réellement f
209 la question est de savoir si nous saurons mettre à profit pour le résoudre le délai que nous accordent encore une situat
210 es. 3. Pour le semestre d’été, je fus autorisé à choisir comme sujet de cours : la littérature de la Révolution frança
211 rature de la Révolution française. Je m’appliquai à démontrer que le national-socialisme est un jacobinisme allemand ; mê
212 e religion purement nationale et civique destinée à remplacer les confessions « vieillies » et « divisées ». Il faut crée
6 1939, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Faire le jeu d’Hitler (1er janvier 1939)
213 ant que la faiblesse de l’adversaire. Il écrivait à ce sujet (dans un langage qui, selon lui, ne devait point permettre d
214 ne ce livre paru, certains critiques signifièrent à l’auteur qu’en « prétendant être objectif », il « faisait en réalité
215 d’un état d’esprit dont la seule existence suffit à justifier l’effort de nos Cahiers. ⁂ Qu’une « prise de parti » effica
216 la psychologie cou­rante de l’enfance. J’interdis à mon fils, âgé de trois, ans, de s’approcher du feu. Il s’en approche,
217 u plus haut point ce que j’appellerai le chantage à la tendance. Chantage qui consiste à dire : si vous prétendez rester
218 le chantage à la tendance. Chantage qui consiste à dire : si vous prétendez rester objectif en présence de telle ou tell
219 u telle réalité, c’est que vous avez une tendance à la favoriser. Toutes les fois que ce chantage se manifeste, je suis c
220 n auteur est la proie d’une pas­sion inavouable — à ses propres yeux — pour la réalité qu’il m’interdit d’examiner. Je pr
221 bine, bolchéviste ou fasciste) a toujours dénoncé à la vindicte publique les « individus », c’est-à-dire ceux qui discute
222 orthodoxie trop rigoureuse. Dans tous les cas et à tous les stades, c’est la tendance que l’on punit, non pas les actes
223 vec un maximum d’efficience. S’ils étaient amenés à discuter, par suite à donner les raisons de leur jugement, ils s’aper
224 ience. S’ils étaient amenés à discuter, par suite à donner les raisons de leur jugement, ils s’apercevraient qu’en réalit
225 ses vues, du moins sa manière de voir la vie. (Ou à l’inverse : qu’ils sont très loin de leurs alliés.) Si les hommes de
226 tiennent essentiellement, les uns et les autres, à condamner ou à défendre Hitler non point pour ce qu’il est, mais pour
227 tiellement, les uns et les autres, à condamner ou à défendre Hitler non point pour ce qu’il est, mais pour ce que leur pa
228 par les droites. Pour des raisons trop complexes à examiner ici, il se trouve que la droite jouit en France, provisoirem
229 ’une plus grande liberté d’esprit que la gauche. ( À de nombreuses exceptions près, bien sûr. J’en citerais d’assez éclata
230 des deux côtés.) ⁂ Si l’on veut conserver un sens à l’expression « faire le jeu d’Hitler », il me paraît indispensable de
231 ppuyant, mais les communistes le font en poussant à la guerre, M. Flandin fait le jeu d’Hitler en le félicitant, mais Mme
232 raint de voir l’identité des actes qu’il reproche à Hitler, et des actes qu’il loue chez Staline. (Je néglige ici les pré
233 passion, sa passion inavouable, qui est identique à celle de son « adversaire ». Alors il dit que je suis très méchant… ⁂
234 les non-fascistes devient très aisé. Il coïncide, à très peu de choses près, avec la distinction entre ceux qui préconise
235 cré est toujours ambigu : l’horreur toujours liée à l’attirance. En discutant Hitler, je le profane. C’est beaucoup plus