1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)a b La th
2 b La théologie chrétienne a-t-elle pour tâche de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale
3 t-elle pour tâche de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale, d’intégrer largement les décou
4 he de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’ en atténuer le scandale, d’intégrer largement les découvertes de l’esp
5 message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale, d’ intégrer largement les découvertes de l’esprit humain, quitte à laisse
6 le scandale, d’intégrer largement les découvertes de l’esprit humain, quitte à laisser tomber certains dogmes décidément i
7 r aux hommes une vérité qui n’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous nos jugements et la
8 able de leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’
9 le jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour le scandale et non pour l
10 age ? « L’âme moderne » décontenancée par l’échec de ses idéaux, demande des apaisements ou des directions positives. Faut
11 étaient les questions que se posait, vers la fin de la guerre, dans le presbytère d’un village de la Suisse allemande, un
12 ait, vers la fin de la guerre, dans le presbytère d’ un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autou
13 fin de la guerre, dans le presbytère d’un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’é
14 lui, c’était l’écho des bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences sociales. Que devenaient, dans tout ce
15 es bombardements, les cartes de pain, des menaces de violences sociales. Que devenaient, dans tout cela, les belles synthè
16 devenaient, dans tout cela, les belles synthèses de la théologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et d’optimisme
17 nthèses de la théologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et d’optimisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s
18 logie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et d’ optimisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s’étaient appuyées,
19 hommes aux prises avec les contradictions inouïes de la vie, et leur parler du message non moins inouï de la Bible, de cet
20 la vie, et leur parler du message non moins inouï de la Bible, de cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en fac
21 ur parler du message non moins inouï de la Bible, de cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en face des contrad
22 me une nouvelle énigme en face des contradictions de la vie. Souvent ces deux grandeurs, la vie et la Bible, m’ont fait l’
23 fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? —  d’ être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de la prédi
24 ybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit, qui donc peut
25 ans doute, pour notre esprit critique. Il résulte de cette étude un gros livre que trois éditeurs refusent mais qui paraît
26 rie après la guerre. Aventure étonnante que celle de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de c
27 Aventure étonnante que celle de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de campagne, et dans lequ
28 e de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’ un obscur pasteur de campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allema
29 né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allemagne intellectuelle d
30 ne intellectuelle découvre l’expression poignante de son angoisse intime, mais aussi, et enfin, une réponse. Une réponse p
31 et enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adre
32 Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questio
33 veut s’adresser qu’à ces « questions dernières » de notre vie, celle devant lesquelles nous fuyons toujours — et c’est là
34 yons toujours — et c’est là justement le principe de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comp
35 pe de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-même
36 enons pas les hommes au sérieux quand la détresse de leur existence les a conduits à nous, je le répète, si nous ne les pr
37 le font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude
38 our la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude de délaisser l’Église et de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposé
39 ent peu à peu l’habitude de délaisser l’Église et de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés et ces timorés dont j’a
40 r. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vi
41 it là un homme, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vingtième mil
42 ème mille. Barth, nommé professeur à l’Université de Bonn, exerce depuis dix ans une influence qu’on peut qualifier de rév
43 depuis dix ans une influence qu’on peut qualifier de révolutionnaire sur la pensée protestante dans le monde entier. Quel
44 te dans le monde entier. Quel est donc le contenu de cette œuvre, où est le secret de son incomparable virulence ? Les ess
45 donc le contenu de cette œuvre, où est le secret de son incomparable virulence ? Les essais que viennent de traduire MM.
46 Pierre Maury et A. Lavanchy sous le titre Parole de Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon de la pensée barthi
47 Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon de la pensée barthienne dans son plein développement, du moins de ses th
48 barthienne dans son plein développement, du moins de ses thèmes initiaux, de sa « problématique » particulière. Il n’est p
49 n développement, du moins de ses thèmes initiaux, de sa « problématique » particulière. Il n’est pas facile de résumer san
50 problématique » particulière. Il n’est pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système.
51 e à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se donne en effet pour une simple « note marginale » à tous les
52 osité. Elles consistent tout d’abord en une série de points d’interrogation que Barth place derrière des mots comme religi
53 es consistent tout d’abord en une série de points d’ interrogation que Barth place derrière des mots comme religion, piété,
54 religion, piété, expérience religieuse, problème de Dieu. Il n’en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de tro
55 faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nou
56 troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance sign
57 ns, ont toujours été les premiers à refuser, sous de très pieux prétextes, les ordres de la Parole de Dieu ? « Alors que t
58 refuser, sous de très pieux prétextes, les ordres de la Parole de Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore, la p
59 de très pieux prétextes, les ordres de la Parole de Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore, la polémique de l
60 que toujours, et aujourd’hui encore, la polémique de la “religion” est dirigée contre le monde qui vit sans Dieu, la polém
61 e contre le monde qui vit sans Dieu, la polémique de la Bible au contraire, vise le monde religieux, qu’il soit placé sous
62 e monde religieux, qu’il soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences r
63 igieux, qu’il soit placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences religieuses 
64 de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences religieuses » sur lesquelles les modernes exercent
65 biblique, rien n’est moins important que le mode de l’expérience. Elle est charge et mission, et non pas but et accomplis
66 logique, elle est élémentaire, à peine consciente d’ elle-même. » Les prophètes n’ont pas de biographie : « L’homme bibliqu
67 consciente d’elle-même. » Les prophètes n’ont pas de biographie : « L’homme biblique se lève et tombe avec sa mission ». I
68 iblique, loin de mettre en scène le développement d’ une « tradition » spirituelle, figure la négation absolue de toute his
69 adition » spirituelle, figure la négation absolue de toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série de libres actions d
70 ure la négation absolue de toute histoire : « Vue d’ en haut, c’est une série de libres actions divines : vue d’en bas, une
71 toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série de libres actions divines : vue d’en bas, une série d’essais sans résult
72 , c’est une série de libres actions divines : vue d’ en bas, une série d’essais sans résultats au cours d’une impossible en
73 libres actions divines : vue d’en bas, une série d’ essais sans résultats au cours d’une impossible entreprise. » Le chris
74 n bas, une série d’essais sans résultats au cours d’ une impossible entreprise. » Le christianisme : une impossible entrepr
75 e Barth, après Kierkegaard, remet au premier plan de la pensée théologique. C’est de cette situation profondément paradoxa
76 t au premier plan de la pensée théologique. C’est de cette situation profondément paradoxale, assumée dans sa tragique iro
77 ir conscience, s’il veut parler valablement. Mais de quoi va-t-il encore pouvoir parler ? Ici le paradoxe devient plus aig
78 doxe devient plus aigu. Le théologien doit parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l
79 héologien doit parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous som
80 parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous sommes tout entier
81 el, alors que nous sommes tout entiers temporels. De celui qui transcende toutes nos idées de la transcendance. De celui q
82 mporels. De celui qui transcende toutes nos idées de la transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne p
83 transcende toutes nos idées de la transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne peut aller. Du totalit
84 aliter aliter. Si donc la tâche du théologien est de parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car
85 ter. Si donc la tâche du théologien est de parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de
86 qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de Dieu voudrait dire, pour toute conscience sérieuse… parler de la Paro
87 rait dire, pour toute conscience sérieuse… parler de la Parole de Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répé
88 ur toute conscience sérieuse… parler de la Parole de Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répéter ces quatr
89 s en les répétant, nous n’avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une réalité, une vérité. » À l
90 verbi Dei, l’homme pécheur n’est pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, ju
91 ’homme pécheur n’est pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, jusqu’à saint P
92 blié : que l’homme n’est pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi seule lui donne la promesse du salut, que c
93 du salut, que cette foi n’est pas le couronnement de sa « vie religieuse », mais le don gratuit que Dieu fait à tout homme
94 n gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’a plus d’ autre attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que le barthisme est
95  » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de pendant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout un rappel viole
96 t tout un rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en question radicale et intime de notre exist
97 ngile ; une remise en question radicale et intime de notre existence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard il nous fait v
98 hristianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel de la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une
99 t, l’instant éternel de la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre perso
100 hrist, et non point une morale prudente, garantie de bonheur terrestre ou céleste. Car cette rencontre est mortelle à l’ho
101 ’homme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée
102 même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée aux « justes », mais bi
103 à cette mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dialectique » de Thérès
104 rir, selon la parole profondément « dialectique » de Thérèse d’Avila. Qu’est-ce donc en définitive que le point de vue bar
105 nt de vue barthien ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches
106 eu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute recherch
107 ’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute recherche. Il est la présupposition de to
108 s recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute recherche. Il est la présupposition de toute vie, la synthèse q
109 e et de toute recherche. Il est la présupposition de toute vie, la synthèse qui précède éternellement nos thèses et nos an
110 que Dieu lui adresse et qui le meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie di
111 et qui le meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est
112 outume de nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et avant tout c
113 Elle est surtout et avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme,
114 out et avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme, du moralisme
115 logie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme, de l’histor
116 sme, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l
117 u moralisme, du spiritualisme, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « to
118 isme, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « tout autre ». Distinction r
119 et par là même caractère essentiellement profane de la vérité biblique — tels sont les thèmes autour desquels s’organisen
120 utour desquels s’organisent ces essais. Est-ce là de la théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intrépide sur
121 te et intrépide sur les possibilités et la valeur de l’activité théologique. Barth compare à plusieurs reprises la théolog
122 sieurs reprises la théologie à cette étrange main de Jean Baptiste dans la Crucifixion de Grünewald, cette main énorme qui
123 étrange main de Jean Baptiste dans la Crucifixion de Grünewald, cette main énorme qui désigne le Christ en croix. La théol
124 as la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’ elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de
125 même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelante (que les traducteurs ont fort b
126 avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelante (que les traducteurs ont fort bien rendue, e
127 rt bien rendue, et la tâche n’était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstination à rechercher le sens réel
128 e n’était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstination à rechercher le sens réel des mots d’ordre que l’on
129 sens réel des mots d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des situations humain
130 d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des situations humaines telles qu’elles
131 l’on va répétant, de cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des situations humaines telles qu’elles sont, qui se
132 s sont, qui seule permet un humour souvent rude ; de cette puissance critique enfin, au sens le plus créateur du terme, et
133 ens le plus créateur du terme, et qui met en état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains degrés de
134 sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasqu
135 st qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.) Une prise f
136 . Personne n’est plus loin de « l’inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre te
137 ement. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’il peut poser les questions les plus
138 puissant parti des Chrétiens allemands, fraction de l’hitlérisme qui prétend faire main basse sur les églises et utiliser
139 nique. Alors que la grande majorité des chrétiens d’ Allemagne, rangée derrière les plus fameux docteurs, appuyée par Hitle
140 puissions garder dans la restauration spirituelle d’ une Allemagne profondément paganisée. Il est aussi la plus éclatante r
141 e à tous ceux qui accusaient la pensée barthienne d’ être purement négative et désespérée. « Ici le paradoxe joue à plein —
142 ans un récent article1 — la théologie dialectique de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’effraye
143 que de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’effrayer celui qui vient au Christ, peut seule répond
144 quelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’ effrayer celui qui vient au Christ, peut seule répondre à l’angoisse h
145 1. Albert Béguin, « Karl Barth et la situation de l’Église allemande », Revue d’Allemagne du 15 septembre 1933. a. Ro
146 th et la situation de l’Église allemande », Revue d’ Allemagne du 15 septembre 1933. a. Rougemont Denis de, « [Compte ren
147 emagne du 15 septembre 1933. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Karl Barth, Parole de Dieu et parole humaine  », Le
148 ont Denis de, « [Compte rendu] Karl Barth, Parole de Dieu et parole humaine  », Les Nouvelles littéraires, Paris, 30 décem
149 aires, Paris, 30 décembre 1933, p. 4. b. Traduit de l’allemand par Pierre Maury et Alexandre Lavanchy (Éditions “Je sers”
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
150 D’ un humour romand (24 février 1934)c Le Suisse romand est-il sérieux
151 romand est-il sérieux ? Je crains que mes raisons d’ en douter n’ébranlent guère la solide réputation de gravité qu’on lui
152 ’en douter n’ébranlent guère la solide réputation de gravité qu’on lui a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de
153 i a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter des preuve
154 e sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’ apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau
155 t-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vine
156 d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vinet… Cette énuméra
157 bon sens. Pourquoi ne pas glisser, entre l’auteur d’ Adolphe et celui des Discours religieux, par exemple, cet excellent To
158 ? Je ne songe pas tant aux traditionnelles farces de père de famille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag
159 songe pas tant aux traditionnelles farces de père de famille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag pour am
160 rboristes, un lord tout nu, les enfants terribles de Monsieur Crépin, et la silhouette élégante du Dr Festus, toujours si
161 e dans l’adversité, bien qu’il lui arrive parfois de pousser « un immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepff
162 un immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’
163 ndrit sur ses bonhommes, n’est-ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cess
164 ieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cesse d’ inspirer les attitudes de ses héros, en dépit des carambolages du sort
165 nité bourgeoise ne cesse d’inspirer les attitudes de ses héros, en dépit des carambolages du sort. Il y a donc Toepffer. P
166 rd Rod, qui entrerait difficilement dans le cadre de cette étude. Le mince filet d’humour suisse romand rentre sous terre,
167 ment dans le cadre de cette étude. Le mince filet d’ humour suisse romand rentre sous terre, pour éviter Amiel. Faut-il dés
168 sous terre, pour éviter Amiel. Faut-il désespérer de le revoir jamais ? Mais non, il faut lire d’abord Pierre Girard et Ch
169 Thuringe et Connaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une
170 onnaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou là
171 irard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’ en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité
172 tirage limité. N’allez pas croire qu’il s’agisse d’ auteurs comiques : il s’agit d’abord de poètes. Je crains même de leur
173 l s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord de poètes. Je crains même de leur faire du tort en écrivant qu’ils sont
174 ues : il s’agit d’abord de poètes. Je crains même de leur faire du tort en écrivant qu’ils sont drôles. (Des gens viennent
175 ral on est plutôt déçu.) Pour comprendre l’humour de Pierre Girard, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de la V
176 d, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris
177 des Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris, qui partent dans la vie avec une c
178 lle et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris, qui partent dans la vie avec une conscience pure et des
179 leur fait perdre toute mesure. Le monde est plein de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n
180 erdre toute mesure. Le monde est plein de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus q
181 monde est plein de malins, de gens qui ont l’air d’ avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horr
182 de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenanc
183 plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques qui vous valent l’amour des femmes et quelque
184 emmes et quelque honneur parmi les hommes. Autant de gags chaplinesques, involontaires, touchants, entraînés dans une déri
185 tiques allemands, aussi peut-être dans la musique de Schubert, dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de
186 ns la musique de Schubert, dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue, et c’est pour
187 out ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manif
188 devant le printemps et les femmes, cette aisance de l’écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’un cœur qui s’aban
189 l’écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’ un cœur qui s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela qui fait la qualité
190 s’accepte. C’est cela qui fait la qualité lyrique de l’humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuring
191 ’est cela qui fait la qualité lyrique de l’humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuringe, le récit
192 ez, dans la Rose de Thuringe, le récit du mariage de Virginie présidé par son oncle âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tou
193 du mariage de Virginie présidé par son oncle âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tous les camps de la guerre de Sécession,
194 âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tous les camps de la guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi par un ga
195 s (« Il avait arpenté tous les camps de la guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi par un garçon triste q
196 qui perd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez de ne pas rire ; si vous réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurer
197 rez pas non plus aux chapitres suivants. L’humour de Pierre Girard est bien plus romand que la pompeuse drôlerie de Cingri
198 ard est bien plus romand que la pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’est Suisse que par accident, j’ose à peine dire par
199 ’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un a
200 que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Pomposo, d
201 ue, pétrarquisant, musicien, humain, enfin maître d’ un style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomè
202 ien, humain, enfin maître d’un style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jac
203 in maître d’un style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont
204 r et dire l’importance, et dont je me contenterai de signaler ici l’humour absolument original. Cingria fit partie du grou
205 ’est par cela surtout qu’il est Suisse, au mépris de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique
206 s racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect brut des chos
207 ce de mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect brut des choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du
208 s cette vision du monde, ce que donnerait l’usage d’ un style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de triviali
209 onnerait l’usage d’un style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de trivialités qualifiées, et vous aurez une
210 savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de trivialités qualifiées, et vous aurez une idée du comique de Cingria.
211 tés qualifiées, et vous aurez une idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seulement, me dira-t-on ? Tr
212 naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi l
213 ne légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays d’or
214 re de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C
215 i oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays d’ origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux argu
216 exprès, de dire que c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c
217 c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis
218 origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, « D’un humour roman
219 de trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis de , « D’un humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février
220 op sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, «  D’ un humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février 1934,
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
221 L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)d M. Max Domi
222 s 1934)d M. Max Dominicé nous donne L’Humanité de Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire de la pensée du réfo
223 Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire de la pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette g
224 nicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincantes. Il me semble que cette pr
225 antes. Il me semble que cette préface caractérise d’ une façon remarquable l’évolution accomplie par toute une génération d
226 le l’évolution accomplie par toute une génération de protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des revues comme F
227 istes reprennent le vocabulaire et certains tours de la pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore
228 ent le vocabulaire et certains tours de la pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influ
229 et certains tours de la pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influences, s’est limit
230 ectement accessible au lecteur français. Essayons de marquer les étapes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de c
231 lecteur français. Essayons de marquer les étapes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de ce siècle accordait à l
232 pes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre ce
233 sme du début de ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre centrale, mais exclusive de toute dogma
234 une place à juste titre centrale, mais exclusive de toute dogmatique. « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à de
235 -elle avoir lieu ? Deux voies s’offraient : celle de l’histoire et celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’
236 voies s’offraient : celle de l’histoire et celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’histoire, c’était d’abo
237 celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus t
238 ’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus tel que le décrivent les évangiles. Mais, dit M. Domini
239 racles. Aussi bien, se méfiait-on de plus en plus de ces miracles, pour s’attacher au seul caractère de Jésus. Mais alors,
240 e ces miracles, pour s’attacher au seul caractère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre
241 tère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on récusait pa
242 Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont on récusait par avance les ac
243 ractéristiques ? N’était-ce point là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant bout à
244 oint là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et
245 t bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les historiens négateurs
246 iens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’a pas de peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans intérêt 
247 nisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui, l’histoire prêtait une réalité insurmontable aux dix-neuf siècle
248 urmontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent de l’Évangile. Du même coup, l’expérience religieuse, dialogue vivant av
249 t des évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dans cette difficulté, le jeune théologien interroge Calvin.
250 tout incapables par nous-mêmes — mais sur l’amour de Dieu pour nous. C’est Dieu qui vient à nous, impies, non point nous q
251 mpies, non point nous qui le rencontrons au terme d’ une pieuse « élévation ». Et c’est le mystère du Dieu-homme (du Christ
252 comme on retrouve la véritable et profonde acuité d’ une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus fr
253 ette insistance à mettre en lumière le « scandale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire d
254 e en lumière le « scandale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens que l’exégè
255 érence ». On peut dire dans ce sens que l’exégèse de Calvin est toute didactique : elle veut sans cesse transformer nos qu
256 e, Calvin n’admet et ne pratique qu’une « exégèse d’ obéissance » — il se laisse juger par le texte. On ne saurait imaginer
257 oulu faire l’apanage du protestantisme. L’ouvrage de M. Dominicé s’inspire évidemment des mêmes principes exégétiques. Cer
258 principes exégétiques. Certes, l’auteur n’est pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence lyrique au
259 ommentaire comme une effervescence lyrique autour d’ un texte. Son sujet d’ailleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois
260 t pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’ une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier
261 enouvelle jusque dans le style la verve créatrice de la Réforme. d. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Max Dominicé,
262 ve créatrice de la Réforme. d. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Max Dominicé, L’Humanité de Jésus d’après Calvin  »
263 nis de, « [Compte rendu] Max Dominicé, L’Humanité de Jésus d’après Calvin  », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 mars 19
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
264 Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’un protocole d’
265 erkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’ un protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la cu
266 ai 1934)e On rêverait, parfois, d’un protocole d’ introduction des grands génies de l’étranger dans la culture de ce pay
267 , d’un protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la culture de ce pays. La présentation d’un esprit de
268 n des grands génies de l’étranger dans la culture de ce pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eu
269 anger dans la culture de ce pays. La présentation d’ un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la
270 a culture de ce pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de
271 pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de cet Office et
272 erkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de cet Office et ses soins les plus diligents. Que d’impairs n’a-t-on pa
273 e cet Office et ses soins les plus diligents. Que d’ impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle
274 siècle, depuis quelques années qu’on nous parle de lui dans les revues philosophiques et littéraires ! Probablement, il
275 n proche de la mystification. Il eut peut-être ri de se voir présenté tantôt comme anarchiste et pourfendeur de prêtres, t
276 r présenté tantôt comme anarchiste et pourfendeur de prêtres, tantôt comme réactionnaire de stricte observance, dogmatique
277 ourfendeur de prêtres, tantôt comme réactionnaire de stricte observance, dogmatique ; ici comme individualiste forcené, là
278 ascisme français » ! (au camarade Nizan l’honneur de la trouvaille.) Mais il eût certainement protesté contre une erreur q
279 ment protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’information, et
280 ne relève pas de l’interprétation partisane, mais d’ un simple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une esp
281 interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’ information, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue
282 ple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmen
283 mation, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté, l’ancêtre du g
284 hète retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme et de l’« inquiétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien
285 chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’ une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, e
286 n pas un inquiet au sens moderne, et le contraire d’ un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits commun
287 sthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autocritique2 où
288 raits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’ autocritique2 où il dégage le sens général de son œuvre. On peut y lir
289 rage d’autocritique2 où il dégage le sens général de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière d’introduction : « Je suis
290 ral de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière d’ introduction : « Je suis et j’ai toujours été un auteur religieux ; to
291 d, il faut l’avouer, le Traité du désespoir 3 est de beaucoup la plus centrale, la plus révélatrice, mais aussi la plus pr
292 romantisme dans cette analyse, aucune exaltation de nos démons obscurs. Au fond du désespoir, et quelles que soient les f
293 al jusqu’au péché contre l’esprit, jusqu’au refus d’ être sauvé, il y a toujours une révolte de l’homme contre sa condition
294 u refus d’être sauvé, il y a toujours une révolte de l’homme contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une négation d
295 lle que Dieu l’a voulue, une négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse de c
296 ersalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse de cette œuvre, conduirait l’homme au nihilisme absolu : mais ce péril e
297 ut promis par le Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît tout
298 le Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute la misère de
299 Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute la misère de l’homme : elle lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture
300 rablement concrète. Le génie familier et ironique de Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance d’illustrations ino
301 Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance d’ illustrations inoubliables. Par ailleurs, cette descente aux enfers de
302 bliables. Par ailleurs, cette descente aux enfers de notre âme fait songer à Dostoïevski. Dans La Répétition 4, on trouver
303 la réponse terrible faite à Job. Et ce sont alors d’ étranges et magnifiques lettres sur la détresse humaine devant Dieu, q
304 ages les plus éloquentes et les plus irréfutables d’ un penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton
305 d’un penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétiqu
306 es de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint rien, il p
307 est une réponse, une explication certaine, digne de foi, de première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudr
308 réponse, une explication certaine, digne de foi, de première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie, est
309 ne, digne de foi, de première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie, est plus magnifique que les comméra
310 e que les commérages et les potins sur la justice de la Providence inventés par la sagesse humaine et colportés par de vie
311 inventés par la sagesse humaine et colportés par de vieilles bavardes et des eunuques ! Nous voici plus près de Shakespe
312 rès de Shakespeare que du piétisme sentimental et de l’unctio spiritualis des dévots… Mais plus près de Luther, aussi. Je
313 no veritas 5. Non point que cet ouvrage ne mérite d’ être lu par tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel (le style
314 ouvrage ne mérite d’être lu par tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel (le style admirable de ces pages a été ren
315 de grand lyrisme intellectuel (le style admirable de ces pages a été rendu aussi bien qu’il était possible par le traducte
316 cteur). Mais il ne s’agit là que du premier volet d’ un triptyque dont il nous faut attendre les deux autres parties pour s
317 s, une analyse détaillée des Stades sur le chemin de la vie, dont In Vino Veritas constitue l’introduction, dans l’étude b
318 troduction, dans l’étude biographique et critique de Carl Koch6, qui vient combler la plus grave lacune de la littérature
319 arl Koch6, qui vient combler la plus grave lacune de la littérature kierkegaardienne en France. On ne saurait trop insiste
320 France. On ne saurait trop insister sur l’utilité de ce livre. Il rendra vaines, désormais, les introductions que les diff
321 ucteurs nous ont prodiguées jusqu’ici avec autant de science que de conscience, mais qui se répétaient fastidieusement. Su
322 t prodiguées jusqu’ici avec autant de science que de conscience, mais qui se répétaient fastidieusement. Surtout, il situe
323 laquelle il faut considérer l’ensemble des écrits de Kierkegaard, et qui est celle du Point de vue explicatif. Le livre de
324 ui est celle du Point de vue explicatif. Le livre de Carl Koch est la démonstration de l’emprise que peut exercer Kierkega
325 catif. Le livre de Carl Koch est la démonstration de l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu s
326 Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu suspect de complaisance pour les subtilités du « Séducteur », et qui n’a pas la
327 qu’un « honnête homme » peut espérer. Du mélange d’ humour et d’angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des S
328 nête homme » peut espérer. Du mélange d’humour et d’ angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on tr
329 remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air d’ avoir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or,
330 ir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’ aller voir. Or, je tiens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que
331 ens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que d’ aller voir ce qui se passe dans l’œuvre du danois prophétique, ressusc
332 ra. 2. Point de vue explicatif sur ma carrière d’ auteur, non traduit. 3. Trad. J. Gateau et K. Ferlov. Gallimard, coll
333 nson (Éditions « Je sers »). e. Rougemont Denis de , « Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles
334 ont Denis de, « Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles littéraires, Paris, 26 mai 1934, p. 3.
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
335 4)f Le « Mouvement des Groupes », ou Mouvement d’ Oxford, est un des faits spirituels qui serviront à fixer la significa
336 spirituels qui serviront à fixer la signification de notre époque. Son influence, limitée d’abord aux pays anglo-saxons, s
337 réoccupations des intellectuels, mais il y répond de telle sorte qu’il abolit rapidement les barrières convenues entre int
338 s barrières convenues entre intellectuels, hommes d’ affaires, prolétaires et bourgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à
339 ontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine de personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un pei
340 c’était dans son atelier — et une grande vedette de music-hall dont la présence discrète n’étonna personne. De quoi s’agi
341 hall dont la présence discrète n’étonna personne. De quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de
342 ète n’étonna personne. De quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’évangéli
343 onne. De quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agis
344 il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun
345 , ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’ évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun des difficultés inti
346 morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun des difficultés intimes, d’entrer dans le concret du
347 sait de mettre en commun des difficultés intimes, d’ entrer dans le concret du christianisme. Une dizaine d’entre nous parl
348 nous parlèrent, sans artifices ni gêne, ni excès d’ aucune sorte. À plus d’une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rareme
349 rtifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus d’ une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’ente
350 une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sorti
351 ’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’ entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sortis assez déçu,
352 s. Je sortis assez déçu, comme on sort en général de toutes les rencontres prévues. Ce que je savais du Mouvement m’avait
353 et l’on s’en convaincra en lisant le petit livre d’ Harold Begbie, Vies transformées 7, qui raconte les origines du Mouvem
354 ste en français, et il contient un certain nombre de faits assez bouleversants pour qu’on passe sur les interprétations pe
355 lles que nous en propose l’auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop souriants, co
356 Le Mouvement des Groupes est né après la guerre, de l’activité purement individuelle d’un jeune pasteur américain, Frank
357 ès la guerre, de l’activité purement individuelle d’ un jeune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : « Ce qu
358 eune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : « Ce qui frappe chez Buchman, c’est son incapacité proprement g
359 est essentiellement personnaliste. La rénovation de l’homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par
360 ovation de l’homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par des organisations, ni par des corps const
361 omme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par des organisations, ni par des corps constitués mais par
362 hommes concrets, agissant dans le cercle concret de leur vie. La seule question qu’il y ait donc lieu de poser est celle-
363 leur vie. La seule question qu’il y ait donc lieu de poser est celle-ci : comment atteindre les hommes dans le concret de
364 ci : comment atteindre les hommes dans le concret de leur existence ? Buchman constate la faillite lamentable de l’évangél
365 istence ? Buchman constate la faillite lamentable de l’évangélisation standardisée à l’américaine, et de toutes les « méth
366 l’évangélisation standardisée à l’américaine, et de toutes les « méthodes morales », puritaines. Volontaristes, pragmatis
367 mentale du christianisme primitif dans le contact d’ homme à homme, dans la confession mutuelle des péchés et le « partage 
368 activement. N’allons pas croire qu’il s’agisse là d’ une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’est rée
369 pas croire qu’il s’agisse là d’une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’est réelle que là où elle se
370 chrétiens, trop souvent, c’est qu’ils s’efforcent d’ endoctriner ceux qu’ils rencontrent. Le « partage » préconisé par Buch
371 isé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives de violation de domicile moral. Pour entrer en contact avec les hommes,
372 an ne ressemble pas à ces tentatives de violation de domicile moral. Pour entrer en contact avec les hommes, il n’y a qu’u
373 act avec les hommes, il n’y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions privées ou publiques, qui
374 y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’ où les confessions privées ou publiques, qui sont l’un des traits marq
375 ou publiques, qui sont l’un des traits marquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnis
376 tivité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’ exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais qu
377 aient le nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen de faire tomber les barrières morales qui séparent nos contemporains, l’
378 n s’en persuadera facilement en lisant les récits de Begbie. Les disciples de Buchmann, — il refuserait cette expression —
379 ent en lisant les récits de Begbie. Les disciples de Buchmann, — il refuserait cette expression — n’ont pas constitué d’or
380 refuserait cette expression — n’ont pas constitué d’ organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pa
381 n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient
382 t pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni
383 ls ne nomment pas de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travail
384 ouvoir être utiles à tel endroit où Dieu leur dit d’ aller. La chronique des rencontres miraculeuses qu’ils ont ainsi vécue
385 , For Sinners only (Pour les pécheurs seulement), de J. Russell, on découvre des possibilités humaines que le conformisme
386 nt avoir abolies dans le monde. C’est l’irruption de Dostoïevski dans la bourgeoisie bien-pensante. Le pittoresque, le pat
387 isie bien-pensante. Le pittoresque, le pathétique de l’aventure que vivent quotidiennement les membres des Groupes pourrai
388 sez grave. Il y a là un risque indéniable : celui de naturaliser la foi, de s’attacher aux résultats visibles et frappants
389 risque indéniable : celui de naturaliser la foi, de s’attacher aux résultats visibles et frappants, de retomber ainsi dan
390 e s’attacher aux résultats visibles et frappants, de retomber ainsi dans la vieille croyance à la sanctification par les œ
391 s œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas manqué de critiquer vivement certaines des suppositions théologiques qu’impliqu
392 suppositions théologiques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théolog
393 l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est abstrait : e
394 Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est abstrait : encore faudrait-il se ga
395 que c’est abstrait : encore faudrait-il se garder de vivre une théologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Gr
396 e que leur œuvre se développe dans une atmosphère de franchise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui la préserve de
397 re se développe dans une atmosphère de franchise, d’ autocritique, de sobriété spirituelle qui la préserve de la plupart de
398 dans une atmosphère de franchise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui la préserve de la plupart des excès qu’on im
399 critique, de sobriété spirituelle qui la préserve de la plupart des excès qu’on imagine. Peut-être la plus sûre leçon des
400 on des Groupes est-elle dans leur vision concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbali
401 est-elle dans leur vision concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre t
402 ns leur vision concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temps, dans c
403 de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temps, dans cet embouteillage de doctrines et de programmes où
404 verbalisme de notre temps, dans cet embouteillage de doctrines et de programmes où nous sommes pris, le seul message utile
405 tre temps, dans cet embouteillage de doctrines et de programmes où nous sommes pris, le seul message utile est celui qui n
406 être le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’ autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer comment les h
407 it pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temps peuvent devenir des homme
408 à, qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa so
409 ⁂ Il se peut que Kagawa soit l’homme le plus réel d’ aujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand, si la mesure de la gra
410 . Je dirais qu’il est le plus grand, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans la réalit
411 aux ignorent quelques-uns des événements décisifs de l’histoire contemporaine. Kagawa est le chef du Jeune Japon, l’écriva
412 n, l’écrivain le plus fécond et le plus populaire de son pays, une puissance sociale et religieuse dont l’Occident ne conn
413 iale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’ exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en
414 s d’exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un d
415 en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un de ses collaborateurs nous donne un portrait plus complet et quelques ex
416 nne un portrait plus complet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Ka
417 complet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’ un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au
418 ues extraits de ses œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pe
419 es œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’ une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pendant ses études
420 renoncer à toute fortune. Sa famille le destitue de ses privilèges aristocratiques. Il embrasse la pauvreté, s’enfonce da
421 Il embrasse la pauvreté, s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas d’habitation plus vaste que celle du pl
422 e dans les slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas d’ habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant du quartier, e
423 plus pauvre habitant du quartier, et non content d’ y vivre dans un dénuement absolu, ouvre sa chambre aux misérables sans
424 un galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause de son immobilité presque totale, et un assassin don
425 n dont les nuits sont hantées par les apparitions de sa victime. Ils dorment côte à côte. D’autres viennent : il faut écar
426 e. D’autres viennent : il faut écarter les parois de la pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de
427 er les parois de la pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de son travail. Parfois, ils se révolt
428 mettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de son travail. Parfois, ils se révoltent contre sa bonté souriante, fra
429 re pendant ses discours. Il écrit une Psychologie de la pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. S
430 mouvement ouvrier. Il conduit une première grève de 30 000 dockers et rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont des être
431 des articles dont on trafique suivant une échelle de salaires basés sur l’état du marché. » On le met en prison. Il y écri
432 er tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie de prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au b
433 n par une foule en fête, il entraîne une centaine d’ enfants au bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa ligne de batail
434 bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa ligne de bataille s’étend. Il crée l’Union des paysans. Il évangélise. Il devi
435 stianisation du Japon, une autre contre la guerre de Chine. « La société contemporaine est une invalide, mentalement dégén
436 érée, écrit-il. Les banques, l’armée, les maisons de prostitution, les cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne s
437 isons de prostitution, les cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation
438 ns de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste un
439 les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’ aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste une tendance au
440 nt de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste une tendance au crime. Elle est devenue folle par
441 Enterrez Kagawa ! », proclame le parti communiste de Kobé en 1925. Et quelques années plus tard, une ligue réactionnaire f
442 d mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’ Axling nous donne d’admirables citations de ses Méditations. Si les ro
443 dire un grand poète. Le livre d’Axling nous donne d’ admirables citations de ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’ont
444 livre d’Axling nous donne d’admirables citations de ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki,
445 ables citations de ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un fra
446 t fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’ un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la natur
447 scain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent au génie
448 7. Vies transformées, par Harold Begbie, trad. de l’anglais par D. Junod (La Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing
449 Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing, trad. de l’anglais par H. Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis de, « Le
450 par H. Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis de , « Le Mouvement des Groupes. — Kagawa », Les Nouvelles littéraires, P
451 934, p. 3. g. Comme l’indique la note, il s’agit d’ Avant l’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne une recension
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
452 Au sujet d’ un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous un paradoxe
453 lais, les Allemands, les Scandinaves, et le roman d’ analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide, en passant par Constant. Q
454 les Scandinaves, et le roman d’analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide, en passant par Constant. Quand on parle du rom
455 e dis romanciers protestants, entendez romanciers de climats protestants. Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères
456 Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères, de la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles et qui crée des
457 its dramatiques dans les vies les plus dépourvues d’ apparences. N’est-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de n
458 t-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des roma
459 çais contemporains. Vous y trouverez un bon quart de protestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’en attendiez, puis
460 ous n’en attendiez, puisqu’il n’y a qu’un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de Nantes n’avai
461 ers dont j’allais vous citer les noms n’ont guère de protestant que l’origine, et quelques tics de psychologues. Ils sont,
462 ère de protestant que l’origine, et quelques tics de psychologues. Ils sont, comme l’on dit « sortis du protestantisme » ;
463 » est bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvre
464 é ». Un grand roman, je crois. C’est Sara Alelia, de Mme Hildur Dixelius. On vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce
465 le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Sei
466 « l’insondable Providence » mise en action au gré d’ un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce ser
467 n action au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
468 en sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le cr
469 en conséquence de quoi les romans des « païens », d’ un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possi
470 ns », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possible ? Non, car le christianisme se passe dan
471 est pas le christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
472 e qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifian
473 an pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’ être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est
474 s’il est certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de
475 ile et ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sob
476 capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un v
477 aliste de son sort terrestre, et le sobre courage d’ avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Ca
478 la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’ y voir les marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas ailleurs q
479 érance qui le transcende et qui le juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, e
480 juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la perditio
481 âce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du fameux p
482 ord, un roman de la perdition. J’y vois une suite d’ illustrations vivantes du fameux paradoxe luthérien qui est au centre
483 es du fameux paradoxe luthérien qui est au centre de la Réforme : simul peccator et justus. Kierkegaard nous rappelle que
484 s prendre où nous sommes. C’est le charme profond de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine e
485 nd de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’ une Laponie lointaine et d’une humanité si proche. Moins d’art peut-êt
486 vit dans ces peintures d’une Laponie lointaine et d’ une humanité si proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’ap
487 onie lointaine et d’une humanité si proche. Moins d’ art peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
488 proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’ apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling ; mais une sobriét
489 x dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque p
490 vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de personnag
491 e déroule sur un rythme large à travers un peuple de personnages vivement contrastés, et des paysages baignés d’une longue
492 ages vivement contrastés, et des paysages baignés d’ une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une saint
493 te. Elle a péché gravement, elle a touché le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil
494 ubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’ elle au temps de son malheur. Puis une grâce vient dans sa vie, et dés
495 et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants
496 voit naître et grandir un fils, puis les enfants d’ une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers
497 un des grands pouvoirs des romanciers du Nord que d’ introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragme
498 des romanciers du Nord que d’introduire la durée d’ une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara
499 protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie
500 nal de Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Vie quotidienne, réalisme, pessi
501 ntent et rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Vie quotidienne, réalisme, pessimisme. Je vois bi
502 e ces expressions dans nos esprits encore marqués de préjugés naturalistes. On a voulu nous faire croire que la vie quotid
503 croire que la vie quotidienne était le contraire de la poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le se
504 poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’ autre que le sexe et l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce d
505 t l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce de naturalisme est le fruit d’un ressentiment que les excès idéalistes e
506 humaine. Cette espèce de naturalisme est le fruit d’ un ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans le légitimer.
507 leversante, une poésie qui naît des faits, jamais d’ un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaus
508 oésie qui naît des faits, jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches t
509 ts, jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop grandes, dans le t
510 ur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop grandes, dans le taudis où son vieux père se saoule et
511 qu’on porte sur le monde. Le regard « objectif » de nos naturalistes appauvrit tout, faute de vouloir imaginer. Ils croie
512 e alors qu’ils décrivent simplement l’impuissance de leur propre cœur. Le regard « réaliste » de Hildur Dixetius a su voir
513 sance de leur propre cœur. Le regard « réaliste » de Hildur Dixetius a su voir dans la vie quotidienne des drames singulie
514 ir dans la vie quotidienne des drames singuliers, de bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres,
515 iginalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse d’ un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belett
516 te des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son e
517 u’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la n
518 êque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innoc
519 i enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’ innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques
520 la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole d’ une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de
521 mineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près général de la critique à propos
522 de ce grand livre. Le silence à peu près général de la critique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à des conclusio
523 tis. (Éditions « Je sers ».) h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet d’un roman : Sara Alelia  », Les Nouvelles
524 h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’ un roman : Sara Alelia  », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 novembr
525 ires, Paris, 3 novembre 1934, p. 3. i. Une note de lecture plus courte du même roman a également paru dans le Journal de
526 te du même roman a également paru dans le Journal de Genève du 25 mai 1934.
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
527 Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’une
528 France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’ une Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa
529 e, mais dans sa vérité, c’est-à-dire dans l’objet de sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur il est permis de rec
530 vérité, c’est-à-dire dans l’objet de sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur il est permis de rechercher les témo
531 re dans l’objet de sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur il est permis de rechercher les témoignages dans l’ord
532 de cette force et de cette grandeur il est permis de rechercher les témoignages dans l’ordre de la civilisation, et il est
533 permis de rechercher les témoignages dans l’ordre de la civilisation, et il est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu
534 ns l’ordre de la civilisation, et il est légitime d’ en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prét
535 aurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bien passé, et dont il rest
536 n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’ un passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on est digne. L
537 rait à prouver qu’on est digne. Le meilleur moyen d’ éviter ce danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’une religi
538 illeur moyen d’éviter ce danger serait sans doute d’ envisager l’histoire d’une religion dans la perspective de sa théologi
539 e danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’ une religion dans la perspective de sa théologie ; le rappel constant
540 ger l’histoire d’une religion dans la perspective de sa théologie ; le rappel constant du dogme suffirait, dans le cas de
541 e rappel constant du dogme suffirait, dans le cas de l’Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits, valeur
542 , à rétablir la valeur relative des faits, valeur de témoignage, sans cesse rapportée à la foi, dont Dieu seul juge. John
543 le seul reproche sérieux que je me sente le droit de formuler devant sa monumentale Histoire de la Réforme française. Plus
544 droit de formuler devant sa monumentale Histoire de la Réforme française. Plus encore que le premier tome de cet ouvrage
545 éforme française. Plus encore que le premier tome de cet ouvrage (des origines à l’édit de Nantes), le second tome qui vie
546 , le second tome qui vient de paraître10 témoigne de la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, po
547 raître10 témoigne de la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, politiques et culturels de la Réfo
548 e que les effets sociaux, politiques et culturels de la Réforme, sans les rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans
549 ’Église. De même, John Viénot laisse délibérément de côté tout ce que l’abbé Bremond appelait l’histoire du sentiment reli
550 re du sentiment religieux, et il nous sera permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce q
551 oit de Calvin. John Viénot, pasteur et professeur de théologie, a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une ma
552 teur et professeur de théologie, a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une manière si objective, si impartia
553 rofesseur de théologie, a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une manière si objective, si impartiale, si sp
554 de théologie, a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une manière si objective, si impartiale, si spectaculair
555 a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’ une manière si objective, si impartiale, si spectaculaire, pourrait-on
556 n ne voit guère en quoi son Histoire se distingue de celle qu’eût pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de
557 de celle qu’eût pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme, et considérant les conquêtes de la Ré
558 crire un savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme, et considérant les conquêtes de la Réforme comme autant de
559 teinté de renanisme, et considérant les conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en g
560 sidérant les conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en général, plutôt que de la fo
561 conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit,
562 a Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit, l’on ne saurai
563 e la liberté de conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science et les scrup
564 sez louer la science et les scrupules historiques de Viénot. La réserve dont il fait preuve dans tous ses jugements, l’att
565 ntaire des condamnations qu’il ne peut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort d’impartialité systématique qui reste
566 eut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort d’ impartialité systématique qui restera la marque des historiens du xixe
567 cle finissant, n’enlève rien à l’intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi, la substance historique qu’il nous offre
568 ssi, la substance historique qu’il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire leur brûlante
569 ’il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire leur brûlante saveur. Rien de plus excitant
570 ment à cause des plongées directes qu’elle permet d’ opérer dans la vie publique et privée du xviie siècle, mais encore pa
571 eur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué,
572 à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si l’ édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait été é
573 autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel irénisme de Viénot, la réserve qu’il observe avec constance dans son récit ne peu
574 ans son récit ne peuvent en somme que donner plus de vigueur au langage des faits, cités ici en très grand nombre à chaque
575 d siècle » tel que nous l’ont décrit les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la politique romaine. La persécut
576 les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la politique romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuv
577 patriotes savaient bien que la présence à la cour d’ un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale e
578 ient bien que la présence à la cour d’un Sully ou d’ un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et particulière
579 ’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’ une Église légale et particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire
580 au roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV
581 e l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine de la politique européenne, fut l
582 entrepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine de la politique européenne, fut l’œuvre personnelle des réformés. Le « g
583 nd dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire de la France la première organisatrice d’une Europe fédéralisée. Mais le
584 vait faire de la France la première organisatrice d’ une Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un
585 France au début du xviie siècle, c’est le virus de l’étatisme totalitaire, c’est l’idée fort peu française de l’unité à
586 isme totalitaire, c’est l’idée fort peu française de l’unité à tout prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes les
587 té à tout prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes les diversités organiques et fécondes. C’est cette idéologie i
588 et qui finit par triompher lors de la révocation de l’édit de Nantes. Mais alors cette révocation n’apparaît plus que com
589 e comme un épisode, le plus marquant il est vrai, de toute l’évolution politique de la royauté absolue vers « l’État total
590 quant il est vrai, de toute l’évolution politique de la royauté absolue vers « l’État totalitaire ». Il faut ici risquer u
591 t sans doute anachronique, mais que tout le livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme. Le paral
592 e Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme. Le parallélisme qu’on peut facilement établir entre la « ré
593 nt établir entre la « révocation » et les mesures de « mise au pas » prises par Hitler me paraît riche d’enseignements trè
594 « mise au pas » prises par Hitler me paraît riche d’ enseignements très actuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est
595 ouis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas un souci d’ unité religieuse qui domine : la religion leur est simple prétexte ; m
596 eligion leur est simple prétexte ; mais il s’agit d’ établir à tout prix un cadre national centralisé, géométrique, conçu d
597 violence. Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’ établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la seule volon
598 ue sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donner comme une formule anticipée du droit « nazi » :
599 de ces prétentions toutes nouvelles, les réformés de France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protestation dont l
600 es réformés de France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas vieilli.
601 , à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit de la requête adressée au roi par des protestants auxquels on refusait l
602 point étrangers. Ce sont François, vrais François de nature comme vous, mieux que vous d’affection, s’il est vrai que l’hu
603 ais François de nature comme vous, mieux que vous d’ affection, s’il est vrai que l’humanité est la propre affection des Fr
604 ieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’une cour de Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel, contre l’honnête
605 universellement humain, n’est-il pas significatif de la nature du danger qu’on courait ? La conclusion de cette requête mé
606 la nature du danger qu’on courait ? La conclusion de cette requête mérite d’ailleurs d’être citée aussi, pour sa seule bea
607 La conclusion de cette requête mérite d’ailleurs d’ être citée aussi, pour sa seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieu
608 rès avoir décrit l’enterrement nocturne et secret d’ une de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes ch
609 oir décrit l’enterrement nocturne et secret d’une de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes chassés
610 s, il conclut par ces mots : Nous sommes chassés de la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleu
611 Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils traits. Grâce
612 re de John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lecture plus édifi
613 ogie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’est pas peu d
614 olté. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme française, tome II : De l’édit de Nantes à sa révocation,
615 10. Histoire de la Réforme française, tome II : De l’édit de Nantes à sa révocation, Librairie Fischbacher. La même libr
616 même librairie publie une intéressante plaquette de H. Dartigue sur la vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis
617 te plaquette de H. Dartigue sur la vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire de
618 vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Une histoire de la Réforme en France », Les Nouvell
619 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire de la Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris, 15 décembre
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
620 les apporte au temps marqué. Peut-être, l’examen de ces « témoins » à la fois si divers et si profondément semblables nou
621 dément semblables nous permettra-t-il aujourd’hui de préciser la direction et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où
622 aujourd’hui de préciser la direction et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions des historien
623 souffle où il veut. Les prévisions des historiens de la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses décisions souverai
624 e tant de bons esprits, chez nous, vers la pensée de Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement, des ombres du Siècle
625 de ? Qui prévoyait, voici dix ans, l’intervention de ce génie considérable, la position de cette question plutôt gênante q
626 ntervention de ce génie considérable, la position de cette question plutôt gênante qu’est son œuvre en plein cœur de nos r
627 ion plutôt gênante qu’est son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais le plus curie
628 est son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est
629 in cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkega
630 clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hu
631 ophes laïques tout à fait libérés des disciplines de la foi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée de son grand di
632 oi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée de son grand disciple et continuateur, Karl Barth, pénètre et fait reviv
633 une vive lumière sur le secret dernier du message d’ un romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde, une nouvelle constellatio
634 garde, une nouvelle constellation monte au zénith de notre âge. Il s’agit maintenant d’interpréter son signe. ⁂ Crainte e
635 onte au zénith de notre âge. Il s’agit maintenant d’ interpréter son signe. ⁂ Crainte et Tremblement, qui vient de paraîtr
636 e paraître dans la belle collection philosophique de MM. Lavelle et Le Senne, appartient à la première période de la pensé
637 lle et Le Senne, appartient à la première période de la pensée kierkegaardienne. La question que pose cette œuvre, c’est c
638 ne. La question que pose cette œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaar
639 e Kierkegaard adressera plus tard à la chrétienté de son temps : la foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï
640 iens ? Servez-vous Dieu, ou bien vous servez-vous de Dieu ? Question terriblement gênante, insupportable. La vocation sing
641 nt gênante, insupportable. La vocation singulière de cet homme s’épuisera dans le seul acte de l’imposer. Après cet acte,
642 gulière de cet homme s’épuisera dans le seul acte de l’imposer. Après cet acte, semblable au prince Hamlet — autre Danois 
643 nce Hamlet — autre Danois ! — il tombera, certain d’ avoir accompli sa mission. Dans Crainte et Tremblement, Kierkegaard se
644 , dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit de Kierkegaard, Hegel esquive la question, la supprime implicitement. Il
645 e fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’ Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple que Kierkegaard va co
646 par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple que Kierkegaard va consacrer son livre. Abraham, le « pèr
647 osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et mai
648 e 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Dieu lui commande d’offrir Isaac en sacrifi
649 — de ce miracle. Et maintenant Dieu lui commande d’ offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas. Il croit en Die
650 maine. Il selle son âne et s’en va vers les monts de Morija, pour sacrifier son fils unique. Il le fait « en vertu de l’ab
651 ait-il au-dessus du général ? Serait-il affranchi de l’éthique ? Mais alors, comment donc comprendrait-il son acte ? Vingt
652 t ce paradoxe monstrueux. Il n’y a donc personne de la taille d’Abraham, personne qui puisse le comprendre ? Si, pourtan
653 monstrueux. Il n’y a donc personne de la taille d’ Abraham, personne qui puisse le comprendre ? Si, pourtant. Les pasteu
654 prendre ? Si, pourtant. Les pasteurs ont coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dern
655 lier prêt pour le sacrifice… On célèbre la grâce de Dieu qui a donné Isaac pour la seconde fois ; on ne voit, dans toute
656 oublie qu’Abraham fit le chemin lentement, au pas de son âne, qu’il eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu d
657 ntement, au pas de son âne, qu’il eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu de temps pour fendre le bois, lier
658 et aiguiser le couteau. On oublie cela, on fait d’ Abraham « un personnage insignifiant » et le comique c’est qu’on persi
659 ffrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur d’ Abraham, sa signification démesurée et impensable, c’est qu’il reçut I
660 impensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense d’ un acte « fou » et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’étai
661 u de l’absurde ». C’est là le sort du « chevalier de la foi », le sort du chrétien véritable. Mais qui peut dire : j’ai ce
662 hilosophique que Kierkegaard enchaîne à l’exemple d’ Abraham est admirablement analysée dans l’introduction de Jean Wahl qu
663 am est admirablement analysée dans l’introduction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’exposer clairement, sans la
664 s l’introduction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’exposer clairement, sans la trahir, la dialectique « abyssale
665 duction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’ exposer clairement, sans la trahir, la dialectique « abyssale » de cet
666 ment, sans la trahir, la dialectique « abyssale » de cette œuvre. Personne n’a fait plus que Jean Wahl pour faire connaîtr
667 our faire connaître à l’élite française la pensée de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui compte, et dont la pensée prot
668 dont le titre contraste singulièrement avec celui de Kierkegaard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes
669 u divinisé, échappant en quelque manière aux lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sai
670 s une construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’est toute profane et banale, la vie que chacun doit vivre à
671 Mais en quoi le chrétien se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre
672 se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’ autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’une part c
673 « d’une part contre la forme du siècle présent ; de l’autre, pour la forme du monde à venir ». Il reste dans le monde et
674 ion. Et voici que nous rejoignons l’idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier de la
675 mblement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier de la foi », sinon celui qui vit pleinement cette vie, toutefois « en ve
676 ’est-à-dire en vertu de la transformation promise de ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est o
677 alisme fondé dans le même paradoxe. La même façon de considérer l’homme à la fois tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc,
678 et tel qu’il est revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là où paraît la grâce, in extremis. Car c’est à cha
679 la grâce, in extremis. Car c’est à chaque instant de la vie de la foi que se posent les questions dernières. Mais cette v
680 in extremis. Car c’est à chaque instant de la vie de la foi que se posent les questions dernières. Mais cette vision de l
681 osent les questions dernières. Mais cette vision de l’homme sans cesse mis en question par l’Autre, n’est-ce point encore
682 tion par l’Autre, n’est-ce point encore la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands qu
683 vski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés vers autre chose qu’eu
684 s son essai intitulé : Dostoïevski ou les confins de l’homme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mé
685 qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’ être confirmé par notre public littéraire. En quelques chapitres très
686 s très simples, Thurneysen sait atteindre au cœur d’ une œuvre entre toutes complexe. C’est que, plus nettement encore que
687 plus nettement encore que Berdiaev dans L’Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans une perspect
688 diaev dans L’Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans une perspective chrétienne, hors de laquel
689 ne, hors de laquelle cette œuvre resterait privée de sens, ou seulement chaotique, morbide. Ce que nous avons cherché dan
690 même qu’une seule et grande question, la question de l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevs
691 eule et grande question, la question de l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaisse
692 , la question de l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaissent malades, comme bless
693 ne de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’une atteinte profon
694 e Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’ une atteinte profonde, portant comme une plaie béante le problème de l
695 fonde, portant comme une plaie béante le problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que
696 hurneysen soutient avec une passion convaincante. De divers côtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’une de mes réce
697 on convaincante. De divers côtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait
698 ôtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par le protestanti
699 , ce qu’il fallait entendre par le protestantisme de Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre qu’en renvoyant au livre de
700 e saurais mieux répondre qu’en renvoyant au livre de M. Thurneysen. La conception « dialectique » de l’homme illustrée par
701 e de M. Thurneysen. La conception « dialectique » de l’homme illustrée par les personnages de Dostoïevski, commentée sur l
702 ctique » de l’homme illustrée par les personnages de Dostoïevski, commentée sur le plan théologique par Karl Barth, et sur
703 e plan théologique par Karl Barth, et sur le plan d’ une poésie philosophique par Kierkegaard, c’est la conception même de
704 ophique par Kierkegaard, c’est la conception même de la vie du chrétien selon Calvin, c’est surtout le simul peccator et j
705 itions « Je sers »). – Dostoïevski ou les confins de l’homme, par Édouard Thurneysen, traduit par P. Maury (Éditions « Je
706 aury (Éditions « Je sers »). k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Kierkegaard, Dostoïevski, Barth », Les Nouvelles li
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
707 Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)l On nous montre un Calvin maigre et
708 loin de revenir sur le premier jugement, on fait de cette image un nouveau cliché polémique : la Réforme se voit assimilé
709 ur ceux qui jugent des vérités les plus profondes de la foi selon le poids de leurs représentants ! Or, cette espèce est p
710 rités les plus profondes de la foi selon le poids de leurs représentants ! Or, cette espèce est plus nombreuse qu’on ne pe
711 ce est plus nombreuse qu’on ne pense. Que sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’il avait les joues creuses,
712 a donné lieu par contre à une véritable débauche de considérations très vaguement physiognomoniques sur le teint et la co
713 t physiognomoniques sur le teint et la complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liber
714 oniques sur le teint et la complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit.
715 ion. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’ esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer la décadence culturelle qui
716 r à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer la décadence culturelle qui marque la plupart des écrits de
717 dence culturelle qui marque la plupart des écrits de ce temps, au moment où certaine renaissance du calvinisme laisse espé
718 ur les années qui viennent, un essor tout nouveau de la pensée chrétienne. On aurait tort d’assimiler cette renaissance à
719 t nouveau de la pensée chrétienne. On aurait tort d’ assimiler cette renaissance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’es
720 elle floraison néo-thomiste. Il n’est pas inutile de marquer les raisons qui, du point de vue protestant, rendent ce paral
721 ce parallèle irrecevable. Les grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs
722 ns de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’ école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une fois sanctionnée
723 témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà de lui-même, au-delà
724 son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà de lui-même, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité q
725 u-delà de lui-même, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Ca
726 taines formules dogmatiques ; mais c’est, au-delà de ces formules et dans l’orientation où elles nous placent, remonter à
727 nous placent, remonter à cette origine permanente de l’Église qu’est la révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthér
728 e ou le luthérisme, ce sont bien moins des normes de pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par
729 angile seul, éclairé par l’Esprit, reste la norme de toute théologie, fût-elle la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se
730 lus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôle de ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de la C
731 , on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôle de ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de la Crucifixion de Grünew
732 isse et que je diminue. » C’est donc sous l’angle de leur vocation particulière, et sous cet angle seul, qu’il nous devien
733 sous cet angle seul, qu’il nous devient loisible de parler de ces hommes sans tomber dans l’extravagance. Calvin homme, C
734 angle seul, qu’il nous devient loisible de parler de ces hommes sans tomber dans l’extravagance. Calvin homme, Calvin écri
735 omme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe
736 raires ; mais ce qui importe plus que tout, c’est d’ indiquer d’abord la « clé » qui donne leur exacte valeur à nos variati
737 ette clé, c’est la vocation que Jean Calvin reçut de réformer l’Église. Tout ceci est fort bien exposé par M. Albert-Mari
738 tés que l’on vient de rééditer12. Le grand mérite de cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pag
739 ction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectives de « l’univers » calvinien. Il fa
740 quinzaine de pages, les principales perspectives de « l’univers » calvinien. Il faut bien avouer que les commentateurs no
741 avaient donné jusqu’ici une image assez étriquée de cette Weltanschauung à la fois biblique et classique, au sens le plus
742 biblique et classique, au sens le plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la
743 a replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la Renaissance, M. Schmidt va lui restituer ses trois dimensions prim
744 ons alors Calvin faire face d’une part à l’Église de Rome et c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premières déviat
745 Sadolet ; d’autre part, aux premières déviations de la doctrine sacramentaire à l’intérieur de la Réforme et c’est le Tra
746 re à l’intérieur de la Réforme et c’est le Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’humanisme antichrétien e
747 Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’humanisme antichrétien et c’est le Traité des scandales. Ce troisiè
748 é depuis sa parution en 1550. « Originale mixture de passion contenue et de raison déchaînée », il sera pour beaucoup l’oc
749 1550. « Originale mixture de passion contenue et de raison déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’une véritable
750 son déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’ une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourc
751 ur beaucoup l’occasion d’une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de
752 te de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme contre les libertins et les anabapti
753 donne un puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme contre les libertins et les anabaptistes, contre les occul
754 rtins et les anabaptistes, contre les occultistes de l’école d’Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent
755 s anabaptistes, contre les occultistes de l’école d’ Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent la cause p
756 Il y a ceux pour lesquels les dogmes sont autant d’ occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une
757 pour lesquels les dogmes sont autant d’occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une mer de scan
758 uant à ce que la Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou
759 la Prédestination est comme une mer de scandales, d’ où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou de leur outrec
760 comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Ca
761 nt cela sinon de la folle curiosité des hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvin n’est guère partisan, on le voi
762 ordée ? Calvin n’est guère partisan, on le voit, de ce fameux libre examen dont on persiste à lui attribuer l’invention,
763 ur assez inexplicable. Mais les pires adversaires de l’Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la
764 attante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom de la chrétienté pour nourrir une paix fardée ! Voici ceux qui voudraie
765 ux qui voudraient confondre la véritable grandeur de l’Église avec « une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rap
766 a véritable grandeur de l’Église avec « une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre condition c
767 ctique : L’Église est ordonnée à cette condition de batailler continuellement sous la croix, tant qu’elle aura à cheminer
768 « baveries », et ceux « qui se ruent contre Dieu d’ une impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de g
769 enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s’aheurtant ». Cet étonnant tra
770 rme contre Renaissance. Mais toutes les richesses de style que produisit ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque d
771 t ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque de Calvin : il a su prendre à l’adversaire ses meilleures armes. Au suje
772 comprendre, dans son essence, le génie littéraire de Calvin, ne doit jamais omettre que celui-ci se considérait comme mini
773 ns engager le dialogue avec toutes les catégories d’ hommes, avec toutes les espèces de créatures. Dialoguant toujours avec
774 les catégories d’hommes, avec toutes les espèces de créatures. Dialoguant toujours avec les plus divers interlocuteurs, i
775 eurs, il ne se range jamais, comme un littérateur de second ordre, aux lois d’une esthétique préconçue, mais il adopte tou
776 s, comme un littérateur de second ordre, aux lois d’ une esthétique préconçue, mais il adopte toujours la forme de discours
777 tique préconçue, mais il adopte toujours la forme de discours la plus propre, sinon à charmer du moins à toucher son antag
778 harmer du moins à toucher son antagoniste ; l’art de Calvin est fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout en por
779 oucher son antagoniste ; l’art de Calvin est fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout en portant la marque d’un
780 lue à l’objet proposé : tout en portant la marque d’ une des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée tou
781 t dominé : telle serait la formule du classicisme de Calvin. D’une vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et po
782 telle serait la formule du classicisme de Calvin. D’ une vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et pompeux dans
783 peux dans l’Épître, sobre et grave dans le Traité de la Cène, ce style garde partout les vertus qui, sans doute, font le p
784 ans l’exposé des sic et non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus savoureux contrastes, coupant court
785 lus savoureux contrastes, coupant court aux élans de pure rhétorique, cet accent dont un romantisme tour à tour alangui ou
786 voluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style d’ un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonn
787 ur deux bonnes raisons. D’abord Calvin était chef de parti ; qui plus est, fondateur d’Église ; donc doublement conscient
788 vin était chef de parti ; qui plus est, fondateur d’ Église ; donc doublement conscient de la responsabilité de ses paroles
789 t, fondateur d’Église ; donc doublement conscient de la responsabilité de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une
790  ; donc doublement conscient de la responsabilité de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une aussi poignante vertu
791 ge une aussi poignante vertu que cette conscience d’ une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre
792 u que cette conscience d’une mission à remplir et d’ un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par t
793 gue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’ être par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-il revenir vers l
794 n’oublions pas que la plupart des écrits français de Calvin — c’est le cas de ces Trois traités — furent traduits par lui-
795 part des écrits français de Calvin — c’est le cas de ces Trois traités — furent traduits par lui-même du latin. D’où la je
796 traités — furent traduits par lui-même du latin. D’ où la jeunesse de cette langue et sa sobriété monumentale. Là encore,
797 traduits par lui-même du latin. D’où la jeunesse de cette langue et sa sobriété monumentale. Là encore, la leçon de Calvi
798 e et sa sobriété monumentale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle d’un retour aux origines. Voilà la seule révoluti
799 ntale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle d’ un retour aux origines. Voilà la seule révolution qui compte pour l’es
800 commander toutes les autres. 12. Trois traités de Jean Calvin. Préface de Jacques Pannier. Introduction de A.-M. Schmid
801 res. 12. Trois traités de Jean Calvin. Préface de Jacques Pannier. Introduction de A.-M. Schmidt. (Éditions « Je sers »
802 Calvin. Préface de Jacques Pannier. Introduction de A.-M. Schmidt. (Éditions « Je sers », Paris.) l. Rougemont Denis de
803 ditions « Je sers », Paris.) l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Trois traités de Jean Calvin », Les Nouvelles litté
804 ougemont Denis de, « [Compte rendu] Trois traités de Jean Calvin », Les Nouvelles littéraires, Paris, 20 juillet 1935, p. 
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
805 bre 1935)m n L’esprit occidental n’a jamais eu d’ unité harmonieuse : il est toujours tension entre deux pôles, qui d’ai
806 se déplacent sans cesse et parfois aussi changent de nom. On est tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et uniq
807 se et parfois aussi changent de nom. On est tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et unique opposition : mysti
808 tien fondamental : la foi. La foi est acte humain d’ obéissance en même temps qu’elle est don de Dieu ; elle s’oppose donc
809 humain d’obéissance en même temps qu’elle est don de Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’une fuite
810 e, comme à toute action en révolte contre l’ordre de la Parole. En confondant la foi et la mystique, comme le fait par mal
811 i laisserons ses rêveries et nous nous chargerons de l’homme « dans ses limites charnelles et temporelles ». C’est aussi c
812 i ce que dit l’Évangile, où il n’est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de
813 marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout
814 e réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poéti
815 hologie tout un monde spirituel et poétique plein de dangers et de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heur
816 n monde spirituel et poétique plein de dangers et de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduc
817 valis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Suso, Tauler,
818 ostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le pr
819 nnera sans doute de le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expérience.
820 mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expérience. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien vol
821 cités fait pardonner bien volontiers cette erreur de classification. En vérité, les mystiques allemands nous apparaissent
822 ure où ils annoncent le lyrisme et la philosophie d’ une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier
823 et la philosophie d’une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier romantisme allemand, encore si
824 d temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il est grand temps que nous relevions ces titres
825 Il est grand temps que nous relevions ces titres de noblesse spirituelle momentanément méprisés par leurs héritiers direc
826 directs. Et cela vaudrait mieux, à coup sûr, que de rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’in
827 ur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction de cette anthologie contient, à cet égard, de navrantes divagations ; Lu
828 uction de cette anthologie contient, à cet égard, de navrantes divagations ; Luther ancêtre du racisme, par exemple ! m.
829 e du racisme, par exemple ! m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Chuzeville, Les Mystiques allemands du XIIIe a
830 ires, Paris, 2 novembre 1935, p. 5. n. Une note de lecture sur le même livre a également paru dans la Nouvelle Revue fra
831 a également paru dans la Nouvelle Revue française d’ octobre 1935.
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
832 n (12 septembre 1936)o Couronnant une carrière d’ auteur déjà longue — quarante-cinq volumes, sauf erreur — M. le pasteu
833 est actuellement le représentant le plus marquant d’ une famille dont les destins se confondirent durant tout le siècle der
834 voulut s’en prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditio
835 prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que d’ écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’esprit
836 es Monod, les traditions, l’esprit et l’idéologie de cette « tribu ». Il semble que l’auteur du Problème du Bien 13 se soi
837 n glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir les causes les plus vilipendées par ce furieux censeur païen
838 ndées par ce furieux censeur païen. Qu’il suffise de rappeler que le nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esp
839 nseur païen. Qu’il suffise de rappeler que le nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit de tout protestant,
840 Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit de tout protestant, deux grands mouvements de pensée et d’action dont il
841 esprit de tout protestant, deux grands mouvements de pensée et d’action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le c
842 t protestant, deux grands mouvements de pensée et d’ action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le christianisme
843 énique et internationale née dans le « désarroi » de l’après-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès de Stockholm sa
844 près-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès de Stockholm sa première réalisation concrète. À ces deux causes illustr
845 e troisième, qui les commande directement : celle d’ un certain humanisme chrétien. L’ouvrage littéralement énorme (hors de
846 un titre dont l’apparence paradoxale est typique de l’esprit de M. Monod, figure sans aucun doute le document le plus com
847 nt l’apparence paradoxale est typique de l’esprit de M. Monod, figure sans aucun doute le document le plus complet que le
848 dépassement. Ces 3000 pages contiennent la somme de la problématique particulière à une école — est-ce trop dire — qui va
849 ticulière à une école — est-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en passant par Charles Secrétan, Frommel et
850 même Renouvier, et à laquelle les récents livres de Bergson viennent apporter un ultime renouveau. À cet égard, le Problè
851 Bien mériterait un examen critique dont le cadre de ma chronique ne saurait supporter même l’esquisse. Mais le sous-titre
852 ait supporter même l’esquisse. Mais le sous-titre de cette œuvre nous engage à l’aborder très librement : « essai de théod
853 nous engage à l’aborder très librement : « essai de théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à u
854 très librement : « essai de théodicée et journal d’ un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrina
855 une construction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne
856 ent ouvrage ne réside pas seulement dans le récit d’ une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans l
857 onnues, mais aussi dans la constante présentation d’ un double cheminement : la recherche du penseur et le ministère du pas
858 alistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’ un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus encore au
859 mes qui ne sont pas synonymes) et je leur propose de méditer le problème du Bien. Si des croyants peuvent douter de leur c
860 problème du Bien. Si des croyants peuvent douter de leur croyance à cause du mal, que des incroyants apprennent à douter
861 se du mal, que des incroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bien. D’une part, en effet, dit M. Monod
862 alvin disait : « libertin spirituel ».) Il s’agit de confondre les philosophes incroyants au moyen de leurs propres argume
863 à une piété plus libre. On sait que pour l’école de Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie sera purement et si
864 pour l’école de Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie sera purement et simplement de critiquer, au sein de l’É
865 rôle de la théologie sera purement et simplement de critiquer, au sein de l’Église, la prédication de l’Église, pour la d
866 de critiquer, au sein de l’Église, la prédication de l’Église, pour la débarrasser des intrusions de philosophies passagèr
867 n de l’Église, pour la débarrasser des intrusions de philosophies passagères quelles qu’elles soient. Pour Barth, c’est Di
868 t l’homme en question. M. Monod part au contraire d’ une mise en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme.
869 M. Monod part au contraire d’une mise en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme. L’opposition apparaît a
870 en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’une des grandes surpri
871 us réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’ une méthode « libérale » et partant d’un point de vue « libéral » — en
872 qu’au moyen d’une méthode « libérale » et partant d’ un point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’en défende, l’adje
873 t-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’or
874 re des chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons à la situation de dépa
875 et du libéralisme ? Mais revenons à la situation de départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée e
876 éralisme ? Mais revenons à la situation de départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée et l’orthod
877 t l’orthodoxe desséché — M. Monod recourt au fait de son expérience intérieure. Après avoir montré que cette expérience di
878 . Après avoir montré que cette expérience diffère de tout processus psychique, il précise : l’expérience religieuse ne dev
879 nous montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’ un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crime
880 tion d’un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crimes. Les animaux se mangent entre eux, les homm
881 e » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crimes. Les animaux se mangent entre eux, les hommes périssent par ac
882 ent, la terre tremble : est-ce là l’œuvre du Dieu d’ amour dont parle l’Évangile ? « La fourmi périssant de mort violente s
883 our dont parle l’Évangile ? « La fourmi périssant de mort violente sous le talon d’un chrétien qui prie en marchant », — v
884 a fourmi périssant de mort violente sous le talon d’ un chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le pro
885 , — voilà qui pose à M. Monod le problème central de ce livre. Faudra-t-il donc revenir à Marcion, hérétique condamné par
886 ienne pour avoir affirmé que le monde est l’œuvre d’ un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est ve
887 rmé que le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’ un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et
888 prit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et pour vaincre ? M. Monod le pense. Jé
889 carnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’a chéri davantage le paradoxe depuis Kierkegaar
890 le paradoxe depuis Kierkegaard — M. Monod déduit de cette « hypothèse de travail » une réaffirmation du dogme trinitaire 
891 ierkegaard — M. Monod déduit de cette « hypothèse de travail » une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui n
892 ce au Saint-Esprit. Laissons l’aspect théologique de cet ouvrage : son style de pensée, sa démarche insolite et dramatique
893 s l’aspect théologique de cet ouvrage : son style de pensée, sa démarche insolite et dramatique ont bien de quoi retenir l
894 nsée, sa démarche insolite et dramatique ont bien de quoi retenir le lecteur même incroyant ou ignorant de ces débats. Wil
895 uoi retenir le lecteur même incroyant ou ignorant de ces débats. Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce de père
896 Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce de père Hugo du modernisme : même invention verbale, même goût des grand
897 me générosité humanitaire. Et quelle surabondance d’ images ! La TSF, les rayons X, l’automobile et la structure des atomes
898 atériel métaphorique inépuisable. Je n’y vois pas d’ inconvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là de littérature, b
899 onvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là de littérature, bien que l’auteur s’en défende dans sa préface. Cela nou
900 évations romantiques, telle description poignante de réalisme, d’un ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capit
901 ntiques, telle description poignante de réalisme, d’ un ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capital de cette v
902 issement dans la fosse commune. Le mérite capital de cette vision totalitaire du réel, c’est qu’elle replace l’homme dans
903 cet égard, on peut bien dire que M. Monod revient de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’un journal de jeunesse
904 t de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’ un journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témo
905 s Soliloques dans la nuit, fragments d’un journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témoignent d’une
906 remplissent 200 pages du premier tome, témoignent d’ une véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieu
907 premier tome, témoignent d’une véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieure et abstraite, où je cr
908 témoignent d’une véritable frénésie de problèmes, d’ un état de controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que
909 d’une véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que la jeuness
910 e et abstraite, où je crains bien que la jeunesse d’ aujourd’hui ne voie plus qu’une fièvre morbide. Mais la forme excessiv
911 fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre de cet ouvrage le sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une s
912 forme excessivement libre de cet ouvrage le sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit, une étr
913 me, ai-je dit, une étrange et vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades,
914 dit, une étrange et vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyse
915 nge et vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiq
916 te compilation de notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèm
917 n de notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdot
918 de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’aphori
919 de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’ analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’aphorismes. On s’y
920 sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y app
921 e boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’ anecdotes, d’aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y apprend beauco
922 ’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’ aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y apprend beaucoup. On craint
923 apprend beaucoup. On craint aussi qu’à la faveur de tant de richesses disparates, le sérieux proprement théologique du ra
924 rs cet argument : comment un protestant se libère d’ un intellectualisme intempérant par la considération hardie du cosmos.
925 mos. Quant à sa thèse théologique, je me contente de suggérer qu’on l’admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à
926 ’auteur ne cherchait à l’imposer par le spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtre
927 ntends le criticisme à peine critiqué. Le contenu de la Révélation, malgré toutes les philosophies, doit rester pour tous
928 nt indispensable, est-il même permis au chrétien, de fonder cette Révélation sur le système d’un autre Emmanuel — Kant en
929 rétien, de fonder cette Révélation sur le système d’ un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloi
930 nt en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner une boutade qui porte évidemment sa marquep. 13. Wilf
931 13. Wilfred Monod, Le Problème du Bien : essai de théodicée et journal d’un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougem
932 Problème du Bien : essai de théodicée et journal d’ un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de, « [Compte
933 teur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Wilfred Monod, Le Problème du bien  », Les Nouvelle
934 Paris, 12 septembre 1936, p. 5. p. Une critique de l’ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai
935 ptembre 1936, p. 5. p. Une critique de l’ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai 1935, sous l
936 Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai 1935, sous le titre : « Soirée chez Nicodème ».
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
937 er contre Érasme (19 juin 1937)q r Que sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles
938 sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé par quelles raison
939 e « moine qui voulait se marier », il serait sage de parcourir au moins les œuvres capitales du grand réformateur. Or, il
940 la liberté chrétienne : et les trop fameux Propos de Table, absolument insignifiants quant à la doctrine religieuse : voil
941 eligieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’ une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus qu’aucune autre
942 ’elle a changé plus qu’aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’une constatation histori
943 .) Remercions donc le courageux éditeur qui vient d’ entreprendre la réparation de cette inconcevable lacune, en publiant l
944 ux éditeur qui vient d’entreprendre la réparation de cette inconcevable lacune, en publiant l’ouvrage central de la réform
945 nconcevable lacune, en publiant l’ouvrage central de la réforme luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que s
946 ité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur le plan de la culture générale, une telle publication est appelée à rendre des s
947 ace au cœur même du grand débat occidental, celui de la pensée « pure » et de la pensée « engagée ». Elle met entre nos ma
948 débat occidental, celui de la pensée « pure » et de la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains la pièce capitale du
949 re nos mains la pièce capitale du procès : l’acte d’ accusation du clerc actif qu’était Luther, contre le clerc « désintére
950 que croyait pouvoir être Érasme. Elle nous permet de connaître l’une des origines historiques de cette opposition fondamen
951 ermet de connaître l’une des origines historiques de cette opposition fondamentale, de cette discussion séculaire, de cett
952 nes historiques de cette opposition fondamentale, de cette discussion séculaire, de cette grande tension spirituelle dans
953 tion fondamentale, de cette discussion séculaire, de cette grande tension spirituelle dans laquelle l’Europe a puisé son d
954 détaché. Le point de vue du « clerc pur », celui d’ Érasme, nous est suffisamment connu. Qu’on se reporte en particulier à
955 reporte en particulier à la brillante biographie de Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute l’œuvre récente du parfait di
956 ais : à toute l’œuvre récente du parfait disciple d’ Érasme que se trouve être M. Benda. Érasme dit le vrai, puis se lave l
957 me dit le vrai, puis se lave les mains, et refuse d’ endosser les conséquences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en
958 les mains, et refuse d’endosser les conséquences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et tous les pruden
959 e même qu’il n’y en ait pas. Et tous les prudents d’ applaudir, non sans apparences de raison : on a commis tant de crimes
960 ous les prudents d’applaudir, non sans apparences de raison : on a commis tant de crimes au nom de la vérité ! On s’en est
961 st plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle changer une fois de plus la face des cho
962 bondir. Car personne n’a mieux incarné la volonté de pensée militante que ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre
963 al et sacerdotal l’inflexible, l’urgente exigence de la vérité en action. Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait
964 . Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait de la problématique chrétienne, dans cet ouvrage, qui est avant tout cel
965 ienne, dans cet ouvrage, qui est avant tout celui d’ un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nou
966 nt tout celui d’un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
967 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
968 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue qui va droit au point décisif, envisage
969 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
970 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
971 teur qui refuse l’essentiel — c’est-à-dire la foi de Luther — soit tout de même attiré et subjugué par le style, par le to
972 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à la
973 arbitre à la querelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte et d’aiguillon, et qui lui donne sa verve, son accent person
974 erelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte et d’ aiguillon, et qui lui donne sa verve, son accent personnel tour à tour
975 t. En fait, toutes les affirmations fondamentales de la Réforme sont ici reposées par Luther : justification par la foi, q
976 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à la jus
977 ratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à la justice acquise par nos mérites ; opp
978 à la justice acquise par nos mérites ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
979 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
980 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi
981 terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
982 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
983 ure au-dehors, et constituant la véritable action de l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exag
984 nt la véritable action de l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré de voir dans le Traité
985 de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte de résumé — très peu sy
986 de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte de résumé — très peu systématique, et c’est heureux — des positions maît
987 ique, et c’est heureux — des positions maîtresses de la Réforme. Quant à la thèse particulière, qui est la négation du lib
988 igieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’aurait l’homme de gagner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici
989 ’homme de gagner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, po
990 pres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter le pire malentendu, que Lu
991 entendu, que Luther ne nie pas du tout la réalité de notre volonté. Il nie seulement que cette volonté puisse s’appliquer
992 choses qui concernent le salut. Elle fait partie de notre nature, et comme telle, ne désire vraiment que le péché. La lib
993 oisit, substituant à un destin fatal une vocation d’ un tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut être éc
994  : le problème ne peut être écarté comme relevant de la seule théologie. Il est au cœur de la pensée humaine. Tout homme q
995 me relevant de la seule théologie. Il est au cœur de la pensée humaine. Tout homme qui veut penser son existence en termes
996 ce dilemme, ou plutôt à l’acceptation simultanée de ses deux termes. Et l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un par
997 même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses yeux dans la connaissance virile d’une
998 iberté est à ses yeux dans la connaissance virile d’ une nécessité immuable, acceptée et aimée comme telle. Mais cette néce
999 fatum, la fatalité sans visage du Retour éternel de toutes choses. Pour Luther, elle est au contraire la Providence, la p
1000 est au contraire la Providence, la personne même de Dieu, éternellement active, et qui nous aime. Il faut choisir. Mais l
1001 Mais le choix est-il libre ? On retombe au débat de Luther et d’Érasme. Le trop prudent humaniste eût-il saisi dans son s
1002 x est-il libre ? On retombe au débat de Luther et d’ Érasme. Le trop prudent humaniste eût-il saisi dans son sérieux dernie
1003 eût-il saisi dans son sérieux dernier la réalité d’ un dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit du latin,
1004 aduit du latin, aux Éditions « Je sers ». Préface de M. le professeur A. Jundi. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1005 e M. le professeur A. Jundi. q. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Luther contre Érasme », Les Nouvelles littéraires,
1006 éraires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’ une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour
1007 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour la première foi
1008 s’agit d’une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour la première fois en français par Denis de
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
1009 Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)s L’art de conter pour le plaisir se perd.
1010 öf, conteur de légende (3 juillet 1937)s L’art de conter pour le plaisir se perd. Et peut-être, avec lui, l’art tout co
1011 Dans la littérature du xxe siècle, il n’y a plus de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’observation 
1012 us de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’observation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne
1013 s mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’ observation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce p
1014 On part de « faits d’observation » et l’on essaie d’ en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer
1015 « faits d’observation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ?
1016 Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… L
1017 l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… Le romancier moderne appar
1018 vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… Le romancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce
1019 e romancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce pouvoir « fabulateur » qu’il était censé détenir. (Déjà M. Weidlé,
1020 censé détenir. (Déjà M. Weidlé, dans ses Abeilles d’ Aristée, constate le « crépuscule des mondes imaginaires ».) On n’aime
1021 , mais on veut découvrir, à la manière de l’homme de science. Et tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse
1022 a manière de l’homme de science. Et tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’une acti
1023 n se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’ une action. La méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à ten
1024 lus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir de se montrer original, à tenir pour acquis que les « vertus » sont de c
1025 inal, à tenir pour acquis que les « vertus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincè
1026 pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il ne
1027 rgent. Il ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatal
1028 e fallait pas moins que le génie plein de malices d’ une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatalité. Kiplin
1029 ie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser d’ un coup cette apparente fatalité. Kipling meurt, et l’on dit : c’était
1030 5. Et, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau de cette « défense d’inventer » qui terrorise les romanciers du xxe siè
1031 nous pourrons rire de nouveau de cette « défense d’ inventer » qui terrorise les romanciers du xxe siècle. Selma Lagerlöf
1032 siècle. Selma Lagerlöf sait encore que l’origine de tout l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’enfance retro
1033 l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’ enfance retrouvée — qu’on lise les souvenirs qui composent Morbacka 16
1034 qui composent Morbacka 16 — voilà le milieu-mère de l’imagination. C’est une légende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre
1035 ende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre entière de l’auteurt. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman de
1036 épart à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reçoit des dimension
1037 imensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’ une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un
1038 vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’ un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lu
1039 journaux, par exemple, et s’en indigne, et refuse de marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est le parti romanesque que Se
1040 psychologie la plus secrète des héros. L’on prie de croire, d’ailleurs, que ces héros sont bien assez complexes pour notr
1041 moderne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici d’ une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu des fa
1042 en marge de l’action, sous forme de méditation ou d’ analyse. Toutes les ressources du conte populaire et de l’imagerie sen
1043 lyse. Toutes les ressources du conte populaire et de l’imagerie sentimentale et romanesque, qu’on croyait épuisées depuis
1044 ge. Une ironie sereine, à peine amère, les décape de toute niaiserie, et déjoue toutes les conven­tions. Surtout, un rythm
1045 les conven­tions. Surtout, un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu et d’aisance, entretient tout au long de la lect
1046 ons. Surtout, un rythme merveilleux de souplesse, d’ imprévu et d’aisance, entretient tout au long de la lecture une euphor
1047 un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu et d’ aisance, entretient tout au long de la lecture une euphorie de l’imagi
1048 , d’imprévu et d’aisance, entretient tout au long de la lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le se
1049 ntretient tout au long de la lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le secret s’était perdu avec l’e
1050 vec l’enfance. Comme on sent que l’auteur s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire de conter ! Plusieurs douzaines
1051 r s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire de conter ! Plusieurs douzaines de personnages, des familles et des isol
1052 löf, ou la gloire de conter ! Plusieurs douzaines de personnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois,
1053 des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille de la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote é
1054 — cela suffirait pour animer un roman romantique de la grande tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt un drame s
1055 oresque humain revêt un drame spirituel, le drame de l’absolu chrétien qui détruit tout dès qu’il agit sans charité (thème
1056 avant-dernière page seulement que le sens profond de l’œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être un disciple du Ch
1057 ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité de la légende a bel et bien dominé tous ces êtres, malgré leur scepticis
1058 ui n’ont pas la foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le charme forgé par le péché. Au symbole de l’anneau
1059 r, rompt le charme forgé par le péché. Au symbole de l’anneau volé, maintenant privé de son pouvoir maléfique, répond le s
1060 hé. Au symbole de l’anneau volé, maintenant privé de son pouvoir maléfique, répond le symbole d’un engagement humain libre
1061 privé de son pouvoir maléfique, répond le symbole d’ un engagement humain librement consenti devant Dieu ; un anneau nuptia
1062 ome — L’Anneau des Löwensköld — contient le récit de la légende. Les deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld et Anna Sv
1063 résumé imaginable, j’aimerais citer ici une seule de ces « situations » que Lagerlöf noue et dénoue dans chaque chapitre a
1064 iée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sou
1065 peu plus loin, il entend chanter : c’est la fille de l’aubergiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage p
1066 village ; elle est défigurée par une énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà, le jeune homme s’y résig
1067 Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltation
1068 e lui ; une jeune Dalécarlienne, dans son costume de marchande ambulante. « Elle brillait comme une rose sauvage. » Il s’a
1069 dre, dans cette scène étonnante, l’un des secrets de l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que la « mi
1070 cette scène étonnante, l’un des secrets de l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que la « mise en pra
1071 romanesque n’est ici que la « mise en pratique » d’ une attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il s
1072 e » d’une attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suffit de la prendre au mot : elle commande tou
1073 xtrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suffit de la prendre au mot : elle commande tout naturellement une suite d’inci
1074 mot : elle commande tout naturellement une suite d’ incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas
1075 s ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas d’ ajouter quelques traces d’humour, comme pour purifier l’émotion. Mais
1076 ’auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces d’ humour, comme pour purifier l’émotion. Mais pour qu’une telle phrase s
1077 aisemblance, il faut que ce héros soit un croyant d’ une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a la traditio
1078 si tout l’absolutisme religieux du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard, de Luther. Et à côté du fanatique, voici Charlotte, avec
1079 tisme religieux du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard, de Luther. Et à côté du fanatique, voici Charlotte, avec sa piété sobre
1080 la Réforme, c’est un pays entier sous la lumière de la Parole, qui trouve ici son expression. Tout respire largement, tou
1081 é, souvent plus folle encore, des âmes. Plénitude de la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuv
1082 nne cette œuvre admirable, c’est celui du travail de la foi dans la réalité totale d’un peuple, qu’elle trouble, assemble,
1083 celui du travail de la foi dans la réalité totale d’ un peuple, qu’elle trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus pa
1084 nnant, pour qui vient de lire les Löwensköld, que de retrouver dans les souvenirs publiés sous le titre de Morbacka les or
1085 etrouver dans les souvenirs publiés sous le titre de Morbacka les origines biographiques, les sources vives de ce jailliss
1086 cka les origines biographiques, les sources vives de ce jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie d
1087 graphiques, les sources vives de ce jaillissement d’ inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie de scènes mineures de
1088 ’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie de scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y admire, appliquée
1089 e anthologie de scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y admire, appliquées au réel, toutes les vertus subtiles
1090 l, toutes les vertus subtiles, tout le « métier » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur se
1091 s, tout le « métier » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette mal
1092 » de l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette malice cordiale, cette
1093 iale, cette variété et, à la fois, cette économie de moyens. On y retrouve aussi, décrits l’un après l’autre, tous les élé
1094 e le rythme, c’est-à-dire la part libre du génie, de l’imagination fabulatrice. Et c’est là que je vois le très grand inté
1095 ce. Et c’est là que je vois le très grand intérêt de ces souvenirs — dont le charme, d’ailleurs, suffirait bien à nous ret
1096 ffirait bien à nous retenir : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil l’apport proprement artistique, la créat
1097 r : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup d’ œil l’apport proprement artistique, la création, le don au double sens
1098 tique, la création, le don au double sens du mot, de l’auteur du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer que le milieu où
1099 r plus qu’aucun autre le déploiement des pouvoirs de la fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs dans la famil
1100 rs de la fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs dans la famille des romanciers du Nord ! — environnés de pay
1101 la famille des romanciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutu
1102 des romanciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucemen
1103 ciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucement tyranni
1104 nés de paysages de rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucement tyranniques, tout cela semble di
1105 rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucement tyranniques, tout cela semble disposé pour que se
1106 ages. Considérez ces trois facteurs dans le roman de la grande époque (xixe siècle) et voyez si leur décadence ne suffit
1107 mêmes traducteurs. (Stock.) s. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, conteur de légende », Les Nouvelles
1108 enis de, « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, conteur de légende », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 juillet 1937, p. 8. t
1109 . t. Rougemont en fait la recension dans la NRF de novembre 1937.
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
1110 t (12 février 1939)u v Avec l’audace souriante de ces guides helvétiques qui mènent au bord du précipice le touriste st
1111 ées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci de l’actualité et le goût des questions sociales à la lucidité sensible
1112 oût des questions sociales à la lucidité sensible d’ un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l
1113 sociales à la lucidité sensible d’un compatriote d’ Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un des principau
1114 solide. Il est l’un des principaux collaborateurs de la revue Esprit , écrit dans plusieurs revues des articles qui ne so
1115 rents. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique de la vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allem
1116 al, la rubrique de la vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans une ville
1117 universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal d’ Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est un des témoignages les
1118 aucoup de Français notre province : il a séjourné de longs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’un intellectuel
1119 ongs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’ un intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la d
1120 n Journal d’un intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de
1121 el en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de
1122 aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas
1123 ec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’a pas b
1124 ime pas les villes, il n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui stimulent tant d’écrivains, et
1125 n’a pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui stimulent tant d’écrivains, et leur tiennent souvent
1126 conversations, de ces échanges qui stimulent tant d’ écrivains, et leur tiennent souvent lieu de vie intérieure. Il me reço
1127 t tant d’écrivains, et leur tiennent souvent lieu de vie intérieure. Il me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à L
1128 eu de vie intérieure. Il me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à La Celle-Saint-Cloud, maison simple, sans austér
1129 t quand je lui parle du petit scandale que risque de provoquer son dernier livre : n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’
1130 istan et Iseut, les amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire mon livr
1131 ne peuvent plus se supporter au bout de trois ans de vie commune dans la forêt et qui, Tristan ayant épousé Iseut aux blan
1132 où la mort le défigure déjà… tout cela est rempli de bizarreries, de contradictions, pressenties au siècle dernier, mais d
1133 figure déjà… tout cela est rempli de bizarreries, de contradictions, pressenties au siècle dernier, mais dont personne n’a
1134 ser une explication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’ arriver à cette conviction, que je suis prêt à défendre : ce que Trist
1135 e : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fait d’ aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répét
1136 ique une subtilité, des raffinements, une absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de l’époque. Qui s’opposait sur
1137 absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs de l’époque. Qui s’opposait surtout, complète Denis de Rougemont, à la c
1138 senti le danger, puisqu’elle a développé le culte de Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame » des troubadours. Cet
1139 ppé le culte de Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame » des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi
1140 leurit que parmi les obstacles, exclut toute idée de progéniture, de famille ; il va contre les appétits de l’homme et les
1141 les obstacles, exclut toute idée de progéniture, de famille ; il va contre les appétits de l’homme et les directives de l
1142 ogéniture, de famille ; il va contre les appétits de l’homme et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de
1143 contre les appétits de l’homme et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi tou
1144 rectives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute la littérature ? Beaucoup d’historiens
1145 ns, dominer ainsi toute la littérature ? Beaucoup d’ historiens, d’érudits, se sont posé la question sans pouvoir la résoud
1146 nsi toute la littérature ? Beaucoup d’historiens, d’ érudits, se sont posé la question sans pouvoir la résoudre. Pour moi,
1147 bigeois réprima sans l’anéantir, eut des millions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagna la France par le Piémont. L
1148 e par le Piémont. Les cathares rejettent le dogme de l’incarnation, se fondent sur une interprétation purement spiritualis
1149 Saint-Esprit la Mère de Dieu, le principe féminin de l’amour. En embrassant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’il é
1150 phyte s’engageait, s’il était marié, à s’abstenir de tout contact avec sa femme. Les cathares admettaient le suicide. Glor
1151 es cathares admettaient le suicide. Glorification de l’esprit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que
1152 admettaient le suicide. Glorification de l’esprit d’ amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que l’on préfèr
1153 ification de l’esprit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, pro
1154 rit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles
1155 chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons la religion cathare,
1156 que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons la religion cathare, telle que les procès d
1157 rouvons la religion cathare, telle que les procès de l’Inquisition permettent de la connaître, tous les thèmes des troubad
1158 telle que les procès de l’Inquisition permettent de la connaître, tous les thèmes des troubadours, développés avec un lyr
1159 t nombreux, et qui adoptaient cette hé­résie avec d’ autant plus d’enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de l’autorité
1160 qui adoptaient cette hé­résie avec d’autant plus d’ enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de l’autorité temporelle ex
1161 plus d’enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de l’autorité temporelle exercée par le clergé. Donc l’amour-passion ser
1162 littérature, reprend Denis de Rougemont. Le mythe de Tristan et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle,
1163 , la femme et l’amant, qui est le sujet essentiel de toute la littérature occidentale, n’a surgi dans la littérature orien
1164 urit avec malice : Les philologues ont un respect de la lettre qui leur cache parfois le sens profond des textes… Ils répu
1165 hodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de la mort que l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan
1166 ues courtois, goût qui n’est autre que l’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le statut du maria
1167 chit : Non, je crois que nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est encore lui
1168 s à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est encore lui qui pèse sur toute la crise du mar
1169 Comment cela ? C’est très simple. Nous souffrons d’ avoir été élevés dans une double contradiction. Romans, poèmes, musiqu
1170 us montre le mariage comme le fondement essentiel de notre société. Mais la passion, par définition, reste extérieure au m
1171 reste extérieure au mariage, puisqu’elle a besoin d’ obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la
1172 e résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion se réfugie dans l’adultère. Maris et fem
1173 réfugie dans l’adultère. Maris et femmes, chacun de leur côté, rêvent de l’aventure qui leur apparaît comme la seule évas
1174 ère. Maris et femmes, chacun de leur côté, rêvent de l’aventure qui leur apparaît comme la seule évasion. Croyez-vous que
1175 roblème du mariage. Croyez-vous que les problèmes de la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une solution nouvell
1176 une solution : le mariage chrétien, mais présenté d’ une manière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raiso
1177 ui me paraît en même temps le véritable fondement de la personnalité. Mais pour moi cette fidélité doit être observée en v
1178 assion, mais s’en distingue par un refus constant de subir ses rêves, par une constante prise sur le réel. Elle reste une
1179 obre et la plus quotidienne. Votre réhabilitation de la fidélité, si conforme à la conception chrétienne du ma­riage, supp
1180 les femmes, qui doivent être sans cesse capables de se renouveler, un ensemble de vertus solides et de qualités agréa­ble
1181 sans cesse capables de se renouveler, un ensemble de vertus solides et de qualités agréa­bles assez difficiles à concilier
1182 e se renouveler, un ensemble de vertus solides et de qualités agréa­bles assez difficiles à concilier. Je le sais, je suis
1183 tre tout de suite. J’ai aussi terminé deux livres d’ essais : Doctrine fabuleuse et Les Personnages du dram e. Et en ce
1184 évolution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit d’ un drame que j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en sc
1185 u profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse, le bienheureux Nicol
1186 ta sa grotte, et rétablit la paix par le covenant de 1481. Puis il se retourna dans son ermitage et y mourut. C’est un bea
1187 beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’ Honegger, sera représenté dans un théâtre en plein air, devant cinq ou
1188 ix-mille spectateurs. La scène aura trente mètres de large, et trois étages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris d
1189 riosité les réactions que vont susciter certaines de ses théories un peu révolutionnaires. Il sourit avant de répondre, pu
1190 mon livre, paru il y a huit jours, m’a déjà valu de nombreuses lettres d’hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés
1191 a huit jours, m’a déjà valu de nombreuses lettres d’ hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent que mo
1192 , m’a déjà valu de nombreuses lettres d’hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent que mon livre les
1193 sent que mon livre les aide à comprendre la cause de leur désarroi, qu’ils savent mieux maintenant comment ils pourraient
1194 chrétien, la véritable intelligence, n’est-ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis
1195 le intelligence, n’est-ce pas de voir les limites d’ où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de, « [Entretien] N
1196 ù l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de , « [Entretien] Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas », Les Nouvelles
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
1197 Pour beaucoup, Denis de Rougemont est l’auteur d’ une thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident et dans laq
1198 cident et dans laquelle il démontrait que l’idée de passion amoureuse trouvait ses origines dans la poésie cathare. Pour
1199 igines dans la poésie cathare. Pour les disciples d’ Emmanuel Mounier, il est surtout le philosophe de Politique de la per
1200 d’Emmanuel Mounier, il est surtout le philosophe de Politique de la personne . Pour quelques autres, il est l’écrivain q
1201 unier, il est surtout le philosophe de Politique de la personne . Pour quelques autres, il est l’écrivain qui a le mieux
1202 in qui a le mieux analysé la résistible ascension d’ Adolf Hitler (dans Journal d’Allemagne et Journal des deux mondes
1203 ésistible ascension d’Adolf Hitler (dans Journal d’ Allemagne et Journal des deux mondes notamment). Pour les mélomanes
1204 notamment). Pour les mélomanes, il est le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Pour tous enfin, i
1205 ine dernière, le lauréat du Grand Prix littéraire de Monaco. Mais qui est en réalité Denis de Rougemont ? On a dit beaucou
1206 p plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont de commenter librement et, au besoin, de rectifier ce que je me proposai
1207 e Rougemont de commenter librement et, au besoin, de rectifier ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’a donn
1208 t, au besoin, de rectifier ce que je me proposais d’ écrire sur lui. Voici ce qu’a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuch
1209 châtel, Denis de Rougemont est un écrivain suisse d’ expression française… Je déteste cette formule ! Elle me fait penser à
1210 e cette formule ! Elle me fait penser à une sorte d’ animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréhensible, et c
1211 ensible, et choisirait, quand il ouvre la bouche, de s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je sui
1212 in français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’ un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’es
1213 t c’est tout. Il est l’auteur d’un certain nombre d’ ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’essai, de la polémique
1214 mbre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’essai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre
1215 ges qui, tenant à la fois du journal, de l’essai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire p
1216 tiquette, disons que je suis un essayiste, espèce d’ écrivain de plus en plus répandue de nos jours. Montesquieu, Pascal ét
1217 yiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de nos jours. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas q
1218 rer à eux, mais la forme est la même : un mélange d’ idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis
1219 la forme est la même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont p
1220 st la même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, a
1221 ange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’ anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés d’Emmanuel
1222 En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés d’ Emmanuel Mounier, à la fondation de deux revues personnalistes : L’Ord
1223 ipe, aux côtés d’Emmanuel Mounier, à la fondation de deux revues personnalistes : L’Ordre nouveau et Esprit. C’est à cette
1224 raliste ». … illustrée par son livre : Politique de la personne . Politique de la personne était un manifeste qui décl
1225 n livre : Politique de la personne . Politique de la personne était un manifeste qui déclencha une polémique à laquell
1226 ividu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’ une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsa
1227 la fois libre et responsable. Il y a une vocation de la personne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme et le relie à
1228 ù il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l’homme que je place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fai
1229 ans cette notion de l’homme que je place le point d’ insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines providenti
1230 tion de l’homme que je place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines providentialistes qui
1231 t opposé aux doctrines providentialistes qui font de Dieu un Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’hom
1232 s qui font de Dieu un Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’U
1233 mme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvai
1234 sans activité à Paris, où j’écrivais le Journal d’ un intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de
1235 chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pe
1236 e en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de notre régime, allez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à une
1237 de plus près. » J’acceptai à une condition, celle d’ écrire en rentrant exactement ce que je pensais du nazisme. J’en ai ef
1238 nt pensé et dit beaucoup de mal dans mon Journal d’ Allemagne , paru en 1938. J’eus d’ailleurs d’autres démêlés avec les a
1239 andes, quand j’écrivis un article dans la Gazette de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent
1240 article dans la Gazette de Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent que je sois puni et j’ai
1241 dèrent que je sois puni et j’ai reçu quinze jours de prison militaire sous le prétexte qu’un officier neutre n’a pas le dr
1242 e prétexte qu’un officier neutre n’a pas le droit d’ outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est e
1243 pas le droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est envoyé en Amérique où il passera six a
1244 New York, je rédigeais les émissions en français de « La Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, don
1245 rédigeais les émissions en français de « La Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, dont faisaient p
1246 a Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, dont faisaient partie André Breton, Marcel Ozenfant, un fil
1247 tait des textes. Je fis également la connaissance de Saint-John Perse et du peintre Marcel Duchamp, qui réalisa une extrao
1248 aordinaire vitrine surréaliste dans une librairie de la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part du diable . Re
1249 s une librairie de la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part du diable . Rentré en Europe en 1946, Denis de R
1250 et président du Congrès européen pour la liberté de la culturey, son activité se situera désormais sur deux plans : l’écr
1251 eux plans : l’écrivain d’une part, le fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’y a jamais eu chez moi (
1252 Je suis passé tout naturellement et sans rupture de ma définition de la « personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, v
1253 ut naturellement et sans rupture de ma définition de la « personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, do
1254 i n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni une aggloméra
1255 que. Je ne souhaite en effet ni une agglomération d’ États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des État
1256 ial ni une Europe des États, mais une association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieure et responsab
1257 une association de républiques autonomes, libres de leur gestion intérieure et responsables les unes des autres devant le
1258 le danger commun. Nous serions ainsi 350 millions d’ Européens solidaires, ce qui représente presque autant que les populat
1259 sque autant que les populations des États-Unis et de l’URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnalisme et fédéralism
1260 mains du Prince Rainier le Grand Prix littéraire de Monaco. Selon la formule consacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix
1261 Monaco. Selon la formule consacrée, je suis ravi d’ avoir reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je viens en ef
1262 ré une petite ombre au tableau. Je viens en effet d’ apprendre que je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami
1263 e propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet de son Rhinocéros ? Dans mon Journal d’Allemagne , c’est lui-même qui m
1264 vé le sujet de son Rhinocéros ? Dans mon Journal d’ Allemagne , c’est lui-même qui me l’a dit. w. Rougemont Denis de, «
1265 st lui-même qui me l’a dit. w. Rougemont Denis de , « [Entretien] Mais qui est donc Denis de Rougemont ? », Les Nouvelle
1266 e à partir de 1950, et le Congrès pour la liberté de la culture, dans lequel Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont i
1267 l ne fut « que » le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
1268 Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle a vu la civili
1269 , le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ils sont tous, ou presque tous, Européen
1270 ne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain de la Première Guerre mondiale déclenchée
1271 fèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain de la Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Va
1272 Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu d
1273 étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existe
1274 ais France, Angleterre, Russie, ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenan
1275 n beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une ci
1276 vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
1277 ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
1278 eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
1279 ncevables : elles sont dans les journaux. L’écho de cette page fut immense et je sais peu de phrases plus fréquemment cit
1280 , à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’époque. Mais comment expliquer son succès ? Observons tout d’abord
1281 lle résume et condense une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1971, Volney, méditant sur la mort des civil
1282 : Que sont devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de
1283 devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone,
1284 de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai
1285 e ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qu
1286 parts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de t
1287 élas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait
1288 ndon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme
1289 olitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’ass
1290 n voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuple
1291 solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus tard, Hegel introduisait
1292 s et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’ armées plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est « un
1293 ue chaque peuple est « un individu dans la marche de l’histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de c
1294 qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’aill
1295 nc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’ épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civ
1296 idu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civilisation européenne
1297 ation européenne marquait l’aboutissement suprême de l’Histoire. Mais si l’on appliquait sa dialectique aux civilisations,
1298 civilisations, on en venait à penser que chacune d’ elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée
1299 t fatalement décliner et mourir après une période d’ apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus l
1300 e culture est mortelle, et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admirable pour embrasser l’
1301 é jusqu’ici, les lois complexes, mais constantes, de leur genèse, de leur croissance et de leur dissolution inévitable. Ce
1302 lois complexes, mais constantes, de leur genèse, de leur croissance et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et
1303 constantes, de leur genèse, de leur croissance et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’u
1304 inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’ une vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que
1305 et philosophes, armés d’une vaste érudition, ont d’ autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignen
1306 , armés d’une vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignent, par leurs co
1307 onclusions, notre angoisse quant à l’état présent de l’Europe dans le monde, et que, d’autre part, les plus grands esprits
1308 us grands esprits du siècle précédent n’ont cessé d’ annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de
1309 t cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
1310 trophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burc
1311 pe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, t
1312 Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les mo
1313 Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les motifs de craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédicti
1314 agne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés d’ avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-ho
1315 ’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchir
1316 voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royauté mondiale. Déjà le communisme lui dispute, non seule
1317 on seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’ une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de
1318 en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisat
1319 yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondial
1320 ropre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise int
1321 a civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie polit
1322 cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines
1323 précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus,
1324 es peuples émancipés proclament déjà leur volonté de retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que
1325 Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ?
1326 ait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler d’ une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de
1327 our qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou d’ une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulo
1328 de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulons deux remarques dict
1329 pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’ une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être per
1330 s les cultures dans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient
1331 ans tous les temps. Les prophètes de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précéden
1332 Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent de civilisations antiques aujourd’hui « disparues », et particulièrement
1333 sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la
1334 e le mieux connu des Européens, celui de la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation
1335 ome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire.
1336 lisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire. L’exemple est-il valable pour l’Europe ? La civilisation eu
1337 omparable, et même tout à fait différent à partir d’ un certain moment, d’un certain seuil… Les civilisations antiques de l
1338 ut à fait différent à partir d’un certain moment, d’ un certain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons,
1339 t, d’un certain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, f
1340 civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité origin
1341 ions antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur u
1342 unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires d’ aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’une doctrine
1343 rd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’ une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux
1344 ée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous
1345 tures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
1346 n européenne s’est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a
1347 est trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu,
1348 a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’ unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
1349 moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture n’a jamai
1350 ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture n’a jamais été autre chose qu
1351 e consistant dans la seule volonté commune à tous de refuser l’uniformité. Où sont les candidats à la relève ? Aux pr
1352 sont les candidats à la relève ? Aux prophètes de la décadence européenne, j’opposerai trois raisons majeures d’espérer
1353 ce européenne, j’opposerai trois raisons majeures d’ espérer, c’est-à-dire d’agir pour l’Europe. Première raison : La civil
1354 ai trois raisons majeures d’espérer, c’est-à-dire d’ agir pour l’Europe. Première raison : La civilisation européenne est l
1355 enue universelle. Bien d’autres avaient cru cela d’ elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, mais cette erreur ne
1356 ok suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons
1357 aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’ illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nou
1358 rique imitent nos villes modernes, leurs procédés de construction, leurs rues, leurs places, et leurs mairies, leurs hôpit
1359 hôtels et leurs journaux, et même leurs embarras de circulation. Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos par
1360 s nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’ imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment
1361 Nous avons vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de
1362 sources les plus diverses, se distinguait par là de toutes les autres, monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi elle s’
1363 s vu aussi que l’Europe envoie dans le monde plus de machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires
1364 l’Europe envoie dans le monde plus de machines et d’ assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est la
1365 e plus de machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, et d
1366 hines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, et détachée du ch
1367 risée, et détachée du christianisme qui contribua de tant de manières à la former. Par là même — et c’est bien son drame,
1368 st bien son drame, en même temps que la condition de son « succès » le plus visible — elle s’est rendue plus transportable
1369 devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine : j’entends la cr
1370 entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa r
1371 eur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delt
1372 royait rien de tel. Le mot homme y était synonyme d’ habitant de la vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent
1373 de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent pour désign
1374 s également, il existait deux espèces différentes de bipèdes verticaux ; les Grecs ou les Chinois, d’une part, et les barb
1375 demeurer régionales et décliner dans les limites de leur empire. En revanche, la conception chrétienne exprimée par saint
1376 res, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait
1377 ule permettre à ceux qu’elle formerait intimement de considérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’aut
1378 mes comme dignes et capables, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant que c’est f
1379 ation européenne a créé les conditions techniques de sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps
1380 é les conditions techniques de sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrait e
1381 faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’ extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui enverraient
1382 ue « les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
1383 ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
1384 eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
1385 on a retrouvé — et même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valé
1386 plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans
1387 omédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde ent
1388 e. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistrées
1389 bandes et sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les sta
1390 résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par
1391 et les temples des Pharaons menacés par les eaux d’ un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très var
1392 . Certes, plusieurs ont disparu sans nous laisser d’ autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des
1393 ans nous laisser d’autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de no
1394 et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
1395 et le laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup que leurs riva
1396 ées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
1397 s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancie
1398 onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la
1399 fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce so
1400 les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue e
1401 nos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitude
1402 Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
1403 les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’ où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’homme, q
1404 euples du tiers-monde à peine moins que pour ceux de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
1405 à peine moins que pour ceux de l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non
1406 dignité de la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non pas le système des castes, ni le mandari
1407 t non sans drôlerie à propos de la fameuse phrase de Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pour
1408 e dire, car il n’en saurait rien. » Et il propose de corriger comme suit le passage que j’ai cité : « Nous autres civilisa
1409 civilisations qu’on croyait endormies sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de my
1410 es sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’ écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés
1411 l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jou
1412 siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouve
1413 t de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des et
1414 ait des ethnographes, archéologues et philosophes de l’Europe, qui poursuivent l’inventaire mondial initié à la Renaissanc
1415 ndial initié à la Renaissance par nos découvreurs de l’espace et du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas
1416 sance par nos découvreurs de l’espace et du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à
1417 de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale. No
1418 : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’ une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances
1419 enue mondiale. Nous connaissons les circonstances de la chute de celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catas
1420 e. Nous connaissons les circonstances de la chute de celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catastrophe natur
1421 vaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’ une civilisation rivale, plus primitive et plus brutale, Doriens détrô
1422 e et l’Ibérie romaines, ou les quelques centaines d’ Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous
1423 ou les quelques centaines d’Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisatio
1424 ire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisations locales, entourées de « barbares » mal connus. Les cand
1425 tous ces cas de civilisations locales, entourées de « barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux.
1426 oblitération ou simplement la reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les États-Unis 
1427 rges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés de la substanc
1428 s ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser par la c
1429 dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser par la culture plus profondém
1430 ? Est-elle une autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’est le marxisme plus l’électricité. » Or, le marx
1431 artie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie et la
1432 sme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’ un débat séculaire entre la théologie et la philosophie, au moment où
1433 es qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, morales et matérielles plus spécifiquement europ
1434 t le pays, le communisme a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand : il a pour la seconde fois européanisé la Russie. Et
1435 sie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée d’ aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’est l’URSS
1436 introduit dans l’Empire emmuré ce nouveau cheval de Troie occidental : la technique, et tout ce qu’elle entraîne dans les
1437 t ce qu’elle entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère
1438 le entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’ une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un
1439 e penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers le sociali
1440 sme, inventés par l’Europe et parties intégrantes de sa culture. Quant à l’Afrique, observons simplement que son émancipat
1441 n actuelle ne consiste nullement dans l’avènement d’ une civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme, mais au cont
1442 dans l’avènement d’une civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme, mais au contraire dans l’adoption bien trop r
1443 raire dans l’adoption bien trop rapide des formes de vie politique, sociale et économique, élaborées par l’Europe moderne.
1444 e du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Am
1445 e, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie d’ imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une inve
1446 veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de la décadence 
1447 une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de , « Les prophètes de la décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris,
1448 urope… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de la décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 septembre 1970,
1449 incu et militant est Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occi
1450 L’Amour et l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occidentale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour le
1451 enser avec les mains , de L’Aventure occidentale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il n
1452 garde, comme on va le voir, contre les prophètes de la décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
1453 ac Denis de Rougemont, les deux grands thèmes de votre vie ont été l’Amour et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemo
1454 our et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si vous me disiez 17 ans et demi, je vous dirai : l’âge
1455 s me disiez 17 ans et demi, je vous dirai : l’âge de mon premier article. J’étais au gymnase de ma ville natale, Neuchâtel
1456 l’âge de mon premier article. J’étais au gymnase de ma ville natale, Neuchâtel. Le trait caractéristique de cet endroit o
1457 ville natale, Neuchâtel. Le trait caractéristique de cet endroit où je suis né est d’être un carrefour, une petite princip
1458 caractéristique de cet endroit où je suis né est d’ être un carrefour, une petite principauté placée entre les influences
1459 is que des poèmes, persuadé que toute autre forme de littérature était inférieure et méprisable. En même temps je jouais a
1460 même temps je jouais au football. J’étais gardien de but. C’était pour moi le poste idéal car le gardien de but n’intervie
1461 t. C’était pour moi le poste idéal car le gardien de but n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plu
1462 car le gardien de but n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant
1463 n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant et Albert Camus avai
1464 erlant et Albert Camus avaient aussi été gardiens de but. Comment avez-vous découvert l’Europe ? C’est entre 17 et 25 ans
1465 des troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment de reconnaissance. Quand je lisais les romans bretons je me sentais curi
1466 dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendance de mon père, je m’aperçois qu’à la génération où nous avons 64 ancêtres,
1467 me, il y a 28 Suisses neuchâtelois et 36 ancêtres de Normandie ou du Midi, mais aussi quelques Allemands et plusieurs Holl
1468 luences qui se sont exercées sur notre petit coin de Suisse romande. Vous avez consacré de nombreuses et passionnantes pag
1469 petit coin de Suisse romande. Vous avez consacré de nombreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce que l’amour po
1470 on livre L’Amour et l’Occident . L’amour au sens de l’amour-passion que j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose de t
1471 que j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose de très important dans ma vie. L’opposition entre l’amour-passion et le
1472 r-passion et le mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite
1473 entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue Esprit
1474 e circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hui, et qui
1475 paraissait éclatante entre l’amour dans le mythe de Tristan et l’amour dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait la c
1476 i un petit livre en deux volets opposant le mythe de Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devai
1477 ais lui donner mon livre en février 1938. Le mois de février arriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre
1478 écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété. Il me disait : « Vou
1479 ommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’ anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand service ? A
1480 ous me rendre un grand service ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour
1481 grand service ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car j
1482 e ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car je dois publi
1483 our de parution de votre manuscrit, que j’attends d’ un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscr
1484 je dois publier le plus tôt possible le manuscrit d’ un essai d’une grande actualité intitulé La France et son armée, et do
1485 lier le plus tôt possible le manuscrit d’un essai d’ une grande actualité intitulé La France et son armée, et dont l’auteur
1486 réface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois de travail et toute la vie. J’étais devenu, hélas ! aux yeux de beaucoup
1487 ns dans beaucoup de pays un expert sur les choses de l’amour. Quand les gens me rencontraient ils me disaient : « C’est vo
1488 ontraient ils me disaient : « C’est vous l’auteur de L’Amour et l’Occident  ? Je croyais que vous aviez une grande barbe
1489 e votre livre a transformé ma vie ! »… Cette idée d’ avoir transformé tant de vies m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de
1490 ant de vies m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient
1491 hé de suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait des confidences et je me suis aperçu que
1492 er avant de m’avoir lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mai
1493 lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les
1494 pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant un peu plus longtemps, je m
1495 uand même par divorcer, c’est-à-dire que l’action de mon livre était généralement de retarder les divorces de quelques ann
1496 dire que l’action de mon livre était généralement de retarder les divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal d
1497 livre était généralement de retarder les divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances, mais peut-
1498 ces de quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances, mais peut-être aussi des prises de conscience fort utile
1499 l de souffrances, mais peut-être aussi des prises de conscience fort utiles. Mon premier mariage s’est terminé par un divo
1500 age s’est terminé par un divorce après mes années d’ Amérique. C’est pourquoi dans la nouvelle édition qui a paru en 1954ae
1501 tre sur le divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé de récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Comme toi-même ,
1502 e thème, Comme toi-même , qui est édité en livre de poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de
1503 édité en livre de poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais
1504 re Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais dans mon premier livre. Que pensez-v
1505 udrait élever les gens dans une méfiance profonde de ce que représente la passion. C’est au fond contre la vulgarisation d
1506 n. C’est au fond contre la vulgarisation du mythe de Tristan que je m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et no
1507 t , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’une des choses
1508 on pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’une des choses glorieus
1509 emment parce que l’on sait que c’est la condition de réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la
1510 que l’on sait que c’est la condition de réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, c
1511 e c’est la condition de réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au no
1512 omme certains l’ont cru, mais au nom d’une morale d’ artiste. Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce q
1513 e d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’ une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pens
1514 amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus
1515 d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus belle. Et la passion ?
1516 s pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rares personnes qui seront probablement le sel de la terre ou qu
1517 ès rares personnes qui seront probablement le sel de la terre ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe
1518 à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour j’ai passé la frontière avec Robert Schuman en vo
1519  : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’ être obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour la fronti
1520 c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’être obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour la frontière est bien f
1521 le cordon douanier derrière le Jura et faisaient de l’ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région na
1522 rrière le Jura et faisaient de l’ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région naturelle comme la géogr
1523 dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de
1524 e. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’ État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de douanier
1525 Poincaré, par une espèce de coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résu
1526 écidé de porter à la frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résulté que dans la région que j’habite, qui est
1527 » Denis de Rougemont, quelle est votre définition de la gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est l
1528 ssement. C’est un triomphal accord clamé à la fin de la IXe Symphonie, c’est quelque chose que probablement tout homme a s
1529 que probablement tout homme a senti dans le fond de soi-même comme l’achèvement. Cela n’a rien à voir avec la publicité.
1530 e secret. Je crois beaucoup à une notion secrète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas do
1531 ’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’ épanouissement suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’une g
1532 t suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’ une grande euphorie et d’un grand bonheur. Et votre définition de la m
1533 dans le ciel accompagnée d’une grande euphorie et d’ un grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait
1534 phorie et d’un grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait penser complètement la mort, il mourrai
1535 rien dire. J’ai des idées folles, comme beaucoup d’ hommes, sur la mort, sur la chronologie, si vous voulez. Je pense que
1536 et que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est la
1537 e peux dire quelque chose : c’est un certain laps de temps pendant lequel une personne peut se constituer pour essayer de
1538 quel une personne peut se constituer pour essayer de découvrir sa vocation. Si elle découvre sa vocation, si elle la réali
1539 nne pas Dieu comme quelque chose dont chacun sait de quoi il s’agit, mais que j’insiste pour indiquer que nous nous trouvo
1540 vons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un
1541 nt un problème. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un homme du
1542 sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’ un homme du xxe siècle, moi, par exemple. J’écris généralement quelqu
1543 tout, mon incroyance, ma croyance, ma difficulté de croire, mon impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec la plus gr
1544 yance, ma difficulté de croire, mon impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec la plus grande précision dans le détail
1545 essante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’air de faire croire aux gens que pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y
1546 Pour être complètement sincère, j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas pe
1547 ’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’il
1548 est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du t
1549 uis ils finissent par vous faire un petit couplet de morale scientifique. On pourrait leur demander : Qu’est-ce que cela v
1550 rquoi ne me comporterais-je pas comme le surhomme de Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu’il faut être sociali
1551 ire qu’il faut être socialiste ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au contraire, j’en
1552 alors il y a un sens, il y a quelque chose qui va d’ un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une
1553 z, je pense que Dieu n’est pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le
1554 au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement de l’homme. D’autre part,
1555 ale de l’humanité, qu’il appelle le développement de l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a une grande naïveté à discut
1556 té à discuter sur l’existence ou la non-existence de Dieu étant donné que nous savons la place infime que nous tenons dans
1557 t bien ce qu’elle veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucu
1558 lule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut
1559 à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’ en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près qu’elle fait part
1560 . Elle peut savoir à peu près qu’elle fait partie d’ un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’u
1561 lle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’ un corps. Elle peut donc parfaitement nier l’existence du corps. ab.
1562 nier l’existence du corps. ab. Rougemont Denis de , « [Entretien] L’amour et l’Europe en expert », Les Nouvelles littéra
1563 ens , nous ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ; les hommes qui demain auront la charge du m
1564 ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ; les hommes qui demain auront la charge du monde pourro
1565 er tout un programme politique inspiré par l’idée d’ union fédérale. Denis de Rougemont s’est fait l’apôtre de cette croisa
1566 fédérale. Denis de Rougemont s’est fait l’apôtre de cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho
1567 re 1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour et l’Occident date en fait de 1956.
1568 me édition de L’Amour et l’Occident date en fait de 1956.
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
1569 De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’
1570 De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’
1571 ion politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des instituti
1572 pour se défendre seule, n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique et militaire par le
1573 e et militaire par les Russes — je songe aux pays de l’Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et
1574 e l’Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l
1575 autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l’Europe ne pourra jam
1576 formule fédéraliste, respectueuse des diversités de tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe unifiée et unifo
1577 pe unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé de la faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas, l’expérience sécula
1578 même temps la seule qui corresponde aux réalités de la culture européenne, aux conditions de sa vitalité. Mais l’obstacle
1579 réalités de la culture européenne, aux conditions de sa vitalité. Mais l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche cont
1580 ontre toute union fédérale, c’est l’État national de type xixe siècle, jacobin et napoléonien, copié par plus de cent pay
1581 e siècle, jacobin et napoléonien, copié par plus de cent pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriqu
1582 omenté par la culture. Car ce sont bien des faits de culture : l’école, aux trois degrés, la presse, les livres, qui nous
1583 ui nous font croire, depuis plusieurs générations de bons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État nationa
1584 e, depuis plusieurs générations de bons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national centralisé et ab
1585 l’aboutissement nécessaire, inévitable et naturel de toute l’évolution humaine. L’école, surtout secondaire, apprend depui
1586 re, apprend depuis un siècle aux jeunes Européens de nos divers pays — contre toute évidence historique — que leur nation
1587 immortelle, ce qui suggère qu’elle aurait existé de toute éternité ; alors qu’en vérité, pour la plupart, en tant qu’État
1588 t en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans d’ âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent plusieurs si
1589 et Malte, dix. L’école nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensembl
1590 ut est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas de cultures nationales La culture européenne n’est pas la somme de vi
1591 nales La culture européenne n’est pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait bien avant la fo
1592 ant la formation, récente nous venons de le voir, de nos États-nations. Le mot nation, natio en latin, désignait au Moyen
1593 n Âge, dans une ville universitaire, les colonies d’ étudiants venus d’une même région d’Europe et parlant entre eux la mêm
1594 lle universitaire, les colonies d’étudiants venus d’ une même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation
1595 les colonies d’étudiants venus d’une même région d’ Europe et parlant entre eux la même langue : nation anglaise, nation f
1596 de culture commune, bien antérieure à l’idée même d’ État-nation. Mais dira-t-on, le mot « nation » désignait, dès ce temps
1597 t même langue ? Oui, mais il n’était pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un même État. D’ailleu
1598 n de les enfermer pour autant dans les frontières d’ un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations mode
1599 nos États-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’
1600 ions modernes correspondent à l’aire de diffusion d’ une langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’intérieur de
1601 posé comme seule langue officielle dès 1539 par l’ édit de Villers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer la Wallonie,
1602 comme seule langue officielle dès 1539 par l’édit de Villers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer la Wallonie, la
1603 endiquer la Wallonie, la Suisse romande et le Val d’ Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le
1604 ique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses territoires actuels. Prenez la langue allema
1605 amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses territoires actuels. Prenez la langue allemande : si elle devait
1606 manique, les Sudètes, les minorités germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la P
1607 ètes, les minorités germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays
1608 orités germanophones de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de
1609 de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’obje
1610 de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que
1611 de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes
1612 ères les unes aux autres, si bien que les Chinois de provinces différentes ne peuvent communiquer entre eux qu’au moyen d’
1613 ntes ne peuvent communiquer entre eux qu’au moyen d’ idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Européens retrouv
1614 qu’au moyen d’idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Européens retrouvent sans peine dans leurs langues non
1615 gues non seulement les formes et les mots dérivés de leur commune origine indo-européenne, mais encore tout ce que leur hi
1616 viennent se superposer les influences dominantes de l’italien à la fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’
1617 fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-amé
1618 emand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhic
1619 et des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhiculé par l’usage ecclé
1620 de même des termes militaires comme « canon », et de tous les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique,
1621 « canon », et de tous les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent co
1622 , et de tous les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des s
1623 les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de
1624 s nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne cont
1625 comme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affair
1626 française, et elle a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là encore contre toute évidence, mais au serv
1627 core contre toute évidence, mais au service dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare l
1628 on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que le Rhône les unit, allez savoir pourquoi ! De mêm
1629 ) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et les mêmes B
1630 ôtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’ Aoste, plus loin l’allemand, puis le ladin, puis de nouveau l’allemand
1631 a vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, quoique tissée de contradictions dans sa ge
1632 lture de tous nos peuples est une, quoique tissée de contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’est formée à partir d’i
1633 ans sa genèse même, qu’elle s’est formée à partir d’ influences indo-européennes, gréco-latines, celtes et germaniques, ara
1634 es et slaves, souvent incompatibles entre elles — de là le caractère essentiellement contestataire de son génie — mais qui
1635 de là le caractère essentiellement contestataire de son génie — mais qui nous ont tous affectés à doses variables, et qui
1636 ns « cultivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’ art, d’architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de
1637 ltivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’ architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrin
1638 Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrine sociologique o
1639 grandes écoles d’art, d’architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrine sociologique ou politique,
1640 ’art, d’architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrine sociologique ou politique, ont été paneuro
1641 re, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrine sociologique ou politique, ont été paneuropéennes, et non pa
1642 Les grands courants européens, les grandes écoles d’ art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en
1643 s courants européens, les grandes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de
1644 grandes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités tant vanté
1645 unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme le
1646 titre ? Est-il vrai, comme le disent trop souvent d’ éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses
1647 rg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifi
1648 ervations faciles à vérifier. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles e
1649 storien français, le résultat des « viols répétés de la géographie par l’histoire », comme je le vois tous les jours autou
1650 ert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air e
1651 faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et de l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir
1652 êter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et de l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir et vexe tout
1653 t promouvoir et vexe tout le monde ; beau symbole de la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que
1654 veraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’ effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de n
1655 ifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une additio
1656 puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales », le
1657 les, et la culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales », les manuels de notre enfance non
1658 e prétendues « cultures nationales », les manuels de notre enfance non seulement se trouvaient justifier les pires chauvin
1659 vaient justifier les pires chauvinismes, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore ils fa
1660 li périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pa
1661 saient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans
1662 re vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vo
1663 et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyan
1664 uverez des croyants et des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, de
1665 es incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des c
1666 en fait que dans la plupart des cas, les libéraux de pays différents se ressemblent davantage et s’entendront mieux entre
1667 tre eux qu’ils ne s’entendent avec les fanatiques de leur propre nation ; que les hippies d’un pays s’accorderont mieux av
1668 anatiques de leur propre nation ; que les hippies d’ un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec les conf
1669 s hippies d’un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce
1670 vec ceux de n’importe où qu’avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales
1671 s qui nous diversifient vraiment, mais les écoles de pensée, les styles de vie. Supprimez les frontières nationales, vous
1672 t vraiment, mais les écoles de pensée, les styles de vie. Supprimez les frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien
1673 l’Europe. 2° La création culturelle en Europe est d’ autant plus riche et plus intense qu’elle est moins centralisée et que
1674 yers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universités, à la Renaissance les cités du Nord de
1675 ance les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sa
1676 ord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait le rôle merveill
1677 e la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites vi
1678 tille. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites villes comme Tubingue, Iéna, Weimar ou Dresde dans les Allema
1679 ou Dresde dans les Allemagnes romantiques, celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où
1680 ns les Allemagnes romantiques, celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fa
1681 nes romantiques, celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fait de la Franc
1682 celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fait de la France un désert cult
1683 n ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fait de la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits d
1684 distingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette i
1685 s bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle d
1686 e unité vivante et dynamique et des foyers locaux de création qui sans cesse remettent en question et renouvellent les don
1687 spose en termes politiques mon équation : Europe de la culture : foyers de création initiant des courants continentaux. c
1688 ues mon équation : Europe de la culture : foyers de création initiant des courants continentaux. cela va donner : Europe
1689 on continentale. Voici donc le modèle fédéraliste de l’Europe que je préconise : la complexité des régions rendra justice
1690 a justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. af. Rou
1691 eur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. af. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à l’u
1692 millénaire de sa culture. af. Rougemont Denis de , « De l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéra
1693 aire de sa culture. af. Rougemont Denis de, «  De l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires,
1694 culture. af. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires, Paris, 17 a
1695 1972–23 avril 1971, p. 13-14. ag. Version revue de l’article paru sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité de cu
1696 sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur Europaforschung, Brux