1
Parole de Dieu
et
parole humaine, par Karl Barth (30 décembre 1933)a b La théologie
2
raire, assumer le scandale, montrer sa permanente
et
salutaire nécessité, annoncer aux hommes une vérité qui n’est pas jus
3
puisqu’elle est le jugement de tous nos jugements
et
la « crise » de tous nos problèmes ? Mais si l’on opte pour le scanda
4
os problèmes ? Mais si l’on opte pour le scandale
et
non pour les adaptations, qui voudra recevoir ce message ? « L’âme mo
5
héologie libérale ? L’arrière-plan de bourgeoisie
et
d’optimisme culturel sur lequel, trop souvent, elles s’étaient appuyé
6
trop souvent, elles s’étaient appuyées, la guerre
et
la révolution le bouleversaient brutalement, mettant à nu les vraies
7
prises avec les contradictions inouïes de la vie,
et
leur parler du message non moins inouï de la Bible, de cette Bible qu
8
ons de la vie. Souvent ces deux grandeurs, la vie
et
la Bible, m’ont fait l’effet — ne me le font-elles pas encore ? — d’ê
9
e me le font-elles pas encore ? — d’être Charybde
et
Scylla. Si c’est cela l’origine et le but de la prédication chrétienn
10
’être Charybde et Scylla. Si c’est cela l’origine
et
le but de la prédication chrétienne, me disais-je, qui donc doit, qui
11
ais-je, qui donc doit, qui donc peut être pasteur
et
prêcher ? » Tourmenté par cette question à laquelle il ne peut ni ne
12
esse quotidienne d’un obscur pasteur de campagne,
et
dans lequel, soudain, toute l’Allemagne intellectuelle découvre l’exp
13
ion poignante de son angoisse intime, mais aussi,
et
enfin, une réponse. Une réponse plus soucieuse de ce qui est vrai que
14
e, celle devant lesquelles nous fuyons toujours —
et
c’est là justement le principe de notre inquiétude. « Nos auditeurs a
15
ennent peu à peu l’habitude de délaisser l’Église
et
de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés et ces timorés dont
16
de nous abandonner, seuls avec ces bien-disposés
et
ces timorés dont j’ai parlé. » Ce ton ne pouvait pas tromper. Il y av
17
avait là un homme, une puissance. Le défi de Marx
et
de Nietzsche était relevé. Le tirage du Römerbrief alla au vingtième
18
essais que viennent de traduire MM. Pierre Maury
et
A. Lavanchy sous le titre Parole de Dieu et Parole humaine donneraien
19
Maury et A. Lavanchy sous le titre Parole de Dieu
et
Parole humaine donneraient une idée sinon de la pensée barthienne dan
20
significative, que les hommes religieux, prêtres
et
pharisiens, ont toujours été les premiers à refuser, sous de très pie
21
dres de la Parole de Dieu ? « Alors que toujours,
et
aujourd’hui encore, la polémique de la “religion” est dirigée contre
22
squelles les modernes exercent leurs psychologies
et
leurs ratiocinations plus ou moins sceptiques, plus ou moins édifiant
23
tant que le mode de l’expérience. Elle est charge
et
mission, et non pas but et accomplissement et donc, en tant que réali
24
mode de l’expérience. Elle est charge et mission,
et
non pas but et accomplissement et donc, en tant que réalité psycholog
25
ience. Elle est charge et mission, et non pas but
et
accomplissement et donc, en tant que réalité psychologique, elle est
26
rge et mission, et non pas but et accomplissement
et
donc, en tant que réalité psychologique, elle est élémentaire, à pein
27
nt pas de biographie : « L’homme biblique se lève
et
tombe avec sa mission ». Il y a plus. L’histoire biblique, loin de me
28
role de Dieu. Ainsi Barth rejoint Calvin, Luther,
et
au-delà, jusqu’à saint Paul, tous ceux qui ont su et connu ce que nou
29
au-delà, jusqu’à saint Paul, tous ceux qui ont su
et
connu ce que nous avons à peu près oublié : que l’homme n’est pas cap
30
e de l’Évangile ; une remise en question radicale
et
intime de notre existence devant Dieu. À la suite de Kierkegaard il n
31
e, c’est l’immédiat, l’instant éternel de la foi,
et
non l’histoire de l’homme pieux ; un événement et non une croyance, u
32
et non l’histoire de l’homme pieux ; un événement
et
non une croyance, une rencontre personnelle et inconcevable avec le C
33
nt et non une croyance, une rencontre personnelle
et
inconcevable avec le Christ, et non point une morale prudente, garant
34
ontre personnelle et inconcevable avec le Christ,
et
non point une morale prudente, garantie de bonheur terrestre ou céles
35
este. Car cette rencontre est mortelle à l’homme.
Et
c’est par là même qu’elle lui apporte, de l’extérieur, le gage de la
36
nos recherches, mais le Sujet de toute existence
et
de toute recherche. Il est la présupposition de toute vie, la synthès
37
la synthèse qui précède éternellement nos thèses
et
nos antithèses, tous les oui et tous les non que nous pouvons dire au
38
lement nos thèses et nos antithèses, tous les oui
et
tous les non que nous pouvons dire au monde. L’homme ne reçoit son ex
39
véritable que dans la parole que Dieu lui adresse
et
qui le meut. On a coutume de nommer la pensée de Barth une théologie
40
rise, une théologie dialectique. Elle est surtout
et
avant tout cela une théologie de la parole de Dieu. Insuffisance radi
41
icale entre toutes les paroles humaines sur Dieu,
et
la Parole qui vient de Dieu à l’homme. Universalité du rapport établi
42
’homme. Universalité du rapport établi entre Dieu
et
l’homme, que l’homme le sache ou non, l’accepte ou non ; et par là mê
43
, que l’homme le sache ou non, l’accepte ou non ;
et
par là même caractère essentiellement profane de la vérité biblique —
44
théologie ? C’est plutôt une réflexion puissante
et
intrépide sur les possibilités et la valeur de l’activité théologique
45
exion puissante et intrépide sur les possibilités
et
la valeur de l’activité théologique. Barth compare à plusieurs repris
46
elante (que les traducteurs ont fort bien rendue,
et
la tâche n’était pas facile) ; de son réalisme agressif, de cette obs
47
ritique enfin, au sens le plus créateur du terme,
et
qui met en état de crise toutes nos sécurités morales. (Ce n’est qu’à
48
un regard qui dépasse les contingences humaines,
et
qui interroge virilement. Personne n’est plus loin de « l’inquiétude
49
isme qui prétend faire main basse sur les églises
et
utiliser la religion aux fins de la renaissance germanique. Alors que
50
plus fameux docteurs, appuyée par Hitler lui-même
et
par toute l’opinion publique, votait la clause aryenne et trahissait
51
oute l’opinion publique, votait la clause aryenne
et
trahissait sa foi, Barth s’est dressé dans une protestation retentiss
52
feste n’est pas seulement un témoignage courageux
et
authentiquement chrétien : il est le seul espoir que nous puissions g
53
ent la pensée barthienne d’être purement négative
et
désespérée. « Ici le paradoxe joue à plein — écrivait-on à ce propos
54
au désespoir. » 1. Albert Béguin, « Karl Barth
et
la situation de l’Église allemande », Revue d’Allemagne du 15 septemb
55
s de, « [Compte rendu] Karl Barth, Parole de Dieu
et
parole humaine », Les Nouvelles littéraires, Paris, 30 décembre 1933
56
p. 4. b. Traduit de l’allemand par Pierre Maury
et
Alexandre Lavanchy (Éditions “Je sers”) », Les Nouvelles littéraires,
57
a solide réputation de gravité qu’on lui a faite,
et
qui lui vaut l’estime des personnes de sens. Mais après tout, ne sera
58
Pourquoi ne pas glisser, entre l’auteur d’Adolphe
et
celui des Discours religieux, par exemple, cet excellent Toepffer don
59
à ces albums illustrés, ancêtres du dessin animé
et
des Eugène de Cocteau, où nous voyons gesticuler, non sans grandiloqu
60
out nu, les enfants terribles de Monsieur Crépin,
et
la silhouette élégante du Dr Festus, toujours si digne dans l’adversi
61
is ? Mais non, il faut lire d’abord Pierre Girard
et
Charles-Albert Cingria : La Rose de Thuringe et Connaissez mieux le c
62
d et Charles-Albert Cingria : La Rose de Thuringe
et
Connaissez mieux le cœur des femmes, de Girard, et de Cingria, ce que
63
t Connaissez mieux le cœur des femmes, de Girard,
et
de Cingria, ce que vous aurez la chance d’en trouver, une note ici ou
64
voir aimé Charlot, celui des Lumières de la Ville
et
du Cirque. Les héros de Pierre Girard sont de doux ahuris, qui parten
65
qui partent dans la vie avec une conscience pure
et
des gants beurre-frais. Ils ne tardent pas à rencontrer une jeune fem
66
ales héroïques qui vous valent l’amour des femmes
et
quelque honneur parmi les hommes. Autant de gags chaplinesques, invol
67
Weltschmerz qui n’a pas de nom dans notre langue,
et
c’est pourquoi sans doute elle ne s’y manifeste que par ces « ratés »
68
ur du romantique jaillit des échecs du sentiment.
Et
certes, c’est le sentiment d’abord qui nous retient chez Pierre Girar
69
cette merveilleuse ingénuité devant le printemps
et
les femmes, cette aisance de l’écriture, sans égale parmi nous, cette
70
a guerre de Sécession, mais il n’en parla pas »),
et
servi par un garçon triste qui perd le vol-au-vent, inexplicablement.
71
enfin maître d’un style incomparable de précision
et
de verve, Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz o
72
Cingria est un phénomène dont Claudel, Max Jacob
et
Ramuz ont su voir et dire l’importance, et dont je me contenterai de
73
mène dont Claudel, Max Jacob et Ramuz ont su voir
et
dire l’importance, et dont je me contenterai de signaler ici l’humour
74
Jacob et Ramuz ont su voir et dire l’importance,
et
dont je me contenterai de signaler ici l’humour absolument original.
75
u détail authentique, de l’aspect brut des choses
et
des mots. Imaginez, dans cette vision du monde, ce que donnerait l’us
76
monde, ce que donnerait l’usage d’un style savant
et
poli, coupé de « véhémences nobles » et de trivialités qualifiées, et
77
le savant et poli, coupé de « véhémences nobles »
et
de trivialités qualifiées, et vous aurez une idée du comique de Cingr
78
véhémences nobles » et de trivialités qualifiées,
et
vous aurez une idée du comique de Cingria. Un humour romand… Trois au
79
que c’est aussi le pays d’origine de Michel Simon
et
de Grock. C’étaient là de trop sérieux arguments. c. Rougemont Den
80
les motifs qui ont poussé M. Dominicé à l’écrire,
et
qu’il expose en une vingtaine de pages précises, mesurées, et convain
81
ose en une vingtaine de pages précises, mesurées,
et
convaincantes. Il me semble que cette préface caractérise d’une façon
82
commence à s’exprimer dans des revues comme Foi
et
Vie , Le Semeur , Hic et Nunc . Si, par ailleurs, ces jeunes théolo
83
t Nunc . Si, par ailleurs, ces jeunes théologiens
et
essayistes reprennent le vocabulaire et certains tours de la pensée d
84
éologiens et essayistes reprennent le vocabulaire
et
certains tours de la pensée de Kierkegaard ou de Karl Barth, M. Domin
85
eu ? Deux voies s’offraient : celle de l’histoire
et
celle de l’expérience religieuse. Prendre la voie de l’histoire, c’ét
86
ande en mettant bout à bout des fleurs des champs
et
des fleurs de rhétorique ? » Ce Jésus « reconstitué » par les histori
87
ne à montrer qu’il devenait « foncièrement irréel
et
sans intérêt ». À mesure qu’elle humanisait le Christ sous prétexte d
88
rencontrons au terme d’une pieuse « élévation ».
