1 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Violence et brutalité (1er juin 1937)
1 es donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer une discipline en vue d’attein
2 une discipline en vue d’atteindre un but commun, c’est encore « faire violence » aux intérêts particuliers. Toute collaborat
3 tude générale, une certaine conception de la vie. C’est ainsi — entre autres — que le « pouvoir des mots » est réel. Peut-êtr
4 . Peut-être dira-t-on qu’il n’est que trop réel : c’est que la plupart des mots ont été vidés du sens — primitif ou secondair
5 nt « mal vue » de la majorité des Français. (Mais c’est peut-être, justement, parce qu’on la regarde mal ?) On en est venu à
6 juste à ceux qui la subissent). Un homme violent, c’est une espèce de brute qui refuse de discuter, de donner ses raisons, et
7 vec bêtise. Qu’il y ait là un glissement de sens, c’est évident. Mais encore faut-il expliquer comment il a pu se produire. J
8 de la chose, on rabaisse le mot qui la désigne : c’est une espèce de conjuration magique. Nous retrouvons ici le glissement
9 i l’imposera. Tout acte créateur de l’esprit — et c’est l’esprit seul qui crée — est une « transgression » des lois admises j
10 ue que l’acte institue pour celui qui l’ose. Mais c’est précisément ce sentiment de malaise, lié à l’euphorie du risque encou
11 plus fortement que l’euphorie du risque, du jeu. C’est un affadissement et une trahison certaine de l’Évangile qui ont condu
12 yaume de Dieu est promis aux violents. Là encore, c’est l’influence de la morale bourgeoise qui a fait perdre sa vigueur au c
13 ait de l’esprit, elle se confond avec la liberté. C’est elle seule qui délivre l’homme de la chaîne des routines et des lois
14 a chaîne des routines et des lois qu’il se forge, c’est elle seule qui l’empêche de se laisser emprisonner dans ses propres i
15 e, donc incapable en soi de rien créer et animer. C’est la brimade, la vexation, le choc qui blesse sans régénérer, la suppre
16 nie la signification profonde de toute existence. C’est tout d’abord un processus matériel grossier et brusque, qui se produi
17 utalité Confondre la violence et la brutalité, c’est se placer dans une position spirituelle inférieure, pour autant que l
18 avoir peur des risques féconds qu’elle institue, c’est se priver des meilleures armes dont nous disposions contre la brutali
19 uelle) du signe moins (en fait sinon en théorie). C’est pourquoi l’un prépare l’autre, qu’il redoute, et se trouve désarmé lo
20 inte. Le seul moyen de prévenir cette contrainte, c’est d’orienter l’éducation vers une prise de conscience vigoureuse de la
21 1. Ce qui a pu faire illusion, reconnaissons-le, c’est la théorie de la dictature du prolétariat d’une part, et le ton « bru
2 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Comment savoir à quoi ils pensent (Quelques remarques sur la méthode) (1er novembre 1937)
22 ellement… ⁂ Essayer de savoir à quoi ils pensent, c’est se mettre en mesure d’agir sur eux. (Pour eux, contre eux, ou avec eu
23 d’une profession, d’un groupe humain quelconque, c’est l’opération nécessaire à laquelle doivent se livrer tous ceux qui son
24 on par le langage. À quoi ils pensent… pour nous, c’est  : Ce qu’ils disent. En fait, c’est sans doute autre chose. Voici tend
25 nt… pour nous, c’est : Ce qu’ils disent. En fait, c’est sans doute autre chose. Voici tendus tous les pièges du langage. Les
26 empruntées au journal, à la campagne électorale. C’est que l’homme-moyen n’a pas coutume de se formuler clairement ce qu’il
27 rencontre une vieille paysanne. Elle se plaint : c’est la jambe qui ne va plus ! D’où cela vient-il ? — C’est depuis qu’ils
28 la jambe qui ne va plus ! D’où cela vient-il ? —  C’est depuis qu’ils m’ont volé ma chèvre, me répond-elle. Je lui demande co
29 ma chèvre, me répond-elle. Je lui demande comment c’est arrivé, et voici le récit, noté sur l’heure : C’était le 26 de juill
30 lles, quelques crabes, deux ou trois jambes. Bon, c’est ce qu’il faut pour manger. Ils rentrent d’avoir tiré le sel et mangen
31 en faim. Le plus jeune, il a toujours faim, alors c’est pareil. Je dis : oh ! vous avez faim, je vais vous faire une soupe au
32 ler se coucher ! Ils mangent et on va se coucher. C’est le lendemain matin que j’ai vu qu’ils avaient pris la chèvre. Je n’i
33 dre à cette femme : « À quoi je pense avant tout, c’est au pain quotidien. » ⁂ Il est rare que le film d’une conversation, no
3 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Du danger de s’unir (15 avril 1938)
34 n à condition que la droite adopte son programme, c’est que, de part et d’autre, on est très fermement décidé à ne pas s’unir
35 , ce n’est pas l’hypocrisie ni l’esprit partisan, c’est l’hommage et l’union sacrée. L’hypocrisie est trop grossière pour tro
36 sacrée. Ce qui est grave, ce qu’il faut redouter, c’est que le désir de riposter au coup d’Hitler n’amène les droites et les
37 pulsion des indésirables ; évacuation des usines. C’est tout. Il est vrai que ces quatre négations couvrent une implicite aff
38 Mais la presse n’en parlera pas, cela va de soi, c’est le seul but commun à tous les partis existants. On peut se payer l’él
39 u’à cela ne tienne, décrétons l’état de guerre et c’est Hitler qui sera bien attrapé ! Trois dictatures menacent nos libertés
40 l’annexion d’une moitié de la France par l’autre, c’est la rendre irréalisable, dans l’état actuel des choses. J’en conclus q
41 sans émotion, j’en conclus que beaucoup y rêvent. C’est ce rêve qui peut tourner au cauchemar. Car seule la force brutale peu
42 e n’est pas un Führer de plus, mais au contraire, c’est la solution des problèmes que d’autres, n’ayant pu résoudre, ont essa
43 à un Führer. Ce que le monde attend de la France, c’est une audace libératrice. L’audace d’assumer tous les risques de la lib
4 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Vues sur le national-socialisme (1er juin 1938)
44 en reconnaître qu’ils sont tous contre le régime. C’est un bolchévisme déguisé, répètent-ils. Drôle de « rempart ». Ils se pl
45 civique, pour tout dire. Par un curieux paradoxe, c’est le régime national-socialiste qui est en train de leur faire découvri
46 entre le jacobinisme et le national-socialisme : c’est que le premier parlait des droits du citoyen, tandis que le second ne
47 s hommes ; Mussolini une religion de l’Empire, et c’est à peine si les Italiens avaient jamais été une nation ; Hitler une re
48 de l’homme… Le régime le dégoûte et le repousse. C’est la dictature des butors et des imbéciles. Je lui pose ma question hab
49 n travail sur Barrès : « la terre et les morts », c’est à peu près le Blut und Boden (sang et sol) des nazis. Comme il aime B
50 des nazis. Comme il aime Barrès, cela le rassure. C’est une voie d’approche, un compromis avec le régime détesté. (Note de 19
51 pauvres, de les visiter quand elles sont malades ( c’est un contrôle), et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des q
52 elles sont malades (c’est un contrôle), et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des questions très délicates, enfa
53 ntent libres. Car la liberté, pour un adolescent, c’est tout ce qui ne dépend pas de la famille, fut-ce la plus dure discipli
54 us que le « fascisme » tue l’esprit d’initiative. C’est le contraire. Comparez la jeune Führerin à une jeune fille du même âg
55 e âge, chez nous ! Mais l’initiative qu’on exige, c’est celle qui sert l’État et qui est prévue par lui ; c’est celle que la
56 celle qui sert l’État et qui est prévue par lui ; c’est celle que la tactique moderne exige du soldat dans le terrain. Contra
57 ’uniforme des communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’une Kameradschaft (com
58 révolutions et émeutes. Vous ne savez pas ce que c’est . Nous en avons eu assez chez nous. Maintenant nous voulons du travail
59 tuer pour lui ! » Et il répète : « Lui au moins, c’est un homme sincère, et c’est le seul… » II. — Le fait central J’e
60 pète : « Lui au moins, c’est un homme sincère, et c’est le seul… » II. — Le fait central J’en étais là de mes étonnemen
61 doit y avoir une clé », écrivais-je à ce moment. C’est alors que se produisit le coup d’audace du 7 mars, l’occupation de la
62 relle qui mène à la tribune. Pendant six minutes, c’est très long. Personne ne peut remarquer que j’ai les mains dans mes poc
63 prit demeure lucide. Ce que j’éprouve maintenant, c’est cela qu’on doit appeler l’horreur sacrée. Je me croyais à un meeting
64 e masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur culte qu’ils célèbrent ! Et c’est une liturgie qui se déroule, l
65 ique. Mais c’est leur culte qu’ils célèbrent ! Et c’est une liturgie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’une religi
66 ique a joué en fait, et que c’était fatal, et que c’est très dangereux. Reste à savoir pourquoi cela s’est réalisé. Car on ne
67 exemples. Mais ce qu’on laisse toujours échapper, c’est le principe d’actualisation des phénomènes, ou si j’ose dire : c’est
68 ’actualisation des phénomènes, ou si j’ose dire : c’est la grâce efficace. Les choses ont tourné de telle sorte ; et l’on exp
69 conduisait droit au communisme. Ce qui m’effraye, c’est leur souplesse dans l’erreur. Il a fallu si peu changer pour « expliq
70 i a jeté l’Autriche dans les bras du Führer. Mais c’est l’attraction passionnée qu’exerce une religion naissante, si basse qu
71 aque individu une angoisse, — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’union, donc vers
72 estaurée. « Et nous voici sauvés du communisme. » C’est ainsi que beaucoup de braves gens croient trouver un terrain d’entent
73 vec les dictatures qu’ils condamnent en principe. C’est ainsi qu’ils apportent leur petite contribution, toute bénévole, à l’
74 l’admirer isolément, ou pour essayer de l’imiter. C’est une belle ironie sur le libéralisme impénitent que cette manière libé
75 hants, ni même si bêtes. Mais ce qu’il faut voir, c’est que la volonté des hommes n’a jamais pesé si peu que dans les régimes
76 sants. Ce qui est puissant, ce qui commande tout, c’est le mécanisme de la dictature totalitaire, c’est la structure du régim
77 , c’est le mécanisme de la dictature totalitaire, c’est la structure du régime. Or, la structure de l’État totalitaire — quel
78 ’État totalitaire — quelle que soit sa doctrine — c’est l’état de guerre. Tout ce que l’on fait là-bas se fait au nom de l’un
79 de Goering lui-même. « Du beurre ou des canons », c’est un slogan de la propagande nazie, et qui déchaîne régulièrement l’ent
80 s. Cela n’a aucune importance. Car ce qui compte, c’est la Nation, et non pas les individus. Or la Nation, pratiquement c’est
81 non pas les individus. Or la Nation, pratiquement c’est l’État. Et cet État est né de la guerre ; il y prépare du simple fait
82 éril totalitaire par des plans de « réarmement », c’est introduire chez nous le Cheval de Troie. Car pour s’armer autant que
83 arrière : de deux grands pays également surarmés, c’est celui qui dispose de la plus forte mystique qui doit fatalement triom
84 tique, sérieux, urgent et réellement fondamental, c’est celui que nous pose l’angoisse des individus isolés, et l’appel relig
85 ncrète et patriotique », disait l’abbé Grégoire : c’est le « christianisme positif et allemand » des nazis… Tout cela fut éco
5 1939, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Faire le jeu d’Hitler (1er janvier 1939)
86 te brûler ! — Vilain papa, tu es très méchant ! » C’est mon dialogue avec certains « antifascistes » dès que j’essaie de les
87 contre toute évidence, que le feu ne brûle pas ? C’est parce qu’il n’ose ni ne peut dire : j’ai envie de toucher le feu bien
88 r objectif en présence de telle ou telle réalité, c’est que vous avez une tendance à la favoriser. Toutes les fois que ce cha
89 actéristique de toute mentalité « totalitaire » ? C’est le refus de discuter. Et de là vient le terrorisme. La Terreur (jacob
90 goureuse. Dans tous les cas et à tous les stades, c’est la tendance que l’on punit, non pas les actes ou les opinions déclaré
91 es. On ne réfute pas ; on jette la suspicion. Or, c’est ce trait fondamental de la mentalité totalitaire que je retrouve dans
92 suis très méchant… ⁂ Vous êtes hitlérien ! — Non, c’est vous !… Comment sortir de ce dialogue puéril ? Simplement, en déclara
93 usion réfléchie. 4. Refuser de discuter Hitler, c’est le « tabouer », le considérer comme l’adversaire sacré. Le sacré, c’e
94 le considérer comme l’adversaire sacré. Le sacré, c’est ce qu’on ne discute pas. Mais le sacré est toujours ambigu : l’horreu
95 l’attirance. En discutant Hitler, je le profane. C’est beaucoup plus dangereux pour son mythe que les vociférations sacrées