1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 et non pour les adaptations, qui voudra recevoir ce message ? « L’âme moderne » décontenancée par l’échec de ses idéaux,
2 après la guerre. Aventure étonnante que celle de ce commentaire né de la détresse quotidienne d’un obscur pasteur de camp
3 enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresse
4 réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que de ce qui rassure, une réponse qui ne veut s’adresser qu’à ces « questions
5 s bien-disposés et ces timorés dont j’ai parlé. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y avait là un homme, une puissance. Le
6 pas facile de résumer sans la trahir une pensée à ce point hostile à tout système. La théologie de Barth se donne en effet
7 jusqu’à saint Paul, tous ceux qui ont su et connu ce que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est pas capable par
8 dément « dialectique » de Thérèse d’Avila. Qu’est- ce donc en définitive que le point de vue barthien ? Une prise au sérieu
9 sme, du spiritualisme, de l’historicisme, de tout ce qui est œuvre de l’homme, pour atteindre l’œuvre du Dieu « tout autre
10 èmes autour desquels s’organisent ces essais. Est- ce là de la théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante et intrépid
11 e. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence martelante (que les traducteurs ont fort bien
12 t en état de crise toutes nos sécurités morales. ( Ce n’est qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités
13 e. « Ici le paradoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos dans un récent article1 — la théologie dialectique de Barth à
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
14 apporter des preuves sérieuses de la fantaisie de ce peuple ? Rousseau, Madame de Staël, Constant, Vinet… Cette énumératio
15 Si Toepffer s’attendrit sur ses bonhommes, n’est- ce pas une manière de dégonfler les sentencieux ? Une impeccable dignité
16 eux le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou là, quelques p
17 peut-être dans la musique de Schubert, dans tout ce qui sourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue,
18 , au mépris de tous les racismes.) On avait, dans ce groupe, une espèce de mystique des objets, du détail authentique, de
19 t des mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donnerait l’usage d’un style savant et poli, coupé de « véhémence
20 ître — une légèreté nouvelle dans l’atmosphère de ce pays de pédagogues. J’ai oublié, exprès, de dire que c’est aussi le p
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
21 N’allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus significatif dans le livre, ce sont les
22 a d’ailleurs de plus significatif dans le livre, ce sont les motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expos
23 de sa recherche. ⁂ Le protestantisme du début de ce siècle accordait à la personne de Jésus une place à juste titre centr
24 r au seul caractère de Jésus. Mais alors, n’était- ce pas un abus de langage que de prétendre voir une personne morale dont
25 t par avance les actes caractéristiques ? N’était- ce point là selon le mot de Théodore Flournoy, tenter de « faire une gui
26 fleurs des champs et des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les historiens négateurs du surnaturel, M.
27 nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens que l’exégèse de Calvin est toute didactique : elle veut sans ce
28 ectueux des objections possibles. Il est vrai que ce livre est une thèse. Mais il n’est pas moins vrai que Calvin sut parl
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
29 es grands génies de l’étranger dans la culture de ce pays. La présentation d’un esprit de l’envergure de Kierkegaard eut l
30 Que d’impairs n’a-t-on pas commis à l’endroit de ce revenant du xixe siècle, depuis quelques années qu’on nous parle de
31 téraires ! Probablement, il s’en fût amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique était pour lui bien proche de la my
32 se rapporte au christianisme, et en particulier à ce problème : comment peut-on devenir chrétien ? » Car, enfin, l’on ne n
33 re, conduirait l’homme au nihilisme absolu : mais ce péril est tout imaginaire. Car seule la connaissance du salut promis
34 ervient, avec la réponse terrible faite à Job. Et ce sont alors d’étranges et magnifiques lettres sur la détresse humaine