Et
c’est le mystère du Dieu-homme (du Christ-Jésus) hors duquel toute co
89
auteur, échapper aux faux problèmes du modernisme
et
revenir à l’orthodoxie réformée. Non point comme on revient aux solut
90
es faites : plutôt comme on retrouve la véritable
et
profonde acuité d’une dialectique à résoudre en actes. C’est l’un des
91
rne, qui se pose en juge du texte, Calvin n’admet
et
ne pratique qu’une « exégèse d’obéissance » — il se laisse juger par
92
parfois qu’il suive à pas si prudents son modèle,
et
que l’admiration que lui inspire Calvin s’exprime en termes aussi res
93
Quelques œuvres
et
une biographie de Kierkegaard (26 mai 1934)e On rêverait, parfois,
94
légitimé, à elle seule, la création de cet Office
et
ses soins les plus diligents. Que d’impairs n’a-t-on pas commis à l’e
95
nous parle de lui dans les revues philosophiques
et
littéraires ! Probablement, il s’en fût amusé : tout ce qui touchait
96
re ri de se voir présenté tantôt comme anarchiste
et
pourfendeur de prêtres, tantôt comme réactionnaire de stricte observa
97
partisane, mais d’un simple défaut d’information,
et
qui consiste à faire de lui une espèce de psychologue nihiliste, un e
98
spèce de psychologue nihiliste, un esthète retors
et
tourmenté, l’ancêtre du gidisme et de l’« inquiétude » littéraire. Ki
99
esthète retors et tourmenté, l’ancêtre du gidisme
et
de l’« inquiétude » littéraire. Kierkegaard, avant tout, est un chrét
100
un chrétien ; un chrétien peu rassurant, certes,
et
d’une trempe exceptionnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne
101
nnelle ; mais non pas un inquiet au sens moderne,
et
le contraire d’un esthète. Comme Nietzsche, avec lequel il a pas mal
102
lire ceci, en matière d’introduction : « Je suis
et
j’ai toujours été un auteur religieux ; toute ma carrière littéraire
103
carrière littéraire se rapporte au christianisme,
et
en particulier à ce problème : comment peut-on devenir chrétien ? » C
104
’œuvre, en danois, s’appelle La Maladie mortelle,
et
cette maladie, c’est le péché. L’impitoyable maîtrise que Kierkegaard
105
tion de nos démons obscurs. Au fond du désespoir,
et
quelles que soient les formes qu’il revête, du spleen banal jusqu’au
106
révèle admirablement concrète. Le génie familier
et
ironique de Kierkegaard a créé dans cette œuvre une abondance d’illus
107
era confondus le poète, le philosophe, l’ironiste
et
le théologien. Kierkegaard nous montre un homme aux prises avec un pr
108
x prises avec un problème sentimental douloureux,
et
qui cherche à le résoudre, d’abord par le plaisir, dans ses formes su
109
ieures, puis par la sagesse morale courante. L’un
et
l’autre le conduisent à des impasses tragiques ; mais voici que Dieu
110
intervient, avec la réponse terrible faite à Job.
Et
ce sont alors d’étranges et magnifiques lettres sur la détresse humai
111
terrible faite à Job. Et ce sont alors d’étranges
et
magnifiques lettres sur la détresse humaine devant Dieu, que le héros
112
être avons-nous ici les pages les plus éloquentes
et
les plus irréfutables d’un penseur qui sut devancer tous les problème
113
foudroie, est plus magnifique que les commérages
et
les potins sur la justice de la Providence inventés par la sagesse hu
114
de la Providence inventés par la sagesse humaine
et
colportés par de vieilles bavardes et des eunuques ! Nous voici plus
115
sse humaine et colportés par de vieilles bavardes
et
des eunuques ! Nous voici plus près de Shakespeare que du piétisme s
116
s près de Shakespeare que du piétisme sentimental
et
de l’unctio spiritualis des dévots… Mais plus près de Luther, aussi.
117
nstitue l’introduction, dans l’étude biographique
et
critique de Carl Koch6, qui vient combler la plus grave lacune de la
118
considérer l’ensemble des écrits de Kierkegaard,
et
qui est celle du Point de vue explicatif. Le livre de Carl Koch est l
119
omplaisance pour les subtilités du « Séducteur »,
et
qui n’a pas la tête philosophique. Cette monographie est à la fois la
120
Cette monographie est à la fois la plus objective
et
la plus sympathique qu’un « honnête homme » peut espérer. Du mélange
121
honnête homme » peut espérer. Du mélange d’humour
et
d’angoisse insondable qui nous bouleverse à la lecture des Stades, on
122
ire, en toute simplicité, qu’il a vu l’événement,
et
qu’il en est encore tout remué. On le croira sans peine : il n’a pas
123
z Kierkegaard. Mais il a su le décrire clairement
et
fidèlement, sans pédantisme et sans littérature. Tant de biographes b
124
décrire clairement et fidèlement, sans pédantisme
et
sans littérature. Tant de biographes brillent aux dépens de leur modè
125
phes brillent aux dépens de leur modèle ! Modeste
et
sûr, celui-ci nous aidera. 2. Point de vue explicatif sur ma carri
126
rrière d’auteur, non traduit. 3. Trad. J. Gateau
et
K. Ferlov. Gallimard, collec. Les Essais. 4. Trad. P.-H. Tisseau (Al
127
Trad. P.-H. Tisseau (Alcan). 5. Trad. A. Babelon
et
C. Lund (Éditions Cavalier). Le même ouvrage vient de paraître chez A
128
ren Kierkegaard, traduit du danois par A. Nicolet
et
F. B. Janson (Éditions « Je sers »). e. Rougemont Denis de, « Quelq
129
rs »). e. Rougemont Denis de, « Quelques œuvres
et
une biographie de Kierkegaard », Les Nouvelles littéraires, Paris, 26
130
tre intellectuels, hommes d’affaires, prolétaires
et
bourgeois. J’ai assisté cet hiver, à Paris, à l’une des rencontres du
131
ylo, un peintre juif — c’était dans son atelier —
et
une grande vedette de music-hall dont la présence discrète n’étonna p
132
re des confessions sensationnelles. J’avais tort,
et
l’on s’en convaincra en lisant le petit livre d’Harold Begbie, Vies t
133
sformées 7, qui raconte les origines du Mouvement
et
cherche à décrire son esprit. Ce n’est pas le meilleur livre qu’on ai
134
Mais enfin, c’est le seul qui existe en français,
et
il contient un certain nombre de faits assez bouleversants pour qu’on
135
(Begbie est un de ces « informateurs » brillants
et
cordiaux, un peu trop souriants, comme on en trouve dans les pays ang
136
de l’évangélisation standardisée à l’américaine,
et
de toutes les « méthodes morales », puritaines. Volontaristes, pragma
137
e à homme, dans la confession mutuelle des péchés
et
le « partage » (sharing) des grâces reçues, il sait qu’on ne peut êtr
138
oderne n’est souvent qu’un agité. Le philanthrope
et
le puritain rigide ne sont souvent que des acteurs. Seule la foi peut
139
illent par petites équipes. Ils voyagent beaucoup
et
vont où l’Esprit les appelle. Ils partent bien souvent sans autre rai
140
s qu’ils ont ainsi vécues remplirait des volumes,
et
nourrit leurs entretiens. À lire certains récits du meilleur livre qu
141
uvre des possibilités humaines que le conformisme
et
la psychologie modernes semblaient avoir abolies dans le monde. C’est
142
iser la foi, de s’attacher aux résultats visibles
et
frappants, de retomber ainsi dans la vieille croyance à la sanctifica
143
ce à la sanctification par les œuvres. Karl Barth
et
ses amis n’ont pas manqué de critiquer vivement certaines des supposi
144
pes est-elle dans leur vision concrète de l’homme
et
de l’action de Dieu sur l’homme. Dans l’incroyable verbalisme de notr
145
notre temps, dans cet embouteillage de doctrines
et
de programmes où nous sommes pris, le seul message utile est celui qu
146
es pour lesquels nous puissions être le prochain.
Et
quand ce livre n’aurait pas d’autre valeur, il a celle-là, qui compte
147
le chef du Jeune Japon, l’écrivain le plus fécond
et
le plus populaire de son pays, une puissance sociale et religieuse do
148
plus populaire de son pays, une puissance sociale
et
religieuse dont l’Occident ne connaît pas d’exemple. Un récit autobio
149
connaît pas d’exemple. Un récit autobiographique
et
romancé de sa jeunesse a paru en français, il y a deux ansg. Aujourd’
150
ollaborateurs nous donne un portrait plus complet
et
quelques extraits de ses œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur
151
e ses œuvres8. Fils d’un conseiller de l’empereur
et
d’une danseuse, Kagawa se convertit au christianisme pendant ses étud
152
se convertit au christianisme pendant ses études
et
déclare renoncer à toute fortune. Sa famille le destitue de ses privi
153
te que celle du plus pauvre habitant du quartier,
et
non content d’y vivre dans un dénuement absolu, ouvre sa chambre aux
154
uivre » à cause de son immobilité presque totale,
et
un assassin dont les nuits sont hantées par les apparitions de sa vic
155
ent sa vaisselle, lui tirent dessus. Il s’échappe
et
revient le lendemain. Il prêche dans le quartier des prostituées, sou
156
ituées, souvent lapidé. Épuisé par la tuberculose
et
une maladie des yeux, il arrive qu’il s’effondre pendant ses discours
157
discours. Il écrit une Psychologie de la pauvreté
et
un roman dont le tirage atteint 250 000 exemplaires. Son œuvre s’éten
158
. Kagawa fonde la fédération japonaise du travail
et
prend la tête du mouvement ouvrier. Il conduit une première grève de
159
. Il conduit une première grève de 30 000 dockers
et
rédige leur manifeste. « Les ouvriers sont des êtres humains et non p
160
manifeste. « Les ouvriers sont des êtres humains
et
non pas des articles dont on trafique suivant une échelle de salaires
161
», proclame le parti communiste de Kobé en 1925.
Et
quelques années plus tard, une ligue réactionnaire fait poser des aff
162
rs ») dont Rougemont donne une recension dans Foi
et
Vie en septembre 1931. Kagawa sera également évoqué par Rougemont dan
163
elui-ci : que le roman est un genre protestant. —
Et
Balzac ? dites-vous, car vous êtes Français. Eh bien, Balzac n’est pa
164
français. Balzac, c’est le roman social. Balzac —
et
Stendhal, bien sûr — ce sera l’honorable, la géniale exception. Il me
165
ce qui n’est pas trop difficile, que Dostoïevski
et
Tolstoï sont plus protestants qu’on ne croit. Le reste est évident. —
166
? — Les Anglais, les Allemands, les Scandinaves,
et
le roman d’analyse français, de Rousseau jusqu’à Gide, en passant par
167
Quand on parle du roman, vous ne voyez que Balzac
et
Zola. Je vois aussi le pasteur Sterne, le Goethe des Affinités, Jacob
168
, le Goethe des Affinités, Jacobsen, George Eliot
et
les sœurs Brontë, Dickens, Strindberg, Hamsun et Lagerlöf, Henry Jame
169
et les sœurs Brontë, Dickens, Strindberg, Hamsun
et
Lagerlöf, Henry James, Gottfried Keller, Galsworthy, Hardy… — Lawrenc
170
ie intérieure, une morale qui mette des obstacles
et
qui crée des conflits dramatiques dans les vies les plus dépourvues d
171
mage habituelle que l’on se fait de nos climats ?
Et
voici un dernier argument. Prenez une liste des romanciers français c
172
les noms n’ont guère de protestant que l’origine,
et
quelques tics de psychologues. Ils sont, comme l’on dit « sortis du p
173
en le mot ! C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de foi,
et
qu’est-ce qu’un protestant sans foi ? Dans toutes leurs œuvres, vous
174
ite ne décrit guère qu’une aberration janséniste.
Et
je ne retrouve le calvinisme véritable que dans l’Adam et Ève de Ramu
175
retrouve le calvinisme véritable que dans l’Adam
et
Ève de Ramuz, mais Ramuz accepterait-il une étiquette aussi compromet
176
d’un moraliste qui se donne l’air de l’avoir bel
et
bien sondée ? Ce serait un conte bleu, ou un volume de la Bibliothèqu
177
ans cette vie ou bien n’est pas le christianisme.
