1 1933, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Parole de Dieu et parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)
1 de rendre acceptable le message de l’Évangile, d’ en atténuer le scandale, d’intégrer largement les découvertes de l’espri
2 rois éditeurs refusent mais qui paraît finalement en librairie après la guerre. Aventure étonnante que celle de ce comment
3 toute religiosité. Elles consistent tout d’abord en une série de points d’interrogation que Barth place derrière des mots
4 té, expérience religieuse, problème de Dieu. Il n’ en faut pas plus pour que se lèvent de toutes parts de troublants parado
5 Il y a plus. L’histoire biblique, loin de mettre en scène le développement d’une « tradition » spirituelle, figure la nég
6 homme. Nous pouvons répéter ces quatre mots, mais en les répétant, nous n’avons pas dit la parole de Dieu, dans laquelle c
7 rünewald, cette main énorme qui désigne le Christ en croix. La théologie n’est pas la parole. Elle ne peut que l’indiquer
8 in, au sens le plus créateur du terme, et qui met en état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’à certains d
2 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). D’un humour romand (24 février 1934)
9 mand est-il sérieux ? Je crains que mes raisons d’ en douter n’ébranlent guère la solide réputation de gravité qu’on lui a
10 ant aux traditionnelles farces de père de famille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag pour amuser son pe
11 mille en liberté dont il assaisonnait ses Voyages en zigzag pour amuser son pensionnat, mais plutôt à ces albums illustrés
12 il lui arrive parfois de pousser « un immense cri en vingt-deux langues ». La satire de Toepffer n’est pas méchante, elle
13 ard, et de Cingria, ce que vous aurez la chance d’ en trouver, une note ici ou là, quelques petits livres à tirage limité.
14 d de poètes. Je crains même de leur faire du tort en écrivant qu’ils sont drôles. (Des gens viennent vous dire : tenez, vo
15 us les camps de la guerre de Sécession, mais il n’ en parla pas »), et servi par un garçon triste qui perd le vol-au-vent,
16 r l’état civil. « Je n’ai pas de passeport ; je n’ en ai jamais eu ; s’il doit être que j’en doive un avoir un, je veux qu’
17 ort ; je n’en ai jamais eu ; s’il doit être que j’ en doive un avoir un, je veux qu’il ne soit de ceux que j’aie fabriqués
3 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). L’Humanité de Jésus d’après Calvin, par Max Dominicé (24 mars 1934)
18 nt poussé M. Dominicé à l’écrire, et qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convaincantes. Il me se
19 héodore Flournoy, tenter de « faire une guirlande en mettant bout à bout des fleurs des champs et des fleurs de rhétorique
20 répète plusieurs fois : « Heureux celui qui ne s’ en scandalise pas. » ⁂ Retrouver cette réalité, c’était du même coup pou
21 e et profonde acuité d’une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des traits les plus frappants du Calvin commentateu
22  : elle veut sans cesse transformer nos questions en questions que le texte sacré nous adresse. Tout au contraire du criti
23 out au contraire du critique moderne, qui se pose en juge du texte, Calvin n’admet et ne pratique qu’une « exégèse d’obéis
24 que l’admiration que lui inspire Calvin s’exprime en termes aussi respectueux des objections possibles. Il est vrai que ce
4 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Quelques œuvres et une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)
25 hilosophiques et littéraires ! Probablement, il s’ en fût amusé : tout ce qui touchait à l’opinion publique était pour lui
26 e sens général de son œuvre. On peut y lire ceci, en matière d’introduction : « Je suis et j’ai toujours été un auteur rel
27 aducteur, prête à certaines confusions : l’œuvre, en danois, s’appelle La Maladie mortelle, et cette maladie, c’est le péc
28 s grave lacune de la littérature kierkegaardienne en France. On ne saurait trop insister sur l’utilité de ce livre. Il ren
29 un événement. Voici un homme qui vient nous dire, en toute simplicité, qu’il a vu l’événement, et qu’il en est encore tout
30 oute simplicité, qu’il a vu l’événement, et qu’il en est encore tout remué. On le croira sans peine : il n’a pas l’air d’a
5 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le mouvement des groupes — Kagawa (4 août 1934)
31 o-saxons, s’étend rapidement depuis quelques mois en Allemagne, en Suisse, à Paris même. Né dans les universités, il paraî
32 end rapidement depuis quelques mois en Allemagne, en Suisse, à Paris même. Né dans les universités, il paraît destiné à ré
33 ni même d’évangélisation. Il s’agissait de mettre en commun des difficultés intimes, d’entrer dans le concret du christian
34 fessions sensationnelles. J’avais tort, et l’on s’ en convaincra en lisant le petit livre d’Harold Begbie, Vies transformée
35 tionnelles. J’avais tort, et l’on s’en convaincra en lisant le petit livre d’Harold Begbie, Vies transformées 7, qui racon
36 les Groupes. Mais enfin, c’est le seul qui existe en français, et il contient un certain nombre de faits assez bouleversan
37 sse sur les interprétations personnelles que nous en propose l’auteur. (Begbie est un de ces « informateurs » brillants et
38 ants et cordiaux, un peu trop souriants, comme on en trouve dans les pays anglo-saxons. On lui doit, entre autres, un ouvr
39 tives de violation de domicile moral. Pour entrer en contact avec les hommes, il n’y a qu’un moyen : c’est de leur ouvrir
40 es morales qui séparent nos contemporains, l’on s’ en persuadera facilement en lisant les récits de Begbie. Les disciples d
41 os contemporains, l’on s’en persuadera facilement en lisant les récits de Begbie. Les disciples de Buchmann, — il refusera
42 ns la réalité qu’un homme incarne. Qui le connaît en France ? Claudel, quelques revues protestantes en ont parlé. C’est to
43 en France ? Claudel, quelques revues protestantes en ont parlé. C’est tout. Nos grands journaux ignorent quelques-uns des
44 autobiographique et romancé de sa jeunesse a paru en français, il y a deux ansg. Aujourd’hui, l’un de ses collaborateurs n
45 salaires basés sur l’état du marché. » On le met en prison. Il y écrit en treize jours un roman : L’Archer tirant contre
46 état du marché. » On le met en prison. Il y écrit en treize jours un roman : L’Archer tirant contre le soleil. Accueilli à
47 il. Accueilli à sa sortie de prison par une foule en fête, il entraîne une centaine d’enfants au bord de la mer pour céléb
48 Kagawa ! », proclame le parti communiste de Kobé en 1925. Et quelques années plus tard, une ligue réactionnaire fait pose
49 de Kagawa l’ont fait comparer à Gorki, ses poèmes en prose sont d’un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un se
50 ses poèmes en prose sont d’un franciscain. Il y a en lui un amour des objets, un sens de la nature, une compréhension des
51 ont Rougemont donne une recension dans Foi et Vie en septembre 1931. Kagawa sera également évoqué par Rougemont dans un ar
52 oqué par Rougemont dans un article du Semeur paru en mai 1935.
6 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Au sujet d’un roman : Sara Alelia (3 novembre 1934)
53 chrétiens — des romans justement comme ne peuvent en écrire que des protestants, malgré eux. Quand je dis romanciers prote
54 rotestants, c’est-à-dire dix fois plus que vous n’ en attendiez, puisqu’il n’y a qu’un million de réformés en France. Imagi
55 endiez, puisqu’il n’y a qu’un million de réformés en France. Imaginez la proportion si l’édit de Nantes n’avait pas été ré
56 eur », ou encore « l’insondable Providence » mise en action au gré d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel et bie
57 u bien n’est pas le christianisme. Et l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas Hardy a plus de
58 uvre d’art à certaine qualité du pessimisme qui s’ en dégage : pessimisme jamais cynique et désespoir jamais complaisant à
59 ais complaisant à lui-même, car l’aveu même qu’on en fait est la preuve qu’on l’a traversé, et qu’on a saisi l’espérance q
60 râce vient dans sa vie, et désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On voit naître et grandir un
61 e, dix autres scènes enfantines : c’est Andersen, en plus grave. À chacun sa réalité : elle dépend du regard qu’on porte s
7 1934, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)
62 Une histoire de la Réforme en France (15 décembre 1934)j Certes, la grandeur d’une Église et sa
63 l’ordre de la civilisation, et il est légitime d’ en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherche pas de vains prétex
64 ctaculaire, pourrait-on dire, qu’on ne voit guère en quoi son Histoire se distingue de celle qu’eût pu écrire un savant la
65 r plus de vigueur au langage des faits, cités ici en très grand nombre à chaque page. Faits sinon nouveaux pour la plupart
66 haque page. Faits sinon nouveaux pour la plupart, en tout cas rassemblés pour la première fois, et propres à modifier cons
67 Concini ou un Ubaldini (nonce papal) introduisent en France au début du xviie siècle, c’est le virus de l’étatisme totali
68 point qu’on portât des glands à son collet, il n’ en faudrait point porter, parce que ce n’est point tant la chose défendu
69 un loup dévore notre charogne ou que des citoyens en repaissent leurs yeux et contentent leur rage ? Certes, ni l’un ni l’
70 rage ? Certes, ni l’un ni l’autre n’empêchera qu’ en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur q
71 i l’un ni l’autre n’empêchera qu’en ces mêmes os, en cette même chair, nous ne voyions notre Rédempteur qui approche, et q
72 (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait écho à ce style, en notre siècle ?) Mais Casaubon, bien moins vindicatif, n’est pas moins
73 ns un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre part est en Dieu. Nous sommes citoyens des cieux. Louange à Dieu aux siècles des
74 s de, « [Compte rendu] Une histoire de la Réforme en France », Les Nouvelles littéraires, Paris, 15 décembre 1934, p. 5.
8 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Kierkegaard, Dostoïevski, Barth (23 février 1935)
75 e. Et maintenant Dieu lui commande d’offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne se révolte pas. Il croit en Dieu, non point en
76 n sacrifice ! Abraham ne se révolte pas. Il croit en Dieu, non point en sa raison humaine. Il selle son âne et s’en va ver
77 am ne se révolte pas. Il croit en Dieu, non point en sa raison humaine. Il selle son âne et s’en va vers les monts de Mori
78 point en sa raison humaine. Il selle son âne et s’ en va vers les monts de Morija, pour sacrifier son fils unique. Il le fa
79 i, pourtant. Les pasteurs ont coutume de l’offrir en exemple. Car enfin il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment e
80 aussi vite passée que dite. On enfourche Pégase, en un clin d’œil on est à Morija, on voit aussitôt le bélier ; on oublie
81 t » et le comique c’est qu’on persiste à l’offrir en exemple aux chrétiens ! Mais la grandeur d’Abraham, sa signification
82 démesurée et impensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense d’un acte « fou » et revint avec lui dans la vie comme si
83 s hommes qui se posent sérieusement la question : en quoi ma foi doit-elle transformer ma vie ? Or, toute l’insistance du
84 un être un peu divin, un peu divinisé, échappant en quelque manière aux lois de ce monde perdu. Sa sanctification ne doit
85 tout illusoire ou évasive. Elle consiste d’abord en ce que le chrétien se reconnaît de plus en plus pécheur, de plus en p
86 foi dans sa réalité, puis offerte telle quelle «  en sacrifice saint et agréable » à Dieu. Point n’est nécessaire qu’il v
87 us pousse des ailes ni que vous soyez transformés en quelque essence radieuse et esthétique. La vie chrétienne n’est pas u
88 oit vivre à sa place, et dans sa situation. Mais en quoi le chrétien se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’
89 hrétien se distinguera-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’autre qu’en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’un
90 era-t-il donc de l’incroyant ? En rien d’autre qu’ en ceci : qu’il est appelé à rendre témoignage « d’une part contre la fo
91 de ce monde. Apparemment il ne diffère des autres en rien. Mais il est orienté autrement — converti. Il vit dans les mêmes
92 mme. Le grand succès qu’a remporté ce petit livre en Allemagne mérite d’être confirmé par notre public littéraire. En quel
93 rite d’être confirmé par notre public littéraire. En quelques chapitres très simples, Thurneysen sait atteindre au cœur d’
94 u’un homme ? Et cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule et grande que
95 e de Dostoïevski. Je ne saurais mieux répondre qu’ en renvoyant au livre de M. Thurneysen. La conception « dialectique » de
9 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Trois traités de Jean Calvin (20 juillet 1935)
96 guère honneur à notre liberté d’esprit. Mais je m’ en voudrais de déplorer la décadence culturelle qui marque la plupart de
97 se détachant sur le ciel noir désigne le Sauveur en croix : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » C’est donc sous
98 de cette introduction, c’est qu’elle nous ouvre, en une quinzaine de pages, les principales perspectives de « l’univers »
99 classique, au sens le plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dans l’atmosphère violente et trouble de la Renaissance,
100 é n’avait jamais été réimprimé depuis sa parution en 1550. « Originale mixture de passion contenue et de raison déchaînée 
101 ement sous la croix, tant qu’elle aura à cheminer en ce monde. Voici enfin les « libertins », ceux que nous appelons libé
102 gazouillent » à tort et à travers et se répandent en orgueilleuses « baveries », et ceux « qui se ruent contre Dieu d’une
103 té enragée à la façon des frénétiques, et tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s’aheurtant ». Cet étonnant
104 tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s’aheurtant ». Cet étonnant traité, tour à tour éloquent à l’antique
105 it de soumission absolue à l’objet proposé : tout en portant la marque d’une des plus puissantes personnalités qui fut jam
10 1935, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les mystiques allemands du xiiie au xixe siècle, par Jean Chuzeville (2 novembre 1935)
106 nom. On est tenté de résumer toutes ces tensions en une seule et unique opposition : mysticisme et action créatrice. Cett
107 qu’une fuite hors du monde, comme à toute action en révolte contre l’ordre de la Parole. En confondant la foi et la mysti
108 te action en révolte contre l’ordre de la Parole. En confondant la foi et la mystique, comme le fait par malheur M. Chuzev
11 1936, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Le Problème du bien (12 septembre 1936)
109 testantisme français. Maurras, lorsqu’il voulut s’ en prendre aux réformés, ne trouva rien de mieux que d’écrire un pamphle
110 deux causes illustrées par notre auteur, il faut en ajouter une troisième, qui les commande directement : celle d’un cert
111 struction doctrinale. L’auteur prend soin de nous en avertir à maintes reprises : L’intérêt du présent ouvrage ne réside
112 eulement dans le récit d’une exploration hasardée en des régions peu connues, mais aussi dans la constante présentation d’
113 es soient. Pour Barth, c’est Dieu qui met l’homme en question. M. Monod part au contraire d’une mise en question de « Dieu
114 point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’ en défende, l’adjectif ayant pris peu à peu une signification ecclésiast
115 me. En effet, Dieu n’est pas dans la Nature, il n’ en est ni le maître ni l’auteur : voilà la thèse capitale du livre. Ce q
116 ort violente sous le talon d’un chrétien qui prie en marchant », — voilà qui pose à M. Monod le problème central de ce liv
117 il s’agit là de littérature, bien que l’auteur s’ en défende dans sa préface. Cela nous vaut des pages fort curieuses sur
118 élation sur le système d’un autre Emmanuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’en vouloir de lui retourner une bout
119 manuel — Kant en l’espèce ? M. Monod ne saurait m’ en vouloir de lui retourner une boutade qui porte évidemment sa marquep.
12 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Luther contre Érasme (19 juin 1937)
120 Érasme (19 juin 1937)q r Que sait-on de Luther en France ? Qu’il rompu l’unité de l’Église. Mais dans quelles circonsta
121 ns ? Et pour quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’ en tenir à des appréciations du genre « moine qui voulait se marier », i
122 uis quatre siècles qu’elles ont été écrites, on n’ en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en appen
123 ont été écrites, on n’en a pas traduit une seule en France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève biographie
124 it une seule en France ! Quelques pages choisies, en appendice à une brève biographie ; une brochure sur la liberté chréti
125 endre la réparation de cette inconcevable lacune, en publiant l’ouvrage central de la réforme luthérienne, le Traité du se
126 quences de sa vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas. Et tous les prudents d’applaudir, non sans apparences de rai
127 commis tant de crimes au nom de la vérité ! On s’ en est plus servi qu’on ne l’a servie… L’intervention de Luther en perso
128 rvi qu’on ne l’a servie… L’intervention de Luther en personne va-t-elle changer une fois de plus la face des choses ? À to
129 tal l’inflexible, l’urgente exigence de la vérité en action. Que trouvera le lecteur profane, et peu au fait de la problém
130 ogien ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une
131 ccent personnel tour à tour ironique ou émouvant. En fait, toutes les affirmations fondamentales de la Réforme sont ici re
132 la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de la justice donnée par Dieu à la justice acquise
133 us, et refus de tout moyen terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité
134 humaine. Tout homme qui veut penser son existence en termes radicaux, vraiment sérieux, se voit acculé à ce dilemme, ou pl
135 e de Martin Luther, traduit pour la première fois en français par Denis de Rougemont.
13 1937, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Selma Lagerlöf, conteur de légende (3 juillet 1937)
136 part de « faits d’observation » et l’on essaie d’ en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne sait plus créer de
137 our vrai ce que l’on juge le plus bas. Ainsi l’on en vient peu à peu, par désir de se montrer original, à tenir pour acqui
138 de grandes ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reçoit des dimensions nouvelles : mystère, fatalité, présence d’une t
139 e, comme on croit les journaux, par exemple, et s’ en indigne, et refuse de marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est le p
140 ller avec sa belle fiancée, Charlotte Löwensköld. En la quittant, il lui a crié qu’il n’épouserait qu’une femme que Dieu l
141 u lui aurait désignée. La première qu’il croisera en allant au village, si elle n’est pas mariée, deviendra sa compagne. I
142 pas mariée, deviendra sa compagne. Il sort. Il s’ en faut de peu qu’il ne rencontre dès les premiers pas une vieille mendi
143 f. L’invention romanesque n’est ici que la « mise en pratique » d’une attitude spirituelle extrême. La phrase de Karl-Artu
144 Et pour que cette même phrase soit aussitôt mise en pratique par le héros, sans nulle invraisemblance, il faut que ce hér
145 aires, Paris, 3 juillet 1937, p. 8. t. Rougemont en fait la recension dans la NRF de novembre 1937.
14 1939, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Non, Tristan et Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)
146 estante. Ayant fait de solides études à Vienne et en Allemagne, il a enseigné dans une ville universitaire où il rédigea,
147 eigné dans une ville universitaire où il rédigea, en 1936, ce Journal d’Allemagne , qui, paru au printemps dernier, est u
148 çais notre province : il a séjourné de longs mois en Vendée et dans le Midi. Son Journal d’un intellectuel en chômage té
149 e et dans le Midi. Son Journal d’un intellectuel en chômage témoigne de la curiosité, et aussi de la discrétion avec laq
150 et les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans, dominer ainsi toute la littérature ? Beaucoup d’h
151 la Mère de Dieu, le principe féminin de l’amour. En embrassant le catharisme, le néophyte s’engageait, s’il était marié,
152 nsi tous les troubadours étaient des cathares ? J’ en suis persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en exposant une th
153 uis persuadé, dit Denis de Rougemont, qui s’anime en exposant une théorie aussi originale. D’ailleurs, on sait que les tro
154 d’une manière nouvelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’ en faire un acte raisonnable, il faut le montrer tel qu’il est en réalit
155 de. Elle est aussi absurde que la passion, mais s’ en distingue par un refus constant de subir ses rêves, par une constante
156 ine fabuleuse et Les Personnages du dram e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur La
157 e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur La Réforme comme Révolution. Mais je l’ai un pe
158 écris pour l’Exposition de Zurich. Je veux mettre en scène un héros suisse, le bienheureux Nicolas de Flue, qui eut une vi
15 1963, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Mais qui est donc Denis de Rougemont (7 novembre 1963)
159 e sur lui. Voici ce qu’a donné cette entrevue. Né en 1906 à Neuchâtel, Denis de Rougemont est un écrivain suisse d’express
160 oisirait, quand il ouvre la bouche, de s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je suis un écrivain
161 re la bouche, de s’exprimer en français plutôt qu’ en miaulant ou en barrissant. Je suis un écrivain français, un point c’e
162 e s’exprimer en français plutôt qu’en miaulant ou en barrissant. Je suis un écrivain français, un point c’est tout. Il est
163 pures, de poésie, de descriptions et d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés d’Emmanuel Mounier, à l
164 ovah jugeant et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort et
165 et agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé lecteur à l’Université de Francfort et séjournera
166 r à l’Université de Francfort et séjournera un an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvais sans activité à Paris, où j’écr
167 aris, où j’écrivais le Journal d’un intellectuel en chômage , quand je rencontrai Abetz. Il m’offrit de passer un an en A
168 je rencontrai Abetz. Il m’offrit de passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de notre ré
169 i Abetz. Il m’offrit de passer un an en Allemagne en me disant : « Vous qui pensez pis que pendre de notre régime, allez d
170 rès. » J’acceptai à une condition, celle d’écrire en rentrant exactement ce que je pensais du nazisme. J’en ai effectiveme
171 ntrant exactement ce que je pensais du nazisme. J’ en ai effectivement pensé et dit beaucoup de mal dans mon Journal d’All
172 ucoup de mal dans mon Journal d’Allemagne , paru en 1938. J’eus d’ailleurs d’autres démêlés avec les autorités allemandes
173 ranger ! De Suisse, Denis de Rougemont est envoyé en Amérique où il passera six ans, écrira La Part du diable et se lier
174 ns français. On décida que je serais moins gênant en Amérique qu’en Europe. À New York, je rédigeais les émissions en fran
175 décida que je serais moins gênant en Amérique qu’ en Europe. À New York, je rédigeais les émissions en français de « La Vo
176 en Europe. À New York, je rédigeais les émissions en français de « La Voix de l’Amérique ». J’avais plusieurs équipes de s
177 sition de mon livre : La Part du diable . Rentré en Europe en 1946, Denis de Rougemont s’engage alors dans l’action polit
178 mon livre : La Part du diable . Rentré en Europe en 1946, Denis de Rougemont s’engage alors dans l’action politique en mi
179 Rougemont s’engage alors dans l’action politique en militant pour la cause du fédéralisme européen. Fondateur et présiden
180 journaliste commet ici manifestement une erreur, en confondant le Centre européen de la culture, que Rougemont fonda et d
181 té de la culture, dans lequel Rougemont s’engagea en parallèle, mais dont il ne fut « que » le président du comité exécuti
16 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Les prophètes de la décadence (24 septembre 1970)
182 tion — qui ne saurait être que la nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la terre ses bienfaits, ses méfa
183 Première Guerre mondiale déclenchée par l’Europe, en 1919, Paul Valéry écrivait cette phrase célèbre : Nous autres civil
184 n appliquait sa dialectique aux civilisations, on en venait à penser que chacune d’elles devait fatalement décliner et mou
185 ologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en résulte inexorablement que toute culture est mortelle, et l’on rejoin
186 ures prévues par Burckhardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne. Les n
187 s par Burckhardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalisme
188 ardt et Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes et les rac
189 s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes et les racismes, dénonc
190 ssie, en Turquie, en Italie et en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes et les racismes, dénoncés d’avance par Nie
191 le. Déjà le communisme lui dispute, non seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse,
192 communisme lui dispute, non seulement en Asie et en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôle d
193 souvent contradictoires ou incompatibles qu’elle en a héritées, la civilisation européenne s’est trouvée fondée sur une c
194 décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’ en fut rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent
195 nous savons aussi que toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de con
196 aussi que toutes les villes nouvelles en Asie et en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de construction,
197 dès l’origine : j’entends la croyance chrétienne en la valeur égale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation,
198 ar vous êtes tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre à ceux qu’e
199 rait et faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’extinction. Valéry nous disait que « les circonstances qui env
200 strées sur bandes et sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Lascau
201 e diffusées de nos jours sur toute la terre. Il s’ en faut de beaucoup que leurs rivales asiatiques, qu’on dit plus raffiné
202 à fait, Valéry ne pourrait pas le dire, car il n’ en saurait rien. » Et il propose de corriger comme suit le passage que j
203 euri une civilisation déterminée. Et les autres n’ en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d’une civilisatio
204 nnus. Les candidats à la relève étaient nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement l
205 forment une partie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la thé
206 conscription universelle et les nationalismes qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe de forces spirituelles, moral
207 rlait Lénine, elle symbolise l’industrialisation. En électrifiant le pays, le communisme a renouvelé l’entreprise de Pierr
208 les modes de penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bond vers l’industrie et vers
209 Continent, dont il ne croit pas le destin achevé, en publiant chez Albin Michel une Lettre ouverte aux Européens , qui pr
17 1970, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)
210 Denis de Rougemont : l’amour et l’Europe en expert (24 décembre 1970)ab ac Denis de Rougemont, les deux grands
211 a femme est aussi une personne ». Cela se passait en 1936 et Mounier s’était montré un précurseur. Il m’avait demandé une
212 i je ne voulais pas faire pour lui un petit livre en deux volets opposant le mythe de Tristan et l’amour dans le mariage.
213 s avons pris date. Je devais lui donner mon livre en février 1938. Le mois de février arriva et je n’avais pas écrit une l
214 nément à mon livre, et j’ai terminé les 450 pages en trois mois. Comme je l’ai écrit dans la préface, c’est un livre qui m
215 is qu’ils avaient décidé de ne pas divorcer, de s’ en tenir à la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les suiva
216 la dernière partie de mon livre. Mais voilà que, en les suivant un peu plus longtemps, je m’aperçus qu’ils finissaient qu
217 ’est pourquoi dans la nouvelle édition qui a paru en 1954ae j’ai ajouté un long chapitre sur le divorce. Depuis lors je n’
218 vre sur ce thème, Comme toi-même , qui est édité en livre de poche sous le titre Les Mythes de l’amour, donne à la passio
219 , donne à la passion plus de droits que je ne lui en laissais dans mon premier livre. Que pensez-vous aujourd’hui ? Je con
220 jour j’ai passé la frontière avec Robert Schuman en voiture et avec le photographe Pedrazini qui faisait un reportage sur
221 urelle comme la géographie l’avait dessinée. Mais en 1923, Poincaré, par une espèce de coup d’État, a décidé de porter à l
222 a frontière politique sa ligne de douaniers et il en a résulté que dans la région que j’habite, qui est prétendument zone
223 Les frontières sont faites pour être transformées en écumoires. » Denis de Rougemont, quelle est votre définition de la gl
224 n’y a là que la précision qui est intéressante ; en évitant tout ce qui peut avoir l’air de faire croire aux gens que pou
225 ’air de faire croire aux gens que pour moi croire en Dieu est bien, ne pas y croire est mal, et vice versa. Pour être comp
226 , j’éprouve autant de difficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire, et ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dir
227 osé dans ma tête, ou dans mon existence. À quoi j’ en reviens toujours finalement, c’est à ceci : Dieu, c’est le sens. S’il
228 l’existence de ce corps ? Elle n’a aucun moyen d’ en prendre connaissance. Elle peut savoir à peu près qu’elle fait partie
229 emont Denis de, « [Entretien] L’amour et l’Europe en expert », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 décembre 1970, p. 1 et
230 cette croisade ; il n’est donc pas étonnant qu’on en réentende l’écho dans sa conversation avec Pierre Lhoste. » ad. Le t
231 titulé « La passion contre le mariage », est paru en septembre 1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour e
232 le mariage », est paru en septembre 1938, et non en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour et l’Occident date en fait
233 a deuxième édition de L’Amour et l’Occident date en fait de 1956.
18 1972, Les Nouvelles littéraires, articles (1933–1972). De l’unité de culture à l’union politique (17-23 avril 1972)
234 vite : ni moujiks ni yankees. Une Europe divisée en vingt-cinq nations, chacune trop petite pour se défendre seule, n’a p
235 aineté théoriquement illimitée, sacro-sainte mais en fait toujours plus illusoire, sauf qu’elle bloque tout. Cet obstacle
236 qu’en vérité, pour la plupart, en tant qu’État et en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans d’âge. Seules la France,
237 voir, de nos États-nations. Le mot nation, natio en latin, désignait au Moyen Âge, dans une ville universitaire, les colo
238 taire. Mais à l’Université même, on ne parlait qu’ en latin. C’est ainsi qu’à la Sorbonne, vers 1270 — comme me le faisait
239 o-ougrien) sont étroitement apparentées. Alors qu’ en Chine on parle quatorze langues radicalement étrangères les unes aux
240 scovo, obispo, bispe, biskop, bishop, bischof… Il en va de même des termes militaires comme « canon », et de tous les term
241 : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’ en est-il de nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai
242 comme je le vois tous les jours autour de Genève, en traversant cette frontière qui ne rime à rien, ne sert à rien, ne pro
243 e, qui ne peut plus avoir d’effets que négatifs ! En nous présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles,
244 us présentant l’Europe comme un puzzle de nations en teintes pâles, et la culture de l’Europe comme une addition de préten
245 s progressistes et des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, les libéraux de pays différents se
246 mez les frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien l’Europe. 2° La création culturelle en Europe est d’autant plus
247 rirez en rien l’Europe. 2° La création culturelle en Europe est d’autant plus riche et plus intense qu’elle est moins cent
248 où Napoléon fait de la France un désert culturel en mobilisant à Paris tous les esprits distingués qu’il n’a pas bannis.
249 ment omis, inexistant. Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation : Europe de la culture : foyers de cr