1
Parole
de
Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)a b La th
2
b La théologie chrétienne a-t-elle pour tâche
de
rendre acceptable le message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale
3
t-elle pour tâche de rendre acceptable le message
de
l’Évangile, d’en atténuer le scandale, d’intégrer largement les décou
4
he de rendre acceptable le message de l’Évangile,
d’
en atténuer le scandale, d’intégrer largement les découvertes de l’esp
5
message de l’Évangile, d’en atténuer le scandale,
d’
intégrer largement les découvertes de l’esprit humain, quitte à laisse
6
le scandale, d’intégrer largement les découvertes
de
l’esprit humain, quitte à laisser tomber certains dogmes décidément i
7
r aux hommes une vérité qui n’est pas justiciable
de
leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous nos jugements et la
8
able de leurs mesures puisqu’elle est le jugement
de
tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’
9
le jugement de tous nos jugements et la « crise »
de
tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour le scandale et non pour l
10
age ? « L’âme moderne » décontenancée par l’échec
de
ses idéaux, demande des apaisements ou des directions positives. Faut
11
étaient les questions que se posait, vers la fin
de
la guerre, dans le presbytère d’un village de la Suisse allemande, un
12
ait, vers la fin de la guerre, dans le presbytère
d’
un village de la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autou
13
fin de la guerre, dans le presbytère d’un village
de
la Suisse allemande, un jeune pasteur, Karl Barth. Autour de lui, c’é
14
lui, c’était l’écho des bombardements, les cartes
de
pain, des menaces de violences sociales. Que devenaient, dans tout ce
15
es bombardements, les cartes de pain, des menaces
de
violences sociales. Que devenaient, dans tout cela, les belles synthè
16
devenaient, dans tout cela, les belles synthèses
de
la théologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et d’optimisme
17
nthèses de la théologie libérale ? L’arrière-plan
de
bourgeoisie et d’optimisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s
18
logie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie et
d’
optimisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s’étaient appuyées,
19
hommes aux prises avec les contradictions inouïes
de
la vie, et leur parler du message non moins inouï de la Bible, de cet
20
la vie, et leur parler du message non moins inouï
de
la Bible, de cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en fac
21
ur parler du message non moins inouï de la Bible,
de
cette Bible qui se pose comme une nouvelle énigme en face des contrad
22
me une nouvelle énigme en face des contradictions
de
la vie. Souvent ces deux grandeurs, la vie et la Bible, m’ont fait l’
23
fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? —
d’
être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de la prédi
24
ybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but
de
la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit, qui donc peut
25
ans doute, pour notre esprit critique. Il résulte
de
cette étude un gros livre que trois éditeurs refusent mais qui paraît
26
rie après la guerre. Aventure étonnante que celle
de
ce commentaire né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de c
27
Aventure étonnante que celle de ce commentaire né
de
la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de campagne, et dans lequ
28
e de ce commentaire né de la détresse quotidienne
d’
un obscur pasteur de campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allema
29
né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur
de
campagne, et dans lequel, soudain, toute l’Allemagne intellectuelle d
30
ne intellectuelle découvre l’expression poignante
de
son angoisse intime, mais aussi, et enfin, une réponse. Une réponse p
31
et enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse
de
ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adre
32
Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que
de
ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questio
33
veut s’adresser qu’à ces « questions dernières »
de
notre vie, celle devant lesquelles nous fuyons toujours — et c’est là
34
yons toujours — et c’est là justement le principe
de
notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comp
35
pe de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent
de
nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-même
36
enons pas les hommes au sérieux quand la détresse
de
leur existence les a conduits à nous, je le répète, si nous ne les pr
37
le font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit
de
nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude
38
our la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude
de
délaisser l’Église et de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposé
39
ent peu à peu l’habitude de délaisser l’Église et
de
nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés et ces timorés dont j’a
40
r. Il y avait là un homme, une puissance. Le défi
de
Marx et de Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vi
41
it là un homme, une puissance. Le défi de Marx et
de
Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vingtième mil
42
ème mille. Barth, nommé professeur à l’Université
de
Bonn, exerce depuis dix ans une influence qu’on peut qualifier de rév
43
depuis dix ans une influence qu’on peut qualifier
de
révolutionnaire sur la pensée protestante dans le monde entier. Quel
44
te dans le monde entier. Quel est donc le contenu
de
cette œuvre, où est le secret de son incomparable virulence ? Les ess
45
donc le contenu de cette œuvre, où est le secret
de
son incomparable virulence ? Les essais que viennent de traduire MM.
46
Pierre Maury et A. Lavanchy sous le titre Parole
de
Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon de la pensée barthi
47
Dieu et Parole humaine donneraient une idée sinon
de
la pensée barthienne dans son plein développement, du moins de ses th
48
barthienne dans son plein développement, du moins
de
ses thèmes initiaux, de sa « problématique » particulière. Il n’est p
49
n développement, du moins de ses thèmes initiaux,
de
sa « problématique » particulière. Il n’est pas facile de résumer san
50
problématique » particulière. Il n’est pas facile
de
résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système.
51
e à ce point hostile à tout système. La théologie
de
Barth se donne en effet pour une simple « note marginale » à tous les
52
osité. Elles consistent tout d’abord en une série
de
points d’interrogation que Barth place derrière des mots comme religi
53
es consistent tout d’abord en une série de points
d’
interrogation que Barth place derrière des mots comme religion, piété,
54
religion, piété, expérience religieuse, problème
de
Dieu. Il n’en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de tro
55
faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts
de
troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nou
56
troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-elle
de
religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance sign
57
ns, ont toujours été les premiers à refuser, sous
de
très pieux prétextes, les ordres de la Parole de Dieu ? « Alors que t
58
refuser, sous de très pieux prétextes, les ordres
de
la Parole de Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore, la p
59
de très pieux prétextes, les ordres de la Parole
de
Dieu ? « Alors que toujours, et aujourd’hui encore, la polémique de l
60
que toujours, et aujourd’hui encore, la polémique
de
la “religion” est dirigée contre le monde qui vit sans Dieu, la polém
61
e contre le monde qui vit sans Dieu, la polémique
de
la Bible au contraire, vise le monde religieux, qu’il soit placé sous
62
e monde religieux, qu’il soit placé sous le signe
de
Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences r
63
igieux, qu’il soit placé sous le signe de Baal ou
de
Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences religieuses
64
de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle
de
ces « expériences religieuses » sur lesquelles les modernes exercent
65
biblique, rien n’est moins important que le mode
de
l’expérience. Elle est charge et mission, et non pas but et accomplis
66
logique, elle est élémentaire, à peine consciente
d’
elle-même. » Les prophètes n’ont pas de biographie : « L’homme bibliqu
67
consciente d’elle-même. » Les prophètes n’ont pas
de
biographie : « L’homme biblique se lève et tombe avec sa mission ». I
68
iblique, loin de mettre en scène le développement
d’
une « tradition » spirituelle, figure la négation absolue de toute his
69
adition » spirituelle, figure la négation absolue
de
toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série de libres actions d
70
ure la négation absolue de toute histoire : « Vue
d’
en haut, c’est une série de libres actions divines : vue d’en bas, une
71
toute histoire : « Vue d’en haut, c’est une série
de
libres actions divines : vue d’en bas, une série d’essais sans résult
72
, c’est une série de libres actions divines : vue
d’
en bas, une série d’essais sans résultats au cours d’une impossible en
73
libres actions divines : vue d’en bas, une série
d’
essais sans résultats au cours d’une impossible entreprise. » Le chris
74
n bas, une série d’essais sans résultats au cours
d’
une impossible entreprise. » Le christianisme : une impossible entrepr
75
e Barth, après Kierkegaard, remet au premier plan
de
la pensée théologique. C’est de cette situation profondément paradoxa
76
t au premier plan de la pensée théologique. C’est
de
cette situation profondément paradoxale, assumée dans sa tragique iro
77
ir conscience, s’il veut parler valablement. Mais
de
quoi va-t-il encore pouvoir parler ? Ici le paradoxe devient plus aig
78
doxe devient plus aigu. Le théologien doit parler
de
Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l
79
héologien doit parler de Dieu, son nom l’indique.
De
quel Dieu ? De celui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous som
80
parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ?
De
celui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous sommes tout entier
81
el, alors que nous sommes tout entiers temporels.
De
celui qui transcende toutes nos idées de la transcendance. De celui q
82
mporels. De celui qui transcende toutes nos idées
de
la transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne p
83
transcende toutes nos idées de la transcendance.
De
celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne peut aller. Du totalit
84
aliter aliter. Si donc la tâche du théologien est
de
parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car
85
ter. Si donc la tâche du théologien est de parler
de
Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler de
86
qu’en tant qu’homme il ne le peut : « Car parler
de
Dieu voudrait dire, pour toute conscience sérieuse… parler de la Paro
87
rait dire, pour toute conscience sérieuse… parler
de
la Parole de Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répé
88
ur toute conscience sérieuse… parler de la Parole
de
Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répéter ces quatr
89
s en les répétant, nous n’avons pas dit la parole
de
Dieu, dans laquelle cette idée devient une réalité, une vérité. » À l
90
verbi Dei, l’homme pécheur n’est pas « capable »
de
la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, ju
91
’homme pécheur n’est pas « capable » de la Parole
de
Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, jusqu’à saint P
92
blié : que l’homme n’est pas capable par lui-même
de
faire le bien, que la foi seule lui donne la promesse du salut, que c
93
du salut, que cette foi n’est pas le couronnement
de
sa « vie religieuse », mais le don gratuit que Dieu fait à tout homme
94
n gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’a plus
d’
autre attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que le barthisme est
95
» à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte
de
pendant protestant au néo-thomisme. Il est avant tout un rappel viole
96
t tout un rappel violent à la nouveauté éternelle
de
l’Évangile ; une remise en question radicale et intime de notre exist
97
ngile ; une remise en question radicale et intime
de
notre existence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard il nous fait v
98
hristianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel
de
la foi, et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une
99
t, l’instant éternel de la foi, et non l’histoire
de
l’homme pieux ; un événement et non une croyance, une rencontre perso
100
hrist, et non point une morale prudente, garantie
de
bonheur terrestre ou céleste. Car cette rencontre est mortelle à l’ho
101
’homme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte,
de
l’extérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’est pas accordée
102
même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le gage
de
la résurrection. (La grâce n’est pas accordée aux « justes », mais bi
103
à cette mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt
de
ne pas mourir, selon la parole profondément « dialectique » de Thérès
104
rir, selon la parole profondément « dialectique »
de
Thérèse d’Avila. Qu’est-ce donc en définitive que le point de vue bar
105
nt de vue barthien ? Une prise au sérieux du fait
de
Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches
106
eu. Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet
de
nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute recherch
107
’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet
de
toute existence et de toute recherche. Il est la présupposition de to
108
s recherches, mais le Sujet de toute existence et
de
toute recherche. Il est la présupposition de toute vie, la synthèse q
109
e et de toute recherche. Il est la présupposition
de
toute vie, la synthèse qui précède éternellement nos thèses et nos an
110
que Dieu lui adresse et qui le meut. On a coutume
de
nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une théologie di
111
et qui le meut. On a coutume de nommer la pensée
de
Barth une théologie de la crise, une théologie dialectique. Elle est
112
outume de nommer la pensée de Barth une théologie
de
la crise, une théologie dialectique. Elle est surtout et avant tout c
113
Elle est surtout et avant tout cela une théologie
de
la parole de Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme,
114
out et avant tout cela une théologie de la parole
de
Dieu. Insuffisance radicale de l’humanisme, du piétisme, du moralisme
115
logie de la parole de Dieu. Insuffisance radicale
de
l’humanisme, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme, de l’histor
116
sme, du piétisme, du moralisme, du spiritualisme,
de
l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l
117
u moralisme, du spiritualisme, de l’historicisme,
de
tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « to
118
isme, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre
de
l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « tout autre ». Distinction r
119
et par là même caractère essentiellement profane
de
la vérité biblique — tels sont les thèmes autour desquels s’organisen
120
utour desquels s’organisent ces essais. Est-ce là
de
la théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intrépide sur
121
te et intrépide sur les possibilités et la valeur
de
l’activité théologique. Barth compare à plusieurs reprises la théolog
122
sieurs reprises la théologie à cette étrange main
de
Jean Baptiste dans la Crucifixion de Grünewald, cette main énorme qui
123
étrange main de Jean Baptiste dans la Crucifixion
de
Grünewald, cette main énorme qui désigne le Christ en croix. La théol
124
as la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà
d’
elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de
125
même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines
de
ce livre, de son éloquence martelante (que les traducteurs ont fort b
126
avons rien dit des qualités humaines de ce livre,
de
son éloquence martelante (que les traducteurs ont fort bien rendue, e
127
rt bien rendue, et la tâche n’était pas facile) ;
de
son réalisme agressif, de cette obstination à rechercher le sens réel
128
e n’était pas facile) ; de son réalisme agressif,
de
cette obstination à rechercher le sens réel des mots d’ordre que l’on
129
sens réel des mots d’ordre que l’on va répétant,
de
cette puissance de sérieux, de prise au sérieux des situations humain
130
d’ordre que l’on va répétant, de cette puissance
de
sérieux, de prise au sérieux des situations humaines telles qu’elles
131
l’on va répétant, de cette puissance de sérieux,
de
prise au sérieux des situations humaines telles qu’elles sont, qui se
132
s sont, qui seule permet un humour souvent rude ;
de
cette puissance critique enfin, au sens le plus créateur du terme, et
133
ens le plus créateur du terme, et qui met en état
de
crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains degrés de
134
sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains degrés
de
tension que la réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasqu
135
st qu’à certains degrés de tension que la réalité
de
nos réalités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.) Une prise f
136
. Personne n’est plus loin de « l’inquiétude » ou
de
l’emballement. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre te
137
ement. Barth est l’un des hommes les plus solides
de
notre temps. C’est pour cela qu’il peut poser les questions les plus
138
puissant parti des Chrétiens allemands, fraction
de
l’hitlérisme qui prétend faire main basse sur les églises et utiliser
139
nique. Alors que la grande majorité des chrétiens
d’
Allemagne, rangée derrière les plus fameux docteurs, appuyée par Hitle
140
puissions garder dans la restauration spirituelle
d’
une Allemagne profondément paganisée. Il est aussi la plus éclatante r
141
e à tous ceux qui accusaient la pensée barthienne
d’
être purement négative et désespérée. « Ici le paradoxe joue à plein —
142
ans un récent article1 — la théologie dialectique
de
Barth à laquelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’effraye
143
que de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux
de
Port-Royal !) d’effrayer celui qui vient au Christ, peut seule répond
144
quelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !)
d’
effrayer celui qui vient au Christ, peut seule répondre à l’angoisse h
145
1. Albert Béguin, « Karl Barth et la situation
de
l’Église allemande », Revue d’Allemagne du 15 septembre 1933. a. Ro
146
th et la situation de l’Église allemande », Revue
d’
Allemagne du 15 septembre 1933. a. Rougemont Denis de, « [Compte ren
147
emagne du 15 septembre 1933. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Karl Barth, Parole de Dieu et parole humaine », Le
148
ont Denis de, « [Compte rendu] Karl Barth, Parole
de
Dieu et parole humaine », Les Nouvelles littéraires, Paris, 30 décem
149
aires, Paris, 30 décembre 1933, p. 4. b. Traduit
de
l’allemand par Pierre Maury et Alexandre Lavanchy (Éditions “Je sers”
150
D’
un humour romand (24 février 1934)c Le Suisse romand est-il sérieux
151
romand est-il sérieux ? Je crains que mes raisons
d’
en douter n’ébranlent guère la solide réputation de gravité qu’on lui
152
’en douter n’ébranlent guère la solide réputation
de
gravité qu’on lui a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de
153
i a faite, et qui lui vaut l’estime des personnes
de
sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange d’apporter des preuve
154
e sens. Mais après tout, ne serait-il pas étrange
d’
apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau
155
t-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses
de
la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vine
156
d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie
de
ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vinet… Cette énuméra
157
bon sens. Pourquoi ne pas glisser, entre l’auteur
d’
Adolphe et celui des Discours religieux, par exemple, cet excellent To
158
? Je ne songe pas tant aux traditionnelles farces
de
père de famille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag
159
songe pas tant aux traditionnelles farces de père
de
famille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag pour am
160
rboristes, un lord tout nu, les enfants terribles
de
Monsieur Crépin, et la silhouette élégante du Dr Festus, toujours si
161
e dans l’adversité, bien qu’il lui arrive parfois
de
pousser « un immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepff
162
un immense cri en vingt-deux langues ». La satire
de
Toepffer n’est pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’
163
ndrit sur ses bonhommes, n’est-ce pas une manière
de
dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cess
164
ieux ? Une impeccable dignité bourgeoise ne cesse
d’
inspirer les attitudes de ses héros, en dépit des carambolages du sort
165
nité bourgeoise ne cesse d’inspirer les attitudes
de
ses héros, en dépit des carambolages du sort. Il y a donc Toepffer. P
166
rd Rod, qui entrerait difficilement dans le cadre
de
cette étude. Le mince filet d’humour suisse romand rentre sous terre,
167
ment dans le cadre de cette étude. Le mince filet
d’
humour suisse romand rentre sous terre, pour éviter Amiel. Faut-il dés
168
sous terre, pour éviter Amiel. Faut-il désespérer
de
le revoir jamais ? Mais non, il faut lire d’abord Pierre Girard et Ch
169
Thuringe et Connaissez mieux le cœur des femmes,
de
Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une
170
onnaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, et
de
Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou là
171
irard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance
d’
en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité
172
tirage limité. N’allez pas croire qu’il s’agisse
d’
auteurs comiques : il s’agit d’abord de poètes. Je crains même de leur
173
l s’agisse d’auteurs comiques : il s’agit d’abord
de
poètes. Je crains même de leur faire du tort en écrivant qu’ils sont
174
ues : il s’agit d’abord de poètes. Je crains même
de
leur faire du tort en écrivant qu’ils sont drôles. (Des gens viennent
175
ral on est plutôt déçu.) Pour comprendre l’humour
de
Pierre Girard, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières de la V
176
d, il faut avoir aimé Charlot, celui des Lumières
de
la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris
177
des Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros
de
Pierre Girard sont de doux ahuris, qui partent dans la vie avec une c
178
lle et du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont
de
doux ahuris, qui partent dans la vie avec une conscience pure et des
179
leur fait perdre toute mesure. Le monde est plein
de
malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n
180
erdre toute mesure. Le monde est plein de malins,
de
gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus q
181
monde est plein de malins, de gens qui ont l’air
d’
avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horr
182
de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris
de
quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horrible inconvenanc
183
plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un
de
ces scandales héroïques qui vous valent l’amour des femmes et quelque
184
emmes et quelque honneur parmi les hommes. Autant
de
gags chaplinesques, involontaires, touchants, entraînés dans une déri
185
tiques allemands, aussi peut-être dans la musique
de
Schubert, dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de
186
ns la musique de Schubert, dans tout ce qui sourd
de
cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue, et c’est pour
187
out ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas
de
nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manif
188
devant le printemps et les femmes, cette aisance
de
l’écriture, sans égale parmi nous, cette musique d’un cœur qui s’aban
189
l’écriture, sans égale parmi nous, cette musique
d’
un cœur qui s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela qui fait la qualité
190
s’accepte. C’est cela qui fait la qualité lyrique
de
l’humour de Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuring
191
’est cela qui fait la qualité lyrique de l’humour
de
Pierre Girard. Lisez, ou relisez, dans la Rose de Thuringe, le récit
192
ez, dans la Rose de Thuringe, le récit du mariage
de
Virginie présidé par son oncle âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tou
193
du mariage de Virginie présidé par son oncle âgé
de
102 ans (« Il avait arpenté tous les camps de la guerre de Sécession,
194
âgé de 102 ans (« Il avait arpenté tous les camps
de
la guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi par un ga
195
s (« Il avait arpenté tous les camps de la guerre
de
Sécession, mais il n’en parla pas »), et servi par un garçon triste q
196
qui perd le vol-au-vent, inexplicablement. Tâchez
de
ne pas rire ; si vous réussissez, soyez tranquilles : vous ne pleurer
197
rez pas non plus aux chapitres suivants. L’humour
de
Pierre Girard est bien plus romand que la pompeuse drôlerie de Cingri
198
ard est bien plus romand que la pompeuse drôlerie
de
Cingria, lequel n’est Suisse que par accident, j’ose à peine dire par
199
’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’ai pas
de
passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un a
200
que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit
de
ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Pomposo, d
201
ue, pétrarquisant, musicien, humain, enfin maître
d’
un style incomparable de précision et de verve, Cingria est un phénomè
202
ien, humain, enfin maître d’un style incomparable
de
précision et de verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jac
203
in maître d’un style incomparable de précision et
de
verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont
204
r et dire l’importance, et dont je me contenterai
de
signaler ici l’humour absolument original. Cingria fit partie du grou
205
’est par cela surtout qu’il est Suisse, au mépris
de
tous les racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique
206
s racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce
de
mystique des objets, du détail authentique, de l’aspect brut des chos
207
ce de mystique des objets, du détail authentique,
de
l’aspect brut des choses et des mots. Imaginez, dans cette vision du
208
s cette vision du monde, ce que donnerait l’usage
d’
un style savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et de triviali
209
onnerait l’usage d’un style savant et poli, coupé
de
« véhémences nobles » et de trivialités qualifiées, et vous aurez une
210
savant et poli, coupé de « véhémences nobles » et
de
trivialités qualifiées, et vous aurez une idée du comique de Cingria.
211
tés qualifiées, et vous aurez une idée du comique
de
Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seulement, me dira-t-on ? Tr
212
naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère
de
ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi l
213
ne légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays
de
pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays d’or
214
re de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès,
de
dire que c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et de Grock. C
215
i oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays
d’
origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux argu
216
exprès, de dire que c’est aussi le pays d’origine
de
Michel Simon et de Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c
217
c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon et
de
Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis
218
origine de Michel Simon et de Grock. C’étaient là
de
trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, « D’un humour roman
219
de trop sérieux arguments. c. Rougemont Denis
de
, « D’un humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février
220
op sérieux arguments. c. Rougemont Denis de, «
D’
un humour romand », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 février 1934,
221
L’Humanité
de
Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)d M. Max Domi
222
s 1934)d M. Max Dominicé nous donne L’Humanité
de
Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire de la pensée du réfo
223
Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire
de
la pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette g
224
nicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine
de
pages précises, mesurées, et convaincantes. Il me semble que cette pr
225
antes. Il me semble que cette préface caractérise
d’
une façon remarquable l’évolution accomplie par toute une génération d
226
le l’évolution accomplie par toute une génération
de
protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des revues comme F
227
istes reprennent le vocabulaire et certains tours
de
la pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore
228
ent le vocabulaire et certains tours de la pensée
de
Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influ
229
et certains tours de la pensée de Kierkegaard ou
de
Karl Barth, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influences, s’est limit
230
ectement accessible au lecteur français. Essayons
de
marquer les étapes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de c
231
lecteur français. Essayons de marquer les étapes
de
sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de ce siècle accordait à l
232
pes de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début
de
ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre ce
233
sme du début de ce siècle accordait à la personne
de
Jésus une place à juste titre centrale, mais exclusive de toute dogma
234
une place à juste titre centrale, mais exclusive
de
toute dogmatique. « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à de
235
-elle avoir lieu ? Deux voies s’offraient : celle
de
l’histoire et celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’
236
voies s’offraient : celle de l’histoire et celle
de
l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’histoire, c’était d’abo
237
celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie
de
l’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus t
238
’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher
de
l’homme Jésus tel que le décrivent les évangiles. Mais, dit M. Domini
239
racles. Aussi bien, se méfiait-on de plus en plus
de
ces miracles, pour s’attacher au seul caractère de Jésus. Mais alors,
240
e ces miracles, pour s’attacher au seul caractère
de
Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que de prétendre
241
tère de Jésus. Mais alors, n’était-ce pas un abus
de
langage que de prétendre voir une personne morale dont on récusait pa
242
Mais alors, n’était-ce pas un abus de langage que
de
prétendre voir une personne morale dont on récusait par avance les ac
243
ractéristiques ? N’était-ce point là selon le mot
de
Théodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant bout à
244
oint là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter
de
« faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et
245
t bout à bout des fleurs des champs et des fleurs
de
rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les historiens négateurs
246
iens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’a pas
de
peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans intérêt
247
nisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher
de
lui, l’histoire prêtait une réalité insurmontable aux dix-neuf siècle
248
urmontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent
de
l’Évangile. Du même coup, l’expérience religieuse, dialogue vivant av
249
t des évangiles, se réduisait à une contemplation
de
sa vie. Dans cette difficulté, le jeune théologien interroge Calvin.
250
tout incapables par nous-mêmes — mais sur l’amour
de
Dieu pour nous. C’est Dieu qui vient à nous, impies, non point nous q
251
mpies, non point nous qui le rencontrons au terme
d’
une pieuse « élévation ». Et c’est le mystère du Dieu-homme (du Christ
252
comme on retrouve la véritable et profonde acuité
d’
une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus fr
253
ette insistance à mettre en lumière le « scandale
de
Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire d
254
e en lumière le « scandale de Jésus » à seule fin
de
nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens que l’exégè
255
érence ». On peut dire dans ce sens que l’exégèse
de
Calvin est toute didactique : elle veut sans cesse transformer nos qu
256
e, Calvin n’admet et ne pratique qu’une « exégèse
d’
obéissance » — il se laisse juger par le texte. On ne saurait imaginer
257
oulu faire l’apanage du protestantisme. L’ouvrage
de
M. Dominicé s’inspire évidemment des mêmes principes exégétiques. Cer
258
principes exégétiques. Certes, l’auteur n’est pas
de
ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence lyrique au
259
ommentaire comme une effervescence lyrique autour
d’
un texte. Son sujet d’ailleurs s’y prête peu. Mais on regrette parfois
260
t pas moins vrai que Calvin sut parler un langage
d’
une verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier
261
enouvelle jusque dans le style la verve créatrice
de
la Réforme. d. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Max Dominicé,
262
ve créatrice de la Réforme. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Max Dominicé, L’Humanité de Jésus d’après Calvin »
263
nis de, « [Compte rendu] Max Dominicé, L’Humanité
de
Jésus d’après Calvin », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 mars 19
264
Quelques œuvres et une biographie
de
Kierkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois, d’un protocole d’
265
erkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois,
d’
un protocole d’introduction des grands génies de l’étranger dans la cu
266
ai 1934)e On rêverait, parfois, d’un protocole
d’
introduction des grands génies de l’étranger dans la culture de ce pay
267
, d’un protocole d’introduction des grands génies
de
l’étranger dans la culture de ce pays. La présentation d’un esprit de
268
n des grands génies de l’étranger dans la culture
de
ce pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eu
269
anger dans la culture de ce pays. La présentation
d’
un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la
270
a culture de ce pays. La présentation d’un esprit
de
l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de
271
pays. La présentation d’un esprit de l’envergure
de
Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de cet Office et
272
erkegaard eut légitimé, à elle seule, la création
de
cet Office et ses soins les plus diligents. Que d’impairs n’a-t-on pa
273
e cet Office et ses soins les plus diligents. Que
d’
impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle
274
siècle, depuis quelques années qu’on nous parle
de
lui dans les revues philosophiques et littéraires ! Probablement, il
275
n proche de la mystification. Il eut peut-être ri
de
se voir présenté tantôt comme anarchiste et pourfendeur de prêtres, t
276
r présenté tantôt comme anarchiste et pourfendeur
de
prêtres, tantôt comme réactionnaire de stricte observance, dogmatique
277
ourfendeur de prêtres, tantôt comme réactionnaire
de
stricte observance, dogmatique ; ici comme individualiste forcené, là
278
ascisme français » ! (au camarade Nizan l’honneur
de
la trouvaille.) Mais il eût certainement protesté contre une erreur q
279
ment protesté contre une erreur qui ne relève pas
de
l’interprétation partisane, mais d’un simple défaut d’information, et
280
ne relève pas de l’interprétation partisane, mais
d’
un simple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une esp
281
interprétation partisane, mais d’un simple défaut
d’
information, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue
282
ple défaut d’information, et qui consiste à faire
de
lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmen
283
mation, et qui consiste à faire de lui une espèce
de
psychologue nihiliste, un esthète retors et tourmenté, l’ancêtre du g
284
hète retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme et
de
l’« inquiétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est un chrétien
285
chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et
d’
une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne, e
286
n pas un inquiet au sens moderne, et le contraire
d’
un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal de traits commun
287
sthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal
de
traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autocritique2 où
288
raits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage
d’
autocritique2 où il dégage le sens général de son œuvre. On peut y lir
289
rage d’autocritique2 où il dégage le sens général
de
son œuvre. On peut y lire ceci, en matière d’introduction : « Je suis
290
ral de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière
d’
introduction : « Je suis et j’ai toujours été un auteur religieux ; to
291
d, il faut l’avouer, le Traité du désespoir 3 est
de
beaucoup la plus centrale, la plus révélatrice, mais aussi la plus pr
292
romantisme dans cette analyse, aucune exaltation
de
nos démons obscurs. Au fond du désespoir, et quelles que soient les f
293
al jusqu’au péché contre l’esprit, jusqu’au refus
d’
être sauvé, il y a toujours une révolte de l’homme contre sa condition
294
u refus d’être sauvé, il y a toujours une révolte
de
l’homme contre sa condition telle que Dieu l’a voulue, une négation d
295
lle que Dieu l’a voulue, une négation du paradoxe
de
l’Amour. L’universalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse de c
296
ersalité du désespoir, qui est la thèse maîtresse
de
cette œuvre, conduirait l’homme au nihilisme absolu : mais ce péril e
297
ut promis par le Christ peut nous amener à l’aveu
de
la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît tout
298
le Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité
de
notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute la misère de
299
Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute la misère
de
l’homme : elle lui est révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture
300
rablement concrète. Le génie familier et ironique
de
Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance d’illustrations ino
301
Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance
d’
illustrations inoubliables. Par ailleurs, cette descente aux enfers de
302
bliables. Par ailleurs, cette descente aux enfers
de
notre âme fait songer à Dostoïevski. Dans La Répétition 4, on trouver
303
la réponse terrible faite à Job. Et ce sont alors
d’
étranges et magnifiques lettres sur la détresse humaine devant Dieu, q
304
ages les plus éloquentes et les plus irréfutables
d’
un penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton
305
d’un penseur qui sut devancer tous les problèmes
de
notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétiqu
306
es de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur
de
l’invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne craint rien, il p
307
est une réponse, une explication certaine, digne
de
foi, de première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudr
308
réponse, une explication certaine, digne de foi,
de
première source, une réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie, est
309
ne, digne de foi, de première source, une réponse
de
Dieu, qui, même si elle foudroie, est plus magnifique que les comméra
310
e que les commérages et les potins sur la justice
de
la Providence inventés par la sagesse humaine et colportés par de vie
311
inventés par la sagesse humaine et colportés par
de
vieilles bavardes et des eunuques ! Nous voici plus près de Shakespe
312
rès de Shakespeare que du piétisme sentimental et
de
l’unctio spiritualis des dévots… Mais plus près de Luther, aussi. Je
313
no veritas 5. Non point que cet ouvrage ne mérite
d’
être lu par tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel (le style
314
ouvrage ne mérite d’être lu par tous les amateurs
de
grand lyrisme intellectuel (le style admirable de ces pages a été ren
315
de grand lyrisme intellectuel (le style admirable
de
ces pages a été rendu aussi bien qu’il était possible par le traducte
316
cteur). Mais il ne s’agit là que du premier volet
d’
un triptyque dont il nous faut attendre les deux autres parties pour s
317
s, une analyse détaillée des Stades sur le chemin
de
la vie, dont In Vino Veritas constitue l’introduction, dans l’étude b
318
troduction, dans l’étude biographique et critique
de
Carl Koch6, qui vient combler la plus grave lacune de la littérature
319
arl Koch6, qui vient combler la plus grave lacune
de
la littérature kierkegaardienne en France. On ne saurait trop insiste
320
France. On ne saurait trop insister sur l’utilité
de
ce livre. Il rendra vaines, désormais, les introductions que les diff
321
ucteurs nous ont prodiguées jusqu’ici avec autant
de
science que de conscience, mais qui se répétaient fastidieusement. Su
322
t prodiguées jusqu’ici avec autant de science que
de
conscience, mais qui se répétaient fastidieusement. Surtout, il situe
323
laquelle il faut considérer l’ensemble des écrits
de
Kierkegaard, et qui est celle du Point de vue explicatif. Le livre de
324
ui est celle du Point de vue explicatif. Le livre
de
Carl Koch est la démonstration de l’emprise que peut exercer Kierkega
325
catif. Le livre de Carl Koch est la démonstration
de
l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu s
326
Kierkegaard sur un chrétien sincère, peu suspect
de
complaisance pour les subtilités du « Séducteur », et qui n’a pas la
327
qu’un « honnête homme » peut espérer. Du mélange
d’
humour et d’angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des S
328
nête homme » peut espérer. Du mélange d’humour et
d’
angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on tr
329
remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air
d’
avoir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or,
330
ir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie
d’
aller voir. Or, je tiens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que
331
ens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que
d’
aller voir ce qui se passe dans l’œuvre du danois prophétique, ressusc
332
ra. 2. Point de vue explicatif sur ma carrière
d’
auteur, non traduit. 3. Trad. J. Gateau et K. Ferlov. Gallimard, coll
333
nson (Éditions « Je sers »). e. Rougemont Denis
de
, « Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles
334
ont Denis de, « Quelques œuvres et une biographie
de
Kierkegaard », Les Nouvelles littéraires, Paris, 26 mai 1934, p. 3.
335
4)f Le « Mouvement des Groupes », ou Mouvement
d’
Oxford, est un des faits spirituels qui serviront à fixer la significa
336
spirituels qui serviront à fixer la signification
de
notre époque. Son influence, limitée d’abord aux pays anglo-saxons, s
337
réoccupations des intellectuels, mais il y répond
de
telle sorte qu’il abolit rapidement les barrières convenues entre int
338
s barrières convenues entre intellectuels, hommes
d’
affaires, prolétaires et bourgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à
339
ontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine
de
personnes, un pasteur, une bouchère, un banquier, une dactylo, un pei
340
c’était dans son atelier — et une grande vedette
de
music-hall dont la présence discrète n’étonna personne. De quoi s’agi
341
hall dont la présence discrète n’étonna personne.
De
quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni de
342
ète n’étonna personne. De quoi s’agissait-il ? Ni
de
théologie, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’évangéli
343
onne. De quoi s’agissait-il ? Ni de théologie, ni
de
problèmes sociaux, ni de morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agis
344
il ? Ni de théologie, ni de problèmes sociaux, ni
de
morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun
345
, ni de problèmes sociaux, ni de morale ; ni même
d’
évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun des difficultés inti
346
morale ; ni même d’évangélisation. Il s’agissait
de
mettre en commun des difficultés intimes, d’entrer dans le concret du
347
sait de mettre en commun des difficultés intimes,
d’
entrer dans le concret du christianisme. Une dizaine d’entre nous parl
348
nous parlèrent, sans artifices ni gêne, ni excès
d’
aucune sorte. À plus d’une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rareme
349
rtifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus
d’
une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’ente
350
une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement
de
nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sorti
351
’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours,
d’
entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sortis assez déçu,
352
s. Je sortis assez déçu, comme on sort en général
de
toutes les rencontres prévues. Ce que je savais du Mouvement m’avait
353
et l’on s’en convaincra en lisant le petit livre
d’
Harold Begbie, Vies transformées 7, qui raconte les origines du Mouvem
354
ste en français, et il contient un certain nombre
de
faits assez bouleversants pour qu’on passe sur les interprétations pe
355
lles que nous en propose l’auteur. (Begbie est un
de
ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop souriants, co
356
Le Mouvement des Groupes est né après la guerre,
de
l’activité purement individuelle d’un jeune pasteur américain, Frank
357
ès la guerre, de l’activité purement individuelle
d’
un jeune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : « Ce qu
358
eune pasteur américain, Frank Buchman. On a écrit
de
lui : « Ce qui frappe chez Buchman, c’est son incapacité proprement g
359
est essentiellement personnaliste. La rénovation
de
l’homme ne se fera jamais par le moyen de mouvements de masse, ni par
360
ovation de l’homme ne se fera jamais par le moyen
de
mouvements de masse, ni par des organisations, ni par des corps const
361
omme ne se fera jamais par le moyen de mouvements
de
masse, ni par des organisations, ni par des corps constitués mais par
362
hommes concrets, agissant dans le cercle concret
de
leur vie. La seule question qu’il y ait donc lieu de poser est celle-
363
leur vie. La seule question qu’il y ait donc lieu
de
poser est celle-ci : comment atteindre les hommes dans le concret de
364
ci : comment atteindre les hommes dans le concret
de
leur existence ? Buchman constate la faillite lamentable de l’évangél
365
istence ? Buchman constate la faillite lamentable
de
l’évangélisation standardisée à l’américaine, et de toutes les « méth
366
l’évangélisation standardisée à l’américaine, et
de
toutes les « méthodes morales », puritaines. Volontaristes, pragmatis
367
mentale du christianisme primitif dans le contact
d’
homme à homme, dans la confession mutuelle des péchés et le « partage
368
activement. N’allons pas croire qu’il s’agisse là
d’
une nouvelle forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’est rée
369
pas croire qu’il s’agisse là d’une nouvelle forme
de
pragmatisme américain. Dire que la foi n’est réelle que là où elle se
370
chrétiens, trop souvent, c’est qu’ils s’efforcent
d’
endoctriner ceux qu’ils rencontrent. Le « partage » préconisé par Buch
371
isé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives
de
violation de domicile moral. Pour entrer en contact avec les hommes,
372
an ne ressemble pas à ces tentatives de violation
de
domicile moral. Pour entrer en contact avec les hommes, il n’y a qu’u
373
act avec les hommes, il n’y a qu’un moyen : c’est
de
leur ouvrir sa maison. D’où les confessions privées ou publiques, qui
374
y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison.
D’
où les confessions privées ou publiques, qui sont l’un des traits marq
375
ou publiques, qui sont l’un des traits marquants
de
l’activité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel d’exhibitionnis
376
tivité des Groupes. Qu’il y ait là un danger réel
d’
exhibitionnisme, les membres des Groupes ne sauraient le nier. Mais qu
377
aient le nier. Mais qu’il y ait là aussi le moyen
de
faire tomber les barrières morales qui séparent nos contemporains, l’
378
n s’en persuadera facilement en lisant les récits
de
Begbie. Les disciples de Buchmann, — il refuserait cette expression —
379
ent en lisant les récits de Begbie. Les disciples
de
Buchmann, — il refuserait cette expression — n’ont pas constitué d’or
380
refuserait cette expression — n’ont pas constitué
d’
organisation. Ils n’ont pas de registre des membres, ils ne nomment pa
381
n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas
de
registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne publient
382
t pas de registre des membres, ils ne nomment pas
de
comités, ils ne publient pas de revues, ils ne sont pas une secte ni
383
ls ne nomment pas de comités, ils ne publient pas
de
revues, ils ne sont pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travail
384
ouvoir être utiles à tel endroit où Dieu leur dit
d’
aller. La chronique des rencontres miraculeuses qu’ils ont ainsi vécue
385
, For Sinners only (Pour les pécheurs seulement),
de
J. Russell, on découvre des possibilités humaines que le conformisme
386
nt avoir abolies dans le monde. C’est l’irruption
de
Dostoïevski dans la bourgeoisie bien-pensante. Le pittoresque, le pat
387
isie bien-pensante. Le pittoresque, le pathétique
de
l’aventure que vivent quotidiennement les membres des Groupes pourrai
388
sez grave. Il y a là un risque indéniable : celui
de
naturaliser la foi, de s’attacher aux résultats visibles et frappants
389
risque indéniable : celui de naturaliser la foi,
de
s’attacher aux résultats visibles et frappants, de retomber ainsi dan
390
e s’attacher aux résultats visibles et frappants,
de
retomber ainsi dans la vieille croyance à la sanctification par les œ
391
s œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas manqué
de
critiquer vivement certaines des suppositions théologiques qu’impliqu
392
suppositions théologiques qu’implique l’attitude
de
Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théolog
393
l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que
de
se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est abstrait : e
394
Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler
de
théologie sous prétexte que c’est abstrait : encore faudrait-il se ga
395
que c’est abstrait : encore faudrait-il se garder
de
vivre une théologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Gr
396
e que leur œuvre se développe dans une atmosphère
de
franchise, d’autocritique, de sobriété spirituelle qui la préserve de
397
re se développe dans une atmosphère de franchise,
d’
autocritique, de sobriété spirituelle qui la préserve de la plupart de
398
dans une atmosphère de franchise, d’autocritique,
de
sobriété spirituelle qui la préserve de la plupart des excès qu’on im
399
critique, de sobriété spirituelle qui la préserve
de
la plupart des excès qu’on imagine. Peut-être la plus sûre leçon des
400
on des Groupes est-elle dans leur vision concrète
de
l’homme et de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbali
401
est-elle dans leur vision concrète de l’homme et
de
l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre t
402
ns leur vision concrète de l’homme et de l’action
de
Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temps, dans c
403
de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme
de
notre temps, dans cet embouteillage de doctrines et de programmes où
404
verbalisme de notre temps, dans cet embouteillage
de
doctrines et de programmes où nous sommes pris, le seul message utile
405
tre temps, dans cet embouteillage de doctrines et
de
programmes où nous sommes pris, le seul message utile est celui qui n
406
être le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas
d’
autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer comment les h
407
it pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte,
de
nous montrer comment les hommes de ce temps peuvent devenir des homme
408
à, qui compte, de nous montrer comment les hommes
de
ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa so
409
⁂ Il se peut que Kagawa soit l’homme le plus réel
d’
aujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand, si la mesure de la gra
410
. Je dirais qu’il est le plus grand, si la mesure
de
la grandeur, dans sa vision, n’était pas exclusivement dans la réalit
411
aux ignorent quelques-uns des événements décisifs
de
l’histoire contemporaine. Kagawa est le chef du Jeune Japon, l’écriva
412
n, l’écrivain le plus fécond et le plus populaire
de
son pays, une puissance sociale et religieuse dont l’Occident ne conn
413
iale et religieuse dont l’Occident ne connaît pas
d’
exemple. Un récit autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en
414
s d’exemple. Un récit autobiographique et romancé
de
sa jeunesse a paru en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un d
415
en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un
de
ses collaborateurs nous donne un portrait plus complet et quelques ex
416
nne un portrait plus complet et quelques extraits
de
ses œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Ka
417
complet et quelques extraits de ses œuvres8. Fils
d’
un conseiller de l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au
418
ues extraits de ses œuvres8. Fils d’un conseiller
de
l’empereur et d’une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pe
419
es œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur et
d’
une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pendant ses études
420
renoncer à toute fortune. Sa famille le destitue
de
ses privilèges aristocratiques. Il embrasse la pauvreté, s’enfonce da
421
Il embrasse la pauvreté, s’enfonce dans les slums
de
Kobé, décide qu’il n’aura pas d’habitation plus vaste que celle du pl
422
e dans les slums de Kobé, décide qu’il n’aura pas
d’
habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant du quartier, e
423
plus pauvre habitant du quartier, et non content
d’
y vivre dans un dénuement absolu, ouvre sa chambre aux misérables sans
424
un galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue
de
cuivre » à cause de son immobilité presque totale, et un assassin don
425
n dont les nuits sont hantées par les apparitions
de
sa victime. Ils dorment côte à côte. D’autres viennent : il faut écar
426
e. D’autres viennent : il faut écarter les parois
de
la pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de
427
er les parois de la pièce pour permettre à chacun
de
se coucher. Kagawa les nourrit de son travail. Parfois, ils se révolt
428
mettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit
de
son travail. Parfois, ils se révoltent contre sa bonté souriante, fra
429
re pendant ses discours. Il écrit une Psychologie
de
la pauvreté et un roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. S
430
mouvement ouvrier. Il conduit une première grève
de
30 000 dockers et rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont des être
431
des articles dont on trafique suivant une échelle
de
salaires basés sur l’état du marché. » On le met en prison. Il y écri
432
er tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie
de
prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au b
433
n par une foule en fête, il entraîne une centaine
d’
enfants au bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa ligne de batail
434
bord de la mer pour célébrer la liberté. Sa ligne
de
bataille s’étend. Il crée l’Union des paysans. Il évangélise. Il devi
435
stianisation du Japon, une autre contre la guerre
de
Chine. « La société contemporaine est une invalide, mentalement dégén
436
érée, écrit-il. Les banques, l’armée, les maisons
de
prostitution, les cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne s
437
isons de prostitution, les cabarets, les magasins
de
tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes d’aliénation
438
ns de tabac, les journaux, ne sont-ils pas autant
de
symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste un
439
les journaux, ne sont-ils pas autant de symptômes
d’
aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste une tendance au
440
nt de symptômes d’aliénation mentale ? La société
de
nos jours manifeste une tendance au crime. Elle est devenue folle par
441
Enterrez Kagawa ! », proclame le parti communiste
de
Kobé en 1925. Et quelques années plus tard, une ligue réactionnaire f
442
d mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre
d’
Axling nous donne d’admirables citations de ses Méditations. Si les ro
443
dire un grand poète. Le livre d’Axling nous donne
d’
admirables citations de ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’ont
444
livre d’Axling nous donne d’admirables citations
de
ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki,
445
ables citations de ses Méditations. Si les romans
de
Kagawa l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un fra
446
t fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont
d’
un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la natur
447
scain. Il y a en lui un amour des objets, un sens
de
la nature, une compréhension des symboles qui appartiennent au génie
448
7. Vies transformées, par Harold Begbie, trad.
de
l’anglais par D. Junod (La Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing
449
Concorde). 8. Kagawa, par William AxIing, trad.
de
l’anglais par H. Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis de, « Le
450
par H. Ecuyer (La Concorde). f. Rougemont Denis
de
, « Le Mouvement des Groupes. — Kagawa », Les Nouvelles littéraires, P
451
934, p. 3. g. Comme l’indique la note, il s’agit
d’
Avant l’aube (Éditions « Je sers ») dont Rougemont donne une recension
452
Au sujet
d’
un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)h i Voulez-vous un paradoxe
453
lais, les Allemands, les Scandinaves, et le roman
d’
analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide, en passant par Constant. Q
454
les Scandinaves, et le roman d’analyse français,
de
Rousseau jusqu’à Gide, en passant par Constant. Quand on parle du rom
455
e dis romanciers protestants, entendez romanciers
de
climats protestants. Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères
456
Que faut-il pour faire un roman ? Des caractères,
de
la vie intérieure, une morale qui mette des obstacles et qui crée des
457
its dramatiques dans les vies les plus dépourvues
d’
apparences. N’est-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de n
458
t-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait
de
nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des roma
459
çais contemporains. Vous y trouverez un bon quart
de
protestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’en attendiez, puis
460
ous n’en attendiez, puisqu’il n’y a qu’un million
de
réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de Nantes n’avai
461
ers dont j’allais vous citer les noms n’ont guère
de
protestant que l’origine, et quelques tics de psychologues. Ils sont,
462
ère de protestant que l’origine, et quelques tics
de
psychologues. Ils sont, comme l’on dit « sortis du protestantisme » ;
463
» est bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas
de
foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvre
464
é ». Un grand roman, je crois. C’est Sara Alelia,
de
Mme Hildur Dixelius. On vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est-ce
465
le monde « se conduit bien » ? Il n’y aurait pas
de
roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main du Sei
466
« l’insondable Providence » mise en action au gré
d’
un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce ser
467
n action au gré d’un moraliste qui se donne l’air
de
l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de
468
en sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume
de
la Bibliothèque Rose. Est-ce une histoire qui finit bien, comme le cr
469
en conséquence de quoi les romans des « païens »,
d’
un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possi
470
ns », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient
de
finir aussi mal que possible ? Non, car le christianisme se passe dan
471
est pas le christianisme. Et l’on serait en droit
de
prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
472
e qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus
de
chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifian
473
an pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances
d’
être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est
474
s’il est certain que l’Évangile et ses promesses
de
salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de
475
ile et ses promesses de salut sont seuls capables
de
donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sob
476
capables de donner à l’homme une vision réaliste
de
son sort terrestre, et le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un v
477
aliste de son sort terrestre, et le sobre courage
d’
avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est d’abord réaliste. Ca
478
la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même
d’
y voir les marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas ailleurs q
479
érance qui le transcende et qui le juge. On a dit
de
Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi, e
480
juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman
de
la grâce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman de la perditio
481
âce : oui, mais c’est aussi, et d’abord, un roman
de
la perdition. J’y vois une suite d’illustrations vivantes du fameux p
482
ord, un roman de la perdition. J’y vois une suite
d’
illustrations vivantes du fameux paradoxe luthérien qui est au centre
483
es du fameux paradoxe luthérien qui est au centre
de
la Réforme : simul peccator et justus. Kierkegaard nous rappelle que
484
s prendre où nous sommes. C’est le charme profond
de
Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine e
485
nd de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintures
d’
une Laponie lointaine et d’une humanité si proche. Moins d’art peut-êt
486
vit dans ces peintures d’une Laponie lointaine et
d’
une humanité si proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d’ap
487
onie lointaine et d’une humanité si proche. Moins
d’
art peut-être, je veux dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
488
proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins
d’
apparent lyrisme que chez l’auteur de Gösta Berling ; mais une sobriét
489
x dire moins d’apparent lyrisme que chez l’auteur
de
Gösta Berling ; mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque p
490
vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie
de
femme se déroule sur un rythme large à travers un peuple de personnag
491
e déroule sur un rythme large à travers un peuple
de
personnages vivement contrastés, et des paysages baignés d’une longue
492
ages vivement contrastés, et des paysages baignés
d’
une longue lumière boréale. Cette femme n’est pas un ange ni une saint
493
te. Elle a péché gravement, elle a touché le fond
de
la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu ivrogne, un vieil
494
ubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin
d’
elle au temps de son malheur. Puis une grâce vient dans sa vie, et dés
495
et désormais l’accompagne en secret tout au long
de
cette chronique. On voit naître et grandir un fils, puis les enfants
496
voit naître et grandir un fils, puis les enfants
d’
une troisième génération. (C’est un des grands pouvoirs des romanciers
497
un des grands pouvoirs des romanciers du Nord que
d’
introduire la durée d’une vie comme protagoniste du drame.) Des fragme
498
des romanciers du Nord que d’introduire la durée
d’
une vie comme protagoniste du drame.) Des fragments du journal de Sara
499
protagoniste du drame.) Des fragments du journal
de
Sara commentent et rythment le déroulement de cette légende de la vie
500
nal de Sara commentent et rythment le déroulement
de
cette légende de la vie quotidienne. Vie quotidienne, réalisme, pessi
501
ntent et rythment le déroulement de cette légende
de
la vie quotidienne. Vie quotidienne, réalisme, pessimisme. Je vois bi
502
e ces expressions dans nos esprits encore marqués
de
préjugés naturalistes. On a voulu nous faire croire que la vie quotid
503
croire que la vie quotidienne était le contraire
de
la poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le se
504
poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir
d’
autre que le sexe et l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce d
505
t l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce
de
naturalisme est le fruit d’un ressentiment que les excès idéalistes e
506
humaine. Cette espèce de naturalisme est le fruit
d’
un ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans le légitimer.
507
leversante, une poésie qui naît des faits, jamais
d’
un commentaire de l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaus
508
oésie qui naît des faits, jamais d’un commentaire
de
l’auteur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée de galoches t
509
ts, jamais d’un commentaire de l’auteur. La danse
de
la petite Eva Margareta, chaussée de galoches trop grandes, dans le t
510
ur. La danse de la petite Eva Margareta, chaussée
de
galoches trop grandes, dans le taudis où son vieux père se saoule et
511
qu’on porte sur le monde. Le regard « objectif »
de
nos naturalistes appauvrit tout, faute de vouloir imaginer. Ils croie
512
e alors qu’ils décrivent simplement l’impuissance
de
leur propre cœur. Le regard « réaliste » de Hildur Dixetius a su voir
513
sance de leur propre cœur. Le regard « réaliste »
de
Hildur Dixetius a su voir dans la vie quotidienne des drames singulie
514
ir dans la vie quotidienne des drames singuliers,
de
bizarres et profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres,
515
iginalité bouleversante des êtres, qu’il s’agisse
d’
un grand évêque ou de cette fille de ferme « au mince visage de belett
516
te des êtres, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou
de
cette fille de ferme « au mince visage de belette » qui enterre son e
517
u’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille
de
ferme « au mince visage de belette » qui enterre son enfant dans la n
518
êque ou de cette fille de ferme « au mince visage
de
belette » qui enterre son enfant dans la neige avec une sorte d’innoc
519
i enterre son enfant dans la neige avec une sorte
d’
innocence animale. La superstition rôde dans ces campagnes désertiques
520
la neige tombe, effaçant toutes traces », symbole
d’
une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de
521
mineuse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet
de
ce grand livre. Le silence à peu près général de la critique à propos
522
de ce grand livre. Le silence à peu près général
de
la critique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à des conclusio
523
tis. (Éditions « Je sers ».) h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet d’un roman : Sara Alelia », Les Nouvelles
524
h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet
d’
un roman : Sara Alelia », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 novembr
525
ires, Paris, 3 novembre 1934, p. 3. i. Une note
de
lecture plus courte du même roman a également paru dans le Journal de
526
te du même roman a également paru dans le Journal
de
Genève du 25 mai 1934.
527
Une histoire
de
la Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’une
528
France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur
d’
une Église et sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa
529
e, mais dans sa vérité, c’est-à-dire dans l’objet
de
sa foi. Mais de cette force et de cette grandeur il est permis de rec
530
vérité, c’est-à-dire dans l’objet de sa foi. Mais
de
cette force et de cette grandeur il est permis de rechercher les témo
531
re dans l’objet de sa foi. Mais de cette force et
de
cette grandeur il est permis de rechercher les témoignages dans l’ord
532
de cette force et de cette grandeur il est permis
de
rechercher les témoignages dans l’ordre de la civilisation, et il est
533
permis de rechercher les témoignages dans l’ordre
de
la civilisation, et il est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu
534
ns l’ordre de la civilisation, et il est légitime
d’
en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prét
535
aurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas
de
vains prétextes à se glorifier d’un passé bien passé, et dont il rest
536
n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier
d’
un passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on est digne. L
537
rait à prouver qu’on est digne. Le meilleur moyen
d’
éviter ce danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’une religi
538
illeur moyen d’éviter ce danger serait sans doute
d’
envisager l’histoire d’une religion dans la perspective de sa théologi
539
e danger serait sans doute d’envisager l’histoire
d’
une religion dans la perspective de sa théologie ; le rappel constant
540
ger l’histoire d’une religion dans la perspective
de
sa théologie ; le rappel constant du dogme suffirait, dans le cas de
541
e rappel constant du dogme suffirait, dans le cas
de
l’Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits, valeur
542
, à rétablir la valeur relative des faits, valeur
de
témoignage, sans cesse rapportée à la foi, dont Dieu seul juge. John
543
le seul reproche sérieux que je me sente le droit
de
formuler devant sa monumentale Histoire de la Réforme française. Plus
544
droit de formuler devant sa monumentale Histoire
de
la Réforme française. Plus encore que le premier tome de cet ouvrage
545
éforme française. Plus encore que le premier tome
de
cet ouvrage (des origines à l’édit de Nantes), le second tome qui vie
546
, le second tome qui vient de paraître10 témoigne
de
la volonté qu’avait l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, po
547
raître10 témoigne de la volonté qu’avait l’auteur
de
ne décrire que les effets sociaux, politiques et culturels de la Réfo
548
e que les effets sociaux, politiques et culturels
de
la Réforme, sans les rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans
549
’Église. De même, John Viénot laisse délibérément
de
côté tout ce que l’abbé Bremond appelait l’histoire du sentiment reli
550
re du sentiment religieux, et il nous sera permis
de
souhaiter que cette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût-ce q
551
oit de Calvin. John Viénot, pasteur et professeur
de
théologie, a réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une ma
552
teur et professeur de théologie, a réussi le tour
de
force de parler de la Réforme d’une manière si objective, si impartia
553
rofesseur de théologie, a réussi le tour de force
de
parler de la Réforme d’une manière si objective, si impartiale, si sp
554
de théologie, a réussi le tour de force de parler
de
la Réforme d’une manière si objective, si impartiale, si spectaculair
555
a réussi le tour de force de parler de la Réforme
d’
une manière si objective, si impartiale, si spectaculaire, pourrait-on
556
n ne voit guère en quoi son Histoire se distingue
de
celle qu’eût pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de
557
de celle qu’eût pu écrire un savant laïque épris
de
tolérance, teinté de renanisme, et considérant les conquêtes de la Ré
558
crire un savant laïque épris de tolérance, teinté
de
renanisme, et considérant les conquêtes de la Réforme comme autant de
559
teinté de renanisme, et considérant les conquêtes
de
la Réforme comme autant de conquêtes de la liberté de conscience en g
560
sidérant les conquêtes de la Réforme comme autant
de
conquêtes de la liberté de conscience en général, plutôt que de la fo
561
conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes
de
la liberté de conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit,
562
a Réforme comme autant de conquêtes de la liberté
de
conscience en général, plutôt que de la foi. Ceci dit, l’on ne saurai
563
e la liberté de conscience en général, plutôt que
de
la foi. Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science et les scrup
564
sez louer la science et les scrupules historiques
de
Viénot. La réserve dont il fait preuve dans tous ses jugements, l’att
565
ntaire des condamnations qu’il ne peut s’empêcher
de
porter parfois, tout cet effort d’impartialité systématique qui reste
566
eut s’empêcher de porter parfois, tout cet effort
d’
impartialité systématique qui restera la marque des historiens du xixe
567
cle finissant, n’enlève rien à l’intérêt puissant
de
ce gros volume. Mais aussi, la substance historique qu’il nous offre
568
ssi, la substance historique qu’il nous offre est
de
celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire leur brûlante
569
’il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin
de
condiments pour produire leur brûlante saveur. Rien de plus excitant
570
ment à cause des plongées directes qu’elle permet
d’
opérer dans la vie publique et privée du xviie siècle, mais encore pa
571
eur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu
de
la France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué,
572
à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si l’
édit
avait été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait été é
573
autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel irénisme
de
Viénot, la réserve qu’il observe avec constance dans son récit ne peu
574
ans son récit ne peuvent en somme que donner plus
de
vigueur au langage des faits, cités ici en très grand nombre à chaque
575
d siècle » tel que nous l’ont décrit les fervents
de
Louis XIV et certains défenseurs de la politique romaine. La persécut
576
les fervents de Louis XIV et certains défenseurs
de
la politique romaine. La persécution des protestants ne fut pas l’œuv
577
patriotes savaient bien que la présence à la cour
d’
un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale e
578
ient bien que la présence à la cour d’un Sully ou
d’
un Duplessis-Mornay, représentants d’une Église légale et particulière
579
’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants
d’
une Église légale et particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire
580
au roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’ordre
de
l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV
581
e l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris
de
bon, sous Henri IV, dans le domaine de la politique européenne, fut l
582
entrepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine
de
la politique européenne, fut l’œuvre personnelle des réformés. Le « g
583
nd dessein » qu’avait conçu Béthune pouvait faire
de
la France la première organisatrice d’une Europe fédéralisée. Mais le
584
vait faire de la France la première organisatrice
d’
une Europe fédéralisée. Mais le virus qu’un Mazarin, un Concini ou un
585
France au début du xviie siècle, c’est le virus
de
l’étatisme totalitaire, c’est l’idée fort peu française de l’unité à
586
isme totalitaire, c’est l’idée fort peu française
de
l’unité à tout prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes les
587
té à tout prix et dans tous les ordres, au mépris
de
toutes les diversités organiques et fécondes. C’est cette idéologie i
588
et qui finit par triompher lors de la révocation
de
l’édit de Nantes. Mais alors cette révocation n’apparaît plus que com
589
e comme un épisode, le plus marquant il est vrai,
de
toute l’évolution politique de la royauté absolue vers « l’État total
590
quant il est vrai, de toute l’évolution politique
de
la royauté absolue vers « l’État totalitaire ». Il faut ici risquer u
591
t sans doute anachronique, mais que tout le livre
de
Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme. Le paral
592
e Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot
de
fascisme. Le parallélisme qu’on peut facilement établir entre la « ré
593
nt établir entre la « révocation » et les mesures
de
« mise au pas » prises par Hitler me paraît riche d’enseignements trè
594
« mise au pas » prises par Hitler me paraît riche
d’
enseignements très actuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est
595
ouis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas un souci
d’
unité religieuse qui domine : la religion leur est simple prétexte ; m
596
eligion leur est simple prétexte ; mais il s’agit
d’
établir à tout prix un cadre national centralisé, géométrique, conçu d
597
violence. Pour soutenir un tel dessein, il s’agit
d’
établir un droit nouveau qui ne soit plus fondé que sur la seule volon
598
ue sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot
de
Mazarin paraît donner comme une formule anticipée du droit « nazi » :
599
de ces prétentions toutes nouvelles, les réformés
de
France ne cessèrent, dès le début, de dresser une protestation dont l
600
es réformés de France ne cessèrent, dès le début,
de
dresser une protestation dont les termes n’ont, hélas ! pas vieilli.
601
, à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit
de
la requête adressée au roi par des protestants auxquels on refusait l
602
point étrangers. Ce sont François, vrais François
de
nature comme vous, mieux que vous d’affection, s’il est vrai que l’hu
603
ais François de nature comme vous, mieux que vous
d’
affection, s’il est vrai que l’humanité est la propre affection des Fr
604
ieu ! parmi quels tigres vivons-nous… qu’une cour
de
Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel, contre l’honnête
605
universellement humain, n’est-il pas significatif
de
la nature du danger qu’on courait ? La conclusion de cette requête mé
606
la nature du danger qu’on courait ? La conclusion
de
cette requête mérite d’ailleurs d’être citée aussi, pour sa seule bea
607
La conclusion de cette requête mérite d’ailleurs
d’
être citée aussi, pour sa seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieu
608
rès avoir décrit l’enterrement nocturne et secret
d’
une de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes ch
609
oir décrit l’enterrement nocturne et secret d’une
de
ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes chassés
610
s, il conclut par ces mots : Nous sommes chassés
de
la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleu
611
Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre
de
John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils traits. Grâce
612
re de John Viénot nous donne toute une anthologie
de
pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lecture plus édifi
613
ogie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort
de
cette lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’est pas peu d
614
olté. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire
de
la Réforme française, tome II : De l’édit de Nantes à sa révocation,
615
10. Histoire de la Réforme française, tome II :
De
l’édit de Nantes à sa révocation, Librairie Fischbacher. La même libr
616
même librairie publie une intéressante plaquette
de
H. Dartigue sur la vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis
617
te plaquette de H. Dartigue sur la vie et l’œuvre
de
J. Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire de
618
vie et l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Une histoire de la Réforme en France », Les Nouvell
619
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une histoire
de
la Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris, 15 décembre
620
les apporte au temps marqué. Peut-être, l’examen
de
ces « témoins » à la fois si divers et si profondément semblables nou
621
dément semblables nous permettra-t-il aujourd’hui
de
préciser la direction et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où
622
aujourd’hui de préciser la direction et la nature
de
ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions des historien
623
souffle où il veut. Les prévisions des historiens
de
la pensée ne semblent pas peser bien lourd sur ses décisions souverai
624
e tant de bons esprits, chez nous, vers la pensée
de
Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement, des ombres du Siècle
625
de ? Qui prévoyait, voici dix ans, l’intervention
de
ce génie considérable, la position de cette question plutôt gênante q
626
ntervention de ce génie considérable, la position
de
cette question plutôt gênante qu’est son œuvre en plein cœur de nos r
627
ion plutôt gênante qu’est son œuvre en plein cœur
de
nos ratiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais le plus curie
628
est son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations
de
clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est
629
in cœur de nos ratiocinations de clercs retraités
de
la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkega
630
clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux
de
l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hu
631
ophes laïques tout à fait libérés des disciplines
de
la foi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée de son grand di
632
oi, au moment décisif où, d’autre part, la pensée
de
son grand disciple et continuateur, Karl Barth, pénètre et fait reviv
633
une vive lumière sur le secret dernier du message
d’
un romancier : Dostoïevski. Prenons-y garde, une nouvelle constellatio
634
garde, une nouvelle constellation monte au zénith
de
notre âge. Il s’agit maintenant d’interpréter son signe. ⁂ Crainte e
635
onte au zénith de notre âge. Il s’agit maintenant
d’
interpréter son signe. ⁂ Crainte et Tremblement, qui vient de paraîtr
636
e paraître dans la belle collection philosophique
de
MM. Lavelle et Le Senne, appartient à la première période de la pensé
637
lle et Le Senne, appartient à la première période
de
la pensée kierkegaardienne. La question que pose cette œuvre, c’est c
638
ne. La question que pose cette œuvre, c’est celle
de
la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaar
639
e Kierkegaard adressera plus tard à la chrétienté
de
son temps : la foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï
640
iens ? Servez-vous Dieu, ou bien vous servez-vous
de
Dieu ? Question terriblement gênante, insupportable. La vocation sing
641
nt gênante, insupportable. La vocation singulière
de
cet homme s’épuisera dans le seul acte de l’imposer. Après cet acte,
642
gulière de cet homme s’épuisera dans le seul acte
de
l’imposer. Après cet acte, semblable au prince Hamlet — autre Danois
643
nce Hamlet — autre Danois ! — il tombera, certain
d’
avoir accompli sa mission. Dans Crainte et Tremblement, Kierkegaard se
644
, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit
de
Kierkegaard, Hegel esquive la question, la supprime implicitement. Il
645
e fait pas une théorie, elle répond par l’exemple
d’
Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple que Kierkegaard va co
646
par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditation
de
cet exemple que Kierkegaard va consacrer son livre. Abraham, le « pèr
647
osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge
de
70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et mai
648
e 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme —
de
ce miracle. Et maintenant Dieu lui commande d’offrir Isaac en sacrifi
649
— de ce miracle. Et maintenant Dieu lui commande
d’
offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas. Il croit en Die
650
maine. Il selle son âne et s’en va vers les monts
de
Morija, pour sacrifier son fils unique. Il le fait « en vertu de l’ab
651
ait-il au-dessus du général ? Serait-il affranchi
de
l’éthique ? Mais alors, comment donc comprendrait-il son acte ? Vingt
652
t ce paradoxe monstrueux. Il n’y a donc personne
de
la taille d’Abraham, personne qui puisse le comprendre ? Si, pourtan
653
monstrueux. Il n’y a donc personne de la taille
d’
Abraham, personne qui puisse le comprendre ? Si, pourtant. Les pasteu
654
prendre ? Si, pourtant. Les pasteurs ont coutume
de
l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dern
655
lier prêt pour le sacrifice… On célèbre la grâce
de
Dieu qui a donné Isaac pour la seconde fois ; on ne voit, dans toute
656
oublie qu’Abraham fit le chemin lentement, au pas
de
son âne, qu’il eut trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu d
657
ntement, au pas de son âne, qu’il eut trois jours
de
voyage et qu’il lui fallut un peu de temps pour fendre le bois, lier
658
et aiguiser le couteau. On oublie cela, on fait
d’
Abraham « un personnage insignifiant » et le comique c’est qu’on persi
659
ffrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur
d’
Abraham, sa signification démesurée et impensable, c’est qu’il reçut I
660
impensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense
d’
un acte « fou » et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’étai
661
u de l’absurde ». C’est là le sort du « chevalier
de
la foi », le sort du chrétien véritable. Mais qui peut dire : j’ai ce
662
hilosophique que Kierkegaard enchaîne à l’exemple
d’
Abraham est admirablement analysée dans l’introduction de Jean Wahl qu
663
am est admirablement analysée dans l’introduction
de
Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’exposer clairement, sans la
664
s l’introduction de Jean Wahl qui réussit ce tour
de
force d’exposer clairement, sans la trahir, la dialectique « abyssale
665
duction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force
d’
exposer clairement, sans la trahir, la dialectique « abyssale » de cet
666
ment, sans la trahir, la dialectique « abyssale »
de
cette œuvre. Personne n’a fait plus que Jean Wahl pour faire connaîtr
667
our faire connaître à l’élite française la pensée
de
Søren Kierkegaard : c’est un titre qui compte, et dont la pensée prot
668
dont le titre contraste singulièrement avec celui
de
Kierkegaard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes
669
u divinisé, échappant en quelque manière aux lois
de
ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sai
670
s une construction qui s’élève au-dessus du reste
de
la vie. C’est toute profane et banale, la vie que chacun doit vivre à
671
Mais en quoi le chrétien se distinguera-t-il donc
de
l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre
672
se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien
d’
autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’une part c
673
« d’une part contre la forme du siècle présent ;
de
l’autre, pour la forme du monde à venir ». Il reste dans le monde et
674
ion. Et voici que nous rejoignons l’idée centrale
de
Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier de la
675
mblement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier
de
la foi », sinon celui qui vit pleinement cette vie, toutefois « en ve
676
’est-à-dire en vertu de la transformation promise
de
ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est o
677
alisme fondé dans le même paradoxe. La même façon
de
considérer l’homme à la fois tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc,
678
et tel qu’il est revendiqué par Dieu à la limite
de
ses possibilités, là où paraît la grâce, in extremis. Car c’est à cha
679
la grâce, in extremis. Car c’est à chaque instant
de
la vie de la foi que se posent les questions dernières. Mais cette v
680
in extremis. Car c’est à chaque instant de la vie
de
la foi que se posent les questions dernières. Mais cette vision de l
681
osent les questions dernières. Mais cette vision
de
l’homme sans cesse mis en question par l’Autre, n’est-ce point encore
682
tion par l’Autre, n’est-ce point encore la vision
de
Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands qu
683
vski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme
de
grands questionneurs, comme des êtres orientés vers autre chose qu’eu
684
s son essai intitulé : Dostoïevski ou les confins
de
l’homme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mé
685
qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite
d’
être confirmé par notre public littéraire. En quelques chapitres très
686
s très simples, Thurneysen sait atteindre au cœur
d’
une œuvre entre toutes complexe. C’est que, plus nettement encore que
687
plus nettement encore que Berdiaev dans L’Esprit
de
Dostoïevski, le professeur de Bâle a su l’envisager dans une perspect
688
diaev dans L’Esprit de Dostoïevski, le professeur
de
Bâle a su l’envisager dans une perspective chrétienne, hors de laquel
689
ne, hors de laquelle cette œuvre resterait privée
de
sens, ou seulement chaotique, morbide. Ce que nous avons cherché dan
690
même qu’une seule et grande question, la question
de
l’origine de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevs
691
eule et grande question, la question de l’origine
de
sa vie, la question de Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaisse
692
, la question de l’origine de sa vie, la question
de
Dieu. Tous les héros de Dostoïevski apparaissent malades, comme bless
693
ne de sa vie, la question de Dieu. Tous les héros
de
Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés d’une atteinte profon
694
e Dostoïevski apparaissent malades, comme blessés
d’
une atteinte profonde, portant comme une plaie béante le problème de l
695
fonde, portant comme une plaie béante le problème
de
leur existence, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que
696
hurneysen soutient avec une passion convaincante.
De
divers côtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’une de mes réce
697
on convaincante. De divers côtés l’on m’a demandé
de
préciser, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait
698
ôtés l’on m’a demandé de préciser, à propos d’une
de
mes récentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par le protestanti
699
, ce qu’il fallait entendre par le protestantisme
de
Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre qu’en renvoyant au livre de
700
e saurais mieux répondre qu’en renvoyant au livre
de
M. Thurneysen. La conception « dialectique » de l’homme illustrée par
701
e de M. Thurneysen. La conception « dialectique »
de
l’homme illustrée par les personnages de Dostoïevski, commentée sur l
702
ctique » de l’homme illustrée par les personnages
de
Dostoïevski, commentée sur le plan théologique par Karl Barth, et sur
703
e plan théologique par Karl Barth, et sur le plan
d’
une poésie philosophique par Kierkegaard, c’est la conception même de
704
ophique par Kierkegaard, c’est la conception même
de
la vie du chrétien selon Calvin, c’est surtout le simul peccator et j
705
itions « Je sers »). – Dostoïevski ou les confins
de
l’homme, par Édouard Thurneysen, traduit par P. Maury (Éditions « Je
706
aury (Éditions « Je sers »). k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Kierkegaard, Dostoïevski, Barth », Les Nouvelles li
707
Trois traités
de
Jean Calvin (20 juillet 1935)l On nous montre un Calvin maigre et
708
loin de revenir sur le premier jugement, on fait
de
cette image un nouveau cliché polémique : la Réforme se voit assimilé
709
ur ceux qui jugent des vérités les plus profondes
de
la foi selon le poids de leurs représentants ! Or, cette espèce est p
710
rités les plus profondes de la foi selon le poids
de
leurs représentants ! Or, cette espèce est plus nombreuse qu’on ne pe
711
ce est plus nombreuse qu’on ne pense. Que sait-on
de
Calvin dans notre grand public, sinon qu’il avait les joues creuses,
712
a donné lieu par contre à une véritable débauche
de
considérations très vaguement physiognomoniques sur le teint et la co
713
t physiognomoniques sur le teint et la complexion
de
l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liber
714
oniques sur le teint et la complexion de l’auteur
de
l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit.
715
ion. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté
d’
esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer la décadence culturelle qui
716
r à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voudrais
de
déplorer la décadence culturelle qui marque la plupart des écrits de
717
dence culturelle qui marque la plupart des écrits
de
ce temps, au moment où certaine renaissance du calvinisme laisse espé
718
ur les années qui viennent, un essor tout nouveau
de
la pensée chrétienne. On aurait tort d’assimiler cette renaissance à
719
t nouveau de la pensée chrétienne. On aurait tort
d’
assimiler cette renaissance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’es
720
elle floraison néo-thomiste. Il n’est pas inutile
de
marquer les raisons qui, du point de vue protestant, rendent ce paral
721
ce parallèle irrecevable. Les grands théologiens
de
la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs
722
ns de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs
d’
école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une fois sanctionnée
723
témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur
de
son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà de lui-même, au-delà
724
son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà
de
lui-même, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité q
725
u-delà de lui-même, au-delà des formules humaines
de
ce message, à la réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Ca
726
taines formules dogmatiques ; mais c’est, au-delà
de
ces formules et dans l’orientation où elles nous placent, remonter à
727
nous placent, remonter à cette origine permanente
de
l’Église qu’est la révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthér
728
e ou le luthérisme, ce sont bien moins des normes
de
pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Évangile seul, éclairé par
729
angile seul, éclairé par l’Esprit, reste la norme
de
toute théologie, fût-elle la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se
730
lus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas
de
comparer le rôle de ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de la C
731
, on le sait, ne se lasse pas de comparer le rôle
de
ces témoins théologiques au Jean-Baptiste de la Crucifixion de Grünew
732
isse et que je diminue. » C’est donc sous l’angle
de
leur vocation particulière, et sous cet angle seul, qu’il nous devien
733
sous cet angle seul, qu’il nous devient loisible
de
parler de ces hommes sans tomber dans l’extravagance. Calvin homme, C
734
angle seul, qu’il nous devient loisible de parler
de
ces hommes sans tomber dans l’extravagance. Calvin homme, Calvin écri
735
omme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas
de
l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe
736
raires ; mais ce qui importe plus que tout, c’est
d’
indiquer d’abord la « clé » qui donne leur exacte valeur à nos variati
737
ette clé, c’est la vocation que Jean Calvin reçut
de
réformer l’Église. Tout ceci est fort bien exposé par M. Albert-Mari
738
tés que l’on vient de rééditer12. Le grand mérite
de
cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pag
739
ction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine
de
pages, les principales perspectives de « l’univers » calvinien. Il fa
740
quinzaine de pages, les principales perspectives
de
« l’univers » calvinien. Il faut bien avouer que les commentateurs no
741
avaient donné jusqu’ici une image assez étriquée
de
cette Weltanschauung à la fois biblique et classique, au sens le plus
742
biblique et classique, au sens le plus vigoureux
de
ce terme. En la replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la
743
a replaçant dans l’atmosphère violente et trouble
de
la Renaissance, M. Schmidt va lui restituer ses trois dimensions prim
744
ons alors Calvin faire face d’une part à l’Église
de
Rome et c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premières déviat
745
Sadolet ; d’autre part, aux premières déviations
de
la doctrine sacramentaire à l’intérieur de la Réforme et c’est le Tra
746
re à l’intérieur de la Réforme et c’est le Traité
de
la cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’humanisme antichrétien e
747
Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques
de
l’humanisme antichrétien et c’est le Traité des scandales. Ce troisiè
748
é depuis sa parution en 1550. « Originale mixture
de
passion contenue et de raison déchaînée », il sera pour beaucoup l’oc
749
1550. « Originale mixture de passion contenue et
de
raison déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’une véritable
750
son déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion
d’
une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourc
751
ur beaucoup l’occasion d’une véritable découverte
de
Calvin. Il nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de
752
te de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci
de
toute la polémique de la Réforme contre les libertins et les anabapti
753
donne un puissant raccourci de toute la polémique
de
la Réforme contre les libertins et les anabaptistes, contre les occul
754
rtins et les anabaptistes, contre les occultistes
de
l’école d’Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent
755
s anabaptistes, contre les occultistes de l’école
d’
Agrippa, contre les Rabelais et Des Périers qui abandonnent la cause p
756
Il y a ceux pour lesquels les dogmes sont autant
d’
occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une
757
pour lesquels les dogmes sont autant d’occasions
de
chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une mer de scan
758
uant à ce que la Prédestination est comme une mer
de
scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou
759
la Prédestination est comme une mer de scandales,
d’
où vient cela sinon de la folle curiosité des hommes ou de leur outrec
760
comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon
de
la folle curiosité des hommes ou de leur outrecuidance débordée ? Ca
761
nt cela sinon de la folle curiosité des hommes ou
de
leur outrecuidance débordée ? Calvin n’est guère partisan, on le voi
762
ordée ? Calvin n’est guère partisan, on le voit,
de
ce fameux libre examen dont on persiste à lui attribuer l’invention,
763
ur assez inexplicable. Mais les pires adversaires
de
l’Église ne sont pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la
764
attante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom
de
la chrétienté pour nourrir une paix fardée ! Voici ceux qui voudraie
765
ux qui voudraient confondre la véritable grandeur
de
l’Église avec « une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rap
766
a véritable grandeur de l’Église avec « une façon
de
royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre condition c
767
ctique : L’Église est ordonnée à cette condition
de
batailler continuellement sous la croix, tant qu’elle aura à cheminer
768
« baveries », et ceux « qui se ruent contre Dieu
d’
une impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de g
769
enragée à la façon des frénétiques, et tombent en
de
grands abîmes ou se rompent le col en s’aheurtant ». Cet étonnant tra
770
rme contre Renaissance. Mais toutes les richesses
de
style que produisit ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque d
771
t ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque
de
Calvin : il a su prendre à l’adversaire ses meilleures armes. Au suje
772
comprendre, dans son essence, le génie littéraire
de
Calvin, ne doit jamais omettre que celui-ci se considérait comme mini
773
ns engager le dialogue avec toutes les catégories
d’
hommes, avec toutes les espèces de créatures. Dialoguant toujours avec
774
les catégories d’hommes, avec toutes les espèces
de
créatures. Dialoguant toujours avec les plus divers interlocuteurs, i
775
eurs, il ne se range jamais, comme un littérateur
de
second ordre, aux lois d’une esthétique préconçue, mais il adopte tou
776
s, comme un littérateur de second ordre, aux lois
d’
une esthétique préconçue, mais il adopte toujours la forme de discours
777
tique préconçue, mais il adopte toujours la forme
de
discours la plus propre, sinon à charmer du moins à toucher son antag
778
harmer du moins à toucher son antagoniste ; l’art
de
Calvin est fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout en por
779
oucher son antagoniste ; l’art de Calvin est fait
de
soumission absolue à l’objet proposé : tout en portant la marque d’un
780
lue à l’objet proposé : tout en portant la marque
d’
une des plus puissantes personnalités qui fut jamais, il se recrée tou
781
t dominé : telle serait la formule du classicisme
de
Calvin. D’une vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et po
782
telle serait la formule du classicisme de Calvin.
D’
une vivacité presque baroque dans les Scandales, orné et pompeux dans
783
peux dans l’Épître, sobre et grave dans le Traité
de
la Cène, ce style garde partout les vertus qui, sans doute, font le p
784
ans l’exposé des sic et non, enfin ce ton naturel
de
grandeur qui s’accommode des plus savoureux contrastes, coupant court
785
lus savoureux contrastes, coupant court aux élans
de
pure rhétorique, cet accent dont un romantisme tour à tour alangui ou
786
voluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style
d’
un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonn
787
ur deux bonnes raisons. D’abord Calvin était chef
de
parti ; qui plus est, fondateur d’Église ; donc doublement conscient
788
vin était chef de parti ; qui plus est, fondateur
d’
Église ; donc doublement conscient de la responsabilité de ses paroles
789
t, fondateur d’Église ; donc doublement conscient
de
la responsabilité de ses paroles. Or, rien ne confère au langage une
790
; donc doublement conscient de la responsabilité
de
ses paroles. Or, rien ne confère au langage une aussi poignante vertu
791
ge une aussi poignante vertu que cette conscience
d’
une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre
792
u que cette conscience d’une mission à remplir et
d’
un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par t
793
gue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt
d’
être par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-il revenir vers l
794
n’oublions pas que la plupart des écrits français
de
Calvin — c’est le cas de ces Trois traités — furent traduits par lui-
795
part des écrits français de Calvin — c’est le cas
de
ces Trois traités — furent traduits par lui-même du latin. D’où la je
796
traités — furent traduits par lui-même du latin.
D’
où la jeunesse de cette langue et sa sobriété monumentale. Là encore,
797
traduits par lui-même du latin. D’où la jeunesse
de
cette langue et sa sobriété monumentale. Là encore, la leçon de Calvi
798
e et sa sobriété monumentale. Là encore, la leçon
de
Calvin serait celle d’un retour aux origines. Voilà la seule révoluti
799
ntale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle
d’
un retour aux origines. Voilà la seule révolution qui compte pour l’es
800
commander toutes les autres. 12. Trois traités
de
Jean Calvin. Préface de Jacques Pannier. Introduction de A.-M. Schmid
801
res. 12. Trois traités de Jean Calvin. Préface
de
Jacques Pannier. Introduction de A.-M. Schmidt. (Éditions « Je sers »
802
Calvin. Préface de Jacques Pannier. Introduction
de
A.-M. Schmidt. (Éditions « Je sers », Paris.) l. Rougemont Denis de
803
ditions « Je sers », Paris.) l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Trois traités de Jean Calvin », Les Nouvelles litté
804
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Trois traités
de
Jean Calvin », Les Nouvelles littéraires, Paris, 20 juillet 1935, p.
805
bre 1935)m n L’esprit occidental n’a jamais eu
d’
unité harmonieuse : il est toujours tension entre deux pôles, qui d’ai
806
se déplacent sans cesse et parfois aussi changent
de
nom. On est tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et uniq
807
se et parfois aussi changent de nom. On est tenté
de
résumer toutes ces tensions en une seule et unique opposition : mysti
808
tien fondamental : la foi. La foi est acte humain
d’
obéissance en même temps qu’elle est don de Dieu ; elle s’oppose donc
809
humain d’obéissance en même temps qu’elle est don
de
Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’une fuite
810
e, comme à toute action en révolte contre l’ordre
de
la Parole. En confondant la foi et la mystique, comme le fait par mal
811
i laisserons ses rêveries et nous nous chargerons
de
l’homme « dans ses limites charnelles et temporelles ». C’est aussi c
812
i ce que dit l’Évangile, où il n’est pas question
de
mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient de
813
marqué, qui est plus qu’une réserve, il convient
de
remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout
814
e réserve, il convient de remercier M. Chuzeville
de
nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poéti
815
hologie tout un monde spirituel et poétique plein
de
dangers et de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heur
816
n monde spirituel et poétique plein de dangers et
de
merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la traduc
817
valis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont
de
grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Suso, Tauler,
818
ostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute
de
le voir figurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il est le pr
819
nnera sans doute de le voir figurer dans un choix
de
« mystiques », alors qu’il est le premier défenseur de l’expérience.
820
mystiques », alors qu’il est le premier défenseur
de
l’expérience. Mais la beauté des textes cités fait pardonner bien vol
821
cités fait pardonner bien volontiers cette erreur
de
classification. En vérité, les mystiques allemands nous apparaissent
822
ure où ils annoncent le lyrisme et la philosophie
d’
une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’entends le premier
823
et la philosophie d’une des plus hautes périodes
de
l’esprit humain. J’entends le premier romantisme allemand, encore si
824
d temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum
de
l’esprit germanique. Il est grand temps que nous relevions ces titres
825
Il est grand temps que nous relevions ces titres
de
noblesse spirituelle momentanément méprisés par leurs héritiers direc
826
directs. Et cela vaudrait mieux, à coup sûr, que
de
rééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’in
827
ur un Luther qu’on n’a jamais lu ; l’introduction
de
cette anthologie contient, à cet égard, de navrantes divagations ; Lu
828
uction de cette anthologie contient, à cet égard,
de
navrantes divagations ; Luther ancêtre du racisme, par exemple ! m.
829
e du racisme, par exemple ! m. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Chuzeville, Les Mystiques allemands du XIIIe a
830
ires, Paris, 2 novembre 1935, p. 5. n. Une note
de
lecture sur le même livre a également paru dans la Nouvelle Revue fra
831
a également paru dans la Nouvelle Revue française
d’
octobre 1935.
832
n (12 septembre 1936)o Couronnant une carrière
d’
auteur déjà longue — quarante-cinq volumes, sauf erreur — M. le pasteu
833
est actuellement le représentant le plus marquant
d’
une famille dont les destins se confondirent durant tout le siècle der
834
voulut s’en prendre aux réformés, ne trouva rien
de
mieux que d’écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditio
835
prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que
d’
écrire un pamphlet contre la race des Monod, les traditions, l’esprit
836
es Monod, les traditions, l’esprit et l’idéologie
de
cette « tribu ». Il semble que l’auteur du Problème du Bien 13 se soi
837
n glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir,
de
soutenir les causes les plus vilipendées par ce furieux censeur païen
838
ndées par ce furieux censeur païen. Qu’il suffise
de
rappeler que le nom de Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esp
839
nseur païen. Qu’il suffise de rappeler que le nom
de
Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit de tout protestant,
840
Wilfred Monod évoque immédiatement, dans l’esprit
de
tout protestant, deux grands mouvements de pensée et d’action dont il
841
esprit de tout protestant, deux grands mouvements
de
pensée et d’action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le c
842
t protestant, deux grands mouvements de pensée et
d’
action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le christianisme
843
énique et internationale née dans le « désarroi »
de
l’après-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès de Stockholm sa
844
près-guerre, et qui trouva lors du fameux congrès
de
Stockholm sa première réalisation concrète. À ces deux causes illustr
845
e troisième, qui les commande directement : celle
d’
un certain humanisme chrétien. L’ouvrage littéralement énorme (hors de
846
un titre dont l’apparence paradoxale est typique
de
l’esprit de M. Monod, figure sans aucun doute le document le plus com
847
nt l’apparence paradoxale est typique de l’esprit
de
M. Monod, figure sans aucun doute le document le plus complet que le
848
dépassement. Ces 3000 pages contiennent la somme
de
la problématique particulière à une école — est-ce trop dire — qui va
849
ticulière à une école — est-ce trop dire — qui va
de
Schleiermacher à Harnack, en passant par Charles Secrétan, Frommel et
850
même Renouvier, et à laquelle les récents livres
de
Bergson viennent apporter un ultime renouveau. À cet égard, le Problè
851
Bien mériterait un examen critique dont le cadre
de
ma chronique ne saurait supporter même l’esquisse. Mais le sous-titre
852
ait supporter même l’esquisse. Mais le sous-titre
de
cette œuvre nous engage à l’aborder très librement : « essai de théod
853
nous engage à l’aborder très librement : « essai
de
théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à u
854
très librement : « essai de théodicée et journal
d’
un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrina
855
une construction doctrinale. L’auteur prend soin
de
nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne
856
ent ouvrage ne réside pas seulement dans le récit
d’
une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans l
857
onnues, mais aussi dans la constante présentation
d’
un double cheminement : la recherche du penseur et le ministère du pas
858
alistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir
d’
un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus encore au
859
mes qui ne sont pas synonymes) et je leur propose
de
méditer le problème du Bien. Si des croyants peuvent douter de leur c
860
problème du Bien. Si des croyants peuvent douter
de
leur croyance à cause du mal, que des incroyants apprennent à douter
861
se du mal, que des incroyants apprennent à douter
de
leur incroyance, à cause du Bien. D’une part, en effet, dit M. Monod
862
alvin disait : « libertin spirituel ».) Il s’agit
de
confondre les philosophes incroyants au moyen de leurs propres argume
863
à une piété plus libre. On sait que pour l’école
de
Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie sera purement et si
864
pour l’école de Barth, tout au contraire, le rôle
de
la théologie sera purement et simplement de critiquer, au sein de l’É
865
rôle de la théologie sera purement et simplement
de
critiquer, au sein de l’Église, la prédication de l’Église, pour la d
866
de critiquer, au sein de l’Église, la prédication
de
l’Église, pour la débarrasser des intrusions de philosophies passagèr
867
n de l’Église, pour la débarrasser des intrusions
de
philosophies passagères quelles qu’elles soient. Pour Barth, c’est Di
868
t l’homme en question. M. Monod part au contraire
d’
une mise en question de « Dieu » par la conscience morale de l’homme.
869
M. Monod part au contraire d’une mise en question
de
« Dieu » par la conscience morale de l’homme. L’opposition apparaît a
870
en question de « Dieu » par la conscience morale
de
l’homme. L’opposition apparaît absolue. Mais l’une des grandes surpri
871
us réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen
d’
une méthode « libérale » et partant d’un point de vue « libéral » — en
872
qu’au moyen d’une méthode « libérale » et partant
d’
un point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’en défende, l’adje
873
t-elle pas comme un signe, une promesse émouvante
de
l’unité future des chrétiens, par-delà les funestes divisions de l’or
874
re des chrétiens, par-delà les funestes divisions
de
l’orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons à la situation de dépa
875
et du libéralisme ? Mais revenons à la situation
de
départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée e
876
éralisme ? Mais revenons à la situation de départ
de
notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée et l’orthod
877
t l’orthodoxe desséché — M. Monod recourt au fait
de
son expérience intérieure. Après avoir montré que cette expérience di
878
. Après avoir montré que cette expérience diffère
de
tout processus psychique, il précise : l’expérience religieuse ne dev
879
nous montre la Nature, c’est bien plutôt l’action
d’
un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et de crime
880
tion d’un « démiurge » sauvage, omnivore, amateur
de
catastrophes et de crimes. Les animaux se mangent entre eux, les homm
881
e » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes et
de
crimes. Les animaux se mangent entre eux, les hommes périssent par ac
882
ent, la terre tremble : est-ce là l’œuvre du Dieu
d’
amour dont parle l’Évangile ? « La fourmi périssant de mort violente s
883
our dont parle l’Évangile ? « La fourmi périssant
de
mort violente sous le talon d’un chrétien qui prie en marchant », — v
884
a fourmi périssant de mort violente sous le talon
d’
un chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le pro
885
, — voilà qui pose à M. Monod le problème central
de
ce livre. Faudra-t-il donc revenir à Marcion, hérétique condamné par
886
ienne pour avoir affirmé que le monde est l’œuvre
d’
un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est ve
887
rmé que le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais,
d’
un démiourgos que le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre et
888
prit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils
de
Dieu, est venu pour combattre et pour vaincre ? M. Monod le pense. Jé
889
carnait dans un crucifié vaincu ». Par une espèce
de
paradoxe — personne n’a chéri davantage le paradoxe depuis Kierkegaar
890
le paradoxe depuis Kierkegaard — M. Monod déduit
de
cette « hypothèse de travail » une réaffirmation du dogme trinitaire
891
ierkegaard — M. Monod déduit de cette « hypothèse
de
travail » une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu est un X qui n
892
ce au Saint-Esprit. Laissons l’aspect théologique
de
cet ouvrage : son style de pensée, sa démarche insolite et dramatique
893
s l’aspect théologique de cet ouvrage : son style
de
pensée, sa démarche insolite et dramatique ont bien de quoi retenir l
894
nsée, sa démarche insolite et dramatique ont bien
de
quoi retenir le lecteur même incroyant ou ignorant de ces débats. Wil
895
uoi retenir le lecteur même incroyant ou ignorant
de
ces débats. Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce de père
896
Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce
de
père Hugo du modernisme : même invention verbale, même goût des grand
897
me générosité humanitaire. Et quelle surabondance
d’
images ! La TSF, les rayons X, l’automobile et la structure des atomes
898
atériel métaphorique inépuisable. Je n’y vois pas
d’
inconvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là de littérature, b
899
onvénient à priori, mais à coup sûr, il s’agit là
de
littérature, bien que l’auteur s’en défende dans sa préface. Cela nou
900
évations romantiques, telle description poignante
de
réalisme, d’un ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capit
901
ntiques, telle description poignante de réalisme,
d’
un ensevelissement dans la fosse commune. Le mérite capital de cette v
902
issement dans la fosse commune. Le mérite capital
de
cette vision totalitaire du réel, c’est qu’elle replace l’homme dans
903
cet égard, on peut bien dire que M. Monod revient
de
loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments d’un journal de jeunesse
904
t de loin. Les Soliloques dans la nuit, fragments
d’
un journal de jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témo
905
s Soliloques dans la nuit, fragments d’un journal
de
jeunesse qui remplissent 200 pages du premier tome, témoignent d’une
906
remplissent 200 pages du premier tome, témoignent
d’
une véritable frénésie de problèmes, d’un état de controverse intérieu
907
premier tome, témoignent d’une véritable frénésie
de
problèmes, d’un état de controverse intérieure et abstraite, où je cr
908
témoignent d’une véritable frénésie de problèmes,
d’
un état de controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que
909
d’une véritable frénésie de problèmes, d’un état
de
controverse intérieure et abstraite, où je crains bien que la jeuness
910
e et abstraite, où je crains bien que la jeunesse
d’
aujourd’hui ne voie plus qu’une fièvre morbide. Mais la forme excessiv
911
fièvre morbide. Mais la forme excessivement libre
de
cet ouvrage le sauve de l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une s
912
forme excessivement libre de cet ouvrage le sauve
de
l’ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme, ai-je dit, une étr
913
me, ai-je dit, une étrange et vivante compilation
de
notes, de journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades,
914
dit, une étrange et vivante compilation de notes,
de
journaux, de lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyse
915
nge et vivante compilation de notes, de journaux,
de
lettres, de fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiq
916
te compilation de notes, de journaux, de lettres,
de
fragments de sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèm
917
n de notes, de journaux, de lettres, de fragments
de
sermons, de boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdot
918
de journaux, de lettres, de fragments de sermons,
de
boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’aphori
919
de lettres, de fragments de sermons, de boutades,
d’
analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes, d’aphorismes. On s’y
920
sermons, de boutades, d’analyses philosophiques,
de
poèmes, d’anecdotes, d’aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y app
921
e boutades, d’analyses philosophiques, de poèmes,
d’
anecdotes, d’aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y apprend beauco
922
’analyses philosophiques, de poèmes, d’anecdotes,
d’
aphorismes. On s’y perd bien souvent, on y apprend beaucoup. On craint
923
apprend beaucoup. On craint aussi qu’à la faveur
de
tant de richesses disparates, le sérieux proprement théologique du ra
924
rs cet argument : comment un protestant se libère
d’
un intellectualisme intempérant par la considération hardie du cosmos.
925
mos. Quant à sa thèse théologique, je me contente
de
suggérer qu’on l’admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à
926
’auteur ne cherchait à l’imposer par le spectacle
de
ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtre
927
ntends le criticisme à peine critiqué. Le contenu
de
la Révélation, malgré toutes les philosophies, doit rester pour tous
928
nt indispensable, est-il même permis au chrétien,
de
fonder cette Révélation sur le système d’un autre Emmanuel — Kant en
929
rétien, de fonder cette Révélation sur le système
d’
un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloi
930
nt en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir
de
lui retourner une boutade qui porte évidemment sa marquep. 13. Wilf
931
13. Wilfred Monod, Le Problème du Bien : essai
de
théodicée et journal d’un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougem
932
Problème du Bien : essai de théodicée et journal
d’
un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de, « [Compte
933
teur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Wilfred Monod, Le Problème du bien », Les Nouvelle
934
Paris, 12 septembre 1936, p. 5. p. Une critique
de
l’ouvrage de Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai
935
ptembre 1936, p. 5. p. Une critique de l’ouvrage
de
Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc de mai 1935, sous l
936
Wilfred Monod paraît également dans Hic et Nunc
de
mai 1935, sous le titre : « Soirée chez Nicodème ».
937
er contre Érasme (19 juin 1937)q r Que sait-on
de
Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles
938
sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité
de
l’Église. Mais dans quelles circonstances ? Poussé par quelles raison
939
e « moine qui voulait se marier », il serait sage
de
parcourir au moins les œuvres capitales du grand réformateur. Or, il
940
la liberté chrétienne : et les trop fameux Propos
de
Table, absolument insignifiants quant à la doctrine religieuse : voil
941
eligieuse : voilà tout ce qui nous est accessible
d’
une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus qu’aucune autre
942
’elle a changé plus qu’aucune autre les destinées
de
l’Occident. (Je ne fais là, bien entendu, qu’une constatation histori
943
.) Remercions donc le courageux éditeur qui vient
d’
entreprendre la réparation de cette inconcevable lacune, en publiant l
944
ux éditeur qui vient d’entreprendre la réparation
de
cette inconcevable lacune, en publiant l’ouvrage central de la réform
945
nconcevable lacune, en publiant l’ouvrage central
de
la réforme luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que s
946
ité du serf arbitre 14. Ne fût-ce que sur le plan
de
la culture générale, une telle publication est appelée à rendre des s
947
ace au cœur même du grand débat occidental, celui
de
la pensée « pure » et de la pensée « engagée ». Elle met entre nos ma
948
débat occidental, celui de la pensée « pure » et
de
la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains la pièce capitale du
949
re nos mains la pièce capitale du procès : l’acte
d’
accusation du clerc actif qu’était Luther, contre le clerc « désintére
950
que croyait pouvoir être Érasme. Elle nous permet
de
connaître l’une des origines historiques de cette opposition fondamen
951
ermet de connaître l’une des origines historiques
de
cette opposition fondamentale, de cette discussion séculaire, de cett
952
nes historiques de cette opposition fondamentale,
de
cette discussion séculaire, de cette grande tension spirituelle dans
953
tion fondamentale, de cette discussion séculaire,
de
cette grande tension spirituelle dans laquelle l’Europe a puisé son d
954
détaché. Le point de vue du « clerc pur », celui
d’
Érasme, nous est suffisamment connu. Qu’on se reporte en particulier à
955
reporte en particulier à la brillante biographie
de
Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute l’œuvre récente du parfait di
956
ais : à toute l’œuvre récente du parfait disciple
d’
Érasme que se trouve être M. Benda. Érasme dit le vrai, puis se lave l
957
me dit le vrai, puis se lave les mains, et refuse
d’
endosser les conséquences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en
958
les mains, et refuse d’endosser les conséquences
de
sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et tous les pruden
959
e même qu’il n’y en ait pas. Et tous les prudents
d’
applaudir, non sans apparences de raison : on a commis tant de crimes
960
ous les prudents d’applaudir, non sans apparences
de
raison : on a commis tant de crimes au nom de la vérité ! On s’en est
961
st plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention
de
Luther en personne va-t-elle changer une fois de plus la face des cho
962
bondir. Car personne n’a mieux incarné la volonté
de
pensée militante que ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre
963
al et sacerdotal l’inflexible, l’urgente exigence
de
la vérité en action. Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait
964
. Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait
de
la problématique chrétienne, dans cet ouvrage, qui est avant tout cel
965
ienne, dans cet ouvrage, qui est avant tout celui
d’
un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nou
966
nt tout celui d’un grand théologien ? Une verdeur
de
polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
967
u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale
d’
une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
968
yale d’une certitude pesante, vraiment « grave »,
d’
une dialectique sobre et têtue qui va droit au point décisif, envisage
969
in conférer à son choix la force et la simplicité
d’
une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
970
rce et la simplicité d’une constatation évidente.
D’
un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
971
teur qui refuse l’essentiel — c’est-à-dire la foi
de
Luther — soit tout de même attiré et subjugué par le style, par le to
972
même attiré et subjugué par le style, par le ton
de
l’ouvrage. Mais on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à la
973
arbitre à la querelle avec Érasme, qui lui servit
de
prétexte et d’aiguillon, et qui lui donne sa verve, son accent person
974
erelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte et
d’
aiguillon, et qui lui donne sa verve, son accent personnel tour à tour
975
t. En fait, toutes les affirmations fondamentales
de
la Réforme sont ici reposées par Luther : justification par la foi, q
976
fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre
de
Dieu seul en nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à la jus
977
ratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition
de
la justice donnée par Dieu à la justice acquise par nos mérites ; opp
978
à la justice acquise par nos mérites ; opposition
de
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
979
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens
de
la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
980
n totale entre un oui et un non absolus, et refus
de
tout moyen terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi
981
terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
de
la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
982
en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince
de
ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
983
ure au-dehors, et constituant la véritable action
de
l’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exag
984
nt la véritable action de l’homme entre les mains
de
Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré de voir dans le Traité
985
de Dieu. À cet égard, il n’est nullement exagéré
de
voir dans le Traité du serf arbitre une sorte de résumé — très peu sy
986
de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte
de
résumé — très peu systématique, et c’est heureux — des positions maît
987
ique, et c’est heureux — des positions maîtresses
de
la Réforme. Quant à la thèse particulière, qui est la négation du lib
988
igieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’aurait l’homme
de
gagner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici
989
’homme de gagner le salut par ses propres efforts
de
volonté, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, po
990
pres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu
de
l’examiner. Notons seulement, pour écarter le pire malentendu, que Lu
991
entendu, que Luther ne nie pas du tout la réalité
de
notre volonté. Il nie seulement que cette volonté puisse s’appliquer
992
choses qui concernent le salut. Elle fait partie
de
notre nature, et comme telle, ne désire vraiment que le péché. La lib
993
oisit, substituant à un destin fatal une vocation
d’
un tout autre ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut être éc
994
: le problème ne peut être écarté comme relevant
de
la seule théologie. Il est au cœur de la pensée humaine. Tout homme q
995
me relevant de la seule théologie. Il est au cœur
de
la pensée humaine. Tout homme qui veut penser son existence en termes
996
ce dilemme, ou plutôt à l’acceptation simultanée
de
ses deux termes. Et l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un par
997
même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui
de
Luther : la liberté est à ses yeux dans la connaissance virile d’une
998
iberté est à ses yeux dans la connaissance virile
d’
une nécessité immuable, acceptée et aimée comme telle. Mais cette néce
999
fatum, la fatalité sans visage du Retour éternel
de
toutes choses. Pour Luther, elle est au contraire la Providence, la p
1000
est au contraire la Providence, la personne même
de
Dieu, éternellement active, et qui nous aime. Il faut choisir. Mais l
1001
Mais le choix est-il libre ? On retombe au débat
de
Luther et d’Érasme. Le trop prudent humaniste eût-il saisi dans son s
1002
x est-il libre ? On retombe au débat de Luther et
d’
Érasme. Le trop prudent humaniste eût-il saisi dans son sérieux dernie
1003
eût-il saisi dans son sérieux dernier la réalité
d’
un dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit du latin,
1004
aduit du latin, aux Éditions « Je sers ». Préface
de
M. le professeur A. Jundi. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1005
e M. le professeur A. Jundi. q. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Luther contre Érasme », Les Nouvelles littéraires,
1006
éraires, Paris, 19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit
d’
une recension de Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour
1007
19 juin 1937, p. 5. r. Il s’agit d’une recension
de
Traité du aerf arbitre de Martin Luther, traduit pour la première foi
1008
s’agit d’une recension de Traité du aerf arbitre
de
Martin Luther, traduit pour la première fois en français par Denis de
1009
Selma Lagerlöf, conteur
de
légende (3 juillet 1937)s L’art de conter pour le plaisir se perd.
1010
öf, conteur de légende (3 juillet 1937)s L’art
de
conter pour le plaisir se perd. Et peut-être, avec lui, l’art tout co
1011
Dans la littérature du xxe siècle, il n’y a plus
de
grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’observation
1012
us de grands mythes, il y a des analyses. On part
de
« faits d’observation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne
1013
s mythes, il y a des analyses. On part de « faits
d’
observation » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce p
1014
On part de « faits d’observation » et l’on essaie
d’
en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer
1015
« faits d’observation » et l’on essaie d’en tirer
de
la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ?
1016
Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer
de
la vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… L
1017
l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce
de
la décrire, ou pis encore, de l’expliquer… Le romancier moderne appar
1018
vie ? On s’efforce de la décrire, ou pis encore,
de
l’expliquer… Le romancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce
1019
e romancier moderne apparaît étrangement dépourvu
de
ce pouvoir « fabulateur » qu’il était censé détenir. (Déjà M. Weidlé,
1020
censé détenir. (Déjà M. Weidlé, dans ses Abeilles
d’
Aristée, constate le « crépuscule des mondes imaginaires ».) On n’aime
1021
, mais on veut découvrir, à la manière de l’homme
de
science. Et tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse
1022
a manière de l’homme de science. Et tout l’effort
de
l’écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs secrets d’une acti
1023
n se porte alors sur l’analyse des motifs secrets
d’
une action. La méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à ten
1024
lus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir
de
se montrer original, à tenir pour acquis que les « vertus » sont de c
1025
inal, à tenir pour acquis que les « vertus » sont
de
ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincè
1026
pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit
de
démasquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il ne
1027
rgent. Il ne fallait pas moins que le génie plein
de
malices d’une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatal
1028
e fallait pas moins que le génie plein de malices
d’
une Lagerlöf pour renverser d’un coup cette apparente fatalité. Kiplin
1029
ie plein de malices d’une Lagerlöf pour renverser
d’
un coup cette apparente fatalité. Kipling meurt, et l’on dit : c’était
1030
5. Et, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau
de
cette « défense d’inventer » qui terrorise les romanciers du xxe siè
1031
nous pourrons rire de nouveau de cette « défense
d’
inventer » qui terrorise les romanciers du xxe siècle. Selma Lagerlöf
1032
siècle. Selma Lagerlöf sait encore que l’origine
de
tout l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère d’enfance retro
1033
l’art du récit, c’est la légende. Une atmosphère
d’
enfance retrouvée — qu’on lise les souvenirs qui composent Morbacka 16
1034
qui composent Morbacka 16 — voilà le milieu-mère
de
l’imagination. C’est une légende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre
1035
ende, Gösta Berling, qui inaugure l’œuvre entière
de
l’auteurt. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman de
1036
épart à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui
de
grandes ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reçoit des dimension
1037
imensions nouvelles : mystère, fatalité, présence
d’
une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un
1038
vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel
d’
un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwensköld). L’auteur lu
1039
journaux, par exemple, et s’en indigne, et refuse
de
marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est le parti romanesque que Se
1040
psychologie la plus secrète des héros. L’on prie
de
croire, d’ailleurs, que ces héros sont bien assez complexes pour notr
1041
moderne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici
d’
une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu des fa
1042
en marge de l’action, sous forme de méditation ou
d’
analyse. Toutes les ressources du conte populaire et de l’imagerie sen
1043
lyse. Toutes les ressources du conte populaire et
de
l’imagerie sentimentale et romanesque, qu’on croyait épuisées depuis
1044
ge. Une ironie sereine, à peine amère, les décape
de
toute niaiserie, et déjoue toutes les conventions. Surtout, un rythm
1045
les conventions. Surtout, un rythme merveilleux
de
souplesse, d’imprévu et d’aisance, entretient tout au long de la lect
1046
ons. Surtout, un rythme merveilleux de souplesse,
d’
imprévu et d’aisance, entretient tout au long de la lecture une euphor
1047
un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu et
d’
aisance, entretient tout au long de la lecture une euphorie de l’imagi
1048
, d’imprévu et d’aisance, entretient tout au long
de
la lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le se
1049
ntretient tout au long de la lecture une euphorie
de
l’imagination dont nous pensions que le secret s’était perdu avec l’e
1050
vec l’enfance. Comme on sent que l’auteur s’amuse
de
sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire de conter ! Plusieurs douzaines
1051
r s’amuse de sa maîtrise : Lagerlöf, ou la gloire
de
conter ! Plusieurs douzaines de personnages, des familles et des isol
1052
löf, ou la gloire de conter ! Plusieurs douzaines
de
personnages, des familles et des isolés, des monstres, des bourgeois,
1053
des bourgeois, des paysans, une belle jeune fille
de
la noblesse, une bohémienne, un jeune pasteur fanatique, une dévote é
1054
— cela suffirait pour animer un roman romantique
de
la grande tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt un drame s
1055
oresque humain revêt un drame spirituel, le drame
de
l’absolu chrétien qui détruit tout dès qu’il agit sans charité (thème
1056
avant-dernière page seulement que le sens profond
de
l’œuvre entière est formulé : « Celui qui veut être un disciple du Ch
1057
ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité
de
la légende a bel et bien dominé tous ces êtres, malgré leur scepticis
1058
ui n’ont pas la foi. Seule une prière désespérée,
de
pur amour, rompt le charme forgé par le péché. Au symbole de l’anneau
1059
r, rompt le charme forgé par le péché. Au symbole
de
l’anneau volé, maintenant privé de son pouvoir maléfique, répond le s
1060
hé. Au symbole de l’anneau volé, maintenant privé
de
son pouvoir maléfique, répond le symbole d’un engagement humain libre
1061
privé de son pouvoir maléfique, répond le symbole
d’
un engagement humain librement consenti devant Dieu ; un anneau nuptia
1062
ome — L’Anneau des Löwensköld — contient le récit
de
la légende. Les deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld et Anna Sv
1063
résumé imaginable, j’aimerais citer ici une seule
de
ces « situations » que Lagerlöf noue et dénoue dans chaque chapitre a
1064
iée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut
de
peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendiante sou
1065
peu plus loin, il entend chanter : c’est la fille
de
l’aubergiste, qui a fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage p
1066
village ; elle est défigurée par une énorme tache
de
vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà, le jeune homme s’y résig
1067
Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pas
de
lui, elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltation
1068
e lui ; une jeune Dalécarlienne, dans son costume
de
marchande ambulante. « Elle brillait comme une rose sauvage. » Il s’a
1069
dre, dans cette scène étonnante, l’un des secrets
de
l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que la « mi
1070
cette scène étonnante, l’un des secrets de l’art
de
Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’est ici que la « mise en pra
1071
romanesque n’est ici que la « mise en pratique »
d’
une attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il s
1072
e » d’une attitude spirituelle extrême. La phrase
de
Karl-Artur lâchée, il suffit de la prendre au mot : elle commande tou
1073
xtrême. La phrase de Karl-Artur lâchée, il suffit
de
la prendre au mot : elle commande tout naturellement une suite d’inci
1074
mot : elle commande tout naturellement une suite
d’
incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas
1075
s ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas
d’
ajouter quelques traces d’humour, comme pour purifier l’émotion. Mais
1076
’auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces
d’
humour, comme pour purifier l’émotion. Mais pour qu’une telle phrase s
1077
aisemblance, il faut que ce héros soit un croyant
d’
une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y a la traditio
1078
si tout l’absolutisme religieux du Brand d’Ibsen,
de
Kierkegaard, de Luther. Et à côté du fanatique, voici Charlotte, avec
1079
tisme religieux du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard,
de
Luther. Et à côté du fanatique, voici Charlotte, avec sa piété sobre
1080
la Réforme, c’est un pays entier sous la lumière
de
la Parole, qui trouve ici son expression. Tout respire largement, tou
1081
é, souvent plus folle encore, des âmes. Plénitude
de
la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuv
1082
nne cette œuvre admirable, c’est celui du travail
de
la foi dans la réalité totale d’un peuple, qu’elle trouble, assemble,
1083
celui du travail de la foi dans la réalité totale
d’
un peuple, qu’elle trouble, assemble, juge et sauve. ⁂ Rien de plus pa
1084
nnant, pour qui vient de lire les Löwensköld, que
de
retrouver dans les souvenirs publiés sous le titre de Morbacka les or
1085
etrouver dans les souvenirs publiés sous le titre
de
Morbacka les origines biographiques, les sources vives de ce jailliss
1086
cka les origines biographiques, les sources vives
de
ce jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie d
1087
graphiques, les sources vives de ce jaillissement
d’
inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie de scènes mineures de
1088
’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie
de
scènes mineures des grands romans de Lagerlöf. On y admire, appliquée
1089
e anthologie de scènes mineures des grands romans
de
Lagerlöf. On y admire, appliquées au réel, toutes les vertus subtiles
1090
l, toutes les vertus subtiles, tout le « métier »
de
l’écrivain : cette façon de ne pas insister, de laisser le lecteur se
1091
s, tout le « métier » de l’écrivain : cette façon
de
ne pas insister, de laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette mal
1092
» de l’écrivain : cette façon de ne pas insister,
de
laisser le lecteur seul avec l’émotion, cette malice cordiale, cette
1093
iale, cette variété et, à la fois, cette économie
de
moyens. On y retrouve aussi, décrits l’un après l’autre, tous les élé
1094
e le rythme, c’est-à-dire la part libre du génie,
de
l’imagination fabulatrice. Et c’est là que je vois le très grand inté
1095
ce. Et c’est là que je vois le très grand intérêt
de
ces souvenirs — dont le charme, d’ailleurs, suffirait bien à nous ret
1096
ffirait bien à nous retenir : ils nous permettent
de
mesurer d’un seul coup d’œil l’apport proprement artistique, la créat
1097
r : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup
d’
œil l’apport proprement artistique, la création, le don au double sens
1098
tique, la création, le don au double sens du mot,
de
l’auteur du triptyque des Löwensköld. Il faut avouer que le milieu où
1099
r plus qu’aucun autre le déploiement des pouvoirs
de
la fable. Ces presbytères campagnards — que de pasteurs dans la famil
1100
rs de la fable. Ces presbytères campagnards — que
de
pasteurs dans la famille des romanciers du Nord ! — environnés de pay
1101
la famille des romanciers du Nord ! — environnés
de
paysages de rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutu
1102
des romanciers du Nord ! — environnés de paysages
de
rêve, de superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucemen
1103
ciers du Nord ! — environnés de paysages de rêve,
de
superstitions folles, de folles vertus, de coutumes doucement tyranni
1104
nés de paysages de rêve, de superstitions folles,
de
folles vertus, de coutumes doucement tyranniques, tout cela semble di
1105
rêve, de superstitions folles, de folles vertus,
de
coutumes doucement tyranniques, tout cela semble disposé pour que se
1106
ages. Considérez ces trois facteurs dans le roman
de
la grande époque (xixe siècle) et voyez si leur décadence ne suffit
1107
mêmes traducteurs. (Stock.) s. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, conteur de légende », Les Nouvelles
1108
enis de, « [Compte rendu] Selma Lagerlöf, conteur
de
légende », Les Nouvelles littéraires, Paris, 3 juillet 1937, p. 8. t
1109
. t. Rougemont en fait la recension dans la NRF
de
novembre 1937.
1110
t (12 février 1939)u v Avec l’audace souriante
de
ces guides helvétiques qui mènent au bord du précipice le touriste st
1111
ées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci
de
l’actualité et le goût des questions sociales à la lucidité sensible
1112
oût des questions sociales à la lucidité sensible
d’
un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l
1113
sociales à la lucidité sensible d’un compatriote
d’
Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un des principau
1114
solide. Il est l’un des principaux collaborateurs
de
la revue Esprit , écrit dans plusieurs revues des articles qui ne so
1115
rents. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique
de
la vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allem
1116
al, la rubrique de la vie protestante. Ayant fait
de
solides études à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans une ville
1117
universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal
d’
Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est un des témoignages les
1118
aucoup de Français notre province : il a séjourné
de
longs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’un intellectuel
1119
ongs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal
d’
un intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la d
1120
n Journal d’un intellectuel en chômage témoigne
de
la curiosité, et aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de
1121
el en chômage témoigne de la curiosité, et aussi
de
la discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de
1122
aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce
de
dégager l’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas
1123
ec laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète
de
nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’a pas b
1124
ime pas les villes, il n’a pas besoin pour écrire
de
ces conversations, de ces échanges qui stimulent tant d’écrivains, et
1125
n’a pas besoin pour écrire de ces conversations,
de
ces échanges qui stimulent tant d’écrivains, et leur tiennent souvent
1126
conversations, de ces échanges qui stimulent tant
d’
écrivains, et leur tiennent souvent lieu de vie intérieure. Il me reço
1127
t tant d’écrivains, et leur tiennent souvent lieu
de
vie intérieure. Il me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à L
1128
eu de vie intérieure. Il me reçoit dans la maison
de
M. Charles Du Bos, à La Celle-Saint-Cloud, maison simple, sans austér
1129
t quand je lui parle du petit scandale que risque
de
provoquer son dernier livre : n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’
1130
istan et Iseut, les amants légendaires, les héros
de
la passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire mon livr
1131
ne peuvent plus se supporter au bout de trois ans
de
vie commune dans la forêt et qui, Tristan ayant épousé Iseut aux blan
1132
où la mort le défigure déjà… tout cela est rempli
de
bizarreries, de contradictions, pressenties au siècle dernier, mais d
1133
figure déjà… tout cela est rempli de bizarreries,
de
contradictions, pressenties au siècle dernier, mais dont personne n’a
1134
ser une explication. J’ai beaucoup réfléchi avant
d’
arriver à cette conviction, que je suis prêt à défendre : ce que Trist
1135
e : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fait
d’
aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répét
1136
ique une subtilité, des raffinements, une absence
de
sensualité qui s’opposaient aux mœurs de l’époque. Qui s’opposait sur
1137
absence de sensualité qui s’opposaient aux mœurs
de
l’époque. Qui s’opposait surtout, complète Denis de Rougemont, à la c
1138
senti le danger, puisqu’elle a développé le culte
de
Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame » des troubadours. Cet
1139
ppé le culte de Notre-Dame pour répondre au culte
de
la « Dame » des troubadours. Cet amour courtois ne fleurit que parmi
1140
leurit que parmi les obstacles, exclut toute idée
de
progéniture, de famille ; il va contre les appétits de l’homme et les
1141
les obstacles, exclut toute idée de progéniture,
de
famille ; il va contre les appétits de l’homme et les directives de l
1142
ogéniture, de famille ; il va contre les appétits
de
l’homme et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de
1143
contre les appétits de l’homme et les directives
de
l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi tou
1144
rectives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins
de
vingt ans, dominer ainsi toute la littérature ? Beaucoup d’historiens
1145
ns, dominer ainsi toute la littérature ? Beaucoup
d’
historiens, d’érudits, se sont posé la question sans pouvoir la résoud
1146
nsi toute la littérature ? Beaucoup d’historiens,
d’
érudits, se sont posé la question sans pouvoir la résoudre. Pour moi,
1147
bigeois réprima sans l’anéantir, eut des millions
de
partisans. Venue de Macédoine, elle gagna la France par le Piémont. L
1148
e par le Piémont. Les cathares rejettent le dogme
de
l’incarnation, se fondent sur une interprétation purement spiritualis
1149
Saint-Esprit la Mère de Dieu, le principe féminin
de
l’amour. En embrassant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’il é
1150
phyte s’engageait, s’il était marié, à s’abstenir
de
tout contact avec sa femme. Les cathares admettaient le suicide. Glor
1151
es cathares admettaient le suicide. Glorification
de
l’esprit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que
1152
admettaient le suicide. Glorification de l’esprit
d’
amour, chasteté et mépris de la chair, goût de la mort que l’on préfèr
1153
ification de l’esprit d’amour, chasteté et mépris
de
la chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, pro
1154
rit d’amour, chasteté et mépris de la chair, goût
de
la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles
1155
chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens
de
ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons la religion cathare,
1156
que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion
de
symboles… Nous retrouvons la religion cathare, telle que les procès d
1157
rouvons la religion cathare, telle que les procès
de
l’Inquisition permettent de la connaître, tous les thèmes des troubad
1158
telle que les procès de l’Inquisition permettent
de
la connaître, tous les thèmes des troubadours, développés avec un lyr
1159
t nombreux, et qui adoptaient cette hérésie avec
d’
autant plus d’enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de l’autorité
1160
qui adoptaient cette hérésie avec d’autant plus
d’
enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux de l’autorité temporelle ex
1161
plus d’enthousiasme qu’ils étaient souvent jaloux
de
l’autorité temporelle exercée par le clergé. Donc l’amour-passion ser
1162
littérature, reprend Denis de Rougemont. Le mythe
de
Tristan et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle,
1163
, la femme et l’amant, qui est le sujet essentiel
de
toute la littérature occidentale, n’a surgi dans la littérature orien
1164
urit avec malice : Les philologues ont un respect
de
la lettre qui leur cache parfois le sens profond des textes… Ils répu
1165
hodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût
de
la mort que l’on retrouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan
1166
ues courtois, goût qui n’est autre que l’instinct
de
la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le statut du maria
1167
chit : Non, je crois que nous sommes à une époque
de
transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est encore lui
1168
s à une époque de transition, que ce mythe risque
de
disparaître. Mais c’est encore lui qui pèse sur toute la crise du mar
1169
Comment cela ? C’est très simple. Nous souffrons
d’
avoir été élevés dans une double contradiction. Romans, poèmes, musiqu
1170
us montre le mariage comme le fondement essentiel
de
notre société. Mais la passion, par définition, reste extérieure au m
1171
reste extérieure au mariage, puisqu’elle a besoin
d’
obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la
1172
e résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue
de
la vie conjugale, la passion se réfugie dans l’adultère. Maris et fem
1173
réfugie dans l’adultère. Maris et femmes, chacun
de
leur côté, rêvent de l’aventure qui leur apparaît comme la seule évas
1174
ère. Maris et femmes, chacun de leur côté, rêvent
de
l’aventure qui leur apparaît comme la seule évasion. Croyez-vous que
1175
roblème du mariage. Croyez-vous que les problèmes
de
la vie sentimentale et sexuelle puissent trouver une solution nouvell
1176
une solution : le mariage chrétien, mais présenté
d’
une manière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’en faire un acte raiso
1177
ui me paraît en même temps le véritable fondement
de
la personnalité. Mais pour moi cette fidélité doit être observée en v
1178
assion, mais s’en distingue par un refus constant
de
subir ses rêves, par une constante prise sur le réel. Elle reste une
1179
obre et la plus quotidienne. Votre réhabilitation
de
la fidélité, si conforme à la conception chrétienne du mariage, supp
1180
les femmes, qui doivent être sans cesse capables
de
se renouveler, un ensemble de vertus solides et de qualités agréable
1181
sans cesse capables de se renouveler, un ensemble
de
vertus solides et de qualités agréables assez difficiles à concilier
1182
e se renouveler, un ensemble de vertus solides et
de
qualités agréables assez difficiles à concilier. Je le sais, je suis
1183
tre tout de suite. J’ai aussi terminé deux livres
d’
essais : Doctrine fabuleuse et Les Personnages du dram e. Et en ce
1184
évolution. Mais je l’ai un peu délaissé au profit
d’
un drame que j’écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en sc
1185
u profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition
de
Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse, le bienheureux Nicol
1186
ta sa grotte, et rétablit la paix par le covenant
de
1481. Puis il se retourna dans son ermitage et y mourut. C’est un bea
1187
beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique
d’
Honegger, sera représenté dans un théâtre en plein air, devant cinq ou
1188
ix-mille spectateurs. La scène aura trente mètres
de
large, et trois étages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris d
1189
riosité les réactions que vont susciter certaines
de
ses théories un peu révolutionnaires. Il sourit avant de répondre, pu
1190
mon livre, paru il y a huit jours, m’a déjà valu
de
nombreuses lettres d’hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés
1191
a huit jours, m’a déjà valu de nombreuses lettres
d’
hommes et de femmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent que mo
1192
, m’a déjà valu de nombreuses lettres d’hommes et
de
femmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent que mon livre les
1193
sent que mon livre les aide à comprendre la cause
de
leur désarroi, qu’ils savent mieux maintenant comment ils pourraient
1194
chrétien, la véritable intelligence, n’est-ce pas
de
voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis
1195
le intelligence, n’est-ce pas de voir les limites
d’
où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis de, « [Entretien] N
1196
ù l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas », Les Nouvelles
1197
Pour beaucoup, Denis de Rougemont est l’auteur
d’
une thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident et dans laq
1198
cident et dans laquelle il démontrait que l’idée
de
passion amoureuse trouvait ses origines dans la poésie cathare. Pour
1199
igines dans la poésie cathare. Pour les disciples
d’
Emmanuel Mounier, il est surtout le philosophe de Politique de la per
1200
d’Emmanuel Mounier, il est surtout le philosophe
de
Politique de la personne . Pour quelques autres, il est l’écrivain q
1201
unier, il est surtout le philosophe de Politique
de
la personne . Pour quelques autres, il est l’écrivain qui a le mieux
1202
in qui a le mieux analysé la résistible ascension
d’
Adolf Hitler (dans Journal d’Allemagne et Journal des deux mondes
1203
ésistible ascension d’Adolf Hitler (dans Journal
d’
Allemagne et Journal des deux mondes notamment). Pour les mélomanes
1204
notamment). Pour les mélomanes, il est le poète
de
Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Pour tous enfin, i
1205
ine dernière, le lauréat du Grand Prix littéraire
de
Monaco. Mais qui est en réalité Denis de Rougemont ? On a dit beaucou
1206
p plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont
de
commenter librement et, au besoin, de rectifier ce que je me proposai
1207
e Rougemont de commenter librement et, au besoin,
de
rectifier ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’a donn
1208
t, au besoin, de rectifier ce que je me proposais
d’
écrire sur lui. Voici ce qu’a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuch
1209
châtel, Denis de Rougemont est un écrivain suisse
d’
expression française… Je déteste cette formule ! Elle me fait penser à
1210
e cette formule ! Elle me fait penser à une sorte
d’
animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréhensible, et c
1211
ensible, et choisirait, quand il ouvre la bouche,
de
s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je sui
1212
in français, un point c’est tout. Il est l’auteur
d’
un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’es
1213
t c’est tout. Il est l’auteur d’un certain nombre
d’
ouvrages qui, tenant à la fois du journal, de l’essai, de la polémique
1214
mbre d’ouvrages qui, tenant à la fois du journal,
de
l’essai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre
1215
ges qui, tenant à la fois du journal, de l’essai,
de
la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire p
1216
tiquette, disons que je suis un essayiste, espèce
d’
écrivain de plus en plus répandue de nos jours. Montesquieu, Pascal ét
1217
yiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue
de
nos jours. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas q
1218
rer à eux, mais la forme est la même : un mélange
d’
idées pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis
1219
la forme est la même : un mélange d’idées pures,
de
poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont p
1220
st la même : un mélange d’idées pures, de poésie,
de
descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, a
1221
ange d’idées pures, de poésie, de descriptions et
d’
anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés d’Emmanuel
1222
En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés
d’
Emmanuel Mounier, à la fondation de deux revues personnalistes : L’Ord
1223
ipe, aux côtés d’Emmanuel Mounier, à la fondation
de
deux revues personnalistes : L’Ordre nouveau et Esprit. C’est à cette
1224
raliste ». … illustrée par son livre : Politique
de
la personne . Politique de la personne était un manifeste qui décl
1225
n livre : Politique de la personne . Politique
de
la personne était un manifeste qui déclencha une polémique à laquell
1226
ividu refermé sur lui-même ni la minuscule partie
d’
une masse, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre et responsa
1227
la fois libre et responsable. Il y a une vocation
de
la personne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme et le relie à
1228
ù il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion
de
l’homme que je place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fai
1229
ans cette notion de l’homme que je place le point
d’
insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines providenti
1230
tion de l’homme que je place le point d’insertion
de
Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines providentialistes qui
1231
t opposé aux doctrines providentialistes qui font
de
Dieu un Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’hom
1232
s qui font de Dieu un Jéhovah jugeant et agissant
de
l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’U
1233
mme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université
de
Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvai
1234
sans activité à Paris, où j’écrivais le Journal
d’
un intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de
1235
chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit
de
passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pe
1236
e en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre
de
notre régime, allez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à une
1237
de plus près. » J’acceptai à une condition, celle
d’
écrire en rentrant exactement ce que je pensais du nazisme. J’en ai ef
1238
nt pensé et dit beaucoup de mal dans mon Journal
d’
Allemagne , paru en 1938. J’eus d’ailleurs d’autres démêlés avec les a
1239
andes, quand j’écrivis un article dans la Gazette
de
Lausanne sur l’entrée de Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent
1240
article dans la Gazette de Lausanne sur l’entrée
de
Hitler dans Paris. Les Allemands demandèrent que je sois puni et j’ai
1241
dèrent que je sois puni et j’ai reçu quinze jours
de
prison militaire sous le prétexte qu’un officier neutre n’a pas le dr
1242
e prétexte qu’un officier neutre n’a pas le droit
d’
outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est e
1243
pas le droit d’outrager un chef d’État étranger !
De
Suisse, Denis de Rougemont est envoyé en Amérique où il passera six a
1244
New York, je rédigeais les émissions en français
de
« La Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, don
1245
rédigeais les émissions en français de « La Voix
de
l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de speakers, dont faisaient p
1246
a Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes
de
speakers, dont faisaient partie André Breton, Marcel Ozenfant, un fil
1247
tait des textes. Je fis également la connaissance
de
Saint-John Perse et du peintre Marcel Duchamp, qui réalisa une extrao
1248
aordinaire vitrine surréaliste dans une librairie
de
la 5e Avenue pour l’exposition de mon livre : La Part du diable . Re
1249
s une librairie de la 5e Avenue pour l’exposition
de
mon livre : La Part du diable . Rentré en Europe en 1946, Denis de R
1250
et président du Congrès européen pour la liberté
de
la culturey, son activité se situera désormais sur deux plans : l’écr
1251
eux plans : l’écrivain d’une part, le fédéralisme
de
l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’y a jamais eu chez moi (
1252
Je suis passé tout naturellement et sans rupture
de
ma définition de la « personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, v
1253
ut naturellement et sans rupture de ma définition
de
la « personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, do
1254
i n’est que la transposition à une échelle géante
de
la Confédération helvétique. Je ne souhaite en effet ni une aggloméra
1255
que. Je ne souhaite en effet ni une agglomération
d’
États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des État
1256
ial ni une Europe des États, mais une association
de
républiques autonomes, libres de leur gestion intérieure et responsab
1257
une association de républiques autonomes, libres
de
leur gestion intérieure et responsables les unes des autres devant le
1258
le danger commun. Nous serions ainsi 350 millions
d’
Européens solidaires, ce qui représente presque autant que les populat
1259
sque autant que les populations des États-Unis et
de
l’URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnalisme et fédéralism
1260
mains du Prince Rainier le Grand Prix littéraire
de
Monaco. Selon la formule consacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix
1261
Monaco. Selon la formule consacrée, je suis ravi
d’
avoir reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je viens en ef
1262
ré une petite ombre au tableau. Je viens en effet
d’
apprendre que je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami
1263
e propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet
de
son Rhinocéros ? Dans mon Journal d’Allemagne , c’est lui-même qui m
1264
vé le sujet de son Rhinocéros ? Dans mon Journal
d’
Allemagne , c’est lui-même qui me l’a dit. w. Rougemont Denis de, «
1265
st lui-même qui me l’a dit. w. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] Mais qui est donc Denis de Rougemont ? », Les Nouvelle
1266
e à partir de 1950, et le Congrès pour la liberté
de
la culture, dans lequel Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont i
1267
l ne fut « que » le président du comité exécutif,
de
1951 à 1966.
1268
Les prophètes
de
la décadence (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle a vu la civili
1269
, le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes
de
la décadence européenne : et ils sont tous, ou presque tous, Européen
1270
ne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler
de
notre éclipse. Au lendemain de la Première Guerre mondiale déclenchée
1271
fèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain
de
la Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Va
1272
Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient
de
beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu d
1273
étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale
de
ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existe
1274
ais France, Angleterre, Russie, ce seraient aussi
de
beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenan
1275
n beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme
de
l’Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une ci
1276
vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres
de
Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
1277
ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles
de
Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
1278
eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres
de
Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
1279
ncevables : elles sont dans les journaux. L’écho
de
cette page fut immense et je sais peu de phrases plus fréquemment cit
1280
, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres
de
l’époque. Mais comment expliquer son succès ? Observons tout d’abord
1281
lle résume et condense une assez longue tradition
de
pessimisme européen. Dès 1971, Volney, méditant sur la mort des civil
1282
: Que sont devenues tant de brillantes créations
de
la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de
1283
devenues tant de brillantes créations de la main
de
l’homme ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone,
1284
de la main de l’homme ? Où sont-ils, ces remparts
de
Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai
1285
e ? Où sont-ils, ces remparts de Ninive, ces murs
de
Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qu
1286
parts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais
de
Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de t
1287
élas, j’ai visité les lieux qui furent le théâtre
de
tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait
1288
ndon et que solitude… Qui sait si sur les rivages
de
la Seine, de la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme
1289
olitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine,
de
la Tamise ou du Zuydersee… qui sait si un voyageur comme moi ne s’ass
1290
n voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur
de
muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuple
1291
solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire
de
leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus tard, Hegel introduisait
1292
s et la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine
d’
armées plus tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple est « un
1293
ue chaque peuple est « un individu dans la marche
de
l’histoire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de c
1294
qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi
de
croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’aill
1295
nc, comme tout individu, à une loi de croissance,
d’
épanouissement et de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civ
1296
idu, à une loi de croissance, d’épanouissement et
de
déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civilisation européenne
1297
ation européenne marquait l’aboutissement suprême
de
l’Histoire. Mais si l’on appliquait sa dialectique aux civilisations,
1298
civilisations, on en venait à penser que chacune
d’
elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée
1299
t fatalement décliner et mourir après une période
d’
apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus l
1300
e culture est mortelle, et l’on rejoint la phrase
de
Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admirable pour embrasser l’
1301
é jusqu’ici, les lois complexes, mais constantes,
de
leur genèse, de leur croissance et de leur dissolution inévitable. Ce
1302
lois complexes, mais constantes, de leur genèse,
de
leur croissance et de leur dissolution inévitable. Ces historiens et
1303
constantes, de leur genèse, de leur croissance et
de
leur dissolution inévitable. Ces historiens et philosophes, armés d’u
1304
inévitable. Ces historiens et philosophes, armés
d’
une vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que
1305
et philosophes, armés d’une vaste érudition, ont
d’
autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignen
1306
, armés d’une vaste érudition, ont d’autant moins
de
peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignent, par leurs co
1307
onclusions, notre angoisse quant à l’état présent
de
l’Europe dans le monde, et que, d’autre part, les plus grands esprits
1308
us grands esprits du siècle précédent n’ont cessé
d’
annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de
1309
t cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu
de
nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
1310
trophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe :
de
Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burc
1311
pe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski,
de
Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, t
1312
Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et
de
Donoso Cortès à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les mo
1313
Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les motifs
de
craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédicti
1314
agne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés
d’
avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines de l’Empire austro-ho
1315
’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ruines
de
l’Empire austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchir
1316
voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte
de
sa longue royauté mondiale. Déjà le communisme lui dispute, non seule
1317
on seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux
d’
une partie de sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de
1318
en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie
de
sa propre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau de la civilisat
1319
yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle
de
porteur du « flambeau de la civilisation ». La Seconde Guerre mondial
1320
ropre jeunesse, son rôle de porteur du « flambeau
de
la civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née de cette crise int
1321
a civilisation ». La Seconde Guerre mondiale, née
de
cette crise interne, va précipiter l’écroulement de l’hégémonie polit
1322
cette crise interne, va précipiter l’écroulement
de
l’hégémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines
1323
précipiter l’écroulement de l’hégémonie politique
de
l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus,
1324
es peuples émancipés proclament déjà leur volonté
de
retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que
1325
Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le droit
de
parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ?
1326
ait-il de plus, pour qu’on ait le droit de parler
d’
une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de
1327
our qu’on ait le droit de parler d’une éclipse ou
d’
une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulo
1328
de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible
de
notre civilisation ? Avant de répondre, formulons deux remarques dict
1329
pas toujours et nécessairement liée à la vitalité
d’
une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut être per
1330
s les cultures dans tous les temps. Les prophètes
de
la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient
1331
ans tous les temps. Les prophètes de la décadence
de
l’Occident, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précéden
1332
Valéry et Toynbee, se fondaient sur le précédent
de
civilisations antiques aujourd’hui « disparues », et particulièrement
1333
sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui
de
la chute de Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la
1334
e le mieux connu des Européens, celui de la chute
de
Rome, qui est censée avoir entraîné la disparition de la civilisation
1335
ome, qui est censée avoir entraîné la disparition
de
la civilisation gréco-romaine dans la partie occidentale de l’Empire.
1336
lisation gréco-romaine dans la partie occidentale
de
l’Empire. L’exemple est-il valable pour l’Europe ? La civilisation eu
1337
omparable, et même tout à fait différent à partir
d’
un certain moment, d’un certain seuil… Les civilisations antiques de l
1338
ut à fait différent à partir d’un certain moment,
d’
un certain seuil… Les civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons,
1339
t, d’un certain seuil… Les civilisations antiques
de
l’Égypte des Pharaons, de Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, f
1340
civilisations antiques de l’Égypte des Pharaons,
de
Sumer, de l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité origin
1341
ions antiques de l’Égypte des Pharaons, de Sumer,
de
l’Inde védantique ou des Mayas, fondaient leur unité originelle sur u
1342
unique, le Sacré. Les civilisations totalitaires
d’
aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité d’une doctrine
1343
rd’hui, URSS ou Chine de Mao, tiennent leur unité
d’
une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux
1344
ée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes
de
cultures homogènes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous
1345
tures homogènes, uniformes et sacrées, la culture
de
l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et pr
1346
n européenne s’est trouvée fondée sur une culture
de
dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a
1347
est trouvée fondée sur une culture de dialogue et
de
contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu,
1348
a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie
d’
unité des esprits et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous s
1349
moins violents que ceux que nous vivons. L’unité
de
notre culture et de la civilisation créée par cette culture n’a jamai
1350
ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et
de
la civilisation créée par cette culture n’a jamais été autre chose qu
1351
e consistant dans la seule volonté commune à tous
de
refuser l’uniformité. Où sont les candidats à la relève ? Aux pr
1352
sont les candidats à la relève ? Aux prophètes
de
la décadence européenne, j’opposerai trois raisons majeures d’espérer
1353
ce européenne, j’opposerai trois raisons majeures
d’
espérer, c’est-à-dire d’agir pour l’Europe. Première raison : La civil
1354
ai trois raisons majeures d’espérer, c’est-à-dire
d’
agir pour l’Europe. Première raison : La civilisation européenne est l
1355
enue universelle. Bien d’autres avaient cru cela
d’
elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, mais cette erreur ne
1356
ok suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri
de
ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons
1357
aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre
d’
illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nou
1358
rique imitent nos villes modernes, leurs procédés
de
construction, leurs rues, leurs places, et leurs mairies, leurs hôpit
1359
hôtels et leurs journaux, et même leurs embarras
de
circulation. Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos par
1360
s nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement
d’
imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment
1361
Nous avons vu que la civilisation européenne, née
de
la confluence des sources les plus diverses, se distinguait par là de
1362
sources les plus diverses, se distinguait par là
de
toutes les autres, monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi elle s’
1363
s vu aussi que l’Europe envoie dans le monde plus
de
machines et d’assistants techniques que de livres et de missionnaires
1364
l’Europe envoie dans le monde plus de machines et
d’
assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est la
1365
e plus de machines et d’assistants techniques que
de
livres et de missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, et d
1366
hines et d’assistants techniques que de livres et
de
missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, et détachée du ch
1367
risée, et détachée du christianisme qui contribua
de
tant de manières à la former. Par là même — et c’est bien son drame,
1368
st bien son drame, en même temps que la condition
de
son « succès » le plus visible — elle s’est rendue plus transportable
1369
devenir universelle qu’en vertu de quelque chose
de
très fondamental qui l’y prédisposait dès l’origine : j’entends la cr
1370
entends la croyance chrétienne en la valeur égale
de
tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation, sa couleur ou sa r
1371
eur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien
de
tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant de la vallée et du delt
1372
royait rien de tel. Le mot homme y était synonyme
d’
habitant de la vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent
1373
de tel. Le mot homme y était synonyme d’habitant
de
la vallée et du delta du Nil, il y avait un mot différent pour désign
1374
s également, il existait deux espèces différentes
de
bipèdes verticaux ; les Grecs ou les Chinois, d’une part, et les barb
1375
demeurer régionales et décliner dans les limites
de
leur empire. En revanche, la conception chrétienne exprimée par saint
1376
res, ni hommes ni femmes, car vous êtes tous fils
de
Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait
1377
ule permettre à ceux qu’elle formerait intimement
de
considérer tous les hommes comme dignes et capables, un jour ou l’aut
1378
mes comme dignes et capables, un jour ou l’autre,
de
participer pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant que c’est f
1379
ation européenne a créé les conditions techniques
de
sa conservation et de sa transmission aux âges futurs, en même temps
1380
é les conditions techniques de sa conservation et
de
sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrait e
1381
faisait revivre des cultures disparues ou en voie
d’
extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui enverraient
1382
ue « les circonstances qui enverraient les œuvres
de
Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
1383
ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles
de
Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
1384
eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres
de
Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
1385
on a retrouvé — et même joué — plusieurs comédies
de
Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et de Paul Valé
1386
plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres
de
Keats et de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans
1387
omédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats et
de
Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde ent
1388
e. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire, et
de
Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistrées
1389
bandes et sur microsillons, elles sont en mesure
de
résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascaux, les sta
1390
résister au temps beaucoup mieux que les fresques
de
Lascaux, les statues grecques et les temples des Pharaons menacés par
1391
et les temples des Pharaons menacés par les eaux
d’
un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très var
1392
. Certes, plusieurs ont disparu sans nous laisser
d’
autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ainsi celle des
1393
ans nous laisser d’autre héritage actif que celui
de
leurs œuvres d’art : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de no
1394
et des Aztèques. Mais les civilisations anciennes
de
l’Égypte et du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine
1395
et le laboratoire européens, pour être diffusées
de
nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup que leurs riva
1396
ées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut
de
beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées, aien
1397
s, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois
de
Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancie
1398
onnu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos,
de
Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la
1399
fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et
de
Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce so
1400
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues
de
la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue e
1401
nos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et
de
l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitude
1402
Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code
de
Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits
1403
les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien,
d’
où dérivent l’Habeas Corpus et la Déclaration des droits de l’homme, q
1404
euples du tiers-monde à peine moins que pour ceux
de
l’OTAN, la dignité de la personne humaine et les fondements de tout p
1405
à peine moins que pour ceux de l’OTAN, la dignité
de
la personne humaine et les fondements de tout progrès social ; et non
1406
dignité de la personne humaine et les fondements
de
tout progrès social ; et non pas le système des castes, ni le mandari
1407
t non sans drôlerie à propos de la fameuse phrase
de
Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pour
1408
e dire, car il n’en saurait rien. » Et il propose
de
corriger comme suit le passage que j’ai cité : « Nous autres civilisa
1409
civilisations qu’on croyait endormies sont tirées
de
l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et de my
1410
es sont tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant
d’
écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés
1411
l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques
de
sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jou
1412
siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse et
de
mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouve
1413
t de mystiques voient leurs livres sacrés publiés
de
nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des et
1414
ait des ethnographes, archéologues et philosophes
de
l’Europe, qui poursuivent l’inventaire mondial initié à la Renaissanc
1415
ndial initié à la Renaissance par nos découvreurs
de
l’espace et du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas
1416
sance par nos découvreurs de l’espace et du temps
de
l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à
1417
de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas
de
candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale. No
1418
: On ne voit pas de candidats sérieux à la relève
d’
une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances
1419
enue mondiale. Nous connaissons les circonstances
de
la chute de celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catas
1420
e. Nous connaissons les circonstances de la chute
de
celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catastrophe natur
1421
vaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression
d’
une civilisation rivale, plus primitive et plus brutale, Doriens détrô
1422
e et l’Ibérie romaines, ou les quelques centaines
d’
Espagnols s’emparant de l’empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous
1423
ou les quelques centaines d’Espagnols s’emparant
de
l’empire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas de civilisatio
1424
ire des Aztèques. Il s’agissait dans tous ces cas
de
civilisations locales, entourées de « barbares » mal connus. Les cand
1425
tous ces cas de civilisations locales, entourées
de
« barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux.
1426
oblitération ou simplement la reprise des charges
de
notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les États-Unis
1427
rges de notre civilisation, avec quelques chances
de
succès ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés de la substanc
1428
s ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils sont nés
de
la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser par la c
1429
dira-t-on. Mais ils sont nés de la substance même
de
l’Europe, et je les vois s’européaniser par la culture plus profondém
1430
? Est-elle une autre civilisation ? Lénine disait
de
sa Révolution : « C’est le marxisme plus l’électricité. » Or, le marx
1431
artie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et
de
l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie et la
1432
sme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour
d’
un débat séculaire entre la théologie et la philosophie, au moment où
1433
es qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe
de
forces spirituelles, morales et matérielles plus spécifiquement europ
1434
t le pays, le communisme a renouvelé l’entreprise
de
Pierre le Grand : il a pour la seconde fois européanisé la Russie. Et
1435
sie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée
d’
aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’est l’URSS
1436
introduit dans l’Empire emmuré ce nouveau cheval
de
Troie occidental : la technique, et tout ce qu’elle entraîne dans les
1437
t ce qu’elle entraîne dans les mœurs et les modes
de
penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère
1438
le entraîne dans les mœurs et les modes de penser
d’
une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un
1439
e penser d’une nation. Le fameux « bon en avant »
de
la Chine n’a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers le sociali
1440
sme, inventés par l’Europe et parties intégrantes
de
sa culture. Quant à l’Afrique, observons simplement que son émancipat
1441
n actuelle ne consiste nullement dans l’avènement
d’
une civilisation originale, ou de quelque néo-tribalisme, mais au cont
1442
dans l’avènement d’une civilisation originale, ou
de
quelque néo-tribalisme, mais au contraire dans l’adoption bien trop r
1443
raire dans l’adoption bien trop rapide des formes
de
vie politique, sociale et économique, élaborées par l’Europe moderne.
1444
e du Sud, sous-développée, courir après l’exemple
de
la Chine, qui essaie d’imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Am
1445
e, courir après l’exemple de la Chine, qui essaie
d’
imiter la Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui est une inve
1446
veut rejoindre l’Amérique, qui est une invention
de
l’Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes de la décadence
1447
une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis
de
, « Les prophètes de la décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris,
1448
urope… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes
de
la décadence », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 septembre 1970,
1449
incu et militant est Denis de Rougemont. L’auteur
de
L’Amour et l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occi
1450
L’Amour et l’Occident , Penser avec les mains ,
de
L’Aventure occidentale de l’homme , plaide une nouvelle fois pour le
1451
enser avec les mains , de L’Aventure occidentale
de
l’homme , plaide une nouvelle fois pour le Vieux Continent, dont il n
1452
garde, comme on va le voir, contre les prophètes
de
la décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
1453
ac Denis de Rougemont, les deux grands thèmes
de
votre vie ont été l’Amour et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemo
1454
our et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont
de
ses 17 ans ? Si vous me disiez 17 ans et demi, je vous dirai : l’âge
1455
s me disiez 17 ans et demi, je vous dirai : l’âge
de
mon premier article. J’étais au gymnase de ma ville natale, Neuchâtel
1456
l’âge de mon premier article. J’étais au gymnase
de
ma ville natale, Neuchâtel. Le trait caractéristique de cet endroit o
1457
ville natale, Neuchâtel. Le trait caractéristique
de
cet endroit où je suis né est d’être un carrefour, une petite princip
1458
caractéristique de cet endroit où je suis né est
d’
être un carrefour, une petite principauté placée entre les influences
1459
is que des poèmes, persuadé que toute autre forme
de
littérature était inférieure et méprisable. En même temps je jouais a
1460
même temps je jouais au football. J’étais gardien
de
but. C’était pour moi le poste idéal car le gardien de but n’intervie
1461
t. C’était pour moi le poste idéal car le gardien
de
but n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet de l’effort. Plu
1462
car le gardien de but n’intervient qu’aux moments
de
crises, au sommet de l’effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant
1463
n’intervient qu’aux moments de crises, au sommet
de
l’effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant et Albert Camus avai
1464
erlant et Albert Camus avaient aussi été gardiens
de
but. Comment avez-vous découvert l’Europe ? C’est entre 17 et 25 ans
1465
des troubadours, j’éprouvais un curieux sentiment
de
reconnaissance. Quand je lisais les romans bretons je me sentais curi
1466
dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendance
de
mon père, je m’aperçois qu’à la génération où nous avons 64 ancêtres,
1467
me, il y a 28 Suisses neuchâtelois et 36 ancêtres
de
Normandie ou du Midi, mais aussi quelques Allemands et plusieurs Holl
1468
luences qui se sont exercées sur notre petit coin
de
Suisse romande. Vous avez consacré de nombreuses et passionnantes pag
1469
petit coin de Suisse romande. Vous avez consacré
de
nombreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce que l’amour po
1470
on livre L’Amour et l’Occident . L’amour au sens
de
l’amour-passion que j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose de t
1471
que j’ai décrit dans mon livre fut quelque chose
de
très important dans ma vie. L’opposition entre l’amour-passion et le
1472
r-passion et le mariage est au fond le sujet même
de
ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite
1473
entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite
de
circonstances. La plus ancienne était un numéro de la revue Esprit
1474
e circonstances. La plus ancienne était un numéro
de
la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hui, et qui
1475
paraissait éclatante entre l’amour dans le mythe
de
Tristan et l’amour dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait la c
1476
i un petit livre en deux volets opposant le mythe
de
Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devai
1477
ais lui donner mon livre en février 1938. Le mois
de
février arriva et je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre
1478
écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée
de
Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu d’anxiété. Il me disait : « Vou
1479
ommandée de Daniel-Rops, que j’ouvris avec un peu
d’
anxiété. Il me disait : « Voudriez-vous me rendre un grand service ? A
1480
ous me rendre un grand service ? Accepteriez-vous
de
céder le tour de parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour
1481
grand service ? Accepteriez-vous de céder le tour
de
parution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car j
1482
e ? Accepteriez-vous de céder le tour de parution
de
votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car je dois publi
1483
our de parution de votre manuscrit, que j’attends
d’
un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscr
1484
je dois publier le plus tôt possible le manuscrit
d’
un essai d’une grande actualité intitulé La France et son armée, et do
1485
lier le plus tôt possible le manuscrit d’un essai
d’
une grande actualité intitulé La France et son armée, et dont l’auteur
1486
réface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois
de
travail et toute la vie. J’étais devenu, hélas ! aux yeux de beaucoup
1487
ns dans beaucoup de pays un expert sur les choses
de
l’amour. Quand les gens me rencontraient ils me disaient : « C’est vo
1488
ontraient ils me disaient : « C’est vous l’auteur
de
L’Amour et l’Occident ? Je croyais que vous aviez une grande barbe
1489
e votre livre a transformé ma vie ! »… Cette idée
d’
avoir transformé tant de vies m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de
1490
ant de vies m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché
de
suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient
1491
hé de suivre un peu ce qui se passait dans la vie
de
ces gens qui m’avaient fait des confidences et je me suis aperçu que
1492
er avant de m’avoir lu puis qu’ils avaient décidé
de
ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mai
1493
lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer,
de
s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les
1494
pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie
de
mon livre. Mais voilà que, en les suivant un peu plus longtemps, je m
1495
uand même par divorcer, c’est-à-dire que l’action
de
mon livre était généralement de retarder les divorces de quelques ann
1496
dire que l’action de mon livre était généralement
de
retarder les divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal d
1497
livre était généralement de retarder les divorces
de
quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances, mais peut-
1498
ces de quelques années, ce qui provoquait pas mal
de
souffrances, mais peut-être aussi des prises de conscience fort utile
1499
l de souffrances, mais peut-être aussi des prises
de
conscience fort utiles. Mon premier mariage s’est terminé par un divo
1500
age s’est terminé par un divorce après mes années
d’
Amérique. C’est pourquoi dans la nouvelle édition qui a paru en 1954ae
1501
tre sur le divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé
de
récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Comme toi-même ,
1502
e thème, Comme toi-même , qui est édité en livre
de
poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de
1503
édité en livre de poche sous le titre Les Mythes
de
l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais
1504
re Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus
de
droits que je ne lui en laissais dans mon premier livre. Que pensez-v
1505
udrait élever les gens dans une méfiance profonde
de
ce que représente la passion. C’est au fond contre la vulgarisation d
1506
n. C’est au fond contre la vulgarisation du mythe
de
Tristan que je m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident , et no
1507
t , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas
de
sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’une des choses
1508
on pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens
de
dire que l’on est contre la passion qui est l’une des choses glorieus
1509
emment parce que l’on sait que c’est la condition
de
réussite de quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la
1510
que l’on sait que c’est la condition de réussite
de
quelque chose de durable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, c
1511
e c’est la condition de réussite de quelque chose
de
durable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au no
1512
omme certains l’ont cru, mais au nom d’une morale
d’
artiste. Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce q
1513
e d’artiste. Tout homme est amené à être créateur
d’
une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pens
1514
amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce que
de
soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus
1515
d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout
de
son couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus belle. Et la passion ?
1516
s pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à
de
très rares personnes qui seront probablement le sel de la terre ou qu
1517
ès rares personnes qui seront probablement le sel
de
la terre ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe
1518
à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré
de
frontières… Un jour j’ai passé la frontière avec Robert Schuman en vo
1519
: « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait
d’
être obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour la fronti
1520
c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’être obligé
de
passer une et souvent plusieurs fois par jour la frontière est bien f
1521
le cordon douanier derrière le Jura et faisaient
de
l’ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région na
1522
rrière le Jura et faisaient de l’ensemble du pays
de
Gex, Savoie et Genève, de nouveau une région naturelle comme la géogr
1523
dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce
de
coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de
1524
e. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup
d’
État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de douanier
1525
Poincaré, par une espèce de coup d’État, a décidé
de
porter à la frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résu
1526
écidé de porter à la frontière politique sa ligne
de
douaniers et il en a résulté que dans la région que j’habite, qui est
1527
» Denis de Rougemont, quelle est votre définition
de
la gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est l
1528
ssement. C’est un triomphal accord clamé à la fin
de
la IXe Symphonie, c’est quelque chose que probablement tout homme a s
1529
que probablement tout homme a senti dans le fond
de
soi-même comme l’achèvement. Cela n’a rien à voir avec la publicité.
1530
e secret. Je crois beaucoup à une notion secrète
de
la gloire. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’est pas do
1531
’est pas donnée par le succès. C’est un sentiment
d’
épanouissement suprême, une floraison dans le ciel accompagnée d’une g
1532
t suprême, une floraison dans le ciel accompagnée
d’
une grande euphorie et d’un grand bonheur. Et votre définition de la m
1533
dans le ciel accompagnée d’une grande euphorie et
d’
un grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouvait
1534
phorie et d’un grand bonheur. Et votre définition
de
la mort ? Si un homme pouvait penser complètement la mort, il mourrai
1535
rien dire. J’ai des idées folles, comme beaucoup
d’
hommes, sur la mort, sur la chronologie, si vous voulez. Je pense que
1536
et que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que
de
me demander ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est la
1537
e peux dire quelque chose : c’est un certain laps
de
temps pendant lequel une personne peut se constituer pour essayer de
1538
quel une personne peut se constituer pour essayer
de
découvrir sa vocation. Si elle découvre sa vocation, si elle la réali
1539
nne pas Dieu comme quelque chose dont chacun sait
de
quoi il s’agit, mais que j’insiste pour indiquer que nous nous trouvo
1540
vons devant un problème. J’ai écrit des centaines
de
pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un
1541
nt un problème. J’ai écrit des centaines de pages
de
notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un homme du
1542
sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit
d’
un homme du xxe siècle, moi, par exemple. J’écris généralement quelqu
1543
tout, mon incroyance, ma croyance, ma difficulté
de
croire, mon impossibilité de ne pas croire. Tout cela avec la plus gr
1544
yance, ma difficulté de croire, mon impossibilité
de
ne pas croire. Tout cela avec la plus grande précision dans le détail
1545
essante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’air
de
faire croire aux gens que pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y
1546
Pour être complètement sincère, j’éprouve autant
de
difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas pe
1547
’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas
de
Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’il
1548
est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas
de
sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du t
1549
uis ils finissent par vous faire un petit couplet
de
morale scientifique. On pourrait leur demander : Qu’est-ce que cela v
1550
rquoi ne me comporterais-je pas comme le surhomme
de
Nietzsche ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu’il faut être sociali
1551
ire qu’il faut être socialiste ou qu’il faut être
de
gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au contraire, j’en
1552
alors il y a un sens, il y a quelque chose qui va
d’
un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une
1553
z, je pense que Dieu n’est pas une cause au début
de
tout mais qu’il est une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le
1554
au début de tout mais qu’il est une cause finale
de
l’humanité, qu’il appelle le développement de l’homme. D’autre part,
1555
ale de l’humanité, qu’il appelle le développement
de
l’homme. D’autre part, je crois qu’il y a une grande naïveté à discut
1556
té à discuter sur l’existence ou la non-existence
de
Dieu étant donné que nous savons la place infime que nous tenons dans
1557
t bien ce qu’elle veut dire : comment une cellule
de
notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucu
1558
lule de notre corps pourrait croire à l’existence
de
ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut
1559
à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen
d’
en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près qu’elle fait part
1560
. Elle peut savoir à peu près qu’elle fait partie
d’
un organe, mais elle ne peut pas savoir que cet organe fait partie d’u
1561
lle ne peut pas savoir que cet organe fait partie
d’
un corps. Elle peut donc parfaitement nier l’existence du corps. ab.
1562
nier l’existence du corps. ab. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] L’amour et l’Europe en expert », Les Nouvelles littéra
1563
ens , nous ne trouvons pas seulement confirmation
de
l’idéal de toute sa vie ; les hommes qui demain auront la charge du m
1564
ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal
de
toute sa vie ; les hommes qui demain auront la charge du monde pourro
1565
er tout un programme politique inspiré par l’idée
d’
union fédérale. Denis de Rougemont s’est fait l’apôtre de cette croisa
1566
fédérale. Denis de Rougemont s’est fait l’apôtre
de
cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho
1567
re 1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition
de
L’Amour et l’Occident date en fait de 1956.
1568
me édition de L’Amour et l’Occident date en fait
de
1956.
1569
De
l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’
1570
De l’unité
de
culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’
1571
ion politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité
de
l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des instituti
1572
pour se défendre seule, n’a pas la moindre chance
de
résister d’une part à la colonisation idéologique et militaire par le
1573
e et militaire par les Russes — je songe aux pays
de
l’Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et
1574
e l’Est européen — d’autre part à la colonisation
de
notre économie et de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l
1575
autre part à la colonisation de notre économie et
de
nos coutumes sociales par les Américains. Mais l’Europe ne pourra jam
1576
formule fédéraliste, respectueuse des diversités
de
tous ordres et des autonomies régionales. Une Europe unifiée et unifo
1577
pe unifiée et uniformisée, deux hommes ont essayé
de
la faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas, l’expérience sécula
1578
même temps la seule qui corresponde aux réalités
de
la culture européenne, aux conditions de sa vitalité. Mais l’obstacle
1579
réalités de la culture européenne, aux conditions
de
sa vitalité. Mais l’obstacle majeur que l’on dresse sans relâche cont
1580
ontre toute union fédérale, c’est l’État national
de
type xixe siècle, jacobin et napoléonien, copié par plus de cent pay
1581
e siècle, jacobin et napoléonien, copié par plus
de
cent pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriqu
1582
omenté par la culture. Car ce sont bien des faits
de
culture : l’école, aux trois degrés, la presse, les livres, qui nous
1583
ui nous font croire, depuis plusieurs générations
de
bons élèves et de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État nationa
1584
e, depuis plusieurs générations de bons élèves et
de
maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national centralisé et ab
1585
l’aboutissement nécessaire, inévitable et naturel
de
toute l’évolution humaine. L’école, surtout secondaire, apprend depui
1586
re, apprend depuis un siècle aux jeunes Européens
de
nos divers pays — contre toute évidence historique — que leur nation
1587
immortelle, ce qui suggère qu’elle aurait existé
de
toute éternité ; alors qu’en vérité, pour la plupart, en tant qu’État
1588
t en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans
d’
âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne comptent plusieurs si
1589
et Malte, dix. L’école nous a raconté que chacun
de
nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensembl
1590
ut est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas
de
cultures nationales La culture européenne n’est pas la somme de vi
1591
nales La culture européenne n’est pas la somme
de
vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait bien avant la fo
1592
ant la formation, récente nous venons de le voir,
de
nos États-nations. Le mot nation, natio en latin, désignait au Moyen
1593
n Âge, dans une ville universitaire, les colonies
d’
étudiants venus d’une même région d’Europe et parlant entre eux la mêm
1594
lle universitaire, les colonies d’étudiants venus
d’
une même région d’Europe et parlant entre eux la même langue : nation
1595
les colonies d’étudiants venus d’une même région
d’
Europe et parlant entre eux la même langue : nation anglaise, nation f
1596
de culture commune, bien antérieure à l’idée même
d’
État-nation. Mais dira-t-on, le mot « nation » désignait, dès ce temps
1597
t même langue ? Oui, mais il n’était pas question
de
les enfermer pour autant dans les frontières d’un même État. D’ailleu
1598
n de les enfermer pour autant dans les frontières
d’
un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations mode
1599
nos États-nations modernes correspondent à l’aire
de
diffusion d’une langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’
1600
ions modernes correspondent à l’aire de diffusion
d’
une langue. Prenez la France : on parle huit langues à l’intérieur de
1601
posé comme seule langue officielle dès 1539 par l’
édit
de Villers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer la Wallonie,
1602
comme seule langue officielle dès 1539 par l’édit
de
Villers-Cotterêts. Si la France entendait revendiquer la Wallonie, la
1603
endiquer la Wallonie, la Suisse romande et le Val
d’
Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le
1604
ique, elle devrait s’amputer, pour le même motif,
de
près de la moitié de ses territoires actuels. Prenez la langue allema
1605
amputer, pour le même motif, de près de la moitié
de
ses territoires actuels. Prenez la langue allemande : si elle devait
1606
manique, les Sudètes, les minorités germanophones
de
la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la P
1607
ètes, les minorités germanophones de la Belgique,
de
l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays
1608
orités germanophones de la Belgique, de l’Alsace,
de
la Transylvanie, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de
1609
de la Belgique, de l’Alsace, de la Transylvanie,
de
la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’obje
1610
de l’Alsace, de la Transylvanie, de la Slovénie,
de
la Pologne, des pays baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que
1611
de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes et
de
la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes
1612
ères les unes aux autres, si bien que les Chinois
de
provinces différentes ne peuvent communiquer entre eux qu’au moyen d’
1613
ntes ne peuvent communiquer entre eux qu’au moyen
d’
idéogrammes dessinés dans la paume de leur main, les Européens retrouv
1614
qu’au moyen d’idéogrammes dessinés dans la paume
de
leur main, les Européens retrouvent sans peine dans leurs langues non
1615
gues non seulement les formes et les mots dérivés
de
leur commune origine indo-européenne, mais encore tout ce que leur hi
1616
viennent se superposer les influences dominantes
de
l’italien à la fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’
1617
fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle,
de
l’allemand des philosophes et des savants au xixe , et de l’anglo-amé
1618
emand des philosophes et des savants au xixe , et
de
l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhic
1619
et des savants au xixe , et de l’anglo-américain
de
nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhiculé par l’usage ecclé
1620
de même des termes militaires comme « canon », et
de
tous les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique,
1621
« canon », et de tous les termes techniques. Vues
de
loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent co
1622
, et de tous les termes techniques. Vues de loin,
de
l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des s
1623
les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou
de
l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de
1624
s nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue
de
loin, l’unité culturelle de l’Europe est un fait que personne ne cont
1625
comme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturelle
de
l’Europe est un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affair
1626
française, et elle a triomphé dans l’enseignement
de
la géographie au xixe , là encore contre toute évidence, mais au serv
1627
core contre toute évidence, mais au service dévot
de
l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare l
1628
on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples
de
ses rives, mais que le Rhône les unit, allez savoir pourquoi ! De mêm
1629
) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est
de
cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et les mêmes B
1630
ôtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val
d’
Aoste, plus loin l’allemand, puis le ladin, puis de nouveau l’allemand
1631
a vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture
de
tous nos peuples est une, quoique tissée de contradictions dans sa ge
1632
lture de tous nos peuples est une, quoique tissée
de
contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’est formée à partir d’i
1633
ans sa genèse même, qu’elle s’est formée à partir
d’
influences indo-européennes, gréco-latines, celtes et germaniques, ara
1634
es et slaves, souvent incompatibles entre elles —
de
là le caractère essentiellement contestataire de son génie — mais qui
1635
de là le caractère essentiellement contestataire
de
son génie — mais qui nous ont tous affectés à doses variables, et qui
1636
ns « cultivés » ou non. Toutes les grandes écoles
d’
art, d’architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de
1637
ltivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’art,
d’
architecture, de musique, de philosophie, de littérature et de doctrin
1638
Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture,
de
musique, de philosophie, de littérature et de doctrine sociologique o
1639
grandes écoles d’art, d’architecture, de musique,
de
philosophie, de littérature et de doctrine sociologique ou politique,
1640
’art, d’architecture, de musique, de philosophie,
de
littérature et de doctrine sociologique ou politique, ont été paneuro
1641
re, de musique, de philosophie, de littérature et
de
doctrine sociologique ou politique, ont été paneuropéennes, et non pa
1642
Les grands courants européens, les grandes écoles
d’
art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en
1643
s courants européens, les grandes écoles d’art et
de
pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de
1644
grandes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité
de
notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités tant vanté
1645
unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il
de
nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme le
1646
titre ? Est-il vrai, comme le disent trop souvent
d’
éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses
1647
rg, que ces « précieuses diversités » sont celles
de
nos nations ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifi
1648
ervations faciles à vérifier. Non, les frontières
de
nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles e
1649
storien français, le résultat des « viols répétés
de
la géographie par l’histoire », comme je le vois tous les jours autou
1650
ert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien
de
ce qu’il faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air e
1651
faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution
de
l’air et de l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir
1652
êter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et
de
l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir et vexe tout
1653
t promouvoir et vexe tout le monde ; beau symbole
de
la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir d’effets que
1654
veraineté stato-nationale, qui ne peut plus avoir
d’
effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de n
1655
ifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle
de
nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une additio
1656
puzzle de nations en teintes pâles, et la culture
de
l’Europe comme une addition de prétendues « cultures nationales », le
1657
les, et la culture de l’Europe comme une addition
de
prétendues « cultures nationales », les manuels de notre enfance non
1658
e prétendues « cultures nationales », les manuels
de
notre enfance non seulement se trouvaient justifier les pires chauvin
1659
vaient justifier les pires chauvinismes, fauteurs
de
deux guerres mondiales où l’Europe a failli périr, mais encore ils fa
1660
li périr, mais encore ils faussaient notre vision
de
l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pa
1661
saient notre vision de l’histoire et le sens même
de
la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans
1662
re vision de l’histoire et le sens même de la vie
de
l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vo
1663
et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun
de
nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyan
1664
uverez des croyants et des incroyants, des hommes
de
gauche et des hommes de droite, des romantiques et des classiques, de
1665
es incroyants, des hommes de gauche et des hommes
de
droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des c
1666
en fait que dans la plupart des cas, les libéraux
de
pays différents se ressemblent davantage et s’entendront mieux entre
1667
tre eux qu’ils ne s’entendent avec les fanatiques
de
leur propre nation ; que les hippies d’un pays s’accorderont mieux av
1668
anatiques de leur propre nation ; que les hippies
d’
un pays s’accorderont mieux avec ceux de n’importe où qu’avec les conf
1669
s hippies d’un pays s’accorderont mieux avec ceux
de
n’importe où qu’avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce
1670
vec ceux de n’importe où qu’avec les conformistes
de
leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales
1671
s qui nous diversifient vraiment, mais les écoles
de
pensée, les styles de vie. Supprimez les frontières nationales, vous
1672
t vraiment, mais les écoles de pensée, les styles
de
vie. Supprimez les frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien
1673
l’Europe. 2° La création culturelle en Europe est
d’
autant plus riche et plus intense qu’elle est moins centralisée et que
1674
yers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers
de
création sont les universités, à la Renaissance les cités du Nord de
1675
ance les cités du Nord de l’Italie, des Flandres,
de
la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sa
1676
ord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne et
de
la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait le rôle merveill
1677
e la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc et
de
la Castille. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites vi
1678
tille. On sait le rôle merveilleusement fécondant
de
petites villes comme Tubingue, Iéna, Weimar ou Dresde dans les Allema
1679
ou Dresde dans les Allemagnes romantiques, celles
de
Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où
1680
ns les Allemagnes romantiques, celles de Hegel ou
de
Schelling, de Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fa
1681
nes romantiques, celles de Hegel ou de Schelling,
de
Hölderlin ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fait de la Franc
1682
celles de Hegel ou de Schelling, de Hölderlin ou
de
Humboldt, au moment même où Napoléon fait de la France un désert cult
1683
n ou de Humboldt, au moment même où Napoléon fait
de
la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits d
1684
distingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secret
de
la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette i
1685
s bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée
de
notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle d
1686
e unité vivante et dynamique et des foyers locaux
de
création qui sans cesse remettent en question et renouvellent les don
1687
spose en termes politiques mon équation : Europe
de
la culture : foyers de création initiant des courants continentaux. c
1688
ues mon équation : Europe de la culture : foyers
de
création initiant des courants continentaux. cela va donner : Europe
1689
on continentale. Voici donc le modèle fédéraliste
de
l’Europe que je préconise : la complexité des régions rendra justice
1690
a justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur
de
la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. af. Rou
1691
eur de la fédération exprimera l’unité millénaire
de
sa culture. af. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à l’u
1692
millénaire de sa culture. af. Rougemont Denis
de
, « De l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéra
1693
aire de sa culture. af. Rougemont Denis de, «
De
l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires,
1694
culture. af. Rougemont Denis de, « De l’unité
de
culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires, Paris, 17 a
1695
1972–23 avril 1971, p. 13-14. ag. Version revue
de
l’article paru sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité de cu
1696
sous le titre : « L’Europe est d’abord une unité
de
culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur Europaforschung, Brux