35 nce. On ne saurait trop insister sur l’utilité de ce livre. Il rendra vaines, désormais, les introductions que les différe
36 ici l’exposé judicieux, parfois même bonhomique : ce n’est pas le moindre piquant du livre. Fallait-il souhaiter à Kierkeg
37 sans peine : il n’a pas l’air d’avoir pu inventer ce qu’il raconte. Cela donne envie d’aller voir. Or, je tiens qu’il n’y
38 a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se passe dans l’œuvre du danois prophétique, ressuscité par l’ang
39 té par l’angoisse moderne. Koch n’a pas simplifié ce qui n’est pas simple chez Kierkegaard. Mais il a su le décrire claire
40 aître chez Alcan, traduit par P.-H. Tisseau, sous ce titre d’ailleurs inexact : Le Banquet. 6. Søren Kierkegaard, tradui
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
41 sort en général de toutes les rencontres prévues. Ce que je savais du Mouvement m’avait fait espérer, secrètement, autre c
42 nes du Mouvement et cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre qu’on ait écrit sur les Groupes. Mais enf
43 r américain, Frank Buchman. On a écrit de lui : «  Ce qui frappe chez Buchman, c’est son incapacité proprement géniale à pe
44 éologiques qu’implique l’attitude de Buchman. Car ce n’est pas assez que de se refuser à parler de théologie sous prétexte
45 esquels nous puissions être le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous
46 qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temps peuvent devenir des hommes réels. ⁂ Il se peut que Kagawa soit
47 plaires. Son œuvre s’étend dans les slums. Mais à ce moment le machinisme s’introduit au Japon, augmentant la misère avec
48 seul peut la guérir. » Les marxistes n’aiment pas ce radicalisme, qui n’est pas conforme à leur doctrine. Ils l’attaquent
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
49 le roman social. Balzac — et Stendhal, bien sûr — ce sera l’honorable, la géniale exception. Il me reste à vous démontrer,
50 géniale exception. Il me reste à vous démontrer, ce qui n’est pas trop difficile, que Dostoïevski et Tolstoï sont plus pr
51 les vies les plus dépourvues d’apparences. N’est- ce point-là l’image habituelle que l’on se fait de nos climats ? Et voic
52 it pas été révoqué ! — Je vous accorde volontiers ce quart. Quel avantage y voyez-vous pour votre foi ? — Oh ! Pas le moin
53 ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi, et qu’est- ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous chercherie
54 us. On vient de le traduire du suédois9. ⁂ Qu’est- ce qu’un roman chrétien ? Une histoire où tout le monde « se conduit bie
55 ui se donne l’air de l’avoir bel et bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est-ce un
56 e bleu, ou un volume de la Bibliothèque Rose. Est- ce une histoire qui finit bien, comme le croyaient les écrivains anglais
57 il faut d’abord les trouver là où ils sont. Ainsi ce livre est consolant, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’il vient no
58 es conventions civilisées — inoubliable création, ce Norenius ! — qui prend soin d’elle au temps de son malheur. Puis une
59 ce que, mieux que d’autres, il sait aimer. Et sur ce monde tel qu’il est, sur ces vies douloureuses, banales ou touchantes
60 euse, dont on dirait qu’elle est le vrai sujet de ce grand livre. Le silence à peu près général de la critique à propos d’
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
61 ouver qu’on est digne. Le meilleur moyen d’éviter ce danger serait sans doute d’envisager l’histoire d’une religion dans l
62 ême, John Viénot laisse délibérément de côté tout ce que l’abbé Bremond appelait l’histoire du sentiment religieux, et il
63 ette lacune suscite un Bremond protestant, ne fût- ce que pour corriger les souriantes injustices du catholique à l’endroit
64 finissant, n’enlève rien à l’intérêt puissant de ce gros volume. Mais aussi, la substance historique qu’il nous offre est
65 tout moment, le lecteur se voit incité à imaginer ce qu’il fut advenu de la France si l’édit avait été observé, s’il n’ava
66 estige et à l’ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon, sous Henri IV, dans le domaine de la politi
67 s très actuels. Chez Louis XIV comme chez Hitler, ce n’est pas un souci d’unité religieuse qui domine : la religion leur e
68 fondé que sur la seule volonté du dictateur. Déjà ce mot de Mazarin paraît donner comme une formule anticipée du droit « n
69 collet, il n’en faudrait point porter, parce que ce n’est point tant la chose défendue que la défense qui fait le crime.
70 termes n’ont, hélas ! pas vieilli. Viénot cite, à ce propos, un texte assez frappant. Il s’agit de la requête adressée au
71 éterrez, dit la requête, ne sont point étrangers. Ce sont François, vrais François de nature comme vous, mieux que vous d’
72 re le droit naturel, contre l’honnêteté civile ! Ce recours à un droit universellement humain, n’est-il pas significatif
73 ppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce style, en notre siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’est
74 ette lecture plus édifié encore que révolté. Mais ce n’est pas peu dire. 10. Histoire de la Réforme française, tome II 
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
75 ourd’hui de préciser la direction et la nature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions des historiens d
76 ? Qui prévoyait, voici dix ans, l’intervention de ce génie considérable, la position de cette question plutôt gênante qu’e
77 la vie ? Mais le plus curieux de l’affaire, n’est- ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philosophe
78 ette œuvre, c’est celle de la foi, dans l’absolu. Ce n’est pas encore la question que Kierkegaard adressera plus tard à la
79 tard à la chrétienté de son temps : la foi étant ce que j’ai dit – le paradoxe le plus inouï – avez-vous cette foi, êtes-
80 ébat encore avec lui-même. A-t-il la foi ? Qu’est- ce que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit d
81 que la foi ? Hegel, dont la philosophie obsède à ce moment l’esprit de Kierkegaard, Hegel esquive la question, la supprim
82 0 ans. Il n’a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle. Et maintenant Dieu lui commande d’offrir Isaac en sacrifice 
83 es plus différents et vingt fois il échoue devant ce paradoxe monstrueux. Il n’y a donc personne de la taille d’Abraham,
84 ysée dans l’introduction de Jean Wahl qui réussit ce tour de force d’exposer clairement, sans la trahir, la dialectique « 
85 sée protestante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’est- ce que la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’es
86 t Kierkegaard dans Crainte et Tremblement. Qu’est- ce que la vie chrétienne ? demande Karl Barth dans Culte raisonnable don
87 te l’insistance du grand théologien se porte dans ce livre sur un seul point : l’homme chrétien reste un homme comme les a
88 ivinisé, échappant en quelque manière aux lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais q
89 ut illusoire ou évasive. Elle consiste d’abord en ce que le chrétien se reconnaît de plus en plus pécheur, de plus en plus
90 l’idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’est- ce , en effet, que le « chevalier de la foi », sinon celui qui vit pleine
91 t-à-dire en vertu de la transformation promise de ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est orie
92 mme sans cesse mis en question par l’Autre, n’est- ce point encore la vision de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas
93 confins de l’homme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’être confirmé par notre public litt
94 privée de sens, ou seulement chaotique, morbide. Ce que nous avons cherché dans Dostoïevski, c’est la réponse à cette que
95 evski, c’est la réponse à cette question : qu’est- ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant
96 e une plaie béante le problème de leur existence, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que, dans leur maladie
97 e, ce problème qu’ils ne peuvent résoudre jusqu’à ce que, dans leur maladie justement, percevant leur question dernière, i
98 ciser, à propos d’une de mes récentes chroniques, ce qu’il fallait entendre par le protestantisme de Dostoïevski. Je ne sa
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
99 olémique : la Réforme se voit assimilée au « fays ce que vouldras » des Renaissants. Les protestants sont-ils trop maigres
100 une barbiche pointue et un profil coupant ? N’est- ce pas assez pour juger son système ? Ne sait-on pas que les gros hommes
101 nt et la complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voud
102 ce culturelle qui marque la plupart des écrits de ce temps, au moment où certaine renaissance du calvinisme laisse espérer
103 raisons qui, du point de vue protestant, rendent ce parallèle irrecevable. Les grands théologiens de la Réforme ne sont p
104 ondamentale pour toute la pensée réformée. Qu’est- ce qu’un témoin ? C’est un homme qui n’est pas l’inventeur de son messag
105 elà de lui-même, au-delà des formules humaines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvi
106 qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certaines formules dogmatiques ; mais c’est,
107 tion évangélique. Le calvinisme ou le luthérisme, ce sont bien moins des normes de pensée que des chemins vers l’Évangile.
108 imer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe plus que tout, c’est d’indiquer d’abord la « clé » qui do
109 qui donne leur exacte valeur à nos variations sur ce thème. Et cette clé, c’est la vocation que Jean Calvin reçut de réfor
110 blique et classique, au sens le plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la Re
111 me antichrétien et c’est le Traité des scandales. Ce troisième traité n’avait jamais été réimprimé depuis sa parution en 1
112 our nuire à l’Évangile et le diffamer comment que ce soit ». Il y a ceux pour lesquels les dogmes sont autant d’occasions
113 mes sont autant d’occasions de chopper : Quant à ce que la Prédestination est comme une mer de scandales, d’où vient cela
114 ée ? Calvin n’est guère partisan, on le voit, de ce fameux libre examen dont on persiste à lui attribuer l’invention, par
115 nt sous la croix, tant qu’elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux que nous appelons libérau
116 Mais toutes les richesses de style que produisit ce siècle bouillonnant ont passé dans l’attaque de Calvin : il a su pren
117 à l’adversaire ses meilleures armes. Au sujet de ce style, dont l’exemple n’est pas l’un des plus négligeables que compor
118 Épître, sobre et grave dans le Traité de la Cène, ce style garde partout les vertus qui, sans doute, font le plus grand dé
119 té vigoureuse dans l’exposé des sic et non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus savoureux contrastes
120 l revenir vers les chefs pour apprendre à nouveau ce que parler veut dire. Ensuite, n’oublions pas que la plupart des écri
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
121 limites charnelles et temporelles ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où il n’est pas question de mysticisme. Ceci marq
122 s. Il est grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il est grand temps que nous relevi
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
123 , de soutenir les causes les plus vilipendées par ce furieux censeur païen. Qu’il suffise de rappeler que le nom de Wilfre
124 e la problématique particulière à une école — est- ce trop dire — qui va de Schleiermacher à Harnack, en passant par Charle
125 dresse pas aux spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens,
126 du Mal ». Notons que cette position du problème, ce double front contre l’athéisme et contre le dogmatisme, définit d’emb
127 t, c’est Dieu le Père, révélé par le Fils, et non ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’est pas dans la Nature, il
128 e ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce que nous montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’un « démiurge
129 es périssent par accident, la terre tremble : est- ce là l’œuvre du Dieu d’amour dont parle l’Évangile ? « La fourmi périss
130  voilà qui pose à M. Monod le problème central de ce livre. Faudra-t-il donc revenir à Marcion, hérétique condamné par tou
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
131 iants quant à la doctrine religieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a c
132 luthérienne, le Traité du serf arbitre 14. Ne fût- ce que sur le plan de la culture générale, une telle publication est app
133 mieux incarné la volonté de pensée militante que ce petit moine qui, à Worms, osa dresser contre l’opportunisme impérial
134 guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié au
135 gner le salut par ses propres efforts de volonté, ce n’est pas ici le lieu de l’examiner. Notons seulement, pour écarter l
136 rmes radicaux, vraiment sérieux, se voit acculé à ce dilemme, ou plutôt à l’acceptation simultanée de ses deux termes. Et
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
137 l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait- ce pas que l’on ne sait plus créer de la vie ? On s’efforce de la décrir
138 omancier moderne apparaît étrangement dépourvu de ce pouvoir « fabulateur » qu’il était censé détenir. (Déjà M. Weidlé, da
139 trop souvent, il faut le dire, à tenir pour vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir d
140 t. C’est une légende encore qui donne le départ à ce roman des Löwensköld, et porte sur lui de grandes ombres. Il y puise
141 d’une tradition. À vrai dire, on ne croit guère à ce pouvoir mortel d’un anneau dérobé dans une tombe (L’Anneau des Löwens
142 oman romantique de la grande tradition. Mais tout ce pittoresque humain revêt un drame spirituel, le drame de l’absolu chr
143 aller à sa perte et à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la fatalité de la légende a bel et
144 par une énorme tache de vin. Faudra-t-il accepter ce martyre ? Déjà, le jeune homme s’y résigne… À quelques pas de lui, el
145 le héros, sans nulle invraisemblance, il faut que ce héros soit un croyant d’une certaine trempe. Derrière Karl-Artur, en
146 les origines biographiques, les sources vives de ce jaillissement d’inventions. Morbacka, c’est comme une anthologie de s
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
147 sans doute, susciter des polémiques passionnées. Ce jeune écrivain suisse, qui joint le souci de l’actualité et le goût d
148 s une ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal d’Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est un des tém
149 , souple, il a la réserve affable des Suisses, et ce sourire des lèvres qui semble excuser le sérieux du regard. Il rit ma
150 à écrire mon livre, je voulais simplement étudier ce mythe et analyser la crise du mariage à notre époque. Mais plus je re
151 du roman, plus je me sentais gêné, mal à l’aise. Ce Tristan et cette Iseut qui restent indifférents pendant leur première
152 à cette conviction, que je suis prêt à défendre : ce que Tristan et Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne
153 ir, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons la religion cathare, te
154 Tristan et Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle, le mari, la femme et l’amant, qui est le sujet essen
155 mariage se modifie profondément, croyez-vous que ce fameux triangle, qui suppose en définitive le mariage, puisse encore
156 s que nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître. Mais c’est encore lui qui pèse sur toute
157 fabuleuse et Les Personnages du dram e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur La Réf
158 ermitage et y mourut. C’est un beau sujet. N’est- ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera représenté dans un théâ
159 et y mourut. C’est un beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique d’Honegger, sera représenté dans un théâtre en pl
160 querelles que pourraient me chercher les savants. Ce qui me touche, c’est que mon livre, paru il y a huit jours, m’a déjà
161 res troublés à vivre à deux sans trop se blesser, ce sera ma plus belle récompense. Le véritable esprit chrétien, la vérit
162 esprit chrétien, la véritable intelligence, n’est- ce pas de voir les limites d’où l’on ne peut s’échapper ? u. Rougemon
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
163 e commenter librement et, au besoin, de rectifier ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’a donné cette entre
164 er ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voici ce qu’a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont
165 ours. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas que je veuille me comparer à eux, mais la forme est la même
166 e doctrine humaniste… Humaniste ? Je n’aime guère ce terme. On a tendance à opposer humanisme et christianisme, et je me s
167 condition, celle d’écrire en rentrant exactement ce que je pensais du nazisme. J’en ai effectivement pensé et dit beaucou
168 erions ainsi 350 millions d’Européens solidaires, ce qui représente presque autant que les populations des États-Unis et d
169 n la formule consacrée, je suis ravi d’avoir reçu ce prix, malgré une petite ombre au tableau. Je viens en effet d’apprend
170 qui est un ami très cher et un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le sujet de son Rhinocéros ? D
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
171 existence même. Mais France, Angleterre, Russie, ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nou
172 suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons bie
173 t même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’est plus réversible.
174 et n’est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent dans toute l’Histoire ? Nous avons vu que la
175 dit plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et
176 de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien
177 éterminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, plus primitiv
178 » Or, le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le
179 c’est l’URSS qui a introduit dans l’Empire emmuré ce nouveau cheval de Troie occidental : la technique, et tout ce qu’elle
180 heval de Troie occidental : la technique, et tout ce qu’elle entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’une nation.
181 ns cette Lettre , Denis de Rougemont montre tout ce qui rapproche et tout ce qui divise les États de l’Europe ; il fixe é
182 de Rougemont montre tout ce qui rapproche et tout ce qui divise les États de l’Europe ; il fixe également un programme pou
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
183 ée entre les influences françaises et allemandes, ce qui est très suisse, par définition. 17 ans, c’est le moment où j’ai
184 rieusement chez moi. J’ai fini par comprendre que ce sentiment venait de ce que j’avais des ancêtres dans tous ces pays-là
185 ai fini par comprendre que ce sentiment venait de ce que j’avais des ancêtres dans tous ces pays-là. Si je regarde l’ascen
186 mbreuses et passionnantes pages à l’amour. Qu’est- ce que l’amour pour vous ? L’amour c’est tout. Pour moi c’est plus spéci
187 assion et le mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à écrire cet ouvrage par toute une suite de
188 eaucoup impressionné. J’ai tâché de suivre un peu ce qui se passait dans la vie de ces gens qui m’avaient fait des confide
189 ment de retarder les divorces de quelques années, ce qui provoquait pas mal de souffrances, mais peut-être aussi des prise
190 divorce. Depuis lors je n’ai cas cessé de récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Comme toi-même , qui est édi
191 cessé de récrire ce livre. Mon deuxième livre sur ce thème, Comme toi-même , qui est édité en livre de poche sous le titr
192 ait élever les gens dans une méfiance profonde de ce que représente la passion. C’est au fond contre la vulgarisation du m
193 rriver à un homme. Aujourd’hui, je suis parvenu à ce point qu’il y a deux morales, l’une qu’il faut enseigner aux enfants,
194 parfaitement que quand il commence une œuvre, que ce soit un tableau, une sculpture ou un livre, cela lui imposera des dis
195 urable. Si je fais un plaidoyer pour la fidélité, ce n’est pas au nom d’une morale puritaine, comme certains l’ont cru, ma
196 mme est amené à être créateur d’une œuvre, ne fût- ce que de soi-même et surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre
197 à Genève. Arrivé à la frontière, le douanier a eu ce mot admirable : « Ah ! ça, c’est l’Europe !… passez… » Le fait d’être
198 e définition de la gloire ? C’est le salut. C’est ce qui vient après la mort. C’est l’accomplissement. C’est un triomphal
199 sommes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est la vie. Là, je pe
200 nder ce que c’est que la mort, je m’interroge sur ce qu’est la vie. Là, je peux dire quelque chose : c’est un certain laps
201 e. J’ai écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un homme du xxe siècle,
202 écrit des centaines de pages de notes sur ce que ce mot Dieu peut évoquer pour l’esprit d’un homme du xxe siècle, moi, p
203 précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’air de faire croire aux gens que pour moi croire en
204 icultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le problème est mal
205 jourd’hui disent qu’ils ne tiennent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’
206 nent pas du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils
207 de ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent par vous faire un peti
208 scientifique. On pourrait leur demander : Qu’est- ce que cela veut dire pour vous, la vie, s’il n’y a aucun sens à rien ?
209 comparaison un peu élémentaire, mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croir
210 e de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’en prendre connaissance. Elle peut sav
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
211 tique, en retour, est fomenté par la culture. Car ce sont bien des faits de culture : l’école, aux trois degrés, la presse
212 ence historique — que leur nation est immortelle, ce qui suggère qu’elle aurait existé de toute éternité ; alors qu’en vér
213 Mais dira-t-on, le mot « nation » désignait, dès ce temps, ceux qui parlaient même langue ? Oui, mais il n’était pas ques
214 commune origine indo-européenne, mais encore tout ce que leur histoire y ajouta au cours des âges : notions philosophiques
215 à rien, ne protège contre rien, n’arrête rien de ce qu’il faudrait arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air et d
216 avec les conformistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraime
217 ion et renouvellent les données communes. Or dans ce jeu entre les grands courants et les foyers locaux, entre l’unité et