1
violence, et qu’ils s’efforçaient d’y substituer
une
méthode de collaboration et de compréhension réciproque. Or, une coll
2
collaboration et de compréhension réciproque. Or,
une
collaboration et une compréhension réciproques ne peuvent être fécond
3
ompréhension réciproque. Or, une collaboration et
une
compréhension réciproques ne peuvent être fécondes que si elles réuni
4
ne peuvent être fécondes que si elles réunissent
des
éléments réellement divers, c’est-à-dire opposés à l’origine. Toute c
5
l’origine. Toute collaboration créatrice suppose
un
but nouveau, que des hommes auparavant antagonistes (c’est-à-dire don
6
llaboration créatrice suppose un but nouveau, que
des
hommes auparavant antagonistes (c’est-à-dire dont les intérêts et les
7
t) s’imposent et cherchent à atteindre au moyen d’
une
discipline commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à un état
8
commune. Mais toute nouveauté « fait violence » à
un
état de choses donné ; réduire ou surmonter des antagonismes, c’est l
9
à un état de choses donné ; réduire ou surmonter
des
antagonismes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer une discip
10
mes, c’est leur « faire violence » ; et s’imposer
une
discipline en vue d’atteindre un but commun, c’est encore « faire vio
11
; et s’imposer une discipline en vue d’atteindre
un
but commun, c’est encore « faire violence » aux intérêts particuliers
12
iers. Toute collaboration créatrice implique donc
une
certaine violence. Autrement, il ne s’agirait que d’un assemblage pur
13
rtaine violence. Autrement, il ne s’agirait que d’
un
assemblage purement quantitatif d’éléments semblables ou apparentés.
14
arentés. La compréhension réciproque ne serait qu’
une
constatation pure et simple, une tautologie, une formalité ennuyeuse.
15
que ne serait qu’une constatation pure et simple,
une
tautologie, une formalité ennuyeuse. Il n’y aurait ni effort, ni créa
16
’une constatation pure et simple, une tautologie,
une
formalité ennuyeuse. Il n’y aurait ni effort, ni création. On aboutir
17
. On aboutirait, dans le cas le plus favorable, à
un
banal échange d’informations, dans l’indifférence générale. Il y a do
18
différence générale. Il y a donc, me semble-t-il,
un
intérêt urgent pour le groupe des Nouveaux Cahiers, à préciser la sig
19
me semble-t-il, un intérêt urgent pour le groupe
des
Nouveaux Cahiers, à préciser la signification du mot violence, dans l
20
r du groupe et dans ces pages. Sur le « pouvoir
des
mots » « Simple question de vocabulaire », a-t-on coutume de répli
21
nous avons ouvert la rubrique intitulée « Pouvoir
des
mots » pour montrer justement que les questions de vocabulaire ne son
22
ent important pour « l’action » que la définition
des
mots qui la désignent, ou qui la trahissent ; qui en assurent la sign
23
, ou qui faussent cette signification et masquent
une
inefficacité réelle. Toute définition de mot, qu’on le sache ou non,
24
de mot, qu’on le sache ou non, suppose et définit
une
attitude générale, une certaine conception de la vie. C’est ainsi — e
25
ou non, suppose et définit une attitude générale,
une
certaine conception de la vie. C’est ainsi — entre autres — que le «
26
ie. C’est ainsi — entre autres — que le « pouvoir
des
mots » est réel. Peut-être dira-t-on qu’il n’est que trop réel : c’es
27
t été vidés du sens — primitif ou secondaire — qu’
une
société et une culture, aujourd’hui fortement compromises, s’accordai
28
sens — primitif ou secondaire — qu’une société et
une
culture, aujourd’hui fortement compromises, s’accordaient à leur attr
29
nt à leur attribuer. Aussi ont-ils pris peu à peu
des
contenus mal définis, souvent contraires aux usages anciens, et qui p
30
remplis au hasard, — et en tout cas, ils ont pris
des
valeurs ou des sens nouveaux qu’il importe au plus haut point de redé
31
rd, — et en tout cas, ils ont pris des valeurs ou
des
sens nouveaux qu’il importe au plus haut point de redéfinir et de réo
32
définir et de réorganiser, si l’on entend recréer
un
corps social vivant, et une « commune mesure » pour les diverses acti
33
si l’on entend recréer un corps social vivant, et
une
« commune mesure » pour les diverses activités de l’homme dans le cad
34
lence est généralement « mal vue » de la majorité
des
Français. (Mais c’est peut-être, justement, parce qu’on la regarde ma
35
, à contrainte par la force matérielle : on parle
des
« violences policières ». On la considère comme une passion basse et
36
s « violences policières ». On la considère comme
une
passion basse et vulgaire, ou comme une nécessité désespérée à laquel
37
ère comme une passion basse et vulgaire, ou comme
une
nécessité désespérée à laquelle il faut recourir lorsqu’on se trouve
38
raît d’ailleurs injuste à ceux qui la subissent).
Un
homme violent, c’est une espèce de brute qui refuse de discuter, de d
39
à ceux qui la subissent). Un homme violent, c’est
une
espèce de brute qui refuse de discuter, de donner ses raisons, et qui
40
avec brutalité, mais avec bêtise. Qu’il y ait là
un
glissement de sens, c’est évident. Mais encore faut-il expliquer comm
41
pouvoir. Conception qui se fonde d’ailleurs dans
une
tendance permanente de l’homme ; le besoin de sécurité. Mais ce besoi
42
t exagérément développé, et comme fixé, par suite
des
conditions particulières dans lesquelles la bourgeoisie a conquis le
43
geoisie a conquis le pouvoir et l’a gardé pendant
un
siècle et demi. La bourgeoisie établie sur l’argent, et sur un « capi
44
demi. La bourgeoisie établie sur l’argent, et sur
un
« capital » de traditions, a doublement « intérêt » au maintien d’un
45
raditions, a doublement « intérêt » au maintien d’
un
ordre public et culturel immuable. (Préservé contre les mutations bru
46
ice. Elle tend à substituer aux conflits déclarés
des
« gentlemen’s agreements ». Elle essaie de sauvegarder à tout prix un
47
eements ». Elle essaie de sauvegarder à tout prix
une
évolution continue et sans heurts. (D’où le retard permanent et voulu
48
nt-garde, et ce vaste système de contrôle méfiant
des
idées que constitue la filière universitaire.) Il faut à tout prix qu
49
spèce d’optimisme désarmant qui se manifeste dans
des
expressions telles que : « Cela ne peut pas être vrai : ce serait tro
50
t-à-dire : cela obligerait à envisager le monde d’
une
façon nouvelle). En même temps, les organismes de l’économie et de la
51
ats qu’on a l’impression que toute intervention d’
une
nouveauté réelle entraînerait des conséquences imprévisibles et non m
52
intervention d’une nouveauté réelle entraînerait
des
conséquences imprévisibles et non mesurables, où « tout risquerait de
53
chose, on rabaisse le mot qui la désigne : c’est
une
espèce de conjuration magique. Nous retrouvons ici le glissement séma
54
mot dans le sens le plus péjoratif. J’en donnerai
un
exemple qui fait bien voir toute l’équivoque de la situation : on a c
55
a pensée bourgeoise, sinon aux intérêts immédiats
des
bourgeois. Les seules véritables doctrines de violence apparues dans
56
ce Nous pouvons maintenant essayer de préciser
une
distinction radicale entre violence et brutalité, — avec l’espoir de
57
nde, pour y réaliser ses vues, il fait violence à
un
état de choses. Et ceci dans n’importe quel domaine, qu’il s’agisse d
58
s n’importe quel domaine, qu’il s’agisse d’élever
des
blocs de pierre à la hauteur d’un cintre, de labourer la terre, ou d’
59
gisse d’élever des blocs de pierre à la hauteur d’
un
cintre, de labourer la terre, ou d’écrire un ouvrage dont la nécessit
60
ur d’un cintre, de labourer la terre, ou d’écrire
un
ouvrage dont la nécessité n’est sentie tout d’abord que par l’auteur
61
l’esprit — et c’est l’esprit seul qui crée — est
une
« transgression » des lois admises jusqu’alors : d’où le malaise que
62
’esprit seul qui crée — est une « transgression »
des
lois admises jusqu’alors : d’où le malaise que crée naturellement cet
63
orie du risque encouru, qui est le signe normal d’
une
création de l’esprit humain. Les époques de décadence sont celles où
64
fortement que l’euphorie du risque, du jeu. C’est
un
affadissement et une trahison certaine de l’Évangile qui ont conduit
65
orie du risque, du jeu. C’est un affadissement et
une
trahison certaine de l’Évangile qui ont conduit les chrétiens moyens
66
stianisme, et non l’inverse, comme le soutiennent
des
polémistes ignorants. La violence étant le fait de l’esprit, elle se
67
C’est elle seule qui délivre l’homme de la chaîne
des
routines et des lois qu’il se forge, c’est elle seule qui l’empêche d
68
qui délivre l’homme de la chaîne des routines et
des
lois qu’il se forge, c’est elle seule qui l’empêche de se laisser emp
69
nte ses habitudes devenues tyrannies, et qui crée
des
possibles nouveaux. La révolution ainsi comprise est aussi indispensa
70
de la loi de pesanteur, puis elle est placée dans
une
« organisation » nouvelle, et tout cela s’opère en vertu d’une décisi
71
ation » nouvelle, et tout cela s’opère en vertu d’
une
décision de l’esprit2. Enfin, la vraie violence n’exclut nullement la
72
la délicatesse (voir Nietzsche), ni la subtilité
des
moyens, ni la sérénité du ton. Bien au contraire ! Tout ceci n’appara
73
it agissant, la brutalité peut être définie comme
un
aspect et un caractère avant tout matériels. Elle est le fait d’une c
74
la brutalité peut être définie comme un aspect et
un
caractère avant tout matériels. Elle est le fait d’une contrainte pur
75
aractère avant tout matériels. Elle est le fait d’
une
contrainte purement extérieure, donc incapable en soi de rien créer e
76
n profonde de toute existence. C’est tout d’abord
un
processus matériel grossier et brusque, qui se produit comme au hasar
77
d’avouables… Mais la brutalité peut aussi revêtir
un
aspect non matériel : par exemple, il y a dans la logique une certain
78
on matériel : par exemple, il y a dans la logique
une
certaine brutalité, reconnaissable à un caractère de contrainte exter
79
logique une certaine brutalité, reconnaissable à
un
caractère de contrainte externe, comme mécanique, et qui ne tient pas
80
de la nature spirituelle, passionnelle ou vitale
des
réalités auxquelles s’applique le règlement. La sensibilité féminine
81
la contrainte par corps, — même lorsqu’il s’agit
des
choses de l’esprit. Elle ne déteste rien tant que la vraie violence,
82
abstraites, géométriques. La libre manifestation
des
antagonismes réels lui est encore plus intolérable qu’elle ne l’était
83
esponsabilité spirituelle et de risque personnel,
des
instincts brutaux : l’instinct de puissance, l’instinct de conformité
84
tinct d’obéissance aveugle. Mais il se produit là
un
phénomène curieux : alors que la bourgeoisie disqualifiait la violenc
85
n la baptisant violence. D’où le recours constant
des
nationaux-socialistes à Nietzsche, abus flagrant (que toute la pensée
86
oète-philosophe dénonce). Là encore, il semble qu’
une
certaine logique à courte vue préside à cette stérilisation profonde
87
courte vue préside à cette stérilisation profonde
des
jeunes générations fascistes et staliniennes : on cherche à obtenir p
88
cistes et staliniennes : on cherche à obtenir par
des
moyens brutaux, par des contraintes externes, un « rendement social »
89
on cherche à obtenir par des moyens brutaux, par
des
contraintes externes, un « rendement social » immédiat, et l’on ne s’
90
des moyens brutaux, par des contraintes externes,
un
« rendement social » immédiat, et l’on ne s’aperçoit pas que ce faisa
91
s son fameux chapitre en trois lignes de L’Esprit
des
Lois : « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, i
92
la violence et la brutalité, c’est se placer dans
une
position spirituelle inférieure, pour autant que la défensive est en
93
agressivité. Se méfier de la violence, avoir peur
des
risques féconds qu’elle institue, c’est se priver des meilleures arme
94
risques féconds qu’elle institue, c’est se priver
des
meilleures armes dont nous disposions contre la brutalité. La vraie v
95
en, temporise indéfiniment, ne peut conduire qu’à
un
état de désordre où la brutalité ne trouvera plus de résistance série
96
’histoire de l’après-guerre et de l’établissement
des
trois fascismes le démontre avec éclat : la crainte de la violence su
97
: la crainte de la violence suscite mécaniquement
une
brutalité qui, à son tour, ne peut pas supporter la vraie violence. L
98
t se trouve désarmé lorsqu’il survient. Le destin
des
démocraties est lié à l’éducation ; celui des dictatures à la contrai
99
tin des démocraties est lié à l’éducation ; celui
des
dictatures à la contrainte. Le seul moyen de prévenir cette contraint
100
tte contrainte, c’est d’orienter l’éducation vers
une
prise de conscience vigoureuse de la valeur libératrice de la violenc
101
e du prolétariat d’une part, et le ton « brutal »
des
polémiques de Marx. Mais la dictature du prolétariat n’est pour Marx
102
i voudrait prolonger son statut en s’appuyant sur
des
moyens brutaux. Pour le fond, la doctrine de Marx a été fort bien car
103
e Marx a été fort bien caractérisée comme celle d’
un
« évolutionniste brutal » (Aron et Dandieu). 2. Il y aurait lieu aus
104
ë de « violence » dans l’acte du viol, qui paraît
une
brutalité. Mais cela nous entraînerait assez loin. Notons simplement
105
part, l’effémination de la bourgeoisie qui attend
un
dictateur comme la femelle s’offre au viol redouté. a. Rougemont De
106
i pense le voisin trahit sans doute, à l’origine,
une
crainte obscure qu’on a de lui ; révèle ensuite que l’on nourrit soi-
107
t moins désintéressé dans ses mobiles. Sans doute
une
analyse un peu poussée révélerait-elle à l’origine de la recherche la
108
ntéressé dans ses mobiles. Sans doute une analyse
un
peu poussée révélerait-elle à l’origine de la recherche la plus abstr
109
et qui apparaissent dans leur belle nudité lorsqu’
un
amant demande à l’autre : « À quoi penses-tu ? » — À rien, dit-elle.
110
eux, ou avec eux.) Constater les préoccupations d’
une
classe, d’une profession, d’un groupe humain quelconque, c’est l’opér
111
ux.) Constater les préoccupations d’une classe, d’
une
profession, d’un groupe humain quelconque, c’est l’opération nécessai
112
préoccupations d’une classe, d’une profession, d’
un
groupe humain quelconque, c’est l’opération nécessaire à laquelle doi
113
ter l’offre à la demande. Mais ce peut être aussi
un
moyen efficace de se libérer des schémas démodés et des caricatures o
114
e peut être aussi un moyen efficace de se libérer
des
schémas démodés et des caricatures obsédantes sur lesquelles joue la
115
yen efficace de se libérer des schémas démodés et
des
caricatures obsédantes sur lesquelles joue la politique. Un moyen de
116
ures obsédantes sur lesquelles joue la politique.
Un
moyen de trouver des arguments qui portent, qui atteignent ; et de se
117
lesquelles joue la politique. Un moyen de trouver
des
arguments qui portent, qui atteignent ; et de se refaire un langage q
118
ts qui portent, qui atteignent ; et de se refaire
un
langage qui soit réellement entendu. Tout cela est assez évident, et
119
rique. Il reste alors à reconnaître les dangers d’
une
semblable méthode, et les limites de sa fécondité. ⁂ Tant qu’on n’aur
120
trahissent pas les mêmes pensées, si l’on passe d’
un
groupe à un autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Qu
121
as les mêmes pensées, si l’on passe d’un groupe à
un
autre, d’une classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nou
122
pensées, si l’on passe d’un groupe à un autre, d’
une
classe sociale, d’une région à une autre. Que savons-nous des résonan
123
e d’un groupe à un autre, d’une classe sociale, d’
une
région à une autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans
124
à un autre, d’une classe sociale, d’une région à
une
autre. Que savons-nous des résonances qu’éveillent dans « le peuple »
125
ociale, d’une région à une autre. Que savons-nous
des
résonances qu’éveillent dans « le peuple » les grands mots du langage
126
és ou les mêmes idéaux par les mêmes mots ; et qu’
un
même son éveille les mêmes échos. La politique se fonde sur cette cro
127
royance, et la presse arrive parfois à lui donner
une
certaine consistance. Mais ce qui peut être vrai statistiquement ne l
128
esque jamais dans le détail. Plus on s’approche d’
un
groupement défini et concret, plus on constate l’absence de commune m
129
ence de commune mesure entre son langage et celui
des
journaux et des politiciens, ou des intellectuels. De tout près, cela
130
mesure entre son langage et celui des journaux et
des
politiciens, ou des intellectuels. De tout près, cela peut donner une
131
gage et celui des journaux et des politiciens, ou
des
intellectuels. De tout près, cela peut donner une impression d’absurd
132
des intellectuels. De tout près, cela peut donner
une
impression d’absurdité troublante. Je lis dans un livre récentc : L’
133
ne impression d’absurdité troublante. Je lis dans
un
livre récentc : L’autre jour, dans l’autocar, une femme dont j’ai cr
134
un livre récentc : L’autre jour, dans l’autocar,
une
femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient un petit hôtel à Saint-J
135
une femme dont j’ai cru comprendre qu’elle tient
un
petit hôtel à Saint-Jean du Gard, expliquait à sa voisine qui paraiss
136
sine qui paraissait malade : — Tu demanderas bien
un
espécialiste, rappelle-toi ! Si tu oublies, tu n’auras qu’à te rappel
137
ment ? Ce petit fait, si l’on y réfléchit, résume
un
drame. Ce drame est celui du langage dans notre société présente. Les
138
intellectuels, éveillent dans l’esprit populaire
des
harmoniques que nous ne savons plus prévoir. » L’auteur ne croyait p
139
ant les épreuves de son livre, il y trouva jointe
une
petite note écrite à l’encre rouge par le correcteur de l’imprimerie
140
Épicerie et spécialiste. L’auteur paraît croire à
un
rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où u
141
rde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où
un
sentiment obscur de latinité a survécu. Et épices (d’où épicerie) et
142
apparences, mais que « comprendre » les paroles d’
un
homme suppose une science presque surhumaine. Pour conclure quoi que
143
que « comprendre » les paroles d’un homme suppose
une
science presque surhumaine. Pour conclure quoi que ce soit de « ce qu
144
ntéressant ou d’authentique. Ou bien vous obtenez
des
variations sur la réponse des amoureux (« à rien ») ou bien des phras
145
u bien vous obtenez des variations sur la réponse
des
amoureux (« à rien ») ou bien des phrases toutes faites empruntées au
146
sur la réponse des amoureux (« à rien ») ou bien
des
phrases toutes faites empruntées au journal, à la campagne électorale
147
. Il faut donc éviter tout ce qui ressemblerait à
une
enquête : d’abord à cause du malentendu sur les mots, ensuite à cause
148
ient le dire, justement. Quelquefois, il suffit d’
une
chance, d’une bizarrerie de leurs propos, subitement révélatrice. En
149
justement. Quelquefois, il suffit d’une chance, d’
une
bizarrerie de leurs propos, subitement révélatrice. En voici un petit
150
de leurs propos, subitement révélatrice. En voici
un
petit exemple. Dans cette pauvre région de l’Ouest, je rencontre une
151
Dans cette pauvre région de l’Ouest, je rencontre
une
vieille paysanne. Elle se plaint : c’est la jambe qui ne va plus ! D’
152
aient à faire. Moi je vais à l’écluse, je ramasse
des
anguilles, quelques crabes, deux ou trois jambes. Bon, c’est ce qu’il
153
rs 6 heures, les jeunes d’abord, parce qu’ils ont
des
bicyclettes, ils vont plus vite. Le père rentre un peu plus tard. Le
154
s bicyclettes, ils vont plus vite. Le père rentre
un
peu plus tard. Le plus vieux dit : j’ai bien faim. Le plus jeune, il
155
Je dis : oh ! vous avez faim, je vais vous faire
une
soupe aux pommes de terre, — j’avais des pommes de terre — une belle
156
us faire une soupe aux pommes de terre, — j’avais
des
pommes de terre — une belle soupe aux pommes de terre ! Oh ! dit le p
157
pommes de terre, — j’avais des pommes de terre —
une
belle soupe aux pommes de terre ! Oh ! dit le plus vieux, s’il y a un
158
ommes de terre ! Oh ! dit le plus vieux, s’il y a
une
soupe aux pommes de terre, je vais en manger une grande assiettée, ça
159
une soupe aux pommes de terre, je vais en manger
une
grande assiettée, ça arrange, ça délasse, et avec ça on peut aller se
160
au pain quotidien. » ⁂ Il est rare que le film d’
une
conversation, non retouché, offre une image significative, tant soit
161
e le film d’une conversation, non retouché, offre
une
image significative, tant soit peu claire. Cette absence de sens géné
162
e ce qui garantit l’authenticité de la relation d’
un
entretien. Mais cela ne saurait satisfaire entièrement au dessein qui
163
que : pour agir, ou simplement pour se préparer à
une
action non encore déterminée, l’esprit a besoin de conclusions, de do
164
sont les vices de toute enquête. La signification
des
propos recueillis et stylisés pouvant toujours être attribuée au part
165
e « courant » c’est-à-dire se maintenir au niveau
des
phrases d’échange quotidien, des propos qu’on entend chez le bistrot
166
ntenir au niveau des phrases d’échange quotidien,
des
propos qu’on entend chez le bistrot ou autour d’une table de famille.
167
s propos qu’on entend chez le bistrot ou autour d’
une
table de famille. À considérer de trop près leur langage, on conclura
168
our que les petites déformations qu’il subit dans
un
groupe donné deviennent aisément perceptibles : ce sont elles qui rév
169
à aujourd’hui : tout le monde réclame la liberté,
des
libertés, et s’en réclame à droite et à gauche, à Moscou aussi bien q
170
embre 1937, p. 18-19. c. Il s’agit du Journal d’
un
intellectuel en chômage , publié par Denis de Rougemont en 1937.
171
es yeux deux documents qui n’ont rien de secret :
un
article de revue et un catalogue d’éditeur, tous deux publiés en Alle
172
qui n’ont rien de secret : un article de revue et
un
catalogue d’éditeur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion des
173
teur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion
des
fêtes. Le catalogue comporte environ 80 titres (publications récentes
174
se répartissent, approximativement, comme suit ;
un
quart a trait aux questions raciales ; un quart aux questions militai
175
suit ; un quart a trait aux questions raciales ;
un
quart aux questions militaires ; un quart aux coutumes allemandes et
176
ns raciales ; un quart aux questions militaires ;
un
quart aux coutumes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des
177
t aux coutumes allemandes et aux vieux germains ;
un
quart à des sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques. Vo
178
mes allemandes et aux vieux germains ; un quart à
des
sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques. Voici la liste
179
raires, historiques, anecdotiques. Voici la liste
des
titres contenant le mot ou l’idée de race : La Beauté nordique ; Art
180
e : La Beauté nordique ; Art et race ; Le visage
des
chefs allemands (22e mille) ; Race et humour ; La mère allemande (80e
181
humour ; La mère allemande (80e mille) ; Le livre
des
femmes nationales-socialistes ; Race, peuple, soldat ; La paysannerie
182
revue). Comme il ne s’agit là que du catalogue d’
une
seule maison, on ne saurait tirer de ces chiffres aucune conclusion d
183
re, la liste que je viens de recopier ne donne qu’
une
faible idée de l’ensemble des publications allemandes sur ce sujet, d
184
ecopier ne donne qu’une faible idée de l’ensemble
des
publications allemandes sur ce sujet, depuis 1933. J’ajoute que la ma
185
et scientifique du terme. Tous ces ouvrages sont
des
essais de vulgarisation, bien plus que des manuels techniques ou des
186
s sont des essais de vulgarisation, bien plus que
des
manuels techniques ou des instruments de recherche. Du moins sont-ils
187
risation, bien plus que des manuels techniques ou
des
instruments de recherche. Du moins sont-ils présentés sous l’aspect l
188
propagande aboutit réellement ; s’il satisfait à
une
demande réelle du public ; s’il traduit la pensée réelle du lecteur
189
teur allemand moyen. Il faut se rappeler que dans
un
état totalitaire, la question « à quoi pensent ?… » tend à se réduire
190
C’est-à-dire qu’on a remplacé la mode — maîtresse
des
goûts moyens en France — par la volonté de l’État (Hitler, Goebbels e
191
donc être intéressant de se reporter maintenant à
un
organe qui s’efforce de traduire fidèlement les désirs officiels du P
192
chef, Wilhelm Stapel, publie, comme chaque année,
un
article destiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment des achat
193
stiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment
des
achats de Noël. Voici les vingt-deux titres qu’il propose : Une tradu
194
Noël. Voici les vingt-deux titres qu’il propose :
Une
traduction de Wolfram von Eschenbach. Une Histoire de la poésie alle
195
pose : Une traduction de Wolfram von Eschenbach.
Une
Histoire de la poésie allemande ; La Musique allemande de l’époque ;
196
e) ; Ballades germaniques ; Culture et religion
des
Germains ; Œuvres complètes de F. Blunck (littérature) ; Les Grands
197
ique ; Esprit allemand ; Sparte ; Arndt (héros
des
guerres d’indépendance.) Portraits d’empereurs allemands du Moyen Âg
198
ts d’empereurs allemands du Moyen Âge ; Histoire
des
Allemands Sudètes ; Le soldat allemand (lettres de guerre) ; et quat
199
mand (lettres de guerre) ; et quatre romans (dont
un
sur la guerre, et un sur le Moyen Âge allemand). Les mots « allemand
200
re) ; et quatre romans (dont un sur la guerre, et
un
sur le Moyen Âge allemand). Les mots « allemand », « germain », « nor
201
e », reviennent donc dans 13 titres. Et la moitié
des
autres, au moins, évoquent de la façon la plus précise l’idéologie du
202
gie du Parti : technique, morale spartiate, culte
des
héros militaires, retour au Moyen Âge germanique. Je vous laisse à im
203
ril 1938)e Le ministère Blum a vécu l’espace d’
une
parenthèse ouverte par l’Anschluss et fermée par le plébiscite grand-
204
ite et scellée en deux coups de poing, la France,
un
mois durant, s’est énervée à discourir sur sa désunion. J’entends bie
205
que tout le monde n’a parlé que d’union, mais sur
un
ton qui, de toute évidence, en excluait la possibilité. Car quand la
206
as s’unir. Cette double hypocrisie est sans doute
un
hommage que l’esprit partisan rend à l’union sacrée. Mais ce qui m’ap
207
ai qu’on n’en est encore qu’à s’en servir comme d’
un
prétexte pour légitimer des coups bas. Discours à part, que fait-on d
208
’à s’en servir comme d’un prétexte pour légitimer
des
coups bas. Discours à part, que fait-on depuis un mois pour préparer
209
es coups bas. Discours à part, que fait-on depuis
un
mois pour préparer les voies de la réconciliation ? Les socialistes d
210
ulèvent leurs troupes contre le Sénat, provoquant
une
manifestation qu’ils interdisent en tant que ministres. Le Parti comm
211
voir ! » Le Parti radical, à la Chambre, soutient
un
ministère qu’il renverse au Sénat. Et que font ces trois partis réuni
212
te, elle soutient Franco, agent d’Hitler, qui est
un
ennemi, et elle attaque Thorez, agent de Staline, qui est un allié. C
213
et elle attaque Thorez, agent de Staline, qui est
un
allié. Cet ensemble de faits pose une alternative : ou bien tout le m
214
ine, qui est un allié. Cet ensemble de faits pose
une
alternative : ou bien tout le monde est devenu fou, c’est-à-dire fait
215
t on lui rebat les oreilles, le peuple de France,
un
beau jour, ne se décide à jouer sérieusement, — à jouer le jeu de l’u
216
ne plus concevoir leur union que sous la forme d’
un
Anschluss, d’une mutuelle annexion. Il ne manque pas de Seiss-Inquart
217
ir leur union que sous la forme d’un Anschluss, d’
une
mutuelle annexion. Il ne manque pas de Seiss-Inquart, dans les deux c
218
ibre, ou simplement de l’intelligence, équivaut à
une
trahison… Enfin, il ne manque pas de politiciens pour estimer que leu
219
lieu d’essayer de les résoudre, et fait converger
des
refus au lieu de composer des efforts. Programme de M. Daladier (selo
220
, et fait converger des refus au lieu de composer
des
efforts. Programme de M. Daladier (selon le Journal du 10 avril) : ex
221
ladier (selon le Journal du 10 avril) : exclusion
des
communistes ; non-intervention en Espagne ; expulsion des indésirable
222
unistes ; non-intervention en Espagne ; expulsion
des
indésirables ; évacuation des usines. C’est tout. Il est vrai que ces
223
Espagne ; expulsion des indésirables ; évacuation
des
usines. C’est tout. Il est vrai que ces quatre négations couvrent une
224
ut. Il est vrai que ces quatre négations couvrent
une
implicite affirmation, qui est celle du réarmement à outrance, et mêm
225
tenir pour sacrée l’absence totale de raison chez
un
être doté d’une apparence humaine. Est-ce en vertu de cette coutume q
226
ée l’absence totale de raison chez un être doté d’
une
apparence humaine. Est-ce en vertu de cette coutume qu’on nous somme
227
sacrée » ? ⁂ Concevoir l’union comme l’annexion d’
une
moitié de la France par l’autre, c’est la rendre irréalisable, dans l
228
c’est la rendre irréalisable, dans l’état actuel
des
choses. J’en conclus que personne ne la veut sérieusement. Mais comme
229
cauchemar. Car seule la force brutale peut opérer
une
union de ce type, qui n’est qu’une unification. Dans la mesure où on
230
le peut opérer une union de ce type, qui n’est qu’
une
unification. Dans la mesure où on la voudra, on voudra donc la force
231
udra donc la force brutale. On voudra donc la fin
des
libertés françaises. Et pour sauver la France, on perdra les meilleur
232
les désunions, ou pour mieux dire : le libre jeu
des
plus franches oppositions. La force de la France est dans la création
233
; dans l’invention, non dans la marche en rangs.
Un
peuple qui accepte une dictature se décerne un certificat d’incapacit
234
on dans la marche en rangs. Un peuple qui accepte
une
dictature se décerne un certificat d’incapacité politique. Ne croyons
235
s. Un peuple qui accepte une dictature se décerne
un
certificat d’incapacité politique. Ne croyons pas surtout qu’il en so
236
onde attend de la France, en vérité, ce n’est pas
un
Führer de plus, mais au contraire, c’est la solution des problèmes qu
237
rer de plus, mais au contraire, c’est la solution
des
problèmes que d’autres, n’ayant pu résoudre, ont essayé de supprimer
238
résoudre, ont essayé de supprimer en se donnant à
un
Führer. Ce que le monde attend de la France, c’est une audace libérat
239
ührer. Ce que le monde attend de la France, c’est
une
audace libératrice. L’audace d’assumer tous les risques de la liberté
240
⁂ Ce n’est point sans raisons que je termine sur
une
question. S’opposer à l’union sacrée, ce n’est pas faire l’éloge du d
241
e lui-même, et que ses excès conduisent à rêver d’
un
fascisme. Mais il s’agit de savoir si la France, réellement, saura re
242
ement, saura retrouver l’usage concret et positif
des
libertés qu’elle s’est conquises. Il s’agit de savoir si le désordre
243
libertés dégénérées, ou si nous saurons retrouver
un
but commun, en avant de nos luttes, une commune mesure spirituelle qu
244
retrouver un but commun, en avant de nos luttes,
une
commune mesure spirituelle qui ne soit pas les armements, qui ne soit
245
arablement plus beau et fort que l’ordre apparent
des
fascismes. Enfin, toute la question est là : — la liberté fait-elle p
246
1938)f Les notes qui suivent sont extraites d’
un
« journal » tenu en 1935 et 1936 par l’auteur, alors chargé de cours
247
et 1936 par l’auteur, alors chargé de cours dans
une
Université allemande de l’Ouest. On a choisi parmi ces observations c
248
J’arrivais de Paris persuadé que l’hitlérisme est
un
mouvement « de droite », une dernière tentative pour sauver le capita
249
que l’hitlérisme est un mouvement « de droite »,
une
dernière tentative pour sauver le capitalisme et les privilèges bourg
250
rgeois, comme disent les socialistes, ou encore :
un
rempart contre le bolchévisme, comme disent les réactionnaires. Je vo
251
onnaître qu’ils sont tous contre le régime. C’est
un
bolchévisme déguisé, répètent-ils. Drôle de « rempart ». Ils se plaig
252
tes les réformes soient en faveur des ouvriers et
des
paysans ; et que les impôts prennent les proportions d’une confiscati
253
ns ; et que les impôts prennent les proportions d’
une
confiscation de capital ; et que la vie de famille soit détruite, l’a
254
t que la vie de famille soit détruite, l’autorité
des
parents sapée, la religion dénaturée, éliminée de l’éducation, perséc
255
ge. Il n’y a pas eu de massacres. Tout se passe d’
une
manière progressive et ordonnée : bientôt ils n’auront plus de fortun
256
la plupart leurs titres et leurs fonctions, sous
des
maîtres nouveaux. (Le gouverneur de la province est un ancien employé
257
îtres nouveaux. (Le gouverneur de la province est
un
ancien employé de postes, ventripotent et qu’on juge très vulgaire.)
258
plus dénuée d’esprit civique, pour tout dire. Par
un
curieux paradoxe, c’est le régime national-socialiste qui est en trai
259
ension hitlérienne ont été l’expression directe d’
une
carence du sens civique, loi générale qui se vérifie dans tout pays t
260
éduquer tout ce monde : d’où le didactisme pesant
des
innombrables discours politiques et des leaders de la presse mise au
261
me pesant des innombrables discours politiques et
des
leaders de la presse mise au pas. Certes, les Allemands ont toujours
262
en expliquer de ce qui s’y passe de tout nouveau.
Un
régime totalitaire n’exprime point tant l’âme collective d’un peuple
263
talitaire n’exprime point tant l’âme collective d’
un
peuple que le besoin de porter remède à ses carences profondes, et de
264
et de les compenser. Hitler est en train d’opérer
un
dressage du peuple allemand (comme Staline, un dressage du russe), dr
265
er un dressage du peuple allemand (comme Staline,
un
dressage du russe), dressage dont les buts n’ont rien de traditionnel
266
onsciemment — à masquer le caractère antiallemand
des
méthodes qu’on applique en fait. Méthodes prussiennes, disent les All
267
t intérêt privé. Voilà la grande révolution, dans
un
pays ou la vie intérieure d’une part, et la séparation des classes de
268
ou la vie intérieure d’une part, et la séparation
des
classes de l’autre, étaient les vrais fondements des mœurs. Seulement
269
classes de l’autre, étaient les vrais fondements
des
mœurs. Seulement, il y a cette différence profonde entre le jacobinis
270
ational-socialisme : c’est que le premier parlait
des
droits du citoyen, tandis que le second ne parle que de ses devoirs.
271
, il se peut que l’hitlérisme apparaisse aux yeux
des
historiens futurs, comme une école civique élémentaire qui aura donné
272
apparaisse aux yeux des historiens futurs, comme
une
école civique élémentaire qui aura donné au peuple allemand ce qui lu
273
at et le sens du service social. Staline proclame
une
religion du travail, et les Russes sont les plus paresseux des hommes
274
du travail, et les Russes sont les plus paresseux
des
hommes ; Mussolini une religion de l’Empire, et c’est à peine si les
275
es sont les plus paresseux des hommes ; Mussolini
une
religion de l’Empire, et c’est à peine si les Italiens avaient jamais
276
c’est à peine si les Italiens avaient jamais été
une
nation ; Hitler une religion de l’État, et les Allemands l’apprennent
277
s Italiens avaient jamais été une nation ; Hitler
une
religion de l’État, et les Allemands l’apprennent péniblement, avec u
278
, et les Allemands l’apprennent péniblement, avec
un
pédantisme pathétique… N’allons pas faire, nous, une religion de la L
279
pédantisme pathétique… N’allons pas faire, nous,
une
religion de la Liberté ! Ce serait le signe que nous en perdons le go
280
n perdons le goût et l’usage naturel, spontané.
Un
petit industriel. — Avant 1933, sa vie était impossible : grèves, men
281
ve. La paix sociale a été obtenue par la fixation
des
devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable
282
obtenue par la fixation des devoirs réciproques à
un
niveau de justice fort médiocre, mais stable. — En somme, vous êtes c
283
— En somme, vous êtes content ? Il sourit, hausse
un
peu les épaules, fait oui de la tête. Demain, il doit partir pour un
284
fait oui de la tête. Demain, il doit partir pour
un
Schulungslager (camp d’éducation sociale). Ça ne l’enchante pas. Je
285
d. — Ce camp ? — Eh bien voilà : nous étions dans
une
grande maison, logeant deux par deux dans des chambres confortables.
286
ans une grande maison, logeant deux par deux dans
des
chambres confortables. J’avais pour compagnon un ouvrier de mon usine
287
des chambres confortables. J’avais pour compagnon
un
ouvrier de mon usine. On apprend à se connaître en partageant la même
288
ître en partageant la même chambre. Nous suivions
des
cours de politique et d’économie. Nous chantions ensemble. On nous in
289
ole ; et tout délivré : ces ouvriers sont au fond
des
braves types, on peut leur parler sans relever le menton… Un « oppo
290
es, on peut leur parler sans relever le menton…
Un
« opposant ». — Je me promène avec un de mes étudiants. Il est déjà d
291
e menton… Un « opposant ». — Je me promène avec
un
de mes étudiants. Il est déjà doktor phil., et il voudrait se perfect
292
udrait se perfectionner en français, en attendant
une
situation. Il craint d’ailleurs de n’en point trouver, n’étant pas du
293
nalyse : « Cela m’avait même complètement démoli,
un
temps. On ne peut plus croire à rien. » Maintenant il est disciple de
294
ime le dégoûte et le repousse. C’est la dictature
des
butors et des imbéciles. Je lui pose ma question habituelle : Que com
295
et le repousse. C’est la dictature des butors et
des
imbéciles. Je lui pose ma question habituelle : Que comptez-vous fair
296
les temps nouveaux. Il prépare pour le séminaire
un
travail sur Barrès : « la terre et les morts », c’est à peu près le B
297
c’est à peu près le Blut und Boden (sang et sol)
des
nazis. Comme il aime Barrès, cela le rassure. C’est une voie d’approc
298
zis. Comme il aime Barrès, cela le rassure. C’est
une
voie d’approche, un compromis avec le régime détesté. (Note de 1938 :
299
rrès, cela le rassure. C’est une voie d’approche,
un
compromis avec le régime détesté. (Note de 1938 : cet étudiant vient
300
le Parti.) Parents et enfants. — Déjeuner chez
un
avocat. Madame se plaint : « Il n’y a plus de vie de famille possible
301
rti. Ma fille aînée a 18 ans. Elle est Führerin d’
un
groupe de jeunes filles qu’elle doit commander deux fois par semaine
302
e politique. De plus, elle a la charge de trouver
des
places pour ses subordonnées, de s’occuper des secours à donner aux p
303
er des places pour ses subordonnées, de s’occuper
des
secours à donner aux plus pauvres, de les visiter quand elles sont ma
304
s, de les visiter quand elles sont malades (c’est
un
contrôle), et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler des ques
305
alades (c’est un contrôle), et même, c’est arrivé
une
ou deux fois, de régler des questions très délicates, enfants naturel
306
et même, c’est arrivé une ou deux fois, de régler
des
questions très délicates, enfants naturels, etc., vous me comprenez.
307
ions empêcher notre fils, qui a 15 ans, de sortir
un
soir qu’il est un peu malade, par exemple, nous risquerions une mauva
308
e fils, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il est
un
peu malade, par exemple, nous risquerions une mauvaise histoire avec
309
est un peu malade, par exemple, nous risquerions
une
mauvaise histoire avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que des
310
e avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que
des
civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des militaires. » Plaint
311
des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent
des
militaires. » Plainte vingt fois entendue. Les enfants sont ravis, na
312
ment. Ils se sentent libres. Car la liberté, pour
un
adolescent, c’est tout ce qui ne dépend pas de la famille, fut-ce la
313
C’est le contraire. Comparez la jeune Führerin à
une
jeune fille du même âge, chez nous ! Mais l’initiative qu’on exige, c
314
ce serait peu. Mais s’emparer de la liberté même
des
jeunes, voilà le totalitarisme. Un communiste. — Dans sa petite cui
315
iberté même des jeunes, voilà le totalitarisme.
Un
communiste. — Dans sa petite cuisine, où nous sommes attablés, depuis
316
vant 1933, quand il était en feldgrau (l’uniforme
des
communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept
317
rme des communistes) et les autres en brun. C’est
un
dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’une Kameradschaft (compag
318
st un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’
une
Kameradschaft (compagnie de miliciens rouges). Irréductible, il me l’
319
au lait le matin. Qu’on nous donne ça, Hitler ou
un
autre, ça suffira. La politique n’intéresse pas les ouvriers quand il
320
attaquant pas tout de suite la religion… » Tout d’
un
coup il se lève de son tabouret et avec un grand geste, le doigt poin
321
Tout d’un coup il se lève de son tabouret et avec
un
grand geste, le doigt pointé en l’air : « Je vais vous dire une chose
322
e, le doigt pointé en l’air : « Je vais vous dire
une
chose : si tous l’abandonnent, tous ces gros cochons qui sont autour
323
pour lui ! » Et il répète : « Lui au moins, c’est
un
homme sincère, et c’est le seul… » II. — Le fait central J’en é
324
en étais là de mes étonnements. Je collectionnais
des
observations de détail et des interprétations théoriques, vraies et v
325
. Je collectionnais des observations de détail et
des
interprétations théoriques, vraies et vraisemblables une à une, mais
326
erprétations théoriques, vraies et vraisemblables
une
à une, mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse.
327
ations théoriques, vraies et vraisemblables une à
une
, mais dont l’ensemble me laissait une impression assez confuse. Capit
328
ables une à une, mais dont l’ensemble me laissait
une
impression assez confuse. Capitalisme et socialisme, bellicisme et pa
329
s. Et seuls mes amis juifs me donnaient du régime
une
interprétation étonnamment conforme aux préjugés français-moyen, comm
330
os journalistes paraissaient, lues d’ici, décrire
un
monde factice, où nul Allemand ne pouvait reconnaître ni ses souffran
331
frances secrètes ni son espoir. « Il doit y avoir
une
clé », écrivais-je à ce moment. C’est alors que se produisit le coup
332
Rhénanie par la Reichswehr. Deux jours plus tard,
des
affiches rouges annonçaient pour le surlendemain : « Le Führer parle
333
surlendemain : « Le Führer parle ! » On plantait
des
mâts sur les places. On installait des haut-parleurs tous les cent mè
334
n plantait des mâts sur les places. On installait
des
haut-parleurs tous les cent mètres le long des avenues. Et le tambour
335
la nuit. Je reprends mes notes du 11 mars 1936.
Une
cérémonie sacrée. — Trois heures de l’après-midi, dans un café près d
336
onie sacrée. — Trois heures de l’après-midi, dans
un
café près de l’Opéra. Je dis à mon compagnon, le dramaturge allemand
337
ous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas
une
formule grandiloquente pour désigner l’absence d’âme personnelle chez
338
ndividus charriés par les mouvements mécaniques d’
une
foule ? L. hoche la tête : — Allez écouter le Führer, nous en reparle
339
du café, l’on aperçoit toute la place de l’Opéra.
Des
milliers de SA et de SS y sont déjà rangés, immobiles. Le Führer vien
340
là, ces hommes ne bougeront pas. Je me perds dans
des
labyrinthes de barrages jusqu’aux abords de la Festhalle — tout un pe
341
barrages jusqu’aux abords de la Festhalle — tout
un
peuple campe alentour, depuis le matin — et je ne puis franchir les p
342
minutes 30 000 places assises ? Je me glisse dans
des
rangs compacts derrière les bancs. Je verrai très bien la tribune, qu
343
ribune, qui se dresse au centre de l’ovale, comme
une
tour carrée, tendue de rouge et violemment éclairée par des projecteu
344
arrée, tendue de rouge et violemment éclairée par
des
projecteurs convergents. Des masses brunes s’étagent jusqu’à la trois
345
lemment éclairée par des projecteurs convergents.
Des
masses brunes s’étagent jusqu’à la troisième galerie, les visages ind
346
nse roulement de tambour, rarement interrompu par
une
fanfare. On attend, on se serre de plus en plus. Des formations du fr
347
fanfare. On attend, on se serre de plus en plus.
Des
formations du front de travail viennent occuper les couloirs, la pell
348
, la pelle sur l’épaule. Les affiches annonçaient
un
appel général du Parti, dans les 45 salles de la ville, pour la même
349
e 700 000 habitants, et les autocars, et l’afflux
des
campagnards venus à pied, il y aura un million d’auditeurs immédiats.
350
l’afflux des campagnards venus à pied, il y aura
un
million d’auditeurs immédiats. Quelques femmes s’évanouissent, on les
351
r les clameurs de l’extérieur. Goering, Blomberg,
des
généraux, salués par des heil joyeux. Le gouverneur de la province na
352
ieur. Goering, Blomberg, des généraux, salués par
des
heil joyeux. Le gouverneur de la province nasille des lieux communs,
353
heil joyeux. Le gouverneur de la province nasille
des
lieux communs, mal écouté. Je suis debout, malaxé et soutenu par la f
354
nutes. Est-ce que cela vaut la peine ? Mais voici
une
rumeur de marée, des trompettes au-dehors. Toutes les lumières s’étei
355
a vaut la peine ? Mais voici une rumeur de marée,
des
trompettes au-dehors. Toutes les lumières s’éteignent dans la salle,
356
es lumières s’éteignent dans la salle, tandis que
des
flèches lumineuses s’allument sur la voûte, pointant vers une porte à
357
lumineuses s’allument sur la voûte, pointant vers
une
porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait
358
ur la voûte, pointant vers une porte à la hauteur
des
premières galeries. Un coup de projecteur fait apparaître sur le seui
359
rs une porte à la hauteur des premières galeries.
Un
coup de projecteur fait apparaître sur le seuil un petit homme en bru
360
n coup de projecteur fait apparaître sur le seuil
un
petit homme en brun, tête nue, au sourire extatique. Quarante mille h
361
mille hommes, quarante mille bras se sont levés d’
un
coup. L’homme avance très lentement, saluant d’un geste lent, épiscop
362
un coup. L’homme avance très lentement, saluant d’
un
geste lent, épiscopal, sous un tonnerre assourdissant de heil rythmés
363
ntement, saluant d’un geste lent, épiscopal, sous
un
tonnerre assourdissant de heil rythmés. (Je n’entends bientôt plus qu
364
nt lumineux, sur ce visage au sourire extasié, et
des
larmes coulent sur les faces, dans l’ombre. Et soudain tout s’apaise.
365
J’ai compris. Cela ne peut se comprendre que par
une
sorte particulière de frisson et de battement de cœur — cependant que
366
on doit appeler l’horreur sacrée. Je me croyais à
un
meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c’est leur
367
Mais c’est leur culte qu’ils célèbrent ! Et c’est
une
liturgie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’une religion d
368
gie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d’
une
religion dont je ne suis pas, et qui m’écrase et me repousse avec bie
369
Je suis seul et ils sont tous ensemble. III. —
Une
religion nouvelle Si l’on n’a pas senti cela, on ne comprendra jam
370
ti cela, on ne comprendra jamais la raison simple
des
triomphes totalitaires. Évidemment, il sera toujours possible d’invoq
371
voquer les lois économiques, les forces relatives
des
partis et des classes avant 1933, les circonstances politiques de l’E
372
s économiques, les forces relatives des partis et
des
classes avant 1933, les circonstances politiques de l’Europe, le trai
373
Europe, le traité de Versailles, la décomposition
des
gauches, le double jeu du grand capital soutenant Hitler contre les m
374
» qu’on nous fournit se réduisent en définitive à
une
reconstruction plus ou moins cohérente des phénomènes apparents, c’es
375
tive à une reconstruction plus ou moins cohérente
des
phénomènes apparents, c’est-à-dire à une description. Et dès lors qu’
376
ohérente des phénomènes apparents, c’est-à-dire à
une
description. Et dès lors qu’il s’agit de phénomènes aussi complexes,
377
jours échapper, c’est le principe d’actualisation
des
phénomènes, ou si j’ose dire : c’est la grâce efficace. Les choses on
378
tourné de telle sorte ; et l’on explique au nom d’
une
doctrine convenablement réadaptée, qu’elles ne pouvaient tourner que
379
fallu si peu changer pour « expliquer » à l’aide
des
mêmes schémas que le contraire se soit produit en fait… Dernière défe
380
e le phénomène fondamental de la reconstruction d’
une
communauté autour d’un sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d
381
al de la reconstruction d’une communauté autour d’
un
sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d’une tyrannie, au sens
382
un sentiment « sacré ». Et ce n’est pas la soif d’
une
tyrannie, au sens politique et légal, qui a jeté l’Autriche dans les
383
rer. Mais c’est l’attraction passionnée qu’exerce
une
religion naissante, si basse qu’elle soit, sur les masses décomposées
384
asse qu’elle soit, sur les masses décomposées par
des
siècles d’individualisme. Dans une société où tous les liens originel
385
écomposées par des siècles d’individualisme. Dans
une
société où tous les liens originels sont dissous ; où les religions n
386
éveloppement économique rassemblent abstraitement
des
masses inorganiques, dont les individus n’ont en commun que l’argent
387
is se multiplient et s’entredéchirent au hasard d’
un
jeu politique de surface ; où les élites parlent un langage que les m
388
jeu politique de surface ; où les élites parlent
un
langage que les masses sont en mesure d’entendre, mais non pas de com
389
sses et que s’installe au cœur de chaque individu
une
angoisse, — d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel des peupl
390
cœur de chaque individu une angoisse, — d’où naît
un
appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un principe d’uni
391
— d’où naît un appel. C’est à ce formidable appel
des
peuples vers un principe d’union, donc vers une religion, que les dic
392
pel. C’est à ce formidable appel des peuples vers
un
principe d’union, donc vers une religion, que les dictateurs ont su r
393
l des peuples vers un principe d’union, donc vers
une
religion, que les dictateurs ont su répondre. Tout le reste est litté
394
ticle a reçu récemment d’Allemagne (janvier 1938)
une
lettre qui résume tout ceci. Elle est d’un jeune national-socialiste
395
1938) une lettre qui résume tout ceci. Elle est d’
un
jeune national-socialiste qui, ayant lu par hasard un de ses livres,
396
eune national-socialiste qui, ayant lu par hasard
un
de ses livres, entreprend de réfuter les critiques qui s’y trouvent f
397
a pauvreté et le malheur ne peuvent expliquer que
des
phénomènes extérieurs. La raison profonde d’un mouvement comme le nôt
398
e des phénomènes extérieurs. La raison profonde d’
un
mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à qu
399
d. Nous voulons croire à l’immortalité du peuple (
un
arbre dont nous ne sommes que les feuilles qui tombent à chaque génér
400
) et peut-être réussirons-nous à y croire. Ruine
des
croyances communes, carence du christianisme, appel irrationnel à de
401
lle aussi invraisemblable que « l’immortalité » d’
un
peuple — on ne peut pas exprimer d’une manière plus précise et ramass
402
rtalité » d’un peuple — on ne peut pas exprimer d’
une
manière plus précise et ramassée la nature proprement religieuse du p
403
énomène totalitaire allemand. (Et cela vaut, avec
des
nuances, pour l’Italie et la Russie.) Mesurons maintenant la naïveté
404
lie et la Russie.) Mesurons maintenant la naïveté
des
libéraux qui tiennent fréquemment ce propos : « Tout n’est pas mal de
405
est pas mal de ce qui se fait là-bas. Il y a bien
des
choses à y prendre. » Certes, Hitler a rétabli l’ordre dans la rue. I
406
ainsi que beaucoup de braves gens croient trouver
un
terrain d’entente avec les dictatures qu’ils condamnent en principe.
407
: O sancta simplicitas ! Oui, réellement, il faut
une
sainte simplicité pour croire encore qu’on puisse détacher telle ou t
408
rer isolément, ou pour essayer de l’imiter. C’est
une
belle ironie sur le libéralisme impénitent que cette manière libérale
409
e en Allemagne puisse être obtenu à bas prix, par
des
méthodes plus ou moins « habiles », ou « rationnelles » ou « politiqu
410
on brutale et militaire de toute expression libre
des
antagonismes qui chez nous sont encore la réalité même du social ? Qu
411
social ? Que la paix est obtenue par l’écrasement
des
faibles ? Que l’unanimité des ouvriers résulte de la mise au pas des
412
ue par l’écrasement des faibles ? Que l’unanimité
des
ouvriers résulte de la mise au pas des syndicats ? Que tout cela n’es
413
’unanimité des ouvriers résulte de la mise au pas
des
syndicats ? Que tout cela n’est devenu possible que par le fait d’une
414
tout cela n’est devenu possible que par le fait d’
une
complicité quasi universelle et inconsciente, fût-ce de la part des o
415
osants ? Que cette complicité elle-même procède d’
une
angoisse religieuse plus puissante que toutes les « raisons », que to
416
cinq ans. Or, chaque mois apporte, régulièrement,
une
extension précise des pouvoirs du Führer, une consolidation de son pr
417
ois apporte, régulièrement, une extension précise
des
pouvoirs du Führer, une consolidation de son prestige. On ne voit auc
418
nt, une extension précise des pouvoirs du Führer,
une
consolidation de son prestige. On ne voit aucune raison pour qu’Hitle
419
es. Mais ce qu’il faut voir, c’est que la volonté
des
hommes n’a jamais pesé si peu que dans les régimes totalitaires. Ce n
420
pour peu que l’union sacrée les légitime. Ils ont
des
canons, mais pas de beurre, dit-on en France d’un air malin. On oubli
421
es canons, mais pas de beurre, dit-on en France d’
un
air malin. On oublie que le mot est de Goering lui-même. « Du beurre
422
ue le mot est de Goering lui-même. « Du beurre ou
des
canons », c’est un slogan de la propagande nazie, et qui déchaîne rég
423
ring lui-même. « Du beurre ou des canons », c’est
un
slogan de la propagande nazie, et qui déchaîne régulièrement l’enthou
424
zie, et qui déchaîne régulièrement l’enthousiasme
des
foules allemandes — pour les canons. Ces foules peuvent très bien êtr
425
fait que ses conditions d’existence sont celles d’
une
mobilisation ; il compte à chaque instant avec l’éventualité d’une gu
426
; il compte à chaque instant avec l’éventualité d’
une
guerre, et il y puise sa force de cohésion. Quelle que soit donc la v
427
sse bien finir. Tout se ramène donc, pour nous, à
un
problème de force. Mais non pas de forces pour « gagner » la guerre :
428
te guerre engagée avec les États totalitaires est
une
guerre perdue, quelle que soit son issue, pour les nations démocratiq
429
soit son issue, pour les nations démocratiques. D’
une
guerre totale, telle que nous imposerait l’Allemagne, ne peut sortir
430
ue nous imposerait l’Allemagne, ne peut sortir qu’
un
État totalitaire. Il s’agit donc d’empêcher cette guerre, de se montr
431
pêcher, et de condamner ainsi le régime adverse à
une
autodestruction de ses énergies belliqueuses. Or, se montrer fort, ce
432
jusqu’aux dents. Réagir au péril totalitaire par
des
plans de « réarmement », c’est introduire chez nous le Cheval de Troi
433
ant que l’adversaire, il faudrait imposer au pays
une
discipline équivalente à celle qui régit les Allemands. À supposer qu
434
a liberté. Il n’y a de solution pratique que dans
un
vaste effort moral des grandes et des petites démocraties pour résoud
435
solution pratique que dans un vaste effort moral
des
grandes et des petites démocraties pour résoudre à leur manière propr
436
que que dans un vaste effort moral des grandes et
des
petites démocraties pour résoudre à leur manière propre le problème r
437
ésolu, vaille que vaille, les dictateurs. Refaire
une
commune mesure vivante. Restaurer le sens civique décadent. Retrouver
438
te. Restaurer le sens civique décadent. Retrouver
une
foi qui ne soit pas cette volonté anxieuse de croire à la Nation… Le
439
fondamental, c’est celui que nous pose l’angoisse
des
individus isolés, et l’appel religieux qui naît de cette angoisse — m
440
ur le résoudre le délai que nous accordent encore
une
situation matérielle supportable, et quelques restes de traditions ci
441
liquai à démontrer que le national-socialisme est
un
jacobinisme allemand ; même esprit centralisateur ; même exaltation d
442
tion de la nation considérée comme missionnaire d’
une
idée ; même goût des fêtes symboliques données par l’État dans l’inte
443
sidérée comme missionnaire d’une idée ; même goût
des
fêtes symboliques données par l’État dans l’intention — avouée par le
444
ner les esprits ; mêmes tentatives pour instaurer
une
religion purement nationale et civique destinée à remplacer les confe
445
ions « vieillies » et « divisées ». Il faut créer
une
« religion d’hommes sans Dieu », disait Naigeon, une « foi concrète e
446
« religion d’hommes sans Dieu », disait Naigeon,
une
« foi concrète et patriotique », disait l’abbé Grégoire : c’est le «
447
: c’est le « christianisme positif et allemand »
des
nazis… Tout cela fut écouté avec un intérêt courtois, vaguement étonn
448
t allemand » des nazis… Tout cela fut écouté avec
un
intérêt courtois, vaguement étonné, déconcerté… Mais de la part d’un
449
, vaguement étonné, déconcerté… Mais de la part d’
un
étranger, on accepte de tels écarts. Grande différence avec le régime
450
e l’été dernier, et devant la menace hitlérienne,
un
écrivain de nos amis se sentit pressé de parler, non point pour appel
451
e. Il connaissait le IIIe Reich pour y avoir vécu
un
an. Il estimait que dans l’intérêt même d’une défense efficace, il im
452
vécu un an. Il estimait que dans l’intérêt même d’
une
défense efficace, il importait de faire connaître la nature de l’atta
453
sse de l’adversaire. Il écrivait à ce sujet (dans
un
langage qui, selon lui, ne devait point permettre d’équivoque) : « Un
454
n lui, ne devait point permettre d’équivoque) : «
Un
général qui étudie le terrain de sa bataille décisive n’est pas préci
455
a de mauvais dans l’hitlérisme. Et concluait sur
une
pressante mise en garde contre l’esprit totalitaire. Or, à peine ce l
456
Cette petite aventure nous apparaît révélatrice d’
un
état d’esprit dont la seule existence suffit à justifier l’effort de
457
suffit à justifier l’effort de nos Cahiers. ⁂ Qu’
une
« prise de parti » efficace suppose nécessairement et avant tout la c
458
ement et avant tout la connaissance « objective »
des
faits en discussion, voilà qui, semble-t-il, ne souffre pas le doute
459
, voilà qui, semble-t-il, ne souffre pas le doute
un
seul instant. Mais que cette vérité très évidente soit en pratique mé
460
a plus simple. Comment se peut-il, en général, qu’
un
homme refuse de voir ce qui est ? Et en particulier : comment se peut
461
rticulier : comment se peut-il que, délibérément,
un
publiciste qui entend juger l’Allemagne, commence par récuser les tém
462
r de ce qui se passe en Allemagne. Je leur expose
des
faits « bons » ou « mauvais ». Je dis : il faut connaître ces faits s
463
adiction insurmontable se résout pratiquement par
un
mensonge (le feu ne brûle pas), et par un transfert de la « méchancet
464
ent par un mensonge (le feu ne brûle pas), et par
un
transfert de la « méchanceté » du feu sur celui qui en avertit. Refus
465
st le mécanisme régulier qui trahit la présence d’
une
passion inavouable. Dans un monde comme le nôtre, où si peu d’hommes
466
trahit la présence d’une passion inavouable. Dans
un
monde comme le nôtre, où si peu d’hommes connaissent leur vraie croya
467
ce de telle ou telle réalité, c’est que vous avez
une
tendance à la favoriser. Toutes les fois que ce chantage se manifeste
468
te, je suis certain que son auteur est la proie d’
une
passion inavouable — à ses propres yeux — pour la réalité qu’il m’in
469
ends donc que les antifascistes « aveugles » sont
des
totalitaires qui s’ignorent. ⁂ Quelle est, en effet, la caractéristiq
470
ire ceux qui discutent ; ceux qui, sans être même
des
opposants, ne manifestent pas une volonté de soumission aveugle et jo
471
sans être même des opposants, ne manifestent pas
une
volonté de soumission aveugle et joyeuse aux mots d’ordre du Parti. P
472
u’adhérents enthousiastes, de demeurer capables d’
un
jugement personnel. Puis : ceux qui n’ont pas donné assez de preuves
473
u contraire pour situer cette prise de parti avec
un
maximum d’efficience. S’ils étaient amenés à discuter, par suite à do
474
mais non pas de bolchévique par les droites. Pour
des
raisons trop complexes à examiner ici, il se trouve que la droite jou
475
n France, provisoirement et comme par accident, d’
une
plus grande liberté d’esprit que la gauche. (À de nombreuses exceptio
476
près, bien sûr. J’en citerais d’assez éclatantes
des
deux côtés.) ⁂ Si l’on veut conserver un sens à l’expression « faire
477
atantes des deux côtés.) ⁂ Si l’on veut conserver
un
sens à l’expression « faire le jeu d’Hitler », il me paraît indispens
478
mais Mme Tabouis le fait aussi en le calomniant d’
une
façon maladroite, etc. Quel est le jeu qu’il s’agit de ne pas faire ?
479
tivement) et par la passion de condamner à priori
des
« tendances » supposées hostiles (passion créatrice de têtes de Turcs
480
r ma part le droit de discuter, et j’en fais même
un
devoir civique. Si vous me le contestez, je vous jugerai là-dessus. S
481
ous me retirez cette arme, vous me transformez en
un
fasciste honteux, qui sera certainement battu par le fasciste glorieu
482
r le fasciste glorieux. ⁂ Je conçois très bien qu’
un
communiste n’admette point que je décrive le régime nazi tel qu’il es
483
admettait, il serait contraint de voir l’identité
des
actes qu’il reproche à Hitler, et des actes qu’il loue chez Staline.
484
l’identité des actes qu’il reproche à Hitler, et
des
actes qu’il loue chez Staline. (Je néglige ici les prétextes.) L’un m
485
ne. (Je néglige ici les prétextes.) L’un massacre
des
hommes parce qu’ils ont une ascendance juive, l’autre parce qu’ils on
486
extes.) L’un massacre des hommes parce qu’ils ont
une
ascendance juive, l’autre parce qu’ils ont une ascendance koulak. Tou
487
nt une ascendance juive, l’autre parce qu’ils ont
une
ascendance koulak. Tous les deux persécutent les chrétiens. Tous les
488
arant ses critères, et en acceptant la discussion
des
faits. Dès lors, le départ entre « totalitaires » (conscients ou non)
489
ceux qui préfèrent l’intelligence. Ceci n’est pas
une
pointe, mais une conclusion réfléchie. 4. Refuser de discuter Hitle
490
t l’intelligence. Ceci n’est pas une pointe, mais
une
conclusion réfléchie. 4. Refuser de discuter Hitler, c’est le « tab