Et
l’on serait en droit de prétendre qu’un roman pessimiste à la Thomas
178
i-disant édifiant s’il est certain que l’Évangile
et
ses promesses de salut sont seuls capables de donner à l’homme une vi
179
’homme une vision réaliste de son sort terrestre,
et
le sobre courage d’avouer sa dégradation. Un vrai roman chrétien est
180
rd réaliste. Car il faut bien connaître la nature
et
ses abîmes, si l’on veut être à même d’y voir les marques du surnatur
181
misme qui s’en dégage : pessimisme jamais cynique
et
désespoir jamais complaisant à lui-même, car l’aveu même qu’on en fai
182
e qu’on en fait est la preuve qu’on l’a traversé,
et
qu’on a saisi l’espérance qui le transcende et qui le juge. On a dit
183
é, et qu’on a saisi l’espérance qui le transcende
et
qui le juge. On a dit de Sara Alelia que c’est un roman de la grâce :
184
est un roman de la grâce : oui, mais c’est aussi,
et
d’abord, un roman de la perdition. J’y vois une suite d’illustrations
185
qui est au centre de la Réforme : simul peccator
et
justus. Kierkegaard nous rappelle que pour aider les hommes, il faut
186
revit dans ces peintures d’une Laponie lointaine
et
d’une humanité si proche. Moins d’art peut-être, je veux dire moins d
187
ers un peuple de personnages vivement contrastés,
et
des paysages baignés d’une longue lumière boréale. Cette femme n’est
188
de son malheur. Puis une grâce vient dans sa vie,
et
désormais l’accompagne en secret tout au long de cette chronique. On
189
t tout au long de cette chronique. On voit naître
et
grandir un fils, puis les enfants d’une troisième génération. (C’est
190
ame.) Des fragments du journal de Sara commentent
et
rythment le déroulement de cette légende de la vie quotidienne. Vie q
191
vie quotidienne était le contraire de la poésie,
et
qu’être réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe et l’argent
192
réaliste c’était ne rien voir d’autre que le sexe
et
l’argent dans l’existence humaine. Cette espèce de naturalisme est le
193
dites pas qu’il n’est qu’une bête. À la fois ange
et
bête, voilà sa vérité totale, c’est-à-dire sa poésie. Il y a dans Sar
194
andes, dans le taudis où son vieux père se saoule
et
sacre, dix autres scènes enfantines : c’est Andersen, en plus grave.
195
ie quotidienne des drames singuliers, de bizarres
et
profondes folies, l’originalité bouleversante des êtres, qu’il s’agis
196
s ; peut-être aussi des saints, mais qu’on ignore
et
qui s’ignorent. Partout et jusque dans les choses, un mystère inquiét
197
nts, mais qu’on ignore et qui s’ignorent. Partout
et
jusque dans les choses, un mystère inquiétant se révèle aux yeux de c
198
ir, parce que, mieux que d’autres, il sait aimer.
Et
sur ce monde tel qu’il est, sur ces vies douloureuses, banales ou tou
199
cembre 1934)j Certes, la grandeur d’une Église
et
sa force ne résident pas dans son histoire, mais dans sa vérité, c’es
200
-dire dans l’objet de sa foi. Mais de cette force
et
de cette grandeur il est permis de rechercher les témoignages dans l’
201
les témoignages dans l’ordre de la civilisation,
et
il est légitime d’en restaurer la mémoire, pourvu que l’on n’y cherch
202
s prétextes à se glorifier d’un passé bien passé,
et
dont il resterait à prouver qu’on est digne. Le meilleur moyen d’évit
203
e Jullian — avait adopté un parti tout différent,
et
c’est peut-être le seul reproche sérieux que je me sente le droit de
204
de ne décrire que les effets sociaux, politiques
et
culturels de la Réforme, sans les rapporter à l’évolution parallèle d
205
emond appelait l’histoire du sentiment religieux,
et
il nous sera permis de souhaiter que cette lacune suscite un Bremond
206
lique à l’endroit de Calvin. John Viénot, pasteur
et
professeur de théologie, a réussi le tour de force de parler de la Ré
207
t laïque épris de tolérance, teinté de renanisme,
et
considérant les conquêtes de la Réforme comme autant de conquêtes de
208
Ceci dit, l’on ne saurait assez louer la science
et
les scrupules historiques de Viénot. La réserve dont il fait preuve d
209
ctes qu’elle permet d’opérer dans la vie publique
et
privée du xviie siècle, mais encore parce que, à tout moment, le lec
210
rt, en tout cas rassemblés pour la première fois,
et
propres à modifier considérablement l’opinion que nous pouvions avoir
211
l que nous l’ont décrit les fervents de Louis XIV
et
certains défenseurs de la politique romaine. La persécution des prote
212
ais, mais bien des conseillers étrangers des rois
et
du haut clergé. Il semble bien que la pensée dominante, dans toute ce
213
à la foi évangélique, ait été celle des Espagnols
et
des Romains. Les catholiques patriotes savaient bien que la présence
214
plessis-Mornay, représentants d’une Église légale
et
particulièrement fidèle au roi, ne pouvait nuire au prestige et à l’o
215
ement fidèle au roi, ne pouvait nuire au prestige
et
à l’ordre de l’État. D’autre part, tout ce qui fut entrepris de bon,
216
l’idée fort peu française de l’unité à tout prix
et
dans tous les ordres, au mépris de toutes les diversités organiques e
217
es, au mépris de toutes les diversités organiques
et
fécondes. C’est cette idéologie importée qui influence de plus en plu
218
e importée qui influence de plus en plus la cour,
et
qui finit par triompher lors de la révocation de l’édit de Nantes. Ma
219
n peut facilement établir entre la « révocation »
et
les mesures de « mise au pas » prises par Hitler me paraît riche d’en
220
centralisé, géométrique, conçu dans l’abstraction
et
imposé par la violence. Pour soutenir un tel dessein, il s’agit d’éta
221
ogne ou que des citoyens en repaissent leurs yeux
et
contentent leur rage ? Certes, ni l’un ni l’autre n’empêchera qu’en c
222
r, nous ne voyions notre Rédempteur qui approche,
et
qui rendra, selon sa justice, oppression à ceux qui nous oppressent,
223
a justice, oppression à ceux qui nous oppressent,
et
relâche à nous qui sommes oppressés. (Qui donc, sauf Léon Bloy, fait
224
orsque, après avoir décrit l’enterrement nocturne
et
secret d’une de ses coreligionnaires, il conclut par ces mots : Nous
225
t par ces mots : Nous sommes chassés de la ville
et
jetés comme des ordures dans un coin. C’est bien d’ailleurs. Notre pa
226
intéressante plaquette de H. Dartigue sur la vie
et
l’œuvre de J. Viénot. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Une h
227
, l’examen de ces « témoins » à la fois si divers
et
si profondément semblables nous permettra-t-il aujourd’hui de précise
228
rmettra-t-il aujourd’hui de préciser la direction
et
la nature de ce courant. L’Esprit souffle où il veut. Les prévisions
229
où, d’autre part, la pensée de son grand disciple
et
continuateur, Karl Barth, pénètre et fait revivre notre pensée évangé
230
and disciple et continuateur, Karl Barth, pénètre
et
fait revivre notre pensée évangélique ? Et voici que cette conjonctio
231
énètre et fait revivre notre pensée évangélique ?
Et
voici que cette conjonction du poète philosophe et du théologien proj
232
t voici que cette conjonction du poète philosophe
et
du théologien projette une vive lumière sur le secret dernier du mess
233
it maintenant d’interpréter son signe. ⁂ Crainte
et
Tremblement, qui vient de paraître dans la belle collection philosoph
234
la belle collection philosophique de MM. Lavelle
et
Le Senne, appartient à la première période de la pensée kierkegaardie
235
certain d’avoir accompli sa mission. Dans Crainte
et
Tremblement, Kierkegaard se débat encore avec lui-même. A-t-il la foi
236
une théorie, elle répond par l’exemple d’Abraham.
Et
c’est à la méditation de cet exemple que Kierkegaard va consacrer son
237
a pas ri — comme Sarah, sa femme — de ce miracle.
Et
maintenant Dieu lui commande d’offrir Isaac en sacrifice ! Abraham ne
238
non point en sa raison humaine. Il selle son âne
et
s’en va vers les monts de Morija, pour sacrifier son fils unique. Il
239
st-à-dire en vertu de la foi, contre toute morale
et
toute règle « générale ». Il va commettre un meurtre, et c’est parce
240
e règle « générale ». Il va commettre un meurtre,
et
c’est parce qu’il l’accepte qu’on l’appellera le père des croyants ?
241
gaard y revient par les biais les plus différents
et
vingt fois il échoue devant ce paradoxe monstrueux. Il n’y a donc pe
242
il n’a pas tué : Dieu l’arrête au dernier moment
et
lui montre un bélier prêt pour le sacrifice… On célèbre la grâce de
243
u’une épreuve. Une épreuve : c’est beaucoup dire,
et
peu de chose ; et cependant la chose est aussi vite passée que dite.
244
épreuve : c’est beaucoup dire, et peu de chose ;
et
cependant la chose est aussi vite passée que dite. On enfourche Pégas
245
u pas de son âne, qu’il eut trois jours de voyage
et
qu’il lui fallut un peu de temps pour fendre le bois, lier Isaac et a
246
t un peu de temps pour fendre le bois, lier Isaac
et
aiguiser le couteau. On oublie cela, on fait d’Abraham « un personna
247
on fait d’Abraham « un personnage insignifiant »
et
le comique c’est qu’on persiste à l’offrir en exemple aux chrétiens !
248
la grandeur d’Abraham, sa signification démesurée
et
impensable, c’est qu’il reçut Isaac en récompense d’un acte « fou » e
249
qu’il reçut Isaac en récompense d’un acte « fou »
et
revint avec lui dans la vie comme si rien ne s’était passé. Voilà le
250
de Søren Kierkegaard : c’est un titre qui compte,
et
dont la pensée protestante saura mesurer la valeur. ⁂ Qu’est-ce que l
251
e que la foi ? demandait Kierkegaard dans Crainte
et
Tremblement. Qu’est-ce que la vie chrétienne ? demande Karl Barth dan
252
é, puis offerte telle quelle « en sacrifice saint
et
agréable » à Dieu. Point n’est nécessaire qu’il vous pousse des aile
253
ous soyez transformés en quelque essence radieuse
et
esthétique. La vie chrétienne n’est pas une construction qui s’élève
254
au-dessus du reste de la vie. C’est toute profane
et
banale, la vie que chacun doit vivre à sa place, et dans sa situation
255
banale, la vie que chacun doit vivre à sa place,
et
dans sa situation. Mais en quoi le chrétien se distinguera-t-il donc
256
forme du monde à venir ». Il reste dans le monde
et
soumis à ses lois, sachant pourtant qu’il n’appartient plus à sa form
257
rtient plus à sa forme, mais à sa transformation.
Et
voici que nous rejoignons l’idée centrale de Crainte et Tremblement.
258
ci que nous rejoignons l’idée centrale de Crainte
et
Tremblement. Qu’est-ce, en effet, que le « chevalier de la foi », sin
259
eu, non à lui-même ni au monde. Ainsi, chez Barth
et
Kierkegaard, nous trouvons le même réalisme fondé dans le même parado
260
à la fois tel qu’il est devant Dieu, hic et nunc,
et
tel qu’il est revendiqué par Dieu à la limite de ses possibilités, là
261
d ils cherchent, c’est qu’eux-mêmes sont cherchés
et
trouvés ». Ainsi parle Édouard Thurneysen dans son essai intitulé : D
262
éponse à cette question : qu’est-ce qu’un homme ?
Et
cette réponse, il nous l’a donnée en nous découvrant que l’homme n’es
263
écouvrant que l’homme n’est lui-même qu’une seule
et
grande question, la question de l’origine de sa vie, la question de D
264
commentée sur le plan théologique par Karl Barth,
et
sur le plan d’une poésie philosophique par Kierkegaard, c’est la conc
265
ien selon Calvin, c’est surtout le simul peccator
et
justus qui fonda la Réforme luthérienne. 11. Crainte et Tremblemen
266
qui fonda la Réforme luthérienne. 11. Crainte
et
Tremblement, par Kierkegaard, traduit du danois par P.-H. Tisseau (Éd
267
juillet 1935)l On nous montre un Calvin maigre
et
sec, et l’on conclut incontinent à l’ascétisme puritain. On nous mont
268
1935)l On nous montre un Calvin maigre et sec,
et
l’on conclut incontinent à l’ascétisme puritain. On nous montre un Lu
269
tisme puritain. On nous montre un Luther adipeux,
et
loin de revenir sur le premier jugement, on fait de cette image un no
270
’il avait les joues creuses, une barbiche pointue
et
un profil coupant ? N’est-ce pas assez pour juger son système ? Ne sa
271
peu leurs notions sur l’importance intellectuelle
et
littéraire du calvinisme, a donné lieu par contre à une véritable déb
272
ons très vaguement physiognomoniques sur le teint
et
la complexion de l’auteur de l’Institution. Ce qui ne fait guère honn
273
humaines de ce message, à la réalité qui le juge
et
nous sauve. Faire retour à Calvin, ce n’est pas faire retour à certai
274
dogmatiques ; mais c’est, au-delà de ces formules
et
dans l’orientation où elles nous placent, remonter à cette origine pe
275
gne le Sauveur en croix : « Il faut qu’il croisse
et
que je diminue. » C’est donc sous l’angle de leur vocation particuliè
276
donc sous l’angle de leur vocation particulière,
et
sous cet angle seul, qu’il nous devient loisible de parler de ces hom
277
priverons pas de l’estimer à nos mesures humaines
et
littéraires ; mais ce qui importe plus que tout, c’est d’indiquer d’a
278
leur exacte valeur à nos variations sur ce thème.
Et
cette clé, c’est la vocation que Jean Calvin reçut de réformer l’Égli
279
riquée de cette Weltanschauung à la fois biblique
et
classique, au sens le plus vigoureux de ce terme. En la replaçant dan
280
terme. En la replaçant dans l’atmosphère violente
et
trouble de la Renaissance, M. Schmidt va lui restituer ses trois dime
281
s Calvin faire face d’une part à l’Église de Rome
et
c’est l’Épître à Sadolet ; d’autre part, aux premières déviations de
282
octrine sacramentaire à l’intérieur de la Réforme
et
c’est le Traité de la cène ; enfin, aux diverses mystiques de l’human
283
ux diverses mystiques de l’humanisme antichrétien
et
c’est le Traité des scandales. Ce troisième traité n’avait jamais été
284
en 1550. « Originale mixture de passion contenue
et
de raison déchaînée », il sera pour beaucoup l’occasion d’une véritab
285
e la polémique de la Réforme contre les libertins
et
les anabaptistes, contre les occultistes de l’école d’Agrippa, contre
286
ltistes de l’école d’Agrippa, contre les Rabelais
et
Des Périers qui abandonnent la cause pour un idéal humaniste. Or, tou
287
portent aux scandales que pour nuire à l’Évangile
et
le diffamer comment que ce soit ». Il y a ceux pour lesquels les dogm
288
nous appelons libéraux qui « gazouillent » à tort
et
à travers et se répandent en orgueilleuses « baveries », et ceux « qu
289
libéraux qui « gazouillent » à tort et à travers
et
se répandent en orgueilleuses « baveries », et ceux « qui se ruent co
290
rs et se répandent en orgueilleuses « baveries »,
et
ceux « qui se ruent contre Dieu d’une impétuosité enragée à la façon
291
e impétuosité enragée à la façon des frénétiques,
et
tombent en de grands abîmes ou se rompent le col en s’aheurtant ». Ce
292
vivacité presque baroque dans les Scandales, orné
et
pompeux dans l’Épître, sobre et grave dans le Traité de la Cène, ce s
293
s Scandales, orné et pompeux dans l’Épître, sobre
et
grave dans le Traité de la Cène, ce style garde partout les vertus qu
294
es, une sobriété vigoureuse dans l’exposé des sic
et
non, enfin ce ton naturel de grandeur qui s’accommode des plus savour
295
ladies graves : la contention abstraite du xviie
et
la dissolution voluptueuse du xixe . Il m’apparaît que le style d’un
296
d’un Calvin peut nous être un puissant roboratif.
Et
ceci pour deux bonnes raisons. D’abord Calvin était chef de parti ; q
297
ertu que cette conscience d’une mission à remplir
et
d’un dialogue à soutenir avec l’époque. Notre culture périt d’être pa
298
i-même du latin. D’où la jeunesse de cette langue
et
sa sobriété monumentale. Là encore, la leçon de Calvin serait celle d
299
eux pôles, qui d’ailleurs se déplacent sans cesse
et
parfois aussi changent de nom. On est tenté de résumer toutes ces ten
300
tenté de résumer toutes ces tensions en une seule
et
unique opposition : mysticisme et action créatrice. Cette vue des plu
301
ns en une seule et unique opposition : mysticisme
et
action créatrice. Cette vue des plus courantes omet pourtant le fait
302
contre l’ordre de la Parole. En confondant la foi
et
la mystique, comme le fait par malheur M. Chuzeville, on contribue à
303
’âme arrive à transgresser ses limites charnelles
et
temporelles ». Fort bien, répondrait un marxiste, si le christianisme
304
anisme est cela, nous lui laisserons ses rêveries
et
nous nous chargerons de l’homme « dans ses limites charnelles et temp
305
argerons de l’homme « dans ses limites charnelles
et
temporelles ». C’est aussi ce que dit l’Évangile, où il n’est pas que
306
ouvert par son anthologie tout un monde spirituel
et
poétique plein de dangers et de merveilles. Le choix des textes me pa
307
t un monde spirituel et poétique plein de dangers
et
de merveilles. Le choix des textes me paraît des plus heureux, la tra
308
s me paraît des plus heureux, la traduction ferme
et
coulante. La plupart des mystiques que M. Chuzeville nous révèle sont
309
révèle sont inconnus du public français, Novalis
et
Ruysbroeck mis à part ; et beaucoup sont de grands poètes, des philos
310
blic français, Novalis et Ruysbroeck mis à part ;
et
beaucoup sont de grands poètes, des philosophes terriblement concrets
311
phes terriblement concrets : Suso, Tauler, Franck
et
Weigel, et surtout Boehme le gnostique. Pour Paracelse, on s’étonnera
312
lement concrets : Suso, Tauler, Franck et Weigel,
et
surtout Boehme le gnostique. Pour Paracelse, on s’étonnera sans doute
313
ssants dans la mesure où ils annoncent le lyrisme
et
la philosophie d’une des plus hautes périodes de l’esprit humain. J’e
314
mentanément méprisés par leurs héritiers directs.
Et
cela vaudrait mieux, à coup sûr, que de rééditer des calomnies usées
315
ontre la race des Monod, les traditions, l’esprit
et
l’idéologie de cette « tribu ». Il semble que l’auteur du Problème du
316
blème du Bien 13 se soit fait un glorieux devoir,
et
peut-être un malin plaisir, de soutenir les causes les plus vilipendé
317
tout protestant, deux grands mouvements de pensée
et
d’action dont il fut l’un des principaux initiateurs : le christianis
318
principaux initiateurs : le christianisme social,
et
l’union des églises non romaines, grande espérance œcuménique et inte
319
églises non romaines, grande espérance œcuménique
et
internationale née dans le « désarroi » de l’après-guerre, et qui tro
320
onale née dans le « désarroi » de l’après-guerre,
et
qui trouva lors du fameux congrès de Stockholm sa première réalisatio
321
Harnack, en passant par Charles Secrétan, Frommel
et
même Renouvier, et à laquelle les récents livres de Bergson viennent
322
par Charles Secrétan, Frommel et même Renouvier,
et
à laquelle les récents livres de Bergson viennent apporter un ultime
323
à l’aborder très librement : « essai de théodicée
et
journal d’un pasteur ». Nous n’avons pas affaire ici à une constructi
324
d’un double cheminement : la recherche du penseur
et
le ministère du pasteur. Par ailleurs, il ne s’adresse pas aux spéci
325
les désespérés (termes qui ne sont pas synonymes)
et
je leur propose de méditer le problème du Bien. Si des croyants peuve
326
on du problème, ce double front contre l’athéisme
et
contre le dogmatisme, définit d’emblée la situation typique du penseu
327
s incroyants au moyen de leurs propres arguments,
et
les théologiens trop rigides par le recours à une piété plus libre. O
328
contraire, le rôle de la théologie sera purement
et
simplement de critiquer, au sein de l’Église, la prédication de l’Égl
329
ien, c’est qu’au moyen d’une méthode « libérale »
et
partant d’un point de vue « libéral » — encore que l’auteur s’en défe
330
peu une signification ecclésiastique plus précise
et
restreinte que celle que je lui donne ici — M. Monod rejoint souvent
331
h ne saurait renier. Cette convergence paradoxale
et
imprévue n’est-elle pas comme un signe, une promesse émouvante de l’u
332
, par-delà les funestes divisions de l’orthodoxie
et
du libéralisme ? Mais revenons à la situation de départ de notre aute
333
situation de départ de notre auteur. Contre l’un
et
l’autre adversaire — l’athée et l’orthodoxe desséché — M. Monod recou
334
teur. Contre l’un et l’autre adversaire — l’athée
et
l’orthodoxe desséché — M. Monod recourt au fait de son expérience int
335
on objet, c’est Dieu le Père, révélé par le Fils,
et
non ce Dieu omnipotent du dogme. En effet, Dieu n’est pas dans la Nat
336
urge » sauvage, omnivore, amateur de catastrophes
et
de crimes. Les animaux se mangent entre eux, les hommes périssent par
337
le Christ, fils de Dieu, est venu pour combattre
et
pour vaincre ? M. Monod le pense. Jésus, dit-il, « n’est pas venu nou
338
vrage : son style de pensée, sa démarche insolite
et
dramatique ont bien de quoi retenir le lecteur même incroyant ou igno
339
grandes antithèses, même générosité humanitaire.
Et
quelle surabondance d’images ! La TSF, les rayons X, l’automobile et
340
nce d’images ! La TSF, les rayons X, l’automobile
et
la structure des atomes lui fournissent un matériel métaphorique inép
341
de problèmes, d’un état de controverse intérieure
et
abstraite, où je crains bien que la jeunesse d’aujourd’hui ne voie pl
342
s livres. C’est une somme, ai-je dit, une étrange
et
vivante compilation de notes, de journaux, de lettres, de fragments d
343
ne vont pas sans quelque débauche intellectuelle.
Et
je redoute que certains fidèles ne soient gênés, comme je le suis, pa
344
nous ne reconnaissons pas forcément les nôtres —
et
s’il ne tenait, par ailleurs, à l’étayer par une philosophie qui ne s
345
d Monod, Le Problème du Bien : essai de théodicée
et
journal d’un pasteur, 3 volumes, chez Alcan. o. Rougemont Denis de,
346
lles circonstances ? Poussé par quelles raisons ?
Et
pour quelles fins ? Si l’on ne veut pas s’en tenir à des appréciation
347
capitales du grand réformateur. Or, il se trouve,
et
c’est presque incroyable, que, depuis quatre siècles qu’elles ont été
348
raphie ; une brochure sur la liberté chrétienne :
et
les trop fameux Propos de Table, absolument insignifiants quant à la
349
and débat occidental, celui de la pensée « pure »
et
de la pensée « engagée ». Elle met entre nos mains la pièce capitale
350
sme créateur : l’opposition du témoin responsable
et
du spectateur détaché. Le point de vue du « clerc pur », celui d’Éras
351
culier à la brillante biographie de Stefan Zweig,
et
j’ajouterais : à toute l’œuvre récente du parfait disciple d’Érasme q
352
enda. Érasme dit le vrai, puis se lave les mains,
et
refuse d’endosser les conséquences de sa vérité : il souhaite même qu
353
a vérité : il souhaite même qu’il n’y en ait pas.
Et
tous les prudents d’applaudir, non sans apparences de raison : on a c
354
? À tout le moins doit-elle passionner le débat,
et
le faire puissamment rebondir. Car personne n’a mieux incarné la volo
355
Worms, osa dresser contre l’opportunisme impérial
et
sacerdotal l’inflexible, l’urgente exigence de la vérité en action. Q
356
érité en action. Que trouvera le lecteur profane,
et
peu au fait de la problématique chrétienne, dans cet ouvrage, qui est
357
ante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre
et
têtue qui va droit au point décisif, envisage honnêtement les objecti
358
se toutes ses chances, non sans ironie toutefois,
et
sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une const
359
fois, et sait enfin conférer à son choix la force
et
la simplicité d’une constatation évidente. D’un point de vue purement
360
rement esthétique, ces qualités sont assez rares,
et
chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essenti
361
-dire la foi de Luther — soit tout de même attiré
et
subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. Mais on ne saurait ré
362
querelle avec Érasme, qui lui servit de prétexte
et
d’aiguillon, et qui lui donne sa verve, son accent personnel tour à t
363
rasme, qui lui servit de prétexte et d’aiguillon,
et
qui lui donne sa verve, son accent personnel tour à tour ironique ou
364
r : justification par la foi, qui est don gratuit
et
œuvre de Dieu seul en nous ; opposition de la justice donnée par Dieu
365
odifiée ; sens de la décision totale entre un oui
et
un non absolus, et refus de tout moyen terme entre les règnes en guer
366
a décision totale entre un oui et un non absolus,
et
refus de tout moyen terme entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
367
re les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi
et
du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fid
368
du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage,
et
du témoignage fidèle, certifié au-dedans par l’Esprit saint, et par l
369
ge fidèle, certifié au-dedans par l’Esprit saint,
et
par l’Écriture au-dehors, et constituant la véritable action de l’hom
370
par l’Esprit saint, et par l’Écriture au-dehors,
et
constituant la véritable action de l’homme entre les mains de Dieu. À
371
itre une sorte de résumé — très peu systématique,
et
c’est heureux — des positions maîtresses de la Réforme. Quant à la th
372
rnent le salut. Elle fait partie de notre nature,
et
comme telle, ne désire vraiment que le péché. La liberté n’est pas da
373
atal une vocation d’un tout autre ordre. Fatalité
et
liberté : le problème ne peut être écarté comme relevant de la seule
374
ôt à l’acceptation simultanée de ses deux termes.
Et
l’on sait que Nietzsche lui-même aboutit à un paradoxe tout semblable
375
issance virile d’une nécessité immuable, acceptée
et
aimée comme telle. Mais cette nécessité s’appelle pour Nietzsche le f
376
, la personne même de Dieu, éternellement active,
et
qui nous aime. Il faut choisir. Mais le choix est-il libre ? On retom
377
hoix est-il libre ? On retombe au débat de Luther
et
d’Érasme. Le trop prudent humaniste eût-il saisi dans son sérieux der
378
937)s L’art de conter pour le plaisir se perd.
Et
peut-être, avec lui, l’art tout court. Dans la littérature du xxe si
379
des analyses. On part de « faits d’observation »
et
l’on essaie d’en tirer de la vie. Mais ne serait-ce pas que l’on ne s
380
ut découvrir, à la manière de l’homme de science.
Et
tout l’effort de l’écrivain se porte alors sur l’analyse des motifs s
381
e ces illusions qui ne résistent pas à l’analyse,
et
qu’un auteur sincère se doit de démasquer. Tout se ramènerait à la ph
382
’un coup cette apparente fatalité. Kipling meurt,
et
l’on dit : c’était le dernier conteur. La même année paraît le grand
383
nnée paraît le grand triptyque des Löwensköld 15.
Et
, grâce à lui, nous pourrons rire de nouveau de cette « défense d’inve
384
re qui donne le départ à ce roman des Löwensköld,
et
porte sur lui de grandes ombres. Il y puise sa vie secrète, il en reç
385
e crue, comme on croit les journaux, par exemple,
et
s’en indigne, et refuse de marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est
386
croit les journaux, par exemple, et s’en indigne,
et
refuse de marcher !) Le vrai « miracle », ici, c’est le parti romanes
387
omanesque que Selma Lagerlöf a su tirer du mythe.
Et
c’est aussi la profusion géniale des inventions concrètes — une à cha
388
nt bien assez complexes pour notre goût moderne !
Et
que l’« analyse des motifs » est ici d’une fort malicieuse lucidité.
389
analyse. Toutes les ressources du conte populaire
et
de l’imagerie sentimentale et romanesque, qu’on croyait épuisées depu
390
du conte populaire et de l’imagerie sentimentale
et
romanesque, qu’on croyait épuisées depuis les Victoriens, retrouvent
391
depuis les Victoriens, retrouvent ici leur grâce
et
leur prestige. Une ironie sereine, à peine amère, les décape de toute
392
ne, à peine amère, les décape de toute niaiserie,
et
déjoue toutes les conventions. Surtout, un rythme merveilleux de sou
393
ut, un rythme merveilleux de souplesse, d’imprévu
et
d’aisance, entretient tout au long de la lecture une euphorie de l’im
394
Plusieurs douzaines de personnages, des familles
et
des isolés, des monstres, des bourgeois, des paysans, une belle jeune
395
un jeune pasteur fanatique, une dévote écœurante
et
perverse, — cela suffirait pour animer un roman romantique de la gran
396
’amour des hommes est condamné à aller à sa perte
et
à y conduire les autres ». À ce moment aussi, l’on s’aperçoit que la
397
on s’aperçoit que la fatalité de la légende a bel
et
bien dominé tous ces êtres, malgré leur scepticisme ou leurs bravades
398
e. Les deux tomes suivants — Charlotte Löwensköld
et
Anna Svärd — forment un seul roman, aux péripéties magistralement var
399
seul roman, aux péripéties magistralement variées
et
fuguées. À défaut de tout résumé imaginable, j’aimerais citer ici une
400
une seule de ces « situations » que Lagerlöf noue
et
dénoue dans chaque chapitre avec une prodigalité vraiment géniale. Le
401
te dans un pré voisin. Karl-Artur doute, tremble,
et
marche toujours. Voici venir, à sa rencontre cette fois-ci, la plus p
402
son chemin dans une exaltation croissante, priant
et
reprenant courage. Soudain une femme sort du jardin juste en face de
403
femme que Dieu lui envoie, qu’il épousera envers
et
contre tous. Elle ne sait ni lire ni écrire. On peut surprendre, dans
404
se soit dite, il faut des âmes fortement tendues.
Et
pour que cette même phrase soit aussitôt mise en pratique par le héro
405
ieux du Brand d’Ibsen, de Kierkegaard, de Luther.
Et
à côté du fanatique, voici Charlotte, avec sa piété sobre et son bon
406
u fanatique, voici Charlotte, avec sa piété sobre
et
son bon sens impérieux, voici Théa, la sectaire doucereuse, et Anna S
407
ns impérieux, voici Théa, la sectaire doucereuse,
et
Anna Svärd, « distinguée entre toutes » par le miracle, et qui l’acce
408
värd, « distinguée entre toutes » par le miracle,
et
qui l’accepte avec humilité. Et cinquante autres personnages, des fou
409
» par le miracle, et qui l’accepte avec humilité.
Et
cinquante autres personnages, des foules aux foires, la vie commune d
410
s, des foules aux foires, la vie commune du bourg
et
des paroisses. C’est vraiment toute l’humanité suscitée et instruite
411
roisses. C’est vraiment toute l’humanité suscitée
et
instruite par la Réforme, c’est un pays entier sous la lumière de la
412
son expression. Tout respire largement, tout vit
et
se transforme, non pas seulement selon les lois des passions, des cœu
413
seulement selon les lois des passions, des cœurs
et
des corps, mais aussi selon la liberté, souvent plus folle encore, de
414
folle encore, des âmes. Plénitude de la poésie !
Et
le spectacle le plus émouvant que nous donne cette œuvre admirable, c
415
tale d’un peuple, qu’elle trouble, assemble, juge
et
sauve. ⁂ Rien de plus passionnant, pour qui vient de lire les Löwensk
416
c l’émotion, cette malice cordiale, cette variété
et
, à la fois, cette économie de moyens. On y retrouve aussi, décrits l’
417
ous les éléments historiques, décors, personnages
et
coutumes, que les romans mettront en œuvre : il n’y manque rien que l
418
art libre du génie, de l’imagination fabulatrice.
Et
c’est là que je vois le très grand intérêt de ces souvenirs — dont le
419
s intérieures profondes, structure sociale stable
et
puissante, décor naturel envoûtant, intimement mêlé aux sentiments de
420
dans le roman de la grande époque (xixe siècle)
et
voyez si leur décadence ne suffit pas à expliquer la crise actuelle d
421
Svärd, romans traduits du suédois par M. Metzger
et
T. Hammar. (Éditions « Je sers ».) 16. Morbacka, souvenirs, mêmes t
422
Non, Tristan
et
Iseut ne s’aiment pas, nous dit Denis de Rougemont (12 février 1939)u
423
du précipice le touriste stupéfait par le paysage
et
par le danger, M. Denis de Rougemont vient de publier L’Amour et l’O
424
, M. Denis de Rougemont vient de publier L’Amour
et
l’Occident , livre qui va, sans doute, susciter des polémiques passio
425
crivain suisse, qui joint le souci de l’actualité
et
le goût des questions sociales à la lucidité sensible d’un compatriot
426
rotestante. Ayant fait de solides études à Vienne
et
en Allemagne, il a enseigné dans une ville universitaire où il rédige
427
province : il a séjourné de longs mois en Vendée
et
dans le Midi. Son Journal d’un intellectuel en chômage témoigne de
428
ntellectuel en chômage témoigne de la curiosité,
et
aussi de la discrétion avec laquelle il s’efforce de dégager l’âme se
429
, de ces échanges qui stimulent tant d’écrivains,
et
leur tiennent souvent lieu de vie intérieure. Il me reçoit dans la ma
430
uite familière, où il passe l’hiver avec sa femme
et
Colinet, son petit garçon. Denis de Rougemont est grand, souple, il a
431
and, souple, il a la réserve affable des Suisses,
et
ce sourire des lèvres qui semble excuser le sérieux du regard. Il rit
432
rme-t-il pas, avec preuves à l’appui, que Tristan
et
Iseut, les amants légendaires, les héros de la passion, ne s’aimaient
433
mon livre, je voulais simplement étudier ce mythe
et
analyser la crise du mariage à notre époque. Mais plus je relisais le
434
plus je me sentais gêné, mal à l’aise. Ce Tristan
et
cette Iseut qui restent indifférents pendant leur première rencontre,
435
au bout de trois ans de vie commune dans la forêt
et
qui, Tristan ayant épousé Iseut aux blanches mains, l’autre Iseut, ne
436
ion, que je suis prêt à défendre : ce que Tristan
et
Iseut aiment, c’est le fait d’aimer. Jamais Tristan ne dit à Iseut qu
437
trophe, qui ne peut se résoudre que dans la mort,
et
inspirera tout le romantisme. Mais elle inspire d’abord la littératur
438
de famille ; il va contre les appétits de l’homme
et
les directives de l’Église. Comment a-t-il pu, en moins de vingt ans,
439
cide. Glorification de l’esprit d’amour, chasteté
et
mépris de la chair, goût de la mort que l’on préfère aux biens de ce
440
t que chez les seigneurs cathares, fort nombreux,
et
qui adoptaient cette hérésie avec d’autant plus d’enthousiasme qu’il
441
sie chrétienne ? … Dont nous avons perdu la clef,
et
qui a pourtant inspiré toute notre littérature, reprend Denis de Roug
442
, reprend Denis de Rougemont. Le mythe de Tristan
et
Iseut, qui pose pour la première fois ce fameux triangle, le mari, la
443
emière fois ce fameux triangle, le mari, la femme
et
l’amant, qui est le sujet essentiel de toute la littérature occidenta
444
trouve à la fois dans le catharisme, dans Tristan
et
Iseut et chez les lyriques courtois, goût qui n’est autre que l’insti
445
la fois dans le catharisme, dans Tristan et Iseut
et
chez les lyriques courtois, goût qui n’est autre que l’instinct de la
446
ble contradiction. Romans, poèmes, musique, l’art
et
la littérature nous représentent la passion comme un paroxysme désira
447
rons donc à connaître cet état que, comme Tristan
et
peut-être inconsciemment, nous préférons à l’être aimé. D’autre part,
448
ure au mariage, puisqu’elle a besoin d’obstacles,
et
ne résiste pas à la facilité, à l’habitude. Exclue de la vie conjugal
449
ale, la passion se réfugie dans l’adultère. Maris
et
femmes, chacun de leur côté, rêvent de l’aventure qui leur apparaît c
450
? Certes, non. Mais aujourd’hui, les jeunes gens
et
les jeunes filles se refusent à l’hypocrisie, ne consentent plus à re
451
yez-vous que les problèmes de la vie sentimentale
et
sexuelle puissent trouver une solution nouvelle ? Pour moi, répond De
452
le réel. Elle reste une folie, mais la plus sobre
et
la plus quotidienne. Votre réhabilitation de la fidélité, si conforme
453
s de se renouveler, un ensemble de vertus solides
et
de qualités agréables assez difficiles à concilier. Je le sais, je s
454
. C’est un idéal qui mérite bien certains efforts
et
certains sacrifices, il me semble. Ne devez-vous pas publier un roman
455
je l’ai écrit presque en même temps que L’Amour
et
l’Occident . Mais je ne le ferai pas paraître tout de suite. J’ai aus
456
rminé deux livres d’essais : Doctrine fabuleuse
et
Les Personnages du dram e. Et en ce moment, à quoi travaillez-vous
457
ctrine fabuleuse et Les Personnages du dram e.
