1 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Violence et brutalité (1er juin 1937)
1 violence, et qu’ils s’efforçaient d’y substituer une méthode de collaboration et de compréhension réciproque. Or, une coll
2 collaboration et de compréhension réciproque. Or, une collaboration et une compréhension réciproques ne peuvent être fécond
3 ompréhension réciproque. Or, une collaboration et une compréhension réciproques ne peuvent être fécondes que si elles réuni
4 ne peuvent être fécondes que si elles réunissent des éléments réellement divers, c’est-à-dire opposés à l’origine. Toute c
5 l’origine. Toute collaboration créatrice suppose un but nouveau, que des hommes auparavant antagonistes (c’est-à-dire don
6 llaboration créatrice suppose un but nouveau, que des hommes auparavant antagonistes (c’est-à-dire dont les intérêts et les
7 t) s’imposent et cherchent à atteindre au moyen d’ une discipline commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à un état
8 commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à un état de choses donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’est l
9 à un état de choses donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer une discip
10 mes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer une discipline en vue d’atteindre un but commun, c’est encore « faire vio
11  ; et s’imposer une discipline en vue d’atteindre un but commun, c’est encore « faire violence » aux intérêts particuliers
12 iers. Toute collaboration créatrice implique donc une certaine violence. Autrement, il ne s’agirait que d’un assemblage pur
13 rtaine violence. Autrement, il ne s’agirait que d’ un assemblage purement quantitatif d’éléments semblables ou apparentés.
14 arentés. La compréhension réciproque ne serait qu’ une constatation pure et simple, une tautologie, une formalité ennuyeuse.
15 que ne serait qu’une constatation pure et simple, une tautologie, une formalité ennuyeuse. Il n’y aurait ni effort, ni créa
16 ’une constatation pure et simple, une tautologie, une formalité ennuyeuse. Il n’y aurait ni effort, ni création. On aboutir
17 . On aboutirait, dans le cas le plus favorable, à un banal échange d’informations, dans l’indifférence générale. Il y a do
18 différence générale. Il y a donc, me semble-t-il, un intérêt urgent pour le groupe des Nouveaux Cahiers, à préciser la sig
19 me semble-t-il, un intérêt urgent pour le groupe des Nouveaux Cahiers, à préciser la signification du mot violence, dans l
20 r du groupe et dans ces pages. Sur le « pouvoir des mots » « Simple question de vocabulaire », a-t-on coutume de répli
21 nous avons ouvert la rubrique intitulée « Pouvoir des mots » pour montrer justement que les questions de vocabulaire ne son
22 ent important pour « l’action » que la définition des mots qui la désignent, ou qui la trahissent ; qui en assurent la sign
23 , ou qui faussent cette signification et masquent une inefficacité réelle. Toute définition de mot, qu’on le sache ou non,
24 de mot, qu’on le sache ou non, suppose et définit une attitude générale, une certaine conception de la vie. C’est ainsi — e
25 ou non, suppose et définit une attitude générale, une certaine conception de la vie. C’est ainsi — entre autres — que le « 
26 ie. C’est ainsi — entre autres — que le « pouvoir des mots » est réel. Peut-être dira-t-on qu’il n’est que trop réel : c’es
27 t été vidés du sens — primitif ou secondaire — qu’ une société et une culture, aujourd’hui fortement compromises, s’accordai
28 sens — primitif ou secondaire — qu’une société et une culture, aujourd’hui fortement compromises, s’accordaient à leur attr
29 nt à leur attribuer. Aussi ont-ils pris peu à peu des contenus mal définis, souvent contraires aux usages anciens, et qui p
30 remplis au hasard, — et en tout cas, ils ont pris des valeurs ou des sens nouveaux qu’il importe au plus haut point de redé
31 rd, — et en tout cas, ils ont pris des valeurs ou des sens nouveaux qu’il importe au plus haut point de redéfinir et de réo
32 définir et de réorganiser, si l’on entend recréer un corps social vivant, et une « commune mesure » pour les diverses acti
33 si l’on entend recréer un corps social vivant, et une « commune mesure » pour les diverses activités de l’homme dans le cad
34 lence est généralement « mal vue » de la majorité des Français. (Mais c’est peut-être, justement, parce qu’on la regarde ma
35 , à contrainte par la force matérielle : on parle des « violences policières ». On la considère comme une passion basse et
36 s « violences policières ». On la considère comme une passion basse et vulgaire, ou comme une nécessité désespérée à laquel
37 ère comme une passion basse et vulgaire, ou comme une nécessité désespérée à laquelle il faut recourir lorsqu’on se trouve
38 raît d’ailleurs injuste à ceux qui la subissent). Un homme violent, c’est une espèce de brute qui refuse de discuter, de d
39 à ceux qui la subissent). Un homme violent, c’est une espèce de brute qui refuse de discuter, de donner ses raisons, et qui
40 avec brutalité, mais avec bêtise. Qu’il y ait là un glissement de sens, c’est évident. Mais encore faut-il expliquer comm
41 pouvoir. Conception qui se fonde d’ailleurs dans une tendance permanente de l’homme ; le besoin de sécurité. Mais ce besoi
42 t exagérément développé, et comme fixé, par suite des conditions particulières dans lesquelles la bourgeoisie a conquis le
43 geoisie a conquis le pouvoir et l’a gardé pendant un siècle et demi. La bourgeoisie établie sur l’argent, et sur un « capi
44 demi. La bourgeoisie établie sur l’argent, et sur un « capital » de traditions, a doublement « intérêt » au maintien d’un
45 raditions, a doublement « intérêt » au maintien d’ un ordre public et culturel immuable. (Préservé contre les mutations bru
46 ice. Elle tend à substituer aux conflits déclarés des « gentlemen’s agreements ». Elle essaie de sauvegarder à tout prix un
47 eements ». Elle essaie de sauvegarder à tout prix une évolution continue et sans heurts. (D’où le retard permanent et voulu
48 nt-garde, et ce vaste système de contrôle méfiant des idées que constitue la filière universitaire.) Il faut à tout prix qu
49 spèce d’optimisme désarmant qui se manifeste dans des expressions telles que : « Cela ne peut pas être vrai : ce serait tro
50 t-à-dire : cela obligerait à envisager le monde d’ une façon nouvelle). En même temps, les organismes de l’économie et de la
51 ats qu’on a l’impression que toute intervention d’ une nouveauté réelle entraînerait des conséquences imprévisibles et non m
52 intervention d’une nouveauté réelle entraînerait des conséquences imprévisibles et non mesurables, où « tout risquerait de
53 chose, on rabaisse le mot qui la désigne : c’est une espèce de conjuration magique. Nous retrouvons ici le glissement séma
54 mot dans le sens le plus péjoratif. J’en donnerai un exemple qui fait bien voir toute l’équivoque de la situation : on a c
55 a pensée bourgeoise, sinon aux intérêts immédiats des bourgeois. Les seules véritables doctrines de violence apparues dans
56 ce Nous pouvons maintenant essayer de préciser une distinction radicale entre violence et brutalité, — avec l’espoir de
57 nde, pour y réaliser ses vues, il fait violence à un état de choses. Et ceci dans n’importe quel domaine, qu’il s’agisse d
58 s n’importe quel domaine, qu’il s’agisse d’élever des blocs de pierre à la hauteur d’un cintre, de labourer la terre, ou d’
59 gisse d’élever des blocs de pierre à la hauteur d’ un cintre, de labourer la terre, ou d’écrire un ouvrage dont la nécessit
60 ur d’un cintre, de labourer la terre, ou d’écrire un ouvrage dont la nécessité n’est sentie tout d’abord que par l’auteur
61 l’esprit — et c’est l’esprit seul qui crée — est une « transgression » des lois admises jusqu’alors : d’où le malaise que
62 ’esprit seul qui crée — est une « transgression » des lois admises jusqu’alors : d’où le malaise que crée naturellement cet
63 orie du risque encouru, qui est le signe normal d’ une création de l’esprit humain. Les époques de décadence sont celles où
64 fortement que l’euphorie du risque, du jeu. C’est un affadissement et une trahison certaine de l’Évangile qui ont conduit
65 orie du risque, du jeu. C’est un affadissement et une trahison certaine de l’Évangile qui ont conduit les chrétiens moyens
66 stianisme, et non l’inverse, comme le soutiennent des polémistes ignorants. La violence étant le fait de l’esprit, elle se
67 C’est elle seule qui délivre l’homme de la chaîne des routines et des lois qu’il se forge, c’est elle seule qui l’empêche d
68 qui délivre l’homme de la chaîne des routines et des lois qu’il se forge, c’est elle seule qui l’empêche de se laisser emp
69 nte ses habitudes devenues tyrannies, et qui crée des possibles nouveaux. La révolution ainsi comprise est aussi indispensa
70 de la loi de pesanteur, puis elle est placée dans une « organisation » nouvelle, et tout cela s’opère en vertu d’une décisi
71 ation » nouvelle, et tout cela s’opère en vertu d’ une décision de l’esprit2. Enfin, la vraie violence n’exclut nullement la
72 la délicatesse (voir Nietzsche), ni la subtilité des moyens, ni la sérénité du ton. Bien au contraire ! Tout ceci n’appara
73 it agissant, la brutalité peut être définie comme un aspect et un caractère avant tout matériels. Elle est le fait d’une c
74 la brutalité peut être définie comme un aspect et un caractère avant tout matériels. Elle est le fait d’une contrainte pur
75 aractère avant tout matériels. Elle est le fait d’ une contrainte purement extérieure, donc incapable en soi de rien créer e
76 n profonde de toute existence. C’est tout d’abord un processus matériel grossier et brusque, qui se produit comme au hasar
77 d’avouables… Mais la brutalité peut aussi revêtir un aspect non matériel : par exemple, il y a dans la logique une certain
78 on matériel : par exemple, il y a dans la logique une certaine brutalité, reconnaissable à un caractère de contrainte exter
79 logique une certaine brutalité, reconnaissable à un caractère de contrainte externe, comme mécanique, et qui ne tient pas
80 de la nature spirituelle, passionnelle ou vitale des réalités auxquelles s’applique le règlement. La sensibilité féminine
81 la contrainte par corps, — même lorsqu’il s’agit des choses de l’esprit. Elle ne déteste rien tant que la vraie violence,
82 abstraites, géométriques. La libre manifestation des antagonismes réels lui est encore plus intolérable qu’elle ne l’était
83 esponsabilité spirituelle et de risque personnel, des instincts brutaux : l’instinct de puissance, l’instinct de conformité
84 tinct d’obéissance aveugle. Mais il se produit là un phénomène curieux : alors que la bourgeoisie disqualifiait la violenc
85 n la baptisant violence. D’où le recours constant des nationaux-socialistes à Nietzsche, abus flagrant (que toute la pensée
86 oète-philosophe dénonce). Là encore, il semble qu’ une certaine logique à courte vue préside à cette stérilisation profonde
87 courte vue préside à cette stérilisation profonde des jeunes générations fascistes et staliniennes : on cherche à obtenir p
88 cistes et staliniennes : on cherche à obtenir par des moyens brutaux, par des contraintes externes, un « rendement social »
89 on cherche à obtenir par des moyens brutaux, par des contraintes externes, un « rendement social » immédiat, et l’on ne s’
90 des moyens brutaux, par des contraintes externes, un « rendement social » immédiat, et l’on ne s’aperçoit pas que ce faisa
91 s son fameux chapitre en trois lignes de L’Esprit des Lois : « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, i
92 la violence et la brutalité, c’est se placer dans une position spirituelle inférieure, pour autant que la défensive est en
93 agressivité. Se méfier de la violence, avoir peur des risques féconds qu’elle institue, c’est se priver des meilleures arme
94 risques féconds qu’elle institue, c’est se priver des meilleures armes dont nous disposions contre la brutalité. La vraie v
95 en, temporise indéfiniment, ne peut conduire qu’à un état de désordre où la brutalité ne trouvera plus de résistance série
96 ’histoire de l’après-guerre et de l’établissement des trois fascismes le démontre avec éclat : la crainte de la violence su
97 : la crainte de la violence suscite mécaniquement une brutalité qui, à son tour, ne peut pas supporter la vraie violence. L
98 t se trouve désarmé lorsqu’il survient. Le destin des démocraties est lié à l’éducation ; celui des dictatures à la contrai
99 tin des démocraties est lié à l’éducation ; celui des dictatures à la contrainte. Le seul moyen de prévenir cette contraint
100 tte contrainte, c’est d’orienter l’éducation vers une prise de conscience vigoureuse de la valeur libératrice de la violenc
101 e du prolétariat d’une part, et le ton « brutal » des polémiques de Marx. Mais la dictature du prolétariat n’est pour Marx
102 i voudrait prolonger son statut en s’appuyant sur des moyens brutaux. Pour le fond, la doctrine de Marx a été fort bien car
103 e Marx a été fort bien caractérisée comme celle d’ un « évolutionniste brutal » (Aron et Dandieu). 2. Il y aurait lieu aus
104 ë de « violence » dans l’acte du viol, qui paraît une brutalité. Mais cela nous entraînerait assez loin. Notons simplement
105 part, l’effémination de la bourgeoisie qui attend un dictateur comme la femelle s’offre au viol redouté. a. Rougemont De
2 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Comment savoir à quoi ils pensent (Quelques remarques sur la méthode) (1er novembre 1937)
106 i pense le voisin trahit sans doute, à l’origine, une crainte obscure qu’on a de lui ; révèle ensuite que l’on nourrit soi-
107 t moins désintéressé dans ses mobiles. Sans doute une analyse un peu poussée révélerait-elle à l’origine de la recherche la
108 ntéressé dans ses mobiles. Sans doute une analyse un peu poussée révélerait-elle à l’origine de la recherche la plus abstr
109 et qui apparaissent dans leur belle nudité lorsqu’ un amant demande à l’autre : « À quoi penses-tu ? » — À rien, dit-elle.
110 eux, ou avec eux.) Constater les préoccupations d’ une classe, d’une profession, d’un groupe humain quelconque, c’est l’opér
111 ux.) Constater les préoccupations d’une classe, d’ une profession, d’un groupe humain quelconque, c’est l’opération nécessai
112 préoccupations d’une classe, d’une profession, d’ un groupe humain quelconque, c’est l’opération nécessaire à laquelle doi
113 ter l’offre à la demande. Mais ce peut être aussi un moyen efficace de se libérer des schémas démodés et des caricatures o
114 e peut être aussi un moyen efficace de se libérer des schémas démodés et des caricatures obsédantes sur lesquelles joue la
115 yen efficace de se libérer des schémas démodés et des caricatures obsédantes sur lesquelles joue la politique. Un moyen de
116 ures obsédantes sur lesquelles joue la politique. Un moyen de trouver des arguments qui portent, qui atteignent ; et de se
117 lesquelles joue la politique. Un moyen de trouver des arguments qui portent, qui atteignent ; et de se refaire un langage q
118 ts qui portent, qui atteignent ; et de se refaire un langage qui soit réellement entendu. Tout cela est assez évident, et
119 rique. Il reste alors à reconnaître les dangers d’ une semblable méthode, et les limites de sa fécondité. ⁂ Tant qu’on n’aur
120 trahissent pas les mêmes pensées, si l’on passe d’ un groupe à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Qu
121 as les mêmes pensées, si l’on passe d’un groupe à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nou
122 pensées, si l’on passe d’un groupe à un autre, d’ une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nous des résonan
123 e d’un groupe à un autre, d’une classe sociale, d’ une région à une autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans
124 à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans « le peuple »
125 ociale, d’une région à une autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans « le peuple » les grands mots du langage
126 és ou les mêmes idéaux par les mêmes mots ; et qu’ un même son éveille les mêmes échos. La politique se fonde sur cette cro
127 royance, et la presse arrive parfois à lui donner une certaine consistance. Mais ce qui peut être vrai statistiquement ne l
128 esque jamais dans le détail. Plus on s’approche d’ un groupement défini et concret, plus on constate l’absence de commune m
129 ence de commune mesure entre son langage et celui des journaux et des politiciens, ou des intellectuels. De tout près, cela
130 mesure entre son langage et celui des journaux et des politiciens, ou des intellectuels. De tout près, cela peut donner une
131 gage et celui des journaux et des politiciens, ou des intellectuels. De tout près, cela peut donner une impression d’absurd
132 des intellectuels. De tout près, cela peut donner une impression d’absurdité troublante. Je lis dans un livre récentc : L’
133 ne impression d’absurdité troublante. Je lis dans un livre récentc : L’autre jour, dans l’autocar, une femme dont j’ai cr
134 un livre récentc : L’autre jour, dans l’autocar, une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-J
135 une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-Jean du Gard, expliquait à sa voisine qui paraiss
136 sine qui paraissait malade : — Tu demanderas bien un espécialiste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’à te rappel
137 ment ? Ce petit fait, si l’on y réfléchit, résume un drame. Ce drame est celui du langage dans notre société présente. Les
138 intellectuels, éveillent dans l’esprit populaire des harmoniques que nous ne savons plus prévoir. » L’auteur ne croyait p
139 ant les épreuves de son livre, il y trouva jointe une petite note écrite à l’encre rouge par le correcteur de l’imprimerie 
140 Épicerie et spécialiste. L’auteur paraît croire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où u
141 rde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où un sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices (d’où épicerie) et
142 apparences, mais que « comprendre » les paroles d’ un homme suppose une science presque surhumaine. Pour conclure quoi que
143 que « comprendre » les paroles d’un homme suppose une science presque surhumaine. Pour conclure quoi que ce soit de « ce qu
144 ntéressant ou d’authentique. Ou bien vous obtenez des variations sur la réponse des amoureux (« à rien ») ou bien des phras
145 u bien vous obtenez des variations sur la réponse des amoureux (« à rien ») ou bien des phrases toutes faites empruntées au
146 sur la réponse des amoureux (« à rien ») ou bien des phrases toutes faites empruntées au journal, à la campagne électorale
147 . Il faut donc éviter tout ce qui ressemblerait à une enquête : d’abord à cause du malentendu sur les mots, ensuite à cause
148 ient le dire, justement. Quelquefois, il suffit d’ une chance, d’une bizarrerie de leurs propos, subitement révélatrice. En
149 justement. Quelquefois, il suffit d’une chance, d’ une bizarrerie de leurs propos, subitement révélatrice. En voici un petit
150 de leurs propos, subitement révélatrice. En voici un petit exemple. Dans cette pauvre région de l’Ouest, je rencontre une
151 Dans cette pauvre région de l’Ouest, je rencontre une vieille paysanne. Elle se plaint : c’est la jambe qui ne va plus ! D’
152 aient à faire. Moi je vais à l’écluse, je ramasse des anguilles, quelques crabes, deux ou trois jambes. Bon, c’est ce qu’il
153 rs 6 heures, les jeunes d’abord, parce qu’ils ont des bicyclettes, ils vont plus vite. Le père rentre un peu plus tard. Le
154 s bicyclettes, ils vont plus vite. Le père rentre un peu plus tard. Le plus vieux dit : j’ai bien faim. Le plus jeune, il
155 Je dis : oh ! vous avez faim, je vais vous faire une soupe aux pommes de terre, — j’avais des pommes de terre — une belle
156 us faire une soupe aux pommes de terre, — j’avais des pommes de terre — une belle soupe aux pommes de terre ! Oh ! dit le p
157 pommes de terre, — j’avais des pommes de terre — une belle soupe aux pommes de terre ! Oh ! dit le plus vieux, s’il y a un
158 ommes de terre ! Oh ! dit le plus vieux, s’il y a une soupe aux pommes de terre, je vais en manger une grande assiettée, ça
159 une soupe aux pommes de terre, je vais en manger une grande assiettée, ça arrange, ça délasse, et avec ça on peut aller se
160 au pain quotidien. » ⁂ Il est rare que le film d’ une conversation, non retouché, offre une image significative, tant soit
161 e le film d’une conversation, non retouché, offre une image significative, tant soit peu claire. Cette absence de sens géné
162 e ce qui garantit l’authenticité de la relation d’ un entretien. Mais cela ne saurait satisfaire entièrement au dessein qui
163 que : pour agir, ou simplement pour se préparer à une action non encore déterminée, l’esprit a besoin de conclusions, de do
164 sont les vices de toute enquête. La signification des propos recueillis et stylisés pouvant toujours être attribuée au part
165 e « courant » c’est-à-dire se maintenir au niveau des phrases d’échange quotidien, des propos qu’on entend chez le bistrot
166 ntenir au niveau des phrases d’échange quotidien, des propos qu’on entend chez le bistrot ou autour d’une table de famille.
167 s propos qu’on entend chez le bistrot ou autour d’ une table de famille. À considérer de trop près leur langage, on conclura
168 our que les petites déformations qu’il subit dans un groupe donné deviennent aisément perceptibles : ce sont elles qui rév
169 à aujourd’hui : tout le monde réclame la liberté, des libertés, et s’en réclame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien q
170 embre 1937, p. 18-19. c. Il s’agit du Journal d’ un intellectuel en chômage , publié par Denis de Rougemont en 1937.
3 1937, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Lectures dirigées dans le IIIe Reich (15 décembre 1937)
171 es yeux deux documents qui n’ont rien de secret : un article de revue et un catalogue d’éditeur, tous deux publiés en Alle
172 qui n’ont rien de secret : un article de revue et un catalogue d’éditeur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion des
173 teur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion des fêtes. Le catalogue comporte environ 80 titres (publications récentes
174 se répartissent, approximativement, comme suit ; un quart a trait aux questions raciales ; un quart aux questions militai
175 suit ; un quart a trait aux questions raciales ; un quart aux questions militaires ; un quart aux coutumes allemandes et
176 ns raciales ; un quart aux questions militaires ; un quart aux coutumes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des
177 t aux coutumes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques. Vo
178 mes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques. Voici la liste
179 raires, historiques, anecdotiques. Voici la liste des titres contenant le mot ou l’idée de race : La Beauté nordique ; Art
180 e : La Beauté nordique ; Art et race ; Le visage des chefs allemands (22e mille) ; Race et humour ; La mère allemande (80e
181 humour ; La mère allemande (80e mille) ; Le livre des femmes nationales-socialistes ; Race, peuple, soldat ; La paysannerie
182 revue). Comme il ne s’agit là que du catalogue d’ une seule maison, on ne saurait tirer de ces chiffres aucune conclusion d
183 re, la liste que je viens de recopier ne donne qu’ une faible idée de l’ensemble des publications allemandes sur ce sujet, d
184 ecopier ne donne qu’une faible idée de l’ensemble des publications allemandes sur ce sujet, depuis 1933. J’ajoute que la ma
185 et scientifique du terme. Tous ces ouvrages sont des essais de vulgarisation, bien plus que des manuels techniques ou des
186 s sont des essais de vulgarisation, bien plus que des manuels techniques ou des instruments de recherche. Du moins sont-ils
187 risation, bien plus que des manuels techniques ou des instruments de recherche. Du moins sont-ils présentés sous l’aspect l
188 propagande aboutit réellement ; s’il satisfait à une de­mande réelle du public ; s’il traduit la pensée réelle du lecteur
189 teur allemand moyen. Il faut se rappeler que dans un état totalitaire, la question « à quoi pensent ?… » tend à se réduire
190 C’est-à-dire qu’on a remplacé la mode — maîtresse des goûts moyens en France — par la volonté de l’État (Hitler, Goebbels e
191 donc être intéressant de se reporter maintenant à un organe qui s’efforce de traduire fidèlement les désirs officiels du P
192 chef, Wilhelm Stapel, publie, comme chaque année, un article destiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment des achat
193 stiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment des achats de Noël. Voici les vingt-deux titres qu’il propose : Une tradu
194 Noël. Voici les vingt-deux titres qu’il propose : Une traduction de Wolfram von Eschenbach. Une Histoire de la poésie alle
195 pose : Une traduction de Wolfram von Eschenbach. Une Histoire de la poésie allemande ; La Musique allemande de l’époque ;
196 e) ; Ballades germaniques ; Culture et religion des Germains ; Œuvres complètes de F. Blunck (littérature) ; Les Grands
197 ique ; Esprit allemand ; Sparte ; Arndt (héros des guerres d’indépendance.) Portraits d’empereurs allemands du Moyen Âg
198 ts d’empereurs allemands du Moyen Âge ; Histoire des Allemands Sudètes ; Le soldat allemand (lettres de guerre) ; et quat
199 mand (lettres de guerre) ; et quatre romans (dont un sur la guerre, et un sur le Moyen Âge allemand). Les mots « allemand 
200 re) ; et quatre romans (dont un sur la guerre, et un sur le Moyen Âge allemand). Les mots « allemand », « germain », « nor
201 e », reviennent donc dans 13 titres. Et la moitié des autres, au moins, évoquent de la façon la plus précise l’idéologie du
202 gie du Parti : technique, morale spartiate, culte des héros militaires, retour au Moyen Âge germanique. Je vous laisse à im
4 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Du danger de s’unir (15 avril 1938)
203 ril 1938)e Le ministère Blum a vécu l’espace d’ une parenthèse ouverte par l’Anschluss et fermée par le plébiscite grand-
204 ite et scellée en deux coups de poing, la France, un mois durant, s’est énervée à discourir sur sa désunion. J’entends bie
205 que tout le monde n’a parlé que d’union, mais sur un ton qui, de toute évidence, en excluait la possibilité. Car quand la
206 as s’unir. Cette double hypocrisie est sans doute un hommage que l’esprit partisan rend à l’union sacrée. Mais ce qui m’ap
207 ai qu’on n’en est encore qu’à s’en servir comme d’ un prétexte pour légitimer des coups bas. Discours à part, que fait-on d
208 ’à s’en servir comme d’un prétexte pour légitimer des coups bas. Discours à part, que fait-on depuis un mois pour préparer
209 es coups bas. Discours à part, que fait-on depuis un mois pour préparer les voies de la réconciliation ? Les socialistes d
210 ulèvent leurs troupes contre le Sénat, provoquant une manifestation qu’ils interdisent en tant que ministres. Le Parti comm
211 voir ! » Le Parti radical, à la Chambre, soutient un ministère qu’il renverse au Sénat. Et que font ces trois partis réuni
212 te, elle soutient Franco, agent d’Hitler, qui est un ennemi, et elle attaque Thorez, agent de Staline, qui est un allié. C
213 et elle attaque Thorez, agent de Staline, qui est un allié. Cet ensemble de faits pose une alternative : ou bien tout le m
214 ine, qui est un allié. Cet ensemble de faits pose une alternative : ou bien tout le monde est devenu fou, c’est-à-dire fait
215 t on lui rebat les oreilles, le peuple de France, un beau jour, ne se décide à jouer sérieusement, — à jouer le jeu de l’u
216 ne plus concevoir leur union que sous la forme d’ un Anschluss, d’une mutuelle annexion. Il ne manque pas de Seiss-Inquart
217 ir leur union que sous la forme d’un Anschluss, d’ une mutuelle annexion. Il ne manque pas de Seiss-Inquart, dans les deux c
218 ibre, ou simplement de l’intelligence, équivaut à une trahison… Enfin, il ne manque pas de politiciens pour estimer que leu
219 lieu d’essayer de les résoudre, et fait converger des refus au lieu de composer des efforts. Programme de M. Daladier (selo
220 , et fait converger des refus au lieu de composer des efforts. Programme de M. Daladier (selon le Journal du 10 avril) : ex
221 ladier (selon le Journal du 10 avril) : exclusion des communistes ; non-intervention en Espagne ; expulsion des indésirable
222 unistes ; non-intervention en Espagne ; expulsion des indésirables ; évacuation des usines. C’est tout. Il est vrai que ces
223 Espagne ; expulsion des indésirables ; évacuation des usines. C’est tout. Il est vrai que ces quatre négations couvrent une
224 ut. Il est vrai que ces quatre négations couvrent une implicite affirmation, qui est celle du réarmement à outrance, et mêm
225 tenir pour sacrée l’absence totale de raison chez un être doté d’une apparence humaine. Est-ce en vertu de cette coutume q
226 ée l’absence totale de raison chez un être doté d’ une apparence humaine. Est-ce en vertu de cette coutume qu’on nous somme
227 sacrée » ? ⁂ Concevoir l’union comme l’annexion d’ une moitié de la France par l’autre, c’est la rendre irréalisable, dans l
228 c’est la rendre irréalisable, dans l’état actuel des choses. J’en conclus que personne ne la veut sérieusement. Mais comme
229 cauchemar. Car seule la force brutale peut opérer une union de ce type, qui n’est qu’une unification. Dans la mesure où on
230 le peut opérer une union de ce type, qui n’est qu’ une unification. Dans la mesure où on la voudra, on voudra donc la force
231 udra donc la force brutale. On voudra donc la fin des libertés françaises. Et pour sauver la France, on perdra les meilleur
232 les désunions, ou pour mieux dire : le libre jeu des plus franches oppositions. La force de la France est dans la création
233  ; dans l’invention, non dans la marche en rangs. Un peuple qui accepte une dictature se décerne un certificat d’incapacit
234 on dans la marche en rangs. Un peuple qui accepte une dictature se décerne un certificat d’incapacité politique. Ne croyons
235 s. Un peuple qui accepte une dictature se décerne un certificat d’incapacité politique. Ne croyons pas surtout qu’il en so
236 onde attend de la France, en vérité, ce n’est pas un Führer de plus, mais au contraire, c’est la solution des problèmes qu
237 rer de plus, mais au contraire, c’est la solution des problèmes que d’autres, n’ayant pu résoudre, ont essayé de supprimer
238 résoudre, ont essayé de supprimer en se donnant à un Führer. Ce que le monde attend de la France, c’est une audace libérat
239 ührer. Ce que le monde attend de la France, c’est une audace libératrice. L’audace d’assumer tous les risques de la liberté
240 ⁂ Ce n’est point sans raisons que je termine sur une question. S’opposer à l’union sacrée, ce n’est pas faire l’éloge du d
241 e lui-même, et que ses excès conduisent à rêver d’ un fascisme. Mais il s’agit de savoir si la France, réellement, saura re
242 ement, saura retrouver l’usage concret et positif des libertés qu’elle s’est conquises. Il s’agit de savoir si le désordre
243 libertés dégénérées, ou si nous saurons retrouver un but commun, en avant de nos luttes, une commune mesure spirituelle qu
244 retrouver un but commun, en avant de nos luttes, une commune mesure spirituelle qui ne soit pas les armements, qui ne soit
245 arablement plus beau et fort que l’ordre apparent des fascismes. Enfin, toute la question est là : — la liberté fait-elle p
5 1938, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Vues sur le national-socialisme (1er juin 1938)
246 1938)f Les notes qui suivent sont extraites d’ un « journal » tenu en 1935 et 1936 par l’auteur, alors chargé de cours
247 et 1936 par l’auteur, alors chargé de cours dans une Université allemande de l’Ouest. On a choisi parmi ces observations c
248 J’arrivais de Paris persuadé que l’hitlérisme est un mouvement « de droite », une dernière tentative pour sauver le capita
249 que l’hitlérisme est un mouvement « de droite », une dernière tentative pour sauver le capitalisme et les privilèges bourg
250 rgeois, comme disent les socialistes, ou encore : un rempart contre le bolchévisme, comme disent les réactionnaires. Je vo
251 onnaître qu’ils sont tous contre le régime. C’est un bolchévisme déguisé, répètent-ils. Drôle de « rempart ». Ils se plaig
252 tes les réformes soient en faveur des ouvriers et des paysans ; et que les impôts prennent les proportions d’une confiscati
253 ns ; et que les impôts prennent les proportions d’ une confiscation de capital ; et que la vie de famille soit détruite, l’a
254 t que la vie de famille soit détruite, l’autorité des parents sapée, la religion dénaturée, éliminée de l’éducation, perséc
255 ge. Il n’y a pas eu de massacres. Tout se passe d’ une manière progressive et ordonnée : bientôt ils n’auront plus de fortun
256 la plupart leurs titres et leurs fonctions, sous des maîtres nouveaux. (Le gouverneur de la province est un ancien employé
257 îtres nouveaux. (Le gouverneur de la province est un ancien employé de postes, ventripotent et qu’on juge très vulgaire.)
258 plus dénuée d’esprit civique, pour tout dire. Par un curieux paradoxe, c’est le régime national-socialiste qui est en trai
259 ension hitlérienne ont été l’expression directe d’ une carence du sens civique, loi générale qui se vérifie dans tout pays t
260 éduquer tout ce monde : d’où le didactisme pesant des innombrables discours politiques et des leaders de la presse mise au
261 me pesant des innombrables discours politiques et des leaders de la presse mise au pas. Certes, les Allemands ont toujours
262 en expliquer de ce qui s’y passe de tout nouveau. Un régime totalitaire n’exprime point tant l’âme collective d’un peuple
263 talitaire n’exprime point tant l’âme collective d’ un peuple que le besoin de porter remède à ses carences profondes, et de
264 et de les compenser. Hitler est en train d’opérer un dressage du peuple allemand (comme Staline, un dressage du russe), dr
265 er un dressage du peuple allemand (comme Staline, un dressage du russe), dressage dont les buts n’ont rien de traditionnel
266 onsciemment — à masquer le caractère antiallemand des méthodes qu’on applique en fait. Méthodes prussiennes, disent les All
267 t intérêt privé. Voilà la grande révolution, dans un pays ou la vie intérieure d’une part, et la séparation des classes de
268 ou la vie intérieure d’une part, et la séparation des classes de l’autre, étaient les vrais fondements des mœurs. Seulement
269 classes de l’autre, étaient les vrais fondements des mœurs. Seulement, il y a cette différence profonde entre le jacobinis
270 ational-socialisme : c’est que le premier parlait des droits du citoyen, tandis que le second ne parle que de ses devoirs.
271 , il se peut que l’hitlérisme apparaisse aux yeux des historiens futurs, comme une école civique élémentaire qui aura donné
272 apparaisse aux yeux des historiens futurs, comme une école civique élémentaire qui aura donné au peuple allemand ce qui lu
273 at et le sens du service social. Staline proclame une religion du travail, et les Russes sont les plus paresseux des hommes
274 du travail, et les Russes sont les plus paresseux des hommes ; Mussolini une religion de l’Empire, et c’est à peine si les
275 es sont les plus paresseux des hommes ; Mussolini une religion de l’Empire, et c’est à peine si les Italiens avaient jamais
276 c’est à peine si les Italiens avaient jamais été une nation ; Hitler une religion de l’État, et les Allemands l’apprennent
277 s Italiens avaient jamais été une nation ; Hitler une religion de l’État, et les Allemands l’apprennent péniblement, avec u
278 , et les Allemands l’apprennent péniblement, avec un pédantisme pathétique… N’allons pas faire, nous, une religion de la L
279 pédantisme pathétique… N’allons pas faire, nous, une religion de la Liberté ! Ce serait le signe que nous en perdons le go
280 n perdons le goût et l’usage naturel, spontané. Un petit industriel. — Avant 1933, sa vie était impossible : grèves, men
281 ve. La paix sociale a été obtenue par la fixation des devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable
282 obtenue par la fixation des devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable. — En somme, vous êtes c
283 — En somme, vous êtes content ? Il sourit, hausse un peu les épaules, fait oui de la tête. Demain, il doit partir pour un
284 fait oui de la tête. Demain, il doit partir pour un Schulungslager (camp d’éducation sociale). Ça ne l’enchante pas. Je
285 d. — Ce camp ? — Eh bien voilà : nous étions dans une grande maison, logeant deux par deux dans des chambres confortables.
286 ans une grande maison, logeant deux par deux dans des chambres confortables. J’avais pour compagnon un ouvrier de mon usine
287 des chambres confortables. J’avais pour compagnon un ouvrier de mon usine. On apprend à se connaître en partageant la même
288 ître en partageant la même chambre. Nous suivions des cours de politique et d’économie. Nous chantions ensemble. On nous in
289 ole ; et tout délivré : ces ouvriers sont au fond des braves types, on peut leur parler sans relever le menton… Un « oppo
290 es, on peut leur parler sans relever le menton… Un « opposant ». — Je me promène avec un de mes étudiants. Il est déjà d
291 e menton… Un « opposant ». — Je me promène avec un de mes étudiants. Il est déjà doktor phil., et il voudrait se perfect
292 udrait se perfectionner en français, en attendant une situation. Il craint d’ailleurs de n’en point trouver, n’étant pas du
293 nalyse : « Cela m’avait même complètement démoli, un temps. On ne peut plus croire à rien. » Maintenant il est disciple de
294 ime le dégoûte et le repousse. C’est la dictature des butors et des imbéciles. Je lui pose ma question habituelle : Que com
295 et le repousse. C’est la dictature des butors et des imbéciles. Je lui pose ma question habituelle : Que comptez-vous fair
296 les temps nouveaux. Il prépare pour le séminaire un travail sur Barrès : « la terre et les morts », c’est à peu près le B
297 c’est à peu près le Blut und Boden (sang et sol) des nazis. Comme il aime Barrès, cela le rassure. C’est une voie d’approc
298 zis. Comme il aime Barrès, cela le rassure. C’est une voie d’approche, un compromis avec le régime détesté. (Note de 1938 :
299 rrès, cela le rassure. C’est une voie d’approche, un compromis avec le régime détesté. (Note de 1938 : cet étudiant vient
300 le Parti.) Parents et enfants. — Déjeuner chez un avocat. Madame se plaint : « Il n’y a plus de vie de famille possible
301 rti. Ma fille aînée a 18 ans. Elle est Führerin d’ un groupe de jeunes filles qu’elle doit commander deux fois par semaine 
302 e politique. De plus, elle a la charge de trouver des places pour ses subordonnées, de s’occuper des secours à donner aux p
303 er des places pour ses subordonnées, de s’occuper des secours à donner aux plus pauvres, de les visiter quand elles sont ma
304 s, de les visiter quand elles sont malades (c’est un contrôle), et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des ques
305 alades (c’est un contrôle), et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des questions très délicates, enfants naturel
306 et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des questions très délicates, enfants naturels, etc., vous me comprenez.
307 ions empêcher notre fils, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il est un peu malade, par exemple, nous risquerions une mauva
308 e fils, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il est un peu malade, par exemple, nous risquerions une mauvaise histoire avec
309 est un peu malade, par exemple, nous risquerions une mauvaise histoire avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que des
310 e avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des militaires. » Plaint
311 des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des militaires. » Plainte vingt fois entendue. Les enfants sont ravis, na
312 ment. Ils se sentent libres. Car la liberté, pour un adolescent, c’est tout ce qui ne dépend pas de la famille, fut-ce la
313 C’est le contraire. Comparez la jeune Führerin à une jeune fille du même âge, chez nous ! Mais l’initiative qu’on exige, c
314 ce serait peu. Mais s’emparer de la liberté même des jeunes, voilà le totalitarisme. Un communiste. — Dans sa petite cui
315 iberté même des jeunes, voilà le totalitarisme. Un communiste. — Dans sa petite cuisine, où nous sommes attablés, depuis
316 vant 1933, quand il était en feldgrau (l’uniforme des communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept
317 rme des communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’une Kameradschaft (compag
318 st un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’ une Kameradschaft (compagnie de miliciens rouges). Irréductible, il me l’
319 au lait le matin. Qu’on nous donne ça, Hitler ou un autre, ça suffira. La politique n’intéresse pas les ouvriers quand il
320 attaquant pas tout de suite la religion… » Tout d’ un coup il se lève de son tabouret et avec un grand geste, le doigt poin
321 Tout d’un coup il se lève de son tabouret et avec un grand geste, le doigt pointé en l’air : « Je vais vous dire une chose
322 e, le doigt pointé en l’air : « Je vais vous dire une chose : si tous l’abandonnent, tous ces gros cochons qui sont autour
323 pour lui ! » Et il répète : « Lui au moins, c’est un homme sincère, et c’est le seul… » II. — Le fait central J’en é
324 en étais là de mes étonnements. Je collectionnais des observations de détail et des interprétations théoriques, vraies et v
325 . Je collectionnais des observations de détail et des interprétations théoriques, vraies et vraisemblables une à une, mais
326 erprétations théoriques, vraies et vraisemblables une à une, mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse.
327 ations théoriques, vraies et vraisemblables une à une , mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse. Capit
328 ables une à une, mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse. Capitalisme et socialisme, bellicisme et pa
329 s. Et seuls mes amis juifs me donnaient du régime une interprétation étonnamment conforme aux préjugés français-moyen, comm
330 os journalistes paraissaient, lues d’ici, décrire un monde factice, où nul Allemand ne pouvait reconnaître ni ses souffran
331 frances secrètes ni son espoir. « Il doit y avoir une clé », écrivais-je à ce moment. C’est alors que se produisit le coup
332 Rhénanie par la Reichswehr. Deux jours plus tard, des affiches rouges annonçaient pour le surlendemain : « Le Führer parle 
333 surlendemain : « Le Führer parle ! » On plantait des mâts sur les places. On installait des haut-parleurs tous les cent mè
334 n plantait des mâts sur les places. On installait des haut-parleurs tous les cent mètres le long des avenues. Et le tambour
335 la nuit. Je reprends mes notes du 11 mars 1936. Une cérémonie sacrée. — Trois heures de l’après-midi, dans un café près d
336 onie sacrée. — Trois heures de l’après-midi, dans un café près de l’Opéra. Je dis à mon compagnon, le dramaturge allemand
337 ous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas une formule grandiloquente pour désigner l’absence d’âme personnelle chez
338 ndividus charriés par les mouvements mécaniques d’ une foule ? L. hoche la tête : — Allez écouter le Führer, nous en reparle
339 du café, l’on aperçoit toute la place de l’Opéra. Des milliers de SA et de SS y sont déjà rangés, immobiles. Le Führer vien
340 là, ces hommes ne bougeront pas. Je me perds dans des labyrinthes de barrages jusqu’aux abords de la Festhalle — tout un pe
341 barrages jusqu’aux abords de la Festhalle — tout un peuple campe alentour, depuis le matin — et je ne puis franchir les p
342 minutes 30 000 places assises ? Je me glisse dans des rangs compacts derrière les bancs. Je verrai très bien la tribune, qu
343 ribune, qui se dresse au centre de l’ovale, comme une tour carrée, tendue de rouge et violemment éclairée par des projecteu
344 arrée, tendue de rouge et violemment éclairée par des projecteurs convergents. Des masses brunes s’étagent jusqu’à la trois
345 lemment éclairée par des projecteurs convergents. Des masses brunes s’étagent jusqu’à la troisième galerie, les visages ind
346 nse roulement de tambour, rarement interrompu par une fanfare. On attend, on se serre de plus en plus. Des formations du fr
347 fanfare. On attend, on se serre de plus en plus. Des formations du front de travail viennent occuper les couloirs, la pell
348 , la pelle sur l’épaule. Les affiches annonçaient un appel général du Parti, dans les 45 salles de la ville, pour la même
349 e 700 000 habitants, et les autocars, et l’afflux des campagnards venus à pied, il y aura un million d’auditeurs immédiats.
350 l’afflux des campagnards venus à pied, il y aura un million d’auditeurs immédiats. Quelques femmes s’évanouissent, on les
351 r les clameurs de l’extérieur. Goering, Blomberg, des généraux, salués par des heil joyeux. Le gouverneur de la province na
352 ieur. Goering, Blomberg, des généraux, salués par des heil joyeux. Le gouverneur de la province nasille des lieux communs,
353 heil joyeux. Le gouverneur de la province nasille des lieux communs, mal écouté. Je suis debout, malaxé et soutenu par la f
354 nutes. Est-ce que cela vaut la peine ? Mais voici une rumeur de marée, des trompettes au-dehors. Toutes les lumières s’étei
355 a vaut la peine ? Mais voici une rumeur de marée, des trompettes au-dehors. Toutes les lumières s’éteignent dans la salle,
356 es lumières s’éteignent dans la salle, tandis que des flèches lumineuses s’allument sur la voûte, pointant vers une porte à
357 lumineuses s’allument sur la voûte, pointant vers une porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait
358 ur la voûte, pointant vers une porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait apparaître sur le seui
359 rs une porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait apparaître sur le seuil un petit homme en bru
360 n coup de projecteur fait apparaître sur le seuil un petit homme en brun, tête nue, au sourire extatique. Quarante mille h
361 mille hommes, quarante mille bras se sont levés d’ un coup. L’homme avance très lentement, saluant d’un geste lent, épiscop
362 un coup. L’homme avance très lentement, saluant d’ un geste lent, épiscopal, sous un tonnerre assourdissant de heil rythmés
363 ntement, saluant d’un geste lent, épiscopal, sous un tonnerre assourdissant de heil rythmés. (Je n’entends bientôt plus qu
364 nt lumineux, sur ce visage au sourire extasié, et des larmes coulent sur les faces, dans l’ombre. Et soudain tout s’apaise.
365 J’ai compris. Cela ne peut se comprendre que par une sorte particulière de frisson et de battement de cœur — cependant que
366 on doit appeler l’horreur sacrée. Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur
367 Mais c’est leur culte qu’ils célèbrent ! Et c’est une liturgie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’une religion d
368 gie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’ une religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bie
369 Je suis seul et ils sont tous ensemble. III. — Une religion nouvelle Si l’on n’a pas senti cela, on ne comprendra jam
370 ti cela, on ne comprendra jamais la raison simple des triomphes totalitaires. Évidemment, il sera toujours possible d’invoq
371 voquer les lois économiques, les forces relatives des partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’E
372 s économiques, les forces relatives des partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le trai
373 Europe, le traité de Versailles, la décomposition des gauches, le double jeu du grand capital soutenant Hitler contre les m
374 » qu’on nous fournit se réduisent en définitive à une reconstruction plus ou moins cohérente des phénomènes apparents, c’es
375 tive à une reconstruction plus ou moins cohérente des phénomènes apparents, c’est-à-dire à une description. Et dès lors qu’
376 ohérente des phénomènes apparents, c’est-à-dire à une description. Et dès lors qu’il s’agit de phénomènes aussi complexes,
377 jours échapper, c’est le principe d’actualisation des phénomènes, ou si j’ose dire : c’est la grâce efficace. Les choses on
378 tourné de telle sorte ; et l’on explique au nom d’ une doctrine convenablement réadaptée, qu’elles ne pouvaient tourner que
379 fallu si peu changer pour « expliquer » à l’aide des mêmes schémas que le contraire se soit produit en fait… Dernière défe
380 e le phénomène fondamental de la reconstruction d’ une communauté autour d’un sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d
381 al de la reconstruction d’une communauté autour d’ un sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens
382 un sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d’ une tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans les
383 rer. Mais c’est l’attraction passionnée qu’exerce une religion naissante, si basse qu’elle soit, sur les masses décomposées
384 asse qu’elle soit, sur les masses décomposées par des siècles d’individualisme. Dans une société où tous les liens originel
385 écomposées par des siècles d’individualisme. Dans une société où tous les liens originels sont dissous ; où les religions n
386 éveloppement économique rassemblent abstraitement des masses inorganiques, dont les individus n’ont en commun que l’argent
387 is se multiplient et s’entredéchirent au hasard d’ un jeu politique de surface ; où les élites parlent un langage que les m
388 jeu politique de surface ; où les élites parlent un langage que les masses sont en mesure d’entendre, mais non pas de com
389 sses et que s’installe au cœur de chaque individu une angoisse, — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peupl
390 cœur de chaque individu une angoisse, — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’uni
391 — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’union, donc vers une religion, que les dic
392 pel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’union, donc vers une religion, que les dictateurs ont su r
393 l des peuples vers un principe d’union, donc vers une religion, que les dictateurs ont su répondre. Tout le reste est litté
394 ticle a reçu récemment d’Allemagne (janvier 1938) une lettre qui résume tout ceci. Elle est d’un jeune national-socialiste
395 1938) une lettre qui résume tout ceci. Elle est d’ un jeune national-socialiste qui, ayant lu par hasard un de ses livres,
396 eune national-socialiste qui, ayant lu par hasard un de ses livres, entreprend de réfuter les critiques qui s’y trouvent f
397 a pauvreté et le malheur ne peuvent expliquer que des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’un mouvement comme le nôt
398 e des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’ un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à qu
399 d. Nous voulons croire à l’immortalité du peuple ( un arbre dont nous ne sommes que les feuilles qui tombent à chaque génér
400 ) et peut-être réussirons-nous à y croire. Ruine des croyances communes, carence du christianisme, appel irrationnel à de
401 lle aussi invraisemblable que « l’immortalité » d’ un peuple — on ne peut pas exprimer d’une manière plus précise et ramass
402 rtalité » d’un peuple — on ne peut pas exprimer d’ une manière plus précise et ramassée la nature proprement religieuse du p
403 énomène totalitaire allemand. (Et cela vaut, avec des nuances, pour l’Italie et la Russie.) Mesurons maintenant la naïveté
404 lie et la Russie.) Mesurons maintenant la naïveté des libéraux qui tiennent fréquemment ce propos : « Tout n’est pas mal de
405 est pas mal de ce qui se fait là-bas. Il y a bien des choses à y prendre. » Certes, Hitler a rétabli l’ordre dans la rue. I
406 ainsi que beaucoup de braves gens croient trouver un terrain d’entente avec les dictatures qu’ils condamnent en principe.
407 : O sancta simplicitas ! Oui, réellement, il faut une sainte simplicité pour croire encore qu’on puisse détacher telle ou t
408 rer isolément, ou pour essayer de l’imiter. C’est une belle ironie sur le libéralisme impénitent que cette manière libérale
409 e en Allemagne puisse être obtenu à bas prix, par des méthodes plus ou moins « habiles », ou « rationnelles » ou « politiqu
410 on brutale et militaire de toute expression libre des antagonismes qui chez nous sont encore la réalité même du social ? Qu
411 social ? Que la paix est obtenue par l’écrasement des faibles ? Que l’unanimité des ouvriers résulte de la mise au pas des
412 ue par l’écrasement des faibles ? Que l’unanimité des ouvriers résulte de la mise au pas des syndicats ? Que tout cela n’es
413 ’unanimité des ouvriers résulte de la mise au pas des syndicats ? Que tout cela n’est devenu possible que par le fait d’une
414 tout cela n’est devenu possible que par le fait d’ une complicité quasi universelle et inconsciente, fût-ce de la part des o
415 osants ? Que cette complicité elle-même procède d’ une angoisse religieuse plus puissante que toutes les « raisons », que to
416 cinq ans. Or, chaque mois apporte, régulièrement, une extension précise des pouvoirs du Führer, une consolidation de son pr
417 ois apporte, régulièrement, une extension précise des pouvoirs du Führer, une consolidation de son prestige. On ne voit auc
418 nt, une extension précise des pouvoirs du Führer, une consolidation de son prestige. On ne voit aucune raison pour qu’Hitle
419 es. Mais ce qu’il faut voir, c’est que la volonté des hommes n’a jamais pesé si peu que dans les régimes totalitaires. Ce n
420 pour peu que l’union sacrée les légitime. Ils ont des canons, mais pas de beurre, dit-on en France d’un air malin. On oubli
421 es canons, mais pas de beurre, dit-on en France d’ un air malin. On oublie que le mot est de Goering lui-même. « Du beurre
422 ue le mot est de Goering lui-même. « Du beurre ou des canons », c’est un slogan de la propagande nazie, et qui déchaîne rég
423 ring lui-même. « Du beurre ou des canons », c’est un slogan de la propagande nazie, et qui déchaîne régulièrement l’enthou
424 zie, et qui déchaîne régulièrement l’enthousiasme des foules allemandes — pour les canons. Ces foules peuvent très bien êtr
425 fait que ses conditions d’existence sont celles d’ une mobilisation ; il compte à chaque instant avec l’éventualité d’une gu
426 ; il compte à chaque instant avec l’éventualité d’ une guerre, et il y puise sa force de cohésion. Quelle que soit donc la v
427 sse bien finir. Tout se ramène donc, pour nous, à un problème de force. Mais non pas de forces pour « gagner » la guerre :
428 te guerre engagée avec les États totalitaires est une guerre perdue, quelle que soit son issue, pour les nations démocratiq
429 soit son issue, pour les nations démocratiques. D’ une guerre totale, telle que nous imposerait l’Allemagne, ne peut sortir
430 ue nous imposerait l’Allemagne, ne peut sortir qu’ un État totalitaire. Il s’agit donc d’empêcher cette guerre, de se montr
431 pêcher, et de condamner ainsi le régime adverse à une autodestruction de ses énergies belliqueuses. Or, se montrer fort, ce
432 jusqu’aux dents. Réagir au péril totalitaire par des plans de « réarmement », c’est introduire chez nous le Cheval de Troi
433 ant que l’adversaire, il faudrait imposer au pays une discipline équivalente à celle qui régit les Allemands. À supposer qu
434 a liberté. Il n’y a de solution pratique que dans un vaste effort moral des grandes et des petites démocraties pour résoud
435 solution pratique que dans un vaste effort moral des grandes et des petites démocraties pour résoudre à leur manière propr
436 que que dans un vaste effort moral des grandes et des petites démocraties pour résoudre à leur manière propre le problème r
437 ésolu, vaille que vaille, les dictateurs. Refaire une commune mesure vivante. Restaurer le sens civique décadent. Retrouver
438 te. Restaurer le sens civique décadent. Retrouver une foi qui ne soit pas cette volonté anxieuse de croire à la Nation… Le
439 fondamental, c’est celui que nous pose l’angoisse des individus isolés, et l’appel religieux qui naît de cette angoisse — m
440 ur le résoudre le délai que nous accordent encore une situation matérielle supportable, et quelques restes de traditions ci
441 liquai à démontrer que le national-socialisme est un jacobinisme allemand ; même esprit centralisateur ; même exaltation d
442 tion de la nation considérée comme missionnaire d’ une idée ; même goût des fêtes symboliques données par l’État dans l’inte
443 sidérée comme missionnaire d’une idée ; même goût des fêtes symboliques données par l’État dans l’intention — avouée par le
444 ner les esprits ; mêmes tentatives pour instaurer une religion purement nationale et civique destinée à remplacer les confe
445 ions « vieillies » et « divisées ». Il faut créer une « religion d’hommes sans Dieu », disait Naigeon, une « foi concrète e
446 « religion d’hommes sans Dieu », disait Naigeon, une « foi concrète et patriotique », disait l’abbé Grégoire : c’est le « 
447  : c’est le « christianisme positif et allemand » des nazis… Tout cela fut écouté avec un intérêt courtois, vaguement étonn
448 t allemand » des nazis… Tout cela fut écouté avec un intérêt courtois, vaguement étonné, déconcerté… Mais de la part d’un
449 , vaguement étonné, déconcerté… Mais de la part d’ un étranger, on accepte de tels écarts. Grande différence avec le régime
6 1939, Les Nouveaux Cahiers (1937-1939). Faire le jeu d’Hitler (1er janvier 1939)
450 e l’été dernier, et devant la menace hitlérienne, un écrivain de nos amis se sentit pressé de parler, non point pour appel
451 e. Il connaissait le IIIe Reich pour y avoir vécu un an. Il estimait que dans l’intérêt même d’une défense efficace, il im
452 vécu un an. Il estimait que dans l’intérêt même d’ une défense efficace, il importait de faire connaître la nature de l’atta
453 sse de l’adversaire. Il écrivait à ce sujet (dans un langage qui, selon lui, ne devait point permettre d’équivoque) : « Un
454 n lui, ne devait point permettre d’équivoque) : «  Un général qui étudie le terrain de sa bataille décisive n’est pas préci
455 a de mauvais dans l’hitlérisme. Et concluait sur une pressante mise en garde contre l’esprit totalitaire. Or, à peine ce l
456 Cette petite aventure nous apparaît révélatrice d’ un état d’esprit dont la seule existence suffit à justifier l’effort de
457 suffit à justifier l’effort de nos Cahiers. ⁂ Qu’ une « prise de parti » efficace suppose nécessairement et avant tout la c
458 ement et avant tout la connaissance « objective » des faits en discussion, voilà qui, semble-t-il, ne souffre pas le doute
459 , voilà qui, semble-t-il, ne souffre pas le doute un seul instant. Mais que cette vérité très évidente soit en pratique mé
460 a plus simple. Comment se peut-il, en général, qu’ un homme refuse de voir ce qui est ? Et en particulier : comment se peut
461 rticulier : comment se peut-il que, délibérément, un publiciste qui entend juger l’Allemagne, commence par récuser les tém
462 r de ce qui se passe en Allemagne. Je leur expose des faits « bons » ou « mauvais ». Je dis : il faut connaître ces faits s
463 adiction insurmontable se résout pratiquement par un mensonge (le feu ne brûle pas), et par un transfert de la « méchancet
464 ent par un mensonge (le feu ne brûle pas), et par un transfert de la « méchanceté » du feu sur celui qui en avertit. Refus
465 st le mécanisme régulier qui trahit la présence d’ une passion inavouable. Dans un monde comme le nôtre, où si peu d’hommes
466 trahit la présence d’une passion inavouable. Dans un monde comme le nôtre, où si peu d’hommes connaissent leur vraie croya
467 ce de telle ou telle réalité, c’est que vous avez une tendance à la favoriser. Toutes les fois que ce chantage se manifeste
468 te, je suis certain que son auteur est la proie d’ une pas­sion inavouable — à ses propres yeux — pour la réalité qu’il m’in
469 ends donc que les antifascistes « aveugles » sont des totalitaires qui s’ignorent. ⁂ Quelle est, en effet, la caractéristiq
470 ire ceux qui discutent ; ceux qui, sans être même des opposants, ne manifestent pas une volonté de soumission aveugle et jo
471 sans être même des opposants, ne manifestent pas une volonté de soumission aveugle et joyeuse aux mots d’ordre du Parti. P
472 u’adhérents enthousiastes, de demeurer capables d’ un jugement personnel. Puis : ceux qui n’ont pas donné assez de preuves
473 u contraire pour situer cette prise de parti avec un maximum d’efficience. S’ils étaient amenés à discuter, par suite à do
474 mais non pas de bolchévique par les droites. Pour des raisons trop complexes à examiner ici, il se trouve que la droite jou
475 n France, provisoirement et comme par accident, d’ une plus grande liberté d’esprit que la gauche. (À de nombreuses exceptio
476 près, bien sûr. J’en citerais d’assez éclatantes des deux côtés.) ⁂ Si l’on veut conserver un sens à l’expression « faire
477 atantes des deux côtés.) ⁂ Si l’on veut conserver un sens à l’expression « faire le jeu d’Hitler », il me paraît indispens
478 mais Mme Tabouis le fait aussi en le calomniant d’ une façon maladroite, etc. Quel est le jeu qu’il s’agit de ne pas faire ?
479 tivement) et par la passion de condamner à priori des « tendances » supposées hostiles (passion créatrice de têtes de Turcs
480 r ma part le droit de discuter, et j’en fais même un devoir civique. Si vous me le contestez, je vous jugerai là-dessus. S
481 ous me retirez cette arme, vous me transformez en un fasciste honteux, qui sera certainement battu par le fasciste glorieu
482 r le fasciste glorieux. ⁂ Je conçois très bien qu’ un communiste n’admette point que je décrive le régime nazi tel qu’il es
483 admettait, il serait contraint de voir l’identité des actes qu’il reproche à Hitler, et des actes qu’il loue chez Staline.
484 l’identité des actes qu’il reproche à Hitler, et des actes qu’il loue chez Staline. (Je néglige ici les prétextes.) L’un m
485 ne. (Je néglige ici les prétextes.) L’un massacre des hommes parce qu’ils ont une ascendance juive, l’autre parce qu’ils on
486 extes.) L’un massacre des hommes parce qu’ils ont une ascendance juive, l’autre parce qu’ils ont une ascendance koulak. Tou
487 nt une ascendance juive, l’autre parce qu’ils ont une ascendance koulak. Tous les deux persécutent les chrétiens. Tous les
488 arant ses critères, et en acceptant la discussion des faits. Dès lors, le départ entre « totalitaires » (conscients ou non)
489 ceux qui préfèrent l’intelligence. Ceci n’est pas une pointe, mais une conclusion réfléchie. 4. Refuser de discuter Hitle
490 t l’intelligence. Ceci n’est pas une pointe, mais une conclusion réfléchie. 4. Refuser de discuter Hitler, c’est le « tab