1
e nécessité, annoncer aux hommes une vérité qui n’
est
pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous
2
’est pas justiciable de leurs mesures puisqu’elle
est
le jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèm
3
r, le rendre littéralement insupportable ? Telles
étaient
les questions que se posait, vers la fin de la guerre, dans le presby
4
imisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s’
étaient
appuyées, la guerre et la révolution le bouleversaient brutalement, m
5
it l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’
être
Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de la prédicati
6
ienne, me disais-je, qui donc doit, qui donc peut
être
pasteur et prêcher ? » Tourmenté par cette question à laquelle il ne
7
une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui
est
vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à c
8
e, une puissance. Le défi de Marx et de Nietzsche
était
relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vingtième mille. Barth, nommé
9
la pensée protestante dans le monde entier. Quel
est
donc le contenu de cette œuvre, où est le secret de son incomparable
10
tier. Quel est donc le contenu de cette œuvre, où
est
le secret de son incomparable virulence ? Les essais que viennent de
11
tiaux, de sa « problématique » particulière. Il n’
est
pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à
12
es religieux, prêtres et pharisiens, ont toujours
été
les premiers à refuser, sous de très pieux prétextes, les ordres de l
13
aujourd’hui encore, la polémique de la “religion”
est
dirigée contre le monde qui vit sans Dieu, la polémique de la Bible a
14
ible au contraire, vise le monde religieux, qu’il
soit
placé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle
15
édifiantes ? « Dans l’expérience biblique, rien n’
est
moins important que le mode de l’expérience. Elle est charge et missi
16
moins important que le mode de l’expérience. Elle
est
charge et mission, et non pas but et accomplissement et donc, en tant
17
et donc, en tant que réalité psychologique, elle
est
élémentaire, à peine consciente d’elle-même. » Les prophètes n’ont pa
18
christianisme : une impossible entreprise. Telle
est
bien la constatation cruciale que Barth, après Kierkegaard, remet au
19
elui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous
sommes
tout entiers temporels. De celui qui transcende toutes nos idées de l
20
totaliter aliter. Si donc la tâche du théologien
est
de parler de Dieu, il s’avère qu’en tant qu’homme il ne le peut : « C
21
o peccator non capax verbi Dei, l’homme pécheur n’
est
pas « capable » de la Parole de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Lut
22
que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’
est
pas capable par lui-même de faire le bien, que la foi seule lui donne
23
e lui donne la promesse du salut, que cette foi n’
est
pas le couronnement de sa « vie religieuse », mais le don gratuit que
24
’on n’aille pas croire cependant que le barthisme
est
un « retour » à quelque orthodoxie, ou par exemple une sorte de penda
25
e sorte de pendant protestant au néo-thomisme. Il
est
avant tout un rappel violent à la nouveauté éternelle de l’Évangile ;
26
bonheur terrestre ou céleste. Car cette rencontre
est
mortelle à l’homme. Et c’est par là même qu’elle lui apporte, de l’ex
27
xtérieur, le gage de la résurrection. (La grâce n’
est
pas accordée aux « justes », mais bien aux condamnés à mort.) L’homme
28
ofondément « dialectique » de Thérèse d’Avila. Qu’
est
-ce donc en définitive que le point de vue barthien ? Une prise au sér
29
en ? Une prise au sérieux du fait de Dieu. Dieu n’
est
pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet d
30
ux du fait de Dieu. Dieu n’est pas un problème, n’
est
pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de
31
ujet de toute existence et de toute recherche. Il
est
la présupposition de toute vie, la synthèse qui précède éternellement
32
ogie de la crise, une théologie dialectique. Elle
est
surtout et avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. Insuff
33
spiritualisme, de l’historicisme, de tout ce qui
est
œuvre de l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « tout autre ». Dist
34
entiellement profane de la vérité biblique — tels
sont
les thèmes autour desquels s’organisent ces essais. Est-ce là de la t
35
s thèmes autour desquels s’organisent ces essais.
Est
-ce là de la théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intré
36
me qui désigne le Christ en croix. La théologie n’
est
pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous
37
s traducteurs ont fort bien rendue, et la tâche n’
était
pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obstination à recher
38
u sérieux des situations humaines telles qu’elles
sont
, qui seule permet un humour souvent rude ; de cette puissance critiqu
39
état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’
est
qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotid
40
que la réalité de nos réalités quotidiennes peut
être
démasquée, éprouvée.) Une prise ferme sur le concret, mais en même te
41
humaines, et qui interroge virilement. Personne n’
est
plus loin de « l’inquiétude » ou de l’emballement. Barth est l’un des
42
in de « l’inquiétude » ou de l’emballement. Barth
est
l’un des hommes les plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’i
43
il peut poser les questions les plus gênantes qui
soient
. ⁂ On l’a bien vu récemment, lors du conflit dramatique qui l’a oppos
44
t la clause aryenne et trahissait sa foi, Barth s’
est
dressé dans une protestation retentissante, que personne n’a osé fair
45
que personne n’a osé faire taire. Son manifeste n’
est
pas seulement un témoignage courageux et authentiquement chrétien : i
46
ignage courageux et authentiquement chrétien : il
est
le seul espoir que nous puissions garder dans la restauration spiritu
47
tuelle d’une Allemagne profondément paganisée. Il
est
aussi la plus éclatante réponse à tous ceux qui accusaient la pensée
48
à tous ceux qui accusaient la pensée barthienne d’
être
purement négative et désespérée. « Ici le paradoxe joue à plein — écr
49
our romand (24 février 1934)c Le Suisse romand
est
-il sérieux ? Je crains que mes raisons d’en douter n’ébranlent guère
50
estime des personnes de sens. Mais après tout, ne
serait
-il pas étrange d’apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce
51
en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’
est
pas méchante, elle n’est pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dan
52
La satire de Toepffer n’est pas méchante, elle n’
est
pas même « spirituelle » ; c’est plutôt, dans l’espièglerie la plus f
53
oyé. Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’
est
-ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dign
54
ins même de leur faire du tort en écrivant qu’ils
sont
drôles. (Des gens viennent vous dire : tenez, voilà qui vous fera rir
55
u’ils sont drôles. (Des gens viennent vous dire :
tenez
, voilà qui vous fera rire. En général on est plutôt déçu.) Pour compr
56
: tenez, voilà qui vous fera rire. En général on
est
plutôt déçu.) Pour comprendre l’humour de Pierre Girard, il faut avoi
57
la Ville et du Cirque. Les héros de Pierre Girard
sont
de doux ahuris, qui partent dans la vie avec une conscience pure et d
58
femme qui leur fait perdre toute mesure. Le monde
est
plein de malins, de gens qui ont l’air d’avoir compris de quoi il s’a
59
dérive mélancolique dont la source pourrait bien
être
chez les conteurs romantiques allemands, aussi peut-être dans la musi
60
ment. Tâchez de ne pas rire ; si vous réussissez,
soyez
tranquilles : vous ne pleurerez pas non plus aux chapitres suivants.
61
aux chapitres suivants. L’humour de Pierre Girard
est
bien plus romand que la pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’est Su
62
and que la pompeuse drôlerie de Cingria, lequel n’
est
Suisse que par accident, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’
63
s de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit
être
que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie f
64
être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne
soit
de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Pomposo
65
le incomparable de précision et de verve, Cingria
est
un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont su voir et dire l’i
66
pendant la guerre. (C’est par cela surtout qu’il
est
Suisse, au mépris de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe, un
67
d’ailleurs de plus significatif dans le livre, ce
sont
les motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en
68
, M. Dominicé, qui n’ignore pas ces influences, s’
est
limité dans son étude au calvinisme le plus strict. Par là même, il s
69
e, mais exclusive de toute dogmatique. « La foi n’
est
pas une adhésion intellectuelle à des doctrines, mais la communion av
70
répétaient les théologiens libéraux. La question
était
ainsi nettement posée : pour devenir chrétien, il fallait « rencontre
71
ttacher au seul caractère de Jésus. Mais alors, n’
était
-ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale d
72
écusait par avance les actes caractéristiques ? N’
était
-ce point là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une
73
mme (du Christ-Jésus) hors duquel toute communion
est
impossible. Mystère dont l’Évangile répète plusieurs fois : « Heureux
74
On peut dire dans ce sens que l’exégèse de Calvin
est
toute didactique : elle veut sans cesse transformer nos questions en
75
s mêmes principes exégétiques. Certes, l’auteur n’
est
pas de ceux qui conçoivent le commentaire comme une effervescence lyr
76
es aussi respectueux des objections possibles. Il
est
vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Cal
77
es objections possibles. Il est vrai que ce livre
est
une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parler un lang
78
Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’
est
pas moins vrai que Calvin sut parler un langage d’une verdeur assez p
79
ne verdeur assez peu sorbonnique. Max Dominicé ne
sera
pas le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines du x
80
osophiques et littéraires ! Probablement, il s’en
fût
amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique était pour lui bien
81
amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique
était
pour lui bien proche de la mystification. Il eut peut-être ri de se v
82
inquiétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout,
est
un chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes, et d’une trempe exce
83
eut y lire ceci, en matière d’introduction : « Je
suis
et j’ai toujours été un auteur religieux ; toute ma carrière littérai
84
tière d’introduction : « Je suis et j’ai toujours
été
un auteur religieux ; toute ma carrière littéraire se rapporte au chr
85
asard, il faut l’avouer, le Traité du désespoir 3
est
de beaucoup la plus centrale, la plus révélatrice, mais aussi la plus
86
ons obscurs. Au fond du désespoir, et quelles que
soient
les formes qu’il revête, du spleen banal jusqu’au péché contre l’espr
87
jusqu’au péché contre l’esprit, jusqu’au refus d’
être
sauvé, il y a toujours une révolte de l’homme contre sa condition tel
88
doxe de l’Amour. L’universalité du désespoir, qui
est
la thèse maîtresse de cette œuvre, conduirait l’homme au nihilisme ab
89
irait l’homme au nihilisme absolu : mais ce péril
est
tout imaginaire. Car seule la connaissance du salut promis par le Chr
90
ul, connaît toute la misère de l’homme : elle lui
est
révélée par l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’est pas de
91
ar l’Évangile qui sauve. ⁂ La lecture du Traité n’
est
pas des plus aisées. Les termes hégéliens qui abondent dans les premi
92
ient, avec la réponse terrible faite à Job. Et ce
sont
alors d’étranges et magnifiques lettres sur la détresse humaine devan
93
rt, lui qui dispose du tonnerre. Mais le tonnerre
est
une réponse, une explication certaine, digne de foi, de première sour
94
une réponse de Dieu, qui, même si elle foudroie,
est
plus magnifique que les commérages et les potins sur la justice de la
95
veritas 5. Non point que cet ouvrage ne mérite d’
être
lu par tous les amateurs de grand lyrisme intellectuel (le style admi
96
e intellectuel (le style admirable de ces pages a
été
rendu aussi bien qu’il était possible par le traducteur). Mais il ne
97
mirable de ces pages a été rendu aussi bien qu’il
était
possible par le traducteur). Mais il ne s’agit là que du premier vole
98
érer l’ensemble des écrits de Kierkegaard, et qui
est
celle du Point de vue explicatif. Le livre de Carl Koch est la démons
99
du Point de vue explicatif. Le livre de Carl Koch
est
la démonstration de l’emprise que peut exercer Kierkegaard sur un chr
100
n’a pas la tête philosophique. Cette monographie
est
à la fois la plus objective et la plus sympathique qu’un « honnête ho
101
’exposé judicieux, parfois même bonhomique : ce n’
est
pas le moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkegaard u
102
us systématique ? Je ne le pense pas. Kierkegaard
est
un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité
103
e simplicité, qu’il a vu l’événement, et qu’il en
est
encore tout remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air d’avoir
104
il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je
tiens
qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se
105
angoisse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’
est
pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su le décrire clairement et fi
106
« Mouvement des Groupes », ou Mouvement d’Oxford,
est
un des faits spirituels qui serviront à fixer la signification de not
107
u Mouvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’
est
pas le meilleur livre qu’on ait écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’
108
ersonnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie
est
un de ces « informateurs » brillants et cordiaux, un peu trop sourian
109
x sur l’Armée du salut.) Le Mouvement des Groupes
est
né après la guerre, de l’activité purement individuelle d’un jeune pa
110
bstraitement. » Dès le début sa pensée directrice
est
essentiellement personnaliste. La rénovation de l’homme ne se fera ja
111
La seule question qu’il y ait donc lieu de poser
est
celle-ci : comment atteindre les hommes dans le concret de leur exist
112
sharing) des grâces reçues, il sait qu’on ne peut
être
chrétien que totalement, personnellement, activement. N’allons pas cr
113
forme de pragmatisme américain. Dire que la foi n’
est
réelle que là où elle se réalise ne signifie pas qu’il faille agir à
114
il faille agir à tout prix. L’activiste moderne n’
est
souvent qu’un agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne sont so
115
n agité. Le philanthrope et le puritain rigide ne
sont
souvent que des acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’
116
n. D’où les confessions privées ou publiques, qui
sont
l’un des traits marquants de l’activité des Groupes. Qu’il y ait là u
117
de comités, ils ne publient pas de revues, ils ne
sont
pas une secte ni une nouvelle Église. Ils travaillent par petites équ
118
raison que la certitude qui leur vient de pouvoir
être
utiles à tel endroit où Dieu leur dit d’aller. La chronique des renco
119
iques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n’
est
pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte que c
120
imagine. Peut-être la plus sûre leçon des Groupes
est
-elle dans leur vision concrète de l’homme et de l’action de Dieu sur
121
bouteillage de doctrines et de programmes où nous
sommes
pris, le seul message utile est celui qui nous révèle une tâche proch
122
rammes où nous sommes pris, le seul message utile
est
celui qui nous révèle une tâche proche, des hommes pour lesquels nous
123
e proche, des hommes pour lesquels nous puissions
être
le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il a cell
124
devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa
soit
l’homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il est le plus grand
125
homme le plus réel d’aujourd’hui. Je dirais qu’il
est
le plus grand, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’était p
126
d, si la mesure de la grandeur, dans sa vision, n’
était
pas exclusivement dans la réalité qu’un homme incarne. Qui le connaît
127
ents décisifs de l’histoire contemporaine. Kagawa
est
le chef du Jeune Japon, l’écrivain le plus fécond et le plus populair
128
x misérables sans-abris. Ses trois premiers hôtes
sont
un galeux, un alcoolique qu’il nomme la « statue de cuivre » à cause
129
ité presque totale, et un assassin dont les nuits
sont
hantées par les apparitions de sa victime. Ils dorment côte à côte. D
130
dockers et rédige leur manifeste. « Les ouvriers
sont
des êtres humains et non pas des articles dont on trafique suivant un
131
et rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont des
êtres
humains et non pas des articles dont on trafique suivant une échelle
132
re la guerre de Chine. « La société contemporaine
est
une invalide, mentalement dégénérée, écrit-il. Les banques, l’armée,
133
cabarets, les magasins de tabac, les journaux, ne
sont
-ils pas autant de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos
134
e nos jours manifeste une tendance au crime. Elle
est
devenue folle par sa faute, Dieu seul peut la guérir. » Les marxistes
135
Les marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’
est
pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaquent violemment : « Enterrez
136
e. » Ainsi criait-on contre les prophètes. Kagawa
est
aussi un grand mystique, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’Axli
137
l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose
sont
d’un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la na
138
cension dans Foi et Vie en septembre 1931. Kagawa
sera
également évoqué par Rougemont dans un article du Semeur paru en mai
139
Je détiendrais volontiers celui-ci : que le roman
est
un genre protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous êtes Français
140
re protestant. — Et Balzac ? dites-vous, car vous
êtes
Français. Eh bien, Balzac n’est pas tout le roman. Il n’est même pas
141
s-vous, car vous êtes Français. Eh bien, Balzac n’
est
pas tout le roman. Il n’est même pas tout le roman français. Balzac,
142
is. Eh bien, Balzac n’est pas tout le roman. Il n’
est
même pas tout le roman français. Balzac, c’est le roman social. Balza
143
roman social. Balzac — et Stendhal, bien sûr — ce
sera
l’honorable, la géniale exception. Il me reste à vous démontrer, ce q
144
exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’
est
pas trop difficile, que Dostoïevski et Tolstoï sont plus protestants
145
st pas trop difficile, que Dostoïevski et Tolstoï
sont
plus protestants qu’on ne croit. Le reste est évident. — Quel reste ?
146
oï sont plus protestants qu’on ne croit. Le reste
est
évident. — Quel reste ? — Les Anglais, les Allemands, les Scandinaves
147
Galsworthy, Hardy… — Lawrence, pendant que vous y
êtes
! — Lawrence, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils furent t
148
e, parfaitement. Voyez-vous, je ne dis pas qu’ils
furent
tous des chrétiens. Plusieurs ont même écrit des romans furieusement
149
dans les vies les plus dépourvues d’apparences. N’
est
-ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de nos climats ? Et v
150
nez la proportion si l’édit de Nantes n’avait pas
été
révoqué ! — Je vous accorde volontiers ce quart. Quel avantage y voye
151
l’origine, et quelques tics de psychologues. Ils
sont
, comme l’on dit « sortis du protestantisme » ; « sortis » est bien le
152
’on dit « sortis du protestantisme » ; « sortis »
est
bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est-ce qu’u
153
mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’
est
-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous cherche
154
xelius. On vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’
est
-ce qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit
155
roman. Une histoire dont le personnage principal
est
« la main du Seigneur », ou encore « l’insondable Providence » mise e
156
se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce
serait
un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce une histo
157
conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose.
Est
-ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains angl
158
e christianisme se passe dans cette vie ou bien n’
est
pas le christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roma
159
e vie ou bien n’est pas le christianisme. Et l’on
serait
en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus
160
pessimiste à la Thomas Hardy a plus de chances d’
être
chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il est cert
161
’un quelconque happy end soi-disant édifiant s’il
est
certain que l’Évangile et ses promesses de salut sont seuls capables
162
certain que l’Évangile et ses promesses de salut
sont
seuls capables de donner à l’homme une vision réaliste de son sort te
163
e d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien
est
d’abord réaliste. Car il faut bien connaître la nature et ses abîmes,
164
n connaître la nature et ses abîmes, si l’on veut
être
à même d’y voir les marques du surnaturel. La grâce n’intervient pas
165
laisant à lui-même, car l’aveu même qu’on en fait
est
la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui le tra
166
rations vivantes du fameux paradoxe luthérien qui
est
au centre de la Réforme : simul peccator et justus. Kierkegaard nous
167
les hommes, il faut d’abord les trouver là où ils
sont
. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’i
168
’abord les trouver là où ils sont. Ainsi ce livre
est
consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’il vient nous prendre
169
che rien ; parce qu’il vient nous prendre où nous
sommes
. C’est le charme profond de Selma Lagerlöf qui revit dans ces peintur
170
ignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’
est
pas un ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle a touché le f
171
a voulu nous faire croire que la vie quotidienne
était
le contraire de la poésie, et qu’être réaliste c’était ne rien voir d
172
uotidienne était le contraire de la poésie, et qu’
être
réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe et l’argent dans l’
173
l’existence humaine. Cette espèce de naturalisme
est
le fruit d’un ressentiment que les excès idéalistes expliquent sans l
174
déalistes expliquent sans le légitimer. L’homme n’
est
pas un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’est qu’une bête
175
un ange, c’est entendu, mais ne dites pas qu’il n’
est
qu’une bête. À la fois ange et bête, voilà sa vérité totale, c’est-à-
176
profondes folies, l’originalité bouleversante des
êtres
, qu’il s’agisse d’un grand évêque ou de cette fille de ferme « au min
177
’autres, il sait aimer. Et sur ce monde tel qu’il
est
, sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes, mal engagées ou me
178
une miséricorde lumineuse, dont on dirait qu’elle
est
le vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près général de la
179
foi. Mais de cette force et de cette grandeur il
est
permis de rechercher les témoignages dans l’ordre de la civilisation,
180
émoignages dans l’ordre de la civilisation, et il
est
légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas d
181
bien passé, et dont il resterait à prouver qu’on
est
digne. Le meilleur moyen d’éviter ce danger serait sans doute d’envis
182
n est digne. Le meilleur moyen d’éviter ce danger
serait
sans doute d’envisager l’histoire d’une religion dans la perspective
183
ait l’histoire du sentiment religieux, et il nous
sera
permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond protestant, n
184
ue cette lacune suscite un Bremond protestant, ne
fût
-ce que pour corriger les souriantes injustices du catholique à l’endr
185
s aussi, la substance historique qu’il nous offre
est
de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire leur brûla
186
nt, le lecteur se voit incité à imaginer ce qu’il
fut
advenu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas été
187
ce qu’il fut advenu de la France si l’édit avait
été
observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si
188
nce si l’édit avait été observé, s’il n’avait pas
été
révoqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’étaient pas rev
189
rvé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait
été
écouté, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’avaient pas ar
190
qué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’
étaient
pas revenus, s’ils n’avaient pas armé, après quinze autres meurtriers
191
itique romaine. La persécution des protestants ne
fut
pas l’œuvre du parti catholique français, mais bien des conseillers é
192
oute cette guerre faite à la foi évangélique, ait
été
celle des Espagnols et des Romains. Les catholiques patriotes savaien
193
et à l’ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui
fut
entrepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine de la politique euro
194
i IV, dans le domaine de la politique européenne,
fut
l’œuvre personnelle des réformés. Le « grand dessein » qu’avait conçu
195
ît plus que comme un épisode, le plus marquant il
est
vrai, de toute l’évolution politique de la royauté absolue vers « l’É
196
s actuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’
est
pas un souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur est sim
197
d’unité religieuse qui domine : la religion leur
est
simple prétexte ; mais il s’agit d’établir à tout prix un cadre natio
198
sein, il s’agit d’établir un droit nouveau qui ne
soit
plus fondé que sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de Maza
199
et, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’
est
point tant la chose défendue que la défense qui fait le crime. En fa
200
es) : Ceux que vous déterrez, dit la requête, ne
sont
point étrangers. Ce sont François, vrais François de nature comme vou
201
rrez, dit la requête, ne sont point étrangers. Ce
sont
François, vrais François de nature comme vous, mieux que vous d’affec
202
ture comme vous, mieux que vous d’affection, s’il
est
vrai que l’humanité est la propre affection des François… Bon Dieu !
203
ue vous d’affection, s’il est vrai que l’humanité
est
la propre affection des François… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivon
204
Ce recours à un droit universellement humain, n’
est
-il pas significatif de la nature du danger qu’on courait ? La conclus
205
a conclusion de cette requête mérite d’ailleurs d’
être
citée aussi, pour sa seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieux, q
206
à ceux qui nous oppressent, et relâche à nous qui
sommes
oppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce style, en notre
207
siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’
est
pas moins grand lorsque, après avoir décrit l’enterrement nocturne et
208
coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous
sommes
chassés de la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C’est bi
209
s dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part
est
en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles d
210
est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous
sommes
citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. Le livre
211
lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’
est
pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme française, tome II : De l
212
, la position de cette question plutôt gênante qu’
est
son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de
213
de la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’
est
-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philoso
214
x de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous
soit
présenté aujourd’hui par des philosophes laïques tout à fait libérés
215
œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’
est
pas encore la question que Kierkegaard adressera plus tard à la chrét
216
a plus tard à la chrétienté de son temps : la foi
étant
ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi, êt
217
le paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi,
êtes
-vous vraiment chrétiens ? Servez-vous Dieu, ou bien vous servez-vous
218
se débat encore avec lui-même. A-t-il la foi ? Qu’
est
-ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’espri
219
’on l’appellera le père des croyants ? L’individu
serait
-il au-dessus du général ? Serait-il affranchi de l’éthique ? Mais alo
220
nts ? L’individu serait-il au-dessus du général ?
Serait
-il affranchi de l’éthique ? Mais alors, comment donc comprendrait-il
221
oup dire, et peu de chose ; et cependant la chose
est
aussi vite passée que dite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on
222
ue dite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on
est
à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie qu’Abraham fit le ch
223
et revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’
était
passé. Voilà le paradoxe des paradoxes : vivre comme tout le monde, m
224
ue que Kierkegaard enchaîne à l’exemple d’Abraham
est
admirablement analysée dans l’introduction de Jean Wahl qui réussit c
225
pensée protestante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’
est
-ce que la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu
226
ndait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’
est
-ce que la vie chrétienne ? demande Karl Barth dans Culte raisonnable
227
les autres. Il n’a pas à devenir, dès ici-bas, un
être
un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois
228
en sacrifice saint et agréable » à Dieu. Point n’
est
nécessaire qu’il vous pousse des ailes ni que vous soyez transformés
229
écessaire qu’il vous pousse des ailes ni que vous
soyez
transformés en quelque essence radieuse et esthétique. La vie chrétie
230
sence radieuse et esthétique. La vie chrétienne n’
est
pas une construction qui s’élève au-dessus du reste de la vie. C’est
231
l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il
est
appelé à rendre témoignage « d’une part contre la forme du siècle pré
232
ons l’idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’
est
-ce, en effet, que le « chevalier de la foi », sinon celui qui vit ple
233
remment il ne diffère des autres en rien. Mais il
est
orienté autrement — converti. Il vit dans les mêmes servitudes, mais
234
e façon de considérer l’homme à la fois tel qu’il
est
devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’il est revendiqué par Dieu à la l
235
qu’il est devant Dieu, hic et nunc, et tel qu’il
est
revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là où paraît la
236
l’homme sans cesse mis en question par l’Autre, n’
est
-ce point encore la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils
237
s à nous comme de grands questionneurs, comme des
êtres
orientés vers autre chose qu’eux-mêmes ? « Quand ils posent des quest
238
uand ils posent des questions, c’est qu’eux-mêmes
sont
mis en question. Quand ils cherchent, c’est qu’eux-mêmes sont cherché
239
question. Quand ils cherchent, c’est qu’eux-mêmes
sont
cherchés et trouvés ». Ainsi parle Édouard Thurneysen dans son essai
240
u’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’
être
confirmé par notre public littéraire. En quelques chapitres très simp
241
stoïevski, c’est la réponse à cette question : qu’
est
-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvr
242
nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’
est
lui-même qu’une seule et grande question, la question de l’origine de
243
e que vouldras » des Renaissants. Les protestants
sont
-ils trop maigres ou trop gras ? Grave question pour ceux qui jugent d
244
e poids de leurs représentants ! Or, cette espèce
est
plus nombreuse qu’on ne pense. Que sait-on de Calvin dans notre grand
245
es, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’
est
-ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros hom
246
son système ? Ne sait-on pas que les gros hommes
sont
toujours les plus populaires ? Comment se dire calviniste ? L’exposit
247
naissance à la belle floraison néo-thomiste. Il n’
est
pas inutile de marquer les raisons qui, du point de vue protestant, r
248
ecevable. Les grands théologiens de la Réforme ne
sont
pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fai
249
fait loi, une fois sanctionnée par l’Église. Ils
sont
avant tout des témoins. On ne saurait trop insister sur cette distinc
250
on fondamentale pour toute la pensée réformée. Qu’
est
-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son mes
251
ée. Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’
est
pas l’inventeur de son message, mais qui renvoie sans trêve au-delà d
252
e juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’
est
pas faire retour à certaines formules dogmatiques ; mais c’est, au-de
253
emonter à cette origine permanente de l’Église qu’
est
la révélation évangélique. Le calvinisme ou le luthérisme, ce sont bi
254
n évangélique. Le calvinisme ou le luthérisme, ce
sont
bien moins des normes de pensée que des chemins vers l’Évangile. L’Év
255
par l’Esprit, reste la norme de toute théologie,
fût
-elle la plus orthodoxe. Barth, on le sait, ne se lasse pas de compare
256
ean Calvin reçut de réformer l’Église. Tout ceci
est
fort bien exposé par M. Albert-Marie Schmidt dans son introduction au
257
des scandales. Ce troisième traité n’avait jamais
été
réimprimé depuis sa parution en 1550. « Originale mixture de passion
258
de passion contenue et de raison déchaînée », il
sera
pour beaucoup l’occasion d’une véritable découverte de Calvin. Il nou
259
nuire à l’Évangile et le diffamer comment que ce
soit
». Il y a ceux pour lesquels les dogmes sont autant d’occasions de ch
260
e ce soit ». Il y a ceux pour lesquels les dogmes
sont
autant d’occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est
261
ns de chopper : Quant à ce que la Prédestination
est
comme une mer de scandales, d’où vient cela sinon de la folle curiosi
262
mes ou de leur outrecuidance débordée ? Calvin n’
est
guère partisan, on le voit, de ce fameux libre examen dont on persist
263
icable. Mais les pires adversaires de l’Église ne
sont
pas toujours au-dehors. Voici ceux qui préfèrent la paix selon le mon
264
Calvin rappellera que notre condition chrétienne
est
celle du conflit dialectique : L’Église est ordonnée à cette conditi
265
enne est celle du conflit dialectique : L’Église
est
ordonnée à cette condition de batailler continuellement sous la croix
266
res armes. Au sujet de ce style, dont l’exemple n’
est
pas l’un des plus négligeables que comportent les Trois traités, M. S
267
moins à toucher son antagoniste ; l’art de Calvin
est
fait de soumission absolue à l’objet proposé : tout en portant la mar
268
arque d’une des plus puissantes personnalités qui
fut
jamais, il se recrée toujours lui-même. Soumission du langage à l’ob
269
langage à l’objet spirituellement dominé : telle
serait
la formule du classicisme de Calvin. D’une vivacité presque baroque d
270
Il m’apparaît que le style d’un Calvin peut nous
être
un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes raisons. D’abord Calv
271
Et ceci pour deux bonnes raisons. D’abord Calvin
était
chef de parti ; qui plus est, fondateur d’Église ; donc doublement co
272
ns. D’abord Calvin était chef de parti ; qui plus
est
, fondateur d’Église ; donc doublement conscient de la responsabilité
273
e à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’
être
par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-il revenir vers les c
274
s de Calvin — c’est le cas de ces Trois traités —
furent
traduits par lui-même du latin. D’où la jeunesse de cette langue et s
275
briété monumentale. Là encore, la leçon de Calvin
serait
celle d’un retour aux origines. Voilà la seule révolution qui compte
276
occidental n’a jamais eu d’unité harmonieuse : il
est
toujours tension entre deux pôles, qui d’ailleurs se déplacent sans c
277
t sans cesse et parfois aussi changent de nom. On
est
tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et unique oppositio
278
ant le fait chrétien fondamental : la foi. La foi
est
acte humain d’obéissance en même temps qu’elle est don de Dieu ; elle
279
st acte humain d’obéissance en même temps qu’elle
est
don de Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne serait qu’un
280
Dieu ; elle s’oppose donc à toute mystique qui ne
serait
qu’une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’
281
renforcer un préjugé dont le bénéfice ne saurait
être
pour la foi. La mystique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche
282
bien, répondrait un marxiste, si le christianisme
est
cela, nous lui laisserons ses rêveries et nous nous chargerons de l’h
283
les ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où il n’
est
pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui est plus qu’une réserve,
284
’est pas question de mysticisme. Ceci marqué, qui
est
plus qu’une réserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous a
285
upart des mystiques que M. Chuzeville nous révèle
sont
inconnus du public français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et be
286
s, Novalis et Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup
sont
de grands poètes, des philosophes terriblement concrets : Suso, Taule
287
gurer dans un choix de « mystiques », alors qu’il
est
le premier défenseur de l’expérience. Mais la beauté des textes cités
288
tisme allemand, encore si mal connu chez nous. Il
est
grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit ger
289
ommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il
est
grand temps que nous relevions ces titres de noblesse spirituelle mom
290
es dimensions que par son style. M. Wilfred Monod
est
actuellement le représentant le plus marquant d’une famille dont les
291
Il semble que l’auteur du Problème du Bien 13 se
soit
fait un glorieux devoir, et peut-être un malin plaisir, de soutenir l
292
x grands mouvements de pensée et d’action dont il
fut
l’un des principaux initiateurs : le christianisme social, et l’union
293
araître sous un titre dont l’apparence paradoxale
est
typique de l’esprit de M. Monod, figure sans aucun doute le document
294
me de la problématique particulière à une école —
est
-ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en passant par Cha
295
sse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce
serait
le devoir d’un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais p
296
chrétiens, mais plus encore aux autres. Mon cœur
est
tourné vers les agnostiques, les sceptiques, les incrédules, les athé
297
édules, les athées, les désespérés (termes qui ne
sont
pas synonymes) et je leur propose de méditer le problème du Bien. Si
298
Barth, tout au contraire, le rôle de la théologie
sera
purement et simplement de critiquer, au sein de l’Église, la prédicat
299
sions de philosophies passagères quelles qu’elles
soient
. Pour Barth, c’est Dieu qui met l’homme en question. M. Monod part au
300
enier. Cette convergence paradoxale et imprévue n’
est
-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’unité future des
301
non ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’
est
pas dans la Nature, il n’en est ni le maître ni l’auteur : voilà la t
302
En effet, Dieu n’est pas dans la Nature, il n’en
est
ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce que n
303
hommes périssent par accident, la terre tremble :
est
-ce là l’œuvre du Dieu d’amour dont parle l’Évangile ? « La fourmi pér
304
dition chrétienne pour avoir affirmé que le monde
est
l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos que le Christ, fils de D
305
ais, d’un démiourgos que le Christ, fils de Dieu,
est
venu pour combattre et pour vaincre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-i
306
r vaincre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-il, « n’
est
pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, au contrai
307
il » une réaffirmation du dogme trinitaire : Dieu
est
un X qui ne se révèle à l’homme comme le Père que par son incarnation
308
sérieux proprement théologique du raisonnement ne
soit
parfois diminué par certains calembours trop plaisants. Je dirai, pas
309
llectuelle. Et je redoute que certains fidèles ne
soient
gênés, comme je le suis, par l’affirmation répétée que l’auteur « écr
310
que certains fidèles ne soient gênés, comme je le
suis
, par l’affirmation répétée que l’auteur « écrit à genoux ». Au sous-t
311
connaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne
tenait
, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne saurait plus êtr
312
l’étayer par une philosophie qui ne saurait plus
être
la nôtre : j’entends le criticisme à peine critiqué. Le contenu de la
313
: « Emmanuel ! » qui signifie : Dieu avec nous !
Est
-il vraiment indispensable, est-il même permis au chrétien, de fonder
314
: Dieu avec nous ! Est-il vraiment indispensable,
est
-il même permis au chrétien, de fonder cette Révélation sur le système
315
? Et pour quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en
tenir
à des appréciations du genre « moine qui voulait se marier », il sera
316
ions du genre « moine qui voulait se marier », il
serait
sage de parcourir au moins les œuvres capitales du grand réformateur.
317
croyable, que, depuis quatre siècles qu’elles ont
été
écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages c
318
à la doctrine religieuse : voilà tout ce qui nous
est
accessible d’une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plus qu
319
rme luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne
fût
-ce que sur le plan de la culture générale, une telle publication est
320
lan de la culture générale, une telle publication
est
appelée à rendre des services inappréciables. Elle nous place au cœur
321
du procès : l’acte d’accusation du clerc actif qu’
était
Luther, contre le clerc « désintéressé » que croyait pouvoir être Éra
322
tre le clerc « désintéressé » que croyait pouvoir
être
Érasme. Elle nous permet de connaître l’une des origines historiques
323
int de vue du « clerc pur », celui d’Érasme, nous
est
suffisamment connu. Qu’on se reporte en particulier à la brillante bi
324
écente du parfait disciple d’Érasme que se trouve
être
M. Benda. Érasme dit le vrai, puis se lave les mains, et refuse d’end
325
mmis tant de crimes au nom de la vérité ! On s’en
est
plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention de Luther en personne
326
a problématique chrétienne, dans cet ouvrage, qui
est
avant tout celui d’un grand théologien ? Une verdeur de polémique qui
327
un point de vue purement esthétique, ces qualités
sont
assez rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui
328
use l’essentiel — c’est-à-dire la foi de Luther —
soit
tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
329
utes les affirmations fondamentales de la Réforme
sont
ici reposées par Luther : justification par la foi, qui est don gratu
330
posées par Luther : justification par la foi, qui
est
don gratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de la justice
331
’homme entre les mains de Dieu. À cet égard, il n’
est
nullement exagéré de voir dans le Traité du serf arbitre une sorte de
332
de la Réforme. Quant à la thèse particulière, qui
est
la négation du libre arbitre religieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’au
333
le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’
est
pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter le pire
334
le, ne désire vraiment que le péché. La liberté n’
est
pas dans l’homme, mais dans l’acte par lequel Dieu le choisit, substi
335
ordre. Fatalité et liberté : le problème ne peut
être
écarté comme relevant de la seule théologie. Il est au cœur de la pen
336
e écarté comme relevant de la seule théologie. Il
est
au cœur de la pensée humaine. Tout homme qui veut penser son existenc
337
oxe tout semblable à celui de Luther : la liberté
est
à ses yeux dans la connaissance virile d’une nécessité immuable, acce
338
etour éternel de toutes choses. Pour Luther, elle
est
au contraire la Providence, la personne même de Dieu, éternellement a
339
et qui nous aime. Il faut choisir. Mais le choix
est
-il libre ? On retombe au débat de Luther et d’Érasme. Le trop prudent
340
on » et l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne
serait
-ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la déc
341
ement dépourvu de ce pouvoir « fabulateur » qu’il
était
censé détenir. (Déjà M. Weidlé, dans ses Abeilles d’Aristée, constate
342
thode consistant trop souvent, il faut le dire, à
tenir
pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu
343
nt peu à peu, par désir de se montrer original, à
tenir
pour acquis que les « vertus » sont de ces illusions qui ne résistent
344
original, à tenir pour acquis que les « vertus »
sont
de ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse, et qu’un auteur si
345
la naïveté moderne se figure qu’une légende doit
être
crue, comme on croit les journaux, par exemple, et s’en indigne, et r
346
s. L’on prie de croire, d’ailleurs, que ces héros
sont
bien assez complexes pour notre goût moderne ! Et que l’« analyse des
347
re goût moderne ! Et que l’« analyse des motifs »
est
ici d’une fort malicieuse lucidité. Mais elle s’opère par le seul jeu
348
l’imagination dont nous pensions que le secret s’
était
perdu avec l’enfance. Comme on sent que l’auteur s’amuse de sa maîtri
349
seulement que le sens profond de l’œuvre entière
est
formulé : « Celui qui veut être un disciple du Christ sans avoir l’am
350
de l’œuvre entière est formulé : « Celui qui veut
être
un disciple du Christ sans avoir l’amour des hommes est condamné à al
351
disciple du Christ sans avoir l’amour des hommes
est
condamné à aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment
352
alité de la légende a bel et bien dominé tous ces
êtres
, malgré leur scepticisme ou leurs bravades, dans la mesure où les rel
353
re qu’il croisera en allant au village, si elle n’
est
pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’en faut de peu qu’il
354
lle des environs, mais cela ne compte pas, car il
est
entendu que la femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un
355
is-ci, la plus pauvre orpheline du village ; elle
est
défigurée par une énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce martyr
356
uvage. » Il s’arrête. « Tu me regardes comme si j’
étais
une bête curieuse, dit-elle. On croirait que tu as rencontré un ours
357
l’art de Selma Lagerlöf. L’invention romanesque n’
est
ici que la « mise en pratique » d’une attitude spirituelle extrême. L
358
purifier l’émotion. Mais pour qu’une telle phrase
soit
dite, il faut des âmes fortement tendues. Et pour que cette même phra
359
fortement tendues. Et pour que cette même phrase
soit
aussitôt mise en pratique par le héros, sans nulle invraisemblance, i
360
sans nulle invraisemblance, il faut que ce héros
soit
un croyant d’une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en effet, il y
361
sé pour que se nouent les drames complexes dont s’
est
nourri depuis cent ans le grand roman occidental : vies intérieures p
362
d’Amiel, a déjà derrière lui une œuvre solide. Il
est
l’un des principaux collaborateurs de la revue Esprit , écrit dans p
363
, écrit dans plusieurs revues des articles qui ne
sont
jamais indifférents. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique de la
364
es articles qui ne sont jamais indifférents. Il a
tenu
, dans notre journal, la rubrique de la vie protestante. Ayant fait de
365
nal d’Allemagne , qui, paru au printemps dernier,
est
un des témoignages les plus valables sur le national-socialisme. Étra
366
échanges qui stimulent tant d’écrivains, et leur
tiennent
souvent lieu de vie intérieure. Il me reçoit dans la maison de M. Cha
367
et Colinet, son petit garçon. Denis de Rougemont
est
grand, souple, il a la réserve affable des Suisses, et ce sourire des
368
’à l’heure où la mort le défigure déjà… tout cela
est
rempli de bizarreries, de contradictions, pressenties au siècle derni
369
fléchi avant d’arriver à cette conviction, que je
suis
prêt à défendre : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fait d’aim
370
onception chrétienne du mariage. L’amour courtois
est
chaste, il accorde à la femme une prééminence dont l’Église a bien se
371
ittérature ? Beaucoup d’historiens, d’érudits, se
sont
posé la question sans pouvoir la résoudre. Pour moi, l’explication n’
372
ns pouvoir la résoudre. Pour moi, l’explication n’
est
pas douteuse. L’amour courtois est directement issu du catharisme. Vo
373
’explication n’est pas douteuse. L’amour courtois
est
directement issu du catharisme. Vous savez que l’hérésie cathare, que
374
sant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’il
était
marié, à s’abstenir de tout contact avec sa femme. Les cathares admet
375
des grands mystiques. Ainsi tous les troubadours
étaient
des cathares ? J’en suis persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anim
376
tous les troubadours étaient des cathares ? J’en
suis
persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en exposant une théorie
377
hérésie avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils
étaient
souvent jaloux de l’autorité temporelle exercée par le clergé. Donc l
378
relle exercée par le clergé. Donc l’amour-passion
serait
une hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu la clef, et qui a po
379
ameux triangle, le mari, la femme et l’amant, qui
est
le sujet essentiel de toute la littérature occidentale, n’a surgi dan
380
nent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’ai
été
frappé par le goût de la mort que l’on retrouve à la fois dans le cat
381
t Iseut et chez les lyriques courtois, goût qui n’
est
autre que l’instinct de la mort tel que Freud l’a analysé. À une époq
382
s de Rougemont réfléchit : Non, je crois que nous
sommes
à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais
383
cela ? C’est très simple. Nous souffrons d’avoir
été
élevés dans une double contradiction. Romans, poèmes, musique, l’art
384
roxysme désirable, comme un état d’exception où l’
être
se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à connaître cet état que, com
385
n et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’
être
aimé. D’autre part, on nous montre le mariage comme le fondement esse
386
un acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’il
est
en réalité : l’aventure la plus difficile. Si vous ne fondez pas le m
387
a personnalité. Mais pour moi cette fidélité doit
être
observée en vertu de l’absurde. Elle est aussi absurde que la passion
388
té doit être observée en vertu de l’absurde. Elle
est
aussi absurde que la passion, mais s’en distingue par un refus consta
389
du mariage, suppose chez les femmes, qui doivent
être
sans cesse capables de se renouveler, un ensemble de vertus solides e
390
bles assez difficiles à concilier. Je le sais, je
suis
très exigeant. Pour moi, le mariage devrait être une institution qui
391
suis très exigeant. Pour moi, le mariage devrait
être
une institution qui maintient la passion non par la morale, mais par
392
vie extraordinaire. D’abord soldat valeureux, il
fut
ensuite, pendant dix-sept ans, juge et conseiller à Sachseln, où il e
393
son ermitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’
est
-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera représenté dans un t
394
N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger,
sera
représenté dans un théâtre en plein air, devant cinq ou six-mille spe
395
mment ils pourraient se rapprocher. Si j’aide des
êtres
troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus belle r
396
troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce
sera
ma plus belle récompense. Le véritable esprit chrétien, la véritable
397
ble esprit chrétien, la véritable intelligence, n’
est
-ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rouge
398
Mais qui
est
donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)w x Pour beaucoup, Denis
399
bre 1963)w x Pour beaucoup, Denis de Rougemont
est
l’auteur d’une thèse retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident
400
athare. Pour les disciples d’Emmanuel Mounier, il
est
surtout le philosophe de Politique de la personne . Pour quelques au
401
litique de la personne . Pour quelques autres, il
est
l’écrivain qui a le mieux analysé la résistible ascension d’Adolf Hit
402
s deux mondes notamment). Pour les mélomanes, il
est
le poète de Nicolas de Flue , dont Honegger tira un oratorio. Pour t
403
nt Honegger tira un oratorio. Pour tous enfin, il
est
, depuis la semaine dernière, le lauréat du Grand Prix littéraire de M
404
réat du Grand Prix littéraire de Monaco. Mais qui
est
en réalité Denis de Rougemont ? On a dit beaucoup de bêtises — lui-mê
405
revue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont
est
un écrivain suisse d’expression française… Je déteste cette formule !
406
ançais plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je
suis
un écrivain français, un point c’est tout. Il est l’auteur d’un certa
407
uis un écrivain français, un point c’est tout. Il
est
l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages qui, tenant à la fois du jour
408
ut absolument coller une étiquette, disons que je
suis
un essayiste, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de nos jours
409
n plus répandue de nos jours. Montesquieu, Pascal
étaient
des essayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais l
410
Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’
est
pas que je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même : un
411
s que je veuille me comparer à eux, mais la forme
est
la même : un mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions et d’a
412
ique de la personne . Politique de la personne
était
un manifeste qui déclencha une polémique à laquelle prirent part Berd
413
er et Gabriel Marcel. Pour moi, la « personne » n’
est
ni un individu refermé sur lui-même ni la minuscule partie d’une mass
414
mme que je place le point d’insertion de Dieu. Je
suis
tout à fait opposé aux doctrines providentialistes qui font de Dieu u
415
Jéhovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu
est
en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort
416
de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il
est
nommé lecteur à l’Université de Francfort et séjournera un an en Alle
417
tler dans Paris. Les Allemands demandèrent que je
sois
puni et j’ai reçu quinze jours de prison militaire sous le prétexte q
418
f d’État étranger ! De Suisse, Denis de Rougemont
est
envoyé en Amérique où il passera six ans, écrira La Part du diable
419
ec plusieurs écrivains français. On décida que je
serais
moins gênant en Amérique qu’en Europe. À New York, je rédigeais les é
420
lète entre mon action politique et mes livres. Je
suis
passé tout naturellement et sans rupture de ma définition de la « per
421
héorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, doit
être
à la fois libre et responsable ; de même pour chaque nation dans l’Eu
422
n dans l’Europe fédérée que je préconise et qui n’
est
que la transposition à une échelle géante de la Confédération helvéti
423
les unes des autres devant le danger commun. Nous
serions
ainsi 350 millions d’Européens solidaires, ce qui représente presque
424
téraire de Monaco. Selon la formule consacrée, je
suis
ravi d’avoir reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je vie
425
tableau. Je viens en effet d’apprendre que je me
suis
trouvé opposé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher et un grand é
426
que je me suis trouvé opposé à Eugène Ionesco qui
est
un ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ion
427
w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Mais qui
est
donc Denis de Rougemont ? », Les Nouvelles littéraires, Paris, 7 nove
428
Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont il ne
fut
« que » le président du comité exécutif, de 1951 à 1966.
429
xxe siècle a vu la civilisation — qui ne saurait
être
que la nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la ter
430
les prophètes de la décadence européenne : et ils
sont
tous, ou presque tous, Européens. Loin de s’émerveiller du fait que l
431
es civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes
mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beau
432
elles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone
étaient
de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi pe
433
istence même. Mais France, Angleterre, Russie, ce
seraient
aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons
434
ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi
est
un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est
435
nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire
est
assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la
436
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de
437
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux. L’écho de cette page fut immense et je sais peu d
438
les sont dans les journaux. L’écho de cette page
fut
immense et je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle q
439
qui annonce en somme que toutes les civilisations
étant
mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr.
440
a donc probablement périr. Pour émouvante qu’elle
soit
, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’é
441
pour illustrer le même argument que Valéry : Que
sont
devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont
442
e brillantes créations de la main de l’homme ? Où
sont
-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Pers
443
de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qui
furent
le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que soli
444
tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple
est
« un individu dans la marche de l’histoire » et qu’il obéit donc, com
445
débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il
est
convaincu que toute culture est un organisme et correspond morphologi
446
va plus loin ; il est convaincu que toute culture
est
un organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou
447
l. Il en résulte inexorablement que toute culture
est
mortelle, et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort
448
dence historique. Primo, l’hégémonie politique n’
est
pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation.
449
tion. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut
être
perdue sans que l’autre soit ruinée du même coup. Tchingis-Khan eut l
450
l’autre. L’une peut être perdue sans que l’autre
soit
ruinée du même coup. Tchingis-Khan eut l’hégémonie sans la civilisati
451
t une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’
est
pas du tout certain que les précédents historiques soient applicables
452
as du tout certain que les précédents historiques
soient
applicables dans notre situation, ni que la courbe croissance-grandeu
453
n, ni que la courbe croissance-grandeur-décadence
soit
la même pour toutes les cultures dans tous les temps. Les prophètes d
454
nnu des Européens, celui de la chute de Rome, qui
est
censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine
455
dans la partie occidentale de l’Empire. L’exemple
est
-il valable pour l’Europe ? La civilisation européenne est-elle une ci
456
alable pour l’Europe ? La civilisation européenne
est
-elle une civilisation comme les autres ? Son destin peut-il être préd
457
ivilisation comme les autres ? Son destin peut-il
être
prédit par extrapolation des exemples antiques ? Il se pourrait, bien
458
totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao,
tiennent
leur unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Compar
459
’elle en a héritées, la civilisation européenne s’
est
trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n
460
rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en
fut
rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
461
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
furent
pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture
462
a civilisation créée par cette culture n’a jamais
été
autre chose qu’une unité paradoxale consistant dans la seule volonté
463
onté commune à tous de refuser l’uniformité. Où
sont
les candidats à la relève ? Aux prophètes de la décadence européen
464
ope. Première raison : La civilisation européenne
est
la seule qui soit effectivement devenue universelle. Bien d’autres a
465
son : La civilisation européenne est la seule qui
soit
effectivement devenue universelle. Bien d’autres avaient cru cela d’
466
se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus
être
commise, à présent que la terre entière est explorée dans ses dernier
467
plus être commise, à présent que la terre entière
est
explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et les empereu
468
mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’
est
plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent d
469
monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi elle s’
est
trouvé la seule qui fût assez complexe et multiforme pour pouvoir, si
470
es. Voilà pourquoi elle s’est trouvé la seule qui
fût
assez complexe et multiforme pour pouvoir, sinon satisfaire, du moins
471
hniques que de livres et de missionnaires. Elle s’
est
laïcisée, ou sécularisée, et détachée du christianisme qui contribua
472
dition de son « succès » le plus visible — elle s’
est
rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucune autr
473
aleur égale de tout homme devant Dieu, quelle que
soit
sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien d
474
e ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y
était
synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil, il y avait un mo
475
e style, Bismarck définit le Bavarois comme « cet
être
intermédiaire entre l’Autrichien et l’homme ».) Pour les Grecs et les
476
les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’
étaient
pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisations d
477
s ni hommes libres, ni hommes ni femmes, car vous
êtes
tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conce
478
ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous
êtes
tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre
479
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis l
480
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plus
481
nregistrées sur bandes et sur microsillons, elles
sont
en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Las
482
t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre,
sont
-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été préservées par le mus
483
sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont
été
préservées par le musée et le laboratoire européens, pour être diffus
484
es par le musée et le laboratoire européens, pour
être
diffusées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup q
485
plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce
sont
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’
486
la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce
sont
le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’o
487
ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres
sont
fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles.
488
rement et que nos cendres sont fécondes. Le temps
est
passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette sim
489
fécondes. Le temps est passé où les civilisations
étaient
mortelles. » J’ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisat
490
si tant de civilisations qu’on croyait endormies
sont
tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagess
491
rminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce
fut
plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, plus primitive et
492
barbares » mal connus. Les candidats à la relève
étaient
nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou
493
s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En
est
-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la re
494
de succès ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils
sont
nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser p
495
ain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ?
Est
-elle une autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’es
496
marxisme plus l’électricité. » Or, le marxisme n’
est
pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bi
497
le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’
est
pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père é
498
inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père
était
devenu protestant, et qui rédigeait au British Muséum, pour le Herald
499
et qui forment une partie du Kapital. Le marxisme
est
né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre
500
anisé la Russie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’
est
chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’
501
Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère
été
qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Eur
502
a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui
est
une invention de l’Europe… z. Rougemont Denis de, « Les prophètes
503
es, Paris, 24 septembre 1970, p. 3. aa. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « On sait quel Européen convaincu et mil
504
t : « On sait quel Européen convaincu et militant
est
Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et l’Occident , Penser avec
505
ougemont, les deux grands thèmes de votre vie ont
été
l’Amour et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 ans ?
506
es de votre vie ont été l’Amour et l’Europe. Quel
était
le Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si vous me disiez 17 ans et dem
507
, je vous dirai : l’âge de mon premier article. J’
étais
au gymnase de ma ville natale, Neuchâtel. Le trait caractéristique de
508
el. Le trait caractéristique de cet endroit où je
suis
né est d’être un carrefour, une petite principauté placée entre les i
509
rait caractéristique de cet endroit où je suis né
est
d’être un carrefour, une petite principauté placée entre les influenc
510
aractéristique de cet endroit où je suis né est d’
être
un carrefour, une petite principauté placée entre les influences fran
511
e les influences françaises et allemandes, ce qui
est
très suisse, par définition. 17 ans, c’est le moment où j’ai pris con
512
ns, c’est le moment où j’ai pris conscience que j’
étais
un littéraire. À cette époque je n’écrivais que des poèmes, persuadé
513
es, persuadé que toute autre forme de littérature
était
inférieure et méprisable. En même temps je jouais au football. J’étai
514
éprisable. En même temps je jouais au football. J’
étais
gardien de but. C’était pour moi le poste idéal car le gardien de but
515
ris que Montherlant et Albert Camus avaient aussi
été
gardiens de but. Comment avez-vous découvert l’Europe ? C’est entre 1
516
fois une idée assez exacte des influences qui se
sont
exercées sur notre petit coin de Suisse romande. Vous avez consacré d
517
e nombreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’
est
-ce que l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi c’est plus sp
518
de l’amour-passion que j’ai décrit dans mon livre
fut
quelque chose de très important dans ma vie. L’opposition entre l’amo
519
L’opposition entre l’amour-passion et le mariage
est
au fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouv
520
riage est au fond le sujet même de ce livre. J’ai
été
entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de circonstances. L
521
oute une suite de circonstances. La plus ancienne
était
un numéro de la revue Esprit consacré à la femme et l’amour aujourd
522
ourd’hui, et qui portait comme titre : « La femme
est
aussi une personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’était mont
523
personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’
était
montré un précurseur. Il m’avait demandé une étude sur l’opposition q
524
intitulé La France et son armée, et dont l’auteur
est
un jeune lieutenant-colonel qui s’appelle Charles de Gaulle. » Ayant
525
e Charles de Gaulle. » Ayant cédé mon tour, je me
suis
mis instantanément à mon livre, et j’ai terminé les 450 pages en troi
526
demandé trois mois de travail et toute la vie. J’
étais
devenu, hélas ! aux yeux de beaucoup de gens dans beaucoup de pays un
527
gens qui m’avaient fait des confidences et je me
suis
aperçu que généralement ils étaient près de divorcer avant de m’avoir
528
idences et je me suis aperçu que généralement ils
étaient
près de divorcer avant de m’avoir lu puis qu’ils avaient décidé de ne
529
qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en
tenir
à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant un
530
divorcer, c’est-à-dire que l’action de mon livre
était
généralement de retarder les divorces de quelques années, ce qui prov
531
de conscience fort utiles. Mon premier mariage s’
est
terminé par un divorce après mes années d’Amérique. C’est pourquoi da
532
euxième livre sur ce thème, Comme toi-même , qui
est
édité en livre de poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à
533
mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on
est
contre la passion qui est l’une des choses glorieuses qui peut arrive
534
e sens de dire que l’on est contre la passion qui
est
l’une des choses glorieuses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui,
535
uses qui peut arriver à un homme. Aujourd’hui, je
suis
parvenu à ce point qu’il y a deux morales, l’une qu’il faut enseigner
536
faitement que quand il commence une œuvre, que ce
soit
un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des discipli
537
e. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’
est
pas au nom d’une morale puritaine, comme certains l’ont cru, mais au
538
u, mais au nom d’une morale d’artiste. Tout homme
est
amené à être créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surto
539
om d’une morale d’artiste. Tout homme est amené à
être
créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même et surtout de son cou
540
t homme est amené à être créateur d’une œuvre, ne
fût
-ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuv
541
n, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle doit
être
réservée à de très rares personnes qui seront probablement le sel de
542
doit être réservée à de très rares personnes qui
seront
probablement le sel de la terre ou qui seront quelquefois des crimine
543
qui seront probablement le sel de la terre ou qui
seront
quelquefois des criminels. Revenons à l’Europe. Vous vivez à Ferney-V
544
« Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’
être
obligé de passer une et souvent plusieurs fois par jour la frontière
545
e et souvent plusieurs fois par jour la frontière
est
bien fait pour entretenir l’indignation continuelle que j’ai contre l
546
j’ai contre les frontières. Cette frontière avait
été
à peu près supprimée par des traités qui repoussaient le cordon douan
547
en a résulté que dans la région que j’habite, qui
est
prétendument zone franche, nous sommes entre deux cordons douaniers.
548
j’habite, qui est prétendument zone franche, nous
sommes
entre deux cordons douaniers. Cette situation particulièrement scanda
549
frontières, à travers les frontières. Mon slogan
est
celui-ci : « Les frontières sont faites pour être transformées en écu
550
ières. Mon slogan est celui-ci : « Les frontières
sont
faites pour être transformées en écumoires. » Denis de Rougemont, que
551
est celui-ci : « Les frontières sont faites pour
être
transformées en écumoires. » Denis de Rougemont, quelle est votre déf
552
ormées en écumoires. » Denis de Rougemont, quelle
est
votre définition de la gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient ap
553
. Cela n’a rien à voir avec la publicité. Ça peut
être
secret. Je crois beaucoup à une notion secrète de la gloire. La gloi
554
up à une notion secrète de la gloire. La gloire n’
est
pas donnée par la foule, elle n’est pas donnée par le succès. C’est u
555
. La gloire n’est pas donnée par la foule, elle n’
est
pas donnée par le succès. C’est un sentiment d’épanouissement suprême
556
gie, si vous voulez. Je pense que l’immortalité n’
est
pas quelque chose qui commence quand on est mort, ni que l’âme sort p
557
ité n’est pas quelque chose qui commence quand on
est
mort, ni que l’âme sort par la bouche et va voleter on ne sait pas tr
558
temps, qui le pénètre complètement et que nous y
sommes
déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est que la mort,
559
e que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’
est
la vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est un certain laps de tem
560
s le détail, car il n’y a là que la précision qui
est
intéressante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’air de faire croir
561
faire croire aux gens que pour moi croire en Dieu
est
bien, ne pas y croire est mal, et vice versa. Pour être complètement
562
pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y croire
est
mal, et vice versa. Pour être complètement sincère, j’éprouve autant
563
ien, ne pas y croire est mal, et vice versa. Pour
être
complètement sincère, j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire
564
és à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’
est
pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le problème est mal posé d
565
eu dire. Cela veut peut-être dire que le problème
est
mal posé dans ma tête, ou dans mon existence. À quoi j’en reviens tou
566
ns. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne
tiennent
pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un
567
rale scientifique. On pourrait leur demander : Qu’
est
-ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’y a aucun sens à rien
568
he ? Au nom de quoi venez-vous me dire qu’il faut
être
socialiste ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons dans l’arbitra
569
me dire qu’il faut être socialiste ou qu’il faut
être
de gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au contraire, j
570
e à un avant. Si vous voulez, je pense que Dieu n’
est
pas une cause au début de tout mais qu’il est une cause finale de l’h
571
u n’est pas une cause au début de tout mais qu’il
est
une cause finale de l’humanité, qu’il appelle le développement de l’h
572
cuter sur l’existence ou la non-existence de Dieu
étant
donné que nous savons la place infime que nous tenons dans l’univers.
573
nt donné que nous savons la place infime que nous
tenons
dans l’univers. Je fais quelquefois cette comparaison un peu élémenta
574
chapeau suivant : « On sait quel ardent Européen
est
Denis de Rougemont. Dans son dernier livre, publié chez Albin Michel,
575
par l’idée d’union fédérale. Denis de Rougemont s’
est
fait l’apôtre de cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en
576
mont s’est fait l’apôtre de cette croisade ; il n’
est
donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho dans sa conversation avec
577
rence, intitulé « La passion contre le mariage »,
est
paru en septembre 1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition de L
578
militaire par les Russes — je songe aux pays de l’
Est
européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos
579
liste, seule pratiquement possible pour l’Europe,
est
en même temps la seule qui corresponde aux réalités de la culture eur
580
e bloque tout. Cet obstacle politique, en retour,
est
fomenté par la culture. Car ce sont bien des faits de culture : l’éco
581
ue, en retour, est fomenté par la culture. Car ce
sont
bien des faits de culture : l’école, aux trois degrés, la presse, les
582
’État national centralisé et absolument souverain
est
l’aboutissement nécessaire, inévitable et naturel de toute l’évolutio
583
ontre toute évidence historique — que leur nation
est
immortelle, ce qui suggère qu’elle aurait existé de toute éternité ;
584
çais existe réellement depuis Philippe le Bel, il
est
absolument certain que l’Italie comme État n’a que cent-dix ans, l’Al
585
ntières naturelles. Et nous l’avons cru ! Or tout
est
faux dans cet enseignement. Il n’y a pas de cultures nationales
586
de cultures nationales La culture européenne n’
est
pas la somme de vingt-cinq cultures nationales, puisqu’elle existait
587
nne Gilson — pas un seul des grands professeurs n’
était
français : ils étaient napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme B
588
eul des grands professeurs n’était français : ils
étaient
napolitain comme Thomas d’Aquin, pisan comme Bonaventure, allemand co
589
, ceux qui parlaient même langue ? Oui, mais il n’
était
pas question de les enfermer pour autant dans les frontières d’un mêm
590
s les frontières d’un même État. D’ailleurs, il n’
est
pas vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire de dif
591
tuelles ; breton et flamand au nord, allemand à l’
est
, basque, occitan, catalan et italien au sud, et naturellement le fran
592
de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues
sont
trop différentes pour que nous puissions nous entendre entre Stockhol
593
r que toutes (sauf le basque et le finno-ougrien)
sont
étroitement apparentées. Alors qu’en Chine on parle quatorze langues
594
œurs. Vue de loin, l’unité culturelle de l’Europe
est
un fait que personne ne conteste. Enfin, il y a l’affaire des frontiè
595
spagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a
été
mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dans l’
596
rénées séparent l’Espagne de la France, voilà qui
est
clair, à condition qu’un esprit fort (ou un naïf) ne vienne pas remar
597
naïf) ne vienne pas remarquer que l’on trouve à l’
est
de cette chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants, et les même
598
l’allemand, toujours des deux côtés. Et la Suisse
est
née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité et les vraies diversité
599
cachait, c’est que la culture de tous nos peuples
est
une, quoique tissée de contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’
600
de contradictions dans sa genèse même, qu’elle s’
est
formée à partir d’influences indo-européennes, gréco-latines, celtes
601
on du réel, que nous le sachions ou non, que nous
soyons
« cultivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’architecture,
602
ure et de doctrine sociologique ou politique, ont
été
paneuropéennes, et non pas nationales. Les grands courants européens,
603
’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en
est
-il de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, co
604
e nos diversités tant vantées, et à juste titre ?
Est
-il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents ministres à Bruxell
605
u à Strasbourg, que ces « précieuses diversités »
sont
celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations facile
606
er. Non, les frontières de nos États n’ont jamais
été
« naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires comme les con
607
nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles
sont
accidentelles et arbitraires comme les conflits armés dont elles figu
608
lles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles
sont
encore, disait un historien français, le résultat des « viols répétés
609
es conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne
sont
pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, mais
610
ien l’Europe. 2° La création culturelle en Europe
est
d’autant plus riche et plus intense qu’elle est moins centralisée et
611
e est d’autant plus riche et plus intense qu’elle
est
moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge,
612
e qu’elle est moins centralisée et que ses foyers
sont
plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création sont les universi
613
us nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de création
sont
les universités, à la Renaissance les cités du Nord de l’Italie, des
614
vitalité inégalée de notre culture européenne, il
est
dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux,
615
diversité, l’échelon national ne joue aucun rôle,
est
simplement omis, inexistant. Si maintenant je transpose en termes pol
616
evue de l’article paru sous le titre : « L’Europe
est
d’abord une unité de culture », Intégration : Vierteljahreshefte zur