Et
en ce moment, à quoi travaillez-vous ? J’ai en chantier un livre sur
458
ureux, il fut ensuite, pendant dix-sept ans, juge
et
conseiller à Sachseln, où il eut dix enfants. Puis il se retira dans
459
e la guerre civile menaçait, il quitta sa grotte,
et
rétablit la paix par le covenant de 1481. Puis il se retourna dans so
460
nt de 1481. Puis il se retourna dans son ermitage
et
y mourut. C’est un beau sujet. N’est-ce pas ? Ce drame, avec musique
461
pectateurs. La scène aura trente mètres de large,
et
trois étages, qu’il faut ne jamais laisser vides. J’écris des phrases
462
grecque. C’est un travail tout nouveau pour moi,
et
très amusant. Avant de quitter Denis de Rougemont, je lui demande s’i
463
urs, m’a déjà valu de nombreuses lettres d’hommes
et
de femmes qui se trouvaient mal mariés. Ils me disent que mon livre l
464
. Rougemont Denis de, « [Entretien] Non, Tristan
et
Iseut ne s’aiment pas », Les Nouvelles littéraires, Paris, 12 février
465
eur d’une thèse retentissante, intitulée L’Amour
et
l’Occident et dans laquelle il démontrait que l’idée de passion amou
466
retentissante, intitulée L’Amour et l’Occident
et
dans laquelle il démontrait que l’idée de passion amoureuse trouvait
467
ension d’Adolf Hitler (dans Journal d’Allemagne
et
Journal des deux mondes notamment). Pour les mélomanes, il est le p
468
up de bêtises — lui-même le déclare — sur l’homme
et
sur son œuvre, cette œuvre dont tout le monde parle et que peu de gen
469
r son œuvre, cette œuvre dont tout le monde parle
et
que peu de gens ont lue. Pas plus savant qu’un autre mais beaucoup pl
470
mandé à Denis de Rougemont de commenter librement
et
, au besoin, de rectifier ce que je me proposais d’écrire sur lui. Voi
471
te d’animal, qui penserait dans un idiome bizarre
et
incompréhensible, et choisirait, quand il ouvre la bouche, de s’expri
472
erait dans un idiome bizarre et incompréhensible,
et
choisirait, quand il ouvre la bouche, de s’exprimer en français plutô
473
à la fois du journal, de l’essai, de la polémique
et
du récit, ne correspondent à aucun genre littéraire précis et rendent
474
ne correspondent à aucun genre littéraire précis
et
rendent leur auteur difficile à cataloguer. Mais pourquoi faut-il cat
475
mélange d’idées pures, de poésie, de descriptions
et
d’anecdotes. En 1933, Denis de Rougemont participe, aux côtés d’Emman
476
n de deux revues personnalistes : L’Ordre nouveau
et
Esprit. C’est à cette époque qu’il élabore une doctrine humaniste… Hu
477
guère ce terme. On a tendance à opposer humanisme
et
christianisme, et je me sens plutôt du côté du christianisme. Au mot
478
a tendance à opposer humanisme et christianisme,
et
je me sens plutôt du côté du christianisme. Au mot « humaniste », je
479
lémique à laquelle prirent part Berdiaev, Mounier
et
Gabriel Marcel. Pour moi, la « personne » n’est ni un individu referm
480
, mais un homme ouvert aux idées, à la fois libre
et
responsable. Il y a une vocation de la personne, vocation qui, à la f
481
sonne, vocation qui, à la fois, distingue l’homme
et
le relie à la communauté où il l’exerce. C’est d’ailleurs dans cette
482
identialistes qui font de Dieu un Jéhovah jugeant
et
agissant de l’extérieur. Dieu est en l’homme. En 1935, il est nommé l
483
il est nommé lecteur à l’Université de Francfort
et
séjournera un an en Allemagne hitlérienne. Je me trouvais sans activi
484
e pensais du nazisme. J’en ai effectivement pensé
et
dit beaucoup de mal dans mon Journal d’Allemagne , paru en 1938. J’e
485
Paris. Les Allemands demandèrent que je sois puni
et
j’ai reçu quinze jours de prison militaire sous le prétexte qu’un off
486
où il passera six ans, écrira La Part du diable
et
se liera avec plusieurs écrivains français. On décida que je serais m
487
fis également la connaissance de Saint-John Perse
et
du peintre Marcel Duchamp, qui réalisa une extraordinaire vitrine sur
488
pour la cause du fédéralisme européen. Fondateur
et
président du Congrès européen pour la liberté de la culturey, son act
489
traire osmose complète entre mon action politique
et
mes livres. Je suis passé tout naturellement et sans rupture de ma dé
490
e et mes livres. Je suis passé tout naturellement
et
sans rupture de ma définition de la « personne » à la théorie fédéral
491
’homme, vous ai-je dit, doit être à la fois libre
et
responsable ; de même pour chaque nation dans l’Europe fédérée que je
492
que nation dans l’Europe fédérée que je préconise
et
qui n’est que la transposition à une échelle géante de la Confédérati
493
agglomération d’États soumis à un pouvoir unique
et
dictatorial ni une Europe des États, mais une association de républiq
494
ques autonomes, libres de leur gestion intérieure
et
responsables les unes des autres devant le danger commun. Nous serion
495
presque autant que les populations des États-Unis
et
de l’URSS réunies. Comprenez-moi donc bien : personnalisme et fédéral
496
réunies. Comprenez-moi donc bien : personnalisme
et
fédéralisme, c’est tout un. Enfin, le 28 octobre 1963, Denis de Rouge
497
opposé à Eugène Ionesco qui est un ami très cher
et
un grand écrivain. À ce propos, savez-vous où Ionesco a trouvé le suj
498
entre européen de la culture, que Rougemont fonda
et
dirigea à Genève à partir de 1950, et le Congrès pour la liberté de l
499
emont fonda et dirigea à Genève à partir de 1950,
et
le Congrès pour la liberté de la culture, dans lequel Rougemont s’eng
500
ses méfaits, ses produits, rarement ses valeurs,
et
toujours ses vulgarités. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se m
501
iplier les prophètes de la décadence européenne :
et
ils sont tous, ou presque tous, Européens. Loin de s’émerveiller du f
502
ous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Et
il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues,
503
m, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues,
et
la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour n
504
i de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom.
Et
nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est assez grand pour
505
circonstances qui enverraient les œuvres de Keats
et
celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du
506
s les journaux. L’écho de cette page fut immense
et
je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle qui annonce
507
on succès ? Observons tout d’abord qu’elle résume
et
condense une assez longue tradition de pessimisme européen. Dès 1971,
508
lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur,
et
je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de
509
re de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon
et
que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine, de la Tamise o
510
i ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines,
et
ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de
511
pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples
et
la mémoire de leur grandeur ? Une trentaine d’armées plus tard, Hege
512
est « un individu dans la marche de l’histoire »
et
qu’il obéit donc, comme tout individu, à une loi de croissance, d’épa
513
dividu, à une loi de croissance, d’épanouissement
et
de déclin fatal. Hegel pensait d’ailleurs que la civilisation europée
514
er que chacune d’elles devait fatalement décliner
et
mourir après une période d’apogée — la nôtre aussi. Aux débuts du xxe
515
est convaincu que toute culture est un organisme
et
correspond morphologiquement à un individu, animal ou végétal. Il en
516
te inexorablement que toute culture est mortelle,
et
l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort tout à fait a
517
empiriquement, par l’examen comparatif des vingt
et
une civilisations qui auraient existé jusqu’ici, les lois complexes,
518
is constantes, de leur genèse, de leur croissance
et
de leur dissolution inévitable. Ces historiens et philosophes, armés
519
et de leur dissolution inévitable. Ces historiens
et
philosophes, armés d’une vaste érudition, ont d’autant moins de peine
520
quant à l’état présent de l’Europe dans le monde,
et
que, d’autre part, les plus grands esprits du siècle précédent n’ont
521
s jours sur l’Europe : de Kierkegaard à Nietzsche
et
à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt et de Donoso Cortès
522
à Dostoïevski, de Tocqueville à Jacob Burckhardt
et
de Donoso Cortès à Georges Sorel, tous ont décrit depuis cent ans les
523
e mondiale, les dictatures prévues par Burckhardt
et
Sorel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie et en Allemagne,
524
rel s’instaurent en Russie, en Turquie, en Italie
et
en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes et les racismes, dén
525
en Allemagne, puis en Espagne. Les nationalismes
et
les racismes, dénoncés d’avance par Nietzsche, prolifèrent sur les ru
526
èrent sur les ruines de l’Empire austro-hongrois.
Et
bientôt cette Europe occupée à se déchirer à belles dents va se laiss
527
cher l’une après l’autre ses conquêtes coloniales
et
ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la
528
le communisme lui dispute, non seulement en Asie
et
en Afrique, mais aux yeux d’une partie de sa propre jeunesse, son rôl
529
écroulement de l’hégémonie politique de l’Europe,
et
même le rendre, à vues humaines, définitif. Au surplus, les nouveaux
530
ines, définitif. Au surplus, les nouveaux empires
et
les peuples émancipés proclament déjà leur volonté de retourner contr
531
rner contre nous nos propres armes, tant sociales
et
morales que matérielles… Que faudrait-il de plus, pour qu’on ait le d
532
Primo, l’hégémonie politique n’est pas toujours
et
nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation. L’une peut exis
533
s de la décadence de l’Occident, Spengler, Valéry
et
Toynbee, se fondaient sur le précédent de civilisations antiques aujo
534
civilisations antiques aujourd’hui « disparues »,
et
particulièrement sur l’exemple le mieux connu des Européens, celui de
535
uveaux, qui déterminent un destin non comparable,
et
même tout à fait différent à partir d’un certain moment, d’un certain
536
ces deux groupes de cultures homogènes, uniformes
et
sacrées, la culture de l’Europe nous apparaît immédiatement comme à l
537
apparaît immédiatement comme à la fois pluraliste
et
profane. À cause de ses origines multiples, à cause des valeurs souve
538
s’est trouvée fondée sur une culture de dialogue
et
de contestation. Elle n’a jamais pu, et surtout, elle n’a jamais voul
539
dialogue et de contestation. Elle n’a jamais pu,
et
surtout, elle n’a jamais voulu, se laisser ordonner à une seule doctr
540
religion, sa philosophie, sa morale, son économie
et
ses arts. On a beau citer le Moyen Âge comme une période bénie d’unit
541
n Âge comme une période bénie d’unité des esprits
et
des cœurs, telle que l’a décrite Novalis : nous savons aujourd’hui qu
542
is : nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien,
et
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas moins vio
543
ue ceux que nous vivons. L’unité de notre culture
et
de la civilisation créée par cette culture n’a jamais été autre chose
544
rée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand
et
les empereurs chinois s’imaginèrent qu’ils dominaient le monde entier
545
ons aussi que toutes les villes nouvelles en Asie
et
en Afrique imitent nos villes modernes, leurs procédés de constructio
546
océdés de construction, leurs rues, leurs places,
et
leurs mairies, leurs hôpitaux et leurs écoles, et leurs hôtels et leu
547
s, leurs places, et leurs mairies, leurs hôpitaux
et
leurs écoles, et leurs hôtels et leurs journaux, et même leurs embarr
548
et leurs mairies, leurs hôpitaux et leurs écoles,
et
leurs hôtels et leurs journaux, et même leurs embarras de circulation
549
, leurs hôpitaux et leurs écoles, et leurs hôtels
et
leurs journaux, et même leurs embarras de circulation. Nous savons bi
550
leurs écoles, et leurs hôtels et leurs journaux,
et
même leurs embarras de circulation. Nous savons bien que tous les pay
551
ous les pays neufs imitent nos parlements, partis
et
syndicats, et même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouv
552
eufs imitent nos parlements, partis et syndicats,
et
même parfois nos dictatures. Et nous savons que ce mouvement d’imitat
553
tis et syndicats, et même parfois nos dictatures.
Et
nous savons que ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’e
554
ue ce mouvement d’imitation s’opère à sens unique
et
n’est plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précé
555
nguait par là de toutes les autres, monolithiques
et
homogènes. Voilà pourquoi elle s’est trouvé la seule qui fût assez co
556
elle s’est trouvé la seule qui fût assez complexe
et
multiforme pour pouvoir, sinon satisfaire, du moins séduire tous les
557
ue l’Europe envoie dans le monde plus de machines
et
d’assistants techniques que de livres et de missionnaires. Elle s’est
558
machines et d’assistants techniques que de livres
et
de missionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée, et détachée du
559
ssionnaires. Elle s’est laïcisée, ou sécularisée,
et
détachée du christianisme qui contribua de tant de manières à la form
560
ua de tant de manières à la former. Par là même —
et
c’est bien son drame, en même temps que la condition de son « succès
561
s’est rendue plus transportable, plus acceptable
et
imitable qu’aucune autre. Mais il faut voir enfin que cette civilisat
562
ot homme y était synonyme d’habitant de la vallée
et
du delta du Nil, il y avait un mot différent pour désigner les habita
563
s des terres voisines, à mi-chemin entre l’animal
et
l’Égyptien. (Dans le même style, Bismarck définit le Bavarois comme «
564
comme « cet être intermédiaire entre l’Autrichien
et
l’homme ».) Pour les Grecs et les Chinois également, il existait deux
565
entre l’Autrichien et l’homme ».) Pour les Grecs
et
les Chinois également, il existait deux espèces différentes de bipède
566
verticaux ; les Grecs ou les Chinois, d’une part,
et
les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’étaient pas vraimen
567
-dire tous les autres, qui n’étaient pas vraiment
et
complètement humains. Ces très hautes civilisations devaient donc néc
568
devaient donc nécessairement demeurer régionales
et
décliner dans les limites de leur empire. En revanche, la conception
569
mement de considérer tous les hommes comme dignes
et
capables, un jour ou l’autre, de participer pleinement à l’effort civ
570
aintenant que c’est fait ou en train de se faire,
et
que voilà franchi le « seuil mondial », comment imaginer que la civil
571
créé les conditions techniques de sa conservation
et
de sa transmission aux âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrai
572
x âges futurs, en même temps qu’elle redécouvrait
et
faisait revivre des cultures disparues ou en voie d’extinction. Valér
573
circonstances qui enverraient les œuvres de Keats
et
celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du
574
dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé —
et
même joué — plusieurs comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats
575
s comédies de Ménandre. Quant aux œuvres de Keats
et
de Baudelaire, et de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde
576
ndre. Quant aux œuvres de Keats et de Baudelaire,
et
de Paul Valéry lui-même, reproduites dans le monde entier, enregistré
577
tes dans le monde entier, enregistrées sur bandes
et
sur microsillons, elles sont en mesure de résister au temps beaucoup
578
que les fresques de Lascaux, les statues grecques
et
les temples des Pharaons menacés par les eaux d’un barrage. La mortal
579
e des Hittites, plus près encore celles des Mayas
et
des Aztèques. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte et du Proc
580
ues. Mais les civilisations anciennes de l’Égypte
et
du Proche-Orient, prolongées par la grecque et la romaine, dont l’ess
581
te et du Proche-Orient, prolongées par la grecque
et
la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles vraiment m
582
? Leurs conquêtes ont été préservées par le musée
et
le laboratoire européens, pour être diffusées de nos jours sur toute
583
lle fortune. Ce sont les lois de Minos, de Dracon
et
de Solon, venues de la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce
584
Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète
et
de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue et les Béatit
585
gypte ancienne par la Grèce, ce sont le Décalogue
et
les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’où dérivent l’Hab
586
code de Justinien, d’où dérivent l’Habeas Corpus
et
la Déclaration des droits de l’homme, qui définissent aujourd’hui, po
587
ceux de l’OTAN, la dignité de la personne humaine
et
les fondements de tout progrès social ; et non pas le système des cas
588
umaine et les fondements de tout progrès social ;
et
non pas le système des castes, ni le mandarinat, ni le Bushido. On pe
589
pourrait pas le dire, car il n’en saurait rien. »
Et
il propose de corriger comme suit le passage que j’ai cité : « Nous a
590
certitude que nous ne mourrons jamais entièrement
et
que nos cendres sont fécondes. Le temps est passé où les civilisation
591
xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagesse
et
de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retro
592
s voient leurs livres sacrés publiés de nos jours
et
retrouvent partout des fidèles, c’est par le fait des ethnographes, a
593
c’est par le fait des ethnographes, archéologues
et
philosophes de l’Europe, qui poursuivent l’inventaire mondial initié
594
à la Renaissance par nos découvreurs de l’espace
et
du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidat
595
ière où avait fleuri une civilisation déterminée.
Et
les autres n’en savaient rien. Mais ce fut plus souvent l’agression d
596
ression d’une civilisation rivale, plus primitive
et
plus brutale, Doriens détrônant la Crète, Germains investissant la Ga
597
étrônant la Crète, Germains investissant la Gaule
et
l’Ibérie romaines, ou les quelques centaines d’Espagnols s’emparant d
598
is ils sont nés de la substance même de l’Europe,
et
je les vois s’européaniser par la culture plus profondément que l’Eur
599
ment que l’Europe ne s’américanise par le costume
et
le décor urbain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ? Est-ell
600
f allemand, dont le père était devenu protestant,
et
qui rédigeait au British Muséum, pour le Herald Tribune de New York,
601
de New York, des articles qui le faisaient vivre
et
qui forment une partie du Kapital. Le marxisme est né en Europe et de
602
e partie du Kapital. Le marxisme est né en Europe
et
de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre la théologie et
603
carrefour d’un débat séculaire entre la théologie
et
la philosophie, au moment où se constituaient la sociologie et la tec
604
phie, au moment où se constituaient la sociologie
et
la technique, l’industrie, la grande presse, l’école obligatoire, la
605
l’école obligatoire, la conscription universelle
et
les nationalismes qui en vivent. On ne saurait imaginer complexe de f
606
imaginer complexe de forces spirituelles, morales
et
matérielles plus spécifiquement européen. Quant à l’électricité, dont
607
il a pour la seconde fois européanisé la Russie.
Et
c’est l’URSS à son tour qui s’est chargée d’aider la Chine à liquider
608
ouveau cheval de Troie occidental : la technique,
et
tout ce qu’elle entraîne dans les mœurs et les modes de penser d’une
609
nique, et tout ce qu’elle entraîne dans les mœurs
et
les modes de penser d’une nation. Le fameux « bon en avant » de la Ch
610
a Chine n’a guère été qu’un bond vers l’industrie
et
vers le socialisme, inventés par l’Europe et parties intégrantes de s
611
trie et vers le socialisme, inventés par l’Europe
et
parties intégrantes de sa culture. Quant à l’Afrique, observons simpl
612
trop rapide des formes de vie politique, sociale
et
économique, élaborées par l’Europe moderne. Résumons cela : je vois l
613
apeau suivant : « On sait quel Européen convaincu
et
militant est Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour et l’Occident ,
614
tant est Denis de Rougemont. L’auteur de L’Amour
et
l’Occident , Penser avec les mains , de L’Aventure occidentale de l
615
, Denis de Rougemont montre tout ce qui rapproche
et
tout ce qui divise les États de l’Europe ; il fixe également un progr
616
également un programme pour les vingt ans à venir
et
nous met en garde, comme on va le voir, contre les prophètes de la dé
617
Denis de Rougemont : l’amour
et
l’Europe en expert (24 décembre 1970)ab ac Denis de Rougemont, les
618
s deux grands thèmes de votre vie ont été l’Amour
et
l’Europe. Quel était le Denis de Rougemont de ses 17 ans ? Si vous me
619
ougemont de ses 17 ans ? Si vous me disiez 17 ans
et
demi, je vous dirai : l’âge de mon premier article. J’étais au gymnas
620
rincipauté placée entre les influences françaises
et
allemandes, ce qui est très suisse, par définition. 17 ans, c’est le
621
toute autre forme de littérature était inférieure
et
méprisable. En même temps je jouais au football. J’étais gardien de b
622
l’effort. Plus tard, j’ai appris que Montherlant
et
Albert Camus avaient aussi été gardiens de but. Comment avez-vous déc
623
ent avez-vous découvert l’Europe ? C’est entre 17
et
25 ans que j’ai découvert un peu l’Europe. Quand j’allais dans le Mid
624
êtres, la sixième, il y a 28 Suisses neuchâtelois
et
36 ancêtres de Normandie ou du Midi, mais aussi quelques Allemands et
625
rmandie ou du Midi, mais aussi quelques Allemands
et
plusieurs Hollandais. Cela vous donne encore une fois une idée assez
626
Suisse romande. Vous avez consacré de nombreuses
et
passionnantes pages à l’amour. Qu’est-ce que l’amour pour vous ? L’am
627
ur moi c’est plus spécialement mon livre L’Amour
et
l’Occident . L’amour au sens de l’amour-passion que j’ai décrit dans
628
t dans ma vie. L’opposition entre l’amour-passion
et
le mariage est au fond le sujet même de ce livre. J’ai été entraîné à
629
n numéro de la revue Esprit consacré à la femme
et
l’amour aujourd’hui, et qui portait comme titre : « La femme est auss
630
prit consacré à la femme et l’amour aujourd’hui,
et
qui portait comme titre : « La femme est aussi une personne ». Cela s
631
est aussi une personne ». Cela se passait en 1936
et
Mounier s’était montré un précurseur. Il m’avait demandé une étude su
632
éclatante entre l’amour dans le mythe de Tristan
et
l’amour dans le mariagead. Daniel-Rops, qui dirigeait la collection P
633
livre en deux volets opposant le mythe de Tristan
et
l’amour dans le mariage. Et nous avons pris date. Je devais lui donne
634
t le mythe de Tristan et l’amour dans le mariage.
Et
nous avons pris date. Je devais lui donner mon livre en février 1938.
635
livre en février 1938. Le mois de février arriva
et
je n’avais pas écrit une ligne. Je reçus une lettre recommandée de Da
636
n essai d’une grande actualité intitulé La France
et
son armée, et dont l’auteur est un jeune lieutenant-colonel qui s’app
637
grande actualité intitulé La France et son armée,
et
dont l’auteur est un jeune lieutenant-colonel qui s’appelle Charles d
638
tour, je me suis mis instantanément à mon livre,
et
j’ai terminé les 450 pages en trois mois. Comme je l’ai écrit dans la
639
st un livre qui m’a demandé trois mois de travail
et
toute la vie. J’étais devenu, hélas ! aux yeux de beaucoup de gens da
640
s me disaient : « C’est vous l’auteur de L’Amour
et
l’Occident ? Je croyais que vous aviez une grande barbe blanche. » C
641
ie de ces gens qui m’avaient fait des confidences
et
je me suis aperçu que généralement ils étaient près de divorcer avant
642
e Tristan que je m’élevais, surtout dans L’Amour
et
l’Occident , et non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de
643
m’élevais, surtout dans L’Amour et l’Occident ,
et
non pas contre le mythe. Cela n’aurait pas de sens de dire que l’on e
644
eigner aux enfants, par tous les moyens possibles
et
qui mène au mariage solide, fait pour durer sinon toute la vie, du mo
645
ines. Ces sacrifices on les fait très joyeusement
et
consciemment parce que l’on sait que c’est la condition de réussite d
646
e créateur d’une œuvre, ne fût-ce que de soi-même
et
surtout de son couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus belle. Et l
647
couple. Je pense que c’est l’œuvre la plus belle.
Et
la passion ? La passion, je ne l’exclus pas, mais je pense qu’elle do
648
passé la frontière avec Robert Schuman en voiture
et
avec le photographe Pedrazini qui faisait un reportage sur Robert Sch
649
faisait un reportage sur Robert Schuman chez moi
et
au Centre européen de la culture à Genève. Arrivé à la frontière, le
650
!… passez… » Le fait d’être obligé de passer une
et
souvent plusieurs fois par jour la frontière est bien fait pour entre
651
repoussaient le cordon douanier derrière le Jura
et
faisaient de l’ensemble du pays de Gex, Savoie et Genève, de nouveau
652
et faisaient de l’ensemble du pays de Gex, Savoie
et
Genève, de nouveau une région naturelle comme la géographie l’avait d
653
er à la frontière politique sa ligne de douaniers
et
il en a résulté que dans la région que j’habite, qui est prétendument
654
on dans le ciel accompagnée d’une grande euphorie
et
d’un grand bonheur. Et votre définition de la mort ? Si un homme pouv
655
gnée d’une grande euphorie et d’un grand bonheur.
Et
votre définition de la mort ? Si un homme pouvait penser complètement
656
uand on est mort, ni que l’âme sort par la bouche
et
va voleter on ne sait pas très bien où. Je me dis que l’éternité, l’i
657
qui englobe le temps, qui le pénètre complètement
et
que nous y sommes déjà maintenant. Plutôt que de me demander ce que c
658
oins bien, elle peut dire qu’elle a réussi sa vie
et
après cela on ne peut rien lui demander de plus. Et Dieu ? Je publier
659
après cela on ne peut rien lui demander de plus.
Et
Dieu ? Je publierai peut-être un livre qui aura comme titre « Dieu »,
660
croire en Dieu est bien, ne pas y croire est mal,
et
vice versa. Pour être complètement sincère, j’éprouve autant de diffi
661
ifficultés à ne pas croire en Dieu qu’à y croire,
et
ce n’est pas peu dire. Cela veut peut-être dire que le problème est m
662
ab. Rougemont Denis de, « [Entretien] L’amour
et
l’Europe en expert », Les Nouvelles littéraires, Paris, 24 décembre 1
663
velles littéraires, Paris, 24 décembre 1970, p. 1
et
10. ac. Propos recueillis par Pierre Lhoste, et précédés du chapeau
664
et 10. ac. Propos recueillis par Pierre Lhoste,
et
précédés du chapeau suivant : « On sait quel ardent Européen est Deni
665
contre le mariage », est paru en septembre 1938,
et
non en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour et l’Occident date
666
non en 1936. ae. La deuxième édition de L’Amour
et
l’Occident date en fait de 1956.
667
résister d’une part à la colonisation idéologique
et
militaire par les Russes — je songe aux pays de l’Est européen — d’au
668
d’autre part à la colonisation de notre économie
et
de nos coutumes sociales par les Américains. Mais l’Europe ne pourra
669
liste, respectueuse des diversités de tous ordres
et
des autonomies régionales. Une Europe unifiée et uniformisée, deux ho
670
et des autonomies régionales. Une Europe unifiée
et
uniformisée, deux hommes ont essayé de la faire : Napoléon et Hitler.
671
ée, deux hommes ont essayé de la faire : Napoléon
et
Hitler. Dans les deux cas, l’expérience séculaire ou millénaire qu’il
672
est l’État national de type xixe siècle, jacobin
et
napoléonien, copié par plus de cent pays dans le monde entier, l’État
673
oire, depuis plusieurs générations de bons élèves
et
de maîtres eux-mêmes trop crédules, que l’État national centralisé et
674
mes trop crédules, que l’État national centralisé
et
absolument souverain est l’aboutissement nécessaire, inévitable et na
675
verain est l’aboutissement nécessaire, inévitable
et
naturel de toute l’évolution humaine. L’école, surtout secondaire, ap
676
rs qu’en vérité, pour la plupart, en tant qu’État
et
en moyenne, nos nations n’ont même pas cent ans d’âge. Seules la Fran
677
as cent ans d’âge. Seules la France, l’Angleterre
et
l’Espagne comptent plusieurs siècles. Même si l’on peut admettre qu’u
678
gne cinquante-trois, la jeune Islande vingt-sept,
et
Malte, dix. L’école nous a raconté que chacun de nos États-nations co
679
e, à un ensemble à la fois économique, historique
et
géographique défini par des frontières naturelles. Et nous l’avons cr
680
éographique défini par des frontières naturelles.
Et
nous l’avons cru ! Or tout est faux dans cet enseignement. Il n’y a
681
nies d’étudiants venus d’une même région d’Europe
et
parlant entre eux la même langue : nation anglaise, nation flamande,
682
l’intérieur de ses frontières actuelles ; breton
et
flamand au nord, allemand à l’est, basque, occitan, catalan et italie
683
nord, allemand à l’est, basque, occitan, catalan
et
italien au sud, et naturellement le français, imposé comme seule lang
684
’est, basque, occitan, catalan et italien au sud,
et
naturellement le français, imposé comme seule langue officielle dès 1
685
endait revendiquer la Wallonie, la Suisse romande
et
le Val d’Aoste au nom de l’unité linguistique, elle devrait s’amputer
686
e, de la Slovénie, de la Pologne, des pays baltes
et
de la Volga. On m’objecte souvent que nos langues sont trop différent
687
que nous puissions nous entendre entre Stockholm
et
Athènes, Édimbourg et Sofia, Varsovie et Madrid. C’est oublier que to
688
us entendre entre Stockholm et Athènes, Édimbourg
et
Sofia, Varsovie et Madrid. C’est oublier que toutes (sauf le basque e
689
tockholm et Athènes, Édimbourg et Sofia, Varsovie
et
Madrid. C’est oublier que toutes (sauf le basque et le finno-ougrien)
690
Madrid. C’est oublier que toutes (sauf le basque
et
le finno-ougrien) sont étroitement apparentées. Alors qu’en Chine on
691
peine dans leurs langues non seulement les formes
et
les mots dérivés de leur commune origine indo-européenne, mais encore
692
tions philosophiques grecques, notions juridiques
et
militaires romaines, notions théologiques diffusées par l’Église du M
693
par l’Église du Moyen Âge, notions scientifiques
et
techniques aujourd’hui, à quoi viennent se superposer les influences
694
au xviiie siècle, de l’allemand des philosophes
et
des savants au xixe , et de l’anglo-américain de nos jours. Le mot «
695
allemand des philosophes et des savants au xixe ,
et
de l’anglo-américain de nos jours. Le mot « évêque », par exemple, vé
696
va de même des termes militaires comme « canon »,
et
de tous les termes techniques. Vues de loin, de l’Asie ou de l’Afriqu
697
sous Louis XIV, dans les guerres contre l’Espagne
et
les Allemagnes au-delà du Rhin ; elle a été mise en forme par la Révo
698
a été mise en forme par la Révolution française,
et
elle a triomphé dans l’enseignement de la géographie au xixe , là enc
699
chaîne les mêmes Catalans sur les deux versants,
et
les mêmes Basques à l’ouest. Quant aux Alpes, chacun peut vérifier qu
700
des deux côtés à la hauteur des vallées vaudoises
et
du Val d’Aoste, plus loin l’allemand, puis le ladin, puis de nouveau
701
s de nouveau l’allemand, toujours des deux côtés.
Et
la Suisse est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité et les vr
702
est née du Gothard, au cœur des Alpes. L’unité
et
les vraies diversités La vérité qu’on nous cachait, c’est que la c
703
nfluences indo-européennes, gréco-latines, celtes
et
germaniques, arabes et slaves, souvent incompatibles entre elles — de
704
nes, gréco-latines, celtes et germaniques, arabes
et
slaves, souvent incompatibles entre elles — de là le caractère essent
705
ais qui nous ont tous affectés à doses variables,
et
qui ont éduqué notre vision du réel, que nous le sachions ou non, que
706
cture, de musique, de philosophie, de littérature
et
de doctrine sociologique ou politique, ont été paneuropéennes, et non
707
ociologique ou politique, ont été paneuropéennes,
et
non pas nationales. Les grands courants européens, les grandes écoles
708
ands courants européens, les grandes écoles d’art
et
de pensée : c’est l’unité de notre culture commune. Mais qu’en est-il
709
Mais qu’en est-il de nos diversités tant vantées,
et
à juste titre ? Est-il vrai, comme le disent trop souvent d’éloquents
710
mais été « naturelles ». Elles sont accidentelles
et
arbitraires comme les conflits armés dont elles figurent sur nos atla
711
arrêter — tempêtes, épidémies, pollution de l’air
et
de l’eau — mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir et vexe t
712
mais gêne les échanges qu’il faudrait promouvoir
et
vexe tout le monde ; beau symbole de la souveraineté stato-nationale,
713
rope comme un puzzle de nations en teintes pâles,
et
la culture de l’Europe comme une addition de prétendues « cultures na
714
encore ils faussaient notre vision de l’histoire
et
le sens même de la vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord e
715
vie de l’esprit. 1° Chacun de nos pays a un nord
et
un midi : dans chacun vous trouverez des croyants et des incroyants,
716
un midi : dans chacun vous trouverez des croyants
et
des incroyants, des hommes de gauche et des hommes de droite, des rom
717
croyants et des incroyants, des hommes de gauche
et
des hommes de droite, des romantiques et des classiques, des progress
718
e gauche et des hommes de droite, des romantiques
et
des classiques, des progressistes et des conservateurs. Or, je mets e
719
romantiques et des classiques, des progressistes
et
des conservateurs. Or, je mets en fait que dans la plupart des cas, l
720
éraux de pays différents se ressemblent davantage
et
s’entendront mieux entre eux qu’ils ne s’entendent avec les fanatique
721
tion culturelle en Europe est d’autant plus riche
et
plus intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plu
722
che et plus intense qu’elle est moins centralisée
et
que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers de créati
723
u Nord de l’Italie, des Flandres, de la Bourgogne
et
de la Rhénanie, du Languedoc et de la Castille. On sait le rôle merve
724
, de la Bourgogne et de la Rhénanie, du Languedoc
et
de la Castille. On sait le rôle merveilleusement fécondant de petites
725
s continentaux, qui établissent une unité vivante
et
dynamique et des foyers locaux de création qui sans cesse remettent e
726
x, qui établissent une unité vivante et dynamique
et
des foyers locaux de création qui sans cesse remettent en question et
727
de création qui sans cesse remettent en question
et
renouvellent les données communes. Or dans ce jeu entre les grands co
728
ommunes. Or dans ce jeu entre les grands courants
et
les foyers locaux, entre l’unité et la diversité, l’échelon national
729
ands courants et les foyers locaux, entre l’unité
et
la diversité, l’échelon national ne joue aucun rôle, est simplement o
730
régions rendra justice à ses fécondes diversités,
et
l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture