1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 gement les découvertes de l’esprit humain, quitte à laisser tomber certains dogmes décidément incompatibles avec nos plus
2 des directions positives. Faut-il encore ajouter à son trouble, l’aggraver, le rendre littéralement insupportable ? Tell
3 révolution le bouleversaient brutalement, mettant à nu les vraies raisons, les vrais problèmes. « Pasteur, je devais parl
4 les vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à des hommes aux prises avec les contradictions inouïes de la vie, et l
5 steur et prêcher ? » Tourmenté par cette question à laquelle il ne peut ni ne veut se soustraire, Karl Barth se met à rel
6 peut ni ne veut se soustraire, Karl Barth se met à relire l’Épître aux Romains, la plus inquiétante sans doute, pour not
7 ui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’ à ces « questions dernières » de notre vie, celle devant lesquelles nou
8 uand la détresse de leur existence les a conduits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux q
9 alla au vingtième mille. Barth, nommé professeur à l’Université de Bonn, exerce depuis dix ans une influence qu’on peut
10 t pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se donne en ef
11 umer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se donne en effet pour une simple
12 donne en effet pour une simple « note marginale » à tous les systèmes existants. Barth lui-même l’a nommée, avec une sobr
13 tres et pharisiens, ont toujours été les premiers à refuser, sous de très pieux prétextes, les ordres de la Parole de Die
14 nos idées de la transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’homme ne peut aller. Du totaliter aliter. Si donc
15 lle cette idée devient une réalité, une vérité. » À la formule philosophique homo finitus non capax infiniti, Barth répon
16 i Barth rejoint Calvin, Luther, et au-delà, jusqu’ à saint Paul, tous ceux qui ont su et connu ce que nous avons à peu prè
17 e religieuse », mais le don gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’a plus d’autre attente. Qu’on n’aille pas croire cep
18 oire cependant que le barthisme est un « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de pendant protestant au
19 néo-thomisme. Il est avant tout un rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ; une remise en question radical
20 stre ou céleste. Car cette rencontre est mortelle à l’homme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le
21 accordée aux « justes », mais bien aux condamnés à mort.) L’homme religieux qui se refuse à cette mort, se refuse aussi
22 ondamnés à mort.) L’homme religieux qui se refuse à cette mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selo
23 gieux qui se refuse à cette mort, se refuse aussi à la vie. Il meurt de ne pas mourir, selon la parole profondément « dia
24 humaines sur Dieu, et la Parole qui vient de Dieu à l’homme. Universalité du rapport établi entre Dieu et l’homme, que l’
25 a valeur de l’activité théologique. Barth compare à plusieurs reprises la théologie à cette étrange main de Jean Baptiste
26 . Barth compare à plusieurs reprises la théologie à cette étrange main de Jean Baptiste dans la Crucifixion de Grünewald,
27  ; de son réalisme agressif, de cette obstination à rechercher le sens réel des mots d’ordre que l’on va répétant, de cet
28 crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’ à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotidienne
29 paganisée. Il est aussi la plus éclatante réponse à tous ceux qui accusaient la pensée barthienne d’être purement négativ
30 nt négative et désespérée. « Ici le paradoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans un récent article1 — la théologi
31 rée. « Ici le paradoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans un récent article1 — la théologie dialectique de Barth
32 cent article1 — la théologie dialectique de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’effrayer celui
33 ialectique de Barth à laquelle on reproche (comme à ceux de Port-Royal !) d’effrayer celui qui vient au Christ, peut seul
34 er celui qui vient au Christ, peut seule répondre à l’angoisse humaine, tandis que l’optimisme naturiste, plongeant l’hum
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
35 en zigzag pour amuser son pensionnat, mais plutôt à ces albums illustrés, ancêtres du dessin animé et des Eugène de Cocte
36 ouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité. N’allez pas croire qu’il s’agisse d’auteurs comiques :
37 ure et des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune femme qui leur fait perdre toute mesure. Le mond
38 avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’ à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales héroïques qu
39 sordonnées. Pomposo, certes ! baroque, poli jusqu’ à l’impertinence, jusqu’à la férocité, savant, aimable, macaronique, pé
40 tes ! baroque, poli jusqu’à l’impertinence, jusqu’ à la férocité, savant, aimable, macaronique, pétrarquisant, musicien, h
41 uffit pour créer un espace, un climat, une invite à naître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédago
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
42 la pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus significatif
43 re, ce sont les motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurée
44 une génération de protestants, celle qui commence à s’exprimer dans des revues comme Foi et Vie , Le Semeur , Hic et N
45 Le protestantisme du début de ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre centrale, mais exclusive
46 e. « La foi n’est pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion avec le Christ vivant », répétaient
47 e la voie de l’histoire, c’était d’abord chercher à s’approcher de l’homme Jésus tel que le décrivent les évangiles. Mais
48 , tenter de « faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus «
49 teurs du surnaturel, M. Dominicé n’a pas de peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans intérêt ». À mes
50 devenait « foncièrement irréel et sans intérêt ». À mesure qu’elle humanisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher
51 vivant avec le Christ des évangiles, se réduisait à une contemplation de sa vie. Dans cette difficulté, le jeune théologi
52 r l’amour de Dieu pour nous. C’est Dieu qui vient à nous, impies, non point nous qui le rencontrons au terme d’une pieuse
53 apper aux faux problèmes du modernisme et revenir à l’orthodoxie réformée. Non point comme on revient aux solutions toute
54 la véritable et profonde acuité d’une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus frappants du Calvin
55 ous le restitue M. Dominicé, que cette insistance à mettre en lumière le « scandale de Jésus » à seule fin de nous « ense
56 ance à mettre en lumière le « scandale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sen
57 andale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens que l’exégèse de Calvin est to
58 y prête peu. Mais on regrette parfois qu’il suive à pas si prudents son modèle, et que l’admiration que lui inspire Calvi
59 sorbonnique. Max Dominicé ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines du xvie siècle renou
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
60 sprit de l’envergure de Kierkegaard eut légitimé, à elle seule, la création de cet Office et ses soins les plus diligents
61 blement, il s’en fût amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique était pour lui bien proche de la mystification. Il
62 d’un simple défaut d’information, et qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un esthète retors e
63 e se rapporte au christianisme, et en particulier à ce problème : comment peut-on devenir chrétien ? » Car, enfin, l’on n
64 e, la plus révélatrice, mais aussi la plus propre à créer du malentendu. Le titre même, que lui a donné le traducteur, pr
65 titre même, que lui a donné le traducteur, prête à certaines confusions : l’œuvre, en danois, s’appelle La Maladie morte
66 ce du salut promis par le Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, co
67 qui abondent dans les premiers chapitres donnent à cette partie du livre une apparence abstraite qui contraste singulièr
68 ette descente aux enfers de notre âme fait songer à Dostoïevski. Dans La Répétition 4, on trouvera confondus le poète, le
69 n problème sentimental douloureux, et qui cherche à le résoudre, d’abord par le plaisir, dans ses formes supérieures, pui
70 se morale courante. L’un et l’autre le conduisent à des impasses tragiques ; mais voici que Dieu intervient, avec la répo
71 e Dieu intervient, avec la réponse terrible faite à Job. Et ce sont alors d’étranges et magnifiques lettres sur la détres
72 étresse humaine devant Dieu, que le héros adresse à « son muet confident », l’auteur. Peut-être avons-nous ici les pages
73 s les problèmes de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétique : Plains-toi, l’Éternel ne cra
74 il quand personne n’ose se plaindre comme il sied à un homme ? Parle, élève la voix, parle fort, Dieu peut bien parler pl
75 ots… Mais plus près de Luther, aussi. Je me borne à citer In vino veritas 5. Non point que cet ouvrage ne mérite d’être l
76 mour et d’angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on trouvera ici l’exposé judicieux, parfois mê
77 le moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard une introduction plus systématique ? Je ne le pense pas.
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
78 Oxford, est un des faits spirituels qui serviront à fixer la signification de notre époque. Son influence, limitée d’abor
79 ent depuis quelques mois en Allemagne, en Suisse, à Paris même. Né dans les universités, il paraît destiné à répondre d’a
80 même. Né dans les universités, il paraît destiné à répondre d’abord aux préoccupations des intellectuels, mais il y répo
81 prolétaires et bourgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à l’une des rencontres du Mouvement : il y avait là une vingta
82 es et bourgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à l’une des rencontres du Mouvement : il y avait là une vingtaine de pe
83 sans artifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus d’une reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours
84 qui raconte les origines du Mouvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre qu’on ait écrit su
85 Buchman, c’est son incapacité proprement géniale à penser abstraitement. » Dès le début sa pensée directrice est essenti
86 llite lamentable de l’évangélisation standardisée à l’américaine, et de toutes les « méthodes morales », puritaines. Volo
87 du christianisme primitif dans le contact d’homme à homme, dans la confession mutuelle des péchés et le « partage » (shar
88 elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’est souvent qu’un agité. Le philanth
89  partage » préconisé par Buchman ne ressemble pas à ces tentatives de violation de domicile moral. Pour entrer en contact
90 a certitude qui leur vient de pouvoir être utiles à tel endroit où Dieu leur dit d’aller. La chronique des rencontres mir
91 plirait des volumes, et nourrit leurs entretiens. À lire certains récits du meilleur livre qu’on ait fait sur le Mouvemen
92 pants, de retomber ainsi dans la vieille croyance à la sanctification par les œuvres. Karl Barth et ses amis n’ont pas ma
93 Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c’est abstrait : encore faudrai
94 it-il se garder de vivre une théologie équivoque. À quoi les membres du Mouvement des Groupes peuvent répondre que leur œ
95 istianisme pendant ses études et déclare renoncer à toute fortune. Sa famille le destitue de ses privilèges aristocratiqu
96 aut écarter les parois de la pièce pour permettre à chacun de se coucher. Kagawa les nourrit de son travail. Parfois, ils
97 emplaires. Son œuvre s’étend dans les slums. Mais à ce moment le machinisme s’introduit au Japon, augmentant la misère av
98 man : L’Archer tirant contre le soleil. Accueilli à sa sortie de prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d
99 vient le « fou du Christ ». À peine a-t-il réussi à faire reconnaître légalement le syndicalisme qu’il a créé, le voilà q
100 aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaquent violemment : « Enterrez-le ! Enterrez
101 ions. Si les romans de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un franciscain. Il y a en lui un am
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
102 ra l’honorable, la géniale exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’est pas trop difficile, que Dostoïevski et T
103 et le roman d’analyse français, de Rousseau jusqu’ à Gide, en passant par Constant. Quand on parle du roman, vous ne voyez
104 cepterait-il une étiquette aussi compromettante ? À parler franc, je ne connais qu’un seul roman moderne authentiquement
105 rait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque ha
106 promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort terrestre, et le sobre courag
107 naître la nature et ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas ai
108 bîme ». On la pressent d’abord dans l’œuvre d’art à certaine qualité du pessimisme qui s’en dégage : pessimisme jamais cy
109 me jamais cynique et désespoir jamais complaisant à lui-même, car l’aveu même qu’on en fait est la preuve qu’on l’a trave
110 ling ; mais une sobriété qui vous saisit le cœur, à chaque page. Toute une vie de femme se déroule sur un rythme large à
111 cènes enfantines : c’est Andersen, en plus grave. À chacun sa réalité : elle dépend du regard qu’on porte sur le monde. L
112 ritique à propos d’une telle œuvre donnerait lieu à des conclusions amères. Amères pour la critique surtout, je crois. Ca
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
113 ourvu que l’on n’y cherche pas de vains prétextes à se glorifier d’un passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu
114 ifier d’un passé bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on est digne. Le meilleur moyen d’éviter ce danger serait
115 e suffirait, dans le cas de l’Église protestante, à rétablir la valeur relative des faits, valeur de témoignage, sans ces
116 faits, valeur de témoignage, sans cesse rapportée à la foi, dont Dieu seul juge. John Viénot — qui vient de mourir presqu
117 que le premier tome de cet ouvrage (des origines à l’édit de Nantes), le second tome qui vient de paraître10 témoigne de
118 es et culturels de la Réforme, sans les rapporter à l’évolution parallèle du dogme dans l’Église. De même, John Viénot la
119 storiens du xixe siècle finissant, n’enlève rien à l’intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi, la substance histor
120 rit que cette lecture, passionnante non seulement à cause du pittoresque violent des faits, non seulement à cause des plo
121 e du pittoresque violent des faits, non seulement à cause des plongées directes qu’elle permet d’opérer dans la vie publi
122 t privée du xviie siècle, mais encore parce que, à tout moment, le lecteur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu
123 rce que, à tout moment, le lecteur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si l’édit avait été observé
124 langage des faits, cités ici en très grand nombre à chaque page. Faits sinon nouveaux pour la plupart, en tout cas rassem
125 cas rassemblés pour la première fois, et propres à modifier considérablement l’opinion que nous pouvions avoir du « gran
126 a pensée dominante, dans toute cette guerre faite à la foi évangélique, ait été celle des Espagnols et des Romains. Les c
127 tholiques patriotes savaient bien que la présence à la cour d’un Sully ou d’un Duplessis-Mornay, représentants d’une Égli
128 nt fidèle au roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, so
129 taire, c’est l’idée fort peu française de l’unité à tout prix et dans tous les ordres, au mépris de toutes les diversités
130 e, mais que tout le livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme. Le parallélisme qu’on peut faci
131 ur est simple prétexte ; mais il s’agit d’établir à tout prix un cadre national centralisé, géométrique, conçu dans l’abs
132 sait-il, ne voulait point qu’on portât des glands à son collet, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’est point t
133 s termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit de la requête adressée
134 sait l’usage des cimetières (on allait même jusqu’ à violer les sépultures des religionnaires) : Ceux que vous déterrez,
135 naturel, contre l’honnêteté civile ! Ce recours à un droit universellement humain, n’est-il pas significatif de la natu
136 oche, et qui rendra, selon sa justice, oppression à ceux qui nous oppressent, et relâche à nous qui sommes oppressés. (Q
137 oppression à ceux qui nous oppressent, et relâche à nous qui sommes oppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce
138 oppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce style, en notre siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’
139 en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre de John Viénot nous donne tou
140 nne toute une anthologie de pareils traits. Grâce à quoi l’on ressort de cette lecture plus édifié encore que révolté. Ma
141 Réforme française, tome II : De l’édit de Nantes à sa révocation, Librairie Fischbacher. La même librairie publie une in
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
142 enté aujourd’hui par des philosophes laïques tout à fait libérés des disciplines de la foi, au moment décisif où, d’autre
143 losophique de MM. Lavelle et Le Senne, appartient à la première période de la pensée kierkegaardienne. La question que po
144 e la question que Kierkegaard adressera plus tard à la chrétienté de son temps : la foi étant ce que j’ai dit – le parado
145 ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit de Kierkegaard, Hegel esquive la question, la supp
146 ie, elle répond par l’exemple d’Abraham. Et c’est à la méditation de cet exemple que Kierkegaard va consacrer son livre.
147 me qui a osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracl
148 ite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on est à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie qu’Abraham fit le chem
149 insignifiant » et le comique c’est qu’on persiste à l’offrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur d’Abraham, sa si
150 réflexion philosophique que Kierkegaard enchaîne à l’exemple d’Abraham est admirablement analysée dans l’introduction de
151 n’a fait plus que Jean Wahl pour faire connaître à l’élite française la pensée de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui
152 rement avec celui de Kierkegaard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement la q
153 gaard. Barth s’adresse à des auditeurs chrétiens, à des hommes qui se posent sérieusement la question : en quoi ma foi do
154 étien reste un homme comme les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, échappan
155 perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout illusoire ou évasive. Ell
156 ît de plus en plus pécheur, de plus en plus livré à la seule grâce divine. La vie chrétienne, c’est simplement la vie hum
157 e telle quelle « en sacrifice saint et agréable » à Dieu. Point n’est nécessaire qu’il vous pousse des ailes ni que vous
158 e profane et banale, la vie que chacun doit vivre à sa place, et dans sa situation. Mais en quoi le chrétien se distingu
159 t ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’une part contre la forme du siècle présent ; de
160 ècle présent ; de l’autre, pour la forme du monde à venir ». Il reste dans le monde et soumis à ses lois, sachant pourtan
161 monde à venir ». Il reste dans le monde et soumis à ses lois, sachant pourtant qu’il n’appartient plus à sa forme, mais à
162 es lois, sachant pourtant qu’il n’appartient plus à sa forme, mais à sa transformation. Et voici que nous rejoignons l’id
163 pourtant qu’il n’appartient plus à sa forme, mais à sa transformation. Et voici que nous rejoignons l’idée centrale de Cr
164 l vit dans les mêmes servitudes, mais il s’attend à Dieu, non à lui-même ni au monde. Ainsi, chez Barth et Kierkegaard, n
165 es mêmes servitudes, mais il s’attend à Dieu, non à lui-même ni au monde. Ainsi, chez Barth et Kierkegaard, nous trouvons
166 hic et nunc, et tel qu’il est revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là où paraît la grâce, in extremis. Ca
167 és, là où paraît la grâce, in extremis. Car c’est à chaque instant de la vie de la foi que se posent les questions derniè
168 on de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés vers aut
169 avons cherché dans Dostoïevski, c’est la réponse à cette question : qu’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’
170 nce, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’ à ce que, dans leur maladie justement, percevant leur question dernière
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
171 Calvin maigre et sec, et l’on conclut incontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre un Luther adipeux, et loin de re
172 Comment se dire calviniste ? L’exposition Calvin à la Bibliothèque nationale, si elle a permis à beaucoup de réviser que
173 vin à la Bibliothèque nationale, si elle a permis à beaucoup de réviser quelque peu leurs notions sur l’importance intell
174 littéraire du calvinisme, a donné lieu par contre à une véritable débauche de considérations très vaguement physiognomoni
175 ur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer la décadenc
176 nne. On aurait tort d’assimiler cette renaissance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’est pas inutile de marquer les
177 Les grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi,
178 ême, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est
179 a réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certaines formules dogmatiques ;
180 Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certaines formules dogmatiques ; mais c’est, au-delà de ces formules
181 ans l’orientation où elles nous placent, remonter à cette origine permanente de l’Église qu’est la révélation évangélique
182 écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe plus que to
183 r d’abord la « clé » qui donne leur exacte valeur à nos variations sur ce thème. Et cette clé, c’est la vocation que Jean
184 s. Nous voyons alors Calvin faire face d’une part à l’Église de Rome et c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux prem
185 e d’une part à l’Église de Rome et c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premières déviations de la doctrine sacra
186 idéal humaniste. Or, tous ceux-là se scandalisent à grand bruit, « non tant pour haine qu’ils portent aux scandales que p
187 haine qu’ils portent aux scandales que pour nuire à l’Évangile et le diffamer comment que ce soit ». Il y a ceux pour les
188 ogmes sont autant d’occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient c
189 voit, de ce fameux libre examen dont on persiste à lui attribuer l’invention, par une erreur assez inexplicable. Mais le
190 . Voici ceux qui préfèrent la paix selon le monde à la vérité combattante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom de la
191 le monde à la vérité combattante : Je m’adresse à ceux qui abusent du nom de la chrétienté pour nourrir une paix fardée
192 e l’Église avec « une façon de royaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre condition chrétienne est celle d
193 e du conflit dialectique : L’Église est ordonnée à cette condition de batailler continuellement sous la croix, tant qu’e
194 continuellement sous la croix, tant qu’elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux que nous a
195 ux que nous appelons libéraux qui « gazouillent » à tort et à travers et se répandent en orgueilleuses « baveries », et c
196 ui se ruent contre Dieu d’une impétuosité enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompen
197 tant ». Cet étonnant traité, tour à tour éloquent à l’antique ou rabelaisien dans la satire, pourrait en somme s’intitule
198 passé dans l’attaque de Calvin : il a su prendre à l’adversaire ses meilleures armes. Au sujet de ce style, dont l’exemp
199 inistre du Verbe divin. Prêcher l’Évangile, c’est à son sens engager le dialogue avec toutes les catégories d’hommes, ave
200 ujours la forme de discours la plus propre, sinon à charmer du moins à toucher son antagoniste ; l’art de Calvin est fait
201 discours la plus propre, sinon à charmer du moins à toucher son antagoniste ; l’art de Calvin est fait de soumission abso
202  ; l’art de Calvin est fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout en portant la marque d’une des plus puissantes
203 recrée toujours lui-même. Soumission du langage à l’objet spirituellement dominé : telle serait la formule du classicis
204 vertus qui, sans doute, font le plus grand défaut à notre siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamme
205 meté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à des trouvailles, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic et non
206 oignante vertu que cette conscience d’une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture péri
207 nscience d’une mission à remplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par trop « irrespo
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
208 emps qu’elle est don de Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’une fuite hors du monde, comme à tout
209 e qui ne serait qu’une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’ordre de la Parole. En confondant la
210 e le fait par malheur M. Chuzeville, on contribue à renforcer un préjugé dont le bénéfice ne saurait être pour la foi. La
211 la recherche des moyens par lesquels l’âme arrive à transgresser ses limites charnelles et temporelles ». Fort bien, répo
212 ous. Il est grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il est grand temps que nous rel
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
213 ès de Stockholm sa première réalisation concrète. À ces deux causes illustrées par notre auteur, il faut en ajouter une t
214 iennent la somme de la problématique particulière à une école — est-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en
215 ole — est-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en passant par Charles Secrétan, Frommel et même Renouvier,
216 r Charles Secrétan, Frommel et même Renouvier, et à laquelle les récents livres de Bergson viennent apporter un ultime re
217 se. Mais le sous-titre de cette œuvre nous engage à l’aborder très librement : « essai de théodicée et journal d’un paste
218 rnal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à
219 octrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne réside pas seulem
220 illeurs, il ne s’adresse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’un traité dogmatique. Je m’adr
221 . Si des croyants peuvent douter de leur croyance à cause du mal, que des incroyants apprennent à douter de leur incroyan
222 nce à cause du mal, que des incroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bien. D’une part, en effet, di
223 ncroyants apprennent à douter de leur incroyance, à cause du Bien. D’une part, en effet, dit M. Monod, « l’athéisme n’ex
224 s, et les théologiens trop rigides par le recours à une piété plus libre. On sait que pour l’école de Barth, tout au cont
225 de l’orthodoxie et du libéralisme ? Mais revenons à la situation de départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre advers
226 chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le problème central de ce livre. Faudra-t-il donc revenir à
227 ème central de ce livre. Faudra-t-il donc revenir à Marcion, hérétique condamné par toute la tradition chrétienne pour av
228 dogme trinitaire : Dieu est un X qui ne se révèle à l’homme comme le Père que par son incarnation dans le Fils, reconnue
229 ouvent, on y apprend beaucoup. On craint aussi qu’ à la faveur de tant de richesses disparates, le sérieux proprement théo
230 s, par l’affirmation répétée que l’auteur « écrit à genoux ». Au sous-titre du Problème du Bien, j’apposerais volontiers
231 rant par la considération hardie du cosmos. Quant à sa thèse théologique, je me contente de suggérer qu’on l’admettrait p
232 admettrait plus aisément si l’auteur ne cherchait à l’imposer par le spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconna
233 ent les nôtres — et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurait plus être la nôtre : j’en
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
234 our quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à des appréciations du genre « moine qui voulait se marier », il serait
235 en France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève biographie ; une brochure sur la liberté chrétienne : et le
236 lture générale, une telle publication est appelée à rendre des services inappréciables. Elle nous place au cœur même du g
237 ffisamment connu. Qu’on se reporte en particulier à la brillante biographie de Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute l’
238 nte biographie de Stefan Zweig, et j’ajouterais : à toute l’œuvre récente du parfait disciple d’Érasme que se trouve être
239 lle changer une fois de plus la face des choses ? À tout le moins doit-elle passionner le débat, et le faire puissamment
240 lonté de pensée militante que ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre l’opportunisme impérial et sacerdotal l’inf
241 cisif, envisage honnêtement les objections, donne à la thèse adverse toutes ses chances, non sans ironie toutefois, et sa
242 non sans ironie toutefois, et sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une constatation évidente. D’un
243 s on ne saurait réduire le Traité du serf arbitre à la querelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte et d’aiguillon, e
244 n nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à la justice acquise par nos mérites ; opposition de la Parole vivante
245 par nos mérites ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un
246 x — des positions maîtresses de la Réforme. Quant à la thèse particulière, qui est la négation du libre arbitre religieux
247 ns l’acte par lequel Dieu le choisit, substituant à un destin fatal une vocation d’un tout autre ordre. Fatalité et liber
248 termes radicaux, vraiment sérieux, se voit acculé à ce dilemme, ou plutôt à l’acceptation simultanée de ses deux termes.
249 t sérieux, se voit acculé à ce dilemme, ou plutôt à l’acceptation simultanée de ses deux termes. Et l’on sait que Nietzsc
250 rmes. Et l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses y
251 che lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses yeux dans la connaissance viri
252 tout semblable à celui de Luther : la liberté est à ses yeux dans la connaissance virile d’une nécessité immuable, accept
253 nier la réalité d’un dilemme qui sacrifie l’homme à la vérité ? 14. Traduit du latin, aux Éditions « Je sers ». Préface
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
254 méthode consistant trop souvent, il faut le dire, à tenir pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu
255 ient peu à peu, par désir de se montrer original, à tenir pour acquis que les « vertus » sont de ces illusions qui ne rés
256 rtus » sont de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramè
257 sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que le génie p
258 émasquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il ne fallait pas moins que le génie plein de malices d’une
259 urt. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres. Il y pui
260 e d’une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löw
261 profusion géniale des inventions concrètes — une à chaque page, au moins — qui peu à peu illustrent la psychologie la pl
262 ème fréquent dans la littérature nordique). C’est à l’avant-dernière page seulement que le sens profond de l’œuvre entièr
263 Christ sans avoir l’amour des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’o
264 ans avoir l’amour des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aper
265 our des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fa
266 à aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité de la légende a bel
267 entendu que la femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loin, il entend chanter : c’est la fille de
268 doute, tremble, et marche toujours. Voici venir, à sa rencontre cette fois-ci, la plus pauvre orpheline du village ; ell
269 er ce martyre ? Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dan
270 e s’y résigne… À quelques pas de lui, elle tourne à droite. Il poursuit son chemin dans une exaltation croissante, priant
271 ne suite d’incidents pittoresques ou dramatiques, à quoi l’auteur ne se prive pas d’ajouter quelques traces d’humour, com
272 x du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard, de Luther. Et à côté du fanatique, voici Charlotte, avec sa piété sobre et son bon se
273 nirs — dont le charme, d’ailleurs, suffirait bien à nous retenir : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil l’
274 siècle) et voyez si leur décadence ne suffit pas à expliquer la crise actuelle du genre dans notre société. 15. L’Ann
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
275 de l’actualité et le goût des questions sociales à la lucidité sensible d’un compatriote d’Amiel, a déjà derrière lui un
276 la vie protestante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans une ville universitaire où
277 Il me reçoit dans la maison de M. Charles Du Bos, à La Celle-Saint-Cloud, maison simple, sans austérité, tout de suite fa
278 ernier livre : n’y affirme-t-il pas, avec preuves à l’appui, que Tristan et Iseut, les amants légendaires, les héros de l
279 passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’ai commencé à écrire mon livre, je voulais simplement étudier ce mythe et analyser
280 étudier ce mythe et analyser la crise du mariage à notre époque. Mais plus je relisais les différentes versions du roman
281 ’autre Iseut, ne reconnaissent plus leur amour qu’ à l’heure où la mort le défigure déjà… tout cela est rempli de bizarrer
282 plication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’arriver à cette conviction, que je suis prêt à défendre : ce que Tristan et Ise
283 ent, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force me demei
284 Tristan ne dit à Iseut qu’il l’aime, il se borne à répéter : « Amor par force me demeisne ». C’est la passion-catastroph
285 s’opposait surtout, complète Denis de Rougemont, à la conception chrétienne du mariage. L’amour courtois est chaste, il
286 mariage. L’amour courtois est chaste, il accorde à la femme une prééminence dont l’Église a bien senti le danger, puisqu
287 risme, le néophyte s’engageait, s’il était marié, à s’abstenir de tout contact avec sa femme. Les cathares admettaient le
288 s la littérature orientale que tout dernièrement, à la suite du christianisme. J’avoue que votre démonstration me paraît
289 parfois le sens profond des textes… Ils répugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai été frappé par le goût de
290 l’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époque où le statut du mariage se modifie profondément, croyez-vo
291 ugemont réfléchit : Non, je crois que nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’
292 où l’être se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à connaître cet état que, comme Tristan et peut-être inconsciemment, no
293 istan et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être aimé. D’autre part, on nous montre le mariage comme le fondeme
294 isqu’elle a besoin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion se
295 oin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugale, la passion se réfugie dans l’
296 les jeunes gens et les jeunes filles se refusent à l’hypocrisie, ne consentent plus à refouler leurs instincts naturels.
297 es se refusent à l’hypocrisie, ne consentent plus à refouler leurs instincts naturels. En outre, les difficultés matériel
298 Votre réhabilitation de la fidélité, si conforme à la conception chrétienne du ma­riage, suppose chez les femmes, qui do
299 olides et de qualités agréa­bles assez difficiles à concilier. Je le sais, je suis très exigeant. Pour moi, le mariage de
300 et Les Personnages du dram e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur La Réforme comme
301 ensuite, pendant dix-sept ans, juge et conseiller à Sachseln, où il eut dix enfants. Puis il se retira dans un ermitage,
302 mal mariés. Ils me disent que mon livre les aide à comprendre la cause de leur désarroi, qu’ils savent mieux maintenant
303 aient se rapprocher. Si j’aide des êtres troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus belle récompense.
304 rapprocher. Si j’aide des êtres troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus belle récompense. Le vérit
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
305 un autre mais beaucoup plus prudent, j’ai demandé à Denis de Rougemont de commenter librement et, au besoin, de rectifier
306 i. Voici ce qu’a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est un écrivain suisse d’expression fra
307 e… Je déteste cette formule ! Elle me fait penser à une sorte d’animal, qui penserait dans un idiome bizarre et incompréh
308 ai, de la polémique et du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire précis et rendent leur auteur difficile à cata
309 ittéraire précis et rendent leur auteur difficile à cataloguer. Mais pourquoi faut-il cataloguer, définir à tout prix ? C
310 loguer. Mais pourquoi faut-il cataloguer, définir à tout prix ? C’est une idée un peu scolaire. Comment définirait-on Nie
311 sayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même : un mélange d’idées pures, de poésie,
312 ougemont participe, aux côtés d’Emmanuel Mounier, à la fondation de deux revues personnalistes : L’Ordre nouveau et Espri
313 personnalistes : L’Ordre nouveau et Esprit. C’est à cette époque qu’il élabore une doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’a
314 maniste ? Je n’aime guère ce terme. On a tendance à opposer humanisme et christianisme, et je me sens plutôt du côté du c
315 e était un manifeste qui déclencha une polémique à laquelle prirent part Berdiaev, Mounier et Gabriel Marcel. Pour moi,
316 ion qui, à la fois, distingue l’homme et le relie à la communauté où il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette notion de l
317 place le point d’insertion de Dieu. Je suis tout à fait opposé aux doctrines providentialistes qui font de Dieu un Jéhov
318 ieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienn
319 lemagne hitlérienne. Je me trouvais sans activité à Paris, où j’écrivais le Journal d’un intellectuel en chômage , quand
320 allez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à une condition, celle d’écrire en rentrant exactement ce que je pensai
321 je serais moins gênant en Amérique qu’en Europe. À New York, je rédigeais les émissions en français de « La Voix de l’Am
322 sans rupture de ma définition de la « personne » à la théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, doit être à la fois
323 ue je préconise et qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvétique. Je ne souhaite en
324 aite en effet ni une agglomération d’États soumis à un pouvoir unique et dictatorial ni une Europe des États, mais une as
325 en effet d’apprendre que je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et un grand écrivain. À ce pr
326 co qui est un ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet de son Rhinocéros 
327 éen de la culture, que Rougemont fonda et dirigea à Genève à partir de 1950, et le Congrès pour la liberté de la culture,
328 « que » le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
329 a nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la terre ses bienfaits, ses méfaits, ses produits, rarement ses
330 périr. Pour émouvante qu’elle soit, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’époque. Mais comme
331 toire » et qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épanouissement et de déclin fatal. Hegel pen
332 it sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser que chacune d’elles devait fatalement décliner et mourir après
333 est un organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que tout
334 t la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait admirable pour embrasser l’ensemble des cultures connues, Toynbe
335 ’une vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignent, par leurs conclusion
336 fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de D
337 ours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à
338 aard à Nietzsche et à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, tous ont décrit
339 ocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les motifs de craindre
340 austro-hongrois. Et bientôt cette Europe occupée à se déchirer à belles dents va se laisser arracher l’une après l’autre
341 is. Et bientôt cette Europe occupée à se déchirer à belles dents va se laisser arracher l’une après l’autre ses conquêtes
342 gémonie politique de l’Europe, et même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus, les nouveaux empires et les peu
343 litique n’est pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation. L’une peut exister sans l’autre. L’un
344 éterminent un destin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un certain moment, d’un certain seuil… Les
345 tin non comparable, et même tout à fait différent à partir d’un certain moment, d’un certain seuil… Les civilisations ant
346 nnent leur unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, u
347 ine uniforme, imposée à tous par l’État. Comparée à ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes et sacrées, la cult
348 te et profane. À cause de ses origines multiples, à cause des valeurs souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en
349 rtout, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à la fois ses instructions, sa religi
350 radoxale consistant dans la seule volonté commune à tous de refuser l’uniformité. Où sont les candidats à la relève ?
351 de refuser l’uniformité. Où sont les candidats à la relève ? Aux prophètes de la décadence européenne, j’opposerai
352 agence Cook suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, no
353 nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible. Mais comment expliquer ce phéno
354 u christianisme qui contribua de tant de manières à la former. Par là même — et c’est bien son drame, en même temps que l
355 pour désigner les habitants des terres voisines, à mi-chemin entre l’animal et l’Égyptien. (Dans le même style, Bismarck
356 rist. »), cette conception devait seule permettre à ceux qu’elle formerait intimement de considérer tous les hommes comme
357 les, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civilisateur. Maintenant que c’est fait ou en train de se fa
358 maginer que la civilisation diffusée par l’Europe à tous les peuples puisse s’éclipser ou disparaître, sans entraîner le
359 de Valéry : « Si les civilisations mouraient tout à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’en saurait rien. » Et
360 rope, qui poursuivent l’inventaire mondial initié à la Renaissance par nos découvreurs de l’espace et du temps de l’human
361 ième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les c
362 tourées de « barbares » mal connus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame
363 t matérielles plus spécifiquement européen. Quant à l’électricité, dont parlait Lénine, elle symbolise l’industrialisatio
364 conde fois européanisé la Russie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée d’aider la Chine à liquider la civilisatio
365 RSS à son tour qui s’est chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’est l’URSS qui a introduit
366 urope et parties intégrantes de sa culture. Quant à l’Afrique, observons simplement que son émancipation actuelle ne cons
367 il fixe également un programme pour les vingt ans à venir et nous met en garde, comme on va le voir, contre les prophètes
368 la décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
369 ù j’ai pris conscience que j’étais un littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé que toute autre f
370 egarde l’ascendance de mon père, je m’aperçois qu’ à la génération où nous avons 64 ancêtres, la sixième, il y a 28 Suisse
371 vez consacré de nombreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce que l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour m
372 fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de circonstances. La plus anci
373 nne était un numéro de la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd’hui, et qui portait comme titre : « La fe
374 ution de votre manuscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscrit d’un e
375 yant cédé mon tour, je me suis mis instantanément à mon livre, et j’ai terminé les 450 pages en trois mois. Comme je l’ai
376 avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant un pe
377 poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais dans mon premier
378 livre. Que pensez-vous aujourd’hui ? Je continue à penser qu’il faudrait élever les gens dans une méfiance profonde de c
379 est l’une des choses glorieuses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point qu’il y a deux mora
380 arriver à un homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point qu’il y a deux morales, l’une qu’il faut enseigner aux enfan
381 nom d’une morale d’artiste. Tout homme est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de so
382 lus pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rares personnes qui seront probablement le sel de la terre ou
383 ou qui seront quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour
384 is des criminels. Revenons à l’Europe. Vous vivez à Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour j’ai passé la frontièr
385 uman chez moi et au Centre européen de la culture à Genève. Arrivé à la frontière, le douanier a eu ce mot admirable : « 
386 au Centre européen de la culture à Genève. Arrivé à la frontière, le douanier a eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’
387 par une espèce de coup d’État, a décidé de porter à la frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résulté que d
388 fait pour me convaincre qu’on n’arrivera vraiment à faire l’Europe que sur la base des régions, régions recréées en dépit
389 ’accomplissement. C’est un triomphal accord clamé à la fin de la IXe Symphonie, c’est quelque chose que probablement tout
390 ublicité. Ça peut être secret. Je crois beaucoup à une notion secrète de la gloire. La gloire n’est pas donnée par la fo
391 pouvait penser complètement la mort, il mourrait à cet instant-là. La mort c’est par essence l’inconcevable, donc c’est
392 lètement sincère, j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela v
393 autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’ à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le p
394 est mal posé dans ma tête, ou dans mon existence. À quoi j’en reviens toujours finalement, c’est à ceci : Dieu, c’est le
395 e. À quoi j’en reviens toujours finalement, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de s
396 aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que
397 ennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis i
398 onde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous faire un p
399 eut dire pour vous, la vie, s’il n’y a aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le surhomme de Nietzs
400 un sens, il y a quelque chose qui va d’un arrière à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’est pas une cause au dé
401 autre part, je crois qu’il y a une grande naïveté à discuter sur l’existence ou la non-existence de Dieu étant donné que
402 omment une cellule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissa
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
403 De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)af ag L’unité de l’Europe ne
404 n’a pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéologique et militaire par les Russes — je songe au
405 e songe aux pays de l’Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les
406 re qu’ils prétendaient inaugurer n’a duré que dix à douze ans. Or il se trouve que la formule fédéraliste, seule pratique
407 de cent pays dans le monde entier, l’État-nation à souveraineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais en fait toujo
408 aconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, histori
409 cun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géograp
410 ts-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à la fois économique, historique et géographique défini p
411 sons nationales dans une cité universitaire. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi qu’à la Sor
412 é même, on ne parlait qu’en latin. C’est ainsi qu’ à la Sorbonne, vers 1270 — comme me le faisait observer un jour Étienne
413 rmait une grande culture commune, bien antérieure à l’idée même d’État-nation. Mais dira-t-on, le mot « nation » désignai
414 vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une langue. Prenez la France : on parle huit la
415 s actuelles ; breton et flamand au nord, allemand à l’est, basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement l
416 oïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fédérale outre l’Allemagne de l’Est, la Suisse alémaniq
417 notions scientifiques et techniques aujourd’hui, à quoi viennent se superposer les influences dominantes de l’italien à
418 superposer les influences dominantes de l’italien à la fin du Moyen Âge, du français au xviiie siècle, de l’allemand des
419 l y a l’affaire des frontières naturelles, chères à l’école. Cette notion prend son origine sous Louis XIV, dans les guer
420 rent l’Espagne de la France, voilà qui est clair, à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remarquer que
421 un naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’est de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et le
422 alans sur les deux versants, et les mêmes Basques à l’ouest. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu’on y parle italien
423 en des deux côtés au sud, français des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises et du Val d’Aoste, plus loin l’allem
424 ictions dans sa genèse même, qu’elle s’est formée à partir d’influences indo-européennes, gréco-latines, celtes et german
425 re de son génie — mais qui nous ont tous affectés à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le
426 omme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont cel
427 trop souvent d’éloquents ministres à Bruxelles ou à Strasbourg, que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nati
428  ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturel
429 Genève, en traversant cette frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’
430 rsant cette frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrê
431 Âge, ces foyers de création sont les universités, à la Renaissance les cités du Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bou
432 ait de la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’a pas bannis. Le grand secr
433 conise : la complexité des régions rendra justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’un
434 af. Rougemont Denis de, « De l’unité de culture à l’union politique », Les Nouvelles littéraires, Paris, 17 avril 1972–