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parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
a
b La théologie chrétienne a-t-elle pour tâche de rendre acceptable
2
(30 décembre 1933)a b La théologie chrétienne
a-t
-elle pour tâche de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’en a
3
Souvent ces deux grandeurs, la vie et la Bible, m’
ont
fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’être Charybde et
4
u sérieux quand la détresse de leur existence les
a
conduits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage a
5
e au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes, comment
aurions
-nous le droit de nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu
6
euls avec ces bien-disposés et ces timorés dont j’
ai
parlé. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une p
7
» à tous les systèmes existants. Barth lui-même l’
a
nommée, avec une sobriété peu rassurante, une théologie du correctif.
8
que les hommes religieux, prêtres et pharisiens,
ont
toujours été les premiers à refuser, sous de très pieux prétextes, le
9
à peine consciente d’elle-même. » Les prophètes n’
ont
pas de biographie : « L’homme biblique se lève et tombe avec sa missi
10
e dans sa tragique ironie, que le théologien doit
avoir
conscience, s’il veut parler valablement. Mais de quoi va-t-il encore
11
ter ces quatre mots, mais en les répétant, nous n’
avons
pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient une réali
12
er, et au-delà, jusqu’à saint Paul, tous ceux qui
ont
su et connu ce que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est p
13
t Paul, tous ceux qui ont su et connu ce que nous
avons
à peu près oublié : que l’homme n’est pas capable par lui-même de fai
14
s le don gratuit que Dieu fait à tout homme qui n’
a
plus d’autre attente. Qu’on n’aille pas croire cependant que le barth
15
la parole que Dieu lui adresse et qui le meut. On
a
coutume de nommer la pensée de Barth une théologie de la crise, une t
16
e peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’
avons
rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelan
17
de son éloquence martelante (que les traducteurs
ont
fort bien rendue, et la tâche n’était pas facile) ; de son réalisme a
18
es questions les plus gênantes qui soient. ⁂ On l’
a
bien vu récemment, lors du conflit dramatique qui l’a opposé, seul ou
19
en vu récemment, lors du conflit dramatique qui l’
a
opposé, seul ou à peu près, au puissant parti des Chrétiens allemands
20
ns une protestation retentissante, que personne n’
a
osé faire taire. Son manifeste n’est pas seulement un témoignage cour
21
mande », Revue d’Allemagne du 15 septembre 1933.
a
. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Karl Barth, Parole de Dieu et
22
t guère la solide réputation de gravité qu’on lui
a
faite, et qui lui vaut l’estime des personnes de sens. Mais après tou
23
des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous
aurez
la chance d’en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à
24
our comprendre l’humour de Pierre Girard, il faut
avoir
aimé Charlot, celui des Lumières de la Ville et du Cirque. Les héros
25
onde est plein de malins, de gens qui ont l’air d’
avoir
compris de quoi il s’agit. Il n’y a plus qu’à perpétrer une horrible
26
t l’air d’avoir compris de quoi il s’agit. Il n’y
a
plus qu’à perpétrer une horrible inconvenance, un de ces scandales hé
27
dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’
a
pas de nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’
28
rginie présidé par son oncle âgé de 102 ans (« Il
avait
arpenté tous les camps de la guerre de Sécession, mais il n’en parla
29
dent, j’ose à peine dire par l’état civil. « Je n’
ai
pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doi
30
’état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’en
ai
jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il
31
l. « Je n’ai pas de passeport ; je n’en ai jamais
eu
; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de
32
n ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un
avoir
un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-même. » Ain
33
un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’
aie
fabriqués moi-même. » Ainsi s’exprime Bruno Pomposo, dont Cingria, na
34
est un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz
ont
su voir et dire l’importance, et dont je me contenterai de signaler i
35
l est Suisse, au mépris de tous les racismes.) On
avait
, dans ce groupe, une espèce de mystique des objets, du détail authent
36
es nobles » et de trivialités qualifiées, et vous
aurez
une idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois auteurs seule
37
lle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’
ai
oublié, exprès, de dire que c’est aussi le pays d’origine de Michel S
38
ignificatif dans le livre, ce sont les motifs qui
ont
poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pa
39
historiens négateurs du surnaturel, M. Dominicé n’
a
pas de peine à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel et sans i
40
op fameux « libre examen » dont les rationalistes
ont
voulu faire l’apanage du protestantisme. L’ouvrage de M. Dominicé s’i
41
ntation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard
eut
légitimé, à elle seule, la création de cet Office et ses soins les pl
42
et ses soins les plus diligents. Que d’impairs n’
a-t
-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle, depuis quel
43
tait pour lui bien proche de la mystification. Il
eut
peut-être ri de se voir présenté tantôt comme anarchiste et pourfende
44
marade Nizan l’honneur de la trouvaille.) Mais il
eût
certainement protesté contre une erreur qui ne relève pas de l’interp
45
ire d’un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il
a
pas mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autoc
46
ceci, en matière d’introduction : « Je suis et j’
ai
toujours été un auteur religieux ; toute ma carrière littéraire se ra
47
pre à créer du malentendu. Le titre même, que lui
a
donné le traducteur, prête à certaines confusions : l’œuvre, en danoi
48
e de l’homme contre sa condition telle que Dieu l’
a
voulue, une négation du paradoxe de l’Amour. L’universalité du désesp
49
ète. Le génie familier et ironique de Kierkegaard
a
créé dans cette œuvre une abondance d’illustrations inoubliables. Par
50
sse à « son muet confident », l’auteur. Peut-être
avons
-nous ici les pages les plus éloquentes et les plus irréfutables d’un
51
sme intellectuel (le style admirable de ces pages
a
été rendu aussi bien qu’il était possible par le traducteur). Mais il
52
introductions que les différents traducteurs nous
ont
prodiguées jusqu’ici avec autant de science que de conscience, mais q
53
ce pour les subtilités du « Séducteur », et qui n’
a
pas la tête philosophique. Cette monographie est à la fois la plus ob
54
e qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’il
a
vu l’événement, et qu’il en est encore tout remué. On le croira sans
55
mué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air d’
avoir
pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je t
56
donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’il n’y
a
rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se passe dans l
57
étique, ressuscité par l’angoisse moderne. Koch n’
a
pas simplifié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su
58
ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il
a
su le décrire clairement et fidèlement, sans pédantisme et sans litté
59
s, hommes d’affaires, prolétaires et bourgeois. J’
ai
assisté cet hiver, à Paris, à l’une des rencontres du Mouvement : il
60
ni excès d’aucune sorte. À plus d’une reprise, j’
eus
l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire
61
. À plus d’une reprise, j’eus l’impression, qu’on
a
rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux-mêm
62
ncontres prévues. Ce que je savais du Mouvement m’
avait
fait espérer, secrètement, autre chose, peut-être des confessions sen
63
ose, peut-être des confessions sensationnelles. J’
avais
tort, et l’on s’en convaincra en lisant le petit livre d’Harold Begbi
64
son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre qu’on
ait
écrit sur les Groupes. Mais enfin, c’est le seul qui existe en frança
65
e d’un jeune pasteur américain, Frank Buchman. On
a
écrit de lui : « Ce qui frappe chez Buchman, c’est son incapacité pro
66
l. Pour entrer en contact avec les hommes, il n’y
a
qu’un moyen : c’est de leur ouvrir sa maison. D’où les confessions pr
67
de Buchmann, — il refuserait cette expression — n’
ont
pas constitué d’organisation. Ils n’ont pas de registre des membres,
68
ssion — n’ont pas constitué d’organisation. Ils n’
ont
pas de registre des membres, ils ne nomment pas de comités, ils ne pu
69
. La chronique des rencontres miraculeuses qu’ils
ont
ainsi vécues remplirait des volumes, et nourrit leurs entretiens. À l
70
s. À lire certains récits du meilleur livre qu’on
ait
fait sur le Mouvement, For Sinners only (Pour les pécheurs seulement)
71
conformisme et la psychologie modernes semblaient
avoir
abolies dans le monde. C’est l’irruption de Dostoïevski dans la bourg
72
fication par les œuvres. Karl Barth et ses amis n’
ont
pas manqué de critiquer vivement certaines des suppositions théologiq
73
s puissions être le prochain. Et quand ce livre n’
aurait
pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer commen
74
Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il
a
celle-là, qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temps
75
France ? Claudel, quelques revues protestantes en
ont
parlé. C’est tout. Nos grands journaux ignorent quelques-uns des évén
76
récit autobiographique et romancé de sa jeunesse
a
paru en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un de ses collabor
77
s’enfonce dans les slums de Kobé, décide qu’il n’
aura
pas d’habitation plus vaste que celle du plus pauvre habitant du quar
78
ngélise. Il devient le « fou du Christ ». À peine
a-t
-il réussi à faire reconnaître légalement le syndicalisme qu’il a créé
79
aire reconnaître légalement le syndicalisme qu’il
a
créé, le voilà qui lance une campagne pour la christianisation du Jap
80
ons de ses Méditations. Si les romans de Kagawa l’
ont
fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un franciscain. Il
81
tiennent au génie japonais tel que Claudel nous l’
a
décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute une dimension humaine pa
82
s pas qu’ils furent tous des chrétiens. Plusieurs
ont
même écrit des romans furieusement antichrétiens — des romans justeme
83
fois plus que vous n’en attendiez, puisqu’il n’y
a
qu’un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit
84
nce. Imaginez la proportion si l’édit de Nantes n’
avait
pas été révoqué ! — Je vous accorde volontiers ce quart. Quel avantag
85
es romanciers dont j’allais vous citer les noms n’
ont
guère de protestant que l’origine, et quelques tics de psychologues.
86
sortis » est bien le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’
ont
pas de foi, et qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leur
87
ire où tout le monde « se conduit bien » ? Il n’y
aurait
pas de roman. Une histoire dont le personnage principal est « la main
88
ion au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’
avoir
bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibl
89
rétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy
a
plus de chances d’être chrétien qu’un quelconque happy end soi-disant
90
r l’aveu même qu’on en fait est la preuve qu’on l’
a
traversé, et qu’on a saisi l’espérance qui le transcende et qui le ju
91
n fait est la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on
a
saisi l’espérance qui le transcende et qui le juge. On a dit de Sara
92
l’espérance qui le transcende et qui le juge. On
a
dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce : oui, mais c’est a
93
Cette femme n’est pas un ange ni une sainte. Elle
a
péché gravement, elle a touché le fond de la détresse humaine. C’est
94
ange ni une sainte. Elle a péché gravement, elle
a
touché le fond de la détresse humaine. C’est un vieux pasteur un peu
95
prits encore marqués de préjugés naturalistes. On
a
voulu nous faire croire que la vie quotidienne était le contraire de
96
e cœur. Le regard « réaliste » de Hildur Dixetius
a
su voir dans la vie quotidienne des drames singuliers, de bizarres et
97
a Alelia trouvera son public ; c’est un livre qui
a
le temps pour lui. 9. Hildur Dixelius von Aster : Sara Alelia, trad
98
i. Une note de lecture plus courte du même roman
a
également paru dans le Journal de Genève du 25 mai 1934.
99
tre grand historien protestant, Camille Jullian —
avait
adopté un parti tout différent, et c’est peut-être le seul reproche s
100
qui vient de paraître10 témoigne de la volonté qu’
avait
l’auteur de ne décrire que les effets sociaux, politiques et culturel
101
John Viénot, pasteur et professeur de théologie,
a
réussi le tour de force de parler de la Réforme d’une manière si obje
102
ère en quoi son Histoire se distingue de celle qu’
eût
pu écrire un savant laïque épris de tolérance, teinté de renanisme, e
103
e historique qu’il nous offre est de celles qui n’
ont
pas besoin de condiments pour produire leur brûlante saveur. Rien de
104
aginer ce qu’il fut advenu de la France si l’édit
avait
été observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully avait été écouté,
105
de la France si l’édit avait été observé, s’il n’
avait
pas été révoqué, si Sully avait été écouté, si les jésuites n’étaient
106
é observé, s’il n’avait pas été révoqué, si Sully
avait
été écouté, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’avaient pa
107
é, si les jésuites n’étaient pas revenus, s’ils n’
avaient
pas armé, après quinze autres meurtriers, un Ravaillac… Le bel irénis
108
fier considérablement l’opinion que nous pouvions
avoir
du « grand siècle » tel que nous l’ont décrit les fervents de Louis X
109
pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous l’
ont
décrit les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la politiq
110
ns toute cette guerre faite à la foi évangélique,
ait
été celle des Espagnols et des Romains. Les catholiques patriotes sav
111
personnelle des réformés. Le « grand dessein » qu’
avait
conçu Béthune pouvait faire de la France la première organisatrice d’
112
ut, de dresser une protestation dont les termes n’
ont
, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez frappa
113
vindicatif, n’est pas moins grand lorsque, après
avoir
décrit l’enterrement nocturne et secret d’une de ses coreligionnaires
114
a chrétienté de son temps : la foi étant ce que j’
ai
dit – le paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi, êtes-vous vrai
115
ant ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï –
avez
-vous cette foi, êtes-vous vraiment chrétiens ? Servez-vous Dieu, ou b
116
e Hamlet — autre Danois ! — il tombera, certain d’
avoir
accompli sa mission. Dans Crainte et Tremblement, Kierkegaard se déba
117
ement, Kierkegaard se débat encore avec lui-même.
A-t
-il la foi ? Qu’est-ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède
118
aham, le « père des croyants », c’est l’homme qui
a
osé l’absurde. Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pa
119
ts », c’est l’homme qui a osé l’absurde. Dieu lui
a
donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa fem
120
Dieu lui a donné un fils, à l’âge de 70 ans. Il n’
a
pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Dieu lu
121
il échoue devant ce paradoxe monstrueux. Il n’y
a
donc personne de la taille d’Abraham, personne qui puisse le comprend
122
uisse le comprendre ? Si, pourtant. Les pasteurs
ont
coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arr
123
nt coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’
a
pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment et lui montre un bélier prê
124
ur le sacrifice… On célèbre la grâce de Dieu qui
a
donné Isaac pour la seconde fois ; on ne voit, dans toute l’histoire,
125
fit le chemin lentement, au pas de son âne, qu’il
eut
trois jours de voyage et qu’il lui fallut un peu de temps pour fendre
126
ort du chrétien véritable. Mais qui peut dire : j’
ai
cette foi-là ? La réflexion philosophique que Kierkegaard enchaîne à
127
alectique « abyssale » de cette œuvre. Personne n’
a
fait plus que Jean Wahl pour faire connaître à l’élite française la p
128
me chrétien reste un homme comme les autres. Il n’
a
pas à devenir, dès ici-bas, un être un peu divin, un peu divinisé, éc
129
ski ou les confins de l’homme. Le grand succès qu’
a
remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’être confirmé par notre
130
ns L’Esprit de Dostoïevski, le professeur de Bâle
a
su l’envisager dans une perspective chrétienne, hors de laquelle cett
131
ns, ou seulement chaotique, morbide. Ce que nous
avons
cherché dans Dostoïevski, c’est la réponse à cette question : qu’est-
132
’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’
a
donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule et
133
une passion convaincante. De divers côtés l’on m’
a
demandé de préciser, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu
134
on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’il
avait
les joues creuses, une barbiche pointue et un profil coupant ? N’est-
135
ition Calvin à la Bibliothèque nationale, si elle
a
permis à beaucoup de réviser quelque peu leurs notions sur l’importan
136
tance intellectuelle et littéraire du calvinisme,
a
donné lieu par contre à une véritable débauche de considérations très
137
un essor tout nouveau de la pensée chrétienne. On
aurait
tort d’assimiler cette renaissance à la belle floraison néo-thomiste.
138
n. Il faut bien avouer que les commentateurs nous
avaient
donné jusqu’ici une image assez étriquée de cette Weltanschauung à la
139
st le Traité des scandales. Ce troisième traité n’
avait
jamais été réimprimé depuis sa parution en 1550. « Originale mixture
140
iller continuellement sous la croix, tant qu’elle
aura
à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux que nous
141
ses de style que produisit ce siècle bouillonnant
ont
passé dans l’attaque de Calvin : il a su prendre à l’adversaire ses m
142
illonnant ont passé dans l’attaque de Calvin : il
a
su prendre à l’adversaire ses meilleures armes. Au sujet de ce style,
143
un romantisme tour à tour alangui ou excité nous
a
fait perdre le secret. Notre langage moderne relève à peine de deux m
144
lle (2 novembre 1935)m n L’esprit occidental n’
a
jamais eu d’unité harmonieuse : il est toujours tension entre deux pô
145
vembre 1935)m n L’esprit occidental n’a jamais
eu
d’unité harmonieuse : il est toujours tension entre deux pôles, qui d
146
e, il convient de remercier M. Chuzeville de nous
avoir
ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poétique plein d
147
ééditer des calomnies usées sur un Luther qu’on n’
a
jamais lu ; l’introduction de cette anthologie contient, à cet égard,
148
p. 5. n. Une note de lecture sur le même livre
a
également paru dans la Nouvelle Revue française d’octobre 1935.
149
s, sauf erreur — M. le pasteur Wilfred Monod nous
a
donné une œuvre aussi exceptionnelle par ses dimensions que par son s
150
ment le plus complet que le modernisme protestant
aura
livré sur son époque. Mais il marque en même temps son dépassement. C
151
ai de théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’
avons
pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend soin de
152
» — encore que l’auteur s’en défende, l’adjectif
ayant
pris peu à peu une signification ecclésiastique plus précise et restr
153
court au fait de son expérience intérieure. Après
avoir
montré que cette expérience diffère de tout processus psychique, il p
154
e condamné par toute la tradition chrétienne pour
avoir
affirmé que le monde est l’œuvre d’un esprit mauvais, d’un démiourgos
155
il, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers
a
un créateur. Il a, au contraire, déboulonné l’idole effroyable du Tou
156
nu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il
a
, au contraire, déboulonné l’idole effroyable du Tout-Puissant ; il a
157
boulonné l’idole effroyable du Tout-Puissant ; il
a
enseigné que le vrai Dieu s’incarnait dans un crucifié vaincu ». Par
158
vaincu ». Par une espèce de paradoxe — personne n’
a
chéri davantage le paradoxe depuis Kierkegaard — M. Monod déduit de c
159
yle de pensée, sa démarche insolite et dramatique
ont
bien de quoi retenir le lecteur même incroyant ou ignorant de ces déb
160
’ennui inhérent aux gros livres. C’est une somme,
ai
-je dit, une étrange et vivante compilation de notes, de journaux, de
161
e incroyable, que, depuis quatre siècles qu’elles
ont
été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques pag
162
quatre siècles qu’elles ont été écrites, on n’en
a
pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en appendi
163
essible d’une œuvre dont on sait pourtant qu’elle
a
changé plus qu’aucune autre les destinées de l’Occident. (Je ne fais
164
grande tension spirituelle dans laquelle l’Europe
a
puisé son dynamisme créateur : l’opposition du témoin responsable et
165
nces de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en
ait
pas. Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparences de raison
166
s d’applaudir, non sans apparences de raison : on
a
commis tant de crimes au nom de la vérité ! On s’en est plus servi qu
167
de la vérité ! On s’en est plus servi qu’on ne l’
a
servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle changer une fo
168
et le faire puissamment rebondir. Car personne n’
a
mieux incarné la volonté de pensée militante que ce petit moine qui,
169
bre arbitre religieux, c’est-à-dire du pouvoir qu’
aurait
l’homme de gagner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’e
170
de Luther et d’Érasme. Le trop prudent humaniste
eût
-il saisi dans son sérieux dernier la réalité d’un dilemme qui sacrifi
171
court. Dans la littérature du xxe siècle, il n’y
a
plus de grands mythes, il y a des analyses. On part de « faits d’obse
172
ici, c’est le parti romanesque que Selma Lagerlöf
a
su tirer du mythe. Et c’est aussi la profusion géniale des inventions
173
« Celui qui veut être un disciple du Christ sans
avoir
l’amour des hommes est condamné à aller à sa perte et à y conduire le
174
si, l’on s’aperçoit que la fatalité de la légende
a
bel et bien dominé tous ces êtres, malgré leur scepticisme ou leurs b
175
ure où les religions obscures dominent ceux qui n’
ont
pas la foi. Seule une prière désespérée, de pur amour, rompt le charm
176
cée, Charlotte Löwensköld. En la quittant, il lui
a
crié qu’il n’épouserait qu’une femme que Dieu lui aurait désignée. La
177
crié qu’il n’épouserait qu’une femme que Dieu lui
aurait
désignée. La première qu’il croisera en allant au village, si elle n’
178
end chanter : c’est la fille de l’aubergiste, qui
a
fort mauvaise réputation. Mais elle ne s’engage pas sur la route, ell
179
s une bête curieuse, dit-elle. On croirait que tu
as
rencontré un ours ! » C’est Anna Svärd, la femme que Dieu lui envoie,
180
d. Il faut avouer que le milieu où Selma Lagerlöf
a
grandi paraît favoriser plus qu’aucun autre le déploiement des pouvoi
181
à la lucidité sensible d’un compatriote d’Amiel,
a
déjà derrière lui une œuvre solide. Il est l’un des principaux collab
182
des articles qui ne sont jamais indifférents. Il
a
tenu, dans notre journal, la rubrique de la vie protestante. Ayant fa
183
notre journal, la rubrique de la vie protestante.
Ayant
fait de solides études à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans u
184
it de solides études à Vienne et en Allemagne, il
a
enseigné dans une ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce Jou
185
ieux que beaucoup de Français notre province : il
a
séjourné de longs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’un i
186
s. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’
a
pas besoin pour écrire de ces conversations, de ces échanges qui stim
187
garçon. Denis de Rougemont est grand, souple, il
a
la réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble e
188
héros de la passion, ne s’aimaient pas ? Quand j’
ai
commencé à écrire mon livre, je voulais simplement étudier ce mythe e
189
ant leur première rencontre, ne s’aiment qu’après
avoir
bu le philtre, ne peuvent plus se supporter au bout de trois ans de v
190
ans de vie commune dans la forêt et qui, Tristan
ayant
épousé Iseut aux blanches mains, l’autre Iseut, ne reconnaissent plus
191
essenties au siècle dernier, mais dont personne n’
a
osé proposer une explication. J’ai beaucoup réfléchi avant d’arriver
192
dont personne n’a osé proposer une explication. J’
ai
beaucoup réfléchi avant d’arriver à cette conviction, que je suis prê
193
accorde à la femme une prééminence dont l’Église
a
bien senti le danger, puisqu’elle a développé le culte de Notre-Dame
194
dont l’Église a bien senti le danger, puisqu’elle
a
développé le culte de Notre-Dame pour répondre au culte de la « Dame
195
de l’homme et les directives de l’Église. Comment
a-t
-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute la littérature ? Be
196
ade contre les albigeois réprima sans l’anéantir,
eut
des millions de partisans. Venue de Macédoine, elle gagna la France p
197
ssion serait une hérésie chrétienne ? … Dont nous
avons
perdu la clef, et qui a pourtant inspiré toute notre littérature, rep
198
étienne ? … Dont nous avons perdu la clef, et qui
a
pourtant inspiré toute notre littérature, reprend Denis de Rougemont.
199
essentiel de toute la littérature occidentale, n’
a
surgi dans la littérature orientale que tout dernièrement, à la suite
200
cante. Mais comment cette interprétation du mythe
a-t
-elle pu échapper jusqu’ici aux spécialistes du Moyen Âge ? Denis de R
201
de Rougemont sourit avec malice : Les philologues
ont
un respect de la lettre qui leur cache parfois le sens profond des te
202
pugnent à l’emploi des méthodes freudiennes. Or j’
ai
été frappé par le goût de la mort que l’on retrouve à la fois dans le
203
t autre que l’instinct de la mort tel que Freud l’
a
analysé. À une époque où le statut du mariage se modifie profondément
204
omment cela ? C’est très simple. Nous souffrons d’
avoir
été élevés dans une double contradiction. Romans, poèmes, musique, l’
205
inition, reste extérieure au mariage, puisqu’elle
a
besoin d’obstacles, et ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Ex
206
Pour moi, répond Denis de Rougemont, il ne peut y
avoir
qu’une solution : le mariage chrétien, mais présenté d’une manière no
207
lle Vertu, illustre bien votre pensée ? Oui, je l’
ai
écrit presque en même temps que L’Amour et l’Occident . Mais je ne l
208
Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite. J’
ai
aussi terminé deux livres d’essais : Doctrine fabuleuse et Les Per
209
m e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’
ai
en chantier un livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un
210
livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’
ai
un peu délaissé au profit d’un drame que j’écris pour l’Exposition de
211
héros suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui
eut
une vie extraordinaire. D’abord soldat valeureux, il fut ensuite, pen
212
ix-sept ans, juge et conseiller à Sachseln, où il
eut
dix enfants. Puis il se retira dans un ermitage, où pendant vingt ans
213
r, devant cinq ou six-mille spectateurs. La scène
aura
trente mètres de large, et trois étages, qu’il faut ne jamais laisser
214
e, c’est que mon livre, paru il y a huit jours, m’
a
déjà valu de nombreuses lettres d’hommes et de femmes qui se trouvaie
215
nne . Pour quelques autres, il est l’écrivain qui
a
le mieux analysé la résistible ascension d’Adolf Hitler (dans Journa
216
. Mais qui est en réalité Denis de Rougemont ? On
a
dit beaucoup de bêtises — lui-même le déclare — sur l’homme et sur so
217
œuvre dont tout le monde parle et que peu de gens
ont
lue. Pas plus savant qu’un autre mais beaucoup plus prudent, j’ai dem
218
savant qu’un autre mais beaucoup plus prudent, j’
ai
demandé à Denis de Rougemont de commenter librement et, au besoin, de
219
que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’
a
donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est
220
maniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce terme. On
a
tendance à opposer humanisme et christianisme, et je me sens plutôt d
221
ant exactement ce que je pensais du nazisme. J’en
ai
effectivement pensé et dit beaucoup de mal dans mon Journal d’Allema
222
l dans mon Journal d’Allemagne , paru en 1938. J’
eus
d’ailleurs d’autres démêlés avec les autorités allemandes, quand j’éc
223
. Les Allemands demandèrent que je sois puni et j’
ai
reçu quinze jours de prison militaire sous le prétexte qu’un officier
224
ilitaire sous le prétexte qu’un officier neutre n’
a
pas le droit d’outrager un chef d’État étranger ! De Suisse, Denis de
225
sions en français de « La Voix de l’Amérique ». J’
avais
plusieurs équipes de speakers, dont faisaient partie André Breton, Ma
226
e fédéralisme de l’autre. Je vous arrête : il n’y
a
pas, il n’y a jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou
227
de l’autre. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’y
a
jamais eu chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou Georges Séfér
228
e. Je vous arrête : il n’y a pas, il n’y a jamais
eu
chez moi (contrairement à Saint-John Perse ou Georges Séféris par exe
229
ersonne » à la théorie fédéraliste. L’homme, vous
ai
-je dit, doit être à la fois libre et responsable ; de même pour chaqu
230
un. Enfin, le 28 octobre 1963, Denis de Rougemont
a
reçu des mains du Prince Rainier le Grand Prix littéraire de Monaco.
231
onaco. Selon la formule consacrée, je suis ravi d’
avoir
reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je viens en effet d
232
rand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco
a
trouvé le sujet de son Rhinocéros ? Dans mon Journal d’Allemagne , c
233
on Journal d’Allemagne , c’est lui-même qui me l’
a
dit. w. Rougemont Denis de, « [Entretien] Mais qui est donc Denis
234
cadence (24 septembre 1970)z aa Le xxe siècle
a
vu la civilisation — qui ne saurait être que la nôtre, quand on en pa
235
es vulgarités. Mais en même temps, le xxe siècle
a
vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ils so
236
aux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes
avait
aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais Fr
237
r tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation
a
la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œ
238
de Babylone, ces palais de Persépolis ?… Hélas, j’
ai
visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’
239
i furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’
ai
vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Sein
240
men comparatif des vingt et une civilisations qui
auraient
existé jusqu’ici, les lois complexes, mais constantes, de leur genèse
241
iens et philosophes, armés d’une vaste érudition,
ont
d’autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoig
242
rt, les plus grands esprits du siècle précédent n’
ont
cessé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Eu
243
édent n’ont cessé d’annoncer les catastrophes qui
ont
fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dos
244
ckhardt et de Donoso Cortès à Georges Sorel, tous
ont
décrit depuis cent ans les motifs de craindre le pire pour notre civi
245
matérielles… Que faudrait-il de plus, pour qu’on
ait
le droit de parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre ci
246
e l’autre soit ruinée du même coup. Tchingis-Khan
eut
l’hégémonie sans la civilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge eu
247
la civilisation, tandis que l’Europe du Moyen Âge
eut
une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’est pas du tout certa
248
opéens, celui de la chute de Rome, qui est censée
avoir
entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine dans la part
249
uvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en
a
héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une cul
250
ne culture de dialogue et de contestation. Elle n’
a
jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à u
251
testation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’
a
jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui eût régi à
252
ulu, se laisser ordonner à une seule doctrine qui
eût
régi à la fois ses instructions, sa religion, sa philosophie, sa mora
253
losophie, sa morale, son économie et ses arts. On
a
beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unité des esprits e
254
nie d’unité des esprits et des cœurs, telle que l’
a
décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que
255
e et de la civilisation créée par cette culture n’
a
jamais été autre chose qu’une unité paradoxale consistant dans la seu
256
effectivement devenue universelle. Bien d’autres
avaient
cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre. Elles se trompaient, mais cet
257
omène sans précédent dans toute l’Histoire ? Nous
avons
vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sources l
258
du moins séduire tous les peuples du monde. Nous
avons
vu aussi que l’Europe envoie dans le monde plus de machines et d’assi
259
Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’
a
pu devenir universelle qu’en vertu de quelque chose de très fondament
260
tion chrétienne exprimée par saint Paul (« Il n’y
a
plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni fe
261
re ? Deuxième raison : La civilisation européenne
a
créé les conditions techniques de sa conservation et de sa transmissi
262
: elles sont dans les journaux ». Depuis lors, on
a
retrouvé — et même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œ
263
us apparaît donc très variable. Certes, plusieurs
ont
disparu sans nous laisser d’autre héritage actif que celui de leurs œ
264
tre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes
ont
été préservées par le musée et le laboratoire européens, pour être di
265
urs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffinées,
aient
connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de So
266
retter, mais on doit le constater. Roger Caillois
a
écrit non sans drôlerie à propos de la fameuse phrase de Valéry : « S
267
l propose de corriger comme suit le passage que j’
ai
cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la certitud
268
que j’ai cité : « Nous autres civilisations, nous
avons
depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et qu
269
les circonstances de la chute de celles qui nous
ont
précédées : c’était parfois une catastrophe naturelle, comme la derni
270
chement du Sahara, affectant la région entière où
avait
fleuri une civilisation déterminée. Et les autres n’en savaient rien.
271
as un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’
a
inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père était devenu protes
272
alisation. En électrifiant le pays, le communisme
a
renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand : il a pour la seconde fois
273
a renouvelé l’entreprise de Pierre le Grand : il
a
pour la seconde fois européanisé la Russie. Et c’est l’URSS à son tou
274
r la civilisation des mandarins, c’est l’URSS qui
a
introduit dans l’Empire emmuré ce nouveau cheval de Troie occidental
275
nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’
a
guère été qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés
276
de Rougemont, les deux grands thèmes de votre vie
ont
été l’Amour et l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 a
277
sse, par définition. 17 ans, c’est le moment où j’
ai
pris conscience que j’étais un littéraire. À cette époque je n’écriva
278
ts de crises, au sommet de l’effort. Plus tard, j’
ai
appris que Montherlant et Albert Camus avaient aussi été gardiens de
279
tard, j’ai appris que Montherlant et Albert Camus
avaient
aussi été gardiens de but. Comment avez-vous découvert l’Europe ? C’e
280
Camus avaient aussi été gardiens de but. Comment
avez
-vous découvert l’Europe ? C’est entre 17 et 25 ans que j’ai découvert
281
couvert l’Europe ? C’est entre 17 et 25 ans que j’
ai
découvert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Midi des troubadour
282
ns bretons je me sentais curieusement chez moi. J’
ai
fini par comprendre que ce sentiment venait de ce que j’avais des anc
283
ar comprendre que ce sentiment venait de ce que j’
avais
des ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascendance de mon
284
on père, je m’aperçois qu’à la génération où nous
avons
64 ancêtres, la sixième, il y a 28 Suisses neuchâtelois et 36 ancêtre
285
cées sur notre petit coin de Suisse romande. Vous
avez
consacré de nombreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce qu
286
cident . L’amour au sens de l’amour-passion que j’
ai
décrit dans mon livre fut quelque chose de très important dans ma vie
287
mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’
ai
été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de circonstance
288
936 et Mounier s’était montré un précurseur. Il m’
avait
demandé une étude sur l’opposition qui paraissait éclatante entre l’a
289
qui dirigeait la collection Présence, chez Plon,
ayant
lu mon article me demanda si je ne voulais pas faire pour lui un peti
290
he de Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous
avons
pris date. Je devais lui donner mon livre en février 1938. Le mois de
291
n février 1938. Le mois de février arriva et je n’
avais
pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Daniel-Rops,
292
tenant-colonel qui s’appelle Charles de Gaulle. »
Ayant
cédé mon tour, je me suis mis instantanément à mon livre, et j’ai ter
293
, je me suis mis instantanément à mon livre, et j’
ai
terminé les 450 pages en trois mois. Comme je l’ai écrit dans la préf
294
i terminé les 450 pages en trois mois. Comme je l’
ai
écrit dans la préface, c’est un livre qui m’a demandé trois mois de t
295
l’ai écrit dans la préface, c’est un livre qui m’
a
demandé trois mois de travail et toute la vie. J’étais devenu, hélas
296
de L’Amour et l’Occident ? Je croyais que vous
aviez
une grande barbe blanche. » C’était la première réaction. Voici l’aut
297
i l’autre réaction : « Savez-vous que votre livre
a
transformé ma vie ! »… Cette idée d’avoir transformé tant de vies m’a
298
votre livre a transformé ma vie ! »… Cette idée d’
avoir
transformé tant de vies m’a beaucoup impressionné. J’ai tâché de suiv
299
! »… Cette idée d’avoir transformé tant de vies m’
a
beaucoup impressionné. J’ai tâché de suivre un peu ce qui se passait
300
nsformé tant de vies m’a beaucoup impressionné. J’
ai
tâché de suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui
301
u ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’
avaient
fait des confidences et je me suis aperçu que généralement ils étaien
302
éralement ils étaient près de divorcer avant de m’
avoir
lu puis qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la
303
près de divorcer avant de m’avoir lu puis qu’ils
avaient
décidé de ne pas divorcer, de s’en tenir à la dernière partie de mon
304
ique. C’est pourquoi dans la nouvelle édition qui
a
paru en 1954ae j’ai ajouté un long chapitre sur le divorce. Depuis lo
305
i dans la nouvelle édition qui a paru en 1954ae j’
ai
ajouté un long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé
306
un long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’
ai
cas cessé de récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Comm
307
t l’Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’
aurait
pas de sens de dire que l’on est contre la passion qui est l’une des
308
s au nom d’une morale puritaine, comme certains l’
ont
cru, mais au nom d’une morale d’artiste. Tout homme est amené à être
309
Ferney-Voltaire entouré de frontières… Un jour j’
ai
passé la frontière avec Robert Schuman en voiture et avec le photogra
310
ture à Genève. Arrivé à la frontière, le douanier
a
eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait
311
re à Genève. Arrivé à la frontière, le douanier a
eu
ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’ê
312
t pour entretenir l’indignation continuelle que j’
ai
contre les frontières. Cette frontière avait été à peu près supprimée
313
e que j’ai contre les frontières. Cette frontière
avait
été à peu près supprimée par des traités qui repoussaient le cordon d
314
ouveau une région naturelle comme la géographie l’
avait
dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État, a dé
315
en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État,
a
décidé de porter à la frontière politique sa ligne de douaniers et il
316
rontière politique sa ligne de douaniers et il en
a
résulté que dans la région que j’habite, qui est prétendument zone fr
317
s. Cette situation particulièrement scandaleuse n’
a
pas peu fait pour me convaincre qu’on n’arrivera vraiment à faire l’E
318
, c’est quelque chose que probablement tout homme
a
senti dans le fond de soi-même comme l’achèvement. Cela n’a rien à vo
319
ns le fond de soi-même comme l’achèvement. Cela n’
a
rien à voir avec la publicité. Ça peut être secret. Je crois beaucou
320
ssence quelque chose dont on ne peut rien dire. J’
ai
des idées folles, comme beaucoup d’hommes, sur la mort, sur la chrono
321
éalise plus ou moins bien, elle peut dire qu’elle
a
réussi sa vie et après cela on ne peut rien lui demander de plus. Et
322
us. Et Dieu ? Je publierai peut-être un livre qui
aura
comme titre « Dieu », entre guillemets, ces guillemets voulant dire q
323
quer que nous nous trouvons devant un problème. J’
ai
écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évo
324
plus grande précision dans le détail, car il n’y
a
là que la précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui peu
325
ent, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il n’y
a
pas de Dieu, il n’y a pas de sens. Certains savants aujourd’hui disen
326
eu, c’est le sens. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y
a
pas de sens. Certains savants aujourd’hui disent qu’ils ne tiennent p
327
qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde
ait
un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un s
328
à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie
ait
un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous
329
ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité
ait
un sens, puis ils finissent par vous faire un petit couplet de morale
330
ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’y
a
aucun sens à rien ? Pourquoi ne me comporterais-je pas comme le surho
331
ourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’
a
aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près qu
332
e l’idéal de toute sa vie ; les hommes qui demain
auront
la charge du monde pourront y puiser tout un programme politique insp
333
ns, chacune trop petite pour se défendre seule, n’
a
pas la moindre chance de résister d’une part à la colonisation idéolo
334
s. Une Europe unifiée et uniformisée, deux hommes
ont
essayé de la faire : Napoléon et Hitler. Dans les deux cas, l’expérie
335
ire ou millénaire qu’ils prétendaient inaugurer n’
a
duré que dix à douze ans. Or il se trouve que la formule fédéraliste,
336
eur nation est immortelle, ce qui suggère qu’elle
aurait
existé de toute éternité ; alors qu’en vérité, pour la plupart, en ta
337
art, en tant qu’État et en moyenne, nos nations n’
ont
même pas cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre et l’Espagne
338
est absolument certain que l’Italie comme État n’
a
que cent-dix ans, l’Allemagne cent ans, la Norvège soixante-six, la T
339
e Islande vingt-sept, et Malte, dix. L’école nous
a
raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à un
340
e défini par des frontières naturelles. Et nous l’
avons
cru ! Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas de cultu
341
Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’y
a
pas de cultures nationales La culture européenne n’est pas la somm
342
’Espagne et les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle
a
été mise en forme par la Révolution française, et elle a triomphé dan
343
ise en forme par la Révolution française, et elle
a
triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là encore con
344
ce dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous
a
inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que le Rhô
345
lement contestataire de son génie — mais qui nous
ont
tous affectés à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du ré
346
nous ont tous affectés à doses variables, et qui
ont
éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous so
347
érature et de doctrine sociologique ou politique,
ont
été paneuropéennes, et non pas nationales. Les grands courants europé
348
es à vérifier. Non, les frontières de nos États n’
ont
jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires co
349
la souveraineté stato-nationale, qui ne peut plus
avoir
d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle d
350
s, fauteurs de deux guerres mondiales où l’Europe
a
failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire e
351
même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays
a
un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des i
352
isant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’
a
pas bannis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture