1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 ber certains dogmes décidément incompatibles avec nos plus récentes lumières ? Ou bien doit-elle, tout au contraire, assume
2 atibles avec nos plus récentes lumières ? Ou bien doit -elle, tout au contraire, assumer le scandale, montrer sa permanente e
3 leurs mesures puisqu’elle est le jugement de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte p
4 ent de tous nos jugements et la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour le scandale et non pour les adapta
5 raies raisons, les vrais problèmes. « Pasteur, je devais parler à des hommes aux prises avec les contradictions inouïes de la
6 la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit , qui donc peut être pasteur et prêcher ? » Tourmenté par cette questi
7 aux Romains, la plus inquiétante sans doute, pour notre esprit critique. Il résulte de cette étude un gros livre que trois éd
8 ut s’adresser qu’à ces « questions dernières » de notre vie, celle devant lesquelles nous fuyons toujours — et c’est là juste
9 dernières » de notre vie, celle devant lesquelles nous fuyons toujours — et c’est là justement le principe de notre inquiétu
10 s toujours — et c’est là justement le principe de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comprenion
11 t là justement le principe de notre inquiétude. «  Nos auditeurs attendent de nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne
12 de notre inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si
13 inquiétude. « Nos auditeurs attendent de nous que nous les comprenions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne
14 ions mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes… Si nous ne prenons pas les hommes au sérieux quand la détresse de leur existe
15 nd la détresse de leur existence les a conduits à nous , je le répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils
16 existence les a conduits à nous, je le répète, si nous ne les prenons pas davantage au sérieux qu’ils ne le font eux-mêmes,
17 ieux qu’ils ne le font eux-mêmes, comment aurions- nous le droit de nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu
18 font eux-mêmes, comment aurions-nous le droit de nous étonner que, pour la plupart, ils prennent peu à peu l’habitude de dé
19 peu à peu l’habitude de délaisser l’Église et de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés et ces timorés dont j’ai par
20 de toutes parts de troublants paradoxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une
21 oxes. La Bible nous parle-t-elle de religion ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt, avec une insistance significative, que les
22 acé sous le signe de Baal ou de Yaveh. » La Bible nous parle-t-elle de ces « expériences religieuses » sur lesquelles les mo
23 ssumée dans sa tragique ironie, que le théologien doit avoir conscience, s’il veut parler valablement. Mais de quoi va-t-il
24 Ici le paradoxe devient plus aigu. Le théologien doit parler de Dieu, son nom l’indique. De quel Dieu ? De celui que la Bib
25 De celui que la Bible nomme l’Éternel, alors que nous sommes tout entiers temporels. De celui qui transcende toutes nos idé
26 entiers temporels. De celui qui transcende toutes nos idées de la transcendance. De celui qui vient à nous, mais auquel l’h
27 s idées de la transcendance. De celui qui vient à nous , mais auquel l’homme ne peut aller. Du totaliter aliter. Si donc la t
28 Parole de Dieu, la parole où dieu devient homme. Nous pouvons répéter ces quatre mots, mais en les répétant, nous n’avons p
29 ns répéter ces quatre mots, mais en les répétant, nous n’avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle cette idée devient u
30 saint Paul, tous ceux qui ont su et connu ce que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est pas capable par lui-même
31 le ; une remise en question radicale et intime de notre existence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard il nous fait voir qu
32 istence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard il nous fait voir que le christianisme, c’est l’immédiat, l’instant éternel d
33 Dieu n’est pas un problème, n’est pas l’objet de nos recherches, mais le Sujet de toute existence et de toute recherche. I
34 toute vie, la synthèse qui précède éternellement nos thèses et nos antithèses, tous les oui et tous les non que nous pouvo
35 synthèse qui précède éternellement nos thèses et nos antithèses, tous les oui et tous les non que nous pouvons dire au mon
36 nos antithèses, tous les oui et tous les non que nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit son existence véritable que
37 Elle ne peut que l’indiquer au-delà d’elle-même. Nous n’avons rien dit des qualités humaines de ce livre, de son éloquence
38 teur du terme, et qui met en état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains degrés de tension que la r
39 qu’à certains degrés de tension que la réalité de nos réalités quotidiennes peut être démasquée, éprouvée.) Une prise ferme
40 nt. Barth est l’un des hommes les plus solides de notre temps. C’est pour cela qu’il peut poser les questions les plus gênant
41 hentiquement chrétien : il est le seul espoir que nous puissions garder dans la restauration spirituelle d’une Allemagne pro
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
42 tres du dessin animé et des Eugène de Cocteau, où nous voyons gesticuler, non sans grandiloquence, des savants astronomes, d
43 ourd de cette Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue, et c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manifeste que par ce
44 y manifeste que par ces « ratés » émouvants, dont nous rions faute de réflexe appris. L’humour du romantique jaillit des éch
45 timent. Et certes, c’est le sentiment d’abord qui nous retient chez Pierre Girard, cette merveilleuse ingénuité devant le pr
46 es, cette aisance de l’écriture, sans égale parmi nous , cette musique d’un cœur qui s’abandonne, qui s’accepte. C’est cela q
47 ai pas de passeport ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’
48  ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués moi-mê
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
49 r Max Dominicé (24 mars 1934)d M. Max Dominicé nous donne L’Humanité de Jésus d’après Calvin comme un simple commentaire
50 a pensée du réformateur. N’allons pas commenter à notre tour cette glose. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus significatif dans l
51 ure qu’elle humanisait le Christ sous prétexte de nous rapprocher de lui, l’histoire prêtait une réalité insurmontable aux d
52 ne réalité insurmontable aux dix-neuf siècles qui nous séparent de l’Évangile. Du même coup, l’expérience religieuse, dialog
53 un renversement du problème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse sur notre amour pour Jésus-Christ — amour dont il nous
54 ème. Calvin ne fonde pas notre vie religieuse sur notre amour pour Jésus-Christ — amour dont il nous sait tout incapables par
55 sur notre amour pour Jésus-Christ — amour dont il nous sait tout incapables par nous-mêmes — mais sur l’amour de Dieu pour n
56 es par nous-mêmes — mais sur l’amour de Dieu pour nous . C’est Dieu qui vient à nous, impies, non point nous qui le rencontro
57 l’amour de Dieu pour nous. C’est Dieu qui vient à nous , impies, non point nous qui le rencontrons au terme d’une pieuse « él
58 s. C’est Dieu qui vient à nous, impies, non point nous qui le rencontrons au terme d’une pieuse « élévation ». Et c’est le m
59 etrouver cette réalité, c’était du même coup pour notre auteur, échapper aux faux problèmes du modernisme et revenir à l’orth
60 nts du Calvin commentateur des évangiles, tel que nous le restitue M. Dominicé, que cette insistance à mettre en lumière le
61 n lumière le « scandale de Jésus » à seule fin de nous « enseigner à révérence ». On peut dire dans ce sens que l’exégèse de
62 ute didactique : elle veut sans cesse transformer nos questions en questions que le texte sacré nous adresse. Tout au contr
63 mer nos questions en questions que le texte sacré nous adresse. Tout au contraire du critique moderne, qui se pose en juge d
64 Dominicé ne sera pas le dernier à souhaiter avec nous que le retour des doctrines du xvie siècle renouvelle jusque dans le
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
65 ant du xixe siècle, depuis quelques années qu’on nous parle de lui dans les revues philosophiques et littéraires ! Probable
66 equel il a pas mal de traits communs, Kierkegaard nous laisse un ouvrage d’autocritique2 où il dégage le sens général de son
67 spoir, considéré comme une maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre. Nul romantisme dans cette a
68 nsidéré comme une maladie universelle ne doit pas nous tromper sur le dessein du livre. Nul romantisme dans cette analyse, a
69 mantisme dans cette analyse, aucune exaltation de nos démons obscurs. Au fond du désespoir, et quelles que soient les forme
70 a connaissance du salut promis par le Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien,
71 Christ peut nous amener à l’aveu de la réalité de notre condition. Ainsi, le chrétien, seul, connaît toute la misère de l’hom
72 ables. Par ailleurs, cette descente aux enfers de notre âme fait songer à Dostoïevski. Dans La Répétition 4, on trouvera conf
73 losophe, l’ironiste et le théologien. Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec un problème sentimental douloureux, e
74 « son muet confident », l’auteur. Peut-être avons- nous ici les pages les plus éloquentes et les plus irréfutables d’un pense
75 un penseur qui sut devancer tous les problèmes de notre siècle. Le ton s’y élève à la hauteur de l’invective prophétique : P
76 ortés par de vieilles bavardes et des eunuques ! Nous voici plus près de Shakespeare que du piétisme sentimental et de l’un
77 it là que du premier volet d’un triptyque dont il nous faut attendre les deux autres parties pour saisir la pleine significa
78 les introductions que les différents traducteurs nous ont prodiguées jusqu’ici avec autant de science que de conscience, ma
79 Du mélange d’humour et d’angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on trouvera ici l’exposé judicieu
80 egaard est un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’il a vu l’événement, et qu’il en est en
81 Or, je tiens qu’il n’y a rien de plus urgent pour nous que d’aller voir ce qui se passe dans l’œuvre du danois prophétique,
82 dépens de leur modèle ! Modeste et sûr, celui-ci nous aidera. 2. Point de vue explicatif sur ma carrière d’auteur, non t
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
83 rituels qui serviront à fixer la signification de notre époque. Son influence, limitée d’abord aux pays anglo-saxons, s’étend
84 le concret du christianisme. Une dizaine d’entre nous parlèrent, sans artifices ni gêne, ni excès d’aucune sorte. À plus d’
85 reprise, j’eus l’impression, qu’on a rarement de nos jours, d’entendre des gens dire la vérité sur eux-mêmes. Je sortis as
86 on passe sur les interprétations personnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » brillants
87 e on en trouve dans les pays anglo-saxons. On lui doit , entre autres, un ouvrage fameux sur l’Armée du salut.) Le Mouvement
88 e sont souvent que des acteurs. Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage dans une relation concrète avec
89 Seule la foi peut nous rendre actifs lorsqu’elle nous engage dans une relation concrète avec le prochain. Mais comment s’en
90 e faire tomber les barrières morales qui séparent nos contemporains, l’on s’en persuadera facilement en lisant les récits d
91 Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notre temps, dans cet embouteillage de doctrines et de programmes où nous s
92 et embouteillage de doctrines et de programmes où nous sommes pris, le seul message utile est celui qui nous révèle une tâch
93 sommes pris, le seul message utile est celui qui nous révèle une tâche proche, des hommes pour lesquels nous puissions être
94 révèle une tâche proche, des hommes pour lesquels nous puissions être le prochain. Et quand ce livre n’aurait pas d’autre va
95 pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte, de nous montrer comment les hommes de ce temps peuvent devenir des hommes rée
96 ues revues protestantes en ont parlé. C’est tout. Nos grands journaux ignorent quelques-uns des événements décisifs de l’hi
97 eux ansg. Aujourd’hui, l’un de ses collaborateurs nous donne un portrait plus complet et quelques extraits de ses œuvres8. F
98 de symptômes d’aliénation mentale ? La société de nos jours manifeste une tendance au crime. Elle est devenue folle par sa
99 e, c’est-à-dire un grand poète. Le livre d’Axling nous donne d’admirables citations de ses Méditations. Si les romans de Kag
100 i appartiennent au génie japonais tel que Claudel nous l’a décrit, mais auquel le génie chrétien ajoute une dimension humain
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
101 e point-là l’image habituelle que l’on se fait de nos climats ? Et voici un dernier argument. Prenez une liste des romancie
102 es « païens », d’un Thomas Hardy, par exemple, se devaient de finir aussi mal que possible ? Non, car le christianisme se passe
103 a Réforme : simul peccator et justus. Kierkegaard nous rappelle que pour aider les hommes, il faut d’abord les trouver là où
104 nt, parce qu’il ne cache rien ; parce qu’il vient nous prendre où nous sommes. C’est le charme profond de Selma Lagerlöf qui
105 ne cache rien ; parce qu’il vient nous prendre où nous sommes. C’est le charme profond de Selma Lagerlöf qui revit dans ces
106 malentendus que font naître ces expressions dans nos esprits encore marqués de préjugés naturalistes. On a voulu nous fair
107 core marqués de préjugés naturalistes. On a voulu nous faire croire que la vie quotidienne était le contraire de la poésie,
108 ’on porte sur le monde. Le regard « objectif » de nos naturalistes appauvrit tout, faute de vouloir imaginer. Ils croient v
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
109 appelait l’histoire du sentiment religieux, et il nous sera permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond protesta
110 volume. Mais aussi, la substance historique qu’il nous offre est de celles qui n’ont pas besoin de condiments pour produire
111 propres à modifier considérablement l’opinion que nous pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous l’ont décrit les ferv
112 e nous pouvions avoir du « grand siècle » tel que nous l’ont décrit les fervents de Louis XIV et certains défenseurs de la p
113 te anachronique, mais que tout le livre de Viénot nous autorise à prononcer ; c’est le mot de fascisme. Le parallélisme qu’o
114 es François… Bon Dieu ! parmi quels tigres vivons- nous … qu’une cour de Parlement se licencie ainsi contre le droit naturel,
115 ’être citée aussi, pour sa seule beauté : Lequel nous vaudra donc mieux, qu’un loup dévore notre charogne ou que des citoye
116 Lequel nous vaudra donc mieux, qu’un loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs yeux et contentent l
117 mpêchera qu’en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur qui approche, et qui rendra, selon sa jus
118 es mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur qui approche, et qui rendra, selon sa justice, oppression
119 i rendra, selon sa justice, oppression à ceux qui nous oppressent, et relâche à nous qui sommes oppressés. (Qui donc, sauf
120 pression à ceux qui nous oppressent, et relâche à nous qui sommes oppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce styl
121 ui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce style, en notre siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’est pas moins grand
122 ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous sommes chassés de la ville et jetés comme des ordures dans un coin. C
123 des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux
124 n. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des siècles. L
125 aux siècles des siècles. Le livre de John Viénot nous donne toute une anthologie de pareils traits. Grâce à quoi l’on resso
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
126 3 février 1935)k Voici trois petits livres qui nous viennent du Nord11. Un même courant spirituel nous les apporte au tem
127 ous viennent du Nord11. Un même courant spirituel nous les apporte au temps marqué. Peut-être, l’examen de ces « témoins » à
128 à la fois si divers et si profondément semblables nous permettra-t-il aujourd’hui de préciser la direction et la nature de c
129 aine passion qui porte tant de bons esprits, chez nous , vers la pensée de Kierkegaard, surgissant lentement, terriblement, d
130 plutôt gênante qu’est son œuvre en plein cœur de nos ratiocinations de clercs retraités de la vie ? Mais le plus curieux d
131 urieux de l’affaire, n’est-ce pas que Kierkegaard nous soit présenté aujourd’hui par des philosophes laïques tout à fait lib
132 continuateur, Karl Barth, pénètre et fait revivre notre pensée évangélique ? Et voici que cette conjonction du poète philosop
133 de, une nouvelle constellation monte au zénith de notre âge. Il s’agit maintenant d’interpréter son signe. ⁂ Crainte et Trem
134 nt. Il réduit tout au général. Mais la Bible, que nous dit-elle ? Elle ne fait pas une théorie, elle répond par l’exemple d’
135 posent sérieusement la question : en quoi ma foi doit -elle transformer ma vie ? Or, toute l’insistance du grand théologien
136 aux lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit pas le conduire à je ne sais quelle « spiritualisation » tout illusoi
137 C’est toute profane et banale, la vie que chacun doit vivre à sa place, et dans sa situation. Mais en quoi le chrétien se
138 sa forme, mais à sa transformation. Et voici que nous rejoignons l’idée centrale de Crainte et Tremblement. Qu’est-ce, en e
139 me ni au monde. Ainsi, chez Barth et Kierkegaard, nous trouvons le même réalisme fondé dans le même paradoxe. La même façon
140 de Dostoïevski ? Ses héros ne viennent-ils pas à nous comme de grands questionneurs, comme des êtres orientés vers autre ch
141 tit livre en Allemagne mérite d’être confirmé par notre public littéraire. En quelques chapitres très simples, Thurneysen sai
142 de sens, ou seulement chaotique, morbide. Ce que nous avons cherché dans Dostoïevski, c’est la réponse à cette question : q
143 on : qu’est-ce qu’un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule
144 n homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule et grande question
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
145 s traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)l On nous montre un Calvin maigre et sec, et l’on conclut incontinent à l’ascét
146 on conclut incontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre un Luther adipeux, et loin de revenir sur le premier jugement,
147 breuse qu’on ne pense. Que sait-on de Calvin dans notre grand public, sinon qu’il avait les joues creuses, une barbiche point
148 de l’Institution. Ce qui ne fait guère honneur à notre liberté d’esprit. Mais je m’en voudrais de déplorer la décadence cult
149 es grands théologiens de la Réforme ne sont pas à nos yeux des chefs d’école ; ni des docteurs dont la pensée fait loi, une
150 maines de ce message, à la réalité qui le juge et nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certaines f
151 là de ces formules et dans l’orientation où elles nous placent, remonter à cette origine permanente de l’Église qu’est la ré
152 ation particulière, et sous cet angle seul, qu’il nous devient loisible de parler de ces hommes sans tomber dans l’extravaga
153 ns l’extravagance. Calvin homme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littérai
154 ravagance. Calvin homme, Calvin écrivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; ma
155 rivain, nous ne nous priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines et littéraires ; mais ce qui importe plus que tout,
156 d’abord la « clé » qui donne leur exacte valeur à nos variations sur ce thème. Et cette clé, c’est la vocation que Jean Cal
157 grand mérite de cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectives de « l
158 vinien. Il faut bien avouer que les commentateurs nous avaient donné jusqu’ici une image assez étriquée de cette Weltanschau
159 lui restituer ses trois dimensions primordiales. Nous voyons alors Calvin faire face d’une part à l’Église de Rome et c’est
160 occasion d’une véritable découverte de Calvin. Il nous donne un puissant raccourci de toute la polémique de la Réforme contr
161 yaume mondain ». À ceux-là, Calvin rappellera que notre condition chrétienne est celle du conflit dialectique : L’Église est
162 e monde. Voici enfin les « libertins », ceux que nous appelons libéraux qui « gazouillent » à tort et à travers et se répan
163 bles que comportent les Trois traités, M. Schmidt nous propose quelques définitions fort bien venues : Qui veut comprendre,
164 ns son essence, le génie littéraire de Calvin, ne doit jamais omettre que celui-ci se considérait comme ministre du Verbe di
165 rtus qui, sans doute, font le plus grand défaut à notre siècle : une fermeté délibérée qui ne s’arrête pas complaisamment à d
166 dont un romantisme tour à tour alangui ou excité nous a fait perdre le secret. Notre langage moderne relève à peine de deux
167 r alangui ou excité nous a fait perdre le secret. Notre langage moderne relève à peine de deux maladies graves : la contentio
168 ixe . Il m’apparaît que le style d’un Calvin peut nous être un puissant roboratif. Et ceci pour deux bonnes raisons. D’abord
169 emplir et d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-
170 érit d’être par trop « irresponsable ». Peut-être nous faut-il revenir vers les chefs pour apprendre à nouveau ce que parler
171 a seule révolution qui compte pour l’esprit. Elle doit commander toutes les autres. 12. Trois traités de Jean Calvin. Pré
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
172 énéfice ne saurait être pour la foi. La mystique, nous dit-il, en effet, c’est « la recherche des moyens par lesquels l’âme
173 ndrait un marxiste, si le christianisme est cela, nous lui laisserons ses rêveries et nous nous chargerons de l’homme « dans
174 sme est cela, nous lui laisserons ses rêveries et nous nous chargerons de l’homme « dans ses limites charnelles et temporell
175 st cela, nous lui laisserons ses rêveries et nous nous chargerons de l’homme « dans ses limites charnelles et temporelles ».
176 éserve, il convient de remercier M. Chuzeville de nous avoir ouvert par son anthologie tout un monde spirituel et poétique p
177 lante. La plupart des mystiques que M. Chuzeville nous révèle sont inconnus du public français, Novalis et Ruysbroeck mis à
178 lassification. En vérité, les mystiques allemands nous apparaissent surtout intéressants dans la mesure où ils annoncent le
179 ier romantisme allemand, encore si mal connu chez nous . Il est grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’es
180 re si mal connu chez nous. Il est grand temps que nous rendions hommage à ce ver sacrum de l’esprit germanique. Il est grand
181 um de l’esprit germanique. Il est grand temps que nous relevions ces titres de noblesse spirituelle momentanément méprisés p
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
182 olumes, sauf erreur — M. le pasteur Wilfred Monod nous a donné une œuvre aussi exceptionnelle par ses dimensions que par son
183 r du Problème du Bien 13 se soit fait un glorieux devoir , et peut-être un malin plaisir, de soutenir les causes les plus vilip
184 sation concrète. À ces deux causes illustrées par notre auteur, il faut en ajouter une troisième, qui les commande directemen
185 ême l’esquisse. Mais le sous-titre de cette œuvre nous engage à l’aborder très librement : « essai de théodicée et journal d
186 : « essai de théodicée et journal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une construction doctrinale. L’auteur prend
187 e construction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne rési
188 x spécialistes, ni à l’Église, comme ce serait le devoir d’un traité dogmatique. Je m’adresse aux chrétiens, mais plus encore
189 aît absolue. Mais l’une des grandes surprises que nous réserve le Problème du Bien, c’est qu’au moyen d’une méthode « libéra
190 lisme ? Mais revenons à la situation de départ de notre auteur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée et l’orthodoxe de
191 auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce que nous montre la Nature, c’est bien plutôt l’action d’un « démiurge » sauvag
192 . Monod le pense. Jésus, dit-il, « n’est pas venu nous enseigner que l’univers a un créateur. Il a, au contraire, déboulonné
193 ncroyant ou ignorant de ces débats. Wilfred Monod nous apparaît ici comme une espèce de père Hugo du modernisme : même inven
194 n que l’auteur s’en défende dans sa préface. Cela nous vaut des pages fort curieuses sur la Nature, des élévations romantiqu
195 smique dont un maigre intellectualisme dogmatique nous faisait perdre l’émouvant souci. À cet égard, on peut bien dire que M
196 poser par le spectacle de ses propres luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne tenait, par ai
197 s luttes — où nous ne reconnaissons pas forcément les nôtres — et s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui
198 r par une philosophie qui ne saurait plus être la nôtre  : j’entends le criticisme à peine critiqué. Le contenu de la Révélati
199 de la Révélation, malgré toutes les philosophies, doit rester pour tous les croyants : « Emmanuel ! » qui signifie : Dieu av
200 royants : « Emmanuel ! » qui signifie : Dieu avec nous  ! Est-il vraiment indispensable, est-il même permis au chrétien, de f
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
201 uant à la doctrine religieuse : voilà tout ce qui nous est accessible d’une œuvre dont on sait pourtant qu’elle a changé plu
202 ppelée à rendre des services inappréciables. Elle nous place au cœur même du grand débat occidental, celui de la pensée « pu
203 ure » et de la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains la pièce capitale du procès : l’acte d’accusation du clerc acti
204 intéressé » que croyait pouvoir être Érasme. Elle nous permet de connaître l’une des origines historiques de cette oppositio
205 Le point de vue du « clerc pur », celui d’Érasme, nous est suffisamment connu. Qu’on se reporte en particulier à la brillant
206 fois de plus la face des choses ? À tout le moins doit -elle passionner le débat, et le faire puissamment rebondir. Car perso
207 en ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une cert
208 foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul en nous  ; opposition de la justice donnée par Dieu à la justice acquise par n
209 justice donnée par Dieu à la justice acquise par nos mérites ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; s
210 endu, que Luther ne nie pas du tout la réalité de notre volonté. Il nie seulement que cette volonté puisse s’appliquer librem
211 oses qui concernent le salut. Elle fait partie de notre nature, et comme telle, ne désire vraiment que le péché. La liberté n
212 rsonne même de Dieu, éternellement active, et qui nous aime. Il faut choisir. Mais le choix est-il libre ? On retombe au déb
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
213 stent pas à l’analyse, et qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la physiologie, ou à l’argent. Il
214 and triptyque des Löwensköld 15. Et, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau de cette « défense d’inventer » qui terroris
215 eule, la naïveté moderne se figure qu’une légende doit être crue, comme on croit les journaux, par exemple, et s’en indigne,
216 urs, que ces héros sont bien assez complexes pour notre goût moderne ! Et que l’« analyse des motifs » est ici d’une fort mal
217 de la lecture une euphorie de l’imagination dont nous pensions que le secret s’était perdu avec l’enfance. Comme on sent qu
218 car il est entendu que la femme désignée par Dieu doit venir à sa rencontre. Un peu plus loin, il entend chanter : c’est la
219 la poésie ! Et le spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuvre admirable, c’est celui du travail de la foi dans la
220 rs — dont le charme, d’ailleurs, suffirait bien à nous retenir : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil l’appor
221 , d’ailleurs, suffirait bien à nous retenir : ils nous permettent de mesurer d’un seul coup d’œil l’apport proprement artist
222 t pas à expliquer la crise actuelle du genre dans notre société. 15. L’Anneau des Lowensköld, Charlotte Lowensköld, Anna S
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
223 Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)u v Avec l’audace souriant
224 qui ne sont jamais indifférents. Il a tenu, dans notre journal, la rubrique de la vie protestante. Ayant fait de solides étu
225 Rougemont connaît mieux que beaucoup de Français notre province : il a séjourné de longs mois en Vendée et dans le Midi. Son
226 laquelle il s’efforce de dégager l’âme secrète de nos campagnes. Denis de Rougemont n’aime pas les villes, il n’a pas besoi
227 tudier ce mythe et analyser la crise du mariage à notre époque. Mais plus je relisais les différentes versions du roman, plus
228 ère aux biens de ce monde, profusion de symboles… Nous retrouvons la religion cathare, telle que les procès de l’Inquisition
229 ur-passion serait une hérésie chrétienne ? … Dont nous avons perdu la clef, et qui a pourtant inspiré toute notre littératur
230 ns perdu la clef, et qui a pourtant inspiré toute notre littérature, reprend Denis de Rougemont. Le mythe de Tristan et Iseut
231 Denis de Rougemont réfléchit : Non, je crois que nous sommes à une époque de transition, que ce mythe risque de disparaître
232 ise du mariage. Comment cela ? C’est très simple. Nous souffrons d’avoir été élevés dans une double contradiction. Romans, p
233 Romans, poèmes, musique, l’art et la littérature nous représentent la passion comme un paroxysme désirable, comme un état d
234 n état d’exception où l’être se dépasse lui-même. Nous aspirons donc à connaître cet état que, comme Tristan et peut-être in
235 t que, comme Tristan et peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être aimé. D’autre part, on nous montre le mariage comm
236 t, nous préférons à l’être aimé. D’autre part, on nous montre le mariage comme le fondement essentiel de notre société. Mais
237 montre le mariage comme le fondement essentiel de notre société. Mais la passion, par définition, reste extérieure au mariage
238 de la personnalité. Mais pour moi cette fidélité doit être observée en vertu de l’absurde. Elle est aussi absurde que la pa
239 étienne du ma­riage, suppose chez les femmes, qui doivent être sans cesse capables de se renouveler, un ensemble de vertus soli
240 sais, je suis très exigeant. Pour moi, le mariage devrait être une institution qui main­tient la passion non par la morale, mai
241 efforts et certains sacrifices, il me semble. Ne devez -vous pas publier un roman, dont le titre, La Folle Vertu, illustre bi
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
242 te, espèce d’écrivain de plus en plus répandue de nos jours. Montesquieu, Pascal étaient des essayistes. Ce n’est pas que j
243 n me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de notre régime, allez donc l’observer de plus près. » J’acceptai à une condit
244 la théorie fédéraliste. L’homme, vous ai-je dit, doit être à la fois libre et responsable ; de même pour chaque nation dans
245 bles les unes des autres devant le danger commun. Nous serions ainsi 350 millions d’Européens solidaires, ce qui représente
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
246 a vu la civilisation — qui ne saurait être que la nôtre , quand on en parle au singulier — étendre à toute la terre ses bienfa
247 ropéen rayonne sur le monde entier, ils préfèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain de la Première Guerre mondiale
248 sur le monde entier, ils préfèrent nous parler de notre éclipse. Au lendemain de la Première Guerre mondiale déclenchée par l
249 19, Paul Valéry écrivait cette phrase célèbre : Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelle
250 tte phrase célèbre : Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Et il ajoutait : Elam
251 autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient
252 ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie, ce seraient
253 e beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout
254 de l’Histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circo
255 que toutes les civilisations étant mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr. Pour émouvante qu’e
256 ations, on en venait à penser que chacune d’elles devait fatalement décliner et mourir après une période d’apogée — la nôtre a
257 écliner et mourir après une période d’apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il est conv
258 ne vaste érudition, ont d’autant moins de peine à nous convaincre que, d’une part, ils rejoignent, par leurs conclusions, no
259 ’une part, ils rejoignent, par leurs conclusions, notre angoisse quant à l’état présent de l’Europe dans le monde, et que, d’
260 essé d’annoncer les catastrophes qui ont fondu de nos jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche et à Dostoïevski, de
261 puis cent ans les motifs de craindre le pire pour notre civilisation. Or voici que leurs prédictions semblent confirmées par
262 proclament déjà leur volonté de retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que matérielles… Que faud
263 lament déjà leur volonté de retourner contre nous nos propres armes, tant sociales et morales que matérielles… Que faudrait
264 parler d’une éclipse ou d’une mort prévisible de notre civilisation ? Avant de répondre, formulons deux remarques dictées pa
265 es précédents historiques soient applicables dans notre situation, ni que la courbe croissance-grandeur-décadence soit la mêm
266 antiques ? Il se pourrait, bien au contraire, que notre culture présente des caractères nouveaux, qui déterminent un destin n
267 nes, uniformes et sacrées, la culture de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste et profane. À cause
268 its et des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien, et que les conflits qui déchi
269 yen Âge ne furent pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cett
270 ins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture et de la civilisation créée par cette culture n’a jamais été
271 d’autres avaient cru cela d’elles-mêmes, avant la nôtre . Elles se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus être commise,
272 pour les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. Nous , les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons
273 e d’illusion. Nous, les Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons plus politiquement, mais nous savons
274 es Européens du xxe siècle, nous savons bien que nous ne dominons plus politiquement, mais nous savons aussi que toutes les
275 ien que nous ne dominons plus politiquement, mais nous savons aussi que toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique im
276 es villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de construction, leurs rues, leurs pl
277 journaux, et même leurs embarras de circulation. Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos parlements, partis et
278 Nous savons bien que tous les pays neufs imitent nos parlements, partis et syndicats, et même parfois nos dictatures. Et n
279 parlements, partis et syndicats, et même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sen
280 et syndicats, et même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’est pl
281 phénomène sans précédent dans toute l’Histoire ? Nous avons vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sou
282 aire, du moins séduire tous les peuples du monde. Nous avons vu aussi que l’Europe envoie dans le monde plus de machines et
283 mplètement humains. Ces très hautes civilisations devaient donc nécessairement demeurer régionales et décliner dans les limites
284 tes tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre à ceux qu’elle formerait intimement de considérer tou
285 ultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et
286 eaux d’un barrage. La mortalité des civilisations nous apparaît donc très variable. Certes, plusieurs ont disparu sans nous
287 très variable. Certes, plusieurs ont disparu sans nous laisser d’autre héritage actif que celui de leurs œuvres d’art : ains
288 t : ainsi celle des Aurignaciens, ou plus près de nous celle des Hittites, plus près encore celles des Mayas et des Aztèques
289 ecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre , sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été préservées par
290 le laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup que leurs rivales
291 nat, ni le Bushido. On peut le regretter, mais on doit le constater. Roger Caillois a écrit non sans drôlerie à propos de la
292 corriger comme suit le passage que j’ai cité : «  Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la certitude que nous ne
293 sage que j’ai cité : « Nous autres civilisations, nous avons depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement
294 lisations, nous avons depuis peu la certitude que nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes. Le t
295 de que nous ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaien
296 e mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnog
297 l’inventaire mondial initié à la Renaissance par nos découvreurs de l’espace et du temps de l’humanité. Troisième raison :
298 à la relève d’une civilisation devenue mondiale. Nous connaissons les circonstances de la chute de celles qui nous ont préc
299 ssons les circonstances de la chute de celles qui nous ont précédées : c’était parfois une catastrophe naturelle, comme la d
300 itération ou simplement la reprise des charges de notre civilisation, avec quelques chances de succès ? Les États-Unis ? dira
301 lement un programme pour les vingt ans à venir et nous met en garde, comme on va le voir, contre les prophètes de la décaden
302 ir, contre les prophètes de la décadence avant de nous proposer des candidats à la relève.
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
303 de mon père, je m’aperçois qu’à la génération où nous avons 64 ancêtres, la sixième, il y a 28 Suisses neuchâtelois et 36 a
304 ez exacte des influences qui se sont exercées sur notre petit coin de Suisse romande. Vous avez consacré de nombreuses et pas
305 e mythe de Tristan et l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui donner mon livre en février 1938. Le m
306 mour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui donner mon livre en février 1938. Le mois de février arriva et je
307 uscrit, que j’attends d’un jour à l’autre, car je dois publier le plus tôt possible le manuscrit d’un essai d’une grande act
308 assion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle doit être réservée à de très rares personnes qui seront probablement le se
309 que j’habite, qui est prétendument zone franche, nous sommes entre deux cordons douaniers. Cette situation particulièrement
310 lobe le temps, qui le pénètre complètement et que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c’est que
311 i il s’agit, mais que j’insiste pour indiquer que nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pages d
312 s’agit, mais que j’insiste pour indiquer que nous nous trouvons devant un problème. J’ai écrit des centaines de pages de not
313 s du tout à ce que le monde ait un sens, à ce que notre vie ait un sens, à ce que l’humanité ait un sens, puis ils finissent
314 ut être socialiste ou qu’il faut être de gauche ? Nous entrons dans l’arbitraire total. Si, au contraire, j’entre dans le mo
315 tence ou la non-existence de Dieu étant donné que nous savons la place infime que nous tenons dans l’univers. Je fais quelqu
316 u étant donné que nous savons la place infime que nous tenons dans l’univers. Je fais quelquefois cette comparaison un peu é
317 ien ce qu’elle veut dire : comment une cellule de notre corps pourrait croire à l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moye
318 hez Albin Michel, Lettre ouverte aux Européens , nous ne trouvons pas seulement confirmation de l’idéal de toute sa vie ; l
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
319 a le cheminement des esprits. Robert Schuman Il nous faut faire l’Europe afin de rester nous-mêmes, disons pour aller vite
320 ’Est européen — d’autre part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l’Europ
321 re part à la colonisation de notre économie et de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l’Europe ne pourra jamais
322 ole, aux trois degrés, la presse, les livres, qui nous font croire, depuis plusieurs générations de bons élèves et de maître
323 apprend depuis un siècle aux jeunes Européens de nos divers pays — contre toute évidence historique — que leur nation est
324 , pour la plupart, en tant qu’État et en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre
325 jeune Islande vingt-sept, et Malte, dix. L’école nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à
326 Malte, dix. L’école nous a raconté que chacun de nos États-nations correspond à une langue, à une ethnie, à un ensemble à
327 raphique défini par des frontières naturelles. Et nous l’avons cru ! Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’y a pas
328 qu’elle existait bien avant la formation, récente nous venons de le voir, de nos États-nations. Le mot nation, natio en lati
329 la formation, récente nous venons de le voir, de nos États-nations. Le mot nation, natio en latin, désignait au Moyen Âge,
330 flamande, nation italienne, c’était un peu comme nos maisons nationales dans une cité universitaire. Mais à l’Université m
331 d’un même État. D’ailleurs, il n’est pas vrai que nos États-nations modernes correspondent à l’aire de diffusion d’une lang
332 Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour le même motif, de près de la moitié de ses territoire
333 res actuels. Prenez la langue allemande : si elle devait coïncider avec un État-nation, il faudrait annexer à la République fé
334 s baltes et de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entendre e
335 nt que nos langues sont trop différentes pour que nous puissions nous entendre entre Stockholm et Athènes, Édimbourg et Sofi
336 ues sont trop différentes pour que nous puissions nous entendre entre Stockholm et Athènes, Édimbourg et Sofia, Varsovie et
337 des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, véhiculé par l’usage ecclésias
338 ecclésiastique, se retrouve aisément dans toutes nos langues : évêque, vescovo, obispo, bispe, biskop, bishop, bischof… Il
339 . Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afrique, toutes nos langues se ressemblent comme des sœurs. Vue de loin, l’unité culturel
340 service dévot de l’État-nation. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que le Rhin sépare les peuples de ses rives, mais que le R
341 unité et les vraies diversités La vérité qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, quoique ti
342 qu’on nous cachait, c’est que la culture de tous nos peuples est une, quoique tissée de contradictions dans sa genèse même
343 ntiellement contestataire de son génie — mais qui nous ont tous affectés à doses variables, et qui ont éduqué notre vision d
344 ous affectés à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons « cultiv
345 bles, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes les g
346 vision du réel, que nous le sachions ou non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes les grandes écoles d’art, d’archit
347 ndes écoles d’art et de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités tant vantées, et
348 té de notre culture commune. Mais qu’en est-il de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme le dis
349 que ces « précieuses diversités » sont celles de nos nations ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier.
350 ations faciles à vérifier. Non, les frontières de nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et ar
351 comme les conflits armés dont elles figurent sur nos atlas les cicatrices. Elles sont encore, disait un historien français
352 qui ne peut plus avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et l
353 rétendues « cultures nationales », les manuels de notre enfance non seulement se trouvaient justifier les pires chauvinismes,
354 Europe a failli périr, mais encore ils faussaient notre vision de l’histoire et le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun
355 le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord et un midi : dans chacun vous trouverez des croyants e
356 mistes de leur propre nation, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, mais les éco
357 . Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, mais les écoles de pensée, les styles de vie.
358 annis. Le grand secret de la vitalité inégalée de notre culture européenne, il est dans cette interaction perpétuelle